; / \ * s 1NSTITUT IV ETUDES SLAVES DE L'UNIVERSITE DE PARIS I COLLECTION HISTORIQUE. — VI MELITTA PIVEC-STELE BIBLIOTHEGAIUE A LA B I B L 1 O T II E Q U E d’eTAT, D E LJUBLJANA LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES ( 1809 - 1813 ) SU1VIE d’l’NE BIBLIOCrR A.PHIE CRITIQUE « Le pays le plus malheureux de la terre » (Catinkau-La Rociie, 1812.) EDITIONS B 0 S S A R D 160 , BOULEVARD SAINT-GERMAIN, it,o PARIS ig3o LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES ( 1809 - 1813 ) INSTITUT D'ETUDES SLAVES DE L’UNIVERSITE DE PARIS COLLECTION H1ST0RIQUE. — VI MELITTA PIVEC-STELE BIDLIOTH^CAIRE a LA UIBLIOTIIEQUE d’etat DE LJUBLJANA LA VIE ECONOMIQUE DES i PROVINCES ILLYRIENNES ( 1809 - 1813 ) suivi d’une BIBLIOGRAPHIE CRITIQUE « Le pays le plus malheureux de la terre » (Catineao-La Roche, 11 ) 12 .) EDITIONS B 0 S S A 111) i/io, HOULEVA HD SAINT-GEIIMA1N, i/,o PARIS \ r r >> t 086 ) Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction reserves pour tous pays. A MESSIEURS LOUIS El SEN MANN HENRI HAUSER CHARLES SCHMIDT En tdmolgnage de reconnaissance. -• r * ■ AY ANT-PRO POS. En 1922, venant a Paris, j’avais 1’intention d’etudier, dans les archives frangaises, l’histoire economique de l’lllyrie, et cela en vue de contribuer a l’histoire de ma patrie, puisque le territoire de la Yougoslavie actuelle correspond en bonne partie a celui de l’lllyrie napoleonienne et que, particulierement, la Slovenie, mon pays, en etait le centre. Mais c’est M. Hauser qui m’a donne l’idee de tirer une these de cette etude. En outre, je dois a M. Eisenmann et a son appui aupres de l’lnstitut d’Etudes slaves la possibilite de publier mon travail, en meme temps qu’a M. Schmidt, alors aux Archives nationales, des conseils precieux pour son elaboration. C’est mon devoir de leur exprimer ici, a t.ous trois, ma profonde reconnaissance. Je dois de meme mes remerciments au Ministere de 1’Instruc¬ tion publique de France et au Comite catholique des amities frangaises a l’etranger, dont les secours m’ont rendu possibles deux sejours en France; je remercie egalement le Ministere de 1’Instruction publique de Belgrade, ainsi que les conservateurs de notre Bibliotheque d’Etat de Ljubljana, MM. Zigon et Slebinger, pour m’avoir accorde le conge necessaire, notre ban, M. Sernec, pour m’avoir accorde une subvention pour les frais d’impression, M me Juvancic, pour avoir corrige mon travail au point de vue de la langue, et M. Lucien Tesniere, professeur a l’Universite de Strasbourg, pour la surveillance qu’il a bien voulu exercer sur l’execution typographique du volume. Je serais heureuse d’avoir pu, sous le rapport economique, re- construire le tableau de cette epoque agitee de l’lllyrie qui fait partie a la fois de l’histoire de la France et de 1’histoire de mon pays. Ljubljana, juin 1929. Pivec-Stelfe 1 AVERTISSEMENT : BIBLIOGRAPHIE ET TRANSCRIPTIONS. Les sources relatives a l’histoire economique de Tlllyrie etant assez nombreuses et les materiaux inedits se trouvant disperses dans diverses archives, en France, en Autriche, en Yougoslavie et en Italie —les trois derniers Etats qui se partagent aujourd’hui le territoire de Tlllyrie napoleonienne —, il m’a fallu faire de la bibliographic une etude & part x . Je me bornerai done a indiquer ici le mode de citation. Toutes les autres indications tant sur les imprimes que sur les documents d’archives figurent dans la biblio¬ graphic critique annexee a ce travail. Pour les sources imprimees, je cite le nom de l’auteur et le titre abrege. L’abreviation TO designe le Telegraphe Officiel, LZ la Laibacher Zeitung. Pour les archives, voici les abreviations employees : AN Archives rationales. ^ AE Archives des Affaires etrangeres. r a Paris. AIIG Archives historiques de la Guerre. / BMCH Bibliotheque municipale de Chatillon-sur-Seine. AEV Haus- Hof- und Staatsarchiv (Archives de Cour \ et d’Etat). ACHV IIof-Kammer-Archiv (Archives de la Chambre j aulique) .. ... AIV Archiv des Ministeriums des Innern (Archives , e lenne ' du ministere de Nnterieur).I AFV Archiv des Finanz Ministeriums (Archives du mi- i nistere des Finances). AGV Kriegsarchiv (Archives de la Guerre). j AGG Landesregierungsarchiv (Archives gouvernementales) de Graz. APT Defcelni arhiv (Archives provinciales). , AML Mestni arhiv (Archives municipales) . j AGL Vladni arhiv (Archives gouvernementales). I AFL Registratura finandne delegacije (Archives de la de Ljubljana. Section du ministere des Finances).V ATL Arhiv dezelnega sodisca (Archives du Tribunal | provincial)./ 1 Voir l’annexe de ce travail : Sources de VHistoire economique des Provinces Illyriennes. AVERTISSEMENT 3 AMK Gradski arkiv (Archives municipales) de Karlovac. AEZ Drzavni arkiv (Archives d’Etat) de Zagreb. Les decrets et arretes imprimes sont cites d’apres le Bulletin des lois et le Telegraphe Officiel ; les autres, d’apres les archives. Comme ils ne sont reunis nulle part, j’en donne un tableau chro- nologique. II est necessaire de dire quelques mots du systeme adopte pour les noms propres de lieux et de personnes. L’administration frangaise de l’lllyrie a presque toujours em¬ ploye les formes allemandes ou italiennes des noms geographiques illyriens, auxquelles s’ajoutaicnt les formes turques pour les pays plus voisins del’Orient. Ces formes ont naturellement ete conservees dans les citations, mais, dans le texte courant, j’ai prefere em¬ ployer les formes originales, soit croates, soit Slovenes, ce qui facilite aussi l’identification de lieux qui ont ete, pour ainsi dire, decouverts a nouveau apres la guerre. Le tableau de concordance annexe k la fin de mon etude contient les noms des principales villes, rivieres, etc. Quant a la transcription de ces memes noms, je me conforme au procede du rcgrette Cvijic (voir La Peninsule balkanique, p. V) : j’en ai done conserve la forme originale. Je dois des remerciments a M. Rus, geographe, qui m’a aidee a l’identification des noms geographiques, parfois assez mecon- naissables. Les memes regies sont appliquees aux noms de personnes, que l’on transcrivait a l’epoque sous une forme allemande ou italienne. Un index reunit les noms de tous les personnages mentionnes au cours du travail. INTRODUCTION. Lumbroso constate, dans sa bibliographie du blocus continental, le manque de travaux speciaux ; Darmstadter etudie la tendance generale de la politique economique de Napoleon et son appli¬ cation en Italie, et attend d’autres travaux speciaux ; Dunan ecrit dans sa bibliographie qu’il n’est pas encore possible de donner un apergu general de l’entreprise gigantesque du blocus continental, ses applications et ses effets n’etant pas encore suffisamment connus. Mon travail a pour objet l’etude des effets du systeme conti¬ nental en Illyrie, car la revue des ouvrages qui traitent, soit du blocus, soit de T Illyrie, m’a demontre que cette etude n’a pas encore ete faite a fond, quoiqu’elle ait ete plusieurs fois effleuree et esquissee dans ses grandes lignes. Ce travail, tout naturellement, ne se borne pas a l’etude exclu¬ sive du blocus ; mais il veut ofl'rir aussi une vue generale de la vie economique de T Illyrie napoleonienne. II esquisse le milieu physique et politique de ces provinces si diverses, cherche les motifs de la creation de TIllyrie, s’occupe de Tadministration en tant que le necessite la grande influence exercee par les mesures du gouvernement sur la vie economique : dans cette partie, il s’appuie partiellement sur des travaux deja existants. Il traite des diverses branches de la vie economique, de la si¬ tuation de l’agriculture, des forets, des mines, de l’industrie, des routes, du commerce, de la navigation, — touche aux finances dans la mesure necessaire pour illustrer la situation des habitants —, observe les consequences de la situation economique sur l’es- prit public et mentionne la question nationale qui commence a se poser. Pour ce qui est de l’opinion publique et de 1’influence nationale, j’ai pu, la aussi, utiliser quelques etudes speciales, mais en marquant plus fortement qu’on ne l’avait fait jusqu’ici le lien entre la situation economique et l’etat de l’opinion publique. Mais, pour plusieurs chapitres, qui sont le coeur de mon travail, INTRODUCTION 5 j’ai du m’appuyer sur les archives, soit exclusivement, soit dans une tres large mesure. J’ai essaye de ne pas surcharger mon travail de details qui ris- queraient d’obscurcir les idees principales. C’est pourquoi j’ai laisse de cote maint detail interessant. Comme limites de temps, j’ai pris les annees 1.809 et 1813, quoique, de droit, l’lllyrie ne soit rentree dans l’empire d’Autriche qu’en 1815 : c’est qu’en fait la barriere douaniere est tombee en 1813, lors de la reoccupation par les Autrichiens. Volontairement, j’ai neglige l’etude de l’influence des Provinces Illyriennes sur la vie economique d’au.tres Etats. Si la tentative de tracer le tableau de la vie economique d’un pays qui a ete brusquement retranche d’une unite seculaire et n’a eu que quatre annees d’existence peut paraitre d’une hardiesse temeraire, il ne faut pas oublier que c’est precisement le fait de cet isolement rigoureux qui facilite la tftclie entreprise. CHAPITRE PREMIER. I. LA CREATION ET L’ORGANISATION DES PROVINCES ILLYRIENNES. I. Le milieu physique et politique. Le 14 octobre 1809, a la paix de Vienne, 1’Autriche cedait a Napoleon la Carniole, la Haute Carinthie ou le cercle de Beljak, le territoire de Gorica, la ville de Trieste, l’lstrie autrichienne ou le canton de Pazin, la Croatie civile entre la Save et 1’Adriatique, la ville de Rijeka, et 6 des regiments des confins militaires creates, ceux d’Ogulin, Otocac, Gospic, Slunj, Glina, Petrinja ; — bref, toutes ses provinces maritimes. Ce territoire, agrandi de 2 cantons du Tyrol, alors bavarois, ceux de Lienz et Sillian, — • de l’lstrie ex-venitienne, alors ita- lienne, — des provinces de Dalmatic, Dubrovnik et Kotor, frangaises depuis 1806, ■—■ ainsi que des lies appartenant a la Dalmatie et a l’lstrie, dont les principals sont Krk, Cres, Rab, Losinj, Pag, Brae, Hvar, Vis, Korcula, Mljet, forma les Pro¬ vinces Illyriennes ou Provinces d’lllyrie. La Carniole en devint le centre, et Ljubljana la capitale. Les frontieres du nouvel Etat etaient 1 : A l’Ouest : l’ancienne frontiere entre Gorica et la Carinthie d’une part et l’ltalie de l’autre (avec quelques changements en faveur de l’ltalie), e’est-a-dire : le cours de la Soca et le sommet des Alpes Juliennes et des Alpes Carniques ; la ligne de separation 1 Voir carte I. Cette carte, comme toutes les cartes existantes, montre les fron- tieres primitives (exterieures et interieures) des provinces sans se preoccuper des corrections, d’ailleurs assez peu importantes, qui ne se firent que plus tard et a diverses epoques : demarcation de la frontiere italienne, le 20 novembre 1810 (AHG, Reconnaissances 1384, 66, 67) et le 13 aout 1811 (AE, Autriche, 55) ; de la frontiere bavaroise, le 11 aout 1811 (AE, Autriche , 55) ; du Thalweg de la Save, le 15 janvier 1810 (AHG, Reconnaissances 1597, 30-33) ; de la frontiere entre la Styrie, le cercle de Celovec (Klagenfurt) et la Carniole, lel9 fevrier 1810 (AHG, Reconnaissances 1598, 4-12). Pour la frontiere d’ltalie, voir aussi J. Rus, Napoleon ob Soii (Napoleon a la Soca), pp. 29-35. CREATION ET ORGANISATION DES PROVINCES ILLYRIENNES 7 entre les cantons de Lienz, de Sillian et le Tyrol, ou la Crete des montagnes qui separent les eaux de la Drave de celles de la Rienz ; Au Nord : l’ancienne frontiere entre la Carinthie et le pays de Salzbourg, soit la Crete des Hautes Tauern ; la ligne entre la Haute et la Basse-Carinthie ; l’ancienne frontiere entre la Basse-Carinthie et la Carniole, c’est-a-dire la Crete des Caravanques ; l’ancienne frontiere entre la Styrie et la Carniole (avec incorporation de Motnik), et la Save jusqu’a rembouchure de l’Una ; A l’Est : l’Una, la frontiere des confins militaires et celle qui separait les provinces de Dalmatie, Dubrovnik et Kotor, soit la Dinara, de la Bosnie, alors turque ; Au Sud : la mer Adriatique, de Budva a Gradez. Un simple coup d’ceil sur la carte montre que ce territoire est d’une longueur excessive pour sa tres faible largeur. Une carte physique montre, en outre, une grande diversite de relief. En Ca¬ rinthie et en Carniole, les chaines des Alpes s’elevent jusqu’a 3.000 metres ; en Istrie, comme en Carniole, en Croatie, en Dal¬ matie, a Dubrovnik et a Kotor, s’etend le Kras, de hauteur generalement moindre, mais encore importante (jusqu’a 2.000 metres) : Cicarija, Kras interieur, Velika Kapela, Mala Kapela, Pljesevica, Velebit, Dinara. La Drave et la Save tracent de grands sillons longitudinaux de l’Ouest a l’Est ; la Soca, les affluents de la rive droite de la Save (Ljubljanica, Krka, Kupa, Una) et les petites rivieres de la Dalmatie (Zrmanja, Krka, Cetina, Neretva) marquent de courtes lignes transversales du Nord au Sud. Des plaines de quelque etendue n’ont pu se former que dans la partie septentrionale de la Croatie. La diversite regionale est grande suivant le climat (conti¬ nental au Nord et dans l’interieur, oceanique au Sud et sur le littoral) et suivant les ressources principales des provinces. La richesse de la Carinthie est faite des mines, dps forets, de l’elevage ; celle de la Carniole, des mines, de l’agriculture, de la vigne, de l’apiculture ; a Gorica, ce sont les fruits du Sud et la soie ; dans la Croatie civile, l’agriculture, l’elevage et les forets ; dans la Croatie militaire, les forets ; dans 1’Istrie, en Dalmatie et a Dubrovnik, l’huile, la vigne, la peche. L’industrie etait repre¬ sentee par quelques usines, plus rares dans l’Est que dans l’Ouest de l’lllyrie. Mais le double nerf de l’existence de toutes les pro¬ vinces etait le commerce de transit et la navigation 1 . L’lllyrie 1 H. G. Hoff, Historisch-statistisch-topographisches Gemalde vom Herzogthume Krain..., I, pp . 19-23. B. Hacquet, Abbildung und Beschreibung der siidwestlichen und ostlichen Wenden, Illyrier und Slaven, P p. 31-32, 41-42, 67, 83,134. 8 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES etait un pays agricole, puisque la plupart de ses habitants s’occu- paient d’agriculture; neanmoins elle restait passive, nese suffisant pas a elle-meme. Retranchee d’une unite seculaire, elle neformait pas, du inoins pour le moment, un tout economique. Des details se presenteront a nous au cours des divers chapitres. Ce qui a ete dit suhit pour donner une idee des conditions de vie tres divergentes de ces provinces. C’est pourquoi, en Illyrie plus qu’ailleurs, il est necessaire de considerer les diverses regions separement. Dans l’examen de la situation economique, il nous faudra souvent suivre cette methode. La cession de ces provinces a Napoleon donna naissance a plusieurs statistiques des Provinces Illyriennes. Marmont, destine a en devenir le premier gouverneur general, demanda aussitot des renseignements au comte Philippe Cobenzl, qui etait originaire de Carniole. Celui-ci lui envoya un petit memoire 1 , s’excusant de n’en savoir pas davantage. L’Autriche fit faire une statistique de ses provinces cedees, et Bergk publia des donnees statistiques dans ses Betrachtungen 2 . Un fonctionnaire franQais, l’auditeur de Ilautefort, composa, tres en detail, un Essai de statistique sur les Provinces Illyriennes 3 , mais qui se ressent d’avoir ete fait sans connaissance des lieux, par simple compilation de documents im- primes. Plus tard, Demiani et Woltersdorf publiaient leurs ou- vrages statistiques sur 1’Illyrie 4 , mais le travail de Woltersdorf a le meme defaut que celui de d’liautefort. Enfin Toussaint, commissaire general de police en Illyrie, composa un petit Expose statistique sur la Carniole 5 , et A. Gallien, a Zadar, un Memoire sur la Dalmatic 6 . D’apres ces statistiques, la superlicie totale de 1’Illyrie etait de 54.998 km., dont un tiers etait forme par des terres incultes, et la population de ce territoire comptait un peu plus d’un million et demi d’habitants, de nationality assez diverses : Slovenes en Carinthie, Carniole, Gorica, Istrie ; Allemands en Carinthie et en Carniole ; Italiens en Gorica, Istrie, Dalmatie ; Croates en Istrie, Dalmatie, Dubrovnik et dans les deux Croaties. 1 BMCII. 2 AEV, Illyrien, Yaria, 1767, 1795-1814. Statistische Uebersicht der zu Illyrien gehorigen Provinzen ; [J. A. Bergk], Betrachtungen iiber den Frieden zu Wien, Wien, [1810], pp. 42-58. 3 AE, Autriche, 50, 43. 4 J. A. Demiani, Statistische Darstellung der Illyrischen Provinzen. I. Theil, Die illyrisehe Militar-Provinz, Tubingen, 1810 ; [E. G. Woltersdorf], Die Illyrischen Provinzen und ihre Eimvohner, Wien, 1812. 5 M. Pivec, Opis Kranjske iz l. 1811 (Statistique de la Carniole en 1811). 6 Idem, Spomenica o gospodarskem polozaju ilirske Dalmacije (Memoire sur la situation economique de la Dalmatie illyrienne). CREATION ET ORGANISATION DES PROVINCES ILLYRIENNES 9 A cette epoque, on ne peat pas s’attendre a trouver une statis- tique des dilferentes nationalites ; mais il en existe une des con¬ fessions, datee du 20 mars 1813 1 , avec les chillres suivants : ca- tholiques 1.312.955, grecs (orthodoxes)' 224.418, lutheriens 15.785, reformes 206, juifs 2.736 ; en tout 1.556.000 personnes re- censees. Comme dans ces pays la nationalite coincide habituelle- ment avec la confession, on peut admettre que catholique signifie Slovene, Croate et Italien ; lutherien ,et reforme : Allemand ; orthodoxe : Grec et Serbe 2 . La majorite de la population etait composee de Slovenes et de Croates, la minorite d’Allemands - et d’ Italiens. Certes, nous ne sommes pas en 1848, au temps des nations re- veillees et de leurs revendications ; mais deja, en Illyrie, la diffe¬ rence des langues se faisait sentir peniblement dans l’administra- tion, le reveil national commengait, et le pays etait bien loin d’avoir une unite nationale. La constitution et l’administration de ces provinces etaient egalement assez variees ; les unes, Carinthie, Carniole, Istrie au- trichienne, avaient le systeme autrichien ; d’autres, la Croatie civile et Rijeka, celui de la Hongrie ; dans 1’Istrie ex-venitienne, c’etait celui de l’ltalie ; en Dalmatie et a Dubrovnik, celui de la France ; la Croatie militaire, enfin, se trouvait sous l’adminis- tration militaire. L’Illyrie ne formait done pas non plus une unite politique. Le nom d’Illyrie lui-meme 3 etait une reminiscence historique : il rappelait les Illvriens de l’antiquite, premiers habitants de ces provinces, et faisait ressortir l’identite du territoire. Il creait une unite factice. On essaya aussi d’en tirer un effet politique, de faire de F Illyrie un centre d’attraction pour tous les Slaves meri- dionaux. Sans unite geographique, economique, politique ou nationale, ces Provinces Illyriennes etaient un vrai conglomerat incoherent, cree uniquement par la volonte de Napoleon. 1 AN, Fie 61, n° 5. 2 Les Serbes se trouvaient surtout dans les regiments des confins, pour lesquels cependant j’emploie le nom usite et connu de regiments croates. 3 Le nom d’lllyrio peut avoir plusieurs significations. Ici, nous le prenons tou- jours dans le sens d’lllyrie napoleonienne. A celle-ci succeda l’lllyrie autrichienne ou royaume d’lllyrie. Aux AEV l’expression « affaires illyriennes » designe les affaires de l’Fglise greoque (ortliodoxe). Les Acta illyrica, aux AEZ, sont les pieces relatives & l’lllyrie autrichienne. Dans des ouvrages frangais, j’ai trouve, une fois, l’lllyrie napoleonienne identified avec la Dalmatie (la partie pour le tout) ; une autre fois, elle etait confondue avec la Serbie (contree qui lui est tout k fait etrangere). Et meme, des ouvrages indigenes assez recents ont donne aux Provinces Illyriennes le nom de royaume, titre de l’lllyrie autrichienne. 10 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES 2. Motifs de la creation de l'Illyrie. Pourquoi Napoleon a-t-il cree 1’Illyrie, cet Etat qui, sans lui, n’aurait jamais existe ? D’autres de ses conquetes etaient des Etats deja existants, dont il ne changeait que la constitution, l’administration, la dynastie; mais 1’Illyrie, si elle a eu des suc- cesseurs, n’a pas eu de predecesseurs. Las Cases est seul a dire 1 que, en creant 1’Illyrie, Napoleon n’avait pas de but precis, et ne la voulait que pour l’echanger contre la Galicie. Neanmoins, son temoignage est suspect, car il se peut qu’il n’y ait la qu’une inter¬ pretation post festum, comme il y en a plusieurs dans le Memorial de Sainte-Helene. Les temoins contemporains, au contraire, attri- buent a cette creation de Napoleon deux objets bien definis, Fun militaire, l’autre economique. Dans les negociations de paix d’Altenburg, le but immediat de Napoleon etait d’afiaiblir l’Autriche en lui enlevant des territoires, dont Fetendue et la population varient d’abord fortement dans ses instructions ; puis il precise et demande les provinces maritimes autrichiennes. Le 22 septembre 1809, il mande de Schonbrunn a Champagny 2 que le principe fondamental — qui est le seul et unique interet de la France — est le contact direct de la Dalmatie avec les Etats d’ltalie. Il lui faut F Illyrie 3 pour se faire un che- min d’ltalie en Dalmatie, qui conduise les armees frangaises en Orient. La premiere idee de Napoleon aurait done ete de faire la guerre contre la Turquie, et e’est pourquoi il avait, des 1806, annexe la Dalmatie, — mais il ne donna aucune suite a cette idee, et, bien au contraire, e’est precisement a cette epoque qu’il l’elimine de ses plans. Pourtant, F Illyrie gardait, dans un autre sens, son importance strategique. Par sa position avancee, elle avait & couvrir l’ltalie et la France, et a monter la garde aux portes de Vienne 4 . Ce role, Napoleon ne le perd pas de vue. Le 14 aout 1810, il envoie a Clarke 5 , pour la communiquer a Marmont, 1 Las Cases, Memorial de Sainte Helene, I, pp. 156-157 (20 juillet 1816) ; R. Maixner, Ch. Nodier i Ilirija (Ch. Nodier et l’lllyrie), p. 3; Ii. Vosnjak, Ustaoa in uprava ilirskih deiel (Constitution et administration des Provinces lllyriennes), p. 269 ; A. Dimitz, Geschichte Krains..., IV, p. 304. 2 Correspondance, XIX, 15835. 8 E. Bourgeois, Manuel historique..., II, p. 429 ; A. Fournier, Napoleon I, IL pp. 304-305. 1 E. Denis, VAllemagne anti-napoleonienne, VAutriche et la Prusse.., p. 592. 5 Correspondance, XXI, 16792. CREATION ET ORGANISATION DES PROVINCES ILLYRIENNES 11 une note sur le role de l’lllyrie dans une guerre contre l’Au- triche. Le « margraviat » de Marmont, la premiere organisation provisoire, de caractere surtout militaire, et les plans de forti¬ fications de Trieste, Pula, Ljubljana sont en relation avec ce role militaire. Mais ces plans furent abandonnes, pour des motifs divers,, entre autres la trop grande depense. L’organisation definitive donna, de fait, plus d’influence a l’intendant general des finances qu’au gouverneur general. L’objectif militaire s’elfaga, cedant le pas a l’objectif economique, dont l’importance s’accrut chaque jour. Ce second objectif, c’est l’execution du blocus continental. Des le 15 novembre 1806, Jules Bessiere, consul de France a Venise, avait ecrit au ministre des affaires etrangeres 1 que, tant que Trieste et Rijeka seraient autrichiens, les Anglais resteraient maitres d’interrompre le commerce de l’Adriatique. Le commerce de Venise reprendrait quelque activite avec la surete de cette mer. Depuis la reunion de Venise a l’ltalie, Trieste s’est empare du commerce venitien. L’acquisition dc Trieste est done indispen¬ sable. En incorporant la cote illyrienne apres tant d’autres, Napo¬ leon obtenait done un premier succes : il fermait au commerce anglais tous les ports de la cote orientale de l’Adriatique. fitre le maitre de la Mediterranee avait deja ete, en 1806, le « but prin¬ cipal et constant » de sa politique 2 . Faire de l’Adriatique un lac frangais, e’etait encore avancer d’un pas vers ce resultat. Un second succes etait d’acquerir un chemin par terre pour le commerce du Levant, avant tout pour l’importation du coton, necessaire a l’industrie frangaise. Tout cela completait le grand systeme. Tel etait le role destine a l’lllyrie par rapport a la France. Pour l’ltalie, elle devait etre non seulement une protectrice, mais quel¬ que pen aussi une gardienne 3 : les douanes illyriennes devaient se joindre aux douanes frangaises pour enserrer la Peninsule apennine, bloquee a l’Ouest et a l’Est. II est vrai qu’en 1810 Napoleon offrit Metternich les Pro¬ vinces Illyriennes contre une partie de la Galicie, et les raisons de l’echange envisage sont curieuses 4 . Napoleon fait ressortir l’impor- tance que ces provinces ont pour l’Autriche : elles olfrent au com¬ merce autrichien tous les debouches dont il manque alors. Metter- n o *J avr *Uvic, Ispisi iz pariskih arhiva (Extraits des archives parisiennes),. 3 ivr S', ^' ose > Napoleon and English Commerce, p. 711. J\I. Blanchard, Les routes des Alpes..., pp. 367-368. 109 li() lr . n ' er ’ Ntipoleon I, III, pp. 63,65-66 ; Metternich, Memoires..., I,. 12 LA VIE ECOiNOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES nich, au contraire, insiste sur le fait que l’lllyrie donne moins de revenus que la Galicie ; toutefois, vis-a-vis de son empereur,Fran¬ cois II, il reconnait, lui aussi, la superiority de la position des Pro¬ vinces Illyriennes. A la meme epoque, Napoleon ecrit: « Ces points- la sont des bouts de cheveux pour moi ; la Carniole meme n’a point de valeur ». Cependant c’est une fa§on de dire. Napoleon et Metternich s’accordent d’ailleurs sur un point : c’est que l’im- portance des Provinces Illyriennes est commerciale, non politique ou financiere. Le plan, alors, ne s’executa pas. En 1812, il reparut ; mais Napoleon aurait toujours mieux aime donner la Silesie que l’lllyrie. On ne peut done accorder a cette pensee d’echange que la valeur d’une idee passagere, mais point celle d’une idee directrice. En Illyrie, comme ailleurs, l’objectif militaire et l’objectif eco- nomique s’entremelaient etroitement. De leur convergence il y a un job exemple : le voyage de Tromelin en Turquie, en 1809 1 , ou cet officier note consciencieusement, a cote des renseignements militaires, les produits du pays, son industrie et ses routes com- merciales. Le second motif de Napoleon a moins ete mis en relief que le premier 2 . Peut-etre est-ce parce que nous n’avons garde aucun souvenir des paroles de Napoleon exprimant sa pensee aussi preciseinent pour cclui-la que pour celui-ci. Pourtant nous avons les mots si vifs du 7 septeinbre 1807 3 , marquant le besoin d’avoir Trieste dans ses mains, et de fermer au commerce anglais ce grand port adriatique, Pun des plus importants de 1’Europe. Nous avons le discours du 3 decembre 1809 4 , au corps legislatif, ou il annonce, en ces termes, l’annexion de 1’Illyrie : « Les Provinces Illyriennes portent sur la Save les frontieres de mon grand Empire. Contigu a 1’Empire de Constantinople, je me trouverai en situation natu- relle de surveiller les premiers interets de mon commerce dans la Mediterranee, l’Adriatique et le Levant ». L’argument de Rado Vucinic, delegue serbe aupres de Napoleon 5 , vantant l’utilite que le commerce serbe peut avoir pour 1’Illyrie — vu la facilite des communications entre les deux pays — montre qu’on savait bicn a quoi Napoleon destinait 1’Illyrie. On a encore, recemment, attribue a Napoleon un troisieme motif : il aurait voulu creer une sorte d’Etat national des Slaves 1 J. Tromelin, Itineraire d’un voyage..., pp. 355-380,16-124, passim. 2 Mollien, Memoires.., II, p. 397 ; B. Vosnjak, Ustava in uprava... (Constitu¬ tion et administration...), p. 114 ; J. P. Jovanovic, Napoleon i Jugosloveni (Na¬ poleon et les Yougoslaves), p. 122 ; B. Svetel, Napoleon in Slovenci (Napoleon et les Slovenes), a souligne le plus vigoureusement l’objectif economique. 3 L. Lecestre, Lettres in&dites..., I, p. 106. 4 Correspondance, XX, 16031. 5 A. Boppe, Documents inedits..,, p. 74, CREATION ET ORGANISATION DES PROVINCES ILLYRIENNES 13 meridionaux. Mais ceci est plutot une supposition ingenieuse qui s’appuie sur un article anonyme, paru lors de la creation de l’llly- rie, dans une revue de Hambourg 1 , laquelle parle de la possibilite pour l’lllyrie de s’agrandir vers 1’Est, jusqu’aux frontieres de la Russie. Cependant, pareille idee etait absolument etrangere a Napoleon. Les frontieres de l’lllyrie englobaient les Allemands de la Haute Carinthie, laissaient en dehors les Slovenes de la Styrie meridionale et divisaient la Croatie 2 . En somme, nous parvenons a voir clair dans les divers motifs qui ont inspire l’empereur 3 . Napoleon a, certes, cree l’lllyriepour avoir une liaison entre la Dalmatie et l’ltalie et une sentinelle eontre l’Autriche ; mais il l’a creee surtout pour fermer les ports de la rive droite de l’Adriatique au commerce anglais et pour avoir une voie de terre pour le commerce franco-levantin. Qu’il n’en parle pas en termes positifs, cela ne doit pas nous gener : ce n’^st pas toujours du motif principal que l’on parle le plus. En tout cas, c’est l’objectif economique qui a ete atteint ; l’objectif militaire est demeure a l’etat d’embryon. La creation de 1’Illyrie, elle aussi, procede du motif principal du blocus continental, a savoir la proscription des marchandises anglaises 4 , et du motif principal de toutes les incorporations faites depuis 1808, la suppression de la contrebande 5 . La vie economique de l’lllyrie sera done comme une illustration des intentions et un developpement des idees de son createur. 11 y a eu sans doute qussi d’autres elements, etrangers a la volonte de Napoleon : il s’en est tres peu occupe et les a laisses a son gou- vernexnent illyrien, a la condition qu’ils ne coutassent rien aux finances frangaises. Mais c’est lui qui a fixe l’ordre de marche. 3. Le cadre administratif 6 . Par un ordre date de Munich, 21 octobre 1809, Dauchy, con- 1 Minerva, 1809, n° 474. —- J. Prijatelj, Slovenscina pod Napoleonom (La langue Slovene sous Napoleon), p. 39. 2 R. Warmer (Napoleon et les Yougoslaves) constate que Napoleon ne comprit pas le caractere commun des Yougoslaves, — Signalons encore l’opinion curieuse ^ et ’ t 0 ! 4 ® d’apres son travail manuscrit par M. Tvrtkovic, Napoleon i Ju- goslavija [Napoleon et la Yougoslavie], p. 11) que la premiere idee de cette creation serait venue du congres des nationalistes italiens en 1797. 3 L Gruden, Ob sloletnici Najioleonove Ilirije (Au centenaire de l’lllyrie napo- e °Qo enne )’ PP' ' 1 ^7-149 ; F. Sisic, Hrvatska povijest (Histoire croate), III, p. J3 ; J. Polec, Kraljestvo Ilirija (Le Royaume d’lllyrie), I, pp. vii-vni. 1 P- Darmstadter, Studien zur napoleonischen Wirtschaftspolitik, p. 140. ° Kiesselbach, Die Continentalsperre..., p. 125. L Voir pour tout ce chapitre B. Vosnjak, XJSlava in uprava ilirskih dezel (Cons- 14 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES seiller d’Etat, fut charge de l’organisation financiere des Pro¬ vinces Illyriennes. Mollien nous dit dans ses Memoires 1 comment Napoleon voulait que se fit cette organisation. II entendait qu’elle fut bien reglee, les impots egalement rispartis, uniformes dans toutes les parties du pays, avec memes tarifs, memes regies, etc. II pensait qu’une province conquise ne devrait pas regretter les anciens maitres qui n’ont pu la proteger. Et « ce fut en efl'et, sans effort, que 1’Illyrie presenta bientot l’aspect d’un ancien departe- ment frangais dans son administration et ineme dans sa legis¬ lation, et la metamorphose etait deja avancee a l’epoque du re¬ tour de Napoleon en France, qui suivit assez pres sa lettre de Munich ». C’etait juger de bien loin. En realite, les choses n’allerent point du tout si vite, et l’apparence frangaise des Provinces Illy¬ riennes ne fut tout d’abord qu’exterieure ; mais alors, en efl'et, tout se ressemblait, meme les plaques des postilions. La premiere organisation provisoire du 25 deceinbre 1809 divi- sait les Provinces Illyriennes en 10 intendances, mais laissait en¬ core subsister en partie les lois autrichiennes. Dans cette periode, mainte piece fut renvoyee par les intendants avec l’observation : « a traiter d’apres les lois et coutumes du pays ». De cette coexis¬ tence des formes de l’administration autrichienne et de l’adminis- tration frangaise devaient naitre necessairement une certaine con¬ fusion et des conflits. Nous avons a ce sujet une lettre amusantc de l’intendant de Trieste, Arnault, adressee, le 12 octobre 1810, a son oncle, le comte Regnault 2 , et qui donne le tableau d’un chaos epouvantable : il y a dans l’administration un melange du sys- teme autrichien et du systeme frangais ; les contributions di- rectes ont ete etablies la oil elles n’existaient pas ; la feodalite est abolie, mais les droits feodaux existent encore ; les douanes sont la partie la plus defectueuse de l’administration et entraine- ront la ruine du commerce ; les finances sont dans un etat malheu- reux ; la solde des troupes est arrieree de plusieurs mois ; ni les employes ni les retraites ne sont payes depuis 8 mois ; des dettes considerables sont contractees envers les fournisseurs et, dans ce pays desole, on est oblige d’en venir a des ernprunts forces, ce qui ne remedie que moinentanement au manque total de fonds dans lequel on se trouve et acheve de detruire la conflance. Quand Padministration sera uniforme et reguliere, on aura un budget. titution et administration des Provinces Illyriennes), surtout pp. 137-190: ; J. Mai, Zgodovina slovenskega naroda (Histoire de la nation Slovene), VII, pp. 87-94. 1 Mollien, Memoires..., II, pp. 398-400. 2 AN, AF IV , 1713, 5 e d. L’intendant Arnault etait de caractere tres vif. CREATION ET ORGANISATION DES PROVINCES ILLYRIENNES 15 Enfin, Arnault se plaint qu’on fasse reproche de leur age aux intendants, qui etaient pour la plupart de tres jeunes auditeurs. Sur ce dernier point, Napoleon avait deja ecrit a Clarke x , le 17 juillet, qu’il y avait trop d’auditeurs en Ulyrie, que Marmont devait en renvoyer la moitie, et que les gens du pays pourraient Atre charges de l’administration. Ces premiers intendants furent, en elTet, remplaces plus tard en partie ; mais, parmi leurs succes- seurs aussi, les indigenes furent tres rares. Durant cette periode d’essais, on preparait l’organisation defi¬ nitive, sur laquelle cependant la deputation illyrienne envoyee a Paris, au printemps de 1811, grace a l’initiative de Marmont, n’eut pas grande influence, toute pompeuse qu’elle fut. Quand Napoleon fut avise de l’arrivee de ces deputes, il demanda a Gaudin 2 de lui faire connaitre quels etaient leurs pouvoirs, ce qu’ils venaient faire, qui les avait nommes, ce qu’ils desiraient, et ce qu’ils etaient. On voit par la que le grand role qu’on leur a parfois attribue n’etait que de forme, sauf toutefois pour les delegues de la Croatie militaire. Le decret organique du 15 avril 1811 3 * 5 constitue l’administra¬ tion uniforme et reguliere. Le nombre des intendances etait di- minue. Les Provinces Illyriennes formaient 1 desormais 6 pro¬ vinces civiles : la Carniole, la Carinthie, l’lstrie, la Croatie civile, la Dalmatie et cello de Dubrovnik, et une province militaire : la Croatie militaire. Apres une lutte assez vive entre Marmont et le general Andreossy, a Paris, cette derniere province avait garde son regime original des zadruge 5 et, pour la plus grande partie, etait consideree comme pays etranger. Elle avait son commandant a Karlovac. La Carniole comptait 3 districts : Ljubljana, Novo mesto,Postojna, avec 21 cantons et 370.340 habitants ; la Carinthie, 2 districts : Beljak, Lienz, avec 11 cantons et 136.895 habitants ; l’lstrie, 4 districts : Rovinj, Koper, Gorica, Trieste, avec 17 cantons et 242.683 habitants ; la Croatie civile, 3 districts : Karlovac, Rijeka, Senj, avec 19 cantons et 204.944 habitants ; la Dalmatie, 5 dis¬ tricts : Zadar, Sibenik, Split, Hvar, Makarska, avec 17 cantons 1 L. de Brotonne, Lettres inedites..., I, n° 1087. 2 Correspondance, XX, n° 16723. 3 Bulletin des lois, IV, 369 bis- 6758 bis ; P. Pisani, La Dalmatie, pp. 350-398. 1 J'r. Creizberger, Ueber die Parzellen Krains..., pp. 57-58 ; S. Puchleitner, Die Territorialeinteilung del• Illyrischen Provinz Krdin..., pp. 109-116 ; J. Polec,. carte : Slovenski del Francoske Ilirije (La partie Slovene de l’lllyrie i'ran?aise). 5 La zadruga est la forme yougoslave de la famille collective. 16 LA VIE ECONO MIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES et 217.450 habitants ; Dubrovnik, 3 districts : Dubrovnik, Kotor,. Korcula, avec 10 cantons et 69.054 habitants b II y avait 6 intendants investis des pouvoirs de prefet dans les chef-Iieux des provinces (a Ljubljana, B'eljak, Trieste, Ivarlovac, Zadar, Dubrovnik) et des subdelegues investis des pouvoirs de sous-prefet dans les chefs-lieux des districts. Quelques changements secondaires furent encore introduits apres le 15 avril 1811 : par decret du 18 septembre 1811, le canton de Pazin (Istrie ex-autrichienne), qui faisait partie de la Croatie civile, fut reuni a la province d’Istrie (Istrie ex-venitienne), et ainsi 1’Istrie fut reconstitute dans ses frontieres naturelles ; le decret du 16 janvier 1812 transporta le chef-lieu de la subdelegation de Senj a Mali Losinj ; et le 10 janvier 1813, la formation d’un 4 e dis¬ trict en Carniole, celui de Kranj, fut decretee. A Ljubljana, residait le gouverneur general, qui formait avec 1’intendant general des finances et le commissaire general de jus¬ tice, « le petit conseil ». Ce gouvernement illyrien se distingua par la bonne entente des membres du petit conseil et des autoritts civiles et militaires en general ; s’il y avait quelque rivalite entre le gouverneur general Marmont et l’intendant general Dauchy, nous n’en connaissons point entre Bertrand et Chabrol, leurs suc- cesseurs dans les memes fonctions. Le l er novembre 1811, le Code penal fut introduit en Illyrie ; le l er janvier 1812, toutes les lois frangaises entrerent en vigueur, et elles furent appliquees jusqu’au l er aout 1814. Desormais, 1’Illyrie fut soumise a la legislation et a l’administration uni- formes de l’Empire, trop connues pour qu’il nous faille entrer dans les details. 11 y a une grande difference entre l’epoque qui precede le mois d’avril 1811 et celle qui suit cette date. Dans la premiere, c’est un regime non encore lixe, mais souple, qui s’adapte aux exigences des diverses provinces. La seconde est rigoureusement unifica- trice, et la conformite aux lois frangaises devient complete. Mais, sous les dehors d’une parfaite organisation, Tadministration allait de mal en pis, tandis qu’au debut, sous Marmont, l’appareil admi- nistratif avait encore passablement fonctionne et laissait un bon souvenir. Encore la centralisation de fait ne fut-elle jamais com¬ plete en Illyrie. S’il y a beaucoup de ressemblance dans l’intro- duction du regime frangais en Westphalie, par exemple, ou dans le (irand-Duche de Berg, et en Illyrie, ce qui distingue peut-etre 1 Cette division territoriale resta en vigueur sous la reoccupation autrichienne d’octobre 1813 jusqu’en juin 1814. CREATION ET ORGANISATION DES PROVINCES ILLYRIENNES 17 ce dernier pays des autres, incorpores a l’Empire, c’est l’indepen- dance relativement plus grande de son gouvernement, due a la grande distance qui le separait du centre de l’Empire (B. Vosnjak compare la situation du gouvernement illyrien a celle du gouver¬ nement de la Bosnie et de l’LIerzegovine dans la monarchie austro-hongroise). Et ce gouvernement dut, malgre lui, tolerer et sanctionner des adaptations aux conditions speciales (fort difTe- rentes de celles du reste de 1’Empire) d’un pays qui touchait a la fois a 1’ Europe occidentale et a l’Europe orientale. Si l’on veut caracteriser la premiere epoque, c’est par le nom de Marmont, gouverneur general, qu’on le fera ; les intendants gene- raux, Dauchy et Belleville, restent plutot a l’ecart. Pour la seconde, au contraire, on citera le nom de Chabrol, intendant general ; les gouverneurs generaux, Bertrand, et surtout Junot et Fouche, sont de moindre importance. La difference de valeur individuelle de ces personnages n’est pas seule en cause : ce changement reflete celui des tendances de l’administration, en tant qu’il est conforme a la nouvelle destination principale assignee aux Provinces Illy- riennes. L’intendant general etait de fait le maitre de toute l’admi¬ nistration ; il correspondait avec les consuls de Bosnie et d’Albanie; si le gouverneur general avait l’autorite d’un vice-roi, l’intendant general avail celle d’un ministre. L’administration de Marmont avait de grands horizons et de vastes plans, celle de Bertrand visait surtout a l’economie ; mais elles se ressemblent en un point : ni l’une ni l’autre n’avait assez d’argent. Nous parlerons des finances plus tard. Mais c’est la qu’on trouve justement l’une des raisons de la mauvaise reputation de l’admi- nistration illyrienne. P. Pisani constate 1 pour la Dalmatie que toute l’administration frangaise, de 1809 a 181.3, fut une grande erreur. D. Gruber dit 2 qu’apres Marmont, grace a l’esprit centralisateur et autocrate de Napoleon, l’administration en Croatie devint despotique et fiscale et ne cessa de dechoir. A. Rambaud regrette 3 qu’on ait introduitles codes frangais sans tenir un compte sulfisant de l’etat social des regions et de Pautorite des anciennes coutumes, de sorte que beaucoup de reformes eeliouerent contre la resistance ou la force d’inertie, et que, de tout ce qu’il y avail en Illyrie, il ne reste plus que de belles routes. B. Vosnjak rassemble 4 toutes les opinions frangaises contre le * |’■ Pisani, La Dalmatie, pp. 479-481. .. P- Gruber, Slogodisnjica Napoleonove Ilirije (Centenaire de 1’ Illyrie napo- leonienne), pp. 643-645. ( A- Rambaud, VEurope du sud-est..., pp. 698-699. * osn jak, Vstava in uprava... (Constitution et administration...), pp. 260- Pivec-Stelfe 2 18 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES centralisme de Napoleon et les applique aux Provinces Illy- riennes. Nous sommes cependant redevables a l’etatisme napoleonien en Illyrie (si on peut employer ce mot d’apparence anachronique) de rapports administratifs tres riches de contenu du point de vue economique, qui est le notre. On a l’impression, en les parcourant, que la plupart des administrateurs frangais superieurs etaient bons, quelques-uns meme excellents. Les notes laissees par Marmont & son successeur Bertrand sur le personnel administratif 1 2 , et celles de l’agent de la police secrete Pellenc, tres interessantes, sur tous les personnages de quelque importance en Illyrie , donnent la meme impression. Les intendants se sont donne beaucoup de peine pour soulager les souffrances du pays. Nous pouvons cons- tater ces tentatives chez de la Moussaye, Contades et d’autres, chez l’intendant general Chabrol surtout, excellent administra- teur, ingenieux en particulier h trouver des fonds. C’etait le sys- teme qui etait faux et qui detruisait leurs efforts, et, en premier lieu, le systeme continental ; mais celui-la, en bons administra¬ tifs, ils n’osaient pas l’attaquer et cherchaient ailleurs des re- medes qui ne nous apparaissent que comme des palliatifs. Comme les noms des personnages principaux de Padministra- tion generale reviendront souvent ici, il est utile d’en donner la liste chronologique : gouverneurs generaux : Marmont, Bertrand, Junot, Fouche; intendants generaux : Dauchy, Belleville, Chabrol; intendants de la Carniole : Fargues, Baselli, de la Moussaye, des Mallets ; de la Carinthie : de la Moussaye, Wilcher, de Charnage ; de l’lstrie : Arnault, baron Calafati ; de la Croatie civile : Lettardi, de Vienney, Georgi comte Savin, de Contades ; de la Dalmatie : de la Bergerie ; de Dubrovnik : G. D. Garagnin, des Mallets, de Lareinty. Parmi les personnages de l’administration, en France, qui prenaient activement part au sort de P Illyrie et que nous ren- contrerons a chaque pas dans la correspondance du gouvernement illyrien, il faut mentionner : Champagny et Maret, ministres des affaires etrangeres ; le general Clarke et le general Laguee, mi¬ nistres de la guerre et de l’administration de la guerre ; Mollien, ministre du tresor ; Montalivet, ministre de l’interieur ; Collin, ministre des manufactures et du commerce ; Gaudin, ministre des finances. A ceux-ci , on doit encore ajouter: de La Tour-Maubourg, ambassadeur de France a Constantinople ; Otto, ambassadeur de •France a Vienne ; le prince de Schwarzenberg, ambassadeur d’Au- 1 AN, Fie, 65. 2 AN, AFi v , 1713. P. Pisani, La Dalmatie, pp. 341-344. CREATION ET ORGANISATION DES PROVINCES ILLYRIENNES 19 triehe a Paris ; Metternich, en 1810 ambassadeur extraordinaire & Paris ; et les consuls, surtout Seguier a Trieste et David k Travnik. Quant aux administrations particulieres, nous en parle- rons plus tard. Les noms comme ceux de Blanchard, chef des ponts et chaussees en Illyrie, de Gallois, chef des mines, de d’Ftilly, directeur des postes, etc., sont peu connus ; mais leurs travaux ont eu plus de duree que ceux de personnages plus notables. Tel est le cadre administratif, tel est l’instrument dont Napoledn se servira en Illyrie pour realiser ses mesures de politique econo- mique, qui determineront presque exclusivement le cours de la vie economique des Provinces Illyriennes. Les premieres etaient celles qu’imposait la solution du probleme monetaire. 4. La solution de la crise monetaire. La vie economique des Provinces Illyriennes debute par une crise monetaire L Celle-ci n’etait pas, d’ailleurs, la dot du nouveau gouvernement, mais plutot un heritage laisse par l’Autriche. L’unite monetaire autrichienne etait le florin, k 60 kreutzer. Mais en l’automne 1809, a l’arrivee des Frangais, Tor et l’argent en Illyrie etaient rarissimes ; le pays etait, par contre, inonde de inonnaie de cuivre et de billon, pieces d’un ou de plusieurs kreutzer —, et de papier-monnaie (florin-papier) de la banque de Vienne, appele Bancozettel. Le cours de ce florin-papier avait deja baisse depuis 1799 par suite des guerres frequentes, etc., de telle sorte qu’on avait du ajouter des supplements aux appointe- ments des fonctionnaires. Aussi Mollien donna-t-il a Dauchy comme premiere instruc¬ tion l’ordre 1 2 de connaitre la monnaie locale, de preparer les bases d’un tarif proportionnel pour tacher d’ecarter le plus promptement possible de ce pays les billets de la banque de Vienne. Vu la rarete du bon argent, et comme on ne pouvait remplacer immediatement le papier-monnaie autrichien, il fallait proceder progressivement. Pour accelerer le reflux de ce papier-monnaie, Dauchy prit le moyen d’en abaisser successivement le cours jusqu’a le mettre finalement hors de circulation. Une suite d’arretes, pu- blies dans la Laibacher Zeitung et plus tard au Telegraphe Officiel, ou linprimes separement, realise ce dessein. 1 Details de cette crise cliez : P. Pisani, La Dalmatie..., pp. 387-388 ; R. Lopasic, Karlovac, pp. 75.77 . A Dimitz, Gescliichte Krains..., IV, p. 309 ; J. Mai, Zgodovina slovenskega naroda (Histoire de la nation Slovene), VII, pp. 130-134 ; et quelqucs mentions presque partout. 2 AN, AFiv, 1713, 4<= d. 20 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES L’arrete du 25 novembre 1801 1 porte que, le prix des denrees et des salaires ayant suivi la depreciation du papier-monnaie, les Bancozettel, a partir du l er decembre, ne seront acceptes dans les caisses publiques en paiement des contributions, etc., qu’a leur cours par rapport a l’argent. Les paiements sont aussi admis en monnaie autrichienne d’argent et, au-dessous de 2 florins, en billon. Des decisions seront prises ulterieurement quant k l’execution des contrats entre particuliers anterieurs k la deprecia¬ tion du papier-monnaie, ou souscrits pendant cette periode de depreciation ; provisoirement, le regime des lois en vigueur est maintenu. Le cours des Bancozettel, pour decembre, est fixe au quart de la valeur noniinale. Les loteries continuent provisoire¬ ment a recevoir et a payer en valeur nominale ; les tarifs des postes restent provisoirement au point ou ils se trouvent, et le prix du sel sera fixe plus tard. Le 25 decembre, le cours pour janvier est fixe au cinquieme 2 ; le 10 janvier 1810 3 4 , il est fixe, a partir du 16, au sixieme, chilTre qui fut maintenu pour fevrier. A cet arrete est annexe un tarif des monnaies de cuivre et de billon L La mise hors de cours fut decidee le 6 mars 5 , pour le 16 du meme mois. Les diverses mon¬ naies de cuivre continuaient d’avoir cours d’apres le tarif du 10 janvier, les caisses publiques ne les recevant que pour le 40 e au plus de chaque versement. Les proprietaires de lettres de change, etc., n’etaient obliges de recevoir du billon que jusqu’k 2 florins ; au-dessus de cette somme, ils avaient le droit d’etre payes en or ou en argent. Les contributions ne pouvaient plus etre payees, a partir du 16, qu’en argent comptant. Un delai de 6 mois etait donne pour l’echange des billets en numeraire. Un tableau annexe a l’arrete, signe par la deputation de la bourse de Trieste, contenait le cours moyen de Vienne sur Augsbourg, a partir du l er octobre 1799 jusqu’au 28 fevrier 1810, et le cours pour la premiere quin- zaine de mars devait suivre. Pour faciliter le change des billets en monnaie metallique, Marmont nomma, le 9 mars 6 , 14 changeurs : 3 a Ljubljana, 3 a Trieste, 2 a Rijeka et 1 a Karlovac, Novo mesto, Senj, Gorica, Beljak et Postojna. Ils devaient changer les billets d’apres le dernier cours connu de Vienne, n’etaient pas tenus de les changer au-dessus de 10 florins, et etaient autorises a percevoir 1 LZ, 1809, 110. 2 APL, P 3 . 3 LZ, 1810, 3. 4 APL, 43. 6 APL, F s . 6 LZ, 1810, 16 mars. CREATION ET ORGANISATION DES PROVINCES ILLYRIENNES 21 un droi t de change de 3 %. Un tarif du 15 mars 1 fixa de nouveau le cours des pieces de billon. Mais, ce cours etant trop favorable, les pieces de cuivre s’introduisaient dans les Provinces Illyriennes en proportion beaucoup trop forte ; leur cours fut done encore diminue le 28 juin 2 . L’arrete du 2 novembre 3 fixa pour le 5 de ce mois les pieces de 17 et de 7 kreutzer a 15 et a 6 et ce tarif fut confirme par Particle 180 du decret du 15 avril 1811. La conversion devait s’operer a raison de 2 francs, 5859 par florin. Mais comme, en depit de leur mise hors de cours, les Bancozettel, par Pellet de l’habitude et de l’agiotage, conti- nuaient a etre l’objet des transactions et des speculations jour¬ nalises des habitants, un arrete du 16 novembre en 4 defendit Introduction dans les Provinces Illyriennes, a dater du meme jour. Aucun contrat, stipulant paiement en ce papier, n’etait plus permis. La contravention entrainait la nullite complete des actes, la confiscation des Bancozettel nouvellement introduits, une amende triple de la valeur et Pemprisonnement, de 8 jours a 3 mois. A partir du l er janvier 1811, le papier ne pouvait plus Stre negocie a la Bourse ni dans les places de commerce, et son cours n’etait plus cote dans les journaux. Pendant cette periode, tous les Bancozettel devaient etre reexportes des Provinces Illy¬ riennes ; apres cette epoque, les Bancozettel encore existants se- raient reexportes et convertis en bon argent au profit de l’Etat ; la moitie de la somme appartenait au denonciateur. L’arrete du 7 decembre 5 decida qu’a partir du l er janvier 1811 les caisses publiques n’enonceraient dans leurs registres, comptes e't recepisses que les sommes regues ou payees en francs, et celui du 19 decembre 6 diminua encore le tarif de la monnaie de billon. Enfm le 9 septembre 1811, un decret 7 fixa definitivement le tarif de la monnaie de billon autrichienne en Illyrie. Ce nouveau tarif etait destine a rapprocher le plus possible la valeur nominale de la monnaie de sa valeur intrinseque. Grace a ces moyens rigoureux, les Bancozettel se trouverent, le l er janvier 1811, eli- mines de la vie des Provinces Illyriennes. II ne devait pas etre facile a la population de s’orienter dans ce reseau de mesures. Le flot de publications concernant ce sujet 8 en 1 APL, F„ 2 t bidem. ] LZ, 1810, 72 ; TO, 1810, 12. 4 TO, 1810, 16 * apl, f„ 6 To, 1810, 26 \ AN, AFiv, pi. 4578 , 88. Pour Iob brochures mentionnees et autres, voir Sources de la Vie economique 22 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES est la preuve. Ainsi, J. V. Bolaffio, professeur de mathematiques, composait en 1811, a Trieste, un tableau de conversion des florins de Vienne en francs, et vice-versa, publie en allemand, en italien et en Slovene, puis un autre, contenant la conversion de toutes les monnaies en Illyrie. J. de Crampagna, membre d’une societe d’assurances, publiait, en 1810, a Ljubljana, une petite brochure en allemand : Bemerkungen uber den gegemvdrtigen Zustand der Banco-Zettel, ou il comparait la situation des Provinces Illyriennes a celle de la France et des Etats-Unis qui avaient du aussi, a un moment donne, se debarrasser du papier-monnaie. II concluait que la situation de 1’Illyrie etait plus favorable, parce que : 1° la mise hors de cours avait ete annoncee a l’avance ; 2° on pouvait echanger le papier-monnaie en Autriche contre des marchandises ; 3° on pouvait facilement envoyer des metaux et d’autres mar¬ chandises en Italie pour faire entrer du bon argent dans le pays ; 4° les troupes frangaises etaient payees en bon argent ; et 5° enfin, les Bancozettel etaient regus dans les caisses publiques a un cours un peu plus bas que celui de Vienne. L’ancien receveur J. A. Prechern editait en frangais un Tarif des monnaies d’apres les arretes de Marmont. En 1810 et 1811, paraissaient encore, dans diverses imprimeries de Ljubljana et de Trieste, plusieurs tarifs semblables. Le fait que ces tarifs s’imprimaient dans toutes les langues du pays est le meilleur temoignage du grand besoin que les habitants en eprouvaient. Mais il y avait bien des difficultes dans l’execution des me- sures prescrites. Des les premieres semaines, bien des gens se refusaient a ad- mettre les Bancozettel ; il fallut mSme un avis special de Dauchy, du 27 novembre 1809 x , pour les contraindre h les accepter, a l’exception toutefois de ceux qui etaient dechires. La speculation aussi s’en mela bientot. Les agioteurs echangeaient des billets de 5 florins de 1800 contre des billets de 2 florins, et l’intendant de la Haute-Carniole dut, le l er fevrier 1810, defendre ces menees 2 , en faisant remarquer que les billets de 5 florins de 1800, de meme que tous les autres Bancozettel, etaient regus partout. Meme des fonc- tionnaires de l’Etat participaient a ces abus. Des preposes de douanes refusaient de prendre la petite monnaie de billon selon le tarif du 10 janvier et demandaient la relation 6 : 1. Une cir- des Provinces Illyriennes, groupe des imprimis contemporains (presque tous APL, F,). 1 AML, 12, n° 201. 2 LZ, 1810, 6. CREATION ET ORGANISATION DES PROVINCES ILLYRIENNES 23 culaire du 26 fevrier 1810 1 decida qu’ils seraient destitues et arretes, s’ils ne se conformaient pas a ce tarif. Divers comptables changeaient l’or et Fargent en Bancozettel et vice-versa, et tiraient un certain benefice de ces echanges ; une circulaire du 27 fevrier 2 defendit ce trafic et ordonna aux caissiers de specifier sur les livres- journaux et recepisses la nature des valeurs. Dans les provinces plus eloignees du centre, les mesures ordonnees ne pouvaient pas etre executees si vite. L’intendant Yienney man- dait, le 28 fevrier, a la municipalite de Karlovac 3 , que l’execution de l’arrcte sur la depreciation des Bancozettel etait ajourne, dans la Croatie civile, jusqu’au moment ou une autre monnaie serait en circulation. Plus tard, la municipalite se plaignait a l’intendant 4 que les troupes frangaises apportaient de nouveau des pieces de 7, de 8 1/2 et de 12 kreutzer, mauvais argent inferieur a 4 kreutzer comme valeur intrinseque, et que les habitants etaient forces d’accepter pour la valeur de 18, 20 et 24 kreutzer ; elle demandait que cela fut interdit. Les caisses publiques elles-memes manquaient de bon argent, ce qui occasionnait des difiicultes dans le paiement de la solde des troupes, mises le l er janvier 1810 sur le pied de paix et dont, par consequent, les requisitions cessaient B . Le 10 avril 1810, Dauchy recommanda aux intendants 6 de convertir tout le papier-monnaie dans les caisses publiques en numeraire effectif, et, le 20 novembre encore, le successeur de Dauchy, Belleville, dut emettre une cir¬ culaire contre les speculations a l’agiotage. De faux billets de 2, 5, 10 et 50 florins furent fabriques en Haute-Carniole, a Kranj ; le public en fut averti le 12 juin 7 et l’auteur, le peintre Leopold Layer, qui ne les avait faits que pousse par la misere, fut arrete a la fin de juin 8 . Les relations avec l’Autriche donnaient lieu egalement a des difiicultes. Vienne annonga, le 11 avril 1810 9 , qu’on n’echangerait les Bancozettel de 1.000 florins que jusqu’au l er juillet. Le 31 jan¬ vier 1812, l’Autriche mit, de son cote, ses Bancozettel hors de cours. ce qui causa une grande perte a plusieurs maisons de commerce 1 AGL, 1810. 2 Ibidem. 3 AMK, 1810. 1 Ibidem. 6 AHG, 10/4, 9 janvier 1810. 0 APL, 43. 9 MlPivec I’Dmieski k Layerjevi biografiji (Details pour servir k la biograph de Layer), pp. 12,7-128. » LZ, 1810, 21. 24 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES de Trieste qui, en 1809, avaient change leur or et leur argent en billets ; quelques-unes meme furent ruinees 1 . Enfin, les paiements au cours des contrats, testaments, etc., faits en Bancozettel d’annees anterieures, entrainaient une quantite innombrable de proces : les registres de la Cour d’appel de Ljublja¬ na abondent en appels de negociants contre certains jugements des tribunaux de commerce de Trieste, Rijeka, Ljubljana, et des tri- bunaux de premiere instance de Gorica, Rovinj, Karlovac, etc. 2 . Marmont, dans ses Memoires 3 , constate, comme un resume de ces operations, qu’en etablissant la valeur des florins-papier tres au-dessous du cours de Vienne, il obtint le resultat que chacun s’empressa d’envoyer ses billets a Vienne et d’en l'aire venir du numeraire ; mais que, le premier tarif de la monnaie de billon ayant ete mal calcule, cette monnaie continua d’arriver d’Au- triche, ce qui necessita un nouveau tarif. De fait, par la suppres¬ sion graduelle des Bancozettel, les Provinces Illyriennes furent - preservees d’une catastrophe semblable a la banqueroute autri- chienne du 15 mars 1811 4 , et les habitants auraient du etre reconnaissants de ce veritable bienfait. Mais la masse, visiblement, ne sentait que les pertes, et la defense du papier-monnaie figure a une place en vue sur la liste des griefs des Illyriens. A cote de la question d’ensemble, il y avait encore la question speciale du papier-monnaie de Zadar, emis pendant le siege, en 1809 5 6 . Marmont proposa de mettre a la charge du Royaume d’ltalie, auquel la Dalmatie avait appartenu de 1806 a 1809, le remboursement de cette monnaie* montant a 328.000 francs, se trouvant au-dessous de la valeur nominate et qu’il fallait retirer ; Gaudin en fit un rapport a Napoleon le 20 avril 1810. Le 2 avril, Marmont avait emis deux arretes : l’un, ordonnant la declaration a l’intendant de Zadar ; l’autre, reglant ainsi le rem boursement : jusqu’a 10 francs, la totalite ; de 10 a 50, la moitie ; au-dessus de 50, un quart. 100.000 francs, provenant do la contri¬ bution extraordinaire sur Skradin, furent consacres a ce rembour¬ sement. Toutes les mesures prises en matiere monetaire procedaient de la volonte du gouvernement illyrien d’avoir le plus tot possible, dans le pays, une monnaie saine et stable. Sur le papier, la chose 1 B. Benussi, L’Istria..., p. 435. 2 AGG, G, 780, 782, 783. 3 Marmont, Memoires, III, pp. 361-362. * D. Gruber, Stogodisnjica Napoleonove Ilirije (Centenaire de l’lllyrie napoleo- nienne), p. 587. 6 AN, AF IT , 1294, 5. CREATION ET ORGANISATION DES PROVINCES ILLYRIENNES 25 fut relat.ivement vite faite ; mais en pratique, elle traina en longueur. Nous rencontrerons encore longtemps des traces de ces embarras monetaires, tant au sein du gouvernement que chez les particuliers. Le florin d’Augsbourg 1 s’est aussi maintenu dans les comptes des particuliers, ou il predomine ; il apparait ineme dans les actes du gouvernement. 1 Pour le florin d’Augsbourg, la relation de 2 francs 58 centimes est toujours en valeur. r. CHAPITRE II. II. — L’EXfiCUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE. Si l’on considere quelle avait ete l’intention de Napoleon quand il crea l’lllyrie, il va de soi que le systeme continental etait le maitre absolu du sort des Provinces Illyriennes, et que l’appli- cation en commanderait toutes les mesures qui seraient prises. Nous revivrons dans son extension en Illyrie cette guerre commer- ciale entre la France et l’Angleterre, etudiee deja tant de fois 1 ; mais, tout d’abord, il nous faut jeter un coup d’ceil sur la phase de cette lutte ou se placent les debuts de la vie du nouvel Etat. C’est apres les decrets de Berlin et de Milan et avant celui de Trianon, dans la periode des « reunions » des diverses cotes mari- times de l’Europe, faites en vue de supprimer la contrebande, qu’a lieu l’annexion des Provinces Illyriennes, qui complete le coast-system. 2 . E. F. Ileckscher n’hesite pas a dire 3 que la plus grande importance de cette incorporation, au point de vue du systeme continental, consistait en ce que la puissance de Napo¬ leon s’etendait a ce moment sur Trieste, qu’on peut, apres l’incor- poration de Livourne, nommer, quoique avec quelque exageration, le Leipzig de l’Europe meridionale. Des ce moment, 1’Illyrie partage le sort de tous les Etats dependants ou allies de Napoleon, c’est-a-dire qu’elle a a supporter toutes les restrictions et tous les desavantages qui resultent du systeme continental, sans toutefois pouvoir jouir de ses avantages, qui restent reserves a la France, — ce que W. Kiesselbach appelle la faute fonciere du systeme de Napoleon 4 . Elle doit, comme les autres pays vaincus, s’ouvrir aux marchandises frangaises, tandis que le marche frangais est ferme 1 M. Ame, Etude sur les tarifs des douanes..., pp. 43-61; A. Beer, Geschiclile des Welthandels..., II, pp. 15-16; E. F. Ileckscher, The Continental System, XIV-XVI (Table chronologique). 2 J.-H. Rose, Napoleon and English Commerce, 1713. 3 E. F. Heckscher, The Continental System, p. 149. 4 W. Kiesselbach, Die Conlinentalsperre..., p. 119. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 27 a tout produit etranger 1 . II n’v a pas union d’interets entre la France et l’lllyrie. Lc role special qui etait destine a nos provinces dans le cadre de ce systeme est double, negatif d’une part : la fermeture de la cote orientale de l’Adriatique au commerce anglais, d autre part, positif : l’ouverture d’une voie de terre au commerce franco- levantin. De la toute une serie de mesures qui influent plus ou moins fortement sur presque toutes les branches de la vie econo- mique de l’lllyrie. II est extremement difficile de traiter ces mesures separeinent, parce qu’elles s’entrelacent etroitement, le meme decret, par exemple, renfermant des decisions sur plu- sieurs sujets. Cependant, l’ordre le plus naturel parait etre de traiter d’abord des branches qui ont subi cette influence a un degre moindre, puis de celles qui l’ont subi a un degre plus sensible. Nous commencerons done a parler de l’agriculture et des forets, des mines et de l’industrie, des voies de communication, du commerce, de la navigation et de la contrebande, ainsi que des finances ; nous terminerons en etudiant la situation economique ge- nerale, qui correspond a peu pres aux effets du systeme continental, et nous en verrons la repercussion sur l’opinion publique. Mais avant tout, nous nous occuperons de l’organisation des douanes, condition ■sine qua non de toute application efficace du systeme. 1. Les douanes. L’Autriche, d’ou provenaient les Provinces Illyriennes, avait adhere au systeme continental des 1805 ; on pourrait done penser que, sous ce rapport, la condition de Flllyrie ne changea pas completement. Mais l’Autriche avait adopte ce systeme bien a contre-cceur, et l’on peut s’imaginer que les prohibitions n en etaient pas tres severement observees. Le 19 avril 1809, au debut de la guerre avec la France, un decret 2 leva le blocus pour le littoral et retablit les relations commerciales avec l’Angleterre. Le 14 octobre mit fin a cette courte periode de liberte. Maintenant 1’adhesion au systeme allait devenir serieuse. II est caracteristique que Napoleon ait, des le 16 octobre, deux jours apres la paix de Vienne, ecrit a Gaudin 3 qu’il etait necessaire ■d’envoyer en Illyrie un homme intelligent comme directeur des douanes, afin d’etablir le service a Trieste ; et Eugene, ecrivant 1 P. Darmstadter, Studien zur napoleonischen Wirtsehaftspolitik, p. 114. 2 AIV, II, B6, 28 ex aprili 1809. 3 Correspondence, XX, n° 15957. 28 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES k Napoleon le 4 novembre, de Beljak \ enumere, parmi les ins¬ tructions donnees a Dauchy, celle de s’occuper tout de suite de 1’etablissement d’une ligne de douanes sur toute la frontiere autri- chienne. Le 29 novembre, la Laibacher Zeitung publia la liste des nouvelles douanes a la frontiere autrichienne 1 2 , dont les principales etaient: Trzic, sur la route de Celovec (Klagenfurt); Trojane, sur la route de Graz- Vienne ; Krsko, sur la route du cercle de Celje \ Catez, sur la route de Zagreb. Les bureaux ordinaires etaient : du cote de la Carinthie, Kokra ; du c6te de la Styrie par terre, Sv. Primoz, Motnik, Zagorje ; par la Save, Prusnik, Radece, Kompolje, Radna. L’Autriche, de son cote, etablit un cordon a sa nouvelle frontiere de Carinthie, Styrie et Croatie, ainsi que des bureaux de douanes, surtout a Franz (Vransko) et au pont de Zagreb 3 . Mais tout cela n’etait encore que provisoire. C’est le decret du 28 fevrier 1810 4 qui organisa les bureaux et brigades des douanes dans les Provinces Illyriennes. Un directeur central est etabli a Trieste. Sous sa direction se trouvent 7 inspecteurs : 4 de l re classe, a Trieste, Rijeka, Ljubljana et dans un port de l’lstrie non encore designe ; et 3 de 2 e classe, a Sisak, Beljak et Gorica. L’etendue des inspections, le placement des bureaux et brigades, le nombre des sous-inspecteurs, employes et preposes, en tout 906, ainsi que la depense annuelle pour l’administration, 850.000 francs, sont fixes dans un etat annexe dont on parlera plus loin. Le rapport de Gaudin, qui accompagne ce decret, porte que le projet a ete etabli sur les bases arretees entre le gouverneur general et Tintendant general. Le plan n’embrasse pas l’immense developpement des Provinces Illyriennes, parce qu’alors il aurait fallu un nombre considerable de preposes sans resultat avantageux, et le faible commerce qui se fait dans certaines parties aurait rendu cet etablissement plus onereux que profitable. On s’est borne, pour diminuer les depenses, a former une ligne de douanes, qui renferme les cercles nouvellement cedes : en suivant le littoral depuis les confins de la Dalmatie jusqu’a la Soca, en remontant le cours de ce fleuve jusqu’au duche de Salzbourg, en parcourant toutes les montagnes de la Carniole qui forment les nouvelles frontieres de l’Autriche, en descendant la Save jusqu’a Sisak et sur les bords de la Kupa, jusqu’aux environs de Rijeka. A l’egard de la Croatie, de la Dalmatie et de l’Albanie, le peu de commerce 1 AN, AF IV , 1713, 4 e d. 2 LZ, 1809, 114. Pour ces douanes provisoires et toutes les suivantes, voir la carte I. 3 AGG, 1810, plusieurs actes. 1 AN, AF IV , pi. 3285, 44. Decret et rapport du ministre des Finances. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 29 qui s’y fait, l’usage de marcher toujours en caravanes, la rarete des passages praticables, enfin l’esprit des Turcs, qui u’est nulle- ment porte a la fraude, ont paru rendre superflu l’etablissement d’une ligne de douanes sur les frontieres de terre et de mer de ces pays. On s’est borne a maintenir les postes principaux de douanes qui ont suffi, jusqu’ici, a empecher toute espece de contrebande ; on y a ajoute pourtant quelques moyens de repression, tel que la residence d’un inspecteur intelligent aide de quelques employes repartis dans chacune de ces provinces, pour y exercer la haute surveillance, etc. Les douanes interieures d’entrepot qui existaient sous le regime autrichien, seront egalement conserves afin de facililer les relations commerciales de 1’ Italic, de la Suisse, de l’Allemagne, de la Hongrie et de la Turquie, avec la mer et les frontieres respectives de ces divers Etats. La liste des douanes des 6 inspectorats deja determines est la suivante : Inspectorat de Trieste : Trieste, Prosek, Devin, Trzic, Opcine, Bazovica, Klanec, Zavljc, Sezana, Senozece, llazdrto, Postojna, Materija ; Inspectorat de Rijeka: Rijeka, Sv. Matej, Klana, Starada, Volosko, pont de la Recina, Lovran, Moscenice, Dakar, Kral- jevica, Crikvenica, Novi, Senj, Sv. Martin, Sv. Juraj, Sv. Kriz- Vratnik, Jablanac, Rag ; Inspectorat de Gorica : Gorica, Pieris, Turjak, Kaseljan, Za- graj, Podgora, pont de la Soca, Solkan, Kanal, Sv. Lucija, Kobarid, Rajbelj, Pontebba, Ajdovscina, Podbrdo, Cerkno, Angeljska gora, Miren ; Inspectorat de Beljak : Beljak, Muta, Oberdrauburg, Spital, Winklern, Troppelach, Sv. Ozbalt, Reichenau, Lengberg, Trg, Vrba, Sent Ilj, Podgorje, Vrata, Stermca, Podkoren ; Inspectorat de Ljubljana: Ljubljana, Jesenice, Bistrica, Trzic, Kranj, Sorica, Kokra, Kammik, Motnik, Trojane, Cemsenik, Zagorje, Dol, Bistrica, Krasnja, Crnuce, Zalog, Vrhnika, Planina, Visnja gora, Krka, Zuzemberk, Soteska, Novo mesto, Koprivnik, Kostanjevica, Krska vas, Trebnje, Mirna ; Inspectorat de Sisak : Sisak, Prusnik, Radece, Radna, Krsko, Catez, Jesenice, Otok, pont de Zagreb, Zelin, Letovanic, Kupi- nec, Trgova, Mahicno, Hrnetic, Karlovac, Banija (faubourg de Ivarlovac), Metlika, pont de Metlika, Griblje, Pobrezje, Vinica, Poljane, Brod s. Kupa, Osilnica, Loz. Cette liste reunit toutes les douanes, cellos du littoral, celles du cordon de frontiere et cedes de l’interieur (expedition, veri¬ fication, entrepot, peage et droits sur les vins et les viandes), et 30 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES aussi quelques bureaux des sels, a Rijeka, Bakar, Senj et Bag r {’administration des sels etant alors reunie a celle des douanes. On peut voir sur la carte que cette premiere organisation des douanes illyriennes formait un cercle bien ferme autour des pro¬ vinces occidentales de l’lllyrie, tandis que, pour les provinces orientales, la tension de ce cercle etait sensiblement plus legere. Parmi les motifs invoques par Gaudin pour justifier cette diffe¬ rence dans un plan, qui, au fond, etait. une demi-mesure et une faute, le principal n’est ni la probite des Turcs, ni le peu d’importance du commerce, mais probablement la depense con¬ siderable que la grande etendue de ces frontieres aurait occa- sionnee. L’inspecteur general des douanes de l’Empire avait ete charge par l’arrete du 22 janvier d’administrer et de diriger les douanes des provinces ex-autrichiennes, et celui du 10 mars 1 y ajoutait celles des autres provinces de l’lllyrie. Les systemes et reglements particuliers qui regissaient ces diverses provinces furent preala- blement encore maintenus. Le 3 avril, suiyirent les nominations provisoires des employes de l’inspectorat de Ljubljana 2 , et un arrete du 30 aout 3 permit aux employes des douanes le port d’armes sans permis et ordonna que les autorites civiles et mili- taires eussent a les assister dans leurs fonctions. Le l er juillet, les douanes autrichiennes commencerent a fonctionner sur les frontieres illyriennes 4 . Pendant toute cette periode preparatoire et provisoire, Laugier 5 ,, qu’on avait envoye de Paris, a ete l’organisateur du service des douanes en Illyrie. Mais il semble qu’il n’ait pas donne satisfaction, et que, par sa faute, rorganisation n’ait pas progresse. Deja en juin, Catineau La Roche, secretaire general des douanes, lui adresse ce reproche 6 . Tres probablement, Catineau est aussi l’auteur d’une Note pour Napoleon sur la situation de VIllyrie en 1810 7 , ou il critique aprement le travail de Laugier. Les diverses- 1 AMK, 1810. 2 AGL, 1810. 3 AMK, 1810. 1 LZ, 1810, 35. 5 Dossier personnel detruit, ainsi que tous les dossiers des fonctionnaires des Finances, disparus en 1871 lors de l’incendie du Ministere des Finances. 6 BMCII, Trieste le 9 juin 1810. Pierre Marie Sebastien Catineau La Roche. Me a Saint-Brieuc en 1772, il sejourna a Saint-Domingue, puis aux Etats-Unis, tut imprimeur a Paris de 1799 a 1804, secretaire general des douanes en Illyrie en 1810, inspecteur principal des douanes de 1811 a 1812, et charge de missions commerciales ; en 1813, secretaire general du departement de l’Aisne ; en 1815, il voyagea en Amerique ; en 1842, il fut chef de division au Bureau du Commerce et des Colonies. La date de sa mort n’est pas connue. 7 AM, F IE , 61, n° 1. La Note n’est pas signee. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLY RIE 31 provinces ayant des reglements differents, il aurait fallu remplacer ceux-ci par un tarif unique, et comprendre toutes les provinces dans le rayon des douanes. Mais on a divise les Provinces Illy- riennes en deux parties : l’une assujettie aux douanes, 1 autre en dehors d’elles, et l’on a exige trop peu de personnel. Le resultat en est que le service est raal fait. On a execute avec une lenteur incroyable un plan deja insuffisant ; la contrebande, par suite, est excessive. Cette pretendue organisation est incroyable, et la composition du personnel — plus incroyable encore : ce sont des gens des douanes italiennes, tres peu instruits, d oil des resultats deplorables. On a laisse subsister les reglements particuliers, d ou il est resulte un grand chaos. Une marchandise est admise par un reglement, prohibee par l’autre, paie plus ou moins selon tel ou tel reglement. La situation du commerce est desesperee. Cette anarchie a produit deja un mal general. Les douanes, bien admi- nistrees, auraient suffi a tous les besoins ; mais le gouvernement, ayant besoin d’argent, a introduit une foule d’impots frangais, inconnus en Illyrie jusqu’a cette epoque, et qui ecraseront le pays. Ce n’est pas le gouverneur general, ni le directeur general des douanes frangaises, pas plus que l’intendant general, ou les intendants, qui sont fautifs de tout ceci ; la faute est uniquement a l’organisateur, Laugier, qui veut prolonger son sejour en Illyrie, a cause de l’indemnite qu’il regoit pour sa mission. Enfin, l’aigre critique propose de conifer l’organisation des douanes au gouver¬ neur general, et d’y impliquer toutes les provinces avec un tarif et un reglement uniformes. Cette note fit impression. Napoleon ecrit a Gaudin, le 5 oc- tobre 1 , qu’il faut rappeler Laugier et envoyer un autre adminis- trateur des douanes. Il y avait eu dans le Journal de Paris un article qui ferait croire que les douanes illyriennes suivaient un autre systeme que les douanes frangaises. Napoleon enjoint a Gaudin d’ecrire a Marmont et de se plaindre 3 e d ; n o 37 . 48 la Vie economiqtjE des Provinces illVriennes argentifere abandonnees sur la frontiere turque dans la region du 6 e regiment, les mines de cuivre exploitees de Samobor, et quelques autres forges et mines abandonnees dans la Croatie civile. Cinq caisses de mineraux accompagnaient ses rapports an Conseil des mines a Paris b Mais il n’est pas possible de traiter en bloc des mines des di- verses provinces de 1’Illyrie. Celles-ci, d’apres la nature du minerai exploite aussi bien que d’apres leur regime juridique et leur evolu¬ tion, forment trois groupes tres distincts : les mines de plomb et les fonderies de zinc d’Etat de la Carinthie ; les mines de fer et les usines partieulieres de la Carniole ; la mine de mercure d’Etat d’Idrija qui re§ut dans l’administration line place tout a fait a part, bien qu’appartenant geographitjuement a la Carniole, parce que Napoleon plagait en elle de grandes esperances. Les eta- blissements de la Croatie et de l’lstrie ne forment pas un groupe separe, mais peuvent etre reunis a celui de la Carniole. Nous com- mencerons par Idrija, dont le developpement differe fortement de celui des deux autres groupes. a. Idrija Idrija, la plus importante des mines de mercure d’Europe, pro¬ priety de l’Etat, occupait sous FAutriche une place extremement privilegiee. Gallois fait l’eloge du regime autrichien 1 2 : la celebrite de la mine est due a son regime. L’administration en etait un gou- vernement a part. Les produits en etaient exempts de tout droit de douane et avaient un acheteur sur dans les mines espagnoles de l’Amerique du Sud. Les mineurs etaient exemptes de la conscrip- tion et approvisionnes par l’administration an prix coutant, le pays etant peu propre a la vegetation et suflisant a peine a la consommation de la dixieme partie des habitants. Les habitants de la seigneurie d’Idrija etaient exempts de tout impot et de toute corvee, et leur seule obligation etait de transporter les pro¬ duits a un prix Fixe par l’administration. La mine possedait encore un magasin a Ljubljana, un comptoir a Sisak pour l’achat des bles necessaires, une mine de houille et une verrerie a Zagorje. Quant a sa production, une statistique 3 donne pour les ahnees 1807, 1808, 1809 les chill'res suivants (en quintaux de Vienne a 56 kg. et en livres a 0.56 kg.) : 1 AN, ++F 111229 (dossier Gallois), 20 aout, 20 septembre 1810. Voir pour ces mines et toutes les suivantes, carte I. ^ AN, F 14 , 1043, 3 e d., 15 fevrier 1811. 3 AE, Autriche 45, n° 80. La meme statisti([ue, mais seulement pour 1809, AN, F 14 , 1043, l er d., n° 7. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN LLY1UE 49 Mercure : 3.431-65 1/2, 3.812-11 1/4, 3.482-27 ; Vermilion : 692, 416-50. 444-29 1/2 ; Sublime doux : 18-26, 12-37, 4-90 ; Cinabre : 294-5, 275-5, 183-30 j Sublime corrosif : 136-85, 547-12 3/4, 240-33 ; Precipite : 123-24 1/2, 56-81 1/2, 18-38. Nombre des mineurs : 929, 942, 725. Marmont evalue 1 la valeur globale des produits annuels a 1.500.000 francs et le revenu net annuel a 500.000 francs ; et Gallois decrit Idrija 2 comme ayant 1.200 ouvriers, 600 retraites, 300 apprentis, 7.000 habitants, 12 lieues carrees de forets, des batiments, des constructions, annuellement. un produit brut en mercure de pres de 2 millions et un revenu net de 600.000 a 700.000 francs. Telle etait la situation avant la cession. La situation, pendant la guerre, fut des plus troubles, lies avril, tous les produits avaient ete envoyes au magasin de Ljubljana, puis a Vienne. Les troupes frangaises occuperent Idrija en mai, et le domaine, extraordinaire s’occupa provisoirement de son admi¬ nistration. Louis Toulon, charge de la direction provisoire, eut peu de succes : le 17 octobre, il fut meme un moment prisonnicr d une insurrection de paysans, d’ailleurs vite calmee par les employes. Finalement il fut rappele 3 . A la cession, la mine se trouvait. dans un etat deplorable : les ouvriers et les employes n’etaient pas paves depuis mai ; il y avail un arriere de 72.311 fl. ; le ble manquait, et les voituriers ne voulaient plus travailler. L’ancien directeur de 1 etablisse- ment Leopold von Passetzky, provisoirement directeur, demanda du secours a Dauchy. Celui-ci envoya, le 17 novembre, 30.000 fl. ei1 papier ; tnais ils etaient tellement endommages qu il etait impossible de les employer aux paiements. Lnfin, le 13 decembre, 1 administrateur du magasin de Ljubljana, Alborghetti, regut de Dauchy 150.000 fl. pour acheter du ble a Sisak et 79.000 fl. pour les salaires. La vente des produits ne devait s’efl'ectuer qu’avec la permission de Dauchy. La premiere eut lieu le 20 novembre ; les paiements devaient se faire en argent sonnant ou en lettres de change k courte echeance, d’apres les prix fixes comme suit : pour un quintal de mercure, 167 fl.; de cinabre en morceaux, 175 fl.; de cinabre en poussiere, 180 fl; de sublime corrosif, 200 fl.; 1 Marmont, Memoires, III, p. 438. 2 AN, -p-|- F 11122!) (dossier Gallois). 3 A. Dimitz, Die Correspondenz des Grafen Fargues... : plusieurs lettres. I'ivec-Stelfe 4 50 LA VIE ECONOMiyUE DES PROVINCES ILLYKIENNES de sublime doux, 270 fl. ; de precipite, 225 fl. 1 . L’arrete de Dau- chy du 6 decembre 2 , prohibaut l’exportation deplusieurs metaux, permit l’exportation libre des produits d’Idrija et de Zagorje. Mais tout cela n’etait que provisoire. Le l er jauvier 1810, la situation d’Idrija fut changee dans un sens tres favorable. Napo¬ leon, croyant, d’apres la renommee de eette mine, pouvoir en tirer de grands profits, la donna en dotation a l’Ordredes Trois toisons d’or 3 qui, a vrai dire, n’existait qu’en projet, et, point principal, chargea le domaine extraordinaire de l’achat de ses produits. Par ce fait, Idrija echappa au sort des autres mines illyriennes ; elle n’eut a souffrir de manque d’argent qu’en 1809 ; a dater de 1810, elle eut toujours les avances necessaires, resta en pleine activite, et n’eut pas a s’occuper de la vente de ses produits, se dechargeant de ees difficultes sur le domaine extraordinaire. Le l er janvier, un nouveau tarif des salaires et des voitures entra aussi en activite le domaine extraordinaire payait alors le quintal de mercure 130 fl. et celui de cinabre 140 fl., envoyant cet. argent, de Venise, par des voitures qu’on devait faire escorter 4 . Au cours de cette meme annee, les anciens fonctionnaires autri- chiens s’en allerent en partie et furent remplaces jiar des Frangais. Le personnel de la mine comprenait en 1810 5 : 6 membres du con- seil d’administration, 28 employes de l’administration, 337 ouvriers de la mine, dont 160 inineurs, 29 employes aux machines des puits, 55 ouvriers des bocards et des laveries, 16 de la forge, 14 de la distillerie des mines, 22 de la fabrique, 35 de la poterie, de la tannerie et de la tuilerie, — en tout 542 personnes. Napoleon ne cessa pas de s’interesser specialement a Idrija. II ecrivait, le 10 octobre, an comte Defermon, intendant general du domaine extraordinaire 6 , de voir le grand chancelier de la legion d’honneur pour faire des marches a prix raisonnable, d’envoyer de Yenise 300.000 francs a Idrija pour mettre les depenses au courant, d’emmagasiner le mercure achete a Trieste, et d’acheter aussi le mercure que le gouvernement illvrien avait regu en echange d’avances faites a l’administration. Ainsi, Napo¬ leon disposait de 2.000 quintaux a peu pres, dont il voulait ordon- ner la vente quand il lui conviendrait de les mettre en circulation, pour en maintenir ou en augmenter le prix. 1 Bergdirektion Idria, Die 3 e Okkupation Idrias..., V, pp. 236-242. 2 O. Gratzy, Beitrage zur Geschichte Krains,.., pp. 207-208. 3 Ordre militaire instituo le 15 avril 1809 par -Napoleon, mais dans lequel aucune nomination ne fut l’aite, et qui finalement fut aboli en 1813. 1 Bergdirektion Idria, Dir 3 e Okkupation Idrias..., V, p. 242. 5 AN, F 14 , 1043, l er d., 6. 6 Correspondance, XXI, n° 17029. L*EXECUTION DU BLOCDS CONTINENTAL liN ILLYIUE 51 II n’est pas surprenant que le gouvernement illyrien s’opposat a laisser echapper ce patnmoine, repute si riche. Marmont visita Idrija et en reclama radininistration pour les Provinces Illyriennes, sauf a livrer annuellement une quantile determinee de niercure a l’Ordre des Trois toisons 1 . Mais Napoleon ne levoulait pas. II ecrivit, le 13 octobre, au comte Defermon 2 , que les affaires entre le gouvernement illyrien et le domaine extraordinaire eussent a finir. Idrija appartenait entierement au domaine depuis la eonquete jusqu’a la cession aux Irois toisons et ne dependait aucuneinent du gouvernement illyrien. Les 1.583 quintaux regus du gouvernement illyrien devront etre remis au domaine contre un remboursement des avances. Le domaine peut garder le mer- cure longtemps. On aura maintenant 2.815 quintaux de mercure, 358 quintaux de cinabre, etc., on devra payer pour le mercure 970.000 francs, pour les autres produits 160.000 francs, en tout 1.130.000 francs. La-dessus, il faudra envoyer 300.000 francs d’avances a la mine et rembourser le gouvernement illyrien ; le reste sera partage entre le domaine extraordinaire et 1 Ordre. A Defermon qui disait que la mine ne rendrait pas 500.000 francs, Napoleon repondit : « J’ai donne la mine aux Irois toisons, elle rendra ce qu’elle rendra. » A Idrija, le regime autrichien etait encore maintenu. II fallait preparer la nouvelle organisation. Le 10 octobre, Napoleon envoya en mission le general comte de Lauriston, lui donnant dans ses instructions 3 , comme but principal, d’aller a Idrija, d’y etudier 1’administration et de preparer un nouveau reglement. Lauriston rapporta, le 3 decembre, a Napoleon 4 qu’il avait communique le projet de reglement au grand chancelier des Trois toisons, fai- sant, 1 iii aussi, comme Gallois, l’eloge de 1’administration autri- chienne. En ell'et, les changements du nouveau reglement ne furent pas considerables, car 1’administration frangaise d’Idrija ne di Hera it pas essentiellement de 1’administration autrichienne, sauf en ce qui concerne l’exemption d’impots et de la conscrip¬ tion, double privilege qui assurait jusqu’alors a Idrija une position si particuliere, et qui ne fut pas maintenu. Nomine le 23 mars 181 I directeur general d’ldrija, Gallois fut installe le 9 mai. Dans son discours d’installation, il presenta le nouveau reglement, fonde sur l’ancien, qui avait coxftribue a la 1 Mannont, Mimoires, 111, pp. 438-439. 2 Commpondanee, XXI, n° 17044. 3 Corresiionilance , XXI, n° 17031. 4 AN, AL-'iv, 1 7i3 i 50 d< rS2 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES prosperity de l’etablissement plus que la richesse meme des produits, et sur l’experience posterieure. Gallois, contraint de renoucer a sa mission dans les autres provinces, ce dont il se plaignit a cause de la perte de ses appointements comme ingenieur en chef, devint encore, par arrete du 19 septemhre 1812 x , maire d’Idrija, fonction qu’il conserva jusqu’ii l’abandon de l’lllyrie. Lemaire et Leboullenger partirent alorspour d’autres missions. Le 9 mai 1811 aussi, Andry d’Auberton 1 2 fut installe comme com- missaire del’Ordre des Trois toisons et controleur des comptes de la mine. Entre autres etaient membres du conseil : de Krampel- feld, ingenieur geometre, et Paysee ; Wagner etait le directeur de la verrerie alfiliee de Zagorje 3 . La nouvelle administration pouvait travailler tranquillement sans embarras financier. Le jour meme de son installation, Gallois ecrivit confidentiellement a Laumond 4 qu’Idrija avait regu tout recemment 85.000 francs et que l’Empereur venait de lui accorder un credit d’un million, payable de trois en trois mois. Aussi, Napoleon ecrivait-il, le 24 join, a Bertrand 5 que les mines d’Idrija devaient prosperer, puisque le domaine extraordinaire leur fai- sait les avances necessaires ; if ajouta aussi qu’il ne verrait pas d’inconvenient a faire donncr, par le domaine extraordinaire, de semblables secours aux autres mines qui en auraient besoin, ce que Gallois avait souhaite, mais en echange de produits et a un prix raisonriable. Quand Bertrand, en juillet, visita Idrija, il trouva la mine en grande activity. Mais quand il s’informa des desirs des habitants, on lui parla de l’exemption de l’impot et de la conscription, c’est-a-dire du privilege perdu. Bertrand repondit que ces deux institutions etaient les bases de l’Empire et qu’on ne pouvait proposer de les supprimer, mais que les mineurs pour- raient en regler la repartition et ehoisir eux-memes les conscrits 6 . Le l er octobre 7 l’administration mit en vente des peaux, de la laine et de la colie forte, objets qui provenaient de l’ernballage du mercure. Elle essaya aussi d’employer autrement ces dechets : en faisant du coutil pour les sacs de ble, avec les vieilles cordes, mais c’etait trop couteux. De meme, elle commenga a fabriquer des draps avec la laine des peaux au lieu de la vendre, mais ce travail fut egalement delaisse comme trop onereux. Quant 5 de 1 APL, 44. 2 Dossier personnel rfetruit. 3 AN, AF IV , 1713, l er d. : plusieurs actes. 1 AN, AFvi, 1713, 5 e d. 6 Correspondance, XXII, n° 17851. 6 AN, AI’iv, 1713, 6 e d., 1« aout 1811. » TO, 1811, 75. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYHIE 53 nouveaux travaux, une ecluse, nominee Andreossy, fut construite en juin 1812 1 . Aucun des autres travaux ne fut sourais a des chan- gements. Un decret du 20 juin 1812 2 , qui autorisa 1c transport des produits d’Idrija de Trieste a Venise, etait dicte par la proba¬ bility chaque jour plus grande, de la guerre. L’inspecteur divi- sionnaire des mines, Heron de Villefosse, visita Idrija en avril 1813, et fut content de son administration : il jugea totalement depourvues de fondement les plaintes dirigees contre le direc- teur Gallois et toute 1’administration par Best, controleur des comptes, dont la liste portait 35 griefs, et leur auteur fut ecarte 3 . Si l’administration n’eprouvait presque point de diflicultes, tous les soucis de la vente des produits, par contre, incom- baient au domaine extraordinaire, et ce n’etait pas chose facile. Gaudin exprime, des le debut de 1811, ses doutes sur les succes des ventes 4 . II y a dans les magasins 1.866 quintaux de mercure, de cinabre, etc., et on a pris toutes les mesures pour en assurer la vente a Trieste, en Italie et en France ; ils devraient, d’apres les tarifs, rapporter 800.000 francs ; mais on doute dc pouvoir accomplir cette realisation. Le commerce d’Espagne s’elevait annuellement a 3.000 quintaux, et aujourd’hui, ses achats sont, mils. Avant la cession, l’Autriche a encore fait transporter 12.000 quintaux a Vienne, et de la a Amsterdam, Hambourg, Liibeck, Francfort et Nuremberg. II faudrait, pour assurer un debit, ordonner la prohibition du transit au-dela de la ligne des douanes frangaises, comme on l’a deja fait en Italie. Le 20 aout, un decret 5 autorisa l’intendant general du domaine extraordi¬ naire a mettre ces produits en vente, a Trieste. Le prix minimum, pour la consoinmation interieure, etait fixe par quintal de Vienne (a 56 kg.): mercure 386,94 frs, cinabre 387,50, sublime corrosif 440,39, sublime doux 595,98, precipite rouge 495,34, vermilion 397,32 ; pour les capitaines et les armateurs des batiments expe- dies sous licences, il s’eleverait respectivement a : 425,70, 446,34, 491,64, 701,44, 575,34, 510,84. Mais, l’annee suivante, la vente ne fut pas plus favorable, a en juger d’apres un rapport fait par Laumond, en octobre 1812 6 , et que l’alarme causee par un savant italien avait provoque. Carmine Lippi, inembre de l’Acadeniie des sciences, a Naples, 1 Bergdirekiion Idria, Die 3 e Okkupation Idrias, VII, pp. 238-239. - AFV, F (Akten aulgelasscner Lokal-Montanbehorden und Montanwerke); 3 AN, AFiv, 1713, 5 e d. 4 AN, AFiv pi. 4537 j 3 6 AN, AFiv, pi. 5346, 83. 6 AN, F 14 , 1043, 2 e d., plusieurs pieces. 54 LA VIE ECONOMIQUE DES PHOVINCES ILLYBIENNES avait en effet adresse a Napoleon, le 3 novembre 1811, un me- moire sur les mines d’lllyrie, dont il louait la richesse, tout cn pretendant qu’elles tombaient en decadence et en oubli. 11 appe- lait Idrija la plus riche et la plus vaste mine du monde entier qui, dans le passe, fournissait de mercure les mines du Mexique, du Perou et du Bresil, pour l’amalgame de l’or et de l’argent. Mais cette mine, dit-il, est abandonnee depuis 1806, par suite d’un grand incendie qu’on ne put eteindre qu’en deversant la riviere de l’ldrijca dans la mine, ce qui en acheva la ruine, puisqu’elle restait inondee. Montalivet ayant demande des renseignements, Laumond pou- vait, sur ce point, le rassurer completement : l’auteur du memoire etait assez mal informe ; l’exploitation avait ete reprise bientot apres cet incendie de 1806 et, a present, pres de 1.200 ouvriers etaient employes a l’exploitation. Mais Laumond ajoute une re- marque tres interessante. Idrija a ete donnee aux Trois toisons avec un revenu presume de 500.000 francs. Cependant, il est difficile de se procurer la totalite du revenu net, surtout tant que durera la guerre maritime, la plus grande partie des produits passant au¬ trefois dans les possessions espagnoles pour l’exploitation des mines d’argent. Ce debouche est suspendu par « l’efl'et des circonstanccs », et cet etat de choses porterait un prejudice peut-Stre irreparable a cet etablisseinent, si, faute de la vente de ses produits, il etait force de les tenir dans ses magasins ; mais l’Empereur a supplee a cet etat de stagnation en faisant acheter les mercures fabriques par son domaine extraordinaire. Cette mesure ollre les moyens de maintenir a I’etablissement une activite profitable, quoique moins productive qu’elle ne le serait si les transactions commer- ciales etaient fibres. Ce que Laumond appelle d’un euphemisme « les circonstances », ce n’etait rien de moins que le blocus continental qui privait Idrija de son debouche accoutume. Ainsi, ses produits s’accu- mulaient-ils dans les magasins du domaine extraordinaire ; il ne s’etait, pas trouve d’acheteurs jusqu’au 9 juillet 1813, date laquelle Napoleon ecrit, de Dresde, a Eugene 1 , qu’il a a Venise 5 a 6 millions de mercure, et lui laisse carte blanche pour vendre ce mercure et faire rentrer 1’argent dont il a besoin ; il ajoute : « Je crains que le comte Defermon m’empeche de le vendre parce qu’il tient le prix trop haut,. Cela me fait perdre des fonds et leurs interets depuis plusieurs annees. » Nous avons vu qu’Idrija etait toujours en pleine activite. 1 Correspontlartce, XXV, n° ‘20259. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE • 55 Mais quant a la production proprement dite de ces annees, nous n’en savons presque rien. Les pieces des archives d’Idrija ne sont, pour la plupart, qu’adrainistratives. Les documents se trouvaicnt sans doute dans les archives emportees a la retraite dc 1813. et apparemment perdues. Heron de Villefosse, dont l’inspection d’Idrija a ete deja mentionnee, dit, dans son ouvrage sur La richesse minerale (paru en 1822), que les produits d’Idrija s’ele- vaient en 1812 a 4.832 quintaux et en 1813 a environ 5.000 quin- taux de mercure, et que l’etablissement comptait 750 ouvriers des mines et 310 des hois 1 . P. Hitzinger, le monographe poste- rieur d’Idrija, rapporte dans son esquisse de I860 2 que, d’apres la tradition orale, la production de ces annees etait plus forte que cclle des annees anterieures, m6me trop forte pour la mine, car elle s’elevait jusqu’h 12.000 quintaux annuellement. Une etude recente de la direction de la mine d’Idrija 3 aboutit egalement a la conclusion que, sous le regime de 1’epoque illyrienne, la mine a ete exploitee a outrance. Dans les tout derniers jours de l’lllyrie, Idrija devait subir encore un changement de proprietaire: par decret du27 septembre 1813, elle etait remise a l’administration de la Legion d’honneur, a laquelle passaient les biens appartenant a l’Ordre des Trois toisons. Gallois se trouva ainsi sous les ordres du comte Lacepede, alors grand chancelier et grand tresorier de la Legion 4 5 . Mais il fallait deja preparer la retraite. Des le 28 septembrej Gallois ordonna l’envoi de 444 quintaux de mercure et de 110 quin¬ taux de cinabre a Gorica (ces mineraux resterent cependant a Idrija), et lui-mcme quitta la mine le 29, partant avec les autres fonctionnaires et les archives, par Gorica, pour Trevise s . Nean- moins pres de deux millions de produits d’Idrija furent sauves et transportes a Venise par les soins du consul Seguier, de Trieste 6 . Le l er octobre, les Autrichiens etaient a Idrija. 11s y trou- verent des materiaux ayant une valeur de 113.483 fh, auxquels faisaient face des arrieres de paiements de 26.409 fl. Le ble man- quait. Durant les quatre premiers mois de la reoccupation autri- chienne,la disette et les maladies regnerent a Idrija. Puis, lentement, la situation s’ameliora 7 . Un autre aspect de la situation alareoccu- 1 Bergdirelttion Idria, Die 3 e Okkupalion Idrias..., VII, p. 237. Quelques frag¬ ments de statistique : AN F 14 , 1063, 1 cr d. no. 5 ; cl APL, F*. 2 P. Hitzinger, Das Quecksilhcr-Bc'gwerh Idria, p. IP,. 3 Bergdirelttion Idria, Die 3® Okkupalion Idrias..., VIII, p. 57. 4 AN, ++ F 111229 (dossier Gallois). 5 Bergdirelttion Idria, Die 3" Oltkupation Idrias..., VIII, p. 48. * AN, AF IV , pi. 6701, 50, rapport. 7 Bergdirelttion Idria, Die 3 C Okkupalion Idrias..., VIII, p. 51. 56 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES I1LYRIENNES pation apparait dans une statistique envoyee par Gallois & Lau- mond 1 , laquelle porte sur les huit premiers mois de 1813 : les recettes, encaissees sur les credits ouverts par le domaine extra¬ ordinaire, s’elevaient a 400.000 francs, les depenses a 452.864,90, la valeur des produits livres au domaine extraordinaire a 1.237.953,93. Le benefice net montait a 783.089,84. II restait du aux employes, retraites et ouvriers 71.303,28, les produits de ma- gasin avaient une valeur de 231.309,90. Si on deduit les dettes, la perte des produits restes aux Autrichiens se reduit a 160.006,62. Ce sont les produits de la 2 e quinzaine d’aout et de septembre qu’on ne pouvait plus faire expedier. II restait des grains et des objets d’approvisionnement pour une valeur de 128.940,23. Malgre ces pertes, l’exploitation de huit mois laissait un bene¬ fice qui depassait celui de 800.000 francs, estime pour l’annee entiere. II n’en est pas moins vrai que, en depit de l’interet spe¬ cial que Napoleon avail porte a la mine, uniquement a cause du blocus continental, le bilan d’Idrija n’etait actif qu’en apparence, passif en realite : il n’y avait que deplacement de perte. II n’est que logique qu’apres la disparition du grand obstacle Idrija se soit remise. En 1814, 1’ambassadeur autrichien a Londres, le comte de Merveldt, pouvait rapporter 2 qu’aucune mine de inercure n’etait pour Idrija une concurrence dangereuse. P. Carinthie et Carniole. Dans le developpement des mines de plomb de l’Etat de Ca¬ rinthie, il y a plusieurs periodes bien distinctes. Tout d’abord, l’administration illyrienne ne s’occupa pas de ces mines jusqu’au printemps de 1810, d’ou, coniine premier mauvais resultat, un arriere dans les paiements des ouvriers. Puis elle se renseigna, inais commit la faute de surtaxer ces mines, ou plutbt de fonder ses estimations sur la valeur qu’elles avaient eue sous l’Autriche, sous un regime privilegie dont elles avaient ete privees sitot apres la cession. La troisieme periode est celle de la catastrophe consecu¬ tive au manque de debouches (l’Autriche devait etre le debouche naturel du plomb carinthien) et de la depreciation qui en resul- tait, effets communs du blocus continental ; la verite du mineral devenait presque impossible, et les etablissements allaient bientot se voir forces de cesser leurs travaux, faute des grandes avances dont ils avaient besoin pour pouvoir fonctionner; mais le gouver- 1 AN, F u , 1043, l er d., 4 decembre 1813. 2 ACHV, Commerz Cammer, 58, Litorale, 8, ex dec. 1814. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 57 nement illyrien n’avait pas de ressources assez grandes. Enfin, et c’est la derniere periode, on s’apergut do ces fautes. Des secours extraordinaires couvrirent les dettes arrierees, et les mines ainsi que les usines metallurgiques de la Garinthie furent confiees au domaine extraordinaire, qui disposait de fonds suffisants pour leur exploitation. Le domaine extraordinaire et le ministre de la guerre devaient acheter leurs produits, puisqu’il n’y avait pas d’autres acheteurs. Les mines de fer privees de la Carniole participaient au pire inconvenient, au manque de debouches et, d’autre part, elles avaient encore moins de secours a attendre que celles de l’Etat; aussi, pour la plupart, cesserent-elles de travailler. Pour l’industrie metallurgique, il en etait autrement : c’est le manque de matieres premieres, cuivre et fer brut, cause ega- lement par le systeme continental, qui accablait les etablissements de l’Etat et des particuliers. Des causes secondaires, fautes admi- nistratives, rencherissement du bois, coalition de speculateurs, etc., aggravaient encore la situation. Pour la premiere periode, nous n’avons que quelques mesures accidentelles et provisoires, mais qui laissent neanmoins entrevoir les embarras qui se preparent. La premiere est l’arrete deja cite de Dauchy, du6 decembre 1809 1 : l’exportation de plomb, de fer, etc., etait defendue en Autriche, mais permise en Italie. La reponse ne se fit pas attendre : le gou- vernement autrichien prohiba 1’importation du fer brut de la Basse-Carinthie en Haute-Carinthie 2 , ce qui eut plus tard des consequences tres facheuses. Le 2 fevrier 1810, l’intendant de la Moussaye accorda sur la demande de Pretner, directeur de Bleiberg, une augmentation de 40 % sur les salaires a partir du l er janvier, a prendre sur les produits d’une vente qu’il autorisa. Cornme Bleiberg manquait d’argent, il envoya le 28 mars, 8.000 fl. et en annonga encore 4.000 pour le lendemain, tout en Ban - cozeltel, en transmettant la promesse de Dauchy que le mois d’avril serait paye en argent, au taux d’avant 1806 3 . Rajbelj avait ete prise en possession le 23 mars, et le tresor des Provinces Illy- riennes paya a son administration une avance de 11.547 fl. (dont il exigea le remboursement le 29 decembre) 3 . En aout et septembre 1810, Gallois entreprit la tournee que nous avons deja mentionnee, d’ou il envoya des rapports tres detailles et, nous pouvons 1’ajouter, tres optimistes. Comme 1 O. Gratzy, Beitrdge zur Geschiclde Krai ns..., pp. 207-208. 2 AIV, 116/3, Karnten. 3 AFV, F (Akten aufgelassener Lokal-Montanbehorden und Montan- werke). 58 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES le gouvernement illyrien, il nous faut ici entrer dans les de¬ tails, a fin de pouvoir apprecier l’iniportance des mines et des usines metallurgiques de l’lllyrie en general, leur situation a la cession, et les changements qui allaient suivre. Nous nous oecu- perons d’abord du groupe de la Carinthie, puis de celui de la Car- niole et des autres provinces. Bleiberg 1 , entre la Drave et la Zilja, mine de plomb et de cala¬ mine, appartenant pour un cinquieme au gouvernement et pour quatre cinquiemes a des actionnaires, etait consideree comme la mine de plomb la plus importante de l’Europe. Elle possedait 36 fourneaux, et son produit annuei en plomb etait de 34.000 quin- taux de Vienne (a 56 kg.), dont 6.000 revenaient au gouvernement, et 28.000 aux actionnaires ; sur ces derniers, le gouvernemnt per- cevait 7 i/2 % en nature ou 2.100 quintaux, de sorte qu’il restait aux actionnaires 25.900 quintaux. Le quintal de plomb se ven- dait alors de 18 a 20 florins, en moyenne 19, les frais de fabrica¬ tion et d’administration etaient de 13 a 14 florins, le benefice de 5 florins. La valeur totale etait done de 646.000 florins ou 1.666.680 francs ; le benefice de l’Etat, 76.200 florins ou 196.596 francs. En calamine, le produit annuel etait de 5.000 quin¬ taux, et reserve au gouvernement qui l’achetait a 1 fl. 15 kr., prix d’exploitation, puis le revendait au meme prix aux fonde- ries imperiales de zinc. Mais cette calamine etait moins bonne que celle de Jaucken ou Rajbelj, car elle contenait un peu de plomb qui nuisait au laiton. La mine possedait des forets, en partie detruites,et tirait, surtout de trois coupes, le bois necessaire. Elle comptait 1.500 ouvriers, dont 300 occupes par le gouverne¬ ment ; la direction en etait composee de quatre membres, dont le directeur, Pretner, etait qualifie par Gallois intelligent et tres actif. La valeur totale de l’etablissement etait de 2.000.000 de francs, et les travaux preparatoires, necessaires a l’exploitation, exigcaient 12.000 florins par mois. En aout 1810, ils etaient deja abandonnes La mine de calamine de Jaucken et les fonderies de zinc de Greifenburg, Grosskirchheim et Lainach 2 etaient reunies sous une seule administration. Jaucken, sur la rive gauche de la Drave, appartenant pour deux neuviemes an baron Charles de Lichtens¬ tein, et pour le reste au gouvernement, possedait deux fourneaux, produisait annuellement 900 a 1.000 quintaux de calamine et occupait de 26 a 29 ouvriers ainsi qu’un chef-ouvrier. La mine n’avait pas de produit effectif, le benefice venait du zinc 5 la 1 AN, F 14 , 1030, l er d., rapport du 10 aout 1810. ’ AN, F 14 , 1043, l er d., rapport du 12 aout 1810. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYBIE 59 fonderie. Avec la calamine (oxyde de zinc) et le cuivre rouge, on fabriquait le laiton ou cuivre jaune, au moyen d’un nouveau procede, employe en grand pour la premiere fois a Greifenburg, et a l’aide duquel on reduisait directement la calamine en zinc. Cc zinc passait pour etre plus pur que celui d’Angleterre. L’auteur de ces inventions etait Dillinger, alors conseiller des mines aupres de la Chamb’re aulique a Vienne, et sa decouverte ne datait que de 12 a 13 ans. Greifenburg, dans la vallee de la Drave, possedait deux fonderies renfermant 18 fourneaux, qui pouvaient consom- mer annuellement 12.000 quintaux de calamine et produire en zinc 4.000 quintaux, c’est-a-dire 33 % ; mais Bleiberg, Rajbelj et Jaucken ensemble ne produisaient alors annuellement que 9.000 quintaux. Pour les bois, la fonderie avait trois contrats avec difl'erents proprietaires. Elle occupait 112 ouvriers, sa direction coinptait trois membres, et son directeur etait Bohr. Grosskirch- heim, fondee en 1798, situee pres de l’extremite du Mollthal, contenait. une fonderie de 6 fourneaux. Sa plus forte consomma- tion avait ete, en 1805, de 5.600 quintaux de calamine et 1.458 quin¬ taux de zinc. Le bois qu’elle consommait provenait en majorite des forSts imperiales. 71 ouvriers y travaillaient. Lainach, ega- leinent dans le Mollthal, pres des mines de cuivre d’Obervellach, fondee trois ans auparavant et non encore terminee, possedait 2 fourneaux acheves et 2 en construction. Elle aurait pu con- sommer 1.000 quintaux de calamine et 300 quintaux de zinc, mais il aurait fallu achever les fourneaux. Le nombre des employes et ouvriers etait de 39. Les bois environnants appartenaient a l’Etat et etaient loues au cornte Theodore Batthyany, proprie- taire des mines de cuivre d’Obervellach. Les trois fonderies ensemble possedaient 26 fourneaux, con- sommaient 18.000 quintaux de calamine et 5.800 quintaux de zinc, et occupaient 222 employes et ouvriers. La calamine pro- duite annuellement par les mines etait de 9.000 quintaux (Blei¬ berg : 5.000; Rajbelj : 3.000; Jaucken : 1.000) et ne sullisait pas pour les fonderies. Le benefice s’elevait par quintal de zinc (prix de fabrication 27 a 28 florins, de vente 35 a 36 florins) a 8 florins ; pour 3.000 quintaux a 24.000 florins ou 61.920 francs, ce qui donnait, moins la moyenne de 10 ans de travaux, 15.860 florins ou 40.919 francs, un benefice net de 8.140 florins ou 21.000 francs. Gallois estima que le seul inconvenient du procede etait la con- sommation considerable de combustible. Grosskirchheim etait plus eloignee des mines, mais le bois y etait a ineilleur marche ; Lainach etait la mieux plaeee, quant aux frais de main-d’ceuvre et de bois. 60 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES La mine de plomb et de calamine de Rajbelj x , dans la vallee de la Ziljica, avait une position elevee, exposee aux pluies froides et aux neiges, et l’ete n’y durait que 15 jours. Le gouvernement n’exploitait qu’un filon qui passait pour etre inepuisable, le mieux regie et le plus considerable de l’Europe. II y avait aussi plusieurs gisements de galene (plomb sulfure). D’autres parties de la mine etaient exploitees par Cvprien Strugel, proprietaire a Trbiz, et Maggauer. Mais l’interieur de cette mine etait neglige. Coinme le beau filon s’enfongait sous terre, l’exploitation devait se conti¬ nuer par puits. Le niveau inferieur exigeait deja des epuisements, qui se faisaient au moyen de pompes a main. II aurait. fallu y construire une machine pour diminuer les frais. La mine posse- dait une fonderie de 7 fourneaux et trois forges ; le personnel comptait 7 employes de l’administration (le directeur etait lliibner) et 434 ouvriers. Ces ouvriers, qui etaient en partie de Gorica et des Etats venitiens, habitaient aux environs, sans leurs families. Ils quittaient Rajbelj le samedi apres-midi et revenaient le lundi soir. A Rajbelj le minerai etait intimement mele avec de la blende et de la gangue calcaire et difficile a isoler, ce qui exigeait une plus grande consommation de bois. La produc¬ tion annuelle s’elevait a 6.000 quintaux de plomb et 3.000 quin- taux de calamine ; un quintal de plomb valait 18 florins, uri quin¬ tal de calamine (qui etait de quatre especes) en moyenne 3 florins ; apres deduction des frais de fabrication, de 101.000 florins ou 260.580 francs, restait un benefice de 16.000 florins ou 41.280 francs, ce qui etait moitie moins qu’a Bleiberg et prouvait que Rajbelj etait moins favorablement placee. Le transport du bois neces- saire, pris dans trois coupes, se faisait en partie par flottage. La fonderie et la manufacture imperiales de laiton de Lienz 2 appartenaient pour deux neuviemes au baron Charles de Lichten¬ stein, pour le reste au gouvernement. On fondait une partie egale de cuivre et de calamine pour obtenir une partie et un tiers de laiton qu’on eoulait en lingots, sounds au martelage, pour en former, dans la platinerie, des lames ou feuilles, ou destines aux operations de la trefilerie. L’etablissement possedait une fonde¬ rie, une platinerie, trois trefileries, et il employait 96 ouvriers. II consommait annuellement 1.000 quintaux de cuivre et 1.200 quin¬ taux de calamine, et produisait 1.320 quintaux de laiton et 200 quintaux de dechets et de rognures. La valeur totale etait de 84.640 florins ou 181.971 francs, les frais de 147.840 florins ou 1 AN, F 14 , 1043, 2 e d., rapport du 18 aout 1810. 3 AN, F 14 , 1043, 4 e d., rapport du 16 aout 1810. L*EXECUTION DO BLOCllS CONTINENTAL fiN ILLYRlE 61 317.856 francs, le benefice de 7.920 florins ou 17.028 francs, c’est- a-dire 6 florins par quintal de laiton. Lienz etait d’un produit mediocre en comparaison avec les avances qu’exigeait la fabri¬ cation, et ne pouvait se soutenir que par l’assistance du gouver- nement et en se liant avec les autres etablissements plus produc- tifs de l’Etat. Les travaux furent arretes en aout 1810 ; un appro- visionnement de 400 a 500 quintaux de cuivre etait necessaire pour assurer la fabrication pour six mois. En 1808, la manufac¬ ture de Lienz avait produit 84 quintaux de marchandises en laiton. Quant aux six grands etablissements de Bleiberg, Rajbelj, Greifenburg avec Jaucken, Grosskirchheim, Lainach et Lienz, Gallois proposa 1 de les reunir sous une seule administration devant assurer l’existence de 2.300 ouvriers et, surtout, appro- visionner Lienz de cuivre, par voie d’eehange, l’Alle.magne ayant besoin de plomb. Plus tard, Lienz pourrait exploiter les mines de cuivre de Trgova, dans la Croatie militaire. Outre ces grands etablissements de l’Etat, il y avait encore en Haute-Carinthie quantite de mines de moindre importance en la possession de proprietaires priv.es 2 , dont quelques-uns out ete deja mentionnes. 11s exploitaient : l’or a Grosskirchheim, le plomb a Rublach, l’alun a Greifenburg, le marbre a Vrba, le fer a Krems- briick, Eisenstratten, Muta et Pontabelj, le plomberon argente a Paternion, le cuivre a Fragant et Kerschdorf, le mercure a Dollach et Reichenau, 1’antimoine et l’arsenic a Lasingberg. Ces mines possedaient 56 fourneaux et s’elevaient avec les usines an nombre de 96, dont 27, en 1809, n’avaient pas ete en activite. Les forges etaient favorisees par l’abondance des forets, mais devaient importer le fer brut du cercle de Celovec ( Klagenfurt), le cercle de Beljak n’y sulfisant pas. Le groupe des mines et des usines de la Carniole ollrait un tout autre aspect 3 : il comprenait 26 etablissements, tous en la posses¬ sion de particuliers, surtout du baron Sigismond Zois 4 , de Leopold Ruard et du prince d’Auersperg, et la mine imperiale de charbon de terre a Zagorje. Parmi les premiers, il v avait : 10 mines de fer, a Javornik, Bohinjska Bistrica, Sava, Pasjek, Dvor, Kamniska Bistrica, Zelezniki, Kropa, Kamna Gorica et Zagradec; , AN, F 14 , 1043, 4® d., 18 novembre 1810. 2 Ibidem : plusieurs tableaux de 1810, et L. de la Moussaye, Kurze Statislik de* Villacher Kreises..., pp. 61-62. On ne cite ici que les lieux non encore men- 1 onnes. 3 AN, F 1 *, 1043, 3 e d. : plusieurs tableaux de 1810. 1 Sigmund Freiherr Zois von Edelstein, grand proprietaire de mines et d’usineS en Carniole, savant mineralogiste, mecene des sciences et des lettres. 62 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES 8 forges, a Bela pec-Fuzine, Trzic, Retno et Gornja Kokra ; une taillanderie, a Trzic ; 3 mines de plomb, a Radece, Sava et Knapovze ; et 4 mines de charbon de terre, a Zagorje et Golek pri Mirni. Ces etablissements employaient 4.367 ouvriers ; le mon- tant des ventes etait de 426.956 florins ou 1.122.895 francs, les frais de fabrication de 414.775 florins ou 1.090.858 francs, le bene¬ fice restant de 12.181 florins ou 32.037 francs. Leurs produits consistaient principalement en acier, fer en barre, clous, faux et haches. La mine d’Etat de Zagorje avait une production annuelle de 30.000 quintaux de charbon, et la fabriquede Zagorje, fondee pourfournir a Idrija les vases necessaires, vendit en 1808, en charbon de terre, en verres, en briques, en fer, etc. pour 99.629 florins; les depenses s’elevaient a 93.621 florins, le benefice a 6.008 florins ou 13.129 francs. Elle occupait 60 ouvriers et 13 employes. A ces mines de la Carniole on peut ajouter, en Istrie, les mines de charbon de terre de Krapan et du bois de Lipica pres de Trieste, appartenant a la raflinerie de sucre de Rijeka \ et, en Croatie civile, une mine de cuivre a Samobor, propriete de particuliers, mais dont les travaux etaient alors abandonnes 1 2 . Le gouvernement illvrien avait a peine pris connaissance de ses mines que, des le debut de 1811, les dillicultes commencerent a surgir. La premiere difficulte etait, comme a Idrija, l’arriere des paiements, et Rajbelj, la plus faible des mines, en souffrait la premiere. Le gouvernement chercha d’abord a leur procurer l’argent necessaire ])ar la voie des ventes. L’intendant general donna, le 27 janvier 1811, l’ordre de vendre 1.500 quintaux de plomb de Rajbelj et 300 quintaux de zinc de Greifenburg, apres avis publie au Telegraphe Officiel 3 , a Trieste et a Celovee( Klagenfurt). Mais personne ne se presenta a la vente qui devait se faire le 15 fe- vrier et que le directeur de Rajbelj attendait impatiemment. Les ouvriers voulaient deja quitter les travaux et aller en Autriche. L’intendant de la Carintliie, Wilcher, envova a l’intendant general une petition des ouvriers de Rajbelj, non paves depuis decembre, qui demandaient desesperement le secours du gouvernement. La modicite de leur salaire les obligeait a vivre au jour le jour et a acheter le plus souvent a credit pour payer a la fin du mois. A cause de la guerre, il y avait eu suspension du travail durant plusieurs mois, et il avait fallu contracter des dettes. Ils avaient 1 BMCH, Statistique de Trieste pour 1809. 2 AN, Fib, 61, n° 4. 3 TO, 1811, 12. l’f.xecution DU BLOCUS CONTINENTAL EN ItLYIUE 63 egalement subi des pertes par la reduction de la monnaie. Les foui'nisseurs ne livraient plus que sur acoinptes. 11 ne leur reste- rait done plus qu’a emigrer ou mourir sur place. Gallois et leur directeur Hubner appuyuient la petition. Le prix du plomb etait alors de 14 florins pour la vente en gros, et Hubner disait pouvoir atteindre 15 a 16 florins a la vente au detail. Wilcher proposa done de donner aux directeurs de Rajbelj et de Bleiberg 1 l’auto- risation de vendre au detail. Bientot Bleiberg suivit. Des le 12 mars, Gallois envoyait un rapport sur la situation alarmante des mines imperiales de plomb en Haute-Carinthie 2 ; il y indiquait les causes de cette decadence et proposait des moyens pour restaurer l’ancienne prosperite. Le gouvernement autrichien achetait toujours la totalite du plomb fabrique et le transportait a Vienne, fixait le prix pour avoir du benefice de ces etablissements et se chargeait aussi de de¬ biter le surplus depassant. les besoins de l’administration mili- taire. En temps de guerre il probibait les ventes des parti- euliers, de sorte que le plomb ne pouyait jamais 6tre vendu au-dessous de sa valeur. Mais apres la cession les mines impe¬ riales furent pour la premiere fois soumises aux chances du commerce. Le prix du plomb etant tombe de 20 florins a 13 flo¬ rins et la fabrication coutant, 15 florins, il en resultait une perte de 2 florins par quintal. Cependant, les particuliers et le gouvernement etaient obliges de livrer le plomb a ce prix pour aequitter l’arriere du paiement des ouvriers. Plusieurs'exploitants avaient deja congedie des ouvriers ; ceux du gouvernement avaient un arriere de trois mois, et etaient prets a quitter les travaux; plusieurs s’etaient deja rendus en Autriche, ou avaient emigre en Saxe, en Hongrie, en Boheme et en Transylvanie. Le seul moven d’arreter la chute de Bajbelj et de Bleiberg aurait ete d’assurer, comme sous le gouvernement autrichien, la valeur reelle du plomb et son debit en etablissant un magasin general aux frais du gou- vernement, et en faisant payer aux etablissements le montant des livraisons a mesure de leur execution. Gallois proposait Savone comme le lieu le plus favorable pour ce depot, en raison des nouvelles routes qui facilitaient le transport, de la position maritime, et de la proximite de l’importante Alexandrie. Les nombreuses fabriques de poterie des environs acheteraient pour 100.000 francs ; on pourrait, par ailleurs, vendre le reste de la production a GSnes, Marseille, Nice et Toulon, pour servir aux 1 AN, Fie, 1043, 3« d., 27 janvier, 16 fevrier 1811. 2 Ibidem, 2 e d. 64 LA VIE ECONOMIQUE DBS PROVINCES ILLV RIE N NE S besoins de la guerre contre l’Espagne. II ne serait meme pas neces- saire que le gouverneinent se chargeat de la totalite du plomb ; la moitie suffirait pour fixer le prix. Mais, si l’on n’adoptait pas ce moyen, les etablissements seraient perdus en six mois. La situation, deja alarmante, empirait toujours, et l’adminis- tration decouvrait encore d’autres causes de cette misere. C’etait le defaut de debouche du cote de l’Allemagne et la repartition trop inegale des fonds resultant des ventes 1 pour les mines el. les usines de Carinthie ; pour celles de Carinthie et de Carniole les achats de bois, la conscrijition, les impots et les douanes 2 . Le gouvernement autrichien avait sacrifie aux mines les bois domaniaux, exempte les mineurs du service militaire, et limite I’impot a 4 kr., plus tard a 8 kr. en papier par quintal, et le droit sur Fexportation du fer a 1 1 /2 kr. par quintal. Les mines illyriennes ne florissaient done que grace aux grandes concessions du gouvernement autrichien et a la liberte de la mer. L’administration frangaise, au contraire, avait annule les concessions d’usufruit des forets domaniales, et le bois etait vendu a bas prix, mais pourtant plus cher qu’aupa- ravant ; l’iinpot de 8 kr. devait se payer en argent ; le fer en barre payait a Fexportation 20 kr. au lieu de 1 1 /2 ; la clouterie pavait pour le baril a la sortie 36 kr. au lieu de 7 1 /2 ; les douanes exi- geaient en outre sur les barils de clouterie et d’acier des droits accessoires de plombages, qui excedaient tellement les droits principaux, que, par exemple, 30 barils d’acier de 2 quintaux chacun payaient pour le tarif environ 2 frs 50 et pour le plom- bage 19 francs ; les proprietaires des forges etaient soumis au droit de patente, qui n’existait pas auparavant ; les batiments servant a Fexploitation etaient frappes d’un droit additionnel de patente sur Festimation d’un loyer fictif, impot egalement nou¬ veau ; le territoire de ces batiments et des usines etait frappe de l’impbt foncier, dont auparavant il avait ete exempt ; la suppres¬ sion de l’exemption du service militaire faisait fuir une grande par- tie des ouvriers en Styrie et haussait le prix de la main-d’ceuvre. Une decadence rapide, consequence de tout cela, se faisait sentir dans le pays entier par un enchainement d’elfets secondaires : le prix du fer, sur la place de Trieste, etait deja au-dessous des frais de fabrication, et les proprietaires des forges suspendaient leurs travaux et fermaient successivement leurs ateliers pour attendre des circonstances meilleures. En avril. les fonderies de Grosskireh- 1 AN, F 14 , 1043, 3® d., 4 avril 1811. 2 Ibidem, Renseignements... sans date. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 65 heim et Lainach furent totalement abandonnees, faute de paiements L Ainsi, la situation etait devenue si critique qu’il fallait chercher des secours extraordinaires. Wilcher et Gallois demanderent un secours provisoire a l’intendant general ; mais celui-ci leur conseilla de s’adresser directement a Marmont, alors deja a Paris, pour obtenir un emprunt de 300.000 francs sur une caisse du tresor imperial, ce qu’ils firent le 15 avril 2 , exposant qu’avec ce secours temporaire les dettes seraient payees en 3 mois ; en 6 mois, on serait rentre dans les fond debourses, et les benefices seraient garantis. Marmont, dans ses observations ecrites pour son successeur Ber¬ trand, constate que ces dettes 3 etaient le l er avril de 180.000 francs et les depenses de 60.000 francs par mois, de sorte que les dettes, au l er mai, s’eleverent a 240.000, le l er juin a 300.000, etc. II pro¬ pose egalement un emprunt de 200.000 francs et, pour l’adminis- tration, l’autorisation de vendre. Quand les dettes seront reglees, on pourra mieux vendre ; pour le moment, les marchands, con- naissant les besoins de Padministration, se coalisaient pour avilir les prix, et les ouvriers commettaient des vols de matieres qu’on ne pouvait arreter, parce qu’ils manquaient de pain. Montalivet proposa, le 20 mai, cet emprunt de 200.000 francs pour Padmi¬ nistration des mines carinthiennes 4 . Le ministre de la guerre avait deja achete du plomb pour 100.000 francs, ce qui donna par la perte du change 98.970 francs ; mais Padministration des mines n’en regut que 48.970, le reste (50.000 francs) ayant ete verse au Tresor. En juillet, Napoleon ordonna une nouvelle vente de 100.000 francs de plomb au departement de la guerre 5 . Et. apres une correspondance tres etendue entre Belleville, Ber¬ trand, Montalivet et Laumond au sujet de cet emprunt, le se¬ cours de 200.000 francs fut accorde le 7 aout 6 . Entre temps, l’intendant general Belleville essaya aussi de secourir les mines. II autorisa l’intendant Wilcher a pourvoir pro- visoirement par des ventes particulieres a tous les besoins d’ar- gent, pour ne pas laisser s’accumuler les dettes arrierees 7 ; il appliqua les produits des domaines de la Carinthie aux depenses les plus urgentes, en considerant les plombs en magasin comme gage ; et comme les accapareurs s’etaient tellement coalises pour 1 AN, F», 1043, 3e d. (24 avril 1811). 2 Ibidem. 3 AN, FI®, 65, 16 mai 1811. 4 AN, F 14 , 1043, 3® d. 6 AN, Fi*, 63, 3 e d., 10 juillet 1811. 6 AN, Fi®, 63, 3 e d. 7 AN, F 14 , 1043, 3 e d.. 7 mai 1811. Pivec-Stelfe 5 66 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES abuser de la penible situation du gouvernement que l’on n’offrait plus que 30 francs pour un quintal de plomb, tandis qu’k Venise il valait 45 k 50 francs, il prit le parti de former un entrepot a Venise et d’y faire vendre, sous la surveillance du consul general, les produits aux encheres publiques b Un decret du 3 juillet 1 2 approuva ces mesures de l’intendant general, c’est-a-dire l’emploi des produits des domaines en Carinthie au paiement des ouvriers des mines pour prevenir leur desertion. Le meme mois, l’inquie- tude de Belleville, causee par des agents des mines autrichiennes qui essayaient d’attirer les directeurs de Rajbelj et de Bleiberg en Autriche, donna lieu k une demarche du ministre des Affaires etrangeres. Maret, pres de l’ambassadeur d’Autriche a Paris, le prince de Schwarzenberg. Mais cette crainte apparut plus tard comme non fondee, les deux directeurs etant restee en Illyrie 3 4 . Cependant Gallois, apres sa nomination a Idrija, quitta les mines de la Carinthie en mai 1811, n’y laissant que Leboullenger et Lemaire. Une organisation devint necessaire. Le decret du 15 avril (art. 131-133) avait decide que le ministre de l’lnterieur soumettrait un projet d’organisation du service des mines en Illyrie, etabli d’apres les reglements frangais, et qui maintiendrait au profit du gouvernement les droits sur l’exploitation des parti- culiers. Mais on ne parvint jamais k cette organisation defini¬ tive des mines : en 1811, des projets furent concus, mail ils ne furent pas executes b Un arrete de Bertrand, du 2 aout 5 * , etablit seulement a Beljak une agence provisoire des mines qui fonc- tionna jusqu’a la fin de 1’Illyrie. Elle se composa de l’intendant / de la Carinthie, de l’ingenieur Lemaire, et de Chapotin, inspecteur du domaine, et commenga a fonctionner le 15 aout. Leboullenger fut charge des travaux d’art des etablissements de la Ilaute- Carinthie, sous la direction de Lemaire, charge de Rajbelj et de Bleiberg. Les indemnites des membres de 1’agence furent reglces par un arrete du 3 aout 8 . Les premiers soins de l’agence allaient aux fonderies de la Haute- Carinthie. Le 28 aout, elle soumit a l’intendant general Belleville ses intentions sur les moyens de se procurer le cuivre necessaire, et de placer le zinc qui s’accumulait dans les depots 3 . Le zinc, d’un usage relativement restreint, etait difficile k placer. 1 AN, F 14 1043, 3 e d„ 25 juin 1811. 2 AN, AFiv, pi. 4435, 76. 3 AN, F 14 , 1043, d. et F IE , 61, 3 e d. 4 AN, F 14 , 1043, 4<> d. 6 AN, F 14 , 1043, 5» d. 8 AN. F 14 , 1043, 3 e d. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 67 La France ne possedait qu’une usine pour le traitement du zinc, a Liege, et el Ie n’avait pas besoind’en importer. Elle avait alors trop peu de cuivre pour fabriquer du laiton, et les petites fabriques de Marseille et de Lyon etaient, reduites au chom ige ou a l’inactivite. Les usines de Namur et d’Aix-la-Chapelle trouvaient dela calamine a leunportee. Le transport aurait done ete onereux pour le Tresor. Au¬ trefois, ce metal passait en Autriche, ou il servait a convertir en laiton les cuivres de Russie, de Suede et d’Autriche. L’Empereur d’Autriche, comme proprietaire de ces fonderies, avait defendu d’en etablir d’autres ; de meme, il avait ordonne qu’on leur livrat toute la calamine, et ne laissait au commerce du zinc que des quan- tites assez minimes pour que le prix ne put pas en etre avili. 11 avait fixe la production de ses fonderies & 3.000 quintaux annuelle- ment, quoiqu’on eut pu la porter beaucoup plus haut. Tout de suite apres la cession, la Chambre aulique a Vienne avait fait faire des recherches de calamine, mais sans sucees. Aussi ce metal etait-il alors tres recherche en Autriche. plusieurs acheteurs s’etaient dejfi presentes ; un fournisseur de bois en accepterait en paiement. Par contre, le prix du cuivre avait baisse en Autriche de 90 et 100 florins a 70 et 75. Il faudrait done renouer les rela¬ tions commerciales entre l’lllyrie et l’Autriche pour placer le zinc et se procurer du cuivre. En consequence, l’agence demanda a l’intendant general l’autorisation de vendre 1.000 quintaux de zinc a des particuliers ou h l’etranger, au prix minimum de 30 flo¬ rins le quintal ; de livrer a Batistulli, fournisseur de bois a Grei- fenburg, du zinc a 36 florins le quintal ; d’acheter a 1’etranger jusqu’a 400 quintaux de cuivre, au prix maximum de 80 florins, et de l’importer sans droit; enfin, d’organiser un echange annuel et regulier du zinc des Provinces Illvriennes et du cuivre de 1’Autriche. Mais Belleville ne voulut pas prendre sur lui de donner cette autorisation, et renvoya la demande de l’agence au ministre des Finances et au comte Defermon, qui, de leur cote, attendaient l’avis du directeur 'general des mines, Laumond. Il semble que Paffaire en soit restee la. Par contre, Belleville donna a Lemaire et h Leboullenger l’idee de se procurer du cuivre pour la fabrica¬ tion du laiton h Lienz, en y employant les pieces de cuivre qui abondaient en Illyrie. Mais, apres plusieurs essais, Lemaire dut repondre que ces cuivres ne pouvaient entrer que pour un tiers dans la composition, puisque ces monnaies n’etaient pas de cuivre pur, mais contenaient aussi de l’etain, qui rendait le laiton cas- sant L Cet essai fut done abandonne. i AN, F 14 , 1043, 2 e d. (11 novembre 1811). 68 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES II y avait bien la mine de cuivre de Samobor, en Croatie civile, au minerai tres riche, appartenant a une societe de Vienne, et que nous avons deja. mentionnee ; inais elle etait, pour ainsi dire, inactive L Son administration alleguait deux mol ifs de cette inactivite : le mauvais etat des machines et des galeries, dont la reparation aurait exige des depenses que la societe ne pouvait supporter, et la prohibition de l’exportation du cuivre brut a la ligne des douanes de la Save, ce cuivre avant ete ordinairement vendu sur l’autre rive. Cependant, l’intendant Contades soup- Qonna la certain calcul personnel de l’administrateur : le desir d’acheter l’etablissement a bas prix, en le faisant considerer a la societe comine plus onereux qu’utile. L’intendant proposa au gouvernement de se charger de l’administration, en payant a la societe une somme egale au revenu net actuel ; le gouverneur general pouvait facileinent prendre cette mesure, etant co-associe et ayant droit a un 17 e du produit brut. Mais il semble que rien n’ait ete fait. En tout cas, Samobor n’entrait pas en consideration pour l’approvisionnement de Lienz. La nouvelle agence des mines continuait a eprouver les memes dillicultes que precedemment l’ingenieur en chef Gallois. Quand elle commenqa a fonctionner, les sommes dues par les six etablisse- ments iinperiaux etaient de 189.841 francs, les somines aceordees de 78.000 francs ; il restait done encore 111.841 francs de dettes. Grosskirchheim, Lainach et Lienz chdmaient depuis longtemps. L’agence s’occupa d’abord de retenir les ouvriers des autres eta- blissements encore en activite 1 2 . Une nouvelle complication naquit de ce que, d’apres le nouveau trace de la frontiere illvro-italienne, dont nous avons dejti parle, le territoire de llajbelj revenait a l’ltalie, ou, du moins, le gouvernement italien l’interpretait ainsi 3 . Un commissaire italien en prit possession, et tous les articles furent soumis aux droits d’entree et de sortie. C’etait une situa¬ tion insoutenable. Enfin, on decida que la mine continuerait de faire partie de l’lllyrie. La baisse de prix du plomb continuait toujours 4 . Le manque de debit for§a les proprietaires particuliers a vendre a un prix qui couvrait a peine les frais. La plupart des proprietaires vendaient leur production sur place aux negociants de Beljak qui 1’eXportaient a Milan et a Venise, quelque peu aussi en Autriche ; mais la, le droit d’entree de 6 florins creait un 1 AN, Fie, 62, n° 4. 2 AN, F 14 , 1043, 3 e d., 8 septembre 1811. 3 AN, F 14 , 1043, 5 e d., 26 septembre 1811. 4 AN, F J4 , 1043, 6 e d., 30 octobre 1811. l’eXECUTION DU ULOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 69 obstacle. Cependant la calamine etait tres recherchee en Autriche ; il y avait des demandes journalieres a l’agence. On aurait pu aussi exporter le plomb en Baviere, si, au lieu de blocs de 2 quin- taux, on 1’eut coule en saumons pesant seulement de 45 a 50 livres ; mais la chose, alors, ne fut pas tentee. Ainsi, pendant toute l’annee 1811, la situation en Carinthie ne s’ameliora pas. En janvier 1812, Lemaire proposa encore 1 d’en- courager la recherche des mines de charbon de terre, d’eriger de nouveaux hauts fourneaux pour rendre la Haute-Carinthie inde- pendante de la Basse-Carinthie restee autrichienne, et d’exempter de taxes les usines et les mines. II ajouta un tableau comparatif tres instructif de la richesse metallurgique du cercle de Beljak avant et depuis la cession des Provinces Illyriennes. De cette statistique il resulte que, si les etablissements particuliers employaient avant la cession 3.082 ouvriers, ils en employaient depuis la cession 2.018 ; et le produit annuel de la vente qui, avant la cession, s’etait eleve a 4.465.322 francs, n’etait depuis lors que de 1.776.223 francs. Pour les etablissements imperiaux, il n’y avait pas evaluation de la production de ces annees, a cause des chomages plus ou moins longs. Enfin le 23 janvier 1812, le domairie extraordinaire entra en possession des mines imperiales de l’lllyrie 2 . Chabrol etait tres satisfait de cette solution. Il ecrivit a Monta- livet- 3 que la cession des mines de Carinthie au domaine extra¬ ordinaire, commie cede d’Idrija aux Trois toisons, etait le salut de ces etablissements, parce que l’administration des Provinces Illyriennes n’etait pas assez riche pour faire les avances necessaires. Dans un nouveau projet de tarif des douanes, alors souinis a l’Empereur, on avait aussi propose des modifications, soit dans les droits de sortie, soit dans ceux d’entrce de l’ltalie, pour assurer un debit plus facile. Depuis cette cession au domaine extraordi¬ naire, au moins les embarras financiers des mines cesserent. D’autres mesures furent dictees par le desir de procurer un debouche au plomb illyrien. Un decret du 3 mai 4 autorisa le prelevement du montant des salaires sur le produit des ventes. Un autre, du 20 septembre 5 , supprima tout droit d’entree sur les ])lombs en saumon, envoyes d’lllyrie en France, ne laissant subsis¬ ter que le droit de balance, parce que le plomb d’lllyrie etait moins 1 AN, F 14 , 1043, 5* d„ 3 janvier 1812. 2 AN, AFiv, pi. 4927, 45. 3 AN, 1-", 1043, G° d., 10 avril 1812. 4 AN, AFiv, p|. 5232, 7. 6 Bulletin, IV, 461-8449 ; AN, AFiv, p l. 5501, 46. 70 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES cher que celui de France et d’ltalie et qu’il etait avantageux de le faire venir. Les bureaux d’entree du plomb furent designes 4 Genes, Yerceil et Casatisme. Le decret du 10 janvier 1813 1 interdit l’entree en France du plomb d’ltalie, mais maintint l’admission du plomb d’lllyrie. Une decision de l'agence du 6 fevrier 2 fixa pour deux ans les conditions de l’entreprise, et un avis de l’iiiten- dant Charnage 3 annonija, pour le 31 mai, a Beljak, une vente de 3.000 a 4.000 quintaux de plomb de Bleiberg et de Rajbelj, en lots ou en masse. Enfin, le decret du 10 avril 4 exempta de tout droit de douanes les plombs illyriens a l’entree en France et en Italie, et on en donna avis au commerce avec l’espoir que cette decision procurerait un debit avantageux aux produits des mines de Carinthie. En Carniole, la situation des mines et usines 5 etait presque encore plus critique qu’en Carinthie ; car, si les etablissements carinthiens avaient ete florissants jusqu’a la cession, ceux de la Carniole declinaient des le xvni e siecle, parce que la concurrence italienne, suedoise et russe leur avait beaucoup nui. En 1805, la devastation des forets et le haut prix du charbon et du minerai avaient accentue la decadence. Neanmoins, en 1808, on avait encore produit 33.300 quintaux de fer brut et fabrique 23.500 quin¬ taux d’articles en fer et en acier, avec une . valeur de 3.000.000 de francs. La periode illyrienne aggravait considerable- ment la situation de ces etablissements qui, deja auparavant, ne s’etaient maintenus qu’avec peine. Gallois deplorait l’emigration des ouvriers et leur triste situation, qu’il connaissait. Quand le gouverneur general demanda, comment on pourrait leur porter secours, M. Cerin, ancien adjoint de l’administration des mines en Carniole, indiqua des remedes que nous connaissons dejd : exemp¬ tion du service militaire pour les mineurs, restitution aux pro¬ prietaries des droits sur les forets, et achat par l’Empereur, a bon marche, des produits de fer et d’acier, pour permettre d’attendre la vente de ces produits a l’etranger. L’annee 1812 etait particu- lierement critique. Dans les etablissements de la vallee de Bohinj, en Haute-Carniole, la moitie des ouvriers furent congedies, les sa- laires des autres reduits a ceux de 1788. Les dettes des proprietaires s’accumulaient. Le baron Sigisiftond Zois, le plus grand proprie- 1 TO, 1813, 27 ; AN, AFn^pl. 5699, 4. - AFV, F (Aklen aufgelassener Lokal-Montanbehiirden u. Montanwerke). 3 TO, 1813, 33. 4 Ibidem, 44. 6 A. Miillner, Geschichte des Eisens in Inner-Oesterreich..., I, pp. 366-370, 748-750. AGG, G, 780, n° 32. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 71 taire de mines et usines en Carniole, voulait vendre ses etablisse- ments dans la vallee de Bohinj, mais il n’y reussit pas. Et Leopold Ruard, autre grand proprietaire, a Sava, ne pouvait pas fournir les quantites d’acier stipulees avant 1809. Le baron Lattermann constata cette mauvaise situation en juin 1814, et en 1816 encore plusieurs usines se plaignaient de l’epoque illyrienne et implo- raient le secours de l’Empereur. Nous avons moins de renseignements sur les etablissements de la Carniole appartenant a des particuliers x , a l’exception de Zagorje, que sur les etablissements imperiaux de la Carinthie. Mais ce que nous en savons sufllt pour nous demontrer qu’aux maux communs h toutes les mines et usines illyriennes s’ajoutaient en Carniole le fait d’un affaiblissement anterieur et le caractere de propriete privee, qui dispensait Napoleon de faire les sacrifices qu’il avait faits pour les etablissements imperiaux. Si le gouver- nement maintenait encore peniblement une production impro- ductive, les proprietaires particuliers, disposant de beaucoup moins de capitaux, ne pouvaient obtenir le meme resultat. II semble que la plupart se soient tires d’affaire en demeurant en chomage ; et l’emigration des ouvriers en fut encore renforcee. Lorsque la guerre avec 1’Autriche devint menagante, Belloc, directeur de 1’administration du domaine, fut, en juin 1813, charge par l’intendant general du domaine extraordinaire de traiter pour le transport de 12.000 a 18.000 quintaux des magasins des mines de Carinthie a Yenise 1 2 ; et un decret du 13 aout accorda un supplement de credit pour le transport 3 . Ce fut la derniere mesure concernant les mines illyriennes. Nous terminerons par un mot sur le sort du personnel des mines. Ces ingenieurs s’etaient occupes avec devouement de leur service, et avaient donne k plusieurs reprises de bons conseils pour le salut des divers etablissements ; ce n’etait pas de leur faute si le blo- cus n’en permettait pas l’execution. Mais un singulier malheur les poursuivait. Leboullenger avait du partir en juillet 1812, atteint d’une melancolie maladive due au climat des montagnes de Carinthie 4 . Lemaire avait demande, des 1811, qu’on ne le laissat pas passer un second hiver dans ce pays, k cause d’un mal d’yeux que les neiges aggravaient ; son pere avait, a plusieurs 1 A. Kobler, p. c., constate seulement que, pendant l’epoque frangaise, les mines et usines declinaient : Zgodovina ielezarsWa na Iiranjskem (Ilistoire de l’industrie du Ter en Carniole), p. 197. 2 TO, 1813, 53. 3 AN, AFiv, pi. 6391, 9. 1 AN, F 14 , 1043, 6° d., plusieurs lettres. 72 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES reprises, supplie Laumond de le rappeler de ces provinces mal- saines, ou les environs de Ljubljana sont en grande partie mare- cageux et ou la chaleur est telle qu’elle occasionne souvent la folie. En septembre 1813, Lemaire fut emprisonne a Beljak, retourna ensuite en France par la Styrie et la Baviere, puis regut un conge, et mourut a Lille, chez ses parents, en janvier 1814 L Gallois fut encore le plus heureux des trois 1 2 . Etant parti en sep¬ tembre 1813, il cessa ses fonctions de directeur d’Idrija le 14 mai 1814. II demanda bientot, le 13 aout, la decoration de la legion d’honneur, en se reclamant de ses services en Illyrie, de sa tournee de 300 lieues (a 4.288 m.) en Carinthie et en Croatie militaire, et de l’organisation du service des mines, principale richesse publique en Carinthie et en Carniole. II disait que l’administration fran- gaise avait laisse un souvenir honorable, et, comme c’etait deja sous la restauration, il se loua aussi d’un temoignage de satisfaction qu’avait exprime l’Empereur d’Autriche pendant son sejour a Paris. Sa demande fut appuyee par Chabrol et par d’autres, mais fut oubliee k cause d’une question de competence entre Laumond et le grand chancelier de la legion. Gallois la renouvela le 28 octobre 1823 : il fut nomme chevalier de la legion d’honneur le 14 aout 1824. Les directeurs des mines, Pretner, Iliibner et Bohr, etant indigenes, garderent leurs places. Ils avaient fourni des renseigne- ments et des rapports ; mais, dans leur position, ils n’avaient pas eu grande influence sur le developpement des mines illyriennes. B. — L’industrie. Quand on pense a l’antagonisme de l’industrie et du commerce k cette epoque, on pourrait s’attendre a un beau developpement de l’industrie illyrienne, protegee contre la concurrence etrangere par les droits prohibitifs (les tarifs douaniers, au moins, font foi de cette protection) ; et pourtant ce developpement n’a pas eu lieu. Tout d’abord, comme on l’a deja vu, l’industrie illyrienne, k 1’exception de l’industrie metallurgique, etait faible. Les fabriques etaient plutot rares, et leur nombre decroissait encore des pro¬ vinces occidentales aux provinces orientales. Aussi n’avons-nous pas beaucoup de renseignements a leur sujet pendant l’epoque illyrienne. Il y a eu peu d’efforts de la part du gouvernement et de celle des particuliers pour accelerer l’industrialisation des pro- 1 AN, F* 4 , 1043, 6 e d., plusieurs lettres. 2 AN, ++ F, 111229 (dossier Gallois). l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 73 vinces, puisque 1’Illyrie etait traitee en pays commergant et point en pays industriel, et destinee au role de consommateur plutot qu’a celui de producteur. II n’eut pas ete possible, d’ailleurs, d’augmenter sensiblement, en si peu d’annees, cette branche de la vie economique. Pourtant, il y eut quelques entreprises nouvelles, cependant que, parmi les anciens etablissements, quelques-uns continuaient leurs travaux, et que d’autres, periclitant en raison des tarifs douaniers, du manque de matieres premieres, de debit et de consommation, suspendaient, en partie, leur activite. La revue de l’industrie illyrienne est vite faite. 11 y avait, en Carniole, quelques fabriques de laine, de dentelles, d’etolfes grossieres et de bas de laine a Trz.ic, et d’autres, de cuir et de mar- chandises en bois, en paille et en faience a Ljubljana, qui expor- taient annuellement pour 600.000 florins, surtout en Autriche et en Italie, et dont vivaient plus de 10.000 hommes L La verrerie de Zagorje etait propriete de l’Etat. En Istrie, il y avait une ralbnerie de sucre et des fabriques de savon, de rosolio et de faience a Trieste ; & Gorica, des fabriques de soie ; a Koper, une tannerie considerable 1 2 . La Croatie civile possedait a Rijeka une iinportante raflinerie de sucre, une grande fabrique d’Etat de tabac et plusieurs fabriques particulieres de tabac ; une verrerie a Susica, sur la route Louise. La Dalmatie ne fabriquait que du drap grossier, de l’eau-de-vie et des liqueurs. A Dubrovnik, on fabriquait des chandelles de suif et des cierges, mais de qualite iuferieure, des toiles et des draps grossiers ; ces chantiers avaient ete importants 3 . L’industrie de la Croatie militaire n’etait qu’in- dustrie a domicile ; un decret du 3 juillet 1811 4 dut autoriser, pour cette annee-la, l’importation en illyrie des draps autrichiens destines a Thabillement des regiments croates. Parmi ces etablissements, le sort de la ralbnerie de sucre de Rijeka est particulierement interessant ; plusieurs documents emanant de la direction permettent d’esquisser les dilbcultes de ces annees. Le 22 fevrier 1810, les directeurs, G. J. Gridder, P. de Vierendels et A. Seiler, adresserent une petition k Marmont 5 . Ils y expliquaient que cet etablissement appartenait a une societe anversoise fondee le l er octobre 1750, sous Marie-Therese. A cause de son uLilite pour l’Etat et surtout pour la ville de Rijeka, le gouvernement lui avait accorde divers privileges, grace au 1 H. G. Iioff, Hislorisch-slatisiisch-lopographisches Gemalde..., I, pp. 23-24. 2 BMCH, Statistique de Trieste pour 1809. 3 AN, F IK , 62, n° 4. 4 AN, AF lR , pi. 4433, 34. 5 BMCH. 74 LA VIE ECONO MIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES quels en meme temps que grace aux soins de sa direction, il etait de- venu un des premiers etablissements d’Europe. Ayant ete pendant bien des annees la seule raffinerie du pays, il pourvoyait en partie tous les Etats autrichiens, la Ilongrie, la plus grande partie de l’ltalie, Naples et l’fitat Romain, ce qui exigeait une provision annuelle d’environ 100.000 quintaux de sucres bruts qu’elle retirait presque tous de Marseille, de Bordeaux, de la Rochelle, du Havre et d’autres ports de France, ainsi que de Hambourg, et en dernier lieu, depuis que la guerre avail commence, de Lisbonne, d’ou elle avait reiju, le 7 novembre 1807, la derniere cargaison qui lui etait parvenue. Tout cela avait necessite le chomage de la raffinerie pendant une annee et deinie environ. Depuis ce temps, elle avait ete sans autres provisions et achats de sucres bruts, pour ne pas perdre le droit de pouvoir introduire les sucres raffines demeurant en Ralie et dans les autres pays de Napoleon. Neanmoins, les sucres raffines qu’elle avait a Trieste, pour son compte et celui de ses amis de Naples et de Rome, avaient ete sequestres et exportes a Venise, malgre le certificat d’origine que le consul de Trieste avait deja donne pour plusieurs de ces sucres en vue de leur introduction en Italie. La fabrique procurait la subsistance directement a 200 families, indirectement a 400 ; la plupart des paysans sur la route de Rijeka a Ljubljana, et sur celle de Rijeka a Trieste, vivaient du transport des sucres et du sirop. Cette fabrique etait parvenue a trouver dans ce pays tout ce qui etait necessaire a la fabrication des sucres. Auparavant, elle devait, k grand frais, tirer son charbon de terre d’Angleterre ; mais, heureusement, elle avait decouvert des mines de charbon dans les environs de Trieste et a Krapan, en Istrie. Cependant, depuis deux ans, il ne lui avait plus ete permis de rien retirer de Krapan, au grand prejudice de la raffinerie, nonobstant le decret du vice-roi d’Italie (cette partie de 1’Istrie appartenant alors au royaume d’Italie) autorisant l’extraction du charbon de terre moyennant le paiement des droits etablis. Par ordre du prefet de T Istrie, la raffinerie avait du, en 1806, fournir pour l’arsenal de Venise, une certaine quantite de ce mineral ; apres quelques epreuves, on demanda seulement le charbon en gros morceaux. Elle demanda alors la permission de pouvoir exporter, pour ses besoins, le charbon en petits morceaux et en poussiere, mais cette permission ne lui fut pas accordee. Par ordre du delegue de Labinj, Battiala, l’administration des mines dut forcer le travail et employer jusqu’k 50 ouvriers, malgre qu’elle eut fait observer qu’elle n’employait jusqu’alors que 30 ouvriers. La quantite de mineral extraite avait ainsi natu- L’EXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 75 rellement augmente ; plus de 3.000.000 de livres (a 0.56 kg.) qui, ne pouvant etre exportes a Venise a cause des obstacles de la navigation, demeuraient exposes aux injures de l’air et de l’eau, pour le plus grand prejudice de la compagnie. Celle-ci renouvela alors ses instances, mais elle n’obtint rien. La raffinerie etait dans une extreme disette, le gouvernement ne pouvait pas trans¬ porter le charbon, et le minerai continuait de se gater. La direction de la rallinerie demandait done a Marmont deux permissions. D’abord, celle d’extraire son charbon, d’autant plus que la qualite n’en repondait pas a l’attente de l’arsenal de Venise, et qu’un employe de la marine avait assure que l’arsenal n’avait besoin annuellement que de 3.000 quintaux (k 56 kg.) de charbon; les mines pourraient done fournir le necessaire a I’arsenal et a la raffinerie ; et comme celle-ci possedait encore d’autres mines dans les environs de Trieste et n’en pouvait pas transporter le charbon par mer, elle pourrait en fournir a l’Etat, le transport de Trieste a Venise etant beaucoup plus facile. D’autre part, la permission de retirer et d’introduire les sucres qu’elle pourrait se procurer en Ilongrie (ou il y en avait actuellement), puisqu’il etait impos¬ sible de faire venir par mer les sucres bruts. La direction joignait a sa demande la liste des actionnaires, au nombre de 186, dont la plupart etaient des Pays-Bas, d’Anvers, de Bruxelles, de Ma- bnes, de Louvain, de Gand, d’Amsterdam et de La Llaye, — et dix seulement de Rijeka, neuf de Vienne, deux de Prague, un de Trieste et un de Gorica. Cette petition eut un succes partiel. Le 8 avril, un decret 1 autorisa l’importation d’Autriche de 12.000 quintaux de sucre brut pour alimenter la manufacture. Cependant, le 10 novembre, suivit une seconde petition des directeurs Gridder et Seiler, adressee egalement a Marmont 2 . Les negociants de Rijeka avaient ete convoques, le 5 novembre, au tribunal du commerce, ou on leur annonga l’execution des decrets du 5 aout et du 12 septembre. Comme les sucres raffines n’etaient pas compris dans ce tarif, la raffinerie etait persuadee que ses sucres seraient exempts de ce droit, d’autant plus qu’ils avaient ete fabriques avec des sucres bruts, achetes a la vente publique du gouvernement a Trieste, et d’autres, retires de l’Au- triche, dont l’importation avait ete accordee par le decret du 8 avril. Mais la douane avisa la raffinerie que, conformement k une lettre du 3 novembre de l’intendant general, tous les sucres 1 AN, AFiv, pi. 3345, 77. 2 BMCII. 76 I,A VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES raffines, quelle qu’en fut la provenance ou le lieu de fabrica¬ tion, seraient soumis a ces droits. Ainsi, les sucres de Rijeka etaient mis dans la meme categorie que les sucres anglais : c’etait favoriser le commerce-de l’ennemi au detriment des fabriques du pays. L’etablissement de Rijeka avait deja beaucoup souffert et etait oblige de maintenir a grands frais ses ouvriers, sans pou- voir les occuper ; cela avait absorbe une partie des capitaux de la Compagnie et la mettait dans l’impossibilite de satisfaire au paie- rnent des droits etablis. Les directeurs demanderent l’interven- tion de Marmont pour faire exempter des droits les sucres achetes a Trieste et tires de l’Autriche. Autrement, la Compagnie serait hors d’etat de pouvoir continuer ses operations. 11 ne semble pas, cependant, que, cette fois, la demande, si justifies qu’elle fut, ait eu aueun succes. Au printemps de 1812, la ralfinerie tenta encore un essai, du cote de l’Autriche, cette fois L Le 6 avril, le consul d’Autriche a Rijeka, le baron Lederer, transmit la demande des directeurs d’obtenir la remise du droit d’importation de 3 florins par quintal sur le sucre raffine, et proportionnellement pour le sirop. En re¬ vanche, ils voulaient rendre compte des 30 actions, appartenant a 1’Empereur d’Autriche, depuis le l er novembre 1804 jusqu’a la cession. Mais a Vienne, on repondit, le 19 mai, que tout depen- dait de la liquidation a faire entre les deux Etats. La raffinerie ne pouvait pas attendre cette liquidation qui n’eut jamais lieu ; en 1812, elle cessa ses travaux et congedia ses ouvriers. Apres la reoccupation, en 1813, elle fut reorganises, mais avec de grandes difficultes, les Pays-Bas n’etant plus autrichiens 1 2 . Si un etablissement de l’importance de la raffinerie de Rijeka dut abandonner les travaux, il n’est pas etonnant que d’autres etablissements se soient heurtes aux difficultes de la situation. Voici quelques exemples, connus par hasard. La tuilerie de la ville de Ljubljana manquait d’acheteurs 3 . L’intendant de la Carniole, des Mallets, avait, )e 28 decembre 1812, demande au maire de Ljubljana le remboursement de 6.000 francs, avances pour la tuilerie de la ville ; mais le maire, Codelli, repondit, le 8 janvier 1813, qu’il y avait longtemps qu’on avait aussi peu bati que dans la derniere saison ; les briques et surtout les tuiles n’avaient pas trouve d’acheteurs, il restait environ 7.000 francs de materiaux non vendus., Une nouvelle demande de l’inten- 1 ACIIV, Litorale Commerz, 103, 3 ex apr. 1812, 6 ex majo 1812. 2 G. Kohler, Memorie per la storia... di Flume , II, p. 89. 3 AML, 1, n° 33. L .’EXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 77 dant, du 20 avril, regut, le 24 egalement, la reponse que presque personne n’avait fait batir et que, par consequent, on n’avait verulu que pour 1.249 francs de briques, qu’on avait rembourses ; et le maire demanda de nouveau une avance de 6.000 francs pour cette anneela. Seul, l’ingenieur en chef des pouts et chaussees, Blanchard, avait, le 26 mars, demande des briques pour les travaux du lycee. II est carac- teristique que, meme dans la capitale, on ne batissait presque pas. En Carniole, la cherte de la main-d’oeuvre ne contribuait pas non plus a la prosperite des fabriques ; un arrete du 13 fe- vrier 1811 1 fixait les prix des journees des ouvriers, les tarifs existant etant exageres. Les entrepreneurs des fabriques de rosolio a Trieste, G. Batetti, J. Casali, G. et F. Jelusic, effrayes des droits douaniers autrichiens, demanderent, en janvier 1810, le droit usuel pour les produits deja iinportes apres la paix et 1’importation au ineme droit, du moins pour quelque temps encore ; Batetti avait aussi demande le transfert de sa fabrique en Autriche. Mais la reponse de Vienne fut negative : les ame¬ liorations devaient etre reciproques, et n’etaient promises qu’en cas de transfert 2 . Le defaut de debit et de consommation nuisait aux manufactures de savon de Trieste, qui expor- taient en Italie ; la verrerie de Susica chbmait;les fabriques de soie de Gorica etaient abandonnees 3 . On parlera plus tard des fabriques de tabac. Partout, au fond, c’est le tarif des douanes qui s’oppose au developpement des fabriques. II n’v a progres que la ou il s’agit d’idees specialement cheres au systeme continental. Ainsi, on essaya en Illyrie de substituer au sucre de canne un produit du pays, le sirop de raisin i . L’inten- dant de la Carniole temoigna publiquement au docteur Jenniker et aux pharmaciens Wagner et Vandersek, a Ljubljana, sa satisfac¬ tion de voir qu’ils avaient employe depuis un an du sirop de rai¬ sin; le premier, 474 livres (h 0.T6 kg.) ; les autres, 250 livres. Le decret du 12 inai 1§10, promettant un prix d’un million a l’inven- teur de la meilleure machine propre a liler lelin, et dix autres prix, proposes pour 1813 par la Societe d’encouragement pour l’indus- trie nationale, furent publies aussi au Tiilegraplie Officiel 5 . En janvier 1811, Frangois Joseph Dutton ouvrit une fabrique de limes, faux et couteaux a Trzic 6 et lit annoicer au Telegraphe 1 APL, F„. ■ 2 ACIIV, Commerz Litorale, 95, 9 ex jan. 1810. 3 AN, F«, 62, n° 4. 4 TO, 1811, 87. ‘ Ibidem, 50 ; 1813, 19. 6 S. Skerbinec, Promet, trgovina in obrl v Iliriji (Commerce et Industrie en 78 LA VIE ECONOMIQUE D E 3 PROVINCES ILLYRIENNES Officiel que l’acier et le travail etaient de la meme perfection que ceux des limes fabriquees en Angleterre ; mais cette fabrique disparut probablement dans l’incendie dn 30 mars 1811. La fa¬ brique de porcelaine de Trieste se developpait, ainsi que l’industrie des crins de cheval a Kranj. La verrerie de Zagorje, comme Idrija sous l’administration des Trois toisons d’or, fut agran- die en 1811: elle avait alors 300 ouvriers. Ses prix, fixes le 2 juillet, etaient bien au-dessous de ceux des fabriques voisines en Autriche, et procuraient de plus aux negociants une economic sur les droits de douane et les frais de transport, ce qui faisait esperer a l’admi¬ nistration des commandes considerables. Elle s’occupait a faire perfectionner tant les formes que les qualites, afin que ces der- nieres ne laissassent ricn a desirer. Par decision de Napoleon, du 27 juillet 1810, 20 jeunes Illvriens furent envoyes gratuitement, pour deux ans, a l’Ecole imperiale des arts et metiers a Chalons- sur-Marne. Le Telegraphe Officiel annonga au debut de l’annee 1811, leur arrivee en France, et, le 23 juillet, en parla plus longue- ment. L’intention de l’Empereur etait de procurer a l’industrie des ouvriers qui pussent faire face aux connaissances qu’exige la pratique des arts, et qui eussent une instruction scientilique solide. Tous les ans, en septembre, une vingtaine d’eleves sortait de cette ecole, apres 7 ou 8 ans d’education. Les ouvrages de forge, de serrurerie, de fonte des metaux, de ciselure et dorure, de con¬ fection d’instruments de mathematiques, de charronnage, de menuiserie, d’ebenisterie, ainsi que tous les details dc la filature y etaient enseignes ; la grammaire, et l’etude des mathematiques, dans toutes les parties applicables aux arts du dessin, comple- taient l’instruction. Les fabricants. les entrepreneurs, les chefs d’atelier etaient invites &. demander des sujets & l’etablissement. Les Illvriens vovaient done les avantages que le developpement de 1’industrie dans leur pays pouvait attendre de ces jeunes Croates. Cependant, nous n’avons pas de renseignements sur leur sort posterieur. La maison de commerce frangaise Gourgoin, Baccuet et C ie , a Split, resolut, en 1812, de fonder une fabrique de cuir 1 . Un specu- lateur frangais, Michaud, obtint du gouvernement une concession et des privileges pour etablir une verrerie & Mrzlavodica, dans une foret do.maniale ou on avait trouve une terre propre d la fabrication du verre ; les usines se construisaient deja 2 . Et Illyrie), p. 468 ; J. Mai, Zgodovina slovenskega naroda (Histoire de la nation Slovene), VII, pp. 113-117. 1 ACIIV, Litorale Comraerz, 82, 2 ex dec. 1812. 2 AN, F lE , 62, n° 4. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYHIE 79 1’arrete de Bertrand, du 9 fevrier 1812 x , favorisa les etrangers exergant un art ou une profession utiles et desireux de se fixer en Illyrie. Mais l’Autriche defendit & plusieurs reprises l’emi- gration de ses ouvriers dans les Provinces Illyriennes 2 , et la sup¬ pression des anciennes corporations d’artisans souleva des protes¬ tations. En somme, dans le domaine de l’industrie, c’est bien le cote negatif qui predominait. Mais cela avait aussi un bon cote. Des industries, developpees artificiellement dans d’autres pays par le systeme continental, tornberent apres la chute de celui-ci. L’Illyrie n’eut pas a souffrir de telles consequences, puisqu’il n’y eut pas de developpement industriel excessif. Ce qui disparut avec le systeme, en Illyrie, ce fut le commerce avec le Levant, developpe artificiellement. 4. Les routes et les pastes. Les mesures concernant les voies de communication en Illyrie, etaient inspirees par la meme idee qui guidait celles qui etaient relatives aux douaries : faire des Provinces Illyriennes le pays de transit par excellence pour le commerce franco-levantin. Se pro¬ curer une voie de terre en Turquie, puisque la mer etait fermee, c’etait le but principal, auquel s’ajoutaient encore des considera¬ tions de nature strategique. On pensait aussi au profit du com¬ merce et des communications interieures, mais c’etait en second lieu. Les routes et la navigation interieure etaient les points princi- paux de cette idee dominante. Les postes y participaient surtout en ceci que la poste illyrienne avait a preparer la creation de la poste frangaise en Turquie. Les travaux concernant les canaux, le dessechement des marais, et les ports commergants etaient moins importants en Illyrie. Mais comme ils dependaient, avec les routes et la navigation interieure, de la meme administration des ponts et chaussees, il convient de les traiter egalement ici. A. — Les routes. En contemplant la carte des routes illyriennes 3 , on voit, au premier coup d’ceil, que la densite de leur reseau etait tres diffe- rente dans les diverses provinces. * AML, 5, n° 16. 2 AEZ. 3 V. carte I. 80 LA. VIE ECONO.VUJUE DES PROVINCES ILLYRIENNES La Carniole et la Carinthie etaient tres bien pourvues de routes ; la Croatie civile sulFisamment ; la Croatie militaire en avait moins ; l’lstrie, la Dalrnatie et le territoire de Dubrovnik en etaient presque depourvus. Pellenc, par exemple, se plaignait 1 2 de ce qu’une partie de l’lstrie ex-venitienne ne pouvait faire arriver ses denrees au seul chemin qui conduisait de ces contrees a Trieste, et que les voies de transport des denrees autrichiennes jusqu’a la mer se bornaient a la route de Trieste et a celle de Rijeka, toutes deux assez recentes. Cette difference de densite etait, en partie, la consequence du profil du terrain : certaines regions pouvaient offrir aux commu¬ nications de longues vallees, les autres etaient separees des pays voisins par des chaines de montagnes dilficiles a franchir a . En Istrie et en Dalrnatie s’ajoutait encore le principe de l’adminis- tration venitienne qui faisait tous les transports par mer, et qui, d’ailleurs, n’avait point d’interet a developper ses colonies 3 . La meme raison explique aussi les differentes besognes du gou- vernement illyricn : en Carniole et en Carinthie, reparations des degats causes par la guerre et les evenements, entretien des routes et du chemin de halage de la Save ; en Croatie civile, de meme, entretien des routes et des chemins de halage de la Save et de la Kupa ; en Croatie militaire. d’autre part, et surtout en Istrie, en Dalrnatie et a Dubrovnik, constructions de routes neuves, d’au- tant plus necessaires que la mer fermee empechait les communi¬ cations accoutumees. C’est dans ces nouvelles routes que se revele principalement l’idee directrice dont nous avons parle. Pour le littoral, s’ajoute Pentretien des ports de commerce, peu consi¬ derable dans ce temps de stagnation de la navigation. En compa- rant le reseau des routes de l’lllyrie avec celui que montre une serie de cartes des postes, parue en 1804 a Vienne 4 , on peut consta- ter la tendance du developpement. En dehors des travaux, pour ainsi dire reguliers, qui ont ete faits, il y avait encore plusieurs grands projets, necessaires et utiles. Mais les finances toujours precaires du gouvernement illyrien n’en permettaient pas l’execution, a l’exception toutefois des travaux interessant le commerce levantin et l’administra- tion, comme par exemple le lazaret etle pont de Kostajnica ou la grand’route Napoleon, de Ljubljana h Dubrovnik. Si, en depit de ressources modiques, on put tant faire, ce fut 1 AN, AF lV , 1713, 3 e d., n° 28. 2 J. Cvijic, La Peninsule balkanique, pp. 20-25. 3 P. Pisani, La Dalrnatie, p. 268. 4 Bibliotheque d’Etat de Ljubljana. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 81 s irtout grace au concours de la population qui, la, pour une fois, coopera, et meme avec empressement, avec le gouvernement. C ost qu’alors, il ne s’agissait pas de mesures dictees de loin, qui ne la touchaient pas ou portaient meme dommage a ses interets, mais de mesures qui lui procuraient des avantages et qu’elle comprenait. Ainsi s’explique, par les ordres du gouvernement et le concours de la population, le beau developpement des routes illyriennes que tous les ecrivains de cette epoque ont reconnu. Lopasic 1 compare 1’administration illyrienne a l’administration franijaise en Dalmatie, qui faisait, en 7 ans, plus que les Venitiens en 4 siecles. Le commerce levantin, ephemere, pouvait tomber ; les routes qui y etaient destinees, n’en perdaient pas leur valeur intrin- seque. Le l er avril 1810, l’ingenieur ordinaire Jean Louis Blanchard, fut envoye en lllyrie pour assumer la direction des ponts et chaussees. Marmont le nomma, par arrete du 18 octobre, ingenieur en chef des Provinces Illyriennes, avec le rang de colonel ; le l er mars 1813, il devint ingenieur en chef de 2 e classe et dirigea les travaux jusqu’a la fin de 1’lllyrie 2 . Ce que Pellenc rapporte sur lui n’est guere favorable 3 : on dit peu de bien de Blanchard et on n’a pas dans le pays une grande opinion de son merite. Mais, n’ayant pu le juger par lui-meme, Pellenc se contente de dire que 1’lllyrie aurait besoin, dans cette partie de son administration, d’un homme de premier ordre. Marmont fixa la premiere organisation du corps des ingenieurs des ponts et chaussees d’lllyrie par l’arr&te du 5 juillet 1810 4 . Ce corps se composa de 14 membres : 1 ingenieur en chef direc- teur, 1 ingenieur ordinaire adjoint, 5 ingenieurs ordinaires dont 2 chefs de division, 5 sous-ingenieurs pour le service ordinaire, 2 sous-ingenieurs pour le service des lies et de la navigation inte- rieure, et pour le service extraordinaire. Les provinces formaient deux divisions, mais sans la Croatie militaire, qui futsoumise a un regime particular, fixe par arrqte du 2 juin. Les ingenieurs de la Croatie militaire, ayant un grade militaire, ne faisaient pas partie de ce corps. L’ingenieur en chef residait a Ljubljana; les ingenieurs 1 R. Lopasic, Karlovac, p. 82. 2 AN, + -f- F, 111681 (doss. Blanchard). Jean Louis Blanchard. Ne a Veison, departement du Calvados, en 1774, nomme ingenieur ordinaire au Canal de la Loire en 1804, envoy6 h Apt, departement de Vaucluse en 1805, passe au departement de Liamone en 1807 ; admis a la retraite le l er septembre 1839, decede le 25 septembre 1863. 3 AN, AFiv, 1713, n° 37. 1 AHG, E 14, 32. Pivec-Stelft 6 82 LA VIE ECOXOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES ordinaires, chefs de division, a Trieste et a Zadar ; les autres inge ■ nieurs et les sous-ingenieurs, dans les chefs-lieux des intendance^. Le conseil des ponts et chaussees, compose du directeur, de l’ac- joint, d’un des ingenieurs divisionnaires, et d’un sous-ingenieur comme secretaire, examinait les plans, les projets, les memoires et les comptes ; il s’assemblait une fois par semaine. Les traitements allaient de 1.500 a 8.000 francs, les frais de bureau et de voyage de 2.000 a 5.600. Tous les membres du corps devaient avoir un cheval. L’organisation prit corps le l er septembre. Le decret du 15 avril 1811 donna pen de details sur l’orgapisa- tion des ponts et chaussees (art. 121-126) : 1 un inspecteur divi- sionnaire devait resider a Ljubljana et Stre membre du petit conseil, avec, sous ses ordres, les ingenieurs attaches a chaque province. II correspondait avec le directeur general des ponts et chaussees, a Paris, par l’intermediaire de l’intendant general. Le budget, arrete par l’intendant general et approuve par le gouver- neur general, devait etre envoye au ministre de l’interieur et soumis a l’approbation de l’Empereur. Les projets relatifs aux constructions nouvelles ou grandes constructions seraient adres- ses prealablement par le gouverneur general au ministre de l’inte¬ rieur, pour etrerenvoyes au directeur general, discutes par le conseil general h Paris, et soumis a l’approbation imperiale. Blanchard fit tout le temps service d’inspecteur divisionnaire, et s’occupa h plusieurs reprises aussi des travaux de la Croatie militaire, quoique ceux-ci fussent confies aux ingenieurs du genie. La decision sur I’envoi des projets au conseil general a Paris lui causa assez d’embarras : le conseil general lui renvoya maint projet pour vice de forme. Mais sa correspondance avec le direc¬ teur general des ponts et chaussees, le comte Mole, nous donne la plupart des documents, pour ce chapitre de la vie de l’lllyrie. Les autres membres du corps des ingenieurs de l’lllyrie etaient presque tous du pays. Dans diverses pieces on trouve les noms suivants : Fabulet, ingenieur de la Carniole et arqhitecte de Ljubljana; Ignace Prager, maitre-magon, suppleant de Fabulet a Ljubljana ; Poll, ancien directeur de l’administration des bati- ments ; Pierre Nobile, ingenieur en chef d’lstrie et de Croatie civile a Trieste ; Ignace Trina, ingenieur ordinaire h Trieste ; Petronio, ingenieur ordinaire d’lstrie ; J. Candido et Jose h Bernt, ingenieurs ordinaires h Rijeka ; Oreskovic et baron Portner, ingenieurs ordinaires a Karlovac ; Zavoreo, ingenieur en chef de 1 A. Dimitz, Bau-Gegenstdnde..., pp. 38-39 ; P. Pisani, La Dalmalie, pp. 365-366. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 83 Dalmatie ; Tironi, ingenieur ordinaire de Dalmatie ; Vitelleschi, ingenieur ordinaire a Dubrovnik ; capitaine Cervus, directeur des batiments militaires et des routes des 4 regiments du gene- ralat de Karlovac, et Ch. Moor, ingenieur pour les batiments mili¬ taires et les routes des 2 regiments «Banals», nommes, le 4 janvier 1810, par Marmont 1 . A cote de Cervus, travaillaient encore Menini et Bozicevic, olliciers du genie. La sphere d’activite des ingenieurs illyriens etait tres vaste. A quelques exceptions pres, tout etait a la charge du gouvernement — et des communes — et les ressources dont on disposait etaient les fonds du budget et les corvees. 600.000 francs furent affectes, le 26 fevrier, pour 1811, sur les fonds generaux, aux travaux des ponts et chaussees en Illyrie ; 550.000 francs, le 6 mars, pour 1812 ; et 550.000 francs, le 22 mars pour 1813 2 . Ce n’etait pas beaucoup, ou plutot ce n’etait pas assez. Chabrol, en envoyant, le 19 deceinbre 1812, au conite Mole, un plan general des routes, divisees en 3 classes, se plaignit 3 que le decret du 15 avril n’etablissait pas de centimes departementaux, de sorte qu’on avait du imputer les depenses sur les fonds gene¬ raux, les communes n’ayant aucune ressource. En Dalmatie, et dans la province de Dubrovnik, celles-ci avaient h peine de quoi payer un secretaire, indispensable dans un pays ou la majorite ne savait ni lire ni ecrire, n’entendait ni l’allemand, ni le frangais, ni l’italien, et « neparlait qu’une langue carnolienne ou illyrienne », inconnu' 1 de tous les agents superieurs de l’administration. 11 n’y avait done, ni dans les centimes departementaux, ni dans les centimes communaux, aucune ressource suppleant aux fonds credites pour les ponts et chaussees. Seules les corvees et presta¬ tions en nature y suppleaient. La journee d’homme etait payee de 30 k 50 centimes, celle de chariot 1 franc ; suivant les prix de France, cela equivalait a 10 ou 12 francs. Dans les routes de 3 e classe, 1’administration n’avait a faire que les depenses pour I’achat de poudre et d’outils, et quelquefois pour des distribu¬ tions de pain et de sel, mesures d’humanite et de justice dans des pays, ou, comme en Dalmatie, l’habitant vivait, la moitie de l’annee, d’ecorces d’arbres et de racines. 600.000 francs en Illyrie representaient plus de 4 millions de travaux, d’apres les prix de France. 1 B. Boppe, La Croatie militaire, p. 29. 2 AN, AFiv, pi. 4126, 7 ; 5072, 1 ; 5998-6002, 15. 3 AN, F‘* t 1030, 2* d. 84 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIEN.NES Chabrol espera qu’on approuverait cette derogation au decret du 1.6 decembre 1811, suite necessaire de l’organisation adminis¬ trative de ces provinces et du systeme d’exception qu’on y main- tenait.Le mode d’entretien prescrit n’avait pas non plus ete adopte, parce qu’on ne trouvait — et ne pourrait trouver de longtemps — ni fournisseurs ni entrepreneurs, car ceux qui s’etaient presentes en Dalmatie de 1806 & 1810 etaient ruines par l’arriere ; et parce que la population, si elle obeissait a l’admi- nistration qu’elle respectait, n’obeissait pas a l’entrepreneur. A titre d’exemple, citons le decret du 26 decembre 1811 1 , autorisant le remboursement de 226.939 francs avances par l’administration de la guerre pour fourniture de pain aux paysans employes aux travaux des routes — en 1808-09. En 1810, on employa meme les corvees de l’annee 1809, en lcs payant 11 kr. par homme. Le 9 aout 1810, Marmont iixa a 3 classes la journee de travail pour tous les cercles de l’lllyrie: 3 francs, 2 francs et 1 franc 2 . On comprend que les communes aient essaye de se debarrasser de ce fardeau, et il y eut bon nombre de demandes d’exemption, en general refusees. Le 20 aout 1812, l’intendant de la Carniole, des Mallets, decida, par arrete, qu’aucune commune ne serait admise a racheter ses corvees. Et le 18 mars 1813, un autre arrete 3 du meme intendant repartit ainsi les corvees : l’ingenieur en chef adressait l’etat des corvees a l’intendant qui, apres l’avoir vise, l’envoyait avec les bons des corvees aux subdelegues ouaux maires. Les maires convoquaient les corveables. Les chefs d’atelier ou les conducteurs des travaux faisaient l’appel matin et soir et inscrivaient le nombre des journees sur les bons. Des garnisaires etaient envoyes chez ceux qui ne venaient pas. Les corveables eloignes recevaient le prix d’une journee de travail pour un jour de voyage ; les communes eloignees pouvaient §e racheter. Le prix d’une journee d’homme etait de 50 centimes, d’une journee de char, de 1 franc. Chaque triinestre, l’ingenieur en chef etablis- sait l’etat des journees de corvee, les conducteurs en recevaient le montant et le repartissaient en presence du maire en retirant les bons. L’ingenieur en chef adressait les etats de trimestre h l’intendant general. Enfin, les routes communales provoquaient de multiples proces entre les communes respectives 4 . i AN AFiv, pi. 4840, 28. ^ APL, 49. 3 APL, 44. 1 AGG, G, 780. L ’EXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 85 Apres ces indications sur le personnel des ponts et chaussees en lllyrie et les moyens dont disposait cette administration, et avant d’entrer dans les details de ses travaux, il est bon de se faire une idee generate du reseau des routes illvriennes dont elle avait a s’occuper. On peut consulter le plan deja mentionne, le « Tableau des routes imperiales des Provinces Illyriennes divisees en 3 classes », etabli le 20 novembrel812 par Blanchard 1 . La division est conforine au decret du 16 decembre 1811, modifie par le decret du 15 avril 1811, c’est-d-dire : 1° routes de grande impor¬ tance commerciale ; 2° routes qui aboutissent a des chefs-lieux de subdelegation, d’utilite nationale ; 3° routes sans interet gene¬ ral, qui doivent etre entretenues par les communes. Le tableau contient 5 rubriques : numero des routes, designation des routes, provinces qu’elles traversent, lieux principaux ou elles passent, observations. Vu son importance, nous le publions integralement ci-dessous (pp. 86-89). Les observations qu’appelle l’examen dn reseau qui nous est ainsi presente sont les suivantes. Dans ce reseau, la route Louise est la seule qui ne fut pas a la charge du gouvernement ; et, par consequent, nous en parlerons d’abord, a part. Elle ne faisait pas non plus partie du plan du gouvernement, mais avait un tout autre but. Cependant, le prince Dietriehstein, delegue de la Societe qui la construisait, plaida sa cause avec beaucoup d’energie et avec succes, aupces de Marmont, h Ljubljana, et aupres de Napoleon, a Paris 2 . La Societe royale hongroise de navigation, qui construisait la route Louise, avait pour but particuher de creer des relations commerciales hongroises avec 1’Adriatique, et, dans cette intention, s’etait propose de construire, a ses frais, une route de Karlovac aux ports de Rijeka, Bakar et Kraljevica. Pour cela, elle avait regu le 27 fevrier 1807, du gouvernement autrichien, plusieurs privi¬ leges, et la propriety de la route pour 50 ans. Ses actionnaires appartenaient presque tous & l’aristocratie hongroise et croate : le prince de Dietriehstein, le prince Jean Lichtenstein, le prince Nicolas Esterhazy, le comte Schaffgotsch, l’eveque de Zagreb Maximilien Vrhovac, le comte d’Aspremont, la comtesse d’Aspre- mont, le comte Charles Batthyany, le comte Jean Harrach, le baron Vukasovic, le baron Wimmer. 1 AN, F 14 , 1030, 2 e d. ; grandeur du plan environ 100 X 150 ; les routes sont en 3 couleurs : le rouge signifie route del re classe ; le bleu, route de 2 e classe ; le jaune, route do 3 e classe. Voir la carle I ou les routes sont traeees d’apres les indications de ce plan. 2 Documents suivants AEY, Illyrien, 16. 86 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES TABLEAU DES ROUTES IMPERIALES DES PROVINCES DIVISEES EN 3 CLASSES. Routes de l re classe. jubljana, Kranj, Naldo, Zabrezni- ca, Jesenice, Dovje, Kranjska gora, Podkoren. od-Vetrovom, Bel- jak, Paternion, Sachsenburg, Oberdrauburg, Lienz, Siliian (In- nichen). jubljana, Crnuce, Krasnja, Sv. Oz- balt, Trojane. i jubljana, Smarje, Vis lja gora, Treb- nje, Novo mesto, Kostanjeviea. amobor, Gorica, Lekenik. Razdrto, Trieste, Sv. Anton, uzet, Pazin, Zminj, Sv. Vincenat, Vod- nian, Galinjan Pula. jubljana, Posloj- na, Zagorje, Tr- novo, Lipa. iijeka, Bakar, Novi. Senj. • locac, Perus ic, Gospic, Gracac Cnin, Vrlika, Sfnj Trilje, Vrgorae Tar Norin. )ubrovnik, I'irce- gnovi, Kotor Budva. )p^ine, Sv. Kriz Devin, Trzic, Za & ra j- ILLYRIENNES Elle s’embranche a Postojna avec la route de Ljub¬ ljana a Pula, n° 4. Elle s’embranohe h O pci ne avec la route de Ljub¬ ljana a Pula n° 4. l’eXECXJTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 87 88 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 89 La cession de l’lllyrie trouva la route Louise inachevee. Le traite de Vienne recommanda la Societe a la bienveillance de Napoleon, et, le 17 novembre 1809, le general Guillemont, com- missaire frangais, charge de prendre possession des Provinces Illy- riennes, autorisala Societe a percevoir les droits de peage etablis, et accorda le maintien provisoire de ses privileges. Le 29 janvier 1810, la Societe nomma le prince Frarigois Joseph de Dietrichstein comme delegue pour obtenir du nouveau gouverneraent frangais la confirmation de ses privileges. En aout et en septembre 1810, Dietrichstein s’assura, d’abord a Vienne, chez Metternich, de l’appui du gouvernement autri- chien aupres de l’ambassadeur de France a Vienne, Otto, et aupres de l’ambassadeur d’Autriche h Paris, le prince de Schwar- zenberg. En octobre et en novembre, il etait dejk a Ljubljana, ou il negocia avec Marmont et Belleville, au inoven d’un grand nombre de lettres, de propositions et de projets. 11 obtint l’arrete du 27 octobre, qu’il est inutile de reproduire ici, puisque ses deci¬ sions ne differaient que peu du decret posterieur. Le 6 novembre, Dietrichstein prit l’engagement que la Societe, des qu’elle aurait regu la confirmation imperiale, acheverait la route le plus tot possible, en un, deux ou trois ans. Si elle ne pouvait pas l’achever totalement en 1811, elle devrait la terminer au moins dans la demi- largeur normale, 13 pieds (a 0 m., 325) au lieu de 26. Marmont de- clara plus tard dans ses Memoires 1 que c’etait un travail ma- 1 Memoires, III, pp. 430-431. 90 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES gnifique, que la demande de Dietrichstein etait juste, et que c’etait aussi l’interet du gouvernement illyrien ; et il se vauta que tout ait ete regie en deux mois. Entre temps, Schwarzenberg avait deja transmis la reclamation des proprietaires de la route Louise a Paris. Napoleon ecrivit le 20 octobre a Champagny 1 de dire a Schwarzenberg qu’il se ferait rendre compte de cette affaire qui, a premiere vue, lui paraissait extremement interessante. Dietrichstein, ayant obtenu a Ljub¬ ljana tout ce que le gouvernement illyrien pouvait donner, se rendit egalement a Paris. Sur la base de l’arrete de Marmont et de la soumission de Dietrichstein, le decret du 14 decembre 2 conlirma, jusqu’au I er janvier 1851, la Compagnie formee pour la construction de la route Louise (a charge d’achever la route a la largeur de 26 pieds (a 0 m., 325) avant trois ans, et de pratiquer, avant un an, un pas¬ sage de 13 pieds (a 0 m., 325) sur les parties non achevees) dans la jouissance des droits de peage sur les hies et les bestiaux, accor- des par l’acte de concession du 27 fevrier 1807, et lixa le tarif de ces droits. La Societe fut autorisee a construire des auberges. Si l’emplace- inent necessaire n’etait pas propriete particuliere. il lui serait cede gratuitement ; les terrains appartenant a des particuliers lui seraient cedes de gre a gre. Les bois necessaires aux premieres constructions, en 1811, seraient livres gratuitement par les forets imperiales. Les auberges etablies sur la route Louise ne seraient assujetties ni a la contribution fonciere, ni a la contribution mobiliere, ni a celle des portes et fenetres, ni aux patentes, pen¬ dant toute la duree du privilege, mais soumises aux droits sur la consommation. Dans les endroits ou les bois, a 50 toises (a I m. 949) de distance de chaque cote de la route, ne seraient pas encore coupes, les proprietaires seraient tenus de les abattre, aux frais de la Societe s’ils renongaient au bois. Les bois domaniaux seraient abattus aux frais de l’administration forestiere. Toute degrada¬ tion de barrieres, de parapets, de murs de soutenement, etc., etait defendue, sous peine d’amende egale au double du dommage, et d’emprisonnement en cas de recidive. Ltaient exemptes de peages les troupes, les chariots des malades, les courriers du gouverne¬ ment, tout agent militaire ou civil du gouvernement, et les trans¬ ports d’effets du gouvernement. 1 L. de Brotonne, Leltres inidites..., n° 702. 2 Bulletin, IV, 335-6243. AN, AF IV , pi. 3912, 2, decret et rapport de Gaudin, du 28 novembre 1810. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 91 Comme rapporteur du decret, Gaudin avait appele la route Louise, tracee a travers les montagnes, une des plus belles de l’Europe. Elle n’avait que 4 pouces (a 2 cm. 7) par toise (a lm. 949) de pente et etait beaucoup plus praticable que la route Caroline, construite par 1’Etat dans les memes intentions, mais qui etait tres difficile et beaucoup plus longue. La Societe y avait deja depense 2.400.000 francs, et pour l’achever, devait y consacrer encore environ 2.000.000 de francs. Munie de la confirmation imperiale, la Societe Louise put tranquillement achever son travail. La municipalite de Karlovac fit quelques dilficultes, mais elle trouva toujours l’appui des inten- dants Vienney et Contades L Le Telegraphe Official publia plusieurs avis de la Societe 1 2 : la direction vendit, le 11 juillet 1811, a llijeka, un moulin et plu¬ sieurs maisons sur la Recina, et le 18 juillet, a Karlovac, des carosses, des chevaux et des instruments, signe que les travaux s’approchaient de la fin. Enfin, le J er decembre, elle avisa les negoeiants et les voyageurs que la route etait entierement ter- minee, que des hotelleries commodes les attendaient le long de la route, et que les droits seraient pergus a des stations determinees. D’apres le developpement que nous avons vu, on doit dire que le gouvernement frangais a l'avorise extraordinairement la route Louise, quoique celle-ci ne servit pas la nouvelle ligne commer- ciale Ouest-Est, mais l’ancienne ligne commerciale Nord-Sud, qui n’etait pas precisement favorisee par le gouvernement illy- rien. Mais la Societe Louise avait employe tous les inoyens pos¬ sibles. Nous pouvons maintenant revenir a 1’ensemble du reseau total et entrer dans le detail des travaux, executes dans les annees successives. En 1810, le service n’etait pas encore tout a fait organise, et les travaux devenus necessaires soulevaient alors des recriminations de la part des diverses administrations, qui ne s’entendaient pas pour se partager les reparations a faire. Le pont de la Save, pres de Crnuce, fut endommage en janvier par les hautes eaux. En fevrier, un nouveau chemin de halage devint necessaire par suite du changement du cours de ce fleuve. Le mois suivant, le pont sur la Kokra fut detruit, la route endom- magee, et toute communication avec la Basse-Carinthie interrom- pue ; en avril, le passage de la Save fut rendu impossible a cause 1 AMK, 2 octobre 1810, 28 juin 1811. 2 TO, 1811, 51, 62, 103. 92 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNE3 de la crue, et les relations avec Vienne interrompues, pendant quel- que temps on dut diriger la poste par Kranj 1 . Des reparations devinrent egalement necessaires, en mars, au pont de Karlovac, et en avril, & la route Ludovica, pres de Dubovac. L’ingenieur Oreskovic, directeur de la vieille route Caroline, rapporta le 28 aout a la municipality de Karlovac qu’il avait fait ouvrir 8 carrieres pres de Dubovac, pour fournir les pierres pour la route de Banija. L’intendant Vienney ecrivit en aout a la muni¬ cipalite d’ameliorer les mauvaises routes qui empechent la com¬ munication et la circulation des voyageurs ; il s’etait informe auparavant aupres du juge Gerlic du mode de reparation des routes, aux frais publics, en Croatie civile, avant la cession. En octobre, le pont de la Kupa h Karlovac fut repare 2 . De son cote, l’Autriche faisait construire ou reparer le chemin sur la rive gauche de la Save, afin de ne pas toucher au territoire illyrien 3 . Enfin, des ameliorations furent faites a la Save, pres de Prusnik 4 . Avec l’annee 1811, le service des ponts et chaussees devint regulier. Sur les sommes deja citees dont il disposait, la part du lion echut toujours aux routes, tandis que des sommes moindres furent affectees aux autres branches du service. Il convient d’abord de parler de celles-ci, pour pouvoir s’occuper ensuite, sans interruption, des travaux les plus importants. Sur le budget de 1811, 77.200 francs etaient destines h la navi¬ gation interieure, 12.000 au dessechement des marais et aux canaux, 68.600 aux ports de commerce et aux ouvrages imprevus ; en somme 157.800 des 600.000 francs accordes 5 . Ce n’etait qu’un minimum. Blanchard avait beaucoup de projets 6 . 11 y aurait eu a faire de grands travaux en Dalmatie, pour rendre navigable la riviere de la Zrmanja jusqu’a Obrovac, et pour regler le cours de la Krka, encombree de nombreux bar¬ rages, ainsi que celui de la Cetina, dans les marais de la Neretva ; mais les depenses auraient ete si enormes que Blanchard ne pro- posa que de faire lever les plans. Pour ces travaux, il en fut de meme toutes les annees suivantes. On projeta davantage pour le canal de Pag, necessaire a l’exploitation des sels de Pag. Blan¬ chard proposa meme l’ouverture d’un second canal de naviga¬ tion, pour ameliorer les salines. 1 AGL, actes de 1810. 2 AMK, actes de 1810. 3 AGG, registre 1811. 1 Ami, Grad Prusnik v Zasavju (Le chateau de Prusnik a la Save), Jutro (Le Matin), 1930, n° 33. 6 AN, F 1 * 1030, l er d., 13 mars 1811. 6 lb., 12 mars 1811. L EXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 93 En Carniole, la Save etait navigable depuis Zalog, mais embar- rassee par plusieurs chutes, particulierement par celle de Prusnik. Pour remonter le fleuve, les bateaux etaient tires par des homines et par des chevaux sur les chemins de halage a droite ou a gauche. On repara le chemin de halage, mais on ne fit rien, cette annee, a la Ljubljanica, facilement navigable, ni a la Krka, seulement flottable. Pres de Ljubljana s’etendaient de grands marais. Deja en 1779, un canal — le canal de Gruber — avait ete creuse, mais qui n’avait pas produit tous les resultats souhaites. On ne s’occupa alors que des plans et des nivellements. Dans la Croatie civile, la Kupa, flottable depuis Brod, navi¬ gable depuis Karlovac, tres utile aux deux Croaties pour le trans¬ port des bois, des grains, etc., venant du Banat et de Belgrade, possedait des chemins de halage construits par une societe hon- groise, qui en avait reconnu les avantages. Des reparations etaient proposees pour ces chemins, ainsi que pour ceux de la Save. Le territoire entre la Kupa et la Save etait souvent inonde par les eaux de la Save et attendait encore des mesures de secours. Quant a la Carinthie, on ne proposa que la levee du plan de la Zilja, sans navigation fixe, et de celui de la Drave, navigable depuis Oberdrauburg, servant de voie de transport pour le bois, le charbon, le fer et le plornb en llongrie, et assurant les communi¬ cations entre la Carinthie et la Carniole, grace, surtout, a sa hau¬ teur d’eau toujours suffisante ; mais, comme il n’y avait pas de chemin de halage, les bateaux ne la remontaient pas. L’asseche- inent des marais d’Osoje et de Tresdorf aurait exige de grandes depenses ; Blanchard proposa d’en charger une societe privee. En Istrie, a la Soca, navigable dans la Zdoba, des levees etaient a fortifier et h rehausser ; mais rien ne fut fait aux autres petites rivieres de cette province. Blanchard termina son expose en disant que, parmi les rivieres de l’lllyrie, la Save etait la plus importante, surtout pour le commerce du Levant: On comptait, a cette epoque, 50 bateaux qui faisaient. chaque annee ordinairement 5 a 6 voyages de Sisak a Zalog, ce qui donnait 250 bateaux montants. Le commerce du Levant pourrait en fournir le meme nombre. On pouvait done presumer qu’il y aurait annuellement 500 voyages en temps de paix. Les sinistres etaient, ordinairement, de trois bateaux en deux ans. Pour cette navigation de la Save, deja si importante en soi L et 1 Sur l’importanee de la navigation de la Save, voir. J. Vrhovec, Colnarji in brodniki... (Bateliers et bachoteurs....), pp. 126-143. 94 LA VIE ECONOMIQUE DES PHOVIMCEo ILLYRIENNES encore plus importante aux yeux du gouvernement a cause du commerce levantin, un arrete de Bertrand, du 25 juillet 1811 1 2 , etablit a Ljubljana, sous la protection et la surveillance imme¬ diate du gouvernement, une Compagnie d’assurances pour la navigation depuis Sisak jusqu’a Zalog. Le fonds de la caisse d’assurance fut fixe a 150.000 francs, & fournir par les actionnaires, partie en numeraire, partie en immeubles, le maximum des assurances, pour les marchands, a une valeur de 15.000 francs par chargement, le taux de la prime de 1 a 2 % selon les saisons et d’apres des epoques a determiner. L’acte de societe devait etre soumis a l’approbation du gouverne¬ ment qui pouvait nommer un commissaire charge de suivre les operations de la direction. Un reglement devait etre redige, auquel tous les bateaux seraient assujettis. Tous les travaux sur la Save continuaient d’etre a la charge du tresor public ; mais, pour procurer au gouvernement le remboursement de ces avances, il serait etabli un droit de navigation sur la Save dont un arrete posterieur determinerait le tarif. Un second arrete, du 14 juillet 1812*, approuva l’acte dc so¬ ciete, passe le 18 janvier devant notaire. La Compagnie etait autorisee a exiger une caution de 130 francs pour chaque bateau qu’elle assurait, 50 francs au moment de la delivrance de la carte d’assurance, et 12 francs pour chaque jour de voyage entrepris, jusqu’a 130 francs. Chaque bateau accepte recevait de la Compagnie un numero. Tout bateau propose etait visite par les agents de la Compagnie, qui pouvaient le refuser ou l’accepter. La cargaison fixee ne popvait etre auginentee, sous peine d’ainende de 130 francs, a payer a la Compagnie. La cau¬ tion portait 5 % d’interet, et etait remboursee — capital et interets — pour tout bateau. Elle etait une garantie contre la negligence et l’imprudence des batchers. Aux voyageurs il etait defendu d’allumer du feu, pendant la nuit, sur le bateau. Tout bateau empeche de continuer son voyage devait en aviser la Chambre d’assurance ou ses preposes, a Zagreb ou a Sisak. En cas de peril, il devait demander secours au lieu le plus voisin. Tout bateau devait porter secours a un autre. La Compagnie etait aussi autorisee d assurer, aux memes conditions, les bateaux autrichiens employes a la navigation de la Save. En 1812 furent approuves : pour la Croatie civile, 13.400 francs pour l’entretien et les reparations d la Save et a la Kupa ; pour 1 AN, F‘ 4 ,1030,1 er d. 2 AML, 1, n° 35. 95 l’eXECUTION DU BLOCHS CONTINENTAL EN ILLYRIE l’lstrie, 1.200 francs pour le marais de Trzic ; pour la Carniole, 25.400 francs pour l’entretien et les reparations a la Save et pour le marais de Ljubljana. Ce n’etaient que les travaux absolument necessaires au maintien de la navigation. Pour la Dalmatie, Blanchard avait propose un canal qui permettrait de venir de Zadar dans les baies. de Privlaka sans doubler Pile de Vir, ou il y avait des corsaires caches qui s’emparaient des batiinents marchands. Mais ce projet aurait coute 45.000 francs, et il ne semble pas qu’on l’ait execute. Pour 1813, 39.835 francs furent proposes pour les travaux a la Ljubljanica, a la Save, a la Kupa, au marais de Ljubljana, etc. L Mais la guerre y mit fin. Au fond, il n’y eut pas de changement durant ces trois annees : d’enormes travaux, qu’on ne pouvait executer a cause des de- penses trop grandes qui dcpassaient les capacites linancieres du gouvernement, restaient en suspens, surtout en Dalmatie et en Istrie ; on devait se borner a conserver ce qui existait deja et a reparer les petits deguts. Il faut cependant excepter la Save, a laquelle, vuson importance pour le commerce levantin, une plus grande attention fut accordee. Notons aussi la question des bacs. L’administration des bacs, importants dans l’lllyrie, si riche en fleuves, varia fortement. Tout d’abord, les bacs faisaient partie dc Padministration des douanes. L’arrete du 25 juillet 1811 1 2 remit les droits des barrieres et des bacs a Padministration des domaines et fixa le tarif des droits. Bella, directeur de Padministration des domaines, avertit le public qu’on affermerait pour deux ans, k partir du l er sep- tembre, la location des droits de barrieres et de bacs a Postojna, Ljubljana, Novo mesto et Beljak 3 . Au debut de 1812, les bacs furent remis aux ponts et chaussees. En juin 1812, l’artillerie fit des reparations urgentes au bac de Yerige, necessaire pour le transport des troupes et pour toutes les communications de Dubrovnik a Kotor ; deux barques furent achetees. Les ponts et chaussees devaient rembourser cette depense, autorisee en octobre. Auparavant, ce bac avait ete servi par des marins qui percevaient un droit arbitraire a leur profit 4 . En decembrc, Blanchard proposa des reparations urgentes a faire aux bacs de Norin et Neretva, sur la grande route Napoleon, allant de Ljubljana k Kotor. Ces bacs avaient souffert des der- nieres inondations et le premier avait ete emporte par la crue. Le 1 AN, F“>, 1030, l er d., 22 avril 1812,1” octobre 1811, 17 septembre 1813. 2 APL, 41. 2 TO, 1811, 64, 71. 4 AN, F* 4 ,1148, 6 juin, 20 aout, 5 octobre, 28 octobre 1812. 96 LA VIE EC0X0MIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES remplacement fut autorise en janvier 1813. A cette occasion, Chabrol demanda pleins pouvoirs a cause de l’urgence des tra- vaux et de l’eloignement de Paris A Quant aux travaux dans les ports maritimes, c’etaient pour la plupart des reparations des pontons, des murs des quais, du pave des moles, etc., et des curages dans les ports de la Croatie civile, de l’Istrie et de la Dalmatie. Ainsi on travailla, en 1811, a Rijeka, Bakar, Kraljevica, Selce, Senj, Zadar et Split ; en 1812 a Rijeka, Bakar, Kraljevica, Senj, Split, Hvar, Trieste et Koper 1 2 . Ces ports se trouvaient deja, partiellement, dans un etat assez neglige : Blanchard adressa h Mole, le 13 juillet 1811, les plans et les profils du canal de Rijeka qui servait de port aux batiments marchands, avec l’expose des travaux faits et h faire ; le canal avait alors 4 pieds (a 0 m., 325) d’eau au lieu de 9 5 10 qu’il avait auparavant, et etait encombre de sable. Ici, pour les ports maritimes non plus, on ne pouvait penser a des constructions nouvelles ; vu la stagnation de la navigation, elles n’etaient peut-etre pas meme necessaires. Avec cela, nous sommes parvenus aux travaux des routes pro- prement dites. La, on peut signaler, comme nous l’avons deja mentionne, aupres des travaux d’entretien et de reparation des routes deja existantes, bon nombre de constructions nouvelles. Comme Marmont l’avait deja pratique de 1806 h 1809, en Dalma¬ tie, ces travaux se faisaient habituellement par arretes 3 . En 1811, un arr&te de Bertrand, du 16 aout 4 , decida l’acheve- ment de la route de Koper par Pazin a Pula, commencee par ordre de Marmont. Petronio, l’ingenieur d’Istrie, dirigeait les travaux. Les mapons, habitants du pays, et autres ouvriers d’art, recevaient 1 fr. 30 par jour ; en plus, 1 fr. 50 s’ils habitaient h 2 kilometres de leurs travaux, 2 francs pour 5 kilometres et 2 fr. 25 pour toutes les autres distances. Ils devaient sefournirh leurs frais d’outils et d’instruments. Les soldats surveillants recevaient une solde d’un franc par jour. Pour l’annee 1812, 368.000 francs avaient ete assignes aux routes la plus grande partie pour travaux d’entretien, et une partie pour des ouvrages nouveaux. En Dalmatie, on avait h construire non seulement des routes, mais aussi des puits et des citernes — dont beaucoup etaient tellement encombres, par suite 1 AN, F 14 ,1148,15 decembre, 19 decembre 1812,18 janvier 1813. 2 AN, F 14 , 974, 31 decembre 1911, l er janvier 1813. 3 AN, F 14 ,1119. 4 AN, F 14 , 1030, d 6 AN, F 14 ,1030,1« d., 20 mai 1812. L EXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 97 de la negligence des habitants, qu’on duties faire nettoyer, et en creuser d’autres —, des moulins et des fours h cuire le pain, qui etaient tres rares k Un arrete du 30 mai 2 ordonna que la route de Postojna h Bakar fut construite ou reparee dans sa totalite. La partie entre Bakar et Lipa etait a redresser en diminuant les plus fortes pentes ; les ponts et les ponceaux etaient a reparer. L’in- tendant de la Carniole, et celui de la Croatie civile devaient repar- tir les travaux. Les personnes qui preferaient se faire remplacer payaient une indemnite de 6 francs, representant 3 jours de tra¬ vail ; cette sorame etait employee en gratifications aux ouvriers. Un autre arrete, du 13 mars 3 , decida la construction d’une route de Pican a Plomin dans le plus bref delai ; les habitants des com¬ munes les plus voisines etaient charges de son execution, les outils et les poudres etaient fournis par l’administration des ponts et chaussees. Sur les fonds destines aux routes de l’lstrie, 1.400 francs etaient affqctes a la construction d’un pont sur la riviere de l’Orla, dans le district de Pican. Chabrol, qui fit a Mole un rapport sur ce travail, le 12 septembre, souligna que l’lstrie n’avait presque pas de routes, mais seulement des sentiers impraticables ou devait sc servir de la voie perilleuse du cabotage. Les habitants sentaient tellement ce besoin, qu’ils avaient de¬ mands d’entretenir les routes a leurs frais ; cependant, on ne pouvait exiger d’eux que leurs bras. Mais les lenteurs de la corres- pondance firent souvent manquer les occasions et les saisons favo- rables ; et Chabrol ajouta : « Ce sont de ces considerations que je me vois souvent force de mettre sous les yeux des ministres de S. M. et qui font sentir la necessity de faire ployer les principes generaux sous les dilficultes qui naissent des localites ». Mais la grande affaire de l’annee, ce furent les travaux au lazaret et au pont de Kostajnica, qu’exigeaient les besoins du commerce levantin par caravanes (dont le fonctionnement sera etudie en detail au chapitre suivant). L’histoire de ces travaux, commences deja par Marmont, est assez longue 4 . En avril, Blan¬ chard eut h faire des constructions importantes au lazaret de Kostajnica, et, le 15 juillet, il adressa a Mole les plans et les pro- fils d’ un pont de 161m., 50 de longueur et de 8 metres de largeur, a construire sur l’Una h la frontiere de Bosnie, sur la route Ljub- Ijana-Samobor-Petrinja, pour faire commUniquer l’lllyrie avec le lazaret de Kostajnica et avec la Bosnie : ce pont devait 1 lb., 24 janvier 1812. 2 APL, 44. 3 AN, F 14 ,1030, 3 e d. 4 AN, F 44 ,1030, 2» d. Pivec-Stelfe 7 98 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES couter 27.000 francs. Ce lazaret important etait place dans une lie entre l’Una et le petit bras de l’Unica et, de Bosnie et d’lllyrie, on passait dans cette lie au moyen d’un bac a traille, passage long, difficile et souvent dangereux. Le commerce du Levant et la poste frangaise en Turquie exigeaient la construction d’un pont entre l’lle et Kostajnica, construction dont Bertrand s’etait deja occupe dans uri arrete du 21 octobre 1811. Les bois necessaires etaient transportes sur les lieux, les proprietaires des terrains a ceder pour les abords du pont s’etaient engages a les ceder. Le 8 juillet, Chabrol recommanda vivement ce projet. On avait agrandi le lazaret et les magasins ; en peu de temps il pour- rait contenir 8.000 balles de coton destinees a subir la quarantaine et etre desinfectees. En meme temps on executait des travaux pour garantir l’enceinte des inondations de l’Una qui, en mars, avaient failli entrafner la perte du lazaret et des 4.000 balles qu’il renfermait. Les travaux etaient faits par des corvees, fournies gratuitement par les regiments, qui s’y pretaient avec empresse- ment. Le passage par bac, en aulomne et au printemps, etait dangereux. La construction d’un pont avait ete I’un des premiers projets du gouverneur general, lors de son voyage en Croatie militaire. Les travaux devaient etre imposants, inais les depenses tres bornees, grace aux corvees et aux bois couvrant le pays, et qui perissaient souvent, faute de movens d’exploitation. Le gou¬ verneur general aurait voulu couvrir ces depenses avec le droit de 2 francs sur les cotons, a l’entree du lazaret. Mais le decret du 22 avril avait afl’ecte ce produit au service de sante. Les travaux, cependant, etaient dejh commences. Chabrol pensa alors a prendre 15.000 francs dans les fonds de reserve, et le reste sur les funds des travaux publics, dans le budget de la Croatie militaire. Neanmoins, le 13 aout, le conseil general, h Paris, renvoya le projet de Blanchard, pour etre refait dans les formes usitees, et Mole repondit, le 14 septembre, que la Croatie militaire n’etait pas comprise dans le budget des ponts et chaussees, etant admi- nistree militairement; il renvoya le projet au ministre de la guerre. Celui-ci, le general Clarke, ecrivit, le 6 novembre, qu’il pourrait peut-etre imputer ces sommes sur le budget particulier des 6 re¬ giments, e-t demanda au gouverneur general si cela etait possible. Enfin, apres tant d’obstacles, l’argent necessaire put se trou- ver — puisqu’il s’agissait du commerce levantin — et, h la fin de l’annee, les travaux etaient termines. Le Telegraplie Officiel en fit le rapport, le 24 decembre x , en ajoutant les projets encore 1 TO, 1812,103. AujourcThui encore, on nomme une parlic de la ville « frangaise ». l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN I LLYRIE 99 a executer ; le pont de l’Una et un magasin pour 4.000 balles de coton etaient finis. En 1813, on construira encore d’autres maga- sins pour 8.000 balles au moins, et un batiment pour les voyageurs; le reste du projet s’executera en 1814. Le lazaret devait avoir 5 parties distinctes : le logement des voyageurs, av.ec des parloirs ; un emplacement de plus de 100 toises (a 1 m., 949) de longueur, environne de magasins pour les marchandises en quarantaine; un logement pour les caravanes et leurs chevaux ; enfin l’hopital. Une digue, dont la moitie avait ete executee en 1811 et 1812 et qui serait terminee en 1813, devait environner tous les etablissements du lazaret. En 1813, on devait construire un second pont sur le petit bras de l’Unica. Les regiments croates avaient concouru par tous leurs inoyens a ces travaux. 389.093 francs furent accordes pour les routes en 1813 L Le 13 fevrier, Blanchard proposa 1 2 la construction d’un pont sur la Soca, a Gorica. C’etait une route tres frequentee, et on y passait sur un pont de bois, entretenu par les gouvernements illyrien et italien. Blanchard voulut conserver l’emplacement, mais cons¬ truire le pont en ligne droite, et l’elargir. Les frais etaient de 22.754 fran cs, a payer moitie par l’lllyrie, moitie par l’ltalie; le domaine illyrien donnait le bois necessaire gratuitement. A cause des negociations avec l’ltalie, l’affaire trainait. Le 26 mai, Mole approuva le projet avec quelques rectifications. Le 15 fevrier, Blanchard fit un rapport concernant la route Ljubljana-Trieste-Pula 3 . En general, elle etait bonne ; mais la partie de Opcinc a Trieste avait une pente trop prononcee ; il . fallait 12 chcvaux pour les voitures qui sortaient de Trieste. Marmont s’etait deja occupe decet inconvenient 4 . La route actuelle etait la ligne la plus courte ; mais il eut mieux valu suivre la cbaine des monts et le torrent jusqu’a Trieste ; dans ce cas il ne fallait que 4 chevaux aux voitures. L’intendant d’Istrie et le maire de Trieste etaient disposes & faire tous les sacrifices necessaires : 30.000 francs etaient prevus, pour cette route, au budget, et la ville de Trieste voulait donner 40.000 francs. Un droit de passage couvrirait bientot ces depenses. Chabrol ajouta encore, le 27 fevrier, que Trieste, olfrant plus d’avantages pour les relations avec l’Autriche que Rijeka, etait tres riche — ses revenus en 1813 s elevaient a 500.000 francs — . L’excedent pouvait s’employer ici. En 1806 et 1807, il y avait eu un transit de 80.000 voitures sur la 1 AN, F‘ 4 ,1030,1« d„ 27 septembre 1813. 2 AN, F 14 , 1030, 3 e d. 3 AN, F 14 ,1030, 3 e d. 1 AN, F 14 ,1030, l er d. 100 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES route Ljubljana-Trieste. Le conseil general adopta,le 7 avril, ce projet, sans hesitation, cette fois. La construction d’un pont sur la riviere de la Mirna, en Car- niole, fut proposee le 5 mars, pour pouvoir reporter sur le terri- toire illyrien 5 lieues du chemin de halage de la Save, qui se trou- vait alors sur le territoire autrichien. Les rives escarpees, la hau¬ teur et la vitesse des eaux du torrent, rendaient impossible le halage sur le cote illyrien, et il fallait aux bktiments passer d’une rive k l’autre — d’ou une foule de contestations entre les pro- prietaires riverains, les bateliers et les preposes des douanes des deux puissances limitrophes. Le 11 avril, Chabrol recommanda le projet du pont, et son execution en bois, parce que la modicite de la somme creditee chaque annee et les ressources qu’offrait la population par l’emploi des corvees faisaient un devoir d’eviter autant que possible les travaux d’art, pour lesquels de tels avan- tages etaient inoperants, et qui necessiteraient le paiement des journees a des prix libres, forteleves dans les Provinces Illyriennes. Enfin, un arrete de Bertrand, du 27 juin 1 , decida la construc¬ tion d’un pont sur le Timav, et accepta la soumission de 1’entre- preneur Frajnic, qui faisait l’avance des 15.000 francs necessaires & cette construction, et qui seraient rembourses par le produit du peage. II est cependant probable que ces derniers projets, quoique approuves, ne furent pas executes, la guerre mettant fin aux plans et aux travaux. Comme on a pu voir, presque tous les travaux des ponts et chaussees illyriens etaient caracterises par la parcimonie avec la- quelle les credits etaient alloues. Maisil y eut deux exceptions : l’une, le lazaret etle pont de Kostajnica, dont on a dejh. parle, l’autre, la grand’route Napoleon, conduisant de Ljubljana, par Rijeka et Knin, k Dubrovnik et Kotor. C’etaient, pour ainsi dire, deux idoles,l’une commerciale, l’autre strategique, auxquelles on sacrifiait tout. Nombreux sont les documents sur la route Napoleon ; lk, on ne craignait pas de faire des depenses ; e’etait mSme parfois aux frais des autres routes. Dejk, le 31 mai 1811, on exigea k Paris, avant d’approuver la repartition des fonds pour 1811, qu’on etudikt : comment on arrivait de Ljubljana k Dubrovnik, s’ilrestait de nouveaux travaux k executer sur cette route, en quoi ils consistaient, et la depense qu’ils entraineraient ; et on ajouta que cette route devait toujours fitre consideree comme la plus importante de l’lllyrie, taut pour le commerce que pour la defense, et qu’il fallait la terminer. A AN, F 14 ,1030, 3 e d. 1,’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 101 ces questions on pouvait repondre a Ljubljana que cette route existait deja, pour ainsi dire, mais morcelee, sous plusieurs noins, et de valeur inegale : elle etait route de poste jusqu’a Gospic, sentier dans la Croatie militaire jusqu’a Padjene pres de Knin, carrossable jusqu’a Ercegnovi, sentier jusqu’a Kotor, carrossable jusqu’k Budva. De Ljubljana a Metlika, il y avait des parties a reconstruire, et la partie de Karlovac a Novigrad etait la plus mauvaise. De Knin k Budva, elle etait achevee sur une longueur de plus d’un tiers 1 . Le gouvernement illyrien se conforma promptement aux instruc¬ tions de Paris. Le 29 juillet,un arretede Bertrand ordonna la cons¬ truction du trongon Vrgorac-Dubrovnik et y affecta 75.000 francs, partiellement pris sur le budget des autres routes 2 . Le 2 octobre, Bertrand proclama egalement, par un arrAte, que la route des postes, conduisant de Kraljevica a Novi, serait etablie par Sv. Jakov et Cirkvenica, et qu’un pont de bois serait construit sur le torrent de Cirkvenica. Cette route serait commencee les premiers jours d’octobre, et terminee le 10 novembre ; Candido, l’ingenieur de Rijeka, dirigerait les travaux, les chefs de chantiers recevraient 2 francs par jour. En elfet, Bertrand put ecrire, le 15 fevrier 1812, que la route avait ete finie en 35 jours et que la population avait montre de la bonne volonte. 11 avait fallu traverser les terres de quelques particuliers. Ceux-ci ne demandaient pas d’argent, mais priaient qu’on les indemnisat avec des terres du domaine, situees dans Pile de Krk, separee de la route seulement par un canal assez etroit. Ces terres etaient de peu de valeur, et ne rapportaient presque rien au domaine. Bertrand demanda a Montalivet de proposer cette mesure a l’Empereur, et un decret du 15 mars autorisa en effet ce mode d’indemnisation 3 . Cependant, un petit conflit diplomatique avec la Turquie eclata en janvier 1812, parce que la route Napoleon traversait le territoire turc sur une lieue (a 4.288 m.) de longueur, avant d’arriver a Dubrovnik. Marmont avait deja rencontre un cas pareil : la construction de la route sur le territoire turc, pres de Vrgorac, avait souleve des reclamations, mais qui avaient ete apaisees par des forces militaires. De m6me, lorsque Bertrand fit construire la route pres de la Neretva, les Turcs reclamerent de nouveau. 11 leur repondit que la question avait deja ete tranchee sous Mar¬ mont. II croyait d’ailleurs que l’attente d’un « bakchich » et la 1 AN, F 44 , 1030, ler d. 2 AN, F 14 , 1030, 2 e d. 3 AN, F 44 ,1030, 3 e d. 102 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES crainte de voir la contrebande de sel empechee etaient leur motif principal L C’est qu’k Klek, situe sur cette bande de territoire turc, les Anglais avaient etabli une echelle de commerce : de grands batiments, sous pavilion anglais, y venaient en convois de 10, 12 et 15, escortes de batiments de guerre ; les denrees colo- niales et les produits des manufactures anglaises allaient de la en Bosnie et en Hongrie. Sur cette langue de terre turque, il n’y avait pas de particuliers leses ; la route ne traversait que des rochers, et elle servait aussi aux Turcs a porter leurs marchandises a Dubrovnik. Bertrand s’adressa au pacha de Bosnie, et demanda k Maret l’appui du charge d’affaires de France a Constantinople, afln d’obtenir un « firman » pour ce territoire, et egalement pourle terrain d’une lieue (a 4.288 m.) qu’il fallait encore traverser en sortant de Dubrovnik pour aller a Kotor. La Republique de Dubrovnik avait cede ces deux bandes de terre k la Turquie pour se proteger de Venise 1 2 . En depit de ce conflit, non encore definitivement resolu, les travaux continuaient. Ils souffraient cependant quelque retard ; on ne fit rien pendant la belle saison, a cause de la maladie de l’ingenieur Vitelleschi, et ainsi la route demeura inachevee dans la province de Dubrovnik. Bertrand, en rapportant ces faits, le 27 octobre, a Mole, ajouta qu’il ne fallait pas exigertrop rigoureuse- ment des plans, parce qu’il y avait manque d’ingenieurs ; ce serait retarder un bienfait incalculable. Bertrand avait ecrit au com¬ mandant turc que l’achevement de cette route n’impliquait rien d’hostile, qu’on avait dejk traverse le territoire turc ailleurs sans troubler en rien la bonne harmonie. Neanmoins, les Turcs en- voyerent 500 homines pour s’opposer a la construction, craignant que la contrebande de sel ne fut emp&chee ; mais ces troupes durent se retirer. L’annee suivante, 3 ou 4 ingenieurs seront indispensables pour la construction de la route Napoleon, car les marais de la Neretva les rendaient malades et il fallait pouvoir les relever et les faire changer d’air. Le 20 novembre, Chabrol mentionna avec satis¬ faction que, par la route Napoleon, les depeches, qui mettaient auparavant 17 a 18 jours, venaient de Ljubljana k Dubrovnik en 6 jours 3 . Dans son rapport du 15 novembre a Maret, Bertrand s’etendait encore sur les diflicultes causees par les Turcs, et desirait con- 1 AIIG, 10/5, 26 janvier 1812. 2 AE, Autriche 55, Provinces Illyriennes, 10 mars 1812. 3 AN, F 14 ,1030, l er d. L’EXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLY HIE L 03 naitre les dispositions des traites turco-venitiens relatives a cette langue de terre. La contrebande s’y faisait toujours. A Klek, le sel se vendait 2 paras (environ 3 c., 5) la livre,les batiments anglais emportaient en echange du ble et des troupeaux entiers de bmufs, et la regie illyrienne des sels etait empechee, par la, de vendre du sel aux l ures, ce qui etait un grand inconvenient pour les finances. Le commerce de Dubrovnik avec les Turcs, principalement celui du sel, etait egalement supprime. Neanmoins le ministre des allaires etrangeres tie trouva rien a ce sujet dans les traites turco- venitiens L En 1813, on voulut continuer la route Napoleon, de Dubrov¬ nik sur le territoire de Kotor. Quelques mois ne pouvaient suffire a terminer des travaux aussi importants ; la perte de 1’Illyrie les trouva inaeheves ; mais, par rapport a la longueur totale, la partie inachevee n’etait pas considerable. En opposition avec les autres travaux, les mesures concernant les routes s’executaient toutes. A une exception pres 2 : on avait demande a Chabrol, par une circulaire du 29 mai 1812, en execu¬ tion du decret du 11 decembre 1811, de faire planter d’arbres les routes ; Chabrol repondit, le 23 avril 1813, qu’il n’avait, pour l’execution de cette mesure, d’autres ressources que celles que pourraient offrir, dans quelques annees, deux pepinieres qu’il avait fait etablir en Dalmatie et en Carinthie ; pour la route Napo¬ leon, il avait charge 1’administration forestiere de faire prendre dans les forets des arbres propres a cet usage ; et il faisait encore une fois observer a quels obstacles on se heurtait presque a chaque pas dans l’execution litterale d’un decret qui avait ete fait pour d’autres circonstances, par une autre legislation, et par une autre organisation ou administration que celle qui existait dans ces provinces. Les ingenieurs des ponts et chaussees avaient aassi a diriger, a cote des travaux des routes, toutes les autres constructions ; uiais on ne batissait pas beaucoup en Illyrie ; l’epoque n’y etait point favorable, e’est-a-dire la situation fmanciere trop mauvaise ; nous avons deja constate ce fait a l’occasion des diflicultes de l’industrie. Nous connaissons cependant quelques exemples d’eutreprises de batiment. Une circulaire de Montalivet, relative a l’alignement des rues dans les villes, fut adressee, le 29 octobre 1812, au gouvernement 1 AHG, 10/5, 10/6, l«fevrier 1813. 2 AN, F 1 *, 1030, ler d. 104 LA VIE ECONOMIQUE DBS PROVINCES ILLYRIENNES lllyrien. Chabrol la transmit aux intendants, qui repondirent qu’ils ne connaissaient pas la circulaire du 18 aout 1808, dont celle-ci etait la suite. Le 20 juin 1813, Chabrol pria alors le mi- nistre d’envoyer celle du 18 aout, en soulignant, combien il serait necessaire que les intendants possedassent chacun un exemplaire du recueil des circulaires ministerielles — ou du moins que l’inten- dant general en eut un ! Le ministre envoya la circulaire desirec le 20 fevrier, mais il ne semble pas qu’elle ait eu d’autre effet, en dehors de cette agreable illustration des relations administra- tives 1 . A Ljubljana, quelques proprietaires avaient fait des reparations & leurs maisons, sans en demander la permission aux autorites, ce que le maire Codelli blama, le 26 fevrier 1812, et interdit sous peine d’amende. On obeit, et, des lors, on envoya les demandes & Fingenieur et architecte de la ville, Fabulet. Celui-ci chargea, le 4 aout, le maitre-magon Prager, de pourvoir au service de la ville pendant son absence, et, comme l’intendant avait charge l’inge- nieur en chef de la direction des travaux de la ville, Prager devait prendre les ordres de Blanchard. Fabulet envoya, le 25 fevrier 1813, d Codelli, les devis approximatifs des travaux portes dans le budget de la ville, a la maison communale, aux paves, reverberes, pompes d incendie, hopitaux, ponts, aqueducs et fontaines, et des reparations d’eglises, en tout 17.000 francs. Et le mois suivant, Blanchard traita avec Codelli de l’etablissement du champ de foire et du jardin du gouvernement 2 . L’intendant Arnault, a Trieste, faisait executer l’allee de l’aque- duc, les routes du lazaret a Saint-Andre et a Skedenj, et embellir la petite place de Liitzen pres de Saint-Antoine vieux. Pour ce dernier objet, son successeur Calafati elabora encore un projet le 6 aout 1813, mais ce projet, par manque de moyens et de temps, ne fut pas execute 3 . Enlin, dans les faubourgs de Karlovac, quelques nouvelles constructions s’elevaient, parce qu’on per- mettait de bdtir en dehors des fosses, ce qui auparavant avait ete defendu 4 . Lors de la reoccupation autrichienne, il n’y eut pas, dans le service des ponts et chaussees, une coupure aussi forte que dans d’autres branches de l’administration, parce que, comme Chabrol Fecrivait, de Venise, & Mole, le 19 octobre 1813 5 , le plus grand 1 AN, F lE , 61, n° 11. 2 AML, 8, n° 125 et plusieurs autres numeros ; 11, n° 43 ; 3, n° 27. 3 G. Mainati, Chroniche..., VI, pp. 76, 83, 88, 96. 4 R. Lopasic, Karlovac, p. 91. 6 AN, F 44 , 1030, I* 4 d. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 105 nombre des ingenieurs appartenaient au pays et etaient autorises a ne pas le quitter. L’ingenieur en chef, Blanchard, travaillait, depuis le debut de la guerre, sous les ordres du comte Fresia, general de division ; il suivit le quartier general de Ljubljana a Trieste et a Gorica jus- qu’au 3 octobre, date ou il quitta 1’Italie, apres avoir obtenu un conge. Le ministre de l’interieur lui demanda une notice sur les travaux executes en Illyrie, et Blanchard envoya, le 5 decembre 1813 1 , un bon resume auquel nous emprunterons quelques details non encore mentionnes. A son arrivee en Illyrie, Blanchard trouva les routes, les ponts et les ports de commerce a l’etat de ruine, a la suite de la guerre de 1809. Il retablit les communications entre les provinces et l’en- tree des bateaux dans les ports et les canaux encombres. En Carniole, on entretenait 140 lieues (a 4.288 m.) de routes, 23 grands ponts en bois, et 70 autres plus petits ; plusieurs routes furent nouvellement construites, la Save amelioree, et on s’occupa du projet d’assechement du marais de Ljubljana. En C^rinthie, 56 lieues (a 4.288 m.) de routes et plusieurs grands ponts sur la Brave et la Zilja furent repares. Dans l’Istrie, tres abandonnee, les ports de Trieste, Ivoper, Piran et Porec furent nettoyes, les moles repares. La route de Trieste a Pula fut ouverte sur 20 lieues (a 4.288 m.), le reste devait etre acheve en 1813; celle de Pazin a llovinj fut construite a neuf. En Croatie civile, 11 lieues (a 4.288 m.) de routes furent faites a neuf, 62 lieues (a 4.288 m.) entretenues, la Save et la Kupa ameliorees, le port de Rijeka nettoye. Dans les provinces de Dalmatie et de Dubrovnik, aupa- ravant sans routes, la route Napoleon fut construite de Knin a Dubrovnik : 64 lieues (a 4.288 in.) restaient encore. Les projets etaient etablis jusqu’a Kotor, pour 1814 ; et on en avait encore d’autres. Ces deux provinces possedaient alors 130 lieues (a 4.288 in.) de routes, et 28 lieues (a 4.288 m.) commencees ou en projet. En Croatie militaire, ou Blanchard n’avait cependant que la surveillance, on avait entretenu 120 lieues (a 4.288 m.) de routes et construit le pont de Kostajnica. Le mode d’execution differait d’une province a l’autre. Le bois necessaire fut donne par le domaine ou par les communes ; les travaux d’art furent executes par des ouvriers libres : tout fut fait avec la plus grande economic. Des sommes accordees en 1813, 200.000 francs seulement purent etre depenses, d cause des cir- constances politiques. Les depenses totales des 3 annees s’ele- 1 AN, F 14 ,1030, 3 e d. • 106 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES verent a 1.350.000 francs, y comprises les charges administra- tives dont le montant annuel etait de 60.000 francs. Les travaux faits representerent plus de 6 millions. Blanchard passa, le l er janvier 1814, dans le departement de la Loire. De lh, le 12 septembre, il adressa, comme Gallois, au directeur general une demande pour obtenir la legion d’honneur, pour ses services en Illyrie 1 . Dans le memoire annexe, il donnait un second resume des travaux en Illyrie, en soulignant qu’il s’etait occupe aussi de tout ce qui avait rapport au service des prisons et des hospices civils et militaires, du cordon de sante sur 54 lieues (a 4.288 metres) de longueur, des lazarets, particulierement de celui de Kostajnica, et de l’assechement du marais de Ljub¬ ljana, comportant une surface de 20.000 hectares. Apres deux ans d’operations et d’experiences, son projet pour l’assainissement de ce marais et pour la navigation de la Ljubljanica avait ete approuve par le directeur general. Bertrand lui avait promis que, lorsque la route Napoleon serait tracee jusqu’a Dubrovnik, il demanderait pour lui la croix ; mais, auparavant, Bertrand quitta 1’Illyrie pour aller a la Grande armee. Aussi, quand «lapaix et lebonheur ont reparusous l’empire des lys », Blanchard vient, plein du sentiment d’avoir rempli son devoir et d’avoir laisse a l’etranger de grands travaux et le sou¬ venir du nom frangais, supplier qu’on lui accorde cette recom¬ pense. Ces grands travaux furent reconnus par tout le monde, et — d’apres une anecdote souvent citee — meme par l’Empereur d’Autriche. La demande de Blanchard fut aussi appuyee par Marmont et par Chabrol. Neanmoins, le directeur general l’aver- tit le 19 octobre que, malgre ses merites, le ministre de l’interieur n’avait pas l’intention de faire prochainement des presentations d’ingenieurs pour la decoration desiree. Et ainsi, moins heureux que son collegue des mines, Blanchard ne regut pas sa decoration. B. — Les postes. La poste est sans doute la branche de l’administration illy- rienne qui s’est developpee le plus regulierement, sans grands obstacles, sans beaucoup de bruit, mais avec succes. Apres avoir surmonte au debut les difficultes issues de la crise monetaire, elle devint aussi une des rares branches qui n’eut pas de de licit ; meme il y eut en 1812, pour la premiere fois, un benefice net de 1 AN, F, 111681 (dossier Blanchard). l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 107 150.000 francs L La direction Nord-Sud, Vienne-Trieste, ne subis- sait pas de changements considerables : c’etait l’ancienne voie du commerce. Ce qui etait tout a fait nouveau, c’etait la ligne Ouest- Est, Paris-Ljublj ana-Kostajnica-Constantinople-Smyrne, encou- ragee de toutes les fagons par le gouvernement, qui suivait son programme de la voie de terre vers le Levant. La poste frangaise, en i’urquie, etait la prolongation naturelle de la poste illyrienne, a laquelle elle s’attachait aussi par la personne du directeur general de la poste illyrienne, qui la preparait, et son etablissement ren- trait completement dans le cadre des grandes directives donnees pour l’lllyrie. Aussi, dans les negociations concernant son eta¬ blissement, il n’est pas question d’economies. Le programme des postes est le meme que celui des routes, et tous les deux pre¬ parent la voie au commerce. I a. La poste illyrienne. Le service des postes I 2 , interrompu au debut de l’occupation frangaise, fut bientot repris, mSme avant la cession : le 4 aout 1809,1a Laibacher Zeilung avertit le public que la poste de Trieste. Gorica et Rijeka arrivait et partait regulierement. Ce service fut dirige, jusqu’en mars 1810, par l’ancien directeur Kermel ; puis, C. d’Ltilly 3 fut nomme directeur general des postes illyriennes et occupa cette place jusqu’a la guerre de 1813. Bertrand etait tres content de son activite et remercia La Yalette, directeur gene¬ ral des postes a Paris, d’avoir envoye en Illyrie un homine si capable. Les premieres mesures concernant et la poste aux lettres et celle aux chevaux tenaient compte de la depreciation de la mon- naie. Dejd avant la cession, en septembre, un decret imperial 4 avait augmente d’un florin le prix des chevaux de poste des provinces occupees. Un arrete de Dauchy, du 20 decembre 5 , edicta, a partir du l er janvier 1810, une nouvelle augmentation 1 B. Strika, Francuska doba u Hrvatskoj (L’epoque frangaise en Croatie), p. 4. 2 Sur le service des postes : A. Dimitz, GeschichteKrains..., IV, pp. 314, 338-340 ; B. Pisani, La Dalmatie, p. 387 : J. Vrhovec, Zgodovina poste na Kranjskem (His- toire do la poste en Carniole), pp. 724-727 ; P. v. Radies, Die k. k. Post in Krain, PP- 03-7G. Fr. Semrov, Ljubljanska posta (La poste de Ljubljana), pp. 45-52 ; 1•> 9 ^ a I’ sloveriskega naroda (Ilistoire de la nation Slovene), VII, pp. 124- I ous ees auteurs citent un nombre plus ou moins clove de mesuros en ma- tiere postale, empruntees principalement au TO. Cf. aussi carte I. Bossier personnel detruit. AGL, 1809, 7 septembre. LZ, 1809,114, 108 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILI.YRIENNES des prix : pour une poste de cheval 1 florin, pour une lettre simple (au-dessous de 6 grammes), a 1’interieur (excepte la Dalmatie), 4 kr., pour l’etranger8 kr., pour les lettres doubles (au-dessus de 6 grammes) d’apres ce tarif; les prix s’entendaient en bon argent, mais payables aussi en Bancozettel ou en monnaie de cuivre, selon le cours. Au printemps 1810, toutes les postes des routes de Ljub¬ ljana a Gorica, Trieste et Rijeka demanderent encore une augmen¬ tation des prix. Kennel les appuya le 4 mars : le prix du fourrage avait augmente, on perdait au change du bon argent en Ban¬ cozettel, les routes etaient mauvaises ; en Autriche et en Baviere, on avait deja augmente le prix des postes. L’intendant de la Carniole, Baselli, demanda l’avis des capitaines des cercles, qui se prononcerent pour une augmentation de 1 fl. 30 kr. ou 2 florins h Cette annee, cependant, aucune nouvelle augmentation ne fut en vigueur. Les maitres de poste se trouvaient alors dans une situation penible : le gouvernement leur devait encore le remboursement des depenses pour les estafettes civiles et militaires pendant les mois de guerre. Pour la Carniole, Lichtenstein, le president de la regence provisoire, presenta les notes, pour les mois de juillet a decembre, k Dauchy, le 31 janvier et le 16 fevrier 1810 1 2 . Mais il semble que ce remboursement se soit fait attendre, puisque d’Etilly ecrivit encore, le 2 octobre 1811, au maitre de poste de Rakov potok, en Croatie civile, que ce qui lui etait du pour 1809 et 1810 serait bientot paye 3 . Le 24 septembre 1810, Marmont confirma aux maitres de poste l’ancien privilege de Texemption du logement militaire 4 * , et, le 7 decembre, la direction prevint les abonnes de gazettes etrangeres qu’ils auraient k payer 2 1/2 kr. par feuille jusqu’au l ei: janvier 181-1, la poste illyrienne n’ayant pas encore negocie avec les postes etrangeres 6 . Ainsi, cette annee- la, il n’y eut que des mesures provisoires. Mais, des le debut de 1811, d’Etilly commenga k regler les rela¬ tions avec les postes des fitats voisins, 1’Autriche, la Baviere, Tltalie, la Turquie — de laquelle nous parlerons k part — et k orga¬ niser les postes aux lettres et aux chevaux, ainsi que les courriers. Pour se conformer k la regie etablie dans les Provinces Illy- riennes concernant le depart des diligences de Trieste pour Vienne, la direction generale des postes, k Vienne, decida que ses 1 AGL, 1810. 2 Ibidem. 3 AEZ, 1811. 4 P. v. Radies, o. c. 63. 6 TO, 1810, 20. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 109 diligences partiraient dorenavant de Vienne pour Trieste comme celles de Trieste pour Vienne, c’est-a-dire tous les 15 jours. Les diligences d’Autriche et d’lllyrie venaient done le mgme jour a Celje. Le public regut cet avis le l er fevrier b II en regut un autre, le 16 mars 2 , disant qu’un courrier partirait regulierement deux fois par semaine de Salonique pour Travnik, par les soins du vice- consul Clairambault a Salonique. Toutes les lettres, destinees au Levant, seraient dorenavant expedites de Trieste, par Split et Travnik, dans un seul sac, adresse au consul general David k Travnik. En mfime temps, le directeur general des postes d’ltalie annonga un changement k partir du l er avril, sur les routes de Venise et Ancone. II serait expedie un courrier de Milan pour Venise, Udine et Trieste, les lundi et mercredi k 6 heures apres- midi et le samedi a 10 heures du soir. La Saxe fixa en avril, la Baviere, en mai, les droits des lettres et envois pour l’lllyrie 3 . Le service des diligences de Trieste a Vienne, qui avait subi quelque interruption, fut repris le 23 juin 4 . Quant a l’organisation interieure, le decret du 15 avril (art. 177, 178) ne fit qu’approuver l’organisation provisoire, et exiger, jus- qu’au l er juillet, un rapport du ministre des finances sur l’orga- nisation definitive. Celle-ci fut l’ceuvre, en plusieurs arretes suc- cessifs, de Bertrand. L’arrete du 26 aout 5 interdit toute poste de lettres particu- liereset tout entrepot, dans les villes et communes du littoral ; les capitaines de bateaux devaient remettre toutes leurs lettres et tous leurs paquets aux bureaux de poste. L’arrSte prononga la saisie des lettres et des paquets, transposes en fraude et une amende de 150 francs. L’arrete du 17 septembre 0 regia l’organisation de la poste aux chevaux et fixa le tarif des droits. Un brevet du direc¬ teur general des postes etait necessaire pour devenir maitre de poste. Les voyageurs devaient payer, dans les voitures malles a une place, 1 fr. 30 par cheval et par poste; 1 franc dans les voitures a plusieurs ; et 37 centimes par postilion et poste. La verification des distances des relais n’etant pas encore faite, on continua pro- visoirement a payer une poste d’Allemagne pour deux postes de France (k 8.576 m). 7 Le 24 septembre, un arrete permit aux parti- 1 TO, 1811,10. 2 lb., 25. 3 lb., 32. 1 lb., 50. 5 lb. 70. 0 lb., 78. 7 lb., 81. 110 LA VIE ECONOMIQUE DBS PROVINCES ILLYRIENNES culiers d’etablir des messageries, en se conformant aux disposi¬ tions de cet arrete L Frangois Valentin, maitre de poste a Ljub¬ ljana, entreprit, a partir du l er decembre, avec l’approbation du gouvernement, l’etablissement d’une messagerie pour voyageurs, paquets de inarchandtses et especes monnayees, partant le l er et le 15 de chaque mois de Ljubljana pour Kostajnica, passant par Samobor et Sisak, et retournant tout de suite a Ljubljana. Les places etaient a retenir chez lui a Ljubljana, ou a Kostajnica. Enfin, l’arrete du 16 decembre 2 regia l’organisation de la poste aux lettres et fixa le tarif des taxes. Une lettre simple payait pour 1 a 100 kilometres 2 decimes, pour 200 kilometres 3 decimes, et ainsi de suite. Les lettres doubles payaient 1 decime de plus que les lettres simples. Pour les colonies et autres pays transocea- niques (excepte 1’Angleterre), on devait affranchir jusqu’au port. Ce tarif entra en vigueur le l er janvier 1812 3 . A partir de la meme date, les jours et les heures d’arrivee et de depart des courriers furent fixes par la direction generate comme suit : de Arrivee a Ljubljana : La France, l’ltalie etGorica, La Dalmatie, Dubrovnik, l’Albanie. Rijeka. L'Allemagne par Franz (Vransko). Beljak, la Baviere, le Tyrol et Celovec (Klagenfurt) . Novo mosto, Karlovac, Kostaj nica, la Turquie.. . Trieste. lundi, jeudi, samedi mercredi, dimanche mercredi, dimanche, vendredi lundi, merer., vend., dimanche mercredi, dimanche mercredi, vendredi, dimanche tous les jours de 8 a 10 h. du matin. de 10 h. a midi. » de 10 h. a midi. de 8 h 10 h. du matin. de 8 a 10 h. du matin, de 8 a 10 h. du matin. pour La France, 1’Italie etGorica, La Dalmatie, Dubrovnik, l’Albanie.. Rijeka. L’Allemagne par Franz (Vransko). Beljak, le Tyrol, la Baviere et Celovec (Klagenfurt). Novo mesto, Karlovac, Kostajnica, la Turquie,. . Trieste. Depart de Ljubljana : mercredi, vendredi, dimanche jeudi, dimanche mardi, jeudi, dimanche 1 lundi, merer., jeudi, dimanche'' lundi, jeudi I lundi, jeudi, dimanche tous les jours a 5 h. du soir. 1 /A, 93. 2 TO, 1812, 3. 3 TO, 1811,104. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 111 Les lettres a -affranchir ou a charger devaient Stre remises avant 3 heures de l’apres-midi, et les lettres ordinaires a 4 heures du soir pour partir le m6me jour. Mais, comme le depart des cour- riers de Ljubljana pour Beljak, la Baviere et le Tyrol — lundi et jeudi — ne correspondait pas avec les departs sur Munich et Augsbourg, et qu’il en resultait un retard prejudiciable au com¬ merce des deux Etats, ces departs se firent, a partir du 26 jan- vier, le dimanche et le mercredi a 5 heures L A partir du l er janvier 1812, tous les dimanches partaient aussi, successivement, une diligence de Trieste pour Franz (Vransko) a la frontiere autrichienne, et une de Trieste pour Ljubljana. Le prix pour les voyageurs etait : de Trieste h Ljubljana 8 florins ou 20 fr., 68, de Ljubljana a Franz (Vransko) 4 florins ou 10 fr., 34, et pour les postilions par station 6 kr. ou 26 c. ; de Ljubljana a Kostajnica — par la diligence deja mentionnee — 14 fl., 8 kr. ou 36 fr., 55 2 . A partir du 2 avril, une diligence hebdomadaire pour voyageurs, effets et marchandises, fut etablie entre Trieste et Go- rica 3 . En mai, le bureau de la direction centrale, a Ljubljana, fut transfere sur un point plus central de la ville 4 ; le l er novembre, pour ameliorer les communications de Rijeka avec Karlovac, les relais de poste, qui se trouvaient sur la vieille route Caroline, furent transferes sur la nouvelle route Louise s . Le 15 mai 1813, d’Etilly prevint le public que 6 , pour faciliter la correspondance commerciale, les lettres adressees a Milan et a Paris, seraient dorenavant expedites par l’estafette imperiale ; elles seraient ainsi a Paris en 7 jours. Les lettres simples paieraient d’avance 1’alTranchissement de triple port suivant les tarifs d’lllyrie, d’ltalie et de France ; les lettres doubles, proportion- nellement. Les bureaux des postes a Paris et a Milan etaient egalement autorises a expedier par l’estafette les lettres de com¬ merce pour l’lllyrie. Un decret du 16 mars 7 apporta quelques changements au tarif du port des lettres etabli par l’arrete du 16 decembre 1812 : la lettre simple devait payer : de 1 a 50 kilometres 2 decimes, de 50 a 100 kilo metres, 3 decimes, de 100 a 200 kilometres 4 de- 1 TO, 1812, 7 2 lb., 1. 3 lb., 26. 1 lb., 40. 5 lb., 90. 6 TO, 1813, 22. 7 lb., 29. 112 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES cimes, et ainsi de suite 1 decime en plus pour 100 kilometres ; au- dessus de 1.200 kilometres 12 decimes. Le 20 mai, d’Etilly publia le traite entre les postes de la Baviere et de l’lllyrie 1 . A partir du l er juin, etaient etablis 3 courriers hebdomadaires de Ljubljana k Salzbourg, passant par Beljak, Spital et Saint-Michel, et vice-versa. On avait la liberte d’affran- chir les lettres et les paquets. Le port des echantillons de marchan- dises, enfermes dans les ; lettres et les paquets, etait taxe au tiers du port des lettres. Les journaux etaient affranchis a raison de 25 c.; de meme, les lettres adressees aux militaires. Les courriers pour la Baviere partaient de Ljubljana tous les mardi, jeudi et samedi a 3 heures. II y avait, dans la voiture du courrier du samedi, une place de voyageur. II etait egalement etabli un courrier quo- tidien en voiture, avec une place de voyageur, de Ljubljana k Trieste, et vice-versa. Ainsi, on pouvait chaque jour aller de Ljubljana k Trieste, de Trieste k Ljubljana, et se rendre de Ljubljana en Baviere, et vice-versa. A la frontiere, les voya- geurs trouvaient la diligence de Salzbourg, pour se rendre dans cette ville, a Munich et dans l’Allemagne. Enfin, le 8 aout, la direction avertit de nouveau le public des avantages des voitures malles 2 . Tous les jours, partait de Lju¬ bljana pour Trieste une voiture contenant 3 places de voyageurs, et vice-versa, et de Gorica une autre voiture partait sur Razdrto les mercredi, vendredi et dimanche ; elle se rendait k Razdrto pour rejoindre celle de la route de Trieste a Ljubljana ; le retour se faisait les memes jours. II partait egalement de Postojna pour Knin, les lundi et vendredi, une voiture malle qui revenait k Postojna, les mercredi et dimanche. Tous les jours, a 3 heures du soir, il partait une diligence de Ljubljana pour Saint-Michel, oil son arrivee correspondait avec le depart d’une diligence allemande allant a Salzbourg et Munich ; la diligence de Ljubljana repartait tout de suite. A partir du l er aout, il partait encore de Ljubljana, tous les 15 jours, une voiture allant a Franz (Vransko), pour re¬ joindre la diligence venant de Graz, laquelle repartait sans retard. Les voitures conduisaient effets, marchandises, objets precieux et voyageurs. Le prix de place des voyageurs etait de 1 fr.,75 par poste, et on pouvait prendre gratuitement 30 livres (a 0 kg., 56) de bagages. Le prix du port des paquets, ballots et marchandises etait de 2 1 /2 % par 5 livres (k 0 kg., 56) et par demi-poste ; celui des bijoux et effets precieux de 1 1 /2 % sur les valeurs de 100 k 1 lb., 42 . 2 lb., 63 . l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 113 200 francs, de 1/4% au-dessus de 2.000 francs ; celui des especes monnayees : pour l’or, de 100 & 2.000 francs, 1/2 %, au-dessus de 2.000 francs, 1 /4 % ; 3/4 % et 1 /2 % pour 1’argent ; pour le cuivre et billon, de 100 a 500 francs, 1 % : on ne prenait pas cette monnaie au-dessus de 500 francs, & cause du poids. Au milieu de cette activite universelle, dans laquelle on pourrait peut-etre noter une legere preference donnee a la Baviere par rapport k l’Autriche, la guerre survint. Mais on a bien pu voir que la poste illyrienne etait bonne. Elle parvint m§me a des records : on ne mettait de Paris a Dubrovnik que 20 jours, en ete ; en hiver, le double de temps, a cause de la neige 1 . (3. — La poste jranfaise en Turquie. L’etablissement de la poste frangaise en Turquie, de Kosta jnica a Constantinople, et de ses embranchements 2 , fut le resultat d’une correspondence tres volumineuse entre d’Etilly, Bertrand, les differents consuls de France en Turquie, les ministres des affaires etrangeres Champagny et Maret, et d’autres encore. Marmont en avait fait le projet, en meime temps que celui du commerce du Levant, dont nous parlerons au chapitre suivant. Le 8 octobre 1810, Marmont ecrivait au ministre de la guerre 3 que les relations commerciales avec le Levant exigeaient une poste hebdoinadaire avec Salonique et Constantinople. Les frais en seraient couverts simplement par l’exploitation. La seule chose necessaire etait l’entretien d’un consul general h Travnik. Le consentement du gouvernement turc etait a peine necessaire pour cet etablissement ; cependant, un « firman » du grand sei¬ gneur le rendrait plus sur. Le baron de Meriage, charge d’etudier les affaires de Serbie, en parla egalement, dans une lettre du l er janvier 1811, h Champa¬ gny 4 , en recommandant d’imiter, en Turquie, les procedes de la poste autrichienne, qui allait a Constantinople par Orsova et Sofia. Comme celle-ci avait donne de grands avantages au commerce autrichien, la poste frangaise en donnerait au commerce frangais et illyrien. Les consulats de Travnik et de Salonique seraient les principales tfetes d’expedition, les commissaires du commerce en seraient les agents intermediaires. Le consul de Smyrne rece- 1 B. Strika, o. c. 4. 2 V. carte II. 3 BMCH. 4 M. Gavrilovi6, Ispisi iz pariskih arhiva (Extraitsdes archives parisiennes), Pivec-SteU 8 114 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES vrait de Salonique les expeditions pour le Levant. Meriage recom manda aussi l’emploi des Tatars comme courriers, usage pra¬ tique avec succes par la poste autrichienne, et bon a imiter. Les Tatars voyageaient avec plus de facilite et de securite que les courriers europeens. Ceux-ci, en effet, coutaient le triple, ofTraient continuellement un appat aux voleurs parce qu’ils se chargeaient de marchandises, ce que les Tatars ne faisaient pas, et prenaient habituellement des Tatars comme escorte, en les payant fort cher. Par la meme voie, on pourrait aussi faire circuler les jour- naux frangais ou illyriens, avec des bulletins commerciaux ou de change — afin que tout fut en accord « pour la rapide execu¬ tion des vues de Sa Majeste ». Champagny proposa l’etablissement de cette poste entre Kostajnica et Constantinople, le 28 janvier, a Napoleon, qui l’approuva en fevrier L Meriage faisait encore remarquer, dans une lettre du 6 mai a Maret, qui avait entre temps remplace Champagny 2 , que le commerce avec la Turquie faisait arriver au bureau central des postes illyriennes, a Ljubljana, une tres grande quantite de lettres d’ltalie et de France, qui, jusqu’a present, avaient ete expedites par Vienne, et de la, par Brod sur la Save, allaient vers Travnik et Salonique, avec un detour de 250 lieues (a 4.288 metres). Cela nuisait a la celerite des relations, a la surete de la correspon- dance commerciale, et aux intentions de l’Empereur, un des avantages de la conquete de l’lllyrie etant de rendre nos relations avec la Turquie et le Levant independantes de l’etranger. Cet etablissement etait chose tres facile et peu couteuse et donnerait des benefices a la direction. Le directeur general des Provinces Illyriennes devait done s’entendre avec les consuls generaux a Travnik et a Salonique pour organiser le transport des paquets par la voie que suivait le commerce. Le depart de Marmont avait laisse les choses en suspens, mais Bertrand poursuivit la tache avec le meme zele. Napoleon mit, le 10 aout, 50.000 francs a sa disposition pour frais de courriers, depenses secretes 3 , etc. Un stimulant vint encore d’un autre cote. Clairambault, consul general de Salonique, avertit, le 16 aout,le directeur des postes de Kostajnica que le directeur de la poste autrichienne avait ecrit lb., n° 544. 2 Tous les documents suivants, pour lesquels rien d’autre n’est indique, se trouvent AE, Autriche 55, Provinces Illyriennes. 3 L. de Brotonne, Dernieres lettres inedites,.,, II, n° 1535. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 115 aux directeurs des postes a Travnik et a Brod de ne pas recevoir les plis et les lettres des courriers frangais et de les renvoyer. Le 24 septembre, Bertrand fit un rapport au ministre sur cette me- sure du gouvernement autrichien, laquelle eommandait imperieu- sement I’etablissement de la poste frangaise en Turquie, dont les dis¬ penses, d’apres un premier calcul, devaient s’elever a 100.000 francs. Le service etait organise parfaitement jusqu’a Kostajnica. Apres avoir consulte les consuls, David a Travnik, Clairam- bault a Salonique, Bruere k Skadar, et l’ambassadeur de France a Constantinople, de La Tour-Maubourg, d’Etilly envoya a La Valette un premier projet de la poste de Kostajnica a Constan¬ tinople. La route des courriers etait tracee comme suit : Kos¬ tajnica- Novi-Banja Luka-Travnik-Sarajevo-Novi Pazar-Pristina- Vranje-Custendil-Pazardzik-Plovdiv-Odrin-Constantinople; c’etait la ligne principale ; une ligne secondaire allait par Skoplje, Veles, Stip, et Strumica a Salonique ; les deux routes se sqpa- raient a mi-chemin entre Vranje et Skoplje. Le 18 fevrier 1812, d’Etilly fut autorise par La Valette a se faire fournir, par le tresorier general des Provinces Illyriennes, les fonds necessaires pour 1’etablissement du service Kostajnica- Constantinople ; il avail le choix entre employer les recettes au remboursement, ou remettre au tresorier general des lettres de change tirees sur l’administration generate des postes frangaises. Le 3 avril, Chabrol recommanda encore la demande de d’Etilly pour 1’etablissement d’un second embranchement Skoplje-Skadar, lequcl fut egalement accepte. La Tour-Maubourg ayant obtenu les « firmans » necessaires, Andreossy, envoye comme ambassadeur extraordinaire pres de La Porte, fixa le service definitif et nommales agents en mai. Le 17 mai, La Valette adressa a Maret 6 projets de d’Etilly du 16 mars, et les siens propres, sur les frais, le service direct, les embranchements et les taxes. Les frais etaient evalues a 55.980 francs pour la route principale, 6.691 francs pour les embranchements, 3.600 francs pour les agents et bureaux, en tout 66.271 francs. Le plan annexe montra un changement : le courrier pour Constantinople ne passait pas a Vranje, mais a Skoplje, et de Skoplje partaient la ligne de Salonique et la ligne de Skadar, de sorte que Skoplje etait devenu le point de jonction des trois lignes. Des bureaux d’expedition n’etaient pas estimes necessaires partout, mais seulement a Kostajnica, Travnik, Sarajevo, Pristina, Skoplje, Odrin et Constantinople. La poste aux lettres frangaise de Turquie commenga a fonc- tionner regulierement le l er mai, et le premier courrier partit 116 LA VIE ECO.NOMIQUE DES PROVINCES ILLY1UENNES de Constantinople le 4 mai et arriva a Ljubljana le 24 1 . Le depart de Constantinople pour Kostajnica fut, d’avance, fixe au 2 et au 18 de chaque mois, le depart de Kostajnica pour Constantinople au 8 et au 24. De Ljubljana a Kostajnica fut etabli un courrier direct qui arrivait la veille des jours de T expedition du courrier allant a Constantinople, et rapportait a Ljubljana les depSches de la Turquie et des echelles du Levant, deposees a Kostajnica. On etablit egalcment des courriers tatars allant de Constan¬ tinople a Smyrne. Pour faciliter les relations, le gouvcrnement avait pose comme regie que les lettres de France pour la Turquie seraient affran- chies seulement jusqu’h la frontiere du territoire frangais ; au moyen de cet aflranchissement, les postes de l’ltalie recevraient de celles de 1’Empire un prix de transit qu’elles partageraient avec les postes de l’lllyrie. Le destinataire paierait le port de Kostajnica au lieu de destination en Turquie. La direction generale de l’lllyrie devait negocier, k des condi¬ tions semblables a celles de l’ltalie, avec les postes de Naples, de la Suisse, de la Baviere et des pays du Nord, pour que les di- verses administrations se mettent d’accord en vue de ne pas trop elever le port des lettres venant de Turquie et y allant. Le direc- teur general des postes ill vriennes etait egalement charge de corres- pondre avec la direction de la poste frangaise en Turquie, et de donner les renseignements demandes. Le tarif des taxes pour le territoire de la Turquie et des echelles du Levant etait fixe ainsi : De Constantinople a Kostajnica (et vice-versa) une lettre simple payait 6 paras (a environ 3 c. 5), une lettre double 12 paras ; de Constantinople h Smyrne, 3 et 6 paras ; de Constantinople a Odrin, 2 et 4 paras ; de Constantinople a Sarajevo, 5 et 10 paras. Le bureau de la poste h Constantinople se trouvait dans l’ancien palais de Yenise 2 . Le 10 octobre, on pouvait envoyer un rapport h Napoleon, sur la solution definitive de la question de la poste frangaise en Turquie 3 . II est interessant de noter qu’en mars 1813, les negociants et la Bourse de Vienne demanderent un courrier hebdomadaire pour Constantinople, au lieu de deux fois par mois, parce que, dans les circonstances actuelles, l’Autriche n’avait de relations impor- tantes qu’avec le Levant. Mais le departement de la poste repon- 1 TO, 1812, 44. 2 Ibidem, 45. 3 AN, AF>v, pi. 5547, 22. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 117 dit, le 15 juin, que ce serait une depense annuelle de 15.000 florins, et deconseilla la mesure si le commerce n’y trouvait pas de tres grands avantages susceptibles de dedommager l’Etat L La poste frangaise en Turquie n’avait, en dehors de la concur¬ rence de la poste autrichienne, qu’un adversaire redoutable : c’etaient les bruits de peste, tantot veridiques, tantot repandus par speculation, qui necessitaient des mesures de disinfection. D’apres les procedes en usage dans les lazarets autrichiens, Bertrand ordonna, le 8 mai 1812j de ne desinfecter, a Kostajnica, les lettres au ministre des affaires etrangeres, qu’exterieurement ; le ministre les ferait desinfecter interieurement a l’arrivee. Mais le ministre demanda, le 20 mai, de les desinfecter aussi interieure¬ ment, et de faire entrer la fumigation, sans les ouvrir, soil en les pergant de part en part avec un fer tranchant, soit par tout autre moyen en usage dans les lazarets. Enfin, le ministre du commerce ordonna que toutes les lettres du Levant, meme celles de l’ambas- sadeur au ministre des affaires etrangeres, fussent ouvertes, pas- sees au vinaigre, et recachetees par un homme illettre, en pre¬ sence des directeurs de la poste et du lazaret, ainsi que cela se pratiquait a Marseille. Bertrand en rendit compte le 22 juillet a Maret, mais excepta de cette mesure les lettres de l’ambassadeur. Lomme il etait convenu qu’elles ne contiendraient que deux feuilles, elles pouvaient etre aisement fendues avec un canif. L’usage des lazarets autrichiens etait de ne jamais ouvrir la corres- pondance ministerielle 1 2 . En depit de la lutte contre la peste, la poste frangaise, en Tur- ffuie, remplissait parfaitement la tache qui lui etait assignee et pour laquelle elle avail ete creee. On ne voit pas qu’elle eut a souffrir des obstacles qui menagaient le commerce levantin ; done, 1&, on peut dire que le plan avait bien reussi. 5. Le commerce. Le mot de Napoleon « Le temps des diplomates est passe, celui des consuls commence » 3 trouva une application parfaite dans les Provinces Illyriennes, que l’administration frangaise considerait comme pays de commerce, et^ avant tout, de com¬ merce de transit, y.az i'ioyriv. Car, comme e’etait une doctrine 1 ACHV, Litorale Commerz, 132, 29 ex apr. 1813, 45 ex jun. 1813. I^a liste des employes des postes nommes par Andreossy a Constantinople, percee a plusieurs endroits, porte visiblement les traces de ce procede a Kostajnica. 3 A. Beer, Die Geschichte des Welthandels im XIX. Jalirhundert, I, p. 41. 118 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES que la France etait un Etat manufacturer, et l’ltalie un Etat agricole 1 , c’etait aussi une doctrine que l’lllyrie etait un Etat commergant. En effet, la situation geographique predestinait les Provinces Illyriennes a ce role et, avant la cession, en Autriche, ces provinces avaient servi au transit sur la grande ligne du commerce euro- peen Ilambourg-Vienne Trieste 2 . Le gouvernement illyrien, sans negliger tout a fait cette ancienne direction, Nord-Sud, du transit autrichien, donna tous ses soins a la creation d’une nouvelle ligne, Ouest-Est, Paris-Ljubljana-Constantinople-Smyrne, tandis qu’il combattait de tous ses moyens le transit an¬ glais et s’occupait aussi, quoique a un degre moins important, du commerce illyrien interieur. Les mesures du gouvernement illyrien forment done quatre groupes, ayant pour objet : le developpement du commerce interieur, la repression du commerce anglais, le reglement du transit autrichien, et la creation du transit franco-illyro-levan- tin. Pour ce dernier, on peut dire que e’est le point central, auquel se rapportent toutes les mesures concernant les douanes, les routes, les postes, etc., de sorte que le chapitre du commerce est la partie la plus importante de la vie economique de l’lllyrie. Avant d’entrer dans les details des mesures speciales, concer¬ nant chacun de ces groupes, nous traiterons des mesures gene- rales qui leur sont communes, e’est-a-dire des tarifs illyriens. a. — Les tarifs illyriens. Ce n’est que relativement assez tard que l’lllyrie regut un nouveau tarif des douanes. Pendant 2 mois de 1809 et 10 mois de 1810, l’ancien tarif autrichien fut encore en vigueur, et avec lui regnait un chaos epouvantable que l’intendant de I’lstrie, Arnault, decrit tres vivement dans sa lettre deja citee du 12 octobre 1810 3 : « Les droits pergus sous les Autrichiens sont quintuples, parce qu’on les exige en bonne monnaie. Les prohibitions de l’ancien gouvernement subsistent encore : certaines manufactures fran- gaises paient 60 % & la sortie de Trieste, et si elles transitent, les Autrichiens demandent de nouveau 60 %, qui font seulement cinq fois moins en Bancozettel. Les Provinces Illyriennes se trouvent isolees, sans etre en etat de se sulfire & elles-memes. 1 M. Blanchard, Les routes des Alpes Occidentales..., p. 308. 2 W. Kiesselbach, Die Continentalsperre..., p. 3. 5 AN, AFiv, 1713, 5 e d. I.’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 119 L’lllyrie, presque sans manufactures, tirait des Etats autrichiens ce qui lui etait necessaire pour alimenter son commerce et four- nir a ses propres besoins et a son Industrie. Aujourd’hui, l’Au- triche a mis sur les produits qui vont en Illyrie les memes droits que sur ceux qui vont en France ; plusieurs articles de premiere necessite ont meme ete prohibes. La France et l’ltalie, de leur cote, observent encore envers F Illyrie les memes reglements de douane qu’envers l’Autriche, et, reciproquement, 1’Illyrie observe envers ces differents Etats les reglements qui etaient en vigueur sous le gouvernement autrichien ». Et Arnault conclut qu’il est aise de se faire, au premier coup d’ceil, une idee de la situation dans laquelle se trouvaient ces provinces. C’etait en effet un « splendide isolement », et il n’est pas sur- prenant que : « le commerce, ne sachant ce qui est permis ou non, cosmopolite comme il est eit Illyrie, maudit ces provinces ou rien ne le retient, et emigre: c’est le cas de la presque totalite des maisons grecques qu’on aurait du payer pour qu’elles restassent en Illyrie » 1 . Cependant, le gouvernement illyrien avait deja elabore un projet de tarif que Marmont envoya, le 18 juin 1810, a Champa- gny 2 . Quand ce projet fut sounds a Napoleon, celui-ci envoya, le 5 septembre 3 , aux ministres des, finances et de l’interieur des notes contenant les vues suivantes : Il faut considerer les douanes sous 3 points de vue : 1° comme produit de ces provinces; il faut done conserver un tarif modere, parce qu’un tarif eleve, qui don- nerait de grands revenus, mais generait le commerce, serait une erreur ; 2° comme moyen de communication entre la France et la Turquie, la Turquie et la France ; ce transit se faisait alors par Vienne, mais Genes devait en devenir le point de depart : les mar- chandises devaient aller de France a Genes par le cabotage, de Genes a Alexandrie ou Casatisme en 3 jours, par terre, de Casa- tisme a Ponte di Lagoscuro par le Po, de la a Trieste et a Lju¬ bljana, de Ljubljana en Serbie, Dalmatie, Bosnie, Albanie, et 1 urquie par la Save ; le retour serait effectue de meme. Ce com¬ merce etait plus direct et plus court, plus sur et moins cher que la voie de Vienne. Les marchandises ne devaient rien payer. Il fallait savoir quelles marchandises pouvaient faire concurrence pour les gener. Les draps frangais, ainsi que les soieries 'et les etoffes de toute espece allaient a Milan, Florence, Naples par * Fas, 61, n° 1, Note pour Napoleon sur la situation de l’Illyrie en 1810. 3 Correspondance, XXI, n° 16867. 120 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES terre ; k peu de frais ils iraient k Trieste, etc. Cette route presentait tous les avantages, mais le commerce ne la prendrait pas, s’il n’etait aide et eclaire ; 3° comme moyen de communica¬ tion entre la mer et l’Autriche ; ce point etait regie par le dernier traite ; il fallait tenir le transit le plus haut possible et indiquer les marchandises que le commerce devait envoyer k Trieste, pour approvisionner l’lllyrie, l’Autriche, la Hongrie, etc. Ce furent ces points de vue qui inspirerent le decret et les tarifs du 27 novembre 1810 ; le rapport de Montalivet, accompagnant ce decret 1 — deja cite au chapitre des douanes — indiqua comme son objet essentiel de reduire de moitie le droit de transit a travers l’ltalie, tant pour les marchandises expedites de France en Illy- rie que pour celles dirigees sur la Baviere, la Confederation du Rhin, TAutriche, la Turquie, et vice-versa ; de designer les routes pour le transit ; et d’indiquer les droits a percevoir. Les titres III, IV, V reglaient, en effet, le transit levantin et autrichien, le titre VI decidait en general que les lois et raglements de l’Empire, relatifs aux declarations et a la sortie, aux visites, aux verifications, aux acquits a-caution de transit et de circulation, a I’acte de navi¬ gation, k la contrebande, aux saisies, aux amendes et aux confis¬ cations, etaient applicables dans les Provinces Illyriennes. Au decret etaient annexes t plusieurs tarifs 2 : « 1° Tarif general des droits d’entree et de sortie ; 2° Tarif des droits d’entree sur difl’erents articles des manufactures et du sol de la France et de l’ltalie ; 3° Tarif des droits d’entree et de sortie sur les denrees coloniales. » En 4 e lieu suivait encore le «Tarif des droits de navi¬ gation d’apresle decret du 27 vendemiaire an II », dont nous aurons a nous occuper plus tard. Ces trois premiers tarifs illyriens exprimaient clairement la politique economique de Napoleon dans ce pays : exclusion expresse des denrees coloniales et des produits des manufac¬ tures anglaises, et exclusion plus voilee de l’industrie autrichienne; faveurs extremes accordees aux manufactures frangaises en pre¬ mier lieu, italiennes en second lieu, surtout pour le transit en Turquie ; et reserve exclusive des produits illyriens k l’usage de la France d’abord, de l’ltalie ensuite. Ces tendances se montrent le plus dans les prohibitions et les exemptions ; il vaut la peine d’en enumerer les principales, d’abord celles du tarif general, qui se distingue par une longueur prodigieuse. En tout, il y a 189 articles imposes. Ne sont cites ici 1 AN, AFiv, pi. 3878, 54. 2 APL, F„. 1.’EXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 121 que les objets d’usage courant, alors, en Illvrie ; il y en avait egalement qu’on ne connaissait probablement pas en Illyrie. Sont prohibes a la sortie : les articles pour la marine, l’argent sous toute forme, les armes de guerre, toutes les sortes de bkti- ments en service et hors d’etat de service, les bestiaux de toute espece, les cendres a l’usage des manufactures, la viande salee et fumee, le chanvre sous toute forme, la cire blanche et jaune non ouvree, les clous de cuivre, la terre de porcelaine, les ecorces a faire le tan, l’etain non ouvre et use, le vieux fer, les feuilles propres a la teinture et aux tanneries, le fil de lin a voiles, les foins et herbes, les fruits frais de toute sorte, les graines de toute sorte, la laine non filee, les legumes verts et secs de toute sorte, le lin brut, les mats pour vaisseaux, les metiers a faire des has et autres ouvrages, les munitions de guerre, l’or sous toute forme, les pailles, le parehemin, les peaux et fourrures, les pierres, le platine, les platres, le poil de toute espece, la potasse, le salpetre (sauf per¬ mission), le sel fossile naturel, la soie sous toute forme, la soude, le soufre, le tan, les terres de teinture. les toiles a voiles. Sont prohibees a l’entree : l’acier sous toute forme, les basins de toute espece, les draps de laine, coton et poil, les etoll'es de coton, fil, laine et poil, la limaille de cuivre, de fer et d’acier, les linons et batistes (excepte de France et d’ltalie), les marchan- dises anglaises, les medicaments (sans automation speciale), le mercure, le metal de cloches, tout metal non ouvre allie de cuivre, d’etain ou de zinc, les produits de mine de fer brut et lave, les mousselinettes, les ouvrages en acier, airain, cuivre etain, fer, fonte, laiton, tole et autres jmetaux, la potene (excepte de France et d’ltalie), les tapisseries de laine. Exempt de droit & la sortie : le mercure. Exempts & l’entree : les bestiaux de toute espece, les graines de toute sorte, le pain, le poisson frais et d’eau douce. Le premier tarif special contient une vingtaine d articles manu¬ factures, dont 1’importation est prohibee s lls viennent d ailleurs que de France et d’ltalie, et imposes de droits tres bas. Ce sont: la bonneterie de laine, soie, coton, fil ; le fer blanc et la fonte ; les cotons files ; les draps et etoffes de laine ; les etoffes de coton, soie, filoselle, crepes ; les ouvrages en cuir et peaux ; la quin- caillerie et les ouvrages en acier, airain, cuivre, laiton, etain, fer ; la porcelaine ; les toiles de coton ; le vin et le vinaigre. Le second tarif special comprend les droits eleves bien connus sur les denrees coloniales, cacao, cafe, canelle, ecailles de tortues, girofle, gomme, indigo, poivre, quinquina, sucre, the, vanille. Riz et saumac etaient prohibes k la sortie, le tabac en feuilles 122 LA VIE EJCONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES venant de batiments etrangers ou par terre etait impose & 109 fr. 8127, de batiments frangais, a 98 fr. 8230, et prohibe a la sortie* Les cotons, qui nous interessent le plus ici, payaient comme droit d’entree : ceux des colonies 439 fr. 2512, ceux du Levant, par mer, 219 fr. 6256, ceux du Levant, par terre, 109 fr. 8127, ceux de Naples 32 fr. 9266, ceux de tout autre pays 329 fr. 4385. Les tarifs portaient les droits en florins et kreutzers, et en francs, centimes et millimes. Une note, a la fin, disait que le tabac de llongrie etait assujetti a un regime particulier. Les cotons du Levant, passant en transit par les Provinces Illyriennes, n’acquittaient a l’entree que le simple droit de balance. Les autres denrees et marchandises coloniales acquittaient les droits de consommation prevus par le tarif, soit qu’elles restassent dans le pays, soit qu’elles fussent expedites pour d’autres destinations. Voila les tarifs dont Marmont disait que c’etait un bon travail, protegeant l’industrie du pays, etc. 1 Beaucoup d’auteurs ont copie cette assertion — deja citee — de Marmont; tnais il ne semble pas qu’elle repondit tout a fait a la situation reelle: l’in- teret de l’lllyrie ne venait en consideration qu’en dernier lieu ; en Illyrie, il n’y avait vraiment pas beaucoup d’industries a proteger. Le tarif general protegeait veritablement 1’Illyrie en ce qu’il prohibait l’exportation et exemptait l’importation des bestiaux et des grains, dont 1’Illyrie manquait, prohibait 1’importation des metaux, dont 1’Illyrie abondait, et exemptait l’exportation du mercure. Le tarif special des manufactures favorisait l’indus- trie frangaise et italienne qui, en general, ne payaient que la moitie du tarif general, moins encore pour certains objets. L’im¬ portation de ces objets de tout autre pays etait prohibee. On a remarque que c’etait une mesure contre I’industrie autrichienne, surtout celle de Vienne 2 . Le tarif des denrees coloniales, enfin, etait la simple copie des decrets de Trianon. Ce qui prouve que le tarif ne repondait pas parfaitement aux besoins du pays, c’est que les demandes de modification afiluerent bientot. On les admit assez tard, en partie seulement, apres beau¬ coup d’hesitations, tout en voyant qu’elles etaient fondees. Nous en traiterons a part. Avant tout, c’etaient les nombreuses prohibitions de sortie, dues au principe de reserver les produits illyriens a l’usage de la France et de l’ltalie, qui se montrerent plus tard comme inappli- cables et nuisibles aussi aux finances, en donnant trop peu de 1 A. Dimitz, Geschichte Krains..., IV, pp. 308-309. 2 P. Darmstadter, Studien zur napoleonischen Wirtscliaftspolitik, II, p. 119. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 123 revenus aux douanes. Des modifications devinrent egalement necessaires par la mise hors douanes de la partie meridionale des Provinces Illyriennes dont nous avons deja parle. Enlin, les pre- paratifs de la guerre de 1813 exigerent eux-memes des change- ments. Ces motifs provoquerent deux decrets, permettant la sortie de nombreux objets prohibes au l er tarif general. On ne parvint pas a l’etablissement d’un nouveau tarif general, que le gouver- neinent illyrien jugeait necessaire ; la guerre de 1813 l’empecha. Les premieres derogations furent accordees par le decret du 19 septembre 1812 1 . Bertrand et Dizie avaient deja demande un nouveau tarif general. Mais, ce travail important devant etre discute, le ministre des manufactures et du commerce, Collin de Sussy, se contenta, pour le moment, de proposer les changements les plus urgcnts, afin d’ameliorer le sort de l’lllyrie et d’elever le produit des douanes. La sortie des bestiaux etait defendue, mais l’lllyrie en recevait beaucoup de Hongrie et en faisait commerce avec l’ltalie, et l’interet de l’agriculture exigeait le retablissement de ces echanges qui, alors, se faisaient par fraude. Le droit de 5,17 par quintal (56 kg.) sur le charbon de terre en avait compromis l’ex- portation : on devaitle reduire a 2 %. La cire blanche etait abon- danteen Illyrie, sa prohibition etait nuisible aux habitants et au tresor. La Dalmatie recoltait beaucoup de vin et fabriquait de grandes quantites d’eau-de-vie. Apres sa mise hors douanes, consideree comme province etrangere, ses produits ne pouvaient plus soutenir en Illyrie la concurrence avec les produits des autres pays. 11 fallait lui rendre ce debouche, ou alors la Dalmatie ne pourrait plus payer ses impots. Le droit sur les huiles lines avait eu pour objet d’encourager la culture des olives en Dal¬ matie. Celle-ci devenue province etrangere, il etait avantageux pour le tresor d’imposer egalement les huiles fines et les huiles communes. Les laines non filees etaient prohibees a 1 exportation. Cependant, l’lllyrie en fournissait en abondance, et ses manufac¬ tures ne pouvaient toutes les travailler. II fallait done en per- mettre la sortie jusqu’a un plus grand developpement des fa- briques. Le riz, que 1’Illyrie tirait d’ltalie sous le droit de balance, etait prohibe ala sortie; mais on pouvait en tirer des benefices en permettant l’exportation contre 3 francs par quintal (56 kg.). Les sirops etaient trop faiblement imposes a l’entree (10 %) en 1 AN, AFiv, pi. 5496 , 60. Decret, rapport de Collin de Sussy du 5 aout 1812, et tarif. Tarif TO, 1812,102. 124 LA VIE ECONO M IQ UE DES PROVINCES ILLYRIENNES comparaison avec le sucre, et de meme le chocolat (15 %) en eomparaison avec le cacao. Potasses, saumac et ecorce de chene etaient prohibes ou fortement imposes, mais il convenait d’en permettre la sortie sous des droits modiques. En consequence, l’etat annexe porta les droits suivants : l’eau- de-vie simple payait par eymer (environ 56 1.) 30 francs, celle de Dalmatie, Dubrovnik et Kotor 3 francs ; le chocolat par quin¬ tal (56 kg.) net 436 fr. 80, le vinaigre par eymer (environ 56 1.), 5 francs, celui de Dalmatie, Dubrovnik, Kotor, France et Italie 1 fr. 50 ; le bois de constructions navales fut prohibe b la sortie, la majolique a Fentree ; l’acier brut, ouvre et fondu fut prohibe a Fentree, celui de France et d’Italie payait a Fentree, par quintal (56 kg.) 8 francs, a la sortie le droit de balance ; les huiles fines et ordinaires payaient, par quintal (56 kg.) 3 francs a Fentree, 2 francs a la sortie ; la potasse, a Fentree, par quintal (56 kg.), 50 c., a la sortie, le droit de balance seulement pour la France et pour l’ltalie ; le riz, par quintal (56 kg.), 3 francs b la sortie; les sirops, par quintal (56 kg.), 100 francs a Fentree ; la cire blanche brute, par quintal (56 kilogs) net 30 francs b Fentree, 5 francs a la sortie, la meme, ouvree, 60 francs et 2 fr. 50 ; les vins ordinaires d’Autriche payaient 18 francs b Fentree, ceux de Dalmatie, Dubrovnik, Kotor, France et Italie 1 fr. 50 ; les vins fins de France et d’ltolie 4 francs ; enfin, les laines filees, par quintal (56 kg.) le droit de balance b Fentree, 10 francs b la sortie, seulement pour F Italie. L’autre decret, du 26 mai 1813 1 apporta de derniers change- ments au tarif illvrien. C’etaient de grandes modifications : en general, Fabolition— devenue necessaire pour les besoins de 1’ap- provisionnement des arrnees —des prohibitions de sortie. Ce tarif etait comme marque du sceau de la guerre qui s’approchait, a laquelle on dut sacrifier mSme les principes, c’est-a-dire les prohi¬ bitions. Les articles de la marine et les bois ouvres devaient payer 2 % de leur valeur ; les viandes fraiches, 5 % de leur valeur ; les chevaux, pour l’ltalie seulement, 25 francs par tete ; les frotnages et fruits de toute sorte, pour F Italie et l’Alleinagne seulement, par quintal (56 kg.), 6 francs et 3 francs ; les graines de toute sorte, le droit de balance ; le lin brut, pour F Italie seulement, 2 % de sa valeur ; les peaux diverses, pour F Italie seulement, par piece 50 c., 15 c., et 1 % de leur valeur. Si on a pu voir que les tarifs illyriens etaient rigoureusement etablis d’apres l’idee directrice de la politique economique de 1 Bulletin, IV, 504-9257. TO, 1813, 55. l’ EXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYIUE 125 Napoleon, on peut dire aussi que le gouvernement central sous- crivit aux demandes de modifications du gouvernement illyrien, en faveur de l’lllyrie, quand des considerations de nature plus haute ne 1’en empgcherent pas. b. — Le commerce interieur. La vie du commerce interieur ne souffrit pas de changements aussi radicaux que celle du transit ; ceux-ci n’avaient pas non plus ete premedites. Toutefois, l’epoque illyrienne apporta plusieurs nouveautes : les mesures concernant la surete des routes, les pres¬ criptions relatives aux voituriers, l’abolition des corporations de negociants, ce qui entrairia l’etablissement de negociants etran- gers, et l’introduction de T element israelite la ou il avail ete exclu 1 , l’etablissement des mercuriales, et les decisions concernant les chambres et les tribunaux de commerce. Une condition sine qua non du developpement du commerce etait, sans doute,la surete des communications. Celle-ci laissait a desirer en quelques regions, en Carniole, et surtout en Istrie, ou les routes, depuis longtemps, etaient infestees de brigands. On ne pouvait parvenir a les arreter, parce que les habitants, soit complicite, soit peur, les aidaient a se cacher. Marmont prit la-dessus deux arrStes 2 : Fun, du 24 mars 1810, decida que les communes situees sur la route de Trieste a Rijeka, etaient responsables des evene- ments qui auraient lieu sur leur territoire contre la securite publique; l’autre, du 16 novembre de la merne annee, etendit cette decision a toutes les routes de la liaute-Carniole et de la Carniole Inj;erieure. Cette mesure, passablement draconienne, eut un succes complet: on ne vit plus de brigands, dans ces regions, jusqu’en 1813. Au developpement du commerce devaient aussi servir les dispo¬ sitions du decret general du 23 aout 1811 concernant la dimen¬ sion des jantes, des roues et le poids des voitures du roulage. Ces mesures avaient ete mises en execution, en Italie, des le commen¬ cement de 1812 ; mais les voituriers illvriens, charges du trans¬ port des cotons du Levant, avaient demande qu’il fut sursis de quelques mois a l’execution de ces dispositions, jusqu’a ce qu’ils se fussent mis en regie, et le vice-roi avait accorde cette tolerance. Mais, le 7 avril 1813, le gouvernement illyrien avertit les services ^ L Mai, Zgodovina slovenskega naroda (Histoire de la nation Slovene), VII, 2 APL, F x . 126 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES d’expeditions et les voituriers que le ministre des manufactures et du commerce avait informe l’intendant general que l’exception cesserait, et que les chariots des Provinces Illyriennes ne seraient plus admis en Italie, apres l’expiration d’un delai de 3 mois, sans s’etre conformes aux regies generates sur les voitures du roulage L En effet, par suite de ces prescriptions, un nouveau type de voi- ture plus legere fut cree, nomme (encore aujourd’hui) « parizar ». Ces deux mesures precitees etaient, en partie, dictees par le souci du transit. Mais deux autres concernaient exclusivement le commerce interieur : la propagation de la libre concurrence et l’institution de mercuriales, toutes deux dans le dessein de faire baisser les prix. A la cession, les negociants des Provinces Illyriennes etaient encore organises en corporations privilegiees, le nombre des membres etant rigoureusement limite. Le gouvernement illyrien abolit les privileges, et favorisa l’etablissement des negociants etrangers. Mais les negociants eux-memes etaient encore tout imbus de l’esprit de corporation, et, en grande majorite, ils s’oppo- saient, autant que possible, ainsi que les municipalites, aux inten¬ tions du gouvernement. C’est contre leurs desirs que le gouverne¬ ment propageait surtout la concurrence libre, en particulier dans les villes importantes, a Ljubljana, Trieste, Rijeka, Karlovac, Gorica. La plupart des negociants nouvellement etablis se trouvaient a Ljubljana, ce qui est comprehensible, parce que cette ville, comme capitale de l’lllyrie, se developpait favorablement, tandis qu’a Trieste, qui soulfrait le plus de la stagnation du commerce, les negociants emigraient en grand nombre. Citons quelques exemples. Le negociant Henrik, de Trieste, desira, en janvier 1810, s’etablir a Ljubljana. La regence provi- soire, la municipality et le corps des negociants cependant repon- dirent, le 29 du meme mois, que les negociants possedaient un privilege imperial leur donnant le droit exclusif au commerce, que leur nombre y etait fixe, qu’il y avait alors 32 negociants, que Henrik n’offrait aucun article nouveau, et que, le commerce de Ljubljana n’etant pas commerce de gros, mais seulement de detail, de nouveaux cornmergants lui nuiraient 1 2 . Les freres Heymann de Wurzburg demanderent egalement, en fevrier, l’autorisation de s’etablir a Ljubljana. Le 24 fevrier, l’intendant Fargues informa le vice-president de la regence que Dauchy avait autorise l’etablissement de Henrik et de Heymann 3 . 1 TO, 1813, 28. 2 AGL, 1810. 3 Ibidem. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLY1UE 127 Le cas Heymann est interessant aussi par ce fait que Heymann etait le premier Israelite, qui s’etablit a Ljubljana 1 depuis 300 ans, puisque, en 1515, par ordonnance de l’Empereur Maximilien, tous les Israelites avaient du quitter les pays de l’Autriche Inte- rieure. Cette permission etait conforme aux idees generales du gouvernement frangais : un arrete de Marmont, du 27 novembre 1810 2 , affranchit les Israelites de toute loi d’exception existant en Autriche et leur donna la pleine jouissance des droits politiques. Abraham et Moi'se Heymann, originaires de Baviere, fournisseurs de 1’ armee frangaise d’Allemagne, etaient venus, avec leur neveu Simeon, en novembre 1809, a Ljubljana. Abraham fonda, avec son frere et son neveu, une maison de manufactures ; ils avaient aussi un de ces bureaux de change pour Bancozettel, mentionnes deja a l’occasion de la crise monetaire. En 1811, lors d’un voyage a Klagenfurt pour changer des Bancozettel, Mo'ise fut arrete, par meprise, par les autorites autrichiennes, et perdit 12.000 florins par la baisse du cours. Les Heymann contribuerent a la decouverte du falsificateur des Bancozettel, le peintre L. Layer a Kranj, egalement deja cite. Ils avaient' toujours l’appui du gouverne¬ ment. Belleville les avertit, le 8 fevrier 1811 3 , que, contrairement a la prohibition du tarif du 27 novembre 1810, Marmont avait donne son consentement h l’execution de leur projet du 30 jan- vier, qui etait d’exporter en Italie la vieille argenterie qu’ils possedaient et qu’ils pourraient reunir en Illyrie, sous l’obligation d’y rapporter une valeur egale en numeraire. Dans la guerre de 1812, Abraham alia en Russie, encore comme fournisseur de l’armee. Au retour des Autrichiens, l’ancienne interdiction con- cernant les Israelites fut renouvelee. Abraham retourna en Allemagne; Moi'se et Simeon regurent, en 1818, la permission de rester a Ljubljana, permission cependant restreinte a leur famille. En mars, Dauchy autorisa encore l’etablissement du negociant Riggi a Ljubljana, et Fargues demande a connaitre le nombre des marchands que le commerce actuel de Ljubljana pouvait avoir, et quel etait le nombre des marchands de chaque classe. La reponse avait ete, pour ainsi dire, deja donnee le 29 janvier 4 . Georges Gerber, chapelier, demanda, le 5 juillet, la permission de fabriquer des chapeaux fins, les autres ne fabriquant que des cha¬ peaux grossiers, ce que la municipalite de Ljubljana autorisa le 10 novembre. Pierre Antoine Bosisio sollicita l’autorisation d’ouvrir 1 A. Dimitz, Geschichte Krains..., IV, pp. 319-320. 2 AFL. 3 APL, F,. AGL, 1810, 28 mars. 128 LA VIE EC0N0MIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES un magasin de quincaillerie et de bijouterie, mais la corporation des negociants se prononga, le 17 decembre, contre cette permis¬ sion L Le resultat final n’est pas conserve dans les actes. A Trieste, il y avait, en octobre 1809, 222 maisons de com¬ merce. En 1815, on constata que 40 maisons de commerce nou- velles avaient ete accreditees pendant l’epoque franijaise; mais, dans la liste des fondations et approbations de maisons et de societes de commerce, de navigation et d’assurances, ainsi que dans presque tous les documents, les annees 1808 a 1814 man- quent 1 2 , ayant ete probablement detruites ou perdues. A Karlovac, l’intendant de Vienney demandaala municipalite, le 17 juin 1810 : les conditions de nouveaux etablissements de negociants a Karlovac ; les avantages ou inconvenients pour la ville d’une telle augmentation, au point de vue de la population et de la situation commerciale ; le nombre des negociants actuels ou des maisons de commerce, en definissant comme maisons de commerce celles qui font le negoce en gros, dont le nom et la signature sont connues, et qui sont en relation avec des firmes solides des plus importantes villes commerciales de l’Europe, et comme negociants de 2 e classe, ceux qui faisaient la commission ; enfin, le nombre de negociants nouveaux que la ville pourrait avoir, au maximum. A ce questionnaire, la municipalite repondit, le 23 juin, qu’il n’y avait point a Karlovac de negociants de l re classe, et donna une liste de 18 negociants de 2 e classe 3 . Aux archives de la ville, cependant, il n’y a pas de documents par les- quels on puisse' savoir s’il y eut etablissement de nouveaux negociants. Plusieurs negociants fran^ais, enfin, s’etablire .t a Gorica 4 * . L’autre mesure, l’etablissement des mercuriales, etait due en bonne partie l’instabilite du cours du papier-monnaie qui causa beaucoup de dilficultes a la fixation du prix des vivres. A Kar¬ lovac, par exemple, en fevrier 1810, le prix des grains et des bes- tiaux avait presque double. Les boulangers et les bouchers, qui voulaient se conformer aux prix fixes avant l’occupation de la province, s’appauvrissaient, d’autres s’enrichissaient aux depens du public, en elevant arbitrairement les prix 6 . Il fallait etablir un tarif. Marmont ordonna done, le 24 fevrier 6 , que chaque commune 1 AML, 19. 2 K. Moser, Das Archiv des k. /c. Hnndels-u. Seegerichles in Triest, pp. 160-161 3 AMK, 1810. 1 C. L. Boz/.i, Ottocento Goriziano, I, p. 201. 6 AMK, 1810, 9 fevr. « AMK, 1810. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN 1LLYRIE 129 dut arreter, tous les 8 jours, un tarif du prix des denrees de pre¬ miere necessite, en numeraire et en papier a base du cours de Vienne. Les municipality avec les commissaires de police de- vaient faire cet arrete et le soumettre a l’approbation des inten- dants ou des generaux, la ou ceux-ci avaient lek pouvoirs de haute police. C’etait une excellente mesure, mais qui ne fut pas acceptee completement sans opposition : ainsi, a Ljubljana, deux bouchers, M. Gregoranec et J. Urbas, furent arretes pour avoir fait des diffi¬ culty dans 1’approvisionnement. A cette occasion, les bouchers de Ljubljana perdirent leur privilege et un certain Layoux regut cet office, sous condition de vendre la livre (a 0 kg. 56) de viande k 12 kr. 1 On possede quantite de ces tarifs, de diverses communes, sur- tout de Ljubljana et de Karlovac 2 , pour les denrees suivantes : froment, seigle, orge, avoine, sarrasin, riz, sel, farine, pain, viande de bceuf, pomme de terre, pois, feves, beurre, lard, huile, vinaigre, vin, biere, foin, paille, bois, chandelles, pour plusieurs mois de 1810, 1811, et 1812; mais ils sont incomplets et ne permettent pas de tirer des conclusions. II n’y a qu’un releve de 1811 et 1812 pour quelques objets, fait, le 30 juin 1813, a la mairie de Ljub¬ ljana 3 , et qui permet de dire que la courbe, a partir de janvier 1811, alia en montant jusqu’en fevrier 1812, pour descendre ensuite, pour la plupart des objets, jusqu’en decembre 1812. Chambres et tribunaux de commerce furent organises par le decret du 15 avril 1811. Les articles 116-118 etablirent une chambre de commerce a Trieste, composee de 11 membres, une autre a Dubrovnik, et une a Rijeka, composees chacune de 8 membres ; deux deputes de la chambre de Trieste, un de Du¬ brovnik et un de Rijeka, devaient faire partie du conseil general du commerce a Paris, institue par decret du 27 juin 1810. L’eta- blissement des prud’hommes, prevu, ne fut cependant pas realise. Des articles 197-200 etablirent, a Ljubljana, Trieste, Rijeka et Dubrovnik, des tribunaux de commerce qui jugeaient les pro- ces jusqu’5 100 francs. Quiconqu ■ etait negociant depuis 5 ans pouvait devenir juge. Le tribunal de commerce de Trieste fut installe le 27 janvier 1812, celui de Ljubljana etait deja alors en activite 4 . Nous avons dejh rencontre a plusieurs reprises cette activite des tribunaux de commerce. Le decret du 22 decembre 1 A. Dimitz, Geschichte Krains..., IV, p. 316. 2 AMK ; AML ; APL, 39, 43. 3 AML, 9. 4 TO, 1812, 11. Pivec-Slelfe 9 130 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES 1812 1 subvint aux depenses des trois chambres de commerce. Un autre, du 14 juin 1813 2 , maintenait la bourse de commerce provisoirement etablie a Trieste. Le 5 fevrier 1812 3 , le commerce illyrien fut aussi averti de la creation du nouveau ministere des manufactures et du commerce par decret du 22 juin 1811. Le commerce interieur pouvait aussi inscrire a son profit toutes les ameliorations et toutes les constructions nouvelles sur les voies de communication. Le trafic interieur etait tout a fait libre : les accises sur les vins, qu’on percevait encore au debut, furent sup- primees par arrete du 24 avril 1812 4 . 11 n’etait pourtant pas agreable d’etre negociant en Illyrie — pas plus que dans les autres pays, a cette epoque. Nous verrons dans la suite comment le commerce illyrien repondit aux direc¬ tives donnees par le gouvernement ; et nous verrons que le com¬ merce etait peut-etre la classe la moins passive de la population de T Illyrie. c. — Le commerce anglais. On pourrait dire que l’histoire du commerce anglais, en Illyrie, est extremement simple : les marchandises anglaises et les denrees coloniales furent poursuivies en regie, d’apres tous les decrets et arretes rigoureusement executes, et furent brulees partout ou on pouvait parvenir a s’en saisir. Cela ne pouvait du reste se faire que sur le continent, la mer Adriatique n’appartenant point au gouvernement illyrien, mais h la flotte anglaise. La chasse aux marchandises anglaises commenga, sur le terri- toire des Provinces Illyriennes, des avant la cession. C’etait avant tout, Trieste, qui sentait tout le poids de cette persecution, devenue deja une idee fixe. Le 17 juin 1809, les marchandises anglaises et coloniales de cette ville furent sequestrees 5 . Le second port important,Rijeka, etait plus heureux : son ancien gouverneur, Joseph de Klobusiczky, avait averti h temps les negociants, de sorte qu’ils purent sauver la plus grande partie de leurs marchan¬ dises anglaises 6 . Dans T Illyrie annexee, les decrets concernant le commerce anglais s’executerent naturellement sans aucun obstacle. 1 AN, AF>v,pl. 5574, 23. 2 Bulletin, IV, 507-9326. 3 TO, 1812,11. 4 TO, 1812, 39. 5 Mainati, Chroniche..., VI, p. 14: H. Costa, Der Freihafen von Triest, p. 62. 6 ACIIV, 82, Litorale Commerz, 4 ex dec. 1809. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN I LLYRIE 131 D is le 10 mars 1810, un arrete de Marmont 1 ordonnait l’appli- cation des lois frangaises du 23 novembre et du 17 decembre 1807, du 11 janvier 1808, et du 13 floreal an XI, sur la navigation et le com¬ merce anglais, defendait l’importation de toutes les marchandises coloniales et anglaises en Illvrie, et designait les marchandises es- timees comme anglaises. De la prohibition etaient exceptees toutes sortes d’armes, outils d’agriculture, verres de montres et lunettes, toutes les marchandises ordinaires de metal et autres. Les autres articles coloniaux pouvaient etre, jusqu’a nouvel ordre, importes, mais sous certificat d’origine du Levant. Le code penal entra en vigueur pour les contrebandiers. Enfin, l’article 3 du decret du 9 mars 1809, pour l’ltalie, decidant que tous les navires pouvaient introduire librement munitions, bois de teinture, sel et marchan¬ dises levantines, fut applique a 1’Illvrie, mais avec adjonction du certificat d’origine. L’arrete du 24 du mSme mois 2 decida le sort des marchandises coloniales sequestrees a Trieste : celles-ci, demeurees a Trieste ou deja envoyees h Venise, furent confisquees et devaient etre vendues a Trieste et a Venise. C’etait en execution d’un decret du 9 fevrier, demandant qu’il fut tire au moins 6 millions de la vente a Trieste. Mais cette vente n’alla pas parfaiternent a souhait. Malgre les ordres donnes, ces marchandises ne furent pas toutes invento¬ ries ; quelques negociants regurent la permission d’en vendre, a charge de presenter a toute requisition le compte du montant de la vente ; d’autres vendaient sans aucune permission les marchan¬ dises qu’ils avaient en depot. Quand Marmont vint k Trieste et fit dresser un etatpar les deputes de la bourse, on obtintle resultat suivant: marchandises vendues avec permission, 82.482 fl. 8 kr. ; vendues sans permission, 408.665 fl. 39 kr.; encore existantes, 395.989 fl. 50 kr.,; en tout 887.113 fl. 37 kr., ou 2.293.999 francs. C’etait urte difference considerable avec la premiere evaluation de 5.446.054 francs, faite le 15 novembre 1809, et encore plus avec le rachat fixe, le 9 fevrier 1810, a 6.000.000 de francs. Marmont attribua cette difference a deux causes : l’etat general des marchandises confisquees h Trieste et a Venise, de 12.048.512 francs, etait exagere et inexact ; et, depuis le 15 no¬ vembre jusqu’au 4 decembre, il avait ete exporte de Trieste & Venise pour 2.000.000 de francs de marchandises, qui devaient revenir a la caisse generale de l’lllyrie, puisque l’intention de Napoleon 1 LZ, 1810, 22. 2 Ibidem, 16. 132 LA VIE EC0N0MIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES avait ete d’affecter aux depenses du service de 1810 la totalite da prix des marchandises. Le 4 avril, quand Gaudin fit un rapport de tout cela a l’Empereur, il proposa d’obtenir ce qui manquait en poursuivant les negociants qui avaient vendu illegitimement sans permission h Mais il semble que cette mesure n’ait pas ete prise. Un decret du 23 avril 1 2 3 autorisa encore les acheteurs de denrees coloniales, vendues a Trieste, au compte du gouverne- ment, a les importer en France en payant les droits de douane. En execution des decrets generaux du 5 aout et du 12 septembre — ce dernier ordonnant des visites et des recherches a Trieste, d Ilijeka et dans les autres villes illyriennes — Marmont arreta, le 17 octobre 8 , que l’inspecteur general et les employes des douanes recevraient, avec une copie du decret du 12 septembre, l’ordre de l’executer le meme jour, s’il etait possible, dans les villes illy¬ riennes. Ils devaient exiger des negociants la declaration des mar- chandises portees au tarif annexe aux deux decrets precites. Les declarations devraient contenir la designation de la provenance, notamment pour les marchandises vendues par le gouvernement, d Trieste, par suite de saisies ou de sequestres. Les marchandises declarees resteraient provisoirement entre les mains des proprie- taires. Les droits exiges du tarif seraient paves immediatement, pour les marchandises non achetees au gouvernement ; pour les autres, le paiement des droits resta provisoirement en suspens. Apres paiement des droits, les detenteurs pouvaient disposer des marchandises. , Cependant, au lieu de confisquer simplement les marchandises anglaises, on les brulait. Cette nouvelle phase de la lutte econo- mique fut inauguree par le decret general du 19 octobre 4 , qui decida, a l’article 5, que les marchandises anglaises seraient aussi brulees en Illyrie. Par consequent, l’arrete du 31 octobre 5 porta : toutes les marchandises de fabriques anglaises qui sont dans les Provinces Illyriennes seront saisies et brulees publiquement. Les negociants doivent declarer les marchandises anglaises qu’ils ont en magasin et sont tenus, a la premiere requisition, de les livrer. Recherches et verifications seront faites apres la declara¬ tion ; tout ce qui sera trouve de non declare sera saisi et brule, et les fausses declarations seront punies d’une amende egale h la valeur des marchandises non declarees, sous peine d’arrestation. 1 AN, AFiv, 1294, p. 2. 2 AN, AFiv, pi. 3376, 46. 3 AML, 19. 1 LZ, 1810, 16. 6 AN, AF>v,1294, p. 2. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 133 Toutes les marchandises anglaises qu’on trouvera, a l’avenir, aux douanes, ou qui proviendront des prises ou saisies, seront brulees. Le Telegraphe Officiel pouvait deja, le 7 novembre, annoncer les premiers resultats des « recherches scrupuleuses » L A Ljubljana, les declarations devaient etre faites, avant le 12 novembre, a Repesic, receveur principal des douanes. Le 11, l’intendant invita le rriaire a envoyer 2 membres de la municipality, pour assister aux visites et aux recherches 2 . A Karlovac, le sous-inspecteur des douanes, Mery, accorda un delai de 24 heures aux negociants pour leurs declarations. Ce delai passe, le 13 novembre, aucune decla¬ ration n’etait encore faite. Au contraire, on cherchait a eluder le decret et l’arrete en trarisportant secretement les denrees et les marchandises dans les maisons de personnes qui n’etaient pas dans le commerce. Mery avertit le maire de cette ruse et annon§a qu’il ferait, le jour suivant, des visites domiciliaires chez les negociants, et le lendemain, dans les maisons des particuliers qui auraient accepte des depots de denrees ou de marchandises prohibees. Mais, comme l’avis n’avait pas ete connu de tous, Mery ordonna, le 16, de restituer quelques objets confisques et accorda un nouveau delai 3 . Les sequestres, confiscations, declarations, visites et recherches "tant acheves, on pouvait se mettre a bruler les marchandises anglaises et a vendre aux encheres les marchandises coloniales. Le 27 novembre, on brula, a Trieste, sur la place de la Bourse, sur un bucher prepare a cet eflet,les marchandises de fabrication anglaise qui se trouvaienl dans la ville. Le general commandant l’arrondissement, l’intendant de la province, le commissaire general de la police, et les autres autorites civiles et militaires assistaient & cette operation 4 . Une nouvelle saisie ayant eu lieu le 29 novembre, on brula, le l er decembre : 3 coupons de gros drap mesurant 90 brasses (k 1 m. 62); 2 coupons de velours de laine, 2 b. 3 /4; etolfes de laine, 4 b.; 2 coupons de bazin, 30 b.; 2 coupons de pique, 24 b. 1 /2 ; 2 coupons de guingamp, 40 b. ; 2 coupons de mousseline imprimee, 71 b. ; 2 coupons de cam- bridge, 63 b. 1 / 2 ; 9 coupons de nankin, 59 b. 1/4; 23 cou¬ pons de velours, 160 b. Le meme jour, on brula sur la place publique de Rijc.i.a, une quantite considerable de toiles de coton, percales, nankins, piques, etc., et on brisa et detruisit differentes pieces de faience, le tout provenant de declarations et 1 TO, 1810,11. 2 AML, 19. 8 AMK, 1810. * TO, 1810, 18. 134 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES saisies faites a Rijeka et dans son territoire. Le 23 novembre, on avail brule, a Split, sur la place publique : 80 pieces de Cambridge, 19 pieces de flanelle, 40 pieces de bazin, 14 aunes (a 1 m. 20) de velours, 2 aunes 1 /4 de pique noir, 32 aunes 1 /2 de camelot de laine, 1 aune 3 /4 de cuir noir, 9 aunes de nankin 1 . C’etaient les premieres executions de ce genre, en Illyrie. Par la suite, de long- temps on n’en connut pas d’autre. Sur la grande place de Ljubljana, devant la mairie, le 11 octobre 1812, en presence des principales autorites civiles et militaires, furent brulees 2 : 117 pieces de percale, 76 pieces de toile de coton, 153 pieces de mousseline, 311 pieces de mouchoirs de percale, en tout 657 pieces, mesurant 3.862 m. 31 cm. et d’une valeur appro¬ ximative de 45 a 50.000 francs. Les dernieres furent brulees le 21 fevrier 1813, k Ljubljana ; a cet effet, le receveur Repesic demanda, le 18, a la municipalite une table et des chaises pour la commission, siegeant comme de coutume, sous les arcades de la mairie 3 . Dans ses publications, concernant ces mesures, le gouyerne- ment tint a ajouter qu’un grand concours de peuple assistait par- tout aux executions, ou plutot a « cet acte de justice ». Mais nous verrons, au chapitre de l’opinion publique, les vrais sentiments de la population a cet egard. Ce n’etait pas precisement l’en- thousiasme ou la satisfaction. Le peuple comprenait, sans aucun doute, plus facilement, les ventes des marchandises coloniales saisies. Dizie annonga le 31 juillet 1811, plusieurs de ces ventes 4 . On vendait : au bureau de Ljubljana, le 12 aout, 2.255 livres (k 0 kg. 56.) de sucre rafflne en pains, 347 livres de cacao, 118 livres de cafe, 99 livres de sucre, 65 livres de quinquina, 16 montres en argent, 20 pieces de dentelle et autres bagatelles ; au bureau de Rijeka, le 19 aout : 90 sacs de cafe pesant 1.887 livres, 10 sacs de cacao (1.316 livres), 42 sacs de raisins de Corinthe (2.883 livres), 4 caisses de quinquina (145 livres), 2 sacs de noix muscade (42 livres), savon (13 livres); au bureau de Gorica, le 14 aout : di- verses petites quantites de sucre, de poivre et de cafe ; au bu¬ reau de Lienz, le 21 aout : 100 livres de sucre, 100 livres de cafe ; au bureau de Beljak, le 22 aout : 6 ballots de poivre noir pesant 977 livres, 2 tonneaux de vin de Styrie contenant 10 eymer (a environ 56 litres). 1 AN, AFiv, 1713, 5 e d., p. 141. TO, 1810, 21. 2 TO, 1812, 83. A. Dimitz, Geschichte Krains..., IV, p. 357. 3 AML, 5, n» 30. 4 TO, 1811,63. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 135 Dizie estima aussi necessaire de publier, le 18 fevrier 1812, au Telegraphs Officiel 1 , one liste des denrees coloniales prohibees dans la region mise hors douanes, parce que beaucoup dc negociants ne consideraient comme denrees coloniales que le sucre, le cafe et le the. C’etait un extrait des decrets du 5 aout et du 12 septembre 1810. Et Dizie conclut que l’interet des nego¬ tiants etait de concourir au blocus continental pour arriver a la liberte des mers et du commerce. Le 16 avril, Dizie annonga une nouvelle serie de ventes 2 : le 4 mai, au bureau de Rijeka, 7 balles et 142 sacs de sucre, 2 sacs d’indigo, 12 sacs de poivre, 8 barils et 7 sacs de cacao, 1 colis de soufre, 16 barils et 31 sacs de cafe, 287 buches de bois de cam- p6che, le tout pesant 29.155 livres (a 0 kg. 56) ; le 8 mai, au bureau de Ljubljana : 3 ballots et 11 sacs de poivre noir, 2 sacs de sucre rafiine, 2 tonneaux d’huile de poisson, 4 sacs de cafe, pesant en tout 2.115 livres (a 0 kg. 56), et des quantites moindres de toile, 111, cuir, etolles de soie, etc. On vendait en plusieurs lots. Les acheteurs devaient payer immediatement le prix des marchandises, le droit de consommation et les frais de vente. Dans les provinces de Dalmatie, de Dubrovnik et de Kotor, furent saisis et confisques en 1811, et vendus le l er juillet 1812, au bureau principal de Rijeka 3 : 50 balles de coton en laine.pesant 6.210 livres (a 0 kg. 56 ), 8 futailles, 11 sacs et 2 barils de sucre (3.290 livres), 5 futailles de cafe (1.700 livres), 7 barils et 6 sacs de cacao (836 livres), 1 caisse d’indigo (239 livres), 1 barrique de poivre (385 livres), 1 colis de liege (239 livres), 1 colis de peaux de boeufs (83 livres), 1 baril de rhum (92 litres), et d’autres mar¬ chandises prohibees (savon et tissus). De grandes ventes eurent encore lieu en novembre et de- cembre : a Rijeka, le 23 novembre 4 , 10 sacs de sucre en poudre (535 livres a 0 kg. 56), 20 sacs de cafe (1.644 livres), 3 sacs de cacao (366 livres), 11 buches de bois de campeche (704 livres), 16 pieces de nankin, etc.; a Ljubljana, le 26 novembre :3 barils et 3 sacs de sucre (721 livres), 3 sacs de cafe (230 livres), 2 sacs de poivre (150 livres), 72 douzaines de mouchoirs de fil imprimes, 21 pieces de rubans, et autres choses ; h Beljak, le 30 novembre : 3 sacs de cafe (137 livres), 28 pains, 1 paquet et 1 colis de sucre (316 livres), 2 paquets de poivre noir (51 livres), 236 mouchoirs de fil, etc. ; a Banija, le 3 decembre : 10 barils de cafe d’Ame- 1 TO, 1812, 17. 2 Ibidem, 36. 3 Ibidem, 48. 4 Ibidem, 94. 136 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES rique, de premiere qualite (3.390 livres), 2 sacs de cafe de qualite commune (48 livres), 1 sac de sucre raffine (40 livres). L’annee 1813 vit les dernieres ventes L Le gouvernement ven- dait, a Trieste, le 26 avril, differentes petites quantites de cafe, de poivre et de sucre; a Rijeka, le 29 avril : 3.000 livres (a 0 kg. 56) de sucre, 1.200 livres de cafe ; k Ljubljana, le 3 mai : dillerentes petites quantites de cafe, de soie ouvree, etc. L’administration illyrienne enregistrait consciencieusement chaque kilogramme et chaque metre de marchandises colo- niales et anglaises vendues et brulees. Les quantites ainsi regues en etaient assez considerables ; toutefois, on a pu remarquer qu’elles etaient, au debut, plus importantes que vers la fin, c’est-h-dire que les marchandises saisies a l’occupation formaient le gros du stock saisi. Apres tout, ce n’etait qu’une partie — et, vraisemblablement, infime — du commerce anglais qui traversait les Provinces Illyriennes ; les Anglais en effet tenaient la mer, et c’est la que se faisait le plus de commerce. Nous en parlerons au chapitre de la navigation et de la contrebande — qui echap- paient au controle du gouvernement illyrien. d. — Le commerce autrichien. Trieste et Rijeka, ports francs depuis 1719, etaient les debou¬ ches naturels, le premier, du commerce autrichien, le second, annexe depuis 1778 par la Hongrie, du commerce hongrois 1 2 . La cession des Provinces Illyriennes dechira cette unite seculaire. Pour l’Autriche, separee de la mer par l’lllyrie, le transit etait une question d’existence ; mais les habitants de l’lllyrie, de leur cote, supportaient difiicilement d’etre separes de leur hinterland. Le reglement du transit autrichien etait done un devoir impe- rieux. Pour le developpement de ce transit, deux decisions surtout sont importantes: l’une, fixant la ville sur laquelle le transit autrichien devait se diriger ; l’autre, fixant le droit de transit pour les mar¬ chandises autrichiennes. La premiere etait dejh indiquee dans le traite de paix du 14 octobre 1809, la seconde, dans le decret sur les douanes, du 27 novembre 1810. Mais, comme ni Pune ni l’autre ne repondaient aux desirs du commerce illyrien, et, peut-on ajouter, aux besoins et aux circonstances reels, toute Phistoire du transit autrichien, tant du cote du commerce illyrien, que du cote 1 TO, 1813, 29. 2 P. Masson, Ports francs..., pp. 186-193. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 137 de l’Autriche, est une serie de tentatives, pour changer ces deux mesures. Ces tentatives reussirent, mais assez tard, pour le pre¬ mier point; elles echouerent pour le second. En dehors de ces deux problemes principaux, il y a encore une quantite de mesures d’importance secondaire. II etait dit, a l’article 5 du traite de Vienne 1 : 1’Empereur s’en- gage a ne mettre aucun empSchement au commerce d’importation et d’exportation de l’Autriche par le port de Rijeka, sans que cela concerne les marchandises anglaises ou provenant du commerce anglais. Les droits de transit seront moindres pour les marchan¬ dises ainsi importees ou exportees que pour celles de toute autre nation, excepte l’ltalie. On examinera s’il peut etre accorde quelque avantage au commerce autrichien dans les autres ports cedes. Le choix de Rijeka, au lieu de Trieste, port beaucoup plus important, et dont la position etait de beaucoup plus favorable a TAutriche, devait surprendre tout le monde. Rijeka etait plutot le port du commerce hongrois, et, comme nous le verrons a l’occa- sion de I’lllyrie autrichienne, TAutriche n’etait point disposee a favoriser ce commerce. L’Autriche preferait Trieste, mais Napo¬ leon ne voulait pas de Trieste, a cause de Venise, a laquelle Trieste aurait fait concurrence. Cette disposition souleva done, a propos du transit autrichien, une premiere difficulte, et il n’est pas sur- prenant qu’en Illyrie, ce fut surtout Trieste qui men&t la lutte. Cependant, le reglement du second probleme du droit de tran¬ sit n’alla pas si \ite. La premiere annee, comme nous l’avons dejh vu, on conserva l’ancien tarif des douanes, modifie par une serie de prohibitions. Le 25 novembre 1809, Dauchy defendit I’exportation en Autriche, h Salzbourg, et dans le Tyrol, du plomb, du fer, de la ca'amine, du zinc et autres minerais, des clous, etc., appartenant ou a l’Etat, ou h des particuliers, sous peine de con¬ fiscation. Seule, I’exportation des produits d’Idrija et de Zagorje etait fibre, contre paiement des droits usuels 2 . En janvier 1810, comme 1’Illyrie manquait de ble, d’avoine et de foin, l’exportation de ces articles en Autriche fut severement defendue 3 . Le 9 juin, parut la decision —- dejh citee — de Dauchy, sur les bois permis ou prohibes h l’exportation 4 . Mais, entre temps, on consola la population en lui laissant entendre que le commerce entre Trieste et l’ltalie reprendrait, parce que les communications avec l’Au- 1 Bulletin IV, 249-4789. a LZ, 1809, 111. 2 LZ, 1810, 8. 4 APL, P 4 . V' 138 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES triche et la Hongrie etaient reprises; que les marchandises autri- chiennes pouvaient venir en Illyrie sans obstacle, et que les rela¬ tions des maisons commerciales de Trieste avec Vienne se renou- velaient peu a peu }. Mais les prohibitions, qui se heurtaient h des courants commer- ciaux etablis depuis des siecles, avaient deja cree un malaise, et bientot les demandes d’exemptions et de modifications commen- cerent a allluer ; elles n’etaient pas sans fondement. La corporation des negociants de Rijeka supplia Marmont, lors de sa visite, le 27 juin 1810, d’accorderla liberte du transit, de confirmer les privileges du port franc, de proteger la navigation, et de sauver les batiments de commerce retenus dans les ports de Malte et de Sicile 1 2 . La Haute-Carinthie exportait au Levant le fer travaille, quand la mer etait ouverte, en Italie, et enAutrichc sous le blocus, et compensait, par cette exportation, les importa¬ tions de fer brut, dont ses forges avaient besoin, de ble, de vin, d’etoffes, etc., qui venaient de la Basse-Carinthie, restee autri- chienne 3 . Elle se trouvait, par suite de la defense d’exportation, dans une situation extremement difficile, que nous avons deja notee dans le chapitre sur l’industrie. Les negociants de Beljak s’adresserent done, le 10 octobre, a Marmont, alors present dans leur ville, pour demander qu’on aidat leur commerce 4 . Ils deman- daient que fut permise aux fabricants de fer brut, en Basse- Carinthie, I’extraction de charbon de la Haute-Carinthie, parce que, sans ces charbons, la Basse-Carinthie ne pourrait produire la quantite de fer brut necessaire h ses propres forges, et encore moins celle que reclamaient les forges de la Haute-Carinthie ; qu’on conclut avec l’Autriche, un traite de commerce, permettant 1’importation, en Autriche, de plusieurs articles des fabriques illyriennes, comme l’acier et toutes sortes de fer travaille ; et enfin, qu’on put importer d’Autriche toutes sortes de vivres sans obstacles. C’est que les anciens liens etaient tres forts : en juillet, un bon nombre de negociants illyriens se trouvaient h Vienne 5 . Le tarif des douanes illyriennes, qui se preparait, devait repondre a toutes ces attentes. Marmont avait prepare le projet de tarif deja cite, qu’il adressa, le 18 juin, a Champagny 6 . Dans ce document interessant (men- 1 LZ, 1810,4. 2 BMCH. 3 I., de la Moussaye, Kurze Statistik des Villacher Kreises, pp. 63-64. 1 BMCH. s LZ, 1810, 33. 8 BMCH. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 139 tionne brievement dans ses Memoires), Marmont exposait que les Provinces Illyriennes, par nature et par position, dependaient des pays environnants. Par nature : sol ingrat, peu d’industrie; par position : pays de transit. La dependance etait d’ailleurs reciproque : Plllyrie etait un passage pour les produits de l’Au- triche, de l’ltalie, de la Baviere, de la Turquie. Le commerce avec l’Autriche etait divise en trois branches : exportation, importa¬ tion, transit. L’exportation, en Autriche, etait peu importante ; elle comportait, en general, des objets dont 1’Autriche abondait et qu’elle-meme exportait. Plus importants etaient 1-importation d’Autriche de produits manufactures qui etaient, pour l’lllyrie, de premiere necessite, et le transit de l’Autriche pour l’ltalie et de l’ltalie pour PAutriche. Marmont donna trois listes des objets qu’il etait utile de reserver pour l’exportation, l’importation et le transit. II avait soumis son travail h un grand nombre de nego- ciants et Pavait modifie d’apres leurs observations, parce que, comme il disait, un tarif de douane etait toujours difficile, mais particulierement dans un pays ou toutes les relations etaient changees. 11 desirait limiter les droits, pour ne pas forcer le com¬ merce a prendre une autre direction, et souhaitait aussi un traite de commerce qui assurerait aux habitants la presque totalite des transports des marchandises en transit. Si, au contraire, les rou- liers autricliiens pouvaient faire les transports en Illyrie, il n’en resulterait qu’une augmentation de consommation peu profi¬ table. 'Pels etaient done les points de vue du gouvernement illyrien, ou plutot ceux de Marmont qui avait pris en consideration les besoins du commerce illyrien. Quant a PAutriche, en general, elle favorisait le commerce autrichien en Illyrie, surtout celui de PAutriche Interieure, comme voisine immediate de PIllyrie 1 , par plusieurs mesures douanieres, par exemple en amoindrissant le droit sur les marchandises de transit. Mais il y avait aussi des cas contraires. Le point de vue autrichien fut expose tres nettement par le conseiller aulique Schemerl 2 , a Vienne : il y avait dependance economique reciproque entre PAutriche et Plllyrie, et il etait de l’interet de la France de ne pas mettre d’obstacles a l’exporta- tion autrichienne et hongroise par Trieste, Rijeka et Karlovac, puisque la prosperity de ces villes en dependait. Le choix de Ri¬ jeka, au prejudice de Trieste, cependant. ne pouvait se comprendre 1 AGG, registres 1810-1812. 2 \ J. von Schemed], Vorschlage zur Erleichterung und Ertveilerung..., pp. 1-22. 140 LA VIE ECONO MIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNE5 que par l’intention de favoriser les ports italiens voisins, surtout Venise, aux depens de Trieste ; mais cela devait n’apporter que des desavantages a l’lllyrie, Yenise n’ayant plus sa puissance ancienne, et le chemin de Trieste etant plus court que celui de Rijeka. L’Autriche devait negocier avec l’lllyrie pour son acces k l’Adriatique. La mission de Metternich, en 1810, a Paris, avait, en grande partie, pour but de regler les relations commerciales, et eut un succes partiel. Napoleon autorisa, le 24 avril, Champagny 1 a entamer des negociations pour l’etablissement d’un magasin autri- chien, a Rijeka, sur le reglement des relations commerciales entre l’Autriche et l’lllyrie, et sur un traite general de commerce. Le 5 septembre, Metternich pouvait soumettre k la ratification de Frangois II deux conventions, dont l’une relative a l’etablisse- ment du magasin k Rijeka, redigee conformement aux voeux de la charnbre aulique a Vienne 2 . II avait obtenu l’autorisation d’etablir un comptoir, avec un personnel autrichien, et regi par un consul autrichien, c’est-a-dire plus que la chambre n’avait de¬ mands, ce dont Metternich etait extremement satisfait. Mais, pour Trieste, il n’avait rien pu obtenir, cette mklheureuse ville etant destinee a devenir exclusivement un port militaire, ce qui equivalait k sa ruine. Des considerations en faveur de Venise avaient porte Napoleon k cette decision. L’interet porte par le gouvernement autrichien a la question du transit autrichien etait indubitable ; celui du gouvernement illyrien semblait etre moins vif : on n’attribua pas au transit autrichien une place de premiere importance ; mais ceci entraina, plus tard, des consequences faehcuses. Enfin, le titre V, article 18, du decret du 27 novembre 1810, fixa le droit de transit pour les marchandises venant de l’Autriche ou allant en Autriche a 6 francs par quintal de Vienne (56 kg.), et les tarifs, annexes au decret, dont nous avons dejk parle, desi- gnaient les marchandises admises ou prohibees. Mais, ni le droit de transit, qui n’etait pas precisement faible, ni le tarif, favorisant les marchandises frangaises et italiennes, et par lequel plusieurs marchandises du commerce autrichien, que le projet de Marmont aurait voulu conserver, se trouvaient prohi¬ bees, ne repondirent aux souhaits du commerce illyrien ni k ceux du commerce autrichien. Ces dispositions du 27 novembre 1810 creerent un second probleme du transit autrichien. Des cette 1 Correspondance, XX, n° 16407. 2 .4us Metternichs nachgelassenen Papieren..., II, n 08 156, 172. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLY HIE 141 date, le commerce illyrien et le commerce autrichien essayerent toujours de faire baisser le droit de transit de 6 francs et d’obtenir des modifications du tarif. Ces tentatives obtinrent aussi quelque succes. Une des branches les plus importantes du transit autrichien etait les grains. Ces grains d’Autriche — on plutot de Hongrie — servaient, non seulement a l’approvisionnement des Provinces Illyriennes, mais aussi, et en plus grande partie, etaient exportes, par le commerce de Trieste, en Italie. Karlovac etait le marche central. Au debut, l’Autriche avait prohibe cette exportation, et 100 bateaux, charges de 300.000 minots (a environ 39 1.) de grains, achetes au Banat et en Syrmie et destines a Karlovac, furent retenus par elle, en avril 1810. Les negociants illyriens et autrichiens reunis s’adresserent a Marmont et regurent l’au- torisation d’envoyer une deputation a Tambassadeur de France a Vienne, pour obtenir la levee de l’embargo 1 . Dans la suite, plu- sieurs mesures furent prises ahn de faciliter ce transit de grains. Un decret du 22 janvier 1811 2 decide que jusqu’au l er juillet de fa meme annee, les grains allant de la Ilongrie en Italie, ne paie- ront qu’un droit de transit de 2 francs par quintal (56 kg), et donne le meme avantage aux grains achetes en Illyrie, pour 1’Italie. Sur la reclamation des commergants dc Trieste, le decret du 29 aout 3 permit l’exportation libre des grains d’Illyrie en Italie, pour toute l’annee 1811. Ce delai fut, le 5 decembre 4 , proroge jusqu’au 30 juin 1812. La prorogation fut motivee par l’importance des operations commerciales de Trieste en Autriche, et particuliere- merit dans le Banat, et par la difficulte et la longueur des trans¬ ports qui exigeaient beaueoup de temps. L’importation des bles d’lllyrie en Italie abaissait les prix et facilitait ainsi l’expor- tation des bles italiens vers la Provence. Enfin, le decret du 6 aout 1812 5 etablit que l’exportation des grains illyriens en Italie serait permise tant que les grains hongrois seraient importes en Illyrie. Le biscuit, les pates, etc., de fabrication illyrienne etaient compris dans cette permission. La chambre de commerce de Trieste demanda en meme temps que le permis d’exportation, qui avait ete etendu a Corfou, regut son execution. A cote des decisions relatives aux grains, il y eut encore quelques 1 BMCH, 18 avril, 21 avril 1810. 2 AN, AFw, pi. 4013, 9. TO, 1811, 11. 3 AN, AFiv, pi. 4552, 7. 1 AN, AFiv, pi. 478 O, 31 bis. 6 AN, AFiv, pi. 5436, 12. 142 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES autres decisions favorables. Ainsi, un decret du 7 mars 1811 1 , permit aux soudes de Ilongrie, qui se trouvaient dans le magasin de la douane, a Trieste, d’etre importees en Illyrie, moyennant un droit de 3 florins par quintal de Vienne (56 kg.), jusqu’au i er juillet prochain. Une nouvelle difficulte resultait de la situation par- ticuliere des habitants du canton de Kocevje, en Carniole. Vivant dans une region peu riche, ils avaient l’habitude d’aller en Autriche et en Allemagne faire du colportage et rapporter les petits bene¬ fices de leur commerce ambulant pour soutenir leurs families. Apres la cession, 1’Autriche leur defendit le colportage sur son territoire 2 . Le gouvernement illvrien, cependant, cherchait a les secourir : le decret du 18 fevrier 1812, sur les droits de passeport 3 , leur accorda une diminution de 1 franc. Les droits de passeport furent aussi reduits de moitie, pour tous les Illyriens, a 5 francs au lieu de 10, a cause de la position particuliere des Provinces Illyriennes et des points de contact multiplies avec les pays voi- sins, qui obligeaient les habitants h des communications inces- santes avec ceux-ci. Aux Illyriens dont l’indigence etait reconnue, les passeports etaient delivres gratuitement.. Mais PAutriche ne permit de nouveau le colportage des gens de Kocevje que le 27 janvier 1814 4 * . Tout ceci, cependant, ne donnaitpas de solution aux deux pro- blemes capitaux du transit autrichien. Ce furent les demandes reiterees des commergants de Trieste qui en provoquerent une, en partie au moins favorable. Ces commerijants avaient deja adresse, le 18 janvier 1811, a Marmont, une petition 6 que celui-ci envova k Gaudin en l’ap- puyant; ils voulaient obtenir, pour Trieste, la participation avec Rijeka au transit autrichien. Ils faisaient valoir que cette demande etait conforme aux interets de Venise, que l’Empereur protegeait specialement ; leur argument etait que Trieste reliait, comme intermediate, Venise au commerce d’Autriche. Us expo- saient que Rijeka, en temps de paix, pourrait etre le port d’expor- tation de la Hongrie ; mais, dans les circonstances actuelles, on ne pouvait comparer, pour la facilite des transports, Rijeka avec Trieste, car les communications etaient toujours certaines, par Trieste, tandis que, par Rijeka, elles etaient pleines de dangers ou trop longues. Les besoins en grains de l’ltalie, par exemple, 1 AN, AF'V.pl. 4146, 3. 2 AGG, registre 1810. 3 TO, 1812, 35. 4 AIV, 139/Steyer. 6 BMCH. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 143 ne pouvaient Stre satisfaits avec securite et promptitude que par Trieste, et non par Rijeka. Cette ville ne pouvait remplacer Trieste, alors que Trieste pouvait tenir lieu de deux ports ; nean- moins, le commerce de Trieste se bornait a sollicker d’etre admis a la concurrence. Trieste etait pres de la ruine : la population decroissait rapidement, la ville ne pouvait se relever que par l’autorisation demandee. Cependant, cette premiere petition, sous Marniont, n’ayant eu aucun succes, Trieste poursuivit son action avec tenacite, sous Bertrand, successeur de Marmont. A la fin de 1811, le com¬ merce illyrien exprima plusieurs vceux, transmis et appuyes par Bertrand, et dont Montalivet s’occupa, dans son rapport du 9 decembre, preparatoire au decret du 3 janvier 1812 1 . Deux de ces vceux concernaient le commerce autrichien : c’etaient que le tarif du transit de l’Autriche vers Rijeka, et vice-versa, fut modi- fie, et que la meme faculte de transit pour l’Autriche, et vice- versa, fut accordee k Trieste qu’a Rijeka. Montalivet, d’accord avec Collin de Sussy, repondit a la premiere demande que le droit de 6 francs par quintal de Vienne (56 kg.) paraissait, de fait, excessif pour certaines marchandises volumineuses, comme les grains, bois, fruits, legumes ; aussi, Dizie proposa de le maintenir, mais en laissant au commerce la possibility de le remplacer par un droit proportionnel qui serait regie a 2 % de la valeur. Cela serait favorable au commerce et au fisc. Puis, Montalivet citait l’avis extremement interessant du consul de France a Trieste, Seguier 2 , disant que le transit autri¬ chien et les benefices qu’il procurait etaient presque nuls, parce que le droit de transit, pergu en Illyrie, n’etait point en proportion avec celui des fitats limitrophes. La Baviere ne demandait par quintal (56 kg.) que 20 kr. = 86 c., tandis que 1’ Illyrie se faisait payer 6 francs, plus le decime additionnel, plus la taxe des plombs que les douanes multipliaient dans leur interet. Ainsi, un baril pesant plus de 150 livres (a 0 kg. 56), etait visite a la frontiere illyrienne par un premier bureau de douane qui y apposait 4 plombs ; a Rijeka, meme operation ; a Trieste, ou il etait en- 1 AN, AF I v ) pi. 4862, 28. Rapport annexe au decret du 3 janvier 1812. 2 Seguier (Armand-Louis-Maurice), chevalier, puis baron. Ne a Paris en 1770, page du Roi de la Grande Ecurie en 1785, sous-lieutenant au regiment de Lor¬ raine, dragon en 1791, emigre en 1791 ; participe a toutes les campagnes de l’emigration de 1792 a 1797, comme major de la legion de Mirabeau ; fait pri- sonnier par les Anglais en arrivant dans l’Inde et ramene en France en 1804 ; le 9 avril 1806, devenu consul a Trieste, le 13 septembre 1814, commissaire k Zante, le 16 janvier 1816, consul general a Londres, ou il meurt en mai 1831. 144 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES voye en entrepot, c’etait encore une visite et un changement des plombs. II payait done 12 plombs k 6 kr., e’est-a-dire 1 fl. 12 kr. ou 3 fr. 10 c., ou 2 fr. 07 par quintal. Le commerce autrichien, deduction faite de ce qu’il paierait en Baviere, trouvait done, quant aux droits, une economie de 7 fr. 81 par quintal (56 kg.), en empruntant la voie bavaroise. II y avait bien, par Rijeka, une economie de 2 a 3 francs, mais qui ne compensait pas l’autre. Les droits de peage, etc., etaient aussi plus nombreux en Illyrie qu’en Baviere. II serait necessaire d’exporter de Rijeka ou de Trieste par mer en Italie; cette voie etait economique, mais, k cette epoque, perilleuse, a causp des croiseurs ennemis. Quant k la seconde demande, Montalivet faisait remarquer que Rijeka etait plus proche de Vienne que Trieste — 128 :144 lieues (a 4.288 m.),— mais la plus grande proximite de 1’Italie et de la Baviere avait dirige le commerce sur Trieste. Bertrand voulait laisser subsister cette preference pour les raisons suivantes : a Trieste, la ville possedait tout ce qu’il fallait ; a Rijeka, au con- traire, il faudrait construire des magasins, etc.; pendant la guerre maritime, le commerce avec 1’Autriche comprenait surtout les produits de Naples et de 1’Italie ; or, il etait plus aise d’aborder a Trieste qu’a Rijeka, ou il fallait traverser l’Adriatique a la hau¬ teur de Dubrovnik ou doubler le cap de 1’Istrie, tandis que le cabotage etait plus facile le long des cotes italiennes ; Rijeka ineme avait demande de pouvoir diriger ses grains a Trieste par terre. Le transit par Trieste, traversant 1’Illyrie dans son centre et dans sa plus grande etendue, olfrait plus d’avantages. Trieste etait beaucoup plus pres de 1’Italie, sous la main de la France ; et enfin, Trieste possedait plus de ressources contre la contrebande — centre des douanes, intendance de la marine, commissariat de la police. Le conseil de commerce avait encore trouve que Rijeka n’avait, pour ainsi dire, pas de lazaret, ne reeevant que peu de produits du Levant. L’emplacement etait petit et incomplete- ment organise. Le port n’etait bon que pour de petites embarca- tions. Voici maintenant les arguments contraires : Tri este possedait dejk l’activite et le commerce, et un nouvel avantage tournerait au detriment de Rijeka. Il fallait attendre plus longtemps les resul- tats de l’experience de Rijeka. Rijeka pouvait faciliter le commerce de la Hongrie avec l’Adriatique par la route Louise qui ne coutait rien k la France. Beaucoup d’ouvriers k Rijeka avaient des pa¬ trons autrichiens : peut-etre cet avantage serait-il en partie supprime par le partage du transit. Et ainsi, en depit des avan- tages visiblement superieurs offerts par Trieste, et avec des argu- l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 145 ments visiblement insuffisants, on persista encore a maintenir le transit autriehien exclusivement par Rijeka, et le decret du 3 janvier 1812 ne trancha pas la question. dependant, un renversement des opinions se preparait. Dans une note du 13 janvier 1812 sur le blocus continental 1 , Napoleon disait dejk qu’on laisserait a l’Autriche le transit par Trieste, et e’en fat assez de ce changement d’opinion pour que le voeu de Trieste fut enfin comble par le decret du 4 fevrier 2 , portant que les marchandises, exportees d’Autriche en transit par les Provinces Illyriennes, pour etre embarquees a Rijeka, et cedes qui venaient de l’etranger par ce port a destination de l’Autriche, pouvaient passer egaleinent par le port de Trieste. Le decret renfer- mait aussi quelques modifications du droit de transit : les huiles ne payaient que 4 francs, le riz 3 francs, le froment 1 franc par quintal de Vienne (56 kg.) ; toutes les autres mar¬ chandises continuaient a payer le droit de 6 francs par quintal (56 kg.). Ce decret fut connu le 16 fevrier a Trieste, un soir, pendant le spectacle,' et fut tout de suite communique au public, ce qui causa des transports d’enthousiasme. Bertrand rapporta le 17 et le 18 a Napoleon 3 que Trieste etait dans la joie, dans I’ivresse. Les gens disaient qu’k present ils n’avaient plus a regretter le Autrichiens ; leur joie tenait de la folie. Peu de decrets produi- sirent une sensation aussi vive, et autant d’enthousiasme. II y eut illumination spontauee de la ville, et fete au casino des Grecs. Trieste fut rendue a la vie apres un long sommeil. La nouvelle se repandit dans toutes les villes commergantes d’Allemagne et du Levant. On disait que 2.000 families etaient revenues. Enfin, le 21, les commergants de Trieste, reconnaissants, solliciterent la permission d’elever une statue a Napoleon. Cette joie exuberante est aussi attestee par tous les historiens posterieurs de Trieste. Les negociants de Trieste se hatent d’envoyer une circulaire a leurs correspondants de Vienne 4 , les informant que, de cette fagon, ils eviteront le trajet par Rijeka, si desagreable au commerce, et feront des economies sur les frais de transport, les droits, et le temps. Leurs amis d’Autriche, de Boheme, de Pologne, de Saxe et de Prusse qui, depuis une annee, dirigeaient leurs marchandises a destination de l’ltalie et de l’Adriatique par Salzbourg et par Bozen, auront plus de profit par l’ancienne route 1 Correspondance, XXIII, n° 18431. 2 TO,1812,17. 3 AN, AFiv, 1713, 7® d„ pieces 19-22. ‘ ACHV, Litorale Commerz, 122,1 ex martio 1812. Pivec-Stelfe 10 « 146 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES de Trieste, qui leur fera gagner presque 3 francs par quintal (56 kg.). Huile,riz,toutes les marchandises italiemnes et levantines, seront a bien meilleur marche par Trieste. L’une des deux grandes questions du transit autrichien etait done resolue favorablement. L’autre, comme nous l’avons vu, partiellement seulement, pour quelques objets. Quand furent publiees les modifications au tarif des douanes, accordees le 19 septembre 1812, le consul d’Autriche a Rijeka, Lederer, en envoyant un exemplaire a Vienne, n’oublia pas d’ajouter 1 que les allegements proposes par les chambres de commerce de Rijeka et de Trieste, pour quelques marchandises autrichiennes, n’avaient pas ete agrees. Les modifications etaient pour la plupart k l’avan- tage de la Dalmatie et des lies — ce que nous avons dejh mentionne. Aussi Vucinic pouvait-il rapporter, le 10 fevrier 1813 2 , que les Ilongrois faisaient leur possible pour engager l’Autriche a recon- querir l’lllyrie, par les armes ou par negociation, pour rendre le commerce libre et le ramener a ce qu’il etait. Le succes partiel du commerce de Trieste justifie ce que nous avons dit sur 1’activite du commerce illyrien : bravement, les nego- ciants des • diverses villes adresserent leurs demandes au gouvernement, principalement au sujet des relations avec l’Autriche, revelant ainsi la mentalite des « tempi passati ». Pour- tant, le transit autrichien perdit, comme Seguier l’a nettement exprime, beaucoup de son importance pour l’lllyrie : le trajet par la Baviere etant a meilleur marche, il devait necessairement changer de direction. e. — Le commerce levantin. Le commerce levantin par l’lllyrie devait son existence a une idee favorite de Napoleon : l’industrie frangaise manquant de matieres premieres, surtout de coton, Napoleon voulait remplacer le coton colonial des Indes par du coton du Levant ; la mer n’etant pas sure, il fallait transporter ce coton par la voie de terre, et l’llly¬ rie devait etre le trait d’union entrela Turquie et la Bosnie d’un cote, la France et 1’ Italic de l’autre. C’etait un corollaire au changement general des routes commerciales du continent, cause par' le systeme continental 3 . Il eut ete sans doute dneore plus avantageux de pouvoir cul- 1 ACHV, Litorale Commerz, 82, 4 ex dec. 1812. 2 M. Gavrilovic, Ispisi iz pariskih arhiva (Extraits des archives parisiennes), n° 674. 3 E. Heckscher, The Continental System, pp. 330-332. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 147 tiver le coton dans les provinces nouvellement annexees elles- mernes ; mais, comme pays de culture du coton, 1’Illyrie n’entrait pas eii consideration, son climat n’etant pas propice. Le gouver- neraent autrichien avail fait faire, de 1808 a 1813, des essais de culture du coton dans la partie autrichienne de la Croatie mili- taire. La qualite du produit surpassait les cotons de la Macedoine et egalait presque ceux des Indes occidentales ; inais, la culture n’etant possible que dans les annees extremement favorables, comme 1811, et impossible avec le climat instable habituel, on mit fin a ces essais L Dans l’lllyrie frangaise, la culture du coton ne depassa pas l’etat de projet ; il n’y eut pas d’essais serieux. Mais, comme pays de transit pour le commerce levantin, l’lllyrie etait d’une importance capitale. Ce role n’etait pas nou¬ veau pour elle. A la fin du xvni e siecle, Trieste etait en relations avec Constantinople par le-bas Danube, avec Salonique par terre ; il y avait un entrepot de tabac, de cafe et de sucre. Les voies de terre etaient encore plus frequences que celles de mer. L’Allemagne et T Autriche achetaient aussi beaucoup de tabac macedonien 1 2 . Avant la cession, Trieste servait d’entrepot pour la plus grande partie du trafic du Levant avecl’Europe 3 . La Dalmatie aussi possedait d’an- ciennes routes de caravanes conduisant en Bosnie — praticables, il est vrai, seulement pour des chevaux, des mules, des anes ou des voitures a sept et huit boeufs — par exemple celles de Glamoc, Vrlika, Drnis ; de Bilibrig, Sinj, Klis, Split ; d’Arzano, Cetina, Trilje, Sinj ; et d’lmotski, Zadvarje, Makarska; la meilleure etait celle de Split, Klis, Sinj, Bilibrig, Livno, Travnik, Sarajevo 4 . C’est Napoleon, cependant, qui crea le systeme. Comme tout le monde s’empressait d’executer les intentions de l’Empereur, cette idee finit par devenir une idee fixe et, sans beaucoup exagerer, on peut dire — ce qu’en partie nous'avons deja vu,etce que nous verrons plus clairement encore — qu’en Illyrie tout fut subor- donne au transit levantin, specialement a celui du coton. On doit ajouter que le developpement de l’idee fut tres habile. Tout d’abord, un memoire de Marmont apporta tous les details essentiels concernant 1’importation levantine et indiqua les mesures propres a sa realisation. Puis, ce fut une excellente pro- pagande par la presse. Les articles du Moniteur et du Journal de VEmpire, en France, et leur reproduction au Telegraphe Officiel en 1 Fr. Vanicek, Spezialgeschichte der Militargrenze..., IV, pp. 277-278. 2 P. Masson, H istoirc du commerce jrangais dans le Levant..., pp. 392-396. 3 M. Blanchard, Les routes des Alpes occidentales..., p. 371. 4 G. Novak, Split u sojetskom prometu (Split dans le commerce international)' pp. 157-158. Voir carte I. 148 LA VIE ECO.NOMIQUE DES PROVINCES IL L Y It I E*N N E S Illyrie, faisaient de la reclame pour l’exportation des marchan- dises frangaises en Turquie, completant ainsi le memoire de Marmont, qui s’occupait surtout de l’importation du coton turc en France. Meme le Laibacher Wochenblatt, feuille hebdomadaire bien innocente, destinee aux causeries, publia des articles sur la politique des ennemis du continent, sur la Bosnie, etc. Enfin, les mesures douanieres se succederent, de 1810 a 1812, selon une logique rigoureuse : defense successive de l’importation du coton par la frontiere du Rhin, facilites accrues pour I’iinportation par 1’Illyrie et l’ltalie. C’est done de ces idees directrices que nous allonS nous occuper d’abord, pour etudier ensuite leur execution, les difficultes qui s’y opposaient ; difficultes, en partie inherentes a cette entre- prise hardie, en partie dues a l’Autriche dont les contre-mesures ne doivent pas etre negligees ; et enfin, le succes final du commerce franco-illyro-levantin. Le document initial du transit levantin, le volumineux « Me¬ moire sur le commerce de FIllyrie avec le Levant », adresse par Marmont, le 13 mars 1810, d Gaudin x , est si important qu’il con- vient de 1’analvser en detail. Le plan est developpe en quatre chapitres — traitant de l’ancienne direction du commerce levan¬ tin, de la nouvelle direction proposee, et des mesures d prendre pour son execution— et de plus illustre par plusieurs tableaux. I. Jusqu’a la guerre anglo-frangaise, le commerce du Levant etait entierement maritime : les marchandises etaient transportees, de toutes les villes formant « echelle », sur la cote de l’Asie Mineure, dans les ports de l’ltalie, du Midi de la France et de l’Espagne. L’interruption de la navigation commerciale et les mesures rela¬ tives au pavilion des neutres avaient cependant force ces mar¬ chandises a prendre une autre direction : Vienne en etait devenue le centre, et le monopole en appartendit a l’Autriche. Par cette voie, quand ces deux villes appartenaient a 1’Autriche, les maisons grecques et armeniennes de Trieste et de Rijeka commergaient aussi avec Smyrne et Constantinople. Mais, par suite de la situa¬ tion actuelle de ces deux villes, ajoutee aux frais d’un si long transport, tous les benefices commerciaux etaient aneantis, et deja plusieurs des maisons les plus considerables se disposaient d porter d Vienne leur industrie et leurs capitaux. S’il avait ete possible de diviser egalement le transport des marchandises du Levant entre 1’Autriche et 1’Illyrie, e’eut ete 1 AE, Autriche 55 (Provinces Illyriennes), 1. Voir pour tout ce qui suit carte III. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 149 un grand avantage : on enlevait le monopole k l’Autriche, on ranimait le commerce languissant de l’lllyrie, enfin on faisait revenir a l’Empire tous les frais de lazaret, de douane, de transit et de transport qu’il etait oblige de payer en masse a l’Autriche en lui achetant les marchandises du Levant. II etait facile de demontrer par les calculs les plus rigoureux que le transport a Trieste et, par Trieste, en France assurait une economie tres considerable d’argent et de temps, et les depenses a faire pour l’etablissement de ce commerce etaient si minimes, les resultats si evidents et si grands, qu’on ne pouvait douter qu’avec 1’ap- point du gouvernement cette route ne devint la voie plus fre¬ quence ou meme la seule pour les marchandises du Levant. II. La navigation dans l’Archipel n’etant pas inquietee pour le moment, le commerce de Smyrne et de Constantinople, par mer, avec Salonique etait assez sur et fort actif ; dans le cas ou on devrait transporter les marchandises, par terre, de Smyrne a Constantinople et par la Macedoine, le desavantage serait egal pour la France et pour l’Autriche. A partir de Saloniqqe, qu’on devait considerer comme le grand entrepot des marchandises du Levant, les transports se dirigeaient actuellement sur Vienne par deux routes (n 08 3 et 4 du tableau) : la premiere passait a Nis, Vidin, Orsova, Pest et Vienne, le transport de marchandises y prenait 67 jours, et les frais de transport se montaient a 81 fr. 61 par quintal de Vienne (56 kg.) ; la seconde route passait par Skoplje, Sarajevo, Brod, Buda et Vienne, elle exigeait 55 jours, et coutait 63 francs par quintal (56 kg.). Provisoirement, comme en Serbie, la guerre rendait la navigation sur le Danube peu sure, la route proposee vers les Provinces Illy- riennes, sans toucher au territoire autrichien, se dirigerait sur Skoplje, Sarajevo, Banja Luka et Dubica ; de la, les marchandises remonteraient la Save, navigable presque toute l’annee, et arri- veraient a Trieste en 55 jours ; les frais de transport ne monte- raient qu’a 39 fr. 60 par quintal de Vienne (56 kg.), En trans- portant les marchandises, par terre, de Dubica par Karlovac et Ljubljana h Trieste, elles mettraient 44 jours et couteraient 43 fr. 20 (n os 6, 7). Le transport de Sarajevo a Trieste — car jusqu’h Sarajevo les prix sont les rnernes — serait done de 19 fr. 80, ou 23 francs au plus, meilleur marche que le transport de Sarajevo a Vienne ; et cependant les marchandises arrivaient a Trieste par Vienne, ce qui augmentait encore le prix, de Vienne a Trieste, de 15 francs ; ainsi le prix du transport, par la premiere route s’elevait de 78 h 96 francs, et se trouvait au moins double. C’etait une difference 150 LA VIE EC.ONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIE.NNE! impressionnante : ensuite, il fallait encore savoir s’il y avait perte ou gain a l’arrivee des marchandises en France. II resultait des calculs dresses par les negociants les plus accre- dites de Trieste que les frais de transport de Vienne a Paris montaient & 68 francs le quintal (56 kg.),ceux de Vienne a Lyon a 59 francs, ceux de Trieste a Paris a 48 francs, et ceux de Trieste & Lyon a 36 francs (n os 11,12). II y avait done, en definitive, de Salo- nique a Paris, par Vienne, 131 francs de frais de transport par quintal (56 kg.), et de Salonique a Lyon, par Vienne, 112 francs ; tandis qu’il y avait, de Salonique a Paris, par Trieste, 91 fr. 20, et de Salonique a Lyon, par Trieste, 79 fr. 20. C’etaient done, d’une part 39 fr. 80, et de l’autre 42 fr. 80 de benefice net sur lc transport d’un quintal (56 kg.) de marchandises, independaminent de tout autre avantage. Ces donnees et ces calculs etaient expli- ques dans les tableaux annexes, signes par les deputes de la colonie grecque de Trieste. III. Pour donner cette direction au commerce du Levant et en assurer la securite, il etait necessaire : 1° d’etablir un lazaret a Dubica ; 2° de nommer, pour la protection de ce nouveau com¬ merce, des vice-consuls a Skoplje, a Sarajevo et a Banja Luka, subordonnes des consuls residant a Travnik et h Salonique ; 3° d’etablir une poste hebdomadaire de Dubica a Salonique et, s’il etait possible, jusqu’a Constantinople, la poste actuelle passant par Vienne ; 4° de rendre plus facile, sur quelques points, la navigation de la Save, et de porter le halage des barques entie- rement sur la rive illyrienne, en deblayant quelques parties de bois appartenant au domaine et dont la vente couvrirait presque tous les frais; 5° enfin, de fixer les droits de transit et de lazaret au-dessous des droits autrichiens. Les depenses du moment pouvaient se reduire a la construc¬ tion d’un lazaret, car la Save etait navigable, presque en tout temps, pour de faibles batiments, et les travaux proposes sur la Save n’avaient pour objet que de rendre possible la naviga¬ tion dans la partie superieure aux batiments en usage en aval. D’ailleurs, le commerce fait entierement par la voie de terre offrait encore de grands avantages avec moins de retard. L’erec- tion d’un lazaret serait peu couteuse : on prendrait le bois neces¬ saire pour la construction des baraques dans les forets voisines du domaine, le droit de lazaret sullirait aux appointements des preposes ; plus tard, on pourrait prelever sur le produit des droits de transit la somme necessaire pour la construction d’un bati- ment en pierre. L’etablissement de la poste avait le meme avan¬ tage, celui d’enlever k l’Autriche un monopole. La correspon- l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 151 dance du Levant avec toutes les parties de l’Empire couvrirait vite les premieres depenses. L’utilite et le profit etaient surs, mSme independamment du but propose ici. La fixation des droits de douane et de transit etait necessaire pour determiner sur-le- champ la direction du commerce ; le projet qui serait soumis etait redige dans ce sens, parce que, comme tout le monde sait, un droit plus faible rapporte davantage au tresor qu’un droit plus fort. On ne risquait rien : tout serait benefice, puisque rien n’exis- tait encore: IV. Le rendement commercial etait clairement demontre par des calculs rigoureux, et les avances se reduisaient a peu de chose ; mais il y avait encore d’autres avantages tres evidents. Enlever a l’Autriche le monopole du commerce et de la corres- pondance du Levant, empeeher l’emigration des maisons grecques de Trieste et de Rijeka et en appeler d’autres au secours de ces villes, en leur olfrant des moyens de reparer leurs pertes ; redon- ner le mouvement et la vie a un pays epuise et assoupi, c’etaient les principaux. En meme temps, on ranimerait les alfaires para¬ lyses des Provinces Illyriennes, on contribuerait a la prosperite de toutes celles que les marchandises du Levant traversent, et on diminuerait le prix des matieres premieres pour les manu¬ factures franchises. Un moyen infaillible d’assurer le succes serait encore d’aug- menter, dans la suite, les droits d’entree sur tous les produits du Levant qui arriveraient en France et en Italie, apres avoir traverse l’Autriche. Les marchandises de volume et de peu de valeur, telles que les cuirs, etc., qui ne pouvaient payer les frais de transport par terre, pourraient, aussitot que les routes au travers de la Serbie seraient fibres et sures, etre dirigees sur Vidin et Belgrade, ou on les embar- querait pour les faire arriver par eau, et a tres peu de frais, jus- qu’a Vrhnika. Ceci exigerait I’etabfissement d’un agent consulaire a Belgrade, et d’un lazaret a Sisak, auquel on pourrait destiner un batiment spacieux, appartenant autrefois au chapitre de Zagreb, a present devolu au domaine imperial. II serait encore necessaire que l’Autriche ne refusat pas au commerce frangais de se servir du chemin de halage sur la rive gauche de la Save, pres de son confluent dans le Danube, ce qu’elle n’avait jamais refuse au com¬ merce turc. Marmont termina en disant que ce projet n’etait point un systeme abstrait ; mais que ses avantages evidents l’avaient dejh fait concevoir par plusieurs negociants de Trieste, specialises depuis longtemps dans le commerce levantin. Alors, Marmont 152 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES avait fait examiner le projet par trois autres negociants, egale- ment grecs, mais etrangers a l’idee premiere. Ils avaient signe le tableau annexe, et etaient tombes d’accord, dans leurs calculs, sur la facilite d’une revolution coinmerciale, la plus grande qu’on put operer en ce moment pour l’interet de la France, qui se bait parfaitement au systeme adopte par I’Empereur, et que reclamait le droit maritime des nations. Au memoire sont annexes trois tableaux : 1° Une comparaison des depenses qu’il faut faire et du temps qu’il faut employer pour transporter les cotons de la Macedoine & Strasbourg, en passant par Sarajevo, Brod et Vienne, ou par Sara¬ jevo, Kostajnica, Ljubljana et Innsbruck ; on voit que les de¬ penses, par la premiere route s’elevent a 50 fl. 10 kr. le nombre des journees de voyage a 76 en ete, a 89 1 /2 en hiver. Frais de Constantinople et de Salonique d Trieste l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 153 2° Un tableau fait par Paul Paraschieva, l’un des chefs de la nation grecque, des frais de Constantinople et de Salonique a Trieste par les routes en usage et par les nouvelles qui sont pro- posees. Comparaisoii des frais de transport de Constantinople et de Salonique d Trieste De Constantinople De Salonique Observations. — Ce tableau fait voir la grande economie qui resulte, pour Trieste, de la route proposee par Sarajevo et Karlovac. Deux autres mu es, passant directemenl. dans les Provinces Illyriennes, offriraient les memes avantages sur le trajet par Vienne. Celle de Split est cependa'nt un peu p 11 chere. Celle de la Save realise meme une economie sur celle de Ivar o\ ac , mais elle est subordonnie a la navigation de la Save, qui n est pas assur e et exigeraitpeut-etre des travaux considerables. 3° Une comparaison des frais des trajets de Constantinople et de Salonique a 'l'rieste et un calcul des frais de transport jusqu’a Paris et k Lyon. Voild la « magna charta » du commerce franco-illyro-levantin dont les details, a quelques exceptions pres, ont tous ete executes. Nous avons de ja parle de l’etablissement de la poste en rurquie,de la construction du lazaret de Kostajnica, et des travaux executes sur les routes et d la Save. II nous reste la partie la plus impor- tante de ces mesures —- qui comprennent necessairement aussi les relations illyro-italiennes — e’est-d-dire la politique douaniere. Napoleon approuva — ce qui n’etait point douteux — le pro¬ jet le 14 juin 1810, et demanda k Champagny la redaction des mesures necessaires 1 . Des allusions aux mimes mesures se 1 Correspondance, XX, n° 16557. 154 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES 1LLYRIENNES l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 155 trouvent aussi dans sa lettre deja citee du 5 septembre, relative au projet du tarif des douanes. Et alors commenga, pour l’organi- sation du transit, « la cooperation combinee des diplomates et des douaniers, se proposant deliberement de fausser la simple et naturelle repartition des routes du commerce » —- comme dit M. Blanchard, qui a aussi decrit drainatiquement l’odyssee des cotons levantins jusqu’au Cenis et au Simplon L En Illyrie, tout le monde a contribue a l’execution du nouveau plan commercial : les gouverneurs generaux, les intendants generaux, les intendants, les consuls, les journaux. Avant tout, ce furent les tarifs de douane 2 . Au debut, cependant, il y eut encore, precisement sur ce der¬ nier point, quelques dilhcultes. Le 4 octobre, Marmont ecrivit a Gaudin 3 que les relations commerciales de 1’Illyrie avec la Turquie etaient paralysees par la taxe exorbitante imposee aux cotons par les douanes d’ltalie. Les marchands qui avaient accom- pagne, en Italie, des cotons sortis du lazaret de Kostajnica, avaient du payer 40 %. Cette taxe les avait tellement effrayes qu’ils avaient envoye des depeches aux caravanes en route pour Kostajnica, afin de leur faire quitter cette destination et prendre celle de l’Autriche ou les droits etaient moindres. Si ces droits subsistaient, il fallait augmenter aussi les droits sur les mar- chandises passant par l’Autriche, pour conserver ce transit. Marmont ecrivit encore sur le meme sujet a Clarke, le 8 octobre 4 . Il avait mis sous sequestre les cotons bruts en transit en Illyrie, parce qu’il lui paraissait impossible que l’intention de l’Empereur fiit de leur faire payer le droit de 40 %, porte au tarif du 5 aout. Cela suffirait pour faire naitre des difficultes incommensurables, tant la defiance des Turcs etait facile a eveiller. Deja, pour ce motif, toute relation avait cesse. Et Marmont demanda les inten¬ tions de l’Empereur relatives a ces cotons. Ces dilhcultes douanieres allaient cependant disparaitre bien vite ; c’etait l’obstaclc le plus facile a eliminer : on preparait deja les decrets necessaires. En attendant, le Telegraphe Official publia, les 20 et 24 octobre, * M. Blanchard, Les routes des Alpes occidentales..., pp. IX,-X, 380-394. 2 Voir pour les mesures douanieres : Ch. Schmidt, Napoleon el les routes bal- kaniques, pp. 335-338 ; S. Skerbinec, Promet, trgooina in obrt v Iliriji (Com¬ merce et industrie en Illyrie), pp. 466-468 ; B. Vosnjak, (I star a in uprava i- lirskih dezel (Constitution et administration des Provinces Illyriennes), pp 217- 218 ; P. Pisani, La Dalmatie, p. 364. 3 BMCH. * BMCII. 156 LA VIE ECONO MIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES un long article, emprunteau Journal de VEmpire, donnanl une pers¬ pective, teinte en rose, destinee au monde commergant 1 . Le voisi- nage de l’lllyrie et de la Turquie favorisant un commerce direct, les etoffes, objet principal d’importation, et tous les objets de peu de poids pouvaient etre, en ete, facilement transportes par cara- vanes a travers la Bosnie et la Roumelie. La route etait sure en general ; dans quelques endroits, dangereux a cause de la guerre de Serbie, il fallait prendre une escorte a peu de frais, qui garan- tissait la securite de la caravane. Seulement dans les 5 a 6 mois d’hiver, les montagnes de Bosnie etant couvertes de neige, les chevaux coutaient alors le double, et le voyage, qui demandait un mois en ete, en exigeait alors deux. Les caravanes de Bosnie (composees habituellement de 20 a 80 homines) se servaient seule¬ ment de chevaux. Chacun d’eux portait 100 k 120 oke ;, ce qui equi- valait a 150 kilogrammes (cette charge de cheval s’appelait «tovar»). De Kostajnica a Sarajevo il y avait 3 journees pour un homme k cheval, 6-7 pour une caravane; de Sarajevo a Skoplje 6-7, respectivement 20-22. Un cheval de caravane coutait de Kostajnica a Sarajevo 20-22 piastres turques, de Sarajevo a Skoplje 60-70, de Skoplje a Salonique 10-12. C’etait done 90-100 piastres ou 130- 140 francs au plus, prix d’ete ; en hiver, le double. En employant la Save comme voie d’eau, on pouvait diminuer de beaucoup les frais de transport. La Save portait deja de grands batiments, inais il etait souhaitable de la rendre navigable encore beaucoup plus haut, et de rendre egalement navigable la Kupa, qui se jetts dans la Save a Sisak, ou se trouvaient les magasins de depot du commerce de l’lllyrie avec la Turquie. On y construi- sait alors un lazaret pour desinfecter les marchandises du Le¬ vant ; il serait done plus commode et moins dispendieux de suivre le cours de la Save de Gradiska a Sisak, et vice-versa. Un autre moyen etait l’emploi des chars jusqu’k Banja Luka. Chaque char portait 5 charges de cheval ; il y en avait a Gradsika 80 deja atteles avec des chevaux, 300 avec des bceufs, et leur nombre augmentait proportionnellement avec le commerce. En Bosnie, on payait un droit d’entree de 45 paras — 1 fr. 50 — par charge de cheval, indistinctement ; a Sarajevo, 60 paras ou 1 piastre 1/2 — 2 francs — par charge de cheval, pour etoffes 110 paras ou 2 piastres 3/4, — 3 fr. 50. De la, il n’y avait plus rien a payer jusqu’k Salonique, ou on devait payer 3 % sur toute importation indistinctement. Mais, pour eviter aussi les douanes de Salonique, les negociants de Bosnie, faisant le commerce des * TO, 1810, 6, 7. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 157 raarchandises europeennes, s’arretaient a Seres, ville tres com- mergante, d’ou ces objets allaient en Roumelie et a Constanti¬ nople. Les negociants frangais pouvaient trouver des commission- naires a Sarajevo et a Skoplje comme a Seres, a Salonique, etc. Ils pouvaient s’adresser aux maisons israelites et grecques, en rapports avec Venise, Trieste et Vienne. Les objets d’importation en Turquie etaient : 1° En quantite considerable, les etolfes qui s’y vendaient avec rapidite et profit ; les couleurs vives plaisaient davantage aux Turcs, specialement Tecarlate et l’amarante, et aussi le vert. La Turquie etait le pays ou Ton consommait le plus d’etolfes et ou on n’en fabriquait pas ; celles-ci devaient done former regulierement le gros du commerce avec la Turquie; 2° Les draps de soie a fleurs et les tissus d’or et d’argent des fabriques de Lyon, de Genes, de la Toscane et de Milan etaient autrefois les plus importants articles d’importa¬ tion et pouvaient le redevenir. Mais, pour le moment, les Turcs d’Asie trouvaient dans leur propre pays les etoffes de soie, et ceux d’Europe les recevaient generalement de TAutriche, qui avait etabli a Vienne des manufactures d’imitation des etoffes du Levant, si recherchees des Turcs dont le gout ne variait presque jamais. Quant aux etoffes de plus belle qualite et plus riches, il faudrait les importer, au debut, en petites quantites, pour t&ter la mode actuelle ; 3° Pour les galons d’or et d’argent des manufac¬ tures de Lyon, de Venise et de Naples, qui etaient autrefois tres recherches, il faudrait prendre les memes precautions; 4° Les bonnets et culottes de laine rouge, h Limitation de ceux de Tuni- sie, des fabriques de France, de Genes, de Toscane, de Venise et du Brabant etant d’un usage invariable et general, on en pouvait envoyer en grande quantite; 5° Les mousselines et autres etoffes de coton qui se fabriquaient en Suisse, dans le gout de celles d’Angleterre, et les chales de coton etaient d’un ernploi egalement sur;6° Les verreries de Venise etaient si pesantes et de si peu de valeur qu’il ne valait pas la peine de les transporter par terre. 7° Les fers travailles, le plomb et autres metaux offraient le meme inconvenient. Mais une foule d’autres petits articles pouvaient aussi etre exportes avec profit. Les articles d’exportation de la Turquie en France consistaient principalement en cotons files et non files, soie ecrue du Levant, cire jaune, laines ordinaires et fines, peaux de chevres et de mou- tons de differentes qualites et couleurs, peaux de boeufs, de lapins et de chameaux ; enfin objets de teinture et drogues medicinales. Ces objets devaient done constituer les exportations par la Bos- nie, et plusieurs d’entre eux, surtout les cotons, la cire et les 158 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES peaux, etaient deja, depuis quelque temps, l’objet d’un commerce avec 1’Autriche et l’ltalie. Aussi, quand Napoleon, le 7 novembre, ecrivit a Montalivet 1 qu’il supposalt que Marmont avait fait connaitre aux negociants que 1’introduction des cotons du Le¬ vant se ferait desormais par mer et par la Save, Marmont put repondre que l’avis avait deja ete donne. Alors, l’opinion etant ainsi preparee, les mesures douanieres entrerent en action. Le decret du 12 novembre 2 decida qu’k partir du l er janvier suivant les cotons du Levant ne pourraient plus entrer en France, par terre, par la route Cologne, Coblence et Mayence, mais par Strasbourg, par l’lllyrie et l’ltalie ; ceux qui transiteraient par l’lllyrie et l’ltalie seraient regus par les bureaux de Verceil, de Casatisme et de Pietramala, et ne paieraient qu’un simple droit de balance. Le decret — deja cite —■ du 27 novembre 3 s’occupa du transit levantin, aux titres III et IV. II etablit dans les ports de Trieste et de Rijeka un entrepot reel de marchandises etrangeres, prohibees ou non prohibees, a l’exception de celles en provenance des fabriques, des colonies, ou du commerce de l’Angleterre. Les villes devaient fournir des magasins surs et convenables, les frais de location etaient acquittes par une legere retribution sur les marchandises entreposees. La duree de l’entrepot ne pouvait exceder 2 ans'. Les marchandises prohibees devaient etre reexpor- tees dans ce delai ; les marchandises ’permises etaient soumises au meme reglement, ou devaient acquitter les droits. Les draps, etoffes, soieries, toiles et autres marchandises de fabrication frangaise, expedites au Levant, et qui traversaient l’ltalie et l’lllyrie pour se rendre en Dalmatie, en Bosnie et dans toute la Turquie d’Europe, ne paieraient & leur passage aux douanes italiennes et illvriennes, pour droit de transit, que celui de balance, c’est-a-dire 15 c. par 100 francs de valeur ou 51 c. par quintal decimal. Ces marchandises sortiraient de France par les bureaux de Verceil ou de Casatisme, passeraient par Milan, Cassano, Verone, Vicence et Venise, pour y etre embar- quees ou expedites, par terre, par le Frioul jusqu’a la Soca. Les cotons du Levant et autres marchandises de meme origine dont l’importation etait perinise, qui etaient expedites en France par l’lllyrie et l’ltalie, arriveraient & Verceil et Casatisme sans payer d’autres droits que celui de balance. Les fers et aciers en lames et barres, le plomb en saumon, le soufre en canons des Provinces Illvriennes, ainsi que les produits de leur sol destines 1 Correspondance, XXI, n° 17112. 2 AN, AFiv, pi. 3815, 7. 3 Bulletin , IV, 329-6131 l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 159 5 la France, en passant par l’ltalie, ne seraient soumis a aucun droit de transit et n’acquitteraient, a leur entree par Yerceil et Casatisme, que la moitie des droits du tarif frangais. Les produits du sol et de l’industrie de l’ltalie, expedies dans le Levant, en pas¬ sant par l’lllyrie, ainsi que les cotons et autres marchandises du Levant, traversant les Provinces Illyriennes a destination de l’ltalie, ne paieraient, comme droit de transit, que celui de ba¬ lance. Les marchandises turques non prohibees ne payaient, a l’entree en Illyrie, que la moitie des droits fixes en 1768 par la convention entre la Turquie et l’Autriche ; celles qui transitaient par 1’Illyrie ne payaient que la moitie du droit de transit fixe par la meme convention. Une serie d’entrefdets suivit ces decrets fondamentaux b Le Telegraphe Officiel du 22 decembre annonga que le commerce de 1’ Illyrie commengait deja a se ressentir des heureux effets du dernier decret : on disait que quelques maisons grecques de Vienne, occu¬ pies au commerce du coton, formaient le projet de transporter leur etablissement a Karlovac ou a Ljubljana. Le numero du 26 decembre publia un article extrait du Moniteur sur les fa- briques de draps a l’usage du Levant, du Midi de la France, inte- ressant pour le commerce illyrien. En janvier 1811, on vit passer h Ljubljana plusieurs courriers turcs qui, au lieu de traverser la Ilongrie et l’Autriche, avaient pris la nouvelle route ouverte au commerce, par la Bosnie et par la Croatie illyrienne. Le mime mois, 7.000 balles de coton etaient sorties de Vidin par Orsova, et on fit remarquer que les negociants de Vienne avaient du payer des droits a 4 bureaux sur le territoire turc. L’intendant d’Istrie, Arnault, adressa, le 21 fevrier, un avis au commerce sur l’execu- tion du decret du 27 novembre 1810, a partir du l er mars 1811, date de la mise en vigueur des tarifs et de la suppression des franchises de Trieste et de Rijeka. Les negociants des deux villes dcvaient faire, dans les 15 jours, la declaration de leurs marchan¬ dises aux bureaux des douanes et faire connaitre leur intention de les livrer a la consommation ou de les reexporter par mer ou par terre. L’origine des marchandises se.rait etablie par certificat d’origine, par facture, par l’exhibition des Uvres et des journaux de commerce ; dans les cas douteu^, par des experts jures, nommes par les employes superieurs des douanes. Les marchandises declarees pour la consommation paieraient les droits des tarifs, les marchan¬ dises destinies a la reexportation seraient mises sous double clef par la douane, jusqu’au moment de leur embarcation ; cedes 1 TO, 1810, 24, 25 ; 18.11, 9, 13, 18. 160 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES qui etaient destinees a la reexportation par terre devraient sortir dans le delai d’un mois. Les unes et les autres ne paieraient comme droit de reexportation que le droit de balance. Dans les 15 jours qui suivraient, des visites domiciliaires seraient faites : les marchandises non declarees — a l’exception de cedes qui etaient considerees comme menus objets — seraient saisies, et le pro- prietaire paierait une amende de 200 francs. Puis, la circulation libre des deux villes avec l’interieur serait etablie, en supprimant la ligne de douane existant sur leur territoire. Les negociants de Trieste furent les premiers a s’adapter a ces innovations : le commerce du Levant etait un moyen de pro¬ curer a leur vide un equivalent des privileges de port-franc, qu’iis avaient perdus. Ils demanderent, le 18 janvier 1811, par l’entre- mise de Marmont 1 :1° un entrepot de six mois pour les cotons de¬ clares en transit, a Trieste, dans les maisons des negociants ; 2° l’introduction en Illvrie des cotons du Levant sans l’envoi des echantillons a Paris, cette formalite ne devant avoir lieu qu’a l’arrivee au bureau de Verceil. Ils motivaient la premiere demande en alleguant queles fabri- cants de France, vendant toujours a credit, ne se dessaissiraient pas de leurs capitaux pendant le temps necessaire pour faire arriver les cotons de Salonique et les faire parvenir & destina¬ tion, ce qui prendrait un an. II leur fallait done une etape inter- mediaire. L’etablissement de ces depots intermediates entre la France et la Turquie exigeait necessairement que les marchandises en transit pussent y sejourner. Cette disposition etait d’autant plus necessaire que les transports des cotons levantins devaient se faire, sur Trieste, dans le cours de l’automne, et qu’il fallait attendre le retour de la belle saison pour les expedier en France: ils devaient done y sejourner tout l’hiver. Entreposer ces cotons a la douane serait impossible, car les besoins des manufactures fran^aises etaient si considerables qu’il se pouvait que, dans la meme saison, 50 a 60.000 balles y arrivassent et que tous les maga- sins de la vide pussent h peine les contenir. Si, comme le directeur des douanes l’avait pretendu, les marchandises declarees en transit et restant quelque temps h Trieste devaient payer le droit de consommation, cette branche de commerce serait detruite de fond en comble, et le but de l’Empereur, qui etait d’etablir un commerce direct avec la Turquie, serait manque. La fraude et la consommation de coton n’etaient pas a craindre, cette der- niere etant nude en Illyrie. 1 BMCH. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 161 La seconde disposition etait egalement indispensable, car la formalite de la verification, en raison des distances, quantites et exigences, prendrait 4 mois avant que les cotons, arrives & la frontiere, pussent etre regus, et il n’existait nulle part, aux fron- tieres, de depots assez vastes pour mettre a l’abri les cotons qui s’accumuleraient pendant 4 mois d’ete. On pourrait etablir en lllyrie une commission de verification qui autoriserait, d’apres les echantdlons fournis, l’entree provisoire des cotons levantins en lllyrie et qui adresserait les memes echantillons a Paris, pour qu’a l’arrivee en Italie ou a Verceil ils pussent etre acceptes. Une fois les relations du commerce bien etablies, il etait pro¬ bable que les Turcs importeraient du coton en echange pour des valeurs equivalentes aux marchandises provenant des manufac¬ tures frangaises. Comme, dans le commerce avec les Turcs, les sequins (a 11 fr. 875) etaient la monnaie qui offrait le plus d’avan- tages, Marmont souhaitait encore qu’il n’y eut aucune prohibi¬ tion de 1’Italie pour la sortie de cette espece de monnaie. Nous verrons par la suite que ces demandes eurent toutes satis¬ faction. Pour le moment, cependant, la conliance dans le commerce levantin n’etait pas encore universelle. Comme preuve, on a cette lettre de Dizie adressee, le 3 mars, au directeur du Telegraphe Officiel 1 , ou il insistait -— parce que beaucoup de negociants avaient encore des doutes sur la quotite du droit de transit — sur le fait que c’etait le droit de balance, c’est-a-dire 15 c. par f 00 francs de valeur ou 20 c. par quintal de Vienne (56 kg.). En ineme temps, il annongait que la mesure generale qui prescrivait d’envoyer a Paris des echantillons de cotons pour etre souniis a l’examen des experts avait subi des modifications : Collin de Sussy avait autorise Dizie a faire verifier les cotons sur les lieux d’introduction, et le 26 Janvier, deja, on avait donne les instruc¬ tions les plus formelles aux chefs des douanes, et notamment aux receveurs de Sisak, Karlovac et Kostajnica, pour que les verifica¬ tions fussent faites avec toute la celerite possible. C’etait le pre¬ mier succes de la petition de Trieste. Le 22 mars, une decision speciale portait 2 que les tissus de coton, draps, etoffes et autres marchandises de laine des fabriques frangaises, dont l’in- troduction etait autorisee en Italie par les douanes frangaises de Verceil et Casatisme et par les douanes italiennes de Borgo, Ver- celli et Mezzana Corti, pouvaient etre exportes aussi par les douanes de Plaisance, San Prospero, Pietra mala et Foligno, et 1 TO, 1811, 19. 2 TO, 1811, 24. Pivec-Stelfe 11 162 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES adinis en Italie par les douanes correspondant aux douanes frangaises. Et Dizie avertit, le 2 mai, la deputation de la Bourse de Trieste 1 que Gaudin avait decide, le 20 avril, que les cotons du Levant, qui etaient en Illyrie lors de P execution de l’arrete du 27 octobre, et etaient restes sequestres dans plusieurs douanes, jouiraient de la faveur accordee, le 27 novembre, aux cotons levantins en transit par 1’ Illyrie, et pourraient etre expedies pour l’ltalie et la France sous paiement du droit de balance. La depu¬ tation de la Bourse s’empressa de publier cette decision vivement attendue. Enfin, l’autre demande du commerce de Trieste fut aussi agreee : le deci;et du 15 avril, article 174, etablit a Trieste, au lieu de I’entrepot reel, un entrepot fictif de 6 mois pour les cotons du Levant, et donna aussi a Dubrovnik la permission d’y admettre, en entrepot reel, les denrees coloniales. Et, le 20 mai, le decret du 3 mai fut affiche a la Bourse de Trieste, etablissant l’entrepot fictif a Trieste des cotons du Levant pour la duree d’une annee 2 . A titre d’encouragement un article du Journal de VEmpire, reproduit au Telegraphe Officiel du 22 mai 3 , rapporta les premiers succes de l’entreprise : Un grand nombre de negociants turcs, illyriens et frangais profitaient des facilites accordees au transit. Deja des entreprises de roulage etaient organisees avec succes, depuis Marseille et Genes jusqu’aux frontieres de Bosnie. Des etablissements sanitaires etaient formes pour recevoir les mar- chandises en quarantaine ; Trieste y consacrait de Vastes maga- sins. Le delai du l er juillet pour l’introduction des cotons, par Strasbourg, etait necessaire pour recevoir les quantites conside¬ rables exportees par l’ancienne route de l’Allemagne ; mais ll n’v avait pas lieu de s’inquieter, en Bosnie, d’une prolongation de cette faveur ; les arrivages de coton commengaient dejd a se diri- ger sur les Provinces Illyriennes. Dejd, plus de 20.000 balles etaient arrivees d Sarajevo, destinees d passer par 1’Illyrie, et, depuis quelque temps, les agents frangais* dans le Levant, ne delivraient de certificats d’origine pour les cotons, destines a traverser l’Autriche, qu’d ceux qui seraient a Strasbourg avant le l er juillet. La consommation annuelle de la France etant de 50 d 60.000 balles, il n’etait pas douteux, qu’avec les quantites exis- tant dans les magasins de Trieste et d’autres points de 1’Illyrie, et avec celles qui en ce moment y entraient le commerce fran- i TO, 1811, 36. 1 TO, 1811, 41. 5 TO, 1811, 41. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRJE 163 Qais fut assure de trouver des approvisionnements sullisants pendant toute la saison favorable a ces arrivages. En ce moment, il fallait que les negociants et les manufactures frangaises ne perdissent pas de vue le delai irrevocablement fixe. II semble que les inquietudes concernant le delai pour Stras¬ bourg n’etaient pas sans raisons. Le consul Seguier, a Trieste, envoya a ce sujet, le 25 mai, un avis au commerce illyrien l . Le ministre des affaires etrangeres, Maret, 1’avait autorise a rappeler encore une fois l’intention de l’Empereur d’ouvrir cette nouvelle route, et a dementir formellement les craintes d’un changement dans les decisions concernant la frontiere du Rhin, craintes nees du fait que le delai du l er mai pour l’admission des cotons, a Strasbourg avait ete reporte au l er juillet. L’interet des nego¬ ciants avait exige cette prolongation ; mais on ne toucherait plus a la date du l er juillet. Le consul de France a Venise avait publie, le 18 mai, un avis semblable 2 . La derniere trace des premieres difficultes fut la decision de Gau- din, du 18 juin 3 , que les cotons files ottomans, sous sequestre en Illyrie, ne pouvaient, sous aucun pretexte, etre admis a la con- sommation en Illyrie, et devaient etre reexportes. L’exportation etait permise sous acquit-a-caution, pour l’entrepot de Rijeka, d’ou les stocks pouvaient etre envoyes en transit en Autriche, moyennant le droit de 6 francs par quintal de Vienne (56 kg.). Dizie publia cette decision par une circulaire du 6 juillet. dependant, les mesures en faveur du transit levantin conti- nuaient. Le decret du 19 juin 4 , autorisant les relations commer- ciales entre la France et 1’Italie par la route du Simplon, portait, a l’article 3, que les marchandises frangaises, qui seraient expe- diees par le bureau frangais de Brigue pour le commerce du Levant, jouiraient des facilites de transit accordees, le 27 noveinbre, en ltalie et en Illyrie. Les cotons et autres marchandises du Levant, transitant par TIllyrie et 1’ltalie, pourraient etre intro- duits par le bureau de Brigue aux memes conditions que par celui de Verceil. En juillet, la diete suisse autorisa le landamman a faire des demarches olficielles pour obtenir que les cotons prove- nant du Levant par les Provinces Illyriennes pussent dorena- vant entrer librement en Suisse 5 . Bertrand, alors a Kostajnica, 1 TO, 1811, 45. 2 TO, 1811, 48. 3 AMK, 13 juillet 1811. 1 Bulletin, IV, 378-7036. 5 TO, 1811, 65. 164 LA VIE ECONOIUIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES envoya, le 4 septembre x , un rapport en faveur de l’exportation des planches des forets illyriennes dans le Levant, exportation favo- risee deja par les Autrichiens et permise aussi par le tarif illy- rien, et qui n’etait pas au prejudice de Venise, laquelle en avait des ressources abondantes. Les planches — et les clous — ■ avaient ete toujours envoyes en grande quantite dans le Levant, ou ils etaient tres recherches, parce que les maisons y etaient baties en bois. Le dernier incendie de Smyrne en augmentait encore le prix pour le moment, de sorte que le benefice actuel du commerce illvrien sur ces planches etait non seuleinent de 100, mais meme de 200 %. Le mois suivant, Bertrand, visitant la Dalmatie, decida d’y faire l’annee suivante des essais de culture du coton 1 2 , projet qui, cependant, ne fut pas execute. Et, le 13 octobre, Dizie avisa le commerce 3 que les marchandises frangaises et italiennes destinees a l’entrepot de Trieste pouvaient etre declarees aux bureaux de Gorica et de Zagraj. Plus on favorisait la nouvelle route, plus on etait severe pour les autres trajets. Quand Bertrand demanda, le 14 decembre, l’admission d’une quantite indeterminee de cotons du Levant, expedies par la Save, de Brod a Kostajnica, Montali vet exigea de Chabrol une foule de renseignements : la quantite des cotons, les proprietaires, les lieux d’origine, leur route jusqu’a Brod, et en quoi elle differait de cello des negociants frangais, italiens et illvriens, si les cotons remoptaient le Danube et la Save, quels avantages donnerait aux negociants autrichiens sur le commerce frangais Tune ou l’autre des directions, enfin, s’il y avait une com- binaison des maisons do Brod pour faire arriver de Salonique les cotons par terre jusqu’a Travnik, les embarquer sur la Bosna, descendre a Brod, et remonter la Save jusqu’a Kostajnica — ■- questions revelant a quel point on se mefiait d’une concurrence possible. Montalivet conclut que l’interet frangais demandait d’ecarter les negociants de Brod du commerce des cotons, parce qu’ils avaient certaines facilites qui feraient pencher la balance en leur faveur au detriment du commerce frangais 4 . Cependant le commerce illyrien, surtout celui de Trieste, de¬ mandait encore plus de faveurs. Le rapport de Montalivet, du 9 decembre — deja mentionne — , preparant le decret du 3 janvier 1812, et fait de concert avec Collin de Sussy et le conseil general 1 AN, AF IV , 1713, 6 e d., p. 54. 2 TO, 1811, 97. 3 TO, 1811, 83 1 AN, AF‘ V , 1713, 7 3 d., pieces 5, 6. 1.’EXECUTION DU BI.OCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 165 du commerce, s’occupa de ces voeux que Bertrand appuyait 1 . Le commerce illyrien demandait : que l’entrepot fictif de cotons de Irieste fut etendu a tous les articles du Levant ; qu’un entrepot fictif fut etabli aussi a Split ; que le commerce put jouir de 10 jours d’emmagasinement, sans frais de depot, a Kostajnica et a Split ; que le petit cabotage fut facilite par la permission de vendre, dans tous les ports ou existait une douane, tout ou partie des marchandises expedites sous acquit a caution, et d’y obtenir la decharge partielle ou totale des dits acquits ; que tous les cotons, au lieu d’etre verifies a Kostajnica, ou l’on avait lieu de craindre des erreurs, fussent expertises a Trieste; que la douane de Trieste fut autorisee a delivrer des certificats particuliers pour les grosses quantiles comprises dans un meme certificat d’origine, afin que les expediteurs ne se trouvassent plus forces de diriger de si forts stocks sur un meme point ; que l’exportation du numeraire fut permise en lllvrie et que la libre circulation des monnaies entre I’lllyrie, l’Jtalie et la France fut autorisee comine elle l’etait entre l’ltalic et la France ; que le riz put etre exporte en Turquie, soit pour les besoins des caravanes, soit meme jusqu’a la valeur des grains apportes par elles ; et, enfin, que les tarifs illyriens subissent les modifications indiquees par le commerce et propo- sees par Dizie. Montalivet accompagna ces demandes des observations sui- vantes : l’extension de l’entrepot fictif etait utile et sans danger ; Split avait une situation favorable, a proximite de la Bosnie, mais, comme la Dalmatie, par decret du 19 novembre, etait mise hors douanes et consideree coinine province etrangere, I’entrepot deve- nait inutile ; l’emmagasinement sans frais se pratiquait deja ; la decharge partielle des acquits etait permise depuis le mois d’aout precedent; la verification des cotons pouvait se faire a Trieste ; l’administration avait ete elle-meme forcee d’autoriser les modi¬ fications relatives aux certificats particuliers ; quant au numeraire, le commerce du Levant en avait toujours exige fexportation, le gouverneur general disait qu’une telle decision etait urgente, et les sommes exportees entre TItalie et l’lllyrie se compensaient faci- leinent ; le gouverneur general disait egalement quelesTurcs con- sommaient beaucoup de riz ; ce serait done un objet de commerce avec eux ; enfin, les vices du premier tarif provenaient de ce que ce projet ne comprenait, par hypothese, qu’une partie des Pro¬ vinces Illyriennes, tandis que le decret du 27 novembre 1810 y assujettissait la totalite, d’ou la consequence que les droits et 1 AN, AF |V , pi. 4862, 28. 166 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES prohibitions devenaient contraires aux interets des provinces respectives, par exemple la prohibition de l’exportation de la viande salee ; mais, comme quelques provinces etaient de nou¬ veau traitees comme etrangeres, une partie des rectifications devenaient inutiles. D’apres ces dispositions, en somme favorables, le decret du 3 janvier 1812 1 fut une extension des decrets du 27 novembre 1810 et du 3 mai 1811, et donna satisfaction a une bonne partie des demandes illyriennes : 1° L’entrepot fictif pendant un an, accorde le 3 mai a Trieste, pour les cotons du Levant, fut etendu h tous les autres articles non prohibes de meme origine, qui arri- vaient en Illyrie par les frontieres de la Bosnie et de la Croatie turque ; les marchandises frangaises et italiennes, destinees au Levant, jouissaient du meme droit ; 2° La premiere verification des cotons du Levant pouvait s’operer a Trieste ou a Kostajnica, au choix des proprietaires ou consignataires, qui demeuraient responsables des fraudes qu’une verification ulterieure a Yerceil pouvait decouvrir ; 3° Les douanes de Trieste et de Kostajnica etaient autorisees h delivrer des certificats particuliers aux grosses expeditions de marchandises levantines comprises dans un meme certificat d’origine, mais qui, dans l’interet des proprietaires, devaient etre divisees pour etre dirigues sur plusieurs points differents ; 4° L’exportation des monnaies d’or et d’argent, necessaire aux echanges avec le Levant, pouvait s’effectuer en Illyrie sous les conditions suivantes : a) Les monnaies ne pouvaient se composer que de thalers ou ecus de Marie Therese (a 3 fr. 75), de sequins (a 11 fr. 875), de ducats (a 11 fr. 875) et de piastres d’Espagne (a 5 fr. 375) ; b) L’exportation pouvait se faire seule- ment par les douanes de Trieste et de Kostajnica ; c )- On devait faire, a ces douanes, une declaration exacte des sommes et de la nature des especes, y faire prendre un acquit, y souscrire un en¬ gagement cautionne de rapporter, dans un delai fixe par la douane, l’acquit decharge par l’agent frangais ou l’autorite locale, certi- fiant que ladite somme lui ayait ete presentee ; d ) L’exportation du riz des Provinces Illyriennes etait autorisee dans les provinces turques, lorsque son prix ne s’elevait pas a 50 francs le quintal metrique, dans les marches des departements de l’ancien Pie- mont ; a ce taux et au-dessus, la sortie demeurait interdite. Le 16 mars, Gaudin presenta la demande de la Chambre de commerce de Paris d’obtenir un entrepot reel des cotons du Le- 1 TO, 1812, 12. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 167 vant et de Naples L La Chambre exposait que la France employait, en coton de ces deux origines, environ 35.000 quintaux, dont les trois septiemes etaient fournis par Naples. Les filatures de Lyon, de Geneve, du Montblanc et du Rhin en consommaient environ un quart ; Paris etait devenu le marche, ou les trois quarts res- tants se partageaient entre les fabriques de Paris et de ses envi¬ rons, de la Seine-Inferieure, d’ Amiens, du Calvados, de Troyes, des departements du Nord et de la Belgique. La Chambre desi- rait que les cotons, au lieu d’acquitter les droits au moment de l’entree en France, pussent, apres une premiere verification au premier bureau d’entree, etre expedies, sous plombs et acquits-a- caution, pour Paris, ou ils seraient mis en entrepot et n’acquitte- raient les droits qu’a leur sortie de l’entrepot. Paris obtint cet entrepot par decret du 21 mars, et Milan un semblable le l er mai 1 2 . Un decret du 20 septembre 3 etablit un droit de magasinage sur les marchandises regues dans Fentrepot reel de Trieste. Elies devaient payer, par quintal de Vienne (56 kg), pour le premier mois, 50 c., pour le second, un franc, et ainsi de suite ; a partir du cinquieme, 1 fr. 50. Les ballots, etc., au-dessous d’un quintal, payaient comme pour un quintal ; au-dessus d’un quintal, pro- portionnellement. Les marchandises frangaises et italiennes ne payaient que la moitie de ce droit. Le produit en etait affecte, par arrete du 20 mars, aux batiments de sante qui desservaient 1’entre- pot. Le receveur des douanes etait charge de la perception. Le 7 novembre, le ministre des manufactures et du commerce decida que, seuls, les cotons levantins pouvaient transiter par l’lllyrie, et que toutes les autres marchandises coloniales etaient prohibees, k l’exception des drogues levantines 4 . Enfin, le Telegraphe Offi- ciel du 24 decembre publie un long article sur les constructions au lazaret de Kostajnica — dont on a deja parle — et le numero du 27 loue les modifications apportees au tarif des douanes 5 . Le commerce du Levant prendra une nouvelle activite. On n’avait excepte auparavant que le coton du Levant : a present tous les produits de droguerie non specifies dans la loi du 8 floreal an XI et originaires du Levant, avec certificat d’origine, sont admis. Restaient seulement exclus: le sucre brut, en pains, et terre, les cafe, cacao, indigo, rocou, coton, casse, gingembre, ecaille de 1 AN, AF 1V , 1062, d. 2 A pb p _ 3 Bulletin, IV, 455-8382. 4 ACIIV, Litorale Commerz 132, 1 ex febr. 1813. 6 TO, 1812, 103, 104. 168 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLY HIE NNES tortue, bois d’acajou et de marqueterie, cuirs secs en poil, li¬ queurs et poivres. Telles sont les dernieres mesures douanieres concernant le transit levantin. Toutes les difficultes du debut, particuliereinent es droits excessifs des douanes italiennes et le procede inappli¬ cable de verifier l’origine par echantillons envoyes a Paris, etaient supprimees, et, grace a I’initiative du commerce de Trieste, beau- coup de details techniques etaient ameliores. Cependant, des mesures importantes prises pour le develop- pement du transit levantin doivent encore etre signalees : les mesures concernant le service de sante 1 , mentionne deja plusieurs fois.Sil’on considere que le pays d’origine des cotons, etc., etait la Turquie, europeenne et asiatique, on conviendra que ce n’etait pas une affaire facile. Les bruits de peste jouaient un role im¬ portant dans le transit levantin, parfois aussi—un role politique. II y eut une premiere alarme au printemps de 1812, — mais qui fut vite calmee. Le gouvernement illyrien envoya un medecin sur les lieux pour se renseigner exactement. Le 31 mars, le conseil de sante de Trieste assura le consul helvetique que le mal, qui s’etait manifeste sur les bords de la Drina, n’avait rien de conta- gieux et avait meme en grande partie cesse, sur quoi le consul helvetique adressa le meme jour, au landamman, des rapports rassurants. De Milan, on ecrivit egalement, le 8 avril, qu’on y etait entierement rassure, soit par les rapports de Bosnie, soit par les mesures du gouvernement illyrien, et qu’on avait revoque les ordres donnes pour faire arreter en route les marchandises de ces provinces. Enfin, le charge d’affaires turc a Vienne donna Tassurance formelle qu’a part le bruit d’une epidemie de peste dans un faubourg de Constantinople, qui avait determine le gouverne- ment autrichien & ordonner sur la frontiere turque une prolonga¬ tion de quarantaine, bruit depuis reconnu faux, il n’avait aucune connaissance d’un mal de ce genre en Bosnie ou dans les autres provinces limitrophes de l’lllyrie. Le 13 mai, le Telegraphe Officiel publia avec satisfaction ces nouvelles, d’apres le Moniteur 2 . Le 6 avril, Bertrand prit un arrete en cette matiere 3 . Les cotes de l’lllyrie furent divisees en 3 arrondissements : Istrie et Croatie, Dalmatie, Dubrovnik. Chacun de ces arrondissements regut un conseil de sante — a Trieste, Split, Dubrovnik — dont le president etait l’intendant de la province. Ces conseils avaient k appliquer les 1 A. Dimitz, Zustand, des Sanitiitswesens.. ., pp. 54-56. 2 TO, 1812, 39. 3 Ibidem, 40, 41, 42. l’exECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 169 lois et reglements sanitaires, a visiter les batiments, et a faire connaitre les cas de maladie contagieuse. En Dalmatie, un ins- pecteur de la sante et des caravanes fut aussi nomme ; il etait specialement charge de surveiller la frontiere de terre du cote de la Bosnie. Les conseils devaient faire des rapports sur les lazarets a conserver et a supprimer, inspecter les hopitaux civils, les hospices, bagnes, prisons, lazarets et autres etablissements des ports. Les directeurs des lazarets avaient a inspecter la disin¬ fection des marchandises et a assurer l’observation des reglements pour les marchandises et les hommes en quarantaine. Les lettres etaient h percer et a parfumer, les monnaies a passer au vinaigre. Tout batiment porteur d’une patente libre, ou venant d’un port sain et non suspect, etait adinis tout de suite a l’entree. Tout batiment porteur d’une patente nette, ou venant d’un port sus¬ pect, mais dont la patente attestait qu’il n’y regnait aucune maladie au moment du depart, etait re§u tout de suite en qua¬ rantaine. Les batiments h patente suspecte, ou venant d’un pays ou sevissaient des maladies contagieuses, n’etaient admis a la quarantaine qu’apres le temps d’epreuve fixe par les reglements. Les batiments h patente brute, ou venant d’un pays ou la peste regnait au moment du depart, etaient sounds h d6s formalites hxees par les reglements, et ne pouvaient debarquer qu’apres qu’on s’etait assure que les marchandises n’etaient point conta- minees. Les droits sanitaires en vigueur etaient provisoirement conserves, un tarif general promis, et la duree de la quarantaine, a Trieste et a Rijeka, restait la metne pour les marchandises et les hommes. Quelques autres dispositions concernaient le ser¬ vice interieur. Pour le service sanitaire de 1813, Collin de Sussy soumit, a Napoleon, le 2 decembre, lc budget des recettes et des depenses L II exposa qu’avec un littoral de 300 lieues (a 4.288 metres) et 150 lieues de frontiere de terre, les Provinces Illyriennes etaient tres exposees, a cause des communications frequentes et inevi¬ tables avec les provinces turques, au danger de la peste, qui penetrait toujours en Dalmatie quand elle etait en Bosnie. A ce moment, le fleau etait h Constantinople, a Smyrne, a Salonique, a Odessa, et sur presque tout le littoral de la Mer Noire, jusqu’a la Podolie et a l’Ukraine. La position de l’lllyrie etait critique, a cause du fatalisme turc et du dcfaut absolu, de ce cote, de pre¬ cautions sanitaires. L’alarme regnait meme en Italie ; l’intendant general avait pris deja quelques mesures. AN, AFiv, 1062, 3 e d., pieces 14-17. 170 LA VIE ECONO MIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES Un projet d’organisation de service sanitaire sur les cotes, avec des depenses tres modiques, avait ete soumis au gouverneur gene¬ ral ; la frontiere de terre reclamait egalement des precautions conciliant l’interet de la sante publique et l’approvisionnement des provinces de Dalmatie et de Dubrovnik. Des « rastels » ou marches avaient ete etablis sur divers points, pour surveiller, dans une certaine mesure, les communications, jusqu’alors maintenues sans regie. En cas de danger en Bosnie, un cordon militaire etait necessaire, pour 300.000 francs. Mais c’etait encore trop peu. Le seul moyen efficace de proteger les provinces centrales etait d’isoler la Dalmatie et Dubrovnik, en prolongeant le cordon de la Kupa jusqu’au littoral. II fallait pourvoir sur le-champ h ces depenses, et il fallait egalement agrandir le lazaret de Kostajnica. On proposa done, pour les conseils de sante de Trieste, Split et Dubrovnik, pour les lazarets de Trieste, Rijeka et Dubrovnik, pour les employes sur le littoral, pour les reparations et augmenta¬ tions au lazaret de Kostajnica — les depenses de son personnel etaient supportees par les fonds de la Croatie militaire — et pour fonds de reserve, etablissements de cordons, etc., une somme totale de 156.000 francs. Les recettes des taxes sanitaires, le pro¬ duct du lazaret de Kostajnica et le produit du prelevement' de 2 c. sur les revenus communaux devaient s’elever a 136.000 francs. Le ministre demanda Tautorisation d’imputer les 20.000 francs manquants sur les fonds generaux du tresor. On dut bientot prendre les mesures extraordinaires prevues. De Contades envoya, le 2 fevrier 1813, aux mairies de la Croatie civile une circulaire ordonnant d’etablir des corps de garde avec la plus grande celerite sur la ligne du second cordon contre la peste, recemment tracee dans les communes. Ces ouvrages etaient elfectues par les ofliciers du genie Bozicevic et Menini ; les maires devaient les seconder en leur fournissant tout ce dont ils avaient besoin en ouvriers, moyens de transport et materiaux. Le tarif des journees de travail etait fixe comme suit : un magon recevait 1 fr. 30, un charpentier, 1 fr. 30, un manoeuvre, 0 fr. 50, une corvee de bestiaux, 0 fr. 50. Quand le maire de Novi se plaignit de la modicite de ces salaires, l’intendant repondit, le 22 fevrier, qu’il ne pouvait rien changer aux mesures generates, que c’etait un avantage pour les habitants de pouvoir gagner quelque argent, et que le cordon etait avantageux pour eux et necessaire h la sante de TEurope L II s’agissait alors, au printemps de 1813, d’un bruit de peste a 1 AEZ, plusieurs actes. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 171 Malte — non prouve, d’apres d’autres rapports — qui reveilla les craintes en Italie 1 . Celle-ci se decida a faire etablir des lazarets sur la frontiere illyrlenne, pour y soumettre a la quarantaine toutes les merchandises provenant de l’lllyrie. Cela aurait inter- rompu toutes les communications et nui au commerce. Les mesures de Chabrol concernant les marches en Dalmatie et la surveillance des communications avec la Turquie firent cepen- dant renoncer 1’ Italie k l’interdit dont elle avait voulu frapper les Provinces Illyriennes. La peste, en Turquie, etait done une veritable epee de Damo¬ cles, menagant, du debut jusqu’a la fin, la nouvelle route com- merciale. L’effet des. mesures prises contre la contagion devait etre necessairement incertain, quoique ces mesures fussent assez radicales ; il ne s’agissait de rien moins que de sacrifler deux pro¬ vinces pour sauver les autres et l’Europe. Ce que nous avons vu jusqu’h present, c’est le travail du centre, de Paris, et celui de la succursale, de Ljubljana ; il nous reste les mesures prises sur place, en Bosnie, et avec elles, nous rencontrons les difficultes qui s’opposaient au transit franco-levantin. Le travail, en Bosnie, etait fait principalement par le consul general de France, a Travnik, Pierre David 2 . Celui-ci etait venu a Travnik apres sa nomination, le 17 fevrier 1807 ; il s’occupa du transit levantin, qu’il considerait comme son ceuvre capitale et auquel il travailla avec passion surtout dans les annees 1811-1813, mais deja avant la creation des Provinces Illyriennes. Le 4 janvier 1809, il rapporta a son ministre 3 que le haut prix des cotons de Macedoine a Trieste avait engage quelques nego- ciants de Sarajevo a y en envoyer des quantites considerables. Mais, une fois arrives h Trieste, les prix baisserent au-dessous de l’achat. De Ik, grandes pertes. Cette malheureuse speculation ayant fache et decourage les commergants, ils firent passer le reste des cotons en Italie et en France. Ces cotons avaient passe par Brod h Trieste ; il eut ete, cependant, plus avantageux de les faire passer par la Dalmatie, mais le grand nombre des cor- saires ne le permettait pas. Neanmoins, David conseilla aux nego- ciants le commerce direct avec la France et 1’Italie. Ce passage 1 Al-IG, 10/6, 20 juin 1813. 2 M. Gavrilovic, Ispisi iz pariskih arhiva (Extraits des archives parisiennes), pp. x-xtv. David (Pierre). Sous-clief de la 2 e section du ministere des Affaires etrangeres, depuis 1785 ; en 1700, nomme secretaire de l’ambassade de France a Milan, puis a Stuttgart; de .1799 a 1802, en service a la l re section du mi¬ nistere des Affaires etraltgeres ; de 1802 a 1806, secretaire et charge d’affaires de t’arnbassade de France a Malle. 3 Ibid., n° 329. 172 LA VIE ECONO MIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNE3 des cotons par la Bosnie durait depuis 1’insurrection des Serbes contre la Turquie ; en 1808, 11 y passa 20.000 charges ou 20.000 quintaux decimaux, par Brod, a destination de Trieste. Les sentiments des Bosniaques, cependant, n’etaient pas alors trop favorables aux Frangais, principalement a cause de la prise de Dubrovnik, qui avait ete leur port de mer, le debouche de leur commerce, ou ils avaient a bon marohe le sel dont ils avaient besoin, et ou ils recevaient des presents annuels l . La situation changea avec la creation des Provinces Illyriennes, quand le commerce par la Bosnie regut l’approbation de Napo¬ leon. David repandit avec un zele inou'i des copies des decrets de Napoleon sur le commerce du Levant, l’entrepot de Trieste, etc., et entra en correspondance reguliere avec le gouverneur general et l’intendant general de l’Hlyrie. Ainsi, il communiqua, le 15 juiri 1811, a Belleville, le tarif des monnaies 2 , fixe par « fir¬ man », mais que les negociants Israelites et grecs changeaient a leur gre. En general, les monnaies d’Europe etaient, depuis deux ans, au-dessus de celles de Turquie : 5 francs valaient 4 piastres et demie, un sequin venitien 11 piastres et demie, un sequin hon- grois 11 piastres, un croisson autrichien 5 piastres trois quarts, un ecu de 6 francs une piastre espagnole et un ecu de Marie- Therese 5 piastres et demie, un ecu de tous les princes d’Allemagne 5 piastres un quart. Sur l’initiative de David, Bertrand fit des cadeaux au pacha de Bosnie 3 , et, grace a ses efforts aupres des autorites turques, plusieurs s.ucces furent obtenus : des routes de caravane furent ameliorees, des caravanserails furent construits, un consulat frangais a Pristina, une maison de commerce fran- gaise a Sarajevo, sous la direction de Jacques Fraissinet — dont nous reparlerons plus tard — et un « han » des Frangais a Sara¬ jevo 4 . Mais, a cote de ces succes, on rencontrait de grosses difficultes. Elies venaient, d’un cote, des Autrichiens et de leur contre- mesures, d’un autre cote, elles resultaient de la nature du pays lui-meme, la Bosnie. Les demarches du gouvernement frangais, concernant le com¬ merce levantin par l’lllyrie et l’ltalie, etaient suivies avec beau- coup d’attention par les consuls d’Autriclie, particulierement par Negri h Nice, Lederer a Rijeka, F. Mittesser et son successeur, Paulic, a Travnik. Toutes les mesures frangaises etaient suivies 1 Ibid., n° 354 (4 mars 1809). 2 Ibid., n° 588. 3 Ibid., n° 621 (23 dccembre 1811). 4 Ibid., pp. x-xi. l’eXECUTION DU liLOCTJj. CONTINENTAL EN ILLYRIE 173 de contre-mesures autrichiennes, et, entre David, Mittesser et Paulic, s’engagea a Travnik, mi veritable duel — presque tragi- comique, puisque, en taut qu’Europeens, en Turquie, ils devaient tout de meme parfois faire cause commune. Mittesser et Paulic envoyaient aussi des statistiques, conservees cependant tres incompletement, qui seront utilisees plus tard. Le 10 octobre, Negri adressa un rapport sur la route Nice- Genes qui sera finie 1’annee suivante et praticable aussi pendant la guerre maritime L La Chambre aulique ajouta, dans une note du 10 decembre, adressee a la Chancellerie d’Etat, que ce rapport, quand on le comparait au decret du 12 novembre, montrait dans toute son etendue, le plan du gouvernement frangais, de diriger le commerce levantin par l’lllyrie et l’ltalie directement en France. Mais, lc transport par la Bosnie, ou il n’y avait pas de routes carrossables, mais seuleinent des pistes pour chevaux, et ou regnait une grande insecurity olfrirait toujours des difficultes plus grandes que l’ancienne route. Les consuls devaient sur- tout suivre les instructions du gouvernement frangais pour eli- ininer ces difficultes. La Chambre pria encore une fois, et instam- ment, qu’on fit le possible aupres de la Porte ottoinane pour le commerce turc en Autriche et le commerce autrichien en Tur¬ quie. La Chancellerie, en renvoyant le rapport, repondit, le 25 decembre 1 2 , qu’elle aussi pensait que le plan frangais avait ses difficultes. En meme temps elle tragait un programme des mesures a prendre pour conserver le transit a P Autriche ; il falla.it : 1° des routes bien conservees ; 2° un rapide fonctionneinent des douanes; 3° de bons lazarets pour les marchandises, et d’autres ameliora¬ tions semblables. Et la Chancellerie promit de faire ce qu’elle pouvait. Le 31 decembre egalement, la Chancellerie hongroise fut priee de s’occuper des routes, etc., afin que le transit restat a la Llongrie au lieu de passer en Illyrie. Un rapport de Mittesser, du 8 decembre, au gouverneur general de la Slavonie 3 repetait que Marmontet David se donnaient beau- coup de peine pour diriger le commerce sur Dubrovnik, Sinj et Kostajnica, David surtout, qui insistait sur la difference des droits a payer a la frontiere franco-italienne pour les cotons, passant par 1’Autriche ou par 1’Illyrie. Comine on avait propose de diriger le commerce autrichien par Stara Gradiska, Mittesser se prononga contre ce projet, parce que le commerce de la Bosnie disparaitrait 1 ACHV, Lit.orale Commerz, 132, 8 ex dec. 1810. 2 lb., 11 ex dec. 1 810. 3 lb., 9 ex jan. 1811. 174 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNE3 a la paix maritime, quand les routes d’Orsova et de Belgrade se- raient rouvertes ; alors le commerce se porterait de nouveau par mer a Trieste, Venise, dans les ports italiens et frangais. Le gou- vernement autrichien decida, en eflet, le 29 janvier 1811, de ne pas appliquer le projet de Gradiska. Pour ce mois de decembre, Mittesser pouvait ecrire 1 que la quantite des marchandises au lazaret de Brod etait telle, surtout en coton brut, qu’elle ne pouvait arriver a entrer qu’au prin- temps. De nouveaux arrivages etaient annonces d’Albanie et de Macedoine, mais les negociants etaient embarrasses, parce qu’ils avaient entendu dire que l’Autriche avait augmente les droits de douane. Sur ce dernier point, la Chambre s’empressa de repondre, le 31 decembre, que ce n’etait pas vrai, le moment etant fort peu propice pour une augmentation, a cause de la situation critique du commerce levantin et du traite avec la Turquie. Anders, de la douane de la Basse-Autriche, constata, le 26 de¬ cembre 2 , que jusqu’alors il n’y avait pas de repercussions des mesures frangaises, mais que Immigration de plusieurs negociants levantins et turcs de Vienne etait a craindre. Le 28, on pouvait ecrire de Vienne 3 que le trafic du coton levantin par Zemun et par la Slavonic etait tres important, et que les stocks etaient enle- ves presque aussitot qu’arrives. Metternich ecrivit, le 27 decembre, a Wallis, president de la Chambre aulique 4 , que le marechal baron de ITiller, commandant de la Slavonie, avait communique, le 15, que les transports par Brod etaient tres actifs, qu’il fallait elargir le lazaret trop petit et augmenter le nombre des employes ; ainsi on conserverait le transit. Bellegarde, president du conseil aulique de la guerre, proposa, le 23 janvier 1811, d’abreger la quarantaine, mais la Chambre aulique repondit, le 5 fevrier, qu’on ne pouvait pas accorder cela 5 . Metternich adressa, le 15 fevrier, a la Chambre, Textrait d’un rapport 6 d’ou resultait que les negociants turcs preferaient Brod a Kostajnica (il n’en donne pas, cependant, la raison) ; on pouvait done esperer con- server le transit, en depit des tentatives etrangeres, grace aux privileges et amendements proposes a plusieurs reprises. Mittesser annonga, en fevrier, a Metternich 7 que toutes les marchandises 1 lb., 10 ex dec. 1810. 2 lb., 3 ex jan. 1811. 3 TO, 1811, 3. 4 ACHV, Litoral e Commerz, 132, 7 ex jan. 1811. 5 lb., 1 ex febr. 1811. 6 lb., 4 ex febr. 1811. 7 lb., 5 ex martio 1811. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 175 destinees h l’lllyrie avaient ete dirigees par les proprietaires sur Brod, parce que les negociants en voulaient aux douanes illy- riennes et refusaient de rien exporter par la. David s’etait egale- ment plaint des douanes qui, en depit de ses certilicats, retenaient les marchandises comme anglaises et cherchaient a les con- fisquer. Paris avait decide que les negociants pouvaient encore, pendant 3 mois, exporter par Brod et l’Autriche en France, contre le droit de douane ordinaire, qui etait modere ; apres ces 3 mois, au tarif augmente ; mais par Dubrovnik, Sarajevo et Kostajnica, a un tarif reduit. Le consul pouvait encore, 10 jours apres la publication, donner des certilicats ; ensuite, ils etaient sans valeur, et les negociants devaient avoir des certilicats des consuls fran- gais des localites ou les marchandises etaient achetees et char¬ gees. A Travnik, il y avait plusieurs employes pour enregistrerles marchandises et proteger les negociants. Le 11 fevrier etaient passes 24 tovars (charges de cheval a 150 kg.) de Kostajnica par Travnik a Sarajevo, mais rien de Bosnie en Illyrie, tout par Brod ; et a Sarajevo, il n’y avait, pour le moment, que peu ou point de marchandises pour l’lllyrie. Metternich envoya ce rap¬ port, le 4 mars, a la Chambre aulique. Le comte de Saurau, gou- verneur de l’Autriche Interieure, racevait, le 24 fevrier, une note 1 prescrivant de tout faire pour favoriser la navigation du Danube et la construction d’un pont a Zeraun. Enlin Simon G. Sina, important negociant grec de Vienne, proposait de mettre un agent commercial a Vidin et un autre a Orsova, pour gener le commerce illyrien et remonter le commerce austro-levantin. La Chambre aulique demanda au Conseil de la guerre et a la Chancellerie hongroise leur avis sur ce projet 2 : la reponse, cepen- dant, n’a pas ete conservee. Toute cette agitation, la multitude des autorites autrichiennes s’occupant de cette question et le nombre des propositions semblent bien indiquer que le transit illyrien inquietait passable- ment le commerce autrichien. Entre temps, Paulic avait rem- place Mittesser h Travnik et continuait le travail de son prede- cesseur. Le 27 juin, Paulic annonga 3 que, depuis l’hiver precedent, de grandes quantites de cotons, en Illyrie, avaient ete confisquees et brulees, sous pretexte qu’elles etaient de provenance anglaise, parce qu’elles venaient de Smyrne et d’Anatolie par mer; aussi les nego- 1 lb., 6 ex febr. 1811. 2 lb., 7 ex jun. 1811. 3 lb., 8 ex jul. 1811. / 176 LA VIE ECONOMIgUE DES PROVINCES ILLYRIENNES ciants n’osaient plus facilement envoyer de gros stocks en Illyrie et en Italie. Ils connaissaient aussi bien les nouvelles mesures autrichiennes de transport en Slavonie. L’internonce d’Autriche a Constantinople ecrivit, le 12 juillet x , ce qu’il avait fait aupres de la Porte pour l’amelioration de la route commerciale de Brod. Le ministre turc paraissait souhaiter lui-meme que l’ancienne voie commerciale subsistat. La Porte avait de la bonne volonte — mais point d’argent. Saurau regut encore avis, le 28 janvier 1812, d’un decret 2 prescrivant d’encourager quelques-unes des maisons commergantes de Vienne a etablir en Orient, surtout a Sarajevo, des maisons de commission ou de commandite pour paralyser les tentatives du gouvernement frarigais. Enfin, Lederer envoya P Osservatore Triestino du 9 janvier 1813, contenant la decision du 7 novembre 1812, relative au transit des marchandises coloniales par P Illyrie 3 . Si on resume les mesures autrichiennes se rapportant au transit par la Bosnie et la Slavonie 4 , il semble qu’elles soient tres simples, et peu differentes des mesures frangaises : bonnes routes, bonnes douanes, bon service de sante ; mais elles avaient une alliee puis- sante que les autres ne pouvaient pas avoir : la tradition ; c’etait l’aneienne route, connue depuis longtemps. Et, a cote de la route par Brod, l’Autriche cherchait aussi d ameliorer la route par le Danube. C’est a cette derniere mesure que fait allusion aussi le conseiller aulique Schemerl, dans la brochure deja citee 5 ou, en soulignant qu’il fallait s’occuper des voies fluviales, il propose une serie de canaux destines a servir de nouvelles voies commercials. Plus grands cependant que les difficulties provenant des. Autrichiens etaient les inconvenients dus a la nature meme du pays : des montagnes, de mauvaises routes, des brigands, des voisins belliqueux, l’impuissance des autorites turques — « l’anar- chie feodale de Bosnie », comme disait David — enfin les menees inevitables des Anglais. B. Vucinic, le delegue serbe, qui demanda a Napoleon pendant deux ans — sans succes, d’ailleurs — du secours pour son pays, alors en insurrection contre la Turquie, enumere fort justement, 1 lb., 2 ex sept. 1811. 2 lb., 5 ex febr. 1812. 3 lb. 4 En dehors des mesures citees, on trouve encore aux ACIIV, Litorale Commerz 132, une foule d’autres mesures en faveur du commence austro-levantin par Brod, mais qui ne sont pas assez liees au transit illyrien pour qu’on en traite ici. 5 [J. v. Schemerl],^ Vorschldge zur Erleichterung und Erwciterung..., pp. 15-22. L* EXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 177 en bon connaisseur de la Turquie, ces obstacles, des le 28 de- cembre 1810 1 : les chemins n’etaient praticables que pour les chevaux et qu’en ete ; les voituriers, ne pouvant compter sur des charges de retour, $e font payer double ; sur la route Salonique- Skoplje-Sarajevo-Kostajnica il n’y a ni magasins, ni auberges, ni autres etablissements ; les brigands des montagnes, qui ne res- pectent ni le souverain, ni les consuls, attaquent les caravanes, la Porte repondra aux reclamants en arguant de son innocence et de son impuissance, et les negociants seront les victimes. Ici, Vuoinic n’exagerait pas, en depit de son arriere-pensee, qui etait de faire passer le commerce par la Serbie au lieu de le faire passer par la Bosnie. II developpa son plan en exposant que conquerir la Bosnie n’etait pas possible, mais qu’assurer l’inde- pendance de la Serbie, ce serait garantir la surete du commerce. Les marchandises iraient de Plllyrie, par eau, a Belgrade, de la. sur chariots, a Constantinople et a Salonique, et les marchandises levantines suivraient la route inverse. Ce serait la securite et une economie de 100 % sur les frais. La plupart des maisons de com¬ merce grecques, a Vienne, Zemun, Orsova, au Banat, en Tran- sylvanie, etc., etaient de cet avis. Elies preferaient de moindres benefices avec l’Autriche aux benefices plus grands avec l’lllyrie et l’ltalie, a cause des risques. Avant la revolution en Serbie, Belgrade servait d’entrepot a tout le commerce entre Turquie et Autriche. Cette idee, cependant, n’eut pas de suite, non plus que plusieurs autres projets de Vucinic concernant l’lllyrie. Par exemple, en fevrier 1810, il suggera que la paix avec la Serbie serait d’un grand avantage pour les Provinces Illyriennes, parce que bes- tiaux, chevres, pores, suif, cire, miel et ble pouvaient s’acheter & bien meilleur marche en Serbie qu’en Illyrie ; en mai, il demanda de pouvoir exporter d’Illyrie et d’ltalie le salpetre, le soufre, le plomb et autres articles pour les etablissements publics ; le ministre des affaires etrangeres fit un rapport le 27 juillet, et la demande fut renouvelee en janvier 1811. Mais tout resta sans succes 2 , Napoleon ne pensant pas a soutenir serieusement la lutte des Serbes pour leur independence. Un autre inconvenient etait que la concurrence entre les cara¬ vanes autrichiennes et fran^aises faisait augmenter tous les prix, inconvenient dont soulfrait egalement le transit autrichien ; 1 M. Gavrilovid, I.spisi iz pariskih arhiva (Extraits des archives parisiennes), n° 537. 2 lb., n°° 474, 494, 507, 543. Pivec-Stelfe 12 178 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES tous les chevaux etant employes aux transports, ceux-ci devinrent trop chers 1 . Le trajet par l’lllyrie suscitait des proces, principa- lement pour avaries des cargaisons de coton 2 . Puis il y avait les Anglais 3 . Ils s’etaient fait des partisans, en Bosnie, parmi les israelites de Sarajevo, en obtenant de la Porte la ratification de leur synagogue, et ils repandaient l’inquietude sur les variations des lois fiscales frangaises et des dispositions des douanes frangaises, de fagon a porter le commerce du cote de l’Autriche. David soupgonnait aussi les Anglais d’entente avec les Serbes et avec les brigands, pour attaquer les caravanes au defile de Zenica, a la frontiere orientale de Bosnie. Jusqu’en juin 1811, il regut des nouvelles de pillage de quatre caravanes de coton, ce qui n’etait pas arrive avant la guerre de Serbie. Il avait obtenu du pacha la formation d’un corps de 1.000 homines pour garder ce defile, mais les fonds furent empoches par les chefs : 12 horames restaient Id, qui se faisaient payer, puis disparais- saient. Et David ajoutait : « je reclamerai, le pacha renouvellera ses promesses et ses ordres et tout restera ». Deux caisses, appar- tenant au premier interprete frangais, furent enlevees dans une caravane pillee par les Serbes. David les reclama a Karadjordje, chef des Serbes, par l’intermediaire du consul autrichien. Karadjordje les possedait, mais refusa, avec des railleries, de les rendre. Cela confirma David dans son opinion que les Anglais avaient repandu en Serbie leurs guinees (a environ 27 francs) principalement pour faire echouer cette partie importante du systeme continental. David voyait des ennemis meme dans son propre camp. Le 22 juillet 1811, il ecrivit a Bertrand 4 de se defier des officiers et employes ci-devant autrichiens. Le retard de sa correspon- dance avec le consul Seguier lui faisait les soupgonner de l’ouvrir au profit de l’Autriche. Il se plaignit specialement du chef de bataillon Ivicic, commandant a Kostajnica, qui avait traite dure- ment l’agent du commerce ottoman Kostajnica, fonctionnaire plus frangais que turc, tres necessaire au commerce levantin, et demanda des sanctions severes. Le 30 novembre, il ecrivait 5 6 que la route commerciale n’etait pas tres sure, que les Serbes y fai- 1 /A., p. xi ; et V. Popovic, Trgot’ina i promet Bosne u Napoleonovo doba (Le commerce de la Bosnie a l’epoque napoleonienne), p. 89. 2 AGG, G, 781 ; ATL, tribunal de commerce f. 8. 3 M. Gavrilovic, lzpisi iz pariskili arhiva (Ex traits des archives parisiennes), n° 588. 1 /A., n° 593. 6 /A., n° 613. L EXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLY HIE 179 saient des irruptions, que les Albanais, qui se battaient entre eux, y commettaient aussi des desordres, et que les Bosniaques pro- htaient de ces troubles pour pillerles caravanes mal escortees. Les brigands etaient presque tous de religion grecque, et s’entendaient aisement avec les Serbes. Au printemps de 1812 x , plusieurs negociants de Sarajevo communiquerent que le commandant turc de Prijedor avait fait depaver le pont de l’Una pour empecher les caravanes de poursuivre leur route par terre vers Kostajnica, et les forcer a prendre la voie de la riviere, en assujettissant les marchandises a un droit de 7 piastres (a environ 1 fr. 40) par charge, droit qu’il percevait a son profit. Cela causait le double inconvenient de rendre plus difficile et plus dispendieux l’abord du lazaret ; le motif, c’etait l’avidite du commandant turc de Prijedor —- et peut-etre aussi sa complicite avec le commerce autrichien, quelques marchandises prenant, a partir de ce moment, la direc¬ tion de Brod. Chabrol ecrivit tout de suite au consul David, et donna ordre a Pingenieur des ponts et chaussees de se rendre sur place et de prendre les mesures necessaires pour la reparation. David se plaignit egalement des entraves des douanes turques, des droits arbitrages exiges des caravanes par les pachas, les beys, etc. Les capitulations exemptaient de ces peages, mais le pacha de Bosnie demanda un « firman » explicatif de ces capitu¬ lations, pour faire cesser les pretentions des beys. Collin de Sussy demanda, le 21 avril, a Maret de faire des representations a la Porte. Enfin, le 15 septembre 1813, David ecrit 1 2 que Klek etait devenu un des points de communication entre les Anglais et les Autrichiens. Ils y echangeaient un courrier tous les lundis. David avait propose de faire donner le commandement de cette place turque a un ami des Frangais, sans recevoir de response. Ainsi, et c’est presque tragique, c’est precisement David, qui s’etait si fort passionne pour 1’execution de l’idee de Napoleon, qui devait en voir, plus que les autres, les difficultes et la fin. Au printemps de 1813, la maison Fraissinet resolut de supprimer sa succursale a Sarajevo. David en demanda les motifs. La re¬ ponse 3 , extremement interessante, montra — ce qui semble etre une ironie et un paradoxe — qu’apres les Autrichiens et les Anglais les speculateurs frangais ainsi que les commissionnaires franco-illyriens contribuaient h la chute du transit levantin. Ce 1 AN, F IE , 61, n° 6, 13 mars 1812. AE, Autriche 55, Provinces Illyriennes, 2 M. Gavrilovic, Ispisi iz pariskih arhiva (Extraits des archives parisiennes). n° 734. 3 lb., n° 749. 180 LA ' VIE ECO.NOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES document instructif vaut la peine d’etre cite en detail, d’autant plus que la meme lettre est encore le ineilleur commentaire du fonctionnement du commerce par caravanes en Bosnie,— qu’ont dicrit egalement Fourcad: et de Camera 1 , — et un abrege de toute 1’histoire du transit franco-levantin dans ce pays. Jacques Fraissinet commen?a par dire que tout marchait bien, au debut ; il y avait de grands benefices, un commerce de confiance ; les voituriers recevaient les marchandises frangaises et les transportaient, sans jamais en voler. Cette exactitude et cette bonne foi etaient precieuses et engageaient les negociants frangais, qui avaient commence par petits essais, a faire de grandes operations en Bosnie. Mais les choses changerent. Le commerce anglais prit la meme route de Bosnie que le commerce frangais. Les denrees coloniales abondaient dans tous les ports turcs. La necessite de terminer vite leurs operations engagea les Anglais, ou plutot leurs agents, a choisir des voituriers, honnetes ou non. Les voituriers etaient eux-memes etonnes de la grande facilite qui existait pour voler les denrees coloniales. On pouvait voir vendre une oke (1 kg. 50) de cafe ou de sucre pour une oke d’orge. Le mauvais exemple encouragea les autres : il s’ensui- vit un pillage general. Le commerce anglais fut lui-meme effraye et choisit une autre route. Cependant, les voleurs restaient, et crurent pouvoir voler, avec la meme impunite, les marchandises frangaises, jusqu’alors meprisees comme ayant trop peu de va- leur. Le consul obtint une justice prompte et severe, quelques voituriers payerent largement ; d’autres, sans moyens, furent mis aux fers a Travnik ; ce terrible exemple devait couper le mal dans sa racine. Mais le bruit des vols etait arrive en France, et les negociants en coton, qui avaient des marchandises en route, epouvantes, ecrivirent immediatement, dans toutes les echelles du Levant, pour prescrire a leurs correspondants de faire passer toutes les marchandises en les consignant aux voituriers, et de rendre ces derniers responsables du manque. Les commissionnaires de Kostajnica, en recevant les plaintes de France, voulurent appor- ter, dans la verification des marchandises, une severite poussee jusqu’a l’exces, et qui finit par devenir de l’injustice. Ils voulaient que le coton gard&t, comme le fer, de Salonique h Kostajnica, le poids exact de la facture d’achat — ce qui etait absurde pour 1 St. Novakovid, Francuske sluzbene belcske o zapadno-balkanskim zemljaina iz 1806-1813 (Rapports frangais sur les pavs balkaniques occidentaux des a. 1806- 1813), pp. 129, 131, 138-144. ^’execution db blocus continental en illyrie 181 une marchandise comme le coton, sujette a des variations plus ou moins grandes, selon la saison du voyage. On persecutait les voituriers pour le manque de quelques okes de coton, on refusait le paiement du port, on les maltraitaii meme. Ces chicanes ser- vaient souvent a cacher le vide des caisses, qui empechait de solder les voituriers. Ces gens, en apparence si grossiers, en fait si adroits, s’en apercevaient les premiers. Ils revenaient a Sara¬ jevo, et tous les desagrements tombaient sur la maison Fraissi- net. File ne pouvait accorder les paiements reclames : c’eut ete une perte certaine, une depense sans remboursement. Les voitu¬ riers, alors, la crurent d’accord avec les commissionnaires de Kostajnica pour leur escroquer le prix de leurs fatigues. « N’allez pas chercher des marchandises a la maison Fraissinet, dit un voiturier, en pleine douane turque, parce qu’elle veut que ses cotons soient portes-a Kostajnica a nos frais ». Le nom de cette maison se trouva compromis par la faute d’autrui. Mais d’autres inconvenients encore venaient de ses compatriotes : on voulait la rendre responsable des vols faits par les voituriers. Le code fran§ais de commerce rendait le commissionnaire garant du voi¬ turier ; c’etait possible en France —• mais impossible en Bosnie. En France, le voiturier etait connu et, le cas echeant, poursuivi et puni ; en Bosnie, il etait a peine connu, et ne possedait rien la plupart du temps. Le negociant qui aurait voulu accorder une pareille garantie aurait du avoir une grande fortune k perdre — et qui eut ete vite perdue. Ces vols et leurs consequences etaient done un des principaux motifs qui engageaient a la liquidation de 1’etablissement. Un autre motif etait la resolution, prise depuis quelque temps par plusieurs maisons de Salonique, qui privait les etablissements de Sarajevo des benefices qui leur etaient dus et sans lesquels ils ne pouvaient exister. Depuis le retour de la belle saison, la plupart des maisons commercjantes de Salonique expediaient leurs marchan¬ dises directement de Salonique a Kostajnica, sans l’intermediaire des etablissements de Sarajevo, qui devenaient par la inutiles, et devaient se dissoudre ou tomber d’eux-memes. Une seule chose pouvait les retenir en Bosnie : c’etait la protection particuliere du consul. Grace h elle, les Fran§ais etaient en Bosnie ce qu’ils n’etaient plus dans aucune des echelles du Levant ; on respec- tait leurs droits. Jacques Fraissinet terminait en disant qu’il irait bientot visiter sa maison de Split et que, pour etre agreable au consul, il reflechirait encore a son projet d’abandonner entie- rement la Bosnie. Cependant la guerre..eclata ; David partit pour la France, et. 182 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES apres la paix maritime, le commerce frangais reprit les routes accoutumees ; en 1814, le consulat de Travnik fut supprime. La lettre de Fraissinet avait ete le glas du transit franco-illyro-levantin : les faits avaient intirme les calculs seduisants du memoire de Marmont. II est extremement difficile de porter un jugement definitif sur les resultats du transit franco-illyro-levantin — ou le coton avait la part du lion — particulierement a cause de sa courte duree et des documents incomplets. Nous citerons d’abord les statistiques officielles — qui sont favorables —, puis quelques opinions contemporaines et posterieures — presque toutes defa- vorables — pour donner ensuite notre impression. Les statistiques, au Telegraphe Officiel, dans les rapports de Chabrol et des consuls autrichiens, etc., sont tres incompletes, et n’apparaissent qu’assez tard. Au mois de decembre 1810, 180 to- vars (k 150 kg.) de coton transitaient de Travnik a Kostajnica, et 56 caisses et balles de diverses marchandises frangaises, de Kostajnica, par Travnik, a Sarajevo 1 . Du l er janvier au 30 juin 1811, etaient entrees, par Kostajnica, pour la France et l’ltalie, des marchandises turques et levan- tines : 2.179 balles du poids de 164.477 kg. valant 50.588 francs ; au mois de juin, 224 tovars (a 150 kg.) passaient de Sarajevo a Kostajnica, dont 154 de coton (pendant la meme epoque, 522 tovars de coton transitaient par Brod) ; du l er juillet au 31 aout, entraient, par Kostajnica, 6.805 balles du poids de 499.515 kg. valant 130.713 francs ; du 26 juillet au 16 aout, 528 tovars dont 19 de laine, 16 de cire, tous les autres de coton, transitaient par Kostajnica ; de Kostajnica a Sarajevo 63 tovars dont 3 de mercure, les autres de fruits 2 . En septembre, entraient: 772 balles contenant de la cire, des peaux de lievres, du cuir tanne, du poil de chameau et de chevre, et des tabacs en feuilles, pesant 54.059 kg., d’une valeur approximative de 141.181 francs, et 3.518 balles de coton non file, pesant 267.027 kg. et valant 616.512 francs; en tout 757.793 francs 3 . En octobre: 1.325 balles de cire, de peaux de lievres, de laine, de plumes d’autruches, de grains, de tabac en feuilles, pesant 92.666 kg. et valant 279.679 francs ; et 5.956 balles de coton non file, pesant 462.025 kg. et valant 1.066.772 francs ; en tout 1.346.451 francs 4 . 1 ACHV, Litorale Commerz 132, 5 ex martio 1811. 2 TO, 1811, 80. ACIIV, Litorale Commerz, 132, 8 ex julio 1811. 3 TO, 1811, 100. 4 lb., 104. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 183 En novembre : 4.967 balles dont 4.093 en coton brut, le reste en peaux de lievres, laine, plumes d’autruches, cuir tanne, poil de chameau et tabacs, pesant 3.827 quintaux de France et valant approximativement 995.566 francs h Le meme mois, on notait aussi qu’un negociant bosniaque, venu^avec des doutes, a Trieste, y vendit si avantageusement ses 50 balles de coton, qu’il envoya un expres a Sarajevo pour, faire venir 500 balles qu’il y avait laissees 2 . En decembre, transitaient : 4.815 caisses et balles dont 4.332 balles de coton brut, et en outre, de la cire, de la laine, des plumes d’autruches, du cuir tanne, de l’opium, du poil de cha¬ meau et des graines de coton, du poids de 3.879 quintaux et valant 1.017.668 francs. En depit de la mauvaise saison, il etait arrive en decembre plus de merchandises qu’en novembre 3 . Un « Etat recapitulatif de toutes les marchandises turques et levantines entrees par Kostajnica et expediees en transit, en 1811, pour la France et l’ltalie » 4 , porte les chiffres suivants : 1 TO, 1812, 5. 2 TO, 1811, 96. 3 TO, 1812, 13. 4 TO, 1812, 36. 184 LA VIE ECONO MIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES Si, pour l’annee 1811, nous sorames assez bien documentes, pour 1812 les statistiques deviennent plus rares. Chabrol envoya, en fevrier, l’etat du mouvement de Kostajnica pour janvier 1 . Les arrivages etaient moins forts que le mois precedent parce que, pendant cette saison de pluies et de froids, les caravanes se diri- geaient particulierement sur Split ; elles reprenaient la route par Kostajnica, en avril. Le mois suivant, Chabrol adressait l’etat des marchandises passees par Kostajnica en fevrier — qu’il trouvait remarquable pour la saison des pluies et des mauvaises routes — et l’etat de celles qui etaient passees par Split en janvier et fevrier 2 . Ces etats, cependant, ne sont pas conserves. Du l er au 15 fevrier, transitaient par Kostajnica 1.049 tovars (k 150 kg.), dont 8 avec marchandises inconnues, 35 de laine, les autres de coton 3 . A Sv. Kriz-Vratnik, pres de Senj, furent exportees en transit pour la France et I’ltalie, pendant le premier trimestre de 1812, 858 balles de coton et 40 balles de poil de chameau, valant 201.377 francs 4 5 . Et Collin de Sussy soumit, le 6 mai, a Napoleon, l’etat de mars pour Kostajnica et Split avec les chiffres suivants . Kostajnica : du Levant. . . 1.810 colis, 2.571 qx poids de France et d’ltalie . .. . 106 » 137 *4 » Split : du Levant... 30 » 15 » de France et d’ltalie.... 35 » 5.040 » II y avait une certaine diminution, k cause de l’alfaire de Prije- dor — deja citee — et k cause d’un faux bruit de peste, lance probablement par le commerce autrichien. Mais, k partir de cette epoque — hasard ou non — les statistiques au Telegraphe O/ficiel disparaissent, et, de meme, aux archives, il n’y a plus rien. Par contre, il y a les rapports du consul Paulic, qui donnent, pour 1812, le tableau suivant 6 du mouvement des m irch-mdises allant de Travnik a Kostajnica : 1 AN, F‘E, 61, n°. 6 (8 fevr. 1812). 2 lb. (13 mars). 3 ACFIV, Litorale Commerz, 132, 3 ex martio 1812. 1 TO, 1812, 30. 5 AN, AF IV , 1062, 3 e d„ pieces 18, 19, 20. 6 Tableau compose par V. Popovi<5, Trgovina i promet Bosne u Napoleonovo doba (Le commerce de la Bosnie a l’epoque napoleonienne), p. 91 : il montre specialement bien la difference des mois. bruts, 470.680 fr. de valeur approx, » 278.000 » » » » 460 » » » » 2.921 » » » l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 185 186 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES Nous pouvons done passer aux jugements portessurle transit. De jugements contemporains, il y a celui de Sismondi qui predit des 1810 le fiasco de cette nouvelle route cominer- ciale 1 . Apres les avis officiels du Moniteur, preconisant la nou¬ velle route, une circulaire du ministre de l’interieur avait ete envoyee aux chambres de commerce. La plupart ne reagirent pas ; celles de l’Ouest repondirent que cette mesure ne les tou- chait pas ; la seule chambre de Geneve adressa, le 27 novembre, a Montalivet une lettre tres ferme, ou elle examinait tous les arguments et les discutait. Elle declarait que ses renseignements particuliers contredisaient ceux du ministere. D’apres les nego- ciants de Trieste, la charge de cheval de Salonique h Trieste coutait 210 francs, mais les negociants de Salonique disaient qu’elle coutait 200 piastres turques ou 240 francs ; et puis, il y avait manque absolu de securite. Aussi, sur la route de Smyrne par Livourne et Genes, la plupart des batiments etait aux mains des Anglais, le reste sequestre, sous pretexte qu’ils avaient paye le droit de protection aux Anglais. Ensuite, la reponse critiquait toute la politique economique, parce qu’elle ruinait le commerce maritime de la France, creait, par les licences, des monopoles dangereux, decourageait les negociants honnetes, et favorisait les speculateurs sans scrupules. Enfin, elle accusait 1’instabilite des lois. Sismondi, alors secretaire de la chambre, etait l’auteur de cette lettre, et il regut des reproches ; mais les evenements de- vaient lui donner raison : e’est qu’il ne faisait pas « abstraction du temps et de l’espace ». Puis il y a le jugement du consul Paulic, du 14 avril 1812, disant que le transit l'rangais n’atteignit pas le transit autrichien ni quant au volume ni quant aux valeurs, et que sa balance etait passive 2 . Les jugements posterieurs ne sont guere plus favorables. P. Darmstiidter dit 3 que le succes pratique etait tres relatif, a cause de la longueur et de l’insecurite de la route ; il donne pour l’expor- tation via Kostajnica, en 1811, le chiffre de 2.600.000 francs ; pour 1812 celui de 3.700.000 francs. Ch. Schmidt constate 4 , en resumant les dilficultes — Serbes, Bulgares, Albanais ; vols, frais trop eleves, dilferentes taxes ; les pachas, la concurrence, la peste —-, que le commerce du Levant par cette route n’etait qu’un 1 Ch. Schmidt, Sismondi et le blocus continental, pp. 85-91. 2 V. Popovic, Trgovina i promet Bosne u Napoleonovo doba (Le commerce de la Bosnie a l’epoque napoleonienne), p. 89. 3 P. Darmstadter, Studien zur napoleonischen Wirtscha/tspolitik, II, p. 119. 4 Ch. Schmidt, Napoleon et les routes balkaniques, pp. 339-352. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 187 leurre ; la route la plus commode restait celle de Vidin-Orsova-Pest- Vienne. E. F. Heckscher conclut egalement 1 que les frais de trans¬ port elevaient le prix du coton du Levant qui, au surplus, etait encore de qualite inferieure. Napoleon lui-meme n’etait pas satisfait des etolfes grossieres faites avec ce coton, et envisagea l’idee de cultiver du coton a Naples. Quant aux auteurs nationaux 2 , tout en souli- gnant que le transit levantin apportait des avantages appreciates a l’lllyrie, ils n’omettent presque jamais d’ajouter que, malgre tout, ce n’etait pas un equivalent du commerce maritime perdu. Ayant suivi pas a pas le developpement franco-illyro-levan- tin, nous pouvons confirmer ces jugements et les completer par des details. Nous avons vu que, des propositions du memoire de Marmont, tout fut execute (a ceci pres que Kostajnica remplaga Lubica, et qu’on n’entend rien dire des nouveaux vice-consuls de Skoplje, Sarajevo et Banja Luka). Seul le succes fait defaut. D’apres les calculs du memoire, la nouvelle route etait, en theorie, sans doute plus avantageuse ; mais, dans la pratique, les desavan- tages surpassaient les avantages. Car, si on pouvait eliminer toute dilficulte douaniere, il y avait d’autres obstacles qu’on ne pouvait pas supprimer d’un trait de plume : la longueur de la route, le mauvais etat des chemins, l’insecurite causee par les brigands, les voisins belliqueux — Serbes et Albanais — et les Bosniaques- eux-memes ; l’impuissance des autorites turques, les droits arbi- traires des beys et pachas, la pratique du « bakchich » ; les frais augmentes par la concurrence, les propagandes autrichienne et anglaise, la peste ; enfin, les exigences deplacees des negociants frangais en coton et de leurs commissionnaires, dues a I’igno- rance de la situation reelle en Bosnie. Au contraire, le con¬ current, l’Autriche, avait pour lui l’avantage de la tradition, appreciable surtout dans un pays conservateur comme la Tur- quie d’alors, et pouvait prendre des mesures, en apparence simples, mais dictees par l’experience. 11 est caracteristique qu’en depit de toutes les mesures le com¬ merce, quoique « eclaire et guide », d’apres les mots de Napoleon, montra une grande meliance a 1’egard de cette nouvelle voie commer- ciale. Le commerce illyrien proprement dit y participait assez peu, soit par meliance, soit parce qu’a l’exception de Trieste et de Rijeka l’lllyrie ne possedait pas beaucoup de grandes maisons de commerce. Les noms qu’on rencontre dans le transit levantin 1 E. F. Heckscher, The Continental System, p. 276. 2 Aupres des autres, deja cites, encore D. Gruber, Stogodisnjica Napoleonooe llirije (Cenlenaire de l’lllyrie napoleonnienne), p. 587 ; et J. Mai, Zgodovina slooenskega naroda (Ilistoire de la nation Slovene), VII, pp 118-120. 188 LA VIE ECONO MIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES sont ceux de Frangais, de Grecs, d’Israelites, etc. Cependant, Trieste devait son entrepot reel aux marchandises frangaises, et son entrepot fictif aux marchandises levantines, ce qui permet de dire que le transit levantin ne servait pas seulement I’interet de la France, mais aussi celui de l’lllyrie. Les statistiques, quoique partielles, incompletes et mfime eon- tradictoires *, ont ete neanmoins citees, pour donner une idee des quantites dont il s’agissait. Si la France avait annuellement besoin de 50 k 60.000 balles de coton, et si, en 1811, on importait par Kostajnica 25.000 balles, il en resulte que cette annee k peu pres la moitie des quantites necessaires etait fournie par le transit illyro-levantin ; avec cela Concorde l’assertion que, sur les besoins frangais annuels de 35.000 quintaux, Naples fournissait les trois septiemes. Il est regrettable que nous n’ayons de ces donnees a peu pres completes que pour 1811. A partir des pre¬ miers mois de 1812, les statistiques disparaissent ; est-ce parce que la guerre de Russie remplissait les colonnes, ou parce que les resultats desappointaient ? Nous avons vu que, vers la fin, on abandonna la direction de Kostajnica, par terre, qui etait trop chere, et qu’on rechercha la route fluviale de la Save, par Sisak. Nous savons egalement que Napoleon fut meme mecontent de la qualite du coton levantin. Il est sur que les difficultes s’accumu- lerent vers la fin de ce regime. Et si une piece isolee, celle de juin 1811, qui compte 150 charges pour Kostajnica, et 500 pour Brod, pouvait etre generalisee, il faudrait encore dire que le com¬ merce levantin, par l’lllyrie, resta toujours inferieur au transit par l’Autriche, et cela des deux tiers. Il n’est pas possible de dire comment ce courant commercial se serait developpe, si l’lllyrie avait existe plus de 4 ans, et si la guerre maritime avait egalement dure plus longtemps. Ce qui est sur, c’est qu’il disparut tout de suite avec la guerre maritime, se revelant ainsi clairement comme un expedient artificiel, issu du blocus.continental. L’idee de Napoleon a done atteint un succes relatif, ephemere, mais assez considerable, quoique neanmoins il ne put compenser, pour l’lllyrie, la perte du commerce maritime dont nous alio ns nous occuper maintenant. 1 J. P. Jovanovic, Napoleon i Jugosloveni (Napoleon et les Yougoslaves), inclique (p. 124) : pour 1811, 60.000, et, pour 1812, 200.000 balles de coton. Paulid, dans son rapport cite plus haut, indique 10.000 tovars allant a Kostajnica, et 500 tovars venant de Kostajnica. L EXECUTION M BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 189 6. La navigation et la contrebande. Si nous reunissons dans un meme chapitre la navigation et la contrebande, ce ri’est pas que la contrebande ne se fit aussi par terre — en Illyrie elle se faisait et par terre et par mer — ■, mais parce que le the&tre le plus important en etait le littoral. A quiconque regarde la carte d’Illyrie la pensee s’impose que ces provinces sont un pays predestine pour la navigation, et c’etait la en elfet, une de leurs principales ressources. Les decrets frangais et anglais de 1806 et 1807, auxquels l’Autriche avait adhere en 1808, quoiqu’ils ne fussent pas executes avec toute la rigueur possible,, genaient deja cette navigation : leur exe¬ cution integrale, depuis la paix de Vienne, devait etre pour elle un coup mortel. II n’est done pas etonnant que la navigation legale ne tint qu’une faible place dans la vie de 1’Illyrie, tandis que la naviga¬ tion illegale en tenait une importante. La navigation de grande envergure etait exclue a priori par le systeme continental ; mais nieme celle que le gouvernement autorisait et encourageait n’eut pas de chance : la part prise par 1’Illyrie a la navigation licenciee etait peu considerable, et le developpement du cabotage, que la marine illyrierme, trop faible, ne suffisait pas a proteger, etait menace par la llotte anglaise et par d’autres adversaires. Au con- traire, la contrebande pouvait se developper amplement sous la protection de la marine anglaise, tandis que la marine illyrienne ne parvint qu’k des succes modest'es dans cette guerre inegale. Hans cette lutte dans l’Adriatique, Faction militaire et Faction commerciale sont si intimement melees qu’il est presque impos¬ sible de les separer. Disons done d’abord un mot sur les moyens dont disposait le gouvernement illyrien pour la protection de sa navigation et pour la poursuite de la contrebande, e’est-a-dire sur la formation de la marine illyrienne. a. — La marine illyrienne. Pour proteger la navigation illyrienne. et la longue cote illy¬ rienne, et pour empecher efficacement la contrebande, le gouver¬ nement aurait eu besoin d’une forte marine. Mais la marine illyrienne partageait le sort de la marine frangaise de cette epoque. Neanmoins, on ne saurait dire qu’on ne se soit pas occupe d’elle non plus que des fortifications maritimes. Quatre officiers de la marine frangaise, Epron, le Tellier, le 190 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES Conte et Pouyer, formant une commission, prescrite par le decret du 8 mars 1810, inspecterent pendant 4 mois les cotes illyriennes de Gradez a Budva. Dans leur rapport, date du 4 aout L ils expo- saient que les points principaux etaient Trieste, llovinj, Rijeka, Zadar, Split et Dubrovnik, les points secondaires Koper, Piran, Porec, Cres, Losinj Veli, Losinj Mali, Sibenik, Trogir, Novigrad et Kotor. La population maritime comptait 9.817 marins au long cours et au cabotage, 8.031 pecheurs, 1.283 ouvriers des professions maritimes, en tout 19.131 hommes. II y avait 1.700 navires de com¬ merce, de toute grandeur, pour le long cours et le grand cabotage, et 2.000 barques de peche, en tout 3.700 navires et barques. La cote fourmillait d’excellents ports et baies — il n’y avait que l’embarras du choix. Pula et Dubrovnik etaient les emplacements les plus favorables pour un arsenal. Le commerce maritime avait ete considerable et pouvait l’etre encore. Trieste, a elle seule, faisait, en 1810, 20 millions d’importations et autant d’exporta- tions, et Rijeka etait egalement importante. Cependant, il y avait environ 230 batiments de commerce inactifs dans les ports, les circonstances s’opposant a ce que ceux d’une grande capacite se livrassent a la navigation. Les forces navales etaient alors composees de : 1 demi-galere, 7 canonnieres, 2 caiques, 20 canonnieres italiennes, VEka, Le¬ gate de 40 canons, et le Simplon, brick de 16 caronades. Les ports de guerre etaient Trieste, Kraljevica, Zadar, Split, Dubrov¬ nik et Kotor. Quant aux etablisseinents maritimes, il y en avait quelques-uns, qui n’offraient pas de grandes ressources, mais qui etaient utiles a la marine illyrienne : a Trieste, le lazaret neuf et 14 magasins ; a Kraljevica, 2 cales de construction, bonnes pour des Legates ; les autres ports n’avaient que quelques inaga- sins de faible importance. La commission proposa la creation cl’un arrondissement maritime avec Trieste comme chef-lieu, non a cause de la situation topographique, mais parce que, lk seulement, on trouvait les ressources necessaires aux armements et aux communications avec PItalic, l’Allemagne et Ljubljana. Comme suite a ce rapport, le decret du 24 janvier 1811 1 2 decida que l’lllyrie ne formerait qu’un seul arrondissement maritime. Aupa- ravant deja, le decret du 13 septembre 1810, ordonnant la levee en Illyrie de 400 hommes pour la marine de la Mediterranee, avait ete execute par arrete du 29 octobre 3 . Le decret organique du 1 AN, AF IV , 1713, 6 e d., p. 37. Voir, pour tout ce qui suit, la carte I. 2 AN, AF‘V, pi. 4027, 65. 1 TO, 1810, 10. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 191 15 avril 1811 ne renfermait, dans ses articles 265-270, que des dispositions administratives ; Particle 265 ordonnait l’organisa- tion de la marine conformement aux decrets existants. Des deux decrets du 16 aout 1 , l’un etablit l’inscription maritime dans les Provinces Illyriennes, Pautre attribua au budget de la marine, pour 1811, un supplement de credits de 340.000 francs. Le decret du 3 janvier 1812 2 autorisa l’importation de la pozzolane (ciment) necessaire a la marine illyrienne ; nous avons deja parle, a l’occa- sion de l’administration forestiere, des mesures prises en faveur de la marine quant aux bois. Cette annee-la on voulait organiser l’inscription maritime, mais les evenements empecherent la chose ; le decret ne fut done pas execute 3 . - De fait, la marine illyrienne se formait au fur et a mesure, et son etat varia chaque annee, sans qu’elle s’accrut sensiblement. Elle se composait de batiments donnes par les marines frangaise et italienne, cedes par la Russie 4 , ou de provenance analogue. Marmont disait, pour le second semestre de 1810 5 , que la marine illyrienne etait encore peu considerable : 1 fregate, 1 cor¬ vette, 1 demi-galere, 7 canonnieres, 9 peniches et 1 felouque etaient en service, en station a Trieste, Pula, Dubrovnik et Sucurac. Une corvette s’armait, qui serait a Pula; un brick, cede par l’lta- lie, serait a Losinj. Mais toute la longue cote dalmate etait alors confiee a la division italienne, trop faible pour la proteger ; d’autres batiments etaient done necessaires"' de Zadar a Kotor. Les travaux de fortification de l’annee n’avaient pas ete impor- tants : les cotes de l’lstrie etaient garnies de 10 batteries ; 70 pieces de canons avaient ete mises en batterie a Pula ; Rijeka, Krk, Rab, Kraljevica, Senj, Sv. Juraj, Bag avaient ete armes ; une batterie avait ete construite a Privlaka ; des batteries exis- taient h Sibenik, Trogir, Split, Uvar, Makarska, Korcula, au canal de Ston et a l’entree de Kotor. On devait rearmer les batte¬ ries de Dubrovnik et en construire d’autres a Rogoznica et a Piograd. Le l er mars 1811,1’etat de la marine illyrienne etait le suivant 6 : En service : le Simplon, brick ; 1’ Entreprise, demi-galere ; VEli¬ sabeth, goelette ; les numeros 2, 5, 7, 8, 10, 11, 12, 14, 15, canon- 1 AN, AF‘V pi. 4531, 72, 73. 2 AN, AF IT , pi. 4863, 40. 3 P. Pisani, La Dalmatie, p. 397. 4 P. Pisani, La Dalmatie,- p. 407 ; J. Lowenthal, Geschichte der Stadt Triest, II, p. 94. 5 AN, F'E, 61, n°. 2 (16 oct. 1810). 6 A'HG (p. 81 de l’inventaire sommaire). 192 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES nieres ; la Tisiphone et la Mora, felouques ; le n° 6, chaloupe ; les n os 1, 2, 3, 5, 6, caiques. Desarmes al’arsenal de Trieste : le Legkoi, fregate ; le Diomede, transport ; les n os 3, 4, 9, canonnieres. En reparation : le Morlaque, bateau ; les n os 1, 6, canonnieres. En 1813, les forces navales illyriennes etaient encore reduites a 27 batiments : 7 canonnieres, 12 peniches, 2 caiques, 1 chaloupe, 1 felouque, et 4 autres petits bateaux desarmes ; les unites plus grandes avaient completement disparu L Nouvel, capitaine de fregate, devenu, le 19 mai 1811, capitaine de vaisseau, etait chef superieur du service naval en Illyrie, Levasseur commandait la flottille de Zadar, Lachadenede celle d’Albanie. La commission de la marine se trouvait a Trieste, Lelong y etait commissaire, Arbaut sous-commissaire, a Split. Cependant le vice-amiral, comte Deeres, alors ministre de la marine, ne pouvait pas etre tres satisfait des forces de la marine illyrienne. Avec raison, Marmont aimait mieux, pour la protection des cotes illyriennes, se reposer sur les gardes nationales dont il regia le service, par arrete du 17 fevrier 1810 pour la Dalmatie, et par arrOte du 17 mars 1810 pour l’lstrie 1 2 . Le decret du 15 avril 1811, article 263, confirma ces deux arretes. Marmont se vante dans ses Memoires 3 d’avoir eu ainsi, a sa disposition, de Trieste a Kotor, 10.000 hommes, qui ne coutaient presque rien h l’Etat, prets a la defense des cotes. En effet, lors de la plupart des attaques anglaises, ce furent les gardes nationales qui entrerent en action, deployant les solides qualites innees de leur race. C’est peut- etre en reconnaissance de leur importance que Junot, par arrete du 12 juin 1813 4 , decida que les troupes des gardes nationales, en service plus de 24 heures hors de leur commune, recevraient une ration de pain, et, pour plus de 3 jours, une ration de pain et la solde des troupes de ligne. Les gardes nationales et les batteries des ports etaient done des facteurs plus el'ficaces dans la guerre maritime que la marine — extremement faible —. Pourtant cette marine aurait pu trouver en Illyrie des ressources excellentes en materiaux et en hommes,. — et il y eut, en effet, plusieurs essais pour utiliser ces ressources. Marmont, dans un rapport a Napoleon, du 12 juillet 1810, 5 dit qu’il avait deja demande h la commission de la marine, h Trieste, 1 AHG, 10/6 (Fouche, 7 aout 1813). 2 AHG, 1950, E 14, 32. 3 Memoires , III, pp. 368-369. 4 TO, 1813, 52. 5 AHG, 10/4. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 193 un rapport sur l’execution de la volonte de l’Empereur, relative h Farmement d’un des vaisseaux russes et d’une fregate ; mais il y avait alors manque de tout & Trieste. Marmont adressa egalement, le 18 aout, a Clarke, une enumeration de ce que l’lllyrie pouvait oll'rir a la marine 1 : bois de construction et de mature, goudron, main-d’ceuvre, charbon de terre, cuivre, plomb, etain, fer, fer blanc, suif, bouches a feu, armes et projectiles, charpentiers et calfats. Mais, une annee plus tard nous trouvons encore k peu pres la meme situation. Le 15 juillet 1811, Napoleon demanda k Ber¬ trand 2 si on pouvait faire construire k Trieste un vaisseau de 80 canons et une fregate, et s’il trouverait a traiter, pour la coque de ces batiments, avec des negociants du pays et par douziemes. C’eut ete un vaisseau de plus, le fer et le cuivre du pays utilises, et du travail pour le pays, ou il n’y en avait guere. Et il lui ecrivit encore deux fois, en aout, a ce sujet 3 . Ber¬ trand repondit, le 30 septembre 4 * , que l’ingenieur constructeur, envoye par Eugene pour examiner I’arsenal de Trieste, ne dou- tait point qu’il ne fut facile d’y construire des vaisseaux. Les cales de Trieste avaient plus d’espace que celles de Venise, et on pouvait aisement creuser le port pour avoir les 6 pieds (a 0 m. 325) de profondeur necessaires. Les bois de la Croatie ne coutaient a Rijeka que 3 francs, a Trieste 4 francs; ancres, cordages, etc., venaient de l’ltalie. L’arsenal etait plus commode que celui de Venise, mais il fallait construire le quai et les cales. An mois de juillet suivant, les vaisseaux pourraient etre mis en construction ; l’ingenieur allait rediger les bases du marche. Napoleon ecrivit de nouveau deux fois, en octobre, de faire construire a Trieste un vaisseau et deux fregates 6 . Le 4 no- vembre, Bertrand repondit 6 qu’il avait deja envoye 2.000 francs a Trieste pour commencer la construction des cales, des deux fre¬ gates, et qu’il avait aussi demande un ingenieur constructeur au ministre de la marine. Mais aucun negociant ne s’etait pre¬ sente pour passer un marche ; Adamic, l’entrepreneur du sel, le seul qui put se charger d’une telle entreprise — nous parlerons plus tard de ce personnage — etait alors absent de l’lllyrie. Le 22 novembre, il y eut encore un avis aux negociants pour la cons¬ truction d’un vaisseau de 74, et de 2 fregates de 44 et 18 canons 7 . 1 BMC II. 2 Correspondance, XXII, n°. 17922. 3 lb., n 08 18054, 18077. 1 AN, AFtv, 1713, 6 e d„ p. GO. 6 Correspondance, XXII, n 08 18172, 18209. 6 AN, AF IY , 1713, 6 e d. 7 G. Mainati, Chroniche..., VI, p. 75. Pivec-Slelii 13 194 LA VIE EC0N0MIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES Enfin, le 12 decembre, Napoleon conclut 1 qu’on deciderait, au budget de 1812, s’il convenait de construire des vaisseaux. II n’en fut rien, cependant, et ainsi on ne parvint jamais a faire grand’chose. Au fond, c’etaient les inauvaises finances, pour le gouvernement, comme pour les entrepreneurs, qui empechaient un developpement quelconque de la marine en Illyrie. II semble aussi qu’il n’etait pas toujours facile de se procurer les ouvriers necessaires 2 . Le 24 aout 1811, Baselli demanda au maire de Ljubljana d’envoyer, pour la marine, a Trieste, 6 charpen- tiers, 2 menuisiers, 2 serruriers et d’autres ouvriers. A la circu- laire de la municipality, les chefs des diverses corporations repon- dirent qu’ils ne pouvaient pas se passer d’ouvriers. De la Mous- saye renouvela la demande, le 8 octobre, disant que, si les gens ne se presentaient pas de bonne volonte, ils seraient designes par ordre,— sur quoi le maire, Codelli, envoya, le 14, la liste des noms. Le meme jeu se renouvela en fevrier et en mars 1812. Mais ce qu’il y avait de plus precieux pour la marine, c’etaient, en Illyrie, sans aucun doute, les habitants du littoral, inarms nes excellents. II n’est pas etonnant de les rencontrer aussi a cette epoque dans les marines etrangeres, italienne et anglaise, vu leurs qualites reconnues et le chomage de la navigation en Illyrie. En novembre 1812, le chef superieur de la marine illyrienne se plaignait de ce que l’ltalie employat sur ses bailments de com¬ merce des marins illyriens qui n’avaient pas obtenu de permis¬ sion de leur commissaire maritime, et que l’ltalie employait sous pretexte qu’ils etaient domicilies en Italie. De cette fagon, beaucoup de marins pouvaient se soustraire a l’autorite des com- missaires de la marine. 11 desirait que 1’Italie admit les regies sui- vantes : 1° si un matelot ne niait pas sa qualite de rnariii illyrien, ne pas le recevoir sans permis, pour voyage de commerce, et s’il n’avait pas de permis, le rendre, sur la reclamation qui en serait faite ; 2° si le matelot se pretendait naturalise Italien, l’admettre seulement apres en avoir averti le gouvernement Illyrien ; s’il etait reconnu Italien, il serait raye de l’inscription maritime en Illyrie ; s’il etait Illyrien, le renvoyer en Illyrie. A ce sujet, le ministre de la marine demanda la decision de Napoleon, qui n’a pas ete conservee 3 . Pour les Illyriens en service dans la marine anglaise, un projet de decret fut redige le 7 juin 1812 4 , mais ajourne : Tout Illyrien, 1 Correspon dance, XXII, n° 18322. 2 AML, 27, n os 27, 4 ; 6, n° 8. 3 AE, Autriche, 55 (Provinces Illyriennes), 308 (13 novembre 1812(. 4 AN, AF IV , 1305, pieces 158, 159. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 195 pns a l’avenir les armes a la main et au service d’une puissance ennemie, sera juge et puni comme rebelle. Les soldats et les mate- lots illyriens, actuellement au service d’une puissance ennemie, qui rentreront dans les delais ci-apres fixes, seront, s’ils le de- mandent, immediatement reemployes dans nos armees de terre ou de mer. Ces delais seront de 4 mois pour les soldats et matelots actuellement en Europe, et de 6 mois pour ceux qui sont en dehors de l’Europe et en dega du cap de Ilonne-Esperance. L’effet de ces dispositions aurait du etre d’enlever aux Anglais 6.000 ma¬ telots illyriens, alors a leur service. Le 10 fevrier 1813 encore, Vucinic faisait observer 1 que les Anglais engageaient, par de hautes payes, les marins illyriens a prendre service chez eux, ce qui faisait perdre a la marine frangaise d’excellents matelots. Mais d semble que, la aussi, rien de serieux n’ait ete fait pour empecher ces abus — ou, pour mieux dire, que rien n’ait pu etre fait. II est a noter que le projet cite n’etait pas tres severe : i! paraissait parler plutot d’invitation au retour que de repression. On peut bien dire que la marine illyrienne etait inactive, aussi bien au point de vue militaire, que — par sa faiblesse meme — au point de vue economique, puisqu’elle n’employa pas les riches ressources en bois, rnetaux, etc. et ne procura pas de travail au pays, qui en aurait eu tant besoin. b. La navigation. Ce n’est pas par hasard qu’en inatiere maritime I’lllyrie eut moms de decrets speciaux, mais qu’en general on se contenta de completer des decrets deja existants. II y eut d’abord quelques mesures generales. L’arrete, deja cite, du 10 mars 1810, appliqua l’article 5 du decret italien du 9 mars 1809, permettant aux na- vires d’introduire librement munitions, bois de teinture, sel et marchandises levantines en Illyrie ; mais la, sous certificat d’origine. Le Tarif, egalement deja inentionne, des droits de navi¬ gation, d’apres le decret du 27 vendemiaire an II, annexe au decret du 27 novembre 1810, etait une simple extension des deci¬ sions relatives aux droits de francisation, de tonnage, d’expedi- tion, d’acquits, de perrnis et de certificats, sans derogations spe- ciales pour 1’Illyrie. L’article 266 du decret organique du 15 avril 1811 declara que les navires constructs en Illyrie et reconnus a ce titre par l’administration de la marine et par celle des douanes, 1 M. Gavrilovid, Ispisi iz pariskih arhiva (Exlrails des archives parisiennes), n° 674. 19(3 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES seraient nationalises, meme s’ils avaient navigue pendant quelque temps, sous un autre pavilion. Le 27 juin, le decret 1 declarant applicables a l’ltalie les reglements des douanes frangaises rela- tifs aux entrepots portait a l’article 6 que les batiments frangais et illyriens ne paieraient dans les ports italiens que la moitie des droits imposes aux batiments etrangers, et vice-versa. Les pres¬ criptions de l’arrcte du 6 avril 1812 sur le service sanitaire, concer- nant les vaisseaux venus de ports plus ou moins suspects, ont dejk ete citees. L’lllyrie fut l’objet de quelques mesures speciales pour la navi¬ gation licenciee et pour le cabotage. Napoleon decida, le 25 oc- tobre 1810, d’accorder aux Provinces Illyriennes des licences simples. Montalivet adressa done, le 26 mars 1811, 132 exem- plaires au ministre secretaire d’Etat, pour les soumettre k la signature et les envoyer directement au gouverneur general 2 . Mais il semble que ces 132 licences n’aient pas ete signees et en- voyees. Le decret general du 31 decembre 1810 3 decida que les batiments illyriens, napolitains et ottomans expedies dans les ports frangais de la Mediterranee a la faveur de licences devaient, a leur retour, prendre jusqu’a concurrence de moitie de la valeur de leur chargement des etoffes de soie des fabriques frangaises. Les vaisseaux frangais de la Mediterranee etaient soumis a la meme condition. Les batiments americains et ceux des villes hanseatiques devaient avoir, en soieries, un tiers de leur chargement d’expor¬ tation. La decision que les batiments illyriens, ottomans et na¬ politains devaient prendre la moitie du chargement en soies, et non en vins, etait prise a cause des musulmans, auxquels le vin est interdit 4 . Parmi les petitions — dejk citees — du commerce de Trieste, adressees le 18 janvier 1811 a Marmont, l’une de- mandait d’obtenir des licences speciales, au meme titre que celles que Napoleon avait accordees a divers ports. Marmont, en en- vovant la demande k Gaudin, ajoutait que ce serait une grande faveur qui permettrait a Trieste de rappeler ses matelots qui, forces par le besoin, avaient quitte leur pays. Enfin, la circulaire du ministre des manufactures et du commerce, du 23 mars 1812 5 , relative a l’importation du riz par navires munis de licences, et aux formalites a remplir pour que ce riz soit tout de suite livre k la consommation, meme s’il y avait irregularite dans les expedi¬ tions, fut executee par Dizie. 1 TO, 1811, 57 (AN, AF>v, pi. 4425, 59). 2 AN, AF' T , 1713, 7 e d„ p. 2. 3 TO, 1811, 11. 1 F. E. Melvin, Napoleon’s Navigation System, p. 261. 6 AN, F 12 , 2081, 18 mai 1812. ‘ l’eXECUTION DU BI.OCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 197 Avant de dire dans quelle mesure le commerce illyrien profi- tait de ces faveurs, il faut constater que, malheureusement, les do¬ cuments disponibles ne semblent pas donner la somme exacte des licences illyriennes. II n’y a que, par-ci, par-la, quelques indications qui, neanmoins, permettent d’apercevoir la ligne ge- nerale, qui allait de la severite, au debut, a l’envoi de licences en blanc, a la fin. Napoleon n’en donna, pour l’lllyrie, au debut, que pour l’exportation du mercure et pour l’importation du sel — dont nous parlerons plus tard —, et ne devint plus large que vers la fin ; les negociants illyriens en demanderent plutot pour les marchandises de transit que pour les objets de consum¬ mation. Marmont sollicita une autorisation speciale pour un batiment a Corfou !. Le gouverneur de Corfou avait eu besoin d’outils et de materiaux du genie. Marmont lui expedia ceux qui etaient dis¬ ponibles en Illyrie ; mais il n’avait pu parvenir a freter un bati¬ ment qu’en prenant l’engagement de solliciter l’admission, en retour, d’une cargaison d’huile et de raisins secs, sous la condi¬ tion que le chargement serait fait a Corfou et accompagne d’un cer- tificat d’origine signe par le gouverneur. Comme les batiments pourvus de licences etaient les seuls autorises a faire des importa¬ tions, cette cargaison ne pouvait etre admise qu’en vertu d’une autorisation speciale que Napoleon accorda, -par decret du 5 avril 1811. Napoleon ecrivit aussi, le 15 juillet, a Bertrand 1 2 , de visiter, a Trieste, les magasins de mercure et de lui faire connaitre si, en donnant des licences, il trouverait a vendre ce produit et a l’ex- porter. En decembre, la maison de commerce Paximadi, k Trieste, de- manda une licence — valable pour 6 mois, payable 40 napoleons (a 20 francs)—-pour pouvoir introduire a Trieste ou a Rijeka un chargement compose de medicaments, huile de poisson et cuirs en poil, pour un tiers de sa valeur, et, pour deux tiers, de fruits secs de la Moree, cafe arabe, moka pur sans aucun melange de cafe des colonies, coton et autres denrees et marchandises du Le¬ vant et de la Barbarie, a l’exception des sucres et des indigos. Cette maison s’engageait a exporter un chargement compose de 200 quintaux (k 56 kg.) de mercure et produits mercuriels, anti- moine, bismuth, litharge, manganese, plorrib, zinc, cobalt et autres minerals, fers de toutes sortes e-t ouvrages en fer, toiles de lin, de chanvre et de crin, noix de Galles, sumac, miel, suif, mer- 1 AN, AF-v, pi. 4218, 70. 2 Correspondance, XXII, n° 17922. 198 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES IUYRIENNES rains, baies et feuilles de laurier, soie, avoine, orge, liqueurs et tout autre produit frangais ou illyrien dont la sortie n’etait pas prohibee. Mais Napoleon ne signa pas le projet de licence, parce qu’on ne devait permettre que par Venise l’exportation des inerrains et autres objets pouvant servir a la marine 1 . Le 2 mars 1812, Dizie adressa au ministere des manufactures et du commerce la demande de licence de Pierre Sartorio, negociant a Trieste, pour son brigantin le Cenlaure. Celui-ci s’engageait a expedier les deux tiers du chargement en produits illyriens, fran¬ gais et italiens, et un tiers en marchandises etrangeres prises & l’en- trepot de Trieste, et demandaitla permission d’importer des raisins de Corinthe, des fruits frais et secs, des amandes, pistaches, ecorces d’oranges et citrons, eponges, anchois, noix de Galles, de la morue, et de pouvoir, au retour, livrer ces marchandises a la con- sommation, ou les mettre en entrepot avec faculte de transit, parce que Tlllyrie, presque sans fabriques, ne pourrait les consommer. La demande fut inscrite, mais le ministre avertit Dizie, le 27 mars, qu’il fallait faire envoyer les demandes de licence par l’intendant neral. Le 3 mars, Chabrol accusa reception de la licence destinee Vntono Palo, negociant de Trieste, mais demanda d’envover licences — dont l’objet etait parfois urgent — par estafette, le courrier ordinaire subissant souvent d’assez longs retards dans ces provinces ; Collin de Sussy accorda la permission le 24 mai 2 . II soumit k Napoleon, probablement encore en 1812, les licences destinees k Ilambourg, et en ineine temps 5 licences reservees pour l’lllyrie 3 . Le mercure appartenant au domaine et alors dis- ponible etait de 840.000 livres(aOkg. 56), ce qui faisait pour cha- curie des 5 licences, un chargement de 170.000 livres (aO kg. 56) environ. Chaque navire aurait la faculte d’entrer indistinctement dans les ports de Trieste ou de Rijeka. L’armateur pourrait im¬ porter la valeur des mercures exportes, en sucres bruts, cafes, cacao, cuivre, poivre, the, indigo, bois de teinture et medicaments. Les produits du pays autres que le mercure, charges a bord des batiments, ne donneraient droit a aucune importation. Le 4 janvier 1813, une licence fut accordge k Gaetano Anastasio, negociant a Trieste, pour le navire la Bontc'i. Le 29 du meme mois, Chabrol regut 25 licences en blanc. II en donna communication au directeur des douanes et au consul frangais, k Trieste, pour en prevenir les commergants, et les invita kagreer les demandes qui 1 AN, F 12 , 2081, 27 decembre 1811. 2 AN, F 12 , 2081. 3 AN, AF IV , 1062, 3 e d. (sans date). L*EXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 190 pourraient litre faites. Quatre licences furent accordees, le 14 mai, aux negociants de Trieste : J. Labrosse, Fr. Puglio, J. de Crampagna et Charles Reisden. Le 15 juillet, furent donnees 3 licences, d Poly- carpe Berquier, a Marc Rabovic et aux freres Dabovic, tous nego¬ ciants a Trieste. Le prix de chacune de ces licences etait de 40 na¬ poleons (a 20 francs) L Ce furent probablement les dernieres accor¬ dees a I’lllyrie. Parmi les 1.744 licences accordees en 1813, il y en avait 890 classees coinme licences diverses, et parmi celles-ci Melvin en compte 10 pour 1’IUyrie 1 2 , ce qui n’est pas precise- ment un chiffre imposant. La navigation avec licences, en Illyrie, etait done assez insi- gnifiante. Plus important, au moins en nombre, etait le cabotage, qui regut plusieurs facilites. Le decret general du 25 juillet 1810 avait defendu l’entree d’un navirc de France, sans licence, dans un port etranger ; mais le decret du 2 janvier 1811 permettait l’exportation des grains d’Illyrie en Italie et le transit de ceux de Flongrie ; en consequence, le decret du 10 avril autorisa le cabotage entre P Illyrie e t 1’Italie, contre acquit-a caution. C’etait Marmont qui avait obtenu a Paris, dans les negociations relatives a la nouvelle orga¬ nisation de PIllyrie, cette participation, interdite jusqu’alors 3 . L’article 175 du decret organique du 15 avril precise que les barques et batiments, allant d’Illyrie en Italie, et reciproque- ment, seront regus comme s’ils appartenaient a des nationaux et n’acquitteront que le droit de navigation etabli en Italie. Parmi les desiderata du commerce illyrien, nous avons deja remarque la demande de favoriser le petit cabotage par la permission de la decharge partielle ou totale des acquits-a-caution dans tous les ports ou il y avait une douane ; nous avons vu que la permission de decharge partielle fut donnee en aout 1811. Les petits cabo- teurs, qui portaient fruits et legumes de Venise a I rieste, avaient obtenu une diminution des droits. Le 9 janvier 1812, Bertrand demanda la meme faveur pour les caboteurs napolitains au- dessous de 10 tonneaux, portant de Barlette, en 24 heures, les legumes a Dubrovnik, avec un chargement d’environ 150 fr. L’approvisionnement de Dubrovnik par 1 Illyrie aurait ete trop cher 4 cause de la grande distance, et se faisait inieux ainsi ; mais ici le droit de navigation et de tonnage s elevait a environ 50 francs, ce qui excedait les benefices de ce cabotage et le rendait 1 AN, F 12 , 2081, 1 cr fevrier, 7 fevrier, 14 juin, 18 aout 1813. F. E. Melvin, Napoleon's Navigation System, p. 343. 3 AN, AFiv, p|. 4312, 13. A. Dimit/., Geschichte Krains..., IV, p. 328. Mouvement des batiments dans les ports d’illyrie. 200 LA VIE ECONO M19 U E DES PROVINCES ILLYRIENNES l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 201 Mouvement des batiments dans les ports d’illyrie. ( suite ) 202 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES Lj; 5 : a ^ ■ " n ■ ; a o w 0 ' m r--j.cn.-, cl -jr 1 3 O 3.5 S ® rt rj rt ® i — O S O e, —' O' = « >ci' - Ch O O 05 U CO JO fy H ^ 5 52 i r^ » '«* ' CO ti iri - 3 W g o -H CO s- 0 - * o CO (S' O ^ c ^ ChC cs : c •: si o«o c d ^ -3 o ^ Q- v, 1713, 3 e d., n° 25. l’execution l)U blocus continental en illyrie 205 timents ne signiliant pas tout, ces chiffres perdent alors beaucoup de leur importance. D’abord, les b&timents n’etaient, pour la plupart, que de petits bateaux de cabotage ; les vaisseaux de dimensions plus grandes etaient tres rares. On trouvait: bricks, polacres, tartanes, paranze, braggozzi, pieleghi, brazzere, gaete, tartanons, trabacoli, battelli, barques. Puis, quant a la nationality, ils etaient — en gros —, pour les deux tiers, illyriens, pour un tiers, italiens, et quelques-uns napolitains, tandis que les bateaux ottomans, grecs, tunisiens et frangais n’apparaissent que sporadiquement. Comme lieux de provenance et de destination, on trouve, en Illyrie : Gradez, Trzic, Devin, Zdoba, Milje, Koper, Isola, Piran, Umag, Novigrad, Porec, Osor, Rovinj, Fazana, Pula, Premantura, Brsec, Plomin, Moscenica, Lovran, Volosko, en Istrie ; Bakar, Kraljevica, Cirk- venica, Selce, Senj, en Croatie ; Zadar, Sibenik, Trogir, Split, Omis, Makarska, en Dalmatie ; Dubrovnik, Kotor, Budva, de Dubrovnik ; Krk, Malinska, Dubasnica, Cres, Bab, Losinj Veli, Losinj Mali, Pag, Brae, des lies ; pourl’Italie : Latisana, Caorle, Venise, Chioggia, Cesenatico, Bavenna, Bimini, Pesaro, Fano, Ancona, Pescara. Yasto, Termoli, Rodi, Barletta, Molfetta, Bari, Mola, Monopoli, tous de la rive adriatique. En dehors de T Illyrie et de l’ltalie : Corfou, alors frangais, Bar, Skadar, Naples et Tri¬ poli. Comme objets principaux d’importation sont enumeres : alun, allumettes, bles, citrons, chanvres, cordages, creme de tartre, eau-de-vie, eponges, fariries, fromages, goudron, haricots, huile, liege, miel, noix de Galle, oranges, papier, poissons sales, pornmes, raisins secs, riz, sel, soies, suif, tabac, toile, viandes seches, verre- ries, vins ordinaires et de luxe, vinaigre ; pour 1’exportation : acier, alun, antimoine, arsenic, biscuit, bles, bois de charpente, cire, clous, colophane, colle forte, cuirs, cuivre, draps de laine, fer blanc, brut et ouvre, figues, huiles, laine, litharge, livres, mer- cure, miel, nard celtique, pates, peaux, planches, plomb, potasse, precipite, prunes, quincaillerie, riz, rosolio, savon, soufre, sublime, tabac, verreries, vins de luxe, vitriol. De tout ceci, il ressort evidemment que presque toute la naviga¬ tion de F Illyrie ne fut que cabotage ; y participaient F Istrie et la Dalmatie d’un cote, et l’ltalie de l’autre, pour moitie. Et meme cet humble cabotage ne put se developper tranquille- ment. Le danger venait, d’un cote, des corsaires des Etats de Barbarie, de Tripoli, de Tunisie, d’Algerie, qui naviguaient ha- bituellement sous pavilion espagnol 1 , de l’autre cote, des Anglais. 1 S. Skerbinec, Promet, Irgovina in obrt v Iliriji (Com. et ind. en Illyrie), p. 466. 206 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNE3 L’escadre anglaise, dans l’Adriatique, n’etait pas tellement su- perieure a la division illyrienne par le nombre des batiments, mais par leurs dimensions : elle comptait 22 vaisseaux, dont 7 fre- gates et plusieurs corvettes et bricks, la ou nous avions des caiques, des chaloupes et des canonnieres. Le commandant de l’escadre anglaise etait le contre-amiral Freemantle. Contre elle, ni la division illyrienne, ni la division franeo-italienne, sous les ordres du capitaine Dubourdier qui, au debut, cooperait avec la division illyrienne et etait mieux ecjuipee qu’elle, ne pouvaient faire grand’chose. Et la petition, deja mentionnee, des negociants de Rijeka, pour qu’on protegeat la navigation et sauvat les ba¬ timents de commerce retenus h Malte et en Sicile, devait bien em- barrasser le gouvernement illyrien. Les Anglais etaient, pour ainsi dire, partout; il est interessant de voir comme ils avangaient et Qomme le cercle autour des Pro¬ vinces Illyriennes se resserrait toujours de plus enplus : leur objec- tif etait, des le commencement, Pile de Vis ; aux batailles navales de Vis, le 12 mars et le 29 noveinbre. 1811, ils resterent vainqueurs ; de Vis, ils progresserent, et, en 1812, ils occupaient aus;i les autres lies, Korcula, l’archipel de Dubrovnik, Hvar L Voila les grandes lignes de cette lutte. Vovons-en les details. Ceux qui etaient favorables se trouvent au Telegraphe Ojficiel, les autres, dans les rapports des commissaires generaux de police et dans d’autres documents, non destines a la publication. 3 bateaux de la flotte italienne escortaient, de Zadar, lc 14 juin 1810, un convoi de 8 bateaux marchands pour Rijeka. Ils furent attaques par 2 fregates et I brick anglais, qui s’emparerent des 3 bateaux et les incendierent. Les equipages et quelques batiments de commerce purent echapper 1 2 . Une heureuse expedition frangaise brula a Vis, le 22 octobre, 44 navires,prit ou detruisit'12 corsaires anglais, et delivra 14 navires fran$ais 3 . Mais.apres son depart, les Anglais continuerent tranquillement a se servir de cette base iin- portante. Une fregate anglaise de 40 canons tenta, avec 4 cha¬ loupes, de debarquer a Lastovo, le 30 novembre ; cependant, en decembre, les habitants de Lastovo reprirent un batiment de Dubrovnik, charge de grains, chanvre et biscuit, dont un corsaire sicilien s’etait empare 4 . Le 4 janvier 1811, 2 corsaires se presentaient devant Biograd pour s’emparer de quelques barques, dans le port ; le meme jour, 1 P. Pisani, La Dalmatie, pp. 405-426. 2 AHG, 10/4, 27 juin 1810. 3 LZ, 1810, 69. J TO, 1810, 18 ; 1811, 2. L EXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYBIE 207 un corsaire entra dans le port de Korcula, ainsi qu’un brick et un chebec anglais, le 5 et le 6, dans le port de Velaluka pres de Blato ; mais tous furent repousses par la garde nationale. Le 16 mars, une goelette de la marine italienne s’empara d’une cha- loupe appartenant a un corsaire anglais, pres de Mljet. Deux fregates anglaises attaquerent, le 4 mai, Porec ; la garde nationale les repoussa. Des batiments frangais et anglais se rencontrerent, le 10 mai, dans le canal de Zadar. Plusieurs batiments ennemis atta¬ querent, en juillet, des bateaux retournant de Cres a Rijeka, mais Dragocovic, sous-lieutenant a Cres, les defendit avec succes. Le 3 septembre, 2 fregates anglaises attaquaient de nouveau Porec L Un convoi de 7 bateaux italiens fut pris, pendant la p ;einiere moitie de septembre, devant Mljet par des chebecs anglais, et 3 barques, pres de Sibenik 1 2 . Un combat entre la canonniere n° 5 et un chebec anglais, le 15 septembre, se termina par la fuite du chebec. Deux fregates frangaises s’emparerent, le 23 septembre, sous Pula, d’un corsaire ennerni et d’un trabacolo. Le 31 octobre, le Telegraplie Officiel ecrivait avec enthousiasme que les Anglais s’etaient eloi- gnes tout a fait de l’interieur du golfe adriatique, et que le com¬ merce maritime se ranimait a Trieste 3 . Cependant, en novembre, 3 barques de Krk furent capturees par une barcasse ennemie, et, en decembre, 6 navires de Pag, charges de sel pour Senj, Bakar et Bag, echapperent a 2 corsaires, a l’exception de l’un d’eux, charge de 2.000 minots (a environ 52 1.) 4 , qui fut pris. Au printemps de 1812, la serie reprit. Le 20 mars, 4 bateaux ennemis se montrerent a Piran, debarquerent le 22, mais durent se retirer. La meme nuit, une brazzera entra a Sv. Lucija, s’empara d’un trabacolo, mais fut repoussee. Les corsaires et les pirates de- barquaient souvent sous pavilion frangais ; c’est ainsi que, le 16 avril, 8 batiments entrercnt dans le port de Mljet et pillerent le village ; 6 chebecs, avec des troupes anglaises se presenterent devant Kukljica, mais le capitaine Levasseur, commandant la flotille de Zadar, arriva a la rescousse. Le gouverneinent conseilla, en mai, aux habitants des lies, de ne laisser debarquer qu’avec de grandes precautions les batiments suspects. Un convoi de Kotor fut attaque, le 22 mai, par 7 barcasses ennemies ; le pielego du patron Radimiri fut pris 5 . En juillet, les Anglais nettoyerent la mer de tous les petits 1 TO, 1811, 6, 16, 37, 50, 52, 61, 71. 2 AN, AFvi, 1713, 6 e d., p. 52. 3 TO, 1811, 75, 78, 97. 4 AN, F 7 , 6553. 6 TO, 1812, 29, 40, 48. 208 LA VIE ECO.NOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES corsaires qui infestaient l’Adriatique et les envoyerent a Malte. Le but de cette mesure etait de se concilier l’amitie des capitaines de navires, habitant en grande partie les lies, pour s’emparer des lies. Toussaint, commissaire general de police de Ljubljana, en relatant la chose, ajoutait qu’il etait etonnant qu’on n’eut pas etabli une ligne de signaux d’alarme de Budva a Trieste, qui aurait coute annuellement 20 a 30.000 francs, mais aurait sauve des centaines de barques 1 . A Brae, les Anglais enlevaient, en aout, 200 sacs de riz appartenant a des negociants israelites de Trieste et a un particulier, ils prenaient 60.000 francs en or, son vin et ses bestiaux. 11s debarquaient aussi a OmiS des troupes estimees a 1.000 homines — 400 Anglais, 200 Albanais, 200 Siciliens, et 200 « aventuriers de toute nation ». Ensuite, ils se rembarquerent pour Vis et un convoi, sous le fort Saint-Nicolas, en profita pour liler a Sibenik 2 . Le 31 aout, les gardes nationales de Tijezno, Zlo- sela, Betina et Murter, defendirent 7 barcasses marchandes contre 2 canonnieres, 4 barcasses etl chaloupe. Un convoi de 15 bateaux, battant pavilion frangais, entra, le l er octobre, dans le canal de Makarska, en penetrant par le detroit de Sucurac. Huit grands tra- bacoli cdtoyaient la peninsule de Peljesac, se dirigeant avec leur chargement vers Klek ; 7 bateaux armes les escortaient, qui s’approcherent du continent, avec le pavilion parlementaire. Le syndic et le capitaine de la garde nationale Ivicijevic firent sonner le tocsin et repousserent les ennemis 3 . L’annee 1813, les attaques augmentent encore. En avril, un brick anglais bloquait a Rogoznica un convoi de 70 voiles, qui parvint a Sibenik, apres un combat entre le brick et la flotille d’Albanie 4 . Le 13 juin, 2 barcasses ennemies debarquaient en un point ecarte de la cote de Drvenik — pres de Makarska —: deja elles avaient enleve quelques bestiaux, quand elles furent chassees par les gardes nationales 5 . Les Anglais debarquerent, les 19 et 20 juin, a Fazana, et enleverent, a Vodnjan, le percepteur et sa caisse, le receveur des domaines et ses fonds, et detruisirent leurs re- gistres. Par bonheur, le receveur n’avait en caisse que les contri¬ butions de quelques jours. Ils debarquerent aussi k Rijeka, mais on put mettre les caisses en surete 6 . Le corsaire frangais d’Ancone, la Reveillee, attaqua, le 30 juin, pres de Dubrovnik, une fe- 1 AHG, 10/5, 28 juillet 1812. 3 AE, Autriche 55 (Provinces Illyriennes), 239, 243. 3 TO, 1812, 80, 84. 4 AHG, 10/6, 22 et 27 avril 1813. 5 TO, 1813, 62. 6 AN, AF 1T , 1089 B , 2<= d„ p. 160. L’EXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 209 louque et unc grande barcasse anglaises, mais l’apparition d’une fregate et de 2 bricks anglais la forga a rentrer dans le portL L’insecurite de la mer n’etait pas funeste seulement a l’lllyrie. Le 11 mars 1812, Mollien avait ecrit a Napoleon que, depuis 3 ans, les transports de fonds d’Otrante a Corfou arrivaient sans perte. Le 13 fevrier, 3 courriers furent expedies de Corfou avec 770.469 francs, et il courait des bruits vagues que l’un avait ete pris 1 2 . Ce peu de surete de la mer avait aussi des consequences devant les tribunaux. Joseph Ravena, proprietaire a Grottamare, en Italie, fut condamne, le 15 avril 1813, par le tribunal de com¬ merce de Trieste, a payer 600 pieces de colonnades d’Espagne, avancees par Jean Joseph et Pierre Ant. Benedetti freres, nego¬ tiants a Trieste, pour les 3 parances la Madonna addolorata, VAnirna del purgatorio et San Basso, prises par les corsaires an¬ glais, le 17 septembre 1812, dans les eaux de Gorica. Ravena en appela, mais la cour confirma le jugement, le 15 mai 3 . Enfin, vu le grand nombre des batiments ennemis, l’arrete de Junot, du 10 juin 1813, interdit, a partir du 20 juin, la navigation en convois 4 . Les commandants des batiments de guerre, les autres agents de la marine ou les autorites locales de- vaient veiller a l’execution de la defense. Une exception ne fut accordee qu’aux bateaux charges de vivres ou de munitions, des¬ tines a l’approvisionnement des places, et ceux-ci, egalement, ne devaient naviguer reunis qu’en petit nombre, et etre de petites dimensions pour echapper plus facilement a l’ennemi. Les bateaux du pays, qui transportaient pour leur compte des grains, d’un port a l’autre ou du continent aux lies, et qui devaient, jusqu’ici, etre escortes, navigueraient isolement, ou reunis seulement 3 k 3, et auraient besoin d’une permission speciale des autorites mari- times ou autres. Ces permissions seraient delivrees seulement sur la certitude que le passage etait libre, et, pour empecher les longs trajets, porteraient le nom du port le plus voisin, ou les patrons recevraient une nouvelle permission, et ainsi de suite jusqu’a destination. En cas de prise par l’ennemi, les patrons ne pourraient reclamer le cautionnement qu’ils devaient verser a l’administra- tion des douanes que s’ils y joignaient le permis de sortie. C’etait a peu pres la fin de toute navigation. Sans doute, dans les « combats » navals cites, il s’agit d’unites minimes aujourd’hui et de forces relativement faibles de cote et d’autre, meme pour cette 1 TO, 1813, 64. 2 AN, AF>v, 1083 B, 6® d., p. 40. 2 AGG, G 782, n° 117. 1 TO, 1813, 51. Pivec-Stelfe 14 210 LA VIE ECONO MIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES epoque. Mais il en etait la comme des coups d’epingle ou des piqures de moustique, qui rendent nerveux. L’atmosphere uni- verselle et presque continuelle d’insecurite et de nervosite devait necessairement empecher toute entreprise serieuse par mer. C’est ce que montre bien cette enumeration qui, autrement, pourrait paraitre fastidieuse et ridicule. II n’est done pas surprenant que les jugements sur la navigation illyrienne soient tres pessimistes, par exemple celui de T. Erber : 1 « La navigation avait cesse tout a fait, les meilleurs batiments etant devenus la proie des corsaires ennemis, qui capturaient meme les barques des miserables pe- cheurs. » , c. — La contrebande. Au temps du blocus continental, la contrebande etait bien orga- nisee dans toute l’Europe, et le gouvernement frangais lui-meme dut, pour ainsi dire, devenir contrebandier — en octroyant des licences 2 . Dans la Mediterranee, les lies de Malte et de Sicile etaient les bases principales. La direction principale allait de La Yalette par Corfou, et,par veritables caravanes armees, via Bosnie, en Hongrie, Pest pourvoyant Vienne de produits transatlantiques 3 . L’lllyrie se trouvait sur cette route. De Vis, occupee par les Anglais, les marchandises anglaises entraient en Italie et en Dalmatie, d’ou elles allaient en Turquie et en Autriche. C’etait un trafic tres intense, et les autorites fran§aises — de Dalmatie — n’avaient pas la force de l’empecher 4 . Les bases principales, ce- pendant, etaient alors Trieste et Rijeka. Ces deux ports etaient encombres de marchandises anglaises et, si, quelquefois, on re- poussait les navires qui les apportaient, ce n’etait que par feinte. Les navires s’eloignaient un peu du port, et des chaloupes allaient y prendre la cargaison, et l’introduisaient ensuite dans les deux ports, d’ou l’on trouvait aisement les moyens de les expedier dans toutes les contrees de P Europe 5 . C’etait de pratique courante sous le regime de P Autriche qui, quoiqu’elle eut adhere au systeme continental, ne s’y conformait pas rigoureusement. C’est que la contrebande etait traditionnelle en Illyrie, des avant 1809. En droit, la situation du littoral illyrien ne changea pas en 1809 ; mais elle changea de fait, quant h la severite de l’execution, et 1 T. Erber, Storia della Dalmazia..., IV, p. 3. 2 A. Beer, Geschichte des Welthandels im XIX. Jahrhundert, II, pp. 17-19. 3 W. Kiesselbach, Die Continentalsperre..., pp. 121-122. . * G. Cattalinich, Memorie degli avvenimenti..., pp. 138-139. 5 AN, F 7 , Notice du 6 decembre 1808 sur la fraude et les fraudeurs. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 211 d’ailleurs pour une partie des provinces seulement. A Trieste et & Rijeka, la surveillance ctait assez etroite, la partie septentrionale etant plus facile a surveiller ; elle l’etait beaucoup moins dans la partie meridionale, difficile ou impossible a surveiller. C’est pour- quoi la contrebande se developpa vers le Sud, dans les provinces de Dalmatie et de Dubrovnik qu’elle prefera a celle d’Istrie. Mais ce fut a peu pres l’unique resultat. Sous la protection des Anglais, toujours solidement etablis k Vis, la contrebande se developpait fortement, favorisee par la topographie du pays, par le nombre insuffisant des douaniers et la force precaire de la marine, par la complicity des douaniers, enfin par la difficulty de prouver le debt. Cependant, l’intention formelle de fermer les cotes de l’Adria- tique au commerce anglais avait ete un des motifs essentiels de la creation de.F Illyrie; la poursuite et, si possible, la suppression de la contrebande etaient un devoir capital du gouvernement illyrien. C’etait, au fond, l’extension des lois generales du systeme continental, avec quelques applications speciales. Nous allons etudier d’abord ces mesures, puis leurs resultats — positifs et negatifs. L’arrete, deja plusieurs fois cite, du 10 mars 1810, decida que le code penal frangais entrerait en vigueur contre la contrebande, c’est-a-dire les articles 4 et 5 de la loi du 13 Boreal an XI, et Par¬ ticle 14 du titre 13 de la loi du 22 aout 1791, conlirme par Particle 2 du titre 4 de celle du 4 germinal an 11, et Particle 11 de la loi du 12 pluviose an III. Le decret general du 23 mars 1 , ordonnant la saisie et vente des batiments sous pavilion des fitats-Unis, entres k partir du 20 mai 1809, fut egalement execute en Illyrie. Cependant, vu la multitude des articles de l’arrSte du 10 mars,, il n’est pas surprenant qiPil n’y eut pas encore entente parfaite 2 . Plusieurs individus avaient ete arretes en Dalmatie pour intro¬ duction de marchandises prohibees. Sur la barque a confisquer et les marchandises k bruler, il n’y avait pas d’incertitude ; mais le 21 janvier 1811, Belleville demanda k Marmont son avis, pour savoir devant quel tribunal les detenus devaient etre traduits : commission militaire, tribunal ordinaire ou tribunal special en France. Marmont renvoya la demande au commissaire general de justice, Coffinhal, qui repondit, le 11 fevrier, que les contre- bandiers etaient justiciables des tribunaux du pays, jusqu’alors independants des tribunaux frangais. Le doute de l’intendant 1 Bulletin, IV, 286-5402. 2 AFL. 212 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES general venait de la loi du 18 octobre 1810, creant des tribunaux de douanes, que l’lllyrie n’avait pas encore, la loi n’y etant pas encore publiee. II y avait simple entreprise de passage en fraude de mar- chandises prohibees : la loi autrichienne etait encore en vigueur, et le tribunal ordinaire de Split etait competent pour le debt. Les marchandises etaient a bruler apres une estimation destinee a fixer la somme a distribuer aux employes des douanes. Marmont approuva ce rapport; et les inesures posterieures devaierit eliminer toute incertitude. Le decret organique du 15 avril, etablissait (article 218) des cours prevotales dans chaque chef-lieu de province, cora- petentes, (article 223), entre autres debts, pour les actes de con- trebande a main armee ou avec attroupement, sans armes, et l’article 267 decida que tout ce qui etait relatif aux prises serait regie d’apres les lois de l’Empire. Pour ce dernier point, le decret du 30 juillet 1 confera au petit conseil (institue par Particle 59 du decret du 15 avril) le pouvoir de statuer administrativement et sommairement sur l’admission ou la conbscation des navires sous pavilion grec ou ottoman arrivant dans les ports illyriens. Le di- recteur des douanes de Trieste devait envoyer son rapport au petit conseil, qui devait prononcer immediatement l’admission libre desdits navires, lorsque l’examen des papiers du bord et Pinterrogatoire des equipages ne laisserait soupgonner aucune com¬ munication volontaire avec l’ennemi gt que les chargements ne consisteraient qu’en produits du Levant. Le directeur de Trieste devait informer exactement le directeur general des admissions autorisees par le petit conseil. Danslecas de confiscation, les parties interessees pouvaient appeler de la decision du petit conseil, et la decision definitive sur les prises appartiendrait au conseil ou 5 l’Empereur lui-meme. Mais l’arrete principal est celui du 23 septembre 2 . II confirmait d’abord les decisions precitees, puis donnaitles precisions suivantes. Les marchandises de contrebande sont celles dont P exportation ou l’importation est prohibee, ou celles qui, etant assujetties aux droits et ne pouvant circuler. sans quittance, acquit-a-caution ou passavant, sont transportees et saisies sans ces papiers. La contre¬ bande est dite avec attroupement et port d’armes, si elle est faite par 3 personnes ou plus, porteuses d’armes apparentes ou ca- chees comme fusils, pistolets, sabres, epees, poignards, massues, tout instrument tranchant. pergant ou contondant. a l’exception 1 AN, AF v , pi. 4492, 1. 2 TO, 1811, 80. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 213 ties Cannes ordinaires sans dard ni ferrement et des couteaux d’usage ordinaire. Enlin, l’arrete fixait les diverses categories de peines. Pour la contrebande a main arraee, les contrebandiers et leurs complices, les assureurs des marchandises, et ceux qui fa- vorisaient ou protegeaient les coupables dans les faits qui avaient prepare ou suivi la contrebande, etaient passibles de la peine de mort. Mais si ces dernieres personnes n’avaient pas eu recours a l’attroupement et aux armes, elles n’etaient condamnees qu’a la peine des fers, de 10 & 15 ans. La meme peine atteignait les con¬ trebandiers qui n’avaient pas fait usage de leurs armes. Les entre¬ preneurs, assureurs, interesses et leurs complices dans les entre- prises de contrebande, les chefs de bande, conducteurs ou directeurs debandes de fraudeurs subissaient une peine de 10 ans de travaux forces et la marque des lettres VD, et devaient reparer les dom- mages envers l’fitat calcules d’apres les benefices retires (tout ceci d’apres le decret du 18 octobre 1810). Les simples porteurs risquaient seulement des peines correctionnelles, s’il y avail des circonstancs attenuantes. Mais ils devaient rester sous la sur¬ veillance de la haute police pendant 5 a 10 ans. Les cautionne- ments qu’ils devaient fournir, pour etre mis en liberte, etaient fixes sur la demande du directeur des douanes. Les entrepreneurs de fraude en marchandises tarifiees, les conducteurs, directeurs, assureurs, interesses et leurs complices etaient punis de 4 ans de travaux forces et de dommages-interets. Nous avons traite plus haut ce qui concernait les simples porteurs. Les simples fraudeurs, sans complices ni relations propres a constituer une entreprise ou assurance, etaient punis des peines de police correctionnelle et mis sous la surveillance de la haute police pour 3 a 6 ans. Une amende de 500 francs etait infligee pour injures, sevices, troubles dans le service des preposes des douanes. Les autorites militaires et civiles devaient preter main-forte. Pour les crimes anterieurs a cette publication, les peines en vigueur demeuraient celles qui etaient prevues par les lois precedentes. Un decret du 22 fevrier 1812 1 ordonna encore qu’une fois les prises conduites dans les ports illyriens, l’instruction, le juge- ment, la repartition dependraient des administrateurs de la marine, comme en France, d’apres l’arrete de Pan VI. L’execution de toutes ces mesures revenait, sur mer, a la marine; sur terre, a la douane. Voyons done leurs succes respectifs. La marine illyrienne, en depit de sa faiblesse numerique, par- vint, tout de meme, a faire quelques prises, prouvees par les ventes 1 AN, AFiv, pi. 5029, 28. 214 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES publiques des batiments et de leurs cargaisons. Dans ces prises figure aussi la presque totalite des batiments etrangers entres dans les ports illyriens. Napoleon avait ecrit, le 24 fevrier 1810, 4 Marmont de faire confisquer tout batiment americain arrivant dans les ports illy¬ riens. Marmont repondit, le 4 mars, qu’il n’en etait entre qu’un seul, deja-mis sous sequestre depuis quelques jours, et dont les marchandises seraient confisquees. C’etait le navire americain 1 ’Elisabeth ; sur son chargement, furent vendus, le 3 avril, 4 Trieste, 426 balles de gomme arabique, et 26 sacs de cafe L En faveur de quelques batiments ottomans, mis sous sequestre 4 Trieste, le consul general turc sollicita un permis de navigation, apres avoir fourni caution, pour le Levant et les ports declares libres, avec des marchandises tirees des Provinces Illyriennes et dont l’exporta- tion etait permise. Dauchy, dans une lettre 4 Laugier, du 3 juillet, accorda ce permis, contre caution de la valeur reelle des bateaux ; et Marmont y consentit. Dependant, Napoleon lui fit ecrire, le 2 septembre, que tous les batiments charges de marchandises coloniales etaient de bonne prise, qu’ils fussent ottomans, ame- ricains ou autres. On en tolerait pourtant 4 Trieste. Les certi- ficats d’origine ne servaient 4 rien, etant tous faux. II desira des rapports sur les entrees et les sorties, afm de pouvoir controler les douanes. Aussi reprocha-t-il vivement 4 Marmont, le 9 sep¬ tembre, d’avoir laisse partir les bateaux ottomans mentionnes auparavant. II avait ordonne le sequestre et se reservait de de¬ cider lesquels etaient 4 liberer et lesquels 4 confisquer. Le 6 octobre, il lui recommanda encore d’obeir, 4 l’avenir les papiers de ces bateaux n’etaient pas encore arrives. Marmont s’excusa, le 15, d’avoir consenti 4 la sortie, et envoya les etats de chargement 1 2 . Les prises faites au cours de 1’expedition de la division franco- italienne du 22 octobre, 4 Vis, conduites en partie 4 Split, et consis- tant en huiles, fers, aciers et autres marchandises, furent vendues aux encheres, le 10 janvier 1811, par l’administration de la marine. Les paiements pouvaient etre faits en bon argent ou en bonnes lettres de change sur des negociants solides et connus 4 Venise et 4 Ancone 3 . Le 10 avril, furent confisquees : la polacre tripolitaine le Malbroucca, la polacre ottomane la Madonna dl Cimmi, et les polacres la Virgo de Turliani et le S. Spiridion. Ces navires et leurs cargaisons furent vendus aux encheres publiques, 4 la douane 1 AN, AF>v, 1713, 5® d. LZ, 1810, 15. 2 Correspondance, XXI, 16857,16883,17004 ; AN, AF lV , 1713, 5 e d., pieces 84, 85. 3 TO, 1810, 25. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 215 principale de Trieste, le 27 mai et le 10 juin : soit 269.243 livres (a 0 kg. 56) et 109 barils de raisins secs et 362 balles de coton cru. Les acheteurs devaient payer, k la livraison, le prix d’achat, les droits de consommation et les frais de la vente L Le corsaire anglais iV Merluzzo, capture le 23 septembre par les fregates frangaises la Flora et la Dana'e et la corvette italienne la Carolina, et juge de bonne prise le 14 novembre, fut mis en vente, le 2 mars 1812, par l’administration de la marine a Trieste 1 2 . En fevrier, la goelette I’Aurore lit 2 reprises et une prise 3 . Le 15 mai, on vendit le brick anglais la Sophie, capture le 21 oc- tobre 1810 par la division franco-italienne, juge de bonne prise le 10 juillet 1811. La vente du Merluzzo fut aussi remise au 15 mai 4 . Dans le bureau de l’administration de la marine, a Split, furent vendus, le 14 decembre, plusieurs objets provenant de prises : une corvette tripolitaine sans nom, et le brick ottoman II buon amico, tous deux ayant ete egalement pris k Vis, le 22 octobre 1810, et juges de bonne prise par le conseil des prises, le 10 juillet 1811 ; en meme temps une partie de leur cargaison. Les acquereurs des bktiments n’en obtenaient mainlevee qu’apres les avoir fran- cises 5 . On peut ajouter ici que, lors de l’occupation autrichienne, dans les eaux illyriennes, la chasse aux navires continua, mais seule- ment en sens inverse : auparavant, on sequestrait les allies de l’Angleterre, puis, ce fut le tour des allies de la France. Ainsi, en novembre 1813, le commandant de Trieste, le comte de l’Espine, arreta 5 navires marchands danois, le Danemark etant allie de la France. Et, ce m6me mois, le commandant de l’escadre anglaise de l’Adriatique, le contre-amiral Freemantle, nomrna Andre Adamic, negociant a Rijeka, consul anglais k Rijeka, et demanda l’investiture que le gouvernement autrichien, apres quelque hesi¬ tation — parce qu’il s’agissait d’un Illyrien — , accorda 6 . Le 18 de¬ cembre, il y eut un probleme bizarre : Collin de Sussy relate au ministre de la marine qu’une barque illyrienne, avec permis et passeport autrichiens, a ete conduite par un corsaire frangais dans le port d’Ancone. Le consul d’Ancone demande si les Pro¬ vinces Illyriennes, occupees par l’ennemi, devaient 6tre conside- rees comme ennemies par les armateurs frangais. Apres un rap- 1 TO, 1811, 41. 3 TO, 1812, 8. 3 AN, F 7 , 6553, l«-20 fevrier 1812. 4 TO, 1812, 37. 6 TO, 1812, 96. 6 AEV, Illyrien, 15, 3 novembre, 18 novembre 1813. 216 LA VIE ECONOMIQUE DE3 PROVINCES ILLYRIENNES port du 12 janvier 1814 a Napoleon, on repondit par la negative 1 . Nous avons enumere les succes, plutot rares, de la marine illy- rienne ; somme toute, on doit bien dire qu’elle avait le role de Cendrillon. Cependant, elle faisait son devoir. Pour les douaniers illyriens, la chose est moins sure. Si, en depit des peines severes prevues a l’arrete du 23 septembre 1811, la contrebande continua tranquillement, ce fut en grande partie parce qu’elle etait faite avec la complicite des douaniers. Pellenc ecrivait, apres son enquete, en novembre 1811 2 , qu’onse plaignait, chaque jour, des douaniers. Les chefs relachaient les con- trebandiers pour de l’argent et vendaient pour leur propre compte une partie des marchandises saisies : 4 lieutenants des douanes etaient alors en prison a Ljubljana pour des fautes aussi graves. La conduite des subalternes etait pire encore ; ils commettaient des vols dans les maisons ou ils allaient perquisitionner. On n’avait cesse, a Ljubljana, delui parler de ces desordres. En juinl812, Toussaint donnait le tableau suivant des methodes astucieuses des contre- bandiers 3 : « La contrebande ne fonde plus ses speculations sur les denrees coloniales, mais sur les produits reels ou apparents de ces provinces. On charge des vivres pour Brae ou Hvar, on les transporte a Vis, ou on prend l’huile et les poissons secs provenant de Sicile ou des prises faites sur bateaux frangais. On^ regoit d’un receveur de Brae ou du littoral une expedition, avec laquelle on va a Venise ou a Ancone — avec les produits des Pro¬ vinces lllyriennes ». C’est, ajoute Toussaint, quetousles douaniers ne sont pas irreprochables. Les directeurs des douanes de Trieste, de Venise et d’Ancone avaient ete prevenus de la ruse. Nous avons deja parle, au chapitre des douanes, du mauvais choix d’individus suspects qui se revele ici. Le gouvernement illyrien savait fort bien ce qui se passait dans ses provinces meri- dionales ; il repondit en les mettant hors douanes, connaissant aussi bien l’impuissance des moyens dont il disposait. II essaya, cependant, de limiter les plus grands abus a Vis, sans aucun doute le point le plus faible. Bertrand prit un arrete, le 7 juin 1812 4 . En consequence du decret du 26 juin 1811, relatif aux bateliers qui auraient favorise les communications avec l’enneini, il edicta ceci : Tout Illyrien qni porterait des vivres a Vis ou a bord d’un batiment ennemi, serait juge conformement a Particle 77 du code penal. Tout sujet illyrien prevenu d’avoir fourni des vivres k 1 AE, Autriche, 55 (Provinces lllyriennes), 385, 386. 4 AN, AF>v, 1713, 3 e d„ n“ 38. 3 AN, F 7 , 6553, rapport du 15 au 30 juin 1812. * AHG, 10/5. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL. EN ILLYRIE 217 l’ennemi ou d’avoir communique avec lui serait juge par des com- missaires militaires speciaux, nommes par les generaux ou com¬ mandants des arrondissements. Sur l’effet de cette deniere mesure, ainsi que sur ceux de toutes les autres, nous sommes renseignes par un document fort interessant, le rapport de Bertrand, du 13 octobre 1812 L II com¬ mence par la constatation que la contrebande est une suite ine¬ vitable de la topographie du pays. Depuis que les Anglais sont a Yis, la contrebande n’a cesse de se faire. Elle augmente a me¬ sure que les Anglais sont mieux etablis. On voit, sur la carte, que les cotes illyriennes sont bordees d’un double et triple rang d’iles. Occuper celles-ci serait eparpiller ses forces et s’exposer a des pertes journaheres. La marine anglaise est extremement. supe- rieure, ses flottilles et ses barcasses inondent tous les canaux. Avec notre peu de moyens, nous ne pouvons que proteger le ca¬ botage et empecher que notre commerce ne subisse detrop grandes pertes. On ne peut avoir, dans cette multitude d’iles, ni douanes ni gendarmes, et on n’en a jamais eu ; meme lorsque la Dalmatie etait sous le regime des douanes, on n’avait de postes que sur le continent. Depuis, on a mis la Dalmatie hors douanes, mesure fort sage, parce qu’on aurait eu, autrement, des depenses considerables, qui n’auraient pas emp6che les ties de continuer tout de meme a faire de la contrebande. Si l’on considere que la population de la Dalmatie est tres mise¬ rable, que, pendant 9 mois, elle se nourrit d’herbes, parce qu’elle n’a pas de ble, on jugera qu’un tel pays consomme peu de denrees coloniales et d’objets des manufactures anglaises, excepte la po¬ pulation des quelques petites villes du littoral, comme Zadar, Sibenik, Trogir, Split, Omis, Makarska, ou il y a quelques families aisees. On consomme bien peu de sucre et de cafe en Dalmatie. II y avait done peu d’inconvenients a ne pas surveiller cette cote ; la seule chose importante etait d’empecher qu’il ne s’etablit en Dalmatie des entrepots de denrees ou de marchandises destinees a approvisionner la Bosnie ou l’Autriche ; le but est rempli par les brigades ambulantes de saisie des depots. II est certain qu’il n’existe en Dalmatie que ce qu’on peut appeler de la contre¬ bande de filtration, destines k alimenter les riverains. La Bosnie et l’Autriche s’approvisionnent par Salonique : « e’est un fait ou nous ne pouvons rien ». En considerant que la Dalmatie n’avait point de routes avant 1 AE, Autriche, 55 (Provinces Illyriennes), 288-294, et AN, F 7 , 6553 (11 oc¬ tobre 1812). 218 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES l’arrivee de l’administration frangaise, que tous les transports se faisaient par eau, et que le cabotage etait la principale ressource de cette province — on concevra que la liberte du commerce etait pour elle un bienfait inappreciable et qu’elle offrait peu d’incon- venients pour le gouvernement et le systeme continental. Si, du temps des douanes, la contrebande se faisait ouvertement avec Yis, on ne devait pas s’attendre, sans doute, a ce qu’elle cessat, avec leur suppression. Mais on pensait qu’elle serait toujours peu importante dans cette partie des provinces, et que ces inconve- nignts trouveraient quelque compensation dans les ressources qu’elle fournirait aux malheureux insulaires, dont le cabotage est l’unique fortune. II parait certain que quelques habitants des lies ont coopere au travail des fortifications de Vis, mais non par sym- pathie pour les Anglais ; c’est la misere qui les a pousses a Vis, et le besoin de gagner 20 ou 30 sous. Pourtant il est une espece de contrebande qui merite une atten¬ tion particuliere : la contrebande des vivres de Dalmatie a Vis. Un l arrete de juin defend severement de transporter des vivres d Vis, sous peine de mort. Au debut, la crainte a arrfete les commu¬ nications, mais celles-ci ont bientot repris avec une nouvelle acti¬ vity quand on a vu quelles difficultes il y avait d prouver le trans¬ port des vivres a Vis. Bertrand voulait qu’on fit des exemples. Mais deux accuses venaient d’etre acquittes : leur barque n’avait pas aborde d Vis, on ne pouvait pas prouver leur intention. Il se plaignit egalement de ce que la contrebande eut des complices m&me parmi les em¬ ployes de l’administration. Un bateau charge de grains, expedie de Senj a Losinj Mali, avait passe aux Anglais. L’acquit-a-caution avait ete vise par l’ancien subdelegue, depuis longtemps signale comme un des agents les plus actifs de la contrebande. Il fut arrete, conduit a Rijeka, em- prisonne pendant 2 mois, et dut payer 12.000 francs que la douane reclamait. Bertrand parvint aussi a faire un exemple : un certain Rava- gnan, prevenu de relations criminelles avec Vis, fut livre d une commission militaire, et condamne d mort, d Trieste, en janvier 1813 ; le jugement fut affiche sur tout le littoral 1 . Pour en revenir au rapport de Bertrand, il faut dire qu’il est excellent ; il ne peche peut-etre qu’en attenuant l’importance de la contrebande faite en Dalmatie ; car, si, comme il disait lui- mSme, la Dalmatie consommait tres peu de deprees coloniales et 1 AHG, 6/10, 12 janvier 1813. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 219 de marchandises anglaises, il est evident qu’il s’agissait non seule- ment de contrebande d’infiltration mais aussi de contrebande de transit ; & cela pres, il dit tout. II est aussi remarquable que Ber¬ trand ne blame pas severement les travaux des sujets illyriens, & Vis, au profit des Anglais —- parce qu’ils y sont pousses par la misere. Si la contrebande principale avait lieu par le littoral, elle se pra- tiquait aussi a la frontiere de terre, du cote de l’Autriche. Les employes des douanes faisaient parfois de bonnes prises. A ltadece furent arretes,le 5 decembre 1812, deux contrebandiers de grains, qui perdirent leur bateau et durent payer 500 francs d’amende L La douane de Karlovac saisit et vendit, le 22 janvier 1813, pour 4.358 francs, les marchandises de contrebande du negociant Jacob Morburgo — en fuite 1 2 . A Vrbosko, on saisit, le 25 avril, 2 voitures avec plusieurs sacs de cafe et de sucre 3 . Des contrebandiers illyriens furent arrhtes aussi en Autriche 4 . A cote de la contrebande des sels et des tabacs — dont nous parle- rons au chapitre suivant — il y avait assez de proces-verbaux pour debts de contrebande de marchandises anglaises, dans les divers tribunaux. Ainsi, a Beljak, au tribunal de premiere ins¬ tance, il y avait, pour le premier semestre de 1813, 9 debts de con¬ trebande, dont 4 de marchandises anglaises, dans le canton de Sillian ; au second semestre, 8 cas de contrebande de marchan¬ dises anglaises et 1 de cuirs 5 . Cependant, il semble que, dans la plupart de ces cas,il ne s’agissait que de contrebande simple, sans arrnes ni attroupement, et qu’on ne saisit que de simples porteurs : il ne futpas prononce de condamnation a mort, ce qui aurait eu un grand retentissement. Et le nombre des dehnquants qui echappaient aux tribunaux est hors de tout calcul. S’il est impossible de donner des chilfres sur le commerce legal de cette epoque, il est encore beaucoup plus difficile d’en donner sur la contrebande. Mais, apres ce que nous venons d’enu- merer, nous pouvons dire a coup sur qu’elle a du etre tres deve- loppee en Illyrie, comme ailleurs du reste. Et l’impression gene- rale est que 1’Illyrie, etant par excellence un pays de navigation, et par sa position et par ses habitants, mais ne pouvant exercer cette faculte a l’epoque du blocus continental, devint essentielle- ment, en compensation, un pays de contrebande en meme temps 1 AML, 5, n° 30. 2 AEZ. 3 AEZ. 1 AGG, registres 1810, 1811, 1812, plusieurs aetes. 6 APL, F s . 220 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES qu’un pays de transit. Cependant, par suite de l’insucces des mesures destinees a empecher l’entree et le transit des denrees coloniales et anglaises, les Provinces Illyriennes perdaient, en partie, leur raison d’etre. 7. Les finances. Les finances ne relevent de notre etude qu’en tant qu’elles revelent la situation economique du pays ; en cette qualite, elles ont un double caractere : d’un cote, elles sont une cause, de l’autre, elles sont deja une consequence. Le gouvernement illyrien n’etait pas a envier : le pays etait epuise par plusieurs guerres — depuis 1797 —, envahi par un pa- pier-monnaie deprecie, presque depourvu de numeraire, et plu¬ sieurs ressources importantes etaient enlevees a l’administration illyrienne, diminuant ainsi, des la source, ses revenus. Nous avons deja parle de quelques-uns de ces revenus —- des bois, des douanes et des postes — ; nous avons encore k nous occuper des impdts, des sels et tabacs, et des dornaines — qui sont les titres des objets principaux des contributions directes et indirectes —, pour finir avec le budget et les dettes L a. — Les impots 1 2 . L’idee directrice du gouvernement illyrien, relative aux contri¬ butions directes, etait tres simple : il etablit en Illyrie les impots — foncier, personnel, et patentes — usites en France. Cependant, il se lieurtait a de grands obstacles. Tout d’abord, l’etablissement des impots foncier et personnel soulfrait du manque de base de repartition, le cadastre, n’existant pas dans les provinces du Sud, et ayant ete emporte par les Autrichiens des provinces du Nord, oil il existait depuis Marie-Therese 3 . Les premieres reparti¬ tions furent done necessairement fausses, et durent etre modiliees, en depit du desir du gouvernement et de l’ordre d’arriver a 1 V. sur les finances P. Pisani, La Dalmatie, 375-389, et B. Vosnjalc, Ustava in uprava... (Constitution et administration...), pp. 197-208. La plupart des decrets et arretes 5 citer sont mentionnes cliez ces auteurs ; inais on a cru utile d’en donner ici aussi la provenance. 2 A. Dirnitz, Geschiclite Krains..., IV, pp. 310, 337-338 : J. Mai, Zgocloeina slovenskega naroda (Ilistoire de la nation Slovene), VII, pp. 135-138. 3 AGL, 27 janvier 1810. Une foule d’autres documents et de caisses avaient ete egalement emportes en Hongrie, le 17 mai 1809, avant l’entree des troupes frangaises a Ljubljana : des documents importants et des sommes conside¬ rables, entre autres 7 millions appartenant a la Carniole. L EXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYHIE 221 des revenus aussi hauts que possible ; apres cela, les trois impots resterent les memes de 1811 a 1813. Mais il y eut encore des diffi- cultes, partie a cause de Tepuisement general de la popu¬ lation, partie en raison de l’habitude encore assez generale, en Illyrie, de payer l’impot en nature ; dans les provinces meri- dionales, les moins aptes a payer en argent, on dut autoriser l’an- cien mode de perception. Napoleon avait donne a Marmont, allant en Illyrie, l’ordre que 1’Illyrie ne dut rien couter a la France, et il le repeta plusieurs fois dans sa correspondence. D’autre part, son premier acte — du 25 decembre 1809 — avait ete de decider que, pour 1810, le mon- tant et le mode de perception des impots resteraient les memes. Marmont declara plus tard dans ses Memoires 1 que reunir ces deux choses etait impossible : les ressources etaient de 5 millions, les depenses de 19 millions ; avec des ameliorations, on pouvait esperer 12 a 14 millions, mais il restait toujours un deficit de 5 millions. Les caisses etaient vides. Dauchy cherchait des ressources : on exigea partout l’impot arriere ; il arriva me me a Dauchy de trouver des arrieres la ou il n’v en avait pas (et, irritee, l’administration visee demanda une enquete disciplinaire). A cause de la depreciation de la monnaie, on dut reviser les traite- ments des employes de l’Etat, d’apres ceux de 1806 1 2 . A tout prendre, les finances illyriennes etaient un heritage bien desa- greable. Marmont fit un rapport, le 18 juin 1810, a Gaudin 3 sur la si¬ tuation des finances illyriennes au premier semestre de 1810 ; l’unique cause de la dilfieulte des rentrees etait l’absence de nume¬ raire, que le commerce ne pouvait se procurer. Les principaux produits d’exportation avaient ete le mercure, le sel, le bois et l’huile ; or Idrija appartenait aux Trois toisons d’or, et ne donnait rien a TIllyrie ; les salines d’Istrie etaient reservees a l’ltalie qui payait si peu que I’argent qui rentrait etait insignifiant ; les bois d’Istrie, necessaires aux constructions de Venise, etaient egalement reserves a l’Italie,et T Illyrie n’en retirait rien ; le fer de Carinthie s’exportait ordinairement en Espagne et en Portugal, ce qui de- venait impossible ; et l’huile ne pouvait arriver ni a Trieste, ni a Rijeka, la mer n’etant pas fibre. Au contraire, 1’Illyrie etait obligee de tirer bles et bestiaux d’ltalie et d’Autriche, ainsi que tous les objets de luxe. La balance du commerce etait done en desequilibre, 1 Memoires, III, pp. 361-363. 2 AGL, 8 fevrier, 26 mars 1810. 3 AN, Al ?lV , 1713, 5 e d„ p^gees 63, 62, 61, 222 LA. VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLVRIENNES et le systeme actuel assurait un appauvrissement progressif, l’exportation de numeraire se faisant toujours dans le pays. Pour etablir l’equilibre, il fallait le retablissement des transits autrichien et turc, et l’envoi de numeraire, qui donnerait les moyens de percevoir les impots, chose alors impraticable. Napoleon fit transmettre le rapport que Gaudin lui fit, d’apres celui de Marmont, a Montalivet, le 29 juin ; ce dernier repondit qu’il igno- rait les causes du retard des contributions, mais savait, par des statistiques, que le recouvrement etait fort lent et n’etait pas en rapport avec les premiers apergus. Du 15 novembre au 30 mai, 2.594.000 francs seulement etaient rentres, y compris pres de 1.800.000 francs de recettes ordinaires. II ne pouvait croire que la disette de numeraire fut l’unique cause du retard. II redoutait que la repartition eut ete inegale et excedat les facultes des contribuables. Cette hypothese de Montalivet devait se montrer, plus tard, tres juste. Les impots foncier et personnel furent etablis par arrete du 16 juillet, celui des patentes, avec un tarif general des droits de patente, par arrete du 27 juillet 1 ; l’arrete du 3 octobre 2 , cepen- dant, permit que l’impot foncier en Dalmatie se pergut en nature, comme on l’avait fait jusqu’alors, ce qui etait une premiere con¬ cession. L’arrete du 15 novembre fixa les impots supprimes et maintenus. Entre autres, les contributions dites « dominicale » et « rusticale » furent supprimees ; furent provisoirement maintenus l’impot sur la viande, le droit d’heritage et l’impot sur les che- vaux de luxe. Le meme jour, un second arrete supprima les dimes des chapitres et collegiales, en Istrie, tandis que celles des cures demeuraient. Un traitement equivalent devait etre assigne plus tard aux chanoines et autres ecclesiastiques 3 . Cependant, l’embarras du gouvernement augmentait toujours ; ni traitements ni pensions ne pouvaient etre payes. C’est pour- quoi, pensant que, dans quelques mois, les contributions et do- maines suffiraient aux depenses, Marmont demanda aux proprie- taires riches un pret force 4 . L’arrete du 17 octobre le fixa h 1.200.000 francs, h payer en novembre, et destine uniquement h readapter les traitements, salaires et pensions des fonction- naires publics, ministres des cultes,. employes, pensionnaires et autres creanciers. Les habitants ayant un revenu au-dessous de 6.000 francs n’avaient rien a payer. La somme etait repartie par 1 APL, F t . 2 AHG, 1950, E 14, n° 32. 8 LZ, 1810, 71 ; TO, 1810, 15 4 APL, F 3 . ^EXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 223 cercles : celui de Ljubljana avait a payer 102.000 francs, celui de Beljak 200.000, celui de Gorica 184.000, celui de Novo mesto 180.000, celui de Karlovac 250.000, celui de Postojna 100.000, celui de Koper 112.000, celui de Cres 22.000, et celui de Losinj 50.000. Rijeka avait donne, volontairement, 180.000, Trieste 415.000 : la somme totale s’elevait done k 1.795.000 francs. L’in- tendant general devait determiner les contribuables qui paieraient une moitie le 15, une moitie le 30 novembre, moitie en numeraire, moitie en traites. Les interets etaient fixes a 5 %, le rembourse- ment au second semestre de 1811, soit par rachat, soit par les revenus des domaines. Le l er janvier 1811, les nouveaux impots furent appliques, et, le 14 janvier, Marmont prit un arrete sur l’arriere des anciennes contributions directes et sur le mode de comptabilite L Mais, deja, les reformes commen 5 aient. Un arrSte du 13 fevrier apporta des modifications au tarif des patentes 1 2 . Un autre, du 23 fevrier 3 , etablit une commission de trois membres, pour examiner les sommes pergues, en Carniole, au detriment des paysans, concer- nant le remboursement des contributions arrierees, ainsi que les prestations seigneuriales et les requisitions de guerre, et statuer en trois mois. Des reclamations nombreuses ayant ete faites sur l’inegalite de repartition de l’impot foncier, un second arrete du meme jour 4 decida une nouvelle repartition : une commission dans chaque chef-lieu de cercle devait etablir cet impot sur la base du cadastre de 1785 ou 1786, et la ou il n’y en avait pas, d’apres les anciens roles de 1810; quand il n’y avait ni cadastre ni , roles, la commission devait fixer la base. Le travail de la nouvelle evaluation devait etre fini le 25 mars ; alors il serait publie, et les reclamations seraient regues jusqu’au 31 mars. Belleville ajouta, dans sa circulaire du 26, qu’on devait avoir la franchise de dire que le premier travail avait ete mal fait ; que les erreurs y etaient si nombreuses et si importantes que le gouvernement s’etait empresse de les corriger. Pendant ce travail de rectification, un rapport de Belleville, du 14 mai, au ministre de la police generale peignit la situation des finances illyriennes sous des couleurs desolantes 5 : Les troupes absorbaient la plupart des revenus. Ceux-ci, deja insuffi- sants en 1809 et 1810, diminuaient, chaque jour, par suite de 1 APL, 49. 2 TO, 1811, 23. 3 AFL. 4 APL, 49. 6 AN, F 7 , 6553. 224 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYIIIENNES l’execution des lois sur le blocus. Les plus riches proprietaires avaient emigre ou emigraient. Le numeraire disparaissait d’une maniere alarmante, et de tous les cotes, sans nulle compensation par les produits du sol, aucune manufacture, aucun commerce. Les mines de Carinthie enrichissaient plutot la province que le gouvernement par le grand nombre des ouvriers qu’elles occupaient ; on avait du employer une partie des revenus des mines pour les besoins de l’armee et de l’administration. Le gouvernement illyrien avait done bien besoin d’argent ; neanmoins, le mois de juillet apporta les modifications promises. Deja, le decret du 15 avril avait fixe (article 157) les impots per¬ sonnel et foncier a 4.500.000 francs. Les arretes du 16 et du 29 juillet 1 precisaient cette diminution. Le premier fixa la diminu¬ tion de l’impot personnel pour 1811, par cercles : Ljubljana, de 125.000 a 77.500 ; Beljak, de 100.000 a 70.500 ; Postojna, de 60.000 a 41.000 ; Novo Mesto, de 127.000 a 77.500 ; Gorica, de 62.500 a 41.000 ; Trieste, de 55.000 a 26.500 ; Rijeka, de 54.750 a 36.000 ; Croatie civile, de 87.500 a 62.500 ; Istrie, de 60.000 a 40.500 ; Dalmatie, de 62.500 a 62.500 ; Albanie, de 12.500 a 8.000 ; Dubrovnik (assujettie pour la premiere fois), 33.000 ; en tout 575.500 francs au lieu de 807.250 francs. Le second diminua, egalement par cercles, Timpot foncier : Ljubljana, de 725.000 k 500.000 ; Beljak, de 858.750 a 554.500 ; Postojna, de 337.000 a 246.500 ; Novo Mesto, de 810.000 a 522.000 ; Gorica, de 335.500 a 207.500 ; Trieste, de 410.000 a 266.500 ; Rijeka, de 409.000 a 280.000 ; Croatie civile, de 537.500 a 351.000 ; Istrie, de 360.000 a 302.000 ; Dalmatie et Albanie, 35.000 francs de dimes evaluees, au lieu de 135.000, et 600.000 d’impot de quotite sur les maisons des villes en Dalmatie et Albanie ; en tout, 3.865.000 francs au lieu de 3.924.500 francs. L’arrete du 16 juillet etablit aussi 2 centimes pour fonds de non valeurs et 5 centimes pour les depenses municipales, et celui du 27 decembre 2 alfecta encore 5 cemimes du total des contri¬ butions foheiere et personnelle auv depenses fixes et variables des provinces. On devait statuer ulterieurement sur le mode d’application a Dubrovnik et en Dalmatie, ou les dimes remplagaient Limpet foncier, et ou il y avait des droits sur les denrees de consommation. Ce dernier arrete fut confirrne par un decret du 16 janvier 1812 3 , qui fixa comme date d’execu- tion le i er janvier. 1 APL, 49. 2 TO, 1812, 22 (APL, 49). 3 APL, 49. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 225 Les annees 1812 et 1813 n’apporterent pas de changements importants. L’arrete du 19 septembre 1 etablit, dans chaque chef- lieu de subdelegation, une commission de 4 membres, nommes par le subdelegue, pour rectifier les erreurs dans la repartition des impots foncier et personnel. Elle envoyait ses proces-verbaux a l’intendant, et ensuite une commission centrale de repartition composee de 4 proprietaires, nommes par l’intendant, envoyait, apres examen, la liste a l’intendant general. Le 18 octobre 2 , Ber¬ trand arrSta, en considerant Farriere des dimes, rentes et rede- vances de 1810 a 1812 en Carinthie, que les contributions dues pour 1812 seraient acquittees apres la recolte de 1812, dans les 3 derniers mois, celles de 1811, dans les 3 premiers mois de 1813, et celles de 1810, apres la recolte de 1813, moitie dans les 3 derniers mois de 1813, moitie dans les 3 premiers mois de 1814. Et, le 18 novembre 3 , Bertrand ordonna l’etablissement des roles des contributions pour 1813. Enfin, le 5 mai 1813, Junot arreta 4 que les contributions di- rectes resteraient les memes pour 1813, que pour 1811 et 1812 : indpot foncier 3.750.000, personnel 750.000, ensemble 4.500.000. Yoici la repartition par provinces : Carniole : 1.275.000 -f- 245.000 = 1.520.000; Carinthie : 525.000 + 110.000 = 635.000 ; Istrie : 725.000 + 150.000 = 875.000 ; Croatie civile : 455.000 + 110.000 = 565.000 ; Dalmatie : 650.000 + 100.000 = 750.000 ; Dubrovnik : 120.000 35.000 = 155.000 ; en comptant pour la Dalmatie 600.000, pour dimes et 50.000 pour maisons, et pour Dubrovnik 15.000 de dimes de Korcula. Quant a l’impot des patentes, il restait fixe a 200.000 francs ; il etait peu important, l’lllyrie etant un pays peu industrialise. Lc projet d’introduire l’impot des portes et fenetres ne fut pas execute. L’epoque illyrienne avait done etabli quelques impots nouveaux, mais elle en avait supprime d’autres. Neanmoins, dans l’opinion de la population, elle payait plus d’impots qu’auparavant : e’est parce qu’on n’avait pas ete habitue, sous l’administration autri- 1 APL, 49. 2 Bibliotlieque d'litat de Ljubljana. 3 APL, 49. 4 APL, 49. Pivec-Stelf) 15 226 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES chienne, aux contributions directes, qui paraissaient, par suite, parti culierement lourdes. b. — Les sels et les tabacs. Les sels et tabacs, les poudres, les salpetres, et la loterie etaient des monopoles en Illyrie. Ces trois derniers causaient peu de diffi- cultes au gouvernement, mais rapportaient peu aussi. Des sels et des'tabacs, au contraire, on attendait de belles ressources, mais on en retira plutot des embarras. II n’y eut pas de ligne de con- duite fixe, et l’administration de ces deux monopoles, tantot affermes a des particuliers, tantot en regie d’Etat, offre le tableau de curieux tatonnements ; de meme pour les stocks necessaires k la consommation et au commerce du pays qu’on cherchait tantot a l’etranger, tantot a l’interieur. Au debut, specialement, l’appro- visionnement en sel a l’etranger etait, au point de vue du systeme continental, extremement suspect : il dependait entierement, en effet, du consentement des Anglais. Ce n’est qu’assez tard qu’on chercha a s’affranchir de l’etranger, en augmentant la production indigene, et en tirant de France une partie des matieres premieres. Les tabacs ne causaient pas tant d’ennuis au gouvernement, mais ni sels ni tabacs ne donnaient des revenus satisfaisants, pas plus aux fermiers particuliers au debut, qu’a la regie d’Etat vers la fin de notre epoque, surtout a cause de la contrebande, puissam- ment favorisee par les Anglais dans l’Adriatique. Nous aurons done a voir l’administration des sels, celle des tabacs, leur reunion, enfin les autres monopoles. II peut paraitre paradoxal, mais e’est un fait, que 1’Illyrie, en depit de son littoral, ne pouvant s’approvisionner suffisamment, dut se procurer a l’etranger le sel necessaire : elle etait sans sel, comme elle etait sans navigation. Pourtant, 1’ Illyrie avait ses salines a Pag et a Ston, en Dalmatic, sur les lies de Krk et de Rab, a Zavlje et a Skedenj, pres de Trieste, a Koper et a Piran, en Istrie. Mais ces dernieres, etant reservees a l’ltalie, n’entraient pas en consideration; celles de Trieste etaient a l’etat de ruine, presque abandonnees, et celles de Dalmatie ne se trouvaient pas en bien meilleur etat. Des le debut, les sels etaient en regie d’Etat, a la charge de l’administration des douanes. Pour se faire une idee des difficultes que celle-ci rencontrait, on peut consulter la « Note sur les sels et salines d’Illyrie », adressee, le 15 fevrier 1810, par de Chassenon, intendant de Rijeka, a Dauchy 1 . II y exposait que 1’Illyrie avait 1 AN, AFiv, 1713, l« r d. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 227 annuellement besoin de 475.000 cables de sel (le cable valant 95 a 100 livres de Vienne a 0 kg. 56). Les habitants de la Croatie, tirant benefice dutransport des marchandises de Hongrie jusqu’aux ports du littoral, et du trafic avec la Turquie, y employaient boeufs et chevaux ; de la, pour les bestiaux et pour le commerce, une grande consommation de sel, que les Croates achetaient dans les depots, transportaient et revendaient. Le sel etait done absolument ne- cessaire ; si on manquait de sel, les bestiaux devenaient malades, et meme des epidemics apparaissaient. II en resultait des pertes pour les transports, les douanes et meme la population qui, ne pouvant pas vivre, passait sur l’autre rive. Sous 1’Autriche, il y avait des stocks de sel et de grands entrepots ; celui de Trieste pouvait contenir 177.000 cables (aenv. 56 kg), celui de Rijeka 60.000, celui deBakar 100.000, celui de Senj 100.000, celui de Bag 20.000, en tout 457.000 cables. L’Autriche tenait les magasins bien fournis, et aimait mieux subir un deficit que d’augmenter les prix. Autrement, les paysans auraient augmente les prix de transport, surtout de tran¬ sit. Pourtant, on manquait de sel ; Rijeka et Bakar etaient vides. On avait donne l’ordre que tous les sels se trouvant ou arrivant dans les ports, soient enmagasines, et on en avait prohibe la sortie a l’etranger afin de prevenir la contrebande. Mais, par malheur, le gouvernement italien n’avait pas encourage les proprietaires des nombreuses salines de Koper et de Piran. Le prix fixe etant trop bas, la majorite de ces salines etait abandonnee. Si les pro¬ prietaires avaient ete encourages, ils auraient pu subvenir aux besoins del’Illyrie. L’approvisionnement des Provinces Illyriennes, en 1810, serait difficile et dispendieux, si les salines des lies n’etaient pas remises en etat a Pag, Rab et Krk. Ces salines aban- donnees appartenaient, en general, a des families venitiennes, ruinees par la chute de Venise. Le gouvernement aurait pu les acheter a un prix modere. L’lllyrie recevait aussi du sel mineral de Bosnie et de Hongrie ; mais, pour les salaisons, le sel marin etait necessaire. 11 fallait done, en attendant, traiter avec des negociants de Rijeka ou de Trieste, qui s’engageraient a livrer a terme fixe l’approvisionnement necessaire pour 6, 4 ou 3 mois, et il etait urgent de se procurer de 56 a 57.000 cables (a environ 56 kg.) de sel. Du triple conseil de Chassenon — tenir le prix du sel aussi bas que sous 1’Autriche, restaurer les salines indigenes et, entre temps, traiter avec des negociants pour l’approvisionneinent—, le gouver¬ nement illyrien ne retint que les deux derniers points : on le voit aux premieres mesures concernant l’auginentation des prix. L’arrete du 28 fevrier etablit, qu’a partir du l er mars, dans la 228 LA VIE ECOISOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIE NNES province de Trieste, le sel sera a payer en bon argent — c’etait la suppression du privilege du sel a Trieste — et fixe le. prix pour un ininot (env. 52 litres) k 10 florins ou 25 fr. 85. Le 15 mars, Mar- mont arrete de nouveau les prix : un minot (52 litres) de sel coutera en Illyrie 6 florins, en Croatie militaire, 3 florins, et 5 florins comme marchandise croate, en Hongrie ou en Turquie. Le sel istrien etait considere comme sel etranger. On ne permettra d’im- porter de l’etranger que ce que les salines indigenes ne pourront fournir. Pour la contrebande du sel, les tarifs des amendes sont fixes. Enfin, un avis du 5 juin 1 etablit le prix d’un minot (52 1.) de sel blanc a 6 fl. 30 kr., de sel noir a 6 fl. Le manque dusel entraina d’autres mesures. L’exportation du sel fut defendue. L’Illyrie n’en profita pas beaucoup ; mais, les habitants des cercles de Celje et de Celovec (Klagenfurt) ayant regu, jusqu’a la cession, leur sel du littoral, le gouvernement autrichien dut songer a le remplacer 2 ; aussi essaya-t-on d’eluder cette prohibition ; quelques membres de la municipalite de Kar- lovac, par exemple, donnaient des permis d’exportation, sur quoi l’intendant Vienney les blama, le 9 mars 3 . L’arrete, deja cite, du 10 mars, permit l’entree libre du sel en Illyrie, pour tous les navires, avec certificat d’origine ; celui du 25 mars 4 ordonna que toutes les salines illyriennes — qu’elles appartinssent aux parti- culiers ou a l’Etat — fussent tout de suite reparees. Et la de¬ marche la plus importante fut le contrat que,le 3 avril, Marmont conclut avec A. L. Adamic 5 , gros negociant a Rijeka, contrat par lequel celui-ci s’engageait k fournir a 1’ Illyrie 300.000 minots (a 52 1.) de sel. Nous verrons plus tard la signification de ce contrat. Toute l’annee, on travailla a approvisionner les magasins vides. L’arrete du 8 juillet 6 annonga que, le 20, on mettrait en adjudi¬ cation a Trieste, les transports du sel des entrepots generaux de Trieste, Rijeka, Bakar et Senj dans les magasins de l’interieur a Ljubljana, Beljak, Novo mesto et Karlovac. Des indications plus 1 LZ, 1810, 12, 20, 26. 2 AIV, 29, Salzsachen, Karnten, 5 decembre 1809. 3 AMK, 1810. 1 LZ, 1810, 20. 5 Andre-Louis Adamic elait ne a Rijeka, d’une famille palricienne ; il fut, en 1802, conseiller municipal, batit, en 1806, a ses frais, un theatre, et devint, ea 1809, commandant de la garde municipale. En 1810, il offrit de batir, egale- ment a ses frais, un theatre a Karlovac, ce qui, cependant, ne se realisa pas, a cause de ses embarras financiers posterieurs. En 1825, il devint depute de Rijeka au Parlement hongrois, et mourut en 1828. Ses descendants l'urcnt anoblis en 1834. 6 AML, 19, n° 72. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 229 detaillees furent donnees le 20 par Arnault 1 , et, en meme temps l’a-djudication fut differee au 10 aout —■ peut-etre par manque d’adjudicataires. On devait transporter de Trieste a Ljubljana 10.000 minots (a 52 1.) et a Beljak 15.000 ; de Rijeka, Bakar et Senj, 10.000 a Novo mesto et 15.000 k Karlovac. L’adjudicataire avait a fournir les sacs, un cautionnement de la moitie de la va- leur, et etait responsable de tout. L’intendant de Zadar avertit Marmont, le 31 octobre 2 , que, le 30, 12 barques avaient apporte 588 steres (m 3 ) et qu’il y avait alors a Zadar 2.400 steres (m 3 ) de sel, ce qui devait sulfire au littoral pour 2 mois, Zadar ayant besoin de 400 steres (m 3 ), et 2.000 etant disponibles pour Sibenik, Trogir, Split et surtout pour Makarska. Cependant, le compte rendu de Marmont pour le second semestre de 1810 3 n’etait point opti- miste : a cause du trop peu de surveillance de la part de l’admi- nistration des douanes, on avait du etablir un controle indepen¬ dant ; les produits n’etant pas satisfaisants, on pensait a une ad¬ ministration interessee qui donnerait des revenus fixes ; mais rien n’etait encore conclu. En 1811, les besoins en sel etaient encore si imperieux qu’on y sacrifia meine le principe des licences. Un decret du26 fevrier 1811 4 permit, par derogation au decret du 25 juillet 1810, aux batiments destines au transport du sel necessaire pour 1’approvisionnement des Provinces Illyriennes de partir sans etre munis de licences, a condition qu’k leur retour dans les ports illyriens ils ne soient charges que de sel, sous peine de confiscation du batiment et de la cargaison. Ces dispositions furent changees par le decret du 11 juillet 5 en ce sens qu’un tiers du chargement des bktiments destines au transport des sels pouvait etre compose des marchan- dises suivantes : acide de limon, aluns, amandes, aigruin, car- thame, cires en pain et non travaillees, coques du Levant pour enivrer le poisson, caroube ou carouge, ecorces d’oranges, essences, eponges, ligues et autres fruits secs ou frais, garance, galle pilee, noix de galle, liege, laine non travaillee, lin, peaux de lievre et de lapin, poil de chameau, raisins secs et frais, citrons et autres fruits semblables, soude et sel natron, soufre, valonea. Gaudin avait motive ainsi cette exception, dans son rapport du 10 juillet : le marche conclu avec Adamic, de fournir 300.000 minots (k 52 1.) de sel marin etranger, n’etait pas encore rempli, et le besoin ex- 1 LZ, 1810, 38. 2 BMC II. 3 AN, F IE , 61, n° 2. 1 AN, AFiv, pi. 4127, 1. 5 AN, AF‘ V , pi. 4452, 26. Decrqt et rapport du 10 juillet 1811. 230 LA VIE ECON'OMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNE.3 treme de ce produit exigeait qu’on favorisat autant que possible son execution. Les dispositions du 26 fevrier s’y opposaient, parce que les puissances ennemies — c’est-a-dire les Anglais — avaient defendu d’exporter du sel en Illyrie et en Italie, si le chargement n’etait compose d’un tiers au moins d’autres marchandises. Alors le directeur general des douanes avait compose la liste citee. D’apres ceci on voit deja assez clairement que 1’Illyrie etait appro- visionnee de sel par l’Angleterre; Adamic etait l’intermediaire. Nous reparlerons encore de son role tres interessant. Le decret organique du 15 avril, article 176 1 , avait decide que le ministre des finances ferait un rapport sur la vente des sels en Illyrie. Cependant, cette annee-la, il n’y eut pas de changements radicaux. En automne, les negociants de Karlovac demanderent k Bertrand la faculte de charger du sel dans les entrepots du litto¬ ral, pour profiter du retour des voitures y portant des grains ou autres denrees. (II semble que le manque d’approvisionnement des magasins de Bakar, Senj et Bag ait oblige les receveurs a refuser de delivrer le sel en grosses quantites.) Dizie repondit, dans une circulaire du 21 septembre, que les negociants de Kar¬ lovac pouvaient librement acheter du sel dans les entrepots du littoral, pourvu que les voitures fussent munies de recepisses ou acquits de paiement indiquant la quantite de sel aehete et le temps necessaire au transit. Si les dates des bollettes etaient trop anciennes, on supposerait qu’elles avaient deja servi. Martainville, en transmettant cette permission a la municipality, le 8 octobre, y ajoute que, seul le magasin de sel de Kraljevica etait excepte, et que chaque transport provenant de ce lieu serait confisque 2 . A l’occasion des deliberations sur le decret du 19 novembre, Ber¬ trand demanda la diminution du prix du sel dans les provinces hors douanes, ce qui augmenterait les stocks. Gaudin, trouvant l’idee juste, le prix de 6 florins favorisant extremement la contrebande, proposa la reduction a 3 florins par arrete, un decret n’etant pas necessaire. Mais cette reduction n’eut pas lieu. On coinmenga aussi a s’occuper plus serieusement de la restauration des salines illyriennes : l’administration des domaines mit en adjudication, le 2 decembre , h Trieste, les reparations de 165 bassins de saline et de 6 maisons d’exploitation, situes dans la vallee de Zavlje, montant approximativement a une somme de 8.328 francs 3 . 1 P. Pisani, La Dalmatie, p. 386, avec quelques anctes et decrets anterieurs et posterieurs. 2 AMK, 1811. 3 TO, 1811, 101. I.’eXECUTI0N DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 231 Cependant, toute cette periode n’etait que provisoire, on cher- chait une solution definitive; et il en etait de meme des tabacs. En Autriche, le tabac etait monopole. En France, la fabrication et la vente n’en devinrent privilege exclusif de l’Etat que le 29 de- cembre 1810. En Illyrie, les tabacs etaient d’abord en regie d’Etat; mais celle-ci n’ayant donne aucun revenu pendant 6 mois, on etablit une regie interessee, alfermee pour 4 ou 6 ans, au profit d’Adam Charles Schram, proprietaire et negociant a Rijeka. Le 27 juin 1810, le contrat, ou Schram s’engageait k payer 560.000 francs annuellement, fut accepte par Dauchy. Un arrete du 6 juillet 1 annonga l’etablissement de la regie des tabacs d’Adam Charles Schram. Le 9 juillet, Marmont arreta 2 que les principales dispositions de l’edit de Joseph II, du 5 mai 1784, sur la repression de la contre- bande du tabac restaient en vigueur, et proclama que la regie de Schram avait le droit exclusif de culture, d’introduction, de fabri¬ cation et de vente, excepte en Croatie militaire. Les 4 territoires dalmates d’lmotski, de Yrgorac, de Zadvarje et de Poljica etaient exempts de la prohibition. II etait aussi permis de se procurer, pour son usage personnel, des tabacs etrangers avec permis du regisseur. Le regisseur devait etablir des gardes, qui visiteraient les voitures et les maisons, pour empecher l’introduction et la circulation du tabac de contrebande, lequel serait saisi. Les amendes seraient celles de l’edit de 1784 : 16 fl. par livre (0 kg. 56), au-dessous d’unelivre etau-dessus de2 onces 1 fl.par once (35 gr.), ou, en cas d’insolvabilite, peine corporelle. Les memes amendes etaient applicables pour la culture prohibee ; les plants seraient detruits. Les bureaux des douanes enverraient chaque quinzaine des releves des acquits-a-caution du transit de tabac a la regie. Les tabacs recevraient une marque particuliere des douanes et, si cette marque manquait, ils seraient consideres comme contre¬ bande. Les agents qui operaient la saisie touchaient, en cas de fuite du delinquant, 10 kr, pour chaque livre (0 kg. 56) de tabac en feuille, en poudre et k fumer, 1 fl. pour chaque livre de cigares ; en cas d’arrestation du contrevenant, s’il etait insolvable, 30 kr. et 1 fl. 30 kr., et, si le contrebandier payait 1’amende, deux tiers de l’amende. Le 30 juillet, parut le tarif des prix 3 , fait par Schram pour toutes les sortes de tabac a fumer et a priser. Puis vint la realisation du contrat. En Croatie civile, par exemple, 2 commis- 1 BMCH. 2 APL, F 3 . G. Kobler, Memorie per la storia... di Fiume, III, p. 81. 3 AML, 27, n° 22. 232 LA VIE ECONOMIQUE DE3 PROVINCES ILLYRIENNES saires, Fr. Tomicic et J. Petrie, et 25 employes surveillaient son execution. Apres l’inventaire des tabacs, commencerent les re- cherches dans les maisons. Tomicic donna, le 27 aout, encore un delai de 3 jours pour la declaration L . Pendant l’annee 1811, il n’y eut pas de grands changements. Le 5 novembre 1 2 , la regie prevint les proprietaires des tabacs, de¬ poses a Trieste pour l’ancienne ferme, de se presenter dans un delai de 4 mois, a partir du 10 novembre, pour retirer le tabac qui leur appartenait ; apres cette date, ils ne seraient plus admis k le re- clamer. Mais il semble, que la regie interessee ne marchait pas a souhait : Pellenc ecrit deja, sur Schram 3 , qu’ondisait qu’il servait mal le public et qu’il gagnait beaucoup. Pellenc ajouta que le pre¬ mier de ces reproches paraissait certain, mais que le second ne Tetait pas, la facilite de la contrebande du tabac etant tres grande du cote de la longue frontiere de la Hongrie. Ainsi, on etait mecontent des tabacs comme des sels, et on cherchait un autre mode d’administration. Il semble qu’onait alors pense a l’etablissement d’une regie interessee des sels et tabacs, sur quoi Catineau La Roche redigea, le 11 fevrier 1812, une « Note sur les sels et tabacs dans les Provinces Illyriennes » 4 et, le 17 fevrier 1812, une « Note supplementaire sur les tabacs en Illy- rie » 5 , toutes les deux tres detaillees. Catineau La Roche y recherchait les causes des echecs passes, sur- tout au point de vue financier, et proposait des moyens d’augmenter les revenus. Il se prononga contre l’approvisionnement en sel parl’e- tranger,etmemeparl’ennemi,tandisqu’on abandonnait les salines indigenes. Le marche pour les tabacs etait egalement desastreux. L’lllyrie consommait annuellement 600.000 quintaux (h 56 kg.) de sel que les salines illyriennes pouvaient facilement produire, si on les encourageait. L’ltalie s’etait reserve les salines d’Istrie ; mais l’ltalie ayant assez de sels, on devrait en reserver une partie pour l’lllyrie, en attendant le developpement des salines indigenes. Au lieu du sel de Sicile — comme a present — on pourrait autori¬ ser le sel de Salzbourg, ce qui vaudrait mieux que d’envoyer aux Anglais le numeraire et les ressources navales illyriennes. Les salines fran§aises de l’fitat pourraient envoyer du sel en Italie. Sous l’Autriche, le prix du sel etait de 4 fl. par minot (52 1.), plus 51 kr. de droit de gabelle ; la Croatie inilitaire etait libre de ce 1 AMK, 1810. 2 TO, 1811, 91. 3 AN, AF'V, 1713, 3 e d„ n» 37. 4 AN, AFiv, 1713, 7 e d„ p. 13. 5 lb., p. 15. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 233 ■droit. C’etaient done 12 fr. 65 le minot (52 1.) ou 10 c. la livre (0 kg. 56), et 10.40 frs. le minot ou 8 c. la livre en Croatie militaire. Ces prix ont ete maintenus jusqu’au l er mars 1810. Alors, a cause •de la rarete de la marchandise, la difficulte des arrivages et la penurie des caisses, le prix s’est eleve de 4 fl. 51 kr. a 10 fl. 51 kr. Le l er mai, on a aboli le droit de gabelle et etabli le prix general de 6 fl., et 3 fl. pour la Croatie. Depuis, on avait ajoute 15 kr. pour la Croatie, ce qui faisait 3 fl. 15 kr. par minot (52 1.) ou 6 c. par livre (0 kg. 56 ), 2 c. au-dessous de l’ancien prix ; 6 fl. 30 kr. par minot (52 1.) pour les autres provinces, e’etait 13 c. la livre (0 kg. 56), 3 c. au-dessus de l’ancien prix ; en Piemont, la livre (0 kg. 56) valait 25 c. Le prix convenable serait : 6 fl. en general et 4 fl. en Croatie ; 60.000 minots (a 521.) ou 78 a 80.000 qx. (a 56 kg.) seraient vendus a ce prix. II n’etait pas necessaire d’accorder ensuite au meme prix 1.000 minots (a 52 1.) tous les mois a chaque regiment croate pour echanger des grains et des bestiaux avee la Turquie. La Dalmatic en avait plus besoin que la Croatie. 80.000 qx (a 56 kg.) suffiraient pour les hommes et les bestiaux en Croatie ; autrement, il y aurait contrebande entre la Croatie, qui aurait du sel en su- rabondance, et les districts voisins, qui pourraient ainsi se pro¬ curer du sel au prix de regie. Cela detournerait peut-etre les Croates de leur commerce avec la Bosnie, et on devrait acheter a l’etranger, contre du numeraire, les bestiaux que l’on recevait alors en echange du sel par I’intermediaire des Croates. Les recettes seraient: 80.000 qxalOfr. 40= 832.000 fr., 520.000 qx a 15.60 fr. = 8.112.000 fr., au total 9.944.000 fr. Les depenses ■seraient : pour les 18 magasins de sel (dont 6 en Dalmatie), les trai- tements, etc. = 330.000 fr., 600.000 qx a 3 frs. = 1.320.000 fr., au total 1.650.000 fr. On aurait doncun produit net de 7.294.000 fr. Jusqu’k present, le monopole n’avait produit que 1.500.000 fr., e’etait une difference enorme. On donnait pour causes : le mode irregulier de gestion, des liberalites excessives pour la Croatie, des privileges, etc. ; mais e’etait surtout l’insuffisance du personnel des douanes : il y avait 300 employes au lieu de 1.700. On epargnait 1 million pour en perdre 6 chaque annee. Il fallait done reorganiser les douanes. Pour les tabacs, la situation etait semblable. L’lllyrie avait 1.250.000 habitants, qui consommaient annuellement 600.000 livres (a 0 kg. 56); elle aurait du consommer le double ; en France, on comptait une livre (0 kg. 56) partete.La masse des consommateurs consommait les tabacs a 1 fr. 72 la livre ; une petite partie, le ta- bac moyen ; tres rare etait l’emploi du tabac superfin des fa- briques du pays, a 8 fr. 28 dans certaines provinces et a 5 fr. 92 234 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNE3 dans d’autres. 600.000 livres a 1.25 donnaient 750.000 ; les frais -—• enormes — s’elevaient a 250.000, le produit net n’etait done que de 500.000 fr. La contrebande diminua d’un tiers les ventes re- gulieres. Le fermier, connaissant l’insufilsance des douanes, en- tretenait a sa solde autant d’hommes artnes qu’il etait necessaire, et meme des batiments de guerre pour empecher la contrebande en Croatie et au littoral. II avait done a sa solde des douaniers particuliers — e’etait la la veritable cause de l’accroissement des depenses et du peu de benefices. Lorsque les douanes seraient bien organisees, la regie vendrait annuellement 900.000 1., et le bene¬ fice serait a peu pres d’un million ; les frais administratifs seraient les memes pour les sels et les tabacs. Sels, tabacs et droits de douane donneraient 6 a 8 millions de recettes. Catineau La Roche se prononce contre la mise des tabacs en regie en Illyrie, et cela, pour les raisons suivantes : l’lllyrie etait sans exportation et sans navigation, avec des besoins immenses a satisfaire ; le numeraire manquait et, si l’administration n’y portait secours, 1’Illyrie deviendrait bientot « le pays le plus malheureux de la terre ». Trouver un commerce d’echange devait etre le but de 1’administration. Or, la Dalmatie et la Croatie produisaient d’excellents tabacs. II fallait done encourager cette culture ; les manufactures italiennes acheteraient du tabac illvrien au lieu d’en acheter du hongrois et du turc, et la regie frangaise tirerait de 1’Illyrie la quantite qu’elle etait autorisee h faire venir de l’etranger. Comme 1’Illyrie avait besoin de moyens d’exportation, il fallait laisser a tous la liberte de planter et de vendre le tabac. La mise en regie bornerait probablement la cul¬ ture aux besoins de la consommation locale. On pourrait compen- ser cette perte par un droit d’entree sur les tabacs hongrois, en feuilles, tant que l’lllyrie ne suffirait pas. Ce droit stimulerait aussi la production indigene. Catineau La Roche voyait done le mal principal dans l’insuffi- sance des douanes, et se pronongait contre une regie des tabacs, mais pour une regie des sels. Cependant, les douaniers ne furent pas augmentes, et le decret du 14 mars 1812 1 * * etablit une regie reunie des sels et tabacs au compte du gouvernement. La ferme des tabacs, prevue au marche passe en juin 1810 avec Schram, fut supprimee le l er juillet 1812, et le marche, passe en avril 1810, avec Adamic, pour l’approvisionnement du sel, fut resilie h la 1 AN, AF lV , pi. 5093, 1 bis. TO, 1812, 34, 35. Mentionne chez H. Costa, Bei- trage..., pp. 25-26, A. Dimitz, Geschichte Krains..., IV, p. 338, D. Rossetti, Delle saline di Trieste..., XX, pp. 137-141. l’execution du blocus continental en illyrie 235 incine epoque. La regie du gouvernement devait tirer, de France, un tiers des sels necessaires estime a 40.000 qx (a 56 kg.)., qui se- Taient fournis au prix le plus bas et alfranchis des droits de douane, de transit et de navigation sur le Po. La meme regie etait chargee de la fabrication et de la vente exclusives des tabacs et tirerait, egalement de France, le quart des feuilles necessaires, estime a 1.500 qx (a 56 kg.), qui seraient fournis a 76 fr. le quintal et egale¬ ment alfranchis. La regie serait composee d’un directeur general, de 3 administrateurs, d’un secretaire general et d’un caissier, aux traitements de 12.000 et 6.000 fr. Ils auraient encore une remise de 5 % sur les produits nets au dela de 3 millions, de 10 % de 3.600.000 a 4.000.000 et de 20 % en excedant 4 millions. Les sommes necessaires au premier etablissement seront avancees sur les finances des Provinces Illvriennes. La regie entrera, le l er juillet, en possession des magasins, depots, etc. II devra y avoir toujours du sel pour six mois en magasin. Les prix sont provisoirement maintenus. Le tarif sera diminue quand la recolte indigene suflira aux besoins. La regie doit fournir aux regiments croates la quantite de sel necessaire a leur consommation, a des prix qui seront regies. Tout autre privilege est aboli. Les sauniers de Pile de Pag etaient exempts du service de la garde nationale, leur association etait autorisee a fournir son contingent en volon- taires. La regie entrera egalement en possession des batiments et du materiel servant a la fabrication des tabacs, ainsi que des stocks qui seront achetes apres estimation. Les tabacs seront classes en 3 qualites : superieur, mediocre et inferieur; les tabacs avaries seront brules. Le gouverneur general proposera un nouveau tarif, et des mesures pour protegerla culture indigene. Les tabacs en feuilles pourront circuler sans acquit-a-caution, les tabacs fabriques porteront la marque de la manufacture im- periale et auront besoin, au-dessus de 10 kg., d’un acquit-a- caution. II est defendu a chaque particulier d’avoir chez lui du tabac en feuilles, s’il n’est pas cultivateur, et la meme defense fut faite aux cultivateurs, apres la date fixee pour la livraison aux magasins de la regie. Tout tabac en feuilles sans acquit sera confisque, de meme que les batiments, voitures, etc., servant au transport. Les proprietaires, voituriers, etc., paieront une amende de 50 fr.II est egalement defendu a tout particulier d’avoir chez lui des tabacs fabriques, autres que ceux de la regie. Les tabacs en feuilles et fabriques sont prohibes a l’entree, a l’exception de ceux venant de France. Toute infraction est punie d’une amende de 500 fr. et de la confiscation des tabacs. Les preposes de la regie qui en falsifieraient les.tabacs, seront destitues et punis de six jours 236 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNE3 a 2 ans de prison, et de 16 fr. a 500 [fr. d’amende. La contre- bande du sel et du tabac, avec attroupement et port d’armes, sera jugee conformement a la loi du 13 floreal an XI. Les frais d’admi- nistration seront regies par decret. Le caissier de la regie fournira une caution de 50.000 fr. en immeubles. La Croatie militaire etait exceptee des dispositions du present decret et etait consideree comine province etrangere. Le siege- de la direction generale etait a Trieste ; a Ljubljana, il y avait un directeur particulier pour la Carniole et la Carinthie et des rece- veurs dans les villes principales : Beljak, Lienz, Novo mesto, Pazin, Pula, Rijeka, Karlovac, Bakar, Senj, Rab, Bag, Pag, Zadar, Novigrad, Skradin, Sibenik, Trogir, Split, Omis, Makarska, Ston, Dubrovnik, Kotor. L. Delaville Le Roulx devint directeur general, Gauthier secretaire general, le baron de Kalchberg caissier, J. Maltese directeur des sels et tabacs, a Rijeka. II senible qu’Adamic et Schram ne s’attendaient pas a l’etablis- sement d’une regie du gouvernement, et qu’elle les prit a l’impro- viste. Toussaint en parle dans un de ses rapports 1 : Les associes d’Adamic etaient dans la plus grande inquietude; celui-ci s’etait rendu, il y avait longtemps deja, en Angleterre, pour des disposi¬ tions concernant le commerce du sel, et, comme son contrat avait ete reside depuis son absence, ils craignaient qu’Adamic n’eut fait de grands sacrifices avant que la nouvelle de la reprise de la vente du sel par le gouvernement ne lui fut parvenue. On crovait egale- ment que les associes de Schram seraient leses, mais que lui-meme se tirerait d’affaire et, comme il avait fait un heritage considerable en Autriche, on presuma qu’il irait s’y etablir. A cette epoque, il y eut aussi un episode caracteristique, l’arres- tation d’Adamic, dont nous informe egalement Toussaint 2 . Ada¬ mic avait ete en Angleterre, afin de negocier le commerce du sel pour l’lllyrie et meme pour l’ltalie. Son associe, Cayous, pretendit qu’Adamic qui, sous l’Autriche, etait en rapports commerciaux avec 1’Angleterre, avait denonce a l’amiraute de Londres 42 pirates qui ravageaient les cotes illyriennes, sous pavilion anglais ; par suite, ces pirates avaient recju l’ordre de quitter l’Adriatique, et plusieurs chefs avaient ete punis. En retournant, Adamic apprit, a Malte, que les pirates avaient jure de se venger; il s’embarqua alors sur un batiment sicilien et se rendit a Vis. La, le colonel Danese 3 1 AE, Autriche, 55 (Provinces Illyriennes), 23 aout 1812. 2 AHG, 10/5, rapports du 18 novembre, 23 novembre, 5 decembre, lettre du 30 novembre 1812. 3 Emissaire autrichien en Dalmatie (P. Pisani, La Dalmalie, p. 438). l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 237 lui apprit que les Anglais preparaient une descente a Kotor ; Adamic ne voulant plus aborder en Dalmatie, se rendit a Ve- nise. La, avant ete interroge, il repondit au conseil de sante qu’il ne voulait — d’apres les instructions du gouverneur general —■, repondre qu’au gouverneur general ; on l’arreta, puis on le mit en liberte ; a Ljubljana, il fut de nouveau arrete et conduit a Trieste, sous le soupgon d’avoir procure au colonel Danese les moyens de penetrer sur le continent. Le 27 novembre, il fut mis en liberte et, le 30, revenu a Rijeka, Adamic se plaignit a Bertrand de ces deux arrestations de 52 jours qui l’avaient ruine et lui avaient fait perdre son credit en meme temps que 30 na- vires approvisionnant de sel I’ltalie. 11 enumera ses titres : Quand les Frangais etaient venus, les caisses publiques etaient vides. Lui seul eut confiance dans le gouvernement, meubla Fhopital de Rijeka, nourrit les troupes, fournit des grains a la Croatie mili- taire, exporta les metaux et les planches de l’lllyrie, approvisionna de sel en 5 mois, et pour une duree de 14 mois, les magasins de Kotor a Devin, qui etaient vides. Quand les innovations des douanes causerent, en represailles, la suppression du commerce- du sel, le gouverneur general avait voulu qu’Adamic allat en Angleterre, pour le retablir. Il y avait mis 14 mois et reussi, a Londres, en manoeuvrant l’opposition, a faire adresser des re- proches k l’amiraute, a propos des corsaires qui deshonoraient la nation. Ordre avait ete donne de lever le blocus pour tout navire non arme. Ce n’etait pas un homme qui conspirait contre la patrie, celui qui, en 1809, avait approvisionne de sel l’ltalie, alors en guerre avec l’Autriche. Adamic pria de faire poursuivre ses calomniateurs, sinon, il se retirerait en Autriche ou en Italie. Une semaine plus tard, le gouvernement desira de nouveau son secours pour aider les negociants Rudolph a Ljubljana, Voit h Trieste, et Donadien, a approvisionner Dubrovnik et Kotor, peut- etre en procurant libre passage aux convois. Ces rapports sont presque volontairement obscurs ; neanmoins, ils laissent entrevoir le role singulier que joua Adamic avec la complicite presque ouverte du gouvernement illvrien, comme in¬ termediate plus ou moins ollicieux entre l’lllyrie et 1’Angleterre. Probablement, ses embarras financiers ont ici leur source. Une nouvelle ere commenga avec l’etablissement de la regie d’Ftat des sels et des tabacs ; les directives de Chassenon et de Catineau La Roche furent executees. En ce qui concerne les tabacs, la tendance etait de pourvoir la regie de tabac indigene. On publiait des invitations a planter du tabac, sans beaucoup ..de succes, d’ailleurs. Un avis du 8 fe- 238 LA VIE ECONOMIQUE DEI PROVINCES ILLYRIENNES vrier 1813 1 , avertit le public que I’inteudant general avait designe pour cette culture, la meme annee, les provinces de la Carniole ■et de la Croatie civile ; aux autres provinces, elle etait defendue sous peine de 1.000 fr. d’amende. Codelli publia, le 12 avril, un avis 2 que quiconque desirait des plants de tabac pouvait s’adres- ser au directeur de la regie. En mars, furent fixes les prix d’achat pour la recolte de 1813 3 , par quintal decimal, en francs : premier arrondissement : Croatie civile, bonne qualite: 100,80, 70 ; qualite mediocre : 90, 70, 60 ; mauvaise : 60, 50, 40 ; second arrondisse¬ ment : Carniole, bonne qualite : 95, 75, 65 ; mediocre : 85, 66, 55 ; mauvaise : 55, 45, 35. Le tarif frangais restait en vigueur jusqu’a la fin de juillet 1814, date ou Saurau, le 16 juin, introduisit la patente autrichienne du 8 mai 1784 4 . Enfm, le 12 mai, comme mesure de surete publique, un avis de police, a Ljubljana, defendit de fumer la pipe, et surtout les cigares, dans les rues et places, sous peine de confiscation, et, en cas reitere, sous peine plus grave 5 . Quant aux sels, on poursuivait egalement la politique, deja manifestee en 1810, qui etait de s’affranchir de l’etranger, en relevant les salines indigenes. En Dalmatie, il ne parait pas que le gouvernement ait fait beaucoup. On parla, a plusieurs reprises, du relevement de ces etablissements et nous connaissons le conseil de Catineau. Mais le manque d’argent ne permit pas d’en venir des paroles aux actes. On fit plus pour les salines de Trieste, sur¬ tout pour celles de Zavlje et de Skedenj 6 . Ces salines se trouvaient deja, a la fin du xvm e siecle, dans un etat de decadence. Les guerres, surtout celle de 1809, firent empirer encore la situation, qui devint deplorable. Mais ici se manifesta une des rares bonnes conse¬ quences du systeme continental, en Illyrie : ceux qui plagaient autrefois leurs capitaux dans le commerce transoceanique, les placerent dorenavant dans les salines, qui ressusciterent ; et, meme apres la fin du systeme, leur activite persista. C'etait la part des particuliers ; l’autre fut l’aide du gouvernement. L’in- tendant Arnault publia, le 19 avril 1810, un avis, par lequel les travaux necessaires pour mettre en bon etat les salines de Zavlje et de Skedenj seraient adjuges au plus offrant. Les reparations furent executees en 1811, avec une depense de 5.498 fr. pour 1 TO, 1813, 13. 2 AML, 1, n° 90. 3 TO, 1813, 20. x 1 APL, Fia. 5 A. Askerc, Kako se je godilo... (La situation des fumiurs...), pp. 338-39. 6 D. Rossetti, Delle saline di Trieste..., XVIII, pp. 113-115; XIX, pp. 417- 418. l’execution ud blocus continental en illyrie 239 Skedenj, et de 2.404 fr. pour Zavlje, le tout aux frais du gou- vernement. Le 13 avril 1812, fut institute une commission des sels pour surveiller les travaux et maintenir l’ordre entre pro- prietaires et sauniers. Arnault en nomma les membres, le 20 mai: 3 delegues des proprietaires — parmi lesquels la com¬ mune de Trieste et les domaines — et 3 des sauniers. Un arrSte du 8 mars 1813, decidant de mettre Zavlje et Skedenj sans delai en pleine culture, renfermait egalement des dispositions pour ame- liorer le sort des sauniers employes. Neanmoins, les salines indigenes ne pouvaient couvrir les be¬ soms de 1’Illyrie et, comme auparavant, les navires continuerent d’importer du sel. Au debut de 1812, Napoleon fut instruit de l’arrivee a Trieste de plusieurs batiments illyriens, charges de sel et de denrees coloniales, et demanda compte des autorisations donnees. Montalivet repondit, le 6 janvier 1 , en rappelant les decrets du 26 fevrier et du 11 juillet 1811, qui dispensaient des dispositions du decret du 25 juillet sur les licences, et expliquaient partiellement ces arrivees. Independamment de ces dispositions, le sel etait aussi l’objet de demandes de licences, que Napoleon accordait encore assez facilement. II avait signe 6 licences : 4, lc 18 septembre 1811, pour Carracolo et Zazzarengo a Trieste, va- lables pour 6 mois, et applicables a des navires tripolitains, avec l’obligation d’exporter la valeur en produits illyriens et frangais et d’importer deux tiers de sel, et un tiers d’objets autorises; le 7 decembre, 1 licence a Louis Michaud, negociant a Rijeka, pour le navire illyrien le Chasseur, et 1 a l’armateur Gaetano Anastasio a Trieste, pour la Semiramide, ces deux licences fixant moitie de l’importation en sel, moitie en denrees autorisees. L’Illyrie souffrant toujours d’une penurie de sel, les negociants demanderent encore d’autres licences, pour 12 navires tripolitains, et valables un an. Cependant, le ministre de la marine avait signale des abus, commis par 65 navires sortis des ports illyriens pour Tapprovisionnement du sel, lesquels entretenaient des communications continuelles avec Tennemi. C’etaient des batiments libres ; e’est pourquoi Montalivet demanda s’il ne valait pas mieux donner des li¬ cences, en nombre limite, et dont les maisons de commerce fussent responsables, que de laisser a tous les navires illyriens la liberte d’aller chercher du sel. Mais, sur ce point, il n’y eut pas de change- ment. Les navires continuerent d’importer librement du sel, et aussi d’avoir, au retour, des dilficultes avec les douanes, comme par exemple le navire ottoman Irnikov, avec une cargaison de 1 AN, AF'v, 1713, 7 e d„ p. 1. 240 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES deux tiers en sel et un tiers en marchandises permises, a la douane de Trieste, en fevrier 1813 \ Les sels et les tabacs etaient aussi — comme nous l’avons deja vu a plusieurs reprises — l’objet d’une active contrebande. Les actes des tribunaux de Karlovac et de Ljubljana renferment bon nombre d’arrestations, de confiscations et de condamnations, pour 1811, 1812 et 1813, concernant la contrebande de sel et de tabac, dans quelques cas aussi, de sel mineral d’Autriche 1 2 . Les contrebandiers de sel etaient en relation etroite avec les Anglais. Nous avons deja parle ailleurs — au chapitre des routes — de la pointe de Klek. Chabrol rapporte, le 18 fevrier 1813 3 , que les Anglais se sont empares, le 4 fevrier, de Lastovo et de Korcula,. pour s’assurer les communications avec Klek et le commerce de sel ^vec les Turcs, ce qui a pour resultat de priver la regie de benefices considerables. A Dubrovnik, la vente du sel gris et du sel blanc etait presque nulle, a cause des grandes quantites de sel introduces par la contrebande a des prix inferieurs a ceux de la regie 4 . On baissa alors les prix — vers la fin de l’lllyrie — : celui du sel gris, pour les habitants, a 8 fr. lc quintal (56 kg.), pour les Turcs a 7 fr. 50 ; celui du sel blanc a 10 et 9 respectivement 5 . Un projet de de.cret sur la contrebande du sel, que Napoleon approuva le 24 septembre 6 , punit toute introduction frauduleuse avec confiscation et amende au triple de la valeur du sel saisi, plus 100 fr. ; proprietaires, assureurs, complices, etc., etaient tous solidaires. En juillet, les Anglais avaient ete a Rijeka et un pillage general des magasins des sels et tabacs a Rijeka et Bakar, par les habitants voisins, s’en etait ensuivi. Bertrand arrete, le 18 juillet 7 , qu’en 3 jours ces sels et tabacs doivent etre declares- et remis aux maires. Des visites domiciliaires seront faites, et les receleurs condamnes aux peines prevues au decret du 14 mars 1812. Mais il est plus que probable que ces deux dernieres mesures ne furent pas executees . De bien moindre importance etaient les monopoles des poudres,, des salpetres et de la loterie. Pour les premiers, qui en Autriche 1 AN, F 12 , £081, 2 avril 1813. 2 AMK ; AEZ ; ATL ; APL,F 2 ; AML, 18 ; partout plusieurs actes. 3 AN, AF-v, 1089 B, 2 e d., p. '29. 1 Paulic, le consul d’Autriche a Fravnik, etait d’avis qu’on avail aug- mente le prix du sel en lllyrie pour couvrir le deficit du transit franco-illyro- le. antin. ( V. Popovic, Tvgovinai promel Bonne u Napolonovo doba (Le com¬ merce de la Bosnie a l’epoque napoleonienne), pp. 89-90. 5 AHG, 10/6, 9 septembre 1813. 6 AN, AF It , 1305, pieces 258-260. 7 APL, 44. L EXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN 1LLYRIE 241 avaient ete egalement monopoles, bientot apres la cession, la production descendit. Lichtenberg, president de la regence en Carniole, adressa, le 7 fevrier 1810, au general baron de Plauzonne, chef de l’fitat-major general de l’armee d’lllyrie, des demandes des mines particulieres de Carniole et de Carinthie, qui manquaient de poudre, ainsi que les mines imperiales. Le moulin k poudre, pres de Ljubljana, en possession des heritiers de Kapus, n’etait plus en activite depuis 9 mois. Dauchy trouva exagerees les quantites de poudre demandees par les mines et demanda, le 17, une liste de renseignements sur le systeme employe en Autriche, le prix d’achat, de vente, etc. L’administrateur du moulin a poudre, Max Cerin, y repondit, le 27 fevrier et le 7 mars : au temps de 1’Autriche, le prix du quintal (56 kg.) avait ete : de salpetre 110 fl., de soufre 25 fl., de poudre d’arquebuse 111 fl., de poudre a fusil ou a canon 93 fl., de poudre demine, 87 fl. A present, a cause de la depreciation de l’argent, les prix respectifs etaient : 200, 150, 222, 192, 197, c’est-a-dire le double. Pour l’avenir, on ne pouvait rien dire. Les prix de vente, en Autriche, aux particuliers, etaient, pour les 3 sortes de poudre 225, 177, et 130 fl., le tout en Banco- zettel, d’apres lajvaleur nominale. Les frais de fabrication etaient alors le triple. On pouvait atteindre annuellement 500 qx (a 56 kg.) de poudre de mine, et la moitie en especes plus fines. C’etait trop peu pour l’lllyrie, mais on pourrait augmenter la production de moitie 1 . Le 15 juillet, 12 salpetriers furent nommes, et le 17 decembre, Marmont prit un arrcte relatif a l’exploitation et a la fabrication des salpetres L A partir du l er janvier 1811, le gouvernement se reserva l’exploitation. Les arrondissements des 12 salpetriers et les quantites alivrer seraient fixees par une commission de l’adminis- tration des poudres.Le quintal (a 56 kg.)leur serait paye 55 fl.; ils devraient faire les livraisons a la fin de chaque mois ; s’ils vendaient ailleurs, leur atelier serait supprime et ils paieraient une amende de 500 fr. Tout individu exploitant sans autorisation paierait 300 fr. d’amende. L’administration des poudres surveillerait la fabrication. 3.000 fr. d’amende, avec confiscation de la poudre, etaient infliges aux particuliers qui en fabriqueraient sans auto¬ risation speciale. Dans la quinzaine, chaque possesseur de plus de 5 livres (a 0 kg. 56) devait les declarer a fautorite locale, sous peine de confiscation et d’amende de 200 fr. Les proprietaires des mines, forges et usines devaient declarer a 1’intendant la quantite 1 AGL, 1810. 2 APL, F, ; TO, 1811, 18. it) Pivec-Stel& 242 LA VIE ECONO MIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES dont ils disposaient et celle qui leur etait necessaire pour un an. Dans chaque ville, une personne serait exclusivement chargee de la vente. Les vendeurs sans autorisation verraient leur stock confis- que, avec une amende de 500 fr. Si un vendeur vendait de la poudre de contrebande, sa commission serait supprimee, la mar- chandise confisquee, et il paierait 1.000 frs. d’amende. De meme, seraient condamnes a 20 fr. d’amende par livre (0 kg. 56), ceux qui transporteraient plus de 10 livres de poudre sans passeport de l’administration des poudres et salpetres, et les poudres, les voi- tures, etc. seraient confisquees. Tout navire marchand devait, dans les 24 heures, faire la declaration des poudres a bord, et ne pouvait sortir sans permis des douanes ou de la marine, sous peine de 500 fr. d’amende. Les poudres prises a l’ennemi par les bati- ments de guerre seraient achetees, si elles etaient bonnes, pour le service de la marine ; sinon, elles seraient payees d’apres la pro¬ portion de salpetre. La poudre de chasse serait vendue aux debi- tants a 465 fr. par quintal (56 kg.) et revendue a 500 fr. ; la poudre de mine a 182 et 200 fr. 1 Barthomeuf, commissaire en chef de l’administration generale des poudres, en France, charge par le ministre de la guerre d’orga- niser le service des poudres et salpStres en Illyrie, vint, en aout 1812, a Ljubljana, et l’arrete du 15 decembre de la meme annee 2 fusionna l’administration des poudres et salpetres avec la regie des sels et des tabacs. C’etait l’organisation definitive, avec un commissaire en chef de l re classe, deux commissaires adjoints am- bulants, un eleve, un garde-magasin caissier et un entreposeur. Les droits sur la fabrication des potasses etaient maintenus, et la fabrication n’etait permise que par commission des commissaires des poudres. Le nombre necessaire des salpetriers devait etre en¬ core determine. L’ancien prix de 142 fr. pour le quintal de Vienne (56 kg.) n’etait que provisoire. II serait etabli par le gouvernement une seule et unique raffinerie, et une fabrique imperiale des poudres. La poudriere, pres de Ljubljana, serait mise a la disposi¬ tion de l’administration le l er janvier 1813. 3.000 fr. d’amende, avec confiscation, seraient infliges pour fabrication illicite de poudre. II y aurait un entreposeur a Beljak pour approvisionner la Carinthie, et deux depots de poudre, un a Ljubljana et un a Beljak. Quand les Autrichiens revinrent, les salpetriers etablis par les FraiiQais s’enfuirent; il n’y avait pas de stocks, et les deux etablisse- ments de Ljubljana furent occupes par la commission d’artillerie 3 . 1 TO, 1812, 64. 2 TO 1813 23-28 3 AML, 13, n° 30 (9 decembre 1813). l’eXECUTION DU BLOCHS CONTINENTAL EN ILLYRIE 243 Quant a la loterie, elle fut etablie par l’arrete de Marmont, du l er aout 1810 1 , pour garder le numeraire, car, depuis la suppres¬ sion de I’ancienne loterie autrichienne, beaucoup de gens l’expor- taient au profit des loteries etrangeres de Yenise, Graz, etc. Elle eut un directeur general a Ljubljana — Emmanuel Leboeuf —, 1 caissier principal, 2 inspecteurs d’arrondissement a Trieste et k Zadar, 3 controleurs et receveurs. Les loteries etrangeres ou parti- culieres furent prohibees. On ne manqua pas de souligner, dans des avis nombreux parus au Telegraphe Officiel , etc., les avantages qu’elle presentait sur l’anciepne loterie autrichienne. Un arrete du 5 janvier 1812 2 , fixa encore, k partir du 15 janvier, le minimum de la mise a 25 c. et 10 c., et etablit une seconde roue de loterie a T rieste. On peut encore mentionner la chasse, et la peche, considerees comme regales, mais de peu d’importance, et dont on ne s’occu- pait pas beaucoup. Quant aux debts de chasse, le decret general du 8 mai 1811, attribuant sur chaque condamnation une grati¬ fication de 3 fr,, fut rendu applicable a Tlllyrie 3 . Si nous reunissons ici ce que les dilferents monopoles rappor- terent, chaque annee, nous avons les chiffres suivants (en francs) 4 : En 1811, le tabac donna 500.000 fr., le sel 1.500.000 fr.; en 1812, sels et tabacs, 2.000.000 de fr. ; en 1813, on attendait 3.000.000 de fr. Les poudres et salpetres rapporterent en 1811 (les autres annees n’etant pas mentionnees) 50.000 fr. La loterie, en 1810, ne donna rien, en 1811, on avait prevu 60.000, mais on n’eut que 6.500 ; en 1812, on n’avait prevu que 150.000, mais on regut 240.000 ; en 1813, on serait parvenu probablement a 300.000 — ■ ce qui prouve evidemment que les gens aimaient a jouer, en depit des temps mauvais. Ces chiffres ne sont pas precisement imposants ; cepen- dant, on constate une lente progression. Nous avons vu que les contributions directes baissaient ; pour les contributions indi- rectes, c’est le contraire : elles augmentaient, quoique assez insen- siblement. Neanmoins, ce qui est curieux, c’est que la population, qui souffrait taut des contributions directes, souffrait moins des contributions indirectes, parce que celles-ci lui etaient plus fami- lieres, existant deja du temps de l’Autriche. Tout de meme, nous verrons, dahs le chapitre sur l’opinion publique, les plaintes a propos du rencherissement du sel et du tabac. 1 AI>L, F„ 2 TO, 1812, 16. 3 A PL, 44. 4 AN, AFiv, 1713, 8 e d., p. 2. 244 LA VIE ECONOMIQUE CES PROVINCES IL L YRIE X N T E S c. — Les domaines. En Illyrie, surtout en Carinthie et en Carniole, un nombre conside¬ rable de domaines passerent de la propriety du gouvernement au- trichien a celle de Napoleon. Nous avons deja parle des forets et des mines d’Etat, il nous reste a parler des autres proprietes, seigneuries, terres, jardins, prairies, batiments, etc. Cependant, il n’y a pas de liste complete conservee ; en janvier 1810, une liste partielle des biens d’Etat en Carniole en enumere 31 1 2 . Mais le nombre des anciens domaines fut augmente par des sequestres importants. En outre, les domaines etaient reunis dans une meme administration, avec l’enregistrement et le timbre, dont nous par- lerons aussi brievement. L’administration de l’enregistrement et des domaines en Illyrie 3 * * fut organisee par arrete du 28 octobre 1810. L’arrete du 15 juillet 1810, etablit la contribution du timbre, que vise aussi celui du 25 juillet 1811 3 . L’arrete du 6 octobre 1811 4 ajouta la contribu¬ tion sur les cartes a jouer et sur plusieurs objets semblables qui furent egalement imposes. La population trouvait toutes ces contributions assez vexatoires. La depreciation de la monnaie provoqua l’arrete du 20 octobre 1810 6 , qui decidait que les fermiers des domaines nationaux, dont les baux etaient stipules en grains ou denrees, seraient tenus de payer en numeraire metallique la valeur des grains et denrees, d’apres les mercuriales publiees dans les chefs-lieux de canton, dans un delai de 2 mois. L’arrete du 11 janvier 1811 5 nous revele une consequence facheuse du changement de gouvernement, en proclamant que quiconque, dans l’espace d’une annee, procurerait a l’administration des domaines la possibility de poursuivre des sommes ou effets soustraits au gouvernement au cours du change¬ ment de l’administration, recevrait un quart de cette valeur. Le decret organique du 15 avril — art. 163-166 — n’apportapas de changements dans cette partie de l’administration, dont on pent poursuivre les operations dans les avis au Telegraphe Official 7 : elle vendit des planches et des denrees a Vrhnika, en janvier 1811, 1 AGL, 3 janvier 1810. 2 P. Pisani, La Dalmatie, pp. 382-383. 2 APL, F 3 . 1 lb. 6 TO, 1810, 14. 6 TO, 1811, 6. 2 TO, 1811, 4, 12, 13, 18, 23, 24, 27, 79, 80 ; 1812, 17, 23, 33, 80 ; 1813, 2, 21. AMK, 1811. l’eXECUTION DU BLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 245 des grains de 3 seigneuries de Carinthie, en fevrier, et mit, le meme mois, en location aux encheres, pour 3 ans, une scierie a Bistra; en mars, le bureau de Beljak vendit des cordes, des planches et des clous, et loua, aux encheres, plusieurs jardins, prairies, terres et batiments ; celui de Ljubljana vendit des denrees perissables, et provenant des approvisionnements du siege : riz, haricots, viande salee ; en avril, suivirent une vente de provisions du cha¬ teau de Sachsenburg, et une vente aux encheres, a Metlika ; en octobre, l’adjudication des droits de peage a Beljak et Lienz, et des impots sur le vin, la viande et la musique, a Postojna et Lju¬ bljana ; au debut de 1812, 3 domaines en Carinthie furent donnes en bail pour 3, 6 ou 9 ans, et les droits sur le vin, a Trieste, loues pour 1812 ; l’administration militaire, h Trieste, vendit du ble et des haricots ; la fourniture du papier destine au timbre, et l’adjudication des impots sur le vin et la musique, a Postojna, se firent en octobre ; en janvier 1813, 2 moulins imperiaux furent mis en adjudication; en avril, on vendit des objets provenant des corporations supprimees. Tout ceci ne represente rien d’extraordinaire, mais donne le tableau d’une activite reguliere. Cependant, l’administration de l’enregistrement et des domaines avait un defaut : un personnel tres nombreux, qui se multipliait sans que, pour cela, les recettes suivissent la meme progression ■—- comme le dit P. Pisani. Parmi ces fonctionnaires, se distingua Bella (Fran§ais) 1 , verificateur de l’enregistrement et des domaines et qui, d’apres Pellenc 2 , pourvut plusieurs membres de sa famille de postes dans son administra¬ tion ; tous, dans Pensemble, etaient peu estimes. Belloc 3 , son beau-fils, etait directeur de l’enregistrement du timbre et des do¬ maines. Ce qu’il y a de plus interessant dans l’administration des do¬ maines illyriens, c’est son enrichissement grace aux biens seques- tres ; on mettait sous sequestre avec zele, surtout au debut. II y eut d’abord quelques sequestres de biens de particuliers. Dauchy ordonna, le 8 fevrier 1810 4 , de mettre le sequestre sur les biens de Montecucoli, pour apprendre aux grands proprietaires a payer avec exactitude les contributions. Marmont, par un arret du 14 mars 5 , mit sous sequestre les biens de Monkovic et de 1 Dossier personnel detruit. 2 Dossier personnel detruit. 3 AN, AF>v, 1713, 3 e d„ n° 36. 4 AGL, 1810. 6 APL, 41. II n’a pas ete conserve plus de details sur ces trois personnages ni sur les motifs des sequestres. 246 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES Dimitri ; et, le 11 janvier 1811 1 , la reunion au domaine des biens meubles et immeubles des benefices vacants fut executee. Plus importants, cependant, que ces sequestres prives etaient ceux des biens autrichiens en Illyrie, executes en represailles de certaines decisions de Vienne. En reponse a la decision de la chambre des finances de Vienne du 18 fevrier 1810, mettant sous sequestre les biens de l’eveche de Ljubljana, en Styrie, Dauchy ordonna, le 6 avril, aux intendants 2 de mettre sous sequestre tous les biens, meubles et immeubles, rentes, titres, etc., appartenant a des eveches, cures, couvents et autres etablissements ecclesias- tiques, en Autriche. Le 11 decembre 3 , l’Autriche suspendit, jus- qu’au l er octobre 1811, les jugements qui condamnaient les sujets autrichiens a payer des etrangers en bon argent. Marmont re- pondit par Parrete du l er janvier 1811 4 , pour attenuer les eflfets de cette mesure sur les Illyriens : tous les biens et proprietes autrichiens en Illyrie, en meubles, marchandises, rentes, creances, capitaux, etc., etaient saisis et provisoirement sequestres comme garantie. Tout paiement ou remboursement a des sujets autri¬ chiens avant le l er octobre etait defendu aux Illyriens. Les Illy¬ riens, debiteurs ou creanciers d’Autrichiens, devaient faire, dans les 3 jours, la declaration de leur situation aux intendants et com- missaires de police. II etait cree, a Trieste, une commission spe- ciale, composee du consul Seguier, du receveur general Basson, du president du tribunal Pascotini, et de 2 negociants, pour pro- noncer en dernier ressort sur les contestations, qui pourraient naitre de cet arrete. Mais cet arrete fut annule par celui du 14 fe¬ vrier 5 , dont le motif est inconnu. Sur la demande de l’ambassadeur d’Autriche, Schwarzenberg, relative a cette affaire des sequestres, Marmont adressa & Napo¬ leon un memoire que celui-ci envoya le 2 avril a Champagny en disant 6 qu’il etait peut-etre convenable de liquider toutes ces affaires de mainmorte. L’Autriche, de son cote, ferait ce qu’elle voudrait des biens du clerge illyrien ; lui — Napoleon — -s’empare- rait des biens du clerge autrichien. Les deux choses se vaudraient, et on prouverait, par une note, que les Autrichiens avaient com¬ mence. Neanmoins, l’affaire ne fut pas resolue si vite. Un v, 1713, 8 e d„ p. 2. l’execittwn-du bloc-us - continental- en- illyrie 251 satisfaisants. La louange adressee a Chabrol etait bien meritee ; mais Gaudln etait probablement le seul a etre satisfait. On a pu remarquer la grande place que tenaient les depenses de la guerre dans le budget illyrien, dont elles absorbaient a peu pres la moitie : 5.843.000 fr. en 1811, 8.500.000 en 1812, a quoi s’ajoutaient pour la marine 1.000.000 et 1.400.000. L’armee de Dalmatie, devenue, en juillet 1809, le ll e corps de la grande armee d’Allemagne, prit en janvier 1810 le nom d’armee d’Illyrie 1 . II v avait au debut 4 arrondissements, mais les provinces etaient incapables d’entretenir ces troupes. Le decret du 12 fevrier, mo- difia l’organisation : les 2 e et 4 e arrondissements furent suppri- mes. II restait celui de Ljubljana, renfermant la Carinthie, la Car- niole, Gorica et l’lstrie, avec le general Plauzonne, et celui de Zadar, comprenant les autres provinces civiles, avec le general Sivray. Delzons commandait la Croatie militaire, a Karlovac. Un ordre de Napoleon, du 10 fevrier, avait reduit a une division les troupes stationnant en Illyrie. Le l er janvier 1811, l’effectif des troupes frangaises, en Illyrie, ne s’elevait qu’a 6.000 hommes. Pen¬ dant 1812 et 1813, Napoleon eut encore besoin de troupes fran- ^aises, de sorte qu’a la fin ne restaient en Illyrie, pour la plupart, que des troupes croates et italiennes. En depit de cette diminu¬ tion progressive, le fardeau des depenses militaires etait lourd ; mais, il faut considerer que les depenses pour la Croatie militaire — dont nous parlerons encore — y etaient comprises. Un autre far¬ deau etait la conscription, etablie par arrete du 27 novembre 1810. Napoleon demanda a 1’Illyrie 18.000 hommes, sur 1.500.000 habi¬ tants, ce qui etait beaucoup en comparaison avec d’autres pays annexes. La mise en application, cependant, fut mauvaise : les appels etaient frequents, mais de meme les desertions et les emi¬ grations. La conscription, systeme nouveau pour la population, •contribua beaucoup a lui faire hair le gouvernement. II n’est pas surprenant que le gouvernement illyrien ait cherche h se decharger d’une partie des depenses necessaires, il est vrai, mais non couvertes par les impots autorises, sur les budgets des villes et des communes. C’etait le dernier refuge : tout ce que l’fitat ne pouvait pas payer, etait reporte « sur prelevement au budget des communes ». Mais c’etait une aide bien faible. L’organisation des communes 2 se fit tres tard et, partiellement 1 B. Vosnjak, Ustava in uprava... (Constitution et administration...), pp. 187- 190. P. Pisani, La Dalmatic, pp. 393-397. 2 B. Vosnjak, Ustava in uprava... Constitution et administration...), pp. 165- 168. P. Pisani, La Dalmatie, pp. 360-363. 252 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES encore, d’une fagon provisoire. Le decret du 15 avril 1811 s’en occupe dans les articles 107-111. Par arrete du 13 janvier 1812 1 , Bertrand decide que les fonctions municipales dans les villes de Ljubljana, Trieste, Zadar, Dubrovnik et Karlovac, seront provisoi- rement exercees par des commissions ayant la meme autorite. En meme temps, les membres furent nommes ; comme president, pour Ljubljana, le baron Codelli, pour Trieste, Mallei, pour Zadar, Andre Borelli, pour Dubrovnik, Georgi comte Savin, pour Karlovac, Antoine Cop. Chabrol se donna, en 1812, une peine inou'ie pour l’etablisse- ment des budgets des villes, dont les revenus et les depenses avaient ete fixes dans les articles 112-115 du decret du 15 avril 1811. II fit egalement publier une brochure en frangais, en alle- mand et en italien, renfermant les prescriptions necessaires. Les budgets etaient accompagnes des observations du conseil muni¬ cipal, de celles de l’intendant — ou dusubdelegue — et de l’inten- dant general ; ces derniers firent des reductions. On devine ce qu’il en subsistait, puisque le principe etait : un deficit n’est pas permis. II y a une foule de decrets relatifs a ces budgets, pour 1812 et 1813 2 , Particle 113 prescrivant un decret pour les budgets des villes, de plus de 10.000 francs. Cependant, les communes n’etaient pas plus riches que le gou- vernement. Deja, par le nombre de leurs habitants 3 , les villes de 1’Illyrie n’etaient pas tellement importantes. Trieste avait 28.000 1 habitants, Ljubljana 13.000, Koper (avec les environs) 17.000, Bovinj 10.000, Gorica 8.000, Karlovac 7.000, Split 7.000, Du¬ brovnik 6.000, Postojna 4.000, Beljak 4.000, Lienz 4.000, Novo^ mesto 3.000, Kotor 2.000. Les revenus etaient tres restreints, puisque tout droit susceptible de quelque rapport avait ete confisque par Pfitat.il ne leur restait,pour ainsi dire, que les octrois (art. 181) 4 . D’autre part, elles devaient prendre sur elles diverses charges de l’Etat. Une remarque de Pintendant des Mallets, du 23 septembre 1810 5 , montre bien ce qu’etaient les budgets des villes : l’eclairage de Ljubljana, prevu au budget de cette ville, n’etait point en rapport avec les mesures de police, et avec son importance comme capitale des Provinces Illyriennes et centre de toutes les autorites superieures. i TO, 1812, 17. a AN, F |E , 61, 63, 64, 67. B. Vosnjak, Ustava in uprava... (Constitution et administration..), pp. 207-208. 3 lb., p. 127. 1 P. Pisani, La Dalmatie, p. 388. 5 AML, 2, n° 1. l’eXECUTION DU IiLOCUS CONTINENTAL EN ILLYRIE 253 Ainsi, les budgets des communes partageaient le sort des budgets du gouvernement. La situation des uns ct des autres, etait mau- vaise et restait mauvaise, et l’une des pires consequences de la situation, les dettes, vient s’ajouter au tableau. e. — Les dettes. La question des dettes, douloureuse partout, l’etait particu- lierement en Illyrie. La, tout 1^ monde avait des dettes : le gouver¬ nement, les communes, les etablissements. Et ce n’etait pas par mauvaise volonte, mais par incapacity de payer. Le meme defaut fondamental faisait trainer les liquidations a l’infini. En 1810, on ne fit rien — sinon de nouvelles dettes. Le travail ne com- menga qu’avec la commission de liquidation, creee en avril 1811. Alors, les pensions furent payees avec un retard d’une annee, les traitements arrieres de 1810 avec un rappel de deux ans, et la dette publique envers les particuliers fut amortie — seulement, en fin de compte, les creanciers ne regurent qu’un papier au lieu d’un autre ; la dette publique, envers les etablissements publics, n’arriva pas non plus a etre liquidee — pour cela il aurait fallu re- soudre la question des capitaux restes en Autriche ? — , et de meme la dette des communes. La commission de liquidation travaillait exactement, consciencieusement, et avec patience : les delais furent frequemment prolonges, preuve, ou de l’ignorance des formalites a remplir, ou d’une certaine mefiance — comprehen¬ sible — envers le pouvoir ou la volonte de l’Etat de remplir ses obligations. Nous traiterons d’abord et en meme temps des pen¬ sions, arrieres et dettes publiques, puisquc tout cela fut liquide par les travaux de la meme commission, puis de quelques cas speciaux. La situation des retraites militaires, civils et ecclesiastiques, ■ des veuves et des orphelins, n’etait pas enviable, quoique le gou¬ vernement illyrien n’appliquat pas la formule tres simple de Na¬ poleon, citee plus haul. Les demandes affluerent de toutes parts, en 1810. Dauchy avait ou'i dire, en fevrier, que le gouvernement autrichien avait ordonne le paiement des pensions civiles et mi¬ litaires sur le territoire de 1’Illyrie ■—- ce qui l’aurait debarrasse d’un gros souci ; mais, naturellement, il n’en fut rien 1 . Marmont prit un arrete, le 25 aout, sur les pensions 2 : les retraites devaient cnvoyer leurs pieces jusqu’au 16 octobre au bureau de liquidation, 1 AGL, 18 fevrier 1810. 2 LZ, 1810, 51. 2 54 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES a Ljubljana ; apres cette date, ils perdraient leurs droits. Ceux de la Dalmatie, de Dubrovnik et de Kotor devaient les envoyer a Zadar et a Dubrovnik, jusqu’au 30 octobre. La liste des pieces necessaires etait jointe. C’est tout ce qui fut fait cette annee-la. Une question encore beaucoup plus difficile etait la liquida¬ tion de la dette publique. Le traite de Vienne avait decide, a l’article 5 1 : Les dettes hypothequees sur le sol des provinces ce- dees et consenties par les etats de ces provinces, ou resultant des depenses faites par leur administration effective, suivront seules le sort de ces provinces. Dauchy transmet, par circulaire du 29 avril 1810 2 , la creation d’un bureau special de liquidation, a Ljubljana ; mais on n’entend pas parler de l’activite de ce bureau, mentionne aussi dans l’arrete de Marmont, et aucune autre me- sure, en cette matiere, ne fut prise, cette annee-la. Au contraire, au debut de 1811, s’ajoutaient aux pensions et dettes publiques non liquidees les traitements en retard des fonctionnaires — un deficit de 6 millions, sur le budget de 1810. Ce n’est que le decret du 15 avril 1811, s’occupant de la dette et des pensions dans les articles 150-156 3 , qui inaugura un travail suivi pour la solution de ces 3 problemes. L’article 150 etablit a Ljubljana une commission de liquidation composee d’un maitre des requetes et de deux auditeurs au conseil d’Etat. C’est elle qui dirigea toutes les operations qui vont suivre. L’article 155 decida que les anciennes contributions continueraient a etre pergues- pour ce qui restait a payer, et qu’elles seraient affectees aux de¬ penses en retard de 1810 et aux anterieures, et l’article 156 decida, qu’en outre un fonds special de 6 millions de capitaux en biens nationaux ou rentes foncieres illyriennes serait affecte pour liquider I’arriere anterieur a 1811. Les membres de la commission de liquidation, Las Cases, pre¬ sident, de Balbe, et Chambaudoin, furent nommes par decret du 10 juin. En 1812, Chabrol remplaga Las Cases, rappele a Paris- et deux membres, Lichtenberg et G. D. Garagnin leur furent adjoints. Le 12 juin 4 , Baselli avertit le public de la creation de cette commission, chargee de dresser le tableau de la dette pu¬ blique et de proceder a la liquidation, ajoutant que cela inte- ressait les fonctionnaires publics, les ministres du culte, les rentiers et retraites, enfin les proprietaires qui avaient souscrit aux 1 Bulletin , IV, 249-4789. 2 LZ, 1810, 48. 3 P. Pisani, La Dalmatie, pp. 375-376 ; quelques arrStes aussi de la commission. v, 1713, 7 e d„ p. 15. 282 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES avons deja utilisee — les affirmations de sa premiere note d’aout 1810, en soulignant qu’il fallait trouver un commerce d’echange, sans quoi l’lllyrie serait «le pays le plus malheureux de la terre », et en constatant qu’on n’avait pas encore trouve le commerce d’echange, mais seulement un commerce de transit. Le 10 avril 1812 Chabrol adressa a Montalivet de nouveaux renseignements. Les produits des mines, repousses par l’Autriche qui n’en avait pas besoin, detournes de l’ltalie qui les avait frappes de droits prohibitifs, ne trouvaient pas de debouche. Les pro¬ prietaries ne pouvaient soutenir cette exploitation qui exigeait des avances sans terme, et sans espoir prochain de rentrees. La conscription avait cause l’emigration de nombreuses families en Autriche ou on les recevait a bras ouverts. Le transit accorde n’etait qu’une compensation incomplete. L’interruption absolue de la navigation avait plonge l’lstrie dans la misere. Cependant l’entrepot etabli avait ranime les espoirs. C’est en Dalmatie qu’il y avail le plus de difficultes. Le regime venitien y avait depense beaucoup d’argent. Actuellement, elle etait reduite a la plus grande misere ; on avait du faire des distributions de grains, sans quoi une partie de la population aurait succombe a la famine ou aurait cherche dans les lies occupees par les Anglais travail et subsistance. Dubrovnik avait toujours sa morgue nobiliaire. L’administration congue etait trop vaste pour 1’Illyrie, disproportionnee par rapport aux ressources, et avait laisse sur 1810 un arriere de 5 a 7 mois. Grace a l’etablissement de la regie imperiale des sels et tabacs, 100.000 ecus (a 3 frs.) ne passeraient plus a l’etranger pour le tabac. Pour le sel, l’lllyrie etait tributaire de l’etranger et de 1’Angleterre meme pour 150.000 quintaux (h 56 kg.) a 6 francs — soit un deficit d’un million. Et encore, l’approvisionnement n’etait pas assure ; ce n’est qu’en composant avec la rigueur du systeme continental qu’on pouvait en obtenir de P Angleterre. Maintenant les salines indi¬ genes devaient etre restaurees, et, cette annee-la encore, 80.000 quin¬ taux du sol meme en augmenter la production. Comme les forets couvraient 800.000 ha. et que, de la population de 1.500.000 ames, la moitie, sur le littoral, ne se chauffait que pendant deux mois, on devait chercher des debouches pour les forets en exploitant les mines, et en favorisant les constructions maritimes. Les mines de la Carinthie etaient alors sauvees par le domaine extra¬ ordinaire. Le systeme des corvees dans les travaux des ponts et chaussees avait donne des resultats hors de toute proportion avec ceux qu’on aurait pu realiser en France avec les memes 1 AN, F lE , 61, n° 4. LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 283 moyens. Les habitants consideraient comme un devoir sacre de travailler en commun a des travaux utiles a la communaute ; plus de 12.000 ouvriers travaillaient cette annee-lh aux routes. En quelques mois, la communication entre Ljubljana et Kotor, la route Napoleon, serait ouverte. Toutes les villes importantes seraient raccordees a cette artere principale, toutes les communes sollicitaient deja l’autorisation de construire des embranchements, qui ne coiiteraient a l’Etat que quelques quintaux de poudre. Une depense de 1.200.000 a 1.500.000 francs permettait de realiser dans ces provinces ce qui eut coute de 10 a 12 millions sur tout autre point de 1’Empire. On portaitle chemin de halage sur la rive illy- rienne, et on ameliorait la construction des batiments. Bientot les produits de la Bosnie iraient a Ljubljana par la Save et la Ljubljanica, et a l’avenir, les produits de la Mer noire viendraient en Illyrie par le Danube et la Save, a l’abri des Anglais. C’etait une ancienne voie commerciale que les Venitiens avaient ouverte aux produits de l’lnde. Elle epargnait aussi le transit de 200 lieues (a 4.288 m.) a travers la Bosnie qui, chaque annee, coutait au commerce 11 millions de piastres (a environ 1 fr. 40), et que les troubles frequents interrornpaient facilement dans ces provinces livrees a anarchie. Le transit serait encore beaucoup plus avan- tageux, si les expeditions pouvaient se faire de Skadar a Split par cabotage, sur batiments ottomans, ce qui reduirait de 3 /4 la lon¬ gueur du transit et les depenses. Car il fallait diminuer les frais de transport. Les marchandises du Levant, surtout les cotons, en arrivant a Paris, avaient pave trois fois leur valeur intrinseque. Aussi 1’Illyrie ne pouvait-elle soutenir la concurrence avec la voie des grandes communications maritimes. Ce qu’il y a de plus interessant dans ce rapport, c’est sans aucun doute qu’il corrobore nos assertions : 1’ Illyrie etait approvisionnee en sel par l’Angleterre, et le chemin de Bosnie, par terre, etait si desavantageux qu’on songeait a le remplacer par la voie d’eau. Les rapports cites jusqu’a present s’appliquent a la totalite des Provinces fllyriennes. A la fin de 1812, Chabrol demanda aux intendants des rapports sur la situation de leurs intendances pendant 1812. II regut, au debut de 1813, 5 rapports — sur ristrie,la Carinthie, la Dalmatie, Dubrovnik et la Croatie civile — aucun sur la Carniole, ou l’intendant n’etait que depuis 6 mois ; il leur adressa en reponse ses observations. Bapports et observa¬ tions sont tres detailles 1 ; nous en retiendrons les points parti- culiers aux diverses provinces — resultant d’ailleurs des memes 2 AN, F 1E , 62, n° 4. 284 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES causes que les difficulties communes a toute l’Ulyrie. Quelques redites seront cependant presque inevitables. On y trouvera les memes plaintes et les memes recherches de compensations et de secours. On y verra egalement comment plusieurs provinces et villes reclamaient le transit franco-levantin, qui etait en fin de compte l’unique compensation reelle, quoique encore insuffisante, et comment Chabrol commenga a travailler — ce qui a ete deja mentionne — a diriger le transit par la Save et la Ljubljanica ou, encore mieux, par Bar et Split, ce qui etait une modification considerable du projet primitif par la Bosnie et Kostajnica. Arnault, intendant de l’lstrie, envoya son rapport le 28 fevrier. Lui, le plus rigoureux des intendants illyriens, trouva peu de plaintes a transmettre, quoique, precisement, l’lstrie, avec Trieste, souffrit beaucoup. II loue les routes construites qui donnaient des debouches a Finterieur de 1’Istrie, ainsi que les com¬ munes qui s’etai'ent offertes pour construire des routes de tra¬ verse. Le commerce avait pris, en 1812, un certain degre d’acti- vite ; le transit promis avec l’Autriche, la rectification du tarif des douanes, l’accroissement du commerce levantin avaient eu des resultats favorables. Le littoral pouvait exporter par le moyen du petit cabotage ; cependant il avait besoin d’etre protege par la marine contre les pirates, faisant plus de mal que l’ennemi, qui etait egalement continuellement present sur les cotes, et dont les fregates faisaient des debarquements. Cependant, en 1812, il y avait eu beaucoup moins de prises que les annees precedentes. Arnault donne deux statistiques que nous citons ci-contre (pp. 285-287) pour les comparer aux chiffres du chapitre suivant. Edouard de Charnage, intendant de Carinthie, dans son rap¬ port du 5 mars, dit que le systeme des douanes de 1810 avait cause de justes et contumelies reclamations. Le nouveau tarif etait meilleur, inais encore insuffisant. Quelques rouliers repa- raissaient, transportant des ecorces a tan, des graines de trefle, des huiles, du riz, etc. Le district de Lienz se plaignait des droits exorbitants fixes pour la sortie du petit betail. Le betail de toute espece passait les 3 mois d’ete sur les paturages des Alpes situes, pour la plupart, sur la frontiere, au-dela des bureaux des douanes. Les habitants demandaient que la verification des animaux ramenes eut lieu dans les communes respectives. Le deplacement de nombreux troupeaux cette epoque, ou les maladies se manifestaient ordinairement parmi le betail, etait dangereux. Il fallait epurer le cadre des employes des douanes, ou il y avait des elements suspects. L’introduction du sel mineral STATISTIQUE DU COMMERCE EN 1812 . LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 285 RELEVE DES BATIMEKTS ET BARQUES ENTRES CHARGES DANS LE PORT DE TRIESTE ET SORTIS DE MEME EN 1812 Entres 286 LA VIE EC ONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES Sortis LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 287 288 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES etait tres necessaire a la province. Le sel marin etait regarde comme nuisible aux troupeaux, et il laissait un dechet tres consi¬ derable, si on tentait de le purifier. Depuis l’etablissement de la regie d’Etat, la contrebande du sel avait presque cesse. Le pro- duit serait encore meilleur, si le prix etait diminue. Mais les debitants se plaignaient que les tonneaux qu’ils recevaient ne continssent pas les 200 livres (a 0 kg. 56) declarees. On importait encore des tabacs bavarois et, dans toute la Carinthie, beaucoup de gens fumaient des feuilles de trefle ou des herbes sechees. II fallait done diminuer le prix des tabacs de moindre qualite. Quant aux forets et bruyeres, qui couvraient un tiers de la province, on pouvait les diviser en trois classes. 1° Les forets des montagnes, protection contre les torrents. Toute coupe y etait interdite en Autriche, il fallait maintenir cette deci¬ sion. 2° Les forets imperiales, dans lesquelles le gouvernement accordait aux communes des droits d’usage. Les forets du dis¬ trict de Lienz n’avaient pas de bois pour la marine. Dans le district de Beljak, les bois servaient aux usines, il fallait les menager. La Basse-Carinthie en tirait autrefois du charbon en echange de ses fers bruts. Les prohibitions reciproques etaient cause de recla¬ mations cqntinuelles. Si ces prohibitions etaient levees, le bois acquerrait plus de valeur. 3° Les forets de partage, qui, du temps de 1’Autriche, etaient, de 10 ans en 10 ans, donnees en jouissance aux particulars. L’administration forestiere voulait retirer ces conces¬ sions ; mais cela n’allait pas sans de graves inconvenients et Fin- tendant deconseilla cette mesure. Comme le fer brut manquait, il faudrait chercher des mines de fer. La legislation illvrienne avait enleve le transit a la route de Bel jak et de Lienz, et la Baviere avail donne atoutes les marchandises d’Autriche, pour l’ltalie ou la Suisse, la faculte de transiterpar Salzbourget Innsbruck. Par suite, cette derniere route, quoique plus longue de trois jours que celle de Beljak, avail attire tout le commerce. La province desirait le retablissement de l’ancien systeme de transit. La Suisse, qui tirait autrefois de Trieste beaucoup de coton, le recevait maintenant par F Autriche, la Baviere et le Wurtemberg. Cela s’appliquait aussi aux autres marchandises du Levant. Les expeditions de Ljubljana sur Trieste pour l’ltalie et la France n’y souffriraient en rien. Il faudrait aussi ameliorer la race des chevaux, des betes a corne et a laine, car la laine du pays etait grossiere. De la Bergerie, intendant de Dalmatie, remit son rapport le l er janvier. La Dalmatie, dit-il, devenait chaque jour plus mise¬ rable. Un septieme seulement de la superficie du pays etait cullive. Le commerce n’existait plus. Les impots etaient acquittes sans mur- LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 289 mures, mais avec peine. On avait cherche la cause de la contre- bande faite trop ouvertement sur le littoral et dans les lies. II semblait que les agents des douanes ne fissent pas leur devoir, ou qu’ils n’eussent pas les moyens suffisants pour repousser les marchandises prohibees. Les peines infligees a quelques agents infideles eurent une influence heureuse sur la conduite des autres. On avait egalement travaille aux salines de Pag, d’apres l’arrete du 31 janvier 1812. Le consortium, et surtout le president Dorcic, pressait les travaux des proprietaires qui devaient 6tre, d’apres l’arrete, acheves en trois ans. La partie des travaux dont le gou- vernement etait charge avait ete executee suivant les clauses du contrat avec l’entrepreneur Bisetto. L’industrie, les arts et l’agriculture n’avaient pas fait de progres, les Dalmates redoutant toute chose nouvelle. Leurs maisons n’etaient que des cahutes, leurs chars des machines en bois, sans fer, attelees de huit a dix bceufs.. Vins et huiles seraient meilleurs, si on employait de bonnes me- thodes de fabrication. L’agriculture etait a B peine developpee. Elle souffrait de funestes prejuges et de l’esprit de routine. L’intendant avait essaye de faire comprendre les avantages de la pomme de terre, mais sans reussir a triompher de prejuges inveteres. La Dalinatie etant presque depourvue de bois et couverte, en general, seulement de broussailles, les maigres bois existants etaient alors proteges par l’administration forestiere. Pour favoriser le reboi- sement on avait defendu d’extirper les racines et de bruler les plantes et herbages. La Dalmatie avait exporte des matieres premieres, surtout du sel, et importe des objets fabriques. L’aug- mentation du prix du sel nuisait singulierement a ce trafic. Tout le monde reclamait une diminution de prix. Les points les plus frequentes jadis par les caravanes, comme Makarska, Omis, Skradin, etc., ne l’etaient plus a present. Les caravanes avaient pris la route de Klek, et les Anglais profitaient des erreurs du gouvernement. Le cheptel diminuait, faute de sel. Les salaisons, fromages, etc., qui formaient la principale branche de commerce de cette province, en souffraient egalement. Les ingenieurs avaient ete presque entierement absorbes par les travaux de la route Na¬ poleon. Les autres annees, il faudrait aussi travailler aux autres routes, actuellement negligees. 11 n’y avait pas de navigation interieure, tous les fleuves dalmates avant une pente rapide et des chutes d’eau trop considerables. Le voisinage des Turcs etait une constante menace de peste. Les mesures d’hygiene etaient, en partie, deja executees;un conseil de sante etait etabli a Split. L’inspection des caravanes veillait & ce que les denrees et les Turcs n’entrassent que par les points fixes le l er mars et le 30 inai 1812. Pivec-Stelfe 19 290 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES Les pandours formaient, a cet effet, un cordon de protection. Quelques arrestations recentes etaient d’un bon exemple. Seule- ment, pour ne pas nuire au commerce, il ne fallait pas, sur des bruits souvent vagues, arreter l’introduction des caravanes. II serait souhaitable que le consul de Travnik donnat journellement des nouvelles de l’etat sanitaire en Turquie. A ce triste tableau Chabrol repondit, le 12 mai, qu’on devait amener les Dalmates a substituer a leurs chars enormes et pesants les chars plus legers de la Croatie ; le transport du coton levantin introduit par Split fournissait une occasion favorable. Quant a 1’agriculture, pour seconder les intentions de l’intendant, il avait fait envoyer 115 quintaux (a 56 kg) de pommes de terre desti- nees a etre plantees. Les diminutions sur le prix du sel —- a 14 francs — avaient deja ete accordees le 10 mars. Par mesure de prevoyance, on etablirait des bureaux de vente de sel sur les frontieres pres des differents rastels ou lazarets. En epargnant aux consommateurs d’aller au littoral, on detournerait ainsi les Turcs de Klek. Les nouvelles relations ouvertes avec Corfou en feraient venir du sel, et permettraient d’abaisser encore le prix de cette denree. Le deboisement total de la Dalmatie exigeait que l’on apportat une attention particuliere aux plantations faites en vue des routes. De Lareintv, intendant de Dubrovnik, souligna dans son rapport du l er mars, la necessite d’etablir un cadastre. Chabrol avait deja demande les fonds h cet elfet pour 1813 ; mais 1’Einpereur ne les avait pas accordes. A Dubrovnik, il n’y avait presque pas de forfits, mais il v en avait dans les lies, Mljet, Korcula, Lastovo. Depuis que ces deux dernieres etaient occupees par les Anglais, Dubrovnik n’avait pas de bois de chaulfage et de construction maritime. Les forets de Kotor etaient sur les sommets, h peu pres inaccessibles, et les habitants, presque sauvages, etaient un autre obstacle. On avait done eu raison de supprimer le canton forestier de Kotor. Tous les soins de l’administration ne creeraient pas des forets sur ce sol, il faudrait se procurer de la terre. La peche au thon et aux sardines serait mise en adjudication avec la saison de la peche, et serait d’un assez bon rapport. Depuis que le prix du sel avait diminue, les habitants en achetaient plus qu’auparavant, preuve que la contrebande, a present, -n’etait plus profitable au point de compenser les risques. Mais les Turcs trouvaient encore du profit a faire les achats a Klek, il faudrait done encore baisser le prix h Dubrovnik. Avec le sel, on se procurerait des viandes et des grains de Turquie, puisque les Anglais, avec leur escadre et une fregate qui mouillait devant Dubrovnik, interceptaient les arrivages de LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 291 - la Pouille. Cela ferait aussi tomber le trafic des Anglais qui, a pre¬ sent, par Klek, approvisionnaient bien leurs flottes, tandis que Dubrovnik, sur le territoire, manquait de viande. Cela ferait aussi rentrer les marins qui faisaient cette contrebande et qui, par crainte de punition, s’expatriaient et prenaient du service sur les batiments de guerre ennemis. Enfin, cela retablirait un peu la balance du numeraire dans ce pays sans industrie. On devait toujours payer les troupes avec du numeraire qui s’ecou- lait, et ne rentrait jamais. II faudrait aussi retablir les salines de Tivat, an district de Kotor, qu’on disait plus riches que celles de Ston. Une compagnie s’ofl'rait a faire les depenses des reparations. Mais comme cela ne sullirait pas encore, on pourrait se procurer du sel a Corfou et dans l’Albanie, a prix modere. Jusqu’a Taugmen- tation du prix du sel, il venait a Dubrovnik annuellement 18 a 20.000 chevaux turcs charges de marchandises de toute espece, en echange du sel. Aujourd’hui, rien n’etait plus rare que de voir un cheval charge, au lazaret. II faudrait done tout de suite baisser le prix d’un tiers, parce que d’un jour a l’autre, la province pou- vait etre dans la situation de ne pouvoir s’approvisionner que par la Turquie. Quant au tabac, il y avait tres peu de terres propres a le cultiver a Dubrovnik. La contrebande ne pouvait pas etre importante parce qu’il y avail peu de consommateurs. Les pro- duits de la province ne sulfisaient que pour 3 mois. Les paysans cultivaient la vigne, 1’olivier, le figuier, un peu de grain et de millet — mais d’apres les methodes de leurs peres; seuls, quelques pro- prietaires de Kotor avaient introduit de meilleures methodes. Le vin sulfisait, l’huile etait l’unique produit qui s’exportait. Le pays cultivait encore des choux verts et des poireaux, qui, avec les ga¬ teaux de millet, formaient en hiver la nourriture principale. L’hiver precedent, le froid intense avait fait geler les choux et les semences, et, a present, la misere etait extreme. Pommes de terre, choux pommes, artichauts, asperges, etc., venaient seule- ment de Naples, pour les gens aises. Faute de bestiaux, la terre manquait d’engrais. L’arrete du 9 fevrier 1811 accorda le libre etablissement aux industriels etrangers ; mais aucun ne s’etait presente dans le cours de 1812. Il n’y avait point d’indus- trie parmi les habitants. Les orfevres, les bijoutiers et meme les magons eta:ent presque tous Albanais ou Bosniaques, les pro¬ fessions moins lucratives etaient dans les mains d’indigenes. Autrefois, les Turcs apportaient aussi de la laine, dont le filage occupait beaucoup de femmes pauvres, actuellement dans la plus grande misere. On avait travaille a la route Napoleon autant que l’avait permis le petit nombre des habitants; la population etait re- 292 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES duite a 30.000 ames ; les 10.000 emigres en constituaient la partie la plus utile. Ils avaient ete aussi employes au fort Napoleon, aux salines de Ston et aux nombreux postes de garde. On esperait achever la route en 1813. Les mesures de sante etaient toutes prises, il ne restait qu’a etablir un cordon de troupes, si la peste se declarait en Bosnie et en Albanie. Dubrovnik avait une position particuliere : pendant trois ans, elle jouissait des avantages de la neutralite. La navigation etait une mine d’or — mais cette ancienne prosperite etait aussi la cause de sa ruine totale. Les proprietaires et negociants n’economisaient pas, mais consacraient leur argent a de nouveaux batiments,et empruntaient meme au gouvernement. On ne s’etait detourne de ce commerce lucratif que pour acheter des maisons de campagne et de jobs meubles. Les Montenegrins avaient brule les maisons, les Anglais avaient detruit la navigation, et il ne reste que des terres hypothequees qui, faute de moyens pour les cultiver, avaient beaucoup diminue de valeur. L’intendant proposait de faire passer par Dubrovnik les cotons de Smyrne et de Salonique — cela ferait aussi rentrer beaucoup de marins — non pas dans l’espoir de gains importants, mais simplement pour se soutenir et pour pouvoir attendre la fin de la lutte actuelle. A cette proposition, Chabrol repondit le 2 mai qu’il avait deja soumis lo projet au Gouvernement ; mais que la decision n’etait pas encore prise, dependant, on ne devait toucher qu’avec management aux habitudes du commerce. Il approuvait aussi la proposition de baisser le prix du sel pour les Turcs. Il avait passe un marche avec Mestraca, fermier des sels a Corfou, pour 5.000 quintaux metriques k 8 francs, pour Dubrovnik. Il partageait aussi l’opinion sur Tivat, mais les offres de la Compagnie avaient ete refusees parce que ses membres voulaient vendre les produits comme bon leur semblait. Le rapport de Contades, intendant de la Croatie civile, est extretnement etendu et embrasse la situation de la province au moment de la cession, de la cession a la nouvelle organisation, et depuis la nouvelle organisation. Sa province etait aussi particu- lierement heterogene, resultant du demembrement de cinq pro¬ vinces differentes. Nous ne nous occuperons que de la troisieme partie. L’etablissement de la poste sur la route Louise favorisait les communications entre Karlovac et Rijeka, cependant le tarif etait trop eleve. Les relations entre le continent et les lies avaient ete retablies en 1812, par un courrier regulier ; mais il ne pouvait faire le trajet de Losinj et de Rab a cause des corsaires qui y croi- saient habituellement. La ligne des douanes, etablie le 19 no- vembre 1811, avait coupe en deux parties la Croatie civile et meme Karlovac. Si, comme l’intendant general l’avait annonce, le LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 293 directeur general prenait des mesures pour faire profiter la partie hors douanes du transit autriehien sur Rijeka, cette situation de la frontiere serait avantageuse au pays et surtout a Karlovac. Elle avait ete nuisible quelque temps par suite de la mise a execu¬ tion trop rapide du nouveau reglement. Les forets du continent livraient des bois de construction, surtout des matures fort belles ; on en produisait annuellement, de 1803 a 1807, pour environ 60.000 francs, actuellement 8.000 francs seulement — ce qui s’expli- quait par les entraves apportees au commerce maritime. Charbon et potasse etaient de transport plus facile que les bois en mature. Autrefois, on fabriquait beaucoup de charbon de bois et de po¬ tasse ; le charbon etait exporte, la potasse servait a la consomma- tion d'u pays et a l’exportation. Un droit d’exportation trop eleve avait fait cesser la fabrication du charbon de bois. A present quoique le tarif fut diminue, les habitants n’avaient pas repris cette fabrication, un peu aussi a cause des dangers de l’exporta- tion par mer. Pour faire reprendre aux habitants la fabrication du charbon et de la potasse, il faudrait vendre a bon compte les bois propres a eet usage et encourager l’etablissement d’usines dans ces forets. Les bois domaniaux et particuliers etaient de- vastes par les aniinaux que les habitants envoyaient en grande quantite a la glandee, surtout dans le district de Karlovac. Il faudrait detourner les habitants de ce genre d’elevage et tra- vailler a substituer a l’elevage des pores eelui des chevaux et d’autres animaux. Les prairies abondantes y convenaient. L’es- pece des chevaux et des hestiaux etait excellente, mais petite, faute de croisements. Le gouvernement devrait mettre un haras au chef-lieu, et des taureaux dans les communes. Sur les il^s il n’y avait que de simples sentiers impraticables aux voitures. Les postes avaient ete transportees de la route Caroline a la route Louise ; mais, tant que le commerce ne serait pas libre ou que le coton levantin ne passerait pas sur la route Louise, celle-ci restera deserte. La route de Kostajnica, par Samobor, situee sur un fond argileux, etait d’entretien difficile et dispendieux. Il faudrait obli- ger les conducteurs de coton k munir les roues de leurs voitures de bandes d’une largeur proporlionnee h la pesanteur de leurs charges. Les digues de la Save etaient en mauvais etat ; deux s’etaient rompues, cette annee-la, causant des dommages conside¬ rables aux communes voisines. Karlovac avait un climat tres mal- sain, a cause des eaux qui avaient fort peu d’ecoulement dans la vallee et qui causaient d’inces. antes maladies pendant un tiers de l’annee. Les fosses de Ivarfovac etaient a combler. Il etait tres regrettable qu’une partie des cotons du Levant ne put prendre la 294 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES direction de Trieste par Karlovac a Rijeka ; et ceci pour trois causes principales : la rivalite du commerce de Ljubljana ; la mauvaise situation de la route de Rijeka a Trieste, au milieu de montagnes tres escarpees ; le manque de moyens de transport et d’habi- tants sur la route Louise. Mais Ljubljana, residence des autorites, lieu de passage de tous les objets exportes en transit d’Ahtriehe par Rijeka et Trieste, avait moins besoin desecours que Karlovac; il suffisait de continuer une nouvelle route de Rijeka a Trieste, deja cominencee sous le gouvernement autrichien, et qui etait in- finiment mieux tracee ; et le troisieme inconvenient disparaitrait, quand le coton commencerait a passer par la route Louise. II serait tres avantageux pour le cabotage d’avoir une base du cote du littoral dans le port sur et spacieux de Losinj, en coupant une langue de roehers. Le lazaret de Rijeka etait grand et bien bati, mais il avait le grand inconvenient d’etre attenant aux bati- ments de la ville. Sous le rapport de l’industrie, des arts, du com¬ merce et de l’agriculture, la province pouvait se diviser en 2 par¬ ties bien distinctes : la partie des lies et du littoral, et la partie situee entre le littoral et la Save. Les habitants de la premiere partie, developpee par le commerce maritime, etaient, a tous egards, plus avances que ceux de la seconde, restes arrieres, par suite, les uns, de la feodalite, les autres, de 1’aprete de leur sol. La situation actuelle tendait a diminuer le nombre des pre¬ miers et a developper celui des seconds. Autrefois, les franchises des ports de Rijeka, de Bakar et de Senj favorisaient, sur le litto¬ ral, une grande activite commerciale. La raflinerie du sucre, la manufacture des tabacs. l’exportation des bois de marine, le transit des grains, des tabacs, etc., de Hongrie, l’introduction des marchandises levantines de la Dalmatie et des ties, repandaient l’opulence. Beaucoup de negociants avaient fait, en 1807, 1808 et 1809, des fortunes rapides et brillantes. A present, les reglements des douanes forgaient les habitants a se sullire autant que possible. Les avantages du littoral avaient, en grande partie, disparu. La belle rallinerie de sucre avait congedie ses ouvriers. Les habitants de l’interieur pouvaient se diviser de nouveau en deux classes, selon les effets produits dans leur situation par le nouvel ordre des choses : les habitants du territoire entre Karlovac et la Save, et ceux du territoire entre le littoral et Karlovac. Les premiers possedaient un sol fertile et libre de servage, ils cultivaient mieux leurs terres, leur industrie se developperait bientot. Les seconds ne possedaient qu’un sol aride, montagneux, et des vallons mare- cageux dont les bois etaient presque l’unique produit. Le trans¬ port des marchandises etait la principale et meme presque la LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 295 seule ressource des habitants ; ils ne pouvaient esperer d’amelio- ration que lorsque le commerce maritime aurait repris son acti- vite. Le commerce de la province se reduisait alors a un simple cabotage. Le principal objet d’exportation etait le grain de Llongrie, exporte en Dalmatie, aux lies et en Italie. Les princi- paux articles importes etaient l’huile et les Agues de Dalmatie et le mais d’Italie. II n’y avait dans la partie continentale que peu de marches. Si la grande manufacture de tabac de Rijeka continuait ses travaux, toutes les autres manufactures privees de cette nature avaient cesse, a cause de la regie (d’abord celle de Schrarn, puis celle de l’Etat). La province avait plusieurs parties propres a la culture du tabac, les essais avaient bien reussi. L’in- tendant general et l’intendant faisaient tout pour encourager ces plantations. Ainsi ces provinces devaient se liberer davantage de l’espece de chaos ou elles se trouvaient apres la cession. Dans sa reponse du 12 mai, Chabrol observe que le commerce de bois reprendra bientot une partie de son activite, par suite de la deci¬ sion recente du ministre des manufactures et du commerce, qui autorise l’exportation des bois illyriens pour Corfou, olfrant en echange du sel, etc. Quant an charbon de bois, les droits d’expor¬ tation avaient ete reduits a 2 %. La regie des poudres-, creee en Illvrie, donnerait un debit certain a la potasse. Parmi les moyens d’ameliorer les routes, il donnait la preference a 1’obligation, pour les voituriers, de munir lours voitures de roues a larges bandes, et pour les communes limitrophes, de fournir a bas prix les corvees necessaires. 11 demandait aussi les devis de la nouvelle route Rijeka-Trieste, tres souhaitable. Le commerce de Karlovac au littoral etait plus lucratif autrefois, parce qu’il rapportait du sel en echange, ce qui avait cesse depuis l’etablissement a Karlovac d’un bureau de sel. Mais les relations se retablissaient peu a peu, par suite de la necessite ou se trouvait la regie de faire transporter dans ses magasins de l’interieur le sel du littoral. II est regrettable qu’il n’y ait pas de rapport sur la Carniole en 1812. C’etait la province centrale de 1’Illvrie, celle a laquelle on avait accorde le plus d’attention ; on peut presumer qu’elle profita plus des avantages, et souITrit moins des desavantages du regime illyrien, que les autres provinces. Le compte-rendu de Chabrol, du 29 avril 1813 1 , sur la situa¬ tion de l’lllyrie au l er janvier 1813 est, pour ainsi dire, un re¬ sume final, juste avant la disparition de ces provinces. II com¬ mence par parler des anciennes difficultes de l’administration, 1 AN, F‘B, 61, n° 4. 296 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES et par dire que cette administration etait provisoire ; au moment ou le sort de ces provinces sera decide, on les reunira au grand Empire, dans les cadres d’une meme legislation et d’une meme organisation. Puis il signale les progres realises. Le service de sante etait etabli sur toutes les frontieres et sur toutes les cotes. Sur le pont de Kostajnica, il etait passe, depuis decembre, plus de 30.000 balles de coton, qu’il fallait auparavant transporter sur des barques, au prix de grands dangers. Les frais de passage avaient ete diminues et, cependant, les droits pergus avaient deja couvert la plus grande partie de la depense de cette entreprise, executee par les corvees des regiments frontieres. La disinfection des lettres, dont les premiers essais avaient ete si imparfaits et si alarmants pour le commerce, s’y faisait aujourd’hui comme dans tous les lazarets frangais. Les travaux d’etablissement d’un cordon permanent depuis la Kupa jusqu’a la mer se poursui- vaient avec activite ; on craignait de devoir bientot l’occuper et le garder. La peste, dont l’hiver avait endormi mais non eteint le germe, avait reparu a Constantinople, ou elle avait enleve, l’ete precedent, 250.000 personnes ; elle regnait a Smyrne, Odessa, Seres, Alexandrie et au Caire, et avait penetre j usque dans les pachaliks de Janina et de Skadar. Au premier danger, la ligne serait ferinee, et on abandonnerait la Dalmatie et Du¬ brovnik, parce qu’il etait impossible de les proteger quand la peste paraissait en Bosnie. x\vec la fin de 1813, la grande route Napoleon serait terminee. Si les projets de l’intendant general, pour lesquels il avait envoye des memoires, pouvaient se realiser et si, en prenant Bar pour point central au lieu de Salonique, les cotons du Levant, au lieu de traverser la Bosnie, passaient tout de suite sur le territoire illyrien, ces provinces gagneraient quel- ques millions perdus jusqu’alors en frais de transport ruineux sur territoire etranger. Le prix de la matiere premiere baisserait sensiblement. Des routes nouvelles traversaient FIstrie. Cepen¬ dant on manquait d’ingenieurs. Ensuite Chabrol passait aux desavantages. Les mines et usines etaient en langueur et menagaient ruine. Du temps de l’Autriche, elles trouvaient des debouches et des relations dans les provinces hereditaires, et il y avait une correspondance naturelle entre les diverses provinces limitrophes, d’ou suivait un echange reci- proque de leurs ressources et de leurs besoins. La Carinthie, restee autrichienne, fournissait les fontes a la Carniole et a la Carinthie illyrienne ; la Carinthie et la Carniole rendaient du charbon, et ces memes fontes, ouvrees et fagonnees, avaient leur ecoulement naturel dans le Levant, par la voie des fleuves, et a Naples et LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 297 dans la Barbarie, par Rijeka et Trieste. Tous ces liens etaient brises actuellement, et il n’y avait nulle possibility de les retablir avant l’ouverture des communications maritimes. Les douanes avaient frappe les charbons d’un droit presque prohibitif, a la sortie du cote de l’Autriche ; cette mesure avait tari d’un coup les revenus des forets, privees du seul debouche restant, et entraine de la part de 1’Autriche en maniere de represailles, la prohibition de la fonte a la sortie. Le tarif des douanes avait ete modifie sur ce point, mais T Autriche, malgre toutes les instances, avait persiste dans son systeme prohibitif, et les etablissements de Trzic et de Trbiz se trouvaient dans un etat critique. Telle etait actuelle¬ ment la position de l’lllyrie : privee des debouches naturels sur T Autriche et de ceux du commerce maritime, el le ne trouvait aucune compensation a tant de pertes, ni dans 1’Italic, qui traitait ses produits comme etrangers, tandis que ceux de TItalie jouissaient chez elle des privileges des produits nationaux ; ni dans la France, trop eloignee pour pouvoir olTrir un debouche a des marchandises a bas prix par nature, ne pouvant supporter ni les transports par terre ni meme ceux par fleuves sans augmenter les i’rais d’exportation au point de faire perdre tous les benefices aux negociants. Les mines de plomb de Carinthie avaient ete plus heureuses. Un decret avait prohibe en Italie l’introduction des plombs etrangers. La consommation en Italie, au Piemont et a Genes offrait un debouche certain aux produits metallurgiques de la Carinthie. Le zinc trouverait son ecoulement en Pologne et en Russie, quand la guerre y aurait cesse. En livrant ces etablisse¬ ments a une grande administration, ayant les moyens de faire les avances necessaires et d’attendre la vente, Chabrol croyait leur avoir assure un avenir plus prospere. Mais ses esperances se trou¬ vaient trompees. Ces mines devinrent l’objet de dotations parti- culieres, et des associations de proprietaires, qui ne demandaient qu’a jouir du present sans s’inquieter de 1’avenir, etaient appelees a les regir. Chabrol pouvait dire : « J’ai fait pour ces etablisse- ments plus peut-etre qu’il ne rn’etait permis de faire » : il avait fait avancer par les caisses du domaine, sur nantissement de leurs produits, pres de 600.000 francs, en attendant le moment des ventes. A present, il avait fait un projet de reglement, dont Heron de Villefosse, alors en mission a Idrija, etait rapporteur. Il etait surtout necessaire d’etablir en lllyrie un directeur general. Il ne fallait pas oublier que 1’existence presque entiere des pro¬ vinces de Carniole et de Carinthie dependait des mines. Autrefois, il circulait 6 a 7 millions de capitaux —« aujourd’hui, nous avons le spectacle d’usines abandonnees ». Les Provinces Illyriennes 298 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYBIENNES n’etaient pas agricoles ; la plus grande partie de leur approvision- nement venait du Banat, en Hongrie. Neanmoins, la Carniole offrait des plaines fertiles, la Carinthie des paturages excellents pour les chevaux, et le sol de la Croatie etait fertile. Un decret devait fixer les droits des proprietaires et des colons. Mais lerachat des corvees, des redevances, etc., etait illusoire, quarid l’agricul- teur trouvait a peine sa nourriture. Composer avec le systeme feodal paraissait a Chabrol incompatible avec l’etablissement de l’impot foncier, avec les droits de succession et de mutation des proprietaires, etc. Tous ces memes droits, payes dans des caisses differentes, se reunissaient pour ecraser le miserable cultivateur. Toutes les fois qu’on annexait des territoires etrangers, c’etait le peuple surtout qu’il fallait gagner ; on ne gagnerait par aucun menagement la noblesse, prete h lacher au moindre signal. C’etait peut-etre un acte de sagesse de la depouiller de son ancienne autorite. Le commerce de l’lllyrie, independant de sa richesse miniere, ne pouvait etre qu’un commerce d’echange et de transit. Le pays n’etait pas manufacturier. Mais le transit, au temps de la liberte des mers, avait fait de Rijeka et de Trieste deux villes riches et opulentes. Toutes deux etaient placees pour servir d’in- termediaire necessaire du commerce de TAutriche avec la France et Fltalie, et de ces deux dernieres avec le Levant. II y avait plus de 20 millions de difference entre les importations et les exporta¬ tions pour le seul commerce du Levant. Ce commerce n’avait jamais fait qu’imparfaitement ses frais, par le moyen des echanges. Moins encore maintenant que les frais de transport et les peages d’une route longue et difficile avaient double le prix des matieres premieres, avant meme qu’elles arrivassent aux frontieres illy- riennes. L’lllyrie, h la verite, n’avait rien a supporter dans cette balance si defavorable, et la France et I’ltalie en faisaient tous les frais. Chabrol avait deja indique au ministre des manufac¬ tures et du commerce les inoyens d’attenuer ces inconvenients. En depit de tout cela, cependant, l’lllyrie progressait. Un compte sominaire de la situation financiere de l’lllyrie donnait comme resultat que, des cette annee-la, les revenus de l’lllyrie —- qu’on avait evalues a 10 millions et auxquels des dispositions speciales de l’Empereur avaient enleve I million de rente — se maintiendraint a 13 millions. Les depenses avaient etc reduites autant que possible. Ni pour 1812, ni pour les annees anterieures, il n’etait a craindre d’arrieres ou de demandes tardives de credits supplementaires. Les subsides demandes au tresor, etaient de 6 millions en 1810, de 4 en 1811, de 2 en 1812 ; 1 million suffirait pouf 1813. On pouvait esperer qu’en 1814, l’lllyrie subviendrait LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 299 aux depenses de son administration. Elle entretenait aussi 13 ou 14.000 hommes de troupes dont la solde etait toujours payee. De grandes ameliorations avaient ete preparees pour les salines et les plantations de tabac. De 1810 a 1812, l’approvision- nement en sel et en tabac fut toujours incertain. On dut meme tricher avec le systeme continental, pour tirer de Malte et de Sicile le sel necessaire. Des reparations considerables avaient ete faites aux salines de File de Pag. Des l’ete precedent, malgre la saison la plus defavorable, 30.000 quintaux (h 56 kg.) avaient ete obtenus en sus de la production ordinaire. En Carinthie, on avait des preventions contre le sel rnarin ; les stocks etaient nuls, et les victimes de la contrebande remplissaient les prisons. Mais des mesures etaient prises pour assurer l’approvisionnement de la Carinthie grace aux mines bavaroises de Ilallein. La contrebande avait cesse et le debit s’etait eleve. Des marches avaient ete faits pour la construction de nouvelles salines en Istrie. Des cette annee, I’lllyrie devait recolter sur son sol les quatre cinquiemes de sa consommation, et, avant deux ans, vendre 100.000 quintaux (a 56 kg) de sel aux Turcs et a 1’Italie. Des relations s’etaient etablies avec Corfou pour approvisionner Dubrovnik. Les rap¬ ports avec des amis ou allies s’etaient substitues au commerce avec l’ennemi. Des plantations considerables de tabac avaient ete faites en Croatie, et Chabrol esperait qu’avant deux annees l’lllyrie se sullirait a elle-meme et n’aurait plus a etre tributaire de la Hongrie et de la France. Apres ce resume dctaille, il suflit, pour completer le tableau, de mentionner encore quelques symptomes caracteristiques de la vie economique de l’lllyrie : la cherte de la vie, le chomage, l’emi- gration. La cherte de la vie est prouvee specialement par les rapports de police. La police fut organisee en Illyrie par l’arrete du 13 janvier 1810; l’arrete du 3 fevrier 1811 fixa les traitements ; enfmle decret du 15 avril 1811 la concernait egalement. En 1812, elle comptait 6 commissaires generaux dans les villes principales : Ljubljana, Beljak, d'rieste, Karlovac, Rijeka, Zadar L Mais plus tard,la police fut peu a peu supprimee et ses fonctions incomberent, d’apres l’intention de Napoleon, a la gendarmerie. Bertrand ne conseille, pour 1813, qu’un poste de commissaire general de Trieste, et en veut deux autres a Rijeka et a Split. C’est qu’il n’y avait pas de fonds pour la police, et que ce que lui rapportaient les cartes de 1 A. Dimitz, Beilrdge zur Geschichle ides Verwaltungswesens..., pp. 21-23. 300 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES surete ne suffisait pas 1 . Le plus interessant des fonctionnaires de la police etait sans contr'edit Frangois Toussaint, commissaire general de Ljubljana, de qui Pellenc disait 2 qu’il ne fallait pas « regarder son passe avec la loupe du casuiste ». D’origine autri- chienne, il se montra Illvrien tres zele, ce qui,/cependant, ne l’em- pecha pas a la fin de voir son poste egalement supprime. II avait 4 correspondants a l’etranger : a Vienne, a Paris aux Affaires etrangeres, & Graz et en Ilongrie. Ses rapports de quinzaine etaient nombreux et interessants ; nous les avons deja utilises et les utiliserons encore. Cependant ils ne sont pas integralement conserves. Pour la premiere quinzaine d’octobre 1811, Toussaint signalait que les marches etaient abondants, que plusieurs articles de pre¬ miere necessity diminuaient de prix, mais qu’il fallait, pour le petit commerce journalier, de la petite monnaie a valeur fixe. La monnaie de cuivre etait refusee par tous les cultivateurs, bou- langers, bouchers, qui ne pouvaient, avec ce numeraire, ni payer l’impot, ni acheter des grains ou des bestiaux. Dans la deuxieme quinzaine, les marches etaient egalement abondants, les grains diminuaient de prix, la viande etait a prix raisonnable ; mais tous les autres objets augmentaient, raeme le vin nouveau, malgre la recolte abondante en Basse-Carniole, a cause du manque de concurrence ; le pot, qui coutait autrefois de 6 a 8 kreutzers, cou- tait alors 32 kreutzers. Tout annongait pour l’hiver un enorme renclierissement. La premiere quinzaine de novembre, les marches abondaient, mais toutes les denrees rencherissaient de jour en jour. A cause des grains, on fit aussi un nouveau tarif pour le pain. La viande etait fixee a 7 kreutzers ; les gens de la campa- gne qui amenaient leurs bestiaux les debitaient a 6 kreutzers la livre (0 kg. 56). Le noinbre des mendiants etait considerable, chaque jour on en renvoyait plusieurs dans leurs communes. Les prix monterent encore dans la deuxieme quinzaine de novembre 3 . En novembre 1812, Toussaint rapportait de nouveau que les inar¬ ches etaient bien pourvus, mais que la vie augmentait, que le prix des bois avait presque triple depuis un an 4 . La hausse des prix est done bien prouvee ; cependant il est k peu pres impossible de donner une statistique utile des prix, puisque — 1 en depit de la frequence des rapports — nous n’avons pas de series completes. 1 AN, F 7 , 6553, plusieurs documents. 2 AN, AF>v, 1713, 3 e d„ n° 37. 3 AN, F 7 , 6553. 4 lb. . LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 301 Un autre temoin de la cherte de la vie est, a cote des prix, l’augmentation des traiternents qu’on dut accorder aux fonc- tionnaires de l’administration. Marmont ne pouvait vivre, avec ses 12.000 francs par mois, et, en juillet 1810, il demanda a l’Em- pereur 400.000 francs par an — « a cause de la cherte de toute chose en lllyrie » — ce qui lui fut accorde en septembre L Ber¬ trand regut, comme gouverneur general, 320.000 francs par an 1 2 . Et les traiternents et frais de bureau des intendants, fixes le 15 avril 1811 a 155.000 francs, furent portes, par decret du 20 mars 1812 a 275.000 francs 3 . Ces hauts chilfres ne peuvent s’expliquer que par le cout de la vie. Quant aux salaires, ils variaient beaucoup dans les diverses pro¬ vinces selon la situation plus on moins favorable de la region. Les plus eleves etaient en Dalmatie. Par exemple, a Trieste, en 1812, la journee de travail d’un marin s’elevait a 1 fr. 67, celle d’un forgat a 80 centimes, celle d’un ouvrier libre a des prix divers. A Rijeka, en 1812, un chef -magon recevait 2 fr. 50, un magon- ouvrier 1 fr. 80, un ouvrier libre de 1 franc a 1 fr. 30, un charpen- tier ordinaire 2 francs. A Zadar, en 1811 : un forgat 15 centimes, un maitre-magon 4 francs, un magon de 1 a 3 francs, un batelier 3 francs, un ouvrier 2 fr. 50 4 * . lei, egalement, il n’y a pas de sta- tistique complete. 11 semble, cependant, que ces differences n’aient susbsiste dans les provinces et qu’en cette matiere le regime de 1’ lllyrie n’ait pas apporte de changeinents importants. A une exception pres cependant: le second peril est le chomage. Si nous nous rappelons les reductions et meme les chomages dans les mines et les ateliers, il est evident que, quoique nous ne puissions pas donner de chilfres, le nombre des ouvriers sans travail devait etre tres considerable. Ces deux symptomes expliquent parfaite- ment le troisieme, l’emigration, dont le gouvernement se plaignit pendant toute l’epoque illyrienne et que nous avons egalement mentionnee deja a plusieurs reprises. L’article 10 du traite de paix avail, permis l’emigration pendant six ans. On enprofita lar- gement : les motifs principaux etaient la mauvaise situation econo- mique et la conscription. Dans le dessein de restreindre ces departs, le gouvernement illyrien proposa un projet de decret sur l’emi- gration 6 , projet qui fut ajourne le 2 juin 1812 :.Tout Illyrien qui, conformement a I’article 10 du traite de Vienne, voudrait quitter 1 AN, AF 1T , 1713, 5 e d. 2 L. de Brotonne, Dernieres lettres inediles de Napoleon I er , II, p. 60. 3 AN, Fie, 61, n° 8. 4 AN, F 14 , 974. 6 AN, AFiv, 1305, p. 163. 302 LA VIE ECONO MIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES les Provinces Illyriennes, disposer de ses proprietes et exporter des valeurs, devait, avant trois mois, en declarer son intention a l’intendant general. Les Illyriens qui auraient fait leur declaration jouiraient, pour I’acconiplissement des dispositions qui s’y rappor- taient, de tout le temps qui resterait a s’ecouler sur le terme de six ans prevu au traite de Vienne. S’ils n’avaient pas fait de de¬ claration, ils etaient consideres comme avant renonce a cette fa- veur et etaient des lors astreints a tous les devoirs de sujets. Ainsi rien ne fut fait, et l’emigration generate continua jusqu’en 1813. Citons, enfin, encore quelques jugements autrichiens. On a, de decembre 1809, quelques lettres amusantes de Karlovac, ecrites apparemment par un officier des regiments croates a un de ses amis a Vienne 1 . Dans la lettre du 11 decembre, il rapporte que le regiment de Slunj a deja fait sa demande de 70.000 minots de ble (a 39 litres) pour l’approvisionnement des trois quarts de l’annee, et de 40.000 pour les semences. II ajoute avec malice : ce regiment est encore le plus riche des 4 regiments de Karlovac; que diront les Frangais, quand les 3 autres viendront, avec leurs demandes, et surtout celui de la Lika, toujours affame ? II croit qu’ils en auront bientot assez, de payer du surplus. Et le 20, il ajoute que le cordon estbien garde, pour empecher l’emigration par la frontiere turque. Mais la plupart de ces informations furent envovees par le poli- cier Kremnizer, a qui cette tache etait confiee, et qui s’etait, dans ce dessein, installe a Cel je 2 . Kremnizer rapporte, le 10 aout 1811, qu’on disait que le 6 les Anglais avaient pris et conduit a Malte 40 batiments marchands charges, sortis de Rijeka et destines a la Dalmatie. Le 5 sont de nouveau arrivees a Ljubljana deux voi- tures avec 3 millions — ou, comme d’autres disent, avec 1 million de francs, pour couviir les frais de guerre et pour solder les arrie- res. Le 13, il communique que les domaines destines a la liquida¬ tion de la dette publique doivent etre vendus en septembre. Kennel, l’ancien directeur des postes, ecrit a un ami de Graz, le 14 aout, de lui donner bientot quelque bonne nouvelle, sans quoi il desesperera de la situation, comme la plupart des gens deja. Le general de Tornasic signale, le 31 octobre, de Zagreb, que les desertions des regiments croates continuent, meme du camp, a Udine. On dit que beaucoup de soldats des confins militaires se sont refugies en Turquie avec leurs families. Knezevic ajoute, le 8 novembre, egalement de Zagreb, que parmi les 6 regiments, 1 AEV, Illyrien, 120, Varia (11, 19, 20, 24 decembre 1809). 2 II y a un recueil de ces lettres aux archives de la police, annexees aux AIV M. Prijatelj a eu la bonte de mettre la copie de ces documents 4 ma disposition. LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 303 celui de la Lika et surtout le 2 e Banal comptent beaucoup de de- serteurs, le premier en Turquie, le second eii Autriche. Enfin Kremnizer annonce, le 22 et le 29 novembre, qu’enfm, apres un an et demi, les pensions ont ete payees pour les six premiers mois, et qu’on a cherche a vendre les bois domaniaux, et les bati- ments de 1’Etat dans le territoire de Gorica, pour la liquidation de la dette publique, mais qu’aucun acheteur ne s’est presente, partie faute d’argent, partie par peur des impositions. Une feuille anonyme, probablement de 1811, disait que les im¬ pels etaient accablants, le manque d’argent aussi grand que le mecontentement general et que le souvenir de 1’Autriche devenait chaque jour plus attirant b Une seconde, du 12 decembre 1812, est plus optimiste : La route de Kostajnica etait toujours plus frequentce et proinettait beaucoup d’avantages pour toute l’llly- rie, les droits de douane etant tres modiques par ce trajet. A Kos¬ tajnica s’etaient deja etablies plusieurs maisons, les marchandises etaient transportees par voitures venant de Ljubljana, les frais de transport etaient modiques. Une autre route commode se deve- loppait, par Split. L’auteur, probablement un negociant, pro- mettait d’envoyer un tableau des routes, de l’horaire et des frais 2 . Le 15 aout 1813, on feta encore a Ljubljana, avec la pompe accoutumee, la fete de Napoleon. Mais deja, du 3 au 6 juillet, quand les Anglais debarquerent a Rijeka, Kraljevica et Bakar, le peuple avait crie : « vive le roi Georges ! » Les Anglais, a Rijeka, avaient demande GO bceufs et 100 moutons, et en avaient regu 20 et 50 qu’ils avaient payes comptant ; ils donnaient les magasins de sel a piller aux habitants de la campagne ; et ceux de tabac ne furent preserves que parce que le consul d’Autriche, Lederer, fit croire au commandant anglais qu’ils etaient la propriete d’un sujet autrichien ; enfin, ils delivrerent 10 individus qui se trouvaient en prison pour contrebande. C’etait la, pour ainsi dire, un acte symbolique. A Kraljevica et a Bakar, l’amiral ne permit pas le pillage des sels que les pavsans demandaient 3 . Puis ce fut ra- pidement la fin : le 17 aout, les Autriehiens etaient en Croatie, le 21 a Karlovac, puis a Rijeka ; quelques fonctionnaires de rad- ministration civile furent faits prisonniers, sur quoi Chabrol s’ecria que l’Europe retrogradait vers la barbarie ; la Carniole etait occupee sur plusieurs points, une partie de la Carinthie egalement, Beljak etait aux trois quarts incendiee, la Croatie se livra elle-meme, les relations avec la Dalmatie et Dubrovnik 1 AEV, Illyrien, 120, Varia. 2 lb. 3 AN, Fas, 61, n« 4 (20 juillet 1813). 304 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES etaient coupees, l’lstrie ex-autrichienne etait en pleine insur¬ rection 1 . A la fin d’aout, le gouvernement illyrien se fixa provi- soirement a Trieste, puis, en octobre, evacua les Provinces llly- riennes ; toute l’administration se rendit a Gorica, puis k Panne et a Plaisance. Chabrol sauva toutes les caisses publiques et la partie la plus importante des archives administratives. Une partie des plombs de Carinthie avait ete transportee a Venise, pour le reste ce n’etait plus possible a cause de Toccupation de Beljak par les Autrichiens. Les produits d’ldrija etaient deja a Venise. Presque tous les tabacs, h la manufacture de Rijeka, etaient tom- bes aux mains de l’ennemi au moment ou on apprit la reprise des hostilites. Mais la perte n’etait pas grande,l’intendant general ayant retarde la liquidation de l’ex-regisseur : 350.000 francs etaient encore dus. Les approvisionnements de sel avaient ete suspendus, par precaution, des les premiers inois de l’annee, et les navires arrives depuis expedies a Venise 2 . Mollien pouvait annoncer que Chabrol avait retnpli tous ses devoirs. Cependant, pour battre en retraite, il avait employe tous les fonds deja minces des caisses illyriennes ; il reclamait du secours pour payer les fonctionnaires de Tadministration illyrienne et operer les transports en lieu plus siir ; aussi Mollien lui ouvrit-il un credit provisoire sur la caisse centrale d’Alexandrie 3 . Zadar et Dubrovnik etaient bloques par les Anglais. En Dalmatie et a Dubrovnik quelques garnisons frangaises resterent jusqu’en 1814. Mais, le gros des provinces etant occupe par les Autrichiens et les Anglais, dans l’automne de 1813, l’lllyrie frangaise, de fait, n’existait plus. Maintenant que les provinces etaient perdues, on en regardait la situation d’un autre mil. C’est dans ce nouvel esprit qu’est ecrit un memoire d’E. de Chassenon, date du 4 octobre 1813, a Venise 4 , contenant des considerations sur les Provinces Illyriennes : 1° sur l’etat dans lequel elles se trouvaient au moment de Tarrivee du dernier gouverneur general ; 2° sur ce qu’il a fait pendant le peu de temps qu’il y a pu sejourner et sur l’evacuation ; 3° sur ce qu’il v aurait a faire dans le cas d’une prochaine reoccupation du territoire par les troupes de Napoleon. Nous donnons ce memoire tel qu’il est; cependant, il faut remarquer qu’il voit les choses trop en noir. Quand Fouche fut nomme, le 17 juillet, le clerge, mal paye, s’etait detourne du gouvernement, la magistrature etait trop peu remuneree, la commission de liquidation, dispendieuse, 1 lb., (13 septembre 1813). 2 AN, AF‘v, 1713, 8° d., p. 13, 13 octobre 1813. 3 AN, AFiv, 1089 B, d., p. 188, 27 octobre 1813. 4 AN, AFiv, 1713 , ler d ., p . 4> LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 305 n’avait pas encore cesse d’exister. La classe distinguee etait de plus en plus ecartee du gouvernement par la rigueur des preposes du tresor. Le commerce etait absolument nul, le transit n’influant que sur l’interieur ; il restart done fort peu de choses dans les fron- tieres de ce pays, qui etait tout littoral. Les licences restaient sans effet sur le commerce exterieur a cause des conditions impo- sees par le ministre des manufactures et du commerce. Un tort considerable fait au commerce et qu’on n’a reconnu que dans les derniers temps, est l’abandon des institutions sanitaires. Quand la peste etait apparue a Malte, on avait cherche a les relever. Mais dans plusieurs endroits, la negligence avait etc si loin, qu’on avait affecte les lazarets a des fonctions moins utiles ; a Trieste, par exemple, la prise de possession du lazaret par la marine avait frustre le commerce de beaucoup de voyages, a cause des frais d’allege, les batiinents devant aller a Venise passer leur quaran- taine. La meme chose avait cause 1’insucces des licences h cause des retours qui, des lors, ne pouvaient se faire aux dates pres- crites. Cependant, meme a ce moment, ou le territoire illyrien etait occupe par les anciens possesseurs, ses habitants avaient gene- ralement un meilleur esprit que les Italiens, bien que les trois classes aient ete maltraitees : les nobles et les riches, par leur expulsion de leurs emplois ; les negociants, par l’arret absolu de toute affaire et par les banqueroutes ; le peuple, par l’application des nou- veaux droits a cote des anciens, et meme d’anciens droits frangais n’existant plus en France, tels que celui de barriere. Enfin, toute la nation illyrienne avait l’impression qu’elle devenait un objet d’echange ou de compensation. Et cette nation esperait toujours, eonfiante dans l’interet que Napoleon portait a ce prolongement de 1’Italie, comme porte de l’Orient et entree de la Turquie. Ces bonnes dispositions avaient faeilite les grands changements operes par le gouverneur general en si peu de temps. Dans le cas d’une reoccupation, on devrait, par un decret, fixer le sort des provinces ; en un court delai, assurer la liquidation de la dette publique ; abolir tous les droits feodaux ; accorder au commerce un nombre indetermine de licences a longs retours et a chargements libres ; rectifier le systeme monetaire ; rendre l’admi- nistration plus simple et moins dispendieuse, car e’etaient les points ou l’adininistration avait le plus peche. Pour retablir la balance du commerce, il faudrait developper la production de la peche, des forets, des mines et des manufactures au-dela des besoins. L’Adria- tique etait peu poissonneuse du cote illyrien, les forets etaient diliiciles a exploiter, les usines et manufactures etaient rares. La raffinerie de Rijeka employait pour 800.000 florins de sucres bruts, Pivec-Stelfc 20 306 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES approvisionnait une partie de l’Autriche et de 1’ Italie ; la manu¬ facture de tabac exportait en Italie eten Sicile ; 80.000 pieces de linge de table s’exportaient en Turquie et en Afrique. Les provinces etaient sans concurrence pour l’exportation des produits de la Ilongrie, de l’Autriche et d’une partie de la Bosnie. Mais depuis plusieurs annees, l’exportation par mer etait impossible. Les cadres de l’administration des forets et des usines etaient sur¬ charges, quelques agents auraient sulTi. Le nombre des employes du tresor etait a diminuer. La regie des sels et tabacs etait dispen- dieuse, nuisible au commerce, de peu de profit pour le gouverne- ment. Le gouvernement etait oblige de payer cher le sel, a cause des risques de la navigation. En matiere de transit, les douanes illy- riennes avaient reprime, tandis qu’elles auraient du proteger, — sauf pour le commerce avec l’ennemi. La prosperite commerciale de l’lllyrie dependrait toujours du degre de faveur et de protection que les douanes accorderaient au commerce regulier. II aurait aussi suffi de placer les Frangais a la tete des diverses administra¬ tions, les autres postes auraient ete aussi bien occupes par des gens du pays que par des personnes venues de tous les coins de l’Empire dans 1’unique dessein de faire fortune. (Ce jugement est exagere ; nous reviendrons sur ce point au chapitre de l’opinion publique.) Aux moments oil l’ennemi donnait de l’inquietude, on a vu les graves inconvenients qu’olfrait l’emploi de tant d’e- trangers dans 1’administration d’un pays. Avant tout, il faudrait donner de l’extension au pouvoir du gouverneur general. 11 devrait avoir droit de decision sur tout ce qui est d’intcret local, sans avoir a consulter les ministres. La reoccupation prevue par Chassenon n’eut pas lieu et ses conseils ne purent etre executes. Cependant, nous croyons avoir demontre que, successivement, tous les administrateurs de l’lllyrie reconnurent les causes de la mauvaise situation de leur pays, le mal fondamental et les fautes secondaires. La sincerite de leurs rapports est egalement evidente. Enfin, nous pouvons encore constater que leurs conclusions concordent parfaitement avec les notres, tirees d’autres sources. II est tragique que cette connaissance exacte ait coincide avec la fin de l’lllyrie, tragique aussi qu’ils n’aient pu faire que des allusions au blocus, auteur principal de tous ces maux. Sur ce dernier point, les jugements posterieurs s’expriment avec plus de liberte. LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 307 b. — Les impressions des historiens Les jugements posterieurs sur la situation economique de l’llly- rie sont epars dans les monographies concernant les diverses pro¬ vinces et villes illyriennes. Ils ne sont pas aussi interessants que les rapports administrates. Pour la plupart, ils se contentent de cons- tater la ruine des provinces par suite de la disparition de la naviga¬ tion maritime et du transit autrichien, et d’enumerer une liste de griefs : les contributions de guerre, les impots directs, les confiscations de marchandises coloniales, la defectuosite des tarifs de douanes, l’cmploi de fonctionnaires etrangers, l’insulfisance du commerce levantin. Malgre tout cela, ils restent, pour ainsi dire, a la surface du probleme. Ils accumulent beaucoup de details, mais ne donnent pas de tableau d’ensemble. Ils montrent bien le cote exte- rieur de l’epoque, les evenements qui ont le plus fortement frappe l’esprit de la population, les elfets du regime illyrien ; mais ils ne connaissent pas les liens, les retentissements interieurs, en un mot les causes de la situation qu’ils decrivent, et ils ne peuvent pas les voir en raison de l’insuffisance des materiaux dont ils disposent. II est interessant de comparer les rapports contemporains et les jugements posterieurs. Les auteurs des premiers ont l’avantage d’etre les acteurs du drame, ceux des seconds sont fibres de parler du systeme continental, liberte dont, cependant, ils ne profitent guere. Les uns sont optimistes, au debut, pour devenir de plus en plus pessimistes ; les autres evoluent en sens inverse, leur interet, a cette epoque plus recente, se portant davantage sur d’autres aspects — plus favorises — de la vie publique. Si Ton ne peut pas dire que ceux-ci peignent trop en rose, il est certain que les seconds peignaient beaucoup trop en noir et etaient beaucoup plus pessimistes. L’ensemble forme un tableau tres sombre, avec seulement quelques petites lueurs. Levant proceder par provinces et villes, commengons par la Carinthie. Dans son solide Manuel de Vhistoire du duche de Ca¬ rinthie de 1857, H. Hermann 1 2 emet une opinion tres particuliere sur la Carinthie illyrienne. D’apres lui, la situation de la Ilaute- Carinthie etait brillante au debut, grace a la suppression des Ban- cozettel, au commerce florissant avec l’ltalie, a la difference des 1 Les auteurs cites sont caracterises brievement. On trouvera de plus ample? renseigncments sur eux dans la Bibliographic. 2 H. Hermann, Handbuch •• der Geschichte des Herzogtums Karnten, III/I, pp. 265-271, 283-287. 308 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES prix avec la Basse-Carinthie. Le blocus continental etait egalement favorable : la mer fermee, il restait la voie de terre de la Turquie par la Carinthie — a Salzbourg et en Baviere; les voituriers s’en- richissaient en peu de temps. De Salzbourg et de la Baviere, on importait du ble et la contrebande etait tres active sur le sel de Hallein. II y avait egalement grande contrebande des deux cotes en sucre, cafe, etc., par la Turquie, et parfois par les ports incom- pletement fermes de l’lstrie. De concert avec les douaniers, des caravanes se formaient parfois par bateaux sur la Drave. La contre¬ bande tuait toute moralite chez une partie des habitants des frontieres. Meme de vieux militaires vinrent, dans l’espoir d’une vie meilleure, de la Basse-Carinthie a Beljak, d’ou d’ailleurs on les renvoya en Espagne. (II faut remarquer ici que, peut-6tre, la situation de la Haute-Carinthie ne parait si bonne a l’auteurqu’en comparaison avec la misere de la Basse-Carinthie, traitee dans les pages precedentes). Mais, bientot vint le desappointement : enregistrements sans fin, abolition des privileges des artisans qui devenaient proletaires, enrichissement des fonctionnaires, misere des families dont les hommes etaient h la guerre. Pourtant, l’in- tendant de la Moussaye avait de bons projets, surtout pour Beljak. Mais, en particulier sous son successeur, de Charnage, il se trou- vait beaucoup d’aventuriers parmi les employes de l’administra- tion. C’est seulement tout recemment (1926) que K. Maister s’est occupe, dans une petite etude 1 , des deux cantons du Tyrol faisant partie de la province de Carinthie, Lienz et Sillian. Il note que les cantons souffraient: l’agriculture, par la prohibition de l’importation du sel etranger, 1’elevage encore plus, par la prohibition de I’exporta- tion des bestiaux ; auparavant, on vendait en Italie ; on ne pou- vait vendre a Beljak et h Ljubljana, a cause des gros frais de transport ; ainsi on etait presque contraint a la contrebande. Le maire de Windisch-Matrei, Wohlgemuth, fit plusieurs proposi¬ tions au subdelegue Baumes h Lienz, pour faire adoucir les prohi¬ bitions ; mais il ne semble pas qu’il ait eu de succes. Dans son histoire bien documentee de la Carniole depuis les temps les plus recules, A. Dimitz clot par 1’epoque illvrienne son dernier volume (le 4 e , paru en 1876) 2 . Il cite les chiffres de la con¬ tribution de guerre du pays, 2.500.000 francs et 15.260.000 francs, et rapporte qu’on esperait la remise du pays a l’Autriche apres le mariage de Marie-Louise, espoir qui fut degu. Les paysans etaient 1 K. Maister, Osttirol unler jranziisisch-illyrischer Herrsdiajl, pp. 81-82. 2 A. Dimitz, Geschichte Krains..., IV, p. 307. LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 309 appauvris, la noblesse ouvertement hostile, le clerge moins que favo¬ rable ; et tout cela, en depit du fait que la Carniole, comme noyau de 1’ fllyrie, avait beneficie de plus d’avantages que les autres provinces. Ljubljana specialement avait profite de son role de residence — question sur laquelle nous reviendrons. Fr. Orozen, dans son apergu plus recent (1902) 1 2 3 4 , loue la securite publique, qui assura pour longternps a la gendarmerie frangaise une bonne reputation ; il mentionne I’etablissement de negociants etrangers, mais ajoute que le systeme continental empecha un developpement favorable de quoi que ce soit. A la Save, frontiere de la Carniole et de la Styrie, il y avait des diflicultes de douanes. Auparavant, on expor- tait le superflu de la Styrie par la Save, en Carniole ; depuis la se¬ paration, tout trafic etait interrompu, meme les relations entre voisins. J. A. Suppantschitsch recueille les memes plaintes en 1818 2 . Quant a la Dalmatie, sa situation, deja auparavant, n’etait pas enviable 3 ; la balance etant defavorable, elle exportait par besoin, et sans excedent. La guerre des corsaires de 1808 avait encore ajoute la perte de 139 batiments. La province avait trois chantiers considerables, a Losinj, a Trogir, et a Milna sur Brae ; mais l’epoque du blocus n’invitait point aux constructions ; et employer le capital autrement qu’en batiments etait impossible. La base du commerce avec les Turcs etait Split, d’ou on rayonnait dans les autres lieux ; ce commerce subsistait en partie ; mais le trajet principal, favorise par le gouvernement, ne touchait pas a Split. G. Cattalinich, dans ses Memoires..., ecrits en 1841, resume l’influenee de l’epoque illyrienne 4 par la phrase suivante: « seule la courte duree de cette epoque sauva la province d’une ruine plus grande ». P. Pisani, dans sa monographic (de 1893), 5 conclut que la ressource presque unique de la province etait la contrebande ; e’est elle qui, selon le rapport du subdelegue de Split, permettait de payer les impots. G. Novak 6 , cependant, dans son etude recente (1923) sur le commerce de Split, note qu’une nouvelle prosperite commenga pour Split en 1811, quand les habitants se furent adaptes aux nouvelles circonstances. Cette amelioration coincide avec l’in- tention de Chabrol de faire de la ligne sur Split la voie principale du 1 Fr. Oroion, Vojvodina Kranjska (Le duche de Carniole), pp. 162-168. 2 J. A. Suppantschitsch, Ausflug von Cilli nach Lichtenwald, pp. 55-56, 128- 129. 3 G. Cattalinich, Memorie degli avvenimenti..., pp. 231-238 ; G. Novak, Split u svjetshom prometu (Split dans le commerce international), pp. 152-154 4 G. Cattalinich, op. cit., p. 187. 5 P. Pisani, La Dalmatie, j>p. 382-385. 6 G. Novak, op, cit., pp. 159-166. 310 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES commerce levantin ; mais ce projet exigeait que la mer fut libre. Pouqueville, dans son voyage, visita Dubrovnik, en 1805 ; il pouvait ecrire plus tard (1826) 1 que la republique possedait 238 vaisseaux, sortant sous pavilion de Dubrovnik, d’Autriche, de Turquie, de Rome, de Naples et de Genes, et qui etaient les voitu- riers de la Mediterranee. L’huile faisait le principal du commerce avec 1’etranger, neuf diziemes en etaient exportes, un dizieme etait, de par la loi, reserve au pays ; toutes les autres ressources etaient minimes. P. Pisani decrit la situation de ce meme terri- toire apres l’annexion de 1808 en ces termes 2 : agriculture ruinee, marine reduite, finances dilapidees. L’annee 1809, visiblement, n’apporta pas d’amelioration ; car le conseil municipal de Du¬ brovnik declara, dans ses observations sur le budget de 1812, que, sans commerce, de nouveaux impots etaient impossibles ; et dans celles sur le budget de 1.813, il disait que, le commerce etant nul, les frais d’un bureau de poids et mesures seraient plus eleves que les recettes 3 . Nulle part sans doute, la chute ne fut si complete. R. Lopasic, l’historien de Karlovac, nous informe dans sa mono¬ graphic de 1879, du sort de la Croatie civile, specialement de celui de Karlovac 4 . Karlovac etait florissante a la fin du xvm e siecle, grace a son commerce de hie, de sel, de tabac, etc. ; elle servait de depot pour le transit en ftalie et dans le Tyrol, et de port pour la navigation sur la Save et la Kupa. De toutes les villes croates, c’est celle qui payait le plus de contributions. Des entre¬ preneurs venaient de Vienne et de Prague ; enfin, elle reliait la plaine croate et hongroise a la mer. En lllyrie, la province de Croatie soufTrait des nouvelles contributions, de la defense d’im- porter et de vendre du tabac, de droits d’enregistrement insoli- tes, et le commerce des grains y periclitait, parce que le gouverne- ment favorisait la route Kostajnica-Petrinja-Sainobor-Carniole. Mais la ville de Karlovac augmenta sa prosperite. Ni auparavant, ni plus tard, elle n’eut cette importance. La forteresse etait deja vieillie, cependant le gouvernement autrichien l’avait conservee. Le gouvernement frangais, au contraire, n’y tenait pas et ne per- mettait pas qu’elle entravat le developpement commercial de la ville. De cette epoque datent toutes les maisons et tous les maga- sins construits en pierre et en brique dans les faubourgs. 1 F. C. H. S. Pouqueville, Voyage de la Grece, I, pp. 44-47 ; AE, Raguse, 57/2, Raguse, 1811. * P. Pisani, La Dalmalie, pp. 298, 300. 3 AN, F lE , 64, n° 4. * R. Lopasid, Karlovac, pp. 58-67, 81-82, 91. LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 311 G. Kobler traite dans une monographic assez recente (1896) du developpement historique de Rijeka, la seconde ville, par ordre d’im- portance, de la Croa tie civile 1 . Le passe de la ville avait etc agite : jus- qu’en 1776, elle avait fait partie de la Croatie, alors incorporee a la Hongrie ;elle etait devenue, en 1779, ville libre, et, comme telle, avait etc cedee en 1809. A cette epoque, la ville comptait 8.950 habitants et possedait une belle marine marchande : une statistique de 1803 enumere 68 bailments de divers tonnages. En 1809, la ville paya une contribution de guerre de 460.000 francs, et elle participa au pret force de 1810, avec 180.000 francs, dont 150.000 furent pour les negociants et 30.000 pour les proprietaires. A la fin de 1809, il y avait a Rijeka pour 950 millions de florins de Raneozettel et on en donnait 450 et 500 pour 100 florins d’argent. Cependant, un rapport de la municipality, du 30 aout 1810, n’est pas si defavorable : sans doute les 30 (plus tard 15) fabriques particu- lieres de tabac de Rijeka avaient cesse de travailler, le commerce par voie de terre etait un simple commerce de commission en tabac, froment, etc., et le commerce maritime etait toujours limite, puisque tout passait par Trieste. Mais le blocus de l’Adria- tique apres la paix de Presbourg (1806) et Inoccupation de Trieste lors de la derniere guerre avaient donne une impulsion au commerce d’iinportation maritime par Rijeka, parce que toute la Dalmatie utilisait le port de Rijeka qui etait le plus voisin et le moins expose aux corsaires ; et pour la meme raison, les huiles de la Pouille et du Levant venaient a Rijeka, de sorte que cette ville offrait un beau spectacle d’activite et de richesse. Cependant, un second rapport de la municipality, du 27 octobre 1813, est tout different: il enumere la guerre de 1809 et les contributions qu’elle entraina, Ten- tretien des troupes aux frais de la ville, le pret force non rendu, les iinpots, qui etaient innombrables, les dons gratuits. « Tel etait le sys- teme du gouverneinent frangais inhumain, dont 1’autorite etait hale paries habitants de Rijeka, et sous lequelles habitants etaient forces de faire la contrebande a main armee. » Les plus grands travaux etaient faits gratuitement par les sujets illyriens, les postes lucratifs des finances etaient occupes par des Frangais et des Italiens qui accumulaient d’enormes richesses. Puis ce furent les dommages causes paries Anglais, en juillet 1813. « Voila le tableau fidele mais douloureux de la ville de Rijeka. » Meme en considerant que ce rapport date deja de la reoccupation autrichienne, beaucoup de faits deplorables ne sont que trop exacts. Adamic, dont les mesa* 1 G Kobler, Memorie per la storia... di Flume, III, pp. 1-2, 6, 36, 76, 78, 80, 93; II, pp. 99-100, 104. 312 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES ventures ont deja ete mentionnees, ne fit que participer aux malheurs de sa ville-patrie. II nous reste encore a voir la province d’Istrie, et tout d’abord Trieste, le port le plus important des Provinces illyriennes. La, vu l’importance de la ville, les sources abondent. J. Cvijic a carac- terise cette ville 1 en disant que, de par sa situation geographique, elle n’attire pas tellement les courants commerciaux d’ltalie — elle est trop excentrique pour cela —, mais qu’elle est bien placee pour etre le debouche des pays Slovenes et de certaines re¬ gions autrichiennes et allemandes, plus encore que Rijeka. C’est surtout le point ou convergent toutes les lignes commerciales des cotes dalmates. Split, Dubrovnik, Kotor, meme Skadar et Drac ne sont, du point de vue commercial, que des dependances de Trieste et de Rijeka. Et Pellenc a bien caracterise la situation en Ulyrie 2 1 Trieste, qui etait le port d’un grand Empire, n’est plus qu’un des ports de l’lstrie. En 1809, epoque de la cession, Trieste possedait de grandes institutions commerciales 3 : une chambre d’assurances, une chambre d’assurances maritimes, une banque d’assurances et d’echanges maritimes, une societe grecque d’assurances, une com- pagnie de sucre avec privilege, de grandes maisons de commerce grecques et israelites. La guerre maritime anglo-frangaise, en ge¬ neral, avait favorise le commerce de Trieste 4 . Dans le blocus universel, Trieste etait reste presque l’unique port franc encore ouvert, et cet avantagc avait ete bien utilise : Trieste etait devenue riche. N’attendant aucun changement de la situation, les nego- ciants de Trieste, alleches par les hauts prix des marchandis_es co- loniales, avait fait de grandes speculations ; mais ce fut un me- compte. Pendant l’ete de 1808, le marche de Smyrne fut rouvert pour ces articles ; a Ilambourg et a Copenhague, on en vendait de grandes quantites aux encheres ; les corsaires de la Mer du Nord prirent tant de navires anglais que le cafe et le sucre etaient a has prix en Russie et qu’on en vendait par Rrody : les stocks de Trieste restaient sur place ou se vendaient sans profit ou meme avec perte. C’est ainsi, affaiblie par cette crise, que Trieste entra dans la guerre de 1809. Citons maintenant, par ordre chronologique, ceux 1 J. Cvijic, La Peninsule Balkanique, p. 495. 2 AN, AF-v, 1713, 3® d., n® 27. 3 BMCH, Statistique de Trieste , 1809, 4 H. Costa, Der Freiliafen von Triest, pp. 54, 60-61. On a cru devoir mettre ici ce tableau, parce qu’il s’agit du sort individuel de la ville, qui ne touchait pas directement 4 celui de 1’Illyrie. I.A SITUATION ECONOMIQUE DU PAY S 313 qui se sont occupes de l’epoque ou Trieste fut illyrienne. D. Ros¬ setti, dans sa Meditation..., ecrite des 1815, n’en dit que quel- ques mots 1 : peu de mois de la nouvelle domination detruisirent tout ce que plusieurs siecles avaient edifie. Cela a deja. ete dit et demontre tant de fois, qu’il serait superflu et ennuyeux de le repeter. C’est pourquoi Rossetti passe sous silence ces annees, ces evenements et ces malheurs du 16 mai 1809 jusqu’au 8 no- vembre 1813, et ne traite que des effets de la reconquete de Trieste par les Autrichiens. G. Mainati, dans ses Chroniques..., en 1818 2 , appelle la periode illyrienne « epoca infausta ». C’est cependant surtout le temps de l’occupation, avant la cession, qui fut malheureux. Le coinmissaire des guerres, Joubert, leva le 27 mai 1809 une contribution speciale.de 50 millions de francs, pour outrage fait au drapeau frangais ; le 17 juin, on mit sous sequestre les marchandises anglaises et coloniales en magasin a Trieste ; le 7 juillet, il y eut la contribution de guerre de 2.440.000 francs. Tous-les biens de la population furent mis sous sequestre, a cause du non-paiement de la contribution de 50 millions. Les marchandises coloniales furent conlisquees, vendues, encore une fois conlisquees et enfin transportees a Venise. La rade devint solitaire, le silence, l’inertie regnaient, le lazaret fut trans¬ forme en arsenal (ce qui est tres caracteristique). Mainati enu- mere encore : l’abolition des privileges, la suppression des Ban- eozettel, l’enormite des contributions, les douanes,la conscription, enfin la severite de l’intendant Arnault, adoucie seulement, en 1813, par son successeur Calafati. (Mainati est tres riche en details ; ses donnees ont ete copiees par presque tous les auteurs posterieurs.) H. Costa, dans sa monographie de 1838, trace le tableau suivant 3 : Trieste etait bloquee du cote de la mer — les Anglais croisant jusque-la —, separee de 1’Autriche, ouverte seulement a 1’Italie, et les relations avec la France n’existaient qu’a l’etat d’espoir. Les tarifs des douanes etaient defavorables ; tres desagreables etaient les acquits-a-caution. Une foule de maisons de commerce furent ruinees, les courtiers et les dockers etaient sans travail et sans pain. La chambre de commerce et le tribunal de commerce existaient encore — sans occupation. Les mesures concernant le commerce levantin ne trouverent au debut que mefiance chez les negociants de Trieste, puis, peu a peu, ceux-ci se mirent k speculer, et assez considerablement, sur les 1 D. Rossetti, Meditazione storico-analitica..., pp. 276, 314. 2 G. Mainati, Chroniclie...,..\I, pp. 1-29, 75, 90. 3 H. Costa, Der Freihafen von Triest, pp. 64-66. 314 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES cotons macedoniens ; mais c’etait trop peu pour compenser les pertes, et de meme les quelques faveurs accordees au transit autrichien ne sulfisaient pas. J. Lowenthal donne aussi, dans son histoire, ecrite en 1859, outre quelques remarques analogues, des donnees statistiques 1 : Des marchandises conlisquees furent vendues a Udine : 406.500 livres (a 0 kg 56) de sucre, 4.400 livres de cafe, 350 livres d’indigo, etc. Le nombre des habitants de Trieste tornba de 33.000 en 1808 a 30.000 en 1811, et a 26.000 en 1812. Le commerce declinait : en 1809, importations 6.270.742 florins, exportations 7.430.137 florins; en 1811, importations 1.479.921 florins, exportations 4.460.400 florins ; la navigation de meme : en 1806, vaisseaux charges arrives 2.906 — tonneaux 168.500 ; en 1811. vaisseaux charges arrives 1.978 —- tonneaux 38.411. Lowenthal donne egalement une statistique des batiments entres et sortis de 1802 a 1820 ; nous prendrons les dates de 1807 a 1815 : (Pour 1812, il y a une difference entre ces donnees et celles d’Arnault, deja citees : Arnault n’a que 2.426 batiments et 44.737 tonneaux). S. Rutar, dans sa monographic de l’Istrie, de 1897, ne mentionne que tres brievement 2 la perte des franchises de port-franc, la suppression des privileges de la noblesse et de la bourgeoisie, la crise monetaire, les lourds impots, les Anglais dans PAdriatique. Enfin, nous parvenons aux deux auteurs les plus recents (leurs ouvrages datent de 1924), qui s’occupent principalement d’autres facteurs du developpement de Trieste, specialement du mouvement national. A. Tamaro emploie dan& son histoire de Trieste 3 , en parlant du commerce de cette epoque* 1 J. Lowenthal, Geschichle der Sladt Triest, II, pp. 100, 101, 175. 3 S. Rutar, Trst in Istra (Trieste et l’lstrie), pp. 225-226 3 A. Tamaro, Storia di Trieste, II, p. 244. LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 315 les termcs dc mine et de desastre. II donne aussi quelques chiffres du mouvement commercial : en 1804 : 55.000.000 florins ; en 1809 : 13.700.859 florins; en 1810 : 5.500.000 florins (2.500.000 importa¬ tions, 3.000.000 exportations); en 1811: 5,860.000 florins (1,400.000 importations, 4.460.000 exportations); en 1813 : 2.380.632 florins (1.932.788 importations, 447.844 exportations). Entre 1809 et 1811, 3 societes d’assurance et 61 grandes maisons commerciales firent banqueroute. 13. Benussi constate de menie dans son histoire de I’lstrieMes pertes enormes subies par le commerce maritime a cause de la separation d’avec l’Autriche et d’avec la plus grande partie de son hinterland, du bloeus continental et des Anglais. II donne egalement quelques chilTres pour le mouvement maritime. Nous pouvons conclure que le resume de toutes les statistiques (parfois quelque peu discordantes) nous montre que le chill're du mouvement commercial etait tombeau vingtieme, celui de la navi¬ gation a la moitie quant an nombre des batiments, au quart quant au tonnage (ce qui indique qu’il s’agissait de batiments de moindres dimensions). C’etait bien « la mine ». Aupres de Trieste, les autres parties de l’lstrie sont beaucoup moins etudiees. Nous avons cependant quelques donnees qu’ap- porte S. Rutar dans son Histoire du comle de Gorica el Gradiska (1893) 1 2 . Gorica dut payer, en mai 1809, 910.000 francs de contri¬ bution de guerre. Cette contribution, la suppression de 1’argent autrichien, et la perception des impots arrieres laisserent un mauvais souvenir ; meilleur fut celui de mesures c'omme l’ega- lite des classes, I’affranchissement des pavsans et la repression severe du banditisme. Ayant termine l’etude de toutes les provinces, revenons a la capitale de l’lllyrie : Ljubljana. II n’est pas surprenant que la ville ait prolite du role de residence. Aussi, la Laibaclier Zeitung du 3 juillet 1810 3 reproduit-elle un article du Corriere lllirico (pa- raissant a Trieste) sur Ljubljana, disant que quiconque avait connu cette ville deux ans auparavant la reconnaitrait a peine. 11 y avait beaucoup d’etrangers, la population avait augmente, il y avait de bon argent, on se serait cm a Milan ou a Vienne. II y avait la cour du marechal, presque tous les bureaux centraux — a l’exception des douanes — 400 nouveaux employes, 4.000 soldats dans les environs. Tout Illyrien ayant besoin de quelque chose devait venir a Ljubljana ; on y voyait des gens de l’Albanie, de la 1 B. Benussi, L’Istria..., pp. 436, 437. - S. Kutar, Poknezena grofija Goriska in Gradiscanska (Le comte de Gorica et Gradiska, 103-105. 3 LZ, 1810, 30. 316 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYJRIENNES Carinthie, de Gorica, de la Croatie. Les citoyens ne desiraient plus le retour d’autres temps : leurs maisons valaient deux fois plus. Les logements etaient incommodes, parce qu’il v avait trop peu de place ; mais il y avait double dedommagement. Le journal, ici, n’em- bellissait pas ; nous verrons comment cette situation privilegiee influait sur l’opinion publique. La revue des auteurs terminee, nous pouvons dire qu’en depit des differences signalees, administrateurs et historiens s’accordent sur les points principaux: que la situation de l’lllyrie, au debut, fut meilleure que vers la fin ; que, vers la fin, quand le blocus eut eu le temps de toucher toutes les branches de la vie, la misere y regna ; et que ce sont les villes et les regions maritimes qui souffrirent le plus. Nous pouvons done passer a la repercussion de cette situation sur l’opinion publique. 3. L ’opinion publique Comme les finances, l’opinion publique ne devait faire partie de notre sujet que partiellement, et en tant seulement qu’elle est liee a la situation economique du pays. Mais, comme nous allons’ le demontrer, la situation economique etait le facteur principal de l’esprit public ; nous devons done traiter la question en ge¬ neral. En Illyrie, il est impossible de parler d’une opinion publique d’ensemble. Pellenc constatait 1 qu’elle n’existait pas et qu’il fallait la creer — comme aussi le peuple — et il avait raison. L’lllyrie, conglomerat de diverses provinces sans passe commun, sans traditions communes, sans interets communs, et sans repre¬ sentation ou organe commun, ne pouvait pas avoir d’opinion publique, et 4 annees de vie commune, evidemment, ne suffisaient pas a la creer, d’autant plus que l’unite politique de 1’Illyrie elle-meme etait nee en 1809, sinon contre la volonte du pays, du moins sans aucune cooperation de sa part. Il faut done rassembler les voix des divers camps, dont les refrains sont tres varies. En general, cependant, on peut distinguer deux courants principaux, quirefletent fidelement deux faits : a savoir que l’epoque illyrienne apporta incontestablement du bien, dans le domaine intellectuel ; mais qu’avec la meme evidence elle nuisit affreusement dans le do- domaine materiel. Le cote economique influa autant sur l’esprit public de 1’Illyrie que sur sa creation, illustrant ainsi un mot de 1 AN, AF' V , 1713, 3 e d„ n° 27. LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 317 J. H. Rose 1 : Ce ne sont pas les rois depossedes, mais les besoins des nations qui ont excite la haine. Comme temoins de l’opinion publique, il faut tout d’abord eli- miner les journaux, puisqu’en Illyrie n’existaient que desjournaux officiels, le Telegraphe Illyrien a Ljubljana, le Corriere Illirico a Trieste, et en outre, au debut (il fut supprime en 1810), le Kraljski Dalmatin a Zadar ; la Laibacher Zeitung, entreprise particuliere, mais egalement sous censure severe, s’eteignit a la fin de 1810. Le 30 juin 1810 2 3 , Marmont etablit par arrete une censure generale, composee d’un censeur general et de trois traducteurs, pour le frangais, l’illyrien et Titalien : Barthelemy Benincasa fut nomine censeur general. Ce fut la aussi qu’etaient censures les journaux de Trieste *. Le decret general du 30 novembre 1810 4 * * sur les livres importes fut aussi execute en Illyrie. Les arretes du 31 aout 1811 et du 6 decembre 1812, ainsi que le decret du 18 fevrier 1812®, sur les passeports, contribuaient egalement a regler severement Tentree et la sortie des etrangers, et a bien isoler TIllyrie. Les journaux, specialement le Telegraphe Ofllciel, avec ses rapports de fetes officielles, de marchandises anglaises brulees, etc., repre- sentent done la version officielle. D’apres celle-ci, les sujets etaient unanimes dans leurs sentiments de devouement, de gratitude et meme d’enthousiasme, suscites par les bienfaits du gouverne- ment du grand Empereur. Les « dons volontaires » aussi aflluaient en 1813®. (On voit que la difference entre cette version et les rap¬ ports deja cites du gouvernement etait considerable). Parmi la population on peut discerner plusieurs groupes qui, parfois, changeaient : les adversaires du debut ; la masse indiffe- rente ; les partisans perseverants du debut jusqu’a la fin; enfin, les partisans du debut qui se detournerent plus tard. Cependant une formule extremement simple explique toutes ces opinions, apparemment contradictoires : un ego'isme plus ou moins sacre — egol'sme de classe, de nationality, etc., — etait a la base de toutes les sympathies et de toutes les antipathies. La noblesse (a l’exception de quelques-uns de ses membres) ayant perdu les privileges de rang qu’elle avait possedes en Autriche, et n’occupant plus presque exclusivement, comme aupa- ravant, les postes superieurs de radministration, etait necessai- 1 .1. H. Rose, Napoleon and English Commerce..., p. 722. 2 APL, 41. J. Tavzes, Slooenski preporod pod Francozi (La renaissance Slovene sous les Francais), pp. 18-20. 3 J. Lowenthal, Geschiclite der Stadt Triest, II, p. 98. 1 TO, 1811, 4. 3 TO, 1811, 71, 72 ; 1812,,100, 24. “ TO, 1813, plusieurs numer’os ; AN, AF> 7 , 1809 B, 2 e d., plusieurs actes. 318 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES rement l’adversaire du nouveau gouvernement ; en grande partie, elle quitta 1’ Illyrie et attendit en Autriche la reoccupation 1 . On peut ajouter les Alleniands qui, eux aussi, perdaient un privilege, celui de leur langue dans l’administration et dans l’enseignement, ou elle devait ceder la premiere place au frangais et admettre l’illy- rien et l’italien sur le meme plan qu’elle. Quant au clerge, les membres s’en trouvaient dans Fun et l’autre camp, ce que prouvent les annuaires de l’eveche de Ljubljana 2 : si quelques-uns (14), austrophiles prononces, quitterent l’lllyrie entre 1809 et 1812, d’autres (7), francophiles prononces, durent s’expa- trier en 1813 et 1814. En general, l’Eglise de cette epoque n’etait pas dangereuse pour l’Etat : les chaines dont I’avait chargee la bureaucratie de Frangois II l’avaient preparee a jouer le role, exige par Napoleon, d’etre « un bon instrument de l’autorite ». Et si, malgre tout, elle ne remplit pas tout a fait ce role de servante de 1’Etat, au moins il est sur qu’elle ne se releva de son engourdis- sement que plus tard, apres l’epoque illyrienne. En Carniole, le gouvernement illyrien aurait meme pu saluer une influence fran- gaise qui l’avait devance, celle du jansenisme frangais, alors assez repandu dans cette province 3 , mais il ne semble pas qu’il s’en soit occupe. L’argument des francophiles etait l’idee nationale — nous parlerons plus tard des principaux representants de cette idee — celui des autres une serie de mesures 4 , peu faites pour satis- faire le clerge, quoique ce fut deja la France du concordat qui les appliquat a l’lllyrie. Comme telles peuvent s’enumerer : le mariage civil ; le calendrier restreint frangais ; la suppression des dimes ecclesiastiques en Istrie et en Dalmatie, remplacees par 100.000 francs annuels ; les eveches en Dalmatie —- assez nom- breux — laisses vacants et leurs hiens reunis au domaine ; l’abo- lition des confreries et corporations avec confiscation de leurs hiens, ce qui fut parfois empeche avec succes par la population en armes (par exemple par des femines a Bled) ; la suppression des couvents (par exemple de celui des Capucins a Ljubljana); l’e- loignement des Franciscains, autrefois, en Dalmatie, proteges par Marmont; les appointements, non regies, par suite du mauvais etat 1 M. Pivec, Drobtine iz iasa Napoleonove Ilirije (Fragments du temps dc l’lllyrie napoleonienne), p. 51. 2 Bibliotheque d’Ktat de Ljubljana. Voir les annexes des annuaires 1813-1815. 3 It. Cebulj, Janzenizem na Slovenskem in Franciskani (Le jansenisme en Slovenie et les Franciscains), Ljubljana, 1922, 8° ; Fr. Usenicnik, Rigorizem nasih janzenislov (Le rigorisme de nos jansenistes), Ljubljana, 1923, 8°; Bogo- slovni Vestnik, (Revue theologique), III, pp. 1-49. 1 B. Vosnjalc, Ustava in uprava... (Constitution et administration...), pp. 239- 243. P. Pisani, La Dalmatie, pp. 372-374. LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 319 des finances, ni par le decret du 15 avril 1811 (art. 143-149), ni plus tard. Quant aux biens ecclesiastiques illyriens sequestres en Autriche, comme nous l’avons vu, il n’y eut pas de liquidation. Les frontieres des eveches resterent les memes, a l’exception de ceux de Ljubljana et de Senj, agrandis de quelques paroisses appartenant auparavant a Brixen, Gurk et Zagreb. II est done probable que le chifl’re des adversaires surpassait celui des partisans, parmi le clerge catholique. Neanmoins, J. P. Jovanovic peut dire, en gros, qu’il y avail bonne entente entre le gouvernement et le clerge 1 . Le clerge orthodoxe, dans les regions meridionales de l’lllyrie, quoique protege par le gouvernement, etait presque entierement hostile 2 , probablement par suite d’une orientation russophile(montenegrine). La grande masse de la population se comportait, comme e’est la regie partout et toujours, passivement. Par un sentiment de traditionalisme peu clairement defini, elle regrettait le passe : elle etait habituee a vivre sous la maison d’Autriche. Le mariage de Napoleon avec Marie-Louise, en 1810, la rapprochait un peu de Napoleon ; tout de meme, on continuait de preferer le gouver¬ nement du beau-pere a celui du beau-fils, et on esperait de cet evenement le retour a PAutriche. Le meme sentiment explique aussi qu’on n’entende pas de plaintes, par exemple d propos des mesures douanieres autrichiennes, quoique 1’Autriche traitat rillvrie tout a fait en pays ennemi. Une bonne partie de ces indif- ferents, cependant, devait grossir le quatrieme des groupes mentionnes plus haut. Les partisans se recrutaient parmi les grands proprietaires ruraux que le gouvernement favorisait en leur confiant bon nombre de mairies et d’autres postes administratifs, a la place des elements juges moins surs (e’est-a-dire des aristocrates) ; leurs noms contredisent l’opinion de Chassenon d’apres laquelle les Illyriens auraient ete tenus completement a l’ecart de l’administra- tion. Mais, en grande partie, les partisans furent constitues par les « cercles nationaux », si on peut employer ici un terme de nos jours. Car, s’il faut, d’un cote, se garder de chercher dans cette epoque une politique nationale dans le sens moderne, et de l’autre, d’imputer a Napoleon l’intention de favoriser le developpement de ce mouvement, il n’en est pas moins vrai que l’lllyrie napoleo- nienne a vu le commencement des tendances nationales, et que le gouvernement illyrien, neutre en principe dans cette question, les a, de fait, puissamment aidees. 1 J. P. Jovanovic, Napoleon i Jugoslooani (Napoleon et les Yougoslaves), p. 126. 2 P. Pisani, La Dalmatie, *p. 374. 320 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES La question des langues etait assez compliquee en Illyrie. (Nous avons vu que Chabrol mentionnait quatre idiomes, dilficulte que ne presentait aucun des autres pays annexes). Sous la surface de l’administration allemande,il y avait un pays a majorite slave — Slovene et croate — • et a minorite italienne et allemande. Napoleon, en creant 1’Illyrie, ne se souciait guere de question nationale — ses huts etaient ailleurs — et ce n’est que le dernier jour avant son depart de Vienne, eh octobre 1809, qu’il s’informa aupres du comte Philippe Cobenzl, natif de la Basse-Carniole 1 , de la nationality de ses nouveaux sujets slaves, specialement des Slovenes. Ce qui a ete fait en cette matiere fut principalement l’ceuvre de Marmont, qui prit le plus d’interet personnel a ces pays, et qui avait de bons conseillers indigenes. Deja le nom de 1’ Illyrie etait caracteristique. Meriage rapporte 2 que la resurrection du nom illyrien plaisait et donnait des esperanees atous les peuples quile porterent; mais ceci etait assez platonique. L’encouragement donne aux tendances na- tionnales se manifesta specialement dans la publication des deci¬ sions du gouvernement, dans les journaux, dans l’instruction et dans l’administration. Marmont faisait imprimer les arretes et autres decisions impor- tantes en 4 langues : frangais, allemand, italien et « illyrien », c’est-a-dire au debut en serbo-croate, plus tard en Slovene. Sous son successeur Bertrand, les publications ne se firent que dans les trois premieres langues. II semble que la principale cause de cette difference soit la difference de caractere des deux gouverneurs generaux: Marmont, alors encore jeune, s’interessait au pays — il avait aussi deja ete auparavant commandant en Dalmatie pendant trois ans — et il avait cornrne conseillers le baron Zois et l’abbe Vodnik, tandis que Bertrand se contenta d’etre un fonctionnaire conseiencieux. Une seconde cause fut probablement d’ordre financier : Bertrand dut rogner sur maint projet de Marmont. Le Telegraphe O/ficiel devait aussi paraitre en quatre langues : c’etait dans son programme. Mais on n’a trouve aucun exemplaire de l’edition illyrienne ; on n’a conserve que des editions frangaise, allemande et italienne, et, d’apres les etudes les plus recentes, il semble que l’edition illyrienne n’ait jamais paru, probablement par suite des dillicultes d’impression et de traduction et du trop petit nombre d’abonnes 3 . Charles Nodier, dernierredacteur du Telegraphs 1 J. Priiatelj, SlovenScina pod Napoleonom (La lantrue Slovene sous Napo¬ leon), pp. 126-129. 2 M. Gavrilovic, Ispisi iz pariskih arhiva (Extraits des arch, parisiennes), n° 508. a P. Pisani, Les journaux jran^ais dans les provinces illyriennes pendant Vepoque LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 321 Officiel, etait tres Tier de son journal « tetraglotte », et se complai- sait dans ce role. Mais le plus important, ce fut l’introduction de la langue du pays dans l’instruction et dans l’administration L L’arrete de Marmont, du 4 juillet 1810 2 , signifiait une transplantation de 1’Universite napoleonienne en Illyrie (cependant, le decret du 15 avril 1811 — articles 127-130 — et l’arrete de Bertrand du 12 decembre 1811 3 apporterent au programme original une res¬ triction sensible, causee par les eternelles dilficultes financieres du gouvernement); mais la nouveaute etait l’emploi de la langue du pays. Par langue du pays, il faut entendre en Illyrie la langue « carniolienne» , c’est-a-dire le Slovene, dans la partie occidentale, la langue « illyrienne », c’est-a-dire le serbo-croate, dans la partie orientale, l’italien et l’allemand dans quelques regions. L’application du principe de l’emploi de la langue du pays devait done donner des resultats dillerents dans les diverses provinces. Dans les pays Slovenes 4 — Carniole, Carinthie, Gorica — le Slovene fut introduit dans les ecoles primaires, qui avaient ete jusqu’alors allemandes, a l’exception de la l re classe. L’abbe V. Vodnik composa, a la demande de Marmont, en 1810, les trois premiers livres scolaires Slovenes, grammaire, catechisme, alpha¬ bet, parus en 1811 ; en 1812, en parut un quatrieme. La langue de l’administration etait naturellement le frangais ; cependant 1’allemand et 1’italien etaient egalement admis ; le Slovene appa- rait plus rarement dans les actes officiels. Encourage par ces faits, un travail fievreux des partis nationaux Slovenes commenga ; il fut interrompu des 1814 : l’Autriche reintroduisit alors l’instruc- imperiale, pp. 433-435 ; J. Prijatelj, Slovenseina pod Napoleonom (La langue Slovene sous Napoleon), pp. 434, 600-601 ; S. Urlic, Ali je Telegraphe Officiel des Provinces Ilhjriennes izlazio u srpskohrvatskom jeziku ? (Lo Telegraphe Offi¬ ciel des Provinces Illyriennes a-t-il paru en langue serbo-croate ?), pp. 196- 202 ; M. Kos, Telegraphe Officiel in njegove izdaje (Le Telegraphe Officiel et ses editions), pp. 5-12 ; J. Tavzes, Slovenski preporod pod Francozi (La renaissance Slovene sous les Frangais), pp. 20-28. 1 B. Vosnjak, Ustava in uprava... (Constitution et administration...), pp.229, 233 ; P. Pisani, La Dalmatie, pp. 366-370. 2 TO, 1810, 3. 3 TO, 1812, 2; J. Mai, Zgodovina slovenkega naroda (Histoire de la nation Slovene), YII, pp. 150-166 ; J. Tavzes, Slovenski preporod pod Francozi (La re¬ naissance Slovene sous les Frangais), pp. 34-40 ; J. Polec, Ljubljansko visje solstvo v preteklosti... (L’histoire de l’enseignement superieur a Ljubljana...), pp. 20-51. 1 J. Prijatelj, Slovensdna pod Napoleonom (La langue Slovene sous Napo¬ leon), pp. 433-435, 595-599 ; J. P. Jovanovic, Napoleon i Jugosloveni (Napoleon et les Yougoslaves), pp. 131, 142. Pivec-Stelfe 21 322 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES tion allemande et la maintint jusqu’en 1848. L’epoque illyrienne marquait done la premiere reunion politique des Slovenes — a l’exception de ceux de Styrie — et fut un des facteurs du reveil de la nationality Slovene. V. Vodnik salua dans son ode « Ilirija ozivljena » — « l’lllyrie ressuscitee », l’aube de cette ere nouvelle. M. Kuralt, abbe et nationaliste comme V. Vodnik, composa pour le 15 aout 1813 un hymne latin sur Napoleon 1 . C’etaient peut-etre les deux francophiles les plus prononces : le premier, partisan efficace, l’autre, le « jacobin Slovene », enthou- siaste de toute revolution. A la reoccupation, l’ode valut a V. Vodnik la retraite, et l’hymne de M. Kuralt lui valut 1’interne- ment en Moravie a perpetuite. Meme dans la Styrie meridionale, qui ne faisait pas partie de l’lllyrie, 1’abbe Alvian chanta a Brezice la naissance du roi de Rome 2 . En Croatie, l’enseignement primaire fut donne en croate. Comme langue olficielle, le latin usuel et le croate n’etaient pas admis, mais etaient employes tout de meme, surtout par les maires 3 . Cependant, la Croatie en vou- lait au gouvernement illyrien de l’avoir demembree plus qu’elle ne l’etait auparavant, et, nulle part, on ne retrouve un enthousiasme semblable & celui que nous avons rencontre dans les pays Slovenes; ce n’est que plus tard qu’on reconnut l’importance de cette pre¬ miere union partielle des Slovenes et des Croatcs 4 5 . Les regiments croates meme, dont l’esprit guerrier avait ete d’abord favorable a la gloire des armes de Napoleon (en partie par suite del’indigna- tion causee par la cession, et que ne manqua pas d’utiliser la pro¬ clamation de Napoleon, en 1809), se retrouverent autrichiens en 1813 s . Le peuple en Istrie dormait encore ; mais son reveil, sur- venu en 1849, vint du Nord, des Slovenes, et de l’Est, des Croates, indirectement il avait ainsi egalement ses sources dans l’epoque illyrienne 6 . A Trieste, quatre ecoles primaires italiennes furent ouvertes, ainsi qu’un gymnase italien, de sorte que les Italiens profiterent aussi des principes de la politique scolaire frangaise en 1 TO, 1813, 65. 2 Communication de M. Fr. Kidric. 3 Id. Lopasic, Karlovac, pp. 135, 83-84. 1 D. Gruber, Stogodisnjica Napolonove Ilirije (Centenaire de l’lllyrie napoloo- nienne), p. 335; R. llorvat, Najnovije doba hrvatske povjesti (L’epoque la plus recente de 1’histoire croal.e), p. 26 ; F. Sisic, Hrvat'ika povijest (Ilistoire croate), III, pp. 108-109. 5 T. Smiciklas, Poviest Hrvatska (Ilistoire croate), II, p. 411 ; P. Boppe, La Croatie militaire, p. 91. 0 V. Spincic, Narodni preporod u Islri (Le reveil national en Istrie), p. 261 LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 323 Illyrie 1 . Grace a ces concessions a l’esprit national, qui disparu- rent sous l’Autriche et ne furent reconquises qu’en 1848, le nom de Napoleon fut evoque, pendant toute l’epoque romantique du renouveau national, comme celui d’un liberateur. De fait, c’etait 1’oeuvre de Marmont, et elle lui valut egalement un bon souvenir. (Une brochure, issue de la guerre mondiale 2 , constate encore que 1’occupation franchise favorisa les Slaves et rehaussa la cons¬ cience de lcur valeur). Enfin, nous parvenons au dernier groupe, et avec lui nous revenons a notre sujet proprement dit. Assez considerable etait le nombre de ceux qui, au debut, avaient accueilli avec joie le gouvernement frangais (ou du moins avaient ete indilferents) pour en devenir plus tard de plus en plus les ennemis : la cause de cette evolution est economique. La classe des paysans, enten- dant les belles paroles de liberte, d’egalite et d’abolition du sys- teme feodal, etait naturellement aequise au gouvernement qui faisait de ces promesses. Mais comme l’abolition de la feodalite restait en grande partie sur le papier, c’est-a-dire que la suppres¬ sion des redevances n’etait que partielle, ils furent desappointes. 11s ne pouvaient pas savoir qu’ils n’avaient plus affaire a la France de la Revolution, mais a la France de l’Empire. En outre, ils soulfraient beaucoup des exigences militaires et des impots. Ceux qui soulfraient le plus etaient probablement les negociants. Par sa situation geographique, 1’Illyrie etait predestinee au transit et le gouvernement illyrien le comprit ainsi. Mais le blocus ellicace de l’Adriatique par la flotte anglaise rendait impos¬ sible tout commerce par iner. Le gouvernement favorisait bien le commerce par terre avec la Turquie ; mais ce n’etait qu’un equivalent partiel et incertain. On peut employer le mot de ruine du commerce illyrien; nous avons deja parle des banqueroutes, et nous avons cite la phrase caracteristique de Gatineau La Roche. Un negociant de Rijeka — vrai ou fictif —- disait au Teldgraplie Ofjiciel, le 15 septembre 1813 3 , que seul le commerce l’interessait et qu’il etait pour ceux qui permettraient au commerce d’exister ; ceci se ferait par la paix, que la France saurait mieux proteger que 1’Autriche. C’etait une formule incroyablement simple ; or elle etait plus vraie qu’on ne pourrait le croire au premier moment — seulement en sens inverse. Les industriels, deja si rares en Illyrie, subissaient un sort semblable a celui des negociants, et de meme 1 A. Tamaro, Storia di Trieste..., II, p. 245 ; B. Benussi, L'lstra . p. 437. - A. Luschin-Ebengreulli, Die„Zerreissung der Steiermark (Graz, 1921, 8°, pp. 104), p. 60. 3 TO, 1813, 74. 324 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES les proprietaires de mines ; ainsi le grand proprietaire de mines qu’etait le baron Zois fut mine. Les artisans etaient mecon- tents par suite de l’abolition de leurs privileges de corporation. Les fonctionnaires aux trhitements en retard et les ouvriers en chomage n’etaient pas non plus des partisans fervents du regime. Aux fardeaux economiques, il fant ajouter la conscription. Les jeunes gens desertaient le plus possible. L’arrete du 27 novem- bre 1810 1 , concernant les deserteurs conscrits et marins,etait tres severe : chaque arrondissement etait responsable du con¬ tingent complet ; le refractaire — ou ses parents — devaitpayer de 500 a 1500 francs d’amende; des garnisaires etaient envoyes chez les parents qui favorisaient la desertion ; les communes etaient responsables du payement des garnisaires et des amen- des ; quiconque favorisait les desertions etait puni. Neanmoins, les desertions continuaient en masse — symptome de l’esprit public. La conscription laissa de meme un mauvais souvenir en Illyrie 2 3 . Ce changement de l’opinion publique, de favorable qu’elle etait au debut, en haine vers la fin, a cause des charges econo¬ miques, est bien atteste. R. Lopasic constate* que les citoyens de Karlovac trouvaient desagreables : la dissolution des corpora¬ tions, le manque d’argent du gouvernement, les contributions inusitees, la severite et les tracasseries de l’administration fran- gaise. E. J. von Tkalac, parlant de toute la Croatie civile, ajoute 4 : le pret force, et le fait que les paysans et les ouvriers, devenus libres, mais sans instruction, ne savaient que faire de leur liberte. F. Sisic 5 6 montre que les impots devinrent insupportables, et, parallelement, la domination fran§aise. Le littoral soulfrait par suite du systeme continental. D. Gruber rapporte, pour l’Istrie 8 , que ses habitants etaient accables par les nouveaux impots qu’ils devaient payer, a cote des vieilles redevances, et pour cette raison, souhaitaient le retour des anciens seigneurs. L’insurrection de 1813 en Istrie eut sa source dans cette disposition d’esprit. C. L. Bozzi affirme, pour Gorica 7 , que la guerre presque conti- nuelle, les requisitions, la suppression de la monnaie autri- chienne, le pr6t force, les impots, etc., etaient causes de la haine, 1 TO, 1810, 19. 2 J. VI. Jovanovic, Napoleon I (Napoleon I cr ), p. 157. 3 R. Lopaiio, Karlovac, pp. 84-90. 4 E. J. von Tkalac, Jugendcrinnerungen aus Kroatien..., pp. 28-29. 5 Fr. Sisic, Hrvalska povijest (Hisioire croale), III, p. 105. 6 D. Gruber, Povjest Istre (Histoire de l’lstrie), pp. 252-253. 7 _ C. L. Bozzi, Ollocento Goriziano, I, pp. 183,189-191,206-207. LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 325 qui se manifesta en 1813. A. Tarnaro atteste, pour Trieste 1 , que le regime frangais devint peu a peu odieux par son despotisme, l’arrogance des militaires, la conscription, le fisc, la mine com¬ plete du commerce. T. Erber dit 2 qu’apres le depart de Mar- mont, la Dalmatie subit les rigueurs d’un regime despotique et avide qui exploitait le pays et aigrissait toujours davantage les esprits. Meme pour Ljubljana, pourtant favorisee, un officier de la marine russe, passant en 1810 par Ljubljana, rapporte 3 qu’il y regnait une depression des esprits a cause des pertes du commerce. Nous avons peu de temoignages prives contemporains sur l’etat d’esprit des Illyriens ; mais quatre tres curieux documents de ce temps en disent beaucoup. Ce sont d’abord des Litanies de Napo¬ leon 4 , en Slovene : une longue liste de griefs contre Napoleon sous forme de litanies; l’encherissement du sel et du tabac, et les mar- chandises anglaises brulees y ont leur place. Puis un Pater noster 5 en allemand, renfermant les plaintes des paysans contre les exi¬ gences des soldats frangais, en vivres, boissons, argent, logements, chevaux, betail ; contre leurs railleries, les mauvais traitements, leur attitude avec les femmes ; il se termine par une priere pour etre delivres de ces maux et voir s’eloigner ces hotes desagreables. Un second Pater Noster 6 , mais en latin, a un contenu semblable, adapte aux choses de Croatie ; le mariage civil, le calendrier fran¬ gais figurent aussi parmi les griefs. Une Chanson sur les Frangais 7 8 , en Slovene, se rejouit de leur depart. L’illumination de Trieste a la fete du retour des Autrichiens portait entre autres l’inscription : Tergi le lagrime, o Pietro santo, Del Gallo il canto quasi cessd s . Et D. Rossetti disait que la ville etait rendue « a la liberte, a la paix, au commerce') 9 . Enfin, les ruches peintes de la Carniole ont conserve deux scenes du temps : l’une ou un paysan berce un Frangais dans un berceau, l’autre ou un diable emporte un Fran¬ gais dans un filet de peche 10 . Il est evident que l’opinion publique etait puissamment influen- cee par la situation eeonomique, et il est egalement evident que 1 A. Tamaro, Storia di Trieste..., II, p. 245. 3 J. Erber, Storia dellaDalmazia..., Ill, p. 83. 3 Brief eines Offiziers...., p. 7. 4 J. 2niderSic, Litanije Napoleonove (Litanies de Napoleon), p. 369. 5 J. Kunsic, Ocenas za Francoze (Le Pater noster pour les Frangais), pp. 131-132. 8 M. Pivec, Latin ska jeremijada... (Jeremiadc latine...), pp. 96-97. 3 APL, F„ 8 G. Mainati, Chroniche..., VI, p. 135. 9 A. Tamaro, Storia di Trieste..., II, p. 246. 10 W. Schmid, Der bildliche Schmuck der krainer Bienenstocke, p. 206. 326 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES tous ces gens-la souhaitaient le retour de l’Autriche. Du reste, ils ne crurent jamais a la duree de l’lllyrie frangaise — et cette opinion etait generale, meme chez les francophiles. Nous avons plusieurs rapports, notamment Fun de Bertrand, du 17 avril 1811, 1 sur les bruits d’une remise de l’lllyrie a l’Autriche, qui se repan- dirent particulierement apres le mariage de Napoleon avec Marie- Louise. Ces bruits ebranlaient la fidelite des nouveaux sujets, les eloignaient des emplois, encourageaient la desertion des Croates. Bertrand combattait ces bruits par des declarations, au cours de conversations, et par des articles de journaux. II disait aux nego- ciants de Trieste que les Provinces Illyriennes et particulierement les cotes et les ports tenaient trop intimement au plan de lutte contre FAngleterre pour que l’Empereur les abandonnat jamais ; que le systeme de FEmpereur n’avait jamais retrograde, mais se raflermissait chaque jour, etc. Mais Chassenon disait tres juste- ment que le peuple avait Fimpression d’etre un objct d’echange et de compensation ; et Chabrol lui-meme sembla douter de l’llly- rie, en employant l’expression : « quand son sort sera decide ». Connaissant le commerce des pays et des populations de ce temps, on n’avait pas de confiance dans la duree du regime frangais et on craignait qu’il ne restat un episode 2 —- pour lequel on ne vou- lait pas s’exposer. Cependant, on trouve un exemple de sympathie due a des rai¬ sons eeonomiques : la ville de Ljubljana, devenue residence de Flllyrie, agrandie, quant a la population et quant a l’etendue 3 , en tira de grands avantages, et, en general, le systeme conti¬ nental la favorisait comme les villes du Bhin. Done, il n’est pas etonnant que ses habitants aient aime les Frangais, et aient, en 1813, procure en secret des vivres a la forteresse de Ljubljana, cernee par les Autrichiens, jusqu’a ce que le general autrichien, Folseis, eut ordonne d’evacuer les maisons situees au pied de la colline du chateau 4 . 11 parait aussi que, lors de la reoccupation autrichienne, beaucoup s’abstinrent de prendre part a Fillumina- tion de la ville. Tous reconnurent aussi deux excellentes mesures : les bonnes routes et la securite publique, que des peines severes contre les brigands avaient assuree pour presque toute la duree de Flllyrie. De meme Marmont avait partout des sympathies, 1 AE, Autriche, 55 (Provinces Illyriennes), 103. 2 E. J. von Tkalac, Jugenderinnerungen aus Kroatien..., p. 33. 3 J. Rus, Prebivalslvo in obseg jrancoske Ljubljane... (Population et etendue de la Ljubljana frangaise...), pp. 103-112. 1 A. Askorc, Francoska posadka... (La garnison frangaise...), pp. 248-250. LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 327 inais qui s’adressaient a la personne, non au pays 1 . (Les « rues Marmont » en temoignent encore aujourd’hui). Le gouvernement illyrien essaya de gagner l’opinion publique par les jourhaux et par les loges magonniques. Nous avons deja parle des journaux. Les loges illyriennes 2 , fondees a Ljubljana, Karlovac, Rijeka, Zadar, Sibenik, Split, Makarska, Dubrovnik et Kotor, avaient pour but special de former un patriotisme franco- napoleonien, ce qui se manifestait deja dans les noms (Amis du Roi de Rome, etc.). II y avail des membres frangais et illyriens ; parmi ces derniers, beaucoup de negociants. Mais les gens n’ai- maient pas les loges, en depit de leur bienfaisance, a cause du secret qui les entourait. Ces clubs patriotiques avaient done peu de succes. lei, on doit vivement regretter qu’il n’y ait pas de memoires du baron S. Zois, qui aurait pu le mieux donner une idee de l’esprit public. Dans sa correspondance, non plus, il n’a nulle part exprime son opinion, et on peut presumer que sa ruine etait le motif de cette reserve. Citons encore les souvenirs quise sont conserves jusqu’a aujour¬ d’hui parmi le peuple. J. Gruden, qui les a recueillis en 1911 3 , re- grette qu’on ait commence trop tard a les reunir, puisqu’ils en sont deja a la quatrieme generation, que les recits se perdent en legendes et se confondent avec les souvenirs des temps turcs. Ces souvenirs rappellent surtout les combats sanglants ; il n’y a pas de trace de l’idee illyrienne, ct on y parle surtout des inaux de la guerre et des charges economiques que le peuple supportait presque exclu- sivement. L’abolition des redevances etait un grand soulagement. « Sous les Frangais, le paysan se trouvait bien », tandis que les seigneurs s’appauvrissaient. Les impots frangais ont laisse un souvenir profond : du mot « franc » viennent les expressions « fronki » pour impots, et « fronkarija » pour bureau d’impots. A propos de la depreciation et de la disparition de l’argent, on disait : « Les Frangais ont chasse l’argent autrichien, et 1’Empe- reur autrichien a chasse l’argent frangais. » Reaucoup de papier- monnaie fut cache, on en trouve encore quand on demolit de vieux batiments. Les conscrits s’enfuyaient, habilles en femmes, sur¬ tout en Styrie, le pays le plus voisin. Grace aux progres des voies 1 D. Gruber, Stogodisnjica Napolconove Ilirije (Centenaire de l’lllyrie napo- leonienne), p. 592 ; M. Potoinik, Vojvodina Koroska (Le duche de Carinthie), p. 121. 2 Fr. Kidric, Framasonske hie hvaskih zemelj... (Les loges magonniques des pays croates...), pp. 59-60. Id., Francosko-ilirska loza... v Ljubljani (La loge i'ranco-illyrienne... a Ljubljana), pp. 86-87. 3 J. Gruden, Spomini na.Francoze (Souvenirs des Frangais), 1-28. 328 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES de communication et du commerce de transit levantin, les entre¬ preneurs et les voituriers aux grandes lignes gagnaient beaucoup. Le gouvernement exigeait des voitures speciales, non encore en usage, appelees alors « parizarji ». On se souvient des marchan- dises anglaises brulees ; a Devin et ailleurs, plus siinplement, on jetait les balles a la mer. Aux douanes, les pavsans apprenaient les mots : Qui vive ? Ami. Passez ! La securite et l’ordre, etablis en tres peu de temps avec rigueur, etaient reconnus comme un grand bienfait. Les reformes ecclesiastiques etaient impopulaires. II est difficile/ de dire quelles etaient les relations entre Frangais et indigenes ; en partie, elles etaient amicales, en partie hostiles, et il y avait la une difference considerable entre l’epoque de l’occupation et celle de l’annexion. Au soldat qu’il berce — dans la peinture deja mentionnee — le paysan chante : « Toute chose ne dure qu’un temps. » 11 y avait aussi des malentendus ridicules dus a la difference des langues. On parlait beaucoup de tresors caches par les Frangais en retraite, et par les indigenes ; et on expliquait les nouveaux riches par des tresors trouves. On trouve encore aujourd’hui des families d’origine frangaise : negociants et soldats restaient dans le pays et s’v mariaient. Les combats de 1813 donnent les derniers souvenirs ; le peuple etait du cote des Autrichiens. Et les gens disent que « les Frangais ont resolu de ne plus revenir, parce qu’ils se sont trouves mal chez nous ». Deux chansons chez les Slovenes de la Zilja, en Carinthie, ont egalement garde le souvenir de l’epoque frangaise 1 . L’auteur du recueil de souvenirs cite ci-dessous a aussi resume l’opinion publique d’une maniere excellente, comme la resultante des diverses influences, bonnes et mauvaises 2 . II est interessant aussi d’etudier le developpement de l’opinion publique chez les historiens. II y a trois etapes : tout de suite apres la fin de l’lllyrie, on ne voit que conscription, fiscalite, etc. ; c’est un abime si triste qu’on n’en veut plus parler. Puis, avec l’eloi- gnement, le tableau s’idealise ; a l’epoque du renouveau national, rillvrie a bonne presse, on souligne les concessions nationa- listes 3 , avec cette difference toutefois, que l’lllyrie representait l’union pour les Slovenes, le demembrement pour les Croates. Enfin, des etudes d’un temps plus positif detruisent cette aureole 1 M. Potocnik, Vojvodina Koroska (Le duche de Carinthie), pp. 125-126. 1 J. Gruden, Ob stolethici Napoleorwve Ilirije (A l’occasion du centenaire de 1’Illyrie napoleonienne), pp. 151-154. 3 Meme les articles, parus en 1929, a l’occasion du 120 e anniversaire de l’lllyrie napoleonienne, soulignent fortement cette influence sur le developpement national. (En voir le groupe dans les Sources.) LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 329 et separent les biens des maux, attribuant les uns a Marmont, les autres a Napoleon. Les Slovenes continuent a saluer l’introduc- tion de leur langue dans l’enseignement, droit elementaire et fon- damental de toute nation petite ou grande ; et la plupart des auteurs, apres avoir reconnu la bonte de Injustice et de la police, ainsi que l’ainabilite des Frangais, en tant que personnes, en viennent a accuser le blocus. Ainsi l’lllyrie a etc benie en ce sens qu’elle a favorise — consciemment ou inconsciemment — la vie nationale des peuples s’eveillant a leur conscience propre ; « l’lllyrie ressuscitee » de Vodnik est le symbole de cette tendance ; ct l’lllyrie a ete maudite en tant qu’elle a amene, par le sys- teme continental, la ruine economique ; la formule « le pays le ]ilus malheureux de la terre », de Gatineau, resume cette autre tendance. II est peut-etre interessant de comparer l’opinion frangaise sur la population illyrienne 1 . En general, les jugements frangais sur les Illyriens sont tres favorables. Ce sont des sujets tranquilles, qui souffrent en silence. Toussaint, par exemple, relata, le 9 juillet 1811 2 , qu’en depit des contributions et du paiement fort onereux des retards des annees passees, ils ont fait l’impossible pour y satisfaire ; ils ont vendu leurs bestiaux, les artisans leurs outils, plutbt que de subir la contrainte. Le clerge catholique est bon, notamment en Carniole et en Carinthie, moins en Dalmatie et dans les lies de la Groatie. Le clerge orthodoxe est inferieur, tant comme instruction que comme mceurs 3 . On peut aussi citer Charles Nodier qui, nomine le 20 septembre 1812 directeur du Telegraphe Officiel et bibliothecaire de la Bibliotheque lyceale de Ljubljana, s’y installa dans les premiers jours de 1813 et s’elforga de « croire et de faire croire ses lecteurs a l’lllyrie. 4 II s’y trouva fort a son aise, « a moitie chemin du bout du monde ». Ljubljana etait a ses yeux une ville agreable et riante ; il louait Chabrol, sa Cour et la bibliotheque, qu’il voyait cependant peu, le travail au journal l’occupant assez 5 . Ch. Nodier se complaisait evidemment dans l’lllyrie polyglotte. 11 ecrit, le 13 mai 1813 , a l’ami Bechet 6 , auquel il parle de son existence aisee, un peu exotique. Sa fille grandit a vue d’ceil et begaye 1 J. Mai, Zgodovina slovenskega naroda (Ilistoire de la nation Slovene), VII, pp. 183-192. 2 AN, F 7 , 6553. 3 AN, F lE , 61, n° 4. B. Vosnjak, Ustava in uprava... (Constitution et admi¬ nistration...), p. 242. 4 L. Pingaud, La Jeunesse de Ch. Nodier, p. 109. 6 A. Estignard, Correspondance ineditc de Ch. Nodier, pp. 135, 141-144. 0 J. Larat, Bibliographie critique..., pp. 136-137. 330 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES deja quatre langues dont le frangais est celle qu’elle entend le inoins. L’ami ne connait pas les Alpes Juliennes, la belle Save, ses Carnoliens, Croates et Morlaques. Le pays est tees tranquille et le petit peuple y est peut-etrc meilleur que dans aucun autre pays. Et il termine en plaisantant : « Bonjour, inon bon ami, bel ■amice, ossia mio caro, illi prijategl dobar, oder Freund gut, car je ne sais plus quelle langue je parle, et les nouvelles me font perdre les anciennes. » De fait, Charles Nodier n’a emporte de l’lllyrie que des histoires de vampires et de brigands et peu de connaissances reelles. Ce qu’il v a d’exact se resume dans deux articles, l’un dans le Telegraphe Officiel (n° 64, 1813), qu’il mentionne egalement dans ses Souvenirs 1 , l’autre, ecrit a l’occa- sion du congRs de Ljubljana, dans la Quolidienne du 15 jan- vier 1821, sur Ljubljana et les Carnoliens. Dans le premier, deja cite, il nie, a l’occasion d’un petit mouvement populaire, qu’il y ait rebellion politique, et l’explique par la vexation que representait l’impot double. Dans le second 2 , il loue les habi¬ tants de Ljubljana et de la Carniole. Rues et maisons sont belles. Moralement, les habitants sont irreprochables et ils ont 1’avantage de la civilisation sur l’lllyrie orientale. Il n’y a pas de revolution, pas de desordres, pas de crimes. La siUua- tion commerciale sur la route Trieste-Vienne est Ires importante, de meme la Save. La Carniole est riche, mais il n’y a pas de luxe. A Ljubljana, il y a beaucoup d’erudits. En somme, de la Carniole, il parle comme Tacite des Germains. Neanmoins, cet article souleva, etant inexact, une polemique a Ljubljana 3 . Plus juste et vraiinent excellent est le jugement de Pellenc, 1’agent secret de la police, deja si souvent cite. Il consacre a l’opi- nion publique toute sa lettre du 10 novembre 1811, datee de Milan 4 , apres avoir ailleurs deja caracterise, du meme point de vue, plusieurs personnages de la societe de Ljubljana 5 . Pellenc dit d’abord que les classes un peu instruites ne sortent pas des cadres habituels et sont en Illyrie ce que de pareilles classes sont ailleurs. Mais le bas peuple est tantot docile, tantot revolution- naire, et il y a une difference entre la Carinthie, la Carniole, Go- 1 Cli. Nodier, Souvenirs de la Revolution et de l'Empire, II, pp. 312-315 ; [A. Di- mitz], Charles Nodier in seinen Beziehungen zu Krain, n os 210-212. 2 R. Maixner, Ch. Nodier i Ilirija (Ch. Nodier et 1’Illyrie), pp. 29-30. 3 B. R. Chroat, Einige Berichtigungen liber Herrn Charles Nodiers Schilderung der Stadt Laibach, pp. 93-96, 97-99. 4 M. Pivec, Prispevek k vprasanju o javnem mnenju v francoski Iliriji (Con¬ tribution a la question de l’opinion publique de l’lllyrie frangaise), pp. 161-166. 5 Idem, Drobtine iz casa Napoleonove Ilirije (Fragments du temps de l’lllyrie napoleonienne), pp. 49-54. 331 LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS Tica, Trieste — plus civilisees, et la Croatie, l’lstrie, la Dalmatie — moins civilisees. Une nuance tres forte separe ces classes du peuple. Le peuple se voit malheureux, s’en prend a la guerre et en attribue la duree a la France. II croit que, s’il etait reste autri- chien, la navigation autrichienne aurait continue. 11 ne hait pas les Frangais, mais il prefererait etre reste autrichien. Les classes aisees, au contraire, sont lteaucoup plus portees a etre frangaises. Elies ne croient plus a la prosperity de l’Autriche. La banqueroute du papier de Vienne y a contribue, elles nous sont reconnaissantes de les en avoir debarrassees. II n’y a pas encore de veritable attaehement pour la France. On se borne a obeir sans humeur, a remplir les devoirs prescrits et a ne mettre ancun obstacle aux vues du gouvernement. Chez le peuple, il n’y a que resignation on indifference, sans activity ni volonte. Plusieurs causes s’opposent a la confiance, et au developpement des provinces. Celles-ci out desire le regime frangais. Mais elles sont surprises par les charges, les avantages ne venant qu’avec retard. Les Illyriens out cru que bunion avec la France les enrichirait ; cette esperance etait pre- maturee. La fagon brusque des Frangais de donner des ordres les choque, surtout celle des jeunes intendants, qui ne comprennent aucune des langues, ecoutent peu, sont peu accessibles, et vont tres vite en besogne. On traduit les arretes, mais le texte frangais seu.l est deeisif. Ainsi le present deroute les Illyriens. Tout est nou¬ veau. L’avenir les effraie. Le poids des impots se fait sentir. Les Frangais sont comme etrangers en Illyrie. Il v a eu au debut deux prix dans les magasins et les marches ; on vendait aux Frangais plus cher qu’aux nationaux — e’etait presque les traiter en enne- mis. Peu a peu cette difference s’efface. Au reste, les Illyriens sont doux, dociles et faibles, mais trompeurs. Il v a peu de debts. Dans l’ensemble, on ne peut pas se plaindre. Dans l’autre region, l’esprit public est le fruit de l’instinct plutot que de la reflexion ■et se compose de si peu d’idees qu’on ne doit pas s’en mettre en peine. Les sentiments de la population sont peu vifs, et son atta- chement peu profond. Les Croates sont Croates, et il leur suflit de savoir qu’ils n’ont pas cesse de l’etre, quelle que soit la puissance a laquelle ils out a obeir. Il v a une forte emigration en Croatie, en Carinthie et en Carniole, par suite de la pauvrete, du defaut de subsistances, de Parrot des travaux des mines et des forges. Les jeunes gens emigrent aussi pour se derober a la conscription. Pellenc conclut en disant que le. moment ri’est pas encore venu de jugerde l’esprit public de 1’Illyrie. L’organisation du pays n’est pas meme achevee, tout n’y fait que commencer et l’opinion publique meme est une des chos^es qu’il faut y creer. Il suflit done de remar- 332 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES quer que les elements dont ce chaos est compose sont assez bons pour se preter a tous nos plans d’organisation. On peut ajouter que ce chaos dura jusqu’a la fin de l’lllyrie. Mais le tableau que Pellenc trace est en general assez conforme a celui que nous avons essaye de restituer, et confirme aussi notre these que la situation economique etait le facteur le plus puissant de l’opinion publique. D’autres rapports du gouvernement illyrien contienncnt encore quelques remarques interessantes sur les Illyriens. Moins favo¬ rable est le jugement de la Moussaye sur les Slovenes de la rive droite de la Drave, en Carinthie, il les qualifie d’esprits inquiets ; mais ils ont aussi de bonnes qualites : assiduite, ordre, obeissance, et sont a present de bons sujets de Napoleon L Bertrand ecrit, le 13 octobre 1812 1 2 , que la ville de Split serait importante pour le commerce, mais que c’est la plus difficile a conduire, les Dalmates en general etant tous adroits et pleins d’animosite. Enfin, le plus defavorable est David 3 . En se plaignant du chef de bataillon croate Ivicie, commandant a Kostajnica, il demande a Bertrand,, le 22 juillet 1811, avec vehemence comme toujours, des ordres severes, parce que « ce n’est que par la rigueur que l’on plie un peu les tStes de fer des Illyriens, et je parle ici de toute leur race,, soit croate, dalmate, bosniaque ou sclavonne ; ils se ressemblent tous L’opinion de Napoleon etait guidee avant tout par la conside¬ ration des qualites militaires. Ce sont elles qui lui faisaient appre- cier les regiments croates qu’il considerait neanmoins comme une sorte de « chair a canon ». Le 15 mai 1810, il ecrivit ii Clarke 4 qu’il etait peine de ce que Marmont employ&t les troupes fran- gaises contre les Turcs, et que le sang frangais coul&t pour de pareilles babioles; les Croates etaient suffisants. De mfime, quand Bertrand avait ecrit que l’air malsain de Pula avait cause des ma¬ ladies, Napoleon etait indigne de ce qu’il n’eut pas retire tout de suite les troupes frangaises. Les gardes Rationales suffiraient et puis — il y avait les Croates 5 . La resistance, causee par les charges economiques, a done influence aussi les jugements frangais sur les Illyriens, mais 1 L. de la Moussaye, Kurze Stalistik des Villaclier Kreises..., pp. 72-73. It est curieux que l’editeur allemand defende les Slovenes carinthiens de ce reproche. 3 AE, Autriche, 55 (Provinces Illyriennes), 287. 3 M. Gavrilovid, Ispisi iz pariskih arhiva (Extraits des archives parisiennes), n° 593. * Correspondance, XX, n° 16472. 5 lb., XXII, n° 18077 (23 aout 1811). LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 333 beaucoup moins que la situation economique n’a alfecte l’opinion illyrienne ; c’est que les administrateurs frangais voyaient eux- memes la souffrance ou la ruine des diverses regions. 4. Conclusion (Illyrie aulrichienne et Yougoslaoie). Essayons de faire le bilan des chapitres precedents. Le motif principal de Napoleon, en creant F Illyrie, ayant ete de fermer la cote orientale de FAdriatique au commerce anglais et d’avoir une voie terrestre pour le commerce franco-levantin, le systeme continental y fut, des le debut, pleinement execute ; F Illyrie, pays de commerce maritime, devait devenir agricole et manufacturiere, alimenter la France de matieres premieres et en tirer des produits manufactures. Et on importa non seulement le systeme conti¬ nental, mais aussi toute l’administration frangaise, toutes les lois frangaises, et on les appliqua k ces provinces, si differentes des departements frangais. Recapitulons brievement l’eflet de ce regime sur les diverses branches de la vie economique des Provinces Illyriennes. L’agri- culture subit peu de changements ; des ameliorations auraient ete possibles et necessaires, specialement dans les provinces meri- dionales, mais les finances ne le permirent pas ; pour la meme rai¬ son, l’elevage ne beneficia d’aucune amelioration ; en outre, il souffrait du manque de sel. La situation des agriculteurs, cependant, fut amelioree par l’abolition d’une partie des redevances seigneu- riales. Les forets ne donnaient pas de revenus, le bois etant a bas pris, par suite de la stagnation de l’industrie et de la navigation. Les mines ayant perdu leurs debouches, le prix des metaux tomba ; il s’ensuivit une crise de chomage dans la plupart des etablissements particuliers; le gouvernement sauva les siens en les reunissant au domaine extraordinaire, assurant ainsi au moins Fexploitation, le manque de debouches subsistant toujours. Les rares fabriques de FIllyrie manquaient de matieres premieres et, l’une apres l’autre, cesserent de travailler. 11 n’y eut que peu d’entreprises nouvelles de la part des capitalistes etrangers, le temps etant trop court pour faire eclore de nouvelles industries, comme dans d’autres pays a cette epoque. Par contre, les routes offrent un developpement brillant. Le gouvernement, pour favoriser le transit levantin, s’en occupait avec predilection, et les habitants y cooperaient dans leur propre interet. Les postes suivaient le meme mouvement, et celles d’Illyrie trouvaient leur prolongement naturel dans la poste fran- gaise en Turquie. Quant au commerce, les tarifs illyriens prote- 334 LA VIE ECOXOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIEXXES geaient l’lllyrie quand des considerations de nature superieure ne l’empechaient pas. Les marchandises anglaises furent brulees, du moins ce qu’on put en saisir. Le transit autrichien, permis d’abord uniquement sur Rijeka, plus tard aussi sur Trieste, etait presque nul, car il preferait la voie moins chere de la Baviere. Le transit levantin, favorise avec beaucoup d’energie, atteignit un succes relatif, mais fut cependant trop faible pour compenser toutes les autres pertes; enfin, on chercha a abandonner la voie trop chere de la Bosnie et a la remplacer par une meilleure, qui aurait em- prurite les rivieres illyriennes ou, si possible, la mer. Les navires illyriens pourrissaient pour la plupart dans les ports. Ceux qui etaient assez hardis pour tenter des voyages payaient des licences — d’ailleurs peu nombreuses — pour etre saisis par les Anglais, contre lesquels la marine illyrienne, cornposee de batiments plus ou moins elficaces, ne pouvait les proteger ; ou bien ils tentaient la contrebande en guerroyant, avec assez de succes, contre les douanes. La navigation au long cours restait ruinee aussi dans la partie meridionale, mise hors douanes ; les marins illyriens allaient souvent servir dans la marine anglaise. Le personnel trop peu nombreux des douanes ne parvint jamais a empecher completement la contrebande, presque impossible a supprimer, surtout dans les provinces meridionales ; les douaniers eux-memes etaient, en partie, de concert avec les contrebandiers. Le fisc etait exigeant comine il Test d’habitude ; les impots passaient avant la prosperity Les contributions directes furent in- troduites dans des pays encore habitues aux paiements en nature. Les monopoles du sel et du tabac faisaient monter les prix, sans qu’on eut plus de revenus, a cause de la contrebande. Les salines indigenes etant en mauvais etat, on dut recourir longtemps a l’etranger, et A'apoleon permit meme l’importation sans licences ; plus tard, on restaura quelques salines illyriennes. Les domaines, augmentes par des sequestres, donnaient des revenus satisfaisants. Les budgets furent d’abord en desordre ; il y avait des arrieres, on dut recourir aux prets, puis on parvint a un equilibre assez fictif la dette publique ne fut liquidee qu’imparfaitement. Les villes > maritimes etaient celles qui soullraient le plus, surtout Trieste, qui avait perdu son hinterland, et ne se remettait un peu que par l’autorisation du transit avec 1’Autriche, donne d’abord, par egard pour Venise, k Rijeka (et dont on a l’impression que cette ville ne savait trop que faire). Au contraire, Ljubljana etait favorisee par le systeme continental, et la Croatie militairc soulfrait egalement moins, car elle gardait son organisation des « zadruge », et le tresor pavait son deficit. La situation de l’lllyrie, avec ses mines et ses LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 335 usines en chomage, avec le paradoxe de son littoral sans sel, sans marine et sans navigation, pouvait de plein droit s’appeler mau- vaise, et comme telle elle se reflete, tant dans les rapports des administrateurs illyriens, qui du reste n’osaient pas aller a la ra- cine du mal et proposer le remede radical, que dans les jugements posterieurs, qui — chose remarquable — se trouvent meme chez des auteurs traitant de sujets tout a fait etrangers, preuve que la situation sautait aux yeux, et enfin dans l’opinion publique,. defavorablement influencee par les charges economiques. Ainsi le Sud soulfrait du meme mal que le Nord h dependant, il est difficile d’exprimer, en chiffres, la situation de l’lllyrie. W. Kiesselbach a constate 1 2 qu’une statistique de cette epoque est impossible faute d’un nombre suffisant de sources, et ceci s’applique aussi a l’lllyrie : il n’v a pas, pour le commerce, de statistique sans lacunes, et encore faudrait-il y ajouter les chiffres de la contrebande qui sont inconnus. Les registres concernant la navigation et le commerce de Trieste et de Rijeka, les registres du consulat francais a Trieste pour ces annees-la, sont tombes, en 1813, aux mains des Autrichiens 3 et n’existent probablement plus. Puis il ne faut pas oublier que ces annees-la furent des annees de guerre et d’apres-guerre — ressemblance frappante avec nos jours — que le territoire des Provinces Illyriennes vivait depuis 1797 sous des guerres presque continuelles, et en subissait toutes les consequences : hausse generate et instabilite des prix, desequi- libre des changes, bouleversement des courants commerciaux — tout cela enlevant aux chiffres une grande part de leur valeur ; bref, la chose interessante, c’est 1’ecart entre les chifl'res 4 . On a done cherche, la ou e’etait possible, les comparaisons entre les chilfres d’avant l’lllyrie, ceux de son existence, et en quelque mesure aussi, d’apres l’lllyrie. En raison des grandes fluctuations du change, on a laisse les chiffres en monnaie alors en usage, en dormant la valeur relative. L’epoque de 1’Illyrie est un temps de transition-et, par suite, incertain dans ce qui etait et dans ce qui allait etre, un chaos dont les evenements divers ne se laissent jamais juger d’apres les lois communes ni reunir dans un cadre inconnu 5 6 — et c’est la notre excuse. Si on analyse les raisons de la situation esquissee ci-dessus, on 1 E. Denis, L’Allemagnc anti-napoleonienne..., p. 525. 2 W. Kiesselbach, Die Continentalsperre, p. 157. 3 AEV, Illyrien, 15, 9 et 15 ievrier 1814. 1 II. Hauser, Les nouveaux aspects de la geographic cconomique (Paris, 1924,. 8°, Revue Internationale de sociologie, pp. 482-491), pp. 486, 488, 487. 6 W. Kiesselbach, op. cit., p. 155. 336 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES en trouve trois : le systeme continental, les fautes de l’adminis- tration, enfin des causes qu’on pourrait nommer accidentelles. Les effets du systeme continental ont la part du lion dans ce que nous avons deja enumere — il serait superflu d’en parler encore. Les mesures dictees par l’idee du systeme continental et imposees sans egard aux rouages du systeme autrichien, qui etait tres complique, mais merveilleusement adapte aux institutions econo- miques, devaient necessairement avoir un effet desastreux. Dans certaines branches on a l’impression d’un moulin qui tourne a vide : les etablissements fonctionnaient, produisaient, mais ne pouvaient vendre. Cependant, il semble qu’aucun pays ne se soit defendu si peu que l’lllyrie contre le systeme continental : ailleurs, il y avait au moins des tentatives, ici rien. (Il est vrai que Nllyrie, agglome¬ ration aux interets disparates, n’avait pas de representants com- muns.) Marmont condamna bien le blocus en repondant a une ques¬ tion de Napoleon, fin juillet 1810, que la liberte du commerce apporterait une nouvelle vie a ce pays malheureux 1 ; mais cet aver- tissement n’eut pas d’effet. Chabrol aussi, et d’autres sans doute, voyaient clairement que c’etait la fermeture de la mer qui ruinait le pays ; mais ils esperaient un changement de la situation par la vic- taire de Napoleon sur les Anglais et n’osaient penser a une autre alternative. Quant a la population, il y avait en Illyrie plutot des sujets que des citoyens ; au debut, ils faisaient encore des petitions ; plus tard, ayant reconnu l’impossibilite d’obtenir un resultat, ils negligeaient meme cette forme de recours. En Illyrie, il n’y avait pas de Sismondi pour oser dire que le systeme continental etait la ruine du pays et publier des volumes pour le combattre ainsi que la politique de Napoleon 2 . Cependant, s’il n’y avait pas de resis¬ tance ouverte et de principe, il y en avait une autre, sourde, passive, de fait, et qui etait assez efilcace, comme nous avons pu le voir. Pellenc s’est le plus rapproche de la verite : du haut des montagnes, position excellente, il montre la catastrophe qu’etait le blocus pour la cote illyrienne de l’Adriatique ; mais au lieu d’en tirer la conclusion : l’abolition du systeme continental, il parle de la tyranriie anglaise des mers. Apres son inspection de 1’Illyrie, en mission en Italie, il fit, cependant, une proposition importante : ce qui s’appelle systeme continental lui parait susceptible d’etre plus developpe ou rnieux defini. On pourrait, par exemple, organi¬ ser sur le continent une confederation commerciale, dont les bases 1 J. Lowenthal, Geschichle der Stadt Triest, II, pp. 95-97. 2 J. C. L. de Sismondi, Letlres inedites..., pp. 234, 236 (17 mars 1814). LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 337 seraient etablies d’apres les besoins et les stocks de chaque Etat, en produits de l’industrie qui lui serait propre, c’est-a-dire qu’il pourrait exercer avec le plus d’avantages pour les autres Etats confederes et pour lui-meme. Ce remplacement du systeme continental par une confederation continental etait sans doute une bonne idee. Mais quoique Pellenc se soit beaucoup occupe de l’lllyrie, on ne peut tout de m6me 1’inscrire comme Illyrien. A la seconde categorie de raisons appartient l’application a l’lllyrie, pays foncierement different de France, de lois destinees a celle-ci. Le milieu physique, social, politique, religieux, la situa¬ tion geograpliique, les ressources naturelles, la culture scienti- fique et artistique des habitants, le caractere moral et intellectuel devraient determiner la nature des institutions economiques 1 ; celles de l’lllyrie etaient loin de cela. Le gouvernement devait tout faire, comme h l’epoque du socialisme d’Etat ; cette poli¬ tique, possible pour un gouvernement riche, incombait a un gouvernement toujours pauvre ; d’autre part, ce principe paraly- sait initiative privee. Ce que P. Pisani disait de la Dalmatie 2 s’applique a toute l’lllyrie : on sacrifiait a l’uniformisation —- erreur grossiere, d’ou s’ensuivaient des consequences cruelles, surtout dans les provinces meridionales, pour lesquelles le niveau propose etait trop haut — et ces fautes administratives —- que nous avons frequemment mentionnees — aggravaient singuliere- ment [’influence du blocus. Au troisieme groupe appartiennent specialement les guerres precedentes avec leurs consequences, parmi lesquelles il faut nommer, entre autres, l’epuisement general de la population et la crise monetaire. La meme situation se presente aussi comme la resultante de trois facteurs : la volonte du gouvernement, c’est-a-dire les intentions de Napoleon, la collaboration, la passivite ou la resistance de la popu¬ lation, et la souverainete des forces economiques. II est caracte- ristique qu’il n’y avait de progres veritable que la ou au moins deux de ces ,facteurs cooperaient. Ainsi s’explique le 1 developpe- rnent vraiment prodigieux des routes grace a la collaboration de la population aux intentions du gouvernement. Ce fut aussi le cas pour la restauration des salines et, dans un autre domaine, pour Ins¬ truction et le developpement de la culture. La, l’ephemere Illyrie a laisse des biens durables, tandis que ce qui a ete fait contre la volonte du pays a ete passager. La resistance de la population fit 1 Ch. Gide et Ch. Rist, Histoire des doctrines economiques... I, pp. 476, 534. 2 P. Pisani, La Dalmatie, p*. 398. Piyec-Stelfe 22 338 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES de l’lllyrie un paradis pour les contrebandiers, sa passivite em- pecha l’effet de mainte rnesure bonne en soi. Le manque de moyens fut cause qu’on ne put faire de grandes innovations : la ou il existait deja quelque chose, on pouvait travailler, la ou il aurait fallu tout creer, on ne le pouvait pas. Ce troisieme facteur provo- qua aussi l’echec partiel de la route par la Bosnie, et fit qu’avee un bon personnel on ne parvint a rien, tandis qu’avec un per¬ sonnel moins qualifie, on eut beaucoup de succes ; on tira mSme profit d’une derogation aux principes. Telle etait la situation interieure de l’lllyrie. Les inesures du gou- vernement etaient concordantes, dues a un plan unique ; inais les effets etaient tres discordants. Le but du systeme continental etait gigantesque ; seulement I’lllyrie n’en voyait rien, mais sentait seulement des sacrifices qui etaient bien au-dess.us de ses forces. Le systeme continental, createur de l’lllyrie, en fut aussi le fossoyeur. Ce sont les traits caracteristiques de la situation de l’lllyrie. Il y a naturellement aussi un certain nombre de points de ressem- blance avec d’autres conquetes de Napoleon 1 . Les chapitres sont presque les memes : introduction des lois et des iinpots, contre- bande, consequences du blocus, misere, developpement du senti¬ ment national. 11 est curieux aussi de noter que l’evenement con- temporain le plus important de l’Autriche est egalement d’ordre economique : la banqueroute de 1811. Quant a la place de l’lllyrie dans l’histoire du systeme conti¬ nental, on doit dire qu’elle a reinpli I’une des deux taehes qu’on se proposait, a sa creation : l’etablissement de la voie de terre en Orient ; elle n’a pas completement rempli la seconde, la suppres¬ sion du commerce anglais ; la, la contrebande fut la plus forte. Dans l’histoire de l’Europe, le sort de l’lllyrie n’est qu’un episode relativement peu important de la grande lutte entre la France et l’Angleterre, peu important pour les deux grands adversaires, tres important, funeste pour 1’Illyrie elle-meme. Quand la partie decisive fut jouee, des 1812 en Russie 2 , l’lllyrie, qui avail participe aux effets du systeme avec les autres pays de l’Europe, connut aussi avec eux l’absence de succes durable du systeme continental. On peut appliquer a l’fllyrie ce que E. F. Heckscher 1 A comparer : R. Goecke, Das Konigreich Westphalen (Dusseldorf, 1888, 8°, xii, 272 pp.) : Ch. Schmidt, Le Grand Duche de Berg (Paris, 1905, 8°, iv, 528 pp.) ; P. Verhargen, La Belgique sous la domination frangaise, I-V, Bruxelles. 2 J. H. Rose, Napoleon and English Commerce, pp. 722, 724-725. LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 339 clit des autres pays 1 : que sou developpement economique ulte rieur n’aurait pas ete Ires different sans le systeme continental. Et si le resultat de notre etude parait assez minime, si l’lllyrie n’a pas l’importance d’autres eonquetes de Napoleon, on peut repondre qu’aux yeux du savant toutes les parties de la terre sont egalement interessantes 2 . Cependant, on pourrait encore se demander quelle aurait ete la situation de IMUyrie, si l’lllyrie avail eu une vie plus longue et, d’abord, la question se pose de savoir si I’ Illyrie napoleonienne, qui n’etait ni une unite geographique, ni une unite politique, ni une unite nationale, etait une unite economique. Napoleon, en la creant, ne s’en souciait pas, et Pellenc repond negativement 3 . II dit que, cornme Etat separe, 1’Illyrie n’a ni corps ni vigueur, ni moyens de se defendre. Elie appelle d’autres aceroissements, c’est un cadre d’Etat que l’avenir aura a remplir. Ces idees etaient repandues aussi parrni les habitants de Ljubljana, mais ils ne savaient ou l’lll yrie s’etendrait, en Hongrie ou Moree. Pellenc ajoute que, par la, on voit que les Carnioliens ne sont pas encore de grands politiques. Pour nous, il est presque impossible de re¬ pondre a cette question, parce que toute la vie economique de l’Il¬ lyrie a etc anormale par suite de circonstances anormales, creees par le systeme continental et la frequence des guerres et que sa vie, dans Pensemble, a ete trop courte. Si elle avail ete plus longue, il est probable que la situation se serait partiellement amelioree, puisqu’une bonne partie des difficultes provenait de l’orientation presque exclusive vers les provinces autrichiennes, orientation que le conservatisme inne du commerce ne pouvait changer en si peu d’annees, mais qui se serait probablement adapte, au rnoins en partie, dans un plus long espace de temps. Mais l’amelioratibn aurait aussi demande deux conditions fondamentales : l’une etait la liberte de la trier et la libre communication avec 1’hinterland, l’autre une large adaptation des lois de toute nature au niveau intellectuel des Provinces lllyriennes, parce que la legislation frangaise etait trop elevee pour la partie orientale, tandis qu’elle n’etait que diflerente pour la partie occidentale. Ici, egalement, il faut cortsiderer que le systeme administratif frangais n’entra en vigueur qu’en 1.811, date jusqu’a laquelle le systeme adminis¬ tratif autrichien subsista, et que l’annee 1813 amena deja l’exode de l’administration illyrienne, exode que B. Vosnjak a appele 1 E. F. Ileckscher, The Continental System, pp. 316, 321, 364. 2 H. Hauser, Les nouveaux aspects de la geographie Economique..., p. 483. 3 AN, AF*v, 1713, 3 e d,., n° 27. 340 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES tragique. (Le sort de quelques-uns des administrateurs illyriens le fut aussi : Marmont passa a Vienne et a Venise sa vie d’exile, Bertrand accompagna Napoleon a Sainte-Helene.) En terminant le tableau de la vie economique de l’lllyrie, rappelons-nous encore une fois que les materiaux a notre disposi¬ tion sont incomplets, puisqu’une partie des archives est perdue, et qu’on manque de monographies, ce qui nous a force a donner des details, qui, autrement, seraient superflus. Et enlin, on pent ajouter, a propos de notre etude, que « Personne au monde ne fera que le tarif general des douanes passionne l’opinion ni les seances 1 .)) Le territoire de l’lllyrie, precieux par sa position, etait uri objet de convoitises, tout comme aujourd’hui. L’lllyrie napoleonienne, c’etait une premiere etape du sort de la cote orientale de l’Adria- tique ; une seconde etape fut l’lllyrie autrichienne, la troisieme est la Yougoslavie actuelle. LHllyrie .autrichienne est encore liee directement a l’lllyrie frangaise parce qu’elle voit l’effet de quelques-unes des mesures, en germe anterieurement, ecloses seulement plus tard ; et la Yougoslavie est la fin de revolu¬ tion dont l’lllyrie frangaise a vu le debut. C’est pourquoi nous dirons encore quelques mots de l’lllyrie autrichienne et de la Yougoslavie. La guerre de 1813 mit fin a l’lllyrie frangaise, apres de nouvelles devastations, ou toutes les villes n’eurent pas la chance de Rijeka, qu’une femme, Caroline Belinic, nee Kranjec, sauva de l’incendie dont les Anglais I’avaient menacee en juillet 2 . Ljubljana et Trieste fSterent leur liberation a la reoccupation autrichienne. Le spec¬ tacle ne manqua pas non plus de panegyriques : adresses hier a Napoleon, ils l’etaient maintenant a Frangois 11, phenomene qui accompagne habituellement les changements de gouverneinent. Si les Illyriens saluerent le retour des Autrichiens, ce ne fut pas uniquement par pur patriotisine, inais en grande partie par in- teret : ils attendaient impatiemment et reclamaient a grands cris le retablissement du statu quo ante helium. Cependant, ils furent encore une fois profondement desappointes : ils n’eurent que le « Royaume d’Illyrie ». Avant tout, on reclama de toute part la levee du blocus conti¬ nental et l’abrogation de toutes les lois frangaises. La municipa- lite de Rijeka, dans un rapport du 27 octobre 1813, declara qu’on ne pouvait comprendre que l’Empereur eut l’intention de tenir 1 VEurope nouvelle, X (1927), n° 483, (14 mai). 2 G. Kobler, Memorie per la storia... di Flume, III, pp. 85-86. I LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 341 enchaines les habitants dans les iriemes chaines, et do conserver aussi les noms des autorites frangaises 1 . La ville de Trieste demanda, le 19 novembre, la restitution complete de sa constitution de 1808 et l’introduction du taril' de 1788 sans les augmentations de 1805, en enumerant tous les maux subis depuis 1808, entre autres que ses navires, auparavant au nombre de 900, n’etaient plus que 200 2 . Le monde commercial de Vienne ne s’occupa pas moins vi- vement de l’lllyrie. Le negociant viennois Frangois Thadee Reyer ecrivit deux memoires, le 7 et le 23 novembre, ou il disait ce qu’on devait faire tout de suite pour le commerce dans les Provinces Illyriennes, prenant aussi en consideration les ports rouverts de la Mer Baltique ; ses conseils etaient : abolir le svsteme continental, proclamer a nouveau Trieste et Rijeka ports francs, substituer le tarif des douanes autrichiennes au tarif frangais encore en vigueur 3 . Un troisieme memoire, sur Futilite d’abolir le svsteme continental, fut ecrit en decembre 4 . Comme on voit, les desiderata du commerce autrichien et ceux du commerce illyrien etaient les memes. Le fait de laisser le reglement douanier frangais encore quelques temps en vigueur, dans l’ lllyrie reoccupee par les Autri- chiens, devait faire l’impression d’une batterie, prise a l’adversaire, dont l’assaillant se sert sans lui faire faire volte-face, de sorte que les projectiles atteignent ses propres lignes. Et le gouvernement autrichien, se conduisant en conquerant, laissa subsister pendant plusieurs mois l’administration frangaise, ce qui provoqua des plaintes ameres 5 et demeura incomprehensible pour les habitants, qui ne savaient pas que Frangois If meditait la creation d’une nouvelle unite politique. Enfin vint la restauration, executee au debut par le gouver- neur provisoire, le baron Lattermann : le 6 novembre 1813 furent leves le blocus et les douanes du systeme continental 6 . Le 13 mars 1814, on introduisait les tarifs autrichiens et la liberte du trafic ; Trieste et Rijeka redevinrent ports-francs le l er avril 7 . Le 19 juillet fut introduit un nouveau tarif de transit ameliore 8 . L’admi¬ nistration politique autrichienne rentra le l er aout». Les lois autrichiennes d’avant 1809 furent reappliquees le 11 novembre. 1 G. Kobler, Memorie per la storia... di Fiume, III, pp. 89-90. 2 H. Costa, Der Freihafen von Triest, p. 68 (APL, F,). 3 AEV, Illyrien, 120, Varia. 4 lb. 6 J. Polec, Kraljestvo Ilirija (Le Royaume d’lllyrie), I, pp. 8-9, 11, 13. 6 D. Rossetti, Meditazione storico-analitica..., p. 283. 7 J. Lowenthal, Geschichte der Stadt Triest, II, p. 129. 8 K. Moser, Das Archiv des k. k. Handels und Seegerichtes in Triest, p. 155. 9 AML, 13, n° 104. 342 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES Le 7 janvier 1815 furent restitues par le gouvernement frangais les depots et les fondations emportes en 1809 et, le 4 avril, les depots judiciaires dus, de par le traite de Paris, au gouvernement autrichien 1 . Et le Royaume d’lllyrie fut cree le 3 aout 1816. 11 est curieux que 1’Illyrie autrichienne, tout corame l’lllyrie frangaise, doive sa creation a un motif de politique economique et a un autre de politique exterieure : Erangois 11 voulait, d’une part, causer des dillicultes au commerce hongrois, et en empecher le contact direct avec l’etranger par mer; d’autre part, creer con- tre l’influence de la llussie, un contrepoids, destine a attirer les Serbes en Autriche 2 . Les travaux preparatoires furent longs — la paix de Paris avait etc conclue des le 30 mai 1814 —, inais sont sans doute, avec les motifs de la creation, la partie la plus inte- ressante de cette seconde lllyrie, car la vitalite de ce nouveau corps etait faible. Des juillet 1822, la Croatie civile fut reiidue a la Hongrie ; ainsi le but principal, dirige contre la Hongrie, se trou- vait aneanti ; on avait alors, du reste, d’autres moyens contre le commerce hongrois, les relations avec la Russie avaient egalement change, et en 1848, 1’lllyrie autrichienne disparut sans bruit 3 . Cette creation avait desappointe, partiellement parce qu’elle n’avait pas apporte le status quo d’avant 1809, partiellement pour des raisons dont elle etait innocente. Trieste, par exemple, n’avait pas regu son ancienne autonomie ; la Meditazione de Ros¬ setti avait ete ecrite specialeinent dans ce dessein, mais sans ell'et 4 . Le port avait bien de nouveau, en 1814, 43 millions d’importations et 21 ((’exportations, et les habitants s’elevaient a 36.000, en 1815, mais il y avait des changements tres ' graves : le transit, floris- sant avant 1809, s’etait tourne vers Venise, Livourne, Genes et Marseille ; ce sont ces voies qu’utilisaient tout le Tyrol et la Suisse. Pour Trieste, il ne restait que les transports pour la Pologne, la Saxe, TAlleinagne 5 . Nous avons ici un exemple de l’influence nuisilde de I’lllyrie frangaise, projetant son ombre jusque sur l’epoque de l’lllyrie autrichienne; il en est de meme des influences favorables : a la restauration, les reformes administratlves autri- chiennes utiliserent les principes de l’administration frangaise, la juridiction feodale ne pouvait plus revivre, l’esprit de culture nationale subsistait toujours 6 . 1 K. Moser, op. cit., p. 155. 2 J. Polec, Kraljestoo Ilirija (Le Royaume d’lllyrie), I, pp. 90, 104, 109. 3 lb., 113, 125, 126. 4 A. Tamaro, Storia di Trieste , II, pp. 251-252. 6 H Costa, Der Freihafen von Triest, p. 69. 6 B. Vosnjak, Ustava in uprava... (Constitution et administration...), p. 271 ; J. Polec, Kraljestvo Ilirija (Le Royaume d’lllyrie), I, pp. vm-ix. LA SITUATION ECONOMIQUE DU PAYS 343 Enfin, la guerre mondiale a donne a 1’Illyrie franqaise une seconde heritiere, la Yougoslavie de nos jours, qui a ravive le souvenir de la creation de Napoleon, puisque l’lllyrie napoleo- nienne, c’est la partie occidentale de la Yougoslavie, celle qui fait partie de 1’Europe centrale, tandis que 1’autre, la partie orientale, fait partie des Balkans. 11 est toujours dangereux de faire des comparaisons — elles sont rarement exactes —, mais ici le parallelisme s’impose avec une force irresistible. Entre la fin de l’lllyrie autrichienne et la naissance de la Yougoslavie, il y a toute la periode du reveil des nationality en Autriche et en Hongrie, suivant l’annee revolu- tionnaire de 1848, et celle du dualisrne, formation contre nature creee en 1867. Mais cent ans sont peu dans l’histoire, et « 1’oscil- lation seculaire du pendule qui mesure le temps de 1’histoire des idees » x , si elle a apporte aux regions en question des change- rnents absolus, a laisse subsister les differences relatives. L’lllyrie napoleonienne, l’lllyrie autrichienne, la Yougoslavie, fondees pour une bonne partie sur le meme territoire presentent — ce qui du reste ne surprend pas, vu l’identite du territoire et la ressemblance des circonstances de leur origine — , des res- semblances frappantes dans le domaine economique, avec des di¬ vergences fondamentales dans d’autres domaines. Nous gardant de dormer dans la politique proprement dite, nous essaierons de tracer, dans ses grandes lignes le parallele de la situation eco¬ nomique 1 2 , qui va tres loin, jusqu’au papier-monnaie dcprecie et a la frontiere douaniere Rijeka-Susak, rappelant celle de Karlo- vac-Banija. L’lllyrie napoleonienne est nee d’une consideration de politique economique et d’une autre de politique exterieure ; l’lllyrie autri¬ chienne de meme ; la Yougoslavie est l’epanouissement de l’ideal national, cherchant bunion de nations apparentees. Les deux pre¬ mieres out ete creees par une volonte etrangere, la derniere s’est formee d’apres sa propre volonte (qui, cependant, aurait encore ete inefficace sans l’appui etranger) : ceci est peut-etre la difference la plus importante, quoiqu’elle ne releve pas du domaine econo¬ mique. Mais pour le reste, le parallele est frappant. Toutes les trois sont nees au lendemain d’une grande guerre et en supportent ainsi toutes les consequences facheuses, specia- 1 Ch. Gide et Ch. Rist, Histoire des doctrines economiques, I, p. 616. 2 A comparer : O. Roethe, Siidslawien , eine wirtschajts-und politisch-geogra- phische Beirachtung (Frankfurt a. Main, 1925, these non imprimee) ; M. Ivsic, Les problemes agraires en Yougoslavie (Paris, 1926, 8°, ix-376 pp.). 344 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES lement la crise monetaire, suite de l’inflation et de la depreciation du papier-monnaie. Si ce fait est de caractere general, il y en a un autre, special au territoire illvrien : c’est la difference du niveau de civilisation qui,. demandant une diversite de legislation et d’administration, en- trainait des difficultes enormes pour l’application des lois uni¬ formes de l’admin.istration centralisatrice de Napoleon. La You- goslavie connait le meme probleme : elle est traversee par la grande igne, qui, depuis Theodose, separe les regions occidentales, in- clinant vers Rome, et les regions orientales, sous l’influence de Byzance. La Slovenie (la Carniole, la Carinthie, la Stvrie), la Dal- matie, l’lstrie, faisant depuis un millenaire partie de l’Europe centrale ; la Croatie appartenant au « globe hongrois >> ; la Serbie, affranchie depuis cent ans, de cinq cents ans de domination tur- que ; la Bosnie et la Macedoine, encore plus jeunes — forment l’Etat nouveau. II est evident que les difficultes sont les memes ou qu’elles sont encore augmentees par le developpement des tendances nationales, qui n’etaient alors qu’en germe. La situation du littoral, surtout celle des villes de Trieste et de Rijeka, presente le meme caractere : la perte de l’hinterland, en Illyrie, par suite de la separation de 1’Autriche, en Yougoslavie, de par la frontiere inorganique de l’ltalie (meme la vieille con¬ currence de Venise subsiste toujours). La consequence est encore la meme : des villes qui ne vivent pas, mais vivotent. L’avan- tage actuel, c’est que la mer n’est pas bloquee. Un dernier trait commun est l’absence d’une vie propre, active. L’lllyrie frangaise etait un instrument dans les mains de Napo¬ leon (les Illvriens avaient ete l’objet, non le sujet des negociations) x , 1’Illyrie autrichienne jouat un role semblable dans les intentions de Frangois II : de meme la Yougoslavie cherche encore sa vie propre. Pourtant, elle peut la trouver facilement en s’inspirant des realites geographiques, ethnographiques et economiques, en renongant aux combinaisons artificielles, qui ont, pendant trop longtemps, einpeche le developpement de ces regions 1 2 . Le tragique permanent et immanent des regions qui composaient 1’ Illyrie napoleonienne, c’est d’avoir une position geographique et economique enviable et enviee. En lisant des documents d’il y a 120 ans, on croit lire des documents d’aujourd’hui. 1 J. Nagy, Diplomatsko znadenje jrancuskog doba u hrvatskoj povijesti (La si¬ gnification diplomatique de l’epoque frangaise dans l’histoire croate), pp. 109- 117. 2 J. Cvijic, La Peninsule Balkanique, p. 99. SUPPLEMENTS. NOTE SUR LES CARTES. I. Carte des routes des Provinces Illyriennes, avec indication des mines, douanes et industries principales. Elle est faite d’apres le Tableau des routes imperiales des Provinces Illyriennes divisees en 3 classes, par Blanchard, datee du 20 novembre 1812, AN, F 14 , 1030, 2 e d. On a ajoute aux lieux que traversent les routes les endroits ou se trouvent des mines, des usines, des salines et des douanes, pour donner une vue du degre d’intensite du develop- pement economique en lllyrie. La carte ne porte pas tous les lieux cites au cours de l’etude : elle eut ete surchargee et illisible. II. ( iarte de la poste franco-illyrienne en Turquie. Elle est etablie d’apres deux croquis, AE, Autriche 55, Pro¬ vinces Illyriennes. La ligne ponctuee indique le premier projet, la ligne pleine le second projet, celui qui fut execute. III. Carte des routes du commerce levantin en Europe. Elle est etablie d’apres le Memoire de Marmont du 13 mars 1810, AE, Autriche 55, Provinces Illyriennes, n° 1. Les frontieres sont partout celles du debut de 1’ lllyrie, telles que les montrent toutes les cartes existantes, sans les modifications peu importantes survenues plus tard. Les cartes sont dessinees par M. Stergarsek, alors etudiant en technique. M. Rus, geographe, a eu l’amabilite d’en faire la revi¬ sion. TABLEAU CHRONOLOGIQUE DES DECRETS, ARRETES, ETC. CONCERNANT LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES 1 1809. 21 mai. — Contribution de guerre imposee par Eugene aux provinces occupies. 27 » — Contribution spiciale de 50 millions dictie k Trieste. 1 Ce tableau ne renferm? que les plus importantes des decisions cities et uti- lisies au cours de notre itude. 346 LA VIE ECONOMIOCE DES PROVINCES ILLYRIENNES 17 juin. — Sequestre des marchandises anglaises et coloniales a Trieste. 7 juillet. — Contribution de guerre imposee par Napoleon aux provinces occupees. 14 octobre. — Traite de paix de Vienne. 22 » — Suppression de la contribution de guerre d’Eugene. 17 novembre. — Autorisation provisoire de la compagnie de la route Louise. 25 » — Arrete. Le cours des Bancozettel est fixe au quart de la valeur nominate. 25 » - — Prohibition de l’exportation des metaux en Autriche. 6 decembre. —• Arrete. L’exportation des metaux est prohibee pour l’Au- triche, permise pour l’ltalie, fibre a Idrija et Zagorje. 20 » — Arrete. Augmentation des prix de poste. 25 » — Arrete. Le cours des Bancozettel est fixe au cinquieme de la valeur nominate. 25 » — Premiere organisation provisoire des Provinces Illyriennes. » —- L’Autriche defend l’exportation du fer en fonte brute en Ulyrie. 1810. l er ianvier. — 10 » 18 fevrier. — 24 » — 28 . » — 6 mars. — 10 » — 13 » 15 » — 15 » — 24 » 25 » — 30 » — 3 avril. — 6 » ' — 8 » — 29 » 2 juin. — 5 » — 9 » — 27 » — 28 » 5 juillet. — 23 » — 30 » — 25 aout. •—• 5 septembre. — 3 octobre. — 17 » — 17 » — Idrija passe a 1’administration de l’ordre des 3 toisons d’or. Arrete. Le cours des Bancozettel est fixe au sixieme de la valeur nominate. Sequestre autrichien des biens ecclesiastiques illyriens en Styrie.^ Arrete. Etablissement des mercuriales. Decret. Organisation des douanes illyriennes. Arrete. Mise hors circulation des Bancozettel. Arrete. Introduction des lois frangaises sur le commerce anglais et la contrebande. Mcmoire de Marmont sur le commerce de 1’Illyrie avec le Levant et la poste framjaise en Turquie. Arrete. Nouveau prix du sel. Arrete. Tarif des monnaies de cuivre et de billon. Confiscation et vente des marchandises sequestrees 5 Trieste. Arrete. Ordonne la restauration des salines illyriennes. Arrete. Remboursement du pret de 3 millions de Trieste. Contra! avec Adamic pour la fourniture du sel. Sequestre des biens ecclesiastiques autrichiens en lllyrie. Decret. Autorisation d’importer d’Autriche du sucre brut pour la rafflnerie de Rijeka. Circulaire. Creation d’un bureau de liquidation. Arrete. Reglement provisoire de 1’administration des regi¬ ments frontieres. Arrete. Organisation forestiere provisoire. Decision sur les bois permis ou prohibes a l’exportation. Contrat avec Schram, etablissement de la regie interessee du tabac. ArretA Tarif des pieces de cuivre. Arrete. Organisation du corps des ingenieurs des ponts et chaussees en lllyrie. Arrete. Creation d’une commission pour juger les diffcrends entre seigneurs et paysans, en Croatie civile. Tarif des. prix des tabacs, fait par Schram. Arrete. Sur les pensions. Convention entre la France et l’Autriche concernant Rijeka. Arrete. Contributions en nature, en Dalmatie. Arrete. Pret force de 1.200.000 francs. Arrete. Execution des decrets generaux du 5 aout et du 12 septembre 1810 sur les marchandises coloniales. NOTE SCR LES CARTES 347 25 27 31 2 novembre. 3 » 12 » 15 » 15 » 16 » 27 » 14 decembre. 19 » 25 » 31 » — Decision de Napoleon sur les licences illyriennes. — Arrete. Maintien provisoire des privileges de la compagnie de la route Louise. — Arrete. Execution du decret general du 19 octobre 1810 sur les marchandises anglaises a bruler. — Reduction de la valeur de quelques pieces de cuivre. — Decision de l’intendant general. Tous les sucres raffines sont sounds aux droits du 5 aout et du 12 septembre. — Decret general. Entree des cotons levantins a partir du l er janvier 1811 par Strasbourg, l’lllyrie et 1’Italie. — Arrete. |Suppression de dimes ecclesiastiques. — Arrete. Enumeration des impots autrichiens qui sont a supprimer ou a maintenir. — Arrete. Prohibition de l’introduction des Bancozettel en Illyrie. — Decret. Tarif general, 2 tarifs speciaux des droits d’entree et de sortie et tarif des droits de navigation. Trieste et Rijeka regoivent un entrepot r6el de 2 ans. Le transit autrichien sur Rijeka paie 6 francs par quintal de Vienne. — Decret. Confirme jusqu’au l er janvier 1851 les privileges de la societe de la route Louise. -—• Arrete. Tarif des monnaies de cuivre et de billon. — Note de la chancellerie d’etat autrichienne, tragant les contre- mesures autrichiennes pour le commerce levantin. — Decret general. Decision speciale sur le chargement des bati- ments illyriens, napolitains et ottomans. 1811. l er janvier. 17 » 26 » fevrier. 13 » 23 » 26 » 17 mars. 5 avril. — Les nouveaux impots enlrent en activite. — Arrete. Les biens des benefices vacants sont rcunis au do- maine. — Instruction du directeur des douanes illyriennes pour veri¬ fier promptement le coton. — Napoleon approuve le projet de la poste Kostajnica-Cons- tantinople. ■ — ■ Arrete. Modifications au tarif des patentes. — Arrete. Modification de la contribution fonciere. -—• Decret permettant l’expedition des batiments charges seule- ment de sel destine a 1’Illyrie, sans licences. ■ — - Decret. Droit sur les vins autrichiens. — Decret. Aul.orisalion speciale donnee a Marmont pour un batiment a Corfou. 10 15 18, 22, 25 mai juillet. 2 » 3 » Decret. Autorise le cabotage entre l’lllyrie et l’ltalie, contre acquit 5 caution. Decret organique des Provinces Illyriennes. art. 150 : Etablissement d’une commission de liquida¬ tion a Ljubljana. art. 252 : Suppression des corvees personnelles, d’un cin- quieme des redevances, de la juridiction des seigneurs. Le ministre de la guerre achete du plomb pour 100.000 francs. Decret. Etablissement d’un entrepot fictif d’un an pour les cotons levantins a Trieste. • Avis. Le dclai du l er juillet est accorde aux cotons entrant par Strasbourg. Napoleon ordonne une nouvelle vente de plomb pour 100.000 francs au departement de la guerre. Fixation des prix de la verrerie de Zagorje. Decret,, Approuve les mesures de l’intendant general sur les mines de Carinthie. 348 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES 11 » 15 » 16 » 24 » 25 » 25 » 29 » 29 i) 30 » 2 aout. 7 » 16 » 17 — Decret. Modifie le decret du 26 fevrier : un tiers du charge- ment des batiments de sel peut etre en marchandises per- mises. — Debut des travaux de la commission de liquidation 4 Lju¬ bljana. — Arrete. Modification de la contribution personnelle. — Arrete. Organisation forestiere definitive. — Arrete. Secours aux villes de Trzic et de Kranj incendiees. — Arrete. Etablissement a Ljubljana d’une compagnie d’as- surances pour la navigation sur la Save. — Arrete. 75.000 francs sont affectes a la partie Vrgorac-Du- brovnik sur la route Napoleon. — Arrete. Modification de I’impot foncier. — Decret. Le petit conseil des Provinces Iliyriennes statue sur T admission ou la confiscation des navires grecs et ottomans. — Arrete. Etablissement d’une agence provisoire des mines 4 Belj ak. — Secours de 200.000 francs accorde aux mines de Carinthie. — Arrete. Ordonne l’achevement de la route Koper-Pazin-Pula. — Arreite. Sur les dettes de Trieste contractees dans les guerres de 1805 et 1809. 20 » 26 » 31 » 9 septembre. 17 » 23 » 24 » 2 octobre. 19 novembre. l er decembre. 16 » — Decret autorisant l’intendant general du domaino extra¬ ordinaire 4 vendre les produits d’ldrija 4 Trieste. — Arrete defendant toute poste aux lettres particuliere. — Arrete. Comprend les obligations de 1797 dans les dispositions de Parrete du 17 aout 1811. — Decret. Tarif des monnaies de cuivre, derniere reduction. -— Arrete. Organisation definitive de la poste aux chevaux, tarif des droits. — Arrete. Sur la contrebande et les p6nalites pour contrebande. - — • Arrete permettant Petablissement de messageries particu- lieres. — Construction de la route Kraljevica-Novi. — Decret. Mise hors douanes des provinces au sud de Rijeka. — Avis. La route Louise est terminee. — Arrete. Tarif de la poste aux lettres. 1812. 3 janvier. 9 » 15 » 23 » 2 fevrier. 4 » 9 » 16 » 22 » 13 mars. 14 » 20 » 6 avril. — Decret. L’entrepot fictif de Trieste est etendu 4 toutes les marchandises levantines. — Decret. Inscription de pensions ecclesiastiques, militaires, civiles sur le grand livre des pensions. — Decret criant rescriptions admissibles en achat de rentes foncieres. — Decret. Le domaine extraordinaire entre en possession des mines imperiales iliyriennes. — Decret. Inscription de pensions sur le grand livre des pen¬ sions. — Decret. La faculte du transit autrichien est etendue 4 Trieste. — Arrete invitant les Strangers exergant un art ou un m6tier 4 se fixer en Illyrie. — D4cret. Nouvelles fonctions de la commission de liquidation. — Decret. Sur le jugement des prises iliyriennes. — Arrete. Construction de la route Pican-Plomin. — Decret. Etablissement de la regie d’etat des sels et tabacs. — Decret. Augmente les traitements et les frais de bureau des intendants illyriens. — Arrete. Sur le service de sante. NOTE SUR LES CARTES 349 mai. 30 » 4 juin. 7 » 14 juillet. 10 septembre. 19 » 20 » 27 » decembre. » 1813. 30 janvier. 8 fevrier. mars. 16 » 26 mai. 10 juin. 14 » 24 septembre. 27 » 6 novembre. 19 » 1814. 13 mars, lor avril. 30 mai. 1816. 3 aout. — Andreossy, a Constantinople, fixe le service et nomme les agents de la poste i'rangaise en Turquie. — Arrete. Construction de la route Postojna-Bakar. — Arrete. Sur les redevanees et corv^es. — Arrete Sur la contrebande des vivres pour Vis. — Arrete. Approuve l’acte de societe de la compagnie d’assu- rances sur la Save. — Arrete. Sur les etablissements de bienfaisance. -*• Decret. Modifications au tarif illyrien general des douanes. — Decret. Suppression du droit d’entree en France et en Italie sur les plombs en saumons. — Arrete. Tarif des amendes pour dfelits forestiers. — L’Autriche interdit l’emigration d’ouvriers professionnels en lllyrie. — Le pont sur l’Una & Kostajnica est termine. — Arrete. Sur la dette ancienne et nouvelle des communes. — Avis. Pour 1813 la Carniole et la Croatie civile sont designees pour la culture du tabac. — Fixation du.prix d’achat pour la recolte de tabac de 1813. — Decret. Modifications au tarif des postes illyriennes. — Decret. Dernieres modifications au tarif illyrien general des douanes. — Arrete. Defense de la navigation en convois. — Decret. Maintien de la bourse de commerce provisoirement etablie 4 Trieste. — Decret. Sur la contrebande des sels. — Decret. Idrija remise a la Chancellerie de la Legion d’honneur. — Levee du blocus continental en lllyrie. — Manifeste de Lattermann sur les redevanees et corvees feo- dales. — Introduction des tarifs autriebiens en lllyrie. — Trieste et Rijeka redeviennent ports francs. — Paix de Paris. — Royaume d’Rlyrie. TABLEAU COMPARATIF DES MONNAIES, POIDS ET MESURES Monnaies. Un ducat. Un ecu... Un ecu de Marie-Therese. Un florin d’Augsbourg (a 60 lu-eutzer a 4 pfennig). Une guinee.env. Un kreutzer. Un napoleon. Un para.. Une piastre d’Espagne .1. Une piastre turque (5 40 para).env. Un pfennig.. Un sequin de Venise .. . francs 11.875 3 3.75 2.586 27 0.0431 20 0.035 5.375 1.40 0.0108 11.875 350 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES Poids. kilogrammes Un cable (a 100 livres de Vienne). 56 Une livre de Vienne (a 16 onces). 0.56 Un oke...... 1.50 Une once. 0.035 Un quintal de Vienne (a 100 livres). 56 Un tovar (5 100 okes) ou une charge de cheval. 150 Mesures de longueui. metres Une aune (usuelle). 1.20 Une brasse. 1.62 Une lieue. . 4.288.00 Une ligne... 0.00225. Un mille (ou demi-lieue). 2.144.00 Un pied (a 12 pouces a 12 lignes). 0.325 Une poste d’Allemagne (ou 2 postes de France). 17.152.00 Une poste de France. 8.576.00 Un pouce... 0.027 Une toise (a 6 pieds). 1.949 Mesure de superficie. Une jugere (ou arpent). 1/4 ha Mesure de volume. Un stere (de sel). 1 m 3 Mesures pour les liquides et les matieres seches. litres Une bouteille. 0.7 Un eymer (a 40 rnaas ou 80 bouteilles) . 56.25 Un rnaas. ' Un minot (de ble).. ... 39.02 Un minot (de sel). 52.03 TABLE ALPITABETIQUE DES NOMS DE PERSONNES Adamic (Andre Louis), 193, 215, 228, 229, 230, 234, 236, 237, 311. Alborghetti, 49. Ali pacha, 261. Alvian, 322. Anastasio (Gaetan), 198, 239. Anders, 174. Andreossy (eomte d’), 15, 53, 115, 266, 269. Andry d’Auberton, 52. Arbaut, 192. Arnault, 14, 15, 18, 104, 118, 119, 159, 229, 238, 239, 284, 313, 314. Aspremont (comte d’), 85. Aspremont (comtesse d’), 85. Auersperg (prince d’), 61. Balbe (de), 254. Barrant, 43. Barthomeuf, 242. Baselli, 18, 44, 108, 194, 254. Basso'n, 246. Batetti (Jacques), 77. Batistulli, 67. Ballhyany (Charles, comte de), 85. Batthyany (Theodore, comte de), 59. Battiala, 74. Baumes, 308. Bechet, 329. Belinic-Kranjec (Caroline), 340. Bella, 95, 245. Bellegarde, 174. Belleville, 17, 18, 23, 65, 66, 67, 89, 127, 172, 211, 223, 263. Belloc, 71, 245. Benedetti freres, 209. Benincasa (Barthclemy), 317. Bergk (Jean Adam), 8. Bernt (Joseph),, 82. Berquier (Polycarpe), 199. Bertrand (comte de), 16, 17, 18, 34, 98, 36, 40, 44, 52, 65, '66, 79, 94, 96, 100, 101, 102, 113, 114, 115, 117, 145, 163, 164, 165, 193, 197, 199, 216, 225, 230, 237, 240, 262, 271, 272, 299, 326, 332, 340. Bessieres (Jules), 11. Best, 53. Billon, 204, Bisetto, 289. Blanchard (Jean Louis), 19, 77, 81, 82, 85, 92, 93, 95, 96, 97, 98, 99, 104, 105, 106, 270. Bohr, 59, 72. Bolaffto (Joseph V.), 22. Borelli de Vergada (Andre), 252. Bosisio (Pierre Antoine), 127. Boicicevid, 83, 170. Bruere (Marc), 115. Buson, 39. Calafati (baron de), 18, 104, 313. Candido (J.), 82, 101. Cara St. Cyr (comte), 266. Carracolo et Zazzarengo, 239. Casali (Julien), 77. Catineau La Roche Pierre Marie Se- bastien, 30, 232, 234, 237, 238, 274, 275, 281, 323, 329. Cayous, 236. Cervus, 83, 270. Chabrol (comte de), 16, 17, 18, 34, 37, 40, 44, 45, 69, 72, 83, 84, 96, 97, 98, 99, 100, 102, 103, 104, 106, 115, 164, 171, 179, 182, 184, 198, 240, 247, 249, 251, 252, 254, 256, 257, 259, 260, 263, 274, 280, 281, 282, 283, 284; 290, 292, 295, 296, 297, 298, 299, 303, 304, 309, 320, 326, 329, 336. Chambaudoin, 254. 106, 107, 109, 123, 143, 144, 168, 172, 178, 217, 218, 219, 247, 252, 261, 301, 320, 321, 352 LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES Champagny (due de Cadore), 10, 18, 90, 113, 114,119,138,140, 153, 246. Chapotin, 66. Charnage (Edouard de), 18, 70, 284, 308. Chassenon (de), 46, 226, 227 237, 281, 304, 306, 319, 326. Choisy (de), 266. Clairambault (de), 109, 114, 115. Clarke (due de Feltre), 10, 15, 18, 98, 155, 193, 267, 332. Cobenzl (Philippe, comte de), 8, 320. Codelli (Antoine, baron de), 76, 104, 194, 238, 252, 262, 263. Coffinhal, 211. Collin de Sussy (comte de), 18, 123, 143, 161, 164, 169, 179, 184, 198, 215. Contades (de), 18, 39, 68, 91, 170, 292. Crampagna (Joseph de), 22, 199. Cerin (Maximilien), 70, 241. Cop (Antoine), 252. Dabovic (freres), 199. Dabovid (Marc), 199. Dandolo (comte), 38. Danese, 236, 237. Dauchy, 13, 16, 17, 18, 19, 22, 23, 28, 49, 50, 57, 107, 108, 126, 127, 137, 214, 221, 226, 231, 241, 245, 246, 253, 254. David (Pierre), 19, 109, 115, 171, 172, 173, 175, 176, 178, 179, 181, 261, 332. Deeres (comte de), 192. Defermon (comte de), 50, 51, 54, 67. Delaville Le Roulx (L.), 236. Delzons (baron de), 251, 266. Demiani (J. A.), 8, 265. Dietrichstein (Francois Joseph, prince de), 85, 89, 90. Dillinger, 59. Dimitri, 246. Dizie, 31, 36, 123, 134, 135, 143, 161, 162, 163, 164, 165, 196, 198, 230. Donadien, 237. Dorcid, 289. Dragocovid, 207. Dubourdier, 206. Dutjn (Frangois Joseph), 77. Cpron, 189. Esterhazy (Nicolas, prince de), 85. fitilly (C. d’), 19, 107, 108, 111, 112, 113, 115. Eugene de Beauharnais, 27, 54, 193, 273. Fabulet, 189. Fargues (F., comte de), ‘18, 43, 126, 127. Firino, 259. Folseis, 326. Fouche (due d’Otrante), 17, 18, 304. Fourcade, 180. Fraissinet (Jacques), 172, 179, 180, 181, 182. Frajnid, 100. Frangois II, 12,140, 318, 340, 341, 342, 344. Freemantle, 206, 215. Fresia (comte de), 105. Gallien (A.), 8. Gallois (Louis Georges Gabriel), 19, 47, 48, 49, 51, 52, 53, 55, 56, 57, 58, 59, 61, 63, 65, 66, 68, 70, 72, 106. Camera (de), 180. Garagnin, 38. Garagnin (G. D.), 18, 254. Gaudin (due de Gaete), 15, 18, 24, 27, 28, 30, 31, 35, 43, 53, 91, 132, 142, 148, 155, 162, 163, 166, 196, 221, 222, 229, 230, 247, 248, 250, 251. Gauthier, 236. Georges III, 303. Georgi (comte Savin), 1.8, 252. Gerber (Georges), 127. Gerlic (Frangois de), 35, 92. Gordon, 266. Gourgoin, Baccuet et C le , 78. Gregoranec (Martin), 129. Gridder (G. J.), 73, 75. Guillemont, 89, 271. Harrach (Jean, comte de), 85. Hautefort (d’), 8. Henrik, 126. Heron de Villefosse, 53, 55, 297. Heymann (freres), 126, 127. Hiller (baron de), 174. Holevac, 266. Hubner, 60, 63, 72. Huha (A.), 40. Ivicic, 178, 332. Ivicijevid, 208. Jeanin (baron de), 266. Jelusic (Joseph et Frangois), 77. Jenniker, 77. Joly, 266. Joseph II, 231. Joubert, 313, TABLE ALPHABETIQUE DES NOMS DE PERSONNES 353 Junot (due d’Abrantes), 17, 18, 44. 192, 209, 215. Kalchberg (baron de), 236. Kapus, 241. Karadjordje, 178. Kermel, 107, 108, 302. Klobusiczky (Joseph de), 130. Knezevic, 276, 302. Kovacevic (Domnius), 255. Krampelfeld (de), 52. Kremnizer, 302. Kuralt (Martin), 322. L’Espine (comte de), 215. La Bergerie (Rougier de), 18, 288. La Devese (Alphonse), 42, 43, 45. La Moussaye (Louis de), 18, 57, 194, 308, 332. La Tour-Maubourg (de), 18, 115. La Valette (de), 107, 115. Labrosse ( J.), 199. Lacepede (comte de), 55. Lachadenede, 192. Laguee, 18. Lareinty (Baillardet de), 18, 290. Las Cases (comte de), 10, 254. Lattermann (baron de), 12, 71, 341. Laugier, 30, 31, 33, 214. Laumond (comte de), 47, 52, 53, 54, 56, 65, 67, 72. Lauriston (comte de) 51,248, 269, 277. Layer (Leopold), 23, 127. Layous, 129. Le Conte, 190. Le Tellier, 189. Leboeuf (Emmanuel), 243. Leboullenger, 47, 52, 66, 67, 71. Lederer (Paul, baron de), 76, 146, 172, 176, 303. Lelong, 192. Lemaire, 47, 52, 66, 67, 69, 71, 72. Lettardi, 18. Levasseur, 192, 207. Lichtenberg (Francois Xavier, baron de) 108, 241, 254. Lichtenstein (Charles, baron de), 58, 60. Lichtenstein (Jean, prince de), 85. Lippi (larmine), 53. Mallei, 252. Maggauer, 60. Mainati (Joseph), 313. Mallets (Rouen des), 18, 44, 76, 84, 252. Maltese (J.), 236. Maret (due de Bassano), 18, 66, 102, 113, 114, 115, 117, 163, 179,.247. Maric-Louise, 260, 308, 319, 326. Marie-Therese, 73, 220. Marmont (due de Raguse), 8, 10, 11. 15, 16, 17, 18, 20, 22, 24, 31, 32, 35, 37, 39, 42, 49, 51, 65, 73, 75, 76, 81, 83, 84, 85, 89, 90, 96, 97, 99, 101, 106, 108, 113, 114, 119, 122, 125, 127, 128, 131, 132, 138, 139, 140, 141, 142, 143, 147, 148, 151, 155, 158, 160, 161, 173, 182, 187, 191, 192, 193,. 196, 197, 199, 211, 212, 214, 221, 222, 223, 228, 229, 231, 241, 243, 245, 246, 248, 253, 254, 255, 260, 261, 263, 266, 267, 269, 270, 271, 272, 273, 275, 276, 301, 317, 318, 320, 321, 323, 325, 326, 329, 332, 336, 340. Martainville, 35, 230. Maximilien I er , 127. Menini, 83, 170. Meriage (baron de), 113, 114, 320. Merveldt (comte de), 56. Mery, 133. Mestraea, 292. Metternich (Clement Lothaire Ven- ceslas, prince de), 11, 12, 19, 33, 89, 140, 174, 175. Michaud (Louis), 78, 239. Mittesser (Francois), 172, 173, 174, 175. Mol 8°, sn pp. Une quinzaine de pages, traitant surtout de l’histoire poli¬ tique de l’epoque illyrienne, en mentionnent aussi brieve- ment l’aspect economique et l’influence sur 1’opinion pu- blique et l’idee nationale en Croatie. SOURCES VII Wrede (Alphons von), Geschichte der k. u. k. Wehrmacht , V, Wien, 1903, 8°, XVIII, 800 pp. Pour la Croatie militaire, 1 ’auteur renvoie a Boppe. Zgodovina slovenskega naroda (Histoire de la nation Slovene) VII : Jos. Mai, Najnovejsa doba (L’epoque la plus recente), Celje, 1928, 8°, 192 pp. Ce tome de 1 ’histoire de la nation Slovene —- ouvrage sciemment populaire — est, du debut a la fin, consacre a l’epoque des guerres napoleoniennes, 1797-1813. II resume tous les resultats des travaux sur l’lllyrie parus jusqu’a present et on peut y distinguer des chapitres plus ou moins etudies : au nombre de ces derniers figurent ceux sur les mines, les routes, le commerce autrichien, les im- pots ; parmi les premiers, ceux sur la creation, l’administra- tion, le commerce levantin, l’instruction, 1’opinion publique. Recits de voyage (1) Fortis (Albert), Voyage en Dalmatie , I, II, Berne, 1778, 8°, 248, 276 pp. Racquet (Balthasar), Abbildung und Beschreibung der sudwestli- chen und ostlichen Wenden , Illyrier und Slaven , Leipzig, 1901, 4 0 , XII, 234 pp. Quoique surtout de caractere ethnographique, cette rela¬ tion renferme quelques notions sur 1’agriculture, le commerce, etc., de quelques-unes des regions illyriennes. — Oryctographia Carniolica oder Physikalische Erdbeschrei- bung des Ilerzogthums Krain, Istrien, und zum Theil der be- nachbarten Lander , Leipzig, 4 0 , I (1778), XVI, 162 pp., II (1781), XXXII, 186 pp., Ill (1784), XX, 184 pp., IV (1789), XVI, 91 pp. Ce voyage de savant n’offre — par sa nature —■ que des (1) Les ann^es de guerre etant peu favorables aux voyages, les relations qui existent sont ant&ieures ou posterieures a notre (ipoque et, en gdndral, de caractere plutot ethnographique, ne relevant principale- ment que des traits de m'curs bizarres, etc., de sorte qu’elles offrent — a quelques exceptions pres —- peu d’interet pour notre sujet. Elies sont cities a titre de complement. VIII LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES donnees chimiques et geographiques pour quelques regions illyriennes. Herrmann (Benedikt Franz), Reisen durch Oesterreich , Steyer- mark, Karnten, Krain , Italien, Tyrol , Salzburg und Baiern imj. 1780, Wien, 8°, 1(1784), 170 pp., il (1781), 131 'pp., Ill (i7 8 3)) 177 PP- Bien anterieur a notre epoque, ce recit est neanmoins tres important, parce que beaucoup d’auteurs posterieurs y ont abondamment puise. Pouqueville (F. C. H. S.), Voyage de la Grece, 2 e ed., I, Paris, 1826, 8°, LXXVIII, 418 pp. Quelques remarques sur Dubrovnik sont precieuses a titre de comparaison. Tromelin (J. J.), Itineraire d’un voyage fait dans la Turquie d’Europe, d’apres les ordres de S. E. le general en chef Marmont due de Raguse etc. etc. par un offtcier d’etat-major de Varmee de Dalmatie dans Vautomne de 1807, Paris, 1917-1918,8°, REN, VI, pp. 344-381, VII, pp. 96-124. Cette reconnaissance, caracteristique des preoccupations militaires de Napoleon dans sa politique a l’egard de la Tur¬ quie, montre aussi, par ses remarques sur le commerce, les produits et les routes de ces contrees, les preoccupations economiques de l’Empereur — ces deux ordres de preoccupa¬ tions se trouvent ainsi refletes cote a cote, meme dans un voyage d’officier. Memoires (1) Gruden (Josip), Spomini na Francoze (Souvenirs sur les Fran- 5ais), Ljubljana, 1911, 8°, ZSM, XIII, pp. 1-28. Unhistorien distingue a recueilli ici avec soin les souvenirs laisses par la domination fran9aise en Slovenie. Le peuple sentait presque exclusivement les maux de la guerre et les (1) Gaudin, dans ses Memoires, souvenirs, opinions et ecriis, I (Paris, 1826, reedition en 1926, 8°), ne mentionne pas l’lllyrie, n’ayant eu a s’occuper directement de l’organisation des finances qu’en Ligurie, en Hollande et dans le pays de Munster. SOURCES IX fardeaux economiques — impots et blocus continental — ; c’est done ce dont il parle de preference. Dans l’ensemble, il n’y a pas trace de l’idee illyrienne qui preoccupait le cercle des compagnons et des disciples de V. Vodnik. Ce recueil est important pour l’histoire de l’opinion publique enlllyrie. Las Cases, Memorial de Ste-Helene, I, Paris, s. d., 4 0 , PP, 7 e serie, 318 pp. Las Cases rapporte une remarque interessante de Napoleon sur le motif de la creation de l’lllyrie, du 20 juillet 1816. Marmont, Memories, 3 e ed., Ill, Paris, 1857, 8°, 520 pp. C’est une source riche et souvent citee pour les anneesde 1 ’administraton de Marmont en Illyrie (fin de 1809, 1810 et debut de 1811) ; mais il faut la controler par les archives, en raison d’un certain optimisme que Bertrand, successeur de Marmont dans la charge de gouverneur general de l’lllyrie, ne partageait certainement pas. [Metternich], Aus Metternichs nachgelassenen Papieren, II, Wien, 1880, 8°, 538 pp. 11 y a, pour l’epoque de la mission de Metternich a Paris (1810), des indications interessantes sur les relations com- merciales entre 1 ’Autriche et l’lllyrie et sur l’importance'de l’lllyrie pour 1 ’Autriche. ■— Memories, documents et Merits divers..., a e ed.,I, Paris, 1881, 8°, XIV, 372 pp. Quelques pages traitent de l’lllyrie comme objet de com¬ pensation dans les negotiations entre la France et 1 ’Au¬ triche. Mollien, Memories d'un ministre du Tresor public (1780-1815), II, Paris, 1898, 8°, 611 pp. L’organisation administrative des Provinces Ulyriennes est mentionnee en quelques lignes. Nodier (Charles), Souvenirs de la Revolution et de VEmpire, nouv. edit., II, Paris, (1883), 8°, 368 pp. Le chapitre sur Fouche a ete traduit par A. Dimitz dans un article : Charles Nodier in seinen Beziehungen zu Krain (Laibach, 1884, 4 0 , LW, no. 210-214). Ch. Nodier y parle X LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES de son article au Tele graphs Officiel sur une revolte de paysans, issue de differends entre eux et leurs seigneurs. Tkalac(E. J. von), Jugenderinnerungen aus Kroatien (1749- 1823, 1824-1843), Leipzig, 1894, 8°, XIII, 390 pp. L’ancien redacteur de Os l und West, originaire de Karlovac, rapporte quelques souvenirs de jeunesse sur 1’epoque illy- rienne, concernant surtout l’esprit public en Croatie. [Zois von Edelstein (Freiherr Sigmund)], Erinnerungen aus dem Kriegsjahr 1809), Laibach 1886, 4 0 , LW, n° 315-320. Journal des evenements de la guerre de 1809, publie par A. Dimitz. II est tres regrettable qu’il n’existe pas de memoires du baron S. Zois pour les annees de l’lllyrie. Zois, grand pro- prietaire de mines et usines et savant mineralogiste, suivait activement tout le mouvement de son pays : ses impressions seraient pour nous extremement precieuses. Marmont et tous les fonctionnaires superieurs franQais de l’lllyrie le fre- quentaient, ainsi que le faisaient tous les etrangers qui ve- naient a Ljubljana. Cependant il n’existe qu’un journal, ega- lement deja publie, des evenements de la guerre de 1805- 1806, tandis que, dans sa correspondance economique, scien- tifique et privee, qui est partiellement publiee, partiellement encore inedite aux Archives provinciales de Ljubljana, il ne se trouve rien qui soit interessant pour notre sujet. Correspondances Dimitz (A.), Die Correspondent des Grafen Fargues , Intendan- ten von Oberkrain (1809-1810), Laibach, 1868, 4 0 , MHVK, XXIII, pp. 1-53. Recueil de lettres de Fargues, intendant de la Haute-Car- niole, adressees principalement au vice-president de la re- gence provisoire de Carniole, du 29 juillet au 30 novembre 1809. Le reste des lettres, qui se trouvent toutes aux Ar¬ chives provinciales de Ljubljana, jusqu’en septembre 1810, date du depart de Fargues, n’a pas ete publie. Ces lettres sont interessantes, surtout quant a l’administration et a la situation economique du pays pendant la premiere annee des Provinces Illyriennes. SOURCES XI Correspondan.ee de Napoleon I ei publiee par ordre de Vempereur Napoleon III, XIX-XXVI, Paris, 1865-1868, 4°. Lettres inedites de Napoleon / er ..., par Leon Lecestre, I, II, Paris, 1897, 8°, 388, 426 pp. — par Leonce de Brotonne, Paris, 1898, 8, 611 pp. Dernieres lettres inedites de Napoleon I eT ..., par —, I, II, Paris, i 9 ° 3 - 8 °> 556 , 512 pp. La correspondance generate de Napoleon est tres riche en lettres concernant l’lllyrie, et, bienqu’elle ait ete tres etudiee, il y a des lettres relatives aux douanes, mines, etc., qui n’ont pas encore ete remarquees. Les autres recueils possedent aussi de ces notes sur l’lllyrie, mais traitent en majorite de sujets militaires ou administratifs. La plupart de ces decisions datent des premieres annees de l’lllyrie, du temps de son organisation (1). Estignard (A.), Correspondance inedite de Charles Nodier (1796- 1844), Paris, 1876, 8°, VIII, 283 pp. Les lettres de Nodier a Ch. Weiss, a Besan5on, contiennent des details sur son sejour a Ljubljana en 1813. Sismondi (J. C. L. de), Lettres inedites, publiees par Saint-Rene Taillandier, Paris, 1863, 12 0 , IV, 406 pp. On voit par cette liste assez courte que l’lllyrie tient peu de place dans les ouvrages generaux, memoires, etc. Cela s’explique et devient facilement comprehensible, quand on voit le role plutot efface qu’elle joue dans l’histoire politique, tandis que presque toute son importance est dans son role economique, et quand on considere que l’histoire economique est une science relativement jeune, et que les histoires politiques et militaires, d’exterieur plus brillant, quoiqu’elles ne soient parfois que le masque de l’autre, attirent davantage l’attention. B. — Ouvrages sur le blocus continental Amii (M.), Etude sur les tarifs de douanes et sur les traitis de com¬ merce, I, Paris, 1876, 8°, VII, 473 pp. (1) La Correspondance inedite de Napoleon J er , publtee par E. Picard, et L. Tuetey, I, Paris, 1912,8°, ne contient rien qui nous interesse. XII LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES Blanchard (Marcel), Les routes des Alpes Occidentales a I’epoque napoleonienne (1796-1815), Grenoble, 1920, 8°, XVIII, 415 pp. Cette these contient quelques pages extremement interes- santes sur les routes commerciales entre 1’Italie et l’lllyrie en general, et specialement sur l’influence du commerce du Levant sur les passages des Alpes occidentales. — Bibliographie critique de I’histoire des routes des Alpes Occidentales sous Vetat de Piemont-Savoie (XVII e et XVIII e siecle) et a l’epoque napoleonienne, 1796-1815), Grenoble, 1920, 8°,«ii8 pp. Cunningham (W.), The growth of English industry and commerce in modern times, II, Cambridge, 1907, 8°, 609-1039, XII pp. Darmstadter (Paul), Studien sur napoleonischen Wirtschaftspo- litik, Leipzig, 1904-1905, 8°, VSWG, II, pp. 559-615, III, pp. 112-141. L’application de la politique economique de Napoleon est etudiee ici surtout en Italie. Mais dans la seconde partie, en traitant la politique economique napoleonienne envers les Stats etrangers, Darmstadter mentionne aussi celle que l’empereur a suivie envers l’lllyrie ainsi que le decret et le tarif des douanes du 27 novembre 1810. Dunan (Marcel), Bibliographie du blocus continental , Paris, 1913, 8°, REN, I, pp. 115 et suiv. Heckscher (Eli F.), The Continental System. An Economic Interpretation, ed. by Harald Westergaard, Oxford, 1922, 8°, XVI, 420 pp. Le travail le plus recent sur le blocus continental, precieux surtout par sa table chronologique de 1793 a 1814. L’lllyrie ne figure pas parmi les pays dans lesquels il etudie les effets du blocus continental, mais il souligne fortement l’impor- tance de Trieste et mentionne le coton du Levant (1). Kiesselbacii (W.), Die Continentalsperre in ihrer okonomisch- politischen Bedeutung. Ein Beitrag sur Handelsgeschichte, Stuttgart und Tubingen, 1850, 8°, IV, 158 pp. Cet ouvrage ancien ne s’occupe pas des effets du blocus (1) Il n’utilise pas le travail de Melvin qu’il connaissait, mais ne pos- s^dait pas. SOURCES XIII dans les divers pays, mais il montre avec une grande clarte le caractere et le defaut principal du blocus et souligne ega- lement 1’importance de la situation de Trieste. Lumbroso (Alberto), Napoleone I e V Inghilterra, Roma, 1897, 8°, XIV, 514 pp. Etude sur les consequences du blocus continental en France, Scandinavie, Russie, Hollande, Belgique, Allemagne, Autriche, Espagne, Italie, Amerique. L’lllyrie ne figure pas dans ce travail de seconde main. — Bibliografia del bloco continental'e, Roma, 1897, 8°, 52 pp. Masson (Paul), Ports francs d’autrefois et d'aujourd’hui , Paris, 1904, 8°, XXIII, 470 pp. —- Iiistoire du commerce frangais dans le Levant au XVIII e siecle, Paris, 1911, 8°, XII, 678 pp. Ces deux etudes renferment quelques remarques concer- nant Trieste et Rijeka. Melvin (Frank Edgar), Napoleon’s Navigation System. A study of trade control during the continental blockade , New-York, 1919, 8°, XV, 449 pp. Pour l’lllyrie, Melvin mentionne l’entrepdt de Trieste, les licences pour Corfou, et les autres licences illyriennes —pas de premier ordre — parmi les licences diverses, indications tirees des Archives Nationales. Rose (J. PL), Napoleon and English Commerce , London, 1893, 8°, EHR, VIII, pp. 704-725. — Pitt and Napoleon (Essays and letters ), London, 1912, 8°, 343 PP- Schmidt (Charles), Sismondi et le blocus continental , Paris. 1914, 8°, RH, CXV, pp. 58-91. Cette publication montre une des rares critiques contempo- raines du systeme, qui marque aussi du scepticisme envers la nouvelle route illyrienne pour le commerce du Levant. II est evident que lTllyrie ne tient pas beaucoup plus de place dans lesouvrages sur le blocus (1) que dans lesouvrages (1) Les articles sur le blocus continental dans les encyclopddies ne sont pas cit& ici.' A’ils mentionnent l’lllyrie, e’est, en raison de leur nature, d’une maniere si gdn^rale qu’ils ne peuvent contribuer 4 l’enrichisse- ment de nos sources. XIV LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES generaux — un peu injustement peut-etre. On a etudie les effets du blocus dans les Etats independants et dans les Etats incorpores par Napoleon a l’Empire, mais l’lllyrie ne figure pas encore parmi ces derniers. La cause de cette omission pourrait etre le fait qu’en Illyrie, pays moins industrialise que d’autres de ces Etats, ces effets sont moins remirques. C. — OUVRAGES SUR L’IlLYRIE. / ASkerc (A.), Civilnaporoka v Ljubljani v francoski dobi (Le ma¬ nage civil a Ljubljana pendant l’epoque fran5aise), Ljubljana, 1914, 4 0 , Ca Nv, V, pp. 267-269. — Francoska posadka na gradu pa Ljubljancani leta 1813 (La garnison frangaise du chateau et les habitants de Ljub¬ ljana en 1813), Ljubljana, 1911,4 0 , Ca Nv, II, pp. 248-250. — Kako se je godilo ljubljanskim kadilcem v francoski dvbi (La situation des fumeurs de Ljubljana pendant l’epoque franchise), Ljubljana, 1911, 4 0 , Ca Nv, II, pp. 338-339. — Ljudsko solstvo v ljubljansketn okroiju leta 1810 (Les ecoles primaires de l’arrondissement de Ljubljana en 1810), Ljub¬ ljana, 1910, 4 0 , Ca Nv, I, pp. 222-226. Notices, tirees des Archives municipals de Ljubljana, qui servent en paitie a faire connaitre l’esprit public de cette ville et l’influence de l’lllyrie sur le mouvement national Slo¬ vene. Benussi (Bernardo), L’Istria nei suoi due millenni di storia, Trieste, 1924, 4 0 , 647 pp. Un chapitre (le XVI e ) sur la periode fran9aise traite aussi de l’influence economiqe et nationale du regime illyrien. Beaucoup de representations de Trieste, datant de la fin du xvm e siecle. Bergdirektion Idria (K. K.), Die 3 . Okkupation Idrias durch die Franzosen im J. 1809, Ljubljana, 1914-1917, 4 0 , Ca Nv, V, pp. 53-62, 228-246 ; VI, pp. 21-30, 162-172 ; VII, pp. 29-39, 232-241 ; VIII, pp. 44-57. Etude fondee sur les actes de la seigneurie et de la mairie d’Idlija ainsi que de la direction des mines d’Idrija de 1809 a 1813. Mais comme, en 1813, l’administration fran5aise, en SOURCES XV se retirant, emporta presque tous ses dossiers et ses comptes, le travail n’est que peu detaille sur la situation des mines, tandis qu’il Test davantage sur leur administration. [Bergk (Joh. Adam)], Betrachtungen iiber denFrieden zu Wien , Wien, [1810], 8°, 88pp. Considerations sur les pertes de l’Autriche en 1809, avec une statistique des provinces cedees et une caracteristique de leurs habitants. Boppe (Auguste), Documents inedits sur les relations de la Serbie avec Napoleon I er (1809-1814), Belgrade, 1888,4°, 124 pp. Dans ces documents, tires des Archives des Affaires etran- geres, un des arguments, employes par le delegue serbe Rado Vucinic afin d’obtenir la protection de Napoleon pour la Serbie, nous interesse particulierement : c’est 1 ’utilite du commerce serbe pour les Provinces Illyriennes et la facilite des communications entre les deux pays. Boppe (P.), La Croatie militaire (1809-1813), Les regiments croates a la Grande Armee, Paris-Nancy, 1900, 8°, VI, 267 pp. litude d’histoire militaire, d’apres les papiers de Marmont a Chatillon-sur-Seine, les Memoires de Marmont, la Correspon- dance de Napoleon, les Archives nationales (surtout AF iv , I7i3)et les Archives de la Guerre, avec une petite carte des Provinces Illyriennes. Bozzi (Carlo Luigi), Ottocento Goriziano,! : Gorizia nell’etd napoleonica , Gorizia, 1929, 8°, 276 pp. Un chapitre de 50 pages, traitant specialement de l’admi- nistration et mentionnant egalement le developpement de l’opinion publique, est consacre a l’epoque illyrienne de Gorica. Breton, lllyrien und Dalmatien... Aus dem Fransosischen nach Ilacquet , Fortis und Cass as..., ubersetzt von Janus Panno- nicus. Pesth, 1816, 12°, 170 pp. Petit volume avant tout ethnographique, avec beaucoup de reproductions dont une de Trieste en 1816. [Brief eines Officiers der Marine ], Laibach, 1822, 4 0 , IB, n° 2-3. Lettre interessante d’un officier de la marine russe (traduite XVI LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES d’apres la revue « Sin otezhestva » (Fils de la Patrie), 1821, n° 8, par Jacob Supan), qui passait en 1810 par Ljubljana. En decrivant la ville, il mentionne la situation economique defavorable et l’esprit public defavorable qui en resulte. Cattalinich (Gio.), Memorie degli avvenimenti successi in Dalmazia dopo la caduta della republica Veneta con un saggio sull’ amministrazione publica veneta e del regno d’Italia, Spalato, 1841, 8°, 279 pp. II y a des donnees, utiles a titre de comparaison, sur l’indus- trie, le commerce et la contrebande de la Dalmatie au temps de la chute de Venise. Costa (Heinrich), Beitrdge zur Geschichte der franzosischen Zwischenregierung in Illyrien, Laibach, 1851, 4 0 , MHVK, VI, pp. 7.19-20, 23-26. — - Der Freihafen von Driest , Osterreichs Hauptstapelplatz fur den iiberseeischen Welthandel , Wien, 1838, 8°, VI, 157 pp. — Die Freimaurer-Loge in Illyrien wahrend des franzosischen Interregnums , Laibach, 1863, 4 0 , MHVK, XIV, pp. 42-45. Costa, directeur des douanes et historien, a tire des Archives provinciales de Ljubljana son etude sur 1 ’administra- tion illyrienne, surtout en ce qui concerne les douanes, sels et tabacs, ainsi que la notice sur la loge Franco-Illyrienne a Ljubljana, dissoute lors de la reoccupation autrichienne. Dans l’essai sur Trieste, plusieurs pages sont consacrees a la crise du commerce et de la navigation dans cette ville a l’epoque illyrienne. Creizberger (Ritter von Kreizberg, Friedrich), Uber die Par- zellen Krains , die dermal zum illyrischen Kiistenland gehoren und dem Gubernium zu Driest unterstehen , vor und bis zum J. 1809 aber dem Adelsberger Kreise einverleibt waren, Lai¬ bach, 1846, 4 0 , MHVK, I, pp. 41-43, 49, 50, 57-69. Commentaire du titre VII du decret du 15 avril 1811 sur la division territoriale de l’lllyrie. Cvijid (Jovan), La Pininsule Balkanique , Paris, 1918, 4 0 , VIII. 528 pp. Ouvrage important pour le milieu geographique. Crnologar (Konrad), Die Ziviltrauungen unter der franzosi- SOURCES XVII schen Herrschaft , Laibach, 1904, 8°, MMVK, XVII, pp. 14-19. Notice sur l’application du mariage civil en Illyrie. Das vormalige und kii?iftige Illyrien , Hamburg, 1809, 4 0 , M, IV, n ° 474 - Article anonyme, utilise par I. Prijatelj, sur l’importance politique de la creation de l’lllyrie, voisine de la Turquie, et susceptible de s’agrandir jusqu’a la Russie. Demiani (J. A.), Statistische Darstellung der Illyrischen Provin- zen , I. Theil, Die illyrische Militar-Provinz, Tubingen, 1810, 8°, VI, 245 pp. Statistique detaillee de la Croatie militaire. L’auteur, eeri- vain militaire et statisticien professionnel, l’a composee d’apres de bonnes sources et partiellement d’apres ce qu’il a vu lui- meme, mais ses donnees datent toutes des annees 1800-1808, ce qui, a cause des guerres frequentes de ces annees, les rend sans valeur pour notre epoque. Mais e’est un temoin de l’interet qu’eveilla a l’etranger la creation du nouvel Ltat. Dimitz (A.), Bau-Gegenstdnde betreffendden Zustanddes Bauwe- se.ns , da 7 in des Strassen und Briickenbaues in Illyrien zuahrend djr franzosischen Regierungs-Epoche , Laibach, 1861, 4 0 , MHVK, XVI, pp. 38-39. — Beitrage zur Geschichte des Verwaltungswesens der fran¬ zosischen Regierung in den illyrischen Provinzen (1809-1813), Laibach, 1861, 4 0 , MHVK,'XVI, pp. 20-23, 25-29. •— Zustand des Sanitdtszvesens unter der franzosischen Zwischen- regierung, Laibach, 1863,4 0 , MHVK, XVIII, pp. 54-56. —- Geschichte Krains von der altesten Zeit bis auf das J. 1813, IV, Laibach, 1876, 8°, 396 pp. Dimitz, ayant ete de longues annees secretaire de la Societe historique de la Carniole, a fouille avec assiduite les Archives provinciales de Ljubljana. Ses petites etudes, commentant principalement le decret du 15 avril 1811, sont des travaux preparatoires ; neanmoins elles sont citees a part, parce qu’elles contiennent des details qui manquent dans son his- toire de la Carniole. Le dernier chapitre de celle-ci, le V e , con- cerne l’epoque franfaise. Fonde sur la correspondance de XVIII LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES Fargues et sur d’autres documents des Archives provinciales de Ljubljana, il traite principalement de l’administration, mais consacre aussi quelques pages a la crise monetaire, au commerce, etc. La situation en Carniole est naturellement examinee plus a fond ; cependant, comme la Carniole etait le pays central, il y a aussi des donnees concernant toute Plllyrie. II faut remarquer, chez Costa et Dimitz, qu’ils ont etudie avant tout les prescriptions des decrets et arretes, moins leur execution et leurs resultats. Dimitz (L.), Die forstliche Organisation wdhrend der franzdsi- schen Regierung in Illyrien (1809-1813), Wien, 1885, 4 0 , CF, XI, pp. 489-495 (Traduction croate : SL, Zagreb, X, 1886, 8°, pp. 170-176. Etude sur l’administration forestiere illyrienne et ses resul¬ tats d’apres l’arrete du 5 juin 1810 et un rapport du temps de la reoccupation autrichienne, par un ecrivain sylviculteur. Erber (Tullio), Storia della Dalmazia dal 1797 al 1814, III-IV, Zara, 1888-1889, 8°, 96, 72 pp. Histoire essentiellement politique de la Dalmatie, qui offre cependant quelques donnees utiles sur le regime illyrien et sur les Anglais en Dalmatie. Gavrilovi6 (Mih.), Ispisi iz pariskih arhiva (en ecriture cy- rillique) (Extraits des archives parisiennes), Beograd, 1904, 8°, ZIJK, 2 e sect., 1. 1 , XXIX, 842 pp. Ce recueil de documents, tires des Archives nationales et des Archives des Affaires etrangeres, concernant les rapports de la Serbie avec la France et son insurrection contre la Turquie, comprend aussi les affaires de la Bosnie, de sorte qu’il contient bon nombre de pieces sur le commerce du Le¬ vant. Gratzy (Oskar), Deitrdge zur Geschichte Krains im Kriegsjahr 1809, Laibach, 1896, 8°, MMVK, IX, pp. 195-208. — Ein Gebiihrenbuck aus der franzdsischen Verwaltung Krains , Laibach, 1896, 8°, MMVK,, IX, pp. 39-43. Une serie de decisions de 1809 et une contribution a 1’etude de l’administration de l’enregistrement et des do- maines. SOURCES XIX Gruber (Dane), Povijest Istre (Histoire de l’lstrie), Zagreb, 1924, 8°, BHZ, XXXVI, VII, 256 pp. Cette edition raccourcie, sans appareil scientifique, d’un ouvrage encore a publier, traite en quelques pages de 1 ’epoque franfaise en Istrie. — Stogodisnjica Napoleonove Ilirije (1809-1909) (Le centenaire de Plllyrie napoleonienne), Zagreb, 1910, 4 0 , S, V, pp. 221- 226, 335-338, 587-592, 643-646. Aperfu general, avec quelques details sur la Croatie illy- rienne Gruden (Josip), Ob stoletnici Napoleonove Ilirije (Pour le cente¬ naire de l’lllyrie napoleonienne), Ljubljana, 1909, 4 0 , C, III, PP-I4S-IS4- Resume tres net des motifs de la creation de l’lllyrie, de l’influence du regime fran9ais sur le pays et sur ses habitants, ainsi que du souvenir qu’il a laisse. Haumant (Emile), Les Franqais a Raguse, Paris, 1912, 8°, RP, mars-avril, pp.150-174. Le mot de « la conquete la plus oubliee de Napoleon », applicable a la Dalmatie jusqu’a Pisani, peut s’appliquer en¬ core aujourd’hui a l’lllyrie. Hermann (Heinrich), Handbucli der Geschichte des Herzogtums Karnten, III, 1 (1780-1835), Klagenfurt, 1857, 8°, 371 pp. Quelques pages traitent de la Haute Carinthie fran^aise. Hitzinger (Peter), Das Ouecksilber-Bergwerk Idria , von seinem Beginne bis sur Gegenwart, Laibach, i860, 8°, 86 pp. Esquisse de l’histoire de la mine de mercure d’Idrija. L’epoque fran9aise est traitee d’apres la tradition orale, les archives ne possedant pas de documents sur 1’exploitation pendant ces annees. Hoff (Heinrich Georg), Ilistorisch-statistisch-topographisches Gemdlde vorn Hersothume Krain u. demselben einverkibten Istrien, I, Laibach, 1808, 8°, 192 pp. Statistique de la Carniole et de 1’Istrie dans les annees anterieures a 1809. Jovanovic (Jovan P-.-), Napoleon i Jugosloveni (en ecriture cy- Pivec-Stelfe 25 XX LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES rillique) (Napoleon et les Yougoslaves), Novi Sad (1918), 8°, 170, VI pp. Tableau des rapports de Napoleon avec les divers pays yougoslaves, travail de seconde main ; pour l’lllyrie, il utilise Prijatelj et Vosnjak. Karl 16 (Petar), Kraljski Dalmatin (1806-1810) (Le Dalmate royal), Zadar, 1912, 8°, 167 pp. litude du Kraljski Dalmatin , premier journal croate, paru pendant l’epoque fran?aise. KestercANEK (Franc X.), Prilozi za povijest same i Sumskog gospodarstva kod Iirvata (Contributions a l’histoire des forets et de la sylviculture chez les Croates), Zagreb, 1882, 8°, §L, VI, pp. 57-67> n7-i34> 165-181, 279-301, 313-327. Un chapitre est consacre a l’administration forestiere illyrienne en Croatie et a ses effets. KiDRifi (France), Framasonske loze hrvaiskih zemelj Napoleonove Ilirije v porocilih dunajskega policijskega arhiva (Les loges ma^onniques des pays croates de l’lllyrie napoleonienne dans les rapports des Archives de la police a Vienne), Zagreb, 1915, 8°, R, 206, pp. 25-60. — Francosko ilirska loza prijateljev kraljaritnskegain Napoleona v Ljubljani (La loge franco-illyrienne des Amis du roi de Rome et de Napoleon a Ljubljana), Ljubljana, 1914, 4 0 , SL; XII, pp. 10-12, 58-60, 84-87. Ces deux etudes esquissent l’historique des loges ma- fonniques en Illyrie, et mentionnent leur tendance a creer un patriotisme franco-illyrien. Klec (Frida), Kranjska s posebnim ozirom na francosko med- vladje in zopetno zdruzitevs habsbursko monarhijo (La Carniole, specialement pendant la periode fran^aise et le retour a la monarchic habsbourgoise), Ljubljana, 1913, 8°, IMDL, VI, PP- 3 " 12 - Apercu de quelques pages sur la Carniole illyrienne d’apres les principaux auteurs de cette epoque. Koblar (Anton), Zgodovina zelezarstva na Kranjskem (His- toire de l’industrie du fer en Carniole), Ljubljana, 1892, 8°, LMS, pp. 178-200. L’auteur etudie en detail l’industrie du fer en Carniole SOURCES XXI jusqu’avant 1800, en ajoutant, cependant sans details, que, pendant l’epoque illyrienne, les mines de fer ont periclite. Kobler (Giovanni), Memorieper la storia della liburnica citta di Flume , II, III, Fiume, 1896, 4°, 235, XII, 301 pp. Cet ouvrage, fonde sur des sources imprimees et sur les documents des Archives municipals de Rijeka, traite en une quinzaine de pages de 1’epoque frangaise, mais en parle aussi ailleurs {passim). Kos (Milko), Telegraphe Officiel in njegove izdaje (Le Tele- graphe Officiel et ses editions), Ljubljana, 1926-27, 4 0 , GMD, A VII /VIII, pp. 5-12, L’etude la plus recente sur les editions frangaise, alle- mande, italienne et « illyrienne » du TeMgraphe Officiel des Provinces Illyriennes : en comparant les materiaux conser¬ ves a la Bibliotheque d’Etat et au Musee de Ljubljana, ainsi qu’aux Archives des Affaires etrangeres, l’auteur parvient a etablir que les editions italienne et allemande ont paru pendant quelque temps, tandis que l’edition illyrienne n’a jamais paru. KunsiC (Ivan), Ocenas zaFrancoze (Le Pater pour les Frangais), Ljubljana, 1897, 8°, 1 MDK, VII, pp. 131-132. Pater en allemand, enumerant 1 es griefs des paysans illy- riens contre les soldats de Napoleon. Larat (Jean), La tradition et Vexotisme dam Voeuvre de Charles Afofer (1780-1844), Paris, 1923, 8°, BRLC, IX, 430, VI pp. -— Bibliographic critique des oeuvres de Charles Nodier , suivie de documents inedits , Paris, 1923, 8°, BRLC, X, 144 pp. II y a quelques pages sur les influences illyriennes chez Ch. Nodier et, parmi les inedits, se trouve une lettre inte- ressante se rapportant au sejour de cet ecrivain a Ljubljana. LIsger (Louis), Laybach et le peuple Slovene , Lausanne, 1883, 8°, BURS, XVII, pp. 62-87. Ces notes de voyage ne manquent pas de reminiscences sur l’lllyrie. Lop asic (Radoslav), Karlovac, Zagreb, 1879, 8°, PKMH, VI, III, 243, XXXII pp. Flistoire de la'Ville de Karlovac, utilisant pour la pcriode I XXII LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES moderne les Archives municipales et la collection privee de documents de Lopasic. Pour notre sujet, elle renferme quel- ques pages sur 1 e commerce, la situation economique gene- rale, les routes, la question nationale et l’opinion publique de cette partie de la Croatie. Elle est importante parce que cette collection de Lopasic, qui etait originaire de Karlovac, parait avoir ete dispersee par la suite. Lowenthal (J.), Geschichte der Stadt Triest, II, Triest, 1859, 8°, VIII, 205 pp. Histoire de Trieste uniquement d’apres des sources impri- mees. Le chapitre IV traite de 1’interregne framjais. Statis- tique precieuse de la navigation des annees 1800 a 1820. Mainati (Giuseppe), Chroniche ossia memorie storiche sacro- profane di Trieste , VI (1809-1818), Venezia, 1818, 8°, 12, 277 PP- Plus d’une centaine de pages sur l’epoque franfaise, avec beaucoup de details sur la situation economique de Trieste. Maister (Karl), Osttirol unter franzosich-illyrischer Herrschaft (1810-1813), Lienz, 1926, 4 0 , Oil, III, pp. 55-59, 81-85, 97' 100. Etude speciale et unique relative a la partie de l’lllyrie que constituaient les cantons de Lienz et de Sillian, detaches du Tyrol. Elle est faite d’apres les documents de la mairie de Windisch-Matrei, bien conserves, tandis que celle de Lienz ne poss&de que tres pen de pieces de l’epoque illyrienne. Maixner (Rudolf), Charles Nodier i Ilirija (Charles Nodier et l’lllyrie), Zagreb, 1924, 8°, R, 229, pp. 1-47. L’etude contient des donnees sur le Telegraphe Officiel et les oeuvres de Nodier concernant l’lllyrie. — Charles Nodier en Illyrie , Paris, 1924, 8°, RES, IV, pp. 252- 263. C’est un raccourci de l’etude precedente. [De la Moussaye (Ludwig)], Kurze Statistik des Villacher Kreises. (Aus der franzosischen Handschrift seines vormaligen Intendanten... iibersetzt u. mil Anmerkungen begleitet von... Johann Jenull..), Klagenfurt, 1819, 8°, KZ, I, pp. 49-76. Statistique tres precieuse, vu la penurie des sources pour SOURCES XXIII la Carinthie illyrienne, du cercle de Beljak, dressee par 1 ’in- tendant Louis de la Moussaye en novembre 1810. Mullner (Alfons), Geschichte des Eisens in Inner-Osterreich von der Urzeit bis sum Anfang des XIX. Jahrhunderts, I : Krain, Gorz und Istrien, Wien und Leipzig, 1904, 4 0 , IX s 763 pp. Vaste ouvrage, tres precieux, sur l’histoire des mines et usines de fer de la partie principale de nos provinces. Les donnees statistiques sont comptees habituellement jusqu’a 1808 et reprennent apres 1813 ; il y a aussi pour l’epoque illyrienne quelques donnees tres importantes : on voit en detail comment la ruine des mines et usines, qui periclitaient deja fortement vers la fin du xvm e siecle, fut achevee par la politique economique fran^aise, pendant l’epoque illyrienne. Nagy (Josip), Diplomat sko snaeenje francuskcg dcla u hrvatsko povijesti (La signification diplomatique de l’epoque frangaise dans l’histoire croate), Zagreb, 1926, 4 0 , S, XIX, pp. 109- 117. Etude sur les negotiations diplomatiques des annees 1797- 1814, en tant qu’elles concernent les Croates. Navratil (J.), Die Guillotine in Laibach sur Zeit der fransdsi- schen Occupation von 1809-1813, Laibach, 1861, 4 0 , MHVK, XV 1 , pp. 95-96. La guillotine erigee a Ljubljana n’entra pas en fonction. Necasek, Vorschrift iiber den Unterricht und die Disciplin der Gymnasien am 10. Aug. 1810, Laibach, 1861, 4 0 , MHVK, XVI, pp. 29-31. Commentaire de l’arrete du 5 aout 1810 sur l’instruction publique. Nodier (Charles), Laybach, Paris, 1821, Quotidienne, i5janv. Cet article tres sympathique, ecrit a l’occasion du congres de Ljubljana, fut reproduit, sous le titre : Nachrichten fiber Laibach, par le Illyrisches Blatt (Laibach, 1821, n° 24-25), en meme temps avec une replique polemique, de B. R. Chroat : Einige Berichtigungen fiber Herrn Charles Nodiers Schilderung der Stadt Laibach. XXIV LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES Novak (Grgo), Split u svjetskom prometu (Split dans le commerce mondial), Split, 1923, 8°, 212 pp. Vue d’ensemble du commerce de Split depuis les temps celtes jusqu’a nos jours. II y a un assez grand nombre de don¬ nees pour l’epoque de la Dalmatie francaise (1806-1809) — prises surtout dans les rapports annuels du provediteur gene¬ ral Dandolo qui se trouvent au Musee de Split —, mais presque aucune pour la Dalmatie illyrienne (1809-1813). Novakovic (Stojan), Francuske sluzbene beleske o zapadno- balkanskim zemljama iz 1806-1813 (en ecriture cyrillique) (Rapports frangais des annees 1806-1813 sur les pays balka- niques occidentaux), Beograd, 1898, 4 0 , SP, XXXI, pp. 128- 152- D’un recueil de memoires sur la Turquie, l’auteur a chois> specialement les pieces concernant l’histoire politique, mais il y en a aussi concernant le commerce franco-illyrien. Pingaud (Leonce), La Jeunesse de Charles Nodier, Paris, 1919, 8°, 279 pp. Quelques donnees sur Nodier comme directeur du Tele- graphe Officiel et bibliothecaire de la Bibliotheque lyceale (aujourd’hui Bibliotheque d’lvtat) de Ljubljana. Pisani (Paul), La Dalmatie de 1797 a 1815, Paris, 1893, 4 0 , XXXVI, 490 pp. La III e partie de cette these (pp. 331-481) traite de l’epoque illyrienne en Dalmatie. Ce travail a epuise les archives de Dalmatie et utilise les Archives provinciales et municipales a Ljubljana, les Archives d’Ltat, de la Guerre et de l’lnte- rieur a Vienne, les Archives nationales, surtout le carton AF 1713, les A-chives des Affaires etrangeres et de la Guerre. Dans l’etude detaillee du decret du 15 avril 1811, les chapitres sur les forets, ponts et chaussees, postes, etc., nous interessent particulierement. Parmi les cartes annexees, il y en a aussi une petite de l’Ulyrie. — Les journaux frangais dans les provinces illyriennes pendant lapiriode imperiale, Paris, 1887, 8°, BC, VIII, pp. 433-435. Donnees bibliographiques sur les journaux illyriens. Pivec (Melitta), Doneski k Layerjevi biografiji (Details pour SOURCES XXV servir a la biographie de Layer), Ljubljana, 1923, 8°, ZUZ, III, 127-128. Deux rapports, tires des Archives provinciales de Ljubljana, de l’intendant Fargues sur Farrestation a Kranj, en Haute- Carniole, du peintre Leopold Layer, qui avait fabrique de faux billets de banque. ■— Drobtine iz las a Napoleonove Ilirije (Fragments du temps de 1 ’Illyrie napoleonienne), Ljubljana, 1923-1924, 8°, C, XVIII, pp. 49-54. Caracteristique de quelques personnages eminents de la societe de Ljubljana d’apres le rapport de Pellenc, agent de la police secrete. — lllyrica v Chatillonu-sur-Seine (Illyrica a Chatillon-sur- Seine), Ljubljana, 1924-1925, 8°, C, XIX, pp. 24-26. Inventaire sommaire des documents concernant l’lllyrie, a la Bibliotheque municipale de Chatillon-sur-Seine. — Illyrica v drzavni licejski knjiznici v Ljubljani (Illyrica a la Bibliotheque lyceale de Ljubljana), Ljubljana, 1926-19- 27, 40, GMD, A VII/VIII, pp. 53-54. Resume de materiaux nouveaux concernant l’instruction publique et la censure generale de l’Ulyrie. — Latinska jeremiada iz dobe francoske Ilirije (Jeremiade latine du temps de l’lllyrie franfaise), Maribor, 1925, 8°, CZN, XX, pp. 96-97. Document curieux sur l’opinion publique en - forme de Paler latin, enumerant les griefs des paysans croates contre les soldats de Napoleon. II est apparente au Pater allemand, deja cite, mais non identique. — Op is Kratijske iz leta 1811 (Statistique de la Carniole de 1811), Ljubljana, 8°, 1925-1926, C, XX, pp. 261-262. Essai statistique sur la Carniole, par Toussaint, commis- saire general de police a Ljubljana. — Prispevek k vprasanju 0 javnem mnenju v francoski Iliriji (Contribution a la question de l’opinion publique en Ulyrie fran9aise), Ljubljana, 1926-1927, 6, XXI, pp. 161-166. Publication du rapport extremement interessant de Pellenc, agent de la police secrete, sur Fopinion publique en lllyrie. XXVI LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES — Spomenica o gospodarskem polozaju ilirske Dalmacije (Me- moire sur la situation economique de la Dalmatie illy- rienne), Zagreb, 1927, 4 0 , VAZ, II, pp. 171-177. Memoire interessant d’octobre 1811, ecrit a Zadar (1). Planinc (Anton), Nekdanje brodarstvopo Savi (L’ancienne navi¬ gation sur la Save), Ljubljana, 1913, 4 0 , Ca Nv, V, pp. 123- 136. Donnees sur la navigation sur la Save, anterieures a notre epoque, mais encore utiles, vu le peu de changements sur- venus dans ce domaine. Polec (Janko), Kraljestvo Ilirija (Le Royaume d’lllyrie), I, Ljubljana, 1925, 8°, SK, VI, XII, 337 pp. Premiere etude sur l’lllyrie autrichienne, fondee sur les documents des Archives de l’lnterieur et de l’fitat a Vienne, accessibles seulement depuis 1918. Elle traite des preparatifs de reorganisation et de la division territoriale et administra¬ tive ; en detail, elle ne s’occupe que de la Carniole. Ce travail est interessant par ses importantes remarques concernant l’lllyrie napoleonienne (dans l’introduction) et parce qu’ii traite des motifs de la creation de cette seconde Illyrie. La carte annexee a aussi paru separement. (Voir au cha- pitre des cartes). — Ljubljansko visje solstvo v preteklosti in borbaza slovensko uni- verzo (L’histoire de l’enseignement superieur a Ljubljana et la lutte.autour de l’Universite Slovene) Ljubljana, 1929, 4 0 , Zgodovina slovenske utiiverze v Ljubljani do leta 1929 (L’his¬ toire de l’Universite Slovene a Ljubljana jusqu’en 1929), pp. 1-229. L’etude detaillee de 1’enseignement superieur de l’lllyrie napoleonienne, fondee principalement sur les documents de la Bibliotheque d’Ittat, represente l’un des chapitres les plus importants. (1) Signalons encore a titre de complement : Pivec-Stele (Melitta), Molivi ustanovitoe Napoleonone Ilirije (Motifs de la creation de l’llly¬ rie napoleonienne), Zagreb, 1930, 8°, Etudes Adriatiqu’s, publiees a l’occasion du III e Congres des geographes et ethnographes slaves, pp. 91 - 95 - SOURCES XXVJI Popovid (Vasilj), Trgovina i promet Bosne u Napoleonovo doba (en ecriture cyrillique) (Le commerce de la Bosnie pendant l’epoque illyrienne), Beograd, 1929, 4 0 , SP, LXIX, pp.85-91. L’auteur publie deux rapports du consul d’Autriche a Travnik, qui renferment des renseignements precieux sur le commerce franco-illyrien en Bosnie pendant I’annee 1812. Prijatelj (Ivan), Slovenscina pod Napoleonom (La langue Slo¬ vene sous Napoleon), Ljubljana, 1911, 4 0 , V, I, pp. 27-42. I2 5 _I 37> 223-237, 320-336, 417-435, 584-600. Cette etude, qui utilise surtout la correspondance entre le slaviste Kopitar, alors a Vienne, et le baron Zois, a Ljub¬ ljana, traite le cote national, si l’on peut employer ici ce terme d’aujourd’hui, de l’lllyrie, et specialement 1’eveil national des Slovenes par 1 ’introduction de la langue nationale dans l’ins- truction publique. II offre, en etablissant l’impression profonde de ce fait sur les esprits, une aide precieuse pour connaitre l’esprit public (Compte rendu par M. Pivec, REN, 1925). Puchleitner (Seraphine), Die Territorialeinteilungder Illyrischen Provinz Krain unter franzdsischer Verwaltung (1809-1814), Laibach, 1902, 8°, MMVK, XV, pp. 103-122,129-144. Travail sur la division territoriale de la Carniole illyrienne, et aussi en general des Provinces Illyriennes ; reconstruc¬ tion interessante des communes de la Carniole fran9aise, qui ne se trouvent pas au Telegraphe Officiel, d’apres les divisions anterieures de Marie-Therese et de Joseph II. Radios (P. von), Die k. k. Post in Krain und ihre geschichtliche Entwicklung , Laibach, 1896, 4 0 , 151 pp. Une quinzaine de pages traitent du developpement de la poste en Carniole pendant l’epoque illyrienne, d’apres les arretes publies au Telegraphe Officiel. [Rohrer, (Jos.)], Versuch iiber die slawischen Bewohner der oster- reichischen Monarchic , I, II, Wien, 1804, 8°, VIII, 168, 166 pp. Statistique specialement ethnographique avec quelques donnees economiques. Rossetti (Domenico), Delle saline di Trieste ; considerazioni sulk loro storia e legislazione, Trieste, 1891-1895, 4 0 , AT, XXVIII LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES XVII, pp. 439-467, XVIII, pp. 99-137, 385-422, XIX, pp. 209-260, 371-418, XX, pp. 137-170. Ces considerations renferment quelques pages sur la situation des salines de Trieste pendant l’epoque illyrienne et les pieces les concernant tirees des Archives municipales de Trieste. — Meditazione storico-analitica sulle franchigie della citta e porto-franco di Trieste dell’anno 949 fino all’anno 1814, Venezia, 1815, 8°, 314 pp. La description chronologique, ce qui est extremement caracteristique, cesse le 14 octobre 1809 et recommence le i4octobrei8i3.L’auteur dit que cet intervalle est trop connu pour qu’on en parle. Interessantes sont la liste des privileges avant 1809 et leur restauration en 1813. Rus (Joze), Napoleon ob Soci (Napoleon a la Soca), Ljubljana, 1929,12° 40 pp. Les pensees de Napoleon concernant la Soca comme fron- tiere strategique entre 1’Illyrie et l’ltalie constituent la contribution la plus precieuse de cette etude. — Prebivalstvo in obseg francoske Ljubljane v primeri z danasnjo (Population et etendue de la Ljubljana frangaise, comparee a celle de nos jours), Ljubljana, 1928, 8°, GV, III, pp. 103-112. Le but de cet article est de demontrer et d’expliquer l’agrandissement de Ljubljana pendant les annees de 1 ’Illyrie. [Schemerl (Joseph von)], Vorschldge zur Erleichterung und Er- weiterung der innlandischen Schifffahrt und des Handels im Erbkaiserthum Oesterreich oder : welche Massregeln hat Oesterreich zu ergreifen um sich fur den durch die Abtretung des Kiistenlandes und seiner Haven erlittenen Verlust der Unabhangigkeit seiner von Seite des adriatischen Meers be- stehenden Aus-und Einfuhrswege zu entschcidigen, Uberhaiipt aber durch die Erleichterung seines Produkten-und des wichti- gen Durchzugshandels seinen Wohlstand moglichst zu erhohen ? Wien und Triest, 1810, 8°, 200 pp. Cet ouvrage au long titre a paru anonyme, mais le nom de l’auteur est deja nomme dans un compte-rendu (bon resume, par Prechtl) dans YArchiv fiir Geographic , Histone , Staats- und Kriegskunst de Hormayr, Wien, I (1810), 4 0 , (pp. 357- SOURCES XXIX 359). L’auteur, conseiller aulique, a esquisse tres nettement les dependances economiques entre 1 ’Illyrie et l’Autriche. II compte •— vu ces relations dont depend la floraison des ports illyriens — que le Gouvernement illyrien ne fera pas de difficultes douanieres ; mais, pour ne pas dependre de la bonne volonte d’une puissance etrangere, il propose toute une serie de mesures concernant la navigation interieure en faveur du commerce autrichien, auquel PAdriatique est, pour ainsi dire, fermee. C’est une donnee precieuse pour le chapitre des contre-mesures autrichiennes. Schmidt (Charles), NapoUon et les routes balkaniques, Paris, 1912,8°, RP, pp. 335-352. Etude precieuse des routes du commerce levantin d’apres des documents tires des Archives nationales. Spinch5 (Vjekoslav), Narodni preporod u Istri (La renaissance nationale en Istrie), Zagreb, 1924, 8°, BHZ, XXXVI, pp. 259-292. Le reveil national s’est effectue dans l’Istrie plus tard que dans les pays voisins, dont elle a refue des impulsions. Strika (BoSko), Francuska doba u Hrvatskoj (L’epoque fran- faise en Croatie), Zagreb, 1924, 8°, 6 pp. Notice sur la poste en Croatie pendant l’epoque franfaise, avec la carte de Pisani. Suppantsci-iitsch (Johann Anton), A.usflug von CillinachLich- tenwald , Cilli, 1818, 8°, 142 pp. Notice interessante sur le role de la Save comme frontiere entre 1 ’Illyrie et l’Autriche. (Utilisee dans l’esquisse : Fran Ilesic, Nasa Sava, avstrijsko-francoska meja za Napoleonove « Ilirije » (Notre Save, frontiere austro-franfaise du temps de 1 ’Illyrie napoleonnienne), Maribor, 1904, 8°, CZN, I, pp. 189-191). Semrov (Fr.), Ljubljanska posta (La poste de Ljubljana), Ljubljana, 1927, 12°, 96 pp. Cette etude du developpement de la poste en Slovenie renferme quelques pages, traitant plusieurs mesures prises en matiere postale, d’apres le Telegraphe Officiel. Slsic (Ferdo), Neke stranice iz novije nase historije (Quelques XXX LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES pages de notre histoire recente), 1797-1814, Zagreb, 1909, 8°, HK, V, pp. 192-278. C’est 1 ’histoire de la Dalmatie et des regiments des confins pendant l’epoque indiquee. Skerbinec (Silvester), Promet , trgovina in obrt v Iliriji (Com¬ merce et industrie en Illyrie), Ljubljana, 1906, 4 0 , DS, XIX, pp. 466-469. Esquisse courte, mais tres nette, des mesures de politique economique en Illyrie. Sa source, qui n’est pas citee, parait etre le Telegraphe Officiel. Smid (Walter), Der bildliche Schmuck der krainer Bienenstocke, Laibach, 1905, 8°, MMVK, XVIII, pp. 103-108. Le souvenir de l’lllyrie franchise s’est conserve avec hu¬ mour dans les peintures des ruches en Carniole. Tamaro (Attilio), Storiadi Trieste , II, Roma, 1924, 4 0 , 678 pp. Le chapitresur la periode napoleonienne constate les pertes economiques et les benefices nationaux. II y a beaucoup d’illustrations de Trieste, mais pour la plupart anterieures a notre epoque(i) Tavzes (Janko), Slovenski preporod pod Francozi (La renais¬ sance Slovene sous les Frangais), Ljubljana, 1929, 8°, 53 pp. L’influence de 1 ’epoque illyrienne sur le reveil national des Slovenes, surtout par les journaux et par l’instruction, est le sujet de cette etude tout a fait recente, qui s’appuie princi- palementsur les materiaux nouvellement trouve a la Biblio - theque d’Etat de Ljubljana (Resume francais). Urlic (Sime), Je li « Telegraphe officiel des Provinces Illyriennes» izlazio na srpsko-hrvatskom jeziku ? (Le « Telegraphe officiel des Provinces- Illyriennes » a-t-il paru en langue serbo- croate ?), Beograd, 1921, 8°, PK.JIF, I, pp. 196-202. Se fondant sur des documents tires des archives de Zadar, (1) Pour Trieste, il est cite plusieurs ouvrages, dont les plus anciens renferment des renseigneraents qui nous intdressent et que les plus rdcents ont omis. En gdneral, ils ont les memes chiffres statistiques, et le fait que les plus recents de ces ouvrages n’y ajoutent rien, sensible indiquer qu’il n’existe pas de matdriaux supplementaires aux archives. Les archives du consulat frangais a Trieste ont dtd einportdes en 1813 par les Autrichiens. (Voir auchapitre ; Archives d’Etat de Vienne). SOURCES XXXI l’auteur conclut que c’est seulement un prospectus du Telegraphe Officiel qui a paru aussi en langue « illyrienne ». Vanicek (Fr.), Spezialgeschichte der Militdrgrenze aus Original- quellen und Quellenwerken geschopft, IV, Wien, 1875, 8°, VIII, 601 pp. L’histoire des Confins militaires pour nos annees traite principalement des guerres — de 1809 et 1810 contre les Turcs, sous Marmont ; de 1812 et 1813 —■ et en quelques pages aussi des manufactures, etc. de la partie autrichienne, ce qui s’applique aussi a la partie franchise. Mais elle n’apporte dedications statistiques que pour avant 1809 et apres 1813. Vojnovic (Lujo), Pad Dubrovnika (La chute de Dubrovnik), II (1807-1815), s. 1 . et a., 8°, XII, 452 pp. L’epoque illyrienne n’est mentionnee qu’en peu de lignes. Vosnjak (Bogumil), Ustava in uprava ilirskih dezel (Constitu¬ tion et administation des Provinces Illyriennes), 1809-1813, Ljubljana, 1910, 8°, ZMS, XII, 285 pp. Vaste etude fondee sur les series F IE , 61-67 et AF 1 * * IV , 1713 des Archives nationales et sur les Archives municipales de Ljubljana et de Karlovac. La premiere partie est purement theorique (le droit de l’Empire) ; la seconde traite de Impli¬ cation des lois fran9aises en Illyrie ; le chapitre VIII, (pp. 210-224) de la politique economique de Napoleon dans ce pays. Uhe petite carte des Provinces Illyriennes est annexee(i). (Compte-rendu par M. Pivec, REN, 1923, II, pp. 153 et suiv.). Vrhovec (Ivan), Colnarji in brodniki na Ljubljanici in Savi (Ba- teliers et bachoteurs sur la Ljubljanica et sur la Save), Lju¬ bljana, 1895, 8°, ZKSM, IX, pp. 97-143. Esquisse de la navigation sur la Save et sur la Ljubljanica, avec quelques donnees pour notre periode. -— Zgodovina pcste na Kranjskem (Histoire de la poste en Car- niole), Ljubljana, 1888, 4 0 , LZ, VIII, pp. 652-662, 717-724. Quelques pages mentionnent quelques-unes des decisions (1) Du meme auteur ont paru deux ouvrages de propagande pendant la guerre mondiale : A bulwark against Germany (London, 1917, 16 0 , 270 pp.), et Un rempart contre VAllemagne (Paris, 1918, 8°, 200 pp.). Tous deux contiennent tin chapitre sur les Frangais en pays Slovene. XXXII LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES en matiere postale de l’epoque illyrienne d’apres le Tele- graphe Officiel. Woltersdorf (E. G. J.)], Die Illyrischen Provinzen und ihre Einwohner , Wien, 1812, 8°, 579 pp. Ouvrage statistique dont les donnees sont prises presque exclusivement a la periode autrichienne et ne peuvent etre utilisees pour l’epoque de l’lllyrie franfaise, ou les change- ments sont tres grands. Le travail se ressent aussi fortement de ce que l’auteur ne connait pas les regions en question. Ce n’est qu’une compilation, d’apres plusieurs ecrivains, pour la plupart allemands. II n’est pas surprenant que l’exemplaire , du baron Zois, a Ljubljana, porte la remarque que les noms geographiques slaves, dus a la cooperation du slaviste Kopitar, en forment la meilleure partie. Franc Kidrie a souligne cette circonstance dans un compte-rendu : Kranjski sotrudnik knjige Die Illyrischen Provinzen und ihre Einwohner (Le collabora¬ tes carniolien du livre Die Illyrischen Provinzen und ihre Einwohner ), Ljubljana, 1910, 4 0 , Ca Nv, I, pp. 97-101). Mais le livre est, aupres de celui de Demiani, symptomatique de 1’interet qu’eveillait le nouvel fitat — quoique, en general, on ne lui pretat pas une longue vie. Znidersic (Jakob) et Torkar (Matija), Litanije Napoleonove (Litanies de Napoleon), Ljubljana, 1884, 8°, LZ, IV, pp. 368-370, 446. Griefs des Illyriens contre Napoleon, en forme de litanies, en Slovene, mentionnant le rencherissement du sel et du tabac et la mise a feu des marchandises anglaises. II n’existe pas de monographie sur l’lllyrie, ni en franfais, ni en allemand, pas plus qu’en langues Slovene, croate ou ita- lienne. Berg, Francfort, la Westphalie ont eu leurs monogra- phies ; mais l’lllyrie est restee la conquete la plus oubliee de Napoleon. Pourtant i! y a quantite d’etudes speciales d’auteurs indi¬ genes. (1) C’est une masse presque irritante. Cependant, on 1 (1) Le i2o e anniversaire de l’lllyrie napolfonienne, fct^e a Ljubljana par l’erection d’une colonne a l’lllyrie et a Napoleon, a provoque plu¬ sieurs articles sur l’lllyrie, pour la plupart resumes. Nous signalons ici SOURCES XXXIII peut dans ce chaos apparent d’elements heterogenes, apercevoir une certaine evolution. D’abord ce sont des notices nees de la simple curiosite. Les differences de 1’administration, de la justice, etc., de cette epoque frappaient 1’imagination et sollicitaient les recherches. Les guerres, qui abondent dans ces annees, attiraient egalement l’attention. Plus recemment, des etudes serieuses ont ete entreprises au sujet de l’influence de 1’Illyrie sur le reveil national, de son opi- nion publique, de sa constitution et de son administration. Neanmoins, toutes les provinces ne sont pas etudiees avec le meme detail. C’est la Carniole, noyau de l’lllyrie, avec sa ca- pitale, Ljubljana, qui a inspire le plus grand nombre de ces travaux speciaux ; la Dalmatie a inspire, le travail exhaustif de Pisani; la Croatie militaire, 1 ’etude de Boppe. D’autres regions, comme la Croatie civile, l’Istrie, la Carinthie, les villes de Trieste et Rijeka, doivent se contenter de chapitres plus ou moins detailles dans des vues d’ensemble. Presque tous ces ouvrages effleurent Phistoire economique dans une mesure plus ou moins large (2) ; mais ils l’effleurent seulement;—ce n’est jamais elle qui est le centre de 1’interet. D’autre part, diverses branches de la vie economique des regions illyriennes ont ete etudiees a part. Et c’est un fait re- marquable que bon nombre de ces monographies, qui datent des temps les plus recules jusqu’a nos jours, ne donnent aucun les plus importants a titre de complement : Mai (Josip), Francozi na Slovenskem (Les Franqais en Slov6nie), Paris, Jugoslavia u Fransus- koj (La Yougoslavie en France), 1929, pp. 15-23 ; Tvrtkovic (Mirko), Napoleon i Jugoslavia (Napoleon et la .Jougoslavie), le meme alma¬ nack, p. 11-14 ; Sisic (Ferdo), Francuska vladavina u Dalmaciji (en ecri- ture cyrillique) (La domination franjaise en Dalmatie), Beograd, Politika (La Politique), 1929, n° 7737 ; Vosnjak (Bogumil), Napoleonova Ilirija (L’lllyrie napoleonienne), Beograd, Narodna Odbrana (La Defense na- tionale), 1929, pp. 696-697, 710-711 ; Warmer (R.), Napoleon et les You- goslaves, Marseille, La Mediierranee, 1930, janvier ; Svetel (Blaz), Napoleon in Slovenci (Napoleon et les Slovenes), Ljubljana, Slovcnski Narod (La Nation Slovene), 1929, n° 232. Ce dernier article s’occupe specialement de notre sujet. (2) N’ont iti omises que quelques notices tout a fait etrangeres a notre sujet et les revues generates qui ne disent de l’lllyrie que quelques mots. XXXIV LA VIE ECONOMIQUE DES PBOVINCES ILLYRIENNES renseignement sur les annees 1809-1813, ce qui est du probable- ment a la perte des archives dont on parlera plus tard. Mais la synthese fait defaut — pour l’histoire economique comme pour l’histoire generate de l’lllyrie. D. — Recueils, journaux, CARTES ET PLANS, IMPRIMIS CONTEMPORAINS Recueils Bulletin des Lois. — La serie IV renferme les decrets sur l’lllyrie, pour la plupart relatifs a l’administration et a la justice, ainsi qu’un nombre tres restreint de decrets concernant notre sujet. Duvergier (J. B.).—- Collection complete des Lois, Decrets, Ordonnances, Reglements, Avis du Conseil d’fitat. Les tt. XVI, XVII et XVIII renferment a peu pres parmi le decrets utiles pour nous les memes que le Bulletin des Lois. Arrete de S. E. le Gouverneur General des Provinces Illyriennes du 5 mars 1812. Pris sur la proposition de M. le baron de l’Empire Coffinhal commissaire general de la justice en Illyrie. Imprime en trois langues avec Autorisation et Pri¬ vilege particulier. Trieste, [1812], 4 0 , 224 pp. Cet arrete represente une liste de tous les lois, decrets etc., qui entrerent en vigueurle i er janvier 1812 en Illyrie, et ne renferme que deux decrets speciaux pour l’lllyrie, ceux du 15 avril et 18 septembre 1811. Texte en frangais, allemand et italien. Recueil de lois , decrets , et avis du conseil d’etat concernant Ven- registrement , le timbre , les droits de greffe et les hypotheques. Trieste, 1812, 8°, 447 pp. Ce recueil, qui va de Pan VI jusqu’a 1812, ne renferme qu’un decret special pour l’lllyrie, celui du 30 septembre 1811, sur l’organisation judiciaire. Recueil de lois, decrets et reglements a l’usage des Provinces Illyriennes de l’Empire. Paris, 1812, 8°, 9 bulletins en 14 vo¬ lumes. Titre et texte en franQais et en italien. Ce recueil special pour les Provinces Illyriennes n’apporte SOURCES XXXV neanmoins que peu de decrets particuliers pour l’lllyrie — et ceux-ci ne concernent egalement que l’administration generale et judiciaire — et ne va que jusqu’au 9 janvier 1812. Vosnjak, dans la preface de sa Constitution dit que les decrets et arretes concernant les Provinces Illyriennes ne sont pas reunis en recueil, et en depit du recueil special cite ici cette affirmation garde sa valeur, car on peut dire que les decisions les plus importantes pour notre sujet y manquent. Journaux (1) Kraljski Dalmatin (Le Dalmate Royal), II Regio Dalmata. Hebdomadaire, ayant paru du 12 juillet 1806 au i er avril 1810, a Zadar, en croate et en italien. Ce premier journal croate ' n’est interessant pour nous que vers la fin de son existence (1809-10) par ses articles sur 1’agriculture, le commerce et les salines. II fit place au Telegraphe Officiel. . Laibacher Zeitung. Bi-hebdomadaire, paraissant a Ljubljana, a l’imprimerie Kleinmayr. Par ordre superieur, ce journal s’efface vers la fin de 1810, ou plutot fusionne le i er janvier 1811 avec le Telegraphe Officiel , dont il forme 1 ’edition alle- mande. (Apres la reoccupation autrichienne, la Laibacher Zeitung reparait). Jusqu’a l’apparition de l’organe officiel, il contient les publications officielles, decrets, arretes, avis, surtout sur le paiement de la contribution de guerre, les ventes publiques, etc. En relation avec la Laibacher Zeitung paraissait — et avec elle cessa — le Laibacher Wochenblatt , hebdomadaire, destine aux causeries et a l’instruction. Le 'Telegraphe Officiel. Offizieller Telegraph. Il Telegrafo Offi- ciale. • — Journal bi-hebdomadaire, paraissant a Ljubljana, a l’imprimerie du Gouvernement (a deux reprises pendant quelque temps a Trieste) du 3 octobre 1810 au 22 septembre 1813. Ses redacteurs. furent successivement Benincasa, Beaumes, Paris et Ch. Nodier. D’apres son programme, il (1) Voir pour les journaux, les articles de Pisani, Kos et Urli6, 1’etude de Karlic, les travaux deLarat, Maixner, Prijatelj etTavzes. Pivec-Stelfe 26 XXXVI LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES devait paraitre en franfais, en allemand, en italien et en illy- rien, c’est-a-dire en Slovene ou croate. On a des exemplaires de ce journal dans les trois premieres langues, tandis qu’on n’en a pas encore trouve en illyrien, a l’exception toutefois du prospectus du i er septembre 1810 (i). On s’est beaucoup plaint — les contemporains comme leurs successeurs — de ce journal, le qualifiant de feuille seche, peu interessante et mal redigee. Tout cela peut etre vrai : c’est en effet un journal pure- ment officiel et sounds a une censure tres severe ; mais, pour notre sujet, c’est une source extremement riche. On y trouve : bon nombre de decrets et arretes, non inseres dans les re- cueils ; de nombreux avis au commerce, soit du directeur des douanes illyriennes, soit du consul franfais de Trieste ou des intendants ; des articles sur le meme sujet, tires en partie du Moniteur et du Journal de VEmpire ; une statistique suivie de la navigation de Trieste et de Rijeka; les annonces de mise a feu des marchandises anglaises; des avis d’affermages et de ventes des domaines, etc. II est seulement regrettable qu’on n’apprenne pas aussi le resultat de tant d’efforts tendus vers le meme but. Si cela etait, la partie economique serait un miroir tout-a-fait fidele de la situation et une rectification absolue de la partie politique, comme dans les journaux de nos jours. L’Osservatore Triesiino. — Bi-hebdomadaire paraissant a Trieste (2). Les articles ont la meme tendance que ceux du Telegraphe Officiel , qui les a reproduits a plusieurs re¬ prises (3). II n’y avait en Illyrie que des journaux officiels. Tous ont le meme schema : decisions du Gouvernement, nouvelles mili- (1) Ce journal, trfe rare, se trouve presque au complet k la Biblio¬ theque d’Ctat, en partie a la Bibliotheque du Musde de Ljubljana ; quelques numfros sont conserves aux Affaires etrangeres, a Paris (Autriche, 55). (2) La collection complete se trouve a la Bibliotheque municipale de Trieste. (3) Vu l’identitd de vues des deux journaux, je n’ai consult^ que le Telegraphe Officiel qui est l’organe principal. SOURCES XXXVII taires, qui y trouvent une large place, et nouvelles de l’interieur et de l’etranger, soigneusement tamisees. Ces joumaux n’ont pas d’importance par leur valeur journalistique •— ■ plutot mediocre — , mais ils sont precieux pour la connaissance des mesures gouvernementales et, en partie, en tant que premiers journaux en langue nationale, ils sont aussi un facteur du deve- loppement de l’opinion publique. Cartes et plans (i) Capellaris, Carta generate dell’Illyria, Wien-Pesth, 1812. Pagani (Dominico), Carta delle Provincie Illiriche , co loro di- versi stabilimenti e con una parte degli stati limitroji. Compilata per ordine Superiore nel deposito della guerra del Regno d’Italia nell'anno 1813. Palma (Gaetano), Carta delle provincie illiriche delVimpero Francese, Trieste, 1812. Carte des Routes Imperiales des Provinces lllyriennes divi- sees en 3 classes , signee par Blanchard, Ljubljana, le 20 no- vembre 1812, aux Archives nationales F 14 , 1030, 2 e dossier- Carte de la Carniole, 1813, aux Archives nationales F IE , 62, i er dossier. Plan de la ville de Laibach pris par les eleves de la classe de mathematique et de dessein aux ecoles centrales de Laibach. Dessine par Jean Scherrer, 1811, au Musee de Ljubljana. Plusieurs cartes manuscrites sont conservees a la Biblio- theque municipale de Chatillon-sur-Seine : Carte d’une partie de la Turquie d’Europe et des Provinces de Dalmatie , Raguse et Cattaro, avec les routes , 1807 ; Carte militaire et marine de la Dalmatie , 1806 ; Carte topographique d’une partie des Provinces lllyriennes contenant I’Istrie ex-venitienne, sans date. Les cartes jointes aux ouvrages de Boppe, Pisani, Polec et Vosnjak ont ete deja citees. Schrader (F.), Atlas de geographic historique, Paris, 1896, con- tient egalement une petite carte de l’lllyrie. Polec (Janko), Slovenski delfrancoskellirije. ZJpravnarazdelitev 1811-1813 (La partie Slovene de l’lllyrie franchise. Division (1) Les cartes manuscrites sont insdrdes ici pour simplifier l’expose. XXXVIII LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES administrative 1811-1813), Ljubljana, 1927, IS, III, 43. Reconstitution d’apres les travaux de la commission qui organisait l’lllyrie autrichienne. On sait qu’il existe plusieurs cartes contemporaines et poste- rieures, imprimees et manuscrites, des Provinces Illyriennes. Mais aucune ne correspond exactement au but de notre etude, c est-a-dire ne fait connaitre le reseau des routes et les etablisse- ments les plus importants pour la vie economique de l’lllyrie. Les cartes manuscrites sont trop grandes, les cartes imprimees trop petites. La carte des routes et cede de 1 Etat-Major italien repondraient en partie a notre objet ; mais elles ont egalement trop d’etendue. C’est pourquoi il a ete necessaire de faire dessi- ner, d’apres les indications des archives, une carte des routes avec 1’indication des mines, salines, usines et lignes de douanes. Imprimis contemporains de contenu litteraire (L) et de contenu economique (E) Appendini (Urbanus), Carmina , Ragusii, 1811, 8°, 344 pp. (L). Avis au public sur le systeme et les regies des jeux de la loterie imperiale de rillyrie, Laybach, s. d., 8°, 10 pp. (E). Le meme en allemand et en italien. Berechnung der Gulden in die Franks und Franks in die Gulden , Laibach, 1810, 8°, 20 pp. (E). Berechnung der Gulden in die Franks und Franks in die Gulden , nebst den Geld-Tariff Laibach, 1810, 8°, 26 pp. (E). Bolaffio (Joseph V.), Reduction der Wiener-Gulden in feme Miinz nach dem mittleren Course , wie solcher durch General- Dekret vom 6 . Mars 1810 bestimmt warden, von Monat zu Monat berechnet , in progressiver Ordnung vom Oktober 1799 bis 15. Mdrz 1810..., Triest, 1811, 8°, 49 pp. (El. — Reduction aller in der von S. E. dem II. Marschall fiir die Illyrischen Provinzen vorgeschriebenen Miinztariff enthaltener Gold-Silber-und anderer Miinzsorten , mil dem angezeigten wechselseitigen Verhciltnis in Franken , Gulden und sogenannten Lire piccole venete zum Gebrauch der offentlichen Kassen und fiir die Kaufleute..., Triest, 1811, 8°, 46 pp. (E). — Le meme en italien. SOURCES XXXIX — Sapopadik snideniga razhuna dunejskih goldinarjev , proti gotovjmu dobrimu dnarju... (Tableau de conversion des florins de Vienne en bon argent...), V Terstu, 1811, 8°, 49 pp. ( 15 ). — Tableau de conversion des francs en florins d’Autricke,sur la proportion de 256 francs pour 99 florins (et vice-versa), Trieste, s. d., 8°, 29 pp. (l 5 ). — Meme tableau en italien. De Crampagna (Joseph ), Bemerkungen iiber den gegenwdrtigen Zustand der Banco-Zettel, Laibach, 1810, 8°, 4 pp. p£ 5 ). Franul de Weissenthurn (Vincenzo), Saggio Grammaticale Italiano-Cragnolino , Trieste, 1811,8°, 355 pp. (L). Kluzh sa srajtat tega skus Ferordengo tega Vjsokiga General Gu¬ bernia teh Illyrisch Deshella, vendanu u Terst) ta 5. Marzia 1810 ; sa vsakMesz odlozhenga kursa od Duneja do Augsburg (Tableau de conversion des florins de Vienne en florins d’Augsburg pour chaque mois, d’apres Parrete du Gouverne- ment general des Provinces Illyriennes du 5 mars 1810). Rest£ manuscrit aux Archives provinciales de Ljubljana, F3. (£). Preschern (Jacques Alexandre), Tarif des Monnaies arrete par S. E. ... Due de Raguse... en Francs et Florins, regie par les arretes du 28 juin. 2 novembre, 19 decembre 1810 et 9 septembre 1811, et reduit en livres de Venise, avec les tableaux de conver¬ sion des livres de Venise en Francs et Florins, des Francs en Livres de Venise et Florins , des Florins en Francs et Livres de Venise, s. 1 . et. a., 8°, 6 pp. (l 5 ). Rasti6 (Danilo), Regulament zadrzavanja muHtranja i manevre peSaka od 1. kolovoza 1791. (Reglement pour Penrolement et les manoeuvres des fantassins du i er aout 1791), Karlovac, 1811 (L). Star£evi£ (Sima), Mozin nova ricsSslovnica iliricsko-francezka... na potribovanje vojnicske mladosti iliricskih darxavah (Mozin, Nouvelle grammaire illyrienne-franfaise a Pusage de la jeu- nesse militaire des Provinces Illyriennes), U Tarstu, 1812, 8°, 311 pp. (L). Stato de’ cambiamenti alia Tariffa delle Dogane per le Provincie Illiriche, Trieste, 1812, 8° (it). Stulli (Gioacchino), Vocabulario italiano-illirico-latino, I, II, Ragusa, 1810, 4 0 , 838, 862 pp. (L). XL LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES Tableaux de comparaison des poids et mesures de France avec ceux de l’Autriche dont on fait usage dans les Provinces Illy- riennes, Trieste, 1811 (Texte italien, les noms des poids et mesures en franfais) (E). Tagebuch seit dem Anfang des osterreichisch franzosischen Kriegs 1813, bis zur Einnahme des Laybacher Castells durch die Osterreicher..., Laybach, 1813, 12 0 , 16 pp. (L). Tarifdes monnaies , Trieste, s. d. (L). Le meme en allemand. Tarif etabli d’apres le Tableau de Conversion des Florins d’Au¬ triche en Francs et vice-versa sur la proportion de 99 Florins pour 256 Francs^ Laybach, s. d., 8°, 30 pp. (It). Tarifs des droits de douane et de navigation maritime dans les Provinces lllyriennes d’apres le decret imperial du 27 novembre 1810, avec la traduction italienne, Trieste, 1811,8°, 120 pp. (Li). 'J ournal (N. A.), Recueil de regies de droit et de preceptes de morale , a l’usage de la jeunesse des Provinces lllyriennes , Lai¬ bach, 1812, 8°, XII, 247 pp. (L). Vodnik (Valentin), Pismenost ali Gramatika sa Perve Shole (Grammaire pour les Classes elementaires), Lublana, 1811, 8°, 190 pp. (L). — Kershanski navuk sa illirske deshele vset is Katehisma sa vse zerkve Franzoskiga Zesarstva. (Catechisme pour les Pro¬ vinces lllyriennes tire du Catechisme pour toutes les eglises de 1’Empire fran9ais), Lublana, 1811, 8°, 133 pp. (L). — Pozhetki gramatike to je Pismenosti Franzoske gospoda Lhomonda... (Les Elements de la Grammaire Frangaise de M. Lhomond...), Lublana, 1811, 8°, 118 pp. (L)- — Abezedasa Perve shole (L’ABC pour les Classes elementaires), Lublana, 1811,8°, 32 pp. (L). — Abezeda ali Asbuka. Das ABC-Buch. L’Abece, Lublana, 1812, 8°, 16 pp. (L). A cela, il faut ajouter les decrets et arretes les plus impor- tants (1) qui s’imprimaient et s’affichaient, sous Marmont, en framjais, en allemand, en italien, et en illyrien— c’est-a-dire au (1) Le « Recueil» et 1’«Arrete », imprimis a Trieste ont £te deja men- tionnfe. SOURCES XLI debut en croate, plus tard en Slovene —, sous Bertrand seule- ment en fran 9 ais, en allemand et en italien, et les instruc¬ tions pour les budgets des communes dans ces trois memes langues — et l’on aura le tableau complet des imprimes illy- riens contemporains. Cette enumeration assez monotone depetites brochures est neanmoins tres instructive : elle revele les preoccupations de la population. Outre les livres scolaires Slovenes, le recueil de poesies et le dictionnaire de Dubrovnik, la traduction croate du reglement militaire, les dictionnaires franco-croate et italo- slovene et 1 es publications purement administratives, la plus grande partie des imprimes concerne les monnaies et les douanes. Les professeurs de mathematiques, comme Bolaffio, avaient du travail. On a vu que ces tarifs s’imprimaient dans toutes les langues du pays, ce qui atteste 1’importance que ces sujets avaient pour la vie de chaque jour, non moins peut-etre aussi la confusion qui regnait a cet egard. Quant aux imprimeries, 1’Illyrie n’en manquait pas : Ljublja¬ na en possedait plusieurs, de meme Trieste et Dubrovnik ; quelques autres intendances en etaient seules depourvues. En conclusion sur ce dernier groupe des sources imprimees, on doit dire que notre attente a ete comblee en ce qui concerne les imprimes contemporains ; il n’en est pas de meme des re- cueils, journaux et cartes, dont aucun ne donne une vue com¬ plete des mesures du Gouvernement (le plus riche est encore le Tettgraphe Off'iciel) ; ilfaut les completer par les archives. Avec leur aide, on peut composer un tableau des decrets, arretes, decisions, circulaires, reglements, etc., concernant le commerce, les voies de communication, en un mot toutes les branches de la vie tconomique des Provinces Ulyriennes. La longue serie des sources imprimees est done terminee. Mais au fond, le nombre des auteurs dont les contributions sont vraiment precieuses est assez restreint. Ce sont ceux qui sont alles aux archives et dont le caractere d’historiens garantit l’exactitude des recherches. Chez ceux-ci, ces deux elements sont indiques. Chez les autres, l’interet pour l’lllyrie est plutot passager et occasionnel. NLII LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES II. — SOURCES INfiDITES (ARCHIVES) Les archives de l’lllyrie ont eu un sort singulier : elles n’exis- tent pour ainsi dire plus. A la retraite de 1813, Chabrol, dernier intendant general de l’lllyrie, avait fait integralement son devoir : il avait sauve les caisses et les archives. Le 3 novembre, il rapporte de Venise, au ministre de l’Interieur, Montalivet, la nouvelle qu’il a dirige sur Parme une partie des archives et qu’il en a laisse une autre a Venise. Force de partir lui-meme pour Parme, il prend avec lui les documents les plus importants (1). Les chefs des autres administrations faisaient de meme. Gallois, par exemple, le directeur des mines d’Idrija, se rend avec les archives de son administration a Plaisance et en rend compte, le 9 octobre, au directeur general des mines, Lau- mond (2). Les archives sont done sorties, en grande partie, des Pro¬ vinces Illyriennes. Mais ensuite elles ont disparu. Des le 26 janvier 1815, le comte Bombelles, commissaire general de l’Autriche, reclame les archives d’lllyrie au comte Jaucourt, ministre par interim des Affaires etrangeres et, de nouveau, le 16 fevrier, a l’abbe de Montesquiou, ministre de l’Interieur. Montesquiou repond, le 7 mars, que les recherches faites par l’archiviste en chef Daunon sont restees sans succes et demande le meme jour des informations au comte Chabrol, alors prefet a Lyon. La reponse de Chabrol n’est pas conservee, mais elle a du etre negative, le meme jeu s’etant renouvele deux fois. Le 20 fevrier 1816, Richelieu, ministre des Affaires etrangeres, communique au comte de Vaublanc — ministre de l’Interieur — la demande de l’ambassadeur d’Autriche qui, en execution du traite de Paris, reclame les archives de l’intendance de Kar- lovac que Marschall, secretaire de cette intendance, avait em- (1) AN, AF IV , 1068, p. 206. (2) AN, F IB 61,3 e dossier. SOURCES XLI1I portees lors de la retraite. Vaublanc les reclame, le 8 mars, a Delarue, garde des Archives royales, qui repond, Ie 13 mars, qu’elles ne se trouvent point dans son depot. Vaublanc re¬ court alors, le 25 mars, a Chabrol qui, le 30 avril, repond que Marschall, au lieu de n’emporter que les pieces les plus essen- tielles, a fait emballer tous les papiers dans d’enormes tonneaux qui furent conduits jusqu’a Rijeka. A la retraite precipitee de cette place, ces tonneaux , assure-t-on, se trouvaient aban- donnes sur la place publique et furent recueillis par un nego- ciant de cette ville. Le Gouvernement utrichien seul aurait actuellement les moyens de se faire rendre compte de ce qui a ete fait a cet egard. En aout 1818, l’Autriche reclame encore une carte de Kotor, dressee en 1769 ; mais Becquey, directeur general des mines, ponts et chaussees, repond, le 22 aout, qu’apres recherches faites dans les archives et dans le depot des plans de son admi¬ nistration, il doit constater que cette carte n’y a jamais ete de- posee. Le Gouvernement francais lui-meme aurait eu besoin de ces documents. Le27juillet 1818, le Secretaire general des Finances crit a Chabrol, alors sous-secretaire au departement de l’lnte- rieur, que le minist-e des Finances est souvent oblige de consul- ter les papiers de PIntendance generale des Provinces Illyriennes, afin de pouvoir fournir des explications sur les reclamations des creanciers comptables des Provinces Illyriennes. Les recherches sur d’autres objets ont deja ete infructueuses. Cette fois, il s’agit de remboursements a deux fonctionnaires de la regie des sels et tabacs. Mais Delarue repond, le 8 aout, qu’il n’existe aux archives que 13 liasses relatives aux Provinces Illyriennes, ayant toutes rapport aux budgets de 1812 et 1813 et a l’adminis- tration municipale de quelques villes (1). Nous sommes entres ici avec quelque detail dans la question des archives illyriennes qui, deja, a intrigue Vosnjak, lequel constate, dans la Preface de sa Constitution..., qu’on peut suivre les archives parties avec Chabrol et ses fonctionnaires, jusqu’a Parme, —■ apres quoi elles disparaissent. Il en conclut qu’elles se trouvaient , ou se trouvent encore dans l’ltalie du Nord, (1) Toutes ces reclamations figurent dans AN, F 2 1; 364, 2 e dossier. XLIV LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES ou qu’elles ont ete dispersees. D’apres ce qui vient d’etre dit, cette seconde eventualite est la plus vraisemblable. D’autres documents ont ete detruits sur place par les evene- ments de la guerre, surtout par les debarquements anglais, comme le releve, par exemple pour Rovinj, Benussi dans son Istrie... (p. 435). La plus grande partie — et sans doute la plus importante, le choix de Chabrol —, est done perdue. Tout ce qui reste, si consi¬ derable que ce soit, n’est que debris. A defaut de rapports gene- raux, de vues d’ensemble qui faciliteraient le travail entrepris, il faut essayer de composer, de details trouves par ci par la, comme des pierres de mosaique, la figure economique de l’llly- rie. La grande masse des documents conserves se trouve natu- rellement au siege du Gouvernement central, a Paris, et la surtout a I’hotel Soubise ; puis au siege du Gouvernement illy- rien, a Ljubljana, et la surtout au Musee. Mais il ne faudrait pas non plus omettre les archives de Vienne et celles des chef-lieux des diverses provinces. Les archives consultees se trouvent ainsi divisees, d’apres les Ltats auxquels elles appartiennent aujourd’hui, en quatre groupes : franQaises, autrichiennes, yougoslaves (Slovenes et croates) et italiennes. Il se pourrait aussi que les archives anglaises continssent quelque chose qui interesse notre sujet, vu la presence de la marine anglaise et du commerce anglais dans l’Adriatique pendant ces annees. Je m’en suis enquise, sans recevoir les renseignements demandes. Pour les grandes archives, seules, les series concernant l’histoire economique de l’lllyrie seront indiquees. Mais pour les plus petites, en partie aussi peu connues et sans inven- taires, il est presque inevitable d’indiquer en raccourci tout ce qu’elles contiennent sur les Provinces Illyriennes. Ce sera peut- etre aussi un service a rendre a ceux qui s’interessent a l’his¬ toire illyrienne a d’autres points de vue. Quant aux archives privees, il semble, d’apres d’infructueux essais, qu’il n’en existe pas. Il n’y a que quelques dossiers prives aux Archives nationales. Cette indigence est regrettable, vu l’insuffisance des archives SOURCES XLV administrtatives en histoire economique, soulignee par Blanchard dans ses Routes des Alpes Occidentales... (p. IX), et parce que, de. cette fafon, l’lllyrie donne l’impression d’un etatisme au maximum de purete. Mais, par bonheur pour cette epoque et pour ce pays, la faute n’est pas grande. L’lllyrie, creee d’hier, aux interets tres divergents, pouvait difficilement faire un effort commun ; et en face des oukazes d’un Napoleon, l’initiative privee, meme si elle existait, eut ete tres deplacee. Inventaires utilises (cites dans le meme ordre que les archives) iZtat sommaire par series des documents conserves aux Archives nationales , Paris, 1891, 4 0 , 880 pp. £tat sommaire des versements fails aux Archives nationales par les ministeres et les administrations qui en dependent , I, Paris, 1924, 4 0 , CXII, 388 pp. Schmidt (Charles), Les sources de l’histoire de France depuis 1789 aux Archives nationales , Paris, 1907, 8°, 283 pp. Inventaire sommaire des Archives du departement des Affaires etrangeres. Correspondance politique, I, Paris, 1903, 8°, 568 pp. Inventaire sommaire des Archives du departement des Affaires etrangeres. Memoir es et documents. Fonds divers , Paris, 1892, 8°. Inventaire sommaire des Archives du departement des Affaires etrangeres. Supplement, Paris, 1896, 8°. Inventaire sommaire des Archives historiques (Archives tnodemes), Paris, 1905,4°, 237 pp. Catalogue general des manuscrits des bibliotheques publiques de France, par Tuetay (Louis), Archives de la Guerre, II, III, Paris, 1920, 8°. Les manuscrits relatifs a Vhistoire de la revolution et de /’empire dans les bibliotheques publiques des departements, Paris, 1913, 8°, 45 i PP- Das Haus-Hof-und Staatsarchiv in Wien, Wien, 1920, 8°, 10 pp. Itwentar des allgemeinen Archivs des Ministeriums des Innern, Wien, 1909, 8°, 94 pp. — Archivs des k. k. Finanz Ministeriums, Wien, 1911,8°, 77 pp, — Steiermdrkischen Statthalterei Archivs in Graz, Wien, 1918 (1922), 8°, 151' pp. XLVI LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES WuTTE (Martin), Das Archiv des Geschichtsvereins fiir Kdrnten, Klagenfurt, 1913, 8°, CCIII, pp. 52-81. Schmidt (Charles), Rapport sur un « voyage d’archives », Be- sanQon 1900, 8°, 39 pp. Komatar (Fr.), Archiv-Inventare , Laibach, 1905, 8°, MMVK, XVIII, pp. 70-75. Laszowsky (Aemilius), Historia et praesens status archivi regno- rum Chroatiae , Slavoniae et Dalmatiae Zagrabiae , Zagrabiae, 1910, 4 0 , 47 pp. Jirecek (Jos. Constantin), Die Archive von Dalmatien , Wien, 1899, 8°, MSCC, IV, pp. 141-151. Bottner (Enrico), L’Archivio degli atti antichi presso la I. R. luogotenenza Dalmata, Zara, 1903, 8°, 10 pp. Moser (L. Karl), Das Archiv des k. k. Handels u. Seegerichtes in Triest, Wien, 1907, 8°, MSCC, VI, 3, pp. 139-163. A. — France Paris Archives nationales. — Aux Archives nationales, les subdivi¬ sions de la serie F renferment le gros de ce qui s’est conserve sur l’histoire economique de l’lllyrie, dans la correspondance de 1 ’administration franco-illyrienne avec le Gouvernement central a Paris. Fh 364. 2 e d. Archives d’lllyrie. F 4 2142. i er d. Depenses administratives des Provinces Illy- riennes. F IE 61 -P' IE 70. Administration generale des Provinces Illy- riennes. F IB 61. Rapports du gouverneur general et de 1 ’intendant general au ministre de l’Interieur sur la situation des pro¬ vinces en 1810, 1811 et 1812'; correspondance du directeur general des mines et du ministre de l’Interieur. F IE 62. Rapports des intendants a 1 ’intendant general sur la situation des provinces (a l’exception de la Carniole) en 1812 ; statistiques du commerce et de la navigation de cette annee. SOURCES xlvii F IE 63 et F IE 64. Budgets des villes pour 1812 et 1813. F 113 65. Nominations administratives. F IE 66. Division territoriale de I’lllyrie. F 1E 6y-F al 70. Doubles des budgets des villes, contenus deja en F IE 63. F 7 6553. Police generale. Rapports bi-mensuels du commis- saire general de police Toussaint, importants surtout pour la contrebande et la situation economique generale. On aurait pu attendre davantage de cette serie, mais elle a ete triee et les documents du commerce anglais, allemand, italien et espagnol (1) ont malheureusement etejetes au rebut. F 10 278. i er d. Tres peu de correspondance de 1 ’intendant general avec le ministre de l’lnterieur sur l’agriculture. F 12 2081. Licences demandees et refues en Illyrie, dans la correspondance du ministre des manufactures et du commerce avec le gouverneur general et 1’intendant general. Mais le dossier est loin d’etre complet. F 14 974. Rapports envoyes par 1 ’ingenieur en chef au direc- teur general des ponts et chaussees sur les travaux dans les ports maritimes de Dalmatie, d’Istrie et de Croatie. F 1 ' 1 1030. Ponts et chaussees. 3 dossiers contenant : les arretes des gouverneurs generaux sur les routes ; une tres precieuse classification des routes ; les projets de budget pour 1811, 1812 et 1813, et les etats de trimestre pour les memes annees, faits par 1 ’ingenieur en chef Blanchard et ses ingenieurs, et envoyes avec les observations de 1’intendant general Chabrol a Mole, directeur general des ponts et chaussees ; enfin, les decisions du conseil general a Paris. F 14 1043. Mines. 6 dossiers renfermant : plusieurs rapports tres importants sur la situation et les produits des mines et fonderies en Carinthie et en Carniole pour 1810 et 1811, faits par les ingenieurs Gallois, Lemaire et Leboullenger, et en¬ voyes a Laumond, directeur general des mines ; la correspon¬ dance administrative entre les memes pour 1810 et 1811, et les rapports de l’agence des mines a Beljak ; les demandes de secours pour les mines et l’essai d’aide de 1’intendant general Belleville. Tous ces documents vont jusqu’a l’epoque oil les (1) l'itat sommaire des versements..., p, 291. XLVIII LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES mines furent cedees au domaine extraordinaire; apres cette date il n’y en a presque plus. Fait curieux qui s’explique par la raison qu’elles cesserent alors de relever de l’admi- nistration de l’lllyrie. Sur la mine d’Idrija, donnee en dotation a l’Ordre des trois toisons d’or, il n’y a que des documents purement ad- ministratifs, et presque rien qui concerne ses produits (i). F 1 * * 1119. Quelques documents sur les ports maritimes illy- riens; peu importants. F 1 * 1148. Correspondance entre Blanchard et Laumond sur les bacs illyriens. AF IT 1062. 3 e d. Rapports du ministre des manufactures et du commerce sur le budget du service sanitaire illyrien en 1813 et sur le commerce illyrien pour une partie de 1812. AI TIV 1068. Piusieurs rapports de Montalivet sur la retraite d’lllyrie en 1813 et sur le sort des archives illyriennes. AF ly 1083 s . 6 e d. Budget illyrien pour 1812. AF IV 1089 s . 36 d. Documents sur la situation economique des derniers mois de l’lllyrie. AF IV 1294. Rapports sur la confiscation de marchandises, 1’organisation des eaux et forets, le cabotage illyro-italien et les douanes illyriennes. AF IV 1305. Projets de decrets relatifs aux Illyriens au service d’une puissance ennemie, aux Illyriens emigrants et a la contrebande des sels en Illyrie. AF IV 1713. fitats dependants. Provinces Illyriennes. Corres¬ pondance des gouverneurs generaux Marmont et Bertrand avec Montalivet, rapports de Montalivet et du ministre des finances, Gaudin, a Napoleon sur la situation des finances, du commerce, de la poste, des forets, des mines, etc. des di- verses annees. Les pieces les plus interessantes sont les notes de l’agent de la police secrete Pellenc sur l’opinion publique, la mission du general Lauriston, les memoires de Chassenon sur les sels et sur les forets. AF IV plaquettes : 3285, 3345, 3376, 3695, 3743, 3759, 3801, 3815, 3878, 3912, 4013, 4027, 4126, 4127, 4146, 4170, 4218, (1) Il parait qu’ailleurs non plus il n’existe pas de documents sur Idrija et sur les mines de Carinthie apres 1811. SOURCES XLIX 43i2, 4425, 4433 ) 4435) 4452, 4492, 4531, 4537, 4552, 4578, 4597,469°, 4723,474 1 2 ) 478°, 4840, 4862, 4863, 4889, 4927, 5010, 5029, 5072, 5093, 5232, 5317, 5346, 5388, 5436, 5496, 55°i, 5547, 5574, 5 6 5 6 , 5^94, 5699, 5949, 599 8 - 6o °2, 6110, 6391. Ces differentes plaquettes contiennent la plupart des de- crets les plus importants pour la vie economique des Pro¬ vinces Illyriennes, parfois accompagnes des rapports des ministres competents ; ces rapports sont extremement precieux comme exposes des' motifs. Ces plaquettes montrent le fond des mesures gouvernementales en Illyrie, en matiere economique. Un catalogue sur fiches, fait par les secretaires de Napoleon, reunit les decrets illyriens, ou tout au moins, la plus grande partie d’entre eux. + + F 111229. Dossier Gallois. + + F 111681. — Blanchard. XX F 112234. — Leboullenger. X X F 112235. ~~ Lemaire (1). Parmi ces series, P E 61-70 et AF IV 1713 ont ete deja consul- tees par Vosnjak, AF 1T 1713 l’a ete aussi par Pisani. Les liasses les plus precieuses pour notre sujet sont, outre les plaquettes, F 1 * 1030 et F 1 * 1043 sur les routes et sur les mines, qui n’ont ete rendus accessibles au public que tout re- cemment (1923). La situation des mines illyriennes a ete tres peu traitee. Archives des Affaires etrangeres. — En plus de la correspon- dance politique concernant les Provinces Illyriennes — Au- triche 385-391 — les Archives des Affaires etrangeres conservent aussi dans la serie Memoires et documents, Fonds divers, quel- ques volumes relatifs a l’histoire economique de l’lllyrie (2). 57 (2) Raguse : 1784-1814. 45 Autriche : renferme une statistique des produits d’Idrija de 1575 a 1809. (1) Les dossiers d’autres fonctionnaires illyriens n’ont pas etd trou- ves. (2) Inventaire sommaire..., pp. 108,109 ; Supplement, p. 103. L LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES 50 Autriche : contient un essai statistique sur les Provinces Ulyriennes, et un memoire sur la Dalmatie de 1811. 55 Autriche (Provinces Ulyriennes) : 1810-1814. C’est le plus riche de ces volumes ; il conserve le memoire tres important de Marmont sur le commerce de 1’Illyrie avec le Levant (du 13 mars 1810) ; une bonne partie de la correspondance des consuls franfais de Travnik, de Salonique et de Scutari ; beaucoup de documents sur la poste franfaise en Turquie, ainsi que des rapports de police. De cette maniere, il supplee heureusement aux volumes de la correspondance consulaire, accessible seulement jusqu’en 1789. Une partie de la corres¬ pondance consulaire de ce volume est publiee dans l’ou- vrage de Gavrilovic, deja cite. Archives historiques de la Guerre. — Les Archives historiques de la Guerre offrent encore, en dehors de la correspondance de nature purement militaire ( Inventaire sommaire..., p. 224), quelques cartons concernant l’histoire economique, non seule¬ ment de la Croatie militaire, province administree militaire- ment, mais aussi de toutes les Provinces Ulyriennes pour le temps de leur premiere organisation, essentiellement mili¬ taire (1). 6 cartons : Armee de Dalmatie-Illyrie, renfermant, dans la correspondance militaire de 1808 a 1814, des rapports de Mar¬ mont, Lauriston et Bertrand sur la Croatie militaire et son organisation, la crise monetaire, les Anglais dans 1’Adriatique et la contrebande anglaise, la peste, les sels, les statistiques des batiments entres et sortis des ports illyriens en 1810 et 1811. 1384 Italie : 1808-1811 ; 1597 Autriche : janvier 1810 ; 1598 Autriche : fevrier 1810-1811 ; et 1619 Turquie et peninsule illyrienne : 1811-1819, cartons de la serie : Reconnaissances, plans et projets, contenant des fixations de frontieres, plans de chemins et memoires sur plusieurs routes. 1950, E w (Justice militaire, Conseil d’Etat), enfin, offre des. rapports et des projets de decrets concernant 1’organisation (1) Invev.taire sommaire..., p. 81 ; Catalogue general.,, II, pp. 145, 3°6j 308,307, 321 ; III, pp. 36,37. SOURCES LI des Provinces Illyriennes en 1810 et 1811, et des arretes de Marmont destines a la Croatie militaire et a toute l’lllyrie, pour la meme epoque. II est seulement regrettable que, vu la situation economique de la Croatie militaire, il n’y ait qu’une statistique pour octobre 1810, et pas de donnees pour les annees posterieures. Chatillon-sur- Seine Bibliotheque municipale. - — Chatillon-sur-Seine, la ville na- tale de Marmont, conserve dans sa Bibliotheque municipale tous les papiers que Marmont lui avait legues sous le titre : Archives du Marechal Marmont. Jusqu’en 1923, ils consistaient en 17 liasses — qui avaient ete quelque temps dans la section historique du ministere de la Guerre a Paris, mais que la ville de Chatillon a reclamees. Une de ces liasses concernait l’lllyrie ; les autres, la Hollande, l’Espagne et d’autres phases de la vie de Marmont. Ces documents sont mentionnes dans l’inventaire des manus- crits de l’epoque de la Revolution et de l’Empire dans les bi- bliotheques departementales (1), et ont ete utilises par P. Boppe dans sa Croatie militaire. En 1924, on a trouve au grenier du batiment qui abrite la Bibliotheque et le Musee municipaux un nombre considerable de nouvelles liasses du legs Marmont, de sorte que cette collec¬ tion en compte a present 48, dont 26 sur les Provinces Illy¬ riennes. Pour le moment elles sont classees d’une maniere provisoire et sommaire, en majorite sans ordre chronologique ni de ma¬ tures, sans cote, et renferment aussi les documents concernant ta Dalmatie framjaise (1806-1809). Les documents illyriens ne lraitent naturellement que de l’epoque du gouvernement de Marmont (octobre 1809, avril 1811). Leur inventaire sommaire, par M. Pivec, a deja ete cite. Outre la correspondance administrative (rapports de l’inten- dant general et des intendants des provinces), plusieurs cahiers (1) Les manuscrits..., p. 159. Pivec-Stelfe 27 LII LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES de brouillons et copies de lettres de Marmont (aussi nombre de lettres originales), des copies de ses arretes de 1809 et 1810, de la correspondance des consuls David a Travnik et Bruere a Scutari, la correspondance militaire (rapports des generaux) et policiere (rapports des commissaires generaux de police), il y a aussi plusieurs documents concernant directement notre sujet : un petit memoire sur les Provinces Illyriennes, demande' par Marmont au comte Phil. Cobenzl, bientot apres la cession ; un rapport de Laugier, directeur des douanes illyriennes, au ministre des Affaires etrangeres, sur le commerce de l’lllyrie (juin 1810) ; des petitions des negociants de Trieste et de la raffinerie de sucre de Rijeka, pour obtenir des facilites d’im- portation et d’exportation (fevrier 1810) ; une statistique de Trieste et Kotor pour 1809 ; une carte de la route Napoleon ; des notes du prince Dietrichstein sur la route Louise. Le legs Marmont de Chatillon explique pourquoi il y a rela- tivement peu de documents de l’annee 181 o et du debut de 1811 aux archives de Paris et de Ljubljana. Avant le decret du 15 avril 1811, qui fixait la sphere d’activite des divers fonction- naires, la plupart des pieces officielles allaient directement au gouverneur general Marmont, et passerent ainsi dans son legs. La collection des cartes est composee de cartes imprimees et manuscrites. Les cartes imprimees, par exemple, une carte des postes de l’Autriche (Vienne, 1799), une carte generate des Ltats autrichiens (Niirnberg, 1805), plusieurs cartes des pro¬ vinces de l’Autriche Interieure (Graetz, 1794), ont ete employees par Marmont dans la guerre de 1809. Les cartes manuscrites, plus interessantes pour nous, ont deja ete men- tionnees dans la premiere partie de cette bibliographic. B. — Autriche Les archives autrichiennes ne contiennent — comme il est naturel —- presque rien sur la vie interieure des Provinces Illy¬ riennes ; mais elles renferment des renseignements sur leur situation avant la cession et apres la reoccupation, sur les affaires de frontiere et les mesures du Gouvernement autri- chien concernant le commerce austro-illyrien et austro-levantin. SOURCES LIII Vienne Haus-Hof-und Staatsarchiv (Archives de la Corn et de VVital), — Les Archives d’litat de Vienne, dont il n’existe qu’un in- ventaire tres sommaire, conservent dans les Kaiser Franz- Akten (utilises par J. Polec) des sources precieuses pour la reorganisation autrichienne des Provinces Illyriennes en Royaume d’lllyrie ; il existe aussi dans quelques autres liasses des donnees interessantes sur l’lllyrie frangaise. Illyrien 15. Correspondance du Gouvernement provisoire illyrien pour 18,13 et 1814 (P ar exemple la prise des papiers du consul tat de France a Trieste). Illyrien 16. Documents sur la route Louise. Illyrien Varia (1767, 1795-1814). Quelques lettres de 1809 de Karlovac, une statistique des Provinces Illyriennes lors de la cession, et plusieurs feuilles tres interessantes sur le com¬ merce illyrien, dont deux memoires d’un negociant de Vienne de novembre 1813. FIof-Kammer-Archiv (Archives de la Chambre aulique ) (1) Les Archives de la Chambre aulique offrent, dans la serie Litorale-Commerz pour les annees 1809-1813 dans les liasses 82, 95, 103, 122 et surtout 132, dans la correspondance entre la Chambre aulique et la Chancellerie d’Ltat, des documents extremement interessants sur le commerce illyro-levantin que les consuls autrichiens suivaient avec beaucoup d’attention, les mesures frangaises, les contre-mesures autrichiennes, le duel des consuls David, Mittesser et Paulic a Travnik, enfin le commerce illyro-autrichien. Parmi les archives autrichiennes, celles-ci sont les plus riches pour notre sujet. Archiv des Ministeriums des Innern (Archives du Ministere de rinUrieur ).'— Le Ministere de 1 ’Interieur possedait dans ses Archives 121 cartons Napoleon-Akten 1805-1814, et les actes de la rcgence de Trieste jusqu’en 1814(2) qui ont ete cedes en 1918 (1) 11 n’y a pas d’inventaire, mais de tres bons registres. (2) Inventar..., pp. 93-94- LIV LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES a l’ltalie (i). Les registres indiquent encore des documents interessants sur les douanes illyriennes en 1813 et 1814, mais qui ont ete elimines. Les Archives de la Police, annexees, ont ete deja utilisees, par Kidric et Prijatelj (elles ont ete transpor- tees depuis au Palais de Justice et brulees dans l’emeute de juillet 1927). Archiv des Finanz-Ministeriums (Archives du Ministere des Finances').- — -Les Archives du Ministere des Finances, de crea¬ tion plus recente, ne, conservent en general que les pieces pos- terieures a 1814, mais il y a des exceptions. L’une de celles-ci est constitute par le groupe Montanabteilung 1811-1848 (1192 fasc.) (2). La se trouvent quelques documents, principalement administratifs, des mines de Bleiberg et de Rajbelj de 1811 a 1813 (avec la remarque que, pour ces annees, peu de pieces ont ete envoyees) et plusieurs extraits du registre de l’Agence provi- soire des mines de Carinthie. Kriegsarchiv (Archives de la Guerre) (3) — - Les comptes-rendus des 6 regiments confinaires croates qui faisaient partie de l’lllyrie ont existe aux Archives de la Guerre pendant toute l’epoque de 1809 a 1813, et auraient pu nous fournir tous les renseignements souhaitables pour la situation economique de la Croatie mili- taire. Mais ils ont ete elimines et a present il n’existe plus que les feuilles de rapport (Referatbldtter). Graz Landesregierungsarchiv ( Archives gouvernementales). — Quel¬ ques volumes de feuilles d’audience pour 1812 et 1813 de la Cour d’appel de Ljubljana avaient ete transportes apres la re- traite franfaise a Celovec (Klagenfurt) — instance superieure — puis a Graz, oil ils furent conserves d’abord au Musee du Johanneum et, plus tard, aux Archives de la Cour d’appel, incorporees entre 1919 et 1922 aux Archives gouvernementales (1) On m’avait signalt que, presentement, ils se trouvent proba- blement a Milan ; j’ai reju de Milan des reponses a d’autres questions, mais point a celle-ci. (2) Inventor .., p. 33. (3) Il n’y a pas d’inventaire. SOURCES LV qui, jusqu’en 1918, portaient Ie nom de Statthalterei-Archiv (Archives de la Regence) (1). Ils forment 4 volumes : G 780 - G 783. De plus, il est probable que les Archives de Graz, centre de la Styrie et de PAutriche Interieure en general, possedaient des documents concernant le commerce de frontiere ; la Save etant la frontiere, la Styrie se trouvait la voisine immediate de l’lllyrie. Et en effet, les registres pour 1810-1814, surtout ceux de 1810 a 1812, indiquent plusieurs actes tres interessants concernant ce sujet. Malheureusement, tous ces actes n’existent plus : ils ont ete elimines, les Archives de la Regence ayant ete soumises a plusieurs eliminations de grand style ; les registres ont du moins conserve le contenu. essentiel de ces decisions, en grande partie mesures du Gouvernement autrichien pour la protec¬ tion de son commerce, surtout celui de transit, avec 1’Illyrie. Carinthie Une partie de la Carinthie, la Haute-Carinthie ou le cerclede Beljak, ayant fait partie des Provinces Illyriennes, c’est done avant tout a Beljak qu’on pouvait s’attendre a trouver des docu¬ ments sur la Carinthie illyrienne. Mais les archives de Beljak ne commencent qu’avec 1’annee 1813, les archives anciennes ayant ete brulees precisement pendant la guerre de 1813, lors de l’incendie de la ville. Les Archives de la Societe historique de Celovec (Klagenfurt), centre de la Basse-Carinthie restee autrichienne, possedent 5 fascicules du temps fran9ais (2), mais rien concernant notre sujet (3). II n’existerait done rien sur la Carinthie illyrienne, dont les conditions de vie differaient si fortement des autres provinces de l’lllyrie, si nous n’avions pasl’essai statistique de Pintendant de la Moussaye, deja cite, et les riches rapports sur'les mines aux Archives nationales. (1) Inventar...,p. 151. (2) M. Wutte, Das Archiv..., p. 65. (3) Communication de M. Wutte, directeur des Archives provin- ciales de Celovec (Klagenfurt). LVI LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES C. — Yougoslavie Slovenie Ljubljana Dezelni arhiv (Archives provinciates) (i). — Les archives provinciales de Ljubljana, installees au Musee, possedent une vingtaine de liasses sous le titre : invasion framjaise, occupation franfaise. Les liasses 39, 41, 42, 43, 44, 46, 49 ■ —■ d’une cote ancienne •—■ ne sont pas classees, les liasses Fj, Fi a , F a , F a , F 4 , F,, F e , F 7 , F s , F, sont classees par matieres. Parmi ces liasses se sont introduits aussi des documents du debut de 1809 (de la guerre de cette annee-la) et des annees 1813 et 1814 (de l’lllyrie autrichienne) — par exemple 46 —■ qui sont sans interet pour notre objet. Mais les autres renferment des materiaux importants : 39 mercuriales ; 41, 42, 43 et 49 arretes relatifs aux rede- vances feodales, biens sequestres et tabacs ; 44 documents sur les corvees aux travaux des routes. Dans la serie Iq-F,, F,-F, ne contiennent que des listes de conscrits et des registres de mairies ; Fi et Fia en majorite des documents sur l’organisation de l’llly¬ rie autrichienne, entre autres un rapport du Gouvernement illyro-autrichien sur l’administration fran9aise ; F s debts de contrebande, tarifs des denrees, la correspon- dance de l’intendant Fargues ; F 3 la plus precieuse, offre en copies presque tous les arretes sur les monnaies, les douanes, les tabacs, sels et salines, et les arretes de la commission de liquidation ; P' 4 decrets et arretes sur les forets ; F 5 sur les impots. Ces archives, revues deja par Pisani, sont importantes surtout par cette collection d’arretes qu’on ne trouve pas ailleurs, pas meme au Telegraphe Officiel. Elies conservent aussi, meles parmi les documents officiels, bon nombre des imprimes parus (1) II n’y a pas d’inventaire. SOURCES LVII alors a Ljubljana et Trieste et cites deja au groupe desimprimes contemporains. Les pieces sont ecrites en franyais et en allemand, les imprimes publies sous Marmont sont en franfais, en alle¬ mand, en italien et en illyrien ; sous Bertrand, la langue illy- rienne disparait. Les Zoisiana, bon nombre de basses, renfermant la corres- pondance du baron Sigismond Zois, ont ete deja mentionnees au groupe des Memoires. Mestni arhiv (Archives municipales). — Les Archives muni¬ cipals de Ljubljana possedent 30 basses sous le titre : in- terregne franfais, mais oil se sont glisses aussi des documents de la guerre de 1809 et du debut de l’lllyrie autrichienne. C’est la correspondance entre les intendants de la Carniole et les maires de Ljubljana, partie en franfais, partie en allemand, qui traite beaucoup d’affaires militaires — requisitions, contribution de guerre -— mais aussi: tarifs de vivres, constructions de la ville, negociants nouveauX, contrebande, sels et tabacs, et destruc¬ tions par le feu de marchandises anglaises. II n’y a pas d’inventaire. Les basses ont la cote 1-30. Elies ont ete consultees par Pisani et Vosnjak. Vladni arhiv ( Archives gouvernementales). — 36 basses sont conservees aux Archives gouvernementales de Ljubljana sous le titre : ecrits de l’intendance franfaise 1809-1813 ; elles sont classes sommairement par annees et par matieres, sans cote. II s’agit de la correspondance de la regence provisoire de Carniole avec la nouvelle autorite framjaise, d’abord, en 1809 avec les commissaires de guerre successifs —• comme Siauve, Lampato, etc., — et apres la cession, avec le nouveau Gouverne- ment illyrien, surtout entre l’intendant general Dauchy et le pre¬ sident de la Regence, le comte Francois Xavier de Lichtenberg, et entre l’intendant Fargues et le vice-president,le baron Baselb. Cette correspondance est ecrite en langues fran^aise et allemande. En mars 1810, elle s’eteint comme la Regence elle-meme. Pour les mois de mai a octobre 1809, les documents ne concernent que des affaires militaires : contribution de guerre de la Carniole, fourniture de vivres, etc., et ne contiennent rien qui interesse directement notre etude, quoiqu’ils soient utiles indirectement en donnant une vue de la situation economique du pays au debut du regime illyrien. - iVlII LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES A partir d’octobre, ils deviennent plus interessants, concer- nant les impots et douanes, quolque les affaires militaires con- tinuent a predominer et qu’il se trouve, en outre, des indications trop particulieres pour pouvoir servir a une etude generale. A signaler surtout une liste des archives emportees par les troupes autrichiennes en Hongrie, dont l’absence a cause beau- coup d’embarras a l’administration fran9aise. On a dit(i) qu’il n’y a de documents importants ni aux Ar¬ chives provinciales ni aux Archives gouvernementales. II est vrai qu’il ne sont pas importants pour 1 ’histoire de France, mais pour 1 ’histoire illyrienne ils ne sont pas sans valeur. Pour la vie eco- nomique de l’lllyrie, les Archives gouvernementales offrent pen de materiaux, mais les Archives provinciales en offrent assez. Les Archives gouvernementales (2) — qui n’ont pas d’inven- taire — ont ete utilisees par Pisani. Registratura financne delegacije (Archives de la Section du ministere des Finances). —■ La Section du Ministere des Finances de Ljubljana conservait dans ses archives jusqu’en 1921 — quoiqu’elle elimine tous les 1 o ans une partie de ses documents, — quantite de documents de l’epoque franfaise, concernant — ainsi qu’il resulte du caractere meme de cette administration —■ surtout les monopoles, patentes, amendes de contrebandiers,etc. II est regrettable que tout cela ait ete vendu en 1921 — avec une masse d’autres documents — comme papier de rebut. A pre¬ sent, il n’y a plus qu’un volume sur le remboursement de la dette domesticale ; et il existe encore une vingtaine de copies d’arretes, dont quelques-uns concernent notre sujet (3). Arhiv dezelnega sodisca (Archives du Tribunal provincial). —■ Les Archives du Tribunal provincial de Ljubljana conservent 3 volumes interessants pour nous : 2 vol. Feuilles d’audiences du Tribunal de commerce pour 1812 et 1813, et 1 vol. Feuilles d’audience du Tribunal de i re instance en matiere forestiere pour 1812. Ces volumes — ecrits en franqais et en allemand — abondent, d’une part, en proces causes par la crise monetaire, d’autre part, en delits forestiers (4). (1) Ch. Schmidt, Rapport..., p. 38. (2) Leur partie ancieune jusqu’en 1850, a ete transportee aux Ar¬ chives provinciales, enjuillet 1930. (3) Communication de MM. Ogris et Kramer. (4) Communication de M. Polec. SOURCES LIX Drzavna biblioteka (Bibliotheque d’litat). ■ — Tout recemment ont ete trouves a la Bibliotheque d’Etat — qui s’appelait jus- qu’en 1926 Bibliotheque lyceale ( Drzavna licejska knjiznica) — - 4 Registres de correspondance et plusieurs liasses concernant l’instruction publique et la censure generate, utilisees par Polec et Tavzes. Les autres archives de la Carniole n’ont pas d’importance pour notre sujet (1). Celles de Kranj ont ete appauvries par plusieurs incendies, surtout par celui de 1811 ; celles d’Idrija — c’est-a-dire ce qui enest reste en 1813 — sont utili¬ sees dans l’etude deja citee de la Direction. Maribor Quoique la Styrie n’ait pas fait partie des Provinces Illy- riennes, il etait a presumer qu’il y avait a Maribor, centre de la Styrie meridionale, des documents concernant surtout les relations commerciales des populations limitrophes. Et en effet, il y avait a la Prefecture de Maribor de tres riches archives de l’epoque franfaise ; mais, fort peu de temps avant la revolution de 1918, elles furent vendues comme papier de rebut, de sorte qu’a present il n’en existe plus rien (a). On parlera de Gorica et de Trieste dans la partie relative a 1’Italie. Croatie Karlovac Gradski arkiv (Archives tnunicipales). — Karlovac jouait un role important comme chef-lieu des deux Croaties : des 6 regi¬ ments qui formaient la Croatie militaire et de l’intendance de la Croatie civile. Mais les documents qui y sont conserves ne repondent pas a cette importance. Les Archives municipales possedent 44 liasses de l’epoque frangaise, classees sommairement par annees ; quelques-unes de ces liasses datent d’avant 1809 et d’apres 1813. Il n’y a pas d’inventaire. Une elimination a eu lieu pendant la guerre mondiale. Ces liasses represented une partie de la correspondance des (1) Fr. Komatar, Archiv-Invenlare, pp. 70-75. (2) Communication -de M. F. Kovacie, president de la Society his- torique de Maribor. LX LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES ■ intendants de Karlovac et des colonels des regiments confi- naires avec la municipalite de la ville, et cette partie offre des renseignements utiles ; les autres traitent des affaires de la municipalite elle-meme et n’ont pas a etre considerees ici. Ces pieces sont ecrites pour la plus grande partie en latin, langue officielle en Croatie jusqu’en 1868 ; la correspondance des autorites franfaises est en franfais ; celles des autorites mili- taires indigenes en allemand ; un petit reste est en croate et en italien. Ces archives ont ete consultees par Vosnjak. La municipalite possede aussi plusieurs tableaux historiques de Karlovac, du xvm e et xix e siecles. La grande majorite de la correspondance de l’intendance de Karlovac manque done ici. Elle ne se trouve pas non plus dans les pieces transportees aux Archives d’fitat de Zagreb. II exis- tait une collection privee, celle de M. Lopasic qui, dans son ouvrage sur Karlovac , s’en sert pour citer plusieurs circulaires d’intendant, etc. Mais on ne sait plus oil elle se trouve et elle a probablement ete dispersee apres la mort de son fondateur (i)- La meme remarque vaut pour les documents militaires. II n’y en a pas plus a Karlovac (2) qu’aux Archives de la Guerre de Paris et de Vienne. La reponse de Chabrol, relative aux archives de Karlovac, a deja ete citee. Mais il ne dit pas s’il s’agit des actes de l’intendance de la Croatie civile ou de cede de la Croatie militaire, ou des deux ensemble. Dans ce dernier cas, on pourrait bien comprendre ce manque de sources sur les deux Croaties. Le sort des archives de Karlovac est ainsi la repetition — en miniature — de celui des archives de l’lllyrie entiere. Zagreb Drzavni arkiv ( Archives d’fitat). —II y a aux Archives d’fitat de Zagreb — qui jusqu’en 1922 s’appelaient Zemaljski arkiv (Ar¬ chives provinciales) — 27 liasses sur l’lllyrie napoleonienne — transportees en 1818 de Karlovac — sous le titre : Acta Gal- lica (3). Ces liasses, encore provisoires, ne portent ni cote (1) Communication de M. Laufer, fonctionnaire de la municipality. (2) Ceux de l’Ecole militaire de Karlovac ont dtd transports en 1920 & Belgrade et vendus comme papier de rebut. (3) A. Laszowsky, Historia..., p. 24. SOURCES LXI ni annee. Elies consistent, pour la plupart, en actes des juges de paix et des notaires des divers cantons de la Croatie civile, de 1810 a 1813 ; une minorite contient des pieces de Padminis- tration franfaise. Les actes des notaires concernent — outre les affaires privees — les difficultes issues de la crise monetaire ; ceux des juges traitent pour une bonne partie des debts de forets, contrebande et confiscations. La langue est •— a l’exception de la correspondance des autorites franfaises — le plus souvent le latin ; pour les autres, l’allemand et l’italien ; dans la corres¬ pondance des maires se mele aussi le croate. Presque chaque liasse est precedee d’une table des matieres — faite des 1818 a l’occasion du transport —, ce qui en facilite 1’utilisation. A cote de cette serie, il y a aussi celle des Acta Illyrica, mais qui concernent l’lllyrie autrichienne (1817-1822). Le Protocol- lum actorum magistratalium de Zagreb pour 1809-1813 renferme quelques indications sur les relations a la frontiere de la Save, et de meme les Acta Generalatus Carlostadiensis pour 1809- 1813 ; mais, ils sont elimines et il n’en existe plus que les re- gistres. Les premiers sont en latin, les derniers en allemand. Les Acta Banalia de cette epoque n’offrent rien pour notre sujet. La meme observation que pour les archives de Zagreb s’im- pose pour celles de Karlovac : on s’etonne de la pauvrete des documents conserves. Mais elles contiennent une lettre curieuse qui supplee a la declaration de Chabrol citee ci-dessus et appuie notre hypothese. Elle accompagne la donation de 16 docu¬ ments trouves en 1882 par un certain Krunoslav Domitrovic dans un magasin de Karlovac lors de son service militaire. Cela fait supposer la dispersion des archives de la Croatie civile et leur vente comme papier de rebut. On parlera de Rijeka dans la partie relative a l’ltalie. Dalmatie Dubrovnik. Split Les Archives d’Ltat de Dubrovnik, comme celles de la Dalma¬ tie en general, ont ete utilisees et epuisees par M. Pisani dans son ouvrage sur la Dalmatie. Il n’est pas probable qu’il y ait eu d’acquisitions rtouvelles de documents concernant notre epoque LXII LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES depuis son etude (i). Split ne possede que des archives eccle- siastiques (2). Zadar sera traite dans la partie relative aux archives de l’ltalie. En dehors de ces chef-lieux, il n’y a que des archives d’imp.ortance locale et qui ne peuvent fournir que des indica¬ tions tres particulieres (3). La diminution du role de la Dalmatie de 1809 a 1813, en comparaison avec son role de 1806 a 1809, diminution que constate P. Pisani, se ressent aussi dans la richesse des archives. D. — Italie Zadar Archivio storico (Archives historiques). — Pour les archives de Zadar, on fera la meme observation que pour celles de Dubro¬ vnik : elles ont ete utilisees par Pisani. Tout recemment, comme consequence du changement de gouvernement a Zadar, une commission a partage ces archives et la partie concernant le territoire reste yougoslave a ete transport.ee a Split. II n’y a pas d’autres changements dans les pieces concernant notre su- jet (4). Rijeka Archivio civico (Archives municipales). — - Les Archives muni¬ cipals de Rijeka ont ete utilisees par Kohler dans son ouvrage deja cite sur Rijeka. A juger d’apres ce travail, elles ne renferment pas beaucoup de materiaux sur l’histoire economique de l’lllyrie franijaise ( 5 ). Trieste Archives du Tribunal de commerce et de navigation. — Les Archives du Tribunal de commerce et de navigation ont ete (1) A mon regret je n’ai pas regu de reponse h la demande, que j’ai faite dans ce sens. (2) Communication de M. Abramic, directeur du Musde de Split. (3) J. C. Jirecek, Die Archive..., pp. 141-151. (4) E. Bottner, L’Archivio..., pp. 6-7. — Communication de la R. Prefettura di Zara. (5) A mon regret, je n’ai pas reiju de reponse a la demande par la- quelle je m’informais pour savoir si les archives ont refu quelque sup¬ plement concernant notre sujet depuis cette etude. SOURCES LXIII analysees par Moser (i). Elies contiennent quelques details interessants, mais il est caracteristique que,dans une partie des actes, les annees 1808-1814 manquent completement. Archivio civico (Archives municipales). Biblioteca civica ( Bi- bliotheque municipale). —- Les documents conserves aux Ar¬ chives municipales ne concernent que 1’administration de la ville. La Bibliotheque municipale est interessante par la collec¬ tion complete de l’Osservatore Triestino, journal officiel de Trieste pendant l’epoque illyrienne (2). Archivio di. stato (Archives d'Btat). •—■ A juger d’apres les histoires de Trieste — depuis la premiere chronique jusqu’au plus recent ouvrage — les Archives d’Etat ne paraissent pas etre tres riches en donnees interessantes pour notre sujet; ou bien ces ouvrages ne les ont pas epuisees ( 3 ). Gorica Archivio provinciale ( Archives provinciates). — Les Archives provinciales de Gorica sont plus riches pour les siecles passes que pour le temps moderne. Pour l’lllyrie, elles n’offrent que des registres d’impot et de contribution, tarifs, etc. (4). Milan Archivio di stato (Archives d’etat.) — Les Archives d’Etat de Milan renferment beaucoup de documents sur la Dalmatie franchise (1806-1809), dependante du Royaume d’ltalie, mais tres peu sur 1 ’Illyrie dont le Gouvernement dependait directe- ment de Paris. On peut y signaler un registre de correspondance (copies de lettres de l’ingenieur en chef des Ponts et Chaussees, Blanchard, du i er janvier au 28 novembre 1811) et des docu¬ ments relatifs a la fixation de la frontiere entre l’ltalie et l’llly¬ rie ( 5 ). Au terme de cette revue des archives, on peut dire que la (1) L. K. Moser, Das Archiv..., pp. 139-163. (2) Communication de M. le directeur G. Braun. (3) Ayant demand^ si ces archives possedent des documents rela¬ tifs a notre sujet non encore utilises dans les diverses histoires de Trieste, je n’ai pas reiju de r^ponse. (4) Communication de M. le directeur C. Battisti. (5) Communication de M. L directeur G. Vittani. LXIV LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES partie la plus importante s’en trouve aux Archives nationales. Et la,ce sont les rapports de Marmont, Bertrand, Belleville, Chabrol, Blanchard, Gallois et Pellenc, qui sont les meilleurs temoins pour la connaissance de la situation de l’lllyrie. Plu- sieurs de ces fonctionnaires ont servi en Illyrie, depuis sa crea¬ tion jusqu’a sa fin, et ils sont parv.nus a traiter ce pays non seulement avec le zele de l’administrateur, mais aussi — avec la pitie de l’ami qui comprend. CONCLUSION En resumant la revue des sources imprimees et inedites rela¬ tives a 1’histoire economique des Provinces Ulyriennes, il y a lieu de constater ce qui suit : Les ouvrages generaux ne donnent a l’lllyrie qu’une place min : me, presque toute son importance etant economique et fondee sur sa position, ce qui forme l’objet d’une branche de 1’histoire qui, en general, n’est guere etudiee. Les travaux sur le blocus continental ne s’en occupent point ou tres peu, et ce qu’ils apportent concerne l’importance de l’lllyrie pour le blocus continental, et point celle du' blocus pour l’lllyrie. Les recueils de lois et les journaux illyriens renferment un nombre restreint de decrets et arretes relatifs a l’execution du systeme continental en Ulyr e, mais il y manque les decisions les plus importantes. Les etudes speciales sur l’administration, la constitution, l’opinion publique, l’influence sur l’esprit national des Provinces Illyriennesainsiquelesmonographies sur les diverses provinces et villes de l’lllyrie offrent des chapitres ou de simples notices sur plusieurs points de sa vie economique, concernant surtout les phenomenes qui frappaient particulierement l’attention, comme la crise monetaire, la stagnation de la navigation, le commerce du Levant. Ainsi , les grandes lignes de son deve- loppement economique sont tracees. Mais tous ces travaux ne s’occupent de 1’histoire economique qu’en passant. La liste est longue, le resultat plutot maigre, la synthese fait defaut. Nombre d’auteurs, surtout les plus anciens, se sont contentes d’etudier les decrets et arretes, s’occupant moins de leur appli- LXVI LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES cation et de leurs resultats. Ils n’oht pas assez considere que, pour porter un jugement, il faut faire le depart entre la loi une fois proclamee et la pratique administrative quotidienne, et que des circulaires frequentes prouvent plutot 1’inexecution d’une mesure legislative. En Illyrie comme ailleurs, on savait « eluder les decrets et tourner la loi (i)».Ces auteurs se sont contentes egalement d’enregistrer les faits qui etaient les resultats de motifs et de causes primaires dont ils ne pouvaient pas s’occuper, vu le peu de materiaux dont ils disposaient. Ce sont les archives qui font connaitre beaucoup de details encore inconnus, qui renforcent, eclairent et font saillir les grandes lignes deja discernees, qui ajoutent des chapitres dont presque rien n’etait corinu auparavant, et montrent les causes, 'encore inconnues, de consequences deja connues. Seulement ces archives ont de grandes lacunes. Leur plus grande partie, et la plus importante, a sombre en 1813. Quelques-unes ont ete detruites direetement par les evenements de la guerre ; les autres ont ete perdues, dispersees a la retraite. Parmi ce qui est reste et qui s’est conserve, les archives de Paris offrent la correspondance du Gouvernement illvrien avec le Gouvernement central ; celles de Ljubljana, la correspon¬ dance des intendances avec le Gouvernement illy rien. Vu le caractere de l’administration napoleonienne, il est evi- , dent que tous les objets qui nous interessent — agriculture, forets, mines, industrie, routes, commerce, etc. — figurent dans les rapports des fonctionnaires, mais presque nulle part sans lacunes : il y manque tantot une annee, tantot une province. Les rapports fideles des fonctionnaires superieurs, qui avaient passe assez de temps en Illyrie pour bien connaitre les condi¬ tions de vie du pays, sont les meilleurs jugements portes sur sa situation economique, et suppleent ainsi heureusement a la penurie des archives privees. Les plaquettes des Archives nationales et les arretes des Ar¬ chives provinciales de Ljubljana donnent les mesures les plus importantes — douanieres et autres — du Gouvernement pour l’execution du blocus continental en Illyrie, dont le tableau (1) Ch. Schmidt, La rdforme de VUniversitd Impe'rialc en 1811 (Paris, 1905,8°, 132 pp.bpp.39,42. SOURCES DE l’hISTOIRE ECONOMIQUE LX VII est complete par les contre-mesures autrichiennes, qui figurent dans les documents des archives de Vienne. Telle est done la base que j’ai trouvee pour mon travail. II a pu s’appuyer, pour plusieurs chapitres — ceux du cadre — , sur des etudes speciales deja existantes, et utiliser, pour d’autres, des details etudies ou mentionnes par-ci, par-la. Mais pour ce qui en forme l’objet principal, a savoir le developpement des di- verses branches de la vie economique des Provinces Illyriennes sous la domination du systeme continental, il a du s’appuyer essentiellement sur les archives. 28 HVec-Stelfe TABLE DES MATIERES A. -- La Vie ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES Avant-propos. 1 Avertissement : Bibliographie et transcription. 2 Introduction. 4 I. La creation et l’organisation des Provinces Illyriennes. 6 1. Le milieu physique et politique. 6 2. Motifs de la creation de l’lllyrie. 10 3. Le cadre administrate. 13 4. La solution de la crise monetaire. 19 It. L’execution du blocus continental en Illyrie. 26 1. Les douanes........ 27 2. L’agriculture, l’elevage et la sylviculture. 36 a. L’agriculture et l’elevage. 37 b. La sylviculture. 42 3. Les mines et 1’industrie. 46 a. Les mines et 1’industrie metallurgique. 46 a. Idrija.. 48 {5. Carinthie et Carniole. 56 b. L’industrie . 72 4. Les routes et les postes. 79 a. Les routes. 79. b. Les postes. 106 a. La poste illyrienne. 107 (3. La poste frangaise en Turquie. 113 5. Le commerce. 117 a. Les tarifs illyriens. 118 b. Le commerce interieur.. - 1 . 125 c. Le commerce anglais. 130" d. Le commerce autrichien. 136 e. Le commerce levantin. 146 6. La navigation et la contrebande. 189 a. La marine illyrienne. 189 b. La navigation. 19u c. La contrebande.. 210 7. Les finances. 220 a. Les impots. 220 b. Les sels et les tabacs. 226 c. Les domaines. 244 d. Les budgets. 247 e. Les dettes. 253 LXX LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES III. La situation eeonomique du pays ......... 264 1. La Croatie militaire. 264 2. Les jugements contemporains et posterieurs.. 273 . a. Les rapports administrates. 274 b. Les impressions des historiens. 307 , 3. L’opinion publique. 316 4. Conclusion (Ulyrie autrichienne et Yougoslavie). 333 Supplements . 345 Note sur les cartes. 345 Tableau chronologique des decrets, arretes, etc. concernant la VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILLYRIENNES. 345 Tableau comparatif des monnaies, poids et mesures. 349 Table alphabetique des noms de personnes. 351 Table alphabetique des noms geographiques avec leurs prIncipales CORRESPONDANCES DANS LES DIFFERENTES LANGUES . 355 Cartes I-III. 361 B. —• Sources de l’iiistoire economique DES PROVINCES ILLYRIENNES : BIBLI0GRAPH1E CRITIQUE Introduction. I I. Sources imprimees. II A. Ouvrages generaux, recits de voyage, memoires, cor- respondances. v B. Ouvrages sur le blocus continental. xi C. Ouvrages sur l’Ulyrie. XIV D. Recueils, journaux, cartes et plans, imprimes contem- porains . i . xxxiv II. Sources inedites (Archives). Inventaires. xlii A. France. xlvi Paris : Archives nationales. XLVI Archives des Affaires etrangeres. XLIX Archives historiques de la Guerre. L Chatillon sur-Seine : Bibliotheque municipale. LI B. Autriche. lii Vienne : Haus-Hof-und Slaalsarchiv (Archives de la Cour et de l’Etat. liii Hof-Kammer-Archiv (Archives de la Chambre aulique). liii Archiv des Minisleriums des Innern (Archives du Mi¬ nistere de 1’Interieur). lii Archiv des Finanz-Minisleriums (Archives du Ministere des Finances). liv Kriegsarchiv (Archives de la Guerre). liv Graz : Landesregicrungsarchiv (Archives gouvernemen- tales) . liv Carinthie: Beljak,Celovec (Klagenfurt). lvI C. Yougoslavie. lvi Slovenie. lvi Ljubljana : Dezelni archiv (Archives provinciales). LVI Mestni arhiv (Archives municipals). LVII Vladni arhiv (Archives gouvernementales). LVII Regislratura Jinancne delegacije (Archives de la Section du Ministere des Finances). lviii LXXII LA VIE ECONOMIQUE DES PROVINCES ILI.YRIENNES Arhiv dezelnega sodisca (Archives du Tribunal provin¬ cial). LVII Drzavna biblioteka (Bibliotheque d’Etat). LIXI Maribor . LIX Croatie. lix Karlovac : Gradski arkiv (Archives municipales). lix. Zagreb : Drzzvni arhiv (Archives d’Etat). lx Dalmatie : Dubrovnik, Split. LXI D. Italie. lxii Zadar : Archivio storico (Archives historiques)... lxii Rijeka : Archivio civico (Archives municipales). LXII Trieste : Archives du Tribunal de commerce et de na¬ vigation . LXII Archivio civico (Archives municipales.) Biblioleca civica (Bibliotheque municipale). LXIII Archivio di stato (Archives de l’Etat). Lxm ■ Gorica : Archivioprovinciale (Archives provinciales).. lxiii M ilan : Archivio di stato (Archives de l’Etat). LXIII Conclusion. lxv Saint-Amand (Cher). — Imprimerie K. Busbieue — 10-10-1930 - V * J ' PUBLICATIONS DE LTNSTITUT D’ETUDES SLAVES COLLECTION IIISTORIQUE DE LTNSTITUT D’ETUDES SLATES N° i. — C. JmEfiEK, La civilisation serbe au Moyen Age. Traduit de l’allemand sous la direction de L. Eisenmann, preface d’Ernest Denis, Paris, 1920 , (ed. Bossard), vn -102 pp. . 7 fr. 50 N° 2 . — Erne.'t Denis, Du Vardar a la Sotcha (editions Bossard), prefaces de , MM. A. Belitcii et Louis Eisenmann, 35i pp. 12 fr. No 3 . — Georges Plekiianov, Introduction a I’histoire sociale de la Bussie, ouvrage traduit du russe par M'"° Batault-Plekhanov (ed. Bossard), iv-i 6 opp. 12 fr. N° 4. — Raoul Labry, Herzen et Proudhon (ed. Bossard), 200 pp. 18 fr. No 5 . — Emile Haumant, La formation de la Yougoslavie, n /5a pp. (ed. Bossard). 60 fr. N° 6 . — Melilta Pivec-Stele. La vie bconomique des Provinces Illyriennes, 1809 - 1813 , 363 -{* lxxii pp. et 3 cartes hors texte (ed. Bossard). 60 fr. COLLECTION DE GRAMMAIRES DE LTNSTITUT D’ETUDES SLAVES I. Grammaire de la langue polonaise, par Antoine Meillet et M me de Willman- Grabowska. Un volume de 223 pp. 18 fr. II. Grammaire de la langue tclieque, par Andre Mazon .. (2 e edition, sous presse) III. Grammaire de la langue serbo-croate, par A. Meillet et A. Vaillant. Un volume de viii- 3 o 2 pp. 25 fr. IV. Grammaire de la langue bulgare, par Leon Beaulieux, en collaboration avec Stefan Mladenov. Un volume d’environ 3oo pages. (Sous presse) COLLECTION DE MANUELS DE LTNSTITUT D’ETUDES SLAVES 1. Manuel de l’antiquite slave, par Lubor Niederle. i re parlie : L’histoire. Un volume de vm -246 pp., avec 2 cartes. 40 fr. 2 0 partie : La civilisation. Un volume de vn-36o pp.. avec i44 illustrations, 3 planches en couleurs (Ouvrage couronne par l’Academie des Inscriptions et Belles-Lettres). 65 fr. Les deux volumes ensemble. 100 fr. II. Le slave commun, par A. Meillet. Un volume de xvi-448 pp. 60 fr. V. Le vieux slave, par S. M. Kul’bakin. Un volume de vi -370 pp. 60 fr. TRAVAUX PUBLICS PAR LTNSTITUT D’ETUDES SLAVES I. Contes slaves de la Macedoine sud-occidentale : etude linguistique ; textes et traduction ; notes de folklore, par Andre Mazon. Un volume de 236 pp., avec carte de la rdgion dtudiee. 40 fr. II. Melanges publies en l’honneur de M. Paul Boyer. Un vol. de 376 pp. 60 fr. III. Les formes du duel en slovdne, par L. Tesniere. Un volume de xx-454 pp- Annexe k ce tome III : Atlas linguistique pour servir a 1’etude des formes du duel en Slovene, gr. in-folio oblong, vi -42 pp., 70 cartes. Les deux volumes no sont vendus qu’ensemble (Ouvrage couronnd par I’Acaddmie des Inscriptions et Belles-Lettres). 200 fr. IV. Les Slaves, Byzance et (Rome au IX e siecle, par E. Dvornik. Un volume de vi-36o pp. (Ouvrage couronnd par l’Academie Frangaisc).. 40 fr. V. La vie de saint Gregoire le Decapolite etles Slaves macedoniens au IX e siecle, par F. Dvornik. Un volume de 94 pp. 25 fr. VI. La langue de Dominko Zlataric. I. Phonetique, par Andre Vaillant. Un volume de xx -370 pp. (Ouvrage couronne par l’Academie des Inscriptions et Belles-Lettres). 80 fr. La ID partie (Morphologie) est sous presse. VII. Jean Amos Comenius (Komensky). Sa vie et son oeuvre d’educateur, par Anna Heybehger. Un volume de 280 pp., 10 planches, dont 2 phototypics. 50 fr. VIII. Les Piesni razlike de Dominko Zlataric, par Andre Vaillant. Un volume de viii- 45 pp. 20 fr. IX. Catalogue des periodiques slaves et relatifs aux btudes slaves des Biblio- thdques de Paris, par Boris Unbegaln, avec une preface de Andrd Mazon. Un volume de xiv- 223 pp. 85 fr. X. La poesie populaire bpique en Yougoslavie au debut du XX e siecle, par Mathias Murko. Un volume de 75 pages et 21 planches hors texte. 30 fr. XI. Actes magiques, rites et croyances en Russie subcarpathique, par Pierre Bogatyrev. Un volume de xi-i 63 pp. 45 fr. LIBBAIRIE ANCIENNE H. CHAMPION!, RDITEUK, QETAI MALAQUAIS, 5 BIBLIOTHFQUE POLONAISE DE LMNST 1 TUT D’ETUDES SLAVES I. Histoire eeonomigue de la Pologne avant les partages, par Jan Rutkowski. Un volume de 280 pages (Ouvrage couronne par I’Acaddmie des Sciences morales et poliliques)... 40 fr. II. Le liberum veto : etude sur le developpement du principe majoritaire, par Ladislas Konofczynski. Un volume de 298 pages. 45 fr. TEX'l’ES PUBLIES PAR L’INSTITUT D’ETUDES SLAVES I. Les Feuillets du Zograph, par P. Lavrov et M. Dolobko. Une plaquelle de 38 pages, avec 3 reproductions du manuscrit en photogravure. 10 fr. Une plaquette complementaire de 35 pages, par P. Lavrov et A. Vaillant. ... 10 fr. REVUE DES ETUDES SLAVES La Revue des Etudes slaves est publice par I’Institut d Etudes slaves dcpuis 1921. Elio est dirigtie par MM. A. Meillet et Paul Boyer; le Secretaire de la redaction est M. Andre Mazos. Elle paralt deux f’ois par an, A raison de 4 fascicules pour l’annee entiere. Lc prix de l’abonnement annuel, pour I’annee courante, est, pour la France, de 60 francs (Paris) et 65 francs fdepartemenls et colonies), et, pour les pays etrangers, de 3 dollars. Le prix du volume annuel pour les anneos ecoulees est porte h 4 oo francs pour la i re annee, a 200 francs pour la 2 e annee, ct a 100 francs pour les anndes suivantes. OUVRAGES PUBLIES SOUS LE PATRONAGE DE LTNSTITUT D’lSTUDES SLAVES L’art russe des origines a Pierre-le-Grand, par Louis Beau, ancien direcleur de l’lns- titut fran^ais de Petrograd, Paris, 1920 (ed. Laurens, 6, rue de Tournon). Un vol. de xi-387 pp. et 1 g 4 planches. 40 fr. L’art russe de Pierre-le-Grand a nos jours, par le meme auteur, Paris, 1922 (ed. Laurens). Un volume de xi-291 pp. et 72 planches... 25 fr. Alexandre Ivanovic Herzen (18:2-1870) : essai sur la formation et le developpement de ses idees, par Raoul Larry (ed. Bossard), 433 pp. 45 tr. BlBLIOTHtQUE DE L’INSTITUT FRANfAIS DE LENINGRAD I. Le theatre de mreui’s russes des origines a Ostrovski (1672-1850), par J. Patouillet, 1912.. 10 fr. 50 II. L’architecture classique a Saint-Petersbourg, A la 6n du xvm e siecle, par Louis IIautecqeur, 1912, i 4 planches hors toxle. 13 fr. 50 III. Un maitre du roman russe : Ivan Gontcharov (1812-1891), par Andre Mazon, 1914, avec portrait et fac-simile...... 36 fr. IV. Emplois des aspects du verbe russe, par Andr 4 Mazon, 1914. ( Epuise ) V. Le Stoglav OU les cent chapitres. Rccueil des decisions de l’Assemblee ecclesias- tique de Moscou, 1 55 1. Traduction, avec introduction ot conuncntaire, par E. Duchesne, 1920.. 30 fr. VI. Lexique de la guerre et de la revolution en Russie (1914-1918), par Andre Mazon, 1920 . 15 fr. VII. Correspondance de Falconet avec l’imperatrice Catherine II, par Louis Beau, 1921, avec 1 planche .. 30 fr. VIII. Le Musee Pouchkine d’Alexandre Oneguine a Paris : notice, catalogue et exlraits de quelques manuscrils, par Modesto Hofmann, 1926. 30 fr. IX. Manuscrits parisiens d’lvan Tourguenev : notices et extraits, par Andre Mazon, ig 3 o, avec i 5 planches, dont 3 photogravures hors texte. 40 fr. X. La philosophie et le probleme national en Russie au debut du XIX U siecle, par Alexandra Koyre, 1929... 30 fr. XI. LegendeS sur les Nartes, suivies de cinq notes mylhologiques, par Georges Dumezie, ig 3 o.. 40 fr. XII. Tchaadaev et les Lettres philosop hique s, par Ch. Quenet. ( Sous presse) --------- , - Iinprimerie It. BUSSlLlt is. ^* J SairiVr^ifmncl (Cher). — 27-10-1930 f A ' 'I, St ^ >;■y / /