Abstract UDK 76.045.5:929 Valvasor J. V. LA GRAVURE TRIOMPHE DE LA MORT DE JANEZ VAJKARD VALVASOR Martin Germ Le role que le grand historien et fondateur de !'art graphique en Camiole a eu dans le devel- oppement de !'art et de la culture est bien connu du fait que Valvasor, lui-meme artiste-amateur des techniques graphiques, a mis la main a la pate et produit une gravure interessante figurant a !'introduction de son suvre Theatrum mortis humanae tripartitum,' qui, en depit de son aspect graphique tres riche, n'a pas attire beaucoup d'attention des historiens de !'art. II s'agit pourtant d'1me favre impmtante_integrant les grandscourants_dela production artistique traversantl 'Europe contemporaine qui thematisent, dans Jes arts plastiques et dans la litterature, la fugacite de la vie humaine et la mort. 2 L'interet du Theatrum mortis humanae tripartitum, litteraire et, surtout, ar- tistique, d'autant plus que les gravures executees d'apres les originaux du peintre slovene Janez (Jean, Ivan) Koch, a la difference des vers quelque peu maladroits et ne depassant pas la qualite moyenne de la poesie baroque morale et didactique, representent une suvre graphique qui n' est negligeable ni du point de vue artistique 1 Janez Vajkard Valvasor et Janez Koch, Zmagoslavje Smrti (Le Triomphe de la Mort), la gravure intro- ductive du Theatrum mortis humanae tripartitum de Janez Vajkard Valvasor, 1682 (ms. n. R 12471, NUK, Ljubljana). Le dessin preliminaire de Koch sur lequel a ete prise la gravure est preserve dans !'heritage valvasorien. La comparaison en revele une quasi identite, a cette difference pres que le modelage des corps dans la gravure est un peu moins prononce. Le dessin est en possession de la Biblioteka Metropolitana de Zagreb (cote M. 11984). Valvasor s'est mis a ecrire le Theatrum vers la fin de 1680 pour le terminer en 1681, oil, le texte sorti des presses, a Ljubljana, on a toutefois du attendre avant de le voir publie, ensemble avec Jes illustrations graphiques, executees a Bogensperk, seulement en 1682 a Salzbourg. 2 Seuls France Stele et Emilijan Cevc ont etudie de pres le Theiitre de Valvasor (France Stele, Valvasorjev krog in njegovo graficno delo, Glasnik Muzejskega drustva za Slovenijo, 9, 1928: 9-30; Emilijan Cevc, Ob Valvasorjevem prizoriscu Cloveske smrti (preface a !'edition faximile) in: J. V. Valvasor, Theatrum mortis humanae tripartitum/Prizorisce clove§ke smrti v treh delih, trad. J. Mlinaric, pref. E. Cevc, Maribor/Novo mesto 1969: 280-319. Cevc, abordant le sujetde !'illustration qui inaugure le Theatre encore dansJ. W. Val- vasor kot mentor slikarjev (in: Janez Vajkard Valvasor Slovencem in Evropi, cat. de !'exposition a la Galerie Nationale, 13 oct.-18 dee. 1989, ed. L. Gostisa, Ljubljana 1989: 185-186), n'y resume que brievement une partie de la preface mentionnee. Pour une evaluation et analyse de I 'importance du Theiitre de Valvasor dans le contexte europeen, voir Martin Germ, Theatrum mortis humanae tripartitum: Jconographie de la Mort dans le livre de Janez Vajkard Valvasor, in: L 'image en Europe du XVIIe siecle, Nancy 2002: 77-99. 73 Le titre de l'image: Janez Vajkard Valvasor (inuen. et excud.), Janez Koch ( delin.), Andree Trost (sculp.), Triomphe de la Mort, gravure sur cuivre, la feuille introductive du Theatrum mortis humanae tripartitum, 1682, cote R 12471, NUK, Ljubljana. ni du celui, th6matique, dans le contexte artistique camiolien de l' epoque. 3 La feuille introduisant la serie, la meilleure et thematiquement la plus interessante, est a la fois celle-meme qui merite une attention particuliere puisqu'elle est 1'8uvre de Valvasor lui-meme. Les signatures sur la gravure temoignent que la composition de fond a ete con~ue (W.W.· inuen.) et qu'imprimee (W. excud.) dans !'atelier a Bogensperk ou le savant baron avait ses presses.4 3 Tandis que Janez (Ivan) Koch (approx. 1650-1715) a signe Jes esquisses de toutes Jes gravures dans Jes deuxieme et troisieme parties du Theiitre, et celles de la premiere partie reprennent la Danse macabre de Hans Holbein le Jeune, la feuille d'introduction appartient a Valvasor. Toutes Jes gravures du Theatrum ont ete executees par Andree Trost, graveur de Graz que, peu apres !'installation de son atelier graphique en 1678, Valvasor a invite au chateau de Bogensperk, ou ii est reste jusqu'a la publication de !'oeuvre la plus connue, Die Ehre deft Herzogthums Crain en 1689. L'estimation de Stele, que Jes gravures du Theat- rum, "trop artisanales et manquant d'authenticite artistique, esquivent de vrais problemes de la peinture et du dessin," est trop severe et inadequate puisqu'elle provient d'une comparaison pas trop unilaterale avec le meilleur art graphique en Europe au 17e siecle. La valeur relativement modeste des gravures ornant le Theatrum de Valvasor ne prouve point qu'elles ne depassent pas le niveau artisanal ni qu'elles manquent d'authenticite artistique. Au contraire, elles comprennent quelques exemples qui trouvent facilement des paralleles parmi Jes suvres de qualite moyenne dans la production graphique en Europe centrale. Cf. France Stele, Slovenski slikarji, Ljubljana 1949: 72. 4 La signature complete de W.W: inuen. W. excud. lo: Koch del: And Trost sculp: Wagenpurgi in Carniolia d'ailleurs indiquant que cette illustration a ete realisee par Ivan Koch et gravee en cuivre par Andree Trost, ii n'y a toutefois aucun doute que la conception originale a ete celle de Janez Vajkard Valvasor, et c'est Jui qui en est, au moins dans le sens iconographique, !'auteur incontestable. 74 Sur une plaine deserte, couverte des os humains, deux fossoyeurs, creusant les tombes, dirigent le regard vers la partie centrale de la procession triomphante de la Mort passant sous l'arc, d'une certaine hauteur, d'une ruine puissante, variante grotesque de l 'arc de triomphe romain ou, precisement, une squelette portant une couronne royale et soulevant, dans la main gauche, un sablier au lieu de la pomme imperiale, dans sa droite, un long faux rempla9ant le sceptre, est assise sur un grand amas de terre pres du catafalque. La Mort, reine puissante, voyage sur la charrette tiree par un elephant et un dromedaire. 5 Une squelette, chevauchant sur l' elephant, brandit une grande fleche, son compagnon asssis sur le dromedaire, la bandiere funebre. Ces deux sont accompagnes de trois autres chevauchant les chevaux, et dont le premier sonne la buccine, le deuxieme porte un epieu et le troisieme frappe sur un tambour. Une masse de squelettes se deplace a pied, precedees par Adam et Eve marchant a pas lourd et comme sous le poids de leur culpabilite, separes par l' arbre de la connaissance avec le serpent, rappelant le peche originel, cause de l' emprise que la Mort a obtenue sur le genre humain. Derriere un obelisque a droite, en distance, se montre la scene du meurtre d 'Abel, completant l 'histoire biblique du peche originel avec le motif du premier crime dans l 'histoire de l 'humanite. Cette allegorie majestueuse manifeste non seulement le triomphe de la Mort sur l 'homme, elle explique aussi la source de son pouvoir sur le monde. La gravure associe plusieurs elements traditionnels d'iconographie macabre darts une interpretation manieriste-lihre et -tres -dyiiaiiiisee. Erriili}an Cevc; dont l'etude souligne le caractere »septentrional« de l'suvre de Valvasor, est persuade que les scenes du theatre religieux de l'epoque, notamment celles des jeux de la Passion accompagnant les processions, y ont exerce une influence considerable. 6 Les Passions,jeux ou processions, normalement commen9aient avec une represen- tation de la cause premiere qui a entra'ine la souffrance du Christ. Le cortege a ete ainsi precede par la Mort a cheval, portant l'arbre de la connaissance dans la main et accompagnee d' Adam et Eve chacun d 'un cote, les trois suivis par Cain et Abel. Cevc a attire !'attention au paralelle avec la Passion de Skofja Loka, ecrit en 1721 par le pere Romuald7, OU egalement appara'it la Mort triomphante avec l'arbre de la connaissance et accompagnee par Adam, Eve, Cain et Abel. La Passion de Skojja Loka, a peu pres quarante ans posterieure au Theatrum mortis humanae et sans figurer comme reference critique pour la gravure de Valvasor, simplement rappelle que ce type d'iconographie etait repandu en Carinthie non moins qu'ailleurs. Tout possible qu'il soit de supposer que Valvasor ait pu voir, a Ljubljana, des processions de Passion de meme type que celle de Skofja Loka, et anterieures,8 il convient neanmoins de souligner que sans preuves qui confirmeraient positivement l' actualite 5 La composition de la gravure, du fait que la partie inferieure de la tombe et du catafalque se trouvent voilees, rend difficile a discerner que la Mort conduit la charrette, un regard de pres en revelant toutefois Jes grandes roues ferres. 6 Cf. Emilijan Cevc (1969): 290-291. 7 Apropos du Skojjeloski pasijon et son importance dans la culture slovene du 18• siecle, voir Jes etudes accompagnant la demiere edition du texte: Pere Romuald, Skojjeloski pasijon, Une transcription phonetique simple avec traduction des parties non-slovenes du texte, introduction par Joze Faganel et alii, Ljubljana 1999. 8 Cf. Emilijan Cevc (1969): 290. 75 d'in:fluence, il faut s'en teillr a la »possibilite« sans plus. Les processions de Passion ont pu influencer le Theatrum de Valvasor, toutefois, de la a a:ffirmer que »sa pre- miere illustration n' est rien d' autre qu 'une scene de procession quelque peu enrichie (elephant, dromedaire )«9 est exagere et sans fondement iconographique. Cevc, notant les paralelles thematiques les plus remarquables, va jusqu' a observer que les didascalies de la Passion de Skofja Loka semblent quasi une description element par element de la composition valvasorienne. »Celui qui precede la procession est suivi par la Mort, avec tambour et au cheval blanc ... Au paradis, ou est representee la chuted' Adam, notre premier pere, il y a 7 acteurs ... Cette figure est aussi suivie par la Mort, puis par les enfants d' Adam ... eux aussi, immediatement suivis par la Mort ... La troisieme scene montre la Mort sur un cheval blanc, triomphante a cause du peche d' Adam, couronnee avec laurier et munie d'un long epieu. La cavalerie de la mort: 1. la Mort avec un fouet, pape, cardinaux, eveque, chanoine, nonce, cha- noine en mosette rouge, cure, deux chapelains, Mort avec drapeau, empereur, deux pages, roi, deux pages, archiduc, deux Princes-Electeurs, comte, baron, seigneur et vilain, noble, chevalier, bourgeois, maire, paysan, mendiant. .. Une compagnie des morts, puis la Mort avec faux, tous a pieds.«10 Les paralleles de fond entre l'illustration et la description de la procession, qui sans aucun doute existent, sont tres limites. Meme en combinant les descriptions differentes de la Mort qui apparait dans la procession pour en composer une figure qui se rapprocherait de celle que l 'on trouve chez Valvasor, la difference demeure evidente. La Mort de Valvasor ne chevauche pas ni ne se deplace a pied, elle est assise de fac;on triomphale sur la charrette, ce qui represente une difference icono- graphique importante. Des squelettes qui l'accompagnent, il est vrai, trois sont a cheval, mais de l' autre cote, il y en a une sur le dromedaire, une autre sur l' elephant et tout un groupe qui en va a pied. L'ensemble n'est pas conc;u comme procession ou se succederaient des scenes, i1 est bien plus proche du motif de l'iconographie italienne, du Triomphe de la Mort. Tous les autres elements de la Passion de Skofja Loka n'ont rien a voir avec la gravure, il n'y a que le motif de nos premiers parents face a l'arbre de la connaissance que seul peut se rapporter aux didascalies. S'il est surprenant que les resultats de la comparaison thematique sont minces, i1 convient d'autant plus a souligner qu'il est encore moins convaincant de vouloir a tout prix relier le Theatrum dans son integrite artistique/litteraire a la Passion de Skofja Loka, voire meme aux jeux de la Passion plus anciennes. 11 est a peine probable que Val- vasor se serait inspire chez un autre auteur dans le projet de son illustration initiale puisqu'il pretendait executer une image propre a soulever le debut du texte dont il etait lui-meme auteur. Ce qu'il a reussi amener a bien: le triomphe de la Mort etant le fil rouge du livre tout entier, la gravure initiale traduit quasi »a la lettre« la derision macabre de la conclusion du Dialogue de l 'homme et de la Mort figurant en introduction poetique (sic!) au debut du Theatrum mortis humanae: MORS "Mors igitur regnat, Mors pallida ubique triumphal, Orbi invecta tua culpa ubi, Adame fuit. 76 9 Cf. Emilijan Cevc (1969): 291. 10 Cf. Emilijan Cevc (1969): 290. Regibus et plebi Mars imperat, omnia sternit. Subicit imperio sceptra et atra suo. HOMO Hine lacrimae, hinc gemitus irifinitique do/ores Obruit hinc homines mortis ubique pavor. Mixta hinc assiduo sunt omnia gaudia luctu, Omnibus haec cum sit !ex: aliquando mori. MORS Magna triumphales ergo conscendere currus, Orbe vehi victrix Mors modo iure queo. Reddite, plectra, sonum, mortales cedite palmam, Saltus inque meos accelerate pedesf " 11 La mise en rapport de l'illustration et du texte ne saurait etre plus claire, d'autant plus que cette feuille est la seule a noter explicitement qu'elle a ete corn;ue (invenit) par l'auteur des vers lui-meme. La composition de la grande gravure d'in- troduction montre qu'une procession de la Passion plus ou moins complexe n'est pas ce que Valvasor imaginait en creant la feuille, l' auteur a heureusement mis en rapport uncertain nombre d'elements iconographiques traditionnels de la fin du Moyen Age et de Ja_Renaissance. La composition de la gravure originelle associe deux motifs fondamentaux de l'iconographie de la Mort europeenne, le Triomphe de la Mort italien et la Danse macabre du nord. L'influence de ce demier se limitant, au sens iconographique, au motif d' Adam et Eve sous l'arbre de la connaissance, 12 les autres elements icono- graphiques se rapportent, pour la plupart, au motif de l' attelage triomphal conduit par la Mort, motif eminemment italien, popularise par les editions illustrees des Triomphes de Petrarque des 1475. 13 Il est a peine possible d'evaluer correctement 11 Janez Vajkard Valvasor, Theatrum mortis humanae tripartitum, 1682: 7. 12 Le motif d' Adam et Eve devant I' arbre de la connaissance, voire une image representant directement le peche originel, et qui fait partie de la Danse macabre, servant de prologue dont le role moral est d'expliquer la raison pour !'empire de la Mort sur l'homme, a ete integree par Valvasor, s'inspirant directement de celle de Hans Holbein le Jeune, tout au debut de sa propre Danse (Saltus Mortis, premiere partie du Theatre; image 2, suivant immediatement la creation d' Adam et Eve). La tradition de la mise en relation du peche original et de la danse macabre est pourtant encore plus ancienne. Cf. James M. Clark, The Dance of Death in Middle Ages and Renaissance, Glasgow, 1950; Hellmut Rosenfeld, Der mittelalterlichen Totentanz. Entstehung, Entwicklung, Bedeutung, Kiiln 1968, Andre Corvisier, Les danses macabres, Paris, 1998. Voir aussi: Jutta Schuchard, Tanz der Toten - Todestanz. Der monumentale Totentanz im deutschsprachigen Raum. Catalogue d'exposition, Museum fiir Sepulkralkultur, Kassel, 19 septembre - 29 novembre 1998. 13 Le poeme comprend six grandes allegories representees par Petrarque dans la tradition des corteges de triomphe dont le poete ne decrit explicitement que l'attelage du Triomphe d' Amour. N'empeche que des Jes premieres editions illustrees, tous Jes corteges comprennent des variations picturales sur le theme de l'attelage triomphal, en commern;ant par le Triomphe d'Amour suivi par ceux des Purete, Mort, Gloire, Temps et Eternite. Le poeme, ecrit entre 1351 et 1374, aurait ete inspire par la mort de Laure en 1348. Voir Ernst Hatch Wilkins, Life of Petrarch, Chicago 1961. II reste la question d'influence sur le Triomphe de la Mort petrarquien par l'iconographie plus ancienne, de moindre importance par rapport a celle, d'ailleurs, que celui-ci a exercee posterieurement, dans I 'art de la renaissance et du baroque, oil ii assurait la reference- cle incontestable. Voir Victor Massena, prince d'Essling in Eugene Muntz; Petrarque, ses etudes d'art, son influence sur les artistes, ses portraits et ceux de Laure, ! 'illustration de ses ecrits, Paris 1902; Ernst Hatch 77 !'importance du Triomphe de la Mort de Petrarque pour !'evolution de l'iconogra- phie macabre dans l 'art de la renaissance, et Alberto Tenenti a juste titre constate que la popularite du motif provient du succes du poeme de Petrarque. 14 11 convient de rappeler que, d'apres Mark J. Zucker, les Triomphes de Petrarque avaient considerablement plus d'influence sur l'art que sur !'evolution de la litterature europeenne. 15 Puisque les editions illustrees en etaient populaires et repandues parmi les gens eduques en Camiole, il est fort probable que les Triomphes etaient bien connus a Valvasor. 16 L'inclusion des animaux exotiques dans le cortege triomphal est une autre caracteristique de l'iconographie italienne (ainsi que, dans un sens plus restreint, petrarquiste ), ce qui est le plus evident precisement dans les illustrations des Triom- phes de Petrarque. Aux 15e et 16e siecles, les illustrations les plus nombreuses, imprimees ou peintes a main, sont celles qui, dans l'attelage, font figurer des ani- maux exotiques, par exemple unicomes, elephants, buffies sauvages. La presence du dromedaire et du lion dans la gravure de Valvasor est a interpreter a la lumiere de son amour manieriste et baroque pour l'exotique, sans pourtant exclure la pos- sibilite d'une semantisation symbolique rapportee a Petrarque. C'est finalement Petrarque qui ecrit, dans son Trionfo della Morte, que le cortege triste rassemble les foules de tous les coins du monde, des Indes, des pays maures de l 'Afrique du Nord, de l'Espagne. L'elephant, le lion et le dromedaire sont traditionnellement les symboles des pays exotiques. Dans l'iconographie pre-colombienne des trois continents, l' elephant et le lion, au moins, et cela est hors de doute puisque Petrarque lui-meme les mentionne explicitement, representent les Indes (ou l'Asie entiere) ou 1' Afrique, voire l' Afrique du Nord qui etait alors connue. L'elephant et le lion demeurent les symboles traditionnels des Indes (Asie) et de l 'Afrique meme dans l'iconographie baroque tandis que l'imagination medievale et posterieure associe les dromedaires avec l'Orient et les Sarrazins, et meme s'ils ne sont pas des ani- maux emblematiques d'Espagne, ce role leur est prete dans un contexte iberique lui-meme »orientalise« et rendu »exotique« au sein geographique de l'Europe. La peninsule iberique, par ou le souffie oriental a atteint l'Europe sur son propre sol pour y demeurer une presence intense pendant des siecles, voire jusqu' a la chute de Grenade et la fin de lareconquete en 1492, est restee jusqu'au milieu du 19° siecle, dans la conscience europeenne, le lieu ou ce souffie se faisait veritablement sentir. Wilkins, The Making of the Canzoniere and Other Petrarchan Studies, Rome 1951; Giovanni Carandente, I trionfi nel primo rinascimento, Torino 1963; S. Samek Ludovici, "I Trionfi" illustrati nella miniatura da codici precedenti de/ secolo XIII al secolo XIV, Rim 1978; Joseph B. Trapp, "The Iconography of Petrarch in the Age of Humanism" Quadreni Petrarcheschi, IX-X, 1992/93 (izslo 1996): 11-73; E. Wyss, Matthaus Greuter's Engravings for Petrarch's Triumphs, Print-quarterly, 17 (2000): 347-363. 14 Cf. Alberto Tenenti, II senso de/la morte e l'amore de/la vita nel Rinascimento, Torino 1957. 15 Cf. Mark J. Zucker, The Triumphs of Petrarch, dans: The Illustrated Bartsch, Early Italian Masters, Commentary, XXIV/l, ed. J. T. Spike, New York 1993: 37. 16 II est vrai que la liste de !'heritage valvasorien ne comprend aucune edition des Trionfi de Petrarque ( cf. Peter von Radics, Johann Weikhard Freiherr von Valvasor, Ljubljana 1910: 310-333) et que la bibliotheque de Valvasor ne preserve qu'un exemplaire illustre de l'§uvre De remediis utriusque fortunae de cet auteur (cf. Bibliotheca Valvasoriana. Katalog knjiinice Janeza Vajkarda Valvasorja, ed. B. Kukolja et V. Magic Ljubljana/Zagreb 1995). Toutefois, la culture exceptionnelle de Valvasor permet de supposer que ce demier etait familier avec l'une des editions Jes plus populaires des Triomphes. 78 II convient de rappeler que Valvasor a lui-meme voyage en Espagne et en Afrique du Nord, ce qui permet de conclure que l'elephant, le dromedaire et le lion dans le Triomphe de la Mort peuvent etre interpretes comme une preuve de l'interet qu'il portait aux pays et cultures exotiques. C'est finalement le contexte architectural du motif qui demontre la suscepti- bilite de Valvasor aux exemples italiens. Les mines pittoresques, le motif de l'arc triomphal et un obelisque egyptien place sur un socle prismatique de forme classi- que composent la scene ou l 'on lit les echos des panoramas romains imaginaires, rappelant ceux des maltres du baroque italien, par exemple Viviano Codazzi. 17 C' est surtout l'obelisque qui est significatif puisqu'il a ete mis en valeur comme monu- ment architectural decoratif et popularise en Europe comme motif iconographique precisement par la renaissance italienne. Sans finalement oublier le catafalque monumental de forme architecturale, devant lequel est assise la Mort. Le puissant sarcofage de marbre est particulierement interessant pour une recherche des liens avec l 'iconographie italienne du Triomphe de la Mort puisque les catafalques sur les charrettes que l' on retrouve sur les illustrations du Trionfo delta Mo rte petrarquien sont tout pareils. 18 D'ou, par consequent, l'idee de la dominantion des influences septentriona- les? La question est bien justifiee. II est evident a la premiere vue que la presence des elements italiens dans l'illustration de Valvasor l'emporte, et de beaucoup, sur ceux venus du nord, tandis qu'une analyse precise demonfre l'irifluence au motif petrarquiste du Triomphe de la Mort avec une squelette sur la charrette triomphale. Le baron tres cultive de Bogensperk, grand connaisseur de l'art italien pas moins que celui du nord, etait tres susceptible pour les deux traditions. II est vrai que le Theatrum mortis humanae tripartitum comme un ensemble artistique/litteraire temoigne d'un esprit plutot septentrional, toutefois, on ne saurait ignorer que le grand Triomphe de la Mort valvasorien porte en plus un sceau caracteristiquement italien et qu'une chasse a ses possibles sources parmi les Passions comtemporaines ne saurait convaincre. Universite de Ljubljana, Slovenie 17 Cf. David Ryley Marshall, Viviano and Niccolo Codazzi and the Baroque Architectural Fantasy, Milan/ Rome 1993. L'interessant, c'est que )'aspect architectural du contexte ou se situe le cortege valvasorien de la Mort fait penser Cevc a Viviano Codazzi, sans cependant iconographiquement rapporter )'ambiance italienne au motif central. 18 Le catafalque cons;u comme element architectural est d'une frequence exceptionnelle dans Jes illus- trations du Trionfo della Morte, autant dans Jes exemplaires illumines a main comme dans les illustrations graphiques. Des premiers, celui de 14 76 (BNF, it. ms. 548) est particulierement interessant puisqu 'ii comprend une illustration du Triomphe de la Mort (fol. 29) avec la position frontale de la charrette et, pareil en cela a celui de Valvasor, un catafalque majestueux et architecturalement fas;onne avec une squelette assise des- sus. On trouve des solutions picturales pareilles de la charrette avec catafalque egalement dans Jes versions graphiques, par exemple dans la serie du Maltre de la Passion de Vienne des annees 1460/65, conserve dans I' Albertine a Vienne (Cf. Maltre de la Passion de Vienne, "Triomphe de la Mort'', The Illustrated Bartsch, Early Italian Masters, XXIV, ed. Mark Zucker, New York 1980: 96.) 79 BIBLIOGRAPHIE Carandente, Giovanni. I trionfi net primo rinascimento. Torino: ERI, 1963. Cevc, Emilijan. Ob Valvasorjevem prizoriscu cloveske smrti (preface a I' edition faximile) J. V. Valvasor, Theatrum mortis humanae tripartitum/Prizorisce cloveske smrti v treh delih (trad. J. Mlinaric, pref. E. Cevc). Maribor/Novo mesto: Obzorja/Dolenjska zalozba, 1969. Cevc, Emilijan. Janez Vajkard Valvasor Slovencem in Evropi, cat. de l' exposition a la Galerie Nationale, 13 oct.-18 dee. 1989, ed. Lojze Gostisa. Ljubljana: Narodna galerija, 1989. Clark, James M. The Dance of Death in Middle Ages and Renaissance. 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