Bénédicte coste / La « décaBase » : expLorer Les traductions en périodiques et dessiner des perspectives 25 Bénédicte Coste Université de Bourgogne La « Décabase » : explorer les traductions en périodiques et dessiner des perspectives Si le dix-neuvième siècle est celui où se déploie la « civilisation du journal » (Kalifa, Régnier, Thérenty, Vaillant, 2011) en France à travers le développement des nou- velles techniques d’impression (rotatives, linotypie), de diffusion, l’accroissement du lectorat, l’expansion des titres et l’apparition de nouveaux formats et de nouvelles rubriques, force est de constater que certains de ses aspects restent inexplorés. La pé- riode suivant la guerre franco-prussienne jusqu’en 1914 a été caractérisée comme cel- le de l’âge d’or de la presse. Dans son étude de la culture de l’imprimé, Charle montre, chiffres à l’appui, l’augmentation et la diversification des titres de périodiques, cor- rélée au développement de l’instruction. Les lycées fournissent tout à la fois des ba- taillons de lecteurs et de contributeurs potentiels, suivis par les universités. Entre 1880 et 1900 ce sont quelques 200 titres (Charle 2004, 169-200) qui se créent annuellement avec un pic à 45 en 1892. La plupart des revues littéraires – qui nous préoccupent dans ce qui suit – sont publiées à Paris qui apparaît alors comme un grand centre éditorial, une des capitales culturelles (Charle 1998) du dix-neuvième siècle. Dans cette ébullition éditoriale et intellectuelle apparaît un « nouveau type de périodique » : les revues « éphémères » (Arbour 1956) ou « petites revues » dont Vérilhac remarque qu’elles naissent « dans les milieux décadents et symbolistes » (Vérilhac, 2011, 359) et qu’elles sont destinées moins à concurrencer des titres établis comme La Revue des Deux Mondes ou, à partir des années 1880, la Revue Bleue, qu’à permettre à une frange plus jeune et encore profane de s’introduire dans le monde littéraire et journalistique. Avec la loi sur la liberté de la presse de 1881 et dans le contexte de l’autonomisation du champ littéraire, le paysage du journalisme littéraire se diversifie et le nombre de petites revues augmente : pas moins de 300 titres naissent entre 1880 et 1914, avec de petits moyens, une fabrication souvent artisanale, des tirages faibles, et une équipe éditoriale restreinte, susceptible de « circulation » d’un titre à un autre, le plus souvent soudée par un « ensemble de solidarités (esthétiques, amicales) ». Leurs contributeurs sont une « population stable qui se superpose assez exactement au champ social de la jeunesse lettrée ». Souvent limitée à « la promo- tion des productions littéraires et artistiques, voire d’une école particulière », la petite revue déploie une « éthique d’indépendance radicale », affirme son rejet du modèle DOI:10.4312/ars.17.1.25-38 AH_2023_1_FINAL.indd 25 1. 09. 2023 13:30:48 Bénédicte coste / La « décaBase » : expLorer Les traductions en périodiques et dessiner des perspectives 26 communicationnel de la presse et présente un « discours fermement ancré dans les sociabilités littéraires » structurant « le monde de la jeune littérature ». Les petites revues ont une « fonction régulatrice du champ médiatique (Vérilhac 363-69). Depuis longtemps cette petite presse suscite nombre d’études, sur sa matérialité (Schuh 2016, 34-45), des titres précis comme La Revue blanche (Bourrelier 2007), des genres journalistiques, des contributeurs, voire sa préservation sous forme nu- mérisée. Plus récemment, son positionnement devant la presse et le secteur du livre ont fait l’objet d’un numéro spécial de la RHLF (Kalantzis et Stead, 2020). Stead remarquait déjà le rôle moteur des revues : « Au lieu que le périodique enregistre et subisse les contrecoups du monde du livre et se modèle sur lui, la revue teste souvent des formes et des langages et va jusqu’à les traduire en livres » (Stead 2007). Il est bon de rappeler, clarté terminologique oblige, que nombre d’auteurs canoniques sont avant tout des contributeurs de revues ou de magazines et relèvent à bon droit du journalisme littéraire. Nombre de poèmes, de nouvelles ou d’articles ultérieurement publiés en recueil l’ont originairement été sous forme de contribution journalistique. Que la revue soit petite ou établie, la traduction reste particulièrement négligée dans les études sur les périodiques fin de siècle. Commentant la structuration progres- sive des rubriques et l’élargissement aux littératures étrangères, entre 1880 et 1900 (Vérilhac 372), Vérilhac omet de mentionner qu’il se nourrit de nombreuses traduc- tions. Kalantzis, l’une des rares à se pencher sur la question à travers les traductions de l’italien dans les périodiques fin de siècle, souligne pourtant les enjeux littéraires de la traduction en périodique : « faire découvrir au public français des auteurs qui n’ont pas, ou pas encore, leur place dans les grandes revues, soit parce qu’elles ne les con- naissent pas, soit parce qu’elles les considèrent comme des écrivains dont la valeur ne serait pas assez reconnue. » (Kalantzis 2007)1 Or, comme je souhaite le montrer, certaines revues ont publié des traductions, ici de l’anglais au français, et nombres de textes que nous lisons en traduction (prose ou poésie) ont d’abord ou seulement paru dans ces périodiques. C’est le cas par exemple des poèmes de Dante Gabriel Rossetti (1885-6) dont The House of Life sera traduit par Clémence Couve2 dans ce qui demeure la seule traduction quasi-complète. Tout lecteur attentif d’une revue littéraire ou généraliste parue dans les deux dernières décennies du dix-neuvième siècle ne peut que remarquer la fréquence et la présence des traductions. Qu’elles soient anonymes, signées d’un nom, d’un pseu- donyme, ou d’initiales, les traductions constituent une part substantielle des contenus dissimulée derrière la catégorisation générique (poésie, prose, théâtre). Parfois elles 1 Voir aussi Pym 2007, 744-762. 2 Certains poèmes de Rossetti ont été traduits par Gabriel Sarrazin (1885, 1886), Clémence Couve (1886, 1887), Mary Robinson Duclaux (1894) et Francis Vielé-Griffin (1924). Voir plus récemment Reumaux 2018. AH_2023_1_FINAL.indd 26 1. 09. 2023 13:30:48 Bénédicte coste / La « décaBase » : expLorer Les traductions en périodiques et dessiner des perspectives 27 sont dédicacées, parfois elles sont précédées d’un court texte de présentation du tra- ducteur ou d’un tiers. D’un point de vue quantitatif, la traduction est importante ; d’un point de vue matériel et dans les années 1880 où la petite revue se caractérise par la « grande aération des textes » (Vérilhac 362), elle bénéficie d’une mise en page parfois spécifique. Il s’agit donc d’une rubrique véritable, digne d’intérêt, importante quantitativement et qualitativement. La traduction n’est pas qu’une simple opération de codage linguistique : elle est aussi une rubrique journalistique matériellement in- carnée. L’usage de l’italique, une présentation juxtalinéaire, un marqueur de traducti- on spécifique, un cul de lampe, soulignent sa matérialité graphique. La traduction fait typographiquement image. La traduction est l’un des principaux vecteurs de transmission entre aires lin- guistiques ou nationales. Dans les échanges littéraires et culturels, elle occupe une place cardinale. A une époque considérée comme celle de la première globalisation (1870-1914), elle est le moyen d’accès à des littératures étrangères pour la population ignorant ou maîtrisant insuffisamment les langues étrangères. Toutefois, la traduction en périodiques, c’est-à-dire la traduction d’un court texte ne bénéficie pas de la re- connaissance et du traitement des textes longs, des écrits paraissant en volume. Dans Traduire en français du Moyen Âge au XXIe siècle, Dotoli s’intéresse essentiellement à l’histoire de la traduction à travers des auteurs/traducteurs célèbres et prend pour critère non le texte court (poème, nouvelle, extrait), mais le volume. Dans l’Histoire des traductions en langue française. XIXe siècle, Wilfert-Portal consacre presque cent pages à la traduction d’ouvrages de fiction pour montrer leur place mineure dans la production éditoriale française (Wilfert-Portal 2012, 255-344). Partant du constat que la traduction se spécifie d’être publiée avant toute con- sidération esthétique ou traductologique Wilfert-Portal et Guérin ont créé la base « Intraduction. Traduire en français, 18e-19e siècle » à partir des volumes 1 à 27 du Catalogue général de la librairie française rassemblant des notices bibliographiques des ouvrages publiés entre 1840 et 1915. Pour importante dans l’histoire littéraire et bibliométrique que soit cette base de données qui n’a pas été étendue à d’autres époques ou aires linguistiques (Wilfert-Portal et Guérin 2012, 49-63)3, elle masque les traductions parues en périodiques, lesquelles sont plus difficilement repérables. Si la traduction relève de la publication, de l’imprimé, seul le secteur du livre semble susciter l’intérêt bien que dans un article plus récent, Wilfert-Portal évoque enfin la traduction de la littérature étrangère dans les revues (Wilfert-Portal, 2018, 261-84). Si la base de données « Petite presse » (Vaillant, sd) ne semble plus accessible, le projet PRELIA (Petites Revues littéraires et artistiques) dirigé par Schuh dédié à l’étude des petits médias entre 1870 et 1940, dépouille partiellement 51 titres dont La Vogue, 3 Aux côtés de la diffusion de la recherche, se posent les questions de durabilité, d’interopérabilité des formats électroniques et d’accessibilité dans la cadre de la science ouverte. AH_2023_1_FINAL.indd 27 1. 09. 2023 13:30:48 Bénédicte coste / La « décaBase » : expLorer Les traductions en périodiques et dessiner des perspectives 28 L’Ermitage et Le Mercure, La revue blanche, Vers et Prose, en se concentrant sur les textes littéraires et sans présenter les traductions. La traduction en périodique apparaît comme un point aveugle de la recherche alors que la lecture attentive de nombreux périodiques témoigne de sa présence et d’une part qu’il faut évaluer plus précisément. Ce constat m’a conduite à entreprendre la première étude de la présence des tra- ductions en périodiques, repérage quantitatif, fondé sur une approche de la traduction avant tout comme texte publié, c’est-à-dire comme partie de la production imprimée. Il me semble important de montrer, exemples et statistiques à l’appui, que les pé- riodiques français comportent une quantité appréciable de textes traduits, de préciser certains paramètres destinés à faciliter des études qualitatives. En outre, étudier la tra- duction en périodique, c’est aussi étudier une phase déterminante de la réception d’un auteur ou d’une autrice dans une langue et une culture étrangère. C’est contribuer à redéfinir l’histoire littéraire en y incluant les périodiques, comme le souhaite Vaillant (2019, 11-26), sans oublier leur composant essentiel qu’est la traduction. Une histoire littéraire plus hybride et plus complexe s’en dégage. À cette fin, Caroline Crépiat, post-doctorante à l’Université de Bourgogne en 2019-20, Arnaud Millereux (ASI, MSH, Université de Bourgogne), et moi-même avons développé la « Décabase » (Coste, Crépiat, Millereux, 2019/). Cette base de données (decabase.u-bourgogne.fr) recense les traductions de poésie décadente bri- tannique en français dans 10 revues entre 1880 et 1914. Nous entendons la Décadence littéraire comme un phénomène culturel transnational critique de la modernité, prin- cipalement marqué à partir de la seconde moitié du dix-neuvième siècle et trouvant son origine en France à travers les figures de Gautier, Baudelaire, Huysmans. Cette définition relativement large est à implicitement l’œuvre chez les poètes britanniques dits décadents : Ernest Dowson, John Gray, Lionel Johnson, Oscar Wilde, (le jeune) W. B. Yeats et Arthur Symons. Plus récemment, la critique anglophone s’accorde à la considérer comme une culture, une série d’expériences sensorielles, spirituelles, un phénomène transnational. Si A. C. Swinburne et Dante Gabriel Rossetti sont parfois considérés comme formant une première génération décadente, l’appellation devient péjorative à partir de 1895 et conséquemment rejetée par ses principaux acteurs. Il n’en demeure pas moins que les auteurs cités ci-dessus se caractérisent par une opposition aux valeurs victoriennes établies à commencer par la poésie narrative et didactique. Largement influencée par la poésie française publiée à partir de la secon- de moitié du dix-neuvième siècle, leur poésie se fonde entre autres sur l’esthétique déployée par les Parnassiens, Théophile Gautier, très connu en Grande-Bretagne, Verlaine et Mallarmé. Bien que les poétesses britanniques relevant de la Décadence – Michael Field, Sarojini Naidu entre autres – ne fassent l’objet d’aucune reconnaissance ou traduction dans notre corpus, ce qui témoigne du caractère instable de l’appellation à l’époque, AH_2023_1_FINAL.indd 28 1. 09. 2023 13:30:48 Bénédicte coste / La « décaBase » : expLorer Les traductions en périodiques et dessiner des perspectives 29 nous avons toutefois inclus des prosateurs alors connus comme H.G. Wells ou Ru- dyard Kipling dont la présence est importante et indéniable et permet la constitution d’un critère de comparaison. Cette base de données en libre accès signale tout ce qui relève de la traduction de l’anglais vers le français à travers 1181 références. La « Décabase » signale la nature des textes traduits (prose, poésie et théâtre) et présente les revues, leur politique édi- toriale et leur format (Le Mercure de France dont certains numéros dépassent les 100 pages n’est pas Le Prisme et ses 24 pages). Dans la masse des périodiques publiés en France4, le choix a été fait d’inclure deux revues généralistes à titre de comparaison avec les petites revues littéraires et artistiques. La Revue des deux mondes (1829/), organe de légitimation littéraire (Diaz 2014, 67-88), et La Nouvelle Revue (1879- 1935), revue littéraire originairement destinée à offrir une alternative à la précédente, qui toutes les deux, publient des traductions. Ensuite et par ordre de création : La Re- vue littéraire et artistique (1879-1882), offre les prémices de la petite revue. Malgré sa courte existence, La Revue contemporaine est un organe majeur de l’importation de littérature étrangère (1885-1886) alors que La Vogue (1886-1889 ; 1889 ; 1899- 1901), revue d’avant-garde hebdomadaire puis mensuelle, publie des textes qualifiés alors de décadents. Toutefois, si elle publie des traductions de Whitman et de Keats, la revue reste paradoxalement sourde à la Décadence anglaise. La plus cosmopolite est assurément Le Mercure de France (1890-1965) avec ses chroniques étrangères. L’Ermitage, revue mensuelle de littérature (1890-1907) est un exemple marquant de la petite revue des années 1890, qui, avec le Mercure et La Plume, joue un rôle struc- turant au moment où ces dernières tendent à se professionnaliser, à publier des chro- niques spécialisées et des rubriques fixes dont la revue des revues et à voir leur nom- bre de pages augmenter, fonctionnant pleinement comme « agent d’organisation de la littérature et de règlements de ses rapports avec le discours médiatique » (Vérilhac, 373). La Revue Blanche (1891-1903) est l’autre revue phare de la décennie. Mensuelle puis bimensuelle, illustrée, elle va se renforcer par la création de sa maison d’édition à partir de (1897-1903). Enfin, Le Prisme (1905-1906) est une revue littéraire men- suelle publiée au Havre témoignant de la vitalité des périodiques en province, et la trimestrielle Vers et prose publie nombre de traductions (1905-1914). A l’exception du Mercure, les sept revues littéraires ont connu une existence relativement brève. Toutes sont sensibles au cosmopolitisme littéraire des deux dernières décennies du siècle et toutes publient des traductions. Toutefois, la Revue des Deux-Mondes et la Nouvelle Revue se distinguent par leur respectabilité littéraire, là où la petite presse s’illustre par une prise de risque avérée et une poétique avant-gardiste. C’est ainsi que 4 Une exploration supplémentaire pourrait permettre de comparer les traductions en revue et celles qui se trouvent dans la presse. Une étude des traductions en français dans les périodiques belges et suisses francophones devrait également donner des résultats très intéressants. AH_2023_1_FINAL.indd 29 1. 09. 2023 13:30:49 Bénédicte coste / La « décaBase » : expLorer Les traductions en périodiques et dessiner des perspectives 30 dès mars 1892, le Mercure de France offre un choix du Book of the Rhymer’s Club pu- blié en février 1892 par Elkin & Matthews regroupant les poèmes de la jeune généra- tion poétique (Symons, Dowson, Davidson, Yeats, Rhys, etc) (voir Adams 2007). Les poèmes sont présentés en version originale et en traduction et précédés d’une brève présentation signée « The Pilgrim » (1892, 193-288). Notre corpus permet d’explorer et de comparer des politiques éditoriales différen- tes : le cosmopolitisme marqué du Mercure se double d’une promotion des jeunes littérateurs inconcevable dans la Revue des Deux Mondes publiant Frescoes. Dra- matic Sketches (1883), roman épistolaire de Ouida (Marie Louise de la Ramée) alors très connue en Grande-Bretagne dans une traduction d’Hephell (F. Le Breton) dès le 15 juin 1883. Thérèse Bentzon, traductrice maison, traduit les nouvelles de Rudyard Kipling,5 de R.-L. Stevenson6, et vraisemblablement d’Anne Isabella Thackeray Rit- chie7. Plus curieusement Frank Harris voit ses nouvelles anonymement traduites en 1892, dans la même revue, peut-être parce qu’elles sont d’abord parues dans la revue dont il est à l’époque rédacteur en chef : la Fortnightly Review8. La « Décabase » fournit des informations sur les auteurs ou les autrices traduits, et sur les traducteurs et traductrices dont la plupart restent cependant inconnus. Or la connaissance du profil de ces passeurs et passeuses demeure cruciale à une époque de préprofessionalisation de l’activité. Pour une Thérèse Bentzon (Marie-Thérèse Blanc) traductrice et critique à la Revue des Deux Mondes, combien d’inconnus ? Plus que des noms souvent réduits à des initiales ou cachés derrière des pseudonymes, les tra- ducteurs nous intéressent pour leur cursus scolaire et universitaire, leur activité pro- fessionnelle (la traduction est-elle leur activité principale, secondaire, sont-ils payés ?) et leur sexe. Travaillant sur les traductions de l’italien dans Le Mercure de France, La Revue blanche, La Plume et La Revue indépendante Kalantzis distingue deux ca- tégories de traducteurs : « les traducteurs de métier, universitaires, enseignants ou éditeurs, nettement minoritaires, et les écrivains et tenants des rubriques de littérature étrangère » ; ces derniers « les traducteurs de l’ombre (…) traduisent de façon fra- gmentaire des extraits plus ou moins longs de textes en les intégrant à leur chronique informative. Il s’agit des collaborateurs réguliers des revues, souvent eux-mêmes écri- vains » (Kalantzis, 2017). Cette typologie rudimentaire ne demande qu’à se préciser dès lors qu’un grand nombre de noms au bas des traductions s’incarneront dans un individu, des publications, une histoire personnelle, un réseau professionnel ou ami- cal. A une époque où la profession n’est pas encadrée comme elle le sera plus tard et où la formation n’existe que par la pratique, les traducteurs le sont occasionnellement, 5 « Deux petits tambours. Récit de la vie militaire dans l’Inde », Revue des Deux Mondes, 1 décembre 1891, 587-614. 6 R.-L. Stevenson, « Les gais compagnons », Revue des Deux Mondes, 1 septembre 1889, 94-132. 7 « La Campanule » [Th. Bentzon?], Revue des Deux Mondes, 1 mars 1883, 167-196. 8 Frank Harris, « Elder Conklin », The Fortnightly Review, 1er août 1892, 621-668. AH_2023_1_FINAL.indd 30 1. 09. 2023 13:30:49 Bénédicte coste / La « décaBase » : expLorer Les traductions en périodiques et dessiner des perspectives 31 parfois sous pseudonyme (Ianthe Cleveland est Clémence Couve, traductrice de D. G. Rossetti). Toute une sociologie des traducteurs basée sur une prosopographie reste à entreprendre, à l’instar de celle du portail « Yellow Nineties »9. Cette prosopographie permettrait également de vérifier l’assertion d’une féminisation de l’activité traduc- tive de façon générale mais aussi parce que la Décadence est un mouvement essen- tiellement masculin en France et en Grande-Bretagne (en réponse entre autres, aux revendications professionnelles et civiques des femmes) et que les auteurs décadents affichent des thèmes et une perspective masculine, évoluent pour la plupart dans un univers homosocial : Juliette Adam semble bien seule au milieu d’auteurs, de rédac- teurs et de journalistes masculins. Toutefois, la traduction permet de publier et donc, de mettre un pied dans le système journalistique ou d’y renforcer sa présence. Gabriel Sarrazin est un contributeur occasionnel chargé des recensions à la Revue contempo- raine pour sa connaissance de la littérature anglaise avant d’y publier ses traductions de poèmes de Rossetti en 1886. Mais est-il alors auteur, traducteur ou les deux ? La « Décabase » signale la présence d’une dédicace, manifestant ce statut souvent négligé de la traduction comme hommage, affirmation d’une solidarité littéraire ou esthétique, voire d’un renvoi d’ascenseur, soulignant la dimension communicative de l’activité. Est également donnée la date de première publication du texte original en anglais montrant que la traduction constitue la forme originaire de réception, laquelle est souvent instantanée. Miss Brown, roman à clé de Vernon Lee (Violet Paget) crée la polémique à sa parution en 1884 à Londres chez Blackwood and Sons. Cette « satire de l’esthéticisme » selon l’expression de T. Bentzon lui consacrant une recension de quelque vingt pages dans la Revue des Deux Mondes du 15 mars 1887, sera traduite dans le supplément littéraire de la Nouvelle revue dès octobre 1887. Le roman est longtemps resté aussi oublié que son autrice dans le monde anglo-saxon, et c’est seu- lement depuis les deux dernières décennies que des études lui sont consacrées. Pour- tant Miss Brown a été jugé suffisamment reconnu pour mériter une traduction parue de 1887 à septembre 1888. Autrice cosmopolite, Lee doit sans doute cette première reconnaissance en France à ses relations avec l’importateur de littérature anglaise qu’est Paul Bourget. Elle n’est pas la seule à être traduite grâce à son entregent et à ses réseaux amicaux et professionnels : Henry Davray signale la parution de la revue The Savoy sous la direction d’Arthur Symons dans L’Ermitage du 1er juillet 1896. (Davray 1896, 236-239) et Symons fera la promotion de Vers et Prose dans The Outlook du 3 juin 1905 comme le signale la revue française dans sa revue des revues du 1er sep- tembre 1905. La « Décabase » contribue donc à l’histoire des réseaux journalistiques. Le cas d’Ernest Dowson illustre quant à lui les limites de la traduction pour la reconnaissance et la canonisation littéraire. Ce francophile, traducteur de Verlaine, 9 Alison Hedley, ed., https://personography.1890s.ca AH_2023_1_FINAL.indd 31 1. 09. 2023 13:30:49 Bénédicte coste / La « décaBase » : expLorer Les traductions en périodiques et dessiner des perspectives 32 voit son poème « The Carmelite Nuns of the Perpetual Adoration », publié dans le premier volume des Rhymers en traduction juxtalinéaire dès 1892 dans Le Mercure sous le titre « Les carmélites de l’adoration perpétuelle » (Dowson 1892 ; 204-5). Les traductions suivantes sont anonymes et paraissent dans Le Prisme entre juillet et sep- tembre 1905. Extraites de son dernier recueil de poésie, Decorations : In Verse and Prose (dont le titre est francisé et abrégé : Décorations), elles sont en prose et figurent dans les dernières pages de la revue sous les titres de « Sagesse », « A sa maîtresse », « Transition » et « L’enfant mort ». Simultanément, le poète franco-américain Stuart Merrill publie des traductions en vers et signées d’« Impenitentia Ultima », « Non Sum Qualis Ream Bonae Sub Regno Cynarae » (le poème décadent anglais par excel- lence !) et « Breton Afternoon » dans Vers et Prose de juillet-août-septembre 1905. Il s’agit là des seules traductions de ce poète considéré comme représentatif de la Déca- dence poétique, mort en 1900. Les plus récentes paraissent au vingt-et-unième siècle (Gauthier 2016). Mais Dowson ne fait l’objet de nulle reconnaissance de ce côté-ci de la Manche et reste seulement connu des spécialistes de poésie anglaise. La traduction relève ici d’une éthique de conviction irriguant nombre de traductions référencées par la « Décabase » dont la lettre « absolument inconnue » en France adressée par Oscar Wilde au sortir de la prison de Reading au Daily Chronicle le 28 mai 1897, laquelle sera traduite par Henry Davray et publiée dans L’Ermitage du 1er juillet 1906. Relevant alors d’une prise de position, la traduction souligne la réception favorable en France d’un Wilde toujours ignoré de ses compatriotes puisque la première édition complète de ses œuvres sera publiée en 1908. La « Décabase » signale si la traduction s’accompagne d’une illustration. Il s’agit de l’attention portée à la présentation, à la singularisation de la traduction dans l’économie visuelle du périodique à une époque où l’illustration s’autonomise et perd sa fonction ancillaire. Enfin, un lien vers le texte lui-même dans Gallica (si le pério- dique a été numérisé) permet de voir la traduction dans son contexte et d’effectuer des recherches sur son environnement littéraire. Quels auteurs le texte traduit côtoie-t-il ? Des juxtapositions inattendues permettent de retrouver la mémoire littéraire de la première réception et constituent aussi un élément d’appréciation des réseaux littérai- res et journalistiques. Le moteur de recherche de la « Décabase » permet d’effectuer des recherches par titre, type de texte, périodique, date de parution, terme, marqueur et type de tra- duction, auteur, traducteur et éditeur et fournit des statistiques par auteurs, types de texte, mots-clés, mentions et marqueurs de traduction. Ces deux dernières catégories expriment l’hésitation ou l’incertitude des contemporains devant le texte traduit. 258 traductions sont explicitement nommées mais 5 traductions sont implicites et sans appellation particulière. On pourra s’interroger sur cette disparition in/volontaire ? liée à la politique éditoriale ? à un oubli ? à un manque de temps ? AH_2023_1_FINAL.indd 32 1. 09. 2023 13:30:49 Bénédicte coste / La « décaBase » : expLorer Les traductions en périodiques et dessiner des perspectives 33 Les marqueurs de traduction montrent 180 « traduction », 7 « traduction iné- dite », 20 « traduction libre ou transposition de l’anglais » ainsi que 3 « résumés », 2 « adaptation », 2 « d’après », 2 « traduction nouvelle », 2 « version française » et 3 ne précisent pas le statut du texte. La question de la traduction est ici celle de son appellation et du statut accordé à l’activité traductive, de la position du traduc- teur tout en recoupant les débats sur ce qu’est une traduction, voire une traduction particulière. Les deux mentions « traduction nouvelle » montrent une sensibilité à la mémoire de la traduction : traduire à nouveau, c’est aussi revenir sur un texte jugé fautif. Ce que montre la variété des mentions est aussi la vivacité du débat entre divers intervenants. Centrée sur une époque où, comme le rappelle Kalantzis, la question de la tra- duction est celle de sa « fidélité » et celle de l’adaptation au public (2017), l’objectif de la « Décabase » n’est pas a priori d’évaluer qualitativement10 les traductions mais de fournir un corpus substantiel à ce type d’étude. Il consiste avant tout à repérer leur présence matérielle, les évaluer quantitativement pour en montrer (l’omni)présence. Parce qu’elle recense tout ce qui relève de la traduction, c’est-à-dire tout ce qui est désigné comme tel, comme par exemple, les citations ou les micro-traductions au sein des recensions d’ouvrages ou de certains articles, la « Décabase » remet en cause la dé- finition toujours prévalente de la traduction comme codage d’un texte substantiel pro- curant le renom à ses praticiens. La traduction est à considérer comme une pratique humble commençant souvent par des fragments ou par des textes brefs. Il con vient de leur restituer leur importance et leur légitimité et de les étudier dans le contexte non seulement de la plaquette ou du recueil, mais également de leur apparition dans le support le plus apte à les accueillir ou à déterminer leur taille : le périodique11. Tant son format que sa nature permettent l’expérimentation, la présentation de textes hétérodoxes, peu connus. La revue ouvre la traduction à sa dimension expérimentale en même temps qu’elle en montre la transmission. La traduction est le premier vecteur de la réception des textes littéraires à l’étranger. Ce ne sont pas les textes qui circulent mais les traductions qui apparaissent ici et là. La « Décabase » montre que la présence de la traduction est solidaire de l’existence des revues, de leur composition matérielle et textuelle, voire du rubricage. La traduction constitue un composant de la revue, parfois suffisant à permettre le bouclage d’un numéro, parfois fonctionnant comme 10 Envisager la traduction sous un aspect purement quantitatif, c’est-à-dire comme pratique semble tou- jours difficilement recevable dans la communauté universitaire où prévaut le jugement sur l’adéqua- tion de la traduction au texte source. Ceci induit également des histoires de la traduction dont Venuti remarque le caractère narratif : « Because literary genres shape historical narratives, scholars and translators must be both self-conscious and self-critical in their construction of histories to explain translation practices. » (Venuti 2005 815) 11 La revue « aspire au livre et cette aspiration se fait sentir dans son titre, dans les moyens qu’elle mobi- lise pour surmonter la périodicité́, dans son discours programmatique et dans sa matérialité. » (Stead 2007, 805) Elle y aspire entre autres par le truchement des traductions. AH_2023_1_FINAL.indd 33 1. 09. 2023 13:30:49 Bénédicte coste / La « décaBase » : expLorer Les traductions en périodiques et dessiner des perspectives 34 enrichissement quantitatif, voire comme composant essentiel de certaines revues trop souvent masqué par une repérage générique. Toute une archéologie de la traduction dépassant la conception d’une activité ancillaire ou s’incarnant dans des ouvrages reste à faire. Toute une archéologie des traducteurs/trices et des textes précise et documentée reste également à réaliser. Entre autres, parce que la traduction fait partie intégrante de l’histoire littéraire, laquelle se développe précisément comme discipline à la fin du dix-neuvième siècle avec la généralisation de l’enseignement scolaire. La littérature en traduction décen- tre, dé-nationalise l’éducation à condition d’être pleinement intégrée dans l’histoire littéraire. 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These translations – and the comments they trigger within the periodicals that publish them or in other reviews – constitute the first import of foreign language texts into French letters. The interest they aroused often led to translations of more complete works and collections being started. This article presents the ‘Decabase’, shows the importance of translation in the corpus of selected periodicals, and outlines lines of research in a field that is beginning to trigger interest among researchers in translation and periodical studies. Its study requires an interdisciplinary stance at the intersection of periodical studies, reception studies, and studies in literary translation and the history of translation. La « Décabase » : explorer les traductions en périodiques et dessiner des perspectives Mots-clés : Décabase, bases de données, décadence, histoire littéraire, traductions en périodiques Ma post-doctorante, Caroline Crépiat, et moi-même avons développé une base de données réunissant les traductions des textes anglais décadents parues dans 10 pério- diques français entre 1885 et 1914 (decabase.u-bourgogne.fr). Cette base de données montre la présence importante de la poésie et de la prose traduites, tant en tant que telles que dans les critiques de livres, en tant que traductions fragmentaires. Ces tra- ductions – et les commentaires qu’elles suscitent au sein des périodiques qui les publi- ent ou dans d’autres revues – constituent la première importation de textes en langue étrangère dans les lettres françaises. L’intérêt qu’elles ont suscité a souvent conduit à entreprendre des traductions d’ouvrages plus complets et de recueils. Cet article présente la « Décabase », montre l’importance de la traduction dans le corpus de périodiques sélectionnés et trace des pistes de recherche dans un domaine qui commence à susciter l’intérêt des chercheurs en traduction et en études consacrées AH_2023_1_FINAL.indd 36 1. 09. 2023 13:30:49 Bénédicte coste / La « décaBase » : expLorer Les traductions en périodiques et dessiner des perspectives 37 aux périodiques. Ce dernier nécessite l’adoption d’une approche interdisciplinaire à l’intersection des études consacrées aux périodiques, des études de réception et de traduction littéraire ainsi que de l’histoire de la traduction. Baza »Décabase«: raziskovanje prevodov v periodičnih publikacijah in risanje perspektiv Ključne besede: Décabase, baze podatkov, dekadenca, literarna zgodovina, prevodi v periodiki S podoktorsko sodelavko dr. Caroline Crépiat sva razvila bazo prevodov angleških dekandentnih besedil, ki so bili objavljeni v 10 francoskih periodičnih publikacijah med letoma 1885 in 1914 (decabase.u-bourgogne.fr). Ta baza podatkov kaže na po- membno prisotnost prevodne poezije in proze, bodisi kot take bodisi v knjižnih oce- nah, kjer se pojavlja v fragmentarnih prevodih. Ti prevodi – in komentarji, ki jih sprožijo v periodiki, kjer so objavljeni, ali v drugih revijah – predstavljajo prvi uvoz tujejezičnih besedil v francoski literarni prostor. Zanimanje, ki so ga vzbudili, je po- gosto privedlo do tega, da so se lotili prevodov celovitejših del in zbirk. Članek predstavlja bazo »Décabase«, prikazuje pomen prevajanja v korpusu iz- brane periodike in oriše smeri raziskav na področju, ki začenja sprožati zanimanje med raziskovalci s področja prevodoslovnih in periodičnih študij. Tovrstno preučeva- nje zahteva interdisciplinarni pristop na stičišču periodičnih, recepcijskih in prevodo- slovnih študij ter zgodovine prevajanja. About the author Bénédicte Coste teaches Victorian Studies and Translation at the University of Bur- gundy. Her research is at the intersection of literary, periodical and translation studies. Her recent publications include Walter Pater, from literary portrait to case study, Paris, Classiques Garnier, 2022; “France: The Rise of Modern Decadence”, The Ox- ford Handbook of Decadence, Jane Desmarais & David Weir, OUP, 2021; and “A Discussion of Aestheticism and Aestheticism in (Some) French Periodicals,” Studies in Walter Pater and Aestheticism, vol. 7 (2022). Email: benedicte.coste@u-bourgogne.fr AH_2023_1_FINAL.indd 37 1. 09. 2023 13:30:49 Bénédicte coste / La « décaBase » : expLorer Les traductions en périodiques et dessiner des perspectives 38 Sur l’auteure Bénédicte Coste enseigne les études victoriennes et la traduction à l’Université de Bo- urgogne. Ses recherches se situent à l’intersection des études littéraires, périodiques et traductologiques. Dernières publications : Walter Pater, du portrait littéraire à l’étude de cas, Paris, Classiques Garnier, 2022 ; « France: The Rise of Modern Decadence », The Oxford Handbook of Decadence, éds Jane Desmarais & David Weir, OUP, 2021 ; « Debating l’esthéticisme and l’esthétisme in (some) French Periodicals », Studies in Walter Pater and Aestheticism, vol. 7 (2022). E-mail : benedicte.coste@u-bourgogne.fr O avtorici Bénédicte Coste poučuje viktorijanske študije in prevajanje na Univerzi v Burgun- diji. Njeno raziskovanje je na stičišču literarnih, periodičnih in prevodoslovnih ved. Zadnje objave: Walter Pater, du portrait littéraire à l’étude de cas, Paris, Classiques Garnier, 2022; »France: The Rise of Modern Decadence«, The Oxford Handbook of Decadence, Jane Desmarais & David Weir, OUP, 2021; »Debating l’esthéticisme and l’esthétisme in (some) French Periodicals«, Studies in Walter Pater and Aestheticism, vol. 7 (2022). E-naslov: benedicte.coste@u-bourgogne.fr AH_2023_1_FINAL.indd 38 1. 09. 2023 13:30:49