ABREGE CHRONOLOGIQUE HISTOIRE DES DÉCOUVERTES Faites par les Européens dans les différentes parties du Monde, Extrait des Relations les plus exactes & des Voyageurs les plus véridiques Par M. J&an Barrov , Auteur du Dicuonaire Géographique. Traduit de VAnglois par M, Targs. TOME SEC ON D^SâS 1^ A PARIS, Saillant, rue S. Jeaa-de-Beauv Chpj) Delormel , rue du Foin. Desaint, rue du Foin. Panckoucke , nie de la Comédie Rançoifè, 1 M. OCC. L X V I. j#yec Approbation 6- Privilège du Kcu HISTOIRE DES DÉCOUVERTES Faites parles Européens dans les différentes parties du monde. SUITE DE LA DÉCOUVERTE Et Conquête du Mexique. CHAPITRE XI. Confpiration contre Corte^ : Il fait couler à fond les vaijjeaux : Il refie quelques jours à Zototklan : Il s*avance a Xacaçingo, & envoyé des Ambaffa-deurs à Tlafcala. Pendant que le Général étoit Con£2" occupé de fes préparatifs pour le fer- chap* xi» vice, quelques-uns des foldats ôc des An» 151?, Tom, IL A 2 DÉCOUVERTES courhz/matelots pro/etterent de fe fauver à Chap. xi. Cuba, & d'inffruire Velafquez de ce An. r5i9. qui fe paffoit, pour qu'il mît des navires en mer, &îït prendre le vaifTeau Complot r> 4 i-r formé contre que Cortez envoyoït en Lf pagne. Corttfx. puni- pou.r exécuter leur projet, ils s'étoient u on des cou- * , ,A . . o, • „ 1 /• pabkt. allures d un batimenf, oc avoient deja fait leurs provifions pour le voyage ; mais la nuit même defhnée à leur évafion,un des confpirateurs, touché de l'énormité de ce projet, fe rendit auprès du Général, & lui en révéla tout le détail. Cortez prit fes mefures avec tant de fecret & de prudence , que tous les complices furent arrêtés à bord du vaifTeau, & ils confefferent aufTî-tôt le crime dont ils étoient ac-cnfés. Le Général jugeant qu'il étoit absolument néceffaire de faire un exemple , on infirmât leur procès. Deux foldats qui étoient à la tête de la confpiration furent condamnés à mort : deux autres furent fouettés ; le principal marinier du vaifTeau fut condamné à perdre un pied, ÔC Fon pardonna aux autres, comme ayant été trompés, & entraînés dans le complot. Cette confpiration caufa beaucoup de chagrin à Cortez : il la regarda des Européens. $ . comme une fuite des troubles précé-Con-e7., dents, & comme des étincelles d'un chjP- XL feu quipourroit avoir des fuites très Alu lsl9m pernieieufes pourfon projet, s'il n'é-toit éteint de bonne heure. Son efprit étoit agité par les plus triftes réflexions , & après avoir examiné différents moyens, il forma une réfolution bien propre à faire connoître la grandeur de fon courage. Ce fut de détruire fes vaiffeaux, pour que les foldats , privés de tout moyen de s'échaper, fe déterminaffent à agir avec encore plus d'ardeur 6c d'unanimité , puisqu'il falloit vaincre ou mourir. Il communiqua fon projet à fes confidents , quiparleursinfinuations,foutenuesde préfents faits à propos, furent fi bien perfuaderleurs compagnons, que les matelots eux-mêmes déclarèrent unanimement que les vaiffeaux étoient en grand danger de couler à fond, après les dommages qu'ils avoient foufferts : enforte que Cortez parut agir conformément à leurs déiirs, quand il donna ordre d'apporter à terre les voiles, les cordages &c les ferrements des navires , avec toutes les planches qui pouvoient fervir ; enfuite il fît couler à fond tous les A ij coûtez, gros vaiffeaux, ne réfervant que les chap. xi. barques pour la pêche , & par cette A», ijip. demrii£tion de fa flotte, il gagna pour fon armée un renfort de plus de cent hommes , qui fervoient à bord comme pilotes & comme mariniers, àparw^inci6 Après cette action vraiement digne dent qui le de fon efprit héroïque, il concer-[aVeu-cruz!ta avec ^es Officiers fur les mefu-res néceffaires pour la fuite de fon expédition. Il laiffa à la Vera-cruz cent cinquante hommes & deux chevaux en garnifon , fous les ordres de Jean de Efcalante, qu'il recommanda dans les termes les plus forts à , l'amitié & A l'afliflance des Caciques voifins ; enfuite il affembla toutes fes forces à Zempoalla, & par la revue qu'il en fît, il trouva qu'elles mon-toient à cinq cents hommes de pied-, quinze chevaux & fix pièces de canon. Le Cacique lui avoit fourni deux cents Tamènes, & un nombre con-fidérable de troupes armées en qualité d'auxiliaires. Cortez choifit parmi eux quatre cents hommes, y compris quarante ou cinquante nobles Indiens qu'il traita comme fes propres foldats, mais qu'il emmena cependant comme des otages pour la fureté del'Eglife b e s Européens. ? de Zempoalla, des Efpagnols de la ConHZ( Vera-cruz, & de fon propre page, Char- XI-qu'il avoit laine auprès du Cacique, An- 15l9t afin qu'il apprît la langue du Mexique , pour fuppléer à fes interprètes, s'il avoit le malheur de les perdre. Il étoit prêt à fe mettre en marche quand il reçut un exprès envoyé par Jean d'Efcalante, pour lui donner avis qu'on voyoit quelques vaiffeaux fur la côte : Cortez fe rendit fans perdre de temps à la Vera-cruz, & laiffa le commandement des troupes à Pedro de Alvarado, & à Gonzalo de Sandoval. A fon arrivée, il vit un des vaiffeaux à l'ancre à une diftance confidérable de terre, & il trouva furie rivage quatre Efpagnols, dont l'un étoit un écrivain , & les autres trois témoins. Ils remirent à Cortez une lignification, contenant en fubftance : Que François de Ga-ray , Gouverneur de la Jamaïque , en venu d'un ordre du Roi, avoit embarqué à bord de trois vaiffeaux deux cents foixante & dix Efpagnols, fous les ordres d'Alonzo de Pineda : qu'il avoit pris poffefîion du terrein qui étoit près la rivière de Panuco, & que par cette raifon, il envoyoit 6 découvertes Coca/,une intimarion pour requérir Cortetf ciiap. xl Je ne faire aucun étabiiffement dans An. ijij>. cette partie. Ferhand lui répondit qu'il ne connoiiloit pas cette façon de procéder : mais qu'il défiroit voir le Capitaine, avec lequel il arrangeront cette aifaire à l'amiable , & félon ce qui conviendroit le mieux pour le fervice du Roi, auquel ils dévorent l'un & l'autre obéiffance. Le Notaire refufa d'être porteur de ce ménage, &c en termes peu refpectueux, infifia à ce qu'on fit une réponfe pofitive à fa fignincation. Cortez donna ordre de l'arrêter, fe cacha avec fes gens entre des efpéces de dunes qui bordoientle rivage; y demeura toute la nuit, & une partie du lendemain , dans l'efpérance que les autres defcendroient du vaiffeau : enfin il ordonna à quatre de fes gens de mettre les habits des prifonniers , de fe montrer fsr les bords delà mer, oc de faire des fignaux avec leurs manteaux. En confécfuence de ce ftratagême, douze ou quatorze hommes, armés d'arquebufes ôc d'arba-Iêtres, ramèrent à eux dans une barque; mais A mefure qu'ils appro-choient, les quatre hommes fe reti- des Européens. 7_ roient. Cependant tous refuferent de CoRT Ei, defeendre , à l'exception de trois ou cbaP. xi. quatre des moins prudents, qui fu- ^n. 1519* rent pris aum-tôt : mais leurs compagnons retournèrent à bord du vaif-feau, qui leva l'ancre oc fe remit en-mer. Cortez retourna à Zempoalla avec fa petite recrue de cinq Efpagnols , qu'on regarda comme un renfort très confidérable. Peu de jours après fon retour, il mit en ordre fon armée , forma un corps d'Efpa-gnols pour l'avant-garde, &c un autre d'Indiens pour l'arriére - garde , commandés par Mamégi, Theuché , &: Tamilli, Caciques des montagnes : les plus forts Tamènes furent réfervés pour l'artillerie , Ôc l'on ordonna aux autres de fe charger du bagage. Dans cette difpofition, avec un corps qui alloit en avant pour reconnoître , ils fe mirent en marche le 16 d'Août, &c dans leur route furent très bien reçus à Jalapa, Socochina & Texu-cla, villes de leur confédération. La première difficulté qu'ils rencontrèrent dans la route de Mexico fut le paffage des montagnes où ils furent obligés de marcher pendant trois jours au travers des rochers tk des A iv 8 DÉCOUVERTES coûtez, P^cipices dans un temps froid & chap. xi. pluvieux, fans que les foldats eiuTent Ai. isis>, aucun endroit pour fe mettre à couvert contre l'intempérie de l'air. Leurs provifions commençoient à s'épuifer quand ils en gagnèrent le fommet, oii ils trouvèrent un temple & une grande quantité de bois. Ils ne voulurent pas s'y arrêter, parce qu'ils apperçurent de l'autre côté quelques villages, verslefquels ils hâtèrent leur marche : la peine qu'ils avoient prife pour faire diligence fut réeompenfée par les rafraîchiffements & les commodités qu'ils y trouvèrent, il arrive à C'efi en ce lieu que commence la tocothian. grancj€ provmce de Zocothlan, qui eft très peuplée, & dont le Cacique demeure en une ville de même nom, lituée dans une vallée au pied des montagnes. Cortez fît favoir à ce Prince fon arrivée & fes deffeins par deux Zempoalles, qui revinrent promptement avec une réponfe favorable. Peu de temps après, ils découvrirent la ville qui préfente un magnifînue afpecl, avec des tours Ô£ des édifices qui paroifîènt blancs à quelque difrance:un des foldats la compara a Caflel-blanco, ville de Portu- des Européens. 9 gai, & le nom lui en demeura pen- tORlu> dant quelque temps. Le Cacique for- chaP- xl* tit avec une fuite nombreufe, & reçut An. 1519. le Général avec une politeffe ou Ton remarquoit fa contrainte : il fît donner aux foldats des quartiers incommodes & des provifions en petite quantité, ce qui prouvoit évidemment qu'il étoit peu fatisfait d'avoir de pareils hôtes. Cortez eut la prudence de diflimuler fonreffentimcnt, pour ne pas donner de prétexte aux Indiens de commencer des hoflilités, qui auroient pu retarder fon voyage , ou nuire à fes projets. Le lendemain le Cacique, nommé Olindcth, fit une féconde vifite à Cortez, qui le reçut très civilement, & entre autres queftions lui demanda s'il étoit fujet du Roi de Mexico. Ce Prince répondit aufîi-tôt : » Eft-ce qu'il y a quelque » homme fur la terre qui ne foit pas » efclave de Montézuma ? » Cortez lui répondit fièrement que lui-même, & ceux qui l'accompagnoient obéif-foient à un autre Roi, qui avoit plu-fieurs fujets plus puiffants que Montézuma. Alors le Cacique fans faire attention à fes paroles, commença à s'étendre fur la grandeur de ion, À v 10 DÉCOUVERTES cëT-r k"z^ Empereur : il lui dit qu'on ne pou-ciup- x 1. voit compter le nombre des Provinces An. 1519. qui étoient fous fa domination : qu'il réfidoit dans une ville imprenable , entourée de plufieurs lacs, & dont on ne pouvoir approcher que par des chauffées & des levées , avec des ponts-Ievis fur différentes ouvertures par lefquelles fe communiquoient les eaux. II s'étendit enfuite fur l'immen-lité de fes richeffes, la force de fes armées , & le malheur de fes ennemis , dont on facrifioir tous les ans plus de vingt mille aux autels de fes Dieux. Cortez reconr>ut aifément l'artifice de ce difcours, qui avoit été diclé par la Cour de Mexico , pour le détourner de pourfuivre fon projet : mais fans paroître pénétrer dans ces vues , il répondit qu'il étoit déjà très bien informé de la grandeur de Montézuma : que fon ambaffade étoit pailibîe : que les gens qui l'ac-compagnoient étoient plutôt pour marquer fon autorité, que pour lui fervir de garde militaire ; que cependant il déiîroit la paix fans craindre la guerre, d'aurant que le moindre des Efpagnols étoit en état de combattre toute une armée d'Indiens : des Européens. ri_ qu'il ne tireroit jamais l'épée fans y c 0 RT être forcé ; mais que fi on l'obligeoit chap-à commettre des actes d'hoffilité, il An. 15 détruiroit fes ennemis par le fer & par le feu, d'autant que la nature l'ai-deroit de fes prodiges , &c le Ciel de fon tonnere pour défendre la caufe de la religion & de la vérité. Cette déclaration qui paroiffoit une rodomontade ridicule convenoit parfaitement à l'intelligence des Indiens : ils furent confondus & pénétrés de ref-pect par l'intrépidiré des Efpagnols , qu'ils attribuèrent à quelque chofe de furnaturel. Le Cacique avoua au Père Barthe-lemi de Olmedo, que les Chrétiens étoient une race fupérieure d'hommes, dont les raifons étoient des plus convaincantes , & dont la valeur étoit invincible. Plein de ces fentiments, il changea entièrement de conduite ; leur fournit abondamment tout ce qui leur étoit néceffaire pour cinq jours pendant lefquels ils demeurèrent à Zocothlan ; traita leur Général avec un refpect infini ; lui fit pré-fent de quatre femmes efclaves, & offrit de lui donner trente nobles Jndiens pour fervir de guides à fou 12 DÉCOUVERTES c o r t h z ~ arrriée. Malgré ces marques d'amitié, chap. xj. il étoit toujours dans le cœur efcla-An, ^ ve de Montézuma, & par les fug-gefhons de ce Monarque, il confeilla à Cortez de continuer fa marche par le chemin de Cholula, pays fertile, & très peuplé, dont les habitants uniquement attachés au commerce & aux arts pacifiques , fourniroient abondamment tout ce qui feroit néceiTaire à fes troupes dans leur voyage , ait lieu que s'il prenoit la route de Tlaf-cala, il feroit obligé de paffer dans un pays dont le peuple fanguinaire étoit exceffivement porté à la guerre & à la cruauté. Cet avis fut rejette, furies informations que Cortez reçut des Zempoalles de fon armée, qui l'alfurerent fecrettement que les Cholula ns étoient une nation perfide , totalement dévouée à Montézuma , dont les troupes étoient en quartier dans toutes les villes de leur difîricl; au lieu que les Tlafcalans, quoique nombreux & guerriers , étoient amis das Totonaques & des Zempoalles: qu'ils étoient continuellement en gïœrre avec Montézuma, & que par cette raifon, ils lui confeilloient de marcher par cette Province, où il des Européens. 13 feroit bien traité, comme étant leur c 0 R ThZa allié &leur confédéré. En conféquen- P»pî, f*« ce de ces représentations, il fuivit fa An, ,JI9, route par la Province de Tlafcala , qui eft frontière du Zocothlan, 6c il ne fit aucune rencontre importante durant les premiers jours : mais ayant enfidte appris que le pays avoit pris les armes, il réfolut de faire halte dans une petite ville nommée Xaca-zingo, jufqu'à ce qu'il fut mieux inf-truit des intentions des Indiens. Tlafcala peut avoir environ cin- Defcriptio» ,. r , . r, de llaicala. quante lieues de circonférence : cette Province eft très peuplée , quoique le terrein en foit montagneux 6c inégal : les villes compofées de maifons plus folides que belles étoient bâties fur plufieurs éminences , en partie pour les rendre plus aifées à défendre, 6c en partie pour lahTer les plaines à la culture. Le peuple étoit anciennement gouverné par des Rois : mais fatigué de leur tyrannie , il avoit fécoué le joug, 6c s'étoit formé en République. Les villes étoient partagées en un certain nombre de diffricls, dont chacun envoyoit un représentant à la Capitale , où ils formoient un Sénat, aux décifions duquel toute 14 DÉCOUVERTES coRia,Province obéiffoit. Avec cette for-€hap. xi. me de gouvernement, les Ttafcalans An. i5ij s'étoient long-temps foutenus contre les Rois de Mexico, & ils étoient alors au plus haut degré de leur puif-fance, parce que la cruauté de Montézuma avoit augmenté le nombre de leurs confédérés, entre lefquels ils comptoient les Otomies, nation guerrière, également renommée pour fa valeur & pour fa cruauté. Cortn en. Cortez envoya à cette République TOyc une am- . .J . tu baflàde aux quatre des principaux Zempoalles y *^èdétet ^Lirent bien inftmits par Donna «îinenc a la Marina & par d'Aguilar, fur la façon guerre. dont ils dévoient haranguer le Sénat, en demandant un paflage pour les Efpagnols par les territoires de Tlafcala. Ils prirent auffi-tôt les marques d'ambaffadeurs ; chacun d'eux mettant fur fon épaule une écharpe de cotton tortillée & nouée par les deux bouts , avec une grande flèche à la main droite , & un bouclier d'écaillé au bras gauche. Lorfque la guerre efl l'objet de leur ambaffade, les plumes de leurs flèches font rouges ; mais elles font blanches quand ils viennent pour la paix. Avec ces fy mboles, ils font connus & refpe&és fur les gran- des Européens. 15_ des routes : mais s'ils s'en écartoient, c o r ils perdroient leurs privilèges & im- chap munités. AJJ. Les quatre Envoyés de Cortez «entrèrent dans cet équipage à Tlafcala, où ils furent logés dans une maifon deffinée pour la réception des Ambaffadeurs : le lendemain ils fuirent introduits dans le Sénat, dont les Membres fe levèrent de leurs petites chaifes, nommées Yopales, pour leur faire connoître qu'ils étoient les bien-venus. Les Ambaffadeurs entrèrent avec leurs flèches élevées , & leurs écharpes fur leur tête, pour marquer une plus profonde vénération ; enfuite ayant rendu leurs ref-pe£ts au Sénat, ils marchèrent lentement jufqu'au milieu de la falle, où ils fe mirent à genoux, attendant la permifîion de parler. Quand le plus ancien Sénateur leur eut dit de déclarer le fujet de leur venue, ils s'afîirent fur leurs talons, & celui qui étoit chargé de la harangue la fît en ces termes. » Noble République , vaillants » Tlafcalans, le Seigneur de Zem-» poatta & les Caciques des mon-» tagnes, vos amis & vos alliés, vous _l6 DÉCOUVERTES Corti z, » fouhaitent la famé, l'abondance, & chap. xi. » la deftruction de vos ennemis. Ils An. 1515». » nous ont envoyé pour vous faire » favoir qu'une race invincible d'hom-» mes elt arrivée de l'Orient, &C » paroît être au-deffus de la race hu-» maine. Ils voyagent fur mer dans » des Palais, portent dans leurs mains » les tonnères & les foudres, & ado-» rent un Etre tout-puiflant, fupé-» rieur à nos Dieux , & qui s'oifenfe » des facrifices de fang humain. Leur » Général eft Ambaffadeur d'un Prin-» ce formidable , qui défire réfor-9t mer les abus de notre pays, & ré-» primer la tyrannie de Montézuma. » Il a déjà délivré notre province de » l'oppreilion, & comme il fe propofe » de paffer par vos territoires pour » fe rendre à Mexico, il défire favoir » en quoi vous avez été offenfés par n le Tyran, afin de pouvoir réparer » les injufrices commifes contre vous. » Nous avons eu des preuves con-» vaincantes de fa valeur & de fa » bienfaifance, & nous vous enga-» geons & vous demandons au nom » de nos Caciques & Confédérés, » que vous receviez ces étrangers » comme les amis de vos alliés. Leur des Européens. 17 » Commandant vous afTure qu'il vient e 0 R T E z j » dans un efprit de paix, oc ne de- cnap- xl« » mande qu'un libre paffage dans ^n. 1519. » votre pays, pout continuer fa mar-» che,ôc remplir fes juites intentions.» Cette harangue terminée, les quatre Indiens s'élevèrent fur leurs genoux, firent une profonde révérence au Sénat , oc s'aflirent comme auparavant pour en attendre la réponfe. Les Sénateurs après avoir conféré entr'eux répondirent aux Ambaffadeurs, qu'ils recevoient la falutation de leurs Confédérés avec toute la reconnoiffance imaginable : mais qu'il falloit délibérer fur la réponfe qu'on avoit à faire à ces étrangers. Alors les Indiens fe retirèrent dans leur maifon, ôc le Sénat commença à difcuter fur la demande de Cortez, ce qui occafionna des débats très opiniâtres. Quelques-uns propoferent d'y confentir , & d'autres infirmèrent à ce qu'il fut repouffé ou détruit par la force des armes. Le Chef de ceux qui embraffe-rent une opinion pacifique fut un vieux Sénateur nommé Magifcatzin , dont l'autorité étoit très grande dans la République. Il leur rappella une prophétie , portant , qu'une race ï8 DÉCOUVERTES cortiz,d'hommes invincibles viendroit des chap. xl payS orientaux, avec un tel empire An. 1519. fur les éléments qu'ils auroient des villes flottantes fur la mer, & fe ferviroient de l'air & du feu pour foumettre la terre. Il dit que ces étrangers étoient à n'en pouvoir douter le peuple qu'on leur avoit prédit : qu'ils venoient de l'Orient, que le feu leur fervoit d'arme : qu'ils demeuroient dans des maifons flottantes, & que leurs actions à Ta-bafco prouvoient affés qu'ils étoient invincibles : que de plus leur arrivée avoit été marquée par des lignes du Ciel qu'il feroit impie de meprifer : qu'en fuppofant même que ces fignes fiiifent l'effet du hazard, & que ces étrangers fiuTent des hommes fem-blables à eux, ils avoient affilié leurs alliés ,& venoient dans un efprit de paix, follicitant par leur pays un paffage qu'on ne pouvoit leur refufer, fans fe rendre coupable de cruauté envers des hommes dont on n'avoit reçu aucune offenfe, & fans manquer d'égard pourles alliés qui recomman-doient fi fortement ces étrangers. Le difcours de Magifcatzen fut reçu avec des acclamations & des applaudiife- des Européens. ïo_ ments : mais les intentions favorables c 0,, T 12, du Sénat furent totalement changées ctaP XI* par la harangue de Xicotencal, leur Am 1$J9t Général, jeune homme également féroce ôt ambitieux. Avec autant leur sénat d'éloquence que de vivacité, il tour-* ^ff* na en ridicule la prophétie, ou au guerre, moins l'application qu'on en faifoit à l'arrivée des Efpagnols. Il les repré-fenta comme des hommes ordinaires, dont lesvaifleaux & les armes étoient uniquement l'effet d'une induffrie humaine , & dont la valeur n'avoit rien qui dut les intimider. Il ajouta que leur orgueil, leur cruauté & leur avarice étoient intolérables : qu'ils méprifoient les loix & les coutumes des Indiens ; qu'ils étoient avides de leur or ; qu'ils vivoient à difcrétion , détruifoient leurs Temples & blaf-phémoient leurs Dieux. Qu'à l'égard des figncs du Ciel, on les avoit toujours regardés comme des avant-coureurs de calamités, & que par con-féquent on devoit les interpréter comme des avertiffements de s'oppo-fer à ces orgueilleux étrangers, & de les détruire : que par toutes ces rai-fons il demandoit au Sénat la permif-fion d'affembler les troupes pour les 20 DÉCOUVERTES orte z,abbattre d'un feul coup, comme des :haP. 361. oppreffeurs de leur patrie, & des en-\n. 1519. nemis de leur Religion. Ces raifons l'emportèrent dans les efprits d'une nation adonnée à la guerre & ambi-îieufe de gloire. Les Tlafcalans ordonnèrent au Général d'aiTembler leur Armée, & d'effayer les forces contre les Chrétiens : cependant on retint les Ambaffadeurs, dans l'intention fi l'on étoit battu de rejetter le blâme de cette guerre fur la férocité de leurs alliés les Ottomy, & d'employer l'interceffion des Zempoalles pour fe procurer la paix. des Européens. 21 _ _ _cortiz» ...........—— chap. xii. CHAPITRE XII. An' Cortei entre dans le territoire des Tlafcalans : Il leur livre une bataille fanglante. Ils reviennent à la charge & font encore repouffés. Les Efpagnols mutins font appaifès par une harangue de Corte^. LE S Efpagnols attendirent huit C9!t^,mr*r' jours a Aacazingo le retour de ia. leurs Ambafladeurs, & regardèrent ce retard comme une confirmation du defîein que les Tlafcalans avoient de leur faire la guerre. Cortez fe détermina à continuer fa marche vers leur Capitale , tant pour être mieux inftriiit de leurs projets, que pour les pouvoir attaquer s'il étoit néceffaire avant qu'ils fulTent joints par leurs alliés. Cette réfolution étoit très prudente , & les empêcha fans doute d'avoir le temps d'envoyer des troupes, pour garder une forte muraille de pierre qui s'étendoit d'une montagne à l'autre, comme pour fervir de boul-levard à leurs territoires. Cortez la C o r r Ê z Pau"a l"ans trouver aucune opposition; Chap xii Elle avoit vingt pieds d'épaineur Se An. 151p. neuf de hauteur, avec un parapet qui régnoit dans toute fon étendue, à l'exception du milieu , où Ton avoit pratiqué un partage formé de deux arcs.de cercle dont l'un couvroit l'autre, laiiTant feulement entre les deux un efpace de dix pas facile à défendre confe tous aggreffeurs. Les Efpagnols le panèrent fans difficulté ; & fe formèrent enflure en un nataillon ferré; mais en commuant ieur marche, ils découvrirent enfin à une diltance con-(idérable vingt ou trente Indiens, qui par leurs plumes paroiffoient être des foldats en campagne. Cortez envoya auffi-tôt fes Coureurs pour les attirer par des lignes de paix : les fuivit avec huit Cavaliers, 8c donna ordre à fon Infanterie de marcher au petit pas,afin de ne pas être hors d'haleine s'il falloit combattre. Les Indiens s'arrêtèrent, jufqu'à ce que les fix chevaux qu'on avoit détachés fuffent près d'eux ; alors ils prirent la fuite : rejoignirent leur Parti, qui étoit à quelque dif-tance : firent volte-face, & parurent difpofés à fe défendre. Ils furent aufîî-tôt attaqués par les quatorze Cava- des Européens. i$ Iiers qui fe réunirent ; les Indiens con- corru'j ferverent leur terrein avec fermeté, chap. xu. malgré le dommage qu'ils recevoient, AWi IJI?i & fiirent bientôt renforcés par cinq • it 1 1 ■ / • Efcarmou- mille des leurs, qui étoient en em- cne avec i« bufcade. Cependant l'Infanterie Ef- xiafcaian». pagnole arriva, & les troupes fe formèrent en bataillon pour foutenir des ennemis qui s'avançoient avec fureur: à la première décharge des armes à feu, qui firent le plus grand effet, les Indiens tournèrent le dos, & les Efpagnols profitant de leur confufion , tombèrent fur eux avec tant de réfo-lution, qu'ils abandonnèrent le champ de bataille , où ils laifferent foixante morts , avec quelques prifonniers. Cortez ne voulut pas permettre de les pourfuivre : mais il s'empara de quelques maifons voifines , où les Efpagnols trouvèrent des provifions, &c ils parlèrent la nuit en cet endroit. Le lendemain ils continuèrent leur marche, & rencontrèrent un gros corps d'ennemis, qui s'avancèrent avec grand bruit, déchargèrent une nuée de flèches & une grêle de pierres avec leurs frondes, & fe retirèrent enfuite, formant une ef-pece de combat roulant. Cortez ju- 24 DÉCOUVERTES c o k t e /., géant que leur retraite étoit plutôt chap. xii. l'effet de la fufe que de la frayeur , An. 1519. ^es f-dvit dans un ordre très ferré lorfqu'il eut gagné le fommet d'une éminence, qui fe rrouvoit fur fa rou-«jalramS. te, il vit de l'autre eôté une plaine le indiens, prefque toute couverte par une armée de quarante mille hommes, com-pofée de différentes nations, comme il étoit aifé de le reconnoître à la diverfité de leurs plumes & de leurs enfeignes. Les Efpagnols fans être découragés par une fi grande difpro-portion , descendirent de la hauteur avec autant d'ardeur que de confiance , fe reformèrent dans le terrein uni qui étoit au pied, & les chevaux ayant la liberté d'agir, ils fe mirent en mouvement au premier fignal pour l'attaque. Les Indiens fe battirent en retraite ; mais quand ils virent les Efpagnols éloignés de la hauteur, ils s'ouvrirent de droite & de gauche ; s'avancèrent en courant avec fureur pour s'emparer des deux flancs ; fe fermèrent en cercle, & entoure-rem les Européens, qui furent obligés de former un bataillon quarré pour foutenir la furie des affaillants. L'air obfcurci par les flèches retentit de des Européens. 15 de toutes parts de cris affreux,une cOET£Z" pluye de dards & de pierres tombe chap. au! fur les Efpagnols: mais les Indiens voyant Pinutilité de leurs traits , les H' 15iy* attaquèrent vivement avec leurs pi-cnies & leurs fabres. Cortez à cheval s'élance au milieu d'eux, foule aux pieds tout ce qui fe trouve fur fon pafTage pendant que les armes à feu les tuent en monceaux , & que l'artillerie écrafe des compagnies entières , répandant la mort &c l'horreur dans toute leur armée. Un grand nombre de leurs gens étoient occupés fuivant l'ufage des Indiens à enlever les morts & les bleffés : cependant leur multitude commence à diminuer , & leur fureur fait place à la conflernation, quand Cortez s'apper-cevant qu'ils reculent, met fa cavalerie fur les ailes, & fuivi de fon infanterie qui marche à grands pas , charge les ennemis avec une nouvelle vigueur. Ils font d'abord une belle ■defenfe ; mais les chevaux qui leur paroiffent des monftres furnaturek, les jettent dans un fi grand défordre, qu'ils commencent à fuir de toutes :parts, fe bleffant & fe foulant aux •pieds les uns les autres, tant la con- Tom. II. B 16 DÉCOUVERTE? Cortez ^*°n e& horrible. Cependant Pedro chap. xn. de Moron monté fur une jument, An. ijis>. s'engage trop avant dans le fort du combat ; il eft entouré & pris après avoir reçu plufieurs bleffures, & quoiqu'il foit remis bien-tôt en liberté par un parti de cavalerie , fon cheval eû tué, les Indiens ont le temps de fe rejoindre , & ils renouvellent le combat. Les Efpagnols fatigués d'une aftion fi vive, commencent à douter du fuccès, quand tout-à-coup les cris des ennemis ceffent, & ce filence eft fuivi du bruit des tambours & des cornets qui fonnent la iSSf* retraite : les Indiens marchent lente-champ de ba- ment, & abandonnent bien-tôt le champ de bataille aux Chrétiens. On fut par la fuite que Xieotencal avoit fait fonner la retraite , parce que le plus grand nombre des Commandants Indiens ayant été tués, il ne voulut pas s'expofer au rifque de faire agir une telle armée fans Officiers. Malgré la perte qu'ils avoient faite, ils rentrèrent en triomphe dans leurs quartiers , parce qu'ils ne fe regardèrent pas comme vaincus ; la tête de jument fut portée comme un trophée devant le Général, qui l'envoya à Tlafcala, des Européens. 17 &: elle y fut facrifiée avec la plus rjORTEZj' grande folemnité. Il y eut dans cette cbàf. xii. bataille neuf ou dix foldats Efpagnols An< de bleflés, ainfi que quelques-uns des Zempoalles, qui rendirent de grands fervices en cette action, animés par l'exemple des Chrétiens , Se par leur propre refTentiment contre les Tlafcalans qui avoient méprifé leur alliance. Cortez voyant une petite ville fur un terrein élevé , qui commandoit la campagne veifme , y conduifit fes gens. Ils y trouvèrent des provifions en abondance; mais comme il n'y avoit pas de logements fufEfants pour toute l'armée, les Zempoalles élevèrent des huttes pour eux-mêmes , & élevèrent Rufîi avec joie quelques ouvrages de terre, foutenus de fafeines pour mettre en fureté cette place, déjà forte par fa fituation Se d'un accès difficile. LesfentimentsdesTlafcalansfurent partagés fur les événements de cette journée.La monde leursCapitainc-sfiit l'objet d'une lamentation univerfelle : quelques-uns demandoient par de grands cris qu'on* fît la paix avec ces étrangers, qui furement étoient immortels : Magifcatzen fe glorifiait Bij Cortez d'avoir prévu le défaftre , & répétoit chap. xii! les mêmes raifons dont il s'étoit déjà fervi dans le Sénat : mais d'autres ne 1 cefloient de faire des menaces, & ne refpiroient que la continuation de la guerre, fe raffurant par la mort de la jument. Xicotencal demandoit que l'armée fut renforcée, pour venger la perte qu'il avoit fourferte , & un de leurs confédérés étant arrivé avec dix mille hommes , ce fecours tut regardé comme un effet particulier de la providence, & il les encouragea à pourfuiVre la guerre avec une nouvelle vigueur. Cependant les quatre ambaffadeurs Zempoalles s'étant échapés, revinrent au camp des Efpagnols par différents chemins ; ils dirent qu'on les avoit deftinés à être facrifiés au Dieu de la guerre, aufîi-tôt que Xicotencal fe mettroit en campagne , & qu'on les avoit étroitement refferrés , mais qu'ils avoient eu le bonheur de fe fauver. Ce récit fît un tel eifet fur leurs compagnons, que Cortez ayant eu defîéin dé re-nouveller les offres de paix, il n'en trouva aucun qui voulût fervir de député. La Thfca. Un profond filence régnoit dans des Européens. 19_ tout le pays, mais cette tranquillité Portez, augmentoit les foupçons des Efpa-'Chap. xu. gnols, & la façon dont Xicotencal An> J5IJ< s'étoit retiré marquoit bien qu'il ne regardoit pas la difpute comme dé- lans fe décidée. Cortez avoit donc raifon de ^mnuer la eonferver fon porte , & il y ajouta même de nouveaux ouvrages pour le mettre encore mieux en état de défenfe : cependant jugeant que les Indiens pourroient regarder fon inaction comme un effet de la crainte, & fentant combien cette opinion pouvoit être contraire à fes intérêts, il réfolut dé fortir de fes quartiers le lendemain de la bataille, pour recon-noître le pays, apprendre ce qui fe paffoit , & harceler les ennemis. Il exécuta cette réfolution en perfonne, avec toute fa cavalerie , & deux cents hommes de pied tant Efpagnols que Zempoalles. Il marcha jufqu'à quelques villages fur la route de Tlafcala , où il trouva une grande quantité de provifions , & fit quelques prifonniers , par lefquels il apprit que Xicotencal étoit campé à deux lieues de diftance , dans le voifinage de la Capitale , & qu'il y travailloit à recruter tk augmenter fon armée. B iij 30 DÉCOUVERTES Cortez Cortez ayant permis aux Zempoalles ) Chap. xn. qui étoient alors exceifivement irri-Ao , ^ tés contre les Tlafcalans, de détruire le pays par le fer & par le feu , retourna dans fon camp , Se mit en \ïr berté tous les priibnniers qu'il avoit faits dans cette excurfion, afin qu'ils fklfent convaincus de la générofité des Efpagnols. Il choifit deux ou trois de ceux qu'il avoit pris le jour de la bataille, Se les renvoya à Xicotencal, pour lui marquer fon chagrin de la perte qu'il avoit fourferte dans cette action : pour lui dire qu'elle n'avoit été occasionnée que par l'opiniâtreté de fa nation, qui avoit rejette la demande pacifique des Efpagnols, Se pour lui propofer d'en venir à un accommodement, parce qu'autrement il feroit obligé de les détruire par la racine Se par les branches , enforte que le nom de Tlafcala de-viendroit la terreur de tous fes voi-fins. Les prifonniers partirent avec ce meffage, Se promirent de rapporter fidellement la réponfe ; en effet ils tinrent leur parole , Se on les vit paroître quelques heures après leur départ, mais couverts de fang, ayant été cruellement maltraités par ordre des Européens. ji de Xicorencal, pour avoir eu l'audace Cortez, de fe charger d'un tel ménage. Il fit chaP xn. réponfe par les mêmes prifonniers, quau lever duioleu il fe trouveroit en campagne avec les Chrétiens : qu'il ne doutoit pas de les amener vivants aux autels de fes Dieux : qu'il vouloit y offrir leur fang en facrifice, & qu'il leur faifoit favoir fa réfolution, pour qu'ils eulfent le temps de fe préparer , parce qu'il n'étoit pas accoutumé à diminuer la gloire de fes victoires en attaquant fes ennemis par furprife. Quoique Cortez fut très piqué de l'infolence de ce barbare , il ne voulut pas négliger cet avis : au contraire , il mit fes troupes en campagne au point du jour , après avoir laiffé dans fes quartiers autant de forces qu'il en jugea néceffaire pour leur défenfe , & s'étant avancé environ une demie lieue, il prit poffeffion d'un terrein où il pouvoit recevoir les ennemis à fon avantage. Ce fut en cet endroit qu'il forma fes troupes, avec l'artillerie fur les flancs pour les foutenir, tk lui-même fe mit à la tête de fa cavalerie , pour porter du fecours partout où il le jugeroit néceflaire. Biv Cortez attendit l'événement avec tant de chap. xn.' marques de fatisfaction & de tran-quillité fur fon vifage, qu'elles inf-pirerent un nouveau courage, & une nouvelle réfolution à fes foldats. Les Nouvelle coureurs revinrent bien-tôt annon- batailleoùles t / Tlafcalans cer que les ennemis étoient en mar-font défaits. cne ? & un inflant après on vit pa-roître leur avant-garde : la plaine fe remplit d'indiens armés, qui s'éten-doient à perte de vue , ÔC tout Fho-rifon parut couvert de leurs troupes , qui montoient alors à plus de cinquante mille hommes , y compris les nouveaux renforts fournis par la République & par les alliés. Ils por-toient un grand Aigle d'or , enfeigne de Tlafcala , qu'on ne mettoit jamais en campagne que dans les grandes entreprifes, & ils s'avancèrent avec autant d'intrépidité que de diligence. Quand ils furent à la portée du canon , l'artillerie leur imprima une fi grande terreur, qu'ils firent halte quelque temps, partagés entre la crainte & l'indignation : la fureur ayant pris le demis , ils s'élancèrent en foule contre les Efpagnols, juf-qu'à ce qu'ils fuffent affés près pour lancer leurs frondes & tirer leurs des Européens. 33 flèches : mais ils furent encore arrê- Portez, tés par une décharge des armes à feu chaP. xn. & des arbalêtres. Le combat dura long-temps , & les Indiens voyant que les Efpagnols & les Zempoalles, hors de danger par l'avantage qu'ils retiroient de leurs armes & de leur difpofition , faifoient un horrible carnage de leurs gens, n'obéirent plus qu'aux mouvements de leur fureur & de leur défefpoir. Ils fe jetterent fur eux comme un torrent, & rompirent les rangs uniquement par leur poids & par leur multitude. On eut befoin de toute la valeur des foldats, & de toute la bravoure & de la bonne conduite des Officiers pour réparer le défordre : les troupes de Cortez fe reformèrent, quoiqu'avec beaucoup de peine , & renverferent tout ce qui faifoit quelque obftacle à leurs prodigieux efforts : mais dans ce moment critique, on apperçut tout-à-coup un grand trouble entre les ennemis : leurs troupes commencèrent à fe mouvoir de côté & d'autre ; fe partagèrent & tournèrent réciproquement leurs armes contre leurs "différents corps : enfin ils fe retirèrent tous en tumulte , ceux qui combat- frv An, 151p. 34 DÉCOUVERTES Cortez t0*ent au front tournèrent le dos l jçhàp. xiiï & ils prirent la fuite avec précipita ? tion. Ce trouble, & cette retraite imprévue , étoient la fuite de l'infolence de Xicotencal, qui avok fait des reproches de poltronerie à l'un des Caciques confédérés, parée qu'il n'al-îoit pas en avant pendant que les autres combattaient. Le Chef Indien, qui commandoit dix mille hommes , lui avoit répondu avec une égale fierté : ils s'étoient fait un défi perfon-nel ; & les autres Caciques ayant embraffé la querelle de leur ami, cette difpute particulière fut fuivie d'un grand tumulte & d'une horrible confusion. Enfin les confédérés fe retirèrent, & Xicotencal, fe voyant abandonné de fes alliés, abandonna lui-même aux Efpagnols la victoire &. le champ de bataille , où. il laiffa un grand nombre de fes gens tués fur ïemeS°"e7*-*a pkce-* Quoique Cortez n'eût perr roiHats appaî» du qu'un feul homme , quelques-uns jci.p"' Cor"defes fqîdats retournèrent dans leurs quartiers,, chagrins & découragés, faifant reflexion, qu'ils avoient été mis en dçfordre; & dirent hanter .ment qu'ils ne-voidoient pas têtre far des Européens. 35 trines à l'opiniâtreté du Général ; cORTEZ qu'ils alloient retourner à la Vera- chaP. xn.' eruz, & qu'on le laifferoit feul à fa propre ambition & a la témérité. Cet efprit de mutinerie & de défo-béiffance monta à un tel degré , que Cortez jugea néceffaire d'affembler fes foldats & de les haranguer. Il leur htobferver , qu'ils avoien* déjà vaincu & mis en déroute les Tlafcalans , qui en peu de temps deman-deroient certainement la paix ; que les Chrétiens marcheroient à México. avec une nouvelle réputation, après avoir furmonté , B vj: }6 DÉCOUVERTES Cortez~" <îu'un aes mutins cria à haute voix : Oup. a ii! » Camarades, notre Général a rai-» fon ; nous ne pouvons nous reti-*IS19' » rer fans être immanquablement per-h dus » ; & cette réfolution hit applaudie par les acclamations de toute l'armée. wBsassssEssssammsmài w, i ni xjmmimÊBnm* CHAPITRE XIII. Xicotencal attaque les quartiers des Efpagnols pendant la nuit : Il ejl abandonné de fon armée : La République demande la paix : On reçoit une nouvelle Ambaffade de Montézuma : Corte^ entre dans Tlafcala. confeii Ats X Es habitants de Tlafcala, intimi-Ucyins pour dés par la perte de cette féconde nuit les Efpa- bataille , demandèrent à grands cris gnois. qu'on fit la paix avec ces Etrangers, qui étoient certainement invincibles & immortels. Le Sénat conclut qu'ils étoienr Magiciens , & réfolut d'op-pofer enchantement à enchantement: les devins furent confultés , & ils prétendirent avoir découvert la caufe des Européens. 37_ de cette infortune , en difant que les Portez j Efpagnols , qui étoient les enfants du ch^p. XîiK foleil, tiroient une force fupérieure ^ ^ . de la chaleur & des rayons vivifiants de cet afïre ; mais que lorfcu'il dil-paroifîbit à l'Occident, cette influence ceffoit, & qu'ils tomboient dans le découragement, flétris comme l'herbe des champs. Ils propo-ferent qu'on attaquât les Efpagnols pendant la nuit, & qu'on les detrui-iit entièrement avant qu'ils piuTent être animés par le foleil-levant. Cet avis important fiit communiqué à Xicotencal par le Sénat , qui lui donna ordre de le mettre à exécution ; & il fît aufîî-tôt les préparatifs néceffaires pour un nouveau combat. Cependant les Efpagnols faifoient des excursions pour lever des contributions dans les villages voifins, chaffant devant eux les partis détachés des ennemis ; mais ils fe con-duifoient avec tant de douceur envers ceux qu'ils trouvoient fans armes , qu'ils gagnoient leur amitié , & en tiroient volontairement des provifions. Cortez donnoit particulièrement fes foins à entretenir la 'cortez ^ôpline la plus exacte : il tenoit .Chap. xin. toujours des fentinelles à quelque diftance de fes quartiers; on mon- Aiu 1515. • o i-i 1 f toit, 6c on relevoit la garde avec la plus grande régularité : les chevaux, demeuroient fellés toute la nuit, 6c les foldats veilloient,. ou reftoient fous les armes. Cette exactitude étoit. de la plus grande importance : la nuit que les Tlafcalans avoient def-tinée pour l'attaque projettée, les fentinelles avancées découvrirent un corps d'ennemis qui marchoit vers les quartiers, avec un filence, 6c une lenteur qui ne leur étoit pas ordinaire. Aulîi-tôt qu'on fut inftruit de leur approche , les foldats fe rendirent à leurs poftes, fans bruit &c fans conflifion, 6c les attendirent avec ardeur, difpofés à les bien recevoir. Xicotencal avoit avec lui dix mille hommes, auxquels il ordonna d'attaquer les quartiers de trois côtés,. ce qu'ils exécutèrent avec autant de promptitude que de réfolution. Ils i«Tiafc> trouvèrent une rentrance fi coiua- lans font en- p a r- . / . r «ore mis en geule oc li imprévue, que plufieurs déroute. tombèrent fur la place , & que. les autres furent, frappés d'une terreur d'autant plus grande, qu'ils étoienr des Européen s. 39 venus avec une pleine confiance àe~cQRTEZ-'' trouver les Efpagnols affaiblis , & chap. xm.. nullement préparés à leur attaque, ma.* Xicotencal reconnut alors l'illufion de fes forciers ;. mais la colère le tranfporta à un tel degré de fureur, qu'il retourna à l'affaut avec toute la rage du défefpoir : les Indiens fe portoient les uns les autres pour mqn-ter pardeffus le rempart, & les différents corps fe fuccédoient à mefure qu'il y en avoit de tués; ce qui dura un temps confidérable , pendant lequel ils fouffrirent autant de leur propre défordre, que des armes des Chrétiens. Enfin leur Général voyant l'im-pofîibilité de réuffir dans fon entre-prife ,. fit donner- le fignal pour que fes troupes fe retiraffent. Cortez, qui ne négligeoit pas la plus légère cir-conftance, remarquant que l'attaque diminuoit, & que les troupes aban-donnoient les remparts , envoya auffi-tôt une partie de fon infanterie , & tous fes chevaux, dont il avoit fait garnir le poitrail de clochettes, pour charger les Indiens dans leur retraite. Ils furent fi épouvantés de ce bruit inconnu > qu'ils prirent la Jkûte. dans la plus grande confufiQB^, 40 Die OU VERTES Cortez ktlflafit nn nombre confidérable de Chap. xni morts, & quelques bleffés qu'ils ne purent emporter. Cette victoire fut An. 1519. 1 ' r vi a j, gagnée fans qu il y eut d autre perte que celle d'un feul Zempoalle, cir-conftance des plus étonnantes, li l'on confidere la multitude innombrable de flèches, de dards & de pierres qui furent jettes dans les retranchements. On punit les Aufîi-tôt que les nouvelles de cette agiciens. a£^Qn flircnt portées à Tlafcala , les habitants d'une voix unanime demandèrent la paix, & qu'on fît jufbce des Magiciens qui les avoient trompés. Le Sénat s'étant affemblé , donna ordre de punir ces impof-teurs; on en facrifia deux immédiatement aux autels de leurs dieux , & les Tlafcalans réfolurent d'implorer la clémence de ces Etrangers, qai'ils regardèrent dès-lors comme les hommes céleffes prédits par leurs prophéties. On envoya, fans perdre de temps, un meffager à Xicotencal pour 1 inftruire de la réiolution du Sénat, & pour lui donner ordre de cefîer toutes opérations militaires. *oSria"alL- Général animé d'une nouvelle fuguera rmi reux contre les Efpaenols - fur lef- gre le Sénat. [ c 7 des Européens. 41 miels il efpéroit toujours recouvrer Cortez, ion honneur, refufa abfolument d'o-chaP. xn', béir, & réfolut de donner un fécond ^ ^ ^ affaut pendant la nuit, après qu'il fe I5I5>* feroit bien informé de la force & de la nature de leurs fortifications. Il envoya quarante foldats dans les quartiers des Efpagnols , avec les payfans du voifinage , qui venoient de toutes parts faire des échanges de provifions pour des bagatelles. Ces efpions demeurèrent la plus grande partie de la matinée avec les Chrétiens , qui n'en prenoient aucun ombrage , jufqu'à ce qu'un Zempoalîe remarqua que l'un d'entr'eux exami-noit les fortifications avec la plus grande curiofité. Il fit part de fes foupçons à Cortez, qui donna aufli-tôt fes ordres pour fe faifir de cet homme , & pour le mettre à la torture. Il fit une ample confefîîon, fur laquelle on arrêta fes compagnons ; ôc tout le projet fut découvert. Le Général jugea qu'il étoit néceffaire d'agir avec rigueur en cette occafion : il ordonna que de quinze, qui paroiffoient les plus obftinés , on coupât une main à quelques-uns, &C feulement les pouces aux autres ; r^w-rr-, après quoi il les congédia avec ordre PORTEZ, i l fc> t Chi;.. A.i,. de dire a Xicotencal, qu il etoit pre-. paré à le recevoir, Se qu'il lui ren- voyoït les elpions en vie, ann quil ne fut pas privé des informations qu'ils pouvoient lui donner fur les ouvrages des Efpagnols. H cil dé L'armée Indienne fur frappée d'hor-îoTrLde- reur & d'étonnement à ce finglant «en*. fpecfacie ; & le rapport des efpions fît une telle imprefîion fur l'efprit de leur Général, qu'il ne douta plus que les Chrétiens n'euffent pénétré dans * fes deffeins par le fecours de quelque intelligence fmérieure. Pendant qu'il etoit occupe de ces reflexions, arrivèrent quelques Miniltres, qui , au nom & par l'autorité du Sénat, le dépouillèrent du fuprème commandement , à caufe de fon audace Se de fa défobéiffance. Il fiit à l'inffant abandonné de fes Capitaines Se de fes gens qui étoient déjà plongés dans la conflernation , ils fe difperferent de différents côtés, & le laifferent retourner à Tlafcala , fans autre rang que celui d'un.fimple Sénateur. Pendant toute la nuit & le lendemain , les Efpagnols s'attendoient à être attaqués : mais le jour fuivant, des Européens. 43 les fentinelles avancées découvrirent çOBTEZ de grand matin un nombre d'Indiens ci>ap. Mil. chargés, qui venoient du côté de Tlafcala. Quatre de leirrs chefe, or- 15 * * nés de plumes blanches en fiene de paixmarchoient à leur tête, & étoient fuivis de trente Tamenes qui por-toient des proviiions. A mefure qu'ils approchoient , ils s'arrêtoient de temps en temps , comme s'ils euflènt craint d'avancer , courbant leurs corps & touchant la terre avec leurs mains, qu'ils portoient enfuite à leurs lèvres , pour marque de foumiffion & de reipett. Donna Marina parut fur les rem- Ambtfaàe parts, tk leur demanda dans leurfa"spourriel propre langue de quelle part & pourmaB(1er 14 quel lujet ils venoient ? Ils lui répon-palx" dirent » de la part du Sénat & de » la République de Tlafcala peur » traiter de la paix ? » Alors en leur permit d'entrer. Cortez les reçut avec beaucoup de gravité &C d'apparat , & après Gu'ils eurent répété leurs proft .mations , & fait la cérémonie des parfums , ils déclarèrent le uijet de 1 ur ambafîade : firent leurs exeufes de tout ce qui s'ttoit paflé : rejetterent le blâme de la guerre lus _ 44 Découvertes Cortez *e cara&ere féroce des Otomies & des chap. xiii. Choutalesleurs alliés, & demandèrent An iSi9 kpaixaunom des habitants&duSénat de Tlafcala , qui prioient inftamment les Efpagnols de venir fans perdre de temps dans leur ville, oiiils fe-roient fervis & refpectés comme enfants du foleil ôc frères des Dieux. Cortez, avec une févérité affectée, leur dit de déclarer de fa part à leur Sénat, qu'ils dévoient regarder comme une marque de fa bonté &C de fa condefcendance d'être admis en fa préfence, après avoir mérité fa colère par tant de motifs : que la paix étoit conforme à fon inclination : mais qu'ils ne dévoient pas attendre qu'il la leur accordât immédiatement, jufqu'à ce qu'ils euffent prouvé qu'ils la méritoient : que cependant il feroit fes efforts pour appaifer le reffenti-ment de fes Capitaines , & qu'en attendant , les Tlafcalans dévoient de leur côté faciliter l'accommodement, en corrigeant & amendant leur conduite. C'eft ainfi que fe tenant fur la réferve , Cortez rehauffoit le prix de fon amitié , qui autrement auroit paru de moindre valeur aux yeux d'une nation auffi guerrière. des Européens. 45 La réputation des Efpagnols croif- Cortez foit avec leurs victoires; & Monté-chaP. xiu. zuma , qui par fes Caciques & fes . 7 S . c 1 j .An. 151*. couners etoit informe de tout ce qui fe pafToit, fut très allarmé de leurs Nouvelle fuccès contre les Tlafcalans, crai- ambatfa.de de gnant que fi les vainqueurs oc les vaincus uniffoient leurs forces, ils ne fulTent en état de renverfer fon Empire. Cependant, au lieu d'affem-bler une armée pour fa propre dé-fenfe , il ne fit aucuns préparatifs de cette nature , & comme s'il eût été retenu par quelque génie fupérieur qui fe fut emparé de fon efprit, il eut encore recours à la négociation. Il envoya un nouveau préfent à Cortez par des Ambaffadeurs, qui eurent ordre de le détourner de pour-fuivre fon voyage , d'examiner toutes fes actions , & de l'empêcher, s'il étoit pofîible , d'en venir à un accommodement avec les Tlafcalans. Cinq Mexicains du premier rang, chargés du préfent & de l'Ambaffa-de, arrivèrent aux quartiers des Efpagnols , immédiatement après que les Miniftres de la République en furent fortis. Cortez les reçut très gracieufement ; accepta avec recon- Cortez noifTance le nouveau préfent, qui Chap. v.doit plus de mille pièces de huit, ^ & écouta le melTage dont ils étoient i chargés. Il avoit pour objet de le féliciter fur fes fuccès contre les Tlafcalans, & de le prier de ne point penfer à venir à la Cour de Montézuma , parce qu'il y avoit des rai-fons importantes, qui empêchoient l'Empereur de lui en accorder la permiifton. Cortez ne voulut pas leur répondre immédiatement, parce qu'il déliroir qu'ils viffent eux-mêmes les Tlafcalans humiliés ; & de leur côté les Ambaffadeurs cherchèrent à retarder leur départ, jufqu'à ce qu'ils euffent rempli l'objet réel de leur Ambaffade. xicotencal Cependant la République donna orient îui-mé- fae aux villages voifins de fournir des «ne demander ._ o . „ , r . la paix. provihoRS gratis a 1 armée Elpagnole, qui jouit alors avec abondance de toutes les chofes néceffaires. Deux jours après Cortez fut vifité par Xicotencal en perfonne, à la tête de cinquante Nobles de fon parti & de fes parents, qui l'accompagnèrent avec les en-feignes de paix pour exécuter la com-mifîion dont le Sénat les avoit chargés. Ce Général étoit de moyenne des Européens. 47 taille, bien fait, plus nerveux que ^ qrtiz, gras , & quoique fes traits ne fuffent u.a,. a:H. pas ceiLX d'un bel homme, fa figure . x imprimoit du refpect. Il étoit habillé d'un manteau blanc, orné de quelques joyaux, & il parut devant Cortez avec l'air libre d'un foldat. Après s'être affis, &. avoir déclaré qui il étoit, il commença fa harangue , en avouant naturellement qu'il avoit été le principal auteur de la guerre, croyant que les Efpagnols étoient les favoris de Montézuma , qu'il détefloit : il dit qu'il venoit fe remettre lui-même entre les mains;du vainqueur, efpé-rant par fa fourmilion obtenir le pardon pour fa patrie, avec la paix aux conditions qu'il lui plairoitd'impolèr, la demandant une fois, deux fois & trois fois, au nom & par l'autorité du Sénat, des Nobles & du peuple de Tlafcala. Il fupplia en même-temps Cortez d'entrer dans leur ville, où il trouveroit des quartiers préparés pour fes gens, & le pria d'en agir généreufement avec les habitants, pour que leurs Dieux & leurs fe mimes fuffentà couvert de la licence des foldats. Cortez, en préfence des AmbafTa-. Cnr*« * 7 r Jmaçtoid», J Cortez aeurs Méxiquains, fe plaignit d'abord chip, xii' avec quelque chaleur de la guerre injurie que les Tlafcalans lui avoient 1519. £^te ^ jeur accorja ja pajx qu'ils de- mandoient, promit que les foldats ne commettroient aucune violence, & ajouta que lorfqu'il feroit difpofé à entrer dans leur ville , il les feroit inffruire de tout ce qui feroit nécef-faire pour fa réception. Xicotencal regarda ce délai, comme un doute de fa fincerité, & s'offrit lui-même pour otage, avec tous ceux qui l'accompagnoient : mais Cortez ne voulut prendre 1 aucune fuceté, difant qu'elles étoient abfolument inutiles pour une armée, qui s'étoit toujours maintenue au milieu de fes ennemis déclarés, & il lui promit de fe mettre en marche aiuH-tôt qu'il au-roit tait les difpofitions néceffairesi Il rompit enfuite la conférence, donna la main à Xicotencal en fortant, & lui dit qu'il lui rendroit fa vifite, quand il auroit congédié les Ambaffadeurs de Montézuma. Les Méxiquains traitèrent cetre paix d'un air de mépris : dirent qu'ils étoient furpris de ce qu'un homme aurîi prudent que le Général Efagnol fe laiffoit ainfi tromper des Européens, 49 per par les Tlafcalans , nation bar- Cor-iez, bare, qui fe foutenoit plutôt par la chaP. xm. rufe que par la valeur, &c qui n'avoit d autres vues que de le jetter dans une fécurité dangereufe, pour le faire en-fuite périr plus aifément avec tous fes foldats. Cependant quand ils le virent déterminé à accorder la paix, & qu'il leur eut dit qu'elle étoit l'objet principal qui lui mettoit les armes à la main, ils commencèrent à paroitre rêveurs, & après quelques moments de réflexion , ils le prièrent de retarder de fix jours fa marche à Tlafcala, afin que deux d'entr'eux euffent le temps de fe rendre à Mexico, pourinformer l'Empereur de ce qui fe paffoit, pendant que les autres demeureroient avec les Efpagnols jufqua ce qu'ils fuffent inftruits de fa réfolution. Cortez confentit à leur demande , ne voulant pas rompre avec Montézuma, & dans l'efpérancé qu'après ces nouvelles il cefferoit enfin de refiifer de fe laiffer voir. Les Ambaflàdeurs revinrent au Nouveaux temps marqué, avec fix Seigneurs de SSunLi la Famille Royale , Se une fuite fu- P°ur détour-perbe. Ils apportèrent un nouveau 3"ii« àlié-préfent de plus grande valeur que lexuo* Ta m. II. C 50 DÉCOUVERTES Cortez Prerï"er > & dirent au Général : que Chap. xi ni Montézuma défiroit être l'ami & Tal-Aa. ui9. lié du grand Monarque auquel les Efpagnels obéiffoient, & qu'il lui payeroit un tribut annuel, pourvu qu'ils ne formaffent pas de ligue avec les Tlafcalans, & qu'ils renonçaffent au deffein d'aller à Mexico, parce que fes peuples étoient déterminés à ne pas fourfrir qu'aucun étranger fut admis en fa préfence. Cortez ne voulut pas leur rendre de réponfe qu'ils n'euffent pris quelque repos, ann qu'ils fuffent témoins de la paix avec les Tlafcalans, jugeant aufîi qu'il lui étoit important de les retenir le plus qu'il lui feroit polîible, afin que Montézuma eût moins de temps à fe préparer aux hoffilités. Ces ambaffades allarmerent tellement les Tlafcalans , que le Gouvernement prit la réfolution de vifiter les quartiers des Efpagnols en corps de Sénat, pour convaincre Cortez de leur ffn-cérité, ôc pour rompre la négociation avec les Mexicains. Les Sénateurs portés fur les épaules des officiers inférieurs arrivèrent folemnellement avec une fuite nombreufe aux quartiers du Général, qui les reçut avec des Européens. 51 la politeffe, Se le cérémonial ordi- cORT£Z> naire. Ils s'afïirent fuivant leur ufa- cha?. .uu. ge, & Cortez fut harangué par le pere de Xicotencal , vieillard que lage avoit rendu aveugle, mais dont l'af-pect étoit des plus vénérables. Il lui dit que le Sénat de Tlafcala venoit lui faire fa foumiflîon , lui demander la paix, aux conditions qu'il lui plairoit d'impofer, & le difTuader d'entrer dans aucune ligue avec Montézuma, qu'il repréfenta comme un tyran, Se comme l'ennemi de l'humanité Se de la jufKce. Il le pria encore inftamment d'honorer leur ville de fa préfence, Se fut fi preffant en répétant cette demande , que Cortez l'afTura qn'il marcheront à Tlafcala auffi-tôt que le peuple des villages voifins pourroit s'af-îembler, pour conduire fon artillerie & porter fon bagage. Dès le lendemain cinq cents Taménes fe rendirent à fes quartiers, & après avoir fait les difpofitions néceffaires, ilfe mit aufli-tôt en marche dans cet ordre admirable que fa petite armée obferva toujours. La campagne fut couveite d'une multitude innombrable de peuple , qui vint de toutes parts voir paf-îer les Européens, Se fit tant de geftes _ 52 DÉCOUVERTES Cortez & (le cris, que les Efpagnols les pri-Chap. xiu. rent d'abord pour des menaces de An. jfyg* guerre : ils fiirent bientôt détrompés par Donna Marina , qui leur dit que c'etoit la manière dont les Indiens ex-primoient leur joie dans les jours de fêtes. A une diftance confidérable de la ville, les Chrétiens furent reçus par les Sénateurs &c la Nobleffe, qui après avoir fait leurs révérences fans s'arrêter, fe retournèrent, & marchèrent devant eux, pour marquer un plus Cortfr entre profond refpect. A l'arrivée des Ef-ns a C4 pagnols, la ville retentit de cris, d'acclamations , & du fon défagréable des tuyaux, des tambours & des cor-> nets. Le concours du peuple étoit fi grand que les Magiftrats eurent beaucoup de peine à rendre le paffage • libre : quelques femmes jetterent des fleurs fur les Efpagnols, .& d'autres plus hardies leur mirent des bouquets entre les mains : les Prêtres revêtus de leurs longs habits de facriheateurs vinrent avec leurs caffolettes d'encens, afin de parfumer ces étrangers à mefure qu'ils paffoient, & tous les fpecfateurs marquèrent par leur contenance les exprerïïons les plus fortes de joie, d'admiration de de refpect. des Européens. 53_ Leurs quartiers furent établis dans Cortez, un grand édifice , qui avoit trois chaP. xiu. ou quatre cours fpacieufes avec des Ab ^-chambres détachées, où toute l'armée fut logée convenablementles Ambaffadeurs de Montézuma y furent en fureté fous la protection de Cortez. Ce Général fit fon entrée dans Tlafcala le 23 de Septembre 1^19, après avoir conclu avec cette République une paix fi ferme & fi durable, que jufqu'à préfent les habitants de cette province ont continué à jouir de plufieurs privilèges & exemptions comme une recompenfe de leur amitié & de leur fidélité envers les premiers conquérons du Mexique. Ciij Cortez, ■ ■■mM^ Chjp. xiv- mm^^Bmm^^^^^^^^^^^^m An. IÎI5. CHAPITRE XIV. Defcription de la ville de Tlafcala : Diego de Ordaç vijîte le volcan de Popocatepec : Nouvelle /Imbaffadc de Mexico : Corte^ marche à Cholu-la , ou il fe forme une confpiration contre lui : Elle ejl détruite par la fidélité & la prudcjice de Donna Marina. o.fcription'T'LASCALA étoit une ville très dtTiifaU J_ peuplée, fituée fur quatre émi-nences, qui formoient comme autant de citadellesféparées, gouvernées par quatre Caciques héréditaires : mais qui dépendoient entièrement du Sénat. Toutes les maifons étoient femblables, bâties de pierre ou de brique, avec des toits plats & des galleries : les rues étoient étroites & tortueufes, fuivant l'efcarpement & la roidcur de la montagne , d'autant qu'en général leur fituation & leur architecture étoit plutôt deftinée à la défenfe qu'à l'agrément. Toute la province avoit environ cinquante lieues des Européens. 55_ de tour, dix de largeur, & quatre de Cortez, longueur. Des hauteurs fertiles & chaP. xiv. biens cultivées la féparoient de toutes , «ici 1 An. ISIS» pans des provinces dépendantes de Montézuma, mais du côté du Nord elle étoit bornée par les Cordillieres, chaîne de montagnes, qui donnoit communication aux Tlafcalans avec les Otomies, les Totonaques, & les autres tribus barbares. Ils avoient beaucoup de villes ; les habitants étoient guerriers & fiiperflirieux, & leur terrein produifoit une fi grande quantité de maïz ou bled d'Inde, que la province en avoir pris le nom de Tlafcala, qui fignifie Terre de pain. Ils avoient une grande quantité de fruits délicieux, du gibier de toute efpece, & beaucoup de cochenille , dont les Efpagnols leur enfeignerent l'ufage. Cependant tous ces avantages étoient contreballancés par quelques inconvénients auxquels ils étoient fujets. Le voifinage des montagnes-leur occafionnoit d'horribles ouragans & des inondations, qui détrui-foient quelquefois toutes leurs moi£ fons par les débordements fubits de la rivière Zahual, dent on prétend que les eaux font fi pernicieufes, que C iv 5^ DÉCOUVERTES Cortez ceux en ^ont luage pour boire ou chap. xiv. pour fe laver font furement infectés A^ ^ de la galle. D'un autre côté, leur * I$l9' abondance étoit compenfée par le défaut de fel : il eft vrai qu'ils en pou-voient avoir en échange pourdumaïz dans les Etats de Montézuma : mais ils préféroient de fe priver de cet affai-fonnement, plutôt que d'entretenir quelque commerce avec leursennemis. exScdesEf Cortez, confidérant le caractère pjgnoi*. de la nation au milieu de laquelle il fe trouvoit, crut devoir fe conduire avec autant de vigilance que de circonf-peétion. Il fit toujours monter la garde dans fes quartiers; ne fortit jamais fans être accompagné de gens armés, & fes foldats n'alloient que par compagnies; toujours avec leurs armes à feu fur leurs épaules. Les Indiens voyoient avec chagrin toutes ces précautions , qui marquoient de la méfiance ; & Magifcatzin s'en plaignit à Cortez par ordre du Sénat, en lui difant que fes foldats qui paffoient par la ville avec des foudres fur leurs épaides, les offenfoient plus par cette marque de défiance, qu'ils ne l'auroient fait s'ils avoient commis des violences réelles. Cortez les af-; des Européens. 57 fura qu'il étoit parfaitement convain- qoktez^ eu de la fmcérité , & de la bonne chaP. xiv. volonté de la République : mais que cette condiute, qui leur taiioit ombrage , n'étoit que l'effet de la discipline , dont l'exafte obfervation avoit rendu les Efpagnols invincibles. Cette réponfe fatisfit le vieillard, ainfi que le Sénat, & les Efpagnols eurent tous les jours de plus fortes preuves de l'amitié & de la fidélité de leurs nouveaux alliés. On leur four-niffoit des provifions en abondance, & il leur venoit des préfents de toutes parts. Cortez fit changer fon principal appartement en une Chapelle , où l'on célébroit tous les jours la Meffe , en préfence des principaux Indiens. Magifcatzin défira connoître les principes de la Religion Chrétienne , dont il admiroit déjà les cérémonies : le Pere Barthelemi de OI~ medo l'en inftruifit, & il parut très fatisfait de ce culte : cependant il ne fut pas pofïïble de lui perfuader d'abandonner fes Dieux , & il dit que celui des Chrétiens pouvoit être très puifîànt ; mais que ceux des Indiens l'étoient affés pour protéger leurs adorateurs» Cortez , dont le zele Cy 58 DÉCOUVERTES Cor tez l'emportoit fouvent fur la prudence, Chap. xiv. propofa de détruire toutes les Idoles An ^ ^ fans attendre plus long-temps : mais n. 151s. ^a ferveur £ut mocièrée par la fageffe de Olmedo, qui lui dit qu'il n'étoit pas fans fcrupules fur la violence qu'on Cortex veurZVOît ^te aux Zempoalles : que la neutre i« perfécution ne pou voit s'accorder S?!So«r„é «feo l'Efprit de l'Evangile, & que paroimédo. la converfion des Infidèles demandoir du temps avec beaucoup de douceur. Il engagea feulement les Tlafcalans à renoncer aux facrifîces des victimes humaines fi oppofés aux loix de la nature, & il mit en liberté les malheureux qu'on nouriffoit dans des cages pour ce culte abominable. La paix étant bien établie, & le Sénat de Tlafcala avant fait ferment d'obeif-fance au Roi d'Espagne, Cortez renvoya les Ambafîàdeurs Méxiquains. Il les chargea de rapporter à Montézuma tout ce qui s'étoit paffé en leur préfence : airm que les folhcitatîons &: la fidélité des Tlafcalans, & d'ajouter qu'il avoit tant d'influence fut ces peuples, qu'il efpéroit avec le temps les pouvoir réduire à l'obéinance de rEmpereur du Mexique ; enfin il les chargea de dire à Montézuma la ré- des Européens, 59?_ foliition où il étoit de continuer fon cortez " voyage pour conférer avec ce Mo- cbap. xiv. narque , tant fur cette affaire que fur . a autres de plus grande importance. Pendant que Cortez étoit à Tlafcala, où il recevoit au nom de Dom Charles l'hommage des différentes villes & des confédérés de la République, il y eut une éruption étonnante dè feu & de fiimée du Volcan de Popocatepec , montagne fort élevée à huit lieues de la Capitale. Ce feu extraordinaire jetta le peuple dans la frayeur & dans la confternation : ils le regardoient comme un préfage de maux à venir T parce qu'ils eroyoient que les étincelles étoient les arnes des tyrans qui fortoïent pour châtier la terre, & que les Dieux irrités les employoienf comme les instruments de leurs vengeances. Magifcatzin & quelques-uns des premiers de la Noblefle étoient occupés auprès de Cortez à lui expofer toutes ces imaginations, quand Diego de Ordaz vint lui demander la permifïion de monter au Volcan, & d'examiner ce grand fe-cret de la nature. Les Indiens très étonnés de cette propofition , firent îws leurs efforts pour le détourner 60 DÉCOUVERTES Cortez d'une entreprife auffî dangereufe, en Gbap. xiv. lui difant que les plus hardis de leur nation n'avoient jamais ofé aller au-l519' delà de quelques hermitages de leurs Dieux, fitués à peu-près au milieu de la montagne, & que d'horribles roulements & tremblements de terre em-pêchoient d'approcher du fommet. Ce récit augmenta le défir de Diego de Ordaz, & Cortez lui accorda la permiffion qu'il demandoit, afin que les Tlafcalans euffent de nouvelles preuves de la fupériorité du courage Voyage de des Efpagnols. Ordaz partit pour VoJca" 3U cette expédition accompagné de deux foldats & de quelques-uns des principaux Indiens, qui offrirent d'aller avec lui jufqu'aux hermitages. Il trouva que le pied de la montagne étoit embelli de toutes parts d'arbres verds,. qui en couvroient la pente un efpace affés considérable : enfuite le terrein devenoit peu-à-peu plus aride, & la neige demeuroit toute l'année dans les endroits où le foleil & le feu n'avoient point d'accès : les autres parties étoient couvertes par les cendres forties du Volcan. Les Indiens s'arrêtèrent aux hermitages , où ils n'efpéroiem pas voir revenir les Ef- des Européens. 6i pagnols : cependant Diego de Ordaz CoRTEZ & fes deux foldats s'avancèrent, cbap. xivT grimpant courageufement fur les ro- An % chers, jufqu'à ce qu'ils fufTent arrivés à une petite distance du fommet. Alors ils fentirent que la terre fe mouvoit avec violence fous leurs pieds, & entendirent comme des hurlements affreux de l'embouchure enflammée y qui peu de temps après jetta avec un redoublement de bruit une grande uantité de feu, & des tourbillons de unée, qui s'étant élevés à une grande hauteur retombèrent fur les trois Efpagnols , en nuées de cendre fi épaif-fes & fi bridantes , qu'ils furent obligés de chercher à fe mettre à couvert dans un trou de rocher, oii ils furent prefque étouffés. Lorfque Diego de Ordaz eut remarqué que le tremblement de terre étoit paffé, il encouragea fes compagnons par fon exemple à, pourfuivre leur découverte ; & ils arrivèrent enfin jufqu'à la bouche du Volcan. Elle avoit environ un quart de lieue de circonférence, & ils ob-ferverent au fond une groffè maffe de feu, qui paroiffoit bouillir comme du métal en fufion. Après cet examen ils retournèrent fans aucun accident 6l DÉCOUVERTES Cortez vers ^es Indiens, qui marquèrent le Ch«p. .xiv plus grand étonnement, & cette aventure augmenta beaucoup leur effime An. IJ19. , o r pour les Efpagnols. Ce voyage parut d'abord l'effet d'une téméraire cu-qu'onVored. riofité de Ordaz, cependant il fut d'un re« grand fervice pour la fuite de l'expé- dition y parce qu'au moyen de cette découverte Cortez trouva dans la montagne une grande quantité de foufFre, dont il fe fervit pour faire' de la poudre, quand fon armée commença à en manquer. L'Empereur annoblit depuis la hardieffe de Ordaz, en lui donnant une montagne -brûlante pour fes armes, Cortez paffa vingt jours à Tlafcala, amttfé par des ferlins, desdanfes, & des fêtes d'agilité, après quoi il fixa celui de fon départ, & parut incliner k prendre la route de Cholula, Les Tlafcalans firent leurs efforts pour l'en détourner , & ajoutèrent aux raifons des Zempoalles ; que Cholula et oit un pays facré ,011 il y avoit quatre cents Temples, avec beaucoup' de dieux malins qui épouvantaient le monde par des prodiges, & qu'il feroit dangereux d'entrer dans leurs-territoires fans quelque affurance de* des Européens. 63 les avoir propices. Avant que Cortez CoRXEZ eût pris la réfolution , il vint encore cbap. xiv. de nouveaux Ambaffadeurs de Mon- 9i • . . An. 15x9, tezuma, qui apportoient un autre préfent, & la permifîion pour que les Efpagnols fe rendiffent à Mexico par le chemin de Cholula, où ilstrou-veroient des quartiers pour leur armée. Aufîi-tôt que les Tlafcalans eurent entendu cette proposition , ils jugèrent qu'elle couvroit quelque tra-hifon, & Magifcatzin qui avoit conçu une véritable affection pour Cortez , répéta fes repréfentations avec tant de force, que le Général Efpagnol tint confeil en fa préfence à ce fujet. Après une mure délibération, on convint qu'il n'étoit pas poflible d'éviter de prendre la route indiquée par Montézuma , fans faire connoitre qu'on foupçonnoit fa fincérité : que foit que ce foupçon fïït bien ou mal fonde, il n'étoit pas à propos de le faire paroître , & qu'il ne feroit pas moins dangereux de laiffer des traîtres derrière foi : qu'il étoit donc né-ceffaire d'aller à Cholula, pour découvrir les intentions de l'Empereur du Mexique , & pour ajouter une nouvelle réputation aux armes des Cortez Chrétiens , en châtiant la perfidie de Chap. xiv. fes fujets. Magifcatzin, quoiqu'il fou-An ^ mît fon fentiment à la fupériorité du n. 1519. jUgement aes Efpagnols; demanda cependant la permifîion d'affembler les troupes de la République , pour être eu état de foutenir fes amis, & Cortez y confentit , quoique ce fut avec répugnance, regardant ce foin comme un excès d'inquiétude & d'afFeftion. Rufc de Les Tlafcalans ne fe trompoient ptnr dérruire Pas dans l'opinion qu'ils avoient de lesEfpagnois. Montézuma. Ce Prince épouvanté par les victoires des Efpagnols, St honteux d'employer fon armée contre un fi petit nombre d'hommes, réfolut de les détruire par artifice , & choifit Cholula pour théâtre de fa perfidie. Cependant les habitants de cette ville paroiffoient novices dans l'art de la dissimulation : ils négligèrent d'envoyer des députés à Cortez, qui fe plaignit aux Ambaffadeurs Mexicains de ce défaut d'attention ; & quand ils furent instruits de fon mécontentement, ils y envoyèrent quatre perfonnes de bas état, Se dans un équipage fi médio-, cre, que le Général Efpagnol refufa des europée n s. 65 de les admettre en fa préfence. Le Cortez, jour du départ étant arrivé , Cortez chaP. xiv. fe leva de grand matin pour ranger les gens , ainli que les auxiliaires Lem-poalles : mais il fut très furpris de trouver toutes les troupes de la République & celles de fes alliés déjà en campagne , formant une multitude incroyable, avec leurs Chefs distingués par la couleur de leurs plumes, & par la différence de leurs en- , feignes, qui repréfentoient des aigles, des lions & d'autres animaux féroces. Ces Chefs s'approchèrent de Cortez, & lui dirent qu'ils avoient été affem-blés par la République , pour fervir fous fes ordres, &: fuivre fes drapeaux jufqu'à Mexico. Il leur marqua fa reconnoiffance de leurs foins & de leur affection avec les exprefïions les plus vives ; mais il les convainquit, quoiqu'avec beaucoup de peine, qu'il ne conyenoit pas de marcher avec une fi grande armée , lorfqu'on n'avoit que la paix pour objet. Il choifit quelques compagnies pour le fuivre, & reufïït à perfuader aux autres de demeurer à Tlafcala, prêts à marcher à fon fecours, fi les cir-conflances le demandoient. Cortez Cortez avantj°mt "*xmillehommesdestrou-chap. xiv. pes de la République à fa propre Ab armée, fe mit en marche vers Cho-'IiI9' lula, éloigné d'environ cinq lieues de Tlafcala , & le même foir il fit halte près d'une rivière agréable, environ à trois milles de la ville , où il ne vouloit pas entrer de nuit. Il y reçut une autre déportation, compo-fée de gens d'un rang distingué & mis . honorablement, qui lui apportèrent un préfent de provifions, & lui ex-poferent le fujet de leur ambaffade. Elle avoit pour objet de faire les excufes de leurs Caciques, qui n'avoient pas été le trouver à Tlafcala , parce qu'il étoit alors au milieu de leurs ennemis, & lui déclarer qu'il étoit le bien venu, lui & fes gens dans leur ville, où ils fe réjouif-foient de pouvoir marquer leurs ref-pe£s à des hôtes auffi honorables. Cortez les reçut gracieufement, & parut fatisfait de leurs excufes, quoiqu'il fut bien éloigné d'être convaincu de leur fincérité. Le lendemain , il continua fa marche vers la ville avec les plus grandes précautions, parce que les habitams paroiffoient fort lents à fortir pour le recevoir- des Européens. 67 Cependant quand il approcha de cORTEZ Cholula , les Caciques & les Prêtres chaP. xiv\ parurent avec une fuite nombreufe An de peuple fans armes, & ils le reçurent avec tant d'apparences de joie & de refpedt, qu'ils en auroient im-pofé à des yeux moins clairvoyants : mais quand ils apperçurent le corps de Tlafcalans qui marchoit à l'arriére garde, ils changèrent de contenance, & il s'éleva un murmure défagréable entre leurs Chefs. Marina eut ordre de s'informer de ce qui l'occafion-noit ; on lui'répondit que les Tlafcalans étant leurs ennemis, ne pou-voient entrer armés dans la ville , & qu'on fupplioit inftamment Cortez de leur donner ordre de s'en retourner , pour que leur préfence n'apportât aucun obftacle à la paix. Il fut un peu déconcerté à cette demande;cependant elle paroiffoit fi raifcnnable, qu'il dit aux Tlafcalans de prendre leurs quartiers hors de la ville, jufqu'à ce qu'il eût pu pénétrer dans les intentions des Cholulans. Ils con-fentirent fans aucune difficulté à fe faire des barraques hors des murailles dans un lieu oit ils étoient à portée de fe courir leurs amis en cas de né- Cortez cem^ ? &: *e peuple de Cholula pa-Chap. xiv. rut très fatisfait de cette difpofition. Aruiiiç. L'entrée des Efpagnols dans Cholula fut femblable à celle de Tlafcala : Gortet en- i\s panèrent au milieu d'une multitude tredansCko-, X . , , . r .r . lui». infime de peuple , qui railoit retentir l'air de fes acclamations : les femmes jetterent des fleurs & préfenterent des bouquets : les Prêtres & les Caciques les faltterent par leurs révérences & leurs parfums, pendant qu'une quantité d'inftruments aug-mentoient le bruit : enfin tout annonçait une joie fi univerfelle , que les Efpagnols, qui n'étoient entrés que pleins de loupçons, commencèrent à la croire fincere. Cette ville que pour fa beauté l'on compara à Valladolid , eft fituée au milieu d'une plaine vafte & agréable : elle contenoit vingt mille habitants entre fes murs , & il y en avoit un pareil nombre dans les fauxbourgs. Elle étoit très fréquentée par les Etrangers, comme le fanctuaire de leurs Dieux, & l'entrepôt des mar-chandifes : les rues fpacieufes & unies, avec des bâtiments plus grands & d'une plus belle architecture que ceux de Tlafcala, étoient ornées de tours des Européens. 69 fomptueufes, qui marquoientle grand çORTf:z nombre de leurs temples : les habi- chaj». xiv. tants plus diffimulés que guerriers, . étoient pour la plus grande parue ou marchands ou artifans. Les quartiers qu'on avoit préparés pour Cortez étoient compofés de trois ou quatre grands bâtiments, contigus les uns aux autres, & affés varies pour contenir les Efpagnols & les Zempoalles. A l'égard des Tlafcalans , ils choisirent une place peu éloignée de la ville , où ils fe mirent en fureté par des ouvrages, des corps de garde & des fentinelles, à l'imitation de leurs amis les Européens, dont ils avoient pris les ufages dans ce qui concernoit le militaire. Pendant les trois ou quatre premiers jours, les Efpagnols ne virent que l'apparence de l'amitié & de la tranquillité : mais enfuite les provi-fions devinrent plus rares : enfin elles cefferent tout-à-coup , ainfi que les vifites des Caciques. Les ambaffadeurs de Montézuma tinrent des conférences fecrettes avec les Prêtres , & le peuple ne pouvoit s'empêcher de marquer fon mépris & fon éloigne-ment des Efpagnols. Ces différentes 70 DÉCOUVERTES Cortez circonstances firent renaître les foup- Chap. xiv! çons , &c Cortez s'occupoit à chercher quelques moyens de connoître * l519' les deffeins des Cholulans, quand ils fiirent tous découverts par un événement qui paroît être l'effet de la providence. Donna Marina avoit Confpiration contracté des liaifons d'amitié avec découverte une vieille femme Indienne d'un par Marina. , ... rang diltingue, qui lui marquoit autant d'affection que d'intérêt pour ce qui la concernoit. Cette femme vint un matin à fon appartement, & la pria avec les plus grandes marques de vivacité & d'affliction d'abandonner à l'inffant ces abominables étrangers , & de fe retirer auprès d'elle, où elle trouveroit toutes fortes d'accueil & de protection. Donna Marina jugeant que cette demande cachoit quelque chofe d'extraordinaire, dif-iimula fon inclination , fe plaignit de fa captivité, accepta cette offre gra-cieufe, & fe conduifit avec tant d'a-dreffe , que la vieille Indienne la croyant fincere, lui dit clairement qu'il n'y avoit pas de temps à perdre : que les Efpagnols étoient destinés à périr : que Montézuma avoit envoyé vingt mille Mexicains , qid n'étoient des Européens. 71 plus qujà peu de distance , prêts à ç0rtez affurer l'exécution du projet : qu'il y chaP. xiv. en avoit déjà fix mille, tous hommes An. uj*. choifis, d'entrés dans la ville par petits pelottons : qu'on avoit distribué une grande quantité d'armes à tous les habitants : qu'ils avoient fait des amas de pierres fur les toits de leurs maifons, & avoient creufé de profondes tranchées dans les rues, 011 l'on avoit enfoncé des pieux bien aiguifés, couverts de terre pour y faire périr les chevaux : que Montézuma avoit ré-folu de détruire tous les Chrétiens ; mais qu'il avoit donné des ordres pour en prendre quelques-uns vivants , afin de fatisfaire fa curiofité & fon zele pour fa religion : enfin qu'il avoit fait préfent à la ville de Cholula d'un tambour d'or, curieu-fement travaillé, pour exciter leur courage & leur industrie en cette ©ccafion. Donna Marina instruite de toutes ces particularités, dit qu'elle étoit prête à suivre fa chère libératrice , & fous prétexte d'aller chercher fes joyaux , elle courut apprendre toute la confpiration à Cortez. Il fit aussi-tôt arrêter la vieille Indienne, & à force de menaces, on tira d'elle 72 DÉCOUVERTES Cortez l'aveu de toutes les particularités. Il Chap. xiv. tut en même temps averti par quel-An ^ ques foldats Tlafcalans, qui vinrent ' l9' le trouver déguifés en payfans, pour lui dire de fe tenir fur fes gardes , parce que de leurs quarriersils avoient vu les Cholulans emmener leurs femmes , & emporter leurs effets dans les villages voilins. Ils apprirent encore qu'ils avoient fait le matin un facrifîce de dix enfants, mâles & femelles ; cérémonie qu'ils ne faifoient jamais que lorfqu'ils étoient prêts d'exécuter quelque exploit militaire. Enfin leur deffein fut confirmé par le récit de deux ou trois Zempoalles, qui en fe promenant dans les rues avoient par hazard découvert les tranchées, & quelques ouvrages defKnés à conduire les chevaux dans ces pièges imprévus. Cone* te Cortez, qui vouloit juftifier fa con-ï.rk^cho- duite, par le témoignage de quelques luian». perfonnes irréprochables de leur propre nation , fit venir trois ou quatre des premiers Prêtres , qui avoient grande autorité auprès des Caciques ik du peuple. Il s'entretint féparément avec chacun d'eux; fe plaignit de leur trahifon, & leur en détailla ies particularités 9 An. isis. des Européens. 73 particularités, fans leur dire comment CoRïïli il les avoit découvertes. Ils le regar- chap. xiv. derent aulîi-tôt comme un Dieu, qui pénétroit dans les penfées des hommes, confefferent la vérité de tout ce qu'il, leur difoit, &c en rejet-terent le blâme fur Montézuma, qui étoit auteur de tout le complot. Ces Prêtres furent emprifonnés fecrette-ment , & l'on ôta aux ambaffadeurs du Monarque toute communication avec le peuple. Enfuite Cortez affem-bla fes Capitaines, leur fît part de tout ce qu'il favoit fur cette confpiration , & leur dit fon projet pour punir la perfidie des Cholulans. Ils y donnèrent tous un confentement unanime , & pour commencer à l'exécuter , il déclara aux Magistrats qu'il partiroit le lendemain, en leur demandant des provisions pour fa marche, des Indiens de charge pour fon bagage, & un renfort de deux mille hommes armés, pour joindre aux Tlafcalans & aux Zempoalles qui étoient à fon fervice. Cette dernière demande avoit pour objet de désunir leurs forces , & ils y confentirent volontiers , dans l'intention d'introduire dans fes troupes des ennemis Tom. IL D 74 DÉCOUVERTES c o k t e z, cachés, qui agiroient fuivant les oc-Chap. xiv. calions. Cortez fit ordonner aux An. 1519, Tlafcalans de s'approcher delà ville au point du jour , & d'y entrer à la première décharge qu'ils enten-droient des armes à feu, pour fe joindre aux Efpagnols, qui furent instruits ainsi que les Zempoalles, de la nature du fervice que le Général exigeoit d'eux. Pendant la nuit on plaça des corps de garde & des fentinelles partout oii on le jugea nécefTaire, après quoi Cortez fit venir les ambalTadeurs de Montézuma. Il leur dit que l'intimité & l'amitié qui régnoit entre eux ne lui permettoit pas de leur cacher un fecret qu'il alloit leur apprendre : qu'il avoit découvert une confpiration formée contre lui par les Caciques & les habitants de Cholula : qu'il étoit réfolu de les punir pour avoir manqué avec autant de perfidie aux devoirs de l'hofpitalité ; que les principaux des confpirateurs avoient non - feulement avoué leur crime , mais qu'ils avoient encore cherché à l'excufer, en difant qu'ils en avoient reçu l'ordre de Montézuma , qui leur fournilToit des fecours pour détruire les Efpagnols d'une manière aussi in- des Européens. 75 famé : enfin il termina fon difcours c 0 R T t z t en difant qu'il prenoit cette occafion chap. X1V-de leur faire part de fes réfolutions, A. afin qu'ils fuffent instruits de fes rai-fons, & bien affurés qu'il étoit moins irrité contre les Cholulans pour la trahifon qu'ils avoient tramée contre lui, que pour avoir eu l'audace de couvrir leur crime du nom de l'Empereur. Les ambaffadeurs frappés de terreur & de confufion , protestèrent qu'ils n'avoient aucune connoiffance de la confpiration, & firent leurs efforts pour fauver la réputation de leur Prince. Cortez qui pour fon propre intérêt vouloit paroître ignorer les deffeins de Montézuma , fut très satisfait d'avoir cette occasion d'augmenter encore la réputation de fes armes, en détruifant les projets du Prince Mexicain, dont la foiblefTe des réfolutions paroiffoit évidemment par les efforts qu'il faifoit pour tromper les Efpagnols. Le lendemain de grand matin, les Vençwwee Tamenes vinrent avec quelques pro- S^i perfidie* visions, mais en petite quantité, & ils furent suivis des Indiens armés, dont le nombre excédoit celui que Dij j6 DÉCOUVERTES coûtez, Portez avoit demandé. Il les diftri-chap. xiv. bua dans les différentes cours de fes ai», ijip quartiers, & les fépara, fous prétexte de former fes bataillons, suivant fa méthode ordinaire. S'étant ainfi alfuré d'eux, il rangea fes troupes, monta à cheval, fe fit amener les Caciques, & leur dit avec une voix terrible, dont Marina interpré-toit les paroles: que leur confpira-iion étoit découverte ; qu'il en alloit ordonner le châtiment, & que par fa rigueur, ils apprendroient à leurs dépens, combien il étoit important pour eux d'entretenir la paix qu'ils avoient formé le projet d'enfraindre avec tant de perfidie. A peine eût-il commencé de parler qu'ils fe retirèrent précipitamment pour joindre leurs troupes, l'infidtant par les menaces & les termes de mépris dont ils fe fervoient quand ils prenoient la fuite. Alors Cortez donna ordre à fon Infanterie de tomber fur leurs foldats qu'il avoit partagés dans les différentes cours, & tous furent bientôt maffacrés, à l'exception d'un petit nombre qui fe jetterent par deffus les murailles & s'echaperent. Quand le carnage fut fini, il nt donner le fi- des Européens; 77 gnal pour crue les Tlafcalans avan-ÇafTent : & fît marcher fon armée au chaP. petit pas dans la principale rue, après Aft> avoir laiffé une garde fufEfante dans fes quartiers, Se détaché quelques Zempoalles pour découvrir les tranchées , afin que fes chevaux évitai» fent ce danger. Cependant les Cho-lulans appellerent les Mexicains à leur fecours : fe réunirent dans une grande place, ou il y avoit trois Temples , Se mirent un nombre de gens fur le fommet des tours Se dans les portiques, pendant que les autres furent partagés en différens corps pour combattre les Efpagnols. A peine les troupes de Cortez furent entrées dans la place , Se eurent commencé à charger, que les Tlafcalans attaquèrent l'arriere-garde des ennemis, qui foirent faifis d'une telle frayeur, Se tombèrent dans un fi grand défordre , qu'il leur fut impofîible de fuir, Se que ne fâchant comment fe défendre ils tombèrent en monceaux fans faire ^ de réfiitance. Les dégrés Se les ter-raffes des Temples furent couvertes d'une multitude d'hommes armés, Se les Mexicains qui en avoient entrepris la défenfe, fè trouvèrent fi pref- D iij c o r tez/") qu'ils pouvoient à peine fe tour-chap. xiv. ner, & qu'il ne leur reftoit pas dé An. 1519. place pour tirer leurs flèches. Cortez s'avança vers le plus grand de ces Temples , 6k donna ordre à fes Interprètes de publier la liberté du pnf-fage, & le pardon pour tous ceux qui viendroient fe rendre volontairement. Quoique cette proclamation fïit répétée par deux fois, tous la re-jetterent, à l'exception d'un feul Indien. Alors Cortez donna ordre de tirer l'artillerie, & de mettre le feu aux tours : ce qui en fît périr un grand nombre fous les ruines &: dans les flammes. Les autres Temples ayant été détruits de la même façon, les Efpagnols firent une ronde par toute la Ville, où il y eut plus de fix mille hommes de tués, Habitans ôc Mexicains. Les Tlafcalans commirent beaucoup de défordres en pillant la Ville : mais ils tombèrent particulièrement fur les magafms de fel, dont ils envoyèrent aufîi - tôt plusieurs charges à Tlafcala, n'oubliant pas, même au milieu de la plus grande confufion, ce qui étoit nccefîaire à leur Pays. Cortez, leur avant afîî-gné des quartiers dans la Ville, fe re- des Européens. 79 tira aux liens, & fe fit amener les c o rtu, principaux des Cholulans qu'il avoit c',aP- *lv-retenus prifonniers, ainfi que les Prê- Ani IJWfc très, & la femme Indienne, qu'on avoit également renfermés. Il leur marqua l'on chagrin d'avoir été obligé d'infliger un châtiment auffi févé-re ; les aflûra qu'il ne confervoit aucun reffentiment ; publia un pardon général ; & pria les Caciques de faire leurs efforts pour repeupler la Ville, en rappellant les fugitifs, & encourageant ceux qui s'étoient cachés à reparoître. Les Indiens avoient peine à croire qu'on leur eût rendu la liberté , & ils baifoientla terre pour marquer leur reconnoiffance & leur fou-million. Les Ambaffadeurs félicitèrent Cortez fur les fuccès de cette journée, & leurs compliments furent bien reçus du Général, qui préféra de difïimuler plutôt que de rifquer à s'attirer ouvertement le reffentiment de Montézuma. Les Citoyens, encouragés par la douceur des Efpagnols , retournèrent dans leurs mai-fons, ouvrirent leurs boutiques, &C en très peu de temps I'obéiflànce &: la tranquillité fuccéderent au mafîa-cre oc au tumulte. Cont z, Le lendemain de cet événement,' Cna^. xiv. Xicotencal arriva avec vingt mille An 1515. hommes , que la République en-voyoit au fecours des Efpagnols, 11 établit la ^ont cetTe nation fidèle fut toujours paix '.ncrc 1CS _ . / Tlafcalans & amie. Cortez les reçut avec les mar-k*chol«iai«. qUes la plus vive reconnoiffance : mais il dit au Général, que fon def-fein étant de fe mettre inceffamment en marche pour Mexico, il croyoit ne devoir pas irriter Montézuma , en conduifant dans fes Etats un fi grand nombre de fes ennemis déclarés. Xicotencal convint de la jufteffe de cette réflexion, & promit en fe retirant de tenir toujours fes troupes prêtes à marcher, fi les occafions l'exi-geoient. Avant fon départ de cette Ville, Cortez fut le médiateur de la paix entre la République & Cholula, & par cette fàge conduite , il ouvrit le chemin aux Tlafcalans pour lui donner du fecours, en même temps qu'il ôta tout obftacle à fa propre retraite , fi le fuccès ne répondoit pas à. fon attente. Le jour fixé pour fon départ de Cholula étant très proche, quelques-uns des Zempoalles demandèrent permifïïon de retourner chez eux. des Européens. 8i Cortez la leur accorda fans aucune Co RTtz> difficulté, & après les avoir remer- chap. xiv. cies de leurs bons fervices, il prit An, lsl9. cette occafion pour envoyer quelques préfents à leur Cacique, & pour lui recommander les Efpagnols qu'il avoit lailfés dans fon diffricl:. Il écrivit en même temps à Jean de Efca-lante un récit abrégé de fes fuccès, tic lui donna ordre d'ajouter de nouvelles fortifications à la Vera-^cruz, ce qu'il ne faifoit pas , tant par crainte des Indiens, que par rapport à Diego de Velafquez, dont il con-noiffoit l'ambition démefurée. Vers . Nouvel ar-le même temps il arriva encore de téiuma. nouveaux Ambaifadeurs de Montézuma, qui informé de ce qui s'étoit paffé à Cholula, voulut éviter tout foupçon d'avoir eu quelque part à la confpiration. Il prit donc le parti de remercier Cortez d'avoir châtié ces traîtres, qui avoient tenu une conduite fi indigne des Suiets d'un grand Prince, & il accompagna ce mclfage d'un préfent très considérable. Son intention étoit de jetter les Efpagnols dans une aveugle fécurité, pour au'ils tombaffent plus aifément dans le nou- Cortf.7", veau P^'Se °lu'^ ^eLir avoit préparé Chap. xv. fur la route. An. 15 j 9. CHAPITRE XV. Cortei découvre & fait échouer une nouvelle trahifon des Mexicains : Montézuma ejl découragé par fes oracles * Les Efpagnols s'avancent au bord du grand lac : Le Général efl vifîtè parle Roi de Teçcuco : Il arrive dans la Capitale des Etats de ce Prince , d'où il marche à I^tacpalapa. comréri- A Près étre demeuré quatorze xuacembnf. £\_ jours à Cholula , Cortez conti-xicains? * ' nua fa marche, & la première nuit il s'arrêta dans un village de la jurifdic-tion de Guajozingo, 011 les chefs de ce Gouvernement, & ceux des villes voisines lui apportèrent des préfents & des provifions. Cortez trouva chez ces peuples les mêmes plaintes contre Montézuma qu'il avoit entendues, dans des Provinces plus éloignées y & il ne rut pas fâche de voir que le même mécontentement régnoit iî près du cœur de l'Empire, fâchant des Européens. 83 qu'un Prince ne peut être formida- ~c Q R 1• t z ble, lorfqu'en perdant l'amour de les chap- xv« Sujets, il elt dépouillé de ce qui fait Aju ^ la plus forte défenfe d'un Souverain. Le lendemain il pourfuivit fon voyage par une montagne très efcarpée conrigue au volcan, marchant toujours avec la plus grande précaution, parce qu'il avoit été averti par un des Caciques de Guajozingo, que les Mexicains avoient placé une forte embufcade de l'autre côté de la montagne ; qu'ils avoient coupé le grand chemin, qui conduit à la Province de Chalco, & qu'ils en avoient ouvert un autre, qui menoit à des précipices naturels, dans l'intention de charger l'armée Efpagnole, quand elle feroit engagée dans des lieux difficiles , oii la Cavalerie ne pourroit être d'aucun fervice, & où l'Infanterie n'auroit pas de place pour fe former. Quoique Cortez fût exceffive-ment irrité de la trahifon des Mexicains , il difîimula fon reffentiment y & quand il fut arrivé au fommet de la montagne, où il vit les deux routes, conformes à la defcription qu'on lui en avoit faite, il fe tourna fans marquer aucune émotion vers les _84 Découvertes Cor 1 fc z, Ambaffadeurs de Montézuma, & leur €haP. xv. demanda pourquoi l'uro de ces rou-Jin. ifi9. Ies ^l0lZ embarraffée d'arbres & de pierres ; &c l'autre étoit faite nouvellement. Ils lui répondirent que la nouvelle route avoit été faite pour fa commodité, &c qu'on avoit rompu l'autre, parce qu'elle étoit beaucoup plus efcarpée Ô£ plus difficile. » Vous connoiffez bien peu, » répliqua tranquillement Cortez , « le » génie de ma nation ; nous marche-» rons par la route que vous avez » rompue, uniquement parce qu'elle » eft la plus difficile, d'autant que » de deux chofes, les Efpagnols choif-» fiffent toujours la moins aifée. « Alors il ordonna aux Indiens qui lui étoient attachés, de marcher devant lui, & de nettoyer la route, en ôtant tout ce qui faifoit obftacle à fon paf-fage, ce qui fut exécuté fans perdre de temps, au grand étonnement des Ambaffadeurs, qui n'auroient jamais penfé que Cortez eût foupçonné leur trahifon. Les Indiens qu'on avoit mis en embuf cade, voyant que les Efpagnols fuivoient la grande route , jugèrent qu'ils étoient découverts , & commencèrent à fe retirer en défor- des Européens. 85 dre ôc pleins de conflernation. Cor- n " „... " , tez delcendit dans la plaine fans au- .chap. xv. cune oppolirion, & palla la nuit dans An ^ quelques maifons, bâties pour l'ufa-ge des Marchands Mexicains , qui fréquentoient les foires ou marches de Cholula. Montézuma, découragé par tous Dccourape-ces contre-temps, ne favoit plus quel JJ"^CM0B? parti prendre, & devenoit de jour en jour plus dévot. Il étoit continuellement dans les Temples, & redou-bloit les facrifices de victimes humaines: enfin il affembla fes Magiciens & fes Sorciers, & leur ordonna, fous peine de leur faire fouffrir la mort dans les tourments les plus cruels, de vaincre, ou de rendre fhipides les Efpagnols par la force de leurs enchantements. Pour obéir à fes ordres , plufier.rs compagnies de Né-gromanciens partirent pour la route de Chalco ; ils rirent leurs conjurations fans fuccès, retournèrent auprès de Montézuma, & lui dirent : que le Dieu Telcatlepuca, de qui viennent les pertes, les famines & les autres chârimcns du Ciel, leur étoit apparu ceint d'une corde d'o-zier, 6c leur avoit déclaré d'un air 86 DÉCOUVERTES c o r 11 z , menaçant, que la ruine de Monté-Chap. xv. zuma étoit ordonnée par les deltins, An. jji9. que ^on Empire alloit tomber dans la dcfolation. Le Roi fut fi effrayé de ce rapport terrible, qu'il demeura un temps considérable fans prononcer «ne feule parole ; enfuite rappellant tout fon courage, & quittant fa férocité naturelle, « fi nos Dieux nous » abandonnent, dit-il, laiffons venir » ces étrangers, & que le Ciel tom-» be fur nos têtes ; il y auroit trop yf de déshonneur à tourner le dos r> dans notre infortune. « Après une petite pairie , il ajouta : « je plains les » vieillards, les femmes & les en-» fans, crui ne peuvent le défendre : « & en difant ces mots, il répandit un torrent de larmes. De ce moment on commença à faire des préparatifs pour la réception &c pour l'entrée des Efpagnols : On ne parloit plus dans Mexico que de leurs grandes actions, des prodiges qui avoient précédé leur arrivée, des lignes qui donnoient lieu de croire qu'ils étoient ces hommes venant de l'Orient, annoncés par leurs Prophéties , & de l'abattement de leurs Dieux, qui fembloient abandonner des Européens., 87 leur domination à une puifTance lu- CoRTl2 perieure. Ces converfations augmen- chap. xv. terent de plus en plus un préjugé ab- An folument nécelTaire pour qu'un aufïi petit nombre d'hommes puflènt pénétrer jufqu'à la Cour d'un Prince puiifant & abfolu, que fes Sujets ré-véroient jufqu'à l'adoration. Après être forti des maifons où les On fe plaint troupes avoient palfé la nuit de l'au-J^™"^* tre côté de la montagne, Cortez s'a- Montéiuma. vança le jour fuivant à un petit village dans la jurifdiction de Chalco, éloigné d'environ deux lieues de fon dernier campement. Il y fut vifité par le principal Cacique de la Province, & par d'autres du voifinage r qui lui apportèrent des prélents &C des provifions ; & dans le temps où ils n'étoient pas obfervés par les Ambaffadeurs Mexicains, ils fe plaignirent de la tyrannie de Montézuma au Général Efpagnol, qu'ils regar-doient comme un Etre au-deflus de la nature humaine. Ils lui firent con-noître le poids énorme des taxes dont ils étoient chargés, &: ajoutèrent les yeux pleins de larmes , que n'étant pas encore fatisfait par la dépouille de leurs biens > Montézuma Cortez, enlévoit leurs femmes, comme uni Chap. xv. tribut deltiné à fes débauches & à An. i5i9, ©Biles de ^es Minières, enforte que les filles n'étoient pas en fureté dans les bras de leurs mères, ni les femmes dans le lit de leurs maris. Cortez les écouta avec compafîion , & les confola par l'efpérance d'un prompt fecours. Le lendemain, il continua fa marche pendant quatre lieues par un pays très agréable, embelli de charmants bofquets &: de jardins délicieux", ce qui le conduifit à un village nommé Amameca , fur le bord du grand lac, où il établit fon logement pour cette nuit. Il y vint des Mexicains, avec leurs armes & leurs ornements militaires, en fi grand nombre, que Cortez en conçut quelque foupçon : mais pour les tenir à une distance convenable, il lit faire en l'air quelques décharges d'armes à feu & d'artillerie, dont le bruit, la flamme & la fumée les» firent retirer précipitamment, lenevnide Le lendemain matin, le Général Monien ma , . « — ic vient tue- reçut la vifite du Prince Cacumatzin, voir. neveu de Montézuma, & Soigneur deTezcuco, jeune homme d'une figure prévenante. Il étoit porté fur les ép au- des Européens. 89 les de quelques Indiens de fa famille, CoRTiïf dans une litière, ornée de différents châp. xv. plumages d'une agréable variété. Auf- An fi-tôt qu'il en fut defcendu, fes domef-tiques fe mirent en marche devant lui pour nettoyer le chemin, & faire reculer le peuple des deux côtés. Cortez s'avança à la porte de fon appartement , où il le reçut avec une profonde révérence, que ce Prince lui rendit en touchant la terre, tk portant fa main droite à fes lèvres. Enfuite prenant fa place d'un air noble tk aifé, il le félicita, ainli que fes Capitaines fur leur bonne arrivée , & l'af-fura des difpolitions favorables de Montézuma. Il lui parla des difficultés qui s'oppofoient à ce qu'il vint à Mexico , à caufe de la ftérilité de l'année , difant que les peuples avoient exceffivement foufferts , tk que des étrangers ne pouvoient être à leur aife, lorfque les habitants man-quoient eux-mêmes du néceffaire à leur fubfifrance. Cortez répondit que le Roi fon maître ayant des raifons très importantes, pour offrir fon amitié à Montézuma, & pour lui communiquer diverfes affaires, qui concer-noient effentiellement fa perfonne ôc Co Kir/., la dignité, lui qui étoit fonfujei ; voit chip. xv. accepté avec le plus profond refpcct. A«. 151p. la liberté qu'on lui avoit acco-déede remplir l'objet de fon ambaffade fans s'inquiéter de la difette dont on lui parloit : que les Efpagnols n'avoient befoin que de peu de nouriture; qu'ils étoient accoutKmés à foulfrir , & même à méprifer les incommodités qui auroient découragé des hommes d'une efpece inférieure. Cacumatzin ne fît plus d'autre effort pour détourner Cortez de fa réfolution ; le Général lui fît préfent de quelques joyaux de verre î qu'il reçut avec autant de joie que de reconnoilîànce, & il accompagna l'armée jufqu'à Tezcuco, capitale de fes Etats, d'où il palfa à Mexico pour y rendre compte de fon ambaffade. 11 eonti- Tezcuco étoit une des plus eran- mied avancer , ... , ,« . o /* ' 1 *er$ Mexico, des villes de 1 Empire, oc Ion étendue égaloit même celle de Mexico. Son principal front regnoit fur le bord d'un grand lac, au commencement de la chauffée qui conduit à la capitale. Cortez continua fa marche en fui vant cette chauffée, dans l'intention d'avancer trois lieues plus loin fans s'arrêter, jufqu'à Iztacpaiapa, afin de des Europe en s. 91 pouvoir entrer le lendemain de bon-(- * R T£ z ne heure à Méxieo. La chauffée qui a ChaP. xv. vingt pieds de largeur dans cette par- . tie ett formée de pierre oc de mortier, avec quelques ouvrages fur la furface, & au milieu, on trouve une autre ville , d'environ deux mille maifons, nommée Quitlavaca, fondée dans les eaux, ce qui lui a fait depuis donner le nom de Venuzuela, ou de petite Ve-nife. Le Cacique, avec une fuite nom-breufe fortit pour recevoir Cortez: le pria d'honorer fa ville de fa pré-fence pendant cette nuit, & l'en preffa avec tant de cordialité , que le Général crut devoir céder à fes infiances. Il jugea auffi que ce féjour le mettroit à portée de faire des obiervations ; parce que voyant alors le danger de plus près, il craignoit que les. Méxiquains ne rompiffent la chauffée, ou qu'ils ne détruififfent les ponts , pour mettre de nouveaux obffacles à fa marche. De cet endroit on voyoit la plus grande partie du lac , embelli de villes & de chauffées, de tours garnies de crénaux, de grands arbres, & de magnifiques jardins , qui fem-bloient nager fur les eaux. Une multitude d'Indiens s'approchèrent dans Cortez, *eurs can°ts pour voir les Efpagnols; chip \v. il y en avoit encore un plus grand An. iji*. nomrjre fur les terralTes des maifons, & l'enfemble de tous ces différents objets fbrmoit un coup d'œil dont la beauté & la nouveauté furpre-noient au-delà de ce que l'imagination peut fe figurer. L'armée fut bien traitée dans fes quartiers, où le peuple la reçut avec cet air d'aifance & ces manières polies, qui annoncent le voifinagede la Cour. Cependant le Cacique ne put s'empêcher de faire paroître quelques marques de fa haine contre Montézuma , & du défir au'il avoit d'être délivré du joug iniuportable de fa domination. 11 am've à Le lendemain, un peu après le lWpalapa. fa jour ^ ies Efpagnols fe for- mèrent fur la chauffée, qui en cet endroit étoit affés large pour que huit chevaux puffent y marcher de front. L'armée compofée de quatre cents cinquante Efpagnols, & de fix mille alliés Indiens, continua fa marche jufqu'à Iztacpalapa, ville de dix mille maifons à deux & trois étages, dont une partie eft bâtie fur le lac ; mais encore plus fur le rivage, dans la fi- des Européens. 93 tviation la plus commode 6c la plusCo]lTBÏ' délicieufe. Avant que les Efpagnols y <-'i*p. xv. fuffent arrivés, le Seigneur de. cette An> l$l9m ville , accompagné des Princes de Magifcatzingo & Cuyoacan, deux autres villes fur les bords du lac, allèrent au devant de Cortez, 6c lui apportèrent trois préfents féparés de fruits, d'oifeaux, de plufieurs autres provifions , & de quelques pièces d'or. Lorfque les Chrétiens entrèrent dans la ville, ils y furent reçus avec les plus grandes acclamations : leur logement fut préparé dans le propre palais du Prince, qui étoit grand 6c bien bâti, avec des appartements féparés en haut 6c en bas, entre iefquels il y avoit un grand nombre de chambres dont les plafonds étoient de cèdres, 6c les murs couverts de tapifîèries de coton, chargées d'agréables peintures. U y avoit plufieurs fontaines d'une eau excellente, conduite des montagnes voifines par des aqueducs; quantité de jardins grands & bien cultivés , dont celui qui fer-voit particulièrement à l'amufement du Cacique, étoit plus étendu, & plus magnifique que tous les autres. Il abondoit en arbres fruitiers, difpo- c o r t t /., ^S en grandes promenades, avec un Chap. xv. parterre féparé en différentes divi-An. iji9. fions par des rofeaux, 6c garni d'un mélange de plantes 6c d'herbes odoriférantes , outre plufieurs quarrez bien cultivés, ornés d'une grande variété de fleurs ; au milieu du jardin étoit un baïiin quadrangulaire rempli d'eau fraîche 6c entouré d'un parapet, avec des dégrés qui alloient jufqu'au fond. Chaque côte contenoit plus de quatre cents pas, 6c il fervoit de réfervoir pour les poiffons les plus délicats, ainfi que de retraite à plufieurs ef-peces d'oifeaux aquatiques. CHAPITRE XVI. Corte^ entre dans Mexico : Montézuma vient à fa rencontre : II confère avec lui dans les quartiers des Efpagnols 9 & lui donne enfuite une audience publique dans le Palais des Rois. Les Efpa- T" E 8 de Novembre 1519, l'armée rîËko'0- k m*1 en marcne de grand matin, dans fon ordre ordinaire, laif- des Européens. 95 fant d'un côté la ville deMagifcat-CoRTt zingo, lîtuée au milieu des eaux, tk de chaP-xv l'autre côté Cuyoacan. Enfin on apper- An. iSi9 eut la grande ville de Mexico, élevée au-dellus des autres avec un air de domination. Quand les Efpagnols eurent fait environ la moitié du chemin, ils trouvèrent plus de quatre mille hommes de la nobleffe tk des officiers de la ville, qui étoient fortis pour les recevoir, tk qui après leur avoir pré-fenté leurs refpe&s fe remirent en marche devant les troupes. A une petite diflance de Mexico étoit un rempart de pierre, qui occupoittoute la largeur de la chauffée , tk conduisit aux portes, par unpont-levis, qui avec une féconde fortification dé-fendoit l'entrée de la ville. Anffi-tôt que les nobles eurent traverfé le pont, ils fe retirèrent à droite tk à gauche , laiffant le paffage libre pour la marche de l'armée, & l'on entra dans une rue fpacieufe, dont les maifons étoient bâties uniformément. Les fenêtres & les teraffes étoient pleines de fpedateurs ; mais il n'y en avoit aucun dans la rue, par ordre de Montézuma , qui avoit réfolu d'y venir lui-même recevoir Cortez, pour lui Cortez marquer une faveur plus particû-chap. xv!. liere. An. 1519. Les Efpagnols étoient à peine entrés dans la ville, quand ils apperçu-«im m?" r«nt la première rroupe de ceux qui voirCortx. accompagnoicnt l'Empereur. C'étoit un corps de deux cents parents de Montézuma, habillés uniformément, & ornés de grandes panaches : ils s'avancèrent en deux files avec un fdence , & une modeftie remarquable , fans lever les yeux de terre , ôc lorfqu'ils furent plus proche, ils fe rangèrent de chaque côté. On vit en-fuite de loin une troupe plus nom-breufe, & ornée d'une manière plus éclatante : Montézuma étoit au milieu , porté fur les épaules de fes favoris , dans une chaife d'or bruni, entourée de divers plumages, magnifiquement arrangés. Quatre perfon-nes de dilfindtion portoient au deffus de lui un dais de plumes vertes, entremêlées d'ornements d'argent, ôc il étoit précédé de trois officiers avec des baguettes d'or, qu'ils élevoient de temps en temps, comme un fignal de l'approche du Monarque, afin que chacun pût fe profterner ôc le cacher la tête. Cortez defcendit de cheval avant des Européens. 97 «vant qu'il fut arrivé, & Montézuma £"^"7 «tant aufîi defcendu de fon fiége, chap. quelques Indiens qui marchoient de-Vant étendirent des tapis, pour que les pieds facrés ■ de Sa Majesté ne touchaffent pas la terre. L'Empereur "s'avança d'un pas lent &majeltueux, s'appuyant fur fes confins les Princes d'Iztacpalapa & de Tezcuco, & l'on Vit alors qu'il étoit d'une belle pref-tance, âgé d'environ quarante ans , "d'une taille moyenne, & d'un tcmpé-ramment plus délicat que robnffe. Son nez étoit aquilin, fon teint d'une beauté remarquable entre les Indiens , fes cheveux coupés un peu au deffous des oreilles , & fes yeux fort vifs, quoique fes regards annonçaf-fent de la majefté & beaucoup de réflexion. Il portoit un manteau du plus beau coton , qid attaché négligemment fur fes épaules, couvroit une 'grande partie de fon corps, & dont la queue traînoit fur le terrein; fa robe étoit prefque entièrement couverte d'or, de perles & de pierres précieufes. Au lieu de couronne, il portoit une efpece de mitre d'un or 'éclatant ; fes pieds étoient chauffés "defouliers du même métal, attachas Tom. II, E _9& DÉCOUVERTES Co'rt Ez~,avec des couroyes qui entouroient Càap.xvi. une partie de Tes jambes, comme les An. ifffc ^anc^a^es militaires des Romains. Cortez s'avança au grand pas, &c fit une profonde révérence, que lui rendit Montézuma fuivant l'image du pays, au grand étonnement des Indiens , qui auparavant n'avoient jamais vu un femblable exemple dans aucun de leurs Princes, encore moins dans leur Empereur, qui plioità peine fon col devant les Dieux. Cortez portoit devant fa cotte de maille une chaîne d'émail curieufement travaillée à l'imitation des diamants & des éméraudes ; il l'avoit refervée poiur la première audience, & quand il fut près de Montézuma, il la lui jetta au col. Les Princes qui le foutenoient fe mirent entre deux avec quelque émotion, comme pour marquer qu'il n'étoit pas permis d'approcher de a près la perfonne de l'Empereur : mais Montézuma, leur fit une réprimande, accepta le préfent comme un joyau d'une valeur ineflimable, & par re-connoiffance mit de fes propres mains au col de Cortez un ornement très riche de coquilles cramoifies, jointes ^nfemble avec beaucoup d'art: à cha- DES EU R O P É E N S. 99 cime de ces coquilles pendoient qua- Con£Z) tre écreviiTes d'or d'un tiavail admi- chap.xvi. rable. Cortez fit une courte harangue An. uto» convenable à la circonftance : Montézuma y répondit en peu de mots, donna ordre à un de ceux fur lefquels il s'appuyoit de conduire les étrangers au logement qui leur étoit préparé, & s'appuyant fur l'autre, il remonta dans fa chaife ôc retourna dans fon palais. Les quartiers defîinés pour les Efpagnols étoient dans une des maifons royales , bâties par le père de Montézuma , affés grande pour y loger toute l'armée. Les murs en étoient de pierre , fort épais ôc flanqués de quelques tours qui les mettoient en état de faire une très bonne défenfe. U y avoit plufieurs chambres tendues de toiles de coton de diverfes couleurs : les chaifes étoient de bois, chacune d'une feide pièce : les lits étoient entourés de rideaux en forme de pavillons, avec les fonds de nattes 4e palmier, & une natte roulée de même pour fervir d'oreiller. Cortez étant entré dans fes quartiers un peu après midi, commença par établir fes corps-de-garde, ôc placer fon arulle- 100 DÉCOUVERTES Portez,après quoi il trouva un repas Chap.xvi. fuperbe préparé pour lui & pour les An. Capitaines, ainfi qu'une grande quantité de provilîons pour fes foldats, 6c beaucoup d'Indiens pour fervir les Etpagnols dans le plus profond fi-lence, 6c l'ordre le plus exact. Le foir il fut vifité par Montézuma, qui vint avec la même pompe 6c le même équipage, dont nous avons déjà donne la defcription : il fut reçu dans la principale cour par le Général, qui l'accompagna à la porte de fon appartement , où il lui fit une profonde révérence. Montézuma s'alîit avec un air de majelfe, ordonna d'apporter im fiége à Cortez, 6ç toute la fuite s'étant retirée d'un côté, on dit qu'il lui parla en ces termes. Difcours de » Avant que vous me déclariez le *^5nUfcdc>>miet de votre ambaffade, illuftre Coittz. » Capitaine , 6c vaillant étranger , >> abandonnons tous les préjugés que » nous pouvons avoir pris récipro-» quement l'un de l'autre, trompés » par le bruit commun. Vous pouvez » avoir entendu dire dans quelques » endroits que je fuis un Dieu , que *> ma puiffance eft invincible, 6c que » mes richeûes font immenfes : que î)es Européens, ioi «mes palais font couverts d'or, tk Co R Tîi~-» que la terre gémit fous le poids de oH»p. xvu » mes tréfors. En d'autres endroits on An. ui*. » vous aura dit que je fuis un tyran , m injurie , infolent & cruel : mais on » vous en a également impofé en me » repréfentant fous deux points de » vue fi différents. Ces bras de chair. » ôc de fang prouvent bien que je » fuis mortel, tk ces murs tk cesplan-» chers de pierre ôc de mortier vous » font bien voir que mes palais ne » font ni conffruits ni couverts d'or. » Vous pouvez conclure par ces ex-» emples que le récit de mes vices eft. » également exagéré, par la malice » de mes ennemis, tk par l'ingraîi-» tude de mes fujets rebelles. De me-» me nous avons reçus des informa-» tions contraires les unes aux autres » fur votre nature tk fur votre con-' » duite. Les uns nous ont aifuré que » vous étiez des Dieux, qui teniez » entre vos mains le tonnère, com-» mandiez aux éléments, tk forciez » les bêtes farouches d'obéir à vos » ordres : d'autres vous ont repré-» fente comme des hommes orgueiî-» leux , vindicatifs , voluptueux , &t i> tranfportés d'une foif ardente dé Corte», * ^or. Hue Procmifent nos contrées r ctup. xvi. » mais je vois bien à préfent que nous Aa. ijip. » avons aufîi été trompés par ces dif-» férents récits. Vous êtes femblables » aux autres hommes, quoique dif-» férents de nous par ce qui convient 9» particulièrement à votre pays. Les » bêtes qui vous obéiffent font de » grands Cerfs, que vous avez eu » fart d'adoucir & d'accoutumer à » la foumifîion. Vos armes qui ref-» femblent au tonnère me paroiffent » être des tuyaux de métal, & leur » effet, femblable à celui de nos far-9t bacanes , vient de l'air comprimé » qui cherche à s'échapper. A l'égard » du feu, du bruit & de la fumée, ce h font les effets de quelque enchante-» ment. Je fuis également informé par » mes Ambaffadeurs & par mes Offi-» ciers, que vous êtes bons & ré-» ligieux ; que votre reffentiment » eft fondé fur la raifon ; que vous » êtes vaillants & endurcis à la fati-» gue, & entre vos autres vertus on » renomme votre libéralité, qui ne » peut fe trouver dans des cœurs ava-» ritieux. Enfin nous jugeons que le » grand Prince auquel vous obéiffez » eft defcendu de Quezalcoal, Sou- dés Européens. 103 >> verain des fept Caves dès Navat- c 0 R T f z~ » laqués &Roi légitime des fept Na- Chap.xvi. »rioris qui ont donné naiffance à An> Xjï* » l'Empire du Mexique : car nous » avons appris par la tradition dé » plufieurs fiécles, que lorfqu'il partit » de ce pavs pour conquérir de nou-» velles régions à l'Orient, il promit » que par la fuite des temps fes def-» cendants reviendroient corriger nos ,-» loix, & réformer notre gouverne-» ment. Nous nous fommes donc dé-» terminés à faire tout ce qui feroit » en nous pour honorer votre Prince, » qui eft furement defcendu de cette » iltuftre origine. » Cette harangue fut prononcée avec la plus grande gravité, & Cortez y répondit en ces termes. « Il eft vrai, Seigneur, qu'il » nous a été fait différents récits de » votre caraclere , que quelques-uns » ont avili, & que d'autres ont fort » élevé : mais comme les Efpagnols » ont affés de pénétration pouf diftin-» guer les motifs qui font parler, nous » n'avons pas ajouté plus de foi à vos » fujets rebelles qu'à vos flâneurs, » & nous fommes venus en votre pré*-»> fence , pleinement perfuadés que » vous êtes un Prince grand & équi* 104 DÉCOUVERTES cortu, » table; Vous jugez avec raifon que chap. xvi. » nous fommes mortels, quoique plus An. 1J19. » vaillants & plus intelligents que » vos vaffaux, parce que nous fom-» mes nés dans un pays où les influen-» ces font plus puiûantes. Nos bétes » ne font point des Cerfs, mais une » autre efpece plus ficre 5c plus cou-» rageufe, qiu\a du penchant pour la » guerre,, ôc qui.femble afpirer par » une forte d'ambition, à partager la » gloire de fes maîtres : enfin nos ar-» mes font faites par l'induftrie hu-r » maine ,. fans aucun fecours de la » magie , art abominable que nous » dételions. Je fuis venu vers Votre » Majeflé, en qualité d'Ambaifadeiur, » du plus puiffant Monarque que le y> foleil à fon lever éclaire de fes pre^ » miers rayons : il défire être votre » ami, ôc votre allié, ôc quoiqu'il » puilfe félon la tradition de vos pro-» près hifloires prétendre à un droit » plus abfolu fur cet Empùe, cepen^ » dant il ne veut fe fervir de fon au-; » torité que pour votre propre avan-? » tage , Ôc pour vous convaincre de » vos erreurs en matière de religion. » Elles font affreufes.ôc déplorables ^ » piufque vous avez abandonné le çultç des Européens. ïû? f> du vraiDieu, pour adorer despieces cortez", » de bois infcnubles, l'ouvrage de vos chap. x vi. » propres mains, qui reprëfentent les An. 151*. » diables Se les efprits immondes, » auxquels vous facrifiez avec autant » d'impiété que d'inhumanité le fang » des créatures femblables à vous. » U ajouta d'autres raifons pour periuader au Monarque Indien de renoncer â ia barbare idolâtrie, & loriqu'il eût fini fon difcours, Montézuma fe levant de fon fiége , lui dit «j'accepte avec » la plus grande reconnoiffance* l'al-» liance Se l'amitié que vous me pro-» pofez de la part du grand defcendanr }> de Quezalcoal : mais tous les Dieux » font bons, Se les vôtres peuvent être » tels que vous le dites fans offenfer ?> les miens. Cependant repofez-vouS, » vous êtes dans votre propre maiibn, » où vous ferez fervi avec la plus par-» faite exactitude Se les plus grandes » attentions. » Enfuite il donna ordre à quelques Indiens, qui étoient demeurés dehors , d'apporter à Conez un très beau préfent, compofé de pièces d'or, de robes de coton, Se d'autres curiofités : en même temps il distribua quelques joyaux aux Efpagnofe, avec un air auiîi agréable que généreux, E y cortez", Le lendemain le Général demanda Chap. xv j. Audience , & elle lui fiit aufii-tôt An. 1519. accordée. Il mit fon habit le plus magnifique , fans cependant quitter fes Cortez eft arme s, & fe rendit au Palais, accom- 5fenceàieU'Pagné de Pedl"° de Alwado , de rtmpereiir. Gonzalez de Sandoval, de Jean Ve-lafquez de Léon, de Diego de Ordaz , & de fix ou fept de fes Soldats favoris. Les rues étoient remplies d'un concours innombrable de peu- f)le, c[ui accompagnoient Cortez s'avancèrent d'un côté, & enfuite fe retirant avec un air de myftére, ils for* merent un demi-cercle, afin de pouvoir entrer deux à deux, parce qu'ils jugeoient peu refpectueux d'entrer en foule dans le Palais du Roi. Après avoir paffé trois cours, ils trouvèrent les appartements de Montézuma , dont les Efpagnols admirèrent la grandeur & la magnificence. Les planchers étoient couverts de nattes, les murs de toilles de cotton, tiffues avec du poil de lapin, & les chambres les plus intérieures étoient ornées d'une efpece de tapifferie de plumes, variées 6c arrangées d'un goût charmant. Les plafonds étoient de cyprès , de cèdres & d'autres bois odoriférants, ornés de feuillages & de reliefs ; & quoique les Mexicains ignoraient l'ufage des clous, ces plafonds étoient diïpofés avec tant d'art, que les planches fe foutenoient les unes les autres. Ces falles fpacieufeS étoient remplies d'Officiers , qui erï gardoient l'entrée, chacun fuivant E vj r t r. z, f°n rang & & qualité, & à la porte aP- xvi. de l'antichambre étoient la NoblelTe m 1JIft< & les Magiftrats , qui reçurent Cortez avec la plus grande politeïfe. Il fut obligé d'attendre qu'ils euffent ôté leurs fouliers ôt leurs robes de parade, pour en mettre d'autres moins magnifiques, parce qu'ils croyoient que c'étoit une préfomption de pa-roître devant le Roi dans fon habillement le plus riche. Montézuma, qui atfendoit Cortez avec toutes les «îarques de la Royauté, s'avança de «cjuelques pas pour le recevoir; le Général en s'approchant fit une profonde révérence, le Roi mit fes mains ■fur les épaules de Cortez, & falua le qreïfe des Efpagnols par un regard gracieux : enfuite il s'âfiit lui-même, fit afieoir le Général, ainfi que tous ceux qui l'accompagnoient, Se entra en converfation avec la plus grande familiarité. Il lui fit différentes quef-'tionsfiir la nature & la politique des pays Orientaux, Se fit des remarques très judie-ieufes fur les réponfes de Cortez : enfuite il parla des obligations que les Mexicains avoient an descendant de leur premier Monar--fpie, ôc raarqualailTant tranfporter par un zélé hors Chap.xvi. de faifon: « Permettez-moi, s'écria-An. 1S19. » t'il, de mettre la Croix de Jefus-» Chrift devant ces images du dia-» ble, & vous verrez bien-tôt fi elles » méritent l'adoration ou le mépris: « Les Prêtres entrèrent en fureur à cette propofition, qui irrita également Montézuma : il adrelTa la parole aux Efpagnols, & leur dit qu'ils auroient dû montrer plus de refpect pour fa perfonne : enfuite il les pria de fe retirer, les fuivit jufqu'au parvis, & leur dit: « Mes amis, vous pouvez re-» tourner à vos maifons ; mais il faut » que je refte pour demander pardon » à mes Dieux de ce que je vous ai » laiffé entrer fi avant. « Cependant quelque aveuglé qu'il fut de fes propres erreurs, il ne penfa jamais à ty-rannifer la confcience des autres ; au contraire, il envoya fes propres ouvriers pour aider les Efpagnols à élever une Chapelle, où lui & fes chefs affilièrent fouvent à la Meffe, faifant l'éloge de l'humanité du Cidte Chré~ tien. des Européens, iiï Cortez» Jgggjggggggggggggggggg^g Ch. XVII. ' An. CHAPITRE XVII. Defcription de la ville de Mexico .* idée de la grandeur, de la richejje & de la puijfance de C Empereur, ainjl que du Gouvernement, de la Religion & de la police des Mexicains, LA ville de Mexico, qui conte-J^jgjj* noit foixante mille familles, étoit divifée en deux parties, dont une nommé Tlatelulco, étoit habitée par les gens de bas état ; la Cour & la NoblelTe réfidoient dans l'autre, qu'on appellort particulièrement Mexico , quoique ce nom s'étendit auiîî fur les deux enfemble. Elle eft fituée dans une plaine fpacieufe, entourée de hauts rochers & de montagnes, d'où defcendent un grand nombre de torrents & de ruiffeaux, qui tombent dans la vallée, où ils forment différents lacs. Il y en a deux plus grands que les autres, autour def-quels on avoit bâti cinquante villes j la circonférence de ces lacs eft d'environ trente lieues, & ils avoient î ii Découvertes Cortez, communication par des ouvertures Ch. xvu. Iaiffées à deffein dans la chauffée de An. ijip. pierre qui les féparoit ; on avoit aufïï construit des ponts de'bois avec des éclufes de chaque coté, pour faire paifer au lac inférieur la furabondan-ce des eaux de l'autre. Celles du lac fupérieur étoient claires & douces, au lieu que les autres étoient falées comme les eaux de la mer : ce qui venoit de la qualité du terrein , qui contient une grande quantité de tels, dont les Habitants des bords du lac retirent des avantages confidéra-bles. Au milieu de ce lac falé elt fituée la ville de Mexico, à dix-neuf dégrés trente minutes de latitude Septentrionale : malgré cette fituation le climat y cû doux & chaud, parce que l'humidité en elt corrigée par la nature des vents qui y régnent. Elle étoit jointe à la terre-ferme par trois belles digues ou chauffées : Les rues en étoient larges & droites, avec un grand nombre de canaux qui fervoient au tranfport des voitures d'eau, compofées de canots & de barques de diverfes grandeurs, dont il y en avoit environ cinquante mil* des Européens. 113 le, qui appartenoient à la ville. Tous , 0 K " t z* les édifices publics ôc les maifons des ch. xvii.* Nobles étoient bâties de pierre, ôc An< l$19t même celles des gens d'un état au* défions, quoique médiocres Ôc iné-r gales, étoient, ainfi que les autres, conftruites de façon à former différentes décorations, où ils expofoient leurs marchandifes. La place de Tla- Des Foins telulco, où les Mexicains tenoientou M«rthéfc leurs foires ou marchés en certains jours de l'année, étoit une des plus grandes qu'il y eût dans le monde» Dans ces occafions elle étoit remplie de tentes, couvertes de greffes toil-les de coton, pour les garantir du foieil ôc de la pluye. On y trouvoit une infinité de marchandifes: on y vendoit, ou plutôt on y échangeoit différents joyaux, des chaînes d'or, & plufieurs bijoux d'argent d'un travail très curieux : des peintures , des ouvrages en plumes arrangées de la façon la plus élégante, diverfes forâtes d'habillements, des coupes d'une efpece de porcelaine, des fruits, du poiffon, ôc de toutes fortes de pro-vifions; le Maïs ou le Coco fervoient de monnoie pour les objets de peu de valeur. Les.Mexicains n'avoient 114 DÉCOUVERTES Cortez,Pas de poids, mais il faifoient ufagè ch. xvji. de différentes mefures, & au lieu de An. m?, chiffres ils employoient certains caractères , qui leur fervoient à déterminer le prix des marchandifes. Il y avoit une maifon établie pour les Juges du commerce, qui décidoient de tous les différends entre les Marchands , & ils employoient des Officiers inférieurs pour maintenir la juif ice & le bon ordre dans les foires. p«ïe«pïei. Leurs Temples étoientffpacieux & magnifiques, particulièrement celui qui étoit dédie au Dieu de la guerre , nommé Vitzliputzli, qu'on regardoit comme le plus grand de tous les Dieux. La première partie de cet ^ édifice étoit compofée d'une grande place entourée de murs de pierres de taille, dont l'extérieur repréfentoit des ferpents tortillés & entrelacés. À une petite diltance de la principale porte étoit une efpece de Chapelle , dont le deffus étoit en terraf-fe, où l'on avoit placé plufieurs gros troncs d'arbres alignés, percés de quelques trous de diifance en diftan-ce pour paffer différentes barres , où l'on enfiloit les têtes des hommes qu'on .avoit façrifiés. êtes Européens, iiÇ Chaque côté de la cour avoit une c ORTEZ, porte, au-deffus de laquelle étoient ch.xvn. quatre ftatues de pierre, qid repré- An. ui* fentoient des Dieux d'un ordre inférieur , 6c le peuple leur marquoit fon refpett ôc fa vénération en entrant. Les habitations des Prêtres ôc de leurs domelfiques étoient dans l'intérieur de cette cour, cependant il y reitoit encore alfez d'efpace, pour que dix mille perfonnes piuTent y former leurs danfes, dans les fêtes folemnelles. Au milieu de cette place étoit une tour de pierre, avec un efcalier de cent vingt dégrés, qui fervoit pour monter au fommet, où l'on trouvoit une terralfe de quarante pieds en quarré , magnifiquement pavée de pierres de jafpe, & entourée d'une efpece de baluftrade ou de balcon, qui formoit divers contours. Aux deux côtés de cette baluffrade en entrant fur la terraffe on voyoit deux ftatues de marbre très bien exécutées, qui portoient deux grands candélabres d'une forme extraordinaire. Un peu plus loin étoit une pierre verte élevée d'environ trois pieds au-deffus du pavé, 6c terminée en for- I l6 DÉCOUVERTES CoT „'me de coin , fur laquelle les Prêtres ch. xvii. étendoient la malheureufc victime, An. 1519. quand ils lui ouvroient la poitrine pour en tirer le cœur. Au-delà de cette pierre, vis-à-vis de I'efcalier , on voyoir une Chapelle d'un travail très recherché, où l'Idole étoit placée fur un autel élevé, caché avec des rideaux. Elle étoit de figure humaine , afîife dans une chaife, fou-tenue par un globe bleu, garni de quatre bâtons qui fortoient des côtés , & dont chacun fe terminoit en forme de tête de ferpent. Les Prêtres mettoient ces bâtons fur leurs épaules , quand ils expofoient l'Idole aux yeux du public. Sa tête étoit couverte d'une efpece de cafque, compofé de plumes, qui repréfentoient la forme d'un oifeau, avec un bec & une crête d'or bruni. Sa figure étoit horrible , le front & le nez entourés d'une bande bleue. Dans fa. main droite elle tenoit un ferpent, &: dans la gauche quatre flèches & un bouclier, avec des plumes blanches en forme de croix. Les Mexicains don-noient les interprétations les plus extravagantes à ces différents ornements. des Européens. 117 A la gauche de cette Chapelle,on en- (;oRTUi voyoit une autre de même grandeur ch.xvii. Se de même forme; on l'avoit faite an. ïm peur le Dieu Tlaloch, qu'on regar-doit comme le frère, l'ami 6c le collègue de celui dont nous venons de parler, aulîi étoit-il également révéré par les Mexicains. Les ornements . des deux Chapelles étoient d'un prix inefrimable ; Se il y avoit dans la ville huit autres Temples, à peu près de même architecture Se de même ri-chelfe. On en trouvoit aufïi de plus petits jufqu'au nombre de deux mille, dédiés à autantd'Idoles, de noms, de formes 6c d'attributs différents. Outre le Palais où Montézuma te- DchM«'«ti noit fa Cour, il avoit plufieurs ma- sei"' gmfiques maifons de plaifance , dans l'une defquelles étoit un fuperbe bâtiment, porté par des piliers de jafpe, qui fervoit de volière à des oifeaux, remarquables par leurs chants ou par leurs plumages, 6c dont le nombre étoit fi grand quUI y avoit plus de trois cents hommes occupes à en avoir foin. A quelque diffance de cet endroit, étoit un autre vaife édifice, où réfidoient ceux qui prenoient foin lies oifeaux de proye, Se il y en avoit C o r t i /.,un nombre de drefles pour la chalTe, Ch. xvii. afTez femblables à nos Faucons. On y An. ï$i9. voyoit aufTi des Aides d'une grandeur étonnante, & d'une voracité incroyable. Dans la féconde cour de la même maifon, on confervoit les bêtes fauvages, comme Lions,Tigres, Ours & Bœufs du Mexique, qui font très-forts, agiles & féroces: Enfin, outre ces animaux, il y avoit encore un grand appartement pour les bouffons , Ôc pour des hommes de figure monftrueufe, qu'on inftruifoit ôc qu'on dreffoit pour les faire fervir à Pamufement du Monarque. De rArfe- La grandeur de Montézuma ne pa-roïffoit pas moins dans fes armes. II y avoit une maifon deftinée pour un grand nombre d'Ouvriers, employés à faire des bois de flèches, des pierres aiguës pour en garnir les pointes, ôc pour fabriquer toutes fortes d'armes offenfives & défenfives. Dans une autre étoit le magafin où l'on tenoit arrangés dans le plus bel ordre, les arcs, les flèches ôc les carquois: les épées à deux mains, garnies de pierres tranchantes, les dards, les javelines, les armures de tête ôc de poitrine, les cottes de coton pi- des Européens. 119 quées, & les boucliers faits de peaux CoRTEZJ impénétrables, qui couvroient tout ch. xvii. le corps, & que les Mexicains por- Aiu l&, toient roulés fur leurs épaules jufqu'à ce qu'ils fuffent prêts à combattre. Toutes ces maifons avoient des jardins très bien cultivés, où l'on trou-voit une grande variété de fleurs odoriférantes, & de plantes médicinales , diftribuées dans des quarrés : elles étoient aufîi ornées de falles fraîches pour l'Eté, & de fontaines d'eau douce qu'on y faifoit venir des montagnes voifines. De tous les ouvrages de Monté- Du palaït zuma, le plus remarquable étoit fadclatr,fte àc paroiffoit pren- Tom. II, F Cortez ^re P^amr a ^a confufion de l'Ora-Ch. xvji.'teur, qui flattoit fon orgueil & fa vanité. Il mangeoit fouvent en public, mais toujours feul, avec une affec-Scsrepas, f^non de grandeur. Sa table étoit or-» dinairement fournie de plus de deux cents plats de différents mets, dont quelques-uns étoient excellents Ôc très bien préparés. Il en choififfoit un certain nombre pour lui-même, ôc faifoit diftribuer les autres aux Nobles de fa garde. Sa table étoit large, mais baffe, & il s'affeoyoit fur un petit tabouret. Les napes Ôc les ferviettes étoient de belles toiles de coton, ÔC fa falle à manger étoit partagée au milieu par une baluf-trade, qui fans ôter la vue tenoit la foule ôc les domefliques éloignés. Dans la partie intérieure étoient trois ou quatre vieux Officiers favoris , ôc les plats y étoient apportés par vingt femmes, magnifiquement habillées, qui lui fervoient les mets, ôc lui préfentoient la coupe. Ces plats étoient de terre fine, ôc on les partageoit ainii que les napes ôc les fervietes , entre ceux qui le fervoient, quand il en avoit fait ufage des Européens. 123 ttne feule fois : mais il avoit des cou- ^ ORT£Z pes & des foucoupes d'or, & buvoit ch. xvu. quelquefois dans des taffes de coco, ou dans des coquilles naturelles, ri- " I5"' chement garnies de joyaux. Il avoit différentes fortes de li- saboiflïwi queurs pour fa boifTon , quelque- * amufe" fois elles étoient parfiimées avec les odeurs les plus agréables ; d'autrefois elles étoient mêlées de jus d'herbes falutaires , & il buvoit aufîi une efpece de bierre faite de maiz. Il pre-noit fouvent pour fe rendre plus propre aux plaifirs qu'il goutoit avec fes concubines des efpeces de tablettes ou de confections. Aufîi-tôt après avoir mangé, il avoit coutume de boire une liqueur chargée d'écume femblable au chocolat, & il fumoit du tabac parfumé d'ambre. Le jus de la même plante étoit un des ingrédients dont prenoient les Prêtres pour s'élever à la fureur & à l'en-thoufiafmenéceffaire pour parler d'un ton d'oracle. Entre ceux qui appro-choient de la table du Monarque , il y avoit toujours trois ou quatre bouffons choifis, qui avoient le talent de l'amufer par des jeux agréables : ôc après avoir pris un peu de Fij i±4 DÉCOUVERTES Cortez reP0S » ^ écoutoit un concert com-Ch. xvuî pofé d'efpeces de flûtes & de coquilles An. i$i9. marines, accompagnées de voix, qui chantoient différents morceaux, dont la mufique étoit affés agréable. Leurs fujets étoient ordinairement les exploits de leurs ancêtres, & les actions mémorables de leurs Rois, que les enfants apprenoient par cœur , pour qu'elles ne demeuraffent pas dans l'oubli. Ils avoient de plus pour la danfe des chanfons gaies, qu'on ac-compagnoit du fon de deux petits tambours faits de pièces de bois creu-fées, de différentes groffeurs & de divers tons. On s'en fervoit particulièrement dans la danfe nommée Mitâtes, en ufage pour les fêtes ; la nobleflè & le peuple s'y mêloient fans diflintfion, gefticulant & criant, jufqu'à ce qu'à force de boire à la fanté les uns des autres,ilss'enivroient entièrement avec la liqueur forte dont nous avons déjà parlé. Dans les autres temps, le peuple affemblé dans les places & dans les porches des Temples, s'amufoit à tirer au blanc, à faire des courfes, Se à la lutte. On y vovoit des dan-feurs de corde , qui faifoient leurs des Européens. 125 tours avec une adreffe étonnante, (jORr£2 fans fe fervir de contrepoids; & de ch. xvil! jeunes gens qui jouoient au ballon en préfence de la ftatue d'une Idole, 1S19' apportée par les Prêtres qui avoient l'infpecfion de ces jeux. Enfin la ville de Mexico fourniffoit prefque tous les jours quelques fpeclacles oudiver-tiffements, que Montéziuna avoit foin de procurer , pour amufer l'efprit du peuple , qui , autrement auroit pu s'occuper à fon préjudice. La richeffe de cet Empereur hSa «M» mettoit en état de foutenir la dé-penfe de la Cour, & d'entretenir toujours deux grandes armées en campagne; elle venoit du produit des mines d'or & d'argent, de celui du fel, & des autres taxes établies de temps immémorial : mais particulièrement des contributions qu'il levoit fur fes fujets, & qui montoient au tiers de tout ce qui étoit produit annuellement dans l'étendue de cet Empire fi vaffe & fi peuplé. Ces impôts étoient levés par des Officiers, qui dépendoient du Tribunal des revenus royaux ; ils réfidoient à la Cour , ôc puniffoient de mort la faute la plus légère, ou la moindre négligence* n6 Découvertes Ç0BTEZ'Toutes les villes clans le voifinage de Ch. xvii.' Mexico fourniffoient des hommes pour les ouvrages de l'Empereur, ou du bois pour le Palais, ou contri-buoient autrement à la dépenfe dont leurs communautés étoient chargées. Le tribut de la Nobleffe conhïtoit à garder la perfonne de l'Empereur, à fervir dans fes armées avec un certain nombre de valfaux, & à donner une quantité de préfents , qui paf-foient pour volontaires, mais qu'ils n'auroient pas ofé fupprimer. Il avoit différents Tréforiers pour les diverfes efpeces de contributions , & quand le Tribunal des revenus de la Couronne avoit pourvu à ce qui étoit nécefiaire pour les dépenlès du Palais & pour les frais de l'armée, le furplus étoit converti en lingots d'or, dont les Mexicains connoilfoient très s"c.?.nfciî,bienla va[eur Outre ce Tribunal il y * fcs Tribu- . . / naux. a voit un Conleil de Jultice, qui rece- voit les appels des Cours inférieures , un Conleil de Guerre & un Confeil d'Etat, avec des Juges du Commerce, &; d'autres Officiers , dont chacun portoit une baguette , pour marque de diltinclion. Les Procès étoient fom- maires & fe plaidoient de vive voix : des Européens 127 ^'autant qu'ils n'avoient pas de loix Cortez écrites , &: qu'ils fe gouvernoient par eu. xvil' les coutumes ck les institutions de leurs ancêtres. Le Meurtre, le Vol, ' I5'v' l'Adultère , & le plus léger manqué de refpect envers la perfonne du Souverain étoient des crimes capitaux ; mais toutes les autres fautes obte-noient aifément leur pardon. Les en- , f6Tae*fy* iants du peuple étoient înltruits dans des écoles publiques, & ceux de la nobleffe dans des collèges bien fondés, où fous l'autorité du Roi, on leur ap-prenoit les feiences & les exercices qui convenoient au fervice duRoyau-me. Ils paffoient par trois claffes différentes : dans la première , on leur enfeignoit à déchiffrer les caractères & hiéroglyphes & à répéter les chan-fons hifloriques : dans la féconde on les inftruifoit dans la modeltie & la politeffe de la conduite : enfin' dans la troifieme on les appliquoit à des exercices de force, comme à porter des fardeaux confidérables , à lutter, à faire l'exereice des armes, à fouf-frir la faim tk la foif, & à réfifter aux intempéries de l'air. Lorfqu'ils avoient ainfi par dégrés acquis toutes ces qualités, les enfants des nobles F iv n8 DÉCOUVERTES Cortez deltinés Pour ta guerre étoient en-ch. xv il voyés comme volontaires dans les-^ ^ armées , pour les accoutumer aux n*ls'9' dangers & aux fatigues de la campagne , on les mettoit fouvent entre les hommes de bagage, avec une charge de provirions lur leurs épaules, tant pour les habituer à ne pas avoir de vanité, que pour endurcir leurs corps à la fatigue , avant qu'ilsfuflbnt enroL-lés comme foldats ; parce qu'on n'ad-mettoit perfonne à cet honneur qu'il n'eût vu l'ennemi en face fans changer de contenance , ou qu'il n'eut donné d'autres preuves de valeur & d'in-Forccs de trépidité. Chaque ville avoit une mi-i'Empire. j-ce entretenue f enforte que les armées fe formoient très facilement : les Princes, les Caciques & les Gouverneurs étant obligés de fe trouver au rendez-vous, avec un certain nombre de foldats. On rapporte comme un exemple de la grandeur de l'Empire du Mexique que Montézuma avoit trente valTaux, dont chacun pouvoit mettre cent mille hommes armés en campagne. Leurs troupes étoient mieux difciplinées que celles des autres nations Indiennes, & pour ré-compenfer les actes de valeur, l'Env DES EUROPEÈ N S. 120 pereur avoit créé divers ordres de çORT£Z. Chevalerie, de l'un defquels il étoit ch. xvii.' lui-même, & dont chacun étoit dif- A^ j tingué par fa marque & fon nom particulier. L'année des Mexicains étoit com- Chronologie r, . . ces Mexi- poiee comme la notre de trois cents cains. foixante & cinq jours, partagés en dix-huit mois, de chacun vingt jours, ce qui faifoit trois cents foixante en tout, Ôc l'on ajoutoit les cinq autres jours à la fin de l'année pour qu'elle s'accordât avec le cours du foleil. Durant ces cinq jours qu'on regardoit comme deffinés aux plaifirs & au re-* pos ; ilsfe livroient aux amufements, èc ne s'occupoient d'aucune affaire. Ils-avoient suffi des femaines (te treize jours, qui portoientdifférents noms; 6c leurs fiécles étoient compofés de quatre femaines d'années distribuées d'u--ne manière fort ingénieufe. Au centre d'un grand cercle, divifé en cinquante-deux dégrés, dont chacun avoit rap-r port à une année, ils repréfentoienfle foleil, & il fortoit de fes rayons qua-; tre lignes de différentes couleurs, qui partageoient également la circonfé--rence, ce qui donnoit treize dégrés* pour l'intervalle entre chaque demi*»- *]0 DÉCOUVERTES Cortez ■ diamètre. Ces divilîons tenoient lieu Ch. à vu.' de lignes pour leur zodiaque, lùrlequel les fiécles marquoient leurs ré-An'151'' volutions, & le foleil fes afpeds, heureux ou malheureux,fuivant la couleur de la ligne. Dans un grand cercle qui renfermoit le premier, ils marquoient par des figures & des caractères , les accidents 6c les principaux événements du fiécle , & ces cartes féculairesformoient des actes publics, qu'on regardoit comme les pièces juf-tifkatives de leur hiftoire. Avènement Lorfqu'on avoit élu un Empereury ?eeursEauFcTô-il &0it obligé de fe mettre en cam-•f. pagne, & il falloir qu'il remportât quel- que victoire fur les ennemis , ou fur fes fujets révoltés, afin d'être couronné, ou d'avoir la permifîion de monter fur le Trône. Quand il avoit fait fes preuves par le fuccès de l'en-treprife, il retournoit en triomphe y & faifoit fon entrée publique avec beaucoup de pompe & de folemnité* Toute la Nbbleffe, les Miniffres & les Prêtresl'accompagnoient dans le temple du Dieu de la guerre, où il def-cendoit de fon fiége, oc après avoir offert le facrifîce ordinaire, il étoit revêtu des habillements royaux par des Européens. 131 tes Electeurs. Ils armoient fa main Cortez « droite d'une épée d'or, pour fym- ch. xvlié bole de la Juftice : fa main gauche . d» 01/1/1 w** un arc ôc de flèches, pour marquer fon pouvoir ôc fon commandement à la guerre, & le Roi de Tezcuco lui mettoit la ccuronne fur la tête, en qualité de prenf.e: Electeur. Lorfque cette cérémonie étoit achevée, lé Monarque étoit harangué par un Ma-gilîrat des plus éloquents , qui le complimentoit au nom de l'Empiré fur fa nouvelle dignité, ôc s'étendoit fur les foins ôc les embarras qui accompagnent le Trône, ainfi que fur les devoirs d'un Souverain. Enfuite l« premier des Prêtres s'approchoit, ÔC faifoit faire un ferment au nouveau Monarque, par lequel il s'engageoit à maintenir la Religion de fes ancêtres , ainfi que les loix ôc coutumes de l'Empire ; à traiter fes fujets avec douceur , à leur procurer des pluyes convenables, ôc à prévenir les inondations , les ftérilités Ôc les malignes Fm crain* influences du foleil ôc des planettes. Caiuî.lcu" Les Mexicains croyoient à l'immortalité de l'ame , ainfi qu'aux récont" penfes ôc aux punitions éternelles ^lans une autre vie, ôc ils enterroient Cortez de l'or ôc de l'argent avec les corps ch. xvu', mons, pour fervir aux frais de leur voyage, qu'ils penfoient être long ôc 'embai allant. Ils tuoient aiifîï quelques domelfiques pour accompagner les défunts, Ôc il arrivoit fouvent que les femmes célébroient les obféques de leurs maris en fe dévouant elles-mêmes à la mort. Les Princes étoient obligés d'avoir des monuments d'une très grande étendue, parce qu'on en-terroit avec eux la plus grande partie de leurs richeifes Ôc de leurs familles ; ÔC quand le Souverain mouroit, tous les officiers de fa maifon ÔC fes favoris étoient obligés de l'accompagner dans l'autre monde. ioir$Maria- On eélébroit ainii leurs mariages. Lorfqu'on avoit réglé le contrat préliminaire , les Futurs fe rendoient au Temple, ou le Prêtre après les avoir examinés fur leur inclination réciproque, attachoit l'extrémité du voile de la fille au coin de l'habillement du: mari, pour fervir d'emblème du lien intérieur de leur affection : enfuite il les conduifoit, ainfi attachés à leur maifon , où ils tournoient fept fois autour du feu : ils s'affeoyoient ensemble pour en recevoir également. DES EUROPÉENS. 133 ïa chaleur, & ils penfoient que le cortex mariage étoit accompli par certe ch. xvn, cérémonie. On étabhffoit la dot de An. 151»* la femme par un atfe public, & le mari étoit obligé de la rendre en cas de féparation : ce qiûarrivoitfouvent d'un confentement mutuel : alors les filles demeuroient avec la mère, ôc les garçons avec le père. Quand le mariage étoit ainfi diffous, il étoit défendu aux parties de fe rejoindre fous peine de mort : fage institution pour prévenir la légèreté naturelle de ce peuple inconfiant. On portoit au Temple tous les en- Préfcntatio* - r , r . , des Enfant» fants nouveaux nés avec beaucoup de au Temple, folemnité ; les Prêtres les y rece-voient & leur donnoienr quelques avertiffements fur les troubles & les embarras de la vie dans laquelle ils venoient d'entrer. Si c'étoit le fils d'un noble, on mettoit une épée à la main droite de l'enfant, & fur fon feras gauche un bouclier, qu'on gar-doit dans le Temple pour cet iifage, Si l'enfant étoit de race plebeyenne,.. ©n lui metttoit à la main des instruments méchaniques , mais pour les filles de l'un & l'autre état, on leur «ion&oit une quenouille ôuui fuie av» 134 DÉCOUVERTES Corthz ^près cette cérémonie on les appor-Ch. xvii.' toit à l'autel, on leurpicjuoit les par-j-, Isl9 ties naturelles avec une épine, ou une efpece de lancette de pierre ;\ feu, pour en faire fortir quelques goûtes de fang, & aufTi-tôt qu'il étoit répandu on les arrofoit d'eau en faifaat certaines invocations pendant cette efpece de baptême. Les Mexicains avoient auiîi une forte de Communion , que leurs Prêtres adminif-troient en certains jours de l'année , où ils pattageoient en petits morceaux une Idole faite de fleur de far rine & de miel, qu'ils appelloient le Dieu de pénitence. Ils avoient auffi des Jubiles, des Proceffions, des en-cenfements &c d'autres formes de culte divin. des Européens. 135 Cortez,' Ch. xv m. CHAPITRE XVIII. An. i;x9g Corte^ efl allarmé par une lettre qu'il reçoit de la Vera-cru^ : Il afjemble le Confeil : prend une réfolution très hardie : fe faifit de Montézuma , qui fe joumet tranquillement : Clameurs du peuple appaifées par ce Prince : Corte* travaille fans fuccès à la converfion de VEmpereur : On punit les auteurs du trouble de la Vera- cruz : Month^uma efl mis aux fers ; mais on lui rend bien-tôt la liberté. LE s Efpagnols obfervoient tous Nouvel!* r j que Cortez ces ulages avec admiration : ce-^çoit de « pendant iisfaifbient leurs efforts pour Vera-cwo, cacher leur ïiirprife aux yeux des Mexicains., qiù paraiffoient s'empreffer à Penvi les uns des autres à marquer les plus grands égards pour leurs hôtes. Ils étoient tous les jours amuiés par quelque nouveau divertiffement ; Montézuma y paroiffoit en perfonne, contre fes maximes précédentes de jtauteur tk de réferve> tk cette corw 136 DÉCOÛVE'RTES Cortez defcendance infpiroit au peuple le ch. xvni. plus profond relpecr'& la plus haute eftime pour ces étrangers. L'Empe-Aa. jji* reur paroifrQJt particulièrement attaché à Cortez , avec lequel il paflbit la plus grande partie de fon temps, & il contracta aurîi des liaifons avec les Capitaines, auxquels il faifoit fou-Vent des préfents, qui marquoient un grand difcernement, & combien il effimoit le mérite. De cette manière les Chrétiens jouirent quelque-temps d'un repos agréable, jufqu'à ce qu'il fut troublé par les nouvelles que leur apportèrent deux foldats Tlafcalans,. qui s'étoient déguifés en habits mexicains, & étoient entrés dans la ville fans avoir été remarqués. Ils étoient chargés d'une lettre de la Vera-cruz, qui contenoit les particularités fui-Vantes : quelques Indiens alliés des Efpagnols s'étant plaints à Jean de Efca-lante de ce qu'un des Généraux de Montézuma , nommé Qualpopoca avoit affemblé toutes les troupes mexicaines qui étoient fur les frontières de Zempoalla, & de ce qu'il avoir levé des contributions avec autant de cruauté que d'extorfion : Efcalante avoit envoyé des députés pour prigif des Européens. 137 le GénéralMéxicain de fufpendre les (jORTEZ hoftilités jufqu'à ce qu'il eût reçu de ch. xvm nouveaux ordres de la Cour, parce An. 151* qu'il ne pouvoir croire que Montézuma autorifat de telles violences, dans le temps même où il traitoit les Efpagnols , alliés de ce malheureux peuple , avec tant d'amitié & d'hofpita-lité. Qualpopoca avoit fait la réponfe la plus inlolente à ce meffage, & Jean de Efcalante s'étoit mis en campagne contre lui à la tête de deux mille Indiens & de quarante Efpagnols. Le Général mexicain inftruit de j^ftJÊ » / • / calante dtfait cette démarche, s etoit avance pour i,s Mexicains les recevoir près un petit village, *0cr"bJeflé 4 nommé depuis Alméria. On'lui avoit livré bataille , & après un combat opiniâtre, les Mexicains avoient tourné le dos & pris la fuite jufqu'à la ville la plus proche ; Jean de Efcalante les avoit pourfuivis, quoiqu'il eût été prefque entièrement abandonné de fes alliés Indiens , qui dès le commencement de l'acfions'étoient cachés par la crainte d'un ennemi dont ils ne pouvoient même foutenir la vue. Malgré cette défertion, dont les Mexicains n'avoient pas eu' de connoif-fance, Efcalante avoit continué fa I 3 S DÉCOUVERTES Cortez P°urfuite ^ans autres forces que fort Ch. xviiV. petit nombre d'Efpagnols ; avoit fait mettre le feu à leur retraite par ditfé-1519' rents endroits , ôc avoit attaqué les troupes de Qualpopoca avec tant de courage qu'elles avoient été délogées, ôcenrierement miles en déroute. Cette victoire coûtoit très cher aux Efpagnols, puifque Jean de Efcalante ôc fept foldats avoient été blefïés mortellement ; entr'autres Jean de Ai> guillo, que les Mexicains avoient enlevé , quoiqu'il fut d'une taille pour vous prier que fans aucun trou- » ble vous vous rendiez avec nous » dans les quartiers des Efpagnols, 011 » vous ferez traité avec tout le ref- wpecr. ôc toute la vénération dus h à Votre Majefté , jufqu'à ce que » votre réputation foit rétablie de » façon à convaincre tout l'univers. >► Montézuma furpris Ôc irrité d'une 144 DÉCOUVERTES Cortez proportion auifi hardie, répliqua ch. xv m. avec des marques d'impatience, que des Princes de fon rang n'étoient pas An. 151p. > \ r 1 mi accoutumes a le rendre tranquillement en prifon, & que fes fujets ne permettroient pas qu'il oubliât fa dignité , au point de fe foumettre à une complaifance aulTi honteufe. Cortez lui dit, que pourvu qu'il confentît à fa demande fans forcer les Efpagnols à s'écarter du refpecf. qu'ils avoient pour fa perfonne , il ne re-doutoit nullement l'oppofition de fes fujets. Malgré ce difcours , l'Empereur refufa de fortir de fon palais : mais connoiffant tout le danger auquel il étoit expofé , il offrit de faire venir fans perdre de temps Qualpo-poca ; de le livrer avec tous fes Officiers entre les mains de Cortez, ôc d'envoyer en attendant deux de fes propres fils dans les quartiers des Efpagnols, pour fervir d'otages de l'exécution de fa promeffe. Ces expédients ne fatisfirent point Cortez : mais les Capitaines Européens craignant que le délai ne fut dangereux , commencèrent à faire grand bruit : entr'autres Jean Velafquez de Léon, qui cria à haute voix : » Puifqu'il ne » veut des Européens. 14c » veut pas entendre raifon , laiffez- n ij r * Cortez 9 » nous I emmener par force, ou le ch. avui. » tuer fur la place. » Montézuma entendant cette exclamation pronon- An* cée d'un ton de colère, en demanda l'explication, & Donna Marina , à qui il s'adreffa, prit cette occafion pour l'exhorter fortement comme fa vaffale & fa fujette à fe foumettre fans héfiter, parce qu'autrement fa vie étoit en danger. Ses repréfenta-• tions eurent un tel effet, qu'il fe leva aufîi-tôt de fon fiège, & dit à Cortez: » Je me remets avec confiance >t entre vos mains ; allons à vos quar-» tiers, car je vois que les Dieux » l'ont ainfi décidé, h II ordonna à fes Officiers d'apprêter fa litière &C fon équipage, & il dit à fes Miniftres que pour des raifons d'Etat, il étoit réfolu de palTer quelques jours dans les quartiers des Efpagnols. Il commanda au Capitaine de fes gardes de fe mettre à la tête d'un corps de troupes, avec lequel il pût arrêter Quaîpopoca prifonnier , ainfi que fes Officiers, pour avoir fouffert qu'il fît une invalion à Zempoalla. Après avoir donné fes ordres , que Donna Marina expliqua à Cortez & à les Tom. II. G 146 Découvertes Cortez Capitaines, Montézuma fortit de fon Ch. xv u'.palais avec fa fuite ordinaire, les . . Efpagnols marchant à côté de fa ■An. j5/9. r • t • c • l litiere, comme pour lui taire hon-neur :mais quand le bruit fe répandit, que les étrangers avoient emmené l'Empereur, les rues furent en un inlïant remplies d'une foule de peuple , qui faifoit retentir l'air de fes cris ; le jettoit à terre avec toutes les marques de défefpoir, ôc fépandoit des torrents de larmes pour leur infortuné Prince. Il y auroit eu certainement une révolte générale, fi Montézuma lui-même, avec un vifage ferein , n'eût ordonné le filence , ce allure fes fujets qu'il alloitde fa propre volonté palfer quelques jours avec fes amis les Etrangers. Quand il hit arrivé aux quartiers, il donna ordre à fes gardes de difperler la populace , ÔC à fes Minilfres de publier qu'il y aur©it peine de mort pour quiconque occafionneroit quelque trouble ou quelque tumulte. 11 marqua beaucoup d'affabilité aux foldats Efpagnols , qui allèrent au-devant de lui, ôc le reçurent avec le plus profond refpect : on le con>. duifit dans un appartement à quelque des Européens. 147 diftance de ceux des Chrétiens , &. on çORTEZj y transporta aufîi-tôt toute fa garde- ch.xviu. robe. Cortez doubla les garde* ; mit An> des fentinelles à toutes les avenues, ck empêcha les Ministres & les Cour-tifans de fe rendre auprès de Montézuma au-delà d'un certain nombre, fous prétexte de ne pas fatiguer fa Majefté par trop de foule ; enfin il prit toutes les précautions qu'exigeoit une action d'un aufîi grand éclat. En même temps il conferva toutes les formes du cérémonial ; traita l'Empereur avec le même refpedl: qu'il lui avoit marqué jufqu'alors, &c de fon côté, Montézuma fit paroître tant de fatisfacïion, & même d'apparences de gaieté , qu'on auroit penfe qu'il étoit parfaitement content de fa fituation. U distribua quelques joyaux aux Officiers Efpagnols ; parut toujours avoir l'efprit tranquille , & ne dit la caufe de fon emprifon-nement ni à fes Miniif.res, ni à fes Officiers, foit qu'il eût honte de révéler fa propre difgrace , foit qu'il craignît pour fa vie s'ils excitoient quelque trouble. Les Mexicains crurent de ne d'abord que fa retraite étoit volontaire, ne pouvant penfer Gij Cortez cîue ^es Espagnols euffent entrepris Ck xviii. une action qui palToit les bornes de leur imagination ; mais lorfqu'ilseu-An' 1S19' rent enfin découvert la véritable cau-fe de cette vigilance extraordinaire y du doublement des gardes, & de tout l'appareil militaire de ces Etrangers, ils furent tellement frappés de la har-dieffe étonnante de l'entreprife , qu'ils n'oferent faire aucune démarche pour la liberté de leur Monarque, sa conduite Malgré fon emprifonnement, Mon-Tr^np!ïronnfc-ntézuma exerçoit toutes les fonctions ment. de la Royauté : il donnoit des audiences : tenoit les confeils, & régloit à l'ordinaire tout ce qui concernoit le gouvernement civil & militaire de fon Royaume. Sa table étoit fournie de fon palais, avec une abondance extraordinaire, & les foldats Efpagnols faifoient de grands feltins de ce qu'il y avoit de fuperflu: il envoyoit très louvent des mets délicats à Cortez & à fes Capitaines, qu'il appelloit chacun par fon propre nom : il étudia leurs caractères & leurs difpofitions particulières, ayant fouvent occafion de s'entretenir avec eux, & affés fréquemment il joignoit la plaifanterie à les difeours, mais toujours fanss'abaif- des Européens. 149 fer au-deffous de la dignité de fon ca- Cortxz ractere. Il palfoit avec eux tout le ch. xvuj. temps qu'il ne donnoit pas aux affai- A& j res ; tk il difoit ordinairement qu'il ne fe trouvoit nulle part auffi bien que dans la compagnie de ces étrangers, qui lui donnoient à l'envil'un de l'autre les plus grandes marques de ref-petf., ce qui lui caufoit une véritable fatisfaction. Il étoit en effet très jaloux de fon honneur, tk un Efpagnol ayant fait quelque chofe, que l'Empereur regarda comme une infiUte , il infiffa pour qu'on l'éloignât de fa préfence , tk demanda qu'à l'avenir il ne fût plus employé auprès de fa perfon-ne. Il jouoit fouvent avec Cortez au Totoloque, qui eft un jeu où l'on abat de petites quilles d'or avec des balles du même métal. Il diffribuoit aux Efpagnols les bagatelles qu'il y gagnoit, tk Cortez partageoit aufli les joyaux que ce jeu lui procuroit entre les Officiers inférieurs de l'Empereur. Dans ces amufements il plai-fantoit Pedro de Alvarado fur ce qu'en marquant il fe mécomptoit quelquefois en faveur de fon Général : cependant il faifoit paroître beaucoup d'amitié pour ce Capitaine. Enfin il pu- 150 DÉCOUVERTES Cortez ro'1^°'lt entièrement infenfible à la Ou xviu.perte de fa liberté : mais malgré fa complaifanceà d'autres égards, il tint au. 1515. fermecoHrre fous les efforts de Cortez & d'Olmedo qui vouloient le détacher des abfurdités de fa religion, pour laquelle il marqua toujours la ferveur d'un enthoufiaftc. on lui met Environ vingt jours après fon em-lcsfeis. prifonnement, le Capitaine des Gardes revint avec Qualpopoca & les autres Officiers, qui s'étoient rendus fans peine, à la vue du Sceau royal , que Montézuma avoit confié au Capitaine pour marque d'autorité. Ils furent conduits devant l'Empereur ; qui leur parla avec réferve, & les fit mettre entre les mains de Cortez , auquel ils avouèrent qu'ils croient coupables d'avoir violé la paix de leur propre mouvement, ainfi que d'avoir fait mourir d'Arpuillo de fang froid. Voyant que le Général Efpagnol étoit déterminé à leur faire fouffrir le châtiment dû à leur crime, ils firent alors leurs efforts pour fau-ver leurs vies en aceufant l'Empereur, aux ordres duquel ils dirent qu'ils avoient obéi. Cortez affecta de traiter cette aceufation de maligne calomnie, des Européens. 151 &" après un procès en forme, ils furent Cortez déclarés convaincus, & condamnés à ch xv m. être brûlés. Pour empêcher Montézuma de faire aucune démarche qui pût 1JIÎV mettre obllacle à l'exécution , Cortez crut qu'il étoit abfoluirient néceffaire de frapper un coup encore plus hardi. Il le rendît auprès de ce Prince , -accompagné de Dona Marina , de trois ou quatre Capitaines, & d'un fin iple Soldat, qui apportoit des fers. Il falua l'Empereur avec fon refpecr. ordinaire , prit un air févere, & lui" dit d'une voix haute : que Qualpo-poca & fes complices avoient con-feffé les crimes pour lefquels ils étoient condamnés à mort : mais qu'ils affir-moient que tout ce qu'ils avoient fait étoit par. les ordres de Montézuma, ce qui rendoit julfe & néceffaire de lui faire expier, une telle audace par quelque mortification perfonnelle. Enfuite fans attendre fa réponfe , Cortez avec un air d'autorité ordonna au foldat de lui mettre les fers, le laiffa en cet état, & commanda à fes gardes de lui ôter toute communication avec fes Ministres. Lorfque l'Empereur Indien fe vit traité d'une manière aulîi ignomi- , G iv ÏJ1 DÉCOUVERTES Cortez n'eil*"e j ^ mt frappé d'un tel étonne-Ch. xviii' ment qu'il ne trouva en lui ni force pour réfiffer, ni parole pour fe plain-n. 1519. ^re ^ pencjant qlie fes Officiers fans ofer ouvrir la bouche, fe jetterent à fes pieds avec les marques de la plus grande affliction, comme pour partager le poids de fes fers. Quand il fut revenu de fa première furprife , il éclata en un rranfport de rage, qui cependant fut bientôt paffé, & quoiqu'il jugeât que fa vie étoit en danger, il rappella tout fon courage, & attendit fon fort avec autant de dignité que de réfignation. Cortn fm Cortez, après avoir pris toutes les rnourir un , ' r A Générai Mé- précautions pommes pour empêcher ic"Z!lte qu'il n'arrivât aucun trouble, donna l'Empereur, ordre d'amener le Général Mexicain & fes Officiers. Ils furent exécutés en préfence d'un concours innombrable de peuple, qui regardoit cet étonnant fpectacle, avec un refpectueux filence mêlé d'admiration. Cortez retourna enfuite à l'appartement del'Em-pereur, & lui dit d'un air joyeux & avec douceur, que les traîtres qui avoient eu l'audace de noircir la réputation de Sa Majefté, venoient de recevoir le châtiment qu'ils avoient mérité. En di- des Européens. 153 fant ces mots, il fe baiffa jufqu'à terre Cortez & de fes propres mains ôta les fersch. xvui. du Monarque. Montézuma reçut fa . „,„ liberté avec des tranlports de joie : il embralTa deux ou trois fois Cortez en lui marquant la plus grande affection, enfuite ils s'alîirent enfemble,& commencèrent la converfation la plus intime , dans laquelle le Général Efpagnol lui fit entendre qu'il pourroit retourner quand il le voudroit dans fon palais , puifque la caufe de fa détention étoit ôtée. Cette offre n'étoit fondée que fur la politique, & il favoit bien que le Monarque Indien ne l'accepteroit pas. Il lui avoit déjà fait entendre par Donna Marina , que s'il quittoit les quartiers des Efpagnols avant le départ de Cortez , fa réputation en fouffriroit beaucoup, parce que fes vaffaux ne pourraient douter qu'il n'eût reçu la liberté de la main d'un autre. Il refufa donc cette offre ; mais fans en déclarer le véritable motif ; au contraire il voulut s'en faire un mérite , en difant que s'il retournoit dans fon palais, fa Nobleffe & fes Minif-tres le prefferoient de prendre les armes pour obtenir fatisfàcfion de l'in- G v Coûtez ^iute q11'^ avort reçue, ce qui le dé-%*h. x v i II. terminoit à refter où il étoit, par con-a„ r,™ fidération pour les Efpagnols, Cortez parut le rendre a les rai-fons, loua la réfolution qu'il prenoit, & lui marqua beaucoup de recon-noilfance des foins qu'il faifoit paroi-tre pour leur fureté; cnforte que l'un & l'autre furent très fatisfaits de l'a-drelTe qu'ils avoient employée réciproquement. des Européens. 155 Cortez , Chap. XlX. CHAPITRE XIX. An" }S* On permet à l'Empereur de vijîter U. Temple du Soleil : Il retourne tranquillement au quartier des Efpagnolsi^ Il paroît fort attaché à Corte?K , qui nomme Gonzalez de Sandovalpour Gouverneur de la Vera-cru^ : On confinât deux vaiffeaux fur le lac , ce quifurprend beaucoup les Indiens: Difputesfur la Religion : Un Prince ambitieux forme une confpiration contre Corte^ : Elle efi découverte par Montézuma : Le principal auteur efi arrêté & puni. DEpuis cet événement, Monté- Corter ac-zuma parut très content de fa c. per aux embûches que ion frère avoit dreffées contre ia vie, pour quelques jalouiies domeiticrues. Montézuma avoit pris ce jeune Prince fous fa protection , tk même l'avoit admis au , nombre de ceux qui l'accompagnoicnt toujours ; Cortez tirant avantage de cette circonstance, détourna l'Empereur de faire mettre à mort un Prince de fon fang par une exécution publique : mais il lui confeilla de dépouiller Cacumazin de fon rang tk de fes Etats, pour les donner à fon frère, • qui méritoit à tant d'égards cette marque de coniîdération, tk. il repré-fenta à Montézuma que par ce moyen le traître feroit fiiffifamment puni, &qué le Royaume de Tezcuco, ainli que la dignité de premier Electeur tomberoit k celui qui avoit le droit de iuccerîîon. Montézuma très fatisfait de cet Cacumaiin avis, le communiaua aufli - tôt à la Jje (îSaw!" Nobleife qui compoioit fon Confeil, &il en reçut des applaudiifements , ; comme étant propre à Satisfaire éga-- Jement la jultice tk la clémence. Par i68 Découvertes Co rth /..un décret royal, Cacumazin fut dé-Ch»p.xix. pouillé de tous fes honneurs, dignités An. 1519. & Etats, qui furent conférés a fon frère, à la fatisfaction de tous les Grands, & à la joie excefïïve des vaf-faux de la Famille royale, qui tous chériffoient ce jeune Prince. Lorfque l'Empereur lui donna l'inveifirure par les cérémonies particulières au pays, il fît au nouveau Roi une harangue très pathétique, dans laquelle il lui recommanda particulièrement d'exercer la julfice & de gouverner fes fujets avec bonté, lui déclarant qu'il de voit entièrement fa fortune aux confeils du Général Efpagnol. Cette manière de punir fans répandre le fang, fut applaudie univerfel-lement dans tout l'Empire, où elle fut attribuée à la fupériorité de jugement &c aux venus des Chrétiens. Elle fît un fi puiffant effet fur les autres conf-pirateurs, qu'ils difperferent leurs troupes, & eurent recours à la clémence du Roi. Ils obtinrent leur pardon par l'interceffion de Cortez, & fa réputation augmenta encore de beaucoup par les fuites mêmes de ce qu'on avoit entrepris pour fa ruine. CHAP. XX. des Européens. 169 ___Cortez, CHAPITRE XX. An* I51°- l \ j*0 *'JJi it UO j Q^J WO> n>VS* ... Montézuma offre volontairement de payer tribut à CEfpcgne : Il gagne à ce fujet le confentement de fes Etats , & le confirme par une grande quantité de préfents : Corte^ fe conduit avec beaucoup de prudence: Montézuma infifie pour qu'il forte de Mexico, & il prend les injures convenables pour s'y maintenir : Il craint de nouveaux troubles de la part de Vtlafque\_ , qui envoyé plufieurs vaiffeaux contre lui. Quoique Montézuma flit très Momézurna ; Satisfait de ce que cette tempête ^"r du joug s'étoit appaifée aufîî tranquillement, des Efpa-il faifoit cependant des réflexions quigno s* agitoient fon efprit, & troubloient continuellement fon repos. Il ne pou-voit s'empêcher de comparer fon état paifé avec fa Situation actuelle , ce qui lui occafionnoit fouvent un chagrin très vif. Enfin il rappella toute fa force & tout fon courage , tk il ré-folut de fe délivrer de cette contrainte Tom. II. H Cortez odieufe Tous laquelle il avoit langui cha,. xx.' trop long-temps. A la première occa-An. un. non favorable il dit à Cortez ; qu'il croit réfolu de reconnoître volontairement le vaffelage qu'il devoit au Roi d'Efpagne, en qualité de fuccef-feur de Quezalcoal ; qu'il alloit convoquer à ce fujet une alfemblée générale de fa Noblelfe ; que pour marque de ce valfelage, il établiroit une contribution , dont il lui donneroit lui-même l'exemple, en faifant préfent des plus magnifiques joyaux de fon tréfor à Dom Charles, & qu'il ne doutoit pas que tous les Caciques ne fuiviffent fon exemple , en contribuant chacun fuivant fes facultés. Cortez, qui ne fentit pas d'abord tout fon projet, le remercia de fa libéralité, fans paroître furpris de cette propofition , & fe réjouit intérieurement dans la penfée de faire voir à fon Souverain des preuves aufïi convaincantes des richeffes qu'il pourroit tirer un jour de cet Empire à titre de fupériorité. En effet le Roi d'Efpagne fut alors déclaré Seigneur Suzerain de l'Empire du Mexique, & Cortez bien loin d'avoir aucune intention de partir penfa, qu'il fe maintiendrait aifé- des Européens. 171 ment à Mexico jufqu'à ce qu'il pût cOR1£z recevoir des ordres de l'Empereur chap. xx" Charles - Quint. Les fentiments de Montézuma " IÎZO* étoient très différents, & il penfoit u reconque Cortez n'auroit plus aucun pré- Jgjj v^j> texte de demeurer dans fes Etats , gne. quand il auroit obtenu plus qu'il ne devoit naturellement attendre. Dans cette vue il dépêcha des courie.rs pour mander tous les Caciques de l'Empire , fuivant la coutume pratiquée dans toutes les occalions importantes. Ils s'affemblerent avec autant de fplen-deur que de diligence, & le Con-feil fut tenu dans l'appartement du Roi, en préfence de Cortez, de fes Capitaines, & de leurs Interprètes. Montézuma dans une harangue étudiée leur expofa les obligations qu'ils lui avoient comme à leur Souverain & à leur bienfaiteur; il les aflùra qu'il avoit confulté fes Dieux, tk obtenu leur approbation fur ce qui faifoit l'objet de l'affemblée : il leur répéta l'hiitoire & la prophétie de Quezal-coal ; leur déclara que le Roi d'Efpagne étoit le defcendant tk le fuccef-feur de ce puiifant Monarque, & par conféquent le Seigneur à qui appar- IJl DÉCOUVERTES ColiT£z"~ tenoit l'Empire du Mexique : il ajouta Chap. xx.' que par cette raifon tk par les liens du devoir, lui-même ( Montézuma ) An. 1510. eux tQUS ^toient engagés à le re- çonnoître tk à lui obéir : il finit fon difeours en difant que pour marque de cette reconnoiifance,il avoit choifi les plus précieux joyaux de fon tréfor afin de les envoyer au Roi d'Efpagne, & qu'il ne doutoit pas que tous ne fuiviffent fon exemple, en defhnant quelques parties de leurs richeffes au même mage, il obtient L'Empereur ne put prononcer ce SïSijS difeours fans s'interrompre lui-même: il fut arrêté plufieurs fois par des fou-pirs qui le fufFoquoient, tk quand il vint à fe reconnoître vaffal d'un autre Prince, les larmes coulèrent de fes yeux, & il ne put continuer à parler. Cortez fe leva alors, tk déclara que l'intention de fon Souverain n'étoit pas de dépouiller Montézuma, ni d'apporter aucun changement dans fon gouvernement : mais qu'il de-mandoit feulement qu'on affurât fon droit à la fuccefïion en faveur ae fes defeendants. Cette explication encouragea Montézuma, qui reprit fa tranquillité , & acheva difunftement fa des Européens. 173 harangue. L'alTemblée fut aufli éton- ' r r u /• • PORTEZ, née que connue dune propoiition Chap.xx. qiiiparoirfoitfiincompaTibleavecladi- All> ,i20. gnité, & le caractère connu de l'Empereur : tous jugèrent qu'elle étoit l'effet de la violence : ils frémirent d'indigna-tion : leur chagrin & leur trouble éclata fur leurs vifages, & ils fe regardèrent les uns les autres avec un lîlenee énergique. Enfin le premier Miniffre, qui favoit les difpolitions de Montézuma, prit fur lui de répondre au nom de tous : il affura l'Empereur que tous fes Nobles le réfpec-toient comme leur Seigneur ik leur Souverain naturel : qu'ils étoient prêts d'obéir à tout ce qui plairoit à Sa Majefté de leur propofer, tk qu'en toutes chofes ils fuivroient fon exemple chacun félon fon pouvoir. Tout le Con-feil marqua fon confentement , tk Cortez par la bouche de fon Interprète fît une harangue artifîcieuiè, dans laquelle il remercia Montézuma tk tous ceux qui étoient préfents des preuves qu'ils lui don noient de leur foumifîion; il accepta au nom de l'on Roi, le vaf-felage du Monarque tk. de fes fujets, fans marquer aucune furprife de leur complaifance, enfin il le comporta 174 DÉCOUVERTES Co h r 1 r comme un homme qui reçoit ce qui chap. XX, lui eft dû, & qui eft fatisfait de l'exac-An. j520. titude de fon débiteur. L'intention de Montézuma dans cette affemblée étoit peut-être de pref-fer le départ de fes hôtes , fans avoir deffein de remplir les termes de fa fourmilion quant à ce qui concernoit l'avenir. Quoiqu'il en foit Charles V. fut de ce jour reconnu & révéré par tout le peuple, comme Seigneur légitime & héréditaire de l'Empire du Mexique, & cet hommage fut confirmé par un acle public , fuivant l'ufage du pays. Grands pré- Après avoir terminé cette affaire à fcntsde.Mon fa {atisfacti0n, Montézuma réfolut de ie« Cacique», ne pas perdre de temps pour recouvrer fa liberté & fon indépendance , qui depuis fi long-temps faifoit en fecret l'objet de fes foupirs. Il donna immédiatement à Cortez le préfent qu'il avoit préparé, eompofé de cu-riofités en or, de figures d'animaux, d'oifeaux & de poiffons, &. d'un grand nombre de pierres précieufes, particulièrement de celles qu'on nomme Chalcuius, dont la couleur reffemble à celle des éméraudes, & qui font plus eftimées que toutes les autres. U des Européens. 175 y joignit des tableaux Surprenants de plumes de diverfes couleurs : & le chap tout formoit la rançon d'un grand An. Prince, qui croit ne pouvoir acheter fa liberté à un prix trop haut. La contribution des Nobles répondit à la libéralité de leur Monarque , & elle fut telle qu'on la pouvoit attendre de chefs riches, qui à l'envi les uns des autres vouloient marquer leur fidélité & leur orientation. Cortez nomma un receveur & un tréforier, pour tenir un compte exact de tout ce qu'on lui remit, & en peu de jours, outre les joyaux, les pierres précieu-fes, & les pièces d'un travail curieux, les Efpagnols amaiïerenttant d'or,que lorfqu'il fut fondu on trouva qu'il mon-toit à fix cents mille pezos en lingots de très bon alloi. De ce tréfor on en mit un cinquième à part pour le Roi, & un autre cinquième tant pour l'ufa-ge deFernand Cortez, que pour fournir aux dépenfes de fon armée. Une autre part fut dellinée à rembourfer Diego de Veîafquez & les amis de Cortez , qui dans l'Ifle de Cuba, lui avoient fourni de l'argent pour fon voyage : enfin le reffe fut partagé entre les officiers & les foldats, en y com- Hiv I76 DÉCO U V E R'T E 5 Cortez, prenant ceux qui étoient demeurés à la Chap. xx. Vera-cruz. Les officiers du même rang An 1 20 eurem des parts égales : mais entre les Simples foldats, on donna de plus grandes récompenfes à ceux qui s'é-toient le plus distingués dans le fer-vice. Cette différence occafionna des murmures & des plaintes affés vives ; mais elles furent bientôt appaifées par la libéralité de Cortez, quifatisfît les mécontents fur la propre part de la contribution, u veut fn- Montézuma ayant ainfi fait une fs4uitÏÏrtîeî-econnoiffance formelle d'affujétiffe-Méxi. jours après il eut befoin de toute fa prudence , & de toute la grandeur de Dix-huit f r\ s vc va 1 fléaux pa- ion courage. Un apprit a 1 iimpereur ro;fleQ, ittlia qu'on avoit vu dix-huit vaiffeaux fur côte« la côte de Pilleca , & par les peintures qu'on envoya pour en informer plus exactement Sa Majefté, ainfi que par quelques caractères qui y étoient joints, on jugea que ces bâtiments étoient montés par des Efpagnols, ce qui ne pouvoit manquer d'allarmer tout l'Empire , & de faire revivre les foupçons que Cortez avoit diiffpés depuis peu. Montézuma communiqua aufti-tôt ces nouvelles au Général Espagnol , & lui dit qu'il ne feroit pas néceffaire de continuer à conftruire , puifqu'il pourroit s'embarquer fur ces vaiffeaux pour retourner en fon pays. Cortez ayant examiné ces peintures , ne douta pas que ce ne fuffent des vaiffeaux efpagnols ; mais penfant qu'ils étoient partis d'Europe avec un fecours de troupes & de munitions, il répondit fans marquer la moindre émotion, qu'il s'embarqueroit ince£ famment, fi cesvaifleaux retournoient H vj t o h ï j /., ^ans quelques-uns des pays Tournis à Chap. xx, la domination Efpagnole. Cependant An. U ajouta qu'il ne vouloitpas celTerde faire construire, jufquà ce qu'il fut mieuxinilruït par un meiTage de Zem-pballa, qu'il attendoit de jour en jour. On apprend Une réponfe aulîi julfe ne pouvoit qu'ils vien- déplaire à Montézuma, qui paroilfoit rient deYelaf- r. / • 11 ■ tv tf, a quex. avoir une véritable eitime , oc même une efpece de vénération pour Cortez, & qui redoutoit toujours de fe brouiller avec les Efpagnols. Cependant le Général fe trouva dans un grand embarras, quand il apprit quelques jours après par une lettre de Gonzalez de Sandoval, que ces vaiffeaux appartenoient à Diego de Ve* lafquez, 6c qu'ils étoient montés par huit cents hommes envoyés contre lui, pour s'oppofer à fes projets dans le Mexique. Cette fàeheufe nouvelle lui fut apportée pendant qu'il éroit en converfation avec Montézuma, 6c il eut befoin de toute fa prudence 6c de tout fon courage, pour que fon émotion ne parut pas aux yeux du Monarque qui l'obfervoit. Il réufïït à cacher fon trouble, 6c l'Empereur n'eut aucun foupçon : mais après avoir ap- des Européens. 181 porté cette nouvelle à fes gens avec cortez? quelque adoucilTement, Cortez fe re- chaP- xx-tira feul dans fon appartement, pour An< I}204 y refléchir fur cet événement imprévu. Avant d'entrer dans un plus grand détail, il eft néceffaire de revenir fur nos pas, pour rapporter la réception que fes Commiffaires avoient eue à la Cour d'Efpagne, détailler les raifons qui avoient engagé Velafquez à équiper un fi grand armement contre lui, & faire connoïtre par quels moyens il y avoit pu réuffir. Alonzo Fernand Portocarrero , & Suite du François de Montejo , qui etoienttnyo}rtt Ae partis pour la Vera-cruz, avec Ieslet-^0^1"1^ très pour le Roi, & avec le premier tri-1 as"u "but de la nouvelle Efpagne, touchèrent à rifle de Cuba, malgré les ordres contraires qu'ils avoient reçus. François de Montejo crut pouvoir fe chonner la fatisfaction de voir fa maifon , Située à la Havane, & fi éloignée du Gouvernement de Velafquez qu'il penfoit n'avoir aucun rifque à courir de fa vigilance ou de fon reffentiment. Cependant cette démarche étoit très dangereufe, & auroit pu interrompre totalement leur voyage d'Efpagne. Diego de Velafquez craignant l8l DÉCOUVERTES Cortez, °iue Cortez n'envoyât quelques-uns Chap. xx. de fes vaiffeaux à l'Ifle de Saint-Do-An. i^. mingue, pour y demander le fecours 6c la protection des Religieux qui y gouvernoient, avoit mis des efpions fur toute la côte pour être inftruit de ce qui fe palTeroit. ( * ) Ils l'informèrent de l'arrivée de Montejo à fon habitation; & il envoya aufîi-tôt deux bâtiments légers bien montés 6c bien armés, avec ordre de prendre levaif-feau 6c de lui amener tous ceux qui étoient à bord. Ses gens firent tant de diligence, que le pilote Alaminos eût befoin de toute fon adrefle 6c de tout fon bonheur pour échaper au danger qui le menaçoit. Montejo s'étant rembarqué fur les premières nouvelles qu'il avoit eues des projets du Gouverneur , ce hardi marin hazarda de faire voile par le Golphe de la Flori- ( * ) Ces Religieux étoient des Hiéroni-mites. Il n'eft pas de notre fujet de rapporter tous les troubles qui s'étoient élevés dans cette Ifle depuis la mort de Chriftophe Colomb , ni par quelle raifon le gouvernement étoit palTé entre leurs mains. On en trouvera un détail aufli curieux qu'intéref-fant dans l'Hiftoire générale des Voyages , & encore mieux dans l'Hiftoire de Saint-Domingue du P. Charlevoix. des Européens. 183 de, ce qu'on n'avoit pas encore tenté c 0 R ~ E 2r julqu'alors, & il n'y avoit que ce feul chap. xx.* moyen qui pût le mettre à couvert de . la pourluite de Velaiquez. Apres un heureux voyage les Députés de Cortez arrivèrent à Seville , mais dans une circonftancefacheufe ; le Chapelain Beni Martin que Velafquez avoit envoyé pour folliciter la commiiîion de Lieutenant pour le Roi, avoit obtenu l'effet de fa demande , & étoit alors à Seville où il attendoit unvaif-feau pour retourner à Cuba, & il y avoit déjà envoyé la commiffion de Velafquez. Cet homme repréienta Cortez fous le point de vue le plus défavantageux , comme un pyrate , qui avoit clandestinement emmené les vaiffeaux appartenants à Velafquez : il eut tant de crédit à Seville, que lesDi-re£teurs du commerce fur fes plaintes & fur fon accufation, firent faiiir le vaiffeau avec fa cargaifon, & regardèrent comme une grande faveur de permettre que les députés de Cortez s'adreffaffent au Roi pour obtenir fa-tisfa&ion. Les deux Capitaines, accompagnés d'Alaminospartirent pour Barcelone, 011 ils efpéroient trouver la Cour; mais ils apprirent que Sa Ma- 184 DÉCOUVERTES c o r t h z. jefté croit à la Corogne, où l'on pré-chap.xx. paroit fbs vaiffeaux pour la palTer en An. 152e. Fiantes, afin d'y recevoir la Couronne Impériale. Les députés prirent la route de Medelin où ils trouvèrent Martin Cortez , qui les reçut avec autant de plaiiir que de iùrprifc, lorsqu'il apprit la gloire & le fuccès de ion fils, dont il avoit long-temps pleuré la mort. Ils periuaderent à ce vénérable Gentilhomme de les accompagner auprès de l'Empereur, dans l'eipérance que ion caractère & les cheveux blancs donneroient du poids à leurs iollici-tations. Ils eurent le bonheur de.trouver la Cour à Tordeiillas, précifé-ment dans le temps oit les préfents de Cortez & les Indiens venoient d'arriver de Seville, les Directeurs n'ayant ofé les retenir, parcequ'ils étoient deitinés pour l'Empereur. Les députés furent très bien reçus de Charles-Quint, qui leur marqua fa fatisfaction & fon étonnement fur la découverte de ce nouveau Monde , & dans plufieurs conférences qu'il eut avec eux, il entra dans les plus petits détails de ce qui pouvoit concerner cette conquête, pendant que les Indiens & les préfents qu'il avoit devantlesyeux des Européens, i 8 5 lui prouvoient évidemment la vérité ConrîZi des circcnftances étonnantes dont Chap.xx. ils lui faifoient le récit. Cependant An> IJMi comme le Monarque étoit prêt à partir pour l'Allemagne, il renvoya les lettres & les iollicitations de Cortez au Cardinal Adrien, & au Confeil qu'il avoit chargé de l'adminiftratïon durant fon abfence, avec ordre de bien examiner cette affaire, afin de rendre juftice aux prétentions de Velafquez & en même tems d'encourager le Conquérant du Mexique, qui s'étoit conduit jufqu'alors avec tant de prudence & de fiiccès. Le Confeil avoit pour Préfident Jean Rodrigue de Fonfeque, Evêque de Ëurgos, qui favorifoit beaucoup Velafquez, & qui repréfenta Cortez comme un rebelle & un féditieux, en qui l'on ne devoit mettre aucune confiance. Cependant il ne crut pas devoir lui donner un fujet immédiat de mécontentement : mais il refufa d'envoyer aucun des fecours qu'il de-mandoit avec tant d'infiances , Se tout ce que fes députés purent obtenir , fut qu'on leur rendit une petite partie de ce qu'ils avoient apporté pour leur fubfiitance : Enfin ils fu- Cortez rent obligés de fuivre la Cour peu-Chap. xx. dant deux ans, regardés comme des An. 1520. faifeurs de projets chimériques. Diego de Velaiquez reçut fa Com-Velafquer miiiion de Lieutenant pour le Roi, pour perdre non-feulement de Cuba , mais enco- Corcci. . . , re de toutes les terres qu on pourront découvrir & conquérir fous fa direction. Ce titre, joint aux aiTu-rances de protection qu'il reçût de l'Evêque de Burgos, Préfident des Indes, flattoit autant fon ambition que fon reifentiment. Il réfolut de s'approprier la gloire de faire la conquête du Mexique , & de punir Cortez comme un rebelle & un déierteur. Dans cette vue, il employa tout fon crédit, & dépenfa la plus grande partie de fon bien pour équiper un armement, qu'il compofa de huit cents hommes d'Infanterie Efpagnole, de quatre-vingt chevaux, de douze pièces de canon, & d'une grande quantité de provifions, d'armes & de munitions. Il donna le commandement de cette expédition à Pamphile de Nar-vaez, natif de Valladolid : homme de diitinction & de capacité : mais d'un caractère violent, vain, orgueilleux & entêté de fes propres opinions. des Européens. 187 Ce Gentilhomme avec le titre de CoRTE2' Lieutenant de Dom Diego eut des chap.xx. inftructions particulières pour faire Aa. 1520. tous fes efforts afin de fe rendre maître de la perfonne de Cortez, & de l'envoyer dans les fers à Cuba, ainfi que fes principaux Officiers, s'ils re-fufoient d'abandonner fes intérêts. Il eut aufîî ordre de prendre poffefîion, au nom de Velafquez de tout ce qui avoit été conquis, comme étant dans fon dilfrict, attendu fa qualité de Lieutenant pour le Roi. C o r t h 7. , Chap. XXI. g An. ijio. CHAPITRE XXI. Un député des Religieux Hiéronimites s'efforce inutilement de fiire abandonner le projet à Ktlafque,^ : Il a recours à la politique lorfqu'il voit que fes difeours font j ans effet : Les gens de Vtla.fipie\ ne. peuvent réufjir à la Fera-cru{ par les foins & Vop-pofition du Gouverneur. Embarras de Corte^ : U le difjimule : Sa conduite mefurée : Imprud.nce de celle de fes ennemis. Les Hy^re- T E s Moines Hieronymites , qui nimites de L avo}ent la préfidence fur l'au- S. Domingue i i r • T\ D envoycm un dience royale de laint L/omingue, oc fa£là Vc"dont la jurifdiction s'étendoit fur toutes les autres Mes, furent informés des préparatifs de Velafquez. Prévoyant les conféquences fàcheuies, qui pourroient fuivre de cette divi-fion , ils envoyèrent le Licentié Luc Vafquez de Ayllon , pour le détourner de fon entreprife, avec ordre, dans le cas où Tes remontrance^ fe-roient infru&ueufes, de lui comman- des Européens. 189 der fous des peines féveres de défar- cortf.z,' mer fes gens, ainfi que fa flotte, tk chap. xxi. d'abandonner un projet qui pouvoit An f^ troubler ou détruire les mefures pri-fes par Cortez. Ce Miniftre arriva dans l'Iile de Cuba, où il trouva la flotte , compo-fée de dix-fept vaiffeaux, bien équipée tk prête à mettre à la voile. Il employa tout fon crédit tk toute fon éloquence pour détourner Velafquez de fon deffein. Il s'étendit fur le danger auquel fes gens feroient expofés , fi Cortez fe tenoit fur la défenfive, tk tiroit avantage des alliés qu'il âvoit faits dans ce pays: il repréfenta le tort que fouffriroient les intérêts de TEfpagne, fi les Indiens voyoient une guerre civile entre leurs conquérants, tk il l'exhorta à s'en rapporter à la chambre royale, qui ne manqueroit pas de lui rendre jufKce fur les torts qu'il prétendoit lui avoir été faits. Trouvant que Velafquez étoit fourd Velafquee a toutes les remontrances, tk qu il obéir, étoit monté au plus haut degré d'orgueil tk d'infolence par le titre qu'il avoit acquis, le député procéda à la partie judiciaire de fa commiffîon ,oC fit notifier fes ordres tk fa protelf a- I9O DÉCOUVERTES CoRThz, ûon par un Notaire qu'il avoit amené. chap. xxi. Voyant qu'il étoit traité avec mépris, au. ijêo. & avec indécence dans l'exercice de ion devoir, il prit le parti de dilTimu-ler fon reffentiment, & d'approuver le projet qu'il ne pouvoit empêcher: enfin fous prétexte de fatisfaire fa propre curiofité, il marqua le plus grand défir d'accompagner ceux qui feroient cette expédition. Nacriez Diego lui en accorda avec joye la Irrive devant .S , „ J b Vera-cruz. permifîion, étant très content de tout ce qui pouvoit empêcher les Pères de faint Domingue d'être promptement inftruits de fa conduite. Le Licentié s'embarqua, dans l'efpérance de pouvoir, quand il feroit éloigné de Velafquez, agir comme médiateur entre Narvaezôt Cortez, afin de prévenir les fuites facheufes du reffentiment de Diego. Dans la même vue, André de Duero Secrétaire de Velafquez, qui avoit donné tant de marques de fon amitié à Cortez dans le commencement de fa fortune, s'embarqua auiTi pour cette expédition, & la flotte ayant un vent favorable arriva bientôt dans le port de Ulua où elle jetta l'ancre. Pamphile de Narvaez envoya à terre quelques foldats pour faire des des Européens 191 informations, & ils revinrent peu de Cortez, temps après, avec deux ou trois Ef- chap. xxi. pagnols qu'ils avoient pris lorfqu'ils An. 1520, fe promenoient autour de la place. Il fut initruit par eux de tout ce qui s'ètoit paiTé à la Vera-cruz & à Mexico : cependant foit pour flatter Narvaez, foit par un effet de leur propre malice, ils affectèrent de diminuer les fuccès de Cortez, & de parler peu avantageufement de fes opérations. Pamphile, fur ce qu'il avoit appris, Il ftït htm réfolut de traiter avec Gonzalez de:"e"f„* £*I Sandoval, pour qu'il lui remît la for- cicfiaRique. tereffe, qui étoit fous fon commandement. Il envoya un Prêtre, nommé Jean Ruis de Guevara , avec trois foldats & un Notaire, pour fignifier fa demande , & pour perfuader à Sandoval de joindre fon armée avec la gârnifon de la Vera-cruz. Ce Gouverneur , informé de leur arrivée par fes fentinelles, étoit difpofé à les recevoir: mais il eut befoin de toute fa retenue pour fe contenir dans les bornes de la modération , quand Guevara lui expofa fa commifîion, & lui dit que Narvaez étoit venu pour envoyer Cortez dans les chai- 192 DÉCOUVERTES q 0 R î t z " nés à Cuba. Gonzalez répondit avec Chap.xxi. beaucoup de chaleur, qu'il ne pou-An. i$zo. voit fe perfuader que Pamphilr de Narvaez , qu'il croyoit un fidèle fujet, voulut entreprendre d'interrompre Cortez dans une conquête dont l'Efpagne retireroit de fi grands avantages : qu'il devoir plutôt le joindre avec toutes fes forces, pour conduire un projet aulTi noble à fa perfection : mais que s'il étoit déterminé à quelque violence contre leur Général, il pouvoir être afîliré que la garnifon de la Vera-cruz s'y oppo-feroit de tout fon pouvoir. Le Prêtre qui étoit un homme violent , fut également furpris oc irrité de ce refus inattendu : il s'emporta en invectives tk en menaces contre Fernand Cortez ôc contre tous fes partifans, qu'il traita de félons & de traîtres : tk il donna ordre au Notaire de faire fon office en publiant que tous les Efpagnols qui étoient à la Vera-cruz euffent à obéir à Narvaez fous peine de mort, sandoval Sandoval ayant effayé inutilement prêucprifon- de faire entendre à cet indifcret Ec-nicr à Méxi- cléfialf ique qu'une telle violence étoit aufîi injufle que peu convenable à une des Européens. 193 une perfonne de fon caractère, prit q () r t t enfin un air d'autorité, ôc dit au chap. xxi. Notaire, qu'il le feroit pendre fur An j ■le champ, s'il publioit des ordres qui ne pouvoient venir du Roi. Il fît enfuite arrêter le Prêtre Ôc ceux, qui l'accompagnoient pour les envoyer à Cortez, qu'il avoit d'abord informé des mefures qu'il avoit pri-■ fes : il appeîla fes alliés Indiens à fon fecours dans le cas où il feroit attaqué : mit fa fortereffe en bon ordre , & fît toutes les difpofitions néceffaires pour foutenir un fiége comme un habile ôc vigilant Gouverneur. On peut juger que Fernand Cortez ne reçut pas toutes ces nouvellles fans un grand chagrin. Il étoit agité des mouvements de la plus vive inquiétude, quand il faifoit des réflexions fur le danger de fa fituation entre les Mexicains ôc Narvaez, qui étoient également fes ennemis, Quoiqu'il fit part de fes fentiments Ôc de fes craintes à fes confidents, dont il prenoit les avis en toutes occa-fions, il conferva toujours la même apparence de tranquillité devant Montézuma. Il dit à ce Prince que Tom. IL I 194 DÉCOUVERTES CoRTEZ ces nouveaux venus étoient vérita-cnat>. „\i blement des fujets du Roi fon maî-n i tre , qui avoit envoyé une féconde AmbaiTade pour foutenir les propo-fitions que lui-même avoit déjà faites : & qu'ils avoient amené une armée fuivant l'ufage de leur pays : mais qu'il les difpoferoit à s'en retourner , & qu'il partiroit même avec eux, puifque la $énérofité de fa Majefté ne lui laiffoit plus rien à délirer, non plus qu'à ceux qui venoient d'arriver. Cfnduitde Portez ne s'en tint pas aux feules Con«!e C délibérations : il réfolut s'il étoit pof- • fible de faire une réconciliation avec Narvaez : mais dans le cas où il ne pourroit y réufîir , il fe prépara à la rupture avec fa promptitude & fa prévoyance ordinaire. Il envoya un meffage à fes amis les Tlafcalans, qu'il pria d'affembler un corps de fix mille hommes, pour une entreprife dans laquelle il pourroit avoir befoin de leur fecours. Il donna des inflruc-tions particulières à trois ou quatre foldats Efpagnols, qui avoient eu la permiffion de vifiter les mines de Chinantla, pour qu'ils perfuadaiTent aux Caciques de ce pays de lever des Européens. 195 douze mille foldats dont il pût dif- c o r t t z, pofer ; d'autant qu'il favoit que ce chap. xxi. peuple étoit guerrier, ennemi des Mexicains, 6c qu il avoit deja envoyé fecrettement faire des offres d'amitié 6c d'obéilfance aux Efpagnols. Il acheta d'eux trois cents lances d'un bois très dur , beaucoup plus longues que celles dont fes gens fe fervoient, 6c il les fit armer de pointes de cuivre bien battu au lieu de fer. Il les diftribua à fes foldats, pour leur fervir de défenfe contre la Cavalerie de Narvaez , qui lui cau-foit le plus d'inquiétude. Cependant Pierre de Solis arriva de la Vera-cruz avec les prifonniers envoyés par Gonzalez de Sandoval, qu'on avoit mis dans des lièges portés fur les épaules des Indiens. Cortez informé de leur arrivée, fortit pour les recevoir avec une fuite plus nombreufe que celle qui l'accompagnoit ordinairement. Il ordonna de leur ôter les fers, les embraffa avec cordialité: fit des politeflès particulières au li-centié Guevara, 6c lui dit qu'il pu-niroit Gonzalez de Sandoval, pour avoir eu aufli peu d'égards pour fa perfonne 6c fon caractère. Il le con- iq6 DÉCOUVERTES c o r t ]• 7. duiiit dans fon appartement, lui Çhap xx r. donna une place à fa table , & lui ré-An. i5.o. p^ta piuneurs fo'is fa joye qU'il avoit de l'arrivée de Narvaez, avec lequel il avoit vécu anciennement dans la plus étroite amitié. Il le rendit témoin de toutes les faveurs qu'il re-cevoit de Montézuma , ainfi que du profond refpect que lui marquoient les Princes Mexicains : lui fît préfent de quelques joyaux de grand prix, qui fervirent beaucoup à calmer la violence de ce Prêtre : fes compagnons reçurent aufli abondamment des marques de fa bonté, & fans leur faire paroître aucun défir d'employer leurs bons offices auprès de Narvaez pour un accomodement, il les renvoya quatre jours après, pleinement convaincus par fes raifons &c par fa libéralité, & fortement engagés dans fes intérêts. Après les avoir congédiés d'une manière aufïi affable , & avoir pris le temps fuffifant pour que fa fage & politique conduite pût produire fon effet, il envoya fon ami Barthelemi de Olmedo avec des lettres pour Narvaez, pour le licentié Luc Vaf-quez de Ayllon ôt pour le Secrétaire des Européens. 197 André de Duero , & il y joignit des Co RTfcZ, joyaux qu'il chargea Olmedo de dif- chap.xxi. tribuer fuivant ce qu'il lui feroit dicté An, ,J20. par fa prudence & fa pénétration. Dans fa lettre à Narvaez, le Gé- Cortex écrit néral commençoit par le féliciter fur à Natva fon arrivée à la côte d'Amérique, lui faifoit le récit de fa conquête , lui parloit du caractère guerrier des Indiens , ainfi que de la puilfance & de la grandeur de Montézuma. : s'é-tendoit fur les facheufes conféquen-ces qui fuivroient infailliblement la méfintelligence entre les Efpagnols r lui rappelloit fon devoir envers le Roi, & l'amitié qui avoit anciennement fubfilté entre eux : lui deman-doit communication de fes ordres , en l'alfurant que s'ils venoient de Sa Majefté , il y obéiroit à l'infiant , quand même on lui enjoindroit de remettre le commandement de fon armée, & d'abandonner l'entreprife dans laquelle il avoit eu jufqu'alors tant de fuccès : mais il ajoutoit que fi Narvaez agiffoit feulement en vertu d'une commifîion de Velafquez, il le prioit de confiderer mûrement, combien les intérêts de fon Roi & de fa patrie fouffriroient, s'il fe pré- I iij cortez, tou" à Pinjufte reffentiment du Gou-chap. xxi. verneur de Cuba, l'affiirant qu'il étoit An. u». réfolu non - feulement d'indemnifer Velafquez de la dépenfe qu'il avoit faite pour équiper la flotte ôc mettre fur pied l'armement avec lequel il étoit arrivé ; mais encore de partager avec lui la gloire ôc les avantages de fes fuccès : Enfin il faifoit entendre à Narvaez qu'il n'employoit pas des raifons manque de forces, Ôc qu'il favoit auffi bien défendre fes jufles droits, que propofer un accommodement équitable. Mauvaife Pamphile de Narvaez avoit établi hâtiez.dC- *"es quartiers dans le pays de Zem-poalla, où il avoit été très bien reçu par le gros Cacique, qui avoit d'abord penfé que cet officier venoit foutenir ôc aider fon ami Fernand Cortez. Il en fut bien-tôt détrompé à fon grand chagrin : ôc quoique Narvaez n'eût pas d'interprètes, fes actions ne fervirent que trop à le faire connoître aux Indiens. Il traita les Zempoalles de la manière la plus im-périeufe ôc la plus dure : s'empara des effets ôc des joyaux que Cortez avoit laiffés dans fa maifon , ôc fes foldats s'abandonnèrent à toutes fortes d'actes de rapine ôc d'avarice. des Européens. 199 Lorfque le licentié Guevara arriva c 0 R y h \ J de Mexico, il s'étendit fur la magni- chap. xxi. hcence de cette ville, la bonne ré-ception que Cortez lui avoit faite, le haut degré de faveur où étoit ce Général auprès de Montézuma, 6c le défir ardent qu'il marquoit de vivre en bonne intelligence avec Narvaez. Cet impérieux Officier interrompit fon difeours , en lui difant qu'il pouvoit retourner à Cortez , puifqu'il avoit été gagné par fes artifices , & il le châtia de fa préfence avec des marques de dureté 6c de mépris. Quoique le Prêtre ne réuffit pas de ce côté, lui 6c fes compagnons firent une forte impreffion par leurs difeours fur les efprits des foldats, auxquels ils firent les plus grands éloges du caractère de Cortez, ce qui, non-feulement les difpofa à un accommodement avec ce Général : mais encore les jetta dans des doutes, 6c leur infpira de violents préjugés contre leur propre Commandant. Guevara fut bien-tôt fuivi du Pere Dépuration Barthélemi de Olmedo , qui remit fes Narvaez. ° * lettres de créance à Narvaez, 6c eut beaucoup de peine à lui perfuader Iiv c a k 11. z \ a'en nrc ^ contenu : Enfin il les par-chap. xm. courut d'un coup d'ceil, fans mar-An. ijac. cïlier aucun égard pour la perfonne ni pour le caractère de celui qui les apportoit. Ce fiit en vain que ce Religieux lui fît une remontrance aufli éloquente que pathétique, pour lui repréfenter la néceffité d'agir de concert à l'avantage de leur patrie, dont il trahiroit les intérêts par ces marques d'animofité, Narvaez lui répondit avec une chaleur & une précipi-ration indécente, que fon principal objet étoit de châtier Cortez comme un fujet rebelle : qu'il mettroit incef-famment fa tête à prix , & feroit proclamer traîtres tous fes adhérents : qu'il avoit des forces fuffifantes pour arracher fes conquêtes de fes mains, fans avoir befoin de confulter ceux qui étoient les complices ÔC les fauteurs de fa rébellion. Olmedo, con-fervant toujours la même tranquillité, l'exhorta à bien refléchir fur la démarche qu'il vouloir faire : lui dit qu'avant d'arriver à Mexico, il feroit obligé de s'ouvrir un chemin par un grand nombre de provinces, habitées d'Indiens guerriers, qui étoient les amis, & les confédérés de Cortez: il des Européens. 201 ajouta que les Efpagnols attachés à £"7r" lui étoient réfolus de mourir àfescô- chap. tés, & que fa caufe feroit foutenue par Montézuma, Prince il puiiTant, que pour chaque foldat de Narvaez, il étoit en état de lever une nom-breufe armée. Le Père Barthélemi ayant pris congé , avec promeiîè de revenir pour une réponfe finale, travailla à remplir l'autre partie de fa commif-fion. Il fît une viiite au ticentié Luc Vafquez , & au Secrétaire André de Duero , qui approuvèrent ce qui avoit été propofé à Narvaez, & promirent d'employer tout leur pouvoir & leur crédit pour parvenir à un ac-comodement. Le Père vit enfuite les Capitaines & les foldats qu'il con-noiifoit, leur dit l'objet de fon Ambaffade, leur repréfenta la nécefîité de rétablir la paix entre les deux Commandants, & leur diflribua les joyaux , ainfi que les autres curiofi-tés avec le plus grand difeernement. Il auroit eu bien-tôt formé un parti confidérable en faveur de Cortez, fi fa négociation n'avoït été interrompue par Pamphile de Narvaez, qui informé de fa conduke, le aaie- i V c o r t * 7., ner en *a préfence, le traita de mu-Cbap.xxj. tin & de traître féditieux, l'inli. ta An. 1520. de 'a maniere la plus injurieufe, & réfolut de s'alfurer de fa perfonne fans perdre de temps. Cependant par la médiation d'André de Duero, il changea de deflèin, & ordonna au Religieux de partir immédiatement de Zempoalla. Karvaerdé- Le licentié Luc Vafquez, informé kïcISZ de ce <îlu ^e Pafloit » ^e prélenta fort à propos, & dit qu'il croyoit convenable que les Officiers s'alfemblaf-fent, pour délibérer fur la réponfe qu'on devoit faire à Cortez , qui pa-roilToit fi bien difpofé à la paix. Narvaez rejetta cette propofition , en marquant autant d'impatience que d'indignation ; & pour prévenir une plus longue altercation, il ordonna que dans l'inltant on déclarât la guerre à Cortez , comme a un rebelle & un traître au Roi ; qu'on promit une récompenfe confidérable à toute perfonne qui le prendroit mort ou vif, & il donna ordre à l'armée de fe préparer pour fe mettre immédiatement en marche. Le licentié irrité de cette violence, & de cette irrégularité, défendit au des Européens. 103 Hérault d'obéir, & de fa propre au-torité défendit aufli à Narvaez de fai- chaP re un pas hors de Zempoalla fous pei- An* ne de mort, ainfi que d'employer fes forces, fans le confentement unanime de toute l'armée. Pamphile devenu furieux par ce coup hardi, fit arrêter le licentié de la façon la plus îgnominieufe , & le fit mettre fur un vaifTeau pour être tranfporté à Cuba fans délai. Barthélemi de Oimedo retourna à Mexico , fans avoir eu de réponfe favorable : mais les principaux Officiers de l'armée de Narvaez furent très fcandalifés de la fureur & de l'infolence de leur Commandant» Les fimples foldats commencèrent auïTi à marquer leur mécontentement, & à murmurer hautement contre fa conduite, mais à mefure que leur haine & leur mépris éclatoit contre leur Général, leur eftime s'augmen-toit dans la même proportion en faveur de Cortez, dont ils élevoient également le caractère & les fuccès. Outre ces caufes générales de mécontentement, ils en avoient encore de particulières fondées fur l'avarice de Narvaez , qui avoit gardé pour lui feul quelques préfents de 104 DÉCOUVERTES c o n t i- ?. Montézuma, lequel avoit voulu don-Ch«p; x ,11 ner des nouvelles marques de fon Aa, i52o attenri°n pour le Roi d'Efpagne par fes libérantes envers fes Officiers. CHAPITRE XXII. Les gens envoyés par Velafiquez^fe préviennent en faveur de Cortez^ : Le Général efi frappé a"un difeours de Montézuma , & reçoit cependant de nouvelles preuves de la droiture de ce Prince : Cortc^ marche contre les troupes de Felafque{ : Il cflprès de tomber dans une embufeade qu'il évite : Il fe prépare a attaquer fort ennemi , qui efi mis en grand défordre par une violente tempête. Comx fe /^Ortez fut bientôt convaincu que tlio a la ren- V-/ tes craintes n croient pas fans KaTv'e de fondement » Par k r^cit que lui fit, le Pere Barthctemi des violences & de la haine implacable de Narvaez. D'un autre côté, il fut raffermi, lorfqu'il apprit les dif pofitions des foldats non- ' vertement arrivés, 6V il réfolut de tirer avantage fans perdre de temps decettë - des Européens. ioj circonftance favorable. Après avoir cortez, communiqué fes fentiments à fes Of-Chap. xxu. fîciers, tk avoir pefé mûrement les in- An> Jj20< convenients qui pourroient arriver de l'un tk de l'autre côté , il fe détermina avec l'approbation de fes amis àfe mettre en campagne, à joindre à fes troupes celles de fes alliés les Tlafcalans tk les Chinantlas: à marcher du côté de Zempoalla, tk à s'arrêter dans quelque ville confédérée, où il pût être à portée de traiter de la paix, tk de profiter du mécontentement des foldats venus avec Narvaez. Aufïi-tôt que les Efpagnols de Mexico eurent appris la réfolution de leur Général, ils lui marquèrent le plus grand zele tk la plus vive impatience d'entrer en campagne. Malgré l'inégalité du nombre , ils avoient tant de confiance en fa valeur, fon habileté tk fa prudence,, qu'il croyoient prefqu'impofîible de faire quelque faute fous fes ordres. Cortez ne voulant pas laiffer réfroi- ; Réflexions dir leur ardeur par aes délais inutiles, ma fut leur* fe rendit à l'appartement de Monté- *v,f"»* zuma, pour lui faire part du dellèin qu'il avoit de fe mettre en marche, mais il fut très furpris quand ce Prince, le prdviiit'y en loienfant : qu'il avoit 206 DÉCOUVERTES c o h i h z été informé de plufieurs côtés que le Chap. xx a Général Efpagnol actuellement à Zem-An. 1520. poalla venoit avec de finilfres delfeins contre lui, tk contre ceux qui le fui-voient : qu'il n'étoit pas furprisde voir deux chefs ennemis l'un de l'autre pour quelque caufe particulière, mais qu'étant tous les deux fujets d'un même Prince, tk à la tête de deux factions-contraires , il ne pouvoit s'empêcher de croire qu'il y en avoit néceffaire-ment un de rebelle à fon Souverain. Réponfe de Cortez quoique très frappé de ce Conci. difeours, rappella aufîi-tôt cette admirable préfence d'efprit qui ne l'abandonna jamais dans les plus grandes difficultés, tk il répondit fans marquer aucun trouble : que ce qu'on avoit rapporté à Sa Majefté étoit exactement vrai, tk qu'il venoit lui dire les mêmes nouvelles, dont il avoit reçu la confirmation par le retour de Olmedo : que cependant Narvaez ne devoit pas être regardé comme un Sujet rebelle à fon Roi, mais comme un homme qui agiffoit par erreur fur de faux principes : qu'il étoit venu en qualité de Lieutenant, ou de Subffitut d'un Gouverneur mal informé, lequel réiidoit dans une Province éloignée ; des Européens. 107 n'étoit point inftruit des dernières c o r t eIT, réfolutions de la Cour d'Efpagne , tk chap. xxu. croyoit réellement qu'une ambaffade An. IJ10, auprès de FEmpereur du Mexique appartenoit de droit à fa place : mais que tout ce mal-entendu fe diiîiperoit aufîi-tôt que lui Cortez communique-roit au Lieutenant les dépêches en vertu def quelles il avoit un plein pouvoir tk une jurifdiction abfolue fur tous les Efpagnols qui aborderoient à la côte des Indes : qu'il avoit donc réfolu de marcher fans perdre de temps à Zempoalla , avec une partie de fes troupes, pour difpofer ces nouveaux venus à rentrer dans leurs vaiffeaux , tk qu'ils fauroient bientôt le refpect qu'ils dévoient avoir pour les Sujets de l'Empire du Mexique, puif-qu'ils étoient fous la protection du Roi d'Efpagne. L'Empereur fut très fatisfait de l'ef- " rçfi'fr ■** ' «a. 1 • a 1 /i- /1 armée quel il perance detre bientôt délivre des 0ffe Momé-troupes de Narvaez : il avoit apprisluma-fes exactions , & qu'il tenoit dans l'oppreflion les Sujets de l'Empire du Mexique : mais il regarda le deffein de Cortez comme une entreprife téméraire , dans laquelle il ne lui feroit pas pofïible de réufur avec des forces aufli 208 DÉCOUVERTES c o r t h 7., difproportionnées. U offrit de lui four-Chap. xxn. nir une armée, qui lui feroit entiere-^ j jo ment foumife, ÔC qui obéiroit à fes ordres. Il infiff a fur cette offre avec tant de marques d'une véritable affection, que Cortez fût pleinement convaincu de fa fincérité : mais il la refufa avec les termes de la plus vive reconnoif-fance, parce qu'il n'avoit pas grande confiance en l'attachement des foldats Mexicains. Le Général réfolut de laiffer à Mexico quatre-vingt Efpagnols fous les ordres de Pedro de Alvarado , excellent Officier, gentil-homme très fenfé, Ôc parfait courtifan, qui par fon caractère engageant, ôc fes manières in-fumantes , avoit beaucoup de part à la faveur ôc à l'amitié de Montézuma. Les inflructions que Cortez lui laiffa portoient de fe conduire avec l'Empereur Indien de façon à ne lui pas laiffer avoir de longues conférences avec fes Sujets, fans qu'il y eût cependant aucune affectation de contrainte. Les foldats eurent ordre d'obéir à leur Capitaine, de fervir Montézuma avec le plus grand ref-pect, ôc on les exhorta à employer tous leurs foins ôc toutes leurs atten- des Européens. 209 rions pour entretenir une correfpon- c 0 R T t z dance d'amitié avec les Officiers de chap. xxu. Sa Maifon tk de fa Cour : à l'égard du 1 r m r 1 • m An. 1520» treior, il tut laine a la charge d Alva-rado , dont la fidélité étoit connue. Après avoir pris ces précautions , 11 fort dff /-. \ ^> Mexico arec Cortez envoya un couner a Gonza- „nr paHic de lez de Sandoval, pour lui donner or- fes »oup«« dre de laiffer la ForterelTe de la Vera-cruz à la garde des Indiens confédérés , & de fe mettre en marche avec fes Efpagnols pour joindre le Général au rendez-vous qui lui fut indiqué. Cortez donna enfuite fes ordres pour les provifions néceffaires en route, fe pourvut d'un corps d'Indiens pour porter le bagage, tk commanda à fes gens d'être prêts à marcher le lendemain matin. Après avoir fait tous ces préparatifs il prit congé de Montézuma , tk recommanda à fa protection Pedro de Alvarado tk les Efpagnols qu'il laiffoit à Mexico. Ce prince l'engagea encore d'éviter d'en venir aune rupture ouverte avec Narvaez, jufqu'à l'arrivée du fecours des Mexicains, qu'il ne manqueroir pas de lui envoyer en tel nombre qu'il le défireroit. Il lui donna fa parole d'honneur de ne pas abandonner Alvarado & de ne pas no Découvertes cortez, changer de demeure en fon abfence, Chap. xxu! Se il l'accompagna allés loin hors de An i a» ^a v^e avec tous *es C0lirt^ans- Les Efpagnols marchèrent avec autant d'ardeur que de circonfpection, comme de vieux foldats accoutumés à la fatigue & aux ltratagemes ^e la guerre. Ils fuivirent la route de Cholula , où ils furent reçus avec la plus grande hofpitalité : enfuite ils marchèrent à Tlafcala ; & quand ils furent arrivés à une demi-lieue de cette ville, ils y trouvèrent un gros corps de la Nobleffe & du Sénat. Leur entrée fut célébrée par des démonifrations de joie & de relpect, proportionnées à la gloire qu'ils avoient acquife fur les anciens ennemis de la République; cependant les Tlafcalans s'exculèrent de fournir les troupes auxiliaires que Cortez leur avoit demandées : mais les Hilforiens ne nous apprennent pas quel en Hit le prétexte. Il paroît qu'il fut fatisfait de leurs raifons puifqu'il fortit de leur ville fans aucune plainte & fans marquer aucun mécontentement; & que de plus il eut recours par la fuite à leur affiftance, & à leur attachement, dont ils lui donnèrent toujours des preuves dans les occafions les plus des Européens. 211 critiques. Après être demeuré peu de £"£7 temps à Tlafcala, il marcha à Matale- chap. quita, ville habirée par des Indiens ABt amis des Efpagnols, ck éloignée d'environ douze lieues de Zempoalla. Il y fut joint par Gonzalez de Sandoval, & par fept foldats de l'armée de Narvaez, qui lui apprirent tout ce qui avoit été fait dans les quartiers des ennemis, avant qu'ils en eullent dé-ferté. Il en eut encore des nouvelles plus fraîches par deux foldats qui étoient allés de la Vera - cruz à Zempoalla, déguifés en Indiens , & chargés de corbeilles de fruits , qu'ils avoient échangés avec les Efpagnols pour des grains de verre, & pour d'autres bagatelles. Ils avoient arfeclé toute la fimplicité des naturels du pays avec tant d'adreffe, qu'on les avoit lailfé fe promener dans toutes les parties des quartiers, où ils avoient fait leurs obfervations {ans qu'on eût marqué aucun foupçon. Us eurent même la hardielfe d'y retourner une féconde fois, & pour faire voir le peu de foin que Narvaez apportoit à faire monter la garde, ils emmenèrent de la place d'armes un cheval, qui appartenoit au Capitaine Salvatierra, l'un des en- c o r i t z, nemis les plus envenimes de Cortez. Chap. XXU. Pour gagner du temps jufqu'à l'ar-An. 1520. rivée des Indiens deChinanda,Cortez envoya une féconde fois le Père Bar-thélemi propofer un accommode-Cortra dé-ment. Comme il fit peu de progrès; Pute un pa-ie Général députa enfuite Jean Velaf- tentdeveJal , T 1 . quez. quez de Léon pour employer fon crédit auprès de Narvaez , dans l'efpé-rance que la médiation d'un parent de Diego de Velafquez feroit plus agréable que toute autre. Pamphile avoit écrit à cet Officier, pour l'engager à embrafîer la caufe de fon coulin, ÔC lui avoit promis une place très avan-tageufe dans fon armée. Velafquez remit la lettre à Cortez, 6c lui répéta fes protelf ations de mourir à fes côtés plutôt que d'abandonner fes Drapeaux; manière noble de procéder, qui gagna la confiance du Général, ôc fut un nouveau motif pour le charger de la négociation. Lorfqu'il approcha de Zempoalla , Narvaez fortit avec une fuite nom-breufe pour le recevoir, fur la fuppo-fition qu'il venoit combattre dans l'armée de Diego de Velafquez, ôc il fut très chagrin d'apprendre qu'il s'étoit trompé dans fon attente. Cependaat des Européens. 213 il employa toutes les raifom que fon CollTl! z' efprit lui pûtfuggérer pour le détacher ^^p* xxli-de Cortez, & il fit paffer toute fon An> IJ10< armée en revue devant lui, pour le rendre témoin de la fupériorité de fes forces. Le lendemain , il l'invita à dîner avec les Officiers en qui il avoit le plus de confiance, afin qu'ils fe joigniffent à lui pour perfuader à Velafquez de fuivre leur fortune. Au commencement de la converfation il fut traité avec beaucoup de politeffe & de compliments : mais au milieu du repas on s'échappa en quelques railleries amères contre Cortez : fon ami difîimula d'abord fon reffentiment, crainte qu'il ne nuifit à l'affaire dont il étoit chargé : mais à la fin ils fe ièr-virent de termes fi indécents qu'il ne put retenir fon indignation. Il dit à haute voix avec chaleur, que fi quelques perfonnes de la compagnie n'elfi-moient pas Fernand Cortez, & tous ceux qui le fui voient, comme de bons & fidèles fujets du Roi d'Efpagne, ils euflènt à lui déclarer leurs fentiments devant un petit nombre de témoins, & qu'il les détromperoit de la manière qu'il leur plairoit de choifir pour être convaincus. Cette déclaration dé- 214 DÉCOUVERTES Coûtez concerta Narvaez : mais un jeune Offî-ckap. xxu. cier du nom & de la famille de Velaf-An. 1520. miez y répondit en difant que quiconque entreprenoit de foutenir un traître n'étoit pas digne de porter leur nom. Jean Velafquez enflammé par ce reproche lui donna un démenti, & mit l'épée à la main pour châtier l'infolence du jeune Officier : mais toute la compagnie fe jetta entre deux, & ce ne fut qu'avec beaucoup de peine qu'on réuffit à les retenir. Enfin Velafquez remitl'épée dans le foureau, & retourna aufîi-tôt vers Cortez, ne refpirant que la vengeance. Députation Ce brufque départ, & la raifon qui le Narvaez. y avoit donné lieu, occafionnerent tant de mécontentements & de murmures entre les Officiers & les foldats, que Narvaez voulant appaifer leurs clameurs fut oRligé d'envoyer à Cortez un député, pour faire des excufes de ce qui étoit arrivé à Jean de Velafquez , ck pour être inlfruit de la fublfance de fa commifïïon, qu'il n'avoit pas eu le temps d'expofer en entier. Il choifit pour cette députation le Secrétaire André de Duero , qui trouva Cortez en marche pour gagner un polfe avantageux plus près de l'en- dés Européens. 215 nemi, dans la réfolution d'y arten- loRT1.z; dre les troupes de Chinantla, & d'être chuP- XXj* à portée d'agir ïiiivant les occaiions , An< IJÎO, regardant alors toute efpérance d'accommodement comme évanouie. ' Duero & Cortez s'embralTerent comme deux amis intimes, qui fe re-voyent après une longue féparation, Se tous les Officiers reçurent le Secrétaire avec des démonftrarions de joie & de refpe£t. Avant de parler d'aucune affaire, Cortez lui fit préfent de quelques joyaux de prix : il fut régalé avec autant de magnificence que de cordialité , & il refta jufqu'au lendemain , à s'entretenir des moyens de prévenir une rupture qni feroit préjudiciable aux intérêts de l'Efpagne. Cortez fit paroître autant de prudence que de modération , Se même il offrit d'abandonner la conquête du Mexique à fon compétiteur pendant que lui Se fes gens s'engageroient dans quelqu'autre expédition. Duero, frappé de fa modefiie Se de l'abandon qu'il faifoit de fes propres intérêts, lui propofa d'avoir une entrevue avec Narvaez, ne doutant pas que toute leur animofité ne s'évanouît dans une conférence. Cortez ne fit aucune diffi- Il6 DÉCOUVERTES Cort£z cultédeconfentirà cette propofirion, chap. xxii. & le Secrétaire retourna à Zempoalla, An. 1520. ou ^ obtint également le confente-ment de Narvaez. On convint du temps ôc du lieu, ôc les deux parties l'acceptèrent par un écrit ligné de leurs mains, avec la condition de s'y rendre accompagnés feidement de dix amis , pour être témoins de la conférence. Avant le jour convenu , Cortez reçut un avis particulier de Duero, par lequel il fut informé que Narvaez avoit réfolu de drelfer une embufeade pour lui ôter la vie. Ce delfein lui fut confirmé par quelques autres de ceux qui étoient portes pour lui, ÔC il écrivit à Narvaez, qu'il étoit informé de fon projet perfide ; qu'il renonçoit à tout accommodement, ôc qu'il remettoit fa fatisfa&ion & fa vengeance au tranchant de fon épée. Apres avoir ainfi marqué fon indignation , Cortez continua fa marche , ôc prit polfe à une lieue de Zempoalla, fon front étant défendu par la rivière des canots, ôc fon ar-riere-garde foutenue par fon voifina-ge de la Vera-cruz. Il plaça quelques ièntinelles de l'autre côté de la rivière; envoya des Européens. 217 envoya des coureurs pour reconnoî- qqrtez tre le pays, & mit fes troupes dans chaP. xxii. des cabanes , où elles étoient à couvert contre l'ardeur du foleil, après n* Uî3" quoi il leur permit de prendre du repos , jufqu'à ce qu'il fut mieux inf-truit des mouvements des ennemis. Aufïï-tôt que Narvaez fut informé , n »« ï* de cette difpofition, il mit fon armée JezYrrixJ"" en campagne ; fit proclamer la guer*-re à la tête des troupes ; fît publier qu'on donneroit une récompenfe de deux mille pièces de huit à quiconque apporteroit la tête de Cortez ; & mit auifi à prix celles de Gonzalez de Sandoval & de Juan Velafquez de Léon. Enfuite il s'avança d'un quart de lieue dans un terrein découvert , où il attendit Cortez, s'i-maginant follement que ce Général expérimenté renonceroit aux avantages de fa lituation , pour combattre un ennemi dont le nombre des hom-r mes étoit triple de celui des liens. Vers la fin du jour , le temps devint tout-à-coup obfcur & chargé de nuages , & il tomba enfuite une li pro-digieufe quantité de pluye, que les foldats en un inffant furent trempés jufqu'à la peau. Leurs armes ne leur Tom. //, K • Cortez mrenr P^IIS d'aucun ufage, ne pou-Chap. xxi'.vant prefque fetenir fur leurs piedsy après avoir commencé par donner An. ij20. r ; i mille malédictions, a l auteur de cette expédition, ils demandèrent à grands cris qu'on les ramenât dans leurs quartiers. Narvaez fut obligé d'y con-fentir, ôc ne penfant pas que Cortez voulût palier la rivière dans l'obfcu-rité de la nuit, il fe retira à Zempoalla avec autant de confiuion que de défordre. Cependant ayant delfein de fe remettre en campagne le lendemain de grand matin, il ne voulut pas que fes troupes fe féparaflènt, mais il les logea dans le principal temple de la ville, qui étoit bâti fur une cminence, où il y avoit trois tours avec de mauvais dégrés qui en rendoient l'accès très difficile. II plaça fon artillerie au fommet ; établit fon quartier général dans la tour du milieu , où il fe retira avec quelques Officiers, ôc environ cent foldats auxquels il avoit le plus de confiance ; diffribua le relie de fon armée dans les autres tours ; envoya quelques cavaliers faire la patrouille aux environs de la ville ; plaça des fentinelles aux avenues, ôc en-fuite s'abandonna au fommeil fans aucune inquiétude. des Européens. 2*9 André de Duero envoya aulTi-tôt çORTEZ un homme de confiance avenir Cor- chap. xxn. tez de leur retraite, & de la façon ^ dont ils étoient difpofés ; ce qu'il ne n* 5W' fit pas dans le deflein de l'engager à quelque entreprife, mais uniquement pour qu'il put parler une nuit tranquille , fans crainte d'être attaqué dans fes quartiers. AulTi-tôt que Cortez eût reçu ces Cortc* r« nouvelles, il réfolut de profiter du™' «g moment favorable. Il forma d'abord reprendre . ■ c. > j pendant ua. fon plan , qui lut approuve de rous £ragc> fes officiers auxquels il le communiqua ; Ôc, allembla fes troupes fans perdre un inftant, malgré la continuation de l'orage. Quand ils eurent palïé la rivière , où ils avoient de l'eau jufqu'à la moitié du corps, il leur fit une courte harangue : les in-itruifit du défordre des ennemis : leur apprit de quelle façon ils étoient établis dans le temple ; parla de leur manque de difcipline & de leur fé- . curité : enfin prouva la facilité qu'il y avoit à les attaquer, & à les mettre en déroute dans les ténèbres, avant qu'ils eulfent le temps de fe rejoindre , & de fe former pour leur défenfe. Il joignit à ce difeours plu> Cortez neurs motuCs de vengeance, tirés de Chap. xxn. l'infolence & de la perfidie de Narvaez, tk fit fi bien valoir la juftice An. u». je fa pr0pre caufe, que les foldnts animés par le relTentiment, lui crièrent de les mener fans perdre de temps aux ennemis-,.& quelques-uns protégèrent ouvertement que fi jamais il entroit en quelque accomo-dement avec Narvaez, ils fe fouffrai-roient auffi-tôt à fon obéiffance. Affuré de leur ardeur tk de leur attachement, le Général les forma en trois petits battaillons : donna le commandement du premier à Gonzalez de Sandoval, celui du fécond à Chriltophe de Olid, tk Ce mit lui-même à la tête du troifieme. Gonzalez eut ordre de commencer l'attaque en montant les dégrés pour s'emparer de l'artillerie, tk de couper la communication avec les deux tours latérales. Chriftophe fut chargé de donner l'alfaut à la tour ou étoit logé Narvaez, & Cortez avec fon bataillon fe referva pour foutenir tk féconder les deux attaques félon ce que les circonlfances demanderoient. il ordonna aulîi que dès le commencement de l'acfion on battit les tant- ds-s Européens. 221 bours & l'on fonnât les trompettes, Cortez ainii que les autres inffruments mili- chap. wiu taires, pour augmenter la terreur & An l la confufion des ennemis. Le Père Barthélemi après une pieufe exhortation donna la bénédiction aux trou- . pes de Cortez : le mot fi.it El Spirito Sanclo : on leur recommanda le plus profond filen.ce, &-le'Général fe mit en marche au petit pas, pour que fes gens ne fuffent pasifatigués avant Taèhon , & afin qu'à leur arrivée ils trouvaffent les ennemis dans une parfaite fecurité Ôc dans un profond repos. 4 ***** & Kiij Cortez, An. J5lo. CHAPITRE XXIII. Corter^ marche aux ennemis, qui font éveillés à fon approche: H leschaffe d'un de leurs plus forts quartiers : Narvaez perd un œil dans le combat : Jl efi fait prifonnier , & fon armée cjl totalement mife en déroute , ce qui donne un renfort conjîdérable à Cortez i & mct tncort P^us en etat de pourfuivre fes conquêtes. Narval /^Ortez n'avoit pas fait plus ■^pricd'avis y^, tfun? demi-lieue quand fes cou- qu'on lui . /* "• Tt donne de reurs revinrent avec une ientmelle rapproche je NanTiC2; qU'iis avoient furpris , «le Cortex. . 1 ,, . 1 r » mais dont le compagnon s etoit lau-vé dans les builTons. Les Officiers firent une comte confultation entre eux au fujet de cet accident, & ils penferent unanimement, que filefol-dat les avoit découverts, il ne feroit pas affez téméraire pour retourner par le droit chemin : mais qu'il prendrait un long détour pour éviter le danger. Ils jugèrent aufîi que s'ils ha-toient leur marche ils arriveraient des Européens. 213 probablement aulîî-tôt que lui à £ORTEZ " ^Zempoalla , où s'ils ne trouvoientcuap.xxiu. pas leurs .ennemis endormis, ils au- . roient au moins lavantage de les attaquer dans le défordre où font des gens qu'on réveille. Ils prefîerent le pas en conféquence , & laiiTércnt leurs chevaux, leur bagage ÔC tout ce qui pouvoit les embaralfer près •d'un petit ruilfeau qtii bordoit le grand chemin : mais malgré toute la diligence qu'ils purent faire, la fen-tinelle animée par la frayeur, arriva -quelques minutes avant eux, ôc donna l'allarme en criant « les ennemis font fur nous. » On mena aulfi-tôt ce foldat à Narvaez , qui méprifa cette nouvelle, croyant impolfihle que Cortez eût l'audace de Tattacmer avec aulîi peu des troupes, Ôc même de fe mettre en marche dans une nuit fi orageufe. Cependant Cortez arriva à Zempoalla un peu après minuit , fans avoir été découvert par la Cavalerie des ennemis, qui avoit perdu fa route dans les ténèbres, ou qui l'avoit quittée pour chercher quelque abri contre le mauvais temps. Il entra dans la ville , ôc vint même à la vue K iv 12,4 DÉCOUVERTES Cortez "ll temP^e ^ans trouver un feul corps*-Chap.xxuî. de-garde, 6c fans être arrêté par aucune fenrinelle, clans le temps où le An. 15-0. ^0ijat foutenoit à Narvaez qu'il avoir vu l'avant-garde de Cortez 6c toute fon armée qui avançoit en toute diligence. Cet imprudent Officier re-fufoit toujours de le croire ; cependant fes foldats qui avoient pris les armes fe promenoient en avant & en arrière dans le portique, préparés en grande partie à tout ce qui pouvoit arriver ; en attendant qu'ils fuffent inftruits de la vérité. Correiatts- Coriez reconnut bien-tôt qu'il nex*!*1 4U"~ étoit découvert : mais comme il n'a-voit pas de temps à perdre, il donna le lignai pour l'attaque : Gonzalez de Sandoval commença à monter les degrez, 6c les artilleurs qui étoient fur leur gardes, tirèrent trois ou quatre coups, ce qui confirma le rapport du foldat. Le bruit du canon fut aufri-tôt fuivi de celui des tambours , des trompettes, 6c du cri confus des gens de Narvaez, qui cou-roient à la défenfe des degrez. L'action commença avec la plus grande vivacité, 6c l'on en fut bien-tôt à combattre avec la pointe de la pique de s Européens. 225 &.ie tranchant des épées. Gonzalez çORXEZ > de Sandoval fe trouvoit très preffé chap.xxin. en voulant forcer le palïage contre An> i4e défavantage dirterrein & la fupé-riorité du-norribre : mais Chriftophe de Olid accourut à fon fecours, & Fernand Cortez quittant l'arriere--garde,-fe jetta Tépée à la main où le combat étoit le plus animé , avec tant de réfolution & d'impétuofité ■ que rien ne pût tenir devant lui. Les ^ennemis après quelques moments de ■réfiilance., commencèrent A -perdre du terrein, & ils fe retirèrent bientôt en grand défordre, abandonnant -le portique & l'artillerie. Plufieurs • s'enfuirent dans leurs quartiers, ô£ d'autres gagnèrent la porte de la principale tour, où le combat fe Tenon vella, & continua quelque temps .avec la plus grande opiniâtreté. Pamphile de Narvaez «'étant cou- ^rvaeaéfi: , 1 r r fait rnli vert de ion armure, -fit tous les et- nieI. rfbrts pour ralier fes troupes, & fe porta avec beaucoup de courage au milieu de la hataille : -mais ayant reçu un coup de pique dans l'oeil,;il nomba à terre en s'écriant *« je fuis mort.» Xet accident acheva. <îe mesure Sfes i foldats*en ^éiordrer: %s*ias An. 1520. 226 Découvertes Cortfz t'abandonnèrent honteufement, d'au* Çiv»p. xxin, trps demeurèrent immobiles comme des hommes frappes du tonnere ; ôc quelques - uns qui continuèrent à combattre le rirent avec tant de dé-fordre & de découragement, qu'ils furent aifément mis en déroute, ôc l'on fit leur Général prifonnier. Le combat fut alors terminé faute de trouver de la réfilfance; ceux des ennemis qui s'étoient renfermés dans les tours y demeurèrent dans la plus grande conlfernation, ÔC les foldats de Cortez célébrèrent leur vicloire par de grandes acclamations , qui augmentèrent encore la frayeur des vaincus. Ils furent frappés d'une nouvelle terreur , à la vue d'une infinité de lumières qu'on remarqua dans la campagne : ôc qui n'étoient autre choie que des vers luifants : mais la peur leur fît croire que c'éroient des arquebufiers qui marchoient mèche allumée : Ils crurent qu'un corps de troupes auxiliaires venoit au fecours de Cortez, ôc leur jugement parut entièrement étouffé par les transports que leur caufa la frayeur. ilVwllz .Conez 9 aPrés avoir fait ceifer les potent les cris de fes gens , donna ordre de atmes. des Européens. iasf tourner l'artillerie contre les tours , CoRTF~ & fit proclamer un pardon gêné-chap. xxm. rai pour tous ceux qui voudraient An# IJ2e# fe rendre , offrant des conditions avantageufes à ceux qui s'engageraient à fon fervice., & la liberté avec le paffage libre pour ceux qui voudraient retourner à l'Ifle de Cuba. Cette démarche prudente qu'il fit dans le plus fort de leur épouvante , & avant qu'ils eulTent pu recon-noître la foibleiTe de les troupes, ou convenir d'aucun plan pour leur dé-fenfe, eut tout le fuccès qu'il pouvoit défirer. Aufîi-tôt qifon eut fait cette proclamation aux trois tours* les Officiers & les foldats vinrent fe rendre par compagnies, & ils mirent leurs armes aux pieds de Cortez. Il les reçut avec cette affabilité qui iaifoit le fonds de fon caraftere„ >mais il prit foin de les tenir féparésj, vOC de les faire bien garder jufqu'àvce que le jour lui eût fait connoîtrela contenance & les difpofitions qui-étoient ses Européens. lâfy l'un tk l'autre ennemis déclarés de c 0 R T E ^ Cortez. La victoire fiit alors corn- chap.xxui. plette pour le Général, qui ne per- M dit que quatre hommes, au lieu que du côté de Tes ennemis il y eut de tués fur la place un Capitaine, un Enfeigne, tk quinze foldats , outre les bleffés, dont le nombre fiit con-iidérable. Narvaez tk Salvatierra furent en- n^",Jrrt7" voyés fous bonne garde à la Vera-pour cortex, cruz , tk le jeune Diego demeura prifonnier de Jean Velafquez, qui le traita avec la plus grande humanité, malgré la querelle qu'ils avoient eue. Au point du jour les deux-mille hommes de Chinantla parurent, tk quoi qu'ils vinlïent un peu trop tard Cortez fut content de leur arrivée, pour faire voir à fes prifonniers qu'il ne manquoit pas d'amis. Les vaincus rougiffoient de*honte , en voyant le petit nombre d'hommes qui les ' avoient défaits, .tk ils ne celToienr •de maudire la négligence tk l'info-lencede Narvaez, en même temps ^qu'ils admiroient la valeur tk le caractère de leur vainqueur, dont ils bruloient de fuivre les drapeaux; Cordiez avoit entre - eux, plufiettis amis^ 230 DÉCOUVERTÏS ~ qui fondèrent les Sentiments de leurs î' camarades , tk commenceront par leur donner l'exemple, en prenant parti dans fon armée. Cet exemple fut ri erficace que tous les prifonniers .demandèrent à grands cris d'y être enrollés, & il n'y en eut pas un feul qui marquât le moindre déiir de retourner à Cuba. Cortez les reçut avec fa générofité ordinaire ; ordonna de leur rendre leurs armes, &c cette condescendance qui d'abord paroif-foit téméraire, lui gagna tellement leurs cœurs., qu'ils devinrent fermement attachés à fes intérêts. C'ell ainfi que dans l'efpace de quelques heures, Cortez par fa conduite admirable, fa valeur, tk fa vigilance fe trouva à la tête de plus de mille Efpagnols, les feuls ennemis qui pulfent le troubler; il fe vit en'fureté dans fes poffeflions, avec aine flotte de onze vaiffeaux & de fept brigantins à fa difpofition : rendit totalement infructueux le dernier -effort de Diego de Velafquez, & augmenta il bien fes propres forces, :fbn premier projet avec de nouvelles &: .de .plus fures efpérances.de rtéu&t. lfe de pourfuivre tje s Européens. 131 La Cavalerie de Narvaez, au lieu Portez. de livrer combat, le retira dans la ch.xxm. campagne : elle y fut jointe par les patrouilles , & fe trouvant au nom- I*2*-bre de quarante hommes ils réfolu-rent d'abord de fe tenir fur la défen-five : mais ils furent bien-tôt ramenés à la raifbn tk s'enrollérent avec Cortez, fuivant l'exemple de leurs camarades. On prit foin des malades -6c des bleffés, tk le Général donna ordre à François de Lugo de faire apporter à la Vera-cruz les voiles, les cordages & les agrès de tous les vaiffeaux. Les pilotes & les mariniers qui étoient venus avec Narvaez furent amenés à Zempoalla, tk Cortez mit un nombre Suffi fant de fes gens fur les vaiffeaux pour en prendre foin, fous les ordres de :Pedro ^Cavallero. .a^a Découvertes «Cortez, ^ mm -Ch. XXIV. ^^^r^^^^-T—-—^—1 An.iîio. CHAPITRE XXIV. Les Caciques voijïns donnent de nou* -vclles affurances a"amitié à Cortez^ : // prend la réjblution de partager fes forces , crainte que leur nombre ne cauft quelque ombrage à Monté-zuma: Ilmarcheà Mexico , & change de réfolution à caufe d'un foule-vement qui arrive dans cette ville contre (on Lieutenant : Il trouve U peuple dans un grand mouvement; Ses troupes font vivement attaquées.^ &Ton rejette toutes fes offres de paix. Cortet fe /^Ortez renvoya les Chinantlas ^"urn^Mé" 'après leur avoir marqué fa re-lico. xonnoiiTance , & relia dans les quartiers de rafaichilTements pendant quelques jours , durant lelquek les habitants des villages voiiins, ainli que les "Caciques des environs vinrent le féli-'citer fur fesfuccès, renouveller leurs ^proteltations d'obéiifance, & lui faire i de nouvelles offres d'amitié. Malgré cette fuite d'événements fa-worables, Cortez -n'avoh pas l'efprit An. i520«j des Européens. 133 tranquile , quand il penfoit à la fi- CoRTEZ~ tuation de Pedro de Alvarado, en- ch. xxiv! touré d'ennemis, & à la merci d'un ■Princebarbare, qui pouvoit être per-fuadé par des motifs d'intérêt à fa cri-fier fon honneur à l'avantage de fon Empire. Ilréfolut donc de retourner à Mexico fans perdre de temps ; & pour que Montézuma, ou fes fujets ne prilTent pas ombrage -de le voir revenir avec des forces aufii confidé-rables,il fe détermina à partager fon armée , & à employer une partie de fes troupes à faire de nouvelles conquêtes. Dans cette vue il ordonna à Jean, AIvm»*» Velaiquez de Léon de prendre deux d'un foukve--cents hommes pour appaifer quelques JjJJJ.** troubles qui s'étoient élevés dans la -province de Panuco. Il chargea Diego de Ordaz avec un pareil nombre de -s'affurer du pays de Guazacifalco, en-forte qu'il ne lui reffa plus qu'environ fix cents Efpagnols, ce qui paroiffoit fuffifant pour retourner glorieufement à Mexico, fans exciter la jaloulie des Indiens. Cependant il fiit obligé de changer cette difpofition, après avoir reçu une lettre d'Alvarado, qui lui jnarquoit que malgré Montézuma,, 234 Découvertes Cortez ^ec[ue^ rfàvoh jamais longé à quitter •Ch.xxiv! fes quartiers, les Mexicains avoient pris les armes contre lui, tk l'atta- An. 1520. • r 1 _ j» quoient fréquemment avec tant d opiniâtreté, que s'il n'étoit immédiatement fecouru , lui tk tous fes foldats périroient infailliblement. Celui qui -apporta cette lettre étoit accompagné d'un ambaffadeur de Montézuma , qui preffa Cortez de revenir avec 3a plus grande diligence, en l'affurant ■que l'Empereur n'abandonneioit jamais Alvarado ni les Efpagnols aux •dépens même de fa propre vie. Cortez tk fes Officiers convinrent •unanimement qu'il n'y avoit pas de temps à perdre.-Rodrigue Rangel,dont la fidélité étoit connue fut laiffc à la Vera-cruz, en qualité de Député-Gouverneur, ou Lieutenant de Roi : on mit une garnifon à Zempoalla, avec un nombre fufHfant d'hommes pour la fureté des vaiffeaux : tk l'on fît en-fuite le dénombrement de l'armée, qu'on trouva de mille hommes dTn-tfanterie tk de cent hommes de Cavalerie. Avant fon départ Cortez écrivit à Alvarado , ainfi qu'à Montézuma , pour leur faire part de fa wi&oire , tk pour les alfurer qu'il t> "e s Européens. 235 -alloit marcher à leur fecours. Il fe mit côTrTzi aulTi-tôt en route , en faifant paiTer ch.xxiv. fon armée par différents chemins, Ân Ij2D< pour qu'elle n'incommodât que le moins qu'il feroit pofîîble les pays qu'elle traverferoit, & pour qu'elle trouvât plus facilement des provifions. On établit pour lieu de rendez-vous un endroit voifm de Tlafcala, & les troupes s'y rejoignirent après avoir eu beaucoup de peine & de fatigue , parce qu'elles avoient marché avee une extrême diligence. Le 17 de Juin 'Cortez entra dans Tlafcala à la tête de toutes fes troupes en bon ordre : il y fiit reçu avec autant de joie que d'affection par fes fidèles alliés, qui lui 'confirmèrent les nouvelles qu'il avoit reçues de la fituation d'AIvarado , & militèrent fur quelques particularités, qu'ils exagérèrent encore, pour l'irriter de plus en plus contre les Mexicains qu'ils détefloient. Dans le def-fein de rendre fa vengeance plus cem-plette fur cette nation, qu'ils défiroient ardemment de voir exterminer, le 'Sénat propofa d'affembler toutes les troupes de la République pour marcher à fa fuite : mais comme il n'a-voit pas intention de fervir d'initru- 2.36 DÉCOUVERTES "Cortez menta ^eur implacable animofité, fl Ch. xxiv! rcfufa cette offre, & *e même filence coinitie Ordiz. nuant le lendemain matin,Cortezdon-naordre àDiégode Ordaz, à la tête de quatre cents Efpagnols de reconnoî-tre les principales rues., & de pénétrer s'il étoit pofîlble dans leurs def-feins. Cet Officier avoit fait peu de chemin quand il découvrit un corps d'hommes armés, détaché pour l'attirer plus loin. Il s'avança de plus en plus dans l'intention de faire quelques prifonniers : mais tout-à-coup une multitude innombrable marcha hardiment contre forifront, pendant qu'une autre armée, qui s'étoit cachée dans les rues de traverlè l'attaqua par de-rière, & toutes les terralTes & les fenêtres de l'un & l'autre côté furent remplies de gens armés, qui commencèrent à jetter fur les Efpagnols une quantité infinie de pierres & de traits de toute efpece. Diég<* des Européens. 241 Diego de Ordaz, voyant que la (j0RTEZ ~ retraite lui étoit coupée , 6c qu'il ne ch. xxiv! pouvoit faire favoir à Cortez le danger oii il fe trouvoit, forma un fécond " I5ZO" front par derière, 6c ordonna à fes gens de faire aair leurs piques 6c leurs Ils frmtbat- V / ? • 1 • / • tus par les tf. epees contre les ennemis qui etoientragnois. dans les rues, & de fe fervir de leurs armes à feu contre ceux qui étoient au-delfus. Le combat ne fut pas de longue durée : quoique les Indiens fe fuffent avancés avec une réfolution qui alloit jufqu'à la fureur , leur attaque étoit conduite avec tant de tumulte, qu'ils furent bientôt en confu-fion & en défordre , ÔC qu'ils fe retirèrent à une diflance d'où ils ne pou-voient faire de mal ni en recevoir. Les terraffes 6c les fenêtres ayant été dégarnies par l'effet des armes à feu; Diego deOrdaz jugea qu'il étoit temps de fe retirer : mais les rues étoient fi remplies d'ennemis, qu'il fût obligé de fe faire jour l'épée à la main ; ÔC avant qu'il eût regagné les quartiers, lui 6c la plus grande partie de fes gejis furent bleffés ; ils laifferent même fept foldats morts fur la place. Cortez jugea par cet effai, qu'il n'y avoit pas lieu d'efpérer une né- Jom. IL L jaijuc 241 DÉCOUVERTES y- „ Z "eociation, 6c il réfolut de faire une cii xxiv. lorrie générale avec la plus grande partie de fes troupes, afin de forcer An. j520, Jes jyj^xicains par ces hoftilités d'en venir a un accommodement. Il étoit d'autant plus néceffaire de prendre ce parti, que Montézuma fe méfioit de fa propre autorité, 6c que la révolte n'avoit aucun chef important, avec lequel il fût polîible d'entrer en quelque traité. Ils font une Cependant les Mexicains , qui re-at" gardèrent la retraite de Diego de Ordaz comme une fuite, le fuivirent avec une vigueur 6c une réfolution incroyable , jufqu'à ce qu'ils fufTent à portée de l'artillerie des quartiers, qui en lit un terrible maffacre. Alors ils fe retirèrent en arrière : mais ils s'arrêtèrent bientôt pour former un nouveau plan, 6c retourner à l'attaque avec encore plus de fureur. Toutes les rues furent remplies d'hommes armés , leurs tambours 6c leurs cornets donnèrent le fignal pour l'affaut, 6c ils revinrent avec une nouvelle impe-tuoiîté, leur avant-garde étant cem-pofée d'archers pour netoyer les murailles, & faciliter l'approche au reffe de leur armée. En effet leurs déchar- des Européens. 243 ges furent fi précipitées, que les quar- (jORT£Z " tiers furent prefque remplis deflèches, ch.xxiv.' & que fi les Efpagnols n'en avoient . a / \ r , 1 c 1 • An 1510» ote a force de bras une grande partie, elles auroient rendu l'accès des remparts impraticable. Pendant que les archers agiffoient avec tant d'ardeur, les autres Mexicains s'élançoient comme un torrent furieux, malgré le terrible ravage que le canon & les petites armes faifoient parmi eux : ils vinrent même jufqu'aux portes, & firent leurs efforts pour les démolir avec leurs inffruments garnis de pierres , pendant que quelques-uns mon-toient fur les épaules de leurs compagnons , & que d'autres faifoient des échelles avec leurs lances & leurs piques pour grimper fur les murs ou par les fenêtres. Quand une troupe etoit tuée ou couverte de bleffures, d'autres prenoient la place, foulant aux pieds les corps de leurs amis & de leurs compatriotes, comme fi la'frayeur & la compaffion leur eu£ fent été inconnues ; enfin , ils combat-toient comme des bêtes fauvages rendues furieufes par la faim & par la vengeance. Ils furent à la fin repouffés, & fe retirèrent dans les rues de tra- Lij Cortez ver^e P°ur mettre à couvert jufqu'à Cl. xxiv! l'approche de la nuit, mais auiîi-tôt que les ténèbres eurent couvert la, I51°* ville , ils donnèrent une allarme encore plus terrible, en jettant dans les quartiers des flèches enflammées, qui mirent le feu en plufieurs endroits des bâtiments, ce qui obligea les Efpagnols de couper les murs pour empêcher la communication des flammes : & de travailler la plus grande partie de la nuit à réparer les brèches que les Indiens avoient faites, & à fe met-ire en état de faire une nouvelle dé-fenfe. Le matin , les ennemis parurent à quelque diftance, feignant de craindre d'approcher à la portée du canon, & par des reproches injurieux ils excitèrent les Efpagnols à combattre hors de leurs murs. Cortez qui avoit réfolu de faire une fortie, prit occa-fion de cette infuite pour animer les efprits de fes foldats par une courte harangue, en les exhortant à la vengeance. Voyant qu'ils attendoient l'ordre avec impatience, il forma fes forces en trois bataillons, dont deux furent chargés de netoyer les rues de traverfe, pendant qu'à la tête du des Européens. 245 troifieme il fuivroit la rue de Tacuba, Portez où étoit le plus gros corps d'ennemis; ch. xxiv * & comme il jugea qu'il feroit en même An. is»o. temps attaqué de front & en queue, il forma un double front à chaque divi-fion, fuivant la méthode pratiquée par Diego de Ordaz dans fa retraite. Après avoir fait cette difpofition, Cortez fait les Efpagnols tombèrent fur les Mé-Jéiaie."108*" xicains, qui foutinrent la première charge fans perdre leur terrein, & même combatirent homme-à-homme avec leurs maffues & leurs épées à deux mains, dont ils fe fervirent avec une fureur qui tenoit du défefpoir. Les armes à feu qu'on tiroit continuellement contre les galleries & les fenêtres n'empêchoient pas qu'il n'en fortît une nuée de pierres & de dards, qui tomboient en fi grande abondance, qu'on fut obligé de mettre le feu à plufieurs maifons. Enfin les Indiens lâchèrent le pied ; mais en fe retirant ils rompirent les ponts des rues , ce qid obligea les Efpagnols de remplir les canaux avant de pouvoir pourfui-vre leur victoire. Pendant que Cortez pouffoit ainfi les ennemis, les deux autres bataillons chargèrent la multi- Liij I46 DÉCOUVERTES Cort tude qui remplilToit les rues de tra-Ch xxiv. verfe, ce qui alTura la retraite ; enfin chalTant toujours les Mexicains, qui "*cependant demeuroient en corps, les Efpagnols pénétrèrent jufqu'à l'entrée d'une grande place, oii les trois divisions fe joignirent, & alors les Ia-diens prirent la fuite avec autant de précipitation qu'ils avoient marqué d'ardeur pour l'attaque. »mbatVeaU Cortez ne voulut pas permettre à fes gens de pourfuivre leur victoire : mais il fe retira fans aucune oppofi-tion après avoir perdu dix ou douze ïojdats dans cette action. Elle coûta fi cher aux ennemis que les canaux de la ville furent teints de fang, &qu'on ne pouvoit voir fans horreur le nombre prodigieux de corps morts qui étoient entaffés les uns fur les autres. Pendant trois jours , que Cortez donna au foin des bleffés, il voulut renou-veller fes ouvertures de paix, par l'entremife de quelques Mexicains au fer vice de Montézuma. Ils firent di-verfes proportions aux ennemis : mais ils en furent très mal traités, & plufieurs ne revinrent point , craignant peut-être de fe trouver enveloppés dans la deltrucfion des Efpa* des Européens. 247 gnols, contre lefquels ils voyoient çORTEZ qu'on failbit les préparatifs les plus ch. xxiv' formidables. Cortez n'avoit pas tant de confiance dans les négotiations, n*liZQm qu'il fe relâchât de fa vigilance tk de fes précautions. Entre autres moyens, il imagina de faire conffruire quatre tours de bois qu'on failbit mouvoir fur des roues, tk dont chacune con-tenoit vingt ou trente hommes, afin qu'ils puflènt combattre à couvert, en mettant le feu aux maifons, tk en renverfant les baricades qu'on avoit élevées dans les principales rues. Quand ces machines furent finies, Cortez, avec l'approbation de Montézuma , qui déiiroit ardemment la réduction de fes fujets révoltés, fît une féconde fortie à la tête de la plus grande partie des Efpagnols, avec quelques pièces d'artillerie , deux tours de bois, tk quelques chevaux de main, pour s'en fervir fuivant les occafions. Il fut fuivi de tous les Tlafcalans , qui lui avoient rendu de grands fervices dans le premier combat. Les Mexicains , dont l'armée étoit augmentée, tk qui avoient à leur tête leur principale nobleffe, les attendirent dans un profond filence : L iv 24$ DÉCOUVERTES Cortez ma*s âll^l'tot que les Efpagnols eit-ch. xxiv! rent commencé à marcher, ils furent A ^ ^ frappés du fon défagréable & rauque lizo' des tambours, Se des inftruments d'c-caille,ainfi que des cris d'une multitude innombrable ; les Indiens s'avancèrent dans un ordre qui ne leur étoit pas ordinaire, & avec une réfolu-tion intrépide, donnant &C recevant la première décharge fans s'ébranler, & même quand ils furent obligés de lâcher le pied , ils fe retirèrent tranquillement, fans tourner le dos, Se à chaque canal ou barricade renou-vellérent le combat avec tant d'opiniâtreté qu'il ne fiit pas poflible de les déloger fans artillerie. Ils tirèrent leurs flèches Se fe fervirent de leurs lances d'une manière régulière : quelques-uns fe jettérent à la nage en remontant Se en defeendant les canaux, pour failir l'occafion de bleffer les Efpagnols avec leurs longues piques : d'autres précipitèrent du haut des galleries Se des terraffes de gros quartiers de pierre Se des morceaux de roc qu'on y avoit amaffés pour cet ufage , & qui mirent bien-tôt en pie-ces les tours roulantes : Enfin ils combattirent avec tant de méthode des Européens. 249 & d'ardeur , qu'on vit clairement Cortez qu'ils fuivoient les ordres d'un feul ch. xxv.' homme, auquel ils obéilfoient com- . me a leur souverain. ou leur Général. ê — . ... . CHAPITRE XXV. Le combat fe renouvelle avec encore plus de vivacité : L Empereur Indien continue a"être fidèle à Cortez, & harangue les Mexicains : Il eft bleffê d'un coup de pierre & meurt, en conjurant Cortez de le venger : Ses fujets célèbrent fes obsèques avec grande folemnitê , & beaucoup de lamentations : Ils élifnt un nouvel Empereur : Attentat hardi de deux Indiens contre la perfonne de Cortez » qui échape miraculeufement au danger le plus imminent. LE combat dura la plus grande par- Moméxunu ne du jour ; la vdle tut très en- PoUr appaifer ilomrnagée par le feu qu'on mit aux ,esMéxic«in». maifons , & les Mexicains furent plongés dans une merde fang: mais tes Efpagnols & leurs confédérés Lv 250 DÉCOUVERTES CoRTEZ trouvèrent tant cToppoiition qu'ils ch. xxv* furent obligés de difputer le terrein An. 1520. pied-à-pied & de tranchée en tranchée , enforte que la nuit arriva avant que Cortez eût pu faire de progrès confidérable. Il n'avoit pas deffein de conferver les polies qu'il avoit gagnés , & il fe retira à fes quartiers , après avoir perdu quarante hommes, la plus grande partie Tlal-calajis, avoir eu cinquante Efpagnols dangereulèment bleflès 6c avoir reçu lui-même un coup de flèche dans la main droite. Sa peine intérieure lui étoit plus fenfible que la douleur de fa bleffure extérieure : Il confidé-roit que malgré l'avantage qu'il avoit en valeur tk en expérience militaire, fur les Mexicains, le nombre de fes gens diminuoit à chaque victoire, tk il avoit tout lieu de craindre que fi la révolte devenoit générale contre Montézuma, il ne fut affamé dans fes quartiers. L'Empereur Indien ne paffa pas la nuit avec plus de tranquillité : il avoit vu la bataille de la plus haute tour de fon Palais, d'où il avoit aifément diftingué le Cacique d'Iztacpalapa, & d'autres nobles, qui pouvoient afpirer à l'Empire. 14 crai- des Européens. 251 gnoit la perte de fon autorité, & Cortp.z prévoyant qu'il ne pourroit jamais re- ch. xxv. gagner la foumilfion & l'obéiffance An de fes fujets , tant que'les Efpagnols demeureroient à Mexico, il fit venir Cortez le lendemain matin, lui déclara fes fentiments, & le conjura de quitter la ville, pour le mettre en état de retourner dans fon Palais, de reprendre les rênes du gouvernement, tk d'appaifer les fèditions de fes peuples. Cortez céda à la nécef-fité , confentit à ce que l'Empereur lui propofoit, tk réfolut de fe retirer pour un temps, afin d'avoir celui de concerter un nouveau plan, tk de fe mettre en état de l'exécuter avec l'apparence d'un plus heureux fuccès. La conférence fut interrompue par une allarme, dans laquelle il apprit que les ennemis s'avançoient avec fureur, pour donner une attaque générale à fes quartiers. Ils s'y élancèrent avec tant d'impétuofité que malgré le ravage de l'artillerie, & des armes à feu , tk malgré toute la valeur des défenfeurs , quelcjues-uns des Mexicains pénétrèrent jufques dans l'intérieur des ouvrages, enforte que Cortez fut obligé de former un corps Cortez ^e r<^erve dans ^a principale cour, Ch. xxv.' d'où l'on envoyoit des détachements An. i5io pour Contenir ceux qui étoient trop prelTés, ou fatigués du combat. Dans cette extrémité, Montézuma propo-fa de fe montrer à fes fujets fur les murailles, de commander à la populace féditieufe de fe retirer, & d'ordonner aux nobles de fe rendre auprès de lui fans armes, poutTinltrui-re de leurs griefs, tk pour prendre des mefures qui pu fient y remédier efficacement. Cette proposition fut approuvée de Cortez , qui jugea que fa vue donneroit aux Efpagnols le temps de reprendre haleine, quoiqu'il n'en efperât pas d'autres avantages pour lors. L'Empereur fe revêtit aufîi-tôt de fes ornements impériaux : mit la couronne , le manteau & les joyaux qu'il portoit dans les occafions les plus folemnelles, Ô£ monta fur la terraffe qui faifoit face à la plus grande rue, accompagné des principaux Mexicains demeurés à fon fervice. Il palfa au milieu de la garnifon rangée en haye, & l'un de ceux qui l'accompagnoient s'étant avancé à la barrière, cria à haute voix aux rebelles, que le grand Mon- des Européens. 253 tézuma avoit confenti à fortir, pourCoR , f z' écouter leurs plaintes & pour y ap- ch. xxv. porter remède. AulTi-tôt qu'ils enten- An. 15:0. dirent prononcer fon nom, leurs cris ceiîérent, ils demeurèrent immobiles & dans le filence, comme pénétrés de refpecf. à la préfence de quelque être au-deiTus de la nature, & quand il parut, toute la multitude fe prolferna jufques en terre. L'Empereur regarda autour de lui avec un air de Majefté, & remarquant les nobles affemblés en un corps, il les appella par leur nom, en les priant de s'approcher : leur fit l'honneur de les traiter de fes amis & de fes parents: les remercia du zèle & de l'alfeclion qu'ils avoient fait pa-roître pour fa perfonne, & fit aux troupes une courte harangue, dans laquelle il leur dit qu'elles agilToient par une fidélité fondée fur une erreur : que fon féjour au milieu des Efpagnols n'étoit nullement l'effet de.la violence : qu'il étoit réfolu de congédier ces étrangers de fa cour, & qu'il efpéroit que fes fujets met-troient bas les armes, pour qu'il pût leur pardonner librement les outrages qu'ils avoient commis. c « r t h /. " Une teue condefcendance dans un Ch. xxv, Prince aux ordres duquel on obéif-An, [520. Toit ordinairement avec crainte Ôc 11 eft bicflcavec tremD^ement > & une n grancle àhtcte. impreiîion fur fes fujets , que plufieurs pleurèrent de compaflion en voyant leur Empereur fi humilié : ÔC que les autres baifférent la tète dans le doute & dans le filence : mais tout-à-coup ces difpoiitions favorables furent détruites par les murmures de quelques Emiifaires du Prince déii-gné pour fuccéder à Montézuma. Ils infultérent cet Empereur infortuné par les Epithétes de lâche, de pri-fonnier , d'efclave, & élevèrent tant de clameurs dans les troupes que leur eompaffion fe changea en rage. Elles commencèrent à ,1e maudire par les imprécations les plus outrageantes; & ne firent plus aucune attention aux fignes de fa tète & de fes mains : les efforts qu'il fît pour parler furent rendus inutiles par leurs cris multipliés, enfin elles déchargèrent contre lui une grêle de flèches. Deux foldats placés à côté de Montézuma, firent d'inutiles efforts pour le couvrir de leurs boucliers: malgré tous leurs foias il fut bleifé en plufieurs des Européens. 255 endroits, & enfin reçut à la tempe rORTEZ" un furieux coup de pierre qui le ren- ch. xxv." verfa. Cortez frappé d'une douleur inexprimable à cet accident, le fit An' I5:3' emporter dans fon appartement, & donnant l'effor aux premiers tranf-ports de fon indignation, il réfolut de ne plus rien ménager, & d'exercer une prompte vengeance fur les auteurs de cette infortune ; mais il ne trouva plus d'ennemis fur lefquels il put faire éclater fon reffentiment. Les Mexicains, voyant leur Empereur tombé, furent frappés de tant d'horreur & de conflernation qu'ils prirent aufli-tôt la fuite, comme s'ils s'étoient crus pourfuivis par la vengeance célelfi. < Montézuma ne recouvra les fens Samoru que pour tomber dans les tranfporrs du défefpoir le plus furieux ; fon efprit parut troublé d'une rage inexprimable : il prononça les plus af-freufes malédictions contre fes fujets rebelles : ferma l'oreille aux remontrances & aux confolations du Général Efpagnol, qui employa toute fon éloquence pour effayer de l'adoucir, & de le confoler dans fon affliction. Quand fes bleûures furent pe niées 3 Cortlz il arracha les appareils, 6c fit tous ch. xxv. Tes efforts pour mettre fin à fa vie , An. u*» en*orte qu'on fut obligé d'employer la violence pour le retenir. Le coup qu'il avoit reçu à la tête étoit par lui-même très dangereux ; mais l'agitation de fon corps 6c de fon efprit le rendirent bien-tôt mortel , 6c il refufa abfolument de prendre aucune efpéce de nouriture. Cortez voyant que la fin de l'Empereur ap-prochoit, le conjura d'avoir quelque attention pour le falut de fon ame, en renonçant à l'Idolâtrie , ÔC en embraffant la véritable religion: le Père Barthélemi d'Olmedo employa également toute fon éloquence pour le gagner , & Denna Marina fit tout ce qui étoit en fon pouvoir pour parvenir à fa converfion : Leurs efforts furent inutiles , il demeura ferme 6c opiniâtre dans les fuperifirions de fon pays, 6c expira dans un délire de fureur , après avoir conjuré le Général de venger fa mort. s« Funé- Le dc(tin déplorable de Montézu-Conej fait.Jema caufa un fi grand chagrin à Cortez, nouvelles mi'ii ne put s'empêcher d'en répandre proportions «| . r /r depaix. des larmes. Il avoit une fincere affection pour ce Prince, 6c toute fon des Européens. 257 cfpérance de réulîir étant fondée (_;ORT£Z fur la foumifîion volontaire del'Em- ch axv.' pereur au Roi d'Efpagne , il fe trou-voit oblige de former un nouveau plan , & d'abandonner tous les avantages dont il jouiffoit par fon crédit à la Cour du Mexique. Dans cet embarras fa première démarche fut de choifir fix des principaux courtifans de Montézuma, dont plufieurs même étoient Prêtres, pour qu'ils portaf-fent fon corps aux rebelles, & pour dire aux Princes qui étoient à leur tête, qu'il leur envoyoit leur dernier Souverain qu'eux-mêmes avoient tué; que Montézuma l'avoit conjuré avant fa mort par les inftances les plus preiTan* tes de le venger, & de ne pas laiffer impunie une rébellion aufîi abominable; mais qu'il penfoit que cette révolte étoit l'effet de la fureur brutale du peuple, & que les nobles la dé-faprouvoient , ce qui l'engageoit à leur propofer encore la paix, & à leur permettre de lui envoyer des députés , en les alTurant qu'il étoit prêt de confentir à toutes les conditions raifonables, au lieu que s'ils négli-geoient de faire attention à ce qu'il leur propofoit, il les traiteroit corn- 258 DÉCOUVERTES £ORTEZ me les plus infâmes de tous îesrebelles; ch.xxv.' & que Montézuma étant mort, lui i qui jufqiûilors avoit empêché les ef-;i fets de fon reffentiment, il mettroit leur ville au pillage , & les détruiroit par le fer & par le feu. A une petite diflancedes quartiers, ceux qui portoient le corps trouvèrent une troupe d'habitants, qui jet-terent leurs armes , & fuivirent ce refpeclable fardeau avec toutes les marques du plus grand refpect & de la vénération la plus profonde. Tous les polies furent abandonnés : la ville fut remplie de cris oC de lamentations, & quoique les Mexicains euffent déjà élu un autre Empereur, ils donnèrent toutes les marques de repentir, par les expreffions les plus fortes de douleur , en répétant le nom de Montézuma , & en courant de côté & d'autre par les rues , dans un trouble tumultueux, qui dura jufqu'au matin : alors ils le tranfporterent à la montagne de Chapultepèque, où ils firent fes obféques avec la plus grande fo-lemnité, & les plus grandes marques de trifteffe. Sa portent.'. Ainfi périt Montézuma , le plus puiffant Monarque qui fe fut encore des Européens. 259 afîïs fur le Trône du Mexique. Il cJortez régna dix-fept ans, fiit le fécond du ch. xxv. nom & le onzième des Empereurs. Il ^ laiffa quatre fils & trois filles : deux mt* de fes fils, qui vivoient avec leur père au milieu des Européens, furent tués par les Mexicains dans la retraite de Cortez : les filles fe convertirent depuis ôc épouferenr des Efpagnols. Mais le plus iliuit re de tous fes dépendants fut un fils, qui au baptême prit le nom de Pierre de Montézuma : il reçut plufieurs faveurs de l'Empereur Charles-Quint, qui lui accorda des concefîions très confidérables dans la Nouvelle Efpagne, & l'honora du titre de Comte de Montézuma, que fa polférité a toujours confervé depuis. Dans l'intervalle entre la bleffure de Le* Méxi-Montézuma & fa mort, les Mexicains ' ?!"?,é,lfenl ne formèrent aucune entrepnie contre pour tmper les quartiers des Efpagnols, ce quereur* Cortez attribua à l'horreur qu'ils ref-fentoient du crime qu'ils avoient commis : mais cette inaction venoit réellement de ce que leurs Chefs ÔC leur Nobleffe étoient uniquement occupes à l'inauguration de Quilavaca, Cacique d'Iztacpalapa, qu'ils élevèrent fur 2.6o DÉCOUVERTES Cortez ^e Trône ae Mexico. Il ne furvécut cl. xxv.' que peu de jours à fon exaltation, 6c fon nom elf prefque entièrement ef-151°" face de la mémoire des Indiens de ce pays. Corr« an»- Au lieu de confentir aux propoii-«ucuntemple-^qjjs dont les courtifans de Montézu- «csilexicams. . , , , . ma avoient cte porteurs, les Mexicains renouvelèrent la guerre avec plus de vigueur qu'ils n'en avoient encore fait paroître. Le lendemain des funérailles de cet Empereur, toutes les rues au point du jour furent remplies des rebelles armés, qui avoient eu la précaution de mettre une garnifon dans les tours d'un Temple qui avoit vue fur une partie des quartiers des Efpagnols, 6c qui les commandoit. Cortez réfolut à tout événement de fe rendre maître de cepolfe important, qui étoit occupé par cinq cents hommes choifis de la Nobleffe. Il rangea la plus grande partie de fes forces hors des murailles, ÔC ayant formé un nombre de bataillons fuffifant pour couper toute communication entre ceux qui étoient dans les tours 6c le refte des Indiens, il donna ordre au Capitaine Efcobar, avoc fa compagnie, renforcée de cent Efpagnols, des Européens. 161 d'attaquer le temple, dont l'accès étoit çORT£Z très difficile. Cet Officier s'avança fans ch. xxv.* trouver d'oppofition jufqu'au porti-que le plus bas : mais tout-a-coup les afîiégés firent du portique fupérieur une li terrible décharge de flèches, de lances,degroffes pierres, tk de poutres à moitié brûlées , amaffées pour cet effet, que les affaillants furent mis en défordre , tk qu'après être retournés irois fois à la charge ils furent obligés de fe retirer en confufion. Cortez, qui avec une troupe de Cavalerie foutenoit ceux qui avoient belbin d'afTiftance, vola au fecours d'Efcobar, auffi-tôt qu'il vit fa défaite. Le Général defcendit de cheval: fit attacher un bouclier à fon bras bielle ; mit l'épée à la main, tk s'avança fur les dégrés avec tant d'intrépidité, qu'il infpira à ceux qui le fui-vcnent le défir d'imiter fon exemple. L'aèfion fe renouvella aulTi-tôt avec une opiniâtreté furprenante. Les af-? fiégés fe battoient main-à-main comme des hommes déterminés à mourir plutôt qu'à fe rendre : leurs Prêtres même tomboient morts en combattant vaillamment, tk en les exhortant au nom de leurs Dieux, tk quoique la l6l DÉCOUVERTES T,-valeur de Cortez &c de ceux qui le fui- CORTFZ, ~ i /r i T/l Ch. xxv. voient tut au-deiius de toute relutan-ce ; les Mexicains fe Iaifferent tailler IS"°' en pièces l'un après l'autre avant que les Chrétiens fe fuflènt rendus maitres du porte; ils l'emportèrent, cependant fans avoir eu un feul Efpagnol detué : mais ils en eurent plufieurs de bleffés. Dans la chaleur du combat, deux Indiens , qui avoient dévoué leur vie au fervice de leur pays, voyant le Général fur le haut du temple, jetterent leurs armes, & s'approchèrent de lui en fuppliants : mais tout-à-coup ils fe levèrent, le faiiirent avec violence , 6c firent leurs efforts pour le jetter par-deffus la balultrade. Quand ils virent qu'ils ne pouvaient exécuter leur projet, & que Cortez s'étoit dé-baraffé de leurs mains , quoiqu'avec beaucoup de peine, ils s'élancèrent la tête la première du haut de la tour, & leur cervelle fe répandit de toute part fur le pavé. Cortez ayant trouvé une grande il fe trouve abondance de vivres dans le temple, expofc. donna ordre de les tranfporter dans les quartiers, après quoi il commanda aux Tlafcalans de mettre le feu au bâtiment, ainû qu'aux maifons voifines, des Européens. 263 afin que l'artillerie pûjc commander à (jORTEZ route l'éminence. Jettant la vue fur eh xxv.' ce qui fe paffoit au-deffous, il apper- Aj ^ ^ çut que les Efpagnols étoient vivement attaqués dans la rue de Tacuba , qu'ils défendoient avec beaucoup de peine. Il monta aufïï-tôt à cheval, & courut à leur fecours, après avoir dit à Efco-bar de le fuivre avec fes gens, en fai-fant toute la diligence qui leur feroit pofiible. A la tête de fa cavalerie Cortez attaqua cette multitude, blcffant, tuant, ou foulant aux pieds tout ce qui s'oppofoit à fon paffage : mais fe laiifant trop emporter à l'impétuofité de fon courage, il pénétra fi avant dans la foule que le relie de fes troupes ne purent le fuivre, & que la retraite lui fiit coupée. Il entra dans une autre rue, où il efpéroit trouver moins de réfiftance ; il y rencontra un corps de Mexicains, qui avoient pris fon ami André de Duero, dont le cheval etoit tombé , & qui emmenoient cet Officier pour le facrifier à leurs Dieux. Cortez les chargea à Imitant avec une fureur inconcevable ; mit en défordre tout leur corps ; & Duero profitant de leur confufion tira un poignard qu'il avoit tenu caché quand il l'a- Cortez ™ent défarmé : il tua ceux qui le ;ch. axv.' tenoient ; recouvra ion cheval 6c fa lance,après quoi les deux amis fe met-An. 15.13. tant augranci galop,renverferenttout ce qui s'oppofoit à leur palîage ; 6c firent une retraite qu'on peut appeller miraculeufe. Les Mexicains prirent la fiiite de toutes parts avec la plus grande précipitation , 6c le Général ramena fes troupes dans les quartiers, après avoir fait un furieux carnage dans la ville, 6c en avoir brûlé une partie confidérable. Cette vicf oire fut d'autant plus glorieufe, que les Efpagnols ne perdirent pasun feul homme dans tout le combat; cependant les Mexicains en peignant cet exploit qu'ils regardèrent comme une des adions les plus mémorables de Cortez, représentèrent pluiieurs Efpagnols précipités des tours du temple, 6c quelques-uns tués 6c bleffés au-delTous; exemple de la partialité qu'on trouve dans les hifloriens de prefque toutes les nations. CHAP. XXVI. des Européens. 265 co r t fc t. Ch. XXVI. CHAPITRE XXVI. Afl. ijia. Les Indiens font défaits de tous côtés : Ils ont recours au fratagême , voyant que les forces leur manquent : Corte^fe prépare à agir contre eux : Il fort de Mexico pendant la nuit avec fon armée : Il ejl attaqué dans fa retraite & perd un grand nombre d'hommes avec tous fes prifonniers : Il ejl engagé dans des efcarmouches très dangereufes : Il remporte une victoire déciflve par la prife de Vétendard Royal du Mexique. E lendemain les ennemis deman- *•« , • 1 , /• caii'i dercaa- derent une entrevue, qui leur rut <\mt que i« accordée par Cortez : quelques-uns Efpagnols de leurs nobles s'approchèrent despayn"1 murs, & propoierent au nom du nouvel Empereur, que les Efpagnols fe rendiÛent immédiatement fur le rivage de la mer, ÔC qu'ils s'embarquât-fent dans leurs grands canots : promettant de ceffer toutes holfilités. Ils ajoutèrent cpie fi cette propolirion étoit rejettée , les Chrétiens péri-' Torn. IL M Court l r°ient tous indubitablement» d'autant Ch. xxvi. que les Mexicains étoient alors con-1 An. i5ïo. vaincus par expérience qu'ils étoient mortels; & que quand la mort de chacun leur devroit coûter vingt mille hommes , ils contiitueroient leurs atr taques, ÔC auroient plus de monde qu'il ne leur en taiioit pour avoir lieu à la fin d'être contents de leurs inecès. Cortez répondit que les Efpagnols n'avoient jamais prétendu être immortels , quoiqu'ils fiiflent fi fupe-rieurs aux Mexicains, tant en courage qu'à d'autres égards, qu'ils pourvoient entreprendre la dellrudion totale de leur Empire avec un petit nombre d'hommes : que cependant touché des malheurs que cette nation s'étoit attirés par fa propre obftination, il étoit déterminé à partir, d'autant plus que toutes fc*s affaires étoient finies par la mort de Montézuma, dont l'amitié ÔC les bontés l'avoient retenu à Mexico : qu'il attendoit feulement qu'on eut fait quelques préparatifs néceffaires pour fe mettre en marche , ÔC que l'on fut convenu de quelques autres articles , pour l'avantage & la fàtis-làclion des deux partis. des Européens. 167 Les députés parurent très Satisfaits c 0 R T b ?,, de cette réponfe : mais les ouver- Ch. xxvi. tures qu'ils avoient faites n'étoient An# Iîlo# que dans des vues perfides. On avoit Projft réfblu dans le Confeil du nouvel Em- Mexicains pereur , de fatiguer les Efpagnols par j£u[es Ef/ la famine, tk de lesamuierpar unesno1*' négociation, jufqu'à ce que la faim les eût afforblis ÔC découragés, dans l'efpérance qu'on pourroit alors tomber fur eux avec plus d'avantage , plutôt que de s'expofer à des maffacrcs aufli terribles que ceux qu'en avoit déjà foufferts par le canon ôc par les armes à feu. Les Indiens fa-voient que trois fils de Montézuma, tk plufieurs autres fujets de distinction étoient prifonniers dans les quartiers des Efpagnols : mais ils fe déterminèrent à les dévouer en facrifîce au bien de leur pays, excepté le principal Prêtre qu'ils révéroient comme la féconde perfonne de l'Empire , ÔC qu'ils réfoiurent de délivrer s'il étoit pofîible. Dans cette vue, les députés re- Difpofuior» tournèrent le même loir, pour pro-'lcCo"^ poier qu'on envoyât à l'Empereur quelques-uns des prifonniers Mexicains avec des inilrutfions pour la M ij c o ktk/., capitulation, afin qu'il n'y eut pas ch.xxvi.'de mal-entendu, tk ils infinuèrent Aa. adroitement que perfonne ne conve-noit mieux en cette occafion qu'un certain vieux Prêtre , qui étoit un homme intelligent, propre à expliquer tout ce qui pourroit être douteux , ÔC à lever toutes les difficultés qui potirroient fe préfenter. Le Général pénétra leur artifice: mais il cacha fes foupçons, pour fe mieux affurer de leurs véritables deffeins, ÔC il ne fut nullement fâché de fe défaire d'un vieux fcélerat Idolâtre, dont il déteflôit la perfonne ÔC les principes. Il confentit donc à leur propofition ; tk dit au Prêtre quelles étoient fes demandes fur ce qui lui étoit néceffaire pour fe mettre en marche, fe réfervant fi cet homme revenoit de s'expliquer davantage. Son intention étoit de demander alors que les Mexicains miffent bas les armes, qu'ils lui donnaffent des otages, ÔC qu'ils convinrent de quelques autres articles en«ore plus importants. Ils n'avoient aucune intention de renvoyer ce Prêtre , ni de fe prêter à des vues pacifiques ; au contraire, les fentinelles Efpagnoles découvrirent qu'ils s'oo» DES EUROPÉENS. 269 cupoient fortement à faire des tran- CokTez7 chées tk des ouvrages pour défendre ch. xxvi. le partage des canaux, tk qu'ils en-voy oient des gens en corps iur le Lac pour rompre les ponts de la principale chauffée , tk pour couper toute communication avec la route de Tlafcala. Cortez, allarmé de cette nouvelle , donna ordre à fes gens de faire un ponton , ou pont de planches, propre à jetter fur ces ouvertures, affez fort pour fupporter le poids de l'artillerie, 6C affez léger pour qu'il pût erre porté par quarante homme?. Rendant qu'ils étoient occupés à llcé&con* ce travail, Cortez affeipblà reirt3lL J^foiuiK pitaines pour décider avec eux s'ils feAe. Partir de r . .* , . , / nuit. retirereient de jour ou de nuit, étant réfolu de fe rendre à Tlafcala, tk d'y .prendre des mclûres pour revenir af-fiéger Mexico. Le plus grand nombre des Officiers furent d'avis de faire la retraite pendant la cuit, à caufe de la fuperfhtion des Indiens, qui les em-pêchoit d'attaquer leurs ennemis après le foleil couché, tk dans la fuppofition que fe fiant à la négociation , ils n'auroient fait aucuns préparatifs pour les furprendre dans leur marche fur la chauffée , avec M iij Cortez ^es can0TS s jWS ne ^eur feroit pas ch. xxvi! facile de raffembler ni de conduire An. iizo. ^ans *es ténèbres. Certe opinion fiit vivement combattue par plufieurs Officiers Efpagnols, du nombre defquels étoit Cortez : il leur représenta les inconvénients ÔC le danger de faire marcher une armée avec tout fon bagage & fes équipages par une route incertaine élevée fur les eaux, dans l'obfcurité d'une nuit orageufe tk d'une faifon pluvjeufe , qui fure-ment retard jroit tk rendroit très difficile le paiTage des ponts : il dit qu'on ne devoit faire aucun fondement furies coutumes ou 1rs maximes générales des Mexicains, qui s'en étoient déjà écartés en mettant le feu aux quartiers, Ôc en prenant poffeifion du temple pendant la nuit ; enfin il s'étendit fur la honte de faire une retraite qui auroir toute l'apparence d'une fuite, & qui les mettroit en nique de perdre l'amitié ÔC la confiance de leurs alliés Indiens. L'affaire ayant été mife aux voix, le f)lus grand nombre fe déclara pour e premier fentiment ; Cortez y con-fentit , Ôc on réfblut de fe mettre en marche des la nuit fuivante, pour des Européens. 271 que les ennemis enflent moins de c 0 R -t t\ v temps à préparer tous leurs obftacles. ch- xxvi* On prétend que Cortez renonça An. 15 m», d'autant plus aifément à fa propre opinion, qu'il y fut engagé par la prédiction d'un iimple foldat, nommé Bottello, qui prétendoit être Devin , Ôc qui l'exhorta à marcher cette même nuit, l'aflurant qu'autrement il couroit rifque de perdre la plus grande partie de fon armée. Quoique Cortez fe mocquât ordinairement des pronoflics de ce prétendu Aflrologue, il parut alors y faire plus d'attention qu'à l'ordinaire, ôc il efi probable que ce foldat lui en parla d;:n-> un de ces moments de foi bielle dont les plus grands hommes ne font pas totalement exempts. Au(u-tôt que les charpentier^ tu- !' & iSZIit verture , s'élança avec une fouplcffe étonnante, oc fauta d'un côté à l'autre. La difiancc étoit fi énorme que lui même fut dans la plus grande fur-prife de fa réuifite, quand il la vit quelque temps après, ôt cet endroit en eif devenu fi remarquable, qu'on lui a donné le nom de faut d'Alva-rado. Vers le point du jour, l'armée fe " fe'asr«,a ,L 1 1 \ 1 1 «. 11 r'rre ftiroe trouva paiiee au-delà au lac, oc eue avec nnr s'arrêta près de Tacuba , afin que g«ndcP««*v ceux qui fe feroient échappés de la bataille, ôc qui feroient écartés puf-fent rejoindre le gros. Cette précaution fauva la vie de plufieurs Efpagnols, oc d'un nombre de Tlafcalans, qui avoient gagné la terre à la nage, ÔC qui s'étoient tenu cachés dans des champs de maïzjufqu'au matin. Ils apprirent a Cortez que la dernière divifion de l'arriere-garde avoit été totalement taillée en pièces , Ôc lorfque les troupes furent rangées , on trouva que la perte montoit à deux cents Efpagnols, plus de cent Tlafcalans, quaranre-ux che- C o ri Ë / vaux » & tOUS ^eS Pionniers Mé^i" Ch. xxvLcains , qui dans la confufion & les An iS2o. ténèbres de la nuit avoienr été traités comme ennemis par leurs propres compatriotes. Les Efpagnols furent exceflivement concernes quand ils virent leur nombre aïnfi diminué , leur artillerie perdue , ÔC que ceux qui reffoient accables de fatigue, étoient en danger d'être attaques à chaque inffant. Ce qui contribua le plus à augmenter leur afflidiion , fut la perte de plufieurs excellents Oiii-ciers, entr'autres d'Amador de Larez, de François de Morla, Ôc de François deSalcedo ; mais particulièrement de Jean Velafquez de Léon , qui con-duifoit l'arrière-garde , 6c qui périt accablé par la multitude, après les exploits les plus héroïques. Cet Officier de la plusex-icle probité, 6C très habile dans l'art militaire, étoit regardé ÔC refpeéfé de tous les foldats, comme la féconde perfonne de l'armée. Cortez suffit fur une pierre pour fe repofer, pendant que fes Officiers formèrent fes troupes, ôc malgré tome fa magnanimité, le chagrin de fon cœur éclata par un torrent de des Européens. 279 larmes. Il reprit bien-tôt ce courage roKT>~ liipérieur à .toutes les viciflîtudes de Ok xxv*.* la fortune , tk il le confola en réflé- An chinant que Donna Marina , Ôc Jérôme d'Aguilar, les principaux inifru-ments de fa conquête avoient échapé fans accident aux dangers de cette bataille. Ses yeux commencèrent de nouveau à briller de cette vivacité qui ne manquoit jamais d'animer fes troupes. Il remporta une victoire ccm-plette fur le découragement, ôc avec Un air de tranquillité 6c de bonne humeur , il demanda l'AftroIogue pour le railler fur la faulièté de fa prédiction : mais on lui dit que ce prophète avoit été tué dans la première attaque de la chauilce. Si les Efpagnols avoient été encore Monte An*. ___ / vi te 1 fits de Moiv- attaques avant qu ils euiicnt eu le téiBm«. temps de rappeller leurs efprits, 6c de fe rafraîchir après cette bataille , il eft vraifemblable qu'ils auroient péri par l'excès de la fatigue, ÔC par ia durée de l'oppofition : mais un accident, qui à d'autres égards fut très malheureux pour Cortez, leur donna le temps de fe remettre 6c de fe re-pofer. Nous avons déjà remarqué que 10us les prifonniers Mexicains avoienc Coktez W tll^s Par ^es ennemis > & lorsqu'ils Ch. xxv [.'vinrent le matin pour dépouiller les An. 1520. nrorts, ils trouvèrent les fils de Montézuma percés de leurs proches flèches. Ils demeurèrent frappés d'éton-nement & confondus à ce fpecfacle, toutes les troupes faines de douleur marquèrent la plus grande confier-nation. Le nouvel Empereur inllruit de la caufe de leur abattement, donna ordre que les corps de ces Princes infortunés fuffent tranfportés au lieu de la fépulture de leurs ancêtres, ôc la cérémonie des obféques auxquelles tous les habitants affilièrent, donna aux Efpagnols ce relâche qui leur étoit fi néceffaire. Cependant la perte de ces jeunes Princes fut regardée par Cortez comme une des plus grandes qu'il eût encore faites, parce qu'il efpéroit pour la conquête de Mexico fe fervir des droits qu'avoit l'aîné fur le Trône, }" M^'.~ Le Général fe mit en marche vers *ent les Efpa. liai cala, avec les plus grandes pre-gnois, cautions, fouuçonnant que cette tfan- retirem dans ,. # ' . « Ma Temple quillire des ennemis cachoit quelque deffein funefle. Il n'avoit encore fait crue peu de chemin, quand il apper-çut des bandes de gens armés, qui des Européens. iS i fuivoient fes troupes à quelque dif- cortez-, tance , fans s'approcher affés pour ch- >xvi. combattre. Cétoient les habitants de An- ,J20' Tacuba , Efcapuzalco, ôc Tenecuya, auxquels les Mexicains avoient donné ordre d'obferver les mouvements des Efpagnols, ôc de retarder leur marche jufqu'à ce qu'ils euffent eux-mêmes rendu les derniers devoirs aux fils de Montézuma. En effet peu de temps après toute la multitude des Indiens fortit de Mexico, joignit fa première troupe, & attaqua l'armée avec tant d'impétuofité qu'elle fut obligée de faire halte, ôc volte-face pour fe défendre. Cortez ayant placé fes armes à feu ôc fes arbalétriers au front, donna ordre à la cavalerie d'avancer Se de charger les Indiens, dont on fît un terrible carnage : mais le nombre des ennemis croiffant continuellement, ils trient leurs flèches & lan-çoient leurs frondes avec tant de fuc-cès, que les Efpagnols fatigués à force de tuerdéfefpéroicnt de repoufferune fi nombreufe multitude , ôc commen-çoient à tomber dans le découragement. Dans cette extrémité Cortez remarqua un édifice avec des tours au fommet d'une éminence affés près l8l DÉCOUVERTES :0 RTj. z du champ de bataille; il réfolut de le Ch.xxvi.' gagner, & il y réunit, quoique ce tïït avec beaucoup de peine. Cétoit un temple dédie aux Divimtes destorers, avec une cour fpacieufe , entourée d'un mur, ce qui joint aux tours ren-doit cet endroit d'une afTés bonne dé-fenfe. Les Efpagnols s'y mirent a couvert du plus grand danger auquel ils euflent été encore expofés,ÔC en considération de l'avantage fignalé qu'ils en retirèrent, ils établirent depuis un hermitage fur le même terrein ÔC lui donnèrent le nom de Nueftra Sennora de las RtmeJ'.os, Notre Dame du Secours, qu'il a toujours confervé. Les ennemis s'étaut approchés des murs à la portée de moufquet , tirèrent un nombre prodigieux de flèches; marquant leur fureur par les cris les plus affreux ôc les inve&ives les plus piquantes. Le foir ils fe retirèrent du côte de Mexico : mais les Efpagnols découvrirent du haut des tours qu'ils avoient fait halte dans la plaine, ôc que s'étant féparés en différents corps, ils tâchoientde paroitre cachés jufqu'à u matin. Cortez établit fes corps-de-garde & pofa fes fentinelles avec la plus des Européens. 283 grande attention : enfuite il donna c o k t t z. ordre de faire des feux, non-feule- ch- axvi' ment à caufe du froid de la faifon : An. iSZISt niais aufîi pour brûler un nombre prodigieux des flèches des Mexicains, qui étoient tombées dans la cour. Les foldats fe rafraîchirent avec les provi-fions qu'ils trouvèrent dans le temple, ce avec ce que les Indiens avoient fauve en même temps que le bagage : on penfa les blelïés le mieux qu'il fut polîible dans la pofition où l'on fe trouvoit, & les couvertures des chevaux fervirent de charpi & de bandage. Pendant que le Général em-ployoit ainfi toute fon induftrie à fecourir fes malheureux foldats, il examinoit en lui-même tous les dangers d'une oppofition à laquelle on ne voyoit pas de fin, 6c affemblant un confeil de fes Officiers, il leur dit que fe trouvant hors d'état de confer-ver ce pofte faute de provifions, & fans efpérance de faire leur retraite pendant qu'ils étoient environnés d'une telle multitude d'ennemis, il croyoit à propos de continuer leur route durant la nuit, afin d'être éloignés au foleil levant de deux ou trois lieues de la tête des Indiens, qui cer- 184 Déco uvertis Cortez taînemenr voudroicnt encore recom-ch.xxvi.'mencer leurs attaques. ab ; >e Cette proposition fut approuvée unanimement, ÔC après avoir donné Hscentinurnt quelques heures de repos aux fol-lcurmarchc,dats, qui, malgré l'excès de leur fatigue, Ôc malgré les bleffures que la plupart d'entr'eux avoient reçues , voyoient la nécelfité de prendre ce parti ; ils forrirent du temple à minuit, laiiîant des feux allumés pour tromper les ennemis. L'avant-garde commandée par Diego de Ordaz, &fous In conduite de bons guides fît environ une lieue fans trouver d'obflacle : mais comme les troupes entroient dans un terrein coupé ÔC montagneux, elles découvrirent plufieurs embufeades formées par les milices des villes voifines, qui defeendoient du haut des éminences , ou qui veiaoient fans ordre entre les halliers, pour attaquer les flancs. Quoique ces légères efearmouches incommodaffentles Efpagnols, elles n'arrêtèrent pas leur marche, ôc après avoir fait deux lieues, ils firent halte avant le point du jour dans un autre temple qu'ils trouvèrent fur une hauteur, quoiqu'il ne fut pas û élevé 3 ni fi grand que le polie qu'ils des Européens. 285 avoient quitté. Aurîi-tôt qu'ils turent c ORTtz convaincus par la lumière du jour, ch. xxv 1. 3ue ceux qu'ils avoient pris pour des An< etachements de l'armée mexicaine, n étoient que des bandes de lâches payfans, ils continuèrent leur marche , ôc firent encore deux lieues jufqu'à un village avantageufement fitué. Ils le trouvèrent abandonné par les habitants, ÔC ils y relièrent deux jours, jufqu'à ce que leursbleffés euf-fènt repris des forces pour continuer le voyage. Les Efpagnols firent encore deux marches par un pays plein de rochers ôc flérile , éloignés de la grande route, qu'ils avoient quittée à delfein : foupçonnant la fidélité de leurs guides, privés de couvert pendant la nuit ; continuellement perfé-c-utés par des partis d'Indiens, ÔC ex-pofés à la faim ôc à la foif, qu'ils tachoient d'appaifer par les herbes ôc les racines de la campagne : mais un de leurs chevaux qui mourut alors, donna du foulagement à ceux qui étoient réduits à la plus grande extrémité. La dernière de ces marches fe termina à un village, où les habitants les reçurent avec des marques de joye, Se leur fournirent ce qui leur étoit l86 DÉCOUVERTES 10 K r 17 néceffaire avec toutes les apparences Ch. xxvi'.' de la franchife tk de l'hospitalité : mais c'étoit un flrataceme, pour en- An. 1520. • 1 W 11 a tretenir les Llpagnols dans une trom-peufe lécurite, alin qu'ils rombalfent moins préparés dans le piège que leur tendoicnt les Mexicains, ils arrive- Le lendemain de grand matin, lorf-rwt?,{j vjl" que Tannée montoit une hauteur, b/. " dont la delcente oppoiée conduiloit dans la vallée d'Otumba, Donna Marina dit que les Indiens qui les iui-voient avec de grands cris ôc des airs menaçants ne cellbient de répéter: » Avancez, tyrans ; avancez ; vous >t ferez bientôt à l'endroit où vous » périrez tous ! » Cortez jugea par cette exclamation que quelque dan-gereule embufcade les attendoit ; il donna les inltruûions convenables à fes Officiers, ÔC prit toutes les précautions poffibles pour fe garantir d'une lurprilè. En effet quand ils eurent atteints le fommet de la montagne ils virent que le palfage étoit entièrement occupé par une multitude immenfe de gens armés, qui rempliffoient toute la vaile étendue de la vallée d'Otumba. . C'étoient les mêmes Indiens qu'ils des Européens. 287 avoient combattus au premier tem- (: 0 R T t z J ple,renforcés d'un nombre infini d'ha- Ch xxvi. bitants de Mexico, conduits par leur An> ,J2(fc> principale Noblefie. Ils s'étoienr partagés en différents corps, ôc par di-verfes routes avoient marché avec tant de diligence qu'ils avoient devancé les Efpagnols , ôc s'étoient ' joints dans cette plaine fpacieufe, où ils pouvoient les attaquer fans craindre d'être gênés par le terrein. Le front de cette armée , ccmpo-fée de différentes nations, comme on le voyoit par la diverlité de leurs couleurs ôc de leurs étendards, occu-poit toute la largeur de la vallée ; mais les yeux ne pouvoient atteindre l'extrémité de leur arriere-garde. Le Capitaine Général de l'empire étoit au centre , porté fur les épaules de plufieurs hommes, dans une litière fomptueufe , pour être en état de mieux juger de ce qui étoit à faire, ÔC pour voir l'exécution de fes ordres. On le reconnoiffoit par l'étendard royal de Mexico, qu'on ne met-toit en campagne que dans les occasions les plus critiques. Il étoit formé d'une efpece de rélau d'or mailif, fufpendu à une pique , couronnée i c u k t e z d'une plume de diverfes couleurs , ca. xxvi.'& cet appareil joint au mouvement . des différentes armes & des plumes * ' agitées par le vent formoit un Spectacle également magnifique Ôc redoutable. Bataille Cortez après avoir jette les yeux l'Otumba. fur cetre terrible immenfité d'ennemis, fe tourna vers Ses Soldats , avec Son ardeur ordinaire , ÔC leur dit, que dans la circonstance actuelle , il falloit vaincre ou mourir. Il auroit continué Sa harangue ; mais il Sut interrompu par Ses gens, qui fré-mifToient d'impatience , Ôc dont les viSages étoient animés du feu de la colère ; ils lui crièrent de donner l'ordre , ôc de les conduire fans perdre de temps au combat. Cortez ne voulant pas laiffer refroidir cette ardeur, marche à l'inflant même, ayant déjà fait toutes fes difpofitions. La première décharge des armes à feu Ôc des ar-balêtres fait un effet terrible : chaque coup de lance ôc d'épée perce un Mexicain , ÔC les chevaux renverfent ôc foulent aux pieds tous les corps qui veulent atttacjuer en flanc , ou envelopper l'armce. Les Tlafcalans fe jettent dans le plus épais de la mêlée , avec des Européens. 189 avec une foif infatiable du fang de leurs 7TTT77T ennemis, oc les Efpagnqls gagnent ch.xxvi. quelque terrein dans ce premier ef- An ^ fort : mais les Mexicains combattant avec toute l'opiniâtreté de la fureur, aufîi-tôt qu'un de leurs corps eff taillé en pièces , un autre lui fuccede ; la bataille fe renouvelle continuellement par le fecours des troupes fraîches, oc les Efpagnols font prêts à tomber de fatigue par l'exercice continuel de leurs armes. Cortez, qui combat à cheval, partout où il voit que fon fecours eft le plus néceffaire , porte la terreur 6c la mort à la pointe de fa lance ; mais il juge que les forces de fes gens ne peuvent fuffire dans une action qui ne leur donne aucun relâche , 6c il entreprend par un effort extraordinaire d'enlever l'étendard royal, qu'il voit briller au milieu des Mexicains, penfant avec raifon que les ennemis fe difperferont aufîi-tôt qu'il s'en fera rendu maître. Il donne ordre à Gonzalez de Je Cort^eB* Sandoval, à Pedro de Alvarado , àdardRoyST3 Chrilfophe de Olid, 6c à Alonzo Davila de le fuivre 6c de tenir en fureté fon arrière - garde , pendant qu'avec fes troupes il charge la partie Têtn. IL N 10O DÉCOUVERTES c 0 R T l ' ' des ennemis qui elt la moins qui s étoient écartes de cote oc liafcalajis. d'autre pour le pillage, continua fa marche , toujours dans la crainte d'être encore attaqué, d'autant qu'il voyoit plufieurs corps de troupes fur le fommet des montagnes : la nuit fuivante , il s'empara de quelques maifons, quoiqu'il ne penfat pas que fes gens y fuffent beaucoup en fureté. Enfin le lendemain les ennemis l'abandonnèrent en pouffant de grands cris, accompagnés de menaces, oC peu de temps après, il entra fur les terres des Européens. 293 de Tlafcala. Toute l'armée exprima Cortez fa joie par fes acclamations , & les ch. xxvu. Tlafcalans fe proiternerent fur la ter- An, ,J20i> re, qu'ils baiferent dans un tranfport de ravilfement femblable à celui des enfants pour une mere chérie. Ils s'arrêtèrent en ce lieu pour fe rafraîchir avec les eaux d'une fontaine délicieufe. Le Général dans une courte harangue repréfenta aux Efpagnols combien il étoit important pour eux de conferver l'amitié des Tlafcalans , oC les exhorta à fe conduire dans cette ville avec autant de douceur que de politelfe envers les habitants, afin d'éviter toute occafion . d'offenfer le moindre des citoyens, puifque la faute la plus légère pouvoit expofer leur fureté commune. A midi il mit fes troupes en cmarrier dans Gualipar , ville confiderable , dont les habitants le reçurent avec la plus grande hofpitalité. Il envoya de ce lieu deux Tlafcalans au Sénat, pour lui faire part de fa retraite 6C de fes fuccès ; mais la renommée avoit déjà répandu le bruit de fa victoire ; & à peine fes députés étoient partis qu'il reçut la vifitc de fon ami Magif-catzin, du vieux Xicotencal avec fon Niij "C Cortez répéta fes offres qu'il leur envoya par écrit, en les menaçant, s'il refufoient de fe foumettre de les détruire par le fer ÔC par le feu comme traîtres au Roi, Se de vendre comme efclaves tous ceux qui pourroient furvivre. Ils reçurent avec raillerie ce papier qu'il leur avoit envoyé , comme quelque chofe de myfférieux pour exciter leur étonne-ment Se leur infpirer de la crainte : lui firent une féconde réponfe encore plus infolente que la première, Se fe mirent immédiatement en campagne pour s'oppofer à fa marche. Ils formèrent dans quelques champs de maiz , une embufeade dont ils au-roient pu retirer quelque avantage s'ils avoient eu plus de précaution: mais leur impatience les fît découvrir de loin, Se Cortez eut le temps Se les moyens de prévenir leur def-fein. Après avoir fait les difpofitions convenables, il continua fa marche, comme s'il ne les avoit pas découverts ; mais par une évolution fubi-te, il les attaqua avec vivacité ÔC 308 Découvertes ê o r teT" en ^r un Pr°digieux carnage. La ba-eh.xxviu. taille devint bien-tôt générale, oc . malgré l'opiniâtreté & le défefpoir que ianoient paroitre les 1 epeacans dans le combat , ils furent en peu de temps mis en défordre ; leurs alliés Mexicains les abandonnèrent : la déroute devint générale, ÔC elle fut Suivie de la perte de prcfque toute leur armée. Ils envoyèrent des députés la même nuit, pour implorer la clémence du vainqueur, ôc pour fe rendre eux & leur ville à la dif-crétion de Cortez, qui remporta cette victoire fans avoir perdu un feul homme. Le lendemain il entra dans la ville, 6C tous les habitants fe prof-ternerent devant lui avec des marques de foumiffion 6c d'une crainte excelUve : mais quand il eut ordonné à fes interprètes de proclamer le Roi Charles, 6C de publier un pardon général au nom de ce Monarque , toute leur frayeur fe changea en une joye qui les jetta dans des tranfports qui tenoient de l'extravagance. Ils Supplièrent Cortez de prendre leur ville fous fa protection, afin de ne plus agir par l'influence des Mexicains, qui les avoient portés à des Européens. 309 renoncer à leur premier traité avec cortez, les Efpagnols d'une manière auiîi ch.xxvu 1, cruelle que perfide. Le Général pre- * „, nant avantage de leur demande fortifia la ville par un retranchement & une paliffade , & bâtit une efpece de citadelle pour les tenir dans l'obéif-fance, ÔC pour affurer le palfage à la Vera-cruz : Avant de commencer cet ouvrage il envoya tous les prifonniers qu'on avoit faits dans la bataille , à Tlafcala, où ils Mirent vendus publiquement pour efclaves , dans la vue de détourner à l'avenir les autres Indiens de la révolte : aète d'inhumanité dont nous voyons avec chagrin que le vainqueur du Mexique fouilla fa gloire. Xicotencal arriva avec le refte de fes troupes, au nombre de trente-cinq mille hommes, & Cortez pour les occuper envoya différents détachements fous la conduite des Efpagnols dans la province de Tepeaca, pour rédidre quelques places qui te-noient encore pour les Mexicains qui leur fourniffoient du fecours. Les troupes de Cortez revinrent bientôt vicforieufes , après avoir repouffé les ennemis au-delà des mon- 310 Découvertes ■„.,,.., taenes, ôc s'être enrichies d'an butin ch.xxvnt coniiaerable, ainii que d un grand An 1520 nom^re de prifonniers, qui furent S2° vendus comme efclaves, Suivant la méthode nouvellement adoptée. Guatim". Quetlavaca , Empereur du Méxi- Sein fu.tcie à / i a l'Empire, que étant mort vers le même temps, les Electeurs s'affemblerent, ÔC conférèrent la dignité Impériale à Gua-timozin , neveu ôc gendre de Montézuma. Ce jeune Prince prudent ÔC courageux, gagna l'affection des peuples, par les fages règlements qu'il fît au commencement de fon règne. Il encouragea les foldats par des ré-compenfes ôc des privilèges : exempta fes fujets de tout tribut pendant que la guerre continueroit, traita les nobles avec douceur; fît des préfents aux Caciques des frontières pour les maintenir dans leur fidélité, ôc envoya une armée de trente mille hommes pour les foutenir ôc pour les encourager. Expédition Cortez fut informé de toutes ces pe ohd. cirConftances par des députés du Cacique de Guacachula, ville peuplée ÔC guerrière, fituée fur la route de Mexico, qui les envoya pour lui porter fes plaintes de la tyrannie des des Européens. 311 Mexicains, & pour implorer le fe- c 0 R T t £ cours des Efpagnols contre leurs op-ch. xxviiù preffeurs. Cortez, bien convaincu Am ww> de la fincérité du Cacique, & de l'avantage que les Chrétiens retire-roient en chaffant les ennemis d'une place auiîi importante, forma le même jour un corps de trente mille Tlafcalans, avec trois cents Efpagnols & treize chevaux : & le fît partir le lendemain matin avec les envoyés de Guacachula , fous les ordres de Olid dont les inltruéfions portoient de repouflér les ennemis, Se de prendre poffefîion de la ville. Ils marchèrent avec ardeur l'efpace de fix lieues : mais étant à peu-près à la même diffance de Guacachula , il leur fut rapporté par quelques pay-fans, que l'Empereur du Mexique étoit en marche avec toute fon armée pour leur livrer bataille. Ce rapport fit une telle imprefiîon fur les foldats de Narvaez, qu'ils refuférent abfolument de marcher, Se ce ne fut qu'après des peines extrêmes que Olid pût les engager à remplir leur devoir. A peine leurs clameurs étoient appaifées, qu'on vit différents corps de gens armés qui def- 3 II DÉCOUVERTE? 3 ■ j " f"z cendoient des montagnes, & qui s'a-ch. xxvin! vançoient vers eux avec la plus grande diligence. Olid mit fes trou-An*I5M" pes en bataille : mais il apprit bientôt par quelques Cavaliers qu'il avoit envoyés à la découverte , que ces Indiens étoient commandés par le Cacique de Guaxocingo , & par quelques autres Caciques voilins qui venoient fe joindre aux Efpagnols contre les Mexicains, parce que ces derniers avoient ravagé leurs Etats. Les Tlafcalans eurent des foupçons fur les deifeins de ces Caciques, ÔC ils les firent paffer aux Efpagnols % en leur diiant qu'on ne devoit pas fe fier à ces peuples , qui étoient probablement envoyés par les Mexicains pour tromper les Efpagnols j & pour tomber fur eux quand on feroit aux mains. Olid donna trop de confiance à ces doutes injurieux : i! fît arrêter les Caciques, & les envoya dans les fers à Cortez, qui étoit demeuré à Tepeaca. Cette conduite inconfidérée n'eut aucune fuite facheufe : les Indiens , qui étoient réellement venus avec des intentions favorables , gardèrent leur poffe, Se réfolurent d'attendre patiemment la décifiorç des Européens. 313 decifion du Général, ne doutant pas TTTTZT" vi ,a • n. v , r , , Cortez, cm il ne rendit jultice a leur fincerire. ch. xxviii. Leur attente ne fut pas trompée : Cortez très lâché 6c irrité de voir n" I52°* ïps Caciques dans les chaînes, fit à Imitant brifer leurs fers ; les reçut T^S£H de la façon la plus affable , leur fit défait i« Modes excufes fur la dureté de fon Ca- ,cal s' pitaine, 6c les afîiira qu'il feroit févé-rement réprimandé. Il accepta l'alliance qu'ils lui offroient, ÔC ayant acquis leur confiance ôc leur eitime, il partit lui - même avec eux , pour prendre le commandement de cette expédition, jugeant que fa préfence y étoit abfolument néceffaire. Au{-fi-tôt qu'il fut arrivé à fon armée, il ne parut plus aucun fymptôme de mutinerie: Il reprit fortement Chriito-phe de Olid fur fa conduite inconli-derée ; joignit fes nouveaux alliés à fes troupes , ôc marcha directement à Guacachula, les ennemis*étant placés un peu plus loin A côté de cette ville. Les Mexicains, informés de fes mouvements s'avancèrent en grande diligence entre les Efpagnols ôc cette place, ÔC engagèrent le coT.bat par un choc furieux. La victoire ne fut pas long-temps incertaine , car le TomïlL O j JI4 DÉCOUVERTES rwTT Cacique de Guacachula faififfant cet» portez, r i r z"j i* ' \ ch. xxviii te occalion de marquer la fidélité a, Cortez , tomba fur l'arrière - garde des Mexicains, qui en moins d une demi-heure furent entièrement défaits. Les Efpagnols prirent leurs, quartiers dans la ville, Ôc les Tlafcalans demeurèrent hors des murailles avec les confédérés, dont le nombre augmenta considérablement par l'arrivée des autres Caciques , qui s'étoient fournis au Roi d'Efpagne r en forte que l'armée de Cortez fe trouva alors compofée de cent vingt mille hommes. Il fongea enfuite à réduire Yzucan, ville très forte par fa Situation , ôc munie de folles oc de ravelins, défendue au front par une rivière ; avec une garnifon de dix mille Mexicains qui avoient rompu le pont, afin de difputer le paf-fage. Malgré des circonflances aufîi propres à» décourager, Chriftophe de Olid qui commandoit l'avant - garde fe jetta avec fes troupes dans la rivière, Ôc quoique fon cheval eût été tué , Ôc qu'il fut lui-même blcffé à la cuifiè , ii gagna le rivage oppo-fé ôc repouffa les ennemis dans la ville. Ils parurent vouloir s y défen- des Européen s. 31 f dre : mais à peine toute l'armée eut çORTFZ-paffé la rivière, & reçu les ordres ch. xxvin, pour Patraque, que tout à coup les. An cris des Mexicains cefferent, ôc que I52Q* leur garnifon difparut.. Cortez ayant remarqué qu'ils fuyoient vers les. montagnes , détacha quelques compagnies d'Efpagnols ôc la plus grande-partie des Tlafcalans pour pourfui-vre les fuyards : mais trouvant que ta ville étoit entièrement abandonnée par les habitants, il choilit quelques-uns de ceux qu'il avoit fait prifonniers , Ôc les envoya dans les. bois ÔC dans les halliers, où ces gens s'étoient retirés avec leurs familles % offrir un libre pardon, ôc un bon traitement à tous ceux qui retourne-roient dans leurs maifons. Sur cette promelTe la ville fiit prefque totalement repeuplée dès le même jour, ôc le Général partagea les dépouilles des deux actions avec fes nouveaux alliés, qui furent charmés de fa générofité. Lui ôc les Tlafcalans retournèrent en triomphe à Tepeaca, où il fit achever le fort ôc l'établif-fement, auquel il donna le nom de Segura de la Frontera. Vers le même temps il arriva un Vchr^ea Oij Cortez va^eaLl a ^ean de Ulua , avec Ch. xxvu'.treize foldats Efpagnols, deux chevaux , tk quelques munitions tk pro-An. iîio. vifions, envoyées par Diego de Ve-. s lafquezà Pamphile de Narvaez, fous troupes con- les ordres de Pedro de Barba, qui éFief p'aQeiii ^t°it Gouverneur de la Havane à fon fa vice quand Cortez partit pour fon expédition. Pedro de Cavallero , qui commandoit fur la côte , fortit dans une barque pour reconnoître, tk Salua avec beaucoup de politeSfe ces nouveaux venus : mais ayant quelque foupçon du fujet de leur arrivée, quand Pedro de Barba lui demanda des nouvelles de Pamphile de Narvaez , il lui répondit fans héliter qu'il étoit en bonne Santé, & avoit eu le plus grand fuccès ; que tous ces pays lui étoient fournis, ÔC que Cortez, avec un petit nombre de fes gens avoit pris la fuite dans les montagnes. Sur cette réponfe, Pedro de Barba defcendit fans aucune méfiance, ÔC fut conduit à la Vera-cruz : mais voyant qu'on l'avoit trompé, il ne fut nullement mécontent de la réufTite de ce Stratagème, étant ami de Cortez, 6c très bien intentionné pour lui. Lorfquil arriva des Européens. 317 à Segura de la Frontera, le Général Portez le reçut avec autant de courtoisie Ch. xxvui, que d'affection, lui donna le com-mandement dune compagnie d arbalétriers, & fit quelques préfents à fes foldats, qui s'enroliérent volontiers à fon Service. Il lut alors la lettre deltiraée pour Narvaez, dans laquelle Velafquez lui promettoit un puiffant fecours, & lui ordonnoit d'envoyer Cortez fous bonne garde à Cuba , d'où il feroit transporté comme un criminel en Efpagne, Suivant les intentions de l'Evêque de fiurgos, qui vouloit en faire publiquement un exemple de la manière la plus ignominieufe. Huit jours après, un fécond vaifTeau arriva encore avec un renfort de huit foldats , une jument, Se une quantité considérable d'armes oc de munitions, fous les ordres de Rodrigue Morejon de Lobera, qui fiit également trompé par Cavallero , & envoyé à Segura , oii lui oc fes gens s'engagèrent comme les autres dans l'entreprife de Cortez. Le Général avoit déjà réfolu de faî- codWcffi re la conquête de Mexico, ne doutantb "gamin*, pas qu'il n'y réuiïit, foutenu comme O iij "$ 18 DÉCOUVERTES Cortez ^ ^ étoit par un fi grand nombre d'In* Ch. xxvu'. diens confédérés: mais pour remé-An dier à la difficulté du lâc, qu'il fal-loit néceffairement paffer, il réfolut de faire conltruire douze ou treize brigantins , qui fuffent en état de ré-iifrer aux canots des Indiens, ôc de tranfporter fes troupes dans la ville. 11 fe propoiâ d'en faire porter toutes les pièces fur les épaules des Ta-mènes, ôc de les faire ainii paffer le; montagnes de Tlafcala, jufqu'à une rivière, qui étoit dans le voifi-nage du lac. Il communiqua cette idée Singulière à Martin Lopez, qui approuva ce projet, ÔC promit de l'exécuter. On l'envoya aufîi-tôt à Tlafcala , avec tous les Efpagnols qui étoient au fait des ouvrages de charpente, Ôc un nombre d'Indiens Suffisant pour couper les bois, ôc pour fervir fous lui aux autres opérations néceffaires pour la réufîite de cette entreprife. Cortez donna ordre d'apporter de la Vera-cruz tout le fer ôc les agrez qu'on avoit ôtés des vaiffeaux quand on les avoit coulés à fond : employa au nombre d'hommes à tirer du bray ôc du gaudron des arbres qui des Européens. 319 pouvoient fournir fur les monta- (jORTEZ gnes, tk en envoya d'autres fous les ch. xxvm. ordres de Laet-à-Montano, chargé ^ du foin de l'artillerie, au Volcan dé- " J5"5* couvert par Diego de Ordaz , d'où •ils apportèrent une grande quantité de fouffre, dont on fit de la poudre pour cette expédition. Après avoir pris toutes ces mefures, Converfi©* 'Cortez laiffa des instructions pour'c-atl^.s'ta'r3 le nouveau Confeil de Ségura ; nomma François de Orozco Commandant de la garnifon , compofée d'environ vingt foldats Efpagnols, avec pouvoir fur la milice du pays, Repartit pour retourner à Tlafcala. Il y entra en équipage de deuil, à caufe de la mort de ion vieux ami Magifdatzio, qui s'étoit converti au Chriftianifme dans fes derniers moments. On couvrit les armes des Officiers tk des foldats Efpagnols d'étoffes du pays teintes en noir, tk ils entrèrent dans un profond filence avec des marques • de douleur très agréables aux Tlafcalans, qui regardoient le défunt comme le père commun de tout le pays. Par la recommandation de Cortez Ja place de Cacique fut donnée à fon ifils , jeune homme d'un grand cou-O iv 3 20 DÉCOUVERTES Cortez la»e ^ ^e talents extraordinaires, ch. xxvm. Peu de temps après fon élévation , il A» i u ^llt converri a 'a religion chrétienne 6C baptifé par le Père Barthelemi de Olmcdô, ions le nom de Dom Laurent de Magifcatzin. Son exemple fut fuivi par un autre jeune Seigneur, Cacique de Yzucan, qui vint à Tlafcala remercier Cortez d'avoir terminé une difeu/îion à fon avantage: enfin le vieux Xicotencal renonça aufïï aux erreurs de la fuperiîition indienne. NflUTWufe- Nous avons déjà rapporté que rnob , q«J rrançois de Garay avoit cte repouiie j^nemCor'à Panuco, pendant que Cortez étoit à Zempoalla : malgré cet échec il équipa un plus tort armement avec lequel il voulut reprendre cette expédition. Bien loin d'y réuflir , aufîi-tôt que fes foldats furent débarqués les Indiens les attaquèrent avec tant de fureur, qu'ils furent obligés de fe retirer à leurs vaiffeaux en grand dé-fordre, &C d? fe remettre immédiatement en mer pour leur fureté. Ils furent féparés pendant quelques jours, durant lefquels ils formèrent tous un même deffein, fans connoî-tre les femiments les uns des autres, des Européens. 311 & fe rendirent prefque tous en même Cortez temps fur la côte de la Vera-cruz, ch. xxvhi. dans l'intention de fervir fous Cor-rez, dont la réputation les y attiroit. n* I51°* Le premier vaifTeau qui arriva avoit à bord foixante foldats Efpagnols -, commandés par le'Capitaine Camar-■go : le fécond portoit cinquante hommes choiiis & fept-chevaux aux ordres . CHAPITRE XXIX. Il arrive de nouveaux fecours à la Vira* cru^ : On envoyé une députation à la Cour d'Efpagne pour demander de plus grandes forces : Cortez^ établit d'excellents règlements militaires : Il marche vers Mexico : Varmée Efpa-enole en danger d'être noyée , èchapc heureufement, & continue fes opérations avec fucces. Cortex ren- iT~^E fecours incfpéré, ôc qui venoit TJ? mécon- n a propos ne pouvoit manquer cent». d'être agréable k Cortez, dont la ré-putation s'etoit répandue dans toutes les Ifles Sujettes à la Couronne d'Ef-:pagne. Ces nouvelles troupes prirent la route deTlafcaîa en trois différents corps, auffi-tôt qu'elles furent débarquées, ôc furent reçues avec des tranf-ports de joie-de Cortez, ÔC de fes ! gens, qui les embrafferentcomme des «mis qu'ils auroient connus depuis long-temps. Il n'y avoit cependant -entre 'eux «d'autre liaifon que celle -lï reçut bientôt une réponfe favorable de ces ^Pères., qui approuvèrent -.conduite, ôc quoiqu'ils ne fulTentpas ;en-état de lui envoyer ^les Recours 'Des Européens. 327 qu'il demandoit, ils lui promirent de çORTEZ>-foutenir auprès de l'Empereur la juf- ch xx k; tice de fes prétentions, ôc de réprimer les efforts de fes rivaux, par les *"* IJ1°* injonctions les plus précifes , -pour qu'ils fe défiiîaffent de leur opposition. Quoique Cortez ne retirât pas im-(Ii.r^7;fm^ mediatement le fruit de toutes ces me- fber vers Mé-fures, il triompha à la fin de tous fes X1C0' adverfaires. Il reçut à peu-près dans le temps dont nous parlons un nouveau fecours de treize foldats Espagnols, qui vinrent éprouver la fortune dans un vaiffeau, qui arriva à la Vera-cruz, chargé d'armes, de poudre & *de provifions. Le Général rélblut -alors de fe mettre*en marche., fans •attendre que fes brigantins- fiifTent "finis, parce que les troupes de la République ôc des autres alliés étoient déjà ralTembîées , ôc qu'il appréhen-■ doit que leur inacfion-ne fut Suivie de 'quelques inconvénients. Cortez ayant tenu confeil avec fes '•Capitaines, il y fut réfolu que Ton commenceroit cette expédition par Tezcuco, qui étoit fur la route .de Tlafcala ôc prefqne fur les bords.du. -lac.- Us réfolurentde fortifier txate 318 D É C OUVERTES SsTTZn ville & d'en faire une place d'armes, portez-, „ „ _ . . . i ^ Ch. xxix.qui put aulli leur iervir d une îure retraite , s'il leur arrivoit quelque échec An, 15.20. jes accidents que la guerre peut occafionner. Aufîi-t(k après cette réfolution, Cortez fit la revue de fes Efpagnols, •dont il trouva que le nombre montoit à cinq cents quarante foldats, avec quarante chevaux Ôc neuf pièces -de canon qu'on avoit tirées des vaiffeaux. Cette revue fe fit avec la plus grande orientation, pour s'attirer de plus en plus l'admiration des Indiens, qui étoient venus en un concours prodigieux pour voir ce Spectacle. Ils furent tellement frappés de la beauté des drapeaux, de l'armure des foldats, -de leur dextérité à faire agir leurs chevaux, de leur adreffe dans le ma-•niment des armes, & de leur grâce à faluer le Général, qu'ils firent retentir l'air d'acclamations pour marquer fleur furprife ôc leurs applaudiffements. Xicotencal, foit par ambition d'imiter les Efpagnols , foit pour faire honneur à Cortez, parut à la tête de «dix mille Tlafcalans dans fes habits les :plus magnifiques, &: ieur fit faire l'exercice indien .avec autant de pom- des Européens, 329 pe que d'agilité. Chaque Capitaine \ ôTïTi5. etoit orné de plumes de diverfes cou- Chap. xxix. leurs, avec des joyaux à fes oreilles o_ x / , , ' J ^ r An. ijzo. oc a les lèvres, portant ion macana, ou épée à deux mains fous le bras gauche , la pointe en haut, ôc fuivi d'un Page chargé de fon bouclier, où étoient repréfentées diverfes figures, Hcxmpofc pour marquer fes exploits guerriers. 2,n«7 2£ Le Général, prévoyant la difficulté uir«. de conduire & de gouverner une armée de tant de nations différentes , compofa un corps de loix militaires, pour être obfcrvécs par tous les foldats fous peine de mort* Il portoit en fubfhince , qu'aucun homme ne tire-roit l'épée contre un autre, foit en marche, foit dans les quartiers : qu'aucun Efpagnol n'infulteroit aucun Indien confédéré ni de parole ni d'action : qu'on ne violeroit ni abu-feroit aucune femme, même celles qui appartiendroient aux ennemis : qu'aucun foldat ne pourroit s'écarter de l'armée pour aller au pillage, fans en avoir demandé ÔC obtenu la permifîion : qu'ils ne pourroient jouer ni leurs chevaux ni leurs armes : enfin les jurements, les blafphêmes ôc plufieurs autres crimes furent défendus fous peine d'infamie Ôc de dégra- 330 DÉCOUVERTES TvTrrrr-dation. Ces ordonnances furent in-■portez, , , . . Ch. xxix. terpretees aux Commandants des troupes Indiennes, & eurent un effet n' Iî20' étonnant pour réformer leur difci-pline : car après quelques exemples ils fe conduisirent avec autant d'at- n feirietcutention que de circonspection & de marche pour réfei'Ve. Lorfcjue ces fages règlements eurent été établis, ÔC qu'on eût pris toutes les mefures nécelTaires pour la marche, le Général fit une harangue aux Efpagnols, qu'on mit en ordre de bataille, afin qu'ils puffent mieux l'entendre. Il les exhorta à fe comporter avec toutes fortes de complaisances pour ces Indiens, qui embraSTo.ient leurs intérêts avec tant de chaleur: leur fît connoîtie l'importance de l'entreprife dans laquelle ils étoient engagés : leur déclara que fon intention étoit de punir les déiinquents avec toute la rigueur de la difeipline militaire : leur rappclla l'honneur qu'ils avoient déjà acquis par leurs actions précédentes: leur repréfenta l'ample moiifon de gloire qui s'offroir a eux, ôc enfin protefla qu'en toutes occaiions il recompenferoit le mérite par tout ce que pourroit lui Suggérer ion jugement ÔC fes connoistanc^s. Dts Européens. 331 Après cette harangue, qui fût fuivie (jORX£Z ~ 'des plus grandes acclamations, Cor- ch. xxix! *ez fe mit le jour des Innocents de l'année 15 20, à la tête de fon armée, An" 1 compofée de foirante mille hommes, fit fix lieues avant le coucher du foleil, ôc prit fes cjuartiers dans la ville de Tezmeluca , fituée fur les confins du Mexique, ÔC dans la jurifdiction de Guaxocingo, dont le Cacique avoit eu foin de faire venir des provifions en abondance pour toute l'armée. Le lendemain les gens de Cortez continuèrent leur marche avec toute la précaution qu'on doit avoir en pays ennemi ; mais ayant été informés que les Mexicains s'étoient affemblés de l'autre côté d'une montagne, dont le pâffage étoit très difficile-, fur la route de Tezcuco, ils jugèrent qu'il y auroit de l'imprudence à s'engager -le foir dans un terrein coupé, ôc ils pafferent la nuit dans une campagne ■découverte , où ils firent de grands •feux pour adoucir la rigueur de l'air. Le lendemain de grand matin , ils commencèrent à monter la montagne, qui étoit couverte de bois, ôc après avoir fait environ une lieue , ils trouvèrent le chemin embaraifé par des Cortez ar^res mis en travcrs •> par des Ch.ip.xxix1. pieux enfoncés dansle fable ,à deiTein de bleffer les chevaux. Ces obftacles An. 15». ftirent bientôt détruits par un détachement de deux mille Tlafcalans qu'on chargea de ce fervice : on envoya de petits partis pour découvrir les embufcades, 6C quand les troupes eurent fait deux lieues, avec toutes les précautions néceMaires elles gagnèrent le fommet de la montagne , d'où elles découvrirent le grand lac du Mexique, ôc cette vue enflamma les foldats de la plus grande efpérance ôc de la plus vive indignation. Ils remarquèrent qu'on avoit allumé des feux dans les villes éloignées, comme tin fignal de leur approche, ôc ayant continué leur marche par des routes très difficiles, jufqu'à ce qu'ils fuffent dégagés des bois, ils virent à une grande diftance l'armée de leurs ennemis qui remplirent toute la plaine. Ils obferverent qu'elle étoit entourée d'une abondance d'eaux, raffemblées des montagnes voifines, ôc fur lesquelles on avoit fait un léger pont de bois, que les Indiens avoient laiffé pour amufer les Efpagnols , ayant delfein de les attaquer avant qu'ils des Européens. 333 pulTentfe former de l'autre côté. Ce- çORTEZ pendant à mefure que Cortez avan- ci». àaIX* çoit , la réfolution manquoit aux Mexicains, & ils fe retiroient peu- Aa*,52** à-peu fans tourner le dos ; enfin une grande partie des Efpagnols ayant paffé le pont, on détacha vingt chevaux , & quelques compagnies de Tlafcalans, pour commencera efcar-moucher : mais les ennemis s'abandonnèrent aufTi-tôt à une fuite précipitée , cherchant à fe mettre à couvert entre les rochers & dans les montagnes. Cortez ne jugea pas à propos de les y pourfuivre, jugeant qu'il étoit plus important de fe rendre maîtres fans délai de Tezcuco. Le même foir les troupes furent miles en quartier dans un endroit éloigné d'environ trois lieues de cette ville, & le lendemain pendant qu'elles conti-nuoient leur marche, on vit dix Indiens fans armes qui venoient en grande hâte du côté des Efpagnols, avec une plaque d'or, en forme de pavillon , attachée au haut d'une lance pour marque de paix. C'étoient des ambaffadeurs du Roi de Tezcuco, qui fupplioit Cortez d'épargner fon pays & fon peuple, & de le recevoir 334 DÉCOUVERTES Cortez au nomnre c^e *'cs confédérés : ajou-Chap. xxix* tant qu'il avoit fait préparer de bons, quartiers pour les Efpagnols dans l'in-An* ,î20* térieur de la ville, ÔC qu'on fourniroit hors des murailles tout ce qui feroit néceffaire à fes alliés. Cortez s'entretint en particulier avec les députés, pour les examiner: ils lui dirent que l'Empereur actuellement régnant à Mexico avoit menacé leur Prince de commettre fur lui des extorfions ; ÔC de le tenir dans une oppreiTion infu-portable,. parce qu'il avoit refufé de donner fa voix pour lui, lors de fon élection, ôc que le Cacique pour fe mettre à couvert lui ôc fes fujets de cette tyrannie avoit réfolu de recourir à la protection des Efpagnols. H «.tredans Ce Prince étoit vraifemblablement leacuco. je même Cacumazin qui avoit été dé-pofé par Montézuma y ôc que le nouvel Empereur avoit rétabli, parce qu'il étoit reconnu pour ennemi déclaré des Efpagnols. Cette conjecture paroît confirmée par la méfiance de Cortez , qui aufli - tôt aifembla un confeil de fes Officiers, Ôc leur communiqua les proportions qui lui avoient été faites, ainfi que fes doutes fur la lincérité du Cacique Indien. Il des Européens. 575 J fut réfolu de fe conduire avec la rjORTEZ. plus grande précaution : d'accepter cty#. wiZ avec une ardeur apparente l'alliance que ce Prince offroit, afin d'avoir An*l5Z9t une libre entrée dans la ville, oii l'on pourroit fe tenir fur fes gardes contre tout deffein perfide, & d'agir félon ce que les occafions demanderoicnr» Pour fuivre ce plan, Cortez renvoya les ambaffadeurs, avec ordre de dire à leur Prince,qu'il acccptoit les quartiers & l'alliance qu'il avoit offerte. Cette même nuit les troupes logèrent dans, un village très proche de la ville : ils le trouvèrent abandonné des habitants, ce qui augmenta les foupçons du Général, & ils devinrent encore plus, forts quand il vit que ni le Cacique ni perfonne de la ville ne venoit le complimenter fur fon arrivée. Au lever du foleil il fit les difpoûtions néceffai-res pour attaquer Tezcuco: mais elles furent inutiles, car il trouva les portes ouvertes : entra fans aucune résistance ; s'avança dans les rues en bon ordre , &c arriva dans une grande place, où il rangea la plus grande partie de fes troupes, pendant que le relte prenoit polîèlfion des avenues* On vit dans plufieurs autres places > 336 Découvertes ç — des Habitants affemblés en foule, avec Ch. a., la conffernation Ôc l'inquiétude fur le vitage, Ôc comme on ne remarqua au-An. 1523 cmvc femQie parmi eux, le Général ne douta pas qu'ils n'enflent concerté quelque deffein pernicieux. Plein de cetteopinion il détacha Pedrode Alvarado , Chriftophe de Olid, ôc Bernard Diaz de Caftillo, avec un nombre fufhfant de Tlafcalans & de troupes portant des armes à feu, pour prendre poffefîion du principal temple. Quand ils en eurent gagné le fommet ils virent un grand nombre d'habitants qui fuyoient de la ville, les uns par terre, du côté des montagnes, 5c les autres dans des canots pour fe rendre à Mexico. Cortez s'informa de ce qu'étoit devenu le Cacique , 6C il apprit qu'il s'étoit retiré à Mexico, avec un petit nombre de gens peu confidérés : d'autant que la nobleffe tk le peuple en général déteitoit fon gouvernement. On lui dit aufîi que, ce Cacique ayant appris par le retour de fes ambaffadeurs que Cortez étoit foutenu fortement par fes alliés Indiens, n'a voit ofé entreprendre de mettre à exécution le projet qu'il avoit formé pour attirer les Efpagnols dans la ville, afin que des Européens. 337 fr'y croyant en fureté, 6c n'ayant c 0 R T {./, aucun ioupçon ils puffent être tous Ch.xxix. détruits en une nuit par lés Mexicains An. 152».. que ce Prince avoit promis d'y introduire durant les ténèbres. . Cortez s'étant ainfi rendu maître de Tezcuco fans aucune oppofition, réfolut de gagner l'affection du peuple, défendant à fes foldats fous des peines très févéres de piller, ou de commettre le moindre outrage contre les habitants. Il mit les Efpagnols tk une partie des Tlafcalans en quartier dans le Palais du Roi fugitif, tk le relie fiit logé dans les rues voisines , fans entrer dans les maifons , pour ne pas incommoder le peuple. Le lendemain , quelques Prêtres Hyfiûcim» j t j 1 • h ^ un nouveau des Idoles vinrent trouver Cortez , caiique. pour le Supplier de traiter favorablement leurs Dieux : pour le remercier de la modération qu'il avoit déjà fait paroître} tk pour lui demander que les nobles de leur ville euf-fent la permiffion de fe préfenter devant lui, 6c de l'affurer de leur amitié tk de leur obéiffance. Le Général ayant accordé avec joye toutes leurs demandes, les nobles vinrent h trouver en habits de. cérémonie Tom. IL P Cortez avaiTt a ^ei,r r^te un jeune homme Ch. xxix.' d'un air ouvert qui dit à Cortez , qu'il venoit avec cette troupe d'amis : lszo' pour fervir dans fon armée, ÔC qu'il efpéroit que par leur acfivité ils mé-riteroient fa protection. Cortez très fatisfait de l'air ailé de ce jeune homme j l'embralfa avec affection , Ôc après avoir reçu les autres avec le cérémonial convenable , ils fe retirèrent dans un appartement plus particulier , où par le fecours de fes interprètes, il leur nt diverfes questions fur les objets qu'il lui impor-toit de favoir. Il apprit d'eux que le jeune homme, qui lui avoit porté la parole étoit le fils du frère aîné de Cacumazin, ôc par conféquent le véritable héritier de la Couronne, dont Fufurpateur s'étoit emparé , après avoir maffacré fon Souverain. Le Général voyant parleurs difeours que Cacumazin étoit odieux au peuple à caufe de fa tyrannie ôc de fon oppreilion, réfolut d'élever le jeune Prince fur le trône, Ôc par cet acte de jidlice qui lui gagna les cœurs des Tezcucans, il attacha fortement à fes intérêts le nouveau Cacique, cjuifut couronné le lendemain en préfence des Européens. 339 de Cortez, avec grande folemnité, rj0RTEZ " aux acclamations du peuple. Quel- ch. xxix. que temps après il embraffa la Religion chrétienne, & prit le nom de An* I52°* Dom Hernando Cortez par attachement pour le Général qui fut fon pa-rain. AulTi-tôt après cette révolution, la ville fut repeuplée par le retour des familles qui avoient fui aux montagnes : les Mexicains furent déclarés ennemis, & les Efpagnols furent révérés comme leurs bien-faiteurs. Les Tezcucans s'employèrent avec joye au nombre de fix ou fept mille , à travailler fur les canaux qui conduifoient les eaux du lac à la ville , pour les rendre plus larges & plus profonds, afin qu'ils puffent recevoir les brigantins. Pour faciliter cet ouvrage , où les Les r-fpi-travailleurs étoient fouvent troublés g^'J™™ par les canots des Mexicains, & pour rir par les employer les alliés Indiens qu'il étoit J^1"8* difficile de bien contenir tant qu'ils demeuroient dans l'inaction, Cortez réfolur de marcher avec une partie de fes forces à la ville d'Iztacpalapa, Elle étoit limée fix lieues plus près de Mexico, au dedans du lac, & les eaux y étoient conduites par des ca- 340 t) É C O U V E R T E S Cortez naux?avec des éclufes qu'on ouvroîr,1 ch. .\xix.' ou qu'on fermoir, fuivant le befoin. Il partit pour cette expédition avec An. 1520 1 rr , 1 t. .1. trois cents Llpagnols, 6c dix mille Tlafcalans, après avoir lailfé le gouvernement militaire de Tezcuco à Gonzalez de Sandoval. Quand ils furent à la vue d'Iztacpalapa, ils trouvèrent un corps de huit mille Indiens , qui combattirent quelque temps, fe retirèrent enfuite du côté de la ville , fe jettérent dans le lac avec la plus grande précipita-lion 6c disparurent tout - à - coup. Cortez trouvant les portes ouvertes entra dans la place, dont la partie Supérieure étoit totalement abandonnée , Ôc il y établit fes quartiers pour cette nuit, le jour étant trop avancé pour qu'il fut poiïïble de faire aucune entreprife nouvelle. Le foir étoit a, peine venu quand ils s'apperçurent que les canaux fe dé-bordoient, 6c que l'eau fortoit des éclufes avec tant d'impéruofité qu'ils furent obligés de quitter cet endroit fans perdre un inStant, autrement toute l'armée y auroit péri. Cortez exceSfivement mortifié d'avoir ainfi été Surpris, palfa la nuit fur un ter- des Européens. 341 rein un-peu élevé où fes foldats fouf- cORXEZ frirent beaucoup, tant parce que ch.xxixî leurs habits étoient mouillés que par- ^n. jjio. ce que l'air étoit très froid , fans qu'ils euifent aucun moyen de s'en garantir. Au point du jour ils fe retirèrent vers Tezcuco , 6c Cortez les rît marcher à grand pas, pour qu'ils fuffent réchauffés par l'exercice : mais ils n'avoient encore fait que très peu de chemin quand ils fe virent pourfuivis par une multirude innombrable d'ennemis, & ils furent obligés de faire volte-face pour en foutenir l'attaque , qui à l'ordinaire fiit très violente. Cependant les Mexicains furent repouffés avec une perte confidérable, & l'armée fe remit en marche. Malgré ce premier échec , les ennemis fe rallièrent, 6c , retournèrent à la charge par deux fois différentes , où ils perdirent plus de fix mille hommes. Enfin Cortez approchant de Tezcuco , ils cefférent le combat, 6c abandonnèrent la victoire aux Efpagnols, qui ne perdirent pas un feul homme : ils eurent feulement quelques foldats bleffés, 6c un cheval couvert de P iij _341 DÉCOUVERTES Cortez Âéehes , qui vécut allez pour rame-ch.xxix.' ner fon maître dans la ville. An i 20 Pendant que le Général étoit à - Iï2° Tezcuco, il fiit Souvent vifité par les Caciques voifins, & par d'autres Indiens, qui vinrent lui faire leur fou-miHion , & lui offrir leur alliance contre l'Empereur du Mexique qui les opprimoit. Entre les autres il vint en grande diligence des députés des Provinces deChalco 6c d'Otumba, lui demander fon fecours contre ime puiffante armée de Mexicains qui étoient déjà fur leurs frontières, 6c qui les menaçoit de les détruire , parce qu'ils avoient fait alliance avec les Efpagnols. chak'o & Cortez, tant pour protéger fes d'Otumba u.i alliés que pour empêcher les ennemis J;c^;c,,u'Me prendre poffefîion d'un porte qui lui auroit ôté la communication avec Tlafcala, détacha aufîi-tôt Gonzalez de Sandoval, 6c François de Lugo à la tête de deux cents Efpagnols , de quinze chevaux, & d'un corps fiiffi-iant de Tlafcalans. Ils furent attaqués dans leur marche par un corps d'ennemis , qui s'étoient mis en embuf-cade, & qui furent aifément repouffés: mais les Indiens affemblerent une ar« des Européens. 343 mée formidable dans une autre partie de la route de Chalco ôc d'Otumba, ch. x où ds réfolurent de livrer bataille aux An Efpagnols. Sandoval ôcLugo infoi-més de leur deffein, s'avancèrent en bon ordre, ôc les Mexicains s'étant élancés fur eux en fureur oc en con-fufion, furent fi bien reçus par les armes à feu ôc par les arbalêtres qu'ils furent bientôt obligés de s'arrêter dans leur carière. Alors la cavalerie s'avança : fît jour à l'infanterie Ôc aux Tlafcalans pour pénétrer ôc rompre cette multitude contufe, qui fut en même temps attaquée à l'arnére-garde par les troupes de Chalco ôc d'Otumba, & bientôt mife en déroute avec un terrible carnage. Huit des principaux Officiers Mexicains furent faits prifonniers, Ôc on les garda pour s'en fervir dans l'occafion : l'armée vicfo-rieufe paffa la nuit dans la ville de Chalco, où elle fut reçue avec la plus grande hofpitalité. L'ancienne inimitié entre les Tlafcalans ôc ceux de cette ville fut entièrement oubliée ; les Capitaines Efpagnols profitant de cette occafion favorable forent les médiateurs d'un traité de paix entre les deux nations, ôc Cortez le confirma Piv 3 44 DÉCOUVERTES Cortez cjuelque temps après, ainii que le ch. xxix.' Sénat de Tlafcala. , Cette expédition étant ainfi heu-« U10' reufement terminée , Sandoval 6C n fait pro- Lugo retournèrent à Tezcuco , où a°G«umo-X Cortez les honora par des marques »n. particulières d'approbation fur leur conduite. Il ordonna enfuite que les huit prifonniers Mexicains fuirent amenés devant lui ; il les reçut au milieu de les Capitaines, avec un air de févérité, ôc ils s'avancèrent avec tous les Symptômes de la terreur ÔC de la confufion, pour recevoir la punition qu'ils croyoient inévitable. Il leur dit par fes interprètes que quoiqu'il fut en fon pouvoir de venger fur eux les cruautés barbares qu'ils avoient exercées fur fes gens, il vouloit les convaincre que les Efpagnols les fur-paffoient autant en générofité qu'en valeur : qu'il leur accorderoit la vie ÔC la liberté pourvu qu'ils lui promif-fent fur l'honneur de leur nobleffe, de dire en fon nom à leur Prince qu'il venoit demander Satisfaction de la perfidie avec laquelle on l'avoir attaqué dans fa retraite de Mexico, contre le traité que les Mexicains eux-mêmes avoient propofé ôc confirmé: des Européens. 345 mais qu'il venoit particulièrement Cortez pour venger la mort de Montézuma ch. xxix! qu us avoient tue en traîtres : que ion armée etoit alors augmentée, non-feulement d'un nombre d'invincibles Efpagnols : mais aufïï de toutes les nations qui déteftoient le nom mexicain : que dans peu de temps il iroit chercher leur Empereur au milieu de fa Cour : mettroit toutes fes villes en cendres & éteindroit jufqu'à fa mémoire dans le fang de fes fujets, à moins qu'il n'appaifât fon indignation &; ne lui demandât la paix ; qu'il étoit encore difpofé à la lui accorder , à des conditions raifonnablesrd'autant que les armes de fon Roi femblables aux foudres du Ciel ne ffappoient que lorsqu'elles trouvoient de la réfiftance, & qu'elles étoient plutôt conduites par les fentiments de l'humanité que par ceux de la vengeance. Après avoir ainli déclaré fes volontés aux prifonniers : il ordonna de leur ôter les chaînes , & de leur fournir une barque, pour les tranf-porter par eau à Mexico : mais ces Officiers qui pouvoient à peine ajouter foi au témoignage de leurs fens 9 Pv 346 DÉCOUVERTES Cortez jetterent à fes pieds, &C lui pro-ch. xxix! mirent non-feulement de dire à leur Empereur ce qu'il venoit de leur dé-An. uso. ciarer ^ ma*s encore de contribuer de tout leur pouvoir & de tout leur crédit à faciliter la paix. Cependant ils ne rapportèrent jamais de réponfe, auiïï le Général ne penfoit pas que cette démarche eût d'autre effet que de juiriher la guerre qu'il avoit entreprife, & de répandre la réputation de fa clémence entre les barbares. o«lu» tp- Vers le même temps, Martin Lo-•rend que ieî j ^ £ dire que l'ouvrage des bri-font Bnu, gamins etoit nm , & qu il les lui envoyeroit dans peu, d'autant que Ao. ijii. les Tlafcalans fburniffoient dix mille Tamènes ou porteurs, ce deux mille pour relever ceux qui pourroient fe trouver fatigués, non - compris ceux qui étoient chargés d'apporter lespro-vifions & les munitions, outre vingt mille foldats qui dévoient profiter de cette occafion pour joindre l'armée.. Lopez ajoutoit qu'il atrendoit dans la dernière ville des Tlafcalans un convoi d'Efpagnols, parce qu'il ne croyoit pas à propos de paûer par les territoires des Mexicains 3 fans des Européens. 3 47 avoir d'autres forées ni d'autre pro- CorthT" tection que celle des alliés Indiens, ch jh Ces nouvelles répandirent une joie . . générale dans toute l'armée, & Cortez donna ordre à Gonzalez de Sandoval de marcher fans délai avec deux cents Efpagnols, quinze chevaux & quelques compagnies de Tlafcalans vers les territoires de la République, où ils fe joindroient à l'efcorte, & conduiroientLopez avec fes matériaux à Tezcuco. Cet Officier s'arrêta un jour en route à Zule-pèque , petite ville, qui refufoit de le foumettre, & qui étoit le même lieu où les malheureux Efpagnols dont nous avons parlé avoient été trahis & maifacrés dans leur route de la Vera-cruz à Mexico. Par ces raifons réunies, il lui fut donné ordre de châtier ik de réduire les habitants : mais aufîi-tôt qu'ils apperçurent le détachement , ils abandonnèrent la place & prirent la fuite fur les montagnes, oii ils furent pourfuivis par quatre compagnies de Tlafcalans , avec quelques Efpagnols. Sandoval en entrant; dans la ville, trouva ces mots écrits avec du charbon fur une muraille; «Dans cette maifon, l'infor- P vj: 248 Découvertes Cortez m tun(^ îean ^lI^e a ^ Pr*s aVCC ^lt* ch. xxix* » fieurs autres qui l'accompagnoient.» On vit aufli dans un des temples les ' têtes de ces Efpagnols, féchées ait feu pour les préferver de la corruption. Sandoval Cet horrible fpectacle mit en fureur oumct zuk- eeux qUi en furent les témoins,oC Sandoval réfolut de venger à toute rigueur une cruauté auffi exécrable : les compagnies qu'il avoit envoyées à la pourfuite des fugitifs revinrent alors avec un grand nombre d'hommes, de femmes ôc d'enfants, après avoir tué fur les montagnes tous ceux qid avoient refufé de le rendre. Ces mal-heureufes victimes déjà demi - mortes de frayeur , marquoient leur repentir par leurs larmes ôc par les cris les plus touchants : en fe prolf ernant devant les Efpagnols qui furent bientôt émus de compafîion. Sandoval voulut que les Officiers intercédaffent auprès, de lui en faveur des prifonniers, pour donner plus de poids à leurpardon; enfin il le leur accorda, 6c reçut la foumifîion du Cacique, ainfi que des principaux citoyens, qui par la fuite remplirent exactement leurs engagements, foit qu'ils y fuf- des Européens. 349 fent portés par la crainte, ou par la cortez ' reconnoiffance. ch.amx.* Les miférables reifes des Efpagnols maffacrés ayant été rafTemblés , on n' I5W* les enterra décemment, ôc Gonzalez Qn aprorte continua fa marche vers les frontièresles Pitc« de8 de Tlafcala, où il fut reçu avec joie TcfcucoT * par Martin Lopez , ôc par un jeune Officier nommé Chichemecal, qui commandoit le renfort des Tlafcalans; il avoit eu peine à attendre l'arrivée du détachement des Efpagnols, tant il étoit rempli de confiance en lui-même, ôc enflammé du défir de fe fignaler contre les Mexicains. Après être demeuré le temps néceffaire pour repofer ÔC rafraîchir les troupes, Sandoval fit fes préparatifs pour retourner à Tezcuco , ôc Chichemecal fe trouvant placé à l'arrière - garde > prit tant d'ombrage de cet affront prérendu, qu'il fut très difficile de î'appaifer, ou de lui perfuader de continuer à marcher, jufqu'à ce que Gonzalez eût confenti dé faire la route à fes côtés, quoiqu'il fût très irrité de £bn arrogance ôc de fon amour-propre. L'avant-garde étoit compofée d'une partie des Epagnols ôc des Tlafcalans venus de Tezcuco : les Tarae- 350 DÉCOUVERTES Cortez nes (îui march°ient en ordre ÔC en fîle Ch. xxix! avec leurs fardeaux, Soutenus convenablement fur les flancs, formoienr Aft* im' le corps principal, ôc l'arrière-garde cômprenoit le nouveau renfort. Ils pafferem en cet ordre par les territoires mexicains, fans être inquiétés des ennemis, qu'on voyoit cependant en différents corps fur les hauteurs éloignées, & quand ils approchèrent de Tezcuco, Cortez ôc le Roi de cette ville fortirent pour les recevoir avec autant de jgie que d'apparat. Ils y entrèrent enfemble, aux acclamations du peuple ôc de toute l'armée : les bois, les ouvrages de fer, ôc les autres matériaux furent mis en maga-fin féparement dans un grand bâtiment préparé à cet effet près des canaux. Martin Lopez dit au Général que les vaiffeaux ne pouvoient être finis en moins de vingt jours, ôc Cortez réfolut d'employer ce temps à reconnoître le pays aux environs du lac, à s'alfurer des portes convenables, ôc à empêcher les ennemis de recevoir de fecours, ou de pouvoir caufer d'autres dommages félon les occasions qui fe préfenteroient. Pendant qu'iLétoit occupé des préparatifs. des Européens. 351 de cette expédition, Chichemecal lui CoRTfcz; demanda une audience, dans laquelle ch- xxlx« il Te plaignit de ce qu'on le laiûoit An. dans l'inaction depuis cinq jours, & demanda d'être employé immédiatement à quelque fervice, 011 il put faire paroître fon courage & fa capacité. Le Générai, qui étoit ennemi de la préfomption & de l'amour-propre „ qui avoit été informé de l'impé-tuoiité incommode de ce jeune homme dans la marche de Tlafcala, lui répondit avec un air de raillerie, qu'il auroit bientôt occafion de faire uiage de cette ardeur héroïque dans une zx-pédition de quelque importance, ôc qu'il vouloit 1 y accompagner lui-même , pour être témoin de fes exploits. U laiffa le gouvernement de Tezcuco & le foin de faire avancer le travail des brigantins à Sandoval, quiparoît avoir eu la plus grande part àfa confiance, & lui-même avec Alvarado, ôc Chriûophe deOtid fe mit à la tête d'un détachement, compofé de deux cents, cinquante Efpagnols, avec vingt chevaux . un corps nombreux de nobles de Tezcuco, les quinze mille Tlafcalans conduits par Chichemecal, ôc environ cinq mille de ceux que com- 3 5f2 DÉCOUVERTES Cortez mandoit Xicotencal. Ils marchèrent Ch. xxix.' vers Yaltocan , -ville limée à cinq An. un. lieues de Tezcuco, fur un des petits lacs qui re déchargent dans le grand lac de Mexico. Cortez étoit réfolu de réduire cette place, & de châtier les habitants qui lui avoient fait une réporrfe inlolente, 6c avoient même blelTé les dépurés envoyés depuis peu pour leur offrir la paix, & pour requérir leur obéiffance. A une petite distance de la ville, il trouva les Méxi-cainsrangés en ordre de bataille : mais après la première décharge des armes à feu & des arbalêrres, les chevaux tombèrent fur eux avec tant de fureur, qu'ils Mirent immédiatement mis en défordre, & totalement défaits avec un grand carnage. La plus grande partie prit la fuite dans les montagnes: quelques-uns fe jetterent dans le lac, d'autres fe retirèrent à Yaltocan , & plufieurs qu'on ht prifonniers forent envoyés dans les fers h Tezcuco. ÏETr L'aflaut de la ville fut différé jùf-ivannçcs fur qil 3u lendemain r l'armée parla la lejucxicamî. qirelques maifons près le champ de bataille ; mais les Efpagnols trouvèrent fe matin l'entrepri-fe ploS' driftcile qu'ils-ne Favoiem; dès Européens. 353 prévue. La place étoit fituée fur le cortêz lac , entièrement entourée d'eaux , Ch. xxlx' ôc l'on avoit rompu le pont ou la a», uai. chauffée de communication, enforte que Cortez auroit jugé impofïible de s en rendre alors le maître, fi un des Indiens de Tezcuco ne l'avoit affuré qu'un peu plus loin le lac étoit guéa-hle. Le Général donna ordre aufii-tôt à deux compagnies d'Efpagnols, foutenues par un nombre fuffifant d'alliés de marcher en avant, ôc ils remplirent ce dangereux fervice à la Vue des ennemis, qui défendirent le pafîage avec la plus grande réfolu-tion , repouffant les Efpagnols à coups de fk>nde ôc de flèches, ôc les obligeant à combattre dans l'eau; jufques à la ceinture. Cependant quand les Mexicains eurent été re-pouffés du rivage , ôc qu'ils virent que les affaillants fe formoient dans la plaine qui environnoit la ville , ils fe retirèrent fi précipitamment dans leurs canots que la place demeura fans défenfe, & que les Efpagnols y entrèrent fans trouver aucune oppofition. On permit le pillage , pour punir les habitants : mais il ne fut pas long, d'autant qu'ils _ 354 DÉCOUVERTES Cortez n'avoient laines dans les maifons Ch. xxix. que ce qu'ils n'avoient pu emporter. ^n j ^ On y trouva quelques charges de ' I521' bled tk de fel, qui furent tranfpor-tées A l'armée, avec une affez grande quantité d'étoffes de coton, ôc quelques joyaux qu'ils avoient négligé de cacher. Les Officiers mirent le feu aux principaux temples y pour imprimer la terreur aux fuyards, ôc pour fervir d'exemple ôc d'avertiffe-ment aux villes voifines ; enfuite ils repayèrent le même gué, tk l'armée continuant fa marche demeura cette nuit près de Colbatitlan. On trouva le lendemain cette ville abandonnée , de même que celles de Te-nayuca ôc d'Efcapuzalco fituées fur le lac ; Cortez logea une nuit dans chacune , pour y faire les obferva-tions convenables, Ôc il les quitta fans permettre qu'on fît aucun tort aux bâtiments ; afin que les Indiens puffent voir qu'il n'ufoit jamais de rigueur que lorfqu'il trouvoit de la réliflance. De cette dernière ville, le Général marcha à Tacuba, polfe de grande importance, parce que de toutes celles qui étoient fur le Lac, Tacuba étoit la plus voifine des Européens. 355 de Mexico , ôc qu'elle égaloit Tez- cJortez""* cuco par Ion étendue , 6c par le ch. xxixl nombre de fes habrtans. Ce n'elt pas que Cortez eut aucune efpérance de I52I# la réduire pour lors : mais fon def-fein étoit unique.nent de reconnoî-tre, afin qu'en profitant des remarques qu'il auroit faites, il pût for-mer un projet convenable pour l'attaquer par la fuite. Quand il approcha de la ville, il vit une grande multitude d'ennemis rangés en bataille à leur manière, & en un infiant ils tombèrent fur lui avec leur im-pétuofité ordinaire : mais après quelques efforts infructueux, ils tournèrent le dos, 6c furent mis en fuite avec un grand carnage. Les Efpagnols demeurèrent toute la nuit fur le champ de bataille, 6c le matin fuivant , ils furent encore attaqués par les ennemis, mais on les mit aifément en déroute , & ils prirent la fuite dans la ville. Plufieurs des Efpagnols 6c des alliés entrèrent pêle-mêle avec eux , 6c y continuèrent le combat : mais comme la nuit s'ap-prochoit, le Général les rappella, après leur avoir donné ordre de mettre le feu aux maifons, afin d'occu- 3 5 6 DÉCOUVERT F. s Cortez per les ennemis , pour qu'ils ne les Ch. xxxx'. troublaient pas dans leur retraite. Pendant cinq jours qu'il demeura eh An. ijii. ce y1QU - -| mt fouvent attaqué par les Indiens, qui furent toujours re-pouffés dans la ville avec grande perte , ce qui commença à lui faire ef-pérer qu'il pourroit s'en rendre n .litre, après que la garnifon auroit été affoiblie par ces iorties journalières. Il vit un jour un corps confidérable de Mexicains qui s'avançoient fur la chauffée ; il en laiffa paffer ÔC mettre en bataille une partie fur la terre-ferme , ÔC enfuite il les chargea avec tant de fureur, qu'après une foible réliftance, ils prirent la fuite vers la chauffée. Cortez les y fuivit avec trop de précipitation , ÔC tomba dans le piège qu'ils lui avoient tendu: aulii-tôt que les troupes furent engagées dans cet étroit paffage, les Mexicains firent volte-face pour les amufer, pendant qu'un nombre infini de canots, fortis de Mexico les invertirent des deux côtés, enforte que les Efpagnols furent attaqués en même temps de front, en flanc, ôc par derrière. Un grand nombre des affaiÊ-lants armés de longues piques , des Européens. 357 avoient ajuffé à leurs extrémités les 364 DÉCOUVERTES :: o » j- f. 7., cIlu avoient découvert du côté de Ch. xxx. Suchimilco une nouvelle armée de An. 1511. Mexicains , qui menaçoient de ravager Se de Soumettre tout le pays. Les Caciques confédérés s'étoient alTem-blés dans la ville de Chalco , pour délibérer fur les mefures qu'il y avoit à prendre contre ce formidable ar^ mement, beaucoup plus confidéra-ble que le précédent : mais quand ils virent Cortez arrivé fi inopinément , 6c dans une conjoncture aufTi critique, ils furent tranfportés de joie, ôc tombèrent à fes pieds avec des démonstrations de la plus vive recon-noiifance, levant les yeux au Cie! pour glorifier ôc remercier l'Etre fuprême de ce fecours qu'il leur envoyoit. Cortez, informé par les coureurs Indiens que les Mexicains s'étoient emparés de quelques montagnes très rudes, ÔC prefque inaccef-fibles, fur la route de Suchimilco, réfolut de les en déloger fans perdre de temps. Un renfort confidérable des alliés s'étant joint a fon armée , il marcha le foir même vers une ville abandonnée de fes habitants, où il pana la nuit. Au point du jour, il entra dans les montagnes par ua Des Européens. 365 partage très étroit & très difficile Co rt*.*, entre deux rochers, où l'on vit de ch- xxx* part tk d'autre les Mexicains qui s'c- ^n. nu. toient emparé des fommets. L'armée marcha au petit pas , ôc à la file.comme la nature du terrein le lui per- ^ mettoit, jufqu'à ce qu'elle fut arrivée à un endroit plus ouvert, où le Général ordonna de ranger les troupes en bataille, pour attaquer une for-tereffe confidérable, fituée fur le fommet d'un roc, d'où les ennemis provoquoient les Efpagnols par des difeours infultants. En cette occafion il fe laifîa emporter imprudemment aux mouvements de la colère, Ôc fans s'arrêter à choifir le côté où l'accès étoit le moins difficile, il donna ordre à Pedro de Barba, ôc à Bernard Diaz de Cartillo de commencer l'attaqué , avec deux compagnies de Moufquetaires tk d'Arbalétriers. Les ennemis fe retirèrent d'abord, dans une confufion apparente, jufqu'à ce que les Efpagnols euffent atteint la partie la plus dangereufe du précipice : alors ils fe retournèrent avec des cris affreux, ôc commencèrent à faire rouler comme un torrent terrible de grolfes pierres, Ôc même des Qiîj 366 DÉCOUVERTES cortez ' rochers entiers , qui clans leur chute Ch. xxx. entraînoient tout ce qu'ils rencon-An. ij2i. troient. Cortez, voyant qu'il étoit impoffible de réunir, bc connoiflant tout le danger auquel fes hommes étoient expofés , leur envoya ordre d'abandonner cette entreprife, & ils fe retirèrent après avoir perdu quatre Efpagnols, qui furent tués fur la place, outre beaucoup de blef-fés , du nombre defquels fut Pedro de Barba. Un plus grand nombre auroit éprouvé le même fort , fans la précaution de Bernard Diaa de Caftillo , qui les mit à couvert fous la faillie d'un rocher jufqu'à ce que les pierres fuffent paffées. 11 charte ici Cortez très fâché de cette diferace, Mexicains ne . ?\ r piuiiears qu il ne pouvoit attribuer qua ion &nSm imprudence, réfolut de chercher un paffage moins dangereux, par lequel il put monter fur la hauteur, & venger la perte qu'il avoit foufferte. Il fut détourné de ce deffein, fur ce qu'il apprit que les ennemis avoient formé une embufeade dans un bois près du chemin, pour attaquer l'arrière-garde des Efpagnols, quand ils feroient engagés dans les défilés. Aulïi-tôt il donna ordre à fon année de marcher, des Européens. 367 lailTant les flancs découverts, pourCo(in2" mieux tromper les Mexicains : mais ch. xxx. tout-à-coup il fit une évolution, 6e tomba fur eux, fans cependant leur cauièr beaucoup de dommage, parce qu'ils prirent la fuite avec la plus grande agilité, favorifés par l'épaif-feur du bois. En même temps ceux qm étoient au - deffous abandonnèrent leur retraite, ce fuivirent les Efpagnols à quelque diifance jufqu'au fommet de la montagne. Cortez. continua fa marche, environ une lieue ce demie, fans trouver d'autre oppo-fuion, jufqu'à ce qu'il apperçut encore un Fort femblable au premier, avec une garnifon d'ennemis, qu'il ne jugea pas à propos d'attaquer : mais il s'arrêta dans un village abandonné fur le fommet d'une éminence, 011 les foldats fouffrirent beaucoup faute d'eau. Le matin ils trouvèrent quelques fources dans le voifmage, oc le Général en reconnoifiant le poil e des ennemis, qui paix)ilfoit plus inacceffible que le précédent, remarqua une éminence,dont ils avoientné-gligé de s'emparer, 6c d'où il n'y avoit pas une portée de moufquet jufqu'à leur retraite. Il en ntaufïi-tôt prendre Qiv 3^8 découvertes c o r -r t z , polTerlîon par Verdugo, Barba, tk. ch. xxx. Alderete, à la tête de la moufqueterie, An. îsn. °clu & l,n fçu " terrible fur les Mexicains, qu'épouvantés d'une décharge fi imprévue, ils fe retirèrent immédiatement dans une grande ville, qui joignoit la fortereffe , d'où ils prirent la fuite aux endroits les plus éloignés du pays. AufTi-tôt qu'ils eurent abandonné la ville ôc le fort, on vit pa-roître fur le fommet plufieurs femmes qui faifoient mouvoir des pièces d'étoffes blanches, qu'elles élevoieflt ôc abaiffoient en ligne de paix. Le Cacique fonit Ôc alfura le Général que ni lui, ni fes gens n'avoient aucune part aux hoiiilités commifes par les Mexicains, Ôc il fournit fa ville Ôc fon fort à la jurifdi&ion des Efpagnols, qui en prirent poifeifion au nom de l'Empereur. Après cette cérémonie, l'armée marcha à Gualfepèque , ôc avant qu'elle eût atteint cette ville qui étoit très peuplée, le Cacique, accompagné des principaux habitants fortit au-devant de Cortez. Il l'invita à loger avec les Efpagnols dans fon propre palais , cjui égaloit en magnificence ceux même de Montézuma, outre un jardin fpacieux ôc magnifi- des Européens. 369 que , que les Chrétiens regardèrent c 0 R T t z} avec admiration, comme un des plus ch. xxx. beaux du nouveau monde. Us n'eurent pas beaucoup de temps pour jouir des beautés de cet endroit: ^q^JJ" car le Général ayant été informé que ca. les ennemis s'étoient arrêtés à Quat-Javaca, pour lui difputer le partage, donna ordre à fon armée de partir pour cette ville, qui étoit grande ôc très peuplée , fituée entre deux profonds barrancas ou chemins creux, remplis de l'eau qui defcendoit des montagnes. Les Mexicains avoient rompu les ponts ÔC couvert les bords de ces ravines d'un fi grand nombre d'hommes, que le partage en paroif-foit impraticable. Cortez ayant rangé fon armée en bataille de l'autre côté , commença par faire tirer vivement fur les ennemis, tant avec les armes à feu qu'avec les flèches : enfuite il donna ordre de faire deux ou trois ponts avec de longs arbres, qu'on jetta un peu au-deffous, 011 le bar-ranca étoit plus étroit, ce qui forma un partage à l'infanterie. Pendant qu'elle traverfoit,ellefut attaquée avec tant de fureur , ÔC par un nombre fi prodigieux de combattants, ou'elle Qv jyo DÉCOUVERTES £ORTEZ eût beaucoup de peine à garder fort Ch. x Q'vj 372. DÉCOUVERTES c 0 a r t /. s cuper les ennemis par leurs flèches Se chap. xxx. parleur traits, donna ordre aux Efpa-ai>. «ii. gnols de s'avancer pour attaquer le pont, qu'ils emportèrent après avoir été deux fois repouffés, 6c les Méxi-u ea rris par cains furent fi découragés quand ils lesHôxicjiiis, virent que les Efpagnols en étoient & délivre par . ,.tr ° . un ibJJat. les maîtres , qu ils commencèrent à prendre la fuite dans le plus grand délordre, ce qui obligea leurs Commandants de faire fonner la retraite. Les Efpagnols fe formèrent autfi-tôt furie terrein que les ennemis avoient abandonné, Se ayant été joints par quelques corps des alliés, qui avoient traverfé la rivière à la nage, ils s'avancèrent vers les Mexicains, lefquels avoient fait halte près de la ville. Ils les chargèrent avec tant de fureur qu'ils les obligèrent de fe retirer dan3 cette place ; mais leur défordre 6c leur précipitation en fît encore périr un grand nombre, qui furent tués aux portes. Cortez, biffant une partie de fes troupes pour affurer la retraite, entra pêle-mêle avec les fuyards, donna ordre à quelques compagnies de nettoyer les rues à droite 6c à gauche , 6c attaqua en perfonne la principale barricade, défendue par le* des Européens* 373 plus fortes troupes des ennemis. IlcTôT s'en rendit maître avec affés de diffi- ckaP culte, mais emporté par les tranf- Aw ports d'un courage intrépide, il fe jetta au milieu de la multitude , où il fe trouva feul entouré d'ennemis, ôc la retraite lui fut totalement coupée. Dans cet embarras, il lit des prodiges de valeur, jufqu'à ce que fon cheval étant tombé, il fiit accablépar le nombre, ôc pris avant qu'il eût pu fe fervir de fes armes. Sa vie ne fiit fait-vée que par le délir ardent dont les Mexicains étoient animés de le pré-fenter vivant à leur Empereur : mais avant qu'ils eulfent pu l'emmener , il fiit remis en liberté par la valeur de Chriff ophe de Olea , foldat d'un courage diifingué, qui voyant l'extrémité où fe trouvoit fon Général, fe mit à la tête de quelques Tlafcalans qui étoient près de lui, s'ouvrit le palfage jufqu'à Cortez, ôc tua de fa propre main ceux qui le retenoient. Aufîi-tôt que le Général eut recouvré fa liberté , fans autre accident que deux légères bleffures il pouffa les ennemis avec fon renfort fi vigoureufement , qu'ils' fe fauverent dans la partie tle la ville bâtie fur les eaux , ÔC 374 Découvertes Cort£z laifTerent les Efpagnols maîtres de ciup. xxx! tontes les rues en terre ferme. Pen-An. uxjl dant que Ton combattoit ainfi dans la place, les troupes demeurées hors des portes fous les ordres de Olid , d'Alvarado , 6c de Tapia, furent attaquées par un renfort de dix mille hommes de troupes choifies, qui vinrent de Mexico dans des canots, commandées par des chefs d'une valeur éprouvée. Ces Mexicains combattirent quelque temps avec opiniâtreté : mais ils furent enfin obligés de fe rembarquer, après avoir fait une perte confidérable : cependant ils blelïerent trois Capitaines, 6c un grand nombre de foldats Efpagnols 6c Tlafcalans. Cortez s'étant ainfi rendu maître" de toutes les rues 6c de tous les bâtiments en terre ferme , mit des gardes fuffifantes du côté de l'eau : plaça fes troupes en quartier fous quelques grands portiques, 6c donna ordre à un Officier accompagné de vingt ou trente Efpagnols , de demeurer en fentineîle fur le fommet du principal temple doii l'on voyoit la ville, la campagne 6c le lac. Ils donnèrent avis vers 1e foir qu'ils découvroient des Européens. 375^ environ deux mille canots armés,. quic~7!T savançoient en grande diligence, .chap, venant de Mexico. On doubla aufîi- An< tôt les gardes, ôc le lendemain matin les ennemis débarquèrent en un lieu , allés éloigné de la ville, au nombre de quinze mille. Cortez le mit aufîi-tôt en marche, ôc les chargea avec tant d'impétuofité, qu'ils furent mis en déroute à la première attaque,, oc qu'il y en eût un grand nombre de paffés au fil de l'épée. Il demeura encore quatre jours à Suchimilco , à caufe des bleffés, ôc fe retira enfuite à Tezcuco , en bon ordre, avec la fatisfaction- d'avoir rempli l'objet de fon expédition, qui étoit de recon-noître cette ville, Ôc d'abattre les forces ôc le courage des ennemis, avant d'entreprendre le fiége de Mexico. Cependant fa joie fut troublée par la réflexion d'avoir perdu neuf ou dix Efpagnols; car outre ceux qui avoient été tués au premier aflaut dès-montagnes , il y en avoit trois ou quatre de pris en vie, dans le pillage des-maifons de Suchimilco, ôc deux valets tombèrent dans une embufcade en fe féparant imprudemment de l'armée quand elle fe retira.. 376 DÉCOUVERTES Cor t t z ' Les brigantins étant alors en état^ Chap. xxx. oC le canal fiiffifamment élargi, oïl An. 1521 ^t line gran(ie quantité d'armes pour les Indiens; on prit un compte exact Snïeft'v£ de toutes les munitions ; l'artillerie prudence de fut éprouvée : on prit lesmefures né- |a conduite, • 1 •/• 11__ cefîaires pour les provilions, ce 1 on indiqua un jour aux Caciques confédérés, pour qu'ils fe trouvaient avec leurs troupes au rendez-vous : mais au milieu de ces préparatifs, il fe forma contre la vie du Général une confpiration d'autant plus dangereuse qu'elle étoit tramée par des Efpagnols. Un foldat qui étoit depuis long-temps dans le fervice , vint trouver un jour Cortez avec des marques d'inquiétude 6c de crainte , pour lui demander une audience particulière : elle lui fiit accordée, ÔC il lui fît un détail de toute la conspiration qui avoit été formée en fon ab-fence. Le principal auteur & le chef de ce deifein perfide étoit Antoine de Villafana , emi, ennuyé des fatigues ÔC des périls de la guerre fît d'abord paroître fon mécontentement par des murmures ÔC des plaintes contre le Général, qu'il aceufoit d'opiniâtreté ôc même de témérité. des Européens. 377 Voyant que ces difeours étoient CoR Tl2j écoutés favorablement par quelques- chap.xxx. uns de fes camarades , il leur mar- . qua ion defir d abandonner cette en-treprife, 6c de retourner à Cuba : mais comme cette retraite ne pouvoit fe faire fans le confentement de Cortez, il fonda les fentiments de fes amis, & quand il crut en être sûr, il leur fit part d'un projet pour affafïiner le Général, 6c tous fes principaux Officiers, excepté François Verdugo, qui avoit époufé une fceur de Diego de Velafquez. Ils fe propo-foient de le revêtir du principal commandement , penfant que cette conduite donneroit la fanefion à leur mutinerie, 6c qu'elle feroit très agréable au Gouverneur de Cuba. Ils ne pouvoient ignorer que Verdupo étoit un homme d'honneur attache à Cortez : mais ils penferent qu'il n'oferoit refufer le commandement, crainte de quelque plus grand malheur, ôc en même temps ils fe déterminèrent à lui laiffer ignorer leurs projets. Les Confpirateurs s'affembloient ordinairement dans la maifon où lo^eoit Villafana, 6c ils y lignèrent un écrit, par lequel ils s'engagèrent à fuivre ôc c o r t s /. à Soutenir ce traître dans l'exécution Chap xxx. de fon horrible deffein. Enfin leur An. 1521. complot fut conduit avec tant d'a-dreffe, que le nombre des foufcri-vants croiifoit tous les jours : ils corf* vinrent de poignarder Cortez avec fes amis, pendant qu'ils feroient h table, feignant de venir favoir des nouvelles d'un paquet qu'on fuppo-feroit à deffein être arrivé de la Vera-cruz. Le Général bien inltruit par le foldat, qui avoit été lui-même engagé dans la confpiration, fe rendit aufîi-tôt avec deux Alcaldes, 6C quelques-uns de fes Capitaines, pour s'af-fiirer de Villafana, qu'ils trouvèrent dans fes quartiers, accompagné de deux ou trois de fes complices. Son crime parut évidemment par fa con-fufion à la vue de Cortez, qui le fît mettre aux fers ; donna ordre à tout le monde de fe retirer , fous prétexte de l'examiner en particulier, ÔC prit dans fon fein le papier figné de tous les Confpirateurs, dans la lifte defquels il trouva plufieurs noms qui augmentèrent beaucoup fon chagrin. Il cacha cette découverte , même à fes amis, fît emprifonner à part ceux des confpirateurs qu'il trouva dans la Des Européens. 379 maifon , & donna des inilruclions rjeRTEZ aux Officiers de Juilice, pour qu'ils chap. xxx! procédaiTent avec autant de fecret que de diligence au procès de Villa- An' ,52l# fana. Le coupable confeffa aufîi-tôt fon crime, & on le vit le lendemain pendu ii une fenêtre de fes quartiers, enforte que fa trahifon ôc fon châtiment fiirent rendus publics en même temps. Cortez penfant que les circonstances demandoient qu'il ne fatisfît pas alors la juftice aux dépens de la vie de tant d'EfpagnoIs, dit que Vil-lafana avoit avallé un papier, déchiré en morceaux, qui vraifembla- . blement contenoit les noms des confpirateurs. Il affembla enfuite les Capitaines ôc les foldats, leur expofa en abrégé tout le complot, feignant d'être très fatisfait de ne pas connoî-tre les complices de Villafana , & il pria fes amis de s'informer fi les Efpagnols fe plaignoient de fa conduite , ou s'ils en étoient contents, afin qu'il pût corriger fes fautes, ôc leur donner une fàtisfaclion raifonnable. Il fit rendre la liberté aux foldats qui avoient été arrêtés avec le traître , ôc fe conduifit envers le relie des confpirateurs fans rien changer ni 3$0 DÉCOUVERTES Coûtez dans fa contenance ni dans fon af-ehap. xxx fabilité à leur égard, ce qui les per-fuada pleinement qu'il n'étoit pas in-itruit de leur crime, oc les porta à fervir par la fuite avec autant de diligence que de circonfpeèfion 9 pour écarter tous les foupçons qu'il auroit pu former contre leur fidélité, péfcrtionde Ce danger ayant ainfi étéfurmon-eirtu?"ansfate' par la prudence confommée du ««raite, Général, il fe trouva peu de jours après embarraffé dans un autre affaire, qui ne lui caufa pas moins de trouble & de chagrin. Xicotencal, dont le cœur avoit toujours confer-vé des femences d'animofité contre Cortez , ayant vraifemblablement conçu quelque nouveau dégoût, fe retira une nuit avec plufieurs compagnies ;de Tlafcalans attachés à fa fortune. Cortez, informé de fa défection par quelques-uns de fes compatriotes, envoya plufieurs nobles Indiens de Tezcuco, pour l'engager à revenir. Sa réponle aux offres du Général fut opiniâtre, brutale ôc mé-prifante : alors on envoya trois compagnies d'EfpagnoIs renforcés de Tezcucans ôc de Chalquefes à la pourfuite de ce déferteur, ôc on leur des Européens. 381 donna ordre de le faire prifonnier, ZôTTTz ou de le tuer en cas de réfiilance. Il chaP. xxx.* fe défendit jufqu a la fin, & il ne fut Ab> pas polTible de le prendre en vie : mais auffi-tôt qu'il fut mort, fes foldats, qui ne combattoient qu'avec répugnance , fe fournirent, & retournèrent à Tezcuco, laiffant leur chef pendu à un arbre. Sa mort n'oc-cafionna aucune froideur entre Cortez 6c la République , parce qu'il avoit commencé par inlfruire le Sénat de la conduite capricieufe 6c in-folente de ce Général, 6c que ce corps avoit demandé avec inilance qu'il fiit traité dans toute la rigueur de la difcipline militaire. Son Père même fe joignit en cette occafion au refte des fénateurs, 6c après la mort de fon fils, il continua d'entretenir la même correfpondance avec Cortez , fans que la cordialité de leur première amitié en eut été altérée. Aiifîi-tôt que ces troubles furent appaifés, le Général ordonna de lancera l'eau les brigantins, 6k de les équiper ; enfuite il nt la revue des Efpagnols , qu'il trouva au nombre de neuf cents hommes, dont près des deux tiers avoient des armes à feu 6c 381 DÉCOUVERTES c o r t 11.[ des arbalêtres, ôc dont les autres Chap, xxx. étoient armés d'épées, de boucliers An. Isa, & de lances. Il avoit de plus quatre-vingt fix chevaux, ôc dix-huit pièces de canon, avec des munitions en abondance. Il mit vingt hommes à bord de chaque vaifTeau, fous le commandement d'un Capitaine, avec fix rameurs, tk une pièce d'artillerie. des Européens. 383 C o riiz, Ch. XXXI. An. lszu CHAPITRE XXXI. Les brigantins de Cortez^ font lancés à Peau fur le lac, pendant que fes gens approchent par terre de la ville de Mexico : Ses vaiffeaux font attaqués par quatre mille canots , dont la plus grande partie font détruits : Tout le lac ejl nètoyè d'ennemis: Le Général offre la paix à l'Empereur : Ses Prêtres l'empêchent de C accepter : Négligence des Officiers de Corte^ qui caufe prefque la ruine de fes dejfeins : Blocus de Mexico : Cette ville fouf-fre beaucoup de la famine. Toutes chofes étant ainiî dif- Difpofitiona - ries troupes pof ees, Cortez partagea Ion ar- Efpagnoi» mes en trois corps, afin de fe rendre^m^S5* a a r j 1 1 rr< «Mexico. maître en même temps de la cnauiiee de Tacuba,d'Iztacpalapa,& de Cuyo-can , fans former aucune entreprife contre Suchimilco , qui étoit trop éloigné. L'expédition de Tacuba fut confiée à Pedro de Alvarado, qui avoit fous fes ordres cent cinquante fantaffins Efpagnols, ôc trente che? 384 DÉCOUVERTES Co iiT-i- l vaux , avec trente mille Tlafcalans Ch. xxxi. 6c deux pièces d'artillerie. L'attaque . . zj de Cuyocan fut donnée à Chrifrophe de Olid, à la tête de cent foixante Efpagnols , avec deux pièces de Canon 6c trente mille Indiens confédérés. Enfin l'entreprife fur Iztacpalapa fut laiffée à Gonzalez de Sandoval, qui commandoit cent cinquante Efpagnols , foutenus de deux pièces d'artillerie, de vingt-quatre chevaux, ÔC de toutes les troupes de Chalco, Guaxocingo ÔC Cholula , qui mon-toient à plus de quarante mille hommes. Olid & Alvarado marchèrent en-fcmble jufqu'à Tacuba, qui fiit abandonné de tous les habitants : ceux qui étoient en état de porter les armes s'étant retirés à Mexico pour défendre cette capitale, 6c les autres ayant pris la fuite dans les montagnes avec leurs effets les plus précieux. Les deux Capitaines Efpagnols furent informés en cet endroit que les Mexicains avoient un corps confidérable, environ à une demi-lieue de la ville , pour couvrir les Acqueducs, qui venoient des montagnes de Chapulte-p?que. Ils y marchèrent aufîi-tôt, ôc après des Européens. 385 après un combat opiniâtre , ils chai- c 0 R T17 ferenr les ennemis de ce polie : rom- cb. xxxj.'' pirent les tuyaux oc I'acqueduc en . ~i y . . 7} . An. 1521. ueux ou trois endroits, oc les eaux prirent leur cours naturel dans le lac. Apres avoir achevé cet exploit, preni;ers Olid marcha avec l'a divilîon à Cuyo- exploits dw can , Se Cortez le chargea lui-même r'sanu',i' du commandement fur le lac. Il s'embarqua avec DomFernand, Seigneur de Tezcuco, Se avec fon frère , qui fut depuis baptifé Se nommé Dom Carlos : mais le Général ne fit cette démarche qu'après avoir lailfé un nombre fumfant de troupes pour couvrir fa place d'armes , Se pour afliirer la libre communication de fes quartiers. Les brigantins étant rangés en ligne, ornés de leurs pavillons Se de leurs banderolles, pour attirer l'admiration des ennemis , Cortez les fit avancer du côté de Mexico , pour s'alliirer à lui-même la pofièrîion du lac, Se à fon retour, voyant un petit château fort, fitufi dans une Ifle de peu d'étendue , d'oii les Mexicains l'infuitoient par des paroles outrageantes; il rélolut de châtier leur inlblence à la vue de la capitale, dont les térafles $c les balcons Tom. IL R c u k r t z, étoient couverts d'un nombre prodi-Ch. xxxi. gieux de peuple. Il gagna le rivage de cette Ifle, & defcendit avec cent An. ijîl. . ' , . cinquante Hipagnols , qui prirent trois différents chemins , par lef-quels ils montèrent , malgré toute roppofmon des ennemis. Ils pouffèrent les Mexicains dans le château, 0Ï1 ils fe trouvèrent en fi grande foule , que n'ayant pas de place pour manier leurs armes , ils firent obligés de fe foumettre , & Cortez épargna la vie de tous ceux qui fe rendirent. Les Efpagnols fe rembarquèrent; & les brigantins dirigèrent leur cours vers ïztacpalapa, pour aider Gonzalez de Sandoval. Ils ap-perrurent alors une flotte de canots qui s'affembloient furie lac, venant de Mexico & des autres places voisines: Il en fortit d'abord cinq cents, qui furent bientôt fuivi des autres, dont le nombre s'augmenta jufqu'à celui de quatre mille, ce qui présenta un fpecb.cle aufli b«au que terrible d'armes & de plumes, dont il fembloit que tout le lac fiit couvert. Cortez étendit fon front en forme de demi - lune, s'avança contre les ennemis, & donna ordre à fes gens des Européens. 387 de fe tenir fur leurs rames & en re-CoKIll| pos , afin de pouvoir engager le ch. xxai. combat avec plus de force, parce An* ,ÎZI« que le temps étoit fi calme qu'on ne" pouvoit fe fervir des voiles. Les Mexicains fuivirent l'exemple des Efpagnols , mais un vent frais s'étant élevé tout-à-coup, & prenant les brigantins en poupe, ils commencèrent de loin l'attaque avec leur artillerie, & tombèrent enfuite fur les canots avec tant de force qu'ils ren-verferent tous ceux qui fe trouvèrent en leur chemin , pendant que les armes à feu, 6C les arbalétriers faifoient un affreux ravage , ÔC que la fitmée aveugloit tellement les ennemis qu'ils ne favoient de quel côté ils dévoient tourner. Les nobles de Mexico , qui avoient conduit les cinq cents premiers canots firent quelque réfiftance : mais le plus grand nombre fut bientôt détruit, & les autres furent mis dans le plus grand défor-dre ôc dans une horrible confufion. Ils fe renverferent réciproquement: la plus grande partie coulèrent à fonds : il périt un grand nombre d'hommes, ÔC les brigantins pourfui-virent à coups de canon ceux qui 388 découvertes c 0 :( .r [ 2 ' reiloienr, ce qui les força de cher-ch. xxxi. cher un afyle dans les canaux de An. is'ii. Mexico. Apres cette victoire , Cortez fit voile vers la ville , où il tira quelques volées de canon en ligne de triomphe, pendant que les Mexicains épouvantés déplorèrent leurs pertes par de grandes lamentations, tk. regardoient les vaiffeaux des chrétiens comme autant de citadelles fîo-tantes, dont il étoit impofîible de fe rendre maître. Le Général paffa la nuit dans les environs de Tezcuco , tk le matin lorfqu'il étoit prêt à faire voile pour fr.tacpalapa , il découvrit un grand nombre de canots qui alloicnt vers Cuyocan. Il ne lui fut pas polîible de les atteindre : mais il arriva dans un moment très critique , lorfque Chriftophe de Olid écoit engagé fur la chauflee, 6c tellement prefle de chaque côté par les canots, qu'il pouvoit à peine conferver le terrein qu'il avoit gagné. Les Mexicains avoient retiré du côté de la ville les ponts de la chauffée, 6c les avoient fortifiés avec des barricades de planches tk de poutres, ce qui les reudoit prefque inaccefîï-bics aux Efpagnols, qui étoient obli- des Européens. 3 £9 gés de démolir tk détruire ces défen- Co u TtZ) fes à coups d'arbalètres, d'armes à '-h x.sxi. •feu ex: par le moyen de l'artillerie, An> liZU jufqu'à ce que le folle fut rempli de fafcines, tk des ruines de fes propres fortifications, A la vue des brigantins tous les canots de ce côté de la chauffée prirent la fuite précipitamment : mais ceux de l'autre côté continuèrent toujours le combat. Cortez donna ordre de dégager un folié qui étoit à l'arrière-garde de Olid, afin de donner paflage à trois ou quatre brigantins , ce qui obligea les ennemis de fe retirer en défordre au-dernier rempart près de la ville. Les troupes pa£ ferent la nuit fur la chauffée, fans abandonner le terrein qu'elles avoient gagné , & le matin elles continuèrent leur marche -fans trouver prefque d'oppofition,, jufqu'à ce qu'elles approchaient du dernier pont, qui étoit foutenu par de forts ouvrages & par des tranchées coupées dans les rues, ■avec une multitude innombrable pour les défendre. L'artillerie des brigantins fit un effet terrible fur les Mexicains, qui étoient en foule à l'entrée des mes ; où ils furent chargés par Chriflophe de Olid, après qu'il eût R iij 390 DÉCOUVERTES c o k t i! /, niiné les fortifications de la chauffée ch. xxxi.' ôc comblé le foffé. Ils firent une telle Ab. «il. rétiftance, que Cortez, impatient de ce retard , defeendit avec trente Efpagnols, & les força bientôt d'abandonner les ouvrages , ÔC de laiffer la grande rue de Mexico fans defenfe. Les fuyards s'emparèrent d'un temple dans le voifinage, ÔC couvrirent les tours, les degrés 6c les teraffes de tant de troupes, qu'il fembîoit que ce fut une montagne d'armes ÔC de plumes» De ce poite ils dénoient les Efpagnols avec autant d'audace que s'ils euffent été les vainqueurs : mais ils en farent bientôt délogés par deux ou trois pièces de canon qu'on débarqua pour les foudroyer. Tout ce canton fut abandonné , on brûla les Idoles, ÔC le temple fervit de quartier aux troupes. Cortez marqua quelque envie de fe forrifier dans ce polie : mais il en fut diffuadé par fes Capitaines, qui lui repréfenteient : qu'ils cou-roient rifque de perdre le paffage de la chauffée, par lequel ils dévoient recevoir leurs provisions ÔC leurs munitions , parce que les brigantins ne pouvoient entrer faute d'eau dans les tranchées de ce côté : que fi l'on dé- des européens. jor barquoit ce qui leur étoit néceffaire à CoRTi2 un trop grand éloignement, il fau- .ch. xxxi. droit livrer une bataille pour chaque An u convoi qu'on ameneroit aux quartiers : enfin que le plan d'attaque par trois diviiions dont on étoit couvenu, ne devoir pas être changé fans de très fortes raifons ou fans des avantages évidents. Convaincu par cette remontrance, , embarras ^ r . r . . . „ 7 ac Samioval. Portez fe retira le mann a Cuyocan , d'où il fe rendit à Iztacpalapa ; tk y Trouva Gonzalez de Sandoval réduit à la dernière extrémité. Il s'étoit rendu maître des bâtiments en terre ferme, oc avoit fait un grand carnage des ennemis qui avoient employé tous leurs efforts pour lui nuire de leurs canots : il avoit aufli ruiné quelques maifons, défait deux ou trois renforts venus de Mexico, & voyant que les Indiens avoient abandonné un grand bâtiment près de la terre, il avoit ré-folu de s'en emparer, pour étendre fes quartiers , 6c repoufler les ennemis à une plus grande diifance. Il avoit bien rempli fon projet par le fecours des fafeines : mais à peine étoit-il entré dans ce bâtiment, avec une partie de fes gens, qu'un grand Riv 391 Découvertes ToTTTT nombre de canots que les Mexicains * :> kxxi. avoient mis en embufcade s'étoient An. îjii. avancés, avec des troupes de nageurs, qui plongeant dans l'eau avoient arraché les fafcines, ce qui lui avoit coupé la retraite, ôc ils l afîiégeoient de toutes parts, en tirant fur les gens, des terra fies Ôc des fenêtres de toutes les maifons voiiincs. u efi tîéii- Cortez le trouva dans cet embarras, •vrc par Coi- vovant ce nombre prodigieux de canots dont les eaux étoient couvertes , il fit avancer les brigantins, dont ■ l'artillerie agit avec tant de fuccès, que les ennemis furent obligés de prendre la fuite dans la plus grande confiifion. Ceux qui étoient fur les terraffes fe jettant en foule dans les canots, il y en eut un grand nombre de noyés, ôc les autres tombèrent dans leur fuite fous les brigantins, enforte que les forces des Mexicains titrent conlidérablement diminuées par le combat de ce jour, que la ville fut foumife, qu'on fit plufieurs prifonniers, ôc que les foldats gagnèrent un butin coniidérable. Cortez voyant qu'il étoit impoflible de fe fervir de la chauffée, fans ruiner la moitié d'Iz-tacpalapa qui fervoit de retraite aux ■*d"ï S Européen s. 3 0.3 canots mexicains, ce qui auroit né- côTTïE -Ceïlairement occafionné quelque re- Ch.xxxi. tard, réfolut de quitter ce polie. Il A|| -envoya Sandoval à Tapcaquilla, oh ïl y avoit une autre chauffée., dont la polTeffion de voit couper aux Mexicains les fecours de provifions , qui -commençoient déjà à leur manquer. Gonzalez exécuta aufîi-tôt ce projet; trouva la place abandonnée, tk s'en ■empara fans aucune réfiflance. Le Général fit enfuite voile à Tacuba ^pour s'afiurer de fétat à'Alvarado, qui avoit eu divers fuccès. La place avoit -été abandonnée à fon approche il avoit de même que Chriftophe de Olid.battu les ouvrages., comblé les foliés, caufé beaucoup de dommage •aux ennemis, tk s'étoit.une fois avancé û loin, qu'il avoit mis le feu à quelques maifons de Mexico : mais dans le cours de ces expéditions il •avoit perdu huit Efpagnols. Cortez, confidérant que cette më- u it ? v ch. xxxii. étoient du cote oppole. Voyant a quelque distance un grand temple An, 15211 DÉCOUVERTES Cortez, fonn^ .& qu'il pouvoit compter fur Ch. xxxu.la celfation de toutes hoituites. Les ambaffadeurs fe retirèrent avec cette An. 15". rép0nfe 9 & revinrent le foir chargés d'un nouveau ménage , portant; que Guatimozin viendroit lui-même le lendemain avec fes Confeillers ÔC les principaux de fa fuite , pour conclure définitivement le traité. Cependant au temps marqué les mêmes députés reparurent, ôc dirent qu'un accident imprévu avoit empêché leur Souverain de tenir fa parole, ÔC qu'd ne lui feroit pas pofîible de venir de tout le jour. Les conférences furent encore retardées depuis, fous prétexte de régler quelque cérémonial préliminaire : leur intention étant uniquement d'amufer les Efpagnols jufqu'à ce que leur Monarque eût pu fe retirer ou s'échapper. Cortez commença à foupçonner leur fmcérité, ôc leur dit que s'ils ne prenoient pas une réfolution fixe dans un temps qu'il leur marqua , il pourfuivroit la guerre à toute rigueur. Avant que ce terme fût totalement expiré, Gonzalez de Sandoval, qui commandoit la flotte , apperçut au point du jour une grande multitude qui s'embar- des Européens. 417 quoit furies canots : il en fit donner rnBTr," aulii-tot avis a Cortez, oc s avança ch. xxxu. au-devant d'eux avec fes brigantins. Ces canots étoient chargés de toute IW* la Nobleffe & des principaux Citoyens , réfolus de faire les derniers efforts contre les brigantins, afin de les occuper totalement jufqu'à ce que l'Empereur eût fait fa retraite. En effet ils attaquèrent les Efpagnols avec fureur, fans paroître épouvantés du ravage terrible que l'artillerie faifoit parmi eux. Dans la plus grande chaleur du combat, Sandoval remarqua fix ou fept pirogues crui ra-moient avec la plus grande diligence dans la partie la plus éloignée de la baye. Il ordonna aufîi-tôt au Capitaine Garcie de Holguinde leur donner lachaffe avec fon brigantin, qui étoit un des meilleurs voiliers. Cet Officier diligent ne fut pas long-temps fans atteindre la plus avancée des pirogues, & il étoit prêt de l'attaquer quand les Mexicains cefferent tout-à-coup de ramer, & s'avançant vers le brigantin ils prièrent le Capitaine de ne pas tirer, parce que l'Empereur étoit à bord. Cette déclaration ayant été interprétée par un foldat Efpagnol S y- Cortez 4lu avou: appris quelque teinture de ch. xxxii'leur langage ; Holguin ÔC quelques-An ^ ^ uns de fes gens fautèrent dans la • I*2'* pirogue pour s'affurer de fa prife , ÔC Guatimozin s'avançant à lui, dit: » Je fuis votre prifonnier, ôc je vous » obéirai en toutes chofes : toute la » faveur que je vous demande, efi » qu'on refpecf e l'honneur de l'Im-» pératrice ma femme, ôc de celles » qui l'accompagnent. » Après avoir dit ces mots, il donna la main à cette Princeffe pour entrer dans le bri-gantin, ÔC voyant que Holguin mar-quoit quelque inquiétude au fujet des autres Pirogues, il lui dit de n'en avoir aucune , parce que tous ceux de fa fuite viendroient, ôc mourraient aux pieds de leur Souverain. En effet , aufïï-tôt qu'il eut fait un certain fignar, tous les Mexicains baiilèrent leurs armes, ôc fuivirent le brigantin avec l'obéifTance la plus foumife. La nobleffe qui combattoit avec tant d'ardeur à bord des canots contre Sandoval, ayant été inftruite du malheur de Guatimozin , commença A faire entendre des heurle-ments affreux pour marque de fa douleur , ôc ils- fe rendirent tous aux des Européens. 419 Efpagnols fans faire plus de réfiitance, çORTEZ ' demandant pour toute grâce d'être ch xxxu. conduits à bord du brigantin , afin de partager la fortune de leur Empe- An'IS2Ï" reur. Holguin, aufîi-tôt qu'il eut fait Guatimozin prifonnier , envoya un canot à Cortez, pour lui apprendre cet heureux fuccès, & il en fît aufîî part à Sandoval en paffant, mais fans approcher trop près , crainte qu'on ne lui ordonnât d'amener à bord cet illuffre prifonnier. Pendant que ces chofes fe paffoient fur le lac, le Général étoit occupé à attaquer les fortifications de bois, que les Mexicains défendoicnt avec un courage & une réfolution extraordinaire: mais aufîi-tôt qu'ils eurent été informés par leurs fentinelles de la prife des Pirogues , ils fe retirèrent en confufion, accablés de frayeur , d'étonnement & de défefpoir. Dans Imitant même le meffager envoyé par Holguin arriva, & rapporta à Cortez ce qui venoit de fe paffer : le Général donna ordre aux troupes de conferver leur terrein fans avancer , jufqu'à ce qu'on eût de nouvelles inftruclions : il envoya deux compagnies d'EfpagnoIs au lieu dui S- vj, _4*0 découvertes Cortez, débarquement pour garder le Monar-ch. xxin. que prifonnier, ÔC Cortez le reçut An i5ii en Per^onne à une petite diftance des quartiers, avec autant de marques de bonté que de refpect, à quoi l'Em- à1!Cor™inae pereur répondit par différents fignes. juùôterUvie. Lorfqu'ils furent arrivés aux quartiers, Guatimozin ÔC l'Impératrice, commencèrent par s'affeoir : mais le Prince après un moment de réflexion fe leva, ÔC fouhaita que Cortez. prît fa place. Le Général l'obligea de reprendre fon fiège, ÔC le Prince lui adreffa la parole en ces termes : » Vaillant & fameux Commandant, » pourquoi ne tirez-vous pas votre »épée, & ne m'ôtez-vous pas la » vie? Des prifonniers de mon rang » font un fardeau pour un vainqueur ; » tuez-moi fansperdre plus de temps, » afin que j'aye l'honneur de mourir » de votre main,puifque je n'ai pas » eu celui de périr pour la défenfe h de ma patrie. » Il ne put s'empêcher de répandre des larmes : l'Impératrice pleuroit amèrement, ÔC Cortez dont le cœur étoit touché de com-paflion, eut beaucoup de peine à ne pas fuivre leur exemple. Pour adoucir leur chagrin, il répondit à L'Empereur des Européens. 42 r qu'il étoh; prifonnier d'un des plus Portez ' puhTants Monarques de l'univers ; ch. xxxu! qu'il pouvoir efpérer de fa clémence royale non-feulement de recouvrer An* 5 la liberté, mais même de remonter liir le trône ; & que jufqu'à ce qu'il fut inflruit de la volonté de ce grand Prince, il feroit traité avec tout le refped dû à un Empereur du Mexique. Guatimozin étoit âgé d'environ t Pomaîtcïe. vingt - quatre ans, grand , robufte , deET,î>œpér* très bien proportionné Ôc d'un fi beau*ricc' teint, que parmi fes compatriotes, il fembloit né dans un autre climat: Il avoit un air de grandeur ôc qui im-primoit du refpect; fon caractère étoit guerrier , ôc c'étoit fa valeur' quil'avoit élevé fur le trône. L'Impératrice , à peu près du même âge , avoit un air d'autorité oc de dignité qui attiroit les regards ôc infpiroit autant de refpect cjue de vénération y quoique fa beauté fut plus mâle que convenable à fon fexe. Cortez ayant appris qu'elle étoit nièce de Montézuma , ce fiit un nouveau motif pour lui renouveller fes offres de fervice avec la plus grande cordialité : mais jugeant néceffaire de réduire la partie- 411 découvertes "71--de la ville qui croie encore au pou- portez. « I » •• • ; i ch. xxxii.voir des ennemis, il pnr congé de fes prisonniers , qn'il laiffa à la garde An. ij2i. ^e 5anjovai ( & a|ja donner les ordres pour une nouvelle attaque. Le reRc <1îs Guatimozin s'informa du liiiet d'un Mexicains le i foumet. départ fi prompt, ôc demanda à parler au Général. Quand il fut de retour, l'Empereur le conjura d'épargner fes malheureux fujets , qui fe rendraient fans faire de réfiitance, aufîi-tôt qu'ils feroient inllruits de fa captivité. Il pria donc inifamment de permettre qu'un de fes Mini lires accompagnât Cortez, ôc commandât aux Mexicains , au nom de leur Prince, d'obéir au Général Efpagnol. Aufïi - lot qu'ils eurent reçus cet ordre , ils mirent bas les armes Ôc fe fournirent. On leur permit de fortir avec leurs armes ôc leurs bagages : ils profitèrent à i'inftant de cette permiiïion, ôc fc retirèrent tumultueufementenli grande multitude que les Efpagnols furent étonnés de voir encore tant de s;ens armés après tant de défaites ôc de carnages lî fouvent répétés. Tout TEm- Quand les foldats de Cortez pri-noît le RotKfnt poffeilion des endroits que les d'fcfp^ne Mexicains avoient évacués, il ne fe^ pour aouve- des Européens. 413 préfenta devant eux que des objets Portez d'horreur & de comparfion. Ils trou- ch. xxxu. Verent un grand nombre de mifé-rables malades ôc bleffés, qui deman- An* doient la mort pour foulagcment de leurs peines, ôc ils virent toutes les cours & les maifons remplies des corps de gens de diltinction , qu'on avoit tués dans les batailles, & qu'on gardoit jufqu'à ce qu'on pût célébrer leurs obsèques. II forroit de ces maifons des odeurs cmpeiîées qui mena-çoient de répandre finfecfion dans toute la ville, ce qui obligea Cortez de prendre des mefures pour prévenir la perle, en ordonnant d'enterrer tous ces corps. Jufqu'à ce que cet air contagieux fut purifié, il fe retira avec fes prifonniers à Cuyocan,après avoir affigné des quartiers à Sandoval & à Alvarado , qu'il chargea du foin de faire nétoyer Mexico. Ce fâcheux devoir ayant été rempli en peu de jours, il revint dans cette ville, dont l'entière réduction arriva le 13 Août 15 21 , après un liège de quatre-vingt-treize jours. Guatimozin étant pris, ôc la Capitale de ce vafte empire étant foumife , les Princes tributaires vinrent rendre hom- 414 DÉCOUVERTES-Cortez mage au vainqueur, & leur exemple €fcu xxxiî. fut;fuivi par tous les petits Caciques des diftriéfc circonvoifins, enforte ' Xî21, qu'en très peu de temps le Roi d'Efpagne fiit univerfellement reconnu Souverain de tous ces riches 6c fertiles Etats. 4* y ^léù±ù^ùé^ïé^â^âé£Péééù^ùé!^ Cortez Ch. xxxiil. An. ijii. SUPPLÉMENT Pour la Conquête du Mexique, CHAPITRE XXXIII. arrivée a"Orda{ & de Mendoza en EJpagne : Les troubles du Royaume retardent Veffet de leur CommiJJion : Le Cardinal Adrien ejl favorable à Corte^ : Guatimozin ejl mis fur des charbons ardents : La connoiffance des affaires du Mexique ejl ôtée à VEvêque de Burgos : VEmpereur nomme des Commiffaires : Il donne à Cortez^ les titres de Gouverneur & de Capitaine-Général. L'A U T E U R AngloiS , dont l'ob- Introduftiom jet s'efl borné à nous faire con-noître les principales découvertes des Européens, s'arrête avec Solis à la prjfe de Mexico ? & à l'emprifon- 416" DÉCOUVERTES CoR1 l Y nement de Guatimozin : Il a même ch.xxxri. obmis les fuites de la députation de An. ijzi. ce conquérant à la Cour d'Efpagne. J'ignore les raifons qui ont pu le déterminer à fupprimer des faits auf-fi propres à fatisfaire la curioiité du lecteur, J'ai cru devoir y fuppléer, en donnant en peu de mots le reçit de ce qui s'eit paffé dans le Mexique après la réduction de la capitale ; des contradictions que Cortez a efTuyées tant dans l'ancien eue dans le nouveau monde, 8c la fuite de fa vie, dont j'ai recueilli les principaux événements dans la préface du traducteur de Soiis, dans Puffendorf, dans Thomas Gage, dans le P. Char-levoix, dans le continuateur de Ba-ronius , Ôc enfin dans l'abrégé de l'hilroire d'Efpagne de M. Dèfor-meaux , ouvrage digne des plus grands maîtres. Ce récit n'eir. point , étranger au fujet : des hommes tels que Cortez intérelTent affés le public pour qu'on jette avec plaifir un coup d'ceil fur les fuites de leur ambition , recompenfée par la gloire qu'ils attachent à la réuffite : mais prefque toujours punie par les chagrins qu'ils éprouvent cle la part des Européens. 427 de l'envie, ôc par le peu de recon- Portez noiilànce des Princes pour lefquels ch.xxxnr^ ils ont tant de fois expofé leurs vies An ^ ôc facrifié tant de milliers d'hommes. J'en pourrai faire de même dans la fuite de cet ouvrage, toutes les fois que je le jugerai utile pour la Satisfaction du lecteur. Pendant que Cortez faifoit triom- . Contradït. pher les armes de l'Efpagne dans le [èT" éprouve nouveau monde, fes ennemis ne cef-en Efpasne» foient d'agir en Europe pour le faire punir comme un rebelle , ÔC comme un criminel d'Etat. André de Duéro, qui s'étoit féparé de lui , fans que les Hiftoriens nous en ayent appris le fujet, regagna bientôt la confiance de Velafquez, puifque ce Gouverneur l'envoya en Efpagne , où il fut l'un des plus ardents à folliciter les Miniffres contre fon ancien ami. Nous avons vu dans le cours de l'hiftoire que Jean de Fonfécjue Evê-que de Burgos, qui peut-être par des vues politiques parut toujours oppofé aux conquérants de l'Amérique; après avoir traverfé Colomb dans toutes fes entreprifes, montra autant de contradiction aux efforts que faifoit Cortez pour étendre la. 428 DÉCOUVERTES *£rr~~~" domination Efpaenole. Il avoit doiî-Ch xxxm. ne les ordres les plus ieveres, pour que toutes les députations de ce con-querant ne puiient arriver a la Cour, ÔC quoique Charle - Quint, frappé des relations qu'il avoit déjà reçues, & des préfents qui lui avoient été envoyés , eut d'abord marqué des difpofitions favorables aux premiers députés de Cortez , fes ennemis avoient tellement pris le delTus, que fon Père , ainfi que Portocarrero 6c Montexo furent long-temps confondus dans la foule , follicùant en vain l'audience des Miniftres, ÔC toujours repouffés comme de chimériques avanturiers. Amvée Ce fut dans ces circonltances fâ-îifnioïa* en cheufes que Diego de Ordaz & Men-Efpagne. doza arrivèrent en Efpagne. Ils eurent le bonheur en débarquant d'é-chaper à la vigilance de l'Evêque de Burgos, ÔC de fauver leurs perfon-nes, ainfi que les dépêches dont ils étoient chargés, des recherches des Juges de la contractation, qui veil-loient par les ordres du Prélat fur tout ce qui pouvoit venir de Cortez: mais en évitant la captivité, ils furent obligés d'abandonner leur vaif- des Européens. 429 feau & toutes les richeffes qu'il con- cORTEZ~ tenoit à l'avidité des Juges, qui ench. xxxuî, firent aufîî-tôt la faifie. Ainfi privés 1 • 1 ™ An. de ce qui pouvoit leur procurer 1 accès à la Cour, ils fe rendirent à Mé-dellin, auprès de Martin Cortez, 6c des autres députés, qui fatigués de tant de follicitations infructueufes, attendoient quelque changement favorable , qui les mit en état de re-nouyeller leurs inftances avec plus d'efpérance de fuccès. L'Efpagne étoit alors agitée de tant Troubles de troubles, qu'il étoit très difficile J^gg^1 d'engager les Minilf res A porter la vue fur des objets éloignés, pendant que les ' mouvements de l'intérieur du royaume leur caufoient les plus vives inquiétudes. La révolte s'étoit répandue de toutes parts dans la Ca-flille, depuis que Charles en étoit parti pour recevoir la Couronne Impériale. Les peuples des différentes villes formèrent une confédération, fous prétexte de la réforme du Gouvernement , 6c lui donnèrent le nom de ligue des Communautés. Cette dénomination, dont Solis n'a pu découvrir l'origine, nous efi expliquée par M. Déformeaux, qui nous 430 DÉCOUVERTES C0RT£Z apprend qu'elle vient du mot coin-Ch.xxxiiJ. muneros, qui lignifie gens du com-^ mun , parce que le plus grand nom-" Iî-1' bre des chefs fut tiré de la lie du peuple, prefque toute la nohlelTe étant reliée fîdelle au Roi. Je ne m'arrêterai pas à parler de cette rébellion qui m'écarteroit de mon fujet. Le lecteur qui voudra la con-noître plus en détailla trouvera dans cet excellent auteur , oit elle fait partie des principaux événements de l'hifloire de Charles-Quint. Le Cardinal Ce Monarque ayant enfin déclaré 5g"iMciépa. alloit revenir dans fes Etats hé-tiideCortei. réditaires: Martin Cortez profita de cette conjoncture pour folliciter le Cardinal Adrien , conjointement avec les anciens oc les nouveaux députés de fon fils. Après plufieurs délais , ils obtinrent enfin une audience : expolerent au Cardinal le fujet de leur députation : lui remirent les lettres du Général, ôc lui portèrent leurs plaintes contre la paitialité ex-cefîive de l'Evêque de Eurgos. La faifie de leurs tréfors, qu'on avoit faite en fon nom ôc encoie plus celle des préfents deflinés à l'Empereur , forrnoit un préjugé peu favorable des Européens. 431 contre fa conduite. Le Cardinal leur çORTEZ accorda la permifîion de récufer le ch. xxxn^ Prélat, de le pourfuivre en Julfice , ÔC leur promit de les défendre con- I5"' tre toutes les violences qu'un homme auiîi puifiant auroit pu exercer à leur préjudice. Ainli foutenus ils ne craignirent point de fournir leurs motifs de récufation dans le tribunal même dont l'Evêque étoit Prélidenr. Entre un grand nombre de raifons, celles qui parurent déterminer les Juges furent : le mariage projette entre la nièce du Prélat ÔC Diego de Velafquez: l'animofité qu'il avoit fait paroître contre les députés, les traitant fouvant de rebelles ÔC de traîtres: Enfin les ordres donnés pour arrêter tous les envoyés de Cortez, ÔC pour faifir tous leurs effets, fans aucune diftincfion de ce qui appar-tenoit au Prince. L'avis du tribunal fut porté au Confeil d'Etat : le Cardinal donna fes conclufions , Ôz il fut ordonné qu'à l'avenir, l'Evêque n'auroit aucune connoiffance de l'affaire de Cortez. Les failles furent levées , ÔC quoique le Cardinal Adrien fut alors obligé de quitter l'Efpapne pour monter fur le trône pontifical, ^Cortez ^ ^a^a ^es Tribunaux & le Conleil ch xxxni. fi bien difpofés en faveur du conqué-An. iszu rant ^u Mexique, qu'au retour de l'Empereur ils n'éprouvèrent plus aucune difficulté à obtenir fatisfadtion , comme nous le verrons dans peu, après avoir rapporté ce qui fuivit la prife de Guatimozin. Cruauté des Les Compagnons de Cortez, s'é- Efpagnols tant rencms maître de Mexico, cru-envers Ouati. (r 7 mozin. rent y trouver les trelors quils y avoient laines en abandonnant cette An, ij22. vjr[e. & enflammés par l'avidité qui leur avoit fait courir tant de rifques , il n'y avoit pas un feul foldat qui ne fe promit d'en remporter des richef-fes immenfes. Leur attente fiit bien trompée : Une ville en grande partie détruite , & remplie de morts ou de blelfés : plus d'or, plus de joyaux : ( les habitants les avoient tranfpor-tés dans des lieux écartés, ou peut-être jettes au fond des eaux: ) tel étoit le fndt acruel qu'ils retiroient de cette conquête. C'en étoit affez fans doute pour renouveller leurs murmures. Le Tréforier Jullien Al-derete envoyé par l'audience royale de faint Domingue voulut faire trouver ces tréfors , dont on avoit fait une \ des Européens, 433 «ne defcription fi brillante. Neveu Portez, de l'Evêque de Burgos , 6c par Ch.ixntxu. conféquent difpofé peu favorable- An> J5li< ment pour Cortez , ce conquérant craignit de s'oppofer aux moyens que l'avarice fuggéroit au tréforier. Ce fiit en vain qu'on interrogea Guatimozin tk fes courtifans : on fiit bientôt convaincu que jamais la douceur n'obtiendroit l'aveu du lieu où ils avoient caché leurs richeffes : l'humanité ne fut plus écoutée, tk l'on réfolut de tirer d'eux par violence un fecret qu'on jugea ne pouvoir découvrir par des moyens moins cruels. L'Empereur tk fon premier Minilfre , martyrs de l'avidité efpagnole, furent mis fur des charbons ardents, tk on renouvella l'interrogatoire au milieu de cet horrible fuplice. Le Minilfre, preffé par la douleur jettoit des regards lan-guiffants fur fon maître, comme pour lui demander la permifîion de découvrir aux Européens le lieu où étoit renfermée cette fatale production de la terre qui leur faifoit commettre tant de crimes : Guatimozin plus courageux, ou plus opiniâtre lui ferma la bouche ? en lui difant Tom. IL T 434 DÉCOUVERTES ç0RT£z d'un ton févere : « Et moi, fuis-je Ch. xxxiu. vfur un lir de rofes ? » Le Minilfre An. ij22. retenu Par cet exemple, garda le filence jufqu'à ce que cet affreux tour? ment lui eut arraché la vie. Cortez qui au moins toléroit cette barbarie, craignit que la mort de l'Empereur n'occafionnât de nouveaux troubles : il le délivra de cet horrible fupplice, ÔC le garda prifonnier , eîpérant peut-être en obtenir quelques indices par la fuite. Il appaifa pour un temps Alderete & les Efpagnols, en leur faifant entendre que la pof-felîion des mines, ôc la continuation de leurs conquêtes les dédommage-roit dans peu des tréfors que l'avarice leur faifoit regretter. On ceffa de perfécuter les vivants pour fouiller dans les tombeaux des morts : la violation de ces facrés azyles ne fut pas plus heureufe, ôc malgré toutes les recherches que les Efpagnols ont faites depuis ce temps, l'or ôc les joyaux de Montézuma font deu jneurés totalement perdus pour eux. i/Evcque Charles-Quint, de retour en Caf-recufé.i*£m.tille, confirma la reculation de lJi-meZ £om>êque de Burgos, ôc nomma dés «ifliires. commilTaires pour terminer le différend entre Cortez ôc Velafquez. des Européens. 435 Ils examinèrent les lettres ôc les me- T- "* moires qui leur turent prelentes : ch. xxxm. écoutèrent les Agents de l'un ôc de l'autre, ôc rendirent enfin leur ju- An' 15*J' gement, après avoir examiné les raifons des deux parties, balancées avec ce qu'on regardoit comme l'avantage de la nation. Il étoit évident que la conduite de Cortez avoit été irréguliere dans fon origine : on ne pouvoit douter que fi Velafquez avoit eu le pouvoir de le nommer, il avoit eu aufli celui de le révoquer : que la prétendue fanction du Confeil de la Vera-cruz n'étoit qu'un vain titre extorqué d'une troupe de rebelles qui s'étoient fouifraits à. l'autorité légitime d'un gouverneur nommé par le Souverain. Cependant la grandeur des actions du Général ôc l'importance de fes conquêtes firent difparoître toutes ces taches, ôc le juftifierent dans l'efprit des Commif-faires. Ils décidèrent que Velafquez ne pouvoit s'attribuer aucun droit fur les victoires ôc fur les conquêtes de Cortez , puifqu'il n'y avoit d'autre part que celle d'avoir fourni quelque argent pour cette entreprife, ce qui réduifoit fes demandes légitimes à en Tij 43 6* DÉCOUVERTES Cortez requérir le rembourfement, en fup-ch. xxxiu polant même que cet argent lui appartint , & ne vint pas des deniers An' 1522 du Roi, qui lui étoient confiés : Que la nomination qu'il avoit faite de Cortez n'avoit pu lui acquérir de droit fur le profit & fur la gloire de fes conquêtes, puifque cette nomination étoit fans force & fans autorité , faute d'avoir reçu la fanc-tion de l'audience royale : Enfin que dans la fuppofition où elle lui auroit donné quelque droit, il en avoit été déchu du jour qu'il avoit révoqué fa commifiion , ce qui avoit laiffé à Cortez la liberté d'agir fuivant ce qu'il avoit jugé le plus convenable au fervice de fa Majeff.é, & cette dernière raifon paroiffoit d'autant plus forte que l'expédition avoit 4ié entreprife en grande partie de l'argent de Cortez, & de celui qu'il avoit emprunté de fes amis. A cette décifion, fi favorable pour le Général, les Commiffaires ajoutèrent qu'il méritoit d'être maintenu dans le gouvernement des pays qu'il avoit conquis : qu'on de voit l'encourager par de puiffants fecours , pour le mettre en état de pourfuivre fes vaf- des Européens. 437 tes projets : Enfin que Velafquez mé-Co"RT£r 1 ritoîtune févere punition pour avoir ch.Axxiù. eu l'audace d'envoyer de fa propre autorité un armée contre lui, ians refléchir fur les fuites facheufes qu'au-roit pu avoir cette démarche. L'Empereur ayant approuvé ces conclu-îk>ns , les Commiffaires prononcèrent la Sentence, portant : Que Fer-nand Cortez étoit reconnu pour bon & ridelle fujet du Roi, ainii que les Capitaines & foldats qui l'ac-compagnoient, avec défenfe à Diego de Velafquez de le troubler, ni lui apporter aucun obffacle, foit par lui-même, foit par gens chargés d'agir en fon nom, fous peine de punition: faufla réferve de fçs droits pour les dépenfes qu'il avoit pu faire concernant l'armement des vaiffeaux , dont il pouvoit demander le rembourfement, en jiifHfîant qu'il en avoit fourni les deniers de fes propres fonds. L'Empereur ayant confirmé cette UAédGoa fentenee, donna audience aux dépii-^ conS*1*** tés de Cortez, oc promit à fon père de récompenfer fes fervices par des grâces proportionnées à la grandeur de fes avions : enfuite il donna ordre T iij 4]?DÉCOUVERTES 7. de choiiir un nombre de Miiîionaires ch. xx xi 11. pour les envoyer au Mexique. La re-ligion n'étoit furement pas le motif ' 1$zz' qui avoit conduit les Efpagnols dans le nouveau Monde : mais la propagation de la foi fervoit d'un prétexte fpécieux pour autorifer des conquêtes, auxquelles il falloit donner un titre apparent, qui pût faire oublier ce qu'elles auraient eu d'odieux, fi on les avoit examinées par les principes du droit naturel. On ne peut cependant disconvenir qu'elles n'ayent fervi à porter la lumière de l'Evangile chez des nations barbares, dont elles ont adouci les mœurs en y répandant cette Morale divine qui les fit bientôt renoncer au culte abominable des Idoles, aux facrifices ôc aux felfins déteftables des victimes humaines. C'eft en faifant ces réflexions qu'on doit adorer les décrets d'une Providence éternelle, qui fit fervir les pallions d'un petit nombre de pyrates au plus grand de tous les biens pour les nations qu'ils fubjuguerent. L'Empereur commanda aurti qu'on préparât un fecours considérable d'hommes & de chevaux pour les envoyer par la première flotte : mais en attendant, il fit expédier des des Européens. 439 lettres à l'audience royale de Saint- Cortez Domingue, à Diego de Velafquez, ch.xxxm. à François de Garay & à Fernand An. 152a. Cortez, qui toutes tendôient au même but de l'encourager dans fes enj treprifes, & d'écarter tous les obfîa-cles qu'on auroit pu y oppofer. Il le nomma par les mêmes dépêches Gouverneur & Capitaine-Général dans tout l'Empire du Mexique, avec pro-' meffes de plus grands honneurs, lui recommandant de traiter les Indiens avec douceur, ôc d'avoir foin de les faire inflruire dans les vérités de la religion chrétienne. Toutes ces lettres font dattées de Valladolid du 22 Octobre 1522: elles furent auffi-tôt envoyées par deux des députés de Cortez, ôc les deux autres eurent ordre de refter en Efpagne, tant pour attendre les fecours que l'Empereur' devoit envoyer, que pour recevoir les inffructions néceffaires fur la forme qu'on devoit donner au gouvernement civil ôc militaire des pays nouvellement conquis. Tiv Cortez, .....^^^^^^^^^^^^^^^^^^ Ch. xxxiv. " — Aniîîr* CHAPITRE XXXIV. Revoit es contre Corte^ : Mort de Velafquez : On rebâtit Mexico : Corttr fait pendre Guatimozin : Progrès du Chriflianifme r Voyage de Corte-r en Efpagne : On lui refufe à fon retour Vcntrét de Mexico : Il revient en Europe : Ses chagrins & fa mort* Kcvntns Cor tez ^a nature^e > ce °im ce con* ch. xxxlv. quérant à l'abri de toutes les oppo-fitions qui pouvoient lui venir des An. i52i. différentes Colonies efpagnoles, ôc lui permit de ne plus s'occuper qu'à ibumettre entièrement le Mexique, ôc à pouffer plus loin fes découvertes. Conetfiit Pendant que fes Capitaines par-ïob,â,&Mîfy couraient les différentes parties de donne un cta. l'Empire, ÔC travailloient à en éten-*Ck de Mon- dre les limites, Cortez s'occupoit à léiuma. rétablir la ville de Mexico, que le An. i$z}. dernier liège avoit en grande partie détruite. Il la fit rebâtir dans le goût européen, ÔC elle devint le fiége d'un Archevêché. Thomas Gage nous en • donne une defcription détaillée qu'on peut voir dans cet Auteur > ainli que les partages que Cortez en fit entre les compagnons de fes conquêtes. Il n'oublia pas le feul fils qui reffoit de Montézuma; & quoique la politique femblât devoir écarter ce Prince d'un pays fur lequel il avoit des droits fi légitimes : Cortez jugea allés favorablement de fes fentiments ÔC de fa foumifîion , pour ne pas craindre de lui donner dans la nouvelle ville une rue entiere>avec des dépendances des Européens. 443 confidérables. Son attente ne fut pas Cortez trompée : la famille de Montézuma ch,xxxiv.. & la fieane unies depuis par un prand AD< 1JM,'' nombre d'alliances fe font perpétuées dans le Mexique , & s'y font diltin-guées par une fidélité inviolable envers les Monarques Efpagnols. Sans faire aucuns efforts pour remonter fur le trône impérial occupé par fes ancêtres, le jeune Prince héritier feulement du nom & de la foibleffe de fon père, fe contenta du titre de Comte qui efi demeuré dans fa famille, & nous trouvons même qu'un de fes defcendants fut Viceroi du Mexique vers la fin du régne de Charles II. La tranquillité de Cortez fut de peu Coniptra~ de durée : quelques avantages que les êoKeJïïofe foldats & les Capitaines Efpagnols euf- honteuit de lent retires des luîtes de la conquete,ils negaloient pas les grandes idées qu'ils-s'en étoient formées. L'ambition & l'avarice, fources ordinaires des plus-grands défordres occafionnerent de fréquentes confpirations. Le Tréfo-rier Julien de Alderète entreprit de tuer le Général, pendant qu'il feroit à genoux à entendre la melTe : mais épouvanté lui-même d'un projet aufïi €xécrable,,iLconfefîâfafaute, ôc cru Ah. 1523. Gortez ODtmt ^e pardon* Un Prêtre nomme-ch. xxxiv. Léon voulut faire fauter la chambre de Gortez par un baril de poudre, qu'il avoit fait mettre deffous , ce qui fut encore découvert : enfin on prétendit que Guatimozin étoit auffi entré dans quelques complots contre la vie diiGénéral, Ôt ce Monarque infortuné périt honteufement par le-fupplice de la corde, pour un crime qui n'à jamais été prouvé; Etablie- Les fecours d'Efpagne étoient ar-chTiSanirme "vés, & avec eux plufieurs Million-•uMéxique. naires, qui accompagnèrent Cortez dans la vifire qu'il fit des provinces de-l'Empire. La religion chrétienne commença à s-établir partie par làperfua-fion &par là conviction des efprits: partie par le défir de plaire à de fiers conquérants, & nous voyons qu'on y baptifa à là fois plufieurs milliers de Mexicains. Les Idoles furent brûlées : on détruifit lés temples, on les^ changea en Eglifes chrétiennes: on porta lès loix lès plus féveres contre lèsfefuns de chair humaine^ & ce qui ne fît pas honneur à Inhumanité de-Cortez, il Suivit quelquefois lès-maximes, barbares de l'Inquifition fi con- des europeens. 445 traires à I'Efprk de l'Evangile. Entre c o k t e 2 » plufieurs exemples de rigueur, il fît ch. xxxi v-périr par les flammes un malheureux ^a. ijzî. Mexicain, qui fuivant l'ufage abomir-nable de fa patrie fut trouvé mangeant' le pied d'un homme qui avoit été tué.. Il paroît cependant que le conquérant du Mexique n'y exerça jamais» des cruautés aufli réfléchies qu'on em pratiquoit dans les autres Etabliffe— ments des Efpagnols aux. Indes, où. les hommes fatigués de maffacresr5 employoient des meutes de chiens à. dévorer leurs, femblables. Tout le-monde fait la réponfe d'un Cacique: de Saint-Domingue qu'on attachoic au poteau pour le brûler r. parce qu'il, refufoit de fe foumettre au^. joug de fer de ces maîtres impérieux... Un Francifcain l'exhortoit àembraffer la religion chrétienne ,.qui le conduirait après fa mort dans un lieu de délice :.« y a-t-il des Efpagnols » lui* dit le Cacique : « oui » répondit le^ Francifcain : mais il n'y en a que de nbons.» Le meilleur n'en vaut.rien,, répliqua l'Indien « & je ne veux pas-» aller où j'en puiffe trouver, un » feul.»» Pendant que Cortez avoit à corn- Onconww* 446 Découvertes Cortez battre l'envie & la haine de fes com-ch. xxxiv. patriotes dans le nouveau Monde, it An 12 s'élevoit encore de nouveaux ennemis 1527' contre lui en Efpagne. Pamphile de à foiiiciter Narvaez - qui avoit recouvré la liberté «»Efpagne. etoit reparle en Europe, ou aide de • Diego Colomb, qui défiroit ar— demment d'obtenir le gouvernement des pays nouvellement conquis , ils> firent tous leurs efîbrts pour détruire l'impreffion favorable que l'Empereur avoit prife du conquérant. Ils furent foutenus par Jean de Ribeïra, l'un? des propres agents de Cortez, qui pour un vil intérêt s'étoit brouillé" avec le père de ce Général, auquel il avoit manqué de remettre quatre mille ducats dont il étoit charge pour lui. La Cour preflèe par tant de folli-citations réunies étoit prête à nommer un nouveau Gouverneur, quand le Duc de Bejar proche parent de la femme de Cortez entreprit fadéfenfe, & obtint qu'on attendroit la réponfe du Général aux accufations formées-contre lui. Elle arriva peu de temps; après, accompagnée d'un préfent confidérable , qui fît l'effet ordinaire ? & juftifia pleinement Cortez. Cependant les foupçons ayant encore re- des Européens. 447 commencé, l'Empereur fe détermina çORTEZ à nommer un Juge fouverain, en con- ch. xxxiv. fervant toujours la place du Gouver- Aa ^ ' neur dont l'autorité fiit feulement partagée. Ce fut l'origine de l'Audience royale du Mexique , indépendante de celle de Saint-Domingue , ÔC de toute autre Jurifdiction du nouveau Monde. Plufieurs Juges fe fuccéderent al- Cortez paire o -, en Eljiaçne. ternativement, & parurent oppoles on établit à Cortez, ce qui contribua à déter-de miner ce Général a équiper un nouvel armement pour aller faire des découvertes: mais elles eurent peu de réufîite, ÔC il réfolut de faire un voyage en Efpagne. Il y fut engagé par les inffances du Cardinal Loaifa,, Préfident du Confeil des Indes, ôc Confeffeur de Charles - Quint, ce Prélat jugeant avec raifon qu'il n'y avoit que fa préfence qui pût ren-verfer toutes les intrigues de fes ennemis. L'Empereur le reçut avec des An. honneurs au deffus de ceux qu'on accorde ordinairement à un Sujet 1 U lui donna la vallée de Huaxac qu'il érigea en Marquifat, d'où Cortez. prit le nom de Marquis délia Vale r lui accorda le titre de Capitaine gé- 448 DÉCOUVERT ES Cortez n<^ra^ ^e *a noilvene Efpagne, ainfi Ch. xxxiv que des Provinces ÔC côtes de la mer du fud, avec le pouvoir d'y faire.de I57"*' nouvelles conquêtes, tk d'y établir des Colonies : Enfin il lui attribua à-lui tk à fes defcendants en toute propriété le vingtième du produit qu'on-en retireroit. Tous ces honneurs aiw roient pu fatisfaire l'ambition de Cor-fez, s'ils n'avoient été contrebalancés par le refus que lui fit l'Empereur de le continuer dans le gouvernement du Mexique ; politique ordinaire delà Cour d'Efpagne, qui a- toujours craint les effets de la puiffance cjue fes conquérants pouvoient acquérir dans* les pays dont ils avoient fait la découverte. On donna alors une forme plus juridique à l'audience royale du Mexique,- ôc elle fut eompofée de quatre Auditeurs avec un Préfi-dent. Le premier qu'on pourvut de ce titre fut Nunno de Gufman, homme pafîioné, qui'cédant trop facilement aux imprefïions malignes-de ceux qui portoient envie à la gloire-de Cortez, le fit citer en fon abfence,. & fît faifir tous fes biens: mais Char--Îes-Quint inftruit de cette partialité r étada place à ce Juge inique y, ôc elle-* des Européens. 449 fut remplie par Antoine de Mendo- (Jorte2 ça , qui leva la faifie, & envoya ch.xxxivî Guzman prifonnier en Efpagne. An# ,J28> Cortez de retour au Mexique avec fa femme , v trouva de nouveaux Çonezap-lujets de chagrin. (Jn lui rerula 1 en- voiteaMéxi» trée dans la capitale, dans la craintec