ET POUR ÉTUDIER LA GEOGRAPHIEi Où l'on donne une Defcription exacte de rUniveis , formée fur les Obfervationc de l'Académie Royale des Sciences , & fur les Auteurs originaux. AVEC -Vn Difcours préliminaire fur l'Etude de cette Science s & un Catalogue des Cartes j Relations j Voyages & Defcriptions nécejfairet pour la Géographie. Par M. l'Abbé Lenglet du Fresnoy* QUATRIEME ÉDITION , Revue j corrigée & augmentée* TOME Vi a/Y CE IL. BÏB OOTHEK j A PARIS? <îlc* N. M. Thliard, Libraire , Quai des Auguftins , à Saint Benoît. M. D C C. L X V I I I. Avec Approbation & Privilège du Roû TABLE DES ARTICLES. CHAPITRE XIII. T /Espagnef page i Situation. Etendue. Bornes. f Qualité. Rivières. Ibid, Montagnes. 8 Ordres de Chevaleries Grands dEfpagne. 10 Religion. Archevêchés. Evcchês. Univerfi-tés. i x JDivifîon. i 6 Article I. L'Ef-pagne Septentrionale. 17 I. La Galice. Ibid. II. Princip. des Avaries. 1q IV. La Bifcaye. 14 V. La Navarre. x6 Pampelune. Ibid. VI. La Cafiille vieille. Burgos. 31 VII. L'Aragon. 4* Saragoce. 43 VIII. Catalogne. 50 Vieille Catalogne , ou Catalogne Orientale. 5 5' Barcelone. 54 Nouvelle Catalogne > ou' Catalogne Occidentale. 58 Article II. L'EJpagnç Méridionale. 60 I. Le Royaume de V1-lence. Ibid. II. Z,e Royaume de Mur-cie. 64 III. la ïVom-velle. 6 y Madrid. 66 L'Efcurial. 87 Tolède. 11 £ IV. VAndaloufie, 131 Séville. Ibid. Cadix. 13 5 V. Royaume de Grenade. 139 Grenade. 41 j aij iV T A g Vf. Les IJIes d'Efpa-gnc. 154 Chapitre XIV. Le Portugal. i 5 7 Art. I. Le Portugal.. 16i- I, L'Entre-Douro cV Minho. Ibid. II. Prov. de Tra los Montes. 1 6 5 HI. P/'ov. i?£/Vtf. 166 IV- Prou. d'Ejlrema-d'ure. 1 ^ 8 V. Prov. d'Aientejo. i-7 J Art. IL L'Algarvs. 178 Chapitre.XV. La Savoye. 1S0 L Le Genevois. 182 IL X? Chablais. 18; ÎÎI. La B aconit de Fauf-Jigni. 18 5 IV. £3 Savoye propre. 188, V. Comté de Taren-taife. 191 VI. Le Comté de Mau-rienne. 191 Chapitre XVI. L'Italie , 194 Qualité. RivieresîLaes. Montagnes 3 19 f Gouvernement. Langue. Moeurs. 196 Révolutions. 197 Religion. Archevêchés* L E Evêchés. Univerft-tés. 19 8 Divijion. ' 16Q Italie Septentrionale. 101 Art; 1. L« Etats de la Maifon d* Savoye , ou Roi'de Sardaigne , Ibid. L Le Piémont j 103 Le Piémont propre. î-oj. Defcription de TurïiTk io<£ Le Marquifat d'Ivrée. 11 j. Xe Marquifat de Saluées. Ibid.. Le Comté de Nice, 223 Principauté de Monaco. 125 Le Comté de Beuil. Ibid* Le Comté de Tende* 116 La Princip. d'Oneille. 117 le Duché dAoujle.. Ibid. Seigneurie de Ver-ceil. 219* II. Le Montferrât. 130. LLzjtf Montf errât. 131 J9d.î Montferrat, 131. III. £e Milaneir Savoyard. 13}. DES A HT TCLE S. 'A TV T. II. Etats delà g. Le Dogado. M.iifon d'Autriche en Italie. 138 I. Le Duché de Milan. 139 1. Le Territoire d'An-ghera. 140 1. Le Territoire de Came: 14* J. Le Milanci , ou Territoire de Milan. 1+1 Defcription de Milan. 4. Le Territ.de. Pu-vie. 2J4 5. La Terri t. de Lodi. *57 6. Le Territ. de Crémone. 1 f8 H. Le Duché de Man-toue. Ibid. Defcription de Man-toue. 2.61 Article III. Etat de la République deVe-nife. x*4 t. Le Bergamafe. 166 x. Le Cremafc. 167 3. Le Brejfan. 168 4. Le Veronois. 269 Defcription de Vérone. 270 j. Le Vicentin. 176 6. Le Padouan. 177 Padoue. Ibid, 7. La Poléfint de Ro-yig&. iS-t Venife. i8j 9. L 413 XI. Le Ferrarois. 414 XII. Le Bolonois. 4x6 Defcription de Bologne. 417 Art. II. Le Grand Du* chédc Tofcane. 440 i. Le Florentin. 441 Florence.. 441 L É IL Le Pifan. ifi$ Pife. 467 III. Le Siennois. 475 IV. Autres Terres de Tofcane. 481 Art. III. Etat de la République de Luc-ques. 482 Art.' IV. Royaume de' Naples.- 48 £ I. La Terre de Labour. 49 3 I. La Terre d*e Labour propre. Ibid. Naples. 494 x. La Principauté cité-rieure. y 1 X" 3. La Principauté Ultérieure. 5 1 J Benevent. J14' II. L'Abrurçe. 5 16 1. L'Abruzye. Ultérieure. Ibidi x. L'Abru^e Cité-rieure. 517 3. Le Comté de Mc-liffe. Ibid. III. La Rouille. y 18 1. La Capitanate. Ibid, x, La Terre de Barri. Si9 3. La Terre d'Otrantc. 510 IV. La Calabre. jxi 1. La Bafdicate. yix-x. La Calabre Cité- rieure. Ibid, 3. L,d Calabre Ulti- DE S ARTICLES. vij rieure 513 Les Ij.es de Lipari. Les Ifles d'Italie. 515 Ibid. Article I. La Sicile. Article II. La Sar- Ibid. daigne. j 31 •I. Vallée de Marara. Ifles voijînes de la Sar- 518 daigne. 534. II. Vallée de Démona. Art. III. Vljîe de y 19 Corfe. 536 III. Vallée de Noto. Art. IV. L'Ifle de 530 Malthe. 540 Fin de la Table des Articles. I 1 MÈTHODE POUR ÉTUDIER LA GÉOGRAPHIE. CHAPITRE XIII. l> E S P A G N E. Cartes. Nous avons de M. Sanson deux Cartes de TEfpagne , l'une en quatre _> & l'autre en deux feuilles. Elles fe vendent che^ les Sieurs Jaillot & Robert. Celle d'iNS-selin j en deux feuilles j eft plus ejli-mée : elle fe vend auffi che^ le Sieur Jaillot. Celle de M. Delisle n'ejl qu'en une feuille ; mais elle pafje pour très-ex acte. C'ejl celle à laquelle nous confeillons de s'en tenir pour l'etuae L/Es pagne eft la plus occidentale des contrées du midi de l'Europe. On n'eu; Tome VI* A i Méthode de Géographie. pas d'accord fur l'étymologie de fon nom que quelques-uns font dériver d'un mot phénicien , qui lignifie lapin ; nom fous lequel les Phéniciens délignerent cette contrée , à caufe du grand nombre de la-pins qu'ils y remarquèrent, lorfqu'iis vinrent y établir des colonies pîubeurs lîécles avant Jefus-Cbnft. Les Grecs l'ont nommée Uefperie 3 à caufe de fa fituation vers le couchant" de l'Europe j & le? Latins l'ont appellce Ihérie > du nom du fleuve Iberus 3 aujourd'hui XLire 3 qui en arrofe la partie orientale. Après que les Celtes ou Gaulois y eurent fait dès établi (Te mens, &: qu'ils fe furent mêlés avec les lbériensy le pays prit le nom de Ccltibérie. Environ 500 ans avant l'Ere Chrétienne, les Carthaginois établirent leur domination en Efpagne. Ils y fondèrent pluliej.irs villes. Les Romains la partagèrent avec eux , après la première guerre punique j & dans la fuite ils s'en rendirent entièrement les maîtres. L'Efpagne demeura fous leur domination jufqu'au commencement du Ve fiécle de l'Ere Chrétienne , que plusieurs efïains des peuples du nord la démembrèrent. Les Vandales 3 qui y arrivèrent les premiers, après avoir fait quelque féjour dans la partie méridionale , qui de leur nom fe nomme encore aujourd'hui Andûloujie j palnL-rent fur les côtes d'Afrique , où ils établirai1 un L'Efpagne. 3 Royaume qui ne fubfifta qu'environ cent ans. Les Suives & les Aiains 3 qui étoient venus avec eux , fe fixèrent dans la partie la plus occidentale de l'Elpagne , la Lufi-tanie & la Galice , 6c y Fondèrent un Royaume j qui d'abord allié des Romains, fe rendit enfin indépendant. Dans le même temps, les Wiiigoths ou Goths occidentaux , fe répandoient dans la Gaule N;irbonoife. Elles ne tardèrent pas à franchir les Pyrénées , & à faire des ctablifle-mens dans une partie de laTaragonoife. lis fe difoient alliés des Romains j & plufieurs fois ils firent pour eux la guerre aux Suéves, qui travailloient à en fecouer le joug. Enfin , profitant comme eux de la foiblelfe des Empereurs, ils firent de plus grandes conquêtes j & en 476 , Euric , leur Roi, acheva de foumettre à fa puillance tout ce qui reftoit aux Romains au-delà des Pyrénées. Ainfi les Wiligoths partagèrent l'Efpagne avec les Suéves , qui continuèrent de dominer dans la partie occidentale , jufqu'à la fin du VIe fiécle , environ l'an 580 , que Leuvigilde fournit entièrement les Suéves, unit leur Royaume à fes Etats, & acheva par là de réduire prefque toute l'Efpagne fous fa domination. Les RoisWilïgoths en réitèrent pailibles poifef-feurs jufqu'au commencement du VIIIe fiécle , que les Maures M'ahométans venus d'Afrique, en fournirent la plus grande par- 4 Méthode de Géographie. rie. Leur pui(Tance fe partagea enfuîte ; Se cette diviiion forma les Royaumes Ma-hometans de Grenade , de Cordoue , de Murcie , de Valence , de Majorque , Sec. Les reftes des Chrétiens réfugiés dans les montagnes des Alluries , y établirent un royaume , qni fut fe maintenir contre toutes Ls attaques des Maures. Ces Chrétiens firent à leur tour des conquêtes fur les derniers , Se reprirent peu à peu tout ce qu'ils avoienr perdu. De forte que fur les débris des Maures il s'éleva fuccefîîve-ment plufieurs Royaumes Chrétiens j d'abord celui de Léon ; en fuite ceux de Navarre , d'Aragon , de Caflille. Les forces divifées de ces différens Etats fe réunirent en 1474, par le mariage de Ferdinand , Roi d'Aragon , avec Ifabelle , Reine de Caflille. Ferdinand acheva de conquérir ce que les Maures polfédoient encore en Efpagne; ce qui lui mérita le furnom de Catholique , que fes fuccefTeurs ont con-fervé. Un nombre prodigieux de Maho-métans quitta pour lors l'Efpagne , Se paf-fa en Afrique. Ceux qui étoient reliés dans les Provinces de Grenade , de Murcie , &c. Se qui refuferent d'embraffer le Chriffianifrnc, en furent chartes en 1 61 o. La Maifon d'Autriche fut appellée au trône d'Efpagne par le mariage de Jeanne la Folk j fille unique de Ferdinand Se dlfabelle , avec Philippe, dit le Beau , ! L'Efpagne. % Archiduc d'Autriche , qui fut pere de l'Empereur Charle-Quinr. Mais une révolution plus heureufe y a placé en 1700 , en la perfonne de Philippe de France, Duc d'Anjou , un Prince du fang de France éc d'Autriche, dont la poftérité le polfede encore aujourd'hui avec beaucoup de gloire. Situation. Etendue. Bornes. L'Efpagne eft lituée entre les neuf 6e 2 x degrés de longitude , Se entre les 3 5 6c 44 de latitude feptentrionale. Sa longueur fe prend depuis le cap Einiflerre en Galice , jufqu'à celui de Creus en Catalogne s 6c contient près de 2.40 lieues. Sa largeur du fud au nord en a 1725a compter depuis la ville de Gibraltar , jufqu'i celle de Fontarabie. Ses bornes font au feptentrion , l'Océan occidental ôc la France ; à l'orient 6c au midi la Mer Méditerranée} à l'occident le Portugal 5c l'Océan Atlantique. Qualité. Rivières. L'air d'Efpagne , quoiqu'affez chaud , ne laitre pas d'être pur 6c fain. Le terroir y eft fec , fabloneux , peu cultivé , 6c par conféquent peu fertile } quoiqu'en bien des endroits il pût être d'un merveilleux rapport. Ce qui y vient, bled , vin , gibier 5 bétail > poillon , figues, raifins, 6c 6 Méthode de Géographie. autres fruits , y eft excellent. Les huiles y font les plus douces , les laines les plus nnës t & ]es chevaux dAndaloufîe les plus beaux de l'Europe. On y trouve aufli des mines de fer , de fel de vermillon , 6c même quelques-unes d'or & d'argent, dont un fivant Efpagnol a donné le détail , Se que l'on a épargnées depuis la découverte de celles de l'Amérique. L'Efpagne n'eft pas fort peuplée. Les femmes y font peu fécondes , Se d'ailleurs le bannille-ment des Maures , au nombre de 80000© en 1610 , joint au grand nombre de per-fonnes qu'elle envoie dans fes autres Etats, principalement en Amérique , fait qu'on y trouve peu dhabitans à proportion de fon étendue. Il eft vrai qu'elle tire du nouveau monde des fommes im-menfes , puifqu'en 1618 , il fut vérifié qu'on en a voit reçu plus de 1556 millions d'or : mais comme les Négocions des autres pays de l'Europe ont la meilleure part à ces richelTes , on peut dire qu'elles n'ont pas enrichi l'Efpagne à proportion de ce que les colonies envoyées pour ce fiijet l'ont âfFoiblies. Les autres chofes qu'elle débite aux étrangers , font des laines très-fines, des vins, des huiles, des fruits , du fel , du fer, du favon Se du vermillon. On prétend qu'il y a en Efpagne 150 rivières. Il y en a dix principales, dont & Efpagne. 7 cinq fe déchargent dans le qxaîA Océan, cinq dans la Méditerranée. Les pieimeieSj en commençant par le nord , font : Le Minho 3 qui prend fa fource dans les montagnes de Galice. 11 traverfe cette Province du nord au fud , & tombe dans la mer au deffous de Tui. Le Douro ou Duero > prend fa fource dans la -vieille Caftille , au-de'Tus de la ville de Soria. Il traverfe cette Province , & celle de Léon du levant au couchant , entre dans le Portugal au-deflous de Za-mora , & va fe perdre dans la mer auprès de Porto. Le Tage^ autrefois très-célebre par l'or qu'il rouloit , prend fa fource dans la Caftille nouvelle , fur les frontières de l'A-ragon. 11 traverfe la Caftille nouvelle &C l'Eitrémadure , & va fe décharger auprès de Lifbonne , dont il forme le port. - La Guadiana prend également la fource dans la nouvelle Caftille , auprès des montagnes de la Mancha. Elle fait pref-que la même route que le Tage *, mais fe va précipiter dans la mer, au midi, fé-parant à f$n embouchure , l'Andaloufie de l'Algarve. Enfin la cinquième rivière eft le Gua-dalqulvlr^m prend f ^ fource dans les montagnes qui font au midi de la nouvelle Caftille, traverfe toute l'Andaloufie, & A iv 8 Méthode de Géographie. fe décharge dans l'Océan auprès de San- Lucar. Les cinq rivières qui fe déchargent dans la Méditerranée font XEbre qui prend fa fource fur les frontières de ta. vieille Caftille, de la Bifcaye & des Aftu-ries, traverfe l'Aragon , &c tombe dans la mer au-delfous de Tortofe. La Segre y qui vient des Pyrénées, Se fe joint à l'Ébre au-deiTous de Lérida. Le Guadalaviar eft la troifiéme rivière : il fe décharge auprès de Valence dont il forme le Port. Le Xucar eft la quatrième. 11 prend fa fource au-deftiis de Cuença , Se tombe dans la mer près de Gandia. La cinquième eft la S égara j qui naît dans les montagnes de la Mancha, Se a fon embouchure au-deiïous d'Orihuelha, à quelques lieues d'Alicante. Montagnes. Il n'y a pas de Royaume en Europe où il fe trouve rant de montagnes qu'en Ef-pagne. Les Pyrénées qui la féparent de la France , ont de tout temps été les plus célèbres. Elles s'étendent du couchant au levant, Se font une chaîne depuis la Méditerranée jufqu'à l'Océan , dans l'efpace .de plus de 90 lieues. Elles font fi hautes Se lî ferrées, qu'à peine laiftent-elles cinq routes fort étroites pour aller de France en UEfpdgne. «> Efpagne. Les autres montagnes d'Efpagne font des branches des Pyrénées. Une d'elles s'étend jufqu'à la Méditerranée vers Tortofe. Une autre branche prend dans la haute Navarre , cotoye la Bifcaye , les Afturies , traverfe la Galice , & vient aboutir au Cap Finifterre. D'autres branches partent du nord "de la vieille Caftille , parcourent l'Efpagne du nord au fud , d'où il s'en détache encore quelques rameaux , qui vont tantôt au levant tk. tantôt au couchant. Mais ces montagnes ne laiflènt pas d'être fertiles* elles ont des vignes & des pâturages. Plulieurs ont des mines de fer excellent , & d'autres métaux , même d'or & d'argent. Depuis la découverte des Indes, ces dernières ont été négligées ou abandonnées. Dans ces 1 * derniers temps on a découvert une mine d'or vers Séville j mais que l'on a beaucoup de peine à travailler , parce qu'elle eft prefqu'entiérement inondée, & qu'on a une extrême peine à l'épuifer. Cartes. Nous avons une excellente Carte des Montagnes des Pyrénées 3 donnée en neuf feuilles par M. Roussel Ingénieur du Roi, Comme cette Carte appartient au Roi elle ne fe vend pas. A fon défaut j on peut fe fervir de la Carte des Pyrénées du Jîeur Jaillot. A v lo Méthode de Géographie. Gouvernement. Mœurs. Langue. L'Efpagne eft un Etat monarchique ÔC héréditaire aux filles, au défaut des mâles» Les peuples y font graves, férieux , politiques , rufés , bons fantafîins , fidèles à leur Roi, méfians , patiens dans les travaux , fobres dans leur boire & dans leur manger j mais on ifes dit fort orgueilleux , fainéans ÔC vindicatifs. Leur langue eft belle &c la plus majeftueufe de celles qui dérivent de la langue Latine j ce qui fai-foit dire à Charte- Quint 3 que s'il vouloit parler à Dieu, il parieroit efpagnol. Ordres de Chevalerie. Grands d'Efpagne. Il y a en Efpagne plulieurs Ordres Religieux 8c Militaires , qui polfédent chacun un affez grand nombre de riches Coruman-deries. Ce font ceux de S. Jacque.y de Cala-trava 8c d:'Alcantara. Tous les Chevaliers deces Ordres faifoient autrefois des vœux, comme ceux de S. Jean dejérufalem : aujourd'hui il leur eft permis de fe marier. Pour erre admis dans ces ordres, il faut faire preuve de nobleffe ; de quatre degrés pour celui de S. Jacquéj 8c feulement de deux, pour ceux de Calatrava ÔC d'Alcantara.. Le premier de ces trois ordres a pour marque une Croix rouge j en forme d'épée : le fécond une Croix rouge fîeuro- VEfpagnè< H née; 8c le troifiéme une Croix verte j en forme d'épée , ôc ainfi femblable , à la couleur près, à celle de S. Jacque. 11 y a des Religieuses de tous ces ordres, ainfî que de 1 ordre de Ckrift en Portugal. Comme ces ordres font fort riches , la vacance de la Grande-Maîtrife occafîonoit, entre les Grands d'Efpagne , des brigues furieu-fes, qui fouvent dégénéroient en guerres civiles. Pour en tarir la fource , les Rois Ferdinand Se Ifabelle réunirent en leur perfone les Grandes Maîtrifes de ces trois ordres j Se depuis eux elles font reliées unies à la Couronne d'Efpagne , a qui elles procurent plus d'un million de revenu. Un quatriémewordre de Chevalerie eft celui qu'on appelle de Montera : mais il n'eft que pour les Royaumes de Valence 6c d'Aragon. U fut fondé en 1517 par le Roi Sanche IV , après f abolition de l'Ordre des Templiers. La marque diftinctive de leur ordre , eft une Croix rouge fur un habit b.lanc. Philippe II en a réuni laGran-de Maîtrife Win Couronne. Quant à l'ordre de la Toifon d'Or , in-ftitué par les Ducs de Bourgogne, il n'a point d'autre marque que la Toifon d'Or pendante à un ruban de foie. Les Efpagnols le négligent, parce qu'il n'a aucune Commanderie. Aufti le Roi ne le donne- A vj 12 Méthode de Géographie. t-il guère qu'à des Princes ou à des Seigneurs étrangers. Le nombre des Grands d'Efpagne n'eft pas fixe : il dépend de la volonté du Roi, qui l'augmente comme il le juge à propos. Par un accord conclu en 1701 entre les Cours d'Efpagne & de France, il fut convenu que les Grands d'Efpagne joui-roient en France des honneurs de la Pairie , &c que les Pairs de France jouiroient en Efpagne de ceux de la Grandeffe. Outre leprivilége de fe couvrir devant le Roi, les Grands d'Efpagne en ont plufieurs autres. Le principal, qu'on appelle Mayo-ra^go j eft que les terres aufquelles la GrandeiTe eft attachée , ne peuvent être failles réellement par les créanciers des Grands, &c qu elles font comme fubfti-tuées , en faveur de leur plus proche héritier. La GrandeiTe eft ordinairement attachée à une terre , Ôc paffe même aux filles , qui la portent en d'autres familles. Cependant il y a des Grandeffes qui ne font attachées qu'à la perfone , & pour la vie y mais elles font en petit nombre. Religion. Archevêchés. Evcchés. Uni-verjités. Les Efpagnols font tous Catholiques, & ils ont une Inquifition fort févere, pour empêcher l'exercice de toute autre Reli- 4 VEfpaënc- . m gion , Se même pour punir ceux qui té-moigneroient avoir des fentimens trop libres fur les matières de la foi. Les Tribunaux de cette Inquijition 3 au nombre de dix , font à Tolède j à Grenade à Sévïlle , à Cordoue j à Barcelone > à Af«r-cie _j à Cuença j à Logrono à Lerena j Se à Valladol'uL Les appellations de ces dix Tribunaux relfortilient à un Tribunal Souverain , qui eft. établi à Madrid , Se dont le Préfident fe nomme Inquifiteur Général , Se les Confeillers fimplement Inquisiteurs. Cependant aucun décret de l'Inquifition ne peut être exécuté j s'il n'eft figné par le Roi : ce qui ne laiife pas de modérer l'autorité trop grande de ce Tribunal. Clergé d'Efpagne. Les Efpagnols ont un Patriarche à Madrid , Se huit Archevêques , qui "font ceux de : Tolède, Grenade, Burgos , Saragoce, Compoftelle, Taragone, Séville, Valence. Ils ont en Efpagne quarante-quatre Evè-ques fuffragans. I. Ceux de l'Archevêque de Tolède „ Primat du Royaume 5 font au nombre de huit j faYoir : tl% Méthode de Géographie. Cordoue, Ofma , Ségovie, Cuença, Cartagêne, Jaé* en Sjguença, Valladoîid. II. L'Archevêque de Burgos en a trois, Pampelune, Palencia. Calahorra , III. Celui de Compoftelle en a quatorze •. favoir : Salamanque, Tui, Avila , Badajos, Placentia, Mondonedo, Lugo , Coria , Aftorga, Ciudad-Rodrigo , Zamora, Léon , exempt. Orenfe, Oviedo. IV. Sévilîe en a deux en Efpagne : Malaga, Cadix. Et un troifiéme hors du Royaume , qui eft celui de Canarie j dans Lille de même nom. V. Ceux de l'Archevêque de Grenade font: Guadix, Alméria. VI. Saragoce en a lix, Huefca, Balbaftro, • Jaca, Teruel, 7'araçona, Albarazin. L'Efpagne. * > Vil. Ceux de Taragone, au nombre de fept, font : Barcelone , Solfone, Gironne, Urgel, Lérida, Tortofe. Vich, U y a aufli Perpignan j mais qui eft à la France. VIII.] Valence n'a que les Evêques de: Maïorque, Ségorbe. Orihuéla, Le Roi feul, en vertu d'Induits du Saint Siège , nomme aux Evêchés \ Se ceux qu'il y deftine , font ordinairement des hommes refpectables par une éminente piété , ou par un grand (avoir , accompagne de beaucoup de religion. U arrive même fouvent que la piété de ceux que le Roi deftine aux premières places, leur fait refufer ces dignités , dont ils fentent tout le poids. Aufti le Clergé fupérieur en Ef-pagne fait honneur à l'Eglife Catholique. Les plus confidérables Univerfités d'Efpagne , font celles de : Salamanque , Tolède, Alcala de Henarès, Grenade , autrefois Complute. Valence. Séville j \C Méthode, de Géographie. Les fciences n'y ont jamais été totalement abandonnées \ mais elles commencent à y reprendre plus de vigueur. On y trouve beaucoup de favans \ moins cependant du premier ordre que du fécond ou du troifîéme. On allure que l'ancienne Philofophie & la Théologie purement fcholaftique , régnent beaucoup dans ces Univerfités. Il faut efpérer que le gout de l'étude ayant pris , ils étudieront la positive, c'eft-à-dire, le dogme , prouvé par fes véritables titres , avec l'hiftoire du dogme, plus inftructive que toutes les fub-tilités de l'école. Divifion. Plu/ieurs Auteurs ont divifé l'Efpagne en Etats de la Couronne de Caftille , de la Couronne d Aragon &c de la Couronne de Portugal j mais comme le Portugal fait aujourd'hui un Royaume féparé, &£ que l'Aragon & la Caftille n'en font qu'un, il me femble qu'il eft mieux de divifer l'Efpagne en feptentrionale & en méridionale , qui contiennent enfemble quatorze Provinces & quelques Ifles. La plupart de ces Provinces avoient autrefois le titre de Royaumes \ mais aujourd'hui elles font qualifiées Provinces \ à l'exception de la Catalogne, à qui l'on donne le nom de, Principauté ; & de la Bifcaye , qui a celui de Seigneur L'Efpagne. ARTICLE PREMIER. L'ESPAGNE SEPTENTRIONALE, N Ou s renfermons dans l'Efpagne fep-tentrionale , huit Provinces. Ce font la Galice } la Principauté des Afturies „ le Royaume de Léon > la Bifcaye 3 la Navarre , la Caftille vieille } XAragon Bc la Catalogne. I. La Galice. Cartes. La Galice & les Afturies ont été données en une feuille par le fieur No LIN dont la Carte eft jort eftimée. La Galice eft une affez grande Provin-ce , plus peuplée quelle n'eft fertile. Son air eft peu fain Ôe le plus humide de toute l'Efpagne : il eft cependant plus tempéré fur les cô'es de la mer. 11 y a beaucoup d'eaux chaudes , de même que de bétail, ôc il y croît d'aiTez bon vin. La Province eft remplie d'une infinité de petites rivières , qui toutes y prennent leur fource. Elle a formé autrefois un Royaume. Sa divifion eft en cinq Diocèfes, qui font î S Méthode de Géographie. Compoftelle ) Mondoncdo 3 Lugo 3 Qïerij<ï de lia. 1. Dans te Diocèfe de Compoftelle eft Compojlelle ou Saint-Jacques de Compoftelle j ville capitale de La Province, & célèbre par la dévotion qu'on y a pour l'Apôtre S. Jacques, dont elle allure avoir le corps. Il y a une magnifique FJglife dédiée à ce Saint, un riche Se bel Hôpital pour les Pèlerins , un Archevêché Se une Université. C'eft dans cette ville que le fameux Ordre de S. Jacques , fî célèbre en Efpagne , a pris naiflfance. 11 faut , pour y entrer, faire preuve de NobletTe , te d'un fang fi Chrétien, qu'il n'ait point été altéré par aucune alliance avec les Juifs ou les Maures , même convertis. Âltamira 3 à l'oueft de Compoftelle. La Corogne j ville fort ancienne Se fortifiée à l'antique , avec un des plus beaux & des meilleurs ports de tout l'Océan. Betan-ços ) ville palïable , allez près de la mer. Mongia s dont les vins font allez eftimés. Sainte-Marie de Finijlerrefur la mer, a pris fon nom d'un fameux cap, qui fert ordinairement de rendez-vous aux vaif-feaux égarés ou difperfés. Mouros > Noja Se Villagarcia y tous trois fur la mer. 2. Le Diocèfe de Mondonédo a fa capitale de même nom , ville Se évêché dans nne ttès-belle fituation , au milieu des L'Efpagne. • . 19 montagnes, & où l'air eft très-fain. Fer-roi , petite ville , avec un port fameux , que l on regarde comme un dos meilleurs de l'Europe , & près duquel on bit une bonne pêche. Ponte d'Eume 3 Vivcro j Ri-badéo j font fur ou près de la mer. Cajlro de Ortégal j près du cap de même nom , au nord de toute l'Efpagne. Sainte-Marthe j Saint-Ciprian j iile au nord de Vi-vero. 3. Le Diocèfe de Lugo , a Lugo , ville épifcopale fur le Minho. 11 y a quelques eaux chaudes. Montjort de Lémos , au fud de Lugo^ Porto-Marino 3 fur le Minho , & Cajlro de Rei 3 dans les montagnes. 4. Le Diocèfe d'Orenfe a pour capitale Orenfe ^ ville épifcopale fur le Minho , au pied d'une montagne , célèbre par fes eaux chaudes très-falutaires. Villa Nova de los Infantes 9 Monterez j en titre de Comté., aufli-bien que Viana de Bolo j fur une montagne. 5. Le Diocèfe de Tui, où font Tui^ ville capitale & évéché fur le Minho, place forte près des frontières de Portugal j Rayonne } Marquifat Se a fiez bon port, à l'oueft duquel eft une iile du même nom 'y Pontevedra fur la mer , ville aftez belle , mais fans defenfe , ck mal peuplée j Vigo tk Fort Sant-Iago. lo Méthode de Géographie. II. Principauté des Asturies. Ce pays, à l'orient de la Galice 5 rempli d.e montagnes , n'eft ni peuplé , ni fertile. Sa principale richeiTe confifte dans la pêche & dans fes chevaux , les plus forts de toute l'Efpagne. Le fils aîné des Rois d'Efpagne porre le titre de Prince des Afturies, par honneur pour un pays qui n'a jamais été fournis aux Mufulmans. On divife cette Principauté en AJlurle d'Oviedo vers l'occident, ik en AJlwie de Santillane y vers l'orient. 1. L'Afturie d'Oviedo a pour capitale Oyïedo j qui l'eft auflî de toute la Province. Elle eft fituée fur la Déve, avec un Evêché Se une Univerfité. Cette ville fervit de retraite au VIIIe iiécle à Dom Pélage,squi commença à rétablir les Chrétiens en Efpagne, peu de temps après l'in-vafîon des Maures. On y trouve encore Cajlropol j A viles Gijon Se Villavicio-fa j qui toutes font fur la mer aufïi bien que Navia qui a donné fon nom à une Maifon illuftre , dont étoit chef le Marquis de Santa-Cruz , tué à Oran en 1732. Une branche de cette maifon eft établie en Piémont. Manceres en titre de Mar-quifat, au fud d'Oviedo. 2. L'Afturie de Santillane a Santillane ; Saint-Vincent de la B'arquera j ou eft un L'Efpagne. 21 port 8e un bon château -, Llianes 8e Riba de Sella 3 fur la mer. On trouve encore dans les montagnes Columbre ; 6e Potes > principale ville du canton nommé Lié-bana. III. Roy au me de léon. La Province de Léon , qui autrefois formoic un aftez grand Royaume, eftpaf-fablement fertile en bled j mais elle produit peu de vin. Le Douro ou Duero , la principale de fes rivières , la divife en partie Septentrionale 8e partie Méridionale. i. La partie Septentrionale a Léon3 ville capitale de la Province 8e le fiége d'un Eveché , qui dépend immédiatement du. Pape. Son Eglife cathédrale paffe pour la plus belle d'Efpagne. Cette ville étoit autrefois la capitale des Afturies. Elle a aujourd'hui peu d'habitans. AJiorga > au fud-oucft de la ville de Léon . eft le liège d'un Evêque fuffragant de Compoftelle. Elle eft également fortifiée par l'art 8e par la nature. Zamora y ville épifcopale , fur le Douro. On y conferve le corps de S. lldéfonfe , Archevêque de Tolède. Dans fes environs on trouve des mines de Tur-quoifes. Palencia ville épifcopale , fou-mife à l'Archevêché de Burgos. Carrion del Conde 3 Médina de Riofcco ; Toro fur le Douro, renommé par fes bons vins, 8c 11 Méthode de Géographie. par des Loix d Efpagnc qu'on y a publiées. Sitnancasj petite ville bien fortifiée, fur le Douro , où l'on voit un château dans lequel Philippe II , Roi d'Efpagne , lit placer l'an 1566 , toutes les archives 8c les titres de la Couronne. Torde/il/as y près de Simancas. Benaventé_, entre Léon 8c Zamora , avec un château fortifié. Ponte-ferada j vers la Galice. Puebla de Sanebria eft vers les frontières de Portugal. 1. La partie Méridionale a Salamanque fur la Tonnes, ville épifcopale, 8c célèbre par l'on Univerfïté , la première d'Efpagne. Elle eft liruée partie dans la plaine , 8c partie fur des collines , avec une bonne enceinte de murailles, 8c renferme environ fept mille feux. Elle eft ornée de plufieurs beaux bâtimens, 8c de magnifiques Eglifes , avec une grande place publique, quantité de fontaines, 8c tout ce qui peut contribuer à la beauté 8c à la commodité d'une ville. Mais ce qui la diftingue eft fon Univerfïté , la plus fa-meufe de l'Efpagne , 8c fondée vers le milieu du XIIIe fiécle. Les Efpagnols la nomment la Mere des Vertus des Sciences & des Arts. On y a vu autrefois 7000 écoliers } mais il y en a moins aujourd'hui. Tous doivent porter une robe longue 8c un bonet. On ne lailfe pas d'y trouver 2.4 Collèges, dans lefquels 30 Collégiaux vivent en commun, en y comprenant les L'Efpagne. i$ Maîtres & les Difciples. Parmi ces Collèges, quatre font appelles Colcglos May oresy ou grands Collèges , à caufe des favans hommes qui y font les leçons. Les plus grandes Maifons du Royaume tâchent d'y faire entrer leurs enfans j mais on ne peut y reflet que fept ans. C'eft de là que font fortis les plus grands hommes d'Efpagne 7 6c fouvent le Roi en tire ceux qu'il élevé aux premières dignités de l'Eglile 6e de la Magiftrature. Son Evêché eft très-ancien, 6e ion Eglife cathédrale une des plus belles. Elle a un fuperbe clocher , autour duquel on peut fe promener fur des galeries. Au devant de l'Eglife eft une belle place , pavée de grandes pierres qunrrees, ce fermée de gros pilliers. A coté de cette Eglife on defeend dans une autre fort ancienne, fie qui eft fort renomée pour fon Crucifix miraculeux , nommé le Crucifix des batailles. On y voit encore divers Couvens magnifiques. Celui des Dominicains , qui eft très-vafte 6c bien entendu , fert de retraite à 100 Religieux : leur Eglife eft belle 6e ornée d'un beau dbme. Le Couvent de S. François ne contient pas moins de Religieux, Celui de S. Ber-■ nard eft curieux par un efcalier des plus hardis qu'il y ait en Efpagne , ôc qui pa-roît fufpendu en l'air. Le pont fous lequel coule la rivière de Tonnes , n'a pas moins de 300 pas, Se a été bâti par le* ±4 Méthode de Géographie. Romains, avec tant de foliditc , que la maçonnerie qu'on a voulu ajouter à l'ancienne , ne lui eft point comparable , 8c fe dégrade aifémenr. On trouve encore Cludad-Rodrigo vers les frontières de Portugal , ville épifcopale 8e allez forte. Alva de Tonnes lieu de la nailfance du Duc d'Albe , Ci connu par fes cruautés dans les Pays-Bas. Penaranda 3 Principauté \ Ledefma 3 capitale d'un Comté qui a 114 villages dans fa dépendance > Pena-del-Francia > Médina-del-Campo au nord-eft de Salamanque , bonne ville allez marchande. IV. La Biscaye. Cartes. La Bifcaye & Navarre ont été données en une feuille par le Sieur No lin. Cette Province , où l'on parle un langage particulier , a quantité de fer , dont elle fait un bon commerce , de même que de laine Se de faffran. Elle fe di-vife en trois Mérindades, qui font celles de Bifcaye 3 à'A lava Se de Guipufcoa. 1. La Mérindade de Bifcaye a pour capitale Bilbao , avec un port de Barre, fort fréquenté , Se qui rend cette ville très riche 8c très-marchande : il étoit autrefois exempt de toute impolition. Saint- Andero L'Efpagne. M Ander Se Laredo > ports aftez bons , & dont le premier eft défendu par deux châteaux. Porto-Galete , port fur le Nervio, un peu au-deftous de Bilbao. Vermejo fur la mer. Val de Viece. Saint-Antonio > bon port, mais fort étroit. Ordugna, belle ville , au pied des montagnes , Se dans une belle fuuation. • i. La Mérindade d'Alava , a VitlO* râa:j allez bonne ville Se commerçante , ceinte d'une double muraille. Trcvigno 9 avec un bon château , a le titre de Comté. Mendoxa j ville qui donne fon nom à une Maifon illuftre. Salvatierra S: Vil-lafricu Le Mont Saint-Adrien eft une des plus hautes montagnes d'Efpagne. On y apercé dans le roc un chemin de 50 pas de longueur , pour donner une communication plus facile entre les quartiers de Guipufcoa & d'Alava. 3. La Mérindade de Guipufcoa , autrefois de Navarre, a Tolofa ou Tolofetta capitale. Saint-Sébajuen ville aiTez forte Se aflTez marchande fur la mer s qui y fait un port. Plaifinct ou Pla^encia y où l'on fait beaucoup d'armes à feu. Fonta-rabie , place forte a l'embouchure de la Bidaftoa dans l'Océan. Orio > le Pajjage , bon port , avec un beau baÛln pour les vauTeaux. Scgura , Villa-Rcal, Se Villa.-franca. C'eft dans ce quartier qu'on trou-, ve Loyola , lieu de la naiftance de S» Tome VL B l6 Méthode de Géographie. Ignace, fondateur de la Compagnie de Je-lus. Cette Compagnie fit en 16 8 i , l'ac-quifition de ce château , & aujourd'hui on l'appelle Cafa Santa la fainte Maifon. Elle eft iituée dans un vallon. Iron eft le premier endroit de lEfpagne du côté de la France. Y. La Navarre. Royaume dont l'Efpagne a ufurpé en 1512, la partie qui eft au delà des Pyrénées : le refte qui eft la baffe Navarre , demeura à la Mai Ion d'Albret 3 d'où il eft venu â la Maifon de France. Il eft fi tué entre les Pyrénées & l'Ebre ; c'eft le pays le plus feptenrrional de l'Efpagne , entrecoupé de montagnes , de cependant allez fertile , fur tout en vins. On le divife en cinqMcrindades , qui font celles de Pam-pelune } d'Eftella^ de Tudelle y d'Olite &C de Sanguefja. 1. La Mérindade de Pampelune a pour capitale Pampelune , qui l'eft aufli de toute la Navarre. .S'. Ejlevan Abbaye au nord de Pampelune. Pampelune. Pampelune eft la capirale du Royaume. C'eft une ville fort ancienne. Pompée après la mort de Sertorius , & la défaite entière de fon parti > la fit bâtir ; c'eft pour cette raifon qu'anciennement on l'ap- l'Efpagne. tj pelloit Pompeïo-polis on Ponipelo } pour faire ailufion à fou fondateur. Elle eft fituée près des Pyrénées au bord de la rivière d'Àrga , fur une efpece de promontoire , qui termine une plaine fort agréable , Se qui n'eft commandée par aucun endroit. Elle eft ceinte de bonnes murailles > flanquées de battions Se de quelques autres fortifications , qui avec le'fe-cours d'un bon château , la rendent une des meilleures places de toute l'Efpagne. Depuis le nord jufqu'au couchant, c'eft-à-dire , pendant l'efpace des deux tiers de fou enceinte , la rivière coule au pied de fes murailles , qui par ce moyen , ÔC à la faveur des rochers efearpés fur lefquels elles font bâties , deviennent prefque inattaquables. On y entre par quatre portes , dont celle qui eft au nord s'appelle la Porte de France. Toutes font gardées par un Officier de la garni fon Se par quelques Soldats , qui ont ordre de ne laiffer entrer aucune perfonne inconnue , fans la faire conduire au Vice-Roi , Se en fon abfence au Gouverneur de la place , pour favoir d'où elle vient Se où elle va. Pampelune eft le liège d'un Confeilfou-verain. Elle eft honorée d'un Evèché fuf-fragant de Burgos, 8e d'unilluftre Chapitre de Chanoines réguliers de S. Aueuftin, H y a trois ParoilTes, qui fout S. Firtnin B ij 28 Méthode de Géographie. S. Laurent & S. Nicolas ; un Collège de Jéfuites , deux Couvents de Carmes , l'un réforme 5c l'autre non-réformé , un de Cordeliers , un ■ d'Auguftins , un de Trinitalres réformés , un de Capucins, un de Bénédictins mitigés , Ôc nn Hôpital de la Charité , avec quatre Monafte-res de Religieufes. La ville eft affez bien bâtie 3 quoique la plupart de fes maifons foient à l'antique. Ses rues font allez belles ôc fort nettes, chofe très-rare en Efpagne, La Place Mayort, qui eft conllruite prefque au milieu de la ville, en fait un des plus beaux ornemens : elle eft quarrée , fort vafte & entourée du côté du nord de portiques , fous lefquels on fe promené quand il pleut. Du côté du couchant règne une très-belle maifon , appellée la Cafa de la converfation j où les gens'de diftinction s'aflemblent les après-dinées pour jouer a l'hombre , aux échecs , au trictrac , ou à d'autres jeux. Ils font un petit fond pour fournir aux frais du bois qui s'y confi> me , du chocolat, du vin Se des rafraî-çhitfemens qu'on y prend. Du côté du midi elle eft terminée par la Maifon de Ville , ôc du côté du levant par la façade du Couvent des Carmélites. Ce qu'il y a de plus remarquable ôc de plus digne de la curiofîté des étrangers, eft le château que Philippe II fit bâtir V Efpagne. t$ pour tenir les Navarîois en bride , en cas qu'ils voulurent remuer , Se pour s'oppo-fer aux entreprîtes des François, fuppofé qu'ils filïent quelque tentative fur la ville. 11 eft un des plus forts qu'il y ait en Europe -, tant par fa fituation , que par la régularité de fes fortifications. Il eft (itué fur un roc , ôc compofé de cinq gros Bâfrions revêtus , avec de bons folles à fond de cuve. Au milieu on voit une très-belle place d'armes, faite en rond , où la garnifon fe range en bataille , pour faire l'exercice > Se d'où par cinq rues qui y aboutilïent , on peut allet droit aux cinq Battions \ ce qui eft d'un très grand avantage pour la facilité du fervice en cas de liège. Du côté de la ville , il y a une très-belle efplanade , qu'on appelle la Taco-nera , où les habitans de la ville fc vont promener fous les allées d'arbres qui la bordent. Du côté.oppofé , par où l'on pouroit l'attaquer, il eft environé d'un marais , qui lui fert de défenfe. Dans le corps de la place , il y a une tour , qui eft un ma-gazin pour les poudres Se autres munitions de bouche Se de guerre , avec un très beau moulin à bras. Le Roi y tient une bonne garnifon , commandée par un Châtelain , 6c un Etat Major. 2. La Mérindade d'Eftella , a pour capitale Efiella j petite ville au fud-oueft de Pampelune. Flanc j dont les fils aînés des B nj 30 Méthode de Géographie. anciens Rois de Navarre portoientle nom de Princes 'de Viane j Se A guider , font à l'oueft d'Eftella, comme Mclgar y Se Villa-tuerta font au fud. 3. La Mérindade de Tudelle a Tudelle fur la rive méridionale de TEbre , ville plus grande Se mieux bâtie que Pampelune , 6V où Ton trouve beaucoup de No-bleftc. Villefranche > Caldreita au nord-oueft de Tudelle., 6c Cavarillas y vis-à-vis Tudelle, fur la rive feptentrionale de l'Ebre. 4. La Mérindade d'Olite , entre celle de Pampelune 6c de Tudelle , où eft dite , ville ancienne , qui a été le féjour des Rois de Navarre , mais anjeurd hui ruinée. Larraga 6c la/alla , a (fez jolies villes dans un terrein excellent 6c fertile en bons vins. Ayvar , Veyrc Ôc Peralta. Ce dernier endroit eft célèbre par fes vins , les meilleurs de ce canton. 5. La Mérindade de Sanguefla , dans les montagnes , où font Sanguejja capitale, 6c Roncevaux fameux Prieuré , dont I'Eglife eft defîervie par des Chanoines réguliers de S. Auguftin. On prétend que l'armée de Charlemagne , commandée par le fameux Roland , fut autrefois défaite à Roncevaux par les Sarafins, ôc fon Généra! tué aufli bien que Renaud par la trahi fon de Ganélcn. Toute cette hii-toire eft très célèbre dans les Romans de L'Efpagne. 51 Chevalerie , 6k la trahifon de Ganélon a même patte en proverbe , aujft traître que Ganélon. A une lieue de Sanguefta eft le bourg de Xavier , fameux pour avoir vu naître S. François Xavier , Jéfuite, ôc l'Apôtre des Indes. VI. La Castille Vieille* Cartes. La Caftille vieille & nouvelle a été donnée en deux feuilles par Guillaume S an-son. Cette Carte eft eftnnée. La Caftille eft un pays rempli de montagnes , mal peuplé , 6e peu cultivé , qui tire fa plus grande riche lie de fes laines , les plus eftimées de l'Europe. On y parle aulîi plus purement efpagnol qu'en aucune autre Province du Royaume. Elle fe divife en dix cantons , qui font les huit Mérindades , de Burgos 3 de Valladolid de Calahora êéOfma 3 de Ségovie cXA-vila 3 de Soria de Siguença , 6c les territoires de Placencia 6c de liioxa. i. La Mérindade de Burgos qui eft fort étendue, a pour capitale Burgosville affez grande , d'un aftez bon commerce 6c af-fez bien peuplée -, mais mal bâtie 6c mal propre. Il y a un Archevêché avec une belle Eglife métropolitaine. B it 3 2. Méthode de Géographie* Burgos. Burgos , capitale de la vieille Caftille, eft limée fur la pente d'une montagne y 3c s'étend dans la plaine jufqu'au bord d'une petite rivière fort rapide appelles Arlancon qui baigne une partie de fes innrailles. Elle eft fort ancienne. On y entre par une belle porte , crnée de ftatues des Rois d'Efpagne > ôc de Ferdinand Gonlalve > premier Comte fouverain , placées dans de fuperbes niches dorées , avec quelques Infcriptions, faites à l'honneur de Charle V, de Philippe II ôc de Philippe III. La ville eft grande , quoiqu'un peu ir-réguliere , ôc bâtie en forme de croisant. Les rues y font étroites ôc inégales, lî on en excepte quelques-unes , qui font aftez larges ôc aflez droites , fur tout celle qui conduit à l'Eglife métropolitaine. On y voit plu heurs belles places publiques ; Ôc dans chacune , de même qu'à chaque carrefour , il y a des fontaines jail-lifTantes , avec des ftatues. La principale qu'on appelle la place Mayor , eft pref-que au milieu de la ville , entourée de belles maifons , foutenues par des pila-flres qui forment des portiques , fous lef-queîs on fe promené dans le mauvais temps. Parmi quelques bâtimens aiïez magni- V'Efpagne. 3 % fiques , le Palais de l'Archevêque Se celui des Seigneurs de la Maifon de Vélafco , fe font diftinguer par leur archite&ure , aulli-bien que par leur grandeur. Près des portes de la ville , on trouve de grandes allées d'arbres , qui forment une promenade fort agréable fur le bord de la rivière , qu'on palfe fur un pont ae pierres , fort long Sz fort large. La ville eft défendue par un château ancien , qui la commande , limé fur une montagne , incomparablement plus rort par l'avantage de fa fituation , que par les ouvrages qu'on y a faits. Ce qu'on y voit de plus remarquable » eft l'Eghfe métropolitaine , qui peut paf-îer pour la plus régulière , Se pour une des plus belles de toute l'Efpagne. Elle eft bâtie en forme de croix , comme le font prefque toutes les anciennes Eglifes. Elle eft fi vafte , qu'on y chante tous les jours cinq MelTes dans cinq Chapelles différentes, fans que les Omcians s'interrompent. Line de fes entrées eft ornée de deux grandes tours Se de belles figures., Dans le milieu eft un grand dôme accompagné de deux autres grandes tours , Se derrière deux autres de même grandeur : le tout très-bien travaillé Se fi embelli de ftatues , qu'on ne peut les voir fans admiration. Le qui eft joint à la ville par trois beaux ponts de pierres • c'eft-là que font la plupart des Gouvens & des Hôpitaux. Il y en a un entr'autres, fondé pour les pèlerins que la dévotion conduit à S. Jacques , qui a 80000 livres de rente. Ce fauxbourg eft environé de jardins, arrofés de ruifTeaux. B vj $6 Méthode de Géographie. d'eau vive , Ôc de plufieurs fontaines , la rivière y fert de canal. De-là on entre dans un grand parc fermé de murailles , où il y a de fort agréables promenades. Cette ville a été autrefois la capitale ôc la réfidence des Comtes ôc des Rois de Caftille. Elle tient le premier rang dans les Etats de Caftille , quoique Tolède lui difpute cet honneur. Elle n'eft pas fort ancienne , n'ayant été bâtie , félon quelques Auteurs, que dans le IXe ficelé , &c félon quelques autres, dans le Xe , fur les ruines d'une autre ville , appellée Auca _,dont les montagnes voifines y retiennent encore le nom de Sierras de Dca. C'eft de la ville d'Oca ou Auca, que le Siège épif-copal fut transféré â Burgos en 1097 j Ôc en 157t il fut érigé en Archevêché par Grégoire XIII, à la priera de Philippe IL L'air y eft un peu froid , comme dans toute la Province , â caufe des hautes montagnes qui l'environent , ôc qui dérobent la vue du foleil plus long-temps que dans les autres endroits. Le commerce n'y eft pas fi grand qu'il l'étoit autrefois \ mais il y a toujours un grand abord d'étrangers ; ce qui fait que les habitans y font civils, honnêtes, polis ôc affables. C'eft dans le voifinage de cette ville que Ton trouve la fameufe Abbaye de iiiles appellée tas liuelgas y nommée U L'Efpagne. ? 7 Noble 3 parce qu'elle eft la demeure d'environ 15 o Religieufes , toutes filles de Princes ou de grands Seigneurs. L'Àb-beûe eft Dame Se Supérieure de 17 autres Communautés , de 14 villes, Se de 50 bourgs ou villages, dont elle choiflt elle-même les Magiftrats Se les Gouver- Et neurs, qui y commandent de la part, Si elle difpofe de 11 Commanderies. Cette Abbaye fut fondée au XiIIc fiécle , par Alpbonfe IX , Roi de Caftille. Lcrma , ville en titre de Duché, avec un des plus beaux châteaux qu'il y ait en Efpagne , bâti par le Cardinal de Lerma, favori de Philippe III, S. Pierre d'Arlan^a où Bec-nand Gonfalve , furnommé le Grand Capitaine , eft inhumé. Arlan^a eft au fud de Burgos, comme Miranda Se Prias de Ebro font au nord. Lara j à l'eft de Burgos , a donné fon nom â une illuftre Maifon , de laquelle nous avons une hiftoire imprimée* 2. La Mérindade de Valladoîid a pour capitale Valladoîid j fur le Pifuerga , qui fe perd un peu au-deffous dans le Douro. Cette ville eft une des plus grandes Se des plus belles de toute l'Efpagne , Se ornée d'un Siège épifcopal, fufrragant de Tolède j de même que d'une Univerfïté. C'eft là que le fameux Chriftophe Colomb , qui découvrit l'Amérique , décéda en .t 5061 âgé de 64 ans. Son corps fut porté 3 S Méthode de Géographie. aux Ch artreux de Séville. Cette ville , outre le Palais où les Rois d'Efpagne ont demeuré jufqu'à Charte-Quint , auquel un Médecin perfuada que l'air de Madrid était plus fain que celui de Valladolid, a encore plufieurs autres Palais, ôc dix mille maifons bourgeoifes , aullï - bien que deux places très-belles ,150 Eglifes ôc 70 Communautés religieufes de l'un ôc de l'autre fexe. Penafl.el eft au midi du Douro. Pcfquera 3 ïioa ôc Aranda de Douro, grande ôc belle ville , font fur ou "vers la rive feptentrionale du Douro. 3. La Mérindade de Calahora a Calâ-hora j ville épifcopale fur l'Ebre , ôc le lieu de la naiiTance de Quintilien , fameux Rhéteur, dont nous avons les ouvrages. 4. La Mérindade d'Ofma a Ofma 3 ÔC Borgo d'Ofma 3 fur le Douro , avec un Evcché ôc une petite Univerfïté. Granda Lerma 3 Duché. Calaroga y bourg pçès dOfma , eft le lieu de la naifTance de S. Dominique, dont le nom ôc l'Ordre qu'il a établi , ont fait beaucoup de bruit ôc de bien dans l'E^life. 5. La Mérindade de Ségovie a Ségo-v/e capitale , vers les frontières de la nouvelle Caftille , feize lieues au nord de Madrid. Cette ville fait un grand commerce de laines, les plus fines de l'Europe. Elle eft fur une élévation au pied L'Efpagne. $f des montagnes, & a un bel aqueduc , de même qu'un Evèché , fournis à Tolède. Cet aqueduc ,.qui eft bien confervé , eft un ouvrage de l'Empereur Trajan , qui lui-même étoit Efpagnol. il a trois mille pas de long Se pofe fur 177 arcades , d'une grandeur & d'une hauteur prodigieufe. On y trouve aufti un très-beau château a l'antique nommé XAlcajar3o\i l'on met fouvent les prifoniers d'état. Le territoire de Ségo-vie eft fertile, Se l'on y nourit un nombre infini de brebis Se de moutons , qui portent cette laine fi eftimée pour fa finette. Ces troupeaux partent de cette ville , font le tour de l'Efpagne , Se reviennent à Ségo-vie par les montagnes d'Aragon. On prétend que l'air Se les différentes nountures de l'Efpagne , donnent une meilleure qualité à cette laine. On en a fait plus d'une fois l'épreuve , en partageant un troupeau en deux. On en faifoit voyager une partie Se l'on gardoit l'autre aux environs de Sé-govie. La laine du troupeau qui avoit voyagé, étoit incomparablement meilleure que celle de l'autre troupeau. C'eft un fait fingulier de l'hiftoire naturelle , que j'ai fu du feu Marquis de Santacruz , Se qui depuis m'a été confirmé par d'autres Efpagnols. La ville eft une des plus riches & des plus laborieufes de toute l'Efpagne. C'eft dans fon Eglife cathédrale qu'eft le tombeau du fameux Jurifcon- 4© Méthode de Géographie. fuite Covarruvias. L'Hôtel des MonnoyeS de cette ville eft remarquable par des moulins difpofés, de manière qu'en un moment la monnoye eft fondue rognée, pefée ôc frapée parfaitement. On prétend que cette invention eft venue d'Inlpruck, capitale du Tirol. Coca 3 au nord de Sé-govie, autrefois ville fort célèbre , fur une haute montagne , avec un château bien fortifié , où Philippe-Guillaume de NafTau, fils de Guillaume I, Prince d'Orange , fut enfermé par ordre de Philippe IL Qlmédo j au nord-oueft de Ségovie. Pédraça de la Sierra au fud de Ségovie , patrie de l'Empereur Trajan} eft aufii le lieu où François Dauphin de France , ÔC Henri fon frère, tous deux fils de François I, ont été détenus prifoniers pendant quatre ans. Villecaftin j fameufe par fes laines. 6. La Mérindade d'Avila , a Avila 3 ville au centre de l'Efpagne, avec un Evèché fuffragant de Compoftelle. Le favant Toftat en a été Eveque dans le XVe fiécle. Cette ville peut avoir trois mille maifons. Elle eft le lieu de la naifTance de Sainte Thérefe , l'une des Patrones d'Efpagne , fondatrice des Carmélites j ôc reformatrice des Carmes, Mengravila village fameux par fes mines de fel. Médiana ÔC Villafior j au nord Ôc à l'oueft d'Avila. 7. La Mérindade de Soria , au nord- L'Efpagne. 4* feft de la yieille Caftille , où eft Soria j renommée pour fes bonnes laines. Cette ville eft bâtie , à ce qu'on croit, près des ruines de la fameule Numance y 8c n'eft pas éloignée de la fource du Douro. Agreda^ petite ville, vers les frontières de f Aragon, eft la patrie de la vertucufe Abbefle Marie Coronel, morte en 1665 , fous le nom de laquelle on a fait paraître le livre célèbre de la Vie de la Sainte Vierge en trois volumes in-fol. feulement. 8. La Mérindade de Siguença, au fud de Soria , où eft Siguença_, avec un riche Evêché 8e une médiocre Univerfïté. Médina Celi y fameux Duché, ôe Arcos. 9. Le territoire de Placentia, autrefois de l'Eftrémadure , vers les frontières du Portugal, a Placentia j fituée dans un pays de montagnes , belle ôc bien bâtie , avec un Evêché , fuffragant de Compofteile. Coria j aulîi ville épifcopale , fourni fe au même Archevêché , avec une fort belle Eglife cathédrale. La Canada. Béjar 3 Duché célèbre , avec un beau château. Près de cette dernière ville eft un lac fin-guiier, en ce qu'il annonce le mauvais temps par un bourdonnement, qui s'entend de quatre ou cinq lieues. Âlmara\ 3 fur le Tage , au fud de ce territoire. 10. Le territoire de Rioxa ou Rioja , traverfe par l'Ebre 3 près des frontières de Navarre , contient les petites villes de àfi Méthode de Géographie. Saint-Domingue de la Calçada ôc de L&* grono j qui a eu de beaux privilèges de Charle-Quint, pour fa fidélité : on trouve auffi Nagera y en titre de Duché \ Gra-gnon j Navarette j Briones Se Haro. VIL L'Ara g o n. Cartes. Royaume ûTAragon aflez peuplée , & l'une des plus grandes de toute TElpagne. Il y a un riche Archevêché , une Université , un Hôpital très-riche , & une Eglife appellée Nojira Senora dei Pïlar fameu-fe par la dévotion qu'on y a pour une Image de la Sainte Vierge. On y trouve une Inquilition , un Confeu fouverain , & plusieurs autres Tribunaux. Les dehors de la ville font très - beaux & très-agréables. Placencia y Daroca y Montal-van j Hîjar'j Cafpé 3 Torrès j Villa nova de GallegOj Villa Fronça j &c Fuentes 3 en titre de Comté. Saragoce. Saragoce eft fituée dans une vafte plaine , au bord de l'Ebre , à 1 endroit où ce fleuve reçoit le G allégo à gauche , & la Guerra à droite. Elle eft très-grande, très-belle , & très bien bâtie. Les rues y font longues, larges , bien pavées & fort propres. Les maifons y font généralement plus belles qu'à Madrid : la plupart font conftruites de briques, & les autres de belles pierres. On y compte 17 grandes Eglifes, & 40 beaux Monafteres ou Maifons reli- '44 Méthode de Géographie. gieufes. Elle eft le fiége d'un Archevêque, d'une célèbre Univerfïté, d'un Tribunal de l'Inquilition & d'une Chancellerie , établie depuis le temps de la révolution. On y palte l'Ebre fur deux très beaux ponts, dont l'un eft de pierres Se l'autre de bois. On y entre par quatre portes , qui répondent aux quatre points du monde. Lorfqu'on y va du côté de la nouvelle Caftille , on trouve hors de Tes murailles un vieux château , environé de folles, appelle Alfapheria 3 d'un mot arabe que les Maures introduisirent, lorfqu'ils fe rendirent maîtres de ce pays. C'étoit autrefois le Palais des Rois d'Aragon j dans la fuite il fut donné à l'Inquifition , pour y loger les Miniftres de ce Tribunal, Se pour y exercer la juftice contre les coupables en matière de foi. A préfent le Roi en a fait une citadelle, pour tenir la ville en bride , Se pour y garder des criminels d'Etat. L'Ebre baigne les murailles de la ville du côté du nord , dont les bords font ornés d'un fort beau quai, qui ferc de promenade aux habitans. Ce n'eft pourtant pas le feul endroir où ils fe vont promener j il y a encore quelques places publiques , qui fervent de promenades : mais la plus confidérable eft une grande Se belle tue , nommée la Calle Santa ou la Calle del ÇoJJb j c'eft-à-dire 3 la rue Sainte , ou la L'Efpagne. 45 tue du Cours. Elle eft fi large , que fi elle n'étoit pas prefque aufli longue que la rue S. Honoré à Paris , on pouroit la prendre pour une place très-fpacieufe. Elle porte le nom de Sainte , parce que ce fut là que les Tyrans , fous la primitive Eglife wj verferent le fang des Chrétiens. 'Elle eft bordée de divers palais, & de quantité de maifons fuperbement bâties. C'eft proprement le Cours , ou l'on voit tous les foirs beaucoup de carottes remplis de dames & de cavaliers , qui s y promènent lentement , félon l'ufa-ge d'Efpagne. L'Eglife métropolitaine , qu'on appelle la Ceu j eft un très-beau & très-vafte édifice , bâti à l'antique, d'une manière allez bizare ; mais qui ne laitte pas d'avoir quelque chofe de grand 5c de fomptueux dans fon irrégularité. Le chœur fur-tout eft enrichi de beau marbre blanc , mis en œuvre par de très habiles Architectes 5c Sculpteurs. On voit entre les raretés qu'il renferme , un fuperbe tombeau s dans lequel repofent les cendres du premier Inquifiteur, &c au-deftus duquel font fix Maures fufpendus à des colonnes. Cette Eglife eftdeftervie par un célèbre Chapitre de Chanoines. De la cathédrale on patte à la Chapelle de Notre-Dame du Pilar > célèbre par le concours extraordinaire du peuple , qui y à^G Méthode de Géographie, va en pèlerinage de toutes les parties d'Efpagne, & même des Royaumes étrangers. Certe Eglife n'a de considérable que les richelTes qu'elle renferme. La Chapelle où eft l'image miraculeufe de la Sainte Vierge, eft bâtie fous terre, & a 36 pieds de long fur 16 de large. Les Anna-liftes d'Aragon s'efforcent de prouver qu'elle a été bâtie par les Anges. La Sainte Vierge y eft placée lur un pillier de marbre , renant l'Enfant Jefus entre fes bras j dans un lieu fi obfcur , qu'on auroit beaucoup de peine à la découvrir, fans la lueur de quantité de lampes, qui l'éclairent continuellement. On ne peut rien imaginer de plus riche que fes orne-mens j fa niche , fa robe &c fa couronne font remplies de pierres précieufes d'un prix ineftimable. A l'entour parohTenr des Anges d'argent maflif, qui tiennent des flambeaux à la main. Outre cela elle eft éclairée par 50 lampes d'argent , fans compter plufieurs chandeliers du même métal d'une hauteur excefîive. La balu-ftrade eft de même matière. Toutes les murailles font tapiflées de figures de pieds , de mains, de bras , de jambes , d'ieux , de têtes, de cœurs, que les fidèles ont offerts à la Sainte Vierge , en re-connoifTance des guérifons qu'elle a opérées en leur faveur. Enfin, tout eft bril- L'Efpagne. 47 lant d'or, d'argent Ôc de pierreries dans cette fainte Bafihque , à l'entrée de laquelle on voit une Chapelle , dont la voûte eft peinte de rofes d'or , ôc le Cantique Magnificat eft écrit fur les murailles en lettres de même matière. C'eft une dépendance de la cathédrale , dont les Chanoines y vont faire l'office , chacun en fon rang. Cette Eglife a , dit- on , été abattue , à la réferve de la Chapelle de la fainte Vierge , qui fera renfermée dans l'enceinte d'une des plus fuperbes Eglifes de la Chrétienté , qui doit bientôt être achevée. La Maifon de Ville eft un fomptueux édifice, qui artiroroit les ieux des curieux, fi fa magnificence n'étoit pas effacée par celle de la Maifon de la Dépuration , où s'affemblent les Etats du Royaume , de" où le Jufticia d'Aragon tenoit autrefois fa féance. On y trouve à l'entrée une belle cour quatrée avec un portique : de-là on monte dans une falle, petite à la vérité , mais très-jolie, où l'on voit tous les Rois d'Aragon repréfentés au naturel, chacun avec une inscription , qui comprend en peu de mots fon nom ôc la plus belle action de fa vie, La Ville de Saragoce, quoique capitale d'un Royaume , a été fans défenfes ôc fans fortifications, jufqu'à ce que le Roi Phi- 48 Méthode de Géographie. lippe V eut fait du Palais de l'Inquiiïtior* une citadelle. Elle eft habitée par quantité de NobleiTe, de bons Bourgeois, de riches Marchands ôc de gros banquiers qui font fleurir le commerce. La police s'y exerce par cinq Jurats qu'on élit de deux en deux ans s des dif-férens corps des citoyens} lefquels aufli-bien que les Miniftres qui les accompagnent , portent des robes longues aux actions publiques , ôc ont leurs mafliers , qu'ils appellent Andadores 3 avec leur habit d'ordonnance ôc des marques particulières. Le premier Jurât, qu'ils appellent Jurado en cap 3 non-feulement ne peut être précédé par perfonne j mais .même qui que ce foit ne peut aller de pair avec lui dans les entrées des Rois, ni dans les autres fonctions publiques. 2. Le Diocèfe de Tervelj ville ôc évê-ché de peu d'étendue , fur les frontières du Royaume de Valence. Tervel eft défendue par une bonne citadelle. 3. Le Diocèfe d'Albarazin n'a de remarquable <\\\ AIbara-fin 3 ville ôc évêchc fur le Guadalaviar. 4. Le Diocèfe de Taracone 3 où font Taracone ville ôc evêché , près de la Navarre ; Borja, au fud eft de Taracone , qui a de très-beau lin • Calatajud3 au fud «le Taracone 5 à la jonction du Xalon 8t L'Efpagne. 49 duXiboca, dans un terroir fertile en bleds, en vins 8c en huiles -, Piedra> Abbaye au fud de Calatajud. 5. Le Diocèfe de Jaca , vers le nord , allant aux Pyrénées, où font Jaca3 ville épifcopale , 8c atfez forte , fur l'Aragon , qui donne fon nom à la Province. S an-Juan de la Pénaj Abbaye où font les tombeaux des plus illuftres Seigneurs de So-brarbe. Vïefcas > Biclfa 3 Gif au y Fenaf-que, Fi/cal font àl'eft de Jaca, 8c Verdun à l'oueft. Sainte-Ckriftine > au pied des Pyrénées. Loare j bourg au fud de Jaca , défendu par une bonne fotterefle , dans laquelle fut enfermé 8c eft mort le Comte Julien, qui au commencement du VIIIe fiécle avoit livré fa patrie à La fureur des Maures. 6. Le Diocèfe de Huefca, au fud de Jaca , où fe trouve Huefca y ville épifcopale 8c Univerfité. Cette ville a vu naître S. Laurent au commencement du IIIe fiécle 8c martyr l'an 258. Àlmudeyar j Monte-Aragon > Abbaye fur une montagne extrêmement efearpée. Taufta3 Exea petites villes , à l'oueft de ce Diocèfe. 7. Le Diocèfe de Balbaftro , à i'eft de Huefca , a Balbaftro > ville 8c evêché ; Monçon > au fud de Balbaftro , place allez forte , prife 8c reprife plusieurs fois en 1641. Benavarri j capitale du Comté de Ribagorça > Comté honoré autrefois du Tome FI. Q Méthode de Géographie. titre île Royaume. A in fa y capitale du Comté de Sobrarbe. Au fud, vers l'Ebre, font Fragdj avec une Abbaye , Ôc quelques villages, qui pour le Gouvernement font de l'Aragon } mais pour le fpirituel, ils dépendent de l'Evêché de Lérida en Catalogne. VIII. La Catalogne. Cartes. Guillaume S an son ^NoiIN y & le Père Placide nous ont donné des Cartes de la Principauté de Catalogne. Toutes font en deux feuilles. La plus eflimée cjl celle du P. Placide. Ceux qui au-roient befoin'de grands détails 3 les trouveraient fur une autre Carte de Sanson qui efl en onr^e feuilles. La Principauté de Catalogue eft une des plus importantes & des plus fertiles Provinces d'Efpagne. Les habitans font laborieux , s'appliquent aux manufactures, & font un allez bon commerce de leurs étoffes, de même que de leurs eaux-de-vie. L'air y eft chaud vers la mer, & le pays rempli de montagnes. Les montagnes n'y font pas ftériles , comme dans beaucoup d'autres contrées d'Efpagne. Prefque toutes font couvertes des belles forêts de haute futaye, de de di- L'Efpagne. 51 yers arbres fruitiers. Le hêtre, le chêne commun ôc le verd, le pin, le fapin, le châtaignier Ôc le liège y abondent. ^ On y trouve quantité de (impies recherchés dans la Médecine. Outre quantité de rivières , qui fe précipitent des montagnes dans les vallées ou dans les plaines j ces montagnes font arrofées par un nombre prefque infini de ruilfeaux ôc de fontaines , qui entretiennent une fraîcheur agréable , ôc une fertilité merveilleufe. Tout le pays eft abondant en vin , en bled , en légumes , en toutes fortes de fruits , en huile, en lin ôc en chanvre ; de forte que la Catalogne n'a befoin du fecours d'aucun autre pays pour tout ce qui regarde les choies nécelîaires à la vie. Ce qu'elle a de particulier, ôc qui lui donne un grand avantage au-deftus de toutes les autres parties d'Efpagne , c'eft qu'on y trouve abondamment tout ce qu'il faut pour com-poier ôc pour équiper un navire. On y découvre quantité de carrières de marbre de toutes fortes de couleurs, de criftal, d'albâtre , de topafes , de rubis , Ôc de quelques autres pierres précieufes. Les mines d'or &c d'argent n'y'manquent pas non plus, comme il paroît par des paillettes» de ces riches métaux que l'on trouve dans le fable de la Segre , Ôc de quelques autres rivières. On y trouve aufti des mines d'étain de plomb., de fer , d'alun , de C ij $i Méthode de. Géographie. vitriol Se de fel, Se on y pêche de béait corail fur la côte de la Mer. Les Catalans ont beaucoup d'efprit. Leur naturel bouillant les porte à des excès qui leur ont fait quelquefois, oublier leurs devoirs. Ils font fi jaloux de leur liberté, que pour la conferver , ils violent infolemment toutes les loix divines Se humaines; Se comme ils ne fe conduisent que par les mouvemens d'une aveugle fureur , ils fe précipitent dans des em-baras qui tournent toujours à leur défa-vantage, comme on l'a pu remarquer dans la conduite qu'ils tinrent dans la dernière guerre > dont l'Efpagne a été accablée. Séduits par les fol lie nations des ennemis de la patrie , ils abandonnèrent leur Roi légitime , ouvrirent leurs portes à l'Archiduc , Se le reconnurent pour leur Roi, au préjudice du ferment de fidélité, qu'ils avoient juté à Philippe V. De forte qu'après avoir foutenu pendant neuf ans le feu de leur révolution avec une extrême obftination i ils fe font vus réduits à la né-cefîité d'implorer la clémence de ce généreux Monarque , qui s'eft contenté de leur ôter les moyens de fe foulever de nouveau , en les dépouillant de leurs privilèges , dont ils ne fe fervoienr que pour fe fouflxaire à l'autorité légitime. Ils font vigilans, indultrieux , réfolus , gais \ Se de belle humeur. Quoique fiers, L'Efpagne. S i ils font careifans , & d'un commerce agréable , pourvu qu'on ne s'oppofe point à leurs vues } car dès qu'ils croient être offenfés , ils deviennent implacables. La Catalogne fe cîivife en vieille & nouvelle Catalogne > qui comprennent ensemble quinze Vigueries. Il y en a fix dans la première & neuf dans la féconde. Vieille Catalogne ou Catalogne orientale. L La Viguerie de Girone a pour capitale Girone , ville épifcopale , médiocrement grande & allez forte, fur le bord du Ter , à cinq lieues au-deflits de fon embouchure dans la mer. Girone eft la capitale de PAmpurdan. Elle a titre de Principauté. Elle eft riche & fort commerçante. Les nls aînés des Rois d'Aragon ont porté la qualité de Comtes & puis de Princes de Gironne. Les François , qui l'avoient prife dans la guerre de i cTS 8 , l'ont rendue par la paix de Rifwîck, de même que 7?0/6', ville forte avec un port fur la Mer Méditerranée , qui y fait un golfe. Map Janetj Jonquieres & Ctrvera, vers les frontières du Rouflilîon. 1 Lmya , fur la Mer Cad'aques j fur un golfe de la Mer, aiilll-bien que San-Pere de Pefc idor 3 Empûriâs & Torroella deMongn ; où le Maréchal de Noailles commandant l'armée de France t pafïa le Ter à la nage, & fur attaquer ■ l'armée Efpagnole campée un peu au-delà, C iij 54 Méthode de Géographie. Ôc qu'il mit en déroute Tan 16^4. Palsj Bagu j Pala-Fugel Ôc Palanios font pa-reillement fur la Mer, auflî-bien que San-féliu de Quixol j Tofa , Blanes 8c Mal-grat. OJlalric j fur la Tordera , a été fou-vent attaqué dans les guerres. Amer ôc Angles j font fur le Ter. Verges n'en eft pas éloigné. CaJlelfollitJt j Bafelu Ôc Baf-cara font fur la Fiuvia \ Figuieres Pe-relade Cajlello j Guarriguela ôc Saint-Clément j font prefque tous dans les montagnes. H. La Viguerie de Barcelone porte le nom de fa capitale, qui l'eft auffi de toute la Catalogne. Cette ville en titre de Comté , eft grande , bien bâtie, bien peuplée, affez forte , très-marchande , principalement en eau-de-vie, & l'une des plus con-iidérables, de même que la plus propre 8c la mieux pavée de toute l'Efpagne. Il y a uu Evêché , une Inquifition , un port allez fréquenté , ôc un château appelle Mont-jui, qui fert de citadelle à la ville. Barcelone a auiîî une Univerfïté. Les François la prirent en 1697 , ôc la rendirent par la paix de Rifwick. Après plufieurs révoltes , elle fut prife pour le Roi d'Efpagne par le Maréchal de Berwick en 1714. Barcelone. Barcelone eft fituée fur le rivage de la Mer, à l'extrémité d'une vafte plaine. Sa VEfpaghe. 5 i figure tient un milieu entre le quarré 5c l'ovale. Sa grandeur approche de celle de Touloufe ; elle ne lui cède en rien en beau-* té. Elle eft divifée en deux j favoir , la vieille Se la nouvelle ville ; féparées l'une de l'autre par une enceinte de murailles , c'eft-à-dire , que la vieille eft renfermée dans la nouvelle. Outre que fes murailles font très-fortes par elles-mêmes, elles font encore défendues par divers bâfrions , par quelques ouvrages à cornes , Se. par des remparts hauts Se fpacieux , aufli-bien que par de profonds foiTés. La plu-parc de fes rues font allez larges , pavées de grandes pierres , Se incomparablement plus propres que celles d'aucune autre ville d'Efpagne. Parmi quantité de beaux bâcimens dont elle-eft ornée , l'Eglife cathédrale s'y fait diftinguer par fa grandeur Se par fes deux hautes tours. Celle de Notre-Dame del Pino eft encore très-belle. Les Palais du Vice-Roi, de l'Evêque , Se de l'Inquifition , méritent l'attention des curieux , aulîi-bien que l'Arfenal, la Bourfe où les Marchands s'affemblent, la Terfana où l'on bâtit les Galères \ Se la Maifon de la Députation , au-delTus de l'efcalier de laquelle on voit une fontaine couverte , Se une falle magnifique , dont le plafond eft entièrement doré , avec un beau portique où l'on peut fe promener ou s'alfeoir. Cette falle eft otnée des por- C iv 5 6 Méthode de Géographie. traits de tous les Comtes de Barcelone. On voit a Barcelone des places publiques fort belles, particulièrement celle de S. Michel, où les plus grandes rues vont aboutir. Son port eft large , fpacieux , défendu d'cm coté par un grand mole , ôc revêtu d'un très-beau quai , qui a 750 pas de longueur , au bout duquel il y a un fanal Ôc un petit fort, où font toujours quelques foldats : de l'autre il eft à l'abri des vents de l'oueft par le moyen du Montjoui, qui «'avançant dans la mer , forme une efpece de promontoire , au pied duquel on a conftruit un petit ouvrage , qu'-on a muni de canon , pour la défenfe du port. Ce Montjoui eft une haute montagne , qui s'élève au couchant de la ville , non loin de fes murailles. Au fommet de cette montagne , il y a une fortereife, qui fert de citadelle à la place , & qui feroit ex-. rrêrnernent forte, h elle étoit munie de tous les ouvrages qu'on y pouroit faire. Comme les Barcelonois font les peuples de toute l'Efpagne les plus laborieux, il ne faut pas s'étonner fi layille de Barcelone eft très-riche. Le port procure de grands avantages à fon commerce. On y fait dé beaux, ouvrages de verre 6V d'acier. Ea un mot, tout ce qu'on peut fouhaiter pour rendre une ville recommandable , s'y trouve abondamment. On trouve encore. Mataro ÔC Badar L>rfpaSne- 57 îona fur la Mer , Saint-Saloni 3 Saint-Fc- riu de Lobrcgat 3 Hofpitalet 3 Martorel 3 près du Lobregat, où le Duc de Vendôme défit les Efpagnols un peu avfint la. reddition de Barcelone. Tordera ôc Moya3 fur une montagne. T1L La Viguerie de Vick 3 où font Vïch 3 ville ôc Evêché , huit lieues au nord de Barcelone j Roda 3 fur le Ter j Vefpclla. IV. La*Viguerie de Manrefe 3 où font Maure fe 3 à l'oueft de Barcelone , avec un bel Hôpital. Mont-Sefrat 3 montagne extrêmement élevée , à fept lieues à l'oueft. ile Barcelone , avec une Abbaye bien peuplée de Moines, & farrieiafe pat la dévq« rion qu'on y a pour la Sainte Vierge. Ba-gos-j Btrga ôc Sellent, fur le Lobregat, c]ni prend fa fource dans cette Viguerie , êc la partage du nord au fud. V. La Vigiieric de Campredort, a Cani-predon, vers le Roufhllon 3 6k; Aulot 3 qùé les François ont démolis. VI. La Viguerie de Puicerda 3 a'Pui* cerda 3 ville palfable , près du Rouflïllon , dont les murailles furent démolies fiïi-vant la paix de Nimegue. C'eft la capitale du Comté de Cerdagne ,. où font aufli la SeU-d'Urgel3 petite ville & Evêché \ Or-gaina Ôc Belver 3 toutes fur la Segre. L/~ Vui ■> fur les frontières de la Viguerie de>; Notifiant; C v 5 S Méthode de Géographie. Nouvelle Catalogne ou Catalogne occidentale. I. «La Viguerie de Lérida j qui eft très* étendue , a pour capitale Lérida 3 fur la Segre# ville allez forte, avec un Siège épif-copal, ôc une petite Univerfïté. Philippe Duc d'Orléans, depuis Régent du Royaume , la prit en 1707. Camarfa y Mayalsy Aytona , Marquifat. Arheca j Llaboroh > Gerri ôc Tremp 3 fur la Noguexa,. avec le Château de Valence. II. La Viguerie de Balaguer , qui eft très-petite , a Balaguer fur la Segre, & au nord Agcr> fur une haute montagne. III. La Viguerie à'Aramont y contient les bourgs d'Aramont ôc èéOUana 3 tous deux fur des montagnes fort élevées. IV. La Viguerie de Cervera 3 a Cerve^, ra j Solfonne 3 ville ôc Evêché -y Cardone j ville ôc Duché , célèbre par fes mines de très-beau fel, qui eft de diverfes couleurs. Tora 3 Cala/ ÔC Prat-del-Rei. V. La Viguerie de Fille-Franche de Panades, qui porre le nom de fon bourg principal, eft peu considérable, quoiqu'elle foit fur la mer. VI. La Viguerie de Taragone j où eft Taragone j ville archiépifcopale , avec une Univerfïté, fondée en 15 32 , ôc affez près de la mer y elle a un port qui n'eft pas des meilleurs. Elle étoit autrefois très- VEfpagne. * 59 confidérable 7 mais aujourd'hui elle eft fort déchue , Se prefque déferte. For* talé fa de Salo > Tamarit 3 Mourolx > Mi-ramar y Vaille Se Pobla. . V11. La Viguerie de Montblanc s qui porte le nom de fon principal bourg , près duquel font de ttès-belles mines d'albâtre. Poblet j Abbaye où les anciens Rois d'Aragon avoient leur fépulture. VIII. La Viguerie de Tortofe} qui a pour capitale Tortofe, ville épifcopale „ Se allez forte fur l'Ebre ; elle eft partagée en vieille Se nouvelle ville. Philippe Duc d'Orléans la prit en 1708. Flix s Mora t Miravet, Val de Cona > Candela Se Ampofia > fur l'Ebre. Ifles Alfachts. IX. La Viguerie de Tarrega j entre celles de Cervera Se de Lérida , a la vill* de Tarrega Se le bourg d'Anglefola. Co Méthode de Géographie. ARTICLE IL L'ESPAGNE MÉRIDIONALE. JL/Espagne méridionale renferme cinq Provinces. Ce font le Royaume de Valence ; celui de Murcie ; la Caftille nouvelle j VAndaloufie ; le Royaume de Grenade. Nous y joignons les Ifles de Major* que j Minorque y Iviça & Formentcra qui font dans la Méditerranée , vis-à-vis le Royaume de Valence. L Le Royaume de Valence. Cartes. On apwur le Royaume de Valence & celui de Murcie, une Carte donnée par No-lin j en une feuille* De toutes les Provinces d'Efpagne, le Royaume de Valence eft fans contredit la plus belle , la plus agréable , &c celle dont le féjour eft le plus délicieux. L'air y eft doux, & il tempéré a qu'on y jouit d'un printemps prenne continuel. La grande quantité de rivières & de rtiiffeaux dont il eft arrofé , le rendent extrêmement fertile. Les vallées &c les plaines y font cou--certes dè. toutes: fortes:d'arbres fruitiers .,. L'Efpagne. ^ fur la nier, à l'eft de Ségorbe, écoit autrefois une ville , mais qui fut détruite Se rafée , Se tous fes habitans paffés au fil de l'épée, pour leur obftination à fuivte le parti de &jl Méthode de Géographie. r Archiduc d'Autriche centre Philippe V leur légitime fouverain. III. Le Territoire de Millarcs, où fonc Villa-Iiermofa ; Saint-Mathéo ; Penifco-laj fur la mer; Bonijaça3 Abbaye fut une haute montagne. 11. Le Royaume de Murcie'. Cette Province au fud-oueft de celle de Valence , avoit autrefois le titre de Royaume ; on l'appelle le Jardin d'Efpagne , à cauf? de fes excellens fruits. On y recueille aulfi alfez de foye , de fu-cre & de miel. Sa.divifion eft en territoires de Murcie &t de Carthagcne. I. Le Territoire dé Murcie porte le' nom de fa Capitale , qui l'eft auftï de toute la Province. Cette ville fituée fur la Sé-gura, eft palïablement grande, & contient quinze mille habitans. Santa-Cru^ de Ca-ravaca 3 l'oueft de Murcie , & d'où viennent ces croix , auxquelles les Efpagnols attribuent la vertu de garantir de la lou-dre. A lin an ca & Min a terra. ' II. Le Territoire de Carthagcne a Carthagcne 3 ville autrefois très coniîdérable-, bâtie par les Carthaginois , pendant la féconde guerre Punique ; mais aujourd'hui elle eft fort déchue. Son Evêché & fon port, qui eft allez commode , quoique peu fréquenté , font ce qu'elle a de glus ccnfidcrable. On trouve dans fes en* L'Efpagne. 6$ virons des pierres précieufes ôc une carrière d'alun rrès-abondante , 8c qui produit annuellement plus de 40 mille ducats. Lorca 8c Xixena j fur le Guadalen-tin. III. La Castille Nouvelle. Cartes* La Carte de la nouvelle Caftille a été donnée en particulier par S an son & -DE Eer. Cette Provirïce, autrefois en titre de Royaume , & la plus grande d'Efpagne , jouit d'un air fort fain ; mais fon terroir eft fort fec 8c ayrofé de peu de rivières, îl ne laiffe pas néanmoins d'être affez fertile en bled , en vin , en faffràn, en fruits ôc en bétail. La Caftille nouvelle fe di-vife en quatre contrées , qui font, Y Algérie j au nord du Tage ; la Mancha y an fud de cette rivière \ la Sierra j vers l'orient, ôc Y EJlrcmadure 3 vers l'occident. I. UAlgarie 3 où eft Madrid > près le Mançanarez , aujourd'hui la capitale de l'Efpagne , ôc la réfîdence de les Rois. Cette ville eft aflTez grande,bien bâtie, fort peuplée ; mais mal pavée , fale 8c fans murailles. Nous allons en donner une defcription particulière. C'afa del Campo Ôc la Floride font des Maifons royales aux €6 Méthode de Géographie. portes de Madrid. Akala de Hénare^ / qui a une Univeriité célèbre , fondée par le Cardinal Ximenès en 1508 , Se Gua-dalaxara font fur le Hénarez, à l'orient de Madrid. Au nord de cette dernière , font Colmenar > Mançanare^ j à la fource de la rivière de même nom , & Buytrago. Sur le Tage, en le remontant d'occident en orient, on rencontre Talavera de la Reyna ■ Tolède autrefois la capitale de l'Efpagne , dont nous donnons une defcription particulière , après celle de Madrid ; & Aranjue^ j Maifon royale à fept lieues de Madrid Se à cinq de Tolède. Elle eft au midi du Tage, dans une île que Philippe 11 fit faire en coupant cette rivière ,jpour en faire paffer un bras autour de îes jardins, qui font une des plus grandes beautés de l'Efpagne, par leurs eaux Se leurs ornemens. Madrid. On croit affez communément que Madrid eft la Mantua Carpetanorum des anciens \ Se on lui donne ordinairement ce nom dans le pays , lorfque l'on parle latin. Cependant d'autres prétendent qu'elle s'eft accrue des ruines de Villa Mantay 2u'iis croient être un refte de Mantoue es Carpetains. Ce n'étoit autrefois qu'une bourgade peu connue Se peu confidé-iable, qui apparcenoit en propre aux Ar- L'Efpagne. ^ _ ^ parce que depuis Charle V les Flamans ont toujours eu l'honneur d'être la première garde des Rois, comme le font les EcofTois en France -, mais le Roi Philippe V V-a ordonne VI. D 74 Méthode de Géographie. né autrement. Les divers confeils , qui étoient dans les appartenons, qui donnent fur ces cours, ont été transférés au Palais de la Reine mere, vis-à-vis de Nue* jlra Segnora de Almudena 3 de même que laTréforerie ôc les Contadoreries j de manière que ceux qui ont des procès , ou des prétentions, trouvent beaucoup de facilité par ce louable afîemblage. Les appartemens font beaux. Les chambres ôc les galeries font ornées de ftatues rares Ôc de buftes bien travaillés. On voit auili de tous côtés de riches ôc d'excellens tableaux des meilleurs maîtres. Il y en a un entr autres de Michel Ange , qu'on dit avoir coûté quinze mille piftoles à Philippe IV. Il repréfente Notre-Seigneur dans le Jardin des Oliviers. Les chambres font encore parées de très-belles tapifteries ôc de meubles magnifiques j en un mot, dignes de la grandeur du maître. Entre les falles , on remarque celle des armes , qui eft à l'autre bout de la grande place, vis-à-vis le Palais. Elle eft longue de cent pas, route peinte ôc garnie de tous côtés d'un grand nombre d'armoires , où l'on voit les armes de Charle V, de Philippe II, de Philippe III ôc de Philippe IV. Les unes font argentées, les autres dorées, ôc quelques-unes cifelées. Elles font accompagnées d'une infinité d'autres armes de diverfes façons, même antiques 5 comme VEfpagne. < 75 ilards , flèches» Sec. On y voit fix hommes a cheval armés de toutes pièces , ôc parés d'émeraudes. Ce font des préfens que Philippe II reçut du Duc de Savoie Se de divers autres Princes. Les armes chinoifes de fer émaillé , la botte d'un Duc de Sax^e, prefque auflî groffe qu'un homme , Se l'épée du fameux Roland, ne font pas les pièces les moins curieufes de ce dépôt. Au-delTous de cette falle font les écuries, où l'on entretient ordinairement cent chevaux d'Andaloulie. La grande chaleur qu'on fent en ce pays-là, oblige les Efpagnols à donner peu de jour à leurs appartenons , afin d'en fermer l'entrée aux rayons du foleil, pour y con-ferver une agréable fraîcheur. On a ob-fervé cette pratique dans la conftruétion du Palais. De-là vient qu'on y trouve divers appartenons , compofés de plufieurs pièces , dont quelques-unes font un peu obfcures, parce que l'on ferme foigneu-fement les fenêtres garnies de rideaux en-dedans Se en-dehors. Tout ce Palais eft bâti d'une pierre fort blanche, à la réfer-ve des deux pavillons de la façade, qui font de briques. Les fenêtres font de marbre fin, &c les vîtres de criftal, Se tous les appartenons font accompagnés de balcons dorés , qui font un très-bel effet. La chambre d'audience eft dorée depuis le bas jufqu'au lambris j le foyer en eft; D ij ;(7 Méthode de Géographie. de jafpe. Les jardins font fermés de murailles , ôc donnent du côté de la ville, qu'on nomme la Priora. Mais ils font un peu bornés. La Bibliothèque , qui n'en eft pas éloignée , a fon entrée pour le public s vis-à-vis /os Cagnos del Perral. Elle.s'érend juf-qu'au coin de la Calle del Teforo , ôc côtoyé toute cette rue qui aboutit au Palais. Outre les galeries, qui font très-vaftes , il y a plufieurs beaux appartenons garnis d'armoires , ôc de cailles bien ordonnées ôc exécutées, toutes fermées a clef 5 mais dont l'intérieur eft vifible par des glaces ôc par des treillages de laiton. Elle contient une quantité prodigieufe de tout ce qu'il y a de plus curieux en livres reliés ôc manufcrits ; ôc parmi un grand nombre de pièces rares, il y en a une qui mérite l'attention des curieux. C'eft une table repréfentant une ville avec fes fortifications régulières , les attaques Ôc les idéfenfes , tout en argent. Plufieurs Bibliothécaires ôc autres Officiers, ont foin de donner les livres , que les particuliers demandent, ôc de tenir toujours le tout bien rangé. C'eft à Philippe V, que l'on doit ce noble établiflement. On defcend de-là dans le Prado Nue-vo. C'eft un grand quai, où cinq carolïes de front peuvent fe promener. Il com-xnence à peu de diftance de la porte de L'Efpagne, . ^ yi Floride , ôc aboutit au pont de Ségovie \ les côtés plantés fervent aux gens de pied. Le bord de ce quai, qui donne fur la rivière , eft de huit à neuf pieds d'élévation de briques , Ôc de pierres larges au-deflus, avec des boules de diftance en diftance, qui fervent d'ornement , aulli-bien que trois fontaines de diftérens goûts, avec des baflins. Il y a vers le milieu un grand, efcalier double de pierres bleues , pour defcendre à la rivière. L'on voit près du pont de Ségovie une Chapelle folide Ôc de bon gont, dédiée à Nuejtra Segnora del Puerto j avec un logement pour un Chapelain , ôc ceux qui en dépendent. A côté de cette Chapelle eft un grand nombre d'arbres , plantés au cordeau, avec des allées qui conduifent à une belle fontaine qui eft directement au milieu- Cet embel-liûement éternifera le nom du Marquis de fiadillo, Corregidor de Madrid. Il ne s'eft pas contenté d'orner le dedans par des fontaines j il a augmenté les agrémens des dehors le long de la rivière , du côté de la Fuente de las Damas. C'eft une promenade charmante , qui fe nomme ainft, ôc qui eft dans le chemin du Pardo j autre Maifon royale , à deux lieues de la ville. Le pont de Tolède , qui ne cède, ni en beauté, ni en grandeur à celui de Ségovie, eft encore l'ouvrage de ce Marquis y on lui eft aulîi redevable du quartier des D iij 78 Méthode de Géographie. Gardes du Corps. Il eft a la porte del Cort" de Duque ô conftruit de briques &c de pierres , à quatre pavillons , avec une Chapelle magnifique. Il eft affez grand pour loger 800 hommes ; Se les écuries, qui font fuperbes , contiennent mille chevaux. Il y a encore deux autres quartiers, l'un pour un bataillon des Gardes Efpngnoles , Se l'autre pour un des Gardes Valones. Outre le Palais , qui eft la demeure ordinaire du Roi 3 il y a aux portes de Madrid deux antres Maifons royales, qui peuvent être regardées comme des maifons de pîaifance j ce font la Cafa del Cam-po 5c Buen Retiro. La première fe voit du Palais royal de l'autre côté du Mançana-rez, â une portée de fufil de la ville, 5c à cinq ou fix cens pas du pont de Ségovie. C'eft un endroit délicieux, fort étendu, fermé de murailles 7 mais l'édifice en eft un peu négligé. On voit à l'entrée du Jardin la ftatue de bronze de Philippe III, à cheval 5c tout armé : elle eft placée fur un grand piédeftal de marbre. On la compare pour la beauté à celle d'Henri IV , fur le Pont neuf à Paris. Plus avant on trouve une fontaine de bronze, qui repréfente un château très bien fortifié avec du canon Se des foldats qui le gardent , 5c tout cela jette de l'eau. Le patc eft le long de la rivière , qui baigne fes murailles j c'eft la ménagerie du Roi. Il y a de belles al- l'Efpagne. > 7$ lées j qui conduifent à trois ou quatre étangs allez grands. La verdure y eft très-agréable , & les arbres qui font très-hauts, font par leur épais feuillage qu'on s'y promené à l'ombre en tout temps. Un des étangs eft bordé de grands chênes, & tout revêtu de murailles. On y tient d'ordinaire une petite gondole dans laquelle le Roi prend le divertiffement de la promenade fur l'eau. C'eft une folitude des plus charmantes. Le Buen Bciiro eft à une autre extrémité de la ville, fur le penchant d'unie colline près du Prado Viejo. La Floride eft une autre maifon fituée a. peu près comme le Palais pour la vue. Elle a appartenu au Marquis de Caftel Rodrigo , Gouverneur des Pays-Bas en 166$. On y voit plufieurs jardins en tcrraffes , embellis d'un très-grand nombre de ftatues apportées d'Italie , &c des meilleurs maîtres. Les fleurs les plus rares ornent les parterres , qui font arrofés par de belles fontaines. La maifon eft richement meublée : les appartenons font décoré? de beaux tableaux , &: tout le refte y eft à proportion ; mais la fituation de cette maifon , en fait un féjour des plus agréables. On voit dans Madrid divers bârimens confidérables, comme Eglifes, Couvens, Hôpitaux &c Hôtels de grands Seigneurs. D iv So Méthode de Géographie. L'Amirauté de Caftille a auprès du Buen-Itetiro une maifon qui eft petite 5 mais ornée de jets d'eau, de tableaux anciens Se modernes Se de ftatues des plus habiles maîtres. Le Marquis de Liche, fils de Don Louis de Haro, premier Miniftre de Philippe IV 3 a bâti près du Palais Royal une maifon , qui furpaflfe tous les édifices des particuliers , tant pour la grandeur que pour les richeifes. Elle feroit encore plus fuperbe , fi Philippe IV n'eue ordonné au Marquis de retrancher une partie des bâti mens , qu'il devoit élever fuivant fon defTein. La même chofe étoit arrivée au Duc de Lerme fous Philippe III. La prifon nommée en efpagnol Carcel de Corte j eft belle, & à l'extrémité d'une longue rue qu'on nomme ééAtocha. Mais l'Hôtel de ville ou Cafa del Ayutamiento qui a auili des cachots Se des appartenons pour des prifonniers , la furpalfe de beaucoup. Il eft orné d'un portail fuperbe com-pofé de trois portes , Se qui s'élève en fronton au-delfus du toit. Sur la potte du milieu il y a une fenêtre avec un balcon. Ce portail eft foutenu jufqu'à ce balcon de quatre rangs de colonnes, chargés d'un fécond ordre j Se aux extrémités il y a une ftatue, qui eft au niveau du toit. Le fronton porte les armes du Roi d'Efpagne , ôc finit en ligure triangulaire y dont les anr L'Efpagne. , fï- gles font charges chacun d'une 'ftatue qui repréfente une vertu. La plus élevée eft celle de la Juftice, Le bâtiment eft maflif, long &c large , à deux étages , ôc toutes les fenêtres font fermées de barreaux de fer, qui fervent autant pour l'ornement que pour la fureté; car ils font dorés ôc bien travaillés. Au-devant de la prifon fe voit une fontaine affez belle , Ôc dont le jet, façonné en quatre , foutenu par un pillier , eft chargé d'une ftatue. Quatre têtes d'animaux verfent l'eau dans un baflin, qui eft fait en angles faillans ôc rentrans. Les fontaines de Madrid font prefque toutes ornées de ftatues ou de quelques groupes de figures. Les plus belles fe trouvent à la place de Stbada j à la Puerta del Sol ôc à la place de Saint-Domingue. Le jet de la première eft un pilier quarré fort épais, à deux ordres , ou deux étages très-ornes. A chaque étage on voit aux quatre côtés les armes d'Efpagne. Entre le premier ordre ôc le fécond paroifTent à chaque façade deux animaux qui jettent l'eau dans quatre petits baftins po fés au-deffus de quatre petits piliers, d'où elle coule par le bas dans le grand baffin qui eft quarré. Au-delfus de l'ordre d'en haut , s'élève une Ifpece de dôme , qui fupporte une ftatue de femme avec un petit enfant. La fontaine de la porte du foleil eft d'un dé£> foin fumblable j mais d'un autre gôu E) v Bi Méthode de Géographie. d'architecture. Son jet eft un pilier exa-gone fort épais. Àu-deflus du pilier font placées quatre figures de harpies, qui jettent l'eau dans quatre baftîns faits en coquilles , fur lefquels elles font pofées , ÔC de ces ballins l'eau tombe à grands flots dans le grand baflin qui eft rond. Le pilier s'élève en pointe au-deflus des harpies j Ôc fupporte une ftatue que l'on nomme Maria Èlanca. La place où eft cette ftatue n'eft pas grande , ôc fe trouve au centre d'un carrefour , que forment quatre belles rues, qui y aboutiflent, ôc la Cale May or eft en face. La fontaine de la place de San Domingo 3 a aulh fes or-nemens. Son jet qui eft fort élevé fe termine en dôme , ôc le dôme eft furmonté d'une ftatue. De l'endroit où le dôme commence , l'eau couie de la gueule de plufieurs fortes d'animaux dans de petits bailins faits en coquille , ôc plus bas encore par d'autres têtes dans le grand baf-iin. On voit fur le jet les armes d'Efpagne. La place où eft cette fontaine n'eft pas fi belle que les autres \ elle eft élevée ôc afTez inégale. Il y a fur une autre petite place voiiine, qu'on nomme Plaque la de S. Domingo une fontaine plus unie, mais de bon gout. Les maifons confacrées au fervice de Dieu, comme les Eglifes ôc les Couvens, ne le cèdent, ni en magnificence , ni en UEfpagne, S 5 richeffes, aux édifices profanes. L: Eglife de Nueftra Senorp d'Atocha j par corruption , pour Anùochïa } eft des plus considérables. Elle eft à un quart de lieue de la ville, dans l'enceinte d'un vafte Couvent de Dominicains , où l'on va par une très belle allée couverte. On s'y rend de toutes parts en dévotion; Se c'eft-là que les Rois font chanter le Te Dcum pour les heureux événenemens qui arrivent à la nation, A côté de la nef de l'Eelife on dé-couvre une Chapelle ornée de plus de cent grolTes lampes d'or Se d'argent qui brûlent nuit Si jour. C'eft dans cette Chapelle que l'on voit une figure miraculeufe de la fainte Vierge : elle eft noire '6c tient un petit Jefus entre fes bras. Dans les grandes fêtes elle eft magnifiquement vêtue Se couverte de pierreries On met autour de fa tête un foleil .dont les rayons éblouilTent \ Se les riche fies que l'on y remarque font dignes de la magnificence des Rois, qui ont une tribune dans cette Chapelle. Les Religieux de ce Couvent mènent une vie fort auftere : l'une de leurs obfervances eft de ne jamais for-tir de la maifon. L'Eglife de Nueftra Senora de Almude-na eft au/Tî des plus magnifiques \ Se l'image de la fainte Vierge , qu'on y révère a fait plu(i;-urs miracles , félon les traditions efpagnoles. L'autel, la baluftra b D vj ■'-4 Méthode de Géographie. Ôc toutes les lampes font d'argent maffif. La Chapelle de S. Ifidore eft la plus belle de toutes. On dit que ce faint, qui eft patron de Madrid , n'étoit qu'un pauvre laboureur. Il faut remarquer que l'Efpagne a un autre faint de même nom , qui a été Archevêque de Séville , & on ne doit pas les confondre. Le dôme de cette Chapelle eft orné en dehors des figures des douze Apôtres. Quand on y eft entré, on voit au milieu le tombeau du Saint , au-delTus- duquel eft une couronne de marbre , qui repréfente des fleurs au naturel 9 iLipportée par quatre colonnes de porphyre ; le tour eft parfaitement bien travaillé. Les murailles de la Chapelle font in-cruftées de marbre de diverfes couleurs avec des colonnes de même. Il y a beaucoup de peintures , tomes d'une grande beauté. Le dôme eft fort éclairé ; d'or ôc l'azur y brillent de toutes parts. Philippe IV fit bâtir cette Chapelle ; ôc Ton prétend qu'elle lui coûta préside quatre millions. Dans TEglife ancienne , qui joint celle-ci, fe voit une autre Chapelle de marbre blanc r ornée de plufieurs figures en relief aufli de marbre. On y dit tous les jours une meiTe pour le repos de l'ame de Philippe IV. £es Chanoines, qui demeurent dans cette maifon , font très-ri-'■diemenc rentes., ■Dans PEelife de S. Sébafticn , on te- VEfpdgne.- ^ %\ marque une chaife magnifique, qui fert à la Fête-Dieu. Elle eft de velours cra-moifi en broderie d'or , garnie de doux d'or, &z couverte de chagrin; le tour eft orné de grandes glaces , & l'impériale eft chargée d'une façon de petit clocher, rempli de clochettes d'or. Quatre Prêtres la' portent lorfque quelque perfonne de qualité fouhaite de recevoir le faint Viatique. On le porte ordinairement le foir, avec beaucoup de cérémonie. Le faint Sacrement eft fuivi de plus de mille perfonnes de la Cour, éclairé de mille flambeaux de cire blanche , &c accompagné de plufieurs inftrumens. On s'arrête dans les grandes places qui fe trouvent en chemin. Le peuple , qui eft à genoux , reçoit la bénédiction , &c les Muficiens chantent & jouent de la guitarre ou de la harpe. C'eft la Reine Marie Anne d'Autriche , féconde femme de Philippe IV , qui a fait cette chaife. Cette même Reine a fait bâtir à Madrid un Hôpital pour les filles, qui font enceintes : elles- peuvent y aller accoucher; & l'on a foin d'elles & de leurs en-fans. Philippe IV a fondé auffi une maifon , où l'on retire les enfans trouvés. Quand on v met'un enfant, on prend des Ad miniftrateurs un certificat, qui coûte deux piaftres. Ce certificat fert pour retirer l'enfant quand on veut. Ces fortes denfaus font réputés Bourgeois de Ma- -tty Méthode de Géographie. cirid j &■ même, ce qu'il y a de plus fin? gulier , ils font regardés comme Gentilshommes -y ear ils peuvent entrer dans un ordre de Chevalerie , qu'on appelle 11a-bito. La raifon qu'en donnent les Efpagnols fait honneur à leur caractère. Ils ciifent que dans l'incertitude , -il vaut mieux faire grâce à beaucoup de fujets , en les ennobliiTant, que de faire tort à un ieul Gentilhomme en le dégradant de fa Noblefïè. A deux lieues de la C&fa del Campo t en tirant vers le ncrd-oueft, on trouve une autre Maifon royale appellée et Par-do. C'eft un grand bâtiment quarté , flanqué de quatre tours , compofé de quatre corps de logis , qui fe joignent par des galeries de communication , foutenues fur des colonnes. La principale façade a au-devant une place fort belle &c forr longue ; & l'on entre dans la maifon par un pont, qui conduit à un beau portail élevé jufqu'à la corniche du bâtiment, où l'on voir deux ftatues. Les chambres font embellies de bons tableaux. On y voit en-tr'autres chofes les Rois d'Efpagne , vêtus d'une façon finguliere. On y trouve aufli un jardin afTez bien entretenu, & un parc fort étendu , où le Roi va prendre le plai-fir de la chafle. L'Efpagne. ■*7 L'Efcurial, A cinq lieues du Pardo , en tirant 1 l'oueft vers les frontières de la vieille Caftille , paroît l'Efcurial, le plus grand & le plus fuperbe édifice qu'il y ait en Efpagnc , &c l'un des plus beaux de l'Europe ; pour la conftruction duquel l'art a épuifé fes efforts , de trois Rois ont répandu avec profulion leurs tréfors , pour en faire un ouvrage digne de leur grandeur. Aufii les Efpagnols difent que leur Monarchie fe diftingue par deux grandes merveilles qui s'y voyent, l'une de la nature & l'autre de l'art. La première eft Aranjuez , à quelques lieues de Tolède , &c f autre l'Efcurial. L'Efcurial prend fon nom d'un petit village auprès duquel il eft bâti. Philippe II en fit jetter les fondemens l'an 1557» en mémoire de la bataille que fon armée gagna fur les François cette même anmée , près de Saint-Quentin en Picardie, le jour de S. Laurent. On dit qu'il ht alors deux vœux , l'un de n'aller jamais â la guerre , ôc l'autre d'élever à !a gloire de ce Saint, qui étoit Efpagnol, le plus beau monument de l'Europe , en cas qu'il remportât la victoire : fur quoi on peut dire que ce Prince accomplit exactement fon vœu. Car jamais il ne fortit de fon Royaume , 6c dans l'efpace de vingt- 88 Méthode de Géographie*-deux ans , il dépenfa fix millions de pia-Ares pour bâtir l'édifice dont nous allons parler. C'eft un bâtiment mixte , où l'on trouve tout ce que l'on pouroit fouhaiter dans une ville entière. On y voit un Palais royal , une Eglife , des Cloîtres , un Collège, une Bibliothèque , des boutiques de divers artifans , des logemens pour beaucoup de monde ,de belles promenades , de grandes allées, un parc fort vafte, &c des jardins ornés d'un grand nombre de fontaines. Il eft bâti dans un lieu fec , aride , fté-rile, environé de montagnes fort rudes, où rien ne croît qu'à force de culture 7 de forte que comme tout ce terrein étoit inégal, il a fallu avant que d'y bâtir , l'a--planir, afin que toutes les pièces fufTeiit au niveau les unes des autres. Philippe II choific cet endroit, pour épargner la dé-penfe du charroi de la pierre , qui a toute été tirée d'une carrière qui en eft proche. Elle eft grifâtre , extrêmement dure , ré-fille à toutes les injures de l'air , ôc des mauvais temps , Ôc a cela de propre , qu'elle conferve toujours fa couleur naturelle fans jamais fe ternir. L'édifice eft quarré ; mai? un peu plus long que large , ayant i3o pas de longueur , fur environ 160 de largeur. Il eft conftruit en forme de gril, pour' faire al- L'Efpagne. 89 luiîon au martyre de S. Laurent, qui fut grillé y Ôc il eft compofé de quatre corps de logis d une grandeur énorme , & flan-que aux quatre coins de quatre gros pavillons couverts de plomb , furmontés par une aiguille forr haute. Il y a quatre étages dans les façades , ôc trois en d'autres endroits* On y compte en tout 11000 fenêtres , 17 cloîtres , 11 cours , plus de 800 colonnes, un nombre prodigieux de chambres, de falles , de fallons, de cabinets , Ôc 14000 portes, dont les clefs pefent toutes enfemble fept quintaux. On peut juger par-là de fa vafte étendue. La principale façade eft tournée vers l'occident, ôc a la vue fur les montagnes qui en fout proche. Elle a trois portes , l'une au milieu , ôc deux collatérales. Celle du milieu , qui eft la principale , conduit à l'Eglife , à l'appartement du Roi au Monaftere ôc au Collège. Celle qui eft à droite , conduit aux boutiques de divers artifans, établis pour l'entretien de la maifon ; ôc celle qui eft à gauche, conduit au Collège. Celle du milieu eft ornée d'un beau portail fort élevé , ôc foutenu par huit colonnes d'ordre dorique , quatre d'un côté ôc quatre de l'autre , pofées fur un piédeftal de 1 30 pieds de large , ôc haut de 3 6, le tout d'une pierre fort blanche y 90 Méthode de Géographie. Se délicatement travaillée , entre lefquer'- les il y a deux grandes fenêtres. Tout cet ouvrage eft haut de 5 G pieds, & fe termine à la corniche de tout le bâtiment , lequel s'élève de 60 pieds du rez de chauffée , dans la partie occidentale de la façade feptentrionale. Cet ordre dorique en fupporte un ionique , de quatre colonnes , travaillées avec tant d'art, que dans leur contour , elles paroiffent être faites d'argent. A chaque côté au-delà des deux colonnes fe voient quatre pyramides , dont les cimes font chargées d'un globe, deux d'un côté Se deux de l'autre , pofées juftement fur les deux colonnes du bas, qui font aux deux extré-mités j ce qui donne beaucoup de grâce à tout l'ouvrage. Entre ces colonnes on a pratiqué deux rangs de niches, dont celui qui eft au deffous porte les armes du Roi, furmontées de la couronne royale , le tout fculpté fur une pierre de foudre, apportée d'Arabie , Se dont la gravure a coûté 60000 ccus. Ces armes fe trouvent précifément au-deffus de la porte , Se dans le rang d'en-haut. On voit au-delfus uae grande figure de S. Laurent de quinze pieds de haut, en habit de diacre , tenant un livre d'une main Se un gril de l'autre, pour faire allufion à fon martyre. La ftatue eft d'une pierre très-blanche, faite L'Efpagne.^ ^ ?t de la main de Jean-Baptifte Monégri , Sculpteur né à Tolède. La porte qui eft au milieu de Tordre dorique , eft large de douze pieds , & haute de vingt-quatre. Chaque bandeau eft d'une pièce ft grotte , que pour l'apporter de la carrière , il fallut la charger fur un chariot, traîné par 40 paires de bœufs. Au-delTus de cette porte eft une fenêtre, aux deux cotés de laquelle on voit deux grils fufpendus. Ce portail a une muraille qui s'élève 30 pieds au-deiïus de la corniche du bâtiment. Les portes qui font aux deux côtés de la façade, font ornées de beaux pilaftres, dont ceux qui font à chaque extrémité , ne s'élèvent que jufqu'à la corniche du bâtiment : mais les deux auttes , qui font au-dedans, s'élèvent par-delTus , & font à chaque porte un frontifpice moindre que celui du milieu. Ces portes ont dix pieds de lar-' ge & vingt de haut. Et leurs pilaftres font chacun d'une pièce. Les pavillons qui font aux extrémités de la façade , s'élèvent du rez-dc-chauf-fée jufqu'aux croix de leurs chapiteaux de la hauteur de 200 pieds. Toute cette façade a 225 fenêtres. Celle qui lui eft op-pofée &c qui regarde l'orient, eft à peu près dans le même ordre d'architecture. Elle eft environée d'une place faite en ter- e)i Méthode de Géographie. rafle , foutenuc par un nombre prodigieux de voûtes fort hautes, 8c bordée d'une ba-Iuftrade , qui règne tout autour d hauteur d'appui. Au pied de cette terrafle , eft une large efplanade parfaitement belle , qui s'étend de toute la longueur de la façade, laquelle feroit beaucoup plus belle , fi elle n'étoit pas un peu défigurée par le derrière de la grande Chapelle de l'Eglife , qui s'élève fort au-defîus de tout l'appartement royal, 8c ne préfente aux ieux qu'une maffe de muraille toute nue , fans fenêtres , fans pilaftres , fans ornemens, tandis que tout ce qui eft à l'entour eft bien revêtu 8c très-orné. Au refte s cette façade n'eft pas unie , parce qu'au milieu s'avance en faillie un bâtiment nouveau , qui a la forme du manche de tout le gril. 11 compofe une partie de l'appartement royal, 8c eft d'une telle étendue, que la façade en a plus de la moitié de contour, dont une des parties fert à donner l'entrée dans la Sacriftie , dans les Offices 8c dans les chambres du quartier du Roi. La féconde , qui eft la plus grande., fair que l'appartement royal embraffe de côté & d'autte la grande Chapelle : de forte que le Roi 8c la Reine peuvent , quand ils font incommodés , entendre la meffe de leur oratoire, 8c même de leur lit. I-a troifiéme , qui eft au nord-eft, fait la- L'Efpagne- 9 5 façade de la Maifon royale. On compte en toute la façade cinq portes, tk $66 fenêtres. La façade du midi n'eft pas tout-à-fak fi longue que les deux premières. Elle eft à leur égard dans la proportion de 56a 64 : mais elle paroît la plus belle de toutes , quoiqu'elle n'ait aucun pilaftre. Sa beauté vient en partie de la belle fymé-rrie de cinq rangs de fenêtres , qui font plaifir à la vue. Au milieu de la façade eft un petit ouvrage en faillie , où le grand cloître fe divife d'avec les quatre petits. Toutes les fenêtres du bas étage font fermées de grandes grilles de neuf pieds de haut, qui vont jufqu'au niveau du pavé , & la moitié autant de large. Le nombre a fait bâtir cette Maifon dès les jondemens 3 Tanrjô'j. Sur un troisième côté eft écrit : Joan. Baptijla Ar-chiteclus 3 ce qui lignifie : Jean-Baptille Ar* çhiteclc. Cette pierre fe trouve précifé- ^4 Méthode de Géographie. ment dans le réfectoire des Moines, fous' le liège du Prieur. Devant les façades orientale Se méridionale 3 on voit une place en forme de terralTe, haute de 18 pieds , au-deffous de laquelle font les caves Se des chambres pour les bas offices. Elles reçoivent le jour par des fenêtres qu'on a percées au def-fus de la corniche , qui fupporte les grilles dont je viens de parler. On y voit trois petites portes pour defeendre dans les jardins. La façade feptentrionale eft de même longueur que la méridionale , Se a trois portes principales , dont Tune conduit à la cour du logement du Roi, Se au quartier de la Reine. Celle qui eft au milieu conduit aux cuifines , 6v aux offices des appartenons de leurs majeftés , Se la troi-liéme au Collège : elles font toutes hautes de 2o pieds fur dix de large. Leurs bandeaux font faits d'une pièce. Comme cette façade eft expofée au vent de bize , elle n'a pas tant de fenêtres que les autres y on n'y en compte que \6o. Enfin toutes les fenêtres des quatre façades , à compter celles des pavillons Se de leurs chapiteaux , font au nombre de 1140 ; Se toute cette ma(Te de bâtiment eft de 3 80 pas en quarré, ou comme quelques-uns comptent, de 2980 pieds. Tout ce vafte bâtiment fe partage en L'Efpagne. ï 95 trois grandes parties intérieures. Celle qui eft au milieu , comme la plus honorable , eft confacrée à la Divinité , ôc contient l'E-glife , avec une large ôc belle cour au-devant. Les deux autres , qui font aux deux extrémités , fe fubdivifent chacune en deux corps de logis , dont celui qui eft à Torienr, forme une grande cour toute entière fans divifion , Ôc celui qui eft au couchant fe fubdivife en quatre cloîtres , tous bâtis de la même manière ; de forte qu'il fuffit d'en voir un pour fe former une idée parfaite de tous les autres. Cha* cuti d'eux a une belle fontaine de marbre au milieu. Au côté droit, qui fait face au midi, eft le Monaftere, lequel, comme je viens cle remarquer, eft compofé de cinq cloîtres. L'autre côté de l'édifice , qui fait fase au nord, eft divifé , Ôc fubdivife de la même manière que celui du midi; fi bien que le tout fait une des plus belles fymé-tries qu'on puifte voir. Le grand efpace qui eft à la partie orient taie ôc au côté feptentrional , eft occupé par les appartemens de toute la Maifon royale ; ôc les quatre cloîtres , qui font à la partie occidentale , font occupés par les officiers de la cour , Ôc par les écoliers ; car il faut favoir que ce Monaftere royal a été donné aux Hieronimites, qui y tier^ 96 Méthode de Géographie. nent 100 Religieux. A l'autre quartier , eft un Collège où logent un grand nombre d'écoliers , que le Roi entretient pendant leurs études. On entre par le magnifique portail dont j'ai parlé, qui eft au milieu de la façade occidentale , ôc l'on traverfe un fuperbe ve-ftibule, qui conduit à une vafte ôc large cour, au fond de laquelle eft l'Eglife. Ce veftibule fait la traverfe entre le Monaftere ôc le Collège. 11 a 30 pieds de largeur, ôc 80 de longueur. Sa voûte a de front trois grandes arcades, qui donnent l'ilTue fur la cour , ôc en face à l'entrée, trois aurres de pareille grandeur , avec leurs pilaftres d'un demi-pied de faillie. A chaque côté on voit une porte quarrée , dont l'une fert à la procuration du Couvent, ôc l'autre aux falles du Collège. Au-delTus du veftibule eft la Bibliothèque. Aptes avoir traverfe ce veftibule , on entre dans une large ôc magnifique cour quarrée ôc pavée de cadettes , aux deux côtés de laquelle on voit deux grands corps de logis à quatre étages , dont l'un à la droite eft le Monaftere , 5c l'autre les falles du Collège , &c les appartenons du Roi à la gauche. Au fond eft le frontifpi-ce de l'Egiife , à laquelle on monte par un perron de cinq ou fix mr.rch.s , qui tient toute i* largeur de la cour , tk fur lequel le portail avance en faillie, orne L'Efpagne. _ 97 cle huit colonnes d'ordre dorique , fix en face , & une d chaque côte. Toutes ces colonnes s'élèvent d la hauteur du refte d;.i bâtiment, &c fupportent un fronton d'une hauteur d peu près égale ; cependant elle n'empêche pas que l'on ne découvre la coupole du dôme de l'Eglife. Là paroiffent fix grandes ftatues , qui repréfèntent fix Rois d'Ifraël, de une fep-tiéme qui repréfente S. Laurent. Les deux àa milieu font David & Salomon , fous l'emblème defquels on a peint Charle V & Philippe II fon fils , l'un homme cle guerre , tk l'autre homme de cabinet. Les autres font Ezéchias, Jofias , Jofa-phat 8e Manalfé , quatre Rois de Juda % dont les trois premiers fe font fignalés par leur piété , 8e le dernier par fa con-verfion. Ce fut par le confeil du favant Arias Montanus qu'on les plaça-la. Saint Laurent, comme Patron de l'Eglife , eft: au milieu d'eux. Chacune de ces ftatues a dix huit pieds de haut ; 3c ce qu'il y a de fmgulier, eft que toutes les fept ont été tirées d'un feul bloc de pierre, ce qui a donné occafion de mettre au-deffous ce «liftique efpagnol : De efle cantOj S aileron feis Royes 3 y -un Santo : y quedo para otro tanto : c'eft-a-dire , de cette pièce de rocher on a Tome VI. E *>8 Meth&de de Géographie, fait fix Rois & un Saint j & il en ejl refilé pour en faire encore une fois autant. Au-defTous de chaque Roi, on a gravé fon nom & quelques-unes de fes actions , qui a du rapport ail temple Se au fervice de Dieu. Chaque Roi a une belle couronne de bronze doré du poids de 100 livres , Se un fceptre à la main de même matière du poids de 50 livres. Ce magnifique portail eft terminé en figure triangulaire , Se au-defïous de l'angle le plus élevé , eft une fenêtre de vingt pieds de haut, faite en façon de gril ; car pour le dire une fois pour toutes , on voit des grils par-tout s pour faire allufion à S. Laurent. Aux deux coins de la cour s'élèvent deux belles tours , qui fervent de clochers , avec une horloge à chacune. Celle qui eft à la droite du Couvent a dix-neuf cloches de toutes fortes de grandeurs , dont l'une fert à fonner les heures , Se celle qui eft de l'autre côté , a 40 petites elochetes , difpofées de manière qu'elles forment un carillon très-harmonieux. Aux deux côtés du portail de l'Eglife % d?ns le refte de la largeur du perron, l'on trouve deux portes qui donnent entrée à deux portiques , dont celle qui eft à la droite , conduit au Monaftere , Se l'autre au Quartier du Roi. Le portail a trois portes pour aller à l'Eglife, L'Efpagne. .. 99 L'Eglife eft très-grande , très-belle , &C faite fur le modèle de celle de S. Pierre de Rome. Elle eft foutenue par quatre rangs de pilliers , avec un fuperbe dôme au milieu, d'ordre dorique , ainfi que tout le refte de l'édifice. Elle eft bien éclairée., pavée de marbre noir 8c blanc, 8c de carreaux de faïance peinte. La voûte eft richement dorée. Les ornemens pour le fervice divin en font brodés de perles 8c de pierreries. Les vafes 8c les calices font de pierres précieufes ; les lampes 8c les chandeliers d'argent, 8c plufieurs d'or. On y compte 40 chapelles , 8c autant d'autels, que l'on décore tous les jours de quarante manières différentes. La principale chapelle , où l'on a placé le grand, autel , eft une voûte qui occupe tout le fond de l'Eglife , ôc qui eft toute de jafpe depuis le pavé jufqu'au haut. Aux deux côtés, il y a deux petites Chapelles ou Oratoires. Dans l'un on voit la figure de Charle V en bronze à genoux , vêtu d'habits royaux , avec tous fes enfans à fes côtés, représentés au naturel \ 8c dans l'autre , qui eft vis-à-vis , fe trouve Philippe II, vêtu de même , 8c dans la même pofture , accompagné aulft de fes enfans f le tout de bronze. Ces deux Monarques ont leurs armes au-delfus d'eux. Au-deffous de ces deux figures font deux petits cabinets de jafpe , où leurs £ ij ioo Méthode de Géographie. Majeftés vont de leur appartement pour entendre la Mené. Les bénitiers font faits de deux grandes pierres précieufes garnies d'or. Au bas des dégrés du maître-autel, on voit de chaque côté douze chandeliers d'argent maflif, qui furpaffent la hauteur d'un homme. On eftime que la feule chapelle a coûté trois millions. Il y a dans l'Eglife fept chœurs d'orgues enrichis de plaques de bronze doré. Quelques-uns fe font entendre comme des concerts de trompettes , d'autres comme des flûtes douces, des cornets à bouquin , des clairons , 8c d'autres inftrumens de mufique. On monte au grand autel par feize marches de jafpe , ou de marbre rouge , qui tiennent toute la largeur de la Chapelle. Il eft de beau marbre noir . à là referve du deffus qui eft de porphyre ; 8c le dehors eft compofé de quatre ordres , qui font le nombre de feize petites colonnes de jafpe fin 8c d'agathe , chacune d'une feule pièce , avec des chapiteaux de bronze doré. La muraille de derrière eft in-cruftée d'une pièce de porphyre fi grande ôc fi lui faute , qu'on y voit toute l'Eglife comme dans un miroir. Le tabernacle eft aufti de porphyre, travaillé avec la pointe du diamant. Il eft fait en dôme , chargé d'une efpece de petite tour , ôc foutenu de dix-huit colonnes d'agathe 3 entre iefquel* L'Efpagne** loi les font plufieurs ftatues de bronze. Les pierreries , for Ôc l'argent y brillent de toutes parts 7 ÔC l'éclat en eft fi grand, qu'on voit au travers d'un vafe d'agathe le Saint Sacrement qui y repofe. Le deffus de la Cuftode, où l'on tient le Saint Sacrement , eft enrichi d'une émeraude greffe comme un œuf, ôc d'un prix inef-timable. Cette Cuftode eft de la hauteur d'un homme , ôc a deux bralTes de circonférence. Elle eft faite d'une pierre plus précieufe que le porphyre , eftimée cinq cens mille écus : cent hommes y furent occupés pendant quatorze ans , y travaillant tous les jours. Les portes des deux côtés , qui conduifent derrière l'autel , ont leurs bandeaux de pièces de jafpe ôc d'agathe raffemblées , ôc ces portes font d'un bois d'Inde fort précieux. On peut aller autour de l'autel, mais il n'eft permis à aucun féculier de le toucher. Le Chœur de l'Eglife eft une pièce fort finguliere , tant par fa ftructure , que pâlies raretés ôc les richeffes qu'il renferme. On y voit 114 livres pour les Offices qui fe doivent dire chaque jour , d'une grandeur prodigieufe , reliés en vélin , avec de très-belles figures peintes , ôc garnis de cuivre doré. Il y en a un qui a coûté 4©o écus. Ce font tous ouvrages de la main d'un Religieux Hiéronymite , appelle frère André de Léon , aidé d'au- £ iij ioi Méthode de Géographie, très habiles maîtres du XVIe liécle. Au-devant du Chœur font deux tableaux , où l'on voit un Regiftre de toutes les reliques qui s'expofent dans l'Eglife, & de toutes les autres chofes facrées qu'on y conferve. En voici la lifte : fept corps faints entiers : 107 têtes entières j 177 tant bras que jambes \ 346 veines \ 3400 autres petites pièces, comme doigts, cheveux , Sec. Se enfin 1500 autres pièces encore plus petites. Toutes ces reliques font enfermées dans quatre armoires, placées dans quatre Chapelles. On prétend qu'une feule de ces armoires , furpaffe le Tréfor de S. Marc de Venife. A l'un des côtés du chœur , avi coin de la Sacriftie, fe voit un beau puits , d'où l'on fait aller l'eau dans des badins de marbre , qui fervent aux Religieux pour fe laver les mains avant que d'aller à l'autel. Toute la voûte de l'Eglife eft ornée de très-belles peintures à frefque , fur-tout celles du chœur font d'une grande beauté 5 elles font de la main du Titien. Elles repréfentent le Paradis , où l'on voit la Sainre Trinité , environée de légions d'Anges Se d'armées céleftes, Se à côté le Titien qui s'y eft peint a genoux. Deux cens fiéges occupent le chœur , pour y placer deux cens Religieux. lh fout féparés par de petites colonnes, Se VEfpagr.e. 105 faits de bois rares , apportés des Indes , comme bréfd , cèdre , ébene ôc autres. On y voit plufieurs beaux pupitres. 11 y en a un entr'autres" qui repréfente un Ange , qui a pour uiédeftal une boule , ôc un autre un aigle , qui tient un gril pendu à fon bec : le tout de bronze. On allure que le plus grand pefe 1400 livres. Au milieu on a fufpendu un très-beau lu-ftre d'argent d'un très-grand prix. La Sacriftie eft à côté du chœur. C'eft une grande falle ornée de très-belle peintures , de la main du Titien , & de divers autres Peintres fameux. C'eft - là qu'on tient tous les ornemens facerdo-taux , tous brodés ôc enrichis de perles Ôc de pierres précieufes , de forte que l'on ne fait fi on doit plus eftimer , ou la beauté du travail & de l'art , ou les ri-chefïes ôc la beauté de la matière. Mais ce qu'on y voit de plus précieux , eft une croix d'or maflif enrichie de perles greffes comme une noix mufeade , de rubis , de tutquoifes, d'émeraudes & de diamans. L'argenterie répond à la magnificence de tout le refte. De la Sacriftie'on paffe dans une autre falle , où l'on voit deux vafes d'un très-grand prix. L'un eft d'un feul faphir enrichi de perles ôc de pierres précieufes , au milieu defquelles brille un gros rubis. L'autre eft un ouvrage de fonte , auHi en* E iv 104 Méthode de Géographie. richi de pierreries , qu'on dit être fait de la propre main de l'Empereur Maximi-lien II. On y montre encore un Livre estimé 4000 ducats , où toute la vie de notre Seigneur eft écrite fort proprement de la main d'un Religieux , avec les Pfeaumes ôc les antiennes, qui y ont du rapport * écrits tous de la main d'un autre Religieux ; fans compter divers autres ornemens Ôc habits d'un prix infini. Aii-deftous de l'Eglife , eft ie Panthéon. C'eft ce qu'il y a de plus beau dans l'Efcurial. Il eft au-defïbus du grand-autel. C'eft un fuperbe Maufolée , auquel on a donné le nom de Panthéon , à caufe qu'il a été fair fîjj ie modèle d'un temple rond & obfcur, qu'Agrippa , gendre dAucufte, confacra à tous les Dieux , dont chacun y avoir fa niche ôc fa ftatue : ainfi le Panthéon de l'Efcurial eft defliné pour la fé-pulture de tous les Rois ôc Reines d'Efpagne , qui font motts depuis la fondation de cet édifice , ôc qui mourront à l'avenir , jufqu'à ce que toutes les niches qu*on y a préparées foient remplies. La beauté de ce lieu , quoique fouter-rein , ne cède nullement à ce qui eft au-deilus. On y deicend par vingt-cinq marches d'une pierre grife marquetée de noir. -La porte elt faite de plufieurs efpeces de bois apportés des Indes, dont les différentes pièces raffemblées avec art , for- L'Efpagne. i o $ ment une diverfiré de couleurs qui fait plaifir à la vue. Malgré l'enfoncement du lieu , l'efcalier eft très-bien éclairé ; la voûte ôc les murailles font incruftées de différentes pierres , dont l'affcmbîage fait un effet fort agréable. Ces 25 marches ont un pillier , au bout duquel on tourne , & l'on continue à defeendre 33 dégrés de fin jafpe de Tortofe , Ôc de marbre gris &c blanc , pris à S. Paul de Tolède , mélangé d'une manière fi agréable, qu'on diroit que c'eft plutôt un effet de l'art que de la nature. En cet endroit la voûte de l'efcalier eft embellie de moulures de jafpe polies proprement , ôc aufïi hùfan-tes qu'un miroir , de forte que l'on peut s'y voir de quelque côté que l'on jette la vue. Au bas de ces dégrés, on voit au de» vant de la porte qui donne entrée dans la voûte , quatre pilliers, deux de jafpe ôc deux d? bronze doré, très-bien travaillés , ôc un gril de même métal aufli doré. On entre dans cet augufte Maufolée » qui eft une' voûte de la même étendue que la grande Chapelle , bâtie en rond , ôc élevée en dôme : quoiqu'il foit fous terre , on a trouvé cependant le moyen de lui donner un beau jour. On lit finies portiques plufieurs inferiptions , accommodées au lieu oNi elles fe trouvent placées, ôc l'on y voit quantité de figures io'j Méthode de Géographie. de bronze Sz d'autres matières , qu'on a fait venir d'Italie Se de divers autres endroits. Les Armes d'Efpagne font repréfentées par plufieurs pierres fines, qui ont les cou* leurs nece flaires pour en faire les couleurs Se les métaux , Se raflemblées avec tarit d'art , qu'on ne peut rien voir de mieux entendu , ni de plus beau : on a peine à distinguer fi l'art l'emporte fur la matière , ou la matière fur fart. L'or , l'argent, les pierres précieufes Se le bronze , font employés avec profufion pour l'embelliflement de cette voûte. Le plancher eft de carreaux de marbre Sz de jafpe , en comparu mens de figures Se de fleurons , qui forment une étoile dans le milieu. La voûte eft foutenue par feize pilaftres de jafpe de diverfes couleurs, de la hauteur de feize pieds , Se de vingt pouces de diamètre , d'ordre corinthien. Derrière ces premiers pilaftres, on en voit d'autres de marbre , avec êtes chapiteaux de bronze doré , pofés en perfpecTdve : fur ces chapiteaux règne une plate bande aufli de bronze doré , travaillée en feuillages, avec de petites corniches de la largeur de deux pieds. A ces corniches commence la voûte, qui eft de ï*n/pe mêlé cle petites plaques de bronze. L'efpace qui eft entre les colonnes Se les pilaftres , eft occupé en partie par une L'Efpagne. 107 Chapelle, qui fe voit d'abord en entrant : elle eft placée au fond du Panthéon , vis-à-vis de la porte. Le refte de l'efpace eft partagé en plufieurs niches, féparées Se rangées comme des tablettes les unes fur les autres , de quatre en quatre. Elles font fuperbement ornées & remplies pat? 16 urnes de marbre noir , embellies de moulures de bronze doré. De z6 il y en a 14. rangées autour du Maufolée , ck les deux autres au-dellus de la porte. Chaque urne eft foutenue par quatre griftes de lion , aufli de bronze doré. Celles qui font déjà occupées ont des infcriptions gravées en lettres d'or , qui marquent les noms des Rois & des Reines, dont elles renferment les corps : celles des Rois font à la droite , & celles des Reines à la gauche. Au milieu du Panthéon paroît un grand chandelier de bronze doré , fondu à Gènes, qui a coûté 1000.0 écus. li eft iouttnu par des anges, & par les quatre évangéliftes, de bronze doré , aulïi bien que le chandelier. Philippe II , qui fit bâtir l'Efcurial , ayant fi richement embelli l'Eglife , ne voulut pas que fa maifon fût aufii belle 3 ni aufîï magnifique que celle du Seigneur; c'eft pourquoi l'appartement royal , comparé avec ce que nous venons de voir , ne paroît pas à beaucoup près fi confidéra-ble. On y entre par une porte , qui eft a joS Méthode de Géographie'. la face feptentrionale. Le veftibule a trois appartemeris accompagnés de leurs cours, pour l'ufage des offices Se des cuifmes. Par le même veftibule on va auffi dans une falle où mangent les Gentilshommes de la chambre , le Capitaine des gardes , Se aftitres Officiers à la fuite de la Cour. De là on paffe dans les galeries Se dans les appartenons, où demeurent les pourvoyeurs de la table du Roi. Dans le même côté on yoit une autre porte, qui conduit du Palais du Roi au chœur , à la nef, au Monaftere Se au Collège. Près de cet-te porte eft une galerie où s'affemblent les Grands Se les gardes du Roi. A l'orient font les appartenons des Ambafladeurs , qui s'étendent le long du grand portique, A l'un des coridors paroît une porte magnifique , qui donne entrée dans l'appartement du Roi, qui eft bâti derrière la Chapelle , Se environé d'une belle galerie. Au midi eft une autre porte près du grand autel , par laquelle on entre dans le Monaftere Se dans toutes fes dépendances , auilî-bien que dans le Collège, Se dans toutes les parties du Palais royal. Le portique regarde le côté feptentrional de l'Eglife. On voit fur la muraille du Temple une peinture à frefque, qui re-préfente la bataille de Aigurueîa j dans laquelle Jean II, Roi de Caftille , battit les Maures de Grenade. Tout le quartier L'Efpagne. i®y du Roi a quatre corps de logis, accompagnés d'autant de tours. Les galeries font ornées de tableaux , dans l'un defquels on voit la célèbre bataille de Lépante. Les falles ont leurs plafonds richement embellis de diverfes peintures fort efti-mées. Les chambres du Roi & de la Reine font aufïi ornées de tableaux , & les peintures des falles où l'on mange , représentent toutes fortes de poiffons 3 d'oi-feaux tk d'infectes. Du quartier du Roi, on pafle a celui des Ecoliers , qui eft fait comme les autres. Les coridors qui régnent autour 3 font ornés de tableaux , aufli-bien que les falles. Les claftes font belles, & le réfectoire eft rempli de peintures d'un grand gout. La Bibliothèque eft un chef-d'œuvre en fon genre. C'eft une falle longue de 1 94 pas, large de 32 , de haute de 36. Elle eft partagée de tous côtés en quatre galeries attachées à la muraille 5 l'une au-def-fus de l'autre , de la longueur de 130 pieds. Les tablettes font faites de plufieurs fortes de bois rares apportés des Indes , dont la diverlité des couleurs fait tin très-bel effet. Le plancher eft pavé de marbre & de finance fine peinte en bleu ; ce qui fait un beau parterre. Vers les fenêtres & autour de la galerie , il eft orné de bordures de jafpe rouge. Vingt gran- i to Méthode de Gér graphie. des fèriêt'rës lui donnent coût i~ j • * » r dôtft on a befoin pour en voir coûtes les I i-tés. Les vitr :s en font de cryttal, & fe ferment avec et* petites targettes d'argent doré. Les trumeaux! d'entre les fenures font coupés en cabinets , fans porte , remplis de huit tablettes , chargées de huit rangs de Livres tous reliés Se dorés de la même façon , avec un gril doré au-deifus pour armes. On y compte jufqu'à 130000 volumes , fur toutes fortes de fujecs , Se en toutes fortes de langues. Entre la voûte & les cabinets, on voit les portraits des quatre premiers Rois d'Efpagne de la Maifon d'Autriche , Se ceux de plufieurs grands hommes , dont le nom eft célèbre par leur feience , Se par leurs ouvrages. Chaque tableau a fon infeription , qui marque le nom de celui qu'on y a peint. La voûte eft embellie de peintures parfaitement belles , qiii repréfenrent toutes les feiences , Se les fept Arts Libéraux , chacune avec fon hiéroglyphe } &c leur rapport avec les Livres , eft fi régulièrement obfervé , que la peinture de chaque feience eft pbfée immédiatement au-def-fus des Livres qui en traitent. Le milieu de la falle eft occupé d'efpa-ce en efpàce , par dix ou douze grandes tables dé jafpe , enchâlfées les unes dans rébene , Se d'autres dans l'ivoire , chargées de Globes} de Sphères, Se de divers L'Efpagne. fil inftrumens de Mathématiques. On y remarque entr'autres chofés une Sphère de bronze , qui représente les divers mouve-mens des corps céleftes. Quelques-unes kde ces tables font vuides , Ôc fervent à 'ceux qui fouhaitent confulter quelque Livre j car il n'eft pas permis , non pas même aux Religieux , d'en emporter au* cun. Il faut qu'ils aillent étudier dans la Bibliothèque. De la falle où font les Livres impri* mes, on paife par une galerie dans une autre , où l'on voit 14 ou 15000 volumes manufcrits , dont quelques-uns font très*" confidérables par leur antiquité , d'autres par leur rareté , & d'autres enfin , qui font rares ôc anciens. Ils font tous reliés en velours ras , ôc difpofés comme dans des rayons. Les plus eftimés font un Saint Chryfoftôme en grec j un traité de Saint Auguftin touchant le Baptême, écrit de la main de ce faint Dodeur , Ôc par confisquent le plus vénérable qu'il y ait par fon antiquité} un autre écrit de la main de Sainte Thérèfe j un autre écrit fur des feuilles de palmes j ôc un autre écrit en lettres d'or , qui contient les quatre Evangiles avec les Préfaces de S. Jérôme 3 ôc les Canons d'Eufebe , qu'on dit avoir été fait du temps de l'Empereur Conrad. Cette Bibliothèque contient des manufcrits extrêmement précieux ôc peu connus 111 Méthode de Géographie. des Savans. Les PP. Bénédictins de Saint Germain des Prés , qui travailloient à une édition nouvelle de Tertullien , ayant fu que les ouvrages entiers de cet Ecrivain fe trouvoient en grec dans cette Bibliothèque , me prièrent de leur en faire obtenir la communication par le Marquis de Santa Cruz , Plénipotentiaire de S. M. C. au Congrès de Solfions \ il en écrivit au Roi fon maître. Mais comme aucun livre ne fort de la Bibliothèque , Sa Majefté , qui a toujours aimé les Lettres , fit favoir à fon Miniftre, qu'il ne vouloir pas enfreindre la loi établie j mais que fi les Pères Bénédictins vouloient fe rendre à l'Efcurial pour y travailler fur cet Auteur , elle payeroit tous les frais de leur voyage , & les défrayeroit même pendant leur féjour en Efpagne. Mais ce qu'il y a de plus remarquable, eft une Bibliothèque entière de Livres arabes, qu'un Capitaine de Vaiffeau vola au Roi de M iroc , il y a environ 100 ans , & qu'il vendit au Roi d'Efpagne. On tient qu'elle eft compofée de 7800 volumes. Qn y voit encore en relief l'ancienne Jé-rufalem , repréfentée clans l'état qu'elle étoit du temps de notre Seigneur. Parmi une infinité de très-belles peintures dont cette falle eft ornée, on voit le portrait de Don Jean d'Autriche , avec les deux grands fanaux , que ce Prince remporta L'Efpagne, 113 fur la Capitane des Turcs, à la bataille de Lépante. Sortant de la Bibliothèque , on pafïe par un grand veftibule , dont la voûte eft faite avec tant d'art, Si Ci unie qu'on y entend d'un bout à l'autre , tout ce qu'une perfonne dit, quoiqu'elle parle très-bas. Le Monaftere eft contre le quartier du Roi, ôc celui des Ecoliers Penlionaires. Il fait face au midi, par le dehors & en dedans il eft partagé en cinq cours , une grande & quatre petites. Le deffein des quatre petites eft le même que celui des cours du quartier oppofé. Le grand cloître a zoo pas en quarré } ôc eft pavé de marbre blanc ôc noir. La vie de notre Seigneur eft peinte autour ; mais feulement en détrempe. Aux quatre coins on a placé quatre grands tableaux fermés , fur les portes defquels font peintes des copies de ce qui eft au-dedans. La cour de ce cloître eft occupée par un beau jardin de fleurs, dont les allées font anfii pavées de ce marbre. Au fond de ce jardin eft une Chapelle faite en dôme, de jafpe , pavée de marbre blanc ôc noir, ôc ouverte de quatre côtés. Des colonnes de porphyre e]i foutiennent la voûte , qui eft d'une très-belle architecture. Aux quatre coins en dehors , on voit dans des niches les quatreEvangélifîes, plus grands que le naturel s chacun accompagné de fon fym- 114 Méthode de Géographie. bole, qui jette de l'eau à gros bouillons^ dans quatre grands badins. Les quatre Evangéîiftes , l'ange, les animaux ôc les bafTins , font de marbre blanc. Les dortoirs font de marbre blanc ÔC noir. La falle où le Chapitre s'affemble eft fort vafte , ôc divifée au milieu par deux arcades. La voûte eft peinte en petites figures 3 & embellie d'un grand nombre d'ouvrages dorés , ôc de tableaux fairs par les plus habiles maîtres , dont quelques-uns n'étant pas achevés , perfonne n'a ofé y toucher , pour y mettre la dernière main. On y voit aufli deux bas-reliefs d'agathe de dix-huit pouces chacun , d'un prix extraordinaire. La figure de notre Seigneur eft peinte fur un côté de la porte , ôc celle cle la Sainte Vierge fur l'antre, chacune avec un diftique latin : vis-à-vis eft celle de Jacob de Trezza , Sculpteur ôc Architecte ; qui a bâti le clor-tre j de l'autre côté un petit Je fus couché dans le berceau ôc dormant, avec cette infcription : Cor meutn vigilat. Le Réfectoire des Religieux eft fort long , ôc orné de belles peintures. On y Voit enrr autres les tableaux de Charîe V Ôc Philippe 11, dans lefquels le Peintre l'es a repréfentés portés dans le Ciel par les Anges. Dans le lieu le plus élevé, on voit' une table particulière , où le Roi mange , lorfqu'ii lui plaît y mais quand il L'Efpagne. ri'5 $iy eft pas, le Prieur occupe cette place. Sortant du Chapitre Ôc du Cloître , on monte par un magnifique efcalier d deux rampes , dont les marches font toutes d?une pièce, ôc ont fept pas de longueur : les côtés ôc la voûte font peints en détrempe , à grands perfonnages au naturel. On y voit entr'autres un S. Jérôme , ôc une Baleine j qu'on prit autrefois d Valence j elle avoit 48 empans de long. L'efplanade dont j'ai parlé au commencement j qui eft au-devant de l'Efcurial, ôc qui en fait le tour , eft occupée du côté du nord , par des Hôtels magnifiques , qui fervent de logement à une partie de la cour ; tk au coin du fud - oueft 3 on voit un autre quartier fort étendu , où font quelques Officiers du Roi , divers artifans, Ôc plufieurs domeftiques des Religieux. Cette efplanade eft fermée du-côté des bâtimens par de gros piliiers liés avec des chaînes de fer. De la place de l'Efcurial, on defcend dans de grands ôc beaux Jardins , qui font arrofés par plufieurs belles fontaines ornées de marbre de diverfes couleurs. Des Jardins, on paffe dans un Parc de fept lieues de tour, ôc fermé de murailles. On y voit des bois , des étangs , des plaines , ôc au milieu une maifon pour les gardes-chafle. Voila en peu de mots ce qu'il y a de plus remarquable dans ee vafte tk riche tt€ Méthode de Géographie. édifice, qui eft fans contredit la merveille? de l'Efpagne. On prétend qu'il a coûté 15 millions d'or. C'eft de cet endroit que Philippe II parloir , lorfqu'il fe vantoif que du pied d'une montagne ftérile , avec quatre doigts de papier , il fe faifoit obéir aux deux extrémités du monde, fous l'un & fous l'autre hémifphere. Ce hit Bramante , fameux Architecte Italien, qui en donna le deflein. Tolède. Tolède fur le Tage, autrefois la capitale d'Efpagne & la réfidencç de fes Rois, eft une affez grande ville } mais mal bâtie , aujourd'hui prefque déferte, ôc fans commerce , à l'exception de quelques lames d'épées qu'on y fait, & de la foie qu'on y prépare allez bien. Tolède, en un mot , n'eft célèbre aujourd'hui que par fon riche Archevêché , qui vaut plus d'un million de revenu , Se auquel eft attachée la Primatie du Royaume. Elle eft auiïi ornée d'une Univerfïté allez fameufe , Se a un bel Aqueduc. La Situation de Tolède fur une montagne élevée Se alfez rude, la rend inégale , de forte qu'il faut prefque toujours monter ou defeendre. Les rues font étroites, mais les maifons allez belles. On y voit un grand nombre de bâtimens fuperbes , & 17 places publiques , où l'on tient des L'Efpagne. 117 marchés. Le Tage qui coule au pied de la montagne , fertilife toute la vallée voi-fine ; ôc l'on prétend que dans toute cette montagne , à quinze milles à la ronde , il ne fe trouve aucun animal venimeux. Les deux édifices les plus remarquables , font le Palais, ou Château royal, & l'Eglife métropolitaine. Le Château royal que l'on appelle Al* caçar j d'un mot retenu des Maures , eft à un coin de la ville . fur le coteau le plus élevé, ou pour mieux dire, fur un rocher extrêmement efcarpé , ayant la vue fur la ville , fur le Tage qui coule au pied , ôc fur la campagne voifine. On trouve en y montant une grande place publique appellée , Plaça Màior > ou Socodcbet} ôc qui eft fort belle. Sa figure eft ronde , ôc l'on peut s'y promener fous des portiques j les maifons dont elle eft environée font de briques , toutes femblables & ornées de balcons. De-là on entre dans le Château, qui eft un quarré , compofé de quatre gros corps de logis » avec des ailes ôc des pavillons. Il eft il grand & fi vafte, qu'il y a de quoi loger commodément toute la Cour d'un grand Roi. A l'entrée dn traverfe une grande cour quarrée > longue de 160 pieds , large de 130 , ôc environée de deux rangs de portiques, qui dans leur longueur , (ont dix rangs de colonnes ôc dans leut 118 Méthode de Géographie. largeur huit rangs ; ce qui fait un bel af-pecf. Au-deifus des portiques on voit les armes de tous les Royaumes , qui font de la dépendance de la Couronne d'Efpagne , & celles de l'Empire au-deffus des colonnes. On monte aux appartenons par un grand efcalier , qui eft au fond de la cour j il en tient toute la largeur. Après qu'on a monté quelques marches , il fe fépare en deux , ôc l'on traverfe une grande galerie, qui conduir à divers appartenons extrêmement vaftes. Ce château eft élevé de quatre-vingt toifes au-deflus du niveau du Tage , &z l'on ne laifTe pas d'y faire monter de l'eau par des pompes. L'Eglife métropolitaine eft l'une des plus riches &: des plus considérables de l'Efpagne. Elle eft limée prefque au milieu de la ville , à côté d'une fort belle rue, & dans une très-belle place. On y entre par plufieurs portes de bronze fort exhauflees. Le clocher eft fuperbe ôc extrêmement élevé. Deux rangs de pilliers la foutiennent , 6c l'on y voit quantité de Chapelles dorées, ôc fondées par divers particuliers, dont les tombeaux font en marbre. Celle qui fert de fépulture aux Archevêques de Tolède , eft toute de marbre. On y voit leurs tombeaux, fur chacun defquels eft une infeription, qui marque le nom de celui dont le corps y eft inhumé. On y trouve aufli celui d'Al- L'Efpagne. % r f pert Archiduc d'Autriche , avec cette Inf-cription : Belgarum Rebellium j Gallorum Hojiium Profligatori. Dans le chœur on voit fur l'autel une ftatue de la Sainte Vierge, qui tient un petit Jefus entre fes bras. Cette heure eft parfaitement bien faite , Ôc fon habit, aufli bien que le parement de l'autel , eft tout en broderie d'or ôc de perles. Le chœur eft tout de menuiferie en pe.rfonages au naturel Ôc parfaitement bien faits. Le tond eft orné défigures de marbre en relief, qui re-préfentent la Transfiguration de Noire-Seigneur i ôc l'on y voit fufpcndues plus de quarante lampes d'argent , avec plufieurs encenfoirs de même métal. Les fiéges des Chanoines font féparés les uns des autres, par des colonnes de marbre ou de jafpe. Il peut contenir environ quatre cens perfonnes. La porte que l'on appelle de Notre-Dame , eft de bronze maf-îif, ôc on ne l'ouvre qu'aux grandes fêtes. Près de cette porte on voit un pillier de marbre , où la Sainte Vierge apparut à S. Ildefonfe, qui mourut en 669. Ce pillier eft enfermé dans une grille de fer , excepté du coté par où on le baife. Les Chapelles dont l'Eglife eft remplie , font toutes richement ornées , ôc grandes comme des Eglifes. L'or, ôc les ornemens de la peinture n'y font pas épargnés. La plus riche de toutes eft celle de Nueftra Scgno* îio Méthode de Géographie, ra del Sagrario : elle fe voit près de la porte ôc du pillier. Depuis le niveau du pavé jufcjues à la voûte , elle eft toute incruftée de jafpe. Une grande baluftrade d'argent borde le devant de l'autel, placé dans une grande niche aufti toute de jafpe. On voit fur l'autel la ftatue de la Sainte Vierge , de grandeur naturelle , d'argent maflif, éclairée par quatorze ou quinze grofles lampes d'argent. Dans la muraille il y a deux tombeaux de jafpe chargés d'une pyramide , dans lefquels repofent les corps de ceux qui ont fondé le Sagrario ou la Chapelle. Celle des Rois eft ainfi appellée , parce qu'on y voit les fépulcres d'un Roi nommé Alfonfe, ôc de la Reine fa femme. Près de l'autel , il y a un autre tombeau fur lequel le Roi eft à genoux , ôc fa femme de l'autre côté paroît dans la même attitude. Ceux qui défervent cette Chapelle font diftin-gués des Chanoines de l'Eglife , ôc ont mille écus de rente. Ils ont au-deffus d'eux un Capellano Maior 3 qui lui-même en a douze mille. Les autres Chapelles considérables de cette Eglife, font celles de S. Jacques , de S. Martin , du Cardinal Sandoval , du Connétable de Luna , ôc particulièrement celle où l'on fait l'Office Mozarabe , dont je parlerai bien-tèr. Les Efpagnols donnent à cette Eglife l'é-pithete de Sainte j foit à caufe de la qu**^ L'Efpagne. 111 tité de faintes reliques quelle conferve , foit à caufe que le fervice divin s'y fait avec beaucoup de fplendeur ôc d'éclat. Le grand autel eft de menuiferie à per-fonages dorés. On y voit d'un côté le tombeau du Roi Dom Juan , ôc de la Reine fa femme, & de l'autre le tombeau d'un Roi de Portugal. L'autel eft fermé d'un grand treillis de bronze \ ôc à chaque côtéparoiflent deux chaires de bronze doré, foutenues d'un fort grand piilier de jafpe , ôc embellies de figures en relief. La cuftode ou le tabernacle , qui fert à porter le Saint-Sacrement à la Fête-Dieu, eft d'argent doré de la hauteur d'un homme. 11 fe termine en plufieurs pointes de clocher , ôc eft couvert d'Anges ôc de Chérubins d'un travail très délicat. Il fe démonte en fept mille pièces , ôc il eft fi pelant , qu'il ne faut pas moins de trente hommes pour le porter. Au-dedans de ce Tabernacle , il y en a un autre qui eft de pur or, du premier qu'on apporta des Indes; ôc il eft enrichi d'une très-grande quantité de pierreries j c'eft-là qu'on tient le Saint Sacrement. Les patènes , les ciboi-res, les calices ne font pas moins beaux , ni moins enrichis de pierreries ôc de perles orientales. On remarque un grand Reliquaire donné par faint. Louis Roi de -France. C'eft une grande plaque d'or , partagée en quatre petites niches , oà Tome VI. Y 19.X Méthode de Géographie. font enchâfTées les reliques de plufieurs Saints ; ôc au-deffus de la plaque eft une couronne. On montre une grande cuftode , ou fi Ton veut un coffre , où l'on renferme le Saint Sacrement le Jeudi-Saint. 11 eft en manière de cinq coffres quartés, pofés les uns fur les autres, tous d'argent cizelé ôc qui vont en diminuant jufquau fommet. Dans ces coffres font les reliques de divers Saints , dont les figures s'y voient au naturel en argent doré. Cette Eglife fi richement ôc fi fupei-bement ornée , n'eft pas moins bien reniée. L'Archevêque a trois cens cinquante mille écus de revenu , d'autres difent , trois cens foixante-fix mille : ce qui fait plus d'un million de valeur réelle Ôc effective , l'argent pris à 17 livres 10 fols le marc. Son Clergé en a quatre cens mille ! ce qui fait environ douze cens mille livres de la même valeur. L'Archevêque eft Primat d'Efpagne , Grand Chancelier de Caftille, Ôc Confeiller d'Etat. Il a la prérogative de parler le premier après le Roi , iôit au Confeil du Roi, foit à l'Af-femblée des Etats. Il poflede dix-fept Villes , fans compter les Bourgs ôc les Vill ges. L'Archevêque de Braga en Por-tugtl, lui difpute le titre de Primat d'Ef-pag ie. La Fabrique de l'Eglife a cent mil? îe écus de rente. Le Grand Archidiacre VEfpagne. lij en a quarante mille -, &c des trois Archidiacres qni le luivcnt, le premier en a quinze mille , le fécond douze mille » le troifiéme dix mille , aufli-bien que le Doyen, ôc tout le refte à proportion. Près de la Cathédrale eft le Palais de l'Archevêque. C'eft un édifice ancien t fort vafte , £c bâti avec une magnificence convenable à la dignité du Prélat qui l'occupe. Le Cardinal Ximénès , qui fut Archevêque de Tolède, au commencement du XVIe fiécle, a beaucoup contribué à l'ornement de cette Eglife. Il entreprit d'agrandir la Cathédrale , de bâtir un Cloître tout autour , où les Prébendaires puf-fent demeurer en retraite ; d'orner la Salie du Chapitre des portraits de tous les Archevêques de Tolède , SsC de faire travailler à des tapilferies d'or &c de foye , a une argenterie plus eftimable pour la beauté de l'ouvrage, que pour le prix de la matière , & à d'autres ornemens dont il fit préfent â fon Eglife. Ces dépenfes allèrent, â ce qu'on prétend, à cinquante mille ducats. Il fonda la Chapelle des Mozarabes , &z y établit douze Chanoines avec un Doyen, pour faire revivre les Offices Mozarabes qui étoient prefque abolis. Il dépenfa cinquante mille écus à faire imprimer des Miftels.5c des Bréviaires pour cet ufage. ïi4 Méthode de Géographie. Comme l'événement qui a donné lieu à cet Office eft curieux , il eft bon d'en rendre compte. Après la conversion des Goths Ariens à la Foi catholique , S. Ilidore Archevêque de Séville, régla le cuire divin parmi eux , par ordre du quatrième Concile de Tolède , Se compofa un Office pour les Pfalmodies , les Prières publiques, Se les Méfies, qui fut reçu de toutes les Eglifes. Cette difeipline dura plus de fix vingts ans, jufqu'à ce que les Maures s'étant jettes fur l'Efpagne , Se s'en étant rendus maîtres , les Chrétiens furent par tout difperfés. Ceux de Tolède ayant fubi le joug, les vainqueurs leur lailT'erent la liberté de confeienoe, avec fix Eglifes dans lefquelles ils conferverent cet Office de faint Ifidore \ Se ces Chrétiens furent appelles Miftarabes , ou Mozarabes , du nom de Moza , chef des Maures. Trois cens ans après , Alfonfe VU ayant repris Tolède fur les Maures , en 1039 , on parla d'y rétablir le fervice divin j Se le Roi avec la Reine Confiance eurent deffein d'abolir cet ancien Office , qui étoit en ufage à Tolède. Ils voulurent introduire à la place l'Office romain j i quoi ils étoient excités par le miniftre du Pape ; mais le Clergé, la Noblefte , Se le Peuple s'y oppoferent, ne voulant point qu'on abolît les anciens ufages de leur Eglife , confirmés par divers Conci- VEfpagnd 12.5 les. ïl y eut de grandes conteftations j ôc la choie alla fi loin , qu'on trouva , dit-on , à propos de décider l'affaire par un duel. Le Roi choifit un Chevalier pour foutenir le parti de l'Office romain : le Peuple ôc le Clergé en prirent un pour défendre le Mozarabe. Ce dernier demeura vainqueur , ôc tout le monde crut que Dieu s'étoit manifestement déclaré pour la bonne caufe. Cependant le Roi , la Reine Ôc l'Archevêque ne furent pas fatisfaits. On en vint donc à une féconde épreuve. Après des jeûnes , des prières publiques ôc des procédions , on s'aflem-bla dans la grande place de la ville j on y fit allumer un grand feu , ôc l'on y jetta deux Miflels , l'un Romain , ôc l'autre Mozarabe. Le Roi ôc le Peuple étoient en prières , afin qu'il plût à Dieu de manifester fa volonté. Mais on rapporte que le Miffel romain fut brûlé, Ôc que l'autre ne fut nullement endommagé par le feu. Le Roi Alfonfe , ajoute-t-on , ne fe rendit point encore : il perfifta dans fa, ré-folution, ôc voulut abfolument que l'Office romain fût introduit. On obtint feulement que les anciennes Paroiffes de Tolède garderoient leur Office mozarabe. Dans la fuite , cet Office ayant été infen-fiblement aboli , le fouvenir même en avoit été en quelque1 manière effacé de 1 efprit des hommes, torique Ximenès le \x4 Méthode de Géographie. rétablit , l'ayant trouvé par hafard dans de vieux manufrrits en caractères gothi-ques. Ce fut à cette occafion qu'il fonda la Chapelle dont il a été parlé 7 8c qu'il y établit douze Prêtres , qui difent chaque jour la Meffe , ôc f*nt le Service divin félon l'Office mozarabe. Le Mif-fel 8c le Bréviaire qui furent imprimés*1 par ordre de ce pieux &: favant Cardinal, Ipnt des monumens précieux , 6c qui font devenus d'une extrême chereté. Outre la Cathédrale , il y a dans Tolède trente-huit Maifons Religieufes , dont la plupart méritent d'être remarquées. Celle de S. François tient le premier rang. Ce Couvent s'appelle S. Jean des Rois , parce qu'il fut fondé par les Rois Ferdinand 8c Ifabelle , vers là fin» du XV70 fîécle. Ximenès qui parvint depuis à la dignité d'Archevêque 8c de Cardinal , fut le premier novice qu'on y reçut. Au-defl"ous de l'Eglife de ce Couvent , on voit quantité de chaînes de fer cntrelalfées dans la muraille , 8c qu'on dit avoir fervi aux anciens Maures de Tolède , pour enchaîner les Chrétiens , qui étoient leurs efclaves, 8c qui furent affranchis par la prife de cette ville. D'autres difent néanmoins que ce font les fors des efclaves, qu'on va racheter en Barbarie. La Maifon des Fseres Prêcheurs, qu* VEfyaàne. i'1'r porte le nom de S. Pierre le Martyr 3 ne cède guère à celle de S. François. Elle a été fondée par les Seigneurs de Pimen-tels, Comtes de Benavente. On voit leurs tombeaux en jafpe, dans la muraille de l'Eglife aux deux cotés du grand autel \ ôc dans une Chapelle il y a deux autres tombeaux aufïi en jafpe , de deux particuliers, avec leurs figures en relief. On voit dans la Maifon trois beaux Cloîtres l'un fur l'autre , avec de beaux jardins. Tolède renferme encore un grand nombre d'Eglifes ôc de bâtimens de piété. Il y a 27 Paroiffes, 6k: un certain nombre d'Hôpitaux , entr'autres celui de les Ni-gnos j ou des Enfans-trouvés \ un autre dans ie Fauxbourg , dont le bâtiment eft quarré , Ôc compofé d'une Eglife ÔC de trois corps de logis , qui renferment une très-grande Cour. Au milieu de la Nef de l'Eglife fe voit le tombeau ôc la ftatue en marbre d'un Archevêque de Tolède , fondateur de l'Hôpital. L'Archevêque a-plufieurs maifons dans la ville : il les donne à des ouvriers en foie ; ôc on les conçoit à un quarreau de faïance , qui eft-frrja porte, avec la Salutation angéli-îllle 3 Ôc les mots fuivans : Maria fuc concebida Jipecado original ; c'eft-à-dire , Marie fut conçue fans péché originel, ^'ès de l'Eglife Cathédrale, eft la Mai--fon-de-Ville, qui a un très-beau frontif- F iv ji8 Méthode de Géographie. pice , avec un Portique de pierres de raille , revêtues de quelques marbres. La ville de Tolède eft célèbre non-feulement par plufieurs anciens Conciles qui y ont été tenus, 5c dont on fait monter le nombre jufqu'à dix-fept j mais encore pour avoir été pendant plufieurs fiécles , avant Se après finvalion des Maures , le liège des Rois de Caftille, & la capitale de l'Efpagne. Elle a même été honorée du titre de Cité Impériale, c'c a une Université allez ancienne , qui a produit de fii-vans perfonages. La Bibliothèque de cer-re Univerfïté eft belle , Se a-été fort enrichie par le Cardinal Ximenès. On dit qu'autrefois on enfeignoit ouvertement la magie dans cette Univerfïté. C'étoit peut-être du temps des Maures, ou peut-être y a-t-ii à diftinguerentre magie & magie. Quoi qu'il en foit, tous les avantages qu'a eu la ville de Tolède , ont été caufe qu'elle a difputé &: difpute encore à celle de Burgos, le titre de capitale,, ou de première ville de Caftille , 5c le droit de parler la première à rAlTemblée des Etats par fes Députés. Ce différend entre ces deux villes n'a jamais été décidé , 5c ne le fera de long-temps. Le Roi Alfonfe XI prit un expédient fort ingénieux, pour ne choquer ni l'une ni l'autre de ces villes. Dans l'Aftemblée des Etats , qu'il avoir convoqués à Alcala 3 avant qu'on entamât VPfpagiïc: * 2.9 cette affaire, il dit ; Je Jais que ceux de ma bonne ville de Tolède feront de bon cœur tout ce que je leur dirai ; que ceux de Burgos parlent donc. Ainfi chacune des parties fut contente , fe croyant préférée ; ceux de Tolède , parce que le Roi les avoit nommés les premiers , tk ceux de Burgos-, parce qu'ils eurent l'honneur de parler les premiers. Depuis ce temps-là les Rois ont toujours fuivi le même ftyle, toutes les fois qu'ils ont affemblé les Etats de Caftille. La campagne des environs de Tolède eft féche tk ftérile , à la réferve des endroits que le Tage arrofe , tk qui font fort fertiles. L'air y eft fec tk très - pur , & il y pleut rarement. IL La Sierra ou Pays des Montagnes a Cuença j ville Epifcopale & renommée pour les laines , fur le Xucar. Guette au nord y Molinay plus au nord , fur le Gallo ; Alarçotiy au fud de Cuença , fur le Xucar-, Iniefta > au fud-eft, près la même rivière; Villa-Harta , à l'occident , à la jonétion de deux rivières , qui, à quelques lieues de-là , fe jettent dans la Guadiana. III. La Mancha3 au fud de la Guadiana , où font Ciudad-Réaly belle & bien peuplée , fur la Guadiana ; Almagoa , Alcocer ^ Almodavar j tk Calatrava 3 qui donne fon nom à*un fameux Ordre de T'^o Méthode de Géographie. Chevaliers; près de cette ville, eft tma mine de mercure ou vif-argent très abondante. Malagon j Confuegra Villa-nova de los Infantes Montiel & Alcarax. IV. \-!Eftremadure qui faifoit autrefois une Province particulière , a été jointe à celle de la Caftille nouvelle , à quelque chofe près qu'on a donné à la vieille Caftille. Sa C? pitate eft Badajos j Ville Epifcopale fur les frontières du Portugal, & affez forte , fur la Guadiana. Trug'dlo ou Truxilloj lieu de la nai(Tance de François Pifarre conquérant du Pérou. Xe-re% de Badajos ou de les Cavalleros , au fud de Badajos. Alcantara fur le Tage , donne fon nom à un Ordre célèbre de Chevaliers. Mérida 3 fur la Guadiana , ville autrefois confidtrable , & Archevêché , que le Pape Calixte ï 1 transféra à Ccmpoftelle , l'an 1113. Medellin >fur la Guadiana , eft la patrie de Fernand Cor-tezj conquérant du Mexique. Guadaloupe renommée par la dévotion qu'on y a pour une image de la Sainte Vierge. Alem-bria y Cacere^ > entre Àlcantara & Tru» xillo y Aihuquerque > en tïtre de Duché ;, Médina de la s Terres , Cajra ^ Cambres Guadakanat. l'Efpagne. IV. TJJndalousie. Cartes. L'Andaloufte a été donnée en particulier par le Sieur NOLIN j en une 'feuille. L'Andaloufte , autrefois en titre dé Royaume , eft une des plus fertiles Provinces d'Efpagne. Il y vient allez de bled, Sz quantité d'excellens fruits ; elle a auffi les plus douces huiles , les meilleurs vins, Se les plus beaux chevaux du Royaume. Sa divifion eft en territoires ou anciens Royaumes de Séviile tk de Cordoue. I. Le Territoire de Séviile qui comprend l'Evêché de Cadix j le Duché de Médina-Sidonia j & le Condat ou Conda-do j a pour capitale Séviile qui l'eft aufti de toute la Province. Cette ville , liruce fur le Guadalquivir , eft grande , belle , bien bâtie, allez peuplée , la plus marchande du Royaume, tk le magafîn des richelles du nouveau monde. 11 y a un riche Archevêché , dont l'Eglife métropolitaine eft fort vafte tk magnifique ; une célèbre Univerfïté tk une lnquilitioiv fort févere. Séviile. Séviile eft iituée dans une vafte plaine a> perte de vue, fur la rive gauche du S vj; ï j2 Méthode de Géographie. Guadaîquivir. Anciennement elle s'appel-îoit Hifpalis ou Spa/is j tk Colonia Ro-mulea. La ville eft fort grande , de ligure ronde , ceinte de belles murailles , flanquées de tours avec des barbacanes, tk fermée par douze portes..Les rues font étroites 7 mais les maifons font belles , tk mieux bâties que celles de Grenade tk de Cor-doue. Elle a divers fauxbourgs , dont le plus considérable eft celui de Triana , au-delà du Guadalquivir , tk qui eft joint à-la ville par un pdnt de bateaux , dont la conftruétion eft fort ingénicufe. Le féjour de Séviile eft fi charmant , que plufieurs Rois Goths y établirent leur cour , 6c y réfiderent jufqu'à ce que Lu-▼isilde la transféra à Tolède. Les Rois Maures y établirent aufïï la leur, Se y demeurèrent depuis le temps de leur înva-fion , jufqu'en 719 , qu'ils furent contraints par leurs ennemis de l'abandonner, fk d'aller faire leur réfidertee a Cordoue, Mais en 96"5 , le Roi Alcoraxi y rétablit fon trône , Se fes fuccefleurs y demeurèrent jufqu'en 1241 , que Ferdinand 111 , furnommé le Saint, les en chaffa , après un fiége qui dura feize mois. Quatre cens mille Maures fuivirent la deftinée de leur Souverain. Le Roi vainqueur envoya des colonies d'Efpagnols pour repeupler la. L'Efpagne. i 3 ? Cetre ville eft distribuée en 29 Paroif-fes, qui renferment 44 Couvens de Religieux , 30 de Religieufes, 24 Hôpitaux, 24 Places publiques , tk 9 Boucheries. Elle eft gouvernée par des Tribunaux , tant eccléfiaftiques que féculiers , fans parler de l'Affiliant, qui a une jurifdic-tion particulière, compofée de 24 Ma* giftrats , qu'on appelle Vente y quatros > c'eft-à-dire , vingt-quatre , de 61 Jurats , d'un Alguafil Mayor 3 dont la charge appartient aux Ducs d'Alcala , & d'un A/Je-re% Mayor. Elle eft honorée d'un Siège archiépiscopal , d'un Tribunal de l'Inquifirion , d'une Maifon de Mcnnoie , tk d'une Douane , qui eft régie par 257 perfonnes, dont les falaires coûtent annuellement au Roi 54000 ducats. Parmi la fomptuofité de fes édifices , rien ne la diftingue tant que fa Métropolitaine. Elle eft placée prefque au milieu de la ville ; tk l'on peut dire qu'elle eft la plus belle , la plus grande & la plus régulièrement bâtie qui foit dans toute l'Efpagne. Sa voûte eft extrêmement haute, Soutenue de chaque côté par deux rangs de beaux tk magnifiques pilliers. Elle eft longue de 175 pas , &z large de 80. Ses Chapelles font bâties à l'anrique : tk der-ri(-te le maître-autel , il y en a une grande , qui porte le nom de Niujlra. S ignora *34 Méthode de Géographie, de /os Reyes 3 c'eft-à-dire , Nôtre-Dame des Rois j laquelle fut bâtie par .le Roi S. Ferdinand, qui y eft inhumé , avec Al-fonfe le Sage fon fils, ôc la Reine Dona Béatrix fa femme à fes deux cotés, Ôc fes* enfuis au-defToiiSi Son tombeau eft couvert de fatin rouge , ôc chargé de trois colonnes. L'image de Notre-Dame y paroît en fculpture , ôc fi bien travaillée , qu'il y a eu des Efpagnols qui ont prétendu qu'elle avoit été faite par les Anges. Au delfus du milieu de la Chapelle, s'élève une grande ôc belle lanterne de vitres toutes peintes, qui fert à l'éclairer, outre deux fenêtres qui donnent du jour à l'autel où eft l'image de Notre-Dame , tou--jours couverte de trois rideaux, excepté les jours de fêtes foiemnelles. L'autel eft entièrement doré ôc bordé de fliperbes colonnes de jafpe. Le clocher peut être regardé comme un chef-d'œuvre de l'art. U eft d'une hauteur extraordinaire , bâti tout entièrement de briques , percé de grandes fenêtres , qui donnent du jour a. l'efcalier. C'eft une tour , ou pour mieux dire trois tours l'une fur l'autre, avec des galeries ôc des balcons : l'efcalier eft il doux & fi imperceptible , qu'on peut aller à cheval ôc en chaife roulante jufqu'au pins haut, d'où l'on découvre toute la ville ôc la campagne. On y voit 14 grolfes ©loches , avec cette infaiption : LJ£fpagne. i jf 'Tunis fortijjima nomen Domini. Ce clocher fe termine en dôme , au-def-fus duquel on voit une ftatue de bronze qui repréfente la Foi, tenant un guidon i la main , dont le mouvement marque les vents. Saint-Lucar deBarraméda , vers l'embouchure du Guadalquivir , qui y fait uri port affez fréquenté , où les grands vaifi-feaux chargés pour Séviile ont coutume de s'arrêter ôc de décharger leurs mar-chandifes , qui font enfuite portées à Séviile dans des barques. Xere^ de la Froncera. Porc Sainte-Marie j alfez fréquenté ôc marchand. Cadix j ville de grand commerce avec un beau port très-fréquenté , & où fe font les embarqueraens ôc les dé-' barquemens des marchandises que l'on porte dans l'Amérique , ou qui viennent de cette partie du monde en Efpagne. Cadix. Cette ville eft dans une Ifle de même nom , où l'on fait beaucoup de fel , ôc qui touche à la terre ferme de la Provin-ce par le pont de Suaço. Cadix eft aftez fort, a un Siège épif opal , ôc fait une grande pêche de thons. La ville eft 11 tuée à la partie occidentale d'une Iile , que les anciens appelloient Codes ,j laquelle a fix lieues de long da t*6 Méthode de Géographie* iud-eft au nord-oueft , fur trois dans fa plus grande largeur. Sa figure eft des plus irrégulieres , faifant à peu près un quarré long , avec une langue de terre au bout fort longue , qui fe termine par deux promontoires , dont le plus considérable , qui eft à l'occident, s'appelle la Pointe de Saint - Sébaftien. Cette langue de terre embraffe une étendue affez considérable de mer , &c par le moyen d'une pointe qu'elle forme au nord , appellée le Pun-tal j &z d'une autre pointe de terre qui avance du continent dans l'Océan , la nature a formé une belle conftruit à. l'entrée du port, pour le mettre hors d'in-fulte. Les maifons y font bien bâties , fort propres Se fort belles , tant au dedans qu'au dehors. Celle du Roi , qui n'eft pas des plus magnifiques , fe voit à côté d'une belle Se grande place , qui eft ornée d'une belle fontaine. Cadix eft le fiége d'un Evcché , dont il fut honoré en 1277 , par le Roi Alfonfe îjS- Méthode de Géographie. le Sage , qui en dépouilla la ville de M& dina-Sidonia pour l'en revêtir. L'Eglife cathédrale eft parfaitement belle, ornée d'un très - beau tabernacle , qu'on dit avoir coûté 300000 livres. Il y a aufti quelques autres Eglifes , qui méritent d'être vues. La bonté du port 6V: de la baye de Cadix ,-a fait que dans tous les fîécles cette ville a été extrêmement peuplée tk fort marchande. Arcos j Duché. Lebrixa j la Marifma entre la Guadalette tk le Guadalquivir. Tariffa tk Algé^ire j ou Vieux Gibraltar x fur la Mer Méditerranée, ainfi que Gi-_ braltar 3 petite ville avec un port affez fréquenté , fur le fameux Détroit qui porte fon nom , tk qui a en cet endroit cinq lieues de large j elle eft à préfent occupée par les Anglois. Médina-Sidonia Jrville tk fameux Duché. Saint-Lucar la Major. Carmona petite ville très-ancienne. Eçi-ja j fur le Xenil, ville autrefois épifcopale , mais qui ne l'eft plus aujourd'hui» Lucéna. Saint-Juan, del Puerto. Ayamon-u j avec un port • Lepc tk Xere% de Guadiana s renommés pour leurs raifins, leurs vins fecs tk leurs figues. OJfuna , Duché 6c Univerfité au fud-eft de Séviile. Mo-ton y au fud-oueft , petit endroit près du-' quel on trouve des diamans. M. Le Territoire de Cordoue j a Cor-doue j. ville Epifcopale fur le Guadalqui- L'Efpagne. vïr, Bc dans un terroir très-fertile , principalement en vins , les meilleurs du Royaume. Cette ville a été autrefois considérable ; aujourd'hui, elle n'a que très-peu d'habitans. Son Eglife cathédrale , bâtie par les Maures , eft un des plus beaux bâtimens de l'Efpagne. Cordoue eft le lieu de la naiflance de plufieurs grands Hommes , dont les plus confidérables font les deux Séneques , le Poète & le Rhéteur : le Poète Lucain l'Hiftorien^ Am-broife Morales , &c le grand Capitaine Gonzales , ou Gonfalve. Près de cette ville eft l'écurie royale , où il y a toujours deux cens chevaux , les plus beaux. d'Efpagne , pour le fervice de Sa Majefté Catholique. Santella , au fud de Cordoue. Anduxar fur le Guadalquivir grande & belle ville. Tolofa , au pied des montagnes. Bae^a avec une petite Univerfïté. Vbcda; Jaen^dêge d'un Eve* que. Alcala la Real j que quelques-uns mettent dans la province de Grenade, eft une belle ville bâtie fur une hauteur. V. Le Royaume de Grenade. Quoique le Royaume de Grenade foie îa partie la plus méridionale de toute l'Efpagne , il eft pourtant un des plus làins & des plus tempérés , n'étant ni brûlé par les grandes-chaleurs, ni incom- 14® Méthode de Géographie. mode par un froid excefîif. On y trouvé prefque à chaque pas des fources d'eau vive , des rivières , des ruhTeaux , qui viennent à fe croifer 6c à s'entrecouper en divers endroits , & forment des labyrinthes agréables , bordés de tous côtés de fleurs 6c d'une verdure perpétuelle. A une lieue de Grenade, on trouve les célèbres bains déAlhama , 6c à quatre ceux éCAlicun. Les premiers font propres pour les maladies caufées par une humeur froide , &c les autres pour celles qui procèdent d'une humeur chaude 6c fanguine. L'eau du Daro a la propriété de guérir de toutes fortes de maux les animaux Cjui en boivent y & c'eft pour cette raifon que les habitans du pays appellent fon eau , le bain falutaire des brebis. Du côté qui regarde le midi, on voit d'une part de vaftes plaines , &: des champs très- fertiles j & de l'autre des montagnes très - hautes j mais cela n'empêche pas que le pays , quoiqu hérifte de rochers efearpés 3 ne foir ii abondant , qu'il fournit nomfeulement les chofes né-ceflaires pour l'entretien de ceux qui l'habitent \ mais même pour en pourvoir les étrangers. Enfin , toutes les contrées de cette Province font généralement fi fertiles , qu'elles n'ont prefque pas befoin de culture. Lorfque les Maures la polTe- L'Efpagne. 141 Soient, c'étoit le pays de l'Efpagne le plus peuplé, & le plus riche. Toutes les collines étoient couvertes de vignes , d'arbres fruitiers, de bourgs &c de villages j mais à préfent elles ne font pas, à beaucoup près, ni fi peuplées, ni fi bien cultivées , par la faute des Efpagnols. Généralement le terroir y eft fertile en grains, en vins , en huile , en fucre , en lin en chanvre. Ses montagnes & fes campagnes produifent toutes fortes de fruits excellens. Le pays eft plein de mûriers , par le moyen defquels les habitans nouritïent une grande multitude de vers à foie , dont ils retirent un profit immenfe. On y voit une infinité de forêts , qui produifent quantité de gales , qui fervent à faire l'encre 3 à épaiflir les cuirs , Ôc font propres pour la médecine. Elles produifent encore des palmiers , dont les dattes font d'un grand fecours , aufîi bien que des chênes , dont le gland eft d'un gout fi délicat, qu'il furpaffe celui des noifettes les plus fines -y c'eft pourquoi ceux du pays en envoient à Madrid aux Grands d'Efpagne } quis'en font un régal délicieux. Cette Province fe divife en quatre Diocèfes , qui font ceux de Malaga ^ de Grenade j de Guad'tx & cYAlméria. L Le Diocèfe de Malaga a Malaga 3 ville épifcopale , & renommée pour fes f 42 Méthode de Géographie. bons vins 3 dont elle fait un grand débit, de même que de raifins , d'huile ôc d'olives. Son port eft palTablement bon affez fréquenté ôc défendu par deux châteaux» Ronda3 Antequéra , EJïepona 3 Marbella 3 Cartama^ Vele^-Malaga. Monda 3 bourg entre Malaga &: Cartama, près duquel Jules-Céfar défit les enfans de Pompée. 11. Le Diocèfe de Grenade a pour capitale Grenade 3 qui l'eft aufli de toute la Province. Cette ville paffe pour la plus grande d'Efpagne j mais elle eft affez mal peuplée ôc peu marchande. Grenade. Sa fituation ne fauroit être plus avan-rageufe. Elle eft bâtie en partie fur des croupes de montagnes, qui forment un amphithéâtre merveilleux , ôc en partie dans une vafte plaine. On lui donne près de douze mille pas de circuit. Elle a une muraille flanquée de mille trente tours, Ôc douze portes , dont celles qui font placées du côté de l'orient ne découvrent qu£ des lieux rudes ôc efearpés , parmi lesquels on voit deux coteaux élevés qui laiftent entre-deux une vallée profonde, où coule la petite rivière du Daro , laquelle après avoir traverfe une partie de la ville, va fe jetter près d'une de fes portes dans le Xenil, qui, comme'j'ai déjà dit, baigne fes murailles, Ôc rouleave^ L'Efpagne. *4£ ion fable des paillettes d'or 5c d'argent, qui lui ont fait donner le nom de Rio de oro j ou Rivière d'or. La Ville eft partagée en quatre quartiers , qui fe diftinguent par des noms particuliers. Le premier s'appelle Grenade j le fécond la Alhambra , le troifiéme Albaycin3 ou Alveicïn , Se le quatrième Antiquemcla. Le premier quartier eft la principale partie de la Ville. Il occupe la plaine ôc les vallons , qui font entre les deux montagnes. C'eft-là que demeurent la Noblef-fe , le Clergé , les Marchands, Se les plus riches Bourgeois j Se où fe tiennent les marchés. Tout ce quartier eft orné de très-beaux édifices , &; de diverfes places publiques avec des fontaines. Les maifons des Nobles , des Eccléfiaftiques 5c des Marchands, font belles , vaftes, propres, bien bâties , fort commodes, 5c accompagnées de jardins Se de fontaines. Les principales rues font voûtées , à caufe des canaux , par le moyen defquels on conduit l'eau dans les maifons des particuliers. De-lâ vient que les caroffes y font défendus. C'eft dans ce quartier que fe trouvent l'Eglife cathédrale 5c la Chancellerie. La Cathédrale n'eft pas fort grande ; . mais elle a un très-beau dôme , foutenu par douze grands piliers, fupporrant d&s *44 Méthode de Géographie. arcades, fur lefquelles régnent deux rangs de balcons dorés. La voûte eft peinte ôc dorée , ôc contre les piliers paroiflent les ftatues des douze Apôtres en bronze doré de grandeur naturelle. Près du grand autel eft la chapelle du Roi Ferdinand V furnommé le Catholique 3 qui conquit Grenade fur les Maures en 1492. Ce Prince voulut y être enterré , aufîi bien que la Reine Ifabelle fon époufe. Leurs corps xepofent dans deux beaux tombeaux de marbre. A la gauche vers le milieu de la Chapelle j paroiffent deux autres tombeaux , où font enterrés les corps de la Reine Jeanne leur fille , ôc de Philippe I, Archiduc d'Autriche fon mari j Roi d'Efpagne & père de Charle-Quint. Au-deffous de la même Chapelle ^ on voit un caveau 'rempli de cercueils de plomb , dans lefquels font inhumés quantité d'autres Rois. Parmi les raretés dont la facriftie eft richement fournie y on montre la couronne du même Roi Ferdinand le Catholique, ôc divers or-nemens d'Eglife, les uns à l'antique , 8c d'autres à la moderne , brodés de pierreries. Affez près de-là , on voit un ancien édifice bâti en portiques , ôc foutenu de piliers de marbre. Du temps que Grenade étoit au pouvoir des Maures , ces Infidèles le faifoient fervir de Mofqn L'Efpagne. ^ ; 145 mais après qu'ils en eurent été chaflcs , les Chrétiens en firent une Eglife paroif-fiale. A quelque diftance de-la s'élève le Palais de la Chancellerie , auquel on va par une grande 8c magnifique place , dont la forme eft d'un quarré long d'environ 400 pieds , fur 200 de large , ornée d'une très-belle fontaine de jafpe. Les Grenadins l'appellent en leur langue Bivarambla , c'eft à-dire , Sabloneufe. Ce Palais a un très-beau frontifpice , enrichi de colonnes d'albâtre 8c bien conftruit. On y entre par trois portes , dont celle du milieu eft plus élevée que les deux autres. Au-def-fus de ces trois portes , règne un beau rang de fenêtres accompagnées de balcons dorés. L'intérieur du bâtiment , eft une grande cour environée de chambres X chaque étage. C'eft-là qu'eft la Tréfore-rie , 8c où s'alïemble le Tribunal fouve-rain de Grenade , compofé de plufieurs Miniftres appelles Auditeurs. Outre cette place , qui eft entre ces deux fuperbes édifices , on en voit encore une autre fort belle , qu'on appelle la. Plaça-Màlor , au milieu de la ville : c'eft-là que fe font les courfes de raureaux. Le fécond quartier eft fur les montagnes qui commandent le refte de la ville. On l'appelle en efpagnol la Sierra ie ' Sol; la Montagne du foleil, à caufe qu'il eft Tome VI. G 14^ Méthode de Géographie. tourné vers le levant, tk dans une très-belle expofition. Les Maures Grenadins appeiloient ce quartier cl Alhamhra 3 ce qui en leur langue fignifie Rouge. Ce quartier eft habité en partie par des Grenadins , c'eft-à-dire , par des defcen-dans des Maures , Se pur de francs Efpagnols , qu'on appelle dans le pays Chrif-tianos viejos. C'eft-là qu'on voit deux Châteaux ou Palais , dont l'un fut bâti par les Maures , Se l'autre par Charle V tk par Philippe II fon fils. L'un Se l'autre font fort remarquables , tant par leur iîtuation admirable , que par la vue charmante dont on y jouit , tk par la fomp-tuofiré de leur ftruèture. On y monte de la ville baffe par une longue Se belle allée , fort unie , bordée des deux côtés de grands ormeaux , Se embellie au milieu d'une très-belle fontaine de marbre jafpe ; autour de laquelle on voit quantité de petites ftatues , qui jettent l'eau plus haut que le fommet des arbres. Cette allée conduit à ces Palais , en tournoyant Se en montant toujours infenfiblement. Avant que d'arriver à celui des Rois Maures , on voit celui qui a été bâti par les Rois Chrétiens. C'eft un fuperbe corps de logis quarré , qui borde une partie d'une grande place , bâti de pierres de raille , à la ré-ferve des bandeaux des fenêtres qui font" L'Efpagne. ^ 147 éle marbre noir. Au pourtour de l'édifice , on voit au-deffus des fenêtres , un grand nombre de têtes d'aigles , ôc de m tries de lions , qui tiennent de grotfes boucles , le tout de très-beau bronze. Le portait eft de jafpe , relevé de trophées ôc de plufieurs autres ornemens : fur - tout , les piédeftaux des colonnes , qui foutiennent tout l'ouvrage , repréfentent différens combats gravés fur le jafpe. L'intérieur du Palais eft une grande Ôc magnifique cour ronde , autour de laquelle régnent deux beaux rangs de portiques l'un fur l'autre , foutenus par 3* grolïes colonnes de marbre jafpé 5 chacune d'une feule pièce , qui , à ce qu'on prétend , ont coûté douze cens écus la pièce. Les autres falles Ôc les chambres ont été richement ornées , aufîï-bien que les quatres portes de façades de l'édifice : mais comme depuis plus d'un fiécle on l'a fort négligé , avant même qu'il fut entièrement achevé > il eft à préfent a demi ruiné. De-là on va a l'ancien Palais des Rois Maures, bâti de grolfes pierres de taille quarrées , environé de bonnes murailles , fortifié de grofîes tours, ôc de bak tions comme une citadelle , ôc fi vafte qu'il peut contenir une garnifon très-no m-breufe. Avant que d'y arriver , on trouve une efpece de ravelin , où l'on tient Ï48 Méthode de Géographie. quelques pièces cle canon pointées contre la ville. On a élevé en cet endroit une ef-pece d'autel, où l'on voit les figures du Roi Ferdinand & de la Reine Ifabelle. Le dehors du Palais n'a d'autre apparence que celle d'un vieux château ; mais l'intérieur eft de la dernière magnificence. La porte eft faite â la mofaïque , Unifiant en pointe par le haut. Le veftibule eft revêtu de matbre , Se toutes les parties du dedans font de même , d'une ftruefure fuperbe , Se fi fomp*. rueufe , qu'elle fait connoître fenfible-ment jufqu'où alloit la magnificence des Maures. Les murailles des chambres font incruftées de marbre , de jafpe & de porphyre ; les plafonds, les poutres Se les lambris font dorés , Se l'on voit par-tout des figures hiéroglifiques , des inferip-tions arabiques, Se divers ouvrages à la mofaïque. On entre d'abord dans une grande cour plus longue que large , pavée de marbre ; à chaque coin de laquelle on voit une belle fontaine de marbre. Le milieu eft occupé par un beau canal d'eau vive in-crufté de marbre , & ce canal eft fi profond qu'on y peut nager aifément. De-lâ l'eau eft conduite dans les falles Se dans les chambres du Palais , qui ont toutes leur fontaine. La plupart font voûtées , Se ces voûtes font découpées à jour d'un ou- VEfpagne. 149 Vrage Ci délicat Ôc Ci hardi, que e eft une merveille qu'il fe foit confervé pendant tant de fiécles. On voit une chambre où les Rois Maures fe baignoient dans des bains d'albâtre , où l'eau fe rend par des canaux qui fortent de la muraille. Des bains elle coule par de petits canaux dans d'autres chambres. De celle où ils fe baignoient , on entre dans une autre , où ils fe faifoient efluyer j ôc de celle-là , ils palfoient dans une troifiéme , où ils fe re-pofoient. Une des plus belles pièces de cet Edifice royal , eft la cour qu'on appelle cl quadro de los leoncs. Elle eft quarrée ôc pavée de marbre , ornée de portiques qui régnent tout autour , avec 117 colonnes d'albâtre fort hautes s qui foutiennent des galeries ornées aufti d'albâtre. Au milieu de la cour eft une fontaine , où douze figures de lions groupés fupportent un grand ôc large ballin de marbre blanc d'une feule pièce , &: tous jettent continuellement une grande quantité d'eau par la gueule. Du milieu de la fontaine fort un gros jet d'eau .qui s'élève fort haut , ôc retombe dans le baftin avec un grand bruit, d'où elle fe répand dans les chambres. A côté de la première cour , on voit une chambre où étoient les lits des Rois Maures, ôc dont les châlits fe voient en- G iij 150 Méthode de Géographie. core j mais 11 large que fix perfonnes y pouroient coucher à leur aife. De-là 011 monte à une chambre , qui eft à un autre étage , où. Ton voit deux pavillons donc les châlits font de beau marbre , tk le fond richement doré : les fenêtres ont aufti les bandeaux 6V les croifées de marbre , avec des balcons , où l'on a une vue charmante qui s'étend fur la montagne , tk fur la ville. La chambre où les Reines s'habiî-îoient, a dans un coin fept jets dcau , qui fortoient du plancher , tk qui fervoient à les rafraîchir. On remarque auHi dans ce Palais une chambre d'une merveilleufe ilructure 3 où d'un certain coin on entend tout ce qui s'y dit , quelque bas qu'on y parle. On l'appelle , par contre-vérité, la chambre du fecret. Derrière le Palais on apperçoit une vallée fort agréable , bordée de hautes montagnes des deux côtés, tk arrofée par le Daro qui la traverfe. Quantité de jardins affez bien entretenus , un parc, une petite foret fur le penchant de la montagne , un petit logement pour fe repofer, tk de fort belles promenades aux deux bords de la rivière , rendent cette vallée extrêmement délicieufe. En montant du Palais un peu plus haut, on découvre une belle maifon , bâtie aufti pat les Rois Maures, pour y aller paffer VEfpagne ift U printemps, tk y jouir de la pureté & de la douceur de l'air : on l'appelle en langue arabe Xeneralije. La iituation en eft fort agréable , tk l'art a beaucoup contribué à en faire un féjour charmant. On y refpire en tout temps un air doux tk fe-rain. On y trouve quantité de fontaines , qui coulent avec un doux murmure , dont l'une particulièrement pouffe un jet d'eau de la groffeur du bras, avec tant de force, qu'il s'élève beaucoup au-deffus de la muraille de la maifon. Au fommet de la montagne s'élève un vieux bâtiment, qui fervoit de Molquée, tk dont on a fait une Eglife fous le nom de Sainte Hélène , â laquelle les habitans du pays ont une grande dévotion. Sur cette montagne près du Palais , il y a une citerne publique , creufée , à ce qu'on croit, par les Romains. Elle eft fi bien faite , que non-feulement l'eau ne s'y corrompt jamais j mais encore elle y acquiert une vertu médicinale , qui appaife les douleurs de la colique. Joignant le Palais, il y a une colline où l'on voit un joli Couvent habité par les Carmes Déchauflés , appelle le Mont des Martyrs. Toute cette colline eft entrecoupée de cavernes fort fpacieufes , qui n'onr qu'une feule entrée par une étroite ouverture faite en rond airdeifous. C'eft-là , dit-on, que les Maures defcendoient les Chrétiens efclavcs G iv 15 2 Méthode de Géographie.' pendant la nuit, après les avoir cruellement tourmentés pendant le jour. Le trentième quartier de Grenade , appelle Allaycin n'étoit autrefois regardé que comme un faux bourg , féparé du relie de la ville , par une muraille , dans un terrein élevé fur deux collines, & occupé p r jcco maifons. Tous les habitans de ce quartier étoient Maures, diflingues des autres Grenadins par leur langage , par leurs mœurs , & par leurs ha-billemens 5 vivant avec beaucoup d'économie. Lorfque Ferdinand le Catholique eut pris Grenade , les habitans de l'Albaycin excitèrent une fédition contre le Cardinal Ximenès , qui les pre fient d'embralfer le C hriftianifme. Mais dès qu'on voulut punir de mort les révoltés , il n'y en eut pas un feu! qui ne demandât d'être bap-tifé \ & même tout ce qui reffoit d'infidèles dans les autres quartiers de la ville , ou dans les bourgades voi fines , au nombre de 50000 , fe rendirent Chrétiens presque en même temps. Enfin le dernier quartier de la ville, appelle Antiqueruela 3 eft fitué dans une plaine j cV peuplé de gens venus d'Antequera3 d'où lui vient le nom qu'il porte. Prefque tous fes habitans font ouvriers en foye , ou teinturiers. Si le dedans de la ville eft beau, les L'Efpagne. 15 % dehors ne font pas moins agréables , particulièrement du coté du raidi & du couchant. C'eft une grande 6c belle plaine , de huit lieues de long fur quatre de large , appellée la vega de Grenada* c'eft-à-dire, le Verger de Grenade , environée de petites montagnes, & couverte d'un nombre infini de villages. A l'entrée de la ville du côté qu'on vient d'Antéquera , on trouve une fort grande place , que l'on appelle cl Campo j où eft un Hôpital royal très-magnifique , orné de quantité de balcons aux fenêtres. Près de celuidà , on en voit un autre , fondé par S. Jean de Dieu , inftituteur des Frères de la Charité. Le bâtiment eft vafte &c bien entendu. Le portail eft enrichi de pillters de jafpe , & au dellus paroît la figure du fondateur en marbre. Le cloître eft fait en voûtes, foutenues de pil-liers j 5c au-deftus font les chambres des malades , qui y font fervis par des Reli-* gieux. L'efcalier par où l'on monte , eft fort beau , & peint des deux côtés j la vie du faint fondateur y eft repréfemée. La voûte eft plafonée tk dorée. On trouve encore dans le Diocèfe de Grenade , au fud oueft de Grenade , Al-harna 3 où font des Bains chauds trcs-fi-lutaites ; & fur la Mer , Almugnéçar 3 Moud jj où l'on fait du fucre , SaLbre-gna de Loxa. G v • 154 Méthode de Géographie. 111. Le Diocèfe cle Guachx, a GuadiXj, ville palTablement grande , avec Evêché. Baca , ville où Ton compte 4000 maifons. Hue.[car ou Guefcar ■> en titre de Duché. I V. Le Diocèfe d'Al mena , a A [mena 3 ville , Evêché ôc alTez bon port j Muxacra 3 Vera 3 petite ville , près de Murcie. VI. Les Jsles d'Espagne. Les llles dépendantes de l'Efpagne ne font pas en grand nombre. Il n'y en a que quatre de remarquables j ce font, Majorque 4« Minorque Yviça ôc Formentera. Les deifx premières étoient connues des anciens fous le nom d'Ifles Baléwes ; pour les deux autres , ils les appelloient Pithyufes 3 à caufe des pins dont elles étoient alors couvertes. 1. L'Ifle Majorque , la plus grande de celles d'Efpagne , a eu le titre de "Royaume, lequel comprenoit aufti l'Ifle M inorque. Elle eft allez fertile , ôc a beaucoup de corail aux environs de fes côtes. Elle eft iuuée entre celles d'Iviça ÔC Minorque. Ses habitans font bons Armateurs , &: riches par le commerce des réaies qu'on y fabrique. Maiorque ou Mai/orque 3 nommée anciennement Palma j en eft la capitale. Cette ville, avec un port alTez commode, eft le fiége d'un Evêque , Ôc la réfidence VEfpaghe. * . ffS du Vice-Roi de fille. L'Evcché n'y a été établi que depuis qu'on en a chaire les Maures. La ville renferme environ dix mille habitans. Elle eft bâtie en partie en plaine , & en partie fur un terrein élevé ; les maifons y font grandes ôc d'une architecture affez régulière. On y compte environ ii Eglifes , fans parler de beaucoup de Chapelles & d'Oratoires. La Cathédrale , qui eft belle , eft bâtie à trois voûtes , une pour la nef ôc deux pour les bas-côtés, indépendamment des Chapelles. Trois fuperbes portes forment l'en-* tiée de cette Eglife. On trouve dans Maiorque un grand nombre d'Hôpitaux , qui marquent la piété des habitaus. Les rues en font larges ; ôc celle qu'on appelle le Born , eft bordée de magnifiques maifons. Le mole eft vafte , ôc toutes fortes de vaifleaux peuvent y entrer , fans craindre ni les écueils, ni aucun banc de fable. Il y a aufïi un Collège , dans lequel on enfeigne la doctrine de Raimond Lulle , natif de cette Ifte , Ôc dont fon père étoit Gouverneur. Alcudia ou Elcudï , petite ville à l'eft de cette Iile. Porto-Pin , près de Mallorque. 2. L'Ifle Minorque 3 à l'orient de M aîbrque , n'a que Citadella j capitale ; Port-Fornelk ôc Porto-Mahon , un des meilleurs ports delà Méditerranée, di-fendu par le Fort Saint-Philippe. U eft oc- G vj 15 6 Méthode de Géographie. cupé aujourd'hui par les Anglois, avec le1 refte de cette Iile. 3. L'Ifle à'Yvica j fertile en bled, en vin , en fel & en fruits, a la ville &Yviça3 avec un port fur la mer j Saint-Hilaire 3 château , & Porto-Magno. 4. L'Ifle de Eormuitera 3 au midi de celle d'Yviça, eft inhabitée à caufe des ferpens dont elle eft remplie*, elle a néanmoins Fermentera 3 avec un port. Le Roi d'Efpagne pojfede encore une grande étendue de pays dans l'Amérique 3 cv quelques Ifles de même que quelques Places dans l'Afrique & dans l'A fie , que nous expliquerons dans la fuite. Le Portugal. CHAPITREXIV. LE PORTUGAL. Cartes. Guillaume sanson a décrit le Royaume de Portugal, en deux feuilles. Le P. placide en a donné une Carte j qui cjl ejlimée. Mais on doit préférer 3 celle qu'a donnée M. Rizzi-zannoni 3 parce quelle efi rédigée d'après les dernières Cartes gravées dans le pays. Elle efl en deux demi-feuilles y & elle fe trouve à Paris che% Lattre , Graveur. ]L E Royaume de Portugal eft borne par la Galice , au feptentrion j le Léon 3 les deux Caftilles Se l'Andaloufie à l'orient j tk l'Océan Atlantique au couchant tk au midi. Sa longueur contient environ 120 lieues. Sa largeur en a 25 ou 30 j & en quelques endroits 50. Il eft entre les 37 & 42 degrés de latitude fep-tentrionale. C'eft la "portion la plus occidentale du continent de l'Efpagne. Ce Royaume répond , pour la plus grande partie , à la Lufitanie , habitée dans les anciens temps par divers peuples, dont X 5 S Méthode de Géographie. on ne connoîc point l'origine- Les Cafta iginois ôc les Romains fe difputerent long-temps l'empire de fes Provinces, ainii que du refte de l'Efpagne, Ôc le polféde-rent fucceilivement. Au commencement di Ve ficelé de l'Ere chrétienne } les Peuples du nord étant entrés en Efpagnc, la Lufitanie devint le partage des Sueves ôc des Alains, qui y fondèrent un P^oyau-me , lequel fubfifta jufqu'à la fin du VIe fiécle , que Leuvigilde, Roi des Goths en Efpagne , le réunit à fes autres Etats. La Lufitanie fuivit toujours la deftinée des autres Provinces de l'Efpagne. Au commencement du VIIIe fiécle , elle paf-fa fous la domination des Maures. Ces Infidèles y établirent diftérens Gouverneurs , qui, après la mort du grand Al-manzor , fe rendirent indépendans , ôc s'érigèrent en petits fouverains. L'ému-lation ôc la différence d'intérêts les défu-nif, le luxe & la moîleffe achevèrent de les perdre. Alfonfe III, Roi de Léon ôc de Galice , reconquit une partie de la Lufitanie au commencement du Xe fiécle. Ferdinand I, Roi de Caftille ôc de Léon, y fit de plus grands progrès vers le milieu du XIe , pouffa fes conquêtes jufqu'à la gauche du Douro , ôc établit fa domi-nation aux environs de la ville de Portu' cale 3 fituée à l'embouchure de ce fleuve dans l'Océan, que fes prédéceffeurs avoient Le Portugal. i)? déjà foumife , 8c qui étoit capitale d un Comté de fon nom. Mais il étoit réfervé à Henri, Comte de Bourgogne , 8c iilii de Robert, Roi de France , de châtier entièrement les Infidèles de la Lufitanie , 8c d'y fonder le Royaume de Portugal. Ce Prince animé du même zélé qui forma en ces temps-là tant de croifades, étoit paifé en Efpagne dans le delfein d'y figna-ler fon courage contre les Infidèles. Al-fe-nfe VI, Roi cle Caftille 8c de Léon , lui confia le commandement de fes armées. On prétend que le Prince François défit les Maures en dix-fept batailles rangées. Le Roi de Caftille , pour attacher à fa fortune un fi grand Capitaine , lui dona en mariage en 1094 ou 1095 , une des PrincelTes fes filles , appellée Thérèfe , 8c fes propres conquêtes pour dot 8c pour récompenfe. Henri les étendit par de nouvelles victoires. U en forma une fouveraineté confidérable ôc fans être Roi, fans en avoir pris le titre, il jetta les fondemens du Royaume de Portugal, qui prit: fon nom du Comté de Portucale dont on a déjà parlé. Le Pr ince Alfonfe fuccéda en 1 ni j à fa valeur 8c à fes Etats. 11 les augmenta même par de nouvelles conquêtes. Ses folda'ts le proclamèrent Roi, en 11355 après une grande victoire qu'il avoit remportée contre les Maures j & les Etats gé- î6o Méthode de Géographie. néraux affemblés à Lamégo , lui conftr-merent cet augufte titre. Ses fuccelTeurs en ont joui jufqu'en 1580, que le Cardinal Henri étant mort, Philippe II , Roi d'Efpagne , plus à portée qu'aucun autre, de faire valoir fes prétentions fur cette Couronne , s'en rendit maître , après une guerre de deux ou trois années. Mais en 1640 il fe fit une révolution générale , en faveur de Jean Duc de Bra-gance , du fang des anciens Rois, 5c qui recevanr la Couronne , prit le nom de Jean IV. Sa poftérité y règne heureufe-ment aujourd'hui. Le Pape Benoît XIV , a accorde au Roi D. Jofeph , aujourd'hui régnant , le titre de Majejlé très-fidèle j pour lui ôc pour fes fucceffeurs. Les Ordres religieux & militaires établis en Portugal, font ceux d'Avis ôc de Chrifl. Le premier prend fon nom d'une petite ville de la Province d'Àlentéjo , qui en eft le chef-iieu. Il fut inftitué en 1 161 , Ôc fournis à l'Abbé de Citeaux. Les Chevaliers font habillés de blanc , ôc portent une Croix fleurdelifée , d'a-fur , furmonrée par deux oifeaux affrontés , par allufion au mot latin Avis , qui veut dire Oifeau. L'Ordre de Chtift fut fondé vers l'an 1318. Le chef-lieu eft à Thomar. Les Chevaliers font habillés de blanc , ôc portent une croix patriarcale en broderie de foie rouge , chargée Le V or tu pal. \6i d'une croix d'argent. Les Rois de Portugal ont infépariblement uni à leur Couronne les grandes maîtrifes de ces deux Ordres. L'air Se le terroir font en Portugal, à peu près les mêmes qu'en Efpagne j mais le pays eft mieux peuplé. Religion & Clergé. La feule Religion catholique y eft reçue. Il y a des Inquilîtions à Lisbonne,à Coim-hre Se à Evora. Trois Archevêques , à : Brague , Evora , Se à Lifbonne. Qui ont dix Evêques fuffragans. Le premier , qui eft Primat du Royaume , a ceux de : Porro s Vifeo > Guarda , Lamégo , Se Mirande. L'Archevêque & Evora , a les Evêques : d'Elvas, Se de Faro. L'Archevêque de Lisbone 3 a pour fuffragans les Evêques de : Coimbre 5 Leria , Se Portalegre. H y en a encore quelques autres j mais ils font hors tiu Royaume. Les Portugais ont les mêmes mœurs que les Efpagnols , à cela près , qu'ils font plus économes 6V: plus expérimentés fur mer Se dans le négoce. Ils font maîtres du Bréfil Se des Ifles Afores ou Ter- \6t Méthode de Géographie. ceres dans PAmérique , & de plufleutjl places en Afrique. Ils étoient fort puif-fans en A fie > avant que les Hollandois leur euftent enlevé une bonne partie de leurs conquêtes. Ils font les premiers qui ont fait connoître aux autres Nations le chemin des Indes Orientales. Le Royaume de Portugal a pour rivières principales le Tage , le Douro 3 le Minho Se la Guadiana. Sa divifion eft en Portugal &c en Algarve , fubdivifés de la manière qui fuit. ARTICLE PREMIER. LE PORTUGAL. I L fe divife en cinq Provinces. Ce font celles d'Entre - Douro 5c Minho , de Tra-los-Montes j de Beiraj d'Eftréma-dure 5c d'Alentéjo. I. VEntre-Douro & Minho. Cette Province , la plus feptentrionale 5c la mieux peuplée de toutes celles du Portugal , eft extrêmement fertile. Le terroir y eft fi bon 5c fi riche j l'air fi pur 5c fi fain , qu'il eft fort ordinaire d'y voir des hommes qui parvienent à une extrême vieillerie. Et quoique cette petite Province n'ait pas plus de 18 lieues Le Portugal. icT| de long fur 12 de large ; elle ne laiffe pas de renfermer jufques à 1460 Eglifes pa-roiflîales , outre une Eglife métropolitaine qui eft celle de Braga , Se une Epifcopale qui eft celle de Porto-, 130 Mai. fons religieufes de l'un Se de l'autre fexe , richement rentées , fix ports de Mer , 200 ponts de pierres , Se plus de cinq mille fontaines qui ne tariffent jamais. Cette Province comprend quatre Comar-ces. Ce font celles de Viana 3 de Ponte 3 de Lima de Guimaraens Se de Porto. I. La Comarce de Viana a Viana de Fos-de- Lima , ville affez grande avec un bon port, défendu par une citadelle régulièrement bâtie j Valenca de Minho 3 fortereife qui n'eft féparée de la ville de Tuy que par la rivière. Caminha à l'embouchure du Minho , ville forte en titre de Duché. Villa nova de Cervera fur une hauteur , eft affez bien fortifiée. Monçao > avec un château aifez bien fortifié. Barca 3 château au milieu du golfe de la rivière de Lima. IL Dans la Comarce de Ponte de Lima, font Ponte de Lima ^ à l'embouchure de la Lima, où eft un magnifique Palais avec un très-beau Pont fur cette rivière. Ponte de Barca _> eft un peu au-deffus, aufti bien ^xArco.s, fur la même rivière. 111. La Comarce de Guimaraens a Guimaraens j qui eft une ville grande Se ic?4 Méthode de Géographie. belle , avec un nalais où demetirofent les anciens Rois de Portugal j Brague ou Bfa* ga j fur le Caviado , dans un pays très-fertile j la ville eft très-ancienne 5c Archie-pifcopale , avec la Primarie du Royaume. Villa del Cor.de 3 ville médiocre fur la mer \ Amarante belle ville , 5c Barce-los j affez près de la mer , en titre de Duché. IV. La Comarce de Porto , a Porto , capitale 5c le (iége du Confeil fouverain de la Province. Cette ville firuée fur le Douro , qui à une lieue au-defïbus, fe perd dans l'Océan , eft afTez grande , bien peuplée , épifcopale 5c très-marchande à caufe de fon port , où l'on charge quantité de vins , qui s'enlèvent pour l'Angleterre Se la Hollande. On prétend néanmoins que les vins de Porto , fur-tout les rouges, font chargés d'un tartre grof-fier , qui eft dangereux pour la fanté. C'eft l'obfervation des Médecins Anglois. Tous ces avantages la font palier avec raifon pour la meilleure ville de Portugal après Lifbonne. Outre un Arcenal 5c des chantiers, où l'on équipe 6k: où l'on bâtit des vaifteaux , on y trouve aufti des Académies pour les exercices de la jeune noblefle. D'ailleurs la ville n'a pour dé-fenfes qu'un fort à quatre baftions j le refte eft une muraille antique avec des tours. Zurara j fur la mer près de villa Le Portugal. ici*5 del Conde ; Albu^alena 3 au-delTus de Porto , fur le Douro Villa nova , près du Dourc. Villa da Feira 3 efl dans les terres au fud de Porto. Cabecas , Ari-fana ôc Over y font au-delà du Douro , aux environs de Villa da Feira. 11. Province de Tralos Montes. Elle eft au levant de l'Entre Douro ÔC Minho , ôc contient aufti quatre Co/Tzarc^ celles de V'dla-iléal, de Torre de Moncorvo ; de Mirande ôc de Pinhel. I. La Comarce de Villa-Réal a Villa* Real3 en titre de Duché, quatre lieues au nord du Douro. Monte-sîlegre Ar~ cos ôc Chaves , petite ville ancienne ôc bien fortifié. II. Dans la Comarce de Moncorvo , font Torre de Moncorvo fur la rivière de Sabor , à quelque diftance du Douro ; ÔC Mirandela 9 vers le milieu de cette Comarce. III. La Comarce de Mirande a Mirande 3 ville Epifcopale fur le Douro , aulieu que Bragancc Duché , poftedé jadis par une branche de la Maifon royale, d'où viennent les Rois de Portugal aujourd'hui regnans , eft vers le nord de cette Comarce. Elle a deux villes , la vieille ôc la nouvelle Bragance. Quinta-nal &c Graçiofa 3 fur le Douro. Vimiofa \GG Mtthode de Géographie. fur une montagne , au fud de Bragance. IV. Dans la Comarce de Pinhel , fî-tuée au fud du Douro , font Pinhel ÔC Çajlel-Rodrigo 3 fur deux montagnes. La dernière qui a titre de Marquifat , eft ornée d'un fort beau Palais. Almeida y petite place allez forte, au fud des deux premières. On y a établi en 1733 , une Académie pour les exercices de la no-blefte. III. Province de Beira. Cette Province eft grande , riche ôc fertile. Elle renferme fix Comarces 3 qui font celles de Lamé go 3 de Vijeo 3 d A-veiro j de Coimbre de Guarda 3 ôc de Caftel-Blanco. I. La Comarce de Lamégo a Lamé go y ville Epifcopale , à une lieue du Douro. Elle eft ancienne ; & ce fut en cette ville qu'Alfonfe I , Roi de Portugal , fit affem-bler en 1 143 , les Etats du pays , pour drelfer les Loix fondamentales du Royaume. Tavora Se San-Joan de Pefqueira fur le Douro, a. l'eft de Lamégo; au lieu que Barcosj Cajlro d'Arco ôc Sendim font au fud. II. La Comarce de Vifeo a Vifeo , ville Epifcopale , fituée au fud de Lamégo , dans une plaine agréable , remplie de beaux jardins. Trancofo 3 à l'eft de la Le Portugal. 167 Comarce \ San-Pedro do Sal 3 fur la Voima , au nord-oueft de Vifeo \ Copocs > au nord. 111. Dans la Comarce d'Avelro , eft Aveiro } en tirre de Duché, Se renommée pour fon bon fel. Cette ville eft fur la mer , où elle a un petit port. Elle a reçu d'Alfonfe lII un privilège (ingulier , qui eft , qu'il n'eft permis à aucun étranger , pas même des Portugais , d'y paffer la nuit fans la permiflion du magiftrar. Elle a un Couvent de filles nobles Se def-cendues de vieux Chrétiens : titre honorable dans les Royaumes d'Efpagne Se de Portugal. Oliveira eft au nord d'Aveiro j mais Agueda } Lagos Se Torres , font au fud , allez près des falines. IV. La Comarce de Coimbre a Coim-bre j ville affez grande fur le Mondégo, avec un Evêché, une Inquifition Se "une Univerfïté très-célébre , fondée en 1290. On y trouve un très-beau Collège Se un très-bel Aqueduc , bâti par le Roi Don Sébaftien. Les autres places , font Mon-temor3 dans une ifte du Mondégo , au-deffous de Coimbre \ Figucro , fur la mer ; vis-à vis de cette place eft Lille de ■Sainte Marguerite ; Caftillejo au-deffus de Coimbre ; Miranda 3 Penela Se Pom-bal3 font au fud , Se Soute eft à l'oueft* niais au delà du Mondégo. V. La Comarce de Guarda a la Guar- 1.68 Méthode de Géographie*. da3 ville ôc Evêché. La ville qui efc dans les terres au pied des montagnes j fut bâtie en i 199. Elle eft affez forte. Bar-dos j Conilham , San - Vincente , Pcnna Moçor ôc Sabugal j font de la même Comarce. VI. La Comarce de Caftel-Blanco a Cajlel-Blanco j en titre de Marquifat, fur une montagne } Monte-Santo , vers ies frontières d'Efpagne Idanha Velha j où il y avoir autrefois un Evêché j ôc Idanha Nova. Mont Fortïnho j Zebredo3 Sal-vaterra j Segura &C Pegna de Garcia j touchent à l'Efpagne. IV. Province d'Ejiremadure. Cette Province féparée depuis longtemps de l'Eftremadure Efpagnoie , eft la plus confidérable du Royaume, & en eft comme le centre ôc l'ame , à caufe de la capitale. Elle contient fix Comarces 3 qui font celles de Tomar 3 de Santaren de Lelrla , à'A langue r , de Lisbonne Ôc de-Sétuval. I. La Comarce de Tomar a Tomar3gtos bourg ou petite ville au pied des montagnes. Au-deftus eft un Château fur la montagne , qui appartenoit autrefois aux Templiers , ôc qui depuis eft venu à l'ordre de Ch.tiftjcette Maifon eft l'une des plus grandes 6V des plus riches qu'ils ayent. On y voit douze cloîtres d'une fort belle architecture Le Portugal. i jtecture. Elle eft enrichie d'une Bibliothèque. Les environs font pleins de forêts plantées d'oliviers. Au nord de Tomar eft 'Figueiro dos Vinhos. Perdigaon 3 lieu très-agréable ; Tancos „ fur le Tage , au fud de Tomar. II. La Comarce de Santaren , a San-taren j dont le territoire fournit quantité d'huile. Cette ville , qui eft peu éloignée du Tage , eft dans une très belle iîtuation. Almtrin > bourg ôc château royal , qui fert pour la ohafte , aufti-bien que Salva-tefra : tous deux font au fud du Tage. III. Dans la Comarce de Leiria eft" Lciria j ville ôc Evêché , fondé l'an 1545. Elle eft au nord de Santaren , dans un terrein agréable , ôc défendue par une citadelle allez bien fortifiée. Orcm j Aljujirel ôc Aljitbarotta. IV. La Comarce d'Alanguer , où eft Alanguer 9 entre Santaren Ôc Lifbonne, n'a rien de remarquable , finott qu'elle fert de douaire aux Reines. Papas eft fur le Tage , ôc aux environs il croît beaucoup d'oranges. Cintra ou Syntra > à l'oueft de Lifbonne , a un château où Aîphonfe VI, Roi détrôné, mourut en 1683. V. La Comarce de Lifbonne, a Lifbonne j capitale du Royaume , Ôc la rcfi-dence des Rois de Portugal. Cette ville , nommée autrefois Olyfippo > puis Felich tas Juliajeft grande, bien peuplée, tres- Tomc VL H Ijo Méthode de Géographie. riche, Se l'une des plus marchandes de l'Europe'. Elle eft fituée â 3 8 dégrés 40 minutes de latitude feptentiïonale , fur la, rive feptentrionale du Tage , qui , quatre lieues au-deftous , fe perd dans l'Océan. Son porc , un des plus vaftes tk des plus furs de 1 Univers , a la heure d'un demi-cercle , tk forme une efpece de baye. Lifbonne a un Archevêché, une Inquifi-tion & le premier Parlement du Royaume. Il ne faut pas regarder Lifbonne fîm-.plement comme la capitale du Royaume : elle doit être confédérée comme le centre du commerce de toute la nation tk ce commerce eft très étendu , tk la met en correfpondance avec tous les Peuples de l'Europe. Les François, les Anglois Se les Hollandois y ont des Confuls ; Se beaucoup de familles de ces trois nations s'y font établies. On y voit d'ailleurs des gens de toute couleur \ de blancs , de noirs, d'olivâtres Se de bafanés , parce qu'il y a un grand nombre d'efclaves Africains, qui fe vendent publiquement dans les marchés, dont on fe fert pour domefti-ques , Se qui par leurs alliances forment diverfes nuances dans la couleur des habitans. Le port, qui a près de cinq lieues, eft très-commode Se très-fûr ; il n'a pas moins de 60 toifes de profondeur j mais l'entrée Le Portugal. ï /1 en eft difficile , à caufe des bancs de fable 'Ôc des rochers qui s'y trouvent ; en ré-compenfe les vaiffeaux y font à l'abri des vents dangereux , a la faveur des collines fur lesquelles la ville eft fituée , & par les bords du Tage , qui font fort élevés. Les vaiffeaux y mouillent avantageufe-ment entre la ville ôc le château ÏÏAlma-da j fur un très-bon fond. La rivière que les Portugais, qui font nobles dans leurs expreflîons , appellent le P Arronches j font deux fortes places fur les frontières d'Efpagne. II. La Comarce d'Elvas , a Elvas 3 ▼iile épifcopale , & renommée pour fes bonnes huiles, bâtie fur une colline. C'eft l'une des meilleures villes & des mieux fortifiées du Portugal : elle eft contigue aux fron-tiercs d'Efragne. Ûugaélà au nord d'Elvas. Santa-i.ucia auprès d'Elvas. Xert-, menha} fur la Guadiana; Qllvença j qui eft peu éloignée de la rive méridionale de la Guadiana, Le Portugal. Î77 III. La Comarce dÉftremos, a EJlre-tros j place fur une colline , & qui eft très-bien fortifiée , & Avis , qui donne fon nom à un ordre de Chevaliers établis l'an 1147.. Evoramomc j près d'Eftremos, eft un petit château fut une montagne ; VUlavicïofa , où les troupes alliées lurent batues par l'année de Philippe V , Roi d'Efpagne, le 10 Décembre 1710. IV. La Comarce d'Evora, a Evora _> ville archiépifcopale , avec une Univerfïté & une Inquifition. L'an 1663 les Portugais remportèrent en fon voifinagc une célèbre victoire fur les Efpagnols , par la valeur tk la prudence du Maréchal de Schomberg. Alcaçir do Sal 3 fur la rivière de Zadaon , en tirant vers Setubal. Mouraon > fur la rive orientale de la Guadiana. V. La Comarce de Beja, a Beja> ville ancienne , & dans une belle (îtuation. Ou-rique j où il y eut en 1139 une fameufe bataille , qui donna lieu à la proclamation du premier Roi de Portugal. C'étoit Alphonle 1 du nom , qui défit en cet endroit cinq Rois Maures. Moura ècSerpa, petites villes fort anciennes fur la Guadiana. Sant-Iago de Cacem tk Sines j fur la mer ; mais Mendia eft fur la Guadiana. Ecrreyra 3 en titre de Marquifat. H Y Ï7S Méthode: de Géographie, ARTICLE IL U A L G A R V E. JL/Algarve , quoique petite , ne laiffb pas d'avoir titre de Royaume , qui fut uni à la Couronne par le mariage d'Alphonfe 111 avec Béatrix de Caftille. Les Portugais avoienr conquis ce pays avec l'aide des Caftillans, depuis 1132 jufqu'en 1151. Il fut entièrement cédé au Roi de Portugal en 1 265 Se 1264. Son nom en langue morefque veut dire Campagne fertile : la terre y produit des figues , des amandes des olives Se des raifins, dont on fait des vins fecs fort eftimés. Sa divifion eft en Comarce de Tavira 3 vers l'orient, Se en Comarce de La go s 3 vers l'occident. I. La Comarce de Tavira , a Tavira 3 ville capitale , au fud de l'Algarve, avec un port. Faro 3 ville épifcopale , Se la meilleure de ce petit Royaume j à l'oueft de Tavira , a aufti un bon port affez fréquenté , Se où fe fait prefque tout le commerce du pays. Alcoutin dans une ifle formée par la Guadiana. Cajlro Marin 3 fur la mer, entre Tavira Se la Guadiana. Os Almarges 3 Se les petites IJles dos Caes, le Portugal II. La Comarce de Lagos, a Lagos3 petite ville avec un bon port. Sylves 3 autrefois ville Se Evêché 3 n'eft plus qu'un mifétable bourg , dont le liège épifcopal fut transféré à Faro en 1590. Sagres Monchieque 3 Saint - Vincent 3 bourg , qui donne fon nom à un des plus fameux Caps de l'Europe. Villa - Nova 3 fur la mer , aulîi-bien qu'Albuj'cira ; mais Alte eft au nord de Silves, vers les montagnes. Le Roi de Portugal pofTede en Amérique Je Bréjil j> qui eft un grand Se riche pays ; Se fon fils aîné porte le titre-de Prince de Bréfil. Il a plufieurs villes Se etablilfemens confidérables en Afrique , principalement dans le Congo 3 Se fur la côte de Zangusbar. Il y eft aufti maître des IJles du Cap Verd Se de plufieurs autres , ainfi que des Açores qui font entre l'Europe Se l'Amérique. Enfin il pofTede en Afie plufieurs villes dont la principale eft Goa j Se les Portugais font un grand, commerce dans les Indes. Nous parlerons de tout cela dans la fuite. C'eft ainfi que le Royaume de Portugal, qui eft affez petit , confidéré feul, doit être regardé comme riche Se puilfant. H vj iSo Méthode de Géographie. CHAPITRE XV-LA SAVOYE. Cartes. Les Cartes les plus exactes de la Savoye , font celles de Guillaume S anson en deux ou fix Jeuilles , qui fe trouvent che% le Sieur Jaillot : cette dernière fur-tout eft très-détailléc. On peut faire ufa-ge de la Savoye du Pere placide 3 Augufiin j en une jcuill&3 ou de celle du Sieur No lin. 1_jA Savoye eft un des principaux Duchés de l'Europe. Ses Ducs font défignés depuis 1720, fous le nom de Rois de Sardaigne, iile d Italie. Ils pofledent encore en Italie des Etats plus conlîdérables , & où ils rendent. Ils ont commencé à paroître dans le XIe fiécle , ôc leur origine n'eft pas connue , quoique divers Auteurs fe forent épuifés en conjectures. On les fait communément venir de l'ancienne Maifon de Saxe ; mais on n'en a point de preuve certaine. Ces Princes fe font qualifiés Rois de Cypre ( ifle aujourd'hui aux Turcs ) parce que Louis de Savoye } mort en - La Savoye. i8 î 1481 , époufa la fille unique de Jean , Roi de Cypre. La Savoye étoit d'abord un Comté, qui fut érigé en Duché , par l'Empereur Sigif-mond 5 en 145 6. Elle eft lituée entre les 27 & 20 dégrés de longitude , Se entre les 44 & 47 de latitude feptentrionale. Sa longueur du nord au fud , eft d'environ trente lieues \ Se fa largeur d'orient en occident, en a prés de vingt ïix. Ses bornes font au nord , la France Se les Suifles, à l'orient les Su ifles Se le Piémont ; au midi s ie Dauphiné ; à l'occident, le Rhône , qui la fépare du Duché de Bourgogne. L'air eft froid en Savoye, à caufe du grand nombre de montagnes, prefque toujours couvertes de neige ; ce qui fait aufti que la plupart des habitans font fujets au goitre,, $c que le terroir eft peu fertile. Ses principales rivières* font Y Isère Se ï'Arc j qui y prennent leur fource. 11 y a auffi les lacs d'Anneci Se du Bourget. Il y a en Savoye un Archevêché & deux Evêchés. L'Archevêché eft Mouf-tiers en Taranraife : fes fuffragans font, S ion j dans le Valais, en Suifte j Se Aojle dans le Piémont , en Italie. Les deux Evêchés de Savoye , font, Genève y dont l'Evêque réfide à A?meci 3 Se S. Jean de ■Vaurienne ; ils font fuffragans de Vienne en Dauphiné, Il finit encore obferver qu'un Eveché de France s'étend dans la Savoye, ïSi Méthode de Géographie. puifque Chamberri fa capitale , eft dit Diocèfe de Grenoble : aufli cet Evêché répond au territoire des anciens Allô-broges 3 par le nom defquels on déligne communémenr les Savoyards en latin. La Savoye, que quelques-uns mettent mal-à-propos en Italie, & où Ton parle françois , croit autrefois de la Gaule. Il fe divife en iix pays ; trois vers le fep-tentrion ; ôc autant vers le midi. Les premiers , font, le Duché de Genevois j le Duché de Chahlais j ÔC la Ba-ronie de FoJJigni ou FauJJigni. Les autres font le Duché de Savoye propre > ôc les Comtés de Taraintaife ôc çje Maurienne. I. Le Genevois. Le Genevois eft entre le Bugei François , le pays de Gêk, le Faulligny , la Savoye particulière ôc le Rhône. 11 a environ quinze lieues d'étendue. Ce pays a été polfedé par des feigneurs particuliers , qui portoient le titre de Comtes , ôc qui étoient vaflaux de ceux de Savoye. Le Pape ou Antipape Clément VII, en 137S , fut le dernier de leur maifon. Après fa mort , fes fœurs , dont l'aîné étoit mariée au Sire de Villars, ôc l'autre au Prince d'Orange , prétendirent lut fuccéder ; mais l'Empereur Sigifmond l'adjugea à Amé VIII, Duc de Savoye , La Savoye. i S 5 Se lui céda tous les droits que l'Empire pouvoit avoir fur ce Comté, Amé s'accommoda aufti avec la maifon de Villars pour fes prétentions ; Se après qu'il en fut paiflble pou^lleur, il le donna en apanage à fon fils Amé , qui ne laiffa point d'enfans. Janus , fils de Louis Duc de Savoye , mourut aulîi fans poftérité. Philippe fils puîné de Philippe Duc de Savoye , &c de Broffe de Bretagne , l'eut enfuite pour fon apanage , avec les Baro-nies de Foucigni Se de Beaufort ; il mourut à Marfeille , où il avoit fuivi François I, le 15 Novembre 1533. Le Genevois paffa à fon fils Jacques Duc de Genevois & de Nemours, qui laifta Charles Emmanuel Duc de Nemours , célèbre dans les guerres de la Ligue , Se mort en 1595 , fans avoir été marié. Le Genevois eft divifé en onze Mari* démens , qui font ceux de Anneci, Château-Vieux j Albie y la Baume y C 1er mont y Chaumont y Croifîllie\ y Mornet y la Roche j Thomes Se Beaufort j qui tirent leur nom de leurs chef-lieux. Anneciy fa ville principale , eft fituée fur un lac de même nom , qui fe communique dans la ville par des canaux. Elle étoit autrefois plus grande Se mieux peuplée ; mais depuis l'incendie de l'an J448 , elle eft fort déchue de fa grandeur , Se du nombre de fes habitans. 184 Méthode de Géographie. Elle eft ornée d'un château , qui eft âflélB bon . Depuis 15 3 5 > elle fert de réfidence à l'Evcque de Genève. Cette ville eft affez agréable &e bien bâtie. On y va prefque par-tout à couvert fous des portiques ou galeries. Elle a plufieurs Eglifes, dont celle de la Vifitation qui eft belle , con-ferve le corps de S. François de Sales. Les Chanoines de la Cathédrale font l'office dans l'éflife des Cordeliers, où les Religieux le font aufti à leur tour. Les bourgs les plus remarquables du Genevois , font, Taloire 3 Pommiers Château de Salanove 3 Mornex j Sapay 3 Montée-S. Martin Dingie , Menton > Fort de Sainte Catherine 3 fur le lac , Entre-mont tk Eaverges _> l'un à l'eft & l'autre au fud. Du Genevois dépendoit ci-devant un .petit diftrict au-delà du Rhône , nommé le Val de Chef cri, que le Duc de Savoye s'étoit refervé, lorfqu'il céda la Brefle tk ie pays de Gex à la France , en 1601 ; mais le Roi de Sardaigne la échangé en îy6o , contre divers petits lieux , tels que Aire la ville 3 Sciffel l'oriental&Cc. que la France poffédoit au midi tk à l'orient du Rhône. Ce fleuve fait aujourd'hui , par le milieu de fon cours* la borne des deux Etats. La Savoye. 185 II. Le Chablais. Ce pays confine avec le lac de Genève , le Valais , le Faufligni Se le Genevois. LvEmpet£trr Conrad le Salique le donna à Hnmbért aux blanches mains 5 & l'Empereur Frédéric II l'érigea en Duché , l'an 12.38. L s'étendoit autrefois jufqu'à S. Maurice ; mais les Valaifiens s'emparèrent de cette contrée en 1536» dans le temps.que ceux de Berne Se de Fribourg firent la guerre à Charles III , Duc de Savoye. 11 furent condamnés à la reftituer par arrêt de la Chambre Impériale , Se Charie-Quint leur envoya un héraut , pour les fommer de le faire ; mais ils fe mocquerent des menaces de l'Empereur _> & par le traité du 4 Août 1569, ils relâchèrent feulement tout ce qui efi: au deçà de la rivière de Morges jufqu'à celle de Dranfe j les Bernois ayant déjà rendu , en exécution du traité de Laufane , du 30 Octobre 1564., tout ce qu'ils potTedoient dans les bailliages de Tonnonj àt'Ternier Se de Gaillard. Cette Province a neuf à dix lieues de longueur, Se trois à quatre de largeur. Elle confiée en cinq Bailliages , qui font ceux de Tonnon ^ Evian , Aups > Ter nier Se Gaillard. Le lieu principal eft Tonnon > fur le Lac de Genève j le féjour en eft fort agtéable , Se c'eft un grand palfage. Les i8 Mon:-joye y Chammunï \ Châtillon 3 Samoven 3 Tanninge j BonneviUe 3 FauJJigni , Thie & Bonne. On le divife ordinairement en I8S Méthode de Géographie. haut Se bas. Bonntv'dle dans ce dernier * en eft la capitale , près de l'Arve, & défendue par un Château j c'eft le iiége du Juge-Mage de ce pays. Il y a encore dans le bas Faufligni , PaJJi, qui eft un gros Bourg renommé ^>ar fes vins, S.Joire chef d'une Barome , V'ieu3 Bocge Se Cha-mexi. On trouve dans le haut , Salan-ches petite ville dans un fond , couverte d'un côté par une haute montage , Se arrofée de l'autre par l'Arve j Clufe 3 fur l'Arve , Se Tanningt : Fauffigni eft un château qui a donné fon nom au pays : Bonne eft au nord de cette Baronie. 1V. La Savoye propre. La Savoye particulière eft entre le Genevois , la Tarentaife , la Maurienne , le Dauphiné Se le Btigey. Elle eft partagée en neuf Mandemens , qui font ceux de Chamherri 3 Montmelian 3 Kumillij Ày-guebelle 3 Confians Aix 3 Beauges 3 Pont-Jieauvoifin Se les Echelles. La capitale eft Chamherri 3 dans une plaine agréable Se arrofée des rivières de Laife Se d'Albans. Son Château eft fur la colline , bâti à l'antique Se fins fortifications. Thomas 3 Comte de Savoye , le fit conftruire après que Berlion lui eut cédé tous fes droits fur Chamherri. Cette ville eft riche , fort peuplée Se bien bâtie : Ton y va prefque ■ La Savoye. 189 par-tout à couvert fous des galeries formées par des portiques. Elle eft le fiége du Sénat Royal , ou Parlement de toute la Savoye , Se dépend pour le fpirituel de rEvéché de Grenoble. Montmelian fur rifere , étoit défendue autrefois par une bonne citadelle > bâtie fur le penchant d'une montagne efcarpée \ fes fortifications confiftoient en cinq baftions revêtus. Cette ville eft célèbre par les deux batailles qu'Ame 11 l & Humbert III, Comtes de Savoye, y gagnèrent fur Gui VI & Gui VII , Dauphins de Viennois. Le Connétable de Lefdiguieres la prit le 9 Novembre 1600 , & le Maréchal de Catinat le 11 Décembre 1691. Cette forte place fut démantelée en 1706. On a voulu en rétablir les fortifications \ mais on n'a pu en faire une bonne place. Miolansy que quelques-uns ont pris pour l'ancienne Medulum 9 a un château bâti fur la pointe d'un rocher , Rumllli fur le Serran , eft aux confins du Genevois. Alx j appellée anciennement Aqiu Gra-tlariA 9 eft chef d'un Marquifat , Se connue par fes bains, qui font l'ouvrage des Romains, Se que l'Empereur Gratien fit rétablir, Les Echelles font ainfi nommées d'un grand chemin taillé dans 1$ roc 5 que quelques - uns croient être celui qu'Annibal fit ouvrir en palfant en Ita- ïpo Méthode de Géographie. lie. Le Duc Emmanuel 11 l'a fait con-îidérablement augmenter en 1670 ; ôc on y a mis une belle infcription , dont l'Abbé de S. Réal eft auteur. L'Abbaye de Hautecombe eft fur le lac de Bourget, au pied du mont du Chat j c'eft dans cette Abbaye que font les maufolées des anciens. Comtes de Savoye. Elle eft de l'ordre de Citeaux , ôc fut fondée l'an 1125 , par Amé IVj Comte de Savoye , à la prière de S. Bernard. Les Papes Cé-leftin IV Ôc Nicolas III, y font inhumés. Aiguebelte 3 Bourg au pied des Alpes , entre Chamberri ôc Mouff&r. Le Bourget y fur un lac qui porte fon nom. Afpremonty qu'on a fortifié en 1742: ce qui n'en a pas empêché la prife par les François ôc les Efpagnols. La partie du Bugey qui eft demeurée au Duc de Savoye par le Traité de Lyon , en 1601 , eft auili de la Savoye propre. Elle comprend feulement ce qui eft à l'orient du Rhône , où font les Mandemens de S. Genis s Entremonts s Yenne ôc Loif fei. Elle a huit lieues de long ôc deux de large , depuis le mont du Chat jufqu'au Rhône. Yenne y eft une petite ville entourée de murailles ; Loifei y eft un gros Bourg, chef de Baronie , de même que Château-fort y S. Genis y Ôc le faux-bourg du Pont - Beauvoijin j Bourg de La Savoye. i Comte de Savoye , appelle par Heraclius Archevêque de Tarentaife , conquit ce Pays 6V: l'unit à fon domaine. La Tarentaife s'étend depuis le village de S. Germain , qui eft au pied de la montagne du petit S. Bernard , jufqu'au mont Sapay ôc à Rognez. Cette étendue eft d'environ douze lieues ; on y comprend les vallées de Tigncs &€ d'Ilere, Il y a plufieurs Bourgs bien peuplés 3 & un grand nombre de villages. Moufâers ou Monfùers en eft la capitale -, elle eft fituée dans une plaine allez étroite dans le fond de la vallée. Quoique petite j elle eft a fiez bien peuplée ; l'Ifere la coupe en deux parties , Ôc y reçoit un peu au-delfous la petite rivière de Doren. Les avenues de cette ville font extrêmement difficiles ; ôc Ton n'y arrive que par des défilés bordés de torrens ôc précipices. Elle eft le fiége d'un Ar> lyi Méthode de Géographie. chevêque , qui a pour iuffragans les Evêques à'Aoufie en Italie, Se de Sitten ou Sion dans le Valais. Il y a encore dans cette Province le Bourg de S. Maurice 3 Efme s Bonneval 3 S. Martin 3 Fourneaux 3 Se le Fort de Briançonnet. Col de Grïfan-ce Se le Petit S. Bernard, font des paf-fages dans les montagnes. O CJ VI. Le Comté de Maurienne. La Maurienne s'étend depuis les Alpes jufques à l'Ifere entre la Tarentaife au feptentrion , Se le Daupbiné au midi. C'eft une vallée de 18 lieues de long 3 qui commence à Chamoux, un peu au-deffus du confluent de l'Arche Se de l'Ifere , Se qui finit au pied du Mont Cents. Le pays eft extrêmement difficile , étant rempli d'une infinité de rochers ; mais il eft cependant fertile en faffran, Se a de bons pâturages. Il contient environ cent Paroifles. C'eft une partie du premier domaine de la Maifon de Savoye , pulfque Humbert aux blanches mains avoit pour fon patrimoine les Comtés de Savoye Se de Maurienne , avec le Chablais Se ie Valais. S. Jean de Maurienne j vers le milieu de la vallée > eft la feule ville de cette Province : elle eft .dans une petite plaine fur les bords de l'Arche, toute ouverte Se affez bien peu- La Savoye. 191 vèché de Vienne. On trouve encore dans ce pays , Lannebourg 3 au pied du Mont-Cenis, Termignon j Saint-André j Saint-Michel j la Chambre j chef d'un Marqui-fat, Argentier e, renommée par fes forges , Ayguebelle Modane &C le Fort de Charbonnières j fur les frontières du Duché de Savoye , dans lequel quelques Cartes mettent Ayguebelle & Charboniere. Tous ces lieux font fur ou près la rivière d'Arche , aufli-bien que Bonnevalvers fa fource , qu'il ne faut pas confondre dre avec la Bonneval de Tarentaife. Le Duc de Savoye , aujourd'hui Roi de Sardaigne , poffede encore d'autres Etats en Italie , que nous allons expliquer. Le fils aîné de ce Prince porte aujourd'hui le titre de Duc de Savoye. Tome VL 194 Méthode de Géographie^ CHAPITRE XVL U I T A L I E, Cartes. Nous avons plufieurs bonnes Cartes d'Italie, le ne parle point de celles qui font en une feuille 3 parce que le volume en efl trop petit pour le grand nombre d'Etats & de Principautés différentes 3 qu'elle contient j & dont le détail efl néceffaire. Celles de M. Guillaume san* SON 3 en deux » en quatre j ou en fix feuilles ont été long-temps regardées comme les meilleures j mais aujourd'hui il faut prendre celle que M. d'Jnville a donnée en i/4Sj en deux feuilles. Nous marquerons les Cartes particulières de chaque Etat. L'Italie, l'une des plus grandes, des plus belles 5c des plus confidérables régions de 1 Europe , eft fituée entre les 14 &c 3 6 degrés de longitude , & entre les $6 êc 45 de latitude fèptentrionale. Sa plus grande longueur, qui eft du nord-oueft au fud, depuis le Piémont jufqu'à l'extrémité du Royaume de Naples, cpn- L'Italie. 19 $ tient près de 180 lieues ; mais fa largeur eft beaucoup moindre, Se fort irréguliere. L'Italie a pour bornes au feptentrion , la Suifte Se l'Allemagne j à l'orient, la Turquie en Europe , dont elle eft féparée par le Golfe de Venife ; au midi , la Mer Méditerranée j à l'occident > la France Se la Savoye , dont elle eft féparée par les Alpes -y de forte qu'elle eft une grande Prefqu'ifle , qui a prefque la figure d'une botte. Qualité. Rivières. Lacs. Montagnes. L'air de l'Italie eft en général alfez fain, quoiqu'en quelques endroits vers le midi , il foit extrêmement chaud. Le terroir y eft alfez fertile, principalement en iruits de toutes fortes , qui font très-excellens. 11 y vient aufti en quelques endroits du ris , beaucoup de bled, Se quantité d'huile. Il y a enfin de très-bon vin , Se beaucoup de mûriers , dont les feuilles nou-riftent quantité de vers à foyej Se c'eft un des meilleurs revenus de toute cette région. Ses principales rivières font le Pô , VAdde y ÏAdige 3 YAmo Se le Tibre. Entre fes lacs , on remarque ceux de Corne , de Guarda, 6V: celui qu'on appelle Majeur. Ses montagnes font les Alpes 6V: l'Apennin. Les Alpes la féparent de la France , de la Savoye , de la Suifle Se de l'AUema- \c)6 Méthode de Géographie. gne. U Apennin la traverfe du nord-oueiï au fud eft. II fe trouve .encore en Italie quelques autres montagnes moins conft-dérables. 11 y a aufti deux fameux Volcans , le Gibet ou Etna dans la Sicile , Se le Véfnve ou Somma 3 près de Naples. Gouvernement. Langue. Mœurs. L'Italie eft partagée entre plufieurs Souverains , dont les principaux font le Pape, la Maifon d'Autriche , le Roi de Sardai-gne , ci devant connu fous le nom de Duc de Savoye , la République de Venife j le Grand Duc de Tofcane , Se le Roi des deux Siciles. Les Ducs de Parme c\: de Modène } Se les Républiques'de Gènes Se de Luques viennent enfuire. La Langue Italienne eft un idiome altéré du latin , langue qui étoit encore en ufage en Italie il y a cinq cens ans, quoiqu'elle y Kit déjà bien corrompue. L'Italien eft fort agréable; mais il fied plus aux femmes , qu'aux hommes. Les peuples d'Italie ont communément la taille médiocre , le vifage maigre 8c le tein bazané. Ils font fpirituels , pru-dens j politiques , propres aux arts , aux feienecs Se aux affaires. On prétend qu'ils font diilimuîés ; mais en eux c'eft plutôt prudence Se politique que diftimulation. Les titres pompeux leur plaifent extrêmement , Se il n'y a point de pays où l'on L'Italie. 197 trouve plus de petits Princes 6V: de Comtes qu'en Italie. Les Italiens font , dit-on ? paÛtpnés Se jaloux. L'oifiveté les rend vicieux 6V: plus propres aux intrigues , qu'à la pro-fellion des armes ; cependant ils y réufli-roient aufti bien que les autres Nations ; il fuftiroit, pour le prouver, de dire qu'ils font les defcendans des Romains. On fait d'ailleurs qu'ils ont eu aulli de très grands Capitaines fur mer Se fur terre : témoins André Doria , le Marquis de Spinola , le Duc Alexandre de Parme , 6V: le Comte de Montecuculli. Ils excellent dans l'architecture , la failpture 6V: la peinture ; 6V: pour le dire en deux mots , ce font des anges dans le bien , Se des démons dans le mal. Les femmes y font agréables , fpirituelles, & l'on dit même très-portées al amour; mais on les garde avec une vigilance aufti grande s pour le moins 3 qu'en Efpagne 6V: en Portugal. C'eft ce qui quelquefois leur donne beaucoup plus de penchant pour les étrangers , que pour ceux de leur nation. Révolutions. Il n'y a guères de pays en Europe , qui an: été fujet à plus de révolutions. Sans parler ici des Oenotriens , Atifoniens » Troyens 6c Romains ; on fait que dans la décadence de l'Empire Romain , les 1 iij 198 Méthode de Géographie, Hérules , les Goths, ou Oftrogoths , les Lombards &c les François s'en rendirent maîtres fucceflivement. Les Sarafîns en occupèrent une partie : les Ducs de Spo-lete & de Bénevent y firent beaucoup de ravages , aulli bien que les Marquis de Tofcane. Charlemagne détruiiit le Royaume des Lombards , & forma un nouveau Royaume d'Italie , dont fa Maifon a joui pendant quelque temps. Les Empereurs d'Allemagne le pofféderent long-temps ; mais ce ne fut pas fans beaucoup de troubles. Enfin il s'y forma un grand nombre d'Etats particuliers j dont quelques-uns fu b lifte ne encore à préfent, &c les autres ont efTivyé beaucoup de révolutions, que nous expliquerons en parlant de ces diffé-xens Etats. Religion. Archevêchés. Evechés. Universités. La Religion Catholique eft exactement obfervée en Italie, 5c il y a des Inquisiteurs établis pour empêcher qu'elle n'y reçoive aucune atteinte. On y trouve néanmoins des Juifs en quelques endroits, & quelques hérétiques Vaudois dans un petit coin du Piémont. L'Italie eft le pays de l'Europe , où il y a plus d'Evêchés. Le feul Royaume de Naples en contient plus qu'il n'y en a en France. Les Atehevêchés qu'on y trouve, font ceux de 3-4- 5- 6. 7-8. 9 10. 11. il. 1 3-M- 1 S-i£. !7« 18. 19. 10. 11. Rome. Pile. Florence. Sienne. Ferme. Urbin. Ravenne. Bologne. Ferrare. Gènes. Turin. Milan. Aquilée. Venite. Naples. Capouc. Salerne. Amalfi. Sorrenco. Conza. Acerenza. L'Italie. ii. 23-14. 15. 16. *7- 18. 19. 30. 3l-32. 33-3 4- 35-3*. 3 7-3S. 39. 40. 41 Tarente. Brindes. Otrante. Bari. Trani. Nazareth à Bar-lette. Manfredonia. Lanciano. Chiéti. Bénevent. Rotfano. Coienza. Séverine. Rhegio. Païenne. MefFine. Montréal. Cagliari. Oriftagni. Salfari. dont Ces quarante-une Métropoles quelques-unes font fans fuffragans, contiennent fous elles envion 18 < Evèchés. On aura foin de les indiquer dans les dif-férens Etats où ils font fitués. Les principales Univerfîtés d'Italie , font : Turin, Bologne , Ko me, Padoue, Sienne, Pife, Naples , Salerne. I iv zoo Méthode de Géographie. Divifion. L'Italie ne fe peut mieux divifer qu'en feptentnonale 6V: en méridionale. La première comprend : i. les Etats de la Maifon de Savoye , ou le Piémont & le Mont-ferrat , tk plufieurs parties détachées du Milane^ : i. les Etats de la Maifon d'Autriche en Italie , ou les Duchés de Milan tk de Mantoue : 3. l'Etat de la République de Venife : 4. celui de Gènes : 5. les Etats du Duc de Parme : 6. ceux du Duc de Modène. La féconde contient, 1. Y Etat Ecclé-fiaftique : z. le Grand Duché de Tofcane : 3. la République de Lacques : 4. le Royaume de Naples nommé aujourd'hui le Royaume des deux Siciles : enfin les Ifles j favoir , la Sicile la Sardaigne j la Corfey Ôc Malte , qu'on met à préfent dans l'Europe , étant un fief de la Sicile. .^♦♦♦..♦OMSa L'Italie. ITALIE SEPTENTRIONALE. ARTICLE I. LES ETATS DE LA MAISON de Savoye j ou du Roi de Sardaigne. IjEs Princes cle la Maifon cle Savoye , qui font maintenant Rois de Sardaigne , paroifïent n'avoir mis le pied en Italie qu'à U fin du XIe fiécle, fans qu'on puiife dire comment cela fc fit, faute de monu-mens hiftoriques. L'Empereur Frédéric II confirma en 1248 Thomas, Comte de Maurienne tk de Savoye, dans la poflef-fion de la Principauté de Piémont ce du Marquifat de Sufe. Après plufieurs difpu-tes avec les Marquis de Montferrat , la Maifon de Savoye eut une partie de ce pays .jjSf ièft , tk le refte lui fut cédé par 1 Empereur Charle VI en 170S , avec-deux petites Provinces détachées du Mila-néÇ. En 1735 tk 1743 , la Maifon d'Autriche en céda encore lix autres territoires & plufieurs fiefs, en forte que la Maifon I v loz Méthode de Géographie. de Savoye pofTede maintenant tout le Mi-lanez occidental , qui eft borné à l'orient par le Pô , le Télin dépendent du même Archevêché \ enfin Bohbio eft fuffragant de Gènes. Si on y joint les trois Diocèfes de Savoye , & les huit de Sardaigne j cela fait vingt-neuf, tant Archevêchés qu'E-vêchés, pour toutes les poffefiions de la Le Piémont. 203 Maifon de Savoye ou du Roi de Sardaigne. I. Le P 1 é mo n t. C a r t i s. La Cane du Piémont & du Montf errât, donnée en deux feuilles par M. D elis-le t eft la meilleure. Le Sieur No lin en a aufti donné une. Le Pere Placide a publié le cours du Pô j en cinq feuilles. Le Piémont , qui tire fon nom de fa fituation au pied des montagnes , eft fitué entre la Savoye , les Suiflfes , le Montfer-rat, la République de Gènes, la Provence 6c le Dauphiné. Il eft très-fertile , quoique montueux en plufieurs endroirs. Le bled , le vin , les fruits, le bétail , le gibier, le lin & le chanvre s'y trouvent en abondance. Il eft aufti fort peuplé , 8c arrofé de plufieurs rivières, dont les principales font le Po j le Tanaro j la Stura , & les deux Doires ou Doria j qui y prennent leurs fources. Les montagnes qui environnent ce pays en grande partie , abondent en mines ': les rivières ont des poinons excellens , les forêts nourilfent quantité de bêtes fauves, « la terre produit en abondance tout ce qui eft nécetfaire à la vie. C'eft ce qui a I vj 2©4 Méthode de Géographie. fait que de tout temps le Piémont a été très-peuplé , Cv on le regarde comme l'un des plus beaux pays de l'Italie. Le Gouvernement eft monarchique , Ôc les filles ne montent point fur le trône. La juftice eft rendue en dernier refïort dans deux Sénats Royaux , ou Parlemens : celui de Tu-r//z*eft le plus étendu, le Sénat de Nice n'ayant pour reffort que fon Comté , avec la Principauté d'Oneilîe. Il y a deux Ordres de Chevalerie celui de l'Annoncia-de , &c celui de S. Maurice ôc de S. Lazare. Quant à la'Religion, on n'en fouf-fre point d'autre que la Catholique , fi ce n'eft dans quelques vallées. On compte en Piémont plus de trente Abbayes , outre lin grand nombre de Prieurés, de riches Commanderies , ôc d'autres Bénéfices. Le Piémont, qui a une étendue affez confidérablc, fe divifoit ci-devant en quatre pays feulement ; favoir , i. le Piémont propre 3 auquel on joignent les anciens Marquifats cVlvréc ôc de Saluées j ôc le Comté cXAjli ; i. le Comté de Nice Ôc fes annexes; 3. le Duché cVAoufle ; 4. la Seigneurie de Verecit. Depuis le Duc Emmanuel II, qui mourut en 1675 , le Piémont eft partagé en dix-neuf Provinces, dont il y en a onze clans le Piémont propre : toutes prennent leurs noms des villes capitales. 11 y en avoit une vingtième dans la partie du. Le Piémont. 265 Montf errât qui fut cédée au Duc de Savoye en 16 31 ; & c'étoit celle de Trin ou 7/7/20. Nous allons fuivre cette divifion , fans négliger l'autre. La Principauté de Piémont donnoit ci-devant le nom aux fils aînés des Ducs de Savoye \ mais aujourd'hui ils portent celui de Ducs de Savoye. Le Piémont propre. 1. La Province de Turin j quoiqu'au milieu , doit aller la première , à caufe de la ville de Turin j qui eft la capitale de tout le Piémont, & depuis long-temps la rélîdence des Ducs de Savoye , Rois de Sardaigne. C'eft une ville ancienne , qui a été décorée Ôc bien fortifiée dans le fiécle dernier : elle eft fituée près du Pô , à l'embouchure de la petite Doire , ou Doria Riparla. Il y a un Archevêché , une Univerfïté ôc une Académie des Sciences. Nous donnerons une defcription particulière de cette ville , après avoir parlé des autres endroits remarquables de la Province. A une lieue nord oueft de Turin , eft *e château' royal de la Vénerie, qui eft dans la plus belle fituation , avec de magnifiques bofquets , des lacs, des fon-itaiîies & beaucoup de gibier. Vaientin 3 a une demi:lieue au midi , eft un autre château y & un peu plus loin fe trouve loS Méthode de Géographie. celui de Millefleurs s qui a été bâti par les foins de Madame Royale , fœur de Louis XIII. Chivas , place importante , eft fituée au nord-eft, près du Pô. Rivoli j à l'oueft de Turin , eft une petite ville fameufe par la démiffion que Victor Amedée y fit en 1730 , du gouvernement de fes Etats, en faveur de fon fils Charle-Emmanuel , encore actuellement Roi de Sardaigne. La rivière de Stute traverfe toute la Province , depuis le mont Cénis j où font deux paifages des Alpes, pour venir de France Se de Savoye en Piémont. Defcription de Turin. Cette ville , qui eft dans une belle plaine, fur le bord du Pô, étoit anciennement nommée Augufta Taurinorum. Elle a pris le nom de fes peuples, appel-lés Taurinîj qui defcendoient des anciens Liguriens. Annibal , Général des Carthaginois , qui vint en Italie pour y attaquer les Romains, 218 ans avant J. C. ruina la ville de Turin , parce qu'elle avoir refufé de faire alliance avec lui ; Se comme c'étoit la place la plus forte de ce quartier , fa ruine jetta une telle épouvante dans l'efprit des peuples voihns, qu'ils penferentà fe foumetrre dès qu'An-nibal parut. Jules Céfar y établit une Colonie Romaine , Se l'appel la Colonia Le Piémont. 2.07 Julia. Augufte changea ce nom en celui de Taurinorum Augujla nom fous le-cjuel Ptolémée , Pline , & les autres anciens Pont connue. Après avoir été long - temps foumife aux Romains , elle tomba enfin dans le temps de la décadence de l'Empire , fous la puilfance des Barbares , qui ravagèrent l'Italie. Les Hérules , les Goths , les Bourguignons la poifederent fucceflivement & la ruinèrent en grande partie. Elle fut en-fuite foumife aux Lombards , lorfque ceux-ci fe furent emparés de la Gaule Cifalpine ; & elle devint la capitale d'un des quatre Duchés qui divifoient le royaume de Lombardie. Quelques-uns de fes Ducs devinrent Rois d'Italie , entr'aurres le Duc Agilulphe , qui , conjointement avec fa femme Théodelinde 3 fit bâtir l'Eglife cathédrale de Turin , fous Pin-vocation de S. Jean-Baptifte , 6V; qui la dota richement. Lorfque Charlemagne eut détruit le Royaume des Lombards en Italie > en 776 de J. G. il paroît qu'il établit les Marquis de Sufe à Turin, pour garder les partages des Alpes , 6V; pour contenir les peuples voifins dans lVobeilTar.ee. Les fuccelfeurs de Charlemagne leur avant continué la même charge , avec le temps les Marquis de Sufe fe la rendirent hé- io8 Méthode de Géographie. réditaire , 6V: devinrent maîtres abfoluS dans Turin , en qualité de feudataires de l'Empire , jufqu'à ce que la Princelte Adélaïde , fille 6V: héritière d'Ulric Ma-genfred , le dernier des Marquis de Suie, étant morte vers l'an 1091 , la ville de Turin palfa peu après fous la puif-fance des Comtes de Savoye , fans que les monumens hiftoriques qui font reftés, nous apprennent comment cela fe fit y car le mariage d'Adélaïde , avec Oddon Comte de Maurienne 6V; de Savoye, n'eft appuyé fur aucun fondement. Les Comtes & Ducs de Savoye, ont toujours joui depuis de Turin , fi ce n'eft durant des temps de troubles. Car quoique Otton de Frifingen donne en 1147 , à Ame-dée III, Comte de Savoye , le titre de Marquis de Turin ; cependant s'étant élevé quelque temps après des démêlés entre l'Empereur Frédéric I , & Hum-berr III, Comte de Savoye , le premier dans le feu de la colère donna à l'Evcque de Turin non-feulement le domaine temporel de cette Ville ; mais encore celui de prefque tout le Diocèfe. Cette donation occafiona des guerres cruelles , parce que l'Evcque trouva moyen de fe faire appuyer par les habitans , 6V: même par le Marquis de Montferrât. A la fin cependant j Thomas Comte de Savoye ayant fait prifonnier Guillaume de Mont- Le Piémont, m9 ferrât, à fon retour d'Efpagne , comme il fortoit du Dauphinéj les choies changèrent de face , & Thomas rentra en pof-leffion de Turin , qu'il traiifmit à fes dcf-cendans. Les François prirent cette ville en 15 $6 , fur Charle le Bon , Duc de Savoye , ôc la gardèrent jufqu'à la paix , qui fe ht en 1562. Us la remirent alors ail Duc Philibert, qui la choifit pour fa réh-dence , Ôc qui en fit la capitale de fes Etats. Le Comte d Flarcourt, Général de l'armée françoife, la prit encore en 1640. Dans la guerre de 1701 , elle étoit prête à. fe rendre au Duc d'Orléans , qui avoit relevé en Italie le Duc de Vendôme, lorfque le Prince Eugène arrivant avec une armée qu'il amenoit d'Allemagne , furprit le Duc par la célérité de fa marche , força fes lignes , ôc l'obligea d'abandonner fon artillerie Se quantité de munitions de guerre ,eni7o(j. C'efr le Duc Philibert qui embellit cette ville , la fortifia de plus en plus , ô£ fit élever du côté de l'occident une citadelle à cinq battions , au milieu de laquelle on creufa un puits extrêmement profond , Ôc d'une ftruéture admirable ; car non-feulement les hommes , mais même les chevaux peuvent y defeendre pour aller boire , ôc remonter fans fe rencontrer en remontant. Il y a un double efcalier fans dégrés , & qui tourne lio Méthode de Géographie. tant de fois que la pence en devient aifée* Les Ducs Charle Emmanuel 1, 6V: Victor Amédée I , augmentèrent la ville de Turin j en faifant une .nouvelle enceinte de murailles du côté du midi ^ où l'on plaça la porte de la Victoire , appellée communément la porte neuve. Mais Charle-Em-manuel II l'agrandit encore davantage. Ce Prince, qui fit faire dans tous fes Etats quantité d'ouvrages , foit pour la commodité , foit pour l'ornement , foit pour la défcnfe, &c qui fit bâtir beaucoup de Palais & d'Eghfes , s'appliqua fur-tout à rendre fa capitale digne du nom d'Augu-fte qu'elle porte. Il y renferma un fort grand efpace du côté de l'orient ; Ôc pouffant la muraille prefque jufqu'à la rive du Pô, il la flanqua de cinq grands baftions royaux. Ce qu'il y a de plus furpre-nant, c'eft que ce grand ouvrage fut commencé ôc fini dans l'efpace d'une année. Il ne reftoit qu'à orner la porte du Pô. La mort qui le furprit en 1675 > l'empêcha de mettre à exécution le deffein qu'il avoit formé à cet égard ; mais la Ducheffe Ma-rie-Jeanne-Baptifte, fa veuve, finit cet ouvrage , 6V: en fit tin édifice fuperbe. Pendant que l'on agrandifîoit l'enceinte de la ville, on avoit foin d'orner le dedans par des édifices magnifiques , tant 1a vieille que la nouvelle ville. Outre la citadelle , qui eft du côté de l'occident, ott Le Piémont. 11 i voit du côté de l'orient le Palais du Prince , flanqué de quatre grofTes tours rondes , bâties par Thomas II , Comte de Savoye, augmenté par Louis , Prince d'Achaïe & de Piémont, & orné par le Duc Charle-Emmanuel I, & par la Du-chcife Chriftine de France , Régente pendant la minorité de fon hls Charle-Emmanuel II. Ce Palais ayant prefque tout été brûlé l'an 1659 , le Duc Charle-Em-manuel II le répara, l'embellit &c l'augmenta confidérablemenr. Il fait face à une grande place , remplie ordinairement de gendarmes , de cavalerie &z de carrelles des Officiers de la fuite du Prince. Après que l'on a paftc un ponr-levis , on entre dans une grande cour bordée d un bâtiment prefque fans fymétrie. La falle eft grande & enrichie de peintures rares. L'efcalier eft aufti fort beau ; & il y a une vieille galerie longue de cent pas , dont les murailles font couvertes des portraits des Princes ôc des Princclfes de la Maifon de Savoye , avec les ftatues des anciens Empereurs & Plulofophes en marbre. On y voit plufieurs pièces rares , qui font autant de préfcns de la plupart des têtes couronnées , fans parler d'une belle Bibliothèque où étoient des manufcrits précieux enfermés dans de grandes armoires j niais le Roi Viétor-Amédée en a f %l% Méthode de Géographie. donné une grande partie à la Bibliothèque? de i'Univerfité. De là on peut aller au Palais neuf, qui fait le commencement de la ville. Quatre pavillons en font le plan , avec autant de corps de logis qui les joignent Ôc qui forment une grande cour , dont l'entrée eft une longue galerie , avec une de ornée de plufieurs figures de marbre , qui repréfentenr pour la plupart les derniers Ducs de Savoye. Cette baluftrade foutenue par des portiques avec leurs colonnes , fait face à la grande place de ce Palais. Au pied du grand degré , eft la figure en bronze d'un des derniers Ducs de Savoye , fur un cheval de marbre ; ôc plus avant on trouve un fort beau parterre , dans un jardin rempli de plufieurs ftatues des plus habiles fculpteurs, ôc une fontaine qui s'élève au milieu d'un bafiin. Ce jardin occupe un baflion de la ville , appelle Baftion verde. De ce Palais il y a une grande 6V: large rue , qui fait la plus confidérable partie de la ville neuve , féparée de la vieille ville par deux grandes places bordées d'autant de Palais, qu'il y a de bàtimens , foutenus d'arcades propres à fe mettre à couvert contre les injures du temps. A cette grande rue fe rendent prefque toutes les plus belles de la vieille ville y dans laquelle on voit près Le Piémont. Il5* chi grand marché la haute tour de l'horloge -de la Maifon de Ville. Il y a encore un autre Palais au voifuiage de l'Eglife métropolitain?. C'eft un édifice fpacieux , où Ion éîevoit autrefois les filles des Ducs de Savoye. On compte à Turin dix Eglifes pa-roiffiales : celle de la métropolitaine eft la première. Cette Eglife fut confticrée dès le temps des Lombards j mais elle fut entièrement rebâtie en 1498. Entre les chofes remarquables de cette Eglife , on met la Chapelle du Saint Suaire , de l'architecture du Pere Guarini , Théatin. Quelque magnifique que foit cette Chapelle j on ne peut pas dire , comme quelques uns l'ont avancé , qu'elle fitrpafte celle de S. Laurent de Florence ; au contraire j il s'en faut beaucoup qu'elle n'en approche. Celle de Turin eft à peu près de la même forme que celle de Florence: mais moins grande , 6c l'on n'y voit que du marbre noir , qui n'eft ni d'une belle couleur , ni d'un beau poli. Turin étoit Evêché dès l'an 380 , fous la métropole de Milan } & elle fut érigée en Archevêché par Sixte IV , vers 1480 : ce qui fut confirmé par Léon X , l'an M 1 S- Ses fuftragans font au nombre de cinq , comme on l'a dit ci-devant. Le Chapitre eft compofé de vingt-cinq Chanoines , dont cinq font les premières di- 114 Méthode de Géographie. gnités ; favoir , le Prévôt -, l'Archidiacre* « le Tréforier l'Archiprêtre ôc le Chantre. Outre ce Chapitre de la Métropolitaine , il y en a un autre dans la même Eglife compofé de fix Chanoines , la plupart de Ja fondation dAdélaïde , Marquife de Sufe , dont nous avons parlé plus haut. On l'appelle le Chapitre de la Sainte Trinité. La plus ancienne des autres Paroiffes , efl: celle de S. Eufebe , Evêque de Verceil, delfervie par des Prêtres de l'Oratoire. Les autres font : l'Eglife paroifiïale de S. Thomas, delfervie par les Cordeliers ; celle de Sainte Marie de la Place , delfervie par les Carmes : celle de S. Jacque ÔC de S. Philippe , delfervie par les Henni* tes de S. Augufiin ; celle de S. Dalmace , delfervie par les Clercs réguliers Barnabi-tes. Le refte des Paroilfes ; favoir, celles de S. Paul, de S. Etienne , de S. Grégoire , de S. Martin, ôc des Apôtres S. Simon ôc S. Jude , font affectées à des Prêtres féculiers. Outre ces Eglifes Paroiflîales , il y a encore à Turin un grand nombre de Maifons religieufes, comme des Dominicains, des Cordeliers, des Bernardins, des Jéfuites,des Cordeliers de l'étroite obfervance , des Carmes déchauffés , des Auguftins déchaulfés , des Théatins , des Minimes > auxquels on peut ajouter , les Le Piémont. 21$ Frères de S. Antoine de Vienne, qui pre-nent Foin des malades , &c qu'on nomme vulgairement Fate ben Frattlli ; 6V: enfin des Pères de la Sainte Trinité, ou de la Rédemption des Captifs, de l'étroite ot> fervance. Hors de la ville , on trouve deux Couvens de Capucins \ l'un au-delà du Pô, fur une colline , ôc dont l'Eglife, bâtie par le Duc Charle Emmanuel I, eft peut-être la plus magnifique que ces Religieux aient en Europe. L'autre Couvent eft dans la plaine, au-delà de la Doria, On l'appelle communément la Madona. di Campagna. Celui-ci eft moins nombreux que le premier ; mais il eft beaucoup plus ancien. Les maifons de Religieufes font celles des filles de la congrès gationde Lacran , des Clarifies, des Car-mélites , des Capucines , des filles de la Vifitation ôc de l'Annonciation \\ outre deux maifons de Filles repenties \ l'une fous le nom de Sainte Magdeléne , l'autre fous celui de Sainte Pélagie. Cependant il faut convenir que dans ces deux dernières Maifons 3 il fe trouve un grand nombre de filles , à la conduite defquelles d n'y a jamais eu rien à redire. On ne hniroit point fi l'on vouloit détailler tour tes les Eglifes Paroifliales ôc Religieufes qui font dans les Fauxbourgs ôc dans les environs de Turin. 11 y a encore dans la ville , divers Hôpitaux & plufieurs Coiv 2 itt Méthode de Géographie. fratries. L'Univerfité de Turin fut fondée en 1406. Mais elle doit fa fplendeur au Roi Victor - Amedée. On y enfei-gne entr'autrcs le Droit , la 7 néologie , les Mathématiques Si la Médecine. Les Jéfuites ont le Collège j leur maifon eft fuperbe. En 1675 » l'Académie royale a été fondée mais on l'a rcnouveilée depuis j Se il n'y a pas long-temps qu'elle publie des Mémoires. La firuation de Turin > qui eft à 44 dégrés de latitude , eft des plus charmantes : il n'y a rien de plus riant que fes avenues. 'Elle l'emporte par là fur prefque toutes les villes d'Italie , aufti-bien que par la magnificence de fes édifices , par la beauté de fes rues St. de fes places , par l'af-fluence du peuple qui l'habite , par toutes les commodités de la vie , Se par les manières libres Se fociablcs , qui paroiffent d'autant plus agréables , qu'elles fonr rares au-delà des Alpes. On vit à Turin comme on vit eu France. La Langue firan-çoife n'y eft pas moins connue que l'italienne; Se la Cour du Souverain eft une des plus brillantes de l'Europe. L'ancienne partie de Turin n'eft que médiocrement belle 5 mais la nouvelle moitié eft tout autrement bâtie. Les rues en font larges & tirées à la ligne j les maifons grandes , hautes , Se prefque toutes uniformes. Les allées d'arbres qui font fur le Piémont. z i y les rampnrts de la ville , contribuent à rendre cette promenade agréable : la vue en eft aufti fort belle , particulièrement du côté des rivières ; mais le plus grand cours fe fait dans les avenues du Valen-tin j qui eft une maifon de plaifance fur le bord du Pô , à un milie au midi de Turin. Il y a dans cette ville une commodité , qui ne fe voit guères ailleurs , &c qui ré-compenfe en quelque forte le mauvais pavé. Par le moyen d'une rivière qui coule dans le plus haut quartier de la ville , on peur tirer un petit ruiffeau dans toutes les rues , tk. emporter toutes les ordures. Le Directeur ouvre l'éclufe toutes les nuits, & diftribue l'eau dans tous les quartiers de la ville comme il veut. Cette eau eft encore d'un grand ufage en cas de feu ; car en très-peu de temps on fait couler une petite rivière le long des murs de la maifon où a pris le feu. Le roffoli & les autres liqueurs qu'on fait a Turin , font fort eftimées dans les autres pays. a. La Province de Quiers ou Chiéri, a ^'orient de celle de Turin , eft entre le Po Se le Montferrat. Qiuers eft fituée dans un beau &c excellent terroir , & on y compte treize mille ames. Les autres lieux principaux font, Moncalier 3 au fud-«ueft , près du Pô , &c où eft un beau château royal : Cérijbles 3 village fameux , Tqme VI. K li8 Méthode de Géographie. par une victoire que les François y remportèrent en f 144. Villa nova d'JJli Se Cijlerna 3 Principauté Se Fief relevant de l'Eglife de Rome , qui en a encore d'autres dans ces contrées, Superga près du Pô, fur une haute montagne. Le Roi Victor Amédée y a fait bâtir une belle Eglife dédiée à la Sainte Vierge en mémoire de la levée du liège de Turin en ija>6 : elle efl: delfervie par douze Chanoines , Se ce Prince étant mort en 1731 , y a été inhumé, comme il l'avoit ordonné par fon tellament. 3. La Province de Carmagnole au midi de Turin , a pour capitale Carmagnole j qui dépendoit autrefois du Mar-quifat de Saluées : cette ville eft force , Se fituée près du Pô , dans un lieu très-fertile. Carignan Principauté , a donné fon nom à une branche de la Maifon de Savoye. La Marfaille ou Marfaglia } eft célèbre par une langlanre bataille qui s'y donna en 1693 , Se où le Maréchal de Catinat battit l'armée du Duc de Savoye Se de fes Alliés. 4. La Province de Sufe j à l'occident de Turin , prend fon nom de la ville de Sufe 3 qui fe nomtnoit auttefois Segu* fium Se qui a été capitale d'un Marqui-fit célèbre : elle eft fituée fur la F)oria Riparia, 6V: eft aujourd'hui peu confidé-rable. On a uni à cette petite Province, les vallées à'Oulx j de Bardonnapchc Se Le Piémont. i19 de Seca ne 3 que la France a ectlées à la Maifon de Savoye en 1713. On y trouve la forrerelie à'Ex Me s. 5. La Province de Pignerol > ou des Quatre Vallées 3 efl habitée en grande partie par les Vaudois ou Barbets , qui font profelîion de la Religion Calvinifte , Se que les Ducs de Savoye ont tolérés , à caufe des fervices qu'ils en ont tirés dans leurs guerres. Ces Vallées font celles ùAngrogne de Saint-Martin > de la Pc-roufe ÔC de Luzerne. Près du Clufon , qui traverfe cette Province , efl au nord la fortereffe de Fenejlrelles ôc plus bas la ville de Pignerol j que les François qui l'ont poftedée long-temps , n'ont rendue qu'après en avoir ruiné les fortifications en 1696. Elle n'a plus qu'une fimple muraille. On y a établi en 1749 un Evêque , qui eft fuffragant de Turin. 6. La Province de Savillan 3 ou Savi-gliano , petite ville forte , eft au midi de Carmagnole , entre la Maira Se la Grana, qui après s'être jointes fe jettent dans 1© Pô. On y remarque encore Cavaller-mag* giore j & plufieurs gros bourgs, tels que Raconigi 3 Pancallier > &c. 7. La Province de Querafque à l'orient , tire fon nom de la ville de Chcraf-c'o j qui eft affez forte , Se fur une montagne , près la jonction du Tanaro Se de la- S cura : on y compte fept mille ames. no Méthode de. Géographie. Il n'y a point d'autre ville dans cette contrée. 8. La Province de Fojfano , petite ville fortifiée , fut la Stura , & le fiége d'un Evêque , dont le Diocèfe eft peu conlidé-rable. Bene eft une autre petite ville vers l'orient. 5>. La Province de Coni 3 au midi, tire fon nom d'une ville très-forte , qui eft au confluent de la Stura ôc du torrent de Celïo. Les François l'ont inutilement af-fiégée en 1744 j mais ils y ont battu le Roi de Sardaigne. On peut remarquer encore VillefaUe ôc Borgo Saint-Dalmas* 10. La Province de Mondovi 3 à l'orient de U précédente , eft la plus méridionale du Piémont propre. La ville de Mondo-vi, où l'on compte onze mille ames, eft le fiége d'un Evêque. Il y a une trentaine de gros bourgs dans cette contrée. 1 1. La Province de Ceve avoit autrefois des Seigneurs particuliers , qui fe qualifiaient du nom de Marquis. La ville de Ceve, quoique peu conlidérable , eft très-forte ; elle eft près du Tanaro. Le Comté d'AJii. 12. La Province ou l'ancien Comté êCAfti j eft plus au nord ; mais toujours à l'orient du Piémont,& fur les frontières du Montferrat. Il prend fon nom de la ville d'AJii > qui eft fituée fur le Tanaro : Le Piémont* 11 i elle eft grande , très-forre, 6V: le fiége d'un Evêque , fuffragant de 1!Archevêché de Milan. Ce pays, qui eft très- fertile , a fait long-temps partie du Milanez. Quelques Rois de France l'ont pofïédé pendant un temps j 6V: François l l'ayant cédé en 1531a l'Empereur Charle Quint, celui-ci le donna au Duc de Savoye. On y trouve , au nord , Ferme 3 ville importante , près du Pô. Le Marquifat d'Ivrée. 13. La Province dLvrée , qui donnoit anciennement le titre à des Marquis fort puilfans, eft au nord-eft du Piémont propre. Elle eft très-peuplée , 6V: elle fut cédée à la Maifon de Savoye 3 par le Duc cle Mantoue en 1631. La ville KIvrée étoit connue dans l'antiquité fous le nom d'Eporedia : elle eft fituée fur la grande Doire , ou Doria Baltéa ; entre deux collines , fur l'une defquelles eft la citadelle. C'eft le fiége d'un Evêque , furîra-gant de Turin-: on compte d>ans cette ville environ fix mille âmes. Crefcentin eft un lieu fortifié fur le Pô. On peut encore remarquer Rivarolo j fur l'Orco , aufli-bien que Ponté. Une partie de cette Province fe nomme le Canave%. Le Marquifat de Saluées. H- La Province de Salaces eft à loc- K iij ni Méthode de Géographie. cident du Piémont : c'étoit autrefois Ufl Marquifat qui étoit un fief relevant du Dauphiné , dont il eft féparé à l'occident par les montagnes des Alpes. Le dernier des Marquis de Saluées , nommé Jean-Louis , n'ayant point d'enfans , inftitua ion héritier, le Roi de France CharleIX, en 1552. Charle-Emanuel , Duc de Savoye , trouvant ce pays à fa bienféance , s'en empara pendant nos guerres civiles en 1588. Enfuite, Henri IV le lui céda , en échange de la Breffe 6V: de fes annexes , en ]6oi. La ville de Salaces j qui eft défendue par un bon château, eft à deux lieues du Pô , tk il y a un Evêque qui prétend dépendre immédiatement du Pape , 6V: non de l'Archevêque de Turin. A deux lieues au nord , eft Staffarde avec une Abbaye considérable de Cî-îeaux , près de laquelle M. de Catinat battit le Duc de Savoye en 1690. Au midi eft la vilie de Démonta place forte que le Prince de Conti 6V: l'Infant d'Efpagne , Dcn Philippe , prirent en 1744. C'eft au nord oueft de cette Province , que le Pô prend fa fource , au pied du mont Vifo , que l'on a percé pour faciliter un chemin dans cette contrée. On peut encore remarquer un territoire qui y a été joint, & où eft Château-Dauphin, que la France a cédé en t 713 \ de forte que les bornes des deux états fe preneur Le Piémont. 2.2.3 au fommet -des montagnes , B£ que chacun a le terrein des eaux pendantes > ou des rivières Ôc ruilTeaux qui coulent de fon côté. Le Comté de Nice. 15. Ce Comté eft au midi du marquifat de Saluées 6V: du Piémont propre , entre la Provence ôc l'étar de la République de Gènes , s'étendant d'ailleurs jufqu'à la mer. Il a.fait partie de la Provence pendant plufieurs ficelés , ôc en a été démembré contre les loix fondamentales du pays. Car ceux de Nice ne pouvant être fecourus par Ladiflas, fils de Charle de Duras, occupé dans le Royaume de Naples , ^donnèrent au Comte de Savoye , Amé VII , dit le Rouge , l'an 1388. Et Yolande , mere ôc tutrice de Louis III, Roi de Naples ôc Comte de Provence > céda le Comté de Nice à ce Prince , qui fe départit de la fomme de 160 mille francs d'or qu'Ame VI fon aïeul avoit prêtée à Louis I , pour l'expédition de Naples. Cette ceftion d'Yolande fur faite contre les ordonnances de fes prédécef-feurs , ôc fans le confentement des Etats de Provence. Mais le temps femble avoir affermi la maifon de Savoye dans la pof-feiîion de ce Comté , d'autant plus que le Roi François 1 fit dire au Préfident Lambert, Ambaftadeur de Savoye, par K iv 224 Méthode de Géographie. acte (îu 10 Septembre 1523», qu'il ne* prétendait rien en cet Etat , Se qu'il fe d. .w.l de tous ies droits qu'il pouvoit ave ndant cette amure fut renou- veliez conférences de Lyon, fous le règne de Ch.irle IX > 6c on demanda la reftitution. Les commiffaires donnèrent leurs raifons de part 6c d'autre -y mais ils fe leparerent fans rien conclure. Le Roi de France , comme Comte de Provence, eit demeuré dans fes droits qui font im-prefcriptibles. Le Comté de Nice 3 quoique rempli de montagnes, eft alfez fertile en olives 6c autres fruits. On le divife en Domaine , &c en Annexes. Ce qu'on appelle Domaine, c'eft le Comté de Nice-çtopre 6c les Annexes, font l'es Comtés de Ècuïl 6c de Tende, fans compter'la Principauté de Monaco 3 qui eft indépendante. La ville de Nice , qui eft petite , doit fa fondation aux anciens Marfeillois. Elle eft fituée fur la Mer Méditerranée , Se défendue par une bonne Citadelle , conftruite fur un roc qui domine la ville : les François l'ont prife en 1691 6V: en 1744, Villcfranche eft à deux milles ou une lieue. Charle 11 ^ Roi ,dc Naples 6V: Comte de Provence x l'a fait bâtir en 1295. eu: dans un fond entre des montagnes , qui mettent fon port à l'abri des vents : l'entrée en eft défendue par le château de S. Sofpir , cV; il y a dans l'intérieur de la ville une Citadelle. Les François s'en font emparé en 1744, avec les lieux des environs } mais tout a été rendu à la paix, en 1748. Sofpel-lo j Lantofca & S. Dalmatio , qui fe trouvent au nord , font enfuite les lieux principaux. Principauté de Monaco j indépendante. Au bord de la mer eft une enclave , environée par les terres de Nice , de qui contient une petite Principauté ancienne , qui prend le nom de fa capitale , Monaco. Elle a été poiïcdée jufqu'en 173 1 , par la maifon de Grimaldi 9 qui faute d'hoirs mâles eft fondue dans celle de Matignon. Les Grimaldi fe mirent en 1(541 j fous la protection de la France , qui a toujours garnifon dans la ville de Monaco. Cette ville eft forte , fur une hauteur près la mer. Roccabruna &c Menton j font deux bourgs , près def-quels viennent les meilleurs citrons &£ oranges d'Italie. Le Comté de Êeuil. Ce Comté qui eft à l'occident de celui de Nice , & au voifinage de la Provence , a été' polfédé long-temps parla maifon de Grimaldi j mais le Sénat de K v i%6 Méthode de Géographie. Nice confifqiia les biens du Comte Antoine , regardé comme criminel de leze-Majefté. André y fut rétabli pendant un temps y mais en 1642. , il fut contraint de quitter cet Etat. Depuis ce temps , ni lui ni fes enfans n'ont pu avoir raifon de cette ufurpation. Beuil ou Boglio , eft un petit bourg dans les montagnes. On y trouve encore le Puget 3 le Villar j Tor-Tinfort. Par le dernier Traité de Turin , fait en 1760 j entre la France & la maifon de Savoye , pour mieux régler les limites des deux Etats , on a échangé divers territoires de ce côté. Le Var j quelques montagnes & YEJle'ron j fervent aujourd'hui de bornes; 5c en conféquence la France a cédé à la maifon de Savoye y la ville de Guilleaumes, &cc. D'un autre côté , Gauleras j 5c autres lieux font devenus terres Françoifes. Le Comté de Tende. Cette Seigneurie qui eft entre le Comté de Nice & le Piémont propre, a été pof-fédée par la Maifon de Lafcaris , iftiie des Empereurs de Conftantinople du côté maternel. Elle paffa enfuite par alliance dans une branche naturelle de la maifon defSavoye, que le Duc Emanuel-Phi-libert déclara en 15^3 , capable de fuc-céder à fes Etats fi la ligne directe venoit a manquer. Henriette de Villars , der- Le Piémont. 117 nïere héritière échangea le Comté de Tende , en 1579 , contre diverfes Seigneuries de Breffe , avec Emanuel-Phili-bert. Tende n'eft qu'un petit bourg dans l'Apennin , fur les confins de l'Etat de Gènes : les autres lieux font peu confi-dérables. La Principauté d'OnelUe. 16. La Province ou Principauté d'O-nellle ou Onéglla 3 eft à peu de diftance du Comté de Beuil, vers l'orient Se au milieu de l'Etat de Gènes. C'étoit ci-devant une Seigneurie pôfledée par la Maifon de Do'ria. Le Duc Emanuel-Philibert fàcqutt en 1576, par échange de quelques autres terres. Charle-Emanuel I'é-rigea en Principauté , l'an 162.0 , en y comprenant les Seigneuries de Marro «Se de Pré/a y qui y font enclavées, ôc qui lui avoient été cédées avec ie Comté de Tende, dont elles dépendoient. Le pays eft agréable & fertile en olives, en vins & en fruits. Onellle eft une petite ville fur le botd de la mer, fort peuplée , où il fe fait un grand commerce d'huile. Le Duché d'Âonfiè. 17. La Province du Val d'Aoufle 3 ancien Duché , eft au nord du Piémont propre , & près des hautes Al Des , où K vj rr8 Méthode de Géographie. l'on remarque les monts du grand tk du* petit S. Bernard , partages allez fréquen-rés. Ce pays , où l'on parle plus françois qu'italien , eut anciennement des Seigneurs particuliers, &c en fuite il vint aux Comtes de Savoye. L'Empereur Frédéric II l'érigea en Duché , en 1138. Sa partie habitée n'eft qu'une grande vallée. Aoufié j fa capitale , eft prefque au milieu 5 fur la Doria Baltéa : c'eft une ancienne ville , où l'Empereur Augufte envoya une Colonie romaine , qui fut appellée Augufia Pretoria. On voit encore dans un de fes fauxbourgs j un Arc de triomphe , élevé à l'honneur d'Augufte , en mémoire de la victoire qu'il remporta fur les peuples des Alpes. L'Evêché eft fuffragant de l'Archevêché de Tarentaife en Savoye. On peut encore remarquer dans ce pays , en fuivant la Doria depuis le petit S. Bernard , les bourgs de Cormaggiore anciennement Curia major j où les Romains tenoient un fiége de juftice j.Morgea\ _,. Av/fe j Villejran-chc ChâtiUon , Montjouet anciennement Mons Joyis ; Bard tk S. Martin , près defquels font des forts ; & enfin Douas y où eft un chemin taillé dans le roc, que l'on prérend être l'ouvrage d'An-tiibal. Le Piémont* La Seigneurie de Verceil. Ce pays qui eft au fud-eft d'Aoufte , dépendent autrefois des Ducs de Milan il eft très-fertile. On y trouve deux des. Provinces des Etats du Roi de Sardaigne , chef de la Maifon de Savoye : celle de Biele à l'occident \ ôc celle de Verceil à l'orient : fans compter la Principauté de MaJJeran , à laquelle eft uni le Marquifat de Crevccœur j qui font indépen-dans , étant des fiefs de l'Eglife de Rome. 18. La Province de Bielc y n'a que la ville de ce nom, ôc des bourgs. Biele ou Biella . eft fituée à la droite de la Cerva. Les principaux bourgs font , Pie di caval-lo j Trivier Andorno à S. Damiano 3 Gavaglia 3c Livorno. > i <). La Province de Verceil eft à l'orient de la précédente. La ville capitale qui lui donne fon nom, eft fituée fur la Seha. C'eft une des places les plus régulières de l'Italie , grande ôc autrefois fortifiée "r mais qui n'eft guère peuplée. Il y a un Evêque , fuffragant de Milan , & fon Diocèfe eft affez étendu. Les François ayant pris Verceil en 1704 > ruinèrent plupart de fes fortifications. Les principaux bourgs, font , Seraval 3 Gatti-nara , Buronzà j Sant - la x Tronym .„ &rfana~ X$o Méthode de Géographie. II. Le Mo nt fer rat. Cet ancien Duché ou Marquifat, eft a l'orient du Piémont , au nord de la République de Gènes j au midi de Verceil , 6V: à l'occident d'une partie des terres détachées du Duché de Milan , en faveur du Roi de Sardaigne. Ce pays quoiqu'en-trecoupé de montagnes , eft très-fertile. On prétend même que fon nom latin , Mons-jerax -, qui fignifie montagne fertile j lui a été donné à caufe de fa fertilité. Quoi qu'il en foit, il a commencé à avoir des Marquis vers le milieu du Xe fiécle , en la perfonne d'Àledram ou Aîeram , que l'on prétend , fans preuves , avoir été de la maifon des Marquis d'I-vrée, ou iffu des anciens Ducs de Saxe. Ses defcendans pofTéderent le Montfer-rat , jufqu'au commencement du XIIIe fiécle , qu'il paffa par femmes darns la maifon d'Andronic Paléologue. En i ç 3 3, Marie Paléologue, héritière de ce Marquifat , porta fes droits à Théodore Duc de Mantoue , fon mari , à qui l'Empereur Charle-Quint en donna l'invefti-ture. Maximilien II l'érigea en Duché , l'an 1573. Cependant les Ducs de Savoye prétendoienr avoir cette fucceftîon , en conféquence de diverfes alliances , 6V; fur tout d'une convention qui avoit été faite vers 1330, lors du mariage d'Yo- Le Montferrât. 131 knde Paléologue , avec Aimon Comte de Savoye. Le contrat portoit , que fi la poftérité mafculine des Marquis de Montferrat venoit à manquer , la mai-ion de Savoye en hériteroit. Cela fut caufe de plufieurs guerres, qui fe Terminèrent enfin par le traité de Cherafco , en iû'31. Alors la partie occidentale du Montferrat , avec les villes de Trin Se dCAlbe j fut cédée à la maifon de Savoye \ Se la partie orientale , où font les villes de Cafal Se d'Acqui refta au Duc de Mantoue. Ferdinand - Charle , dernier Duc de Mantoue , étant mort en 1708 , la maifon de Savoye demanda le refte du Montferrat à l'Empereur Jofeph , qui lui en donna l'inveftiture ; Se la poifeftïon lui en a été affurée par le traité d'Utrecht en 1713. Ce pays a environ vingt lieues de longueur , Se fa plus grande largeur efl: de 12 ou 15 lieues : il contient 200 villessbourgs ou villages. On le divife en haut Se bas j le premier au nord, Se le fécond au midi. L'un Se l'autre renferme deux Provinces. Haut Montferrat. 1 • La Province de Cafal, à l'orient , prend fon nom d'une ville Epifcopale , fur le Pô } qLU étoit ci-devant très-forte , & la capitale c?e tout le Montferrat : fon Lvêque eft fuffragant de Milan. Le Duc Xfl Méthode de Géographie. de Mantoue la vendit en ie^Si ,■ à îé France , qui la rendit l'une des plus fortes places de l'Europe. Le Duc de Savoye &c fes Alliés- Payant aftlégée en 1695 , elle fut rendue par capitulation au Duc de Mantoue , après qu'on en eur ruiné lies fortifications. Le Roi de Sardaigne les a rétablies en partie. Les autres lieux principaux , font, F raffine y Occimiano y S. Salvador y Lu y Vignale x Pondejlure y Cajlela^o y liinco. 2, La Province de Trin y ou Trino , s'étend principalement le long du Pô v au nord & à l'occident de la précédente. Trin j fa capitale , eft peu confidérable. On y remarque encore, au nord du Pô, Luceda & Rondijfon ; au midi S. Raphaël j Cinrano Ôz Gaffo. Bas Montferrat, 1. La Province d'Albe y à l'occident , eft petite , 6V: rraverfée par le Tanaro : elle appartient, comme la précédente, à la maifon de Savoye , depuis 1631. Albey fa capitale , eft à la droite du Tanaro,■& décorée d'un fiége Epifcopal fuffragant de Milan. C'eft une ville ancienne , que l'on croit avoir été fondée par Pompée ; mais elle eft aujourd'hui peu confidérable. S. Damiano y au nord , eft#enfuite le lieir le plus remarquable. 2.. La Province d'Acqui\, fituée à l'o- Le Montferrat. 13 £ fient j s'étend vers le midi. La ville qui lui donne le nom , eft fur la Bormia : il1 y a un Evêque fuffragant de Milan. Elle étoit autrefois plus confidérable quelle n'eft maintenant, 6V: on la reconnoît pour une ville ancienne. Nice de là paille , fur le Belbo, à l'occident, eft cnfuke la ville la plus remarquable : on lui a donné 1111 fur-nom affez peu honorable , pour la di-ftinguer des autres villes de Nice ou Nièce , plus illuftres qu'elle. On peut remarquer Beflagno 3 Se au midi [ les bourgs de Pon^one 3 Cairo 3 Carchere 8C Carrc-4a.n0 3 fur les frontières de Gènes. Le Montferrat 6V; quelques Provinces voifmes du Piémont , ont diveefes contrées qui fe nomment Langhes 3 où il y a des fiefs dépendans de l'Empire , qui la plupart ont été cédés par l'Empereur à la maifon de Savoye. Gor\egno ôc" Spina font les principaux. III. Ie Milanez Savoyard. Cartes. Il faut prendre ici la Carte du Duché' de Milan par M. S ans on , revue en J734 j par M. Jaillot 3 pour y faire ufl7ge feulement de fa partie occidentale j qUi n'appartient plus à ce Duché. Plufieurs Provinces ont été détachées 134 Méthode de Géographie. en différens temps du Duché de Milan Se cédées par la mai (on d'Autriche à celle de Savoye , que l'on vouloit gagner dans les guerres avec la France. Ces Provinces , comme on Ta dit ci-devant, font toutes celles qui fe trouvent à l'occident du Lac Majeur 6V: du Téfin , 6V: au midi du Pô. Comme elles font voiiînesl du Piémont 6V: du Montferrat, elles font une continuité de pays, avantageufe pour la maifon de Savoye. Leur fertilité vient du grand nombre de rivières qui les arrofent. Ces Provinces font au nombre de huit. Les unes , favoir , la Lumelline Se XA-lexandr'm ont été cédées par l'Empereur Jofeph I j en 1708. Le Novarrois Se le Tortonois en 1735 » Par ^e tïà^ de Vienne , Se les autres en 1743 , par le traité de Worms. .Nous allons les décrire , en fuivant l'ordre géographique du nord au fud. 1. Le Val d'Ofjola y ou la partie occidentale de l'ancien Comté dlAnghera, la Province 1a plus feptentrionale du Duché de Milan , eft féparée par le Lac Majeur , de la partie orientale , que l'Archidu-cheflë d'Autriche s'eft réfervée , en cédant l'autre partie qui eft bien plus confidérable. On y trouve les villes ou bourgs de Domo d'Ojjola ., de Canokio j de Margoîfip 3 Se cXÀrona , où S. Char- Le Milanc^ Savoyard, ■ 235 lé eft né en 1558. Le pays eft allez fertile. 2. Les vallées de la Sejla 3 qui font plufieurs en nombre , tirent leur nom d'une petite rivière qui prend fa fource dans les hautes Alpes, & qui va fe jet-ter dans le Pôj au-delfous de Cafal. On y remarque , Varallo > Borgo di Sejia Se San-Maiolo. Ce pays, comme le précédent , a été cédé au Roi de Sardaigne , par le traité de Worms j en 1743. 3. Le Novaroisj au midi des deux autres , eft borné à l'oueft par la Seigneurie de Verceil, Se à l'eft par le Téfin. L'Empereur Charle VI le céda au Roi de Sardaigne en 1735 cV: 17 3S , pnr les traités de Vienne. Novare j ville épifcopale , alfez forte , eft htuée fur une montagne : elle a donné nailfance à Pierre Lombard, qui fut Evêque de Paris au XIIIe fiécle , & qui eft connu fous le nom de Maître des Sentences , à caufe d'un abrégé de Théologie compofé des paroles de l'Ecriture & des Pères. De Novare jufqu'à Verceil , on cultive beaucoup de ris. Les autres lieux principaux font Trecoate Oleg-gw 3 Romagnano j Borgo-manero Se Orta > qui appartient en fouveraineté à l'Evêque de Novare. 4. Le Figévanafc eft un petit territoire plus au midi, moins confidérable que les précédens ; il a été cédé à la Maifon de t$6 Méthode de Géographie. Savoye en 1745. Figévano j qui a un fiége épifcopal, eft agréablement fituée fur le Téfin , & a un affez bon château fur un rocher voifin. Perona peut encore Être remarqué. 5. La Laumelline > qui fut cédée à la Maifon de Savoye en 1708 , a pour capitale Faïence 3 ville alfez forte fur le Pô.-Laumello , ancienne ville , aujourd'hui peu confidérable , eft au nord de la précédente , aufïi bien que Mortara 3 place forte , que plufieurs Géographes mettent dans Je Vigévanafc. On peut encore remarquer Coc(0 , Dorno ôc Pieva del Cairo 3 où eft un beau Palais à la Maifon d'ifim-bardo. 6. U Alexandrin 9 qui eft en grande partie envtroné du Montferrat , vint aufïi en 1708 à la Maifon de Savoye , avec ce Marquifat. Il tire fon nom de la ville dé Alexandrie j furnommée de la paille , qui fut bâtie en 1178 , fur le Tanaro, C'eft une ville Epifcopale , affez forte , 8c la plus marchande de ces cantons j après Milan. Le furuom que l'Empereur Barbe roulfe lui donna par mépris , n'empêcha pas qu'elle ne fe défendît fi vigoureu-fement contre cet Empereur , qu'il fut obligé d'en lever le fiége : elle a aujourd'hui une bonne citadelle. Bofco 3 bourg célèbre pour avoir donné naiftance au faint Pape Pie V. Monte-Cajlello ôc Ce* Le Mitants^ Savoyard. 137 riolo font au nord \ Cajjcllato Se Sc\i t au fud. 7. Le Tortonois eft à l'orient de l'Alexandrin , Se confine à l'Etat de Gènes , du côté du midi. Il a été cédé à la maifon de Savoye , en 1735 Se 1738 , par les traités de Vienne. Sa capitale eft Tor-tone j ville Epifcopale , palîablement forte , fur la rivière de Serivia, qui fe jette .dans le Pô. Ou y remarque au nord , Caftel-novo 3 Se Serravalle au midi, aufti bien qu'Arqua Se Pktra-Bijjara. 8. Le pays à'Outre-PÔ Se de Bobbio , eft la partie méridionale du Pavefe : elle a été cédée au Roi de Sardaigne par lArchiduchefTe Reine de Hongrie , en 1743 , après le traité de Worms. Bob' hioj autrefois Comté, en eft la capitale ; iituée fur la Trebia , elle doit fon origine à une ancienne Abbaye fameufe de Bénédictins , que S. Colomban qui mourut en 615 , y fonda. On y établit en 1 o 14 , un Evêché qui eft fuffragant de Gènes : cette ville eft petite Se mal peuplée. Voghera eft plus au nord fur la Staftora. On peut encore remarquer Schia-tc\\o ; Stradcïla 3 où s'eft fait en 1766 un traité entre le Roi de Sardaigne 6V: le Duc de Parme , en conféquence duquel £e Prince a cédé au premier quelques villages 6V: territoires du Plaifantin. Varfi & Qrganafca 3 font au midi. On J trou- 138 Méthode de Géographie. ve aufïi ce qu'on appelle les Feudi Impc-riali 3 ou plufieurs petits territoires anciennement connus fous ce nom de fiefs de l'Empire, que l'Archiducheffe a également cédés au Roi de Sardaigne. Ces Feudi Imperiali font exactement marqués dans la carte d'Italie de M. d'An-ville : M. Sanfon les enfermoit dans la côte de Gènes. Les principaux lieux font, Mongiardino 3 Ottone j San-Stejano 3 To-riglia ôc Borgo-Fomari. ARTICLE II. ETATS DE LA MAISON d'Autriche en Italie. E n'eft que depuis la guerre pour la fuccelîîon d'Efpagne, fur laquelle la maifon d'Autnche avoit des prétentions, Ôc depuis les traités d'Utrechr ôc de Bade, en 1713 Se 1714, que cette illuftre maifon poffède en Italie les Duchés de Milan ôc de Mantoue j qui font à l'orient des Etats de la maifon de Savoye. Le Duché de Milan. 13 9 I. Le Duché de Milan. Cartes. On peut fe fervir encore de la Carte du Duché de Milan> par Jaillot„ qu'on vient d'indiquer. Le fleur nolin en a donné deux 3 tune en une feuille & l'autre en deux. La Carte du cours du Pô , par le Pcre placide f Augujlin , ejl aujfi utile j pour le Milanei j comme pour le Mantouan. Le Duché de Milan eft le pays le plus beau , le plus fertile , le mieux peuplé de toute 1 Europe. Il a eu autrefois des Ducs fort célèbres. 11 palfa en fuite à Louis XII , Roi de France , par fa mere, Valentine de Milan. François 1 , qui avoit époufé Claude de France , fille de Louis XII, le pofteda quelque temps j mais la bataille de Pavie , que ce Prince perdit en 1515 , lui fit perdre ce Duché , que Charle-Quint donna à Philippe fon fils, Roi d'Efpagne. L'Empereur Jofeph I s'en rendit maître en 1706, pour l'Archiduc Charle fon fils, depuis Empereur, fous le nom de Charle VI, a qui il fut abandonné en 1713 &: 1714 , par les traités d'Urrecht le Téfm ôc ïddda, 11 y a un Archevêché à Milan 3 qui a pour fuffragans les Evêques de : dans le Milanez, dans le Milanez Savoyard. Crémone , Novare , Lodi , Alexandrie Tortone , Vigévano , Bergame , ? ^ ^ Je Ureice, 3 Verceil \ aans ^° Képiont Cafal j 1 Albe, S dans le Monrferrac. Acqui, j Savonne, - dans l'Erat de Gènes. V mumn le , )f Depuis: les cédions faites à la maifon de Savoye , dont on vient de parler , le Duché de Milan ne contient aujourd'hui que cinq territoires. Ce font ceux d'An' ghera j près du Lac Majeur, de Corne j de Milan j qui eft le plus coniidcrable, de Pavic j de Lodi ôc de Crémone. I. Le Territoire d*Ànghera. C'eft la partie de l'ancien Cornue d'An-ghiera , que la maifon d Autriche s'eft refervée Le Duché de Milan. i>\t réfervée à l'orient du Lac Majeur, en cédant la partie occidentale , ou le Fal d'OJJbla , à la maifon de Savoye , en 1743. Ce pays conrine aux Bailliages des Suilfes , qui appartenoient anciennement aux Ducs de Milan. Anghera > efl: fur le lac , avec un beau château fur une émi-nence. Cette petite ville a donné naif-fance aux G aie as , fameux Ducs de Milan. Sejloj eft un peu plus au midi, ÔC eft très-marchande : les Spinola , originaires de Gènes . en font Seigneurs. Fa-re%ë eft plus dans les terres : on y file beaucoup de foye. 1. Le Territoire de Corne. Il eft aufïï (ituc au nord , aux environs d'un grand lac de même nom , ÔC fur les frontières du pays des Grifons. Corne j autrefois Comté , eft une ville épifcopale , riche & marchande , au midi du lac : c'eft la patrie de Pline le jeune, ôc du Pape Innocent XI. Son Evêque eft fuffragant .d'Aquilée , dans l'Etat de Venife. Lecco j fur l'Adda , ôc près d'une branche du même lac , eft une ville bien peuplée , Caftez forte. Mariano eft à l'orient de Corne : les habitans font riches ôc indu-ftrieux. Le Fort de Fuentes , au nord du lac , ÔY: fur les frontières des Grifons , eft une fortereffe confidérable , avec une petite ville. Tome FI. L i^z Méthode de Géographie, 3. Le Milane-^ y ou Territoire propre de Milan. Ce territoire, qui eft le plus étendu , eft très-fertile , particulièrement en bled ÔC en ris. Il a pour capitale Milan , qui l'eft aufli de tout le Duché. Cette ville eft une des plus grandes d'Italie , fort peuplée , la réfidence du Gouverneur , Ôc fituée entre le Téfin ôc l'Adda : elle eft le iiege d'un Archevêque. Son, château extrêmement fort, Ôc fon Eglife métropolitaine dédiée à la Sainte Vierge , la plus grande d'Italie après S. Pierre de Rome , font fes principaux ornemens. Cette ville a Été fujete à toutes les grandes révolutions de l'Italie : elle a été ailiégée plus de quarante fois, ôc a été prife au moins vingt-quatre , dont la dernière fut en 1745 , par les Efpagnols ôc les François, Les Etruriens, les Gaulois , les Romains, les Goths & Oftrogoths , les Lombards , les Empereurs, les Ducs particuliers, les François ôc les Efpagnols, ôc enfin les Autrichiens l'ont pofFédée fucceflivement. Il faut qu'une ville qui fe foutient après tant de révolutions ait d'admirables relfources, foit dans fes habitans, foit dans fon territoire : nous en donnerons une defcription particulière , après avoir parlé des autres principaux lieux de cette Province. JSicoca j ou la Bicoque, à une lieue au Le Duché' de Milan. 14 3 nord de Milan , où Oder de Foix Lautrec fut battu en 1512 par les troupes de l'Empereur Charle-Quint. Mon^a j à 3 lieues nord-eft, eft le lieu où l'on couronnoit autrefois les Rois d'Italie , avec une couronne qu'on appelloit la Couronne de fer y parce que le bas de cette couronne étoit garni en dedans d'un cercle de fer , qu'on prétendoit avoir été fait d'un des clous de la croix du Sauveur. Mel^o 3 qui a de belles fabriques de toiles. CaJJano 3 fur l'Adda, où le Duc de Vendôme délit en 1705 les troupes de l'Empereur , commandées par le Prince Eugène. Rivalta , fur la même rivière , vit Louis XII remporter une grande vicfoire. fur les Vénitiens , en 1509. Marignan j au midi, où François 1 battit les Suiftes , la première année de fon règne, c'eft-à-dire , en 1515. AbiagraJJo à l'occident, fur le canal qui va de Milan à Pavie &: au Lac Majeur. Scprio j fur l'Olona, qui arrofe en partie la ville de Milan. Defcription de Milan. Cette ville , qui donne le nom au Duché , eft une des plus grandes 6V des plus belles villes du monde , quoiqu'elle foie fituée dans les te.res, qu'elle n'ait point de cour, que ni la mer , ni quelque rivière navigable } ne lui donne aucune facilité pour le commerce, & qu'elle foit enfin 144 Méthode de Géographie. la capitale d'un Etat, qui eft aujourd'hui moins confidérable qu'il n'étoit autrefois. Elle a fouvent été ravagée , ôc même détruite par les terribles fléaux de la pefte ôc de la guerre : enrr'autres l'année 1162, Frédéric 1 , dit Barheroujjè 3 la rafa , y fema du fel, ôc n'épargna que quelques Eglifes ; mais elle s'eft fi bien rétablie , qu'à préfent elle peut être comptée entre les plus belles ôc les meilleures villes de l'Europe. Sa forme eft alTez ronde ; le circuit de fes murailles eft d'environ dix milles , qui font quatre lieues \ elle a cent mille habitans : autrefois elle en avoit beaucoup plus. C'eft une chofe allez fin-gulicre , qu'une ville de cette conféquence foit bâtie au milieu des terres, fans mer ôc fans rivière : mais ces défauts font réparés par de bonnes eaux de fource , par quantité de petits ruilfeaux , qui coupent 6V: arrofent le pays, 6V: par les canaux qui viennent l'un de l'Adda , l'autre du Té-fin , ôc qui fourniffent une eau courante dans le folle de l'enceinte intérieure de la ville. On admire dans cette ville une quantité prodigieufe dEglifes ôc de Palais. II. y a jufqu'à onze Chapitres ou Eglifes Collégiales , foïxante ôc onze Paroi (fes, trente-fix Monafteres de filles , trente Cou-vens d'hommes 5 huit Maifons de Cha- te Duché de Milan. 14 5 noines réguliers , trente-deux Collèges, & fix vingt Ecoles pour les Enfans. L'Eglife métropolitaine tient à jufte titre le premier rang parmi les édifices fa-crés. On la qualifie de huitième merveille du monde. Elle eft dédiée à la Sainte Vierge , & on l'appelle communément le Dôme. Cet édifice eft au centre de la ville. Les fondemens en furent jettes le i 3 de Juin 1386 , par Jean Galéas Vifconti, premier Duc de Milan. Il y: avoit auparavant dans le même lieu une Eglife appellée Sainte Marie majeure. C'eft un ouvrage prodigieux , qui a environ cinq cens pieds de long , ôc deux cens de large. Quelques-uns prétendent que cette Eglife eft moins grande que S. Pierre de Rome , d'un fixiéme ; mais qu'il y a infiniment plus de travail. Cependant il n'y a que quelques parties , qui foient tout-à-fait achevées. On y travaille néanmoins depuis trois cens ans j mais vraifemblable-ment le defïèin eft de ne finir jamais. Les legs teftamentaircs ôc les autres dons que Ion fait pour bâtir cette Eglife, apportent des tommes immenfes que l'on emploie à divers autres ufages. 11 y a dans 1 Eglife une infcription en lettres d'or , fur un marbre , qui porte , qu'un certain Jean Carconus , Milanois , laiffa en mourant la fomme de deux cens trente mille ecus d'or, pour travailler à la façade de L iij 146 Méthode de Géographie. cette Eglife. On a reçu depuis des fom-mes considérables \ cependant la façade n'eft pas à moitié faite* Quelques-uns ont jugé que l'embaras où l'on fe trouve y pour la conftrucfion de cette façade , eft peut-être ce qui empêche de la finir. La raifon de l'uniformité demande que l'ouvrage foit gothique comme tout le refte j tk. le bon gout voudroit une autre architecture. Ce qui confirme cette penfée , eft que l'on voit de l'un & de l'autre , dans ce qu'il y a de commencé. Il paroît que l'on a été gêné , ôc que l'on a balancé. Quant au dedans de l'Eglife, il eft fi offufqué par la pouflîere Ôc la fumée des lampes, que ni le marbre , ni tous les autres ouvrages , pas même ceux d'argent, n'y paroiffent avec avantage. Ce vafte bâtiment eft tout de marbre , à l'exception du toit. qui en auroit pareillement £te , fi fon poids n'avoit fait craindre pour tout le bâtiment. Le dehors de l'Eglife paroît beaucoup plus blanc , ôc beaucoup plus neuf que le dedans j parce qu'il eft fou-vent lavé par les pluies : il faut pourtant en excepter le côté du nord , fur lequel le vent porte de la poufliere ôc de la fumée , qui s'y attachent. Cette profufion de marbre n'a rien de furprenant , le pays en étant rempli : les pierres en font néanmoins fort chères , parce qu'elles coûtent beaucoup à travailler. On dit ordinaire- Le Duché de Milan. 147 ment, qu'il y a onze mille ftatues autour de l'Eglife j mais on y compte les ftatues hiftoriques , & quelques petites figures qui fervent d'accompagnement aux grandes. Il y en a quantité qui font plus hautes que le naturel : elles font toutes de marbre , la plupart bien taillées. La plus eftimée de toutes eft un S. Barthélemi , avec la peau pendante fur les épaules , comme fi l'on venoit de l'écorcher. Quelque grand que foit le nombre de ces ftatues , on affure qu'il en refte encore plus de fept mille à placer, pour répondre au def-fein de l'ouvrage : il y en a même qui cfi-fent que ces ftatues ne font deftinées que pour la façade. Le chœur eft lambrilfé , enrichi d'une belle fculpture , qui repréfente les paf-fions fi admirablement , qu'on ne voit rien de cette force ttavaillé en bois. Les hiftoires de l'Evangile y font repréfentées de même , en foixante cadres. A l'entrée du chœur , eft une petite Chapelle fouter-reine, dédiée à S. Charle Borromée. Le corps de ce Saint y repofe , dans une grande châlTe de criftal de roche , d'un prix ineftimable j & qui eft placée fur l'autel : il eft vêtu d'habits pontificaux. L'argenterie & les autres chofes qu'on a données à cette Chapelle 3 font d'un très-grand T*<ï* : quelques fervices deftinés pour fon autel t font; £Q pUr 0l- : d'autres font en- L iv 24$ Méthode de Géographie. richis de pierreries ; d'autres enfin font fi délicatement travaillés , que la matière eft fort au-deifoLis de l'adrelfe de l'ouvrier. Avant que S. Charle Borromée eût confacré cette Eglife , le Pape Martin V en avoit béni l'autel le 16 Octobre 1448. Plus de cent mille étrangers s'étoient rendus à Milan , pour voir cette cérémonie j &c la foule fut fi grande , que quantité de perfonnes y furent étouffées. En mémoire de cette bénédiction , on érigea une ftatue a ce Pape dans le chœur de la même Eglife j mais on l'a repréfenté fans barbe , ôc avec l'air d'un jeune homme , quoiqu'il eût cinquante ans quand il fut élu. On y voit aufti la ftatue de Pie IV. Derrière le chœur on voit, fur deux tables de marbre , le catalogue des reliques de cette Eglife. Le clou de la crucifixion , dont on dit que.Conftantin fit faire un mors de bride , eft une des reliques de Milan , pour laquelle on a le plus de vénération. Les uns croient que Théodofe le Grand le donna à S. Ambroife , tk les autres prétendent que ce Saint l'alla chercher dans la boutique d'un certain Puo-lino , Marchand de ferrailles à Rome, où il avoit été averti en fonge qu'il le troti-veroit. Ce clou ou ce mors eft attache à la voûte au deffus du grand autel , entre cinq luminaires, qui brûlent nuit &£ Le Duché de Milan. 2.49 jour. S. Charle le porra folemnellement en procellîon , pour faire ceffer la pelle, l'an 1576'. Ce Saint étoit pieds nuds , 6V: avoit une grotte corde au col , quoiqu'il fût revêtu de fes ornemens ordinaires. La même Eglife renferme aufli les corps de S. Gervais Ôc S. Prothais j celui de S. Ambroife , aufli-bien que ceux des» Rois Pépin Ôc Bernard. Parmi les Prélats qui l'ont gouvernée , rrente-cinq font mis au nombre des Saints. Le pavé de cette Eglife efl: plus beau ÔC plus folide que celui de S. Pierre de Rome. A S. Pierre ce ne font que des feuilles de marbre , qui fe fendent déjà , 6V: qui ne manqueront pas de s'enlever dans quelque temps , au lieu qu'ici les carreaux ont beaucoup d'épaifleur. Vis-à-vis de cette Elglife , il y a une affez grande place , où l'on voit ordinairement fur le foir , une trentaine de ca-roffes , qui changent de place de temps en temps , ôc qui s'arrêtent quelquefois afin que ceux qui font dedans puiifent voir les paffans : c'eft une manière de fe promener alfez finguliere. 11 y a aufti un cours pour les promenades : c'eft une grande rue d'wn fanxbourg , qui n'eft point pavée , 6V: qu'on arrofe tons les jours ; ce qui fait qu'on l'appelle Strada marina. La Bibliothèque Ambrofienne fox ainfi m v a. 50 Méthode de Géographie. nommée par Frédéric Borromée , Cardinal ôc Archevêque de Milan , qui la fonda & la dédia à S. Ambroife. Une petite defcription de cette Bibliothèque , imprimée à Tortone , porte qu'elle contient douze mille manufcrits , ôc foixante èc douze mille volumes imprimés. L'on ne convient pas néanmoins de ce nombre. Ph. Vanncmachero , ôc Ch. Torre , alfu-rent que cette Bibliothèque eft riche de quatorze mille manufcrits} mais ils ne marquent point le nombre des Livres imprimés , que quelques-uns ne font monter qu'à quarante mille'volumes en tout. Elle a été cependant fort augmentée , par la Bibliothèque de Vincent Pinelli. Cette belle Bibliothèque s'ouvre tous les matins pendant deux heures, ôc deux autres heures l'après-midi. On y a du feu en hiver j Ôc l'on y trouve des lièges ôc des pupitres fort commodes. Fabio Mangoni en fut l'architecte. Elle contient plufieurs ap-partemens. La grande falle eft longue de -40 braffes, ou 7 5 pieds , ôc large de 16, c'eft à dire, 30 pieds j on n'a pu l'élargir , à caufe des Eglifes ôc des maifons voifines. La verfîon de Jofephe-, par Ru-fin , eft un des plus anciens manufcrits de cette Bibliothèque. On y remarque un grand livre de deffeins de Méchamques , qu'on dit être de la main de Léonard de Vinci : toute l'écriture en eft à gauche, de Le Duché de Milan. 15 t manière qu'il faut un miroir pour la lire. On a écrit fur la muraille , qu'un Roi d'Angleterre , qui n'eft point nommé , a voulu donner trois mille piftoles pour ce livre. Outre les Livres & les Tableaux on conferve diverfes collections de très-belles Médailles, avec des pièces rares de fculpture &c d'architecture , tant antiques que moulées fur l'antique. Près de la Bibliothèque Ambroficnne , eft une Académie de Peinture , où l'on voit quantité de beaux tableaux ; entr'au ■ ries une hiftoire de Jefus Chrift lavant les pieds de fes Difciples , pnr Raphaël ; un tableau des quatre Elémens , du Bru-gie ; ce un autre qui repréfente le Pape Clément X j mais qui imite fi bien l'cf-tampe , qu'on y eft trompé. La citadelle ou le château de Milan , eft un hexagone régulier, bien revêtit > bien muni de canons, avec de bons folles & une-bonne contrefearpe *, mais il faû-droit rafer les vieilles murailles , les tours, les donjons , & toutes les autres fortifications antiques, que cete citadelle renferme , ayee quantité de maifons. Si tout cela étoit nettoyé , la place en vaudront beaucoup mieux. Son gouvernement eft indépendant de celui de Milan. Le Palais de l'Archevêque eft magnift-tpe "> & celui du Gouverneur eft grand ; niais il eft fi ancien , qu'il menace miiu L vj i$i Méthode de Géographie. en quelques endroits : c'eft un défaut commun à la plupart des mailons de Milan. Quoique cette ville furpaflè prefque toutes les villes d'Italiepar l'étendue de fon enceinte 6V: par le nombre de fes habitans, elle le cède néanmoins à plufieurs pour la beauté des maifons : il faut en excepter les édifices publics , les Eglifes, Ôc quelques hôtels. Le Séminaire eft un bâtiment fondé par S. Charle Borromée, dont Jofeph Mêla fut l'architecte. Un double portique, long de i-6 pieds, ôc large de 17, règne autour d'une grande cour quarrée. Le premier ordre eft Dorique , ôc le fécond Ionique. Sur le grand portail on voit d'un côté la Piété , ayant un foleil fur le cœur : de l'autre côré eft la Sageffe , qui prépare de fécondes mamelles pour fes nou-riffons. Le Collège Helvétique de Breva; celui des Jéfuitcs j la Maifon de Ville, ôc le grand Hôpital, font encore de beaux édifices. La grande cour «le l'Hôpital eft un quarré de fix vingts pas, 6V: les portiques intérieurs à double étage , font fou-tenus de chaque côté , 6V: à chaque étage de quarante deux colonnes , d'une feule pièce chacune , 6V: d'une efpece de marbre des Alpes voifînes. Le corps du bâtiment eft de briques ; mais ces briques font moulées 6V: façonées de divers or-nemens d'architecture. L'ancien Hôpiral Le Duché de Milan. a-J $ eft joint à celui-ci , & les deux n'en font qu'un. Le Lazaret en eft une dépendance : c'eft un Hôpital pour les peftilérés, à deux ou trois cens pas de la ville. Le bâtiment en fut commencé l'an 1489 , par .le Duc Louis Sforce , dit le More , 6V: achevé par Louis XII , l'an 1507. Le Bramante en fut l'Architecte. Ce bâtiment eft compofé de quatre galeries jointes en quarré , 6V: contenant chacune quatre-vingt-douze chambres, avec un portique foutenu de colonnes de marbre , qui régnent autour en dedans : chaque chambre peut avoir vingt pieds de large. 11 faut qu'avec l'épaiffeur des murs, chaque galerie foit longue d'environ dix huit cens pieds. La grande place du dedans , eft un pré arrofé de plufieurs mille aux d'eaux vives \ 6V; au milieu du quarré , eft un autel fous un dôme , foutenu de colonnes. Les portes des chambres font dif-pofécs de telle manière , que les malades peuvent voir dire la Mefte chacun de leur lit. L'Eglife qu'on appelle aujourd'hui l'Eglife de S. Ambroife , eft la même que c^He", dont ce Saint refufa l'entrée à l'Empereur Théodofe. On y voit des peintures & des fcnlptures , qui font du temps de la plus épailfe ignorance. On garde à S. Euf-£erSe 3 le tombeau où étoient, dit- on, les 2. $4 Méthode de Géographie. trois Rois, avant qu'on les tranfportât à* Cologne. Les autres curiofités de Milan , font des ouvrages d'acier & de cryftal de roche. Le cryftal fe prend au voifinage dans les Alpes. On en ménage les p.'us grands morceaux pour faire des glaces de miroirs y mais ces morceaux vont rarement à un pied en quarré. 4. Le Territoire de Pavie. Ce pays qui eft au fud de Milan y étoit autrefois plus étendu qu'il n'eft aujourd'hui , l'Archiduchefle ayant cédé en 1743 , au Roi de Sardaigne , toute la partie au midi du Pô , avec Bobbio. Il eft très-fertile en fruits , ce qui l'a fait appeller le jardin du Milanez. Il a pour capitale Pavie j petite ville fur le Téfin , à deux lieues du Pô , très-bien percée , mais mal bâtie. Elle étoit autrefois aftez considérable, ayant été capitale du Royaume des Lombards, qui changèrent fon nom de Ticinum en Papia. L'an 774 , Charlemagne la prit &c y fit prifonnier Didier , dernier Roi des Lombards. Elle fut depuis foumife aux Rois d'Italie. Dans le XIIe fiécle elle eut plufieurs tyrans , 6V: enfin les Ducs de Milan la joignirent à leur domaine. Aujourd'hui elle eft fort déchue aufli-bien que fon Univerfïté, fon- te Duché de Milan. 15 5 dée, dit-on, par Charlemagne , Tan 791. Son Evêque , fuffragant de Milan , fe dit immédiat du Pape. Pavie vit donner le 14 Février 1525 , la fatale bataille , où François 1, Roi de France , fut défait Se pris prifonnier par les Généraux de l'armée de Charle-Quint. Cette ville eft le lieu de la naiflance du célèbre Boe'ce , & a quelques fortifications j mais fort négligées. Trivol^o étoit le titre de la famille de Trivulce , dont nous avons eu deux Maréchaux de France, favoir, Jean Jacques mort en 1518, & Théodore Trivulce mort en 1531. Ccrtofa 3 célèbre & riche Chartreufe près de Pavie , très-diftinguée j ce fut dans fon voi-iinage que fe donna la bataille dont nous venons de parler. L'Eglife en eft fomp-tueufe y la voûte eft foutenue au dehors 6c au dedans par quantité de colonnes y &c le toit qui eft couvert de plomb, eft accompagné d'une galerie ou corridor , qui règne tout autour. Quant nu portail, il eft entièrement de marbre blanc , & tellement enrichi de ftatues , qu'il fem-ble comme impofiible d'y ajouter aucun embelliiFe ment. Le corps de l'églife eft dune architecture prefque gothique -y rnais les chapelles & les autels ne cèdent point à ce qu'il y a de plus riche 6c de mieux travaillé dans les plus belles églises. Jean Galéas 3 Duc de Milan , fon- 1$6 Méthode de Géographie. dateur de cette Eglife , y a fon tombeau : il eft de marbre , de même que la ftatue qu'on voit au-deftus. Le chœur eft d'une beauté dont rien n'approche : le pavé même fe fait admirer. Les murailles font de marbre , Se" ornées de colonnes aufti de différentes couleurs. Le grand - autel eft fuperbe , Ôc rien n'eft comparable aux figures qui font une partie de fes embel-liftemens : il eft enrichi d'un tabernacle , fait de pierres précieufes , d'onix, d'agathe 6V: d'autres. Entre les chapelles, celle de l'Affomption de la Sainte Vierge ne Îieut être vue fans admiration, tant pour a quantité des tableaux 6V: des ornemens de marbre qui y font, que pour la fculp-ture. Outre le tombeau de Jean Galéas, qui eft dans la nef de l'Eglife , on y voit les ftatues de Ludovico Mirolin , l'un des anciens Ducs de Milan , ôc de fa femme, qui ont été enterrés en ce même lieu. Les armoires de la facriftie font d'une fculpture aufli agréable qu'extraordinaire. On y voit quantité de belles reliques 6V: beaucoup d'argenterie , avec un devant d'autel d'ivoire , fur lequel font cizelées diverfes hiftoires. La maifon qui eft très-grande , a toutes fortes de commodités. La cour eft entourée d'une galerie d'un mille de circuit, fou-tenue d'un nombre infini de colonnes , & couverte de plomb , ainfi que les cel- Le Duché de Milan. 1$ 7 Iules des Religieux. Ce fut dans ce Monaftere , que François I fut mené des qu'il eut été fait prifonnier , après avoir perdu la bataille en 1515, contre l'armée de l'Empereur Charle - Quint. Dans le temps qu'il entra dans l'Eglife , les Religieux chantoient ce verfet d'un Pfeaume : Coagulatum cjl jlcut lac cor corum j ego , vero Ugem tuam meditatus fum ; 6V: ce Prince chanta avec eux à haute voix le verfet fuivant , qui venoit pour lui très-à propos : Bonum mihi quia humUiajli mgj ut dijcam jufiificationes tuas. 5. Le Territoire de Lodi. Ce pays , à l'orient du Pavcfe, qu'on-appelle le Lodcfan , eft alfez peuplé , 6V: abonde en pâturages qui nomment beaucoup de bétail s 6V où l'on fait quantité de bons fromages. Il a pour capitale Lodi 3 ville Epifcopale , près de l'Adda , à huit lieues â l'eft de Milan. Cette ville a été1 autrefois alfez célèbre ; mais ayant été plufieurs fois ruinée , elle a eu beaucoup de peine â fe remettre en l'état où elle eft. Lodi-vecchio j bourg fur le Siluro , à l'occident, entre Lodi 6V; Pavie , étoit, comme fon nom le porte , l'ancienne Lodi , nommée Laus Pompeia j parce que Pompée lavoit rétablie : on y trouve fou-vent des médailles 6V: des monumens anciens. On peut encore remarquer Sant- 2 5 ^ Méthode de Géographie. Angelo j San-Colombano 3 Codogno j ÔC Macajlorna. €. Le Territoire de Crémone. Cartes. Nous en avons une bonne Carte publié* par J. B. Nolin. Ce Territoire eft fertile en bled , en vin, en miel, &c en fruits. Crémone j fa capitale , eft une ancienne ville fituée fur le Pô 3 allez belle , ôc qui a un fiége Epifcopal. Le Prince Eugène la furprit nuitamment en 1703 : mais la belle dé-fenfe des François l'empccha de s'y maintenir. Cette action qui fait honneur à la vigueur ôc à la vigilance des troupes de France , a été décrite en une Carte, par le fieur Nolin. Cafal-Maggiore 3 petite ville paftablement fortifiée , à l'orient. Pi^ighitone j ville forte , à l'occident ; Sorefma où l'on fait une quantité pro-digieufe de poudre à canon , près d'un canal qui joint l'Oglio avec le Pô. II. Le Duché i>e Mantoue. Cartes. Nous avons une Carte de ce Duché3 par le fleur Jaillot j en une jeuille : le fieur NOLIN en a auff donné une : toutes Le Duché de Mantoue. 155» deux font fort bonnes. On peut prendre aujfi le plan de la ville de Mantoue j pour en connoure la force & la fin-gularité : celui du fieur Liebaux le fils efl fort efiimé. Le Mantouan, qui a titre de Duché depuis 1530, eft à l'orient de Crémone. Il a au nord l'Etat de Venife , 6V: au midi les Duchés de Parme 6V: de Modène. C'eft un pays fertile , principalement en bled 6V: en pâturages. Il étoit ci-devant pofTede en fouvcraineté relevant de l'Em-pite, par la maifon de Gonzague \ mais après la mort du dernier Duc de Mantoue , en 1708 , l'Empereur Charle VI, pere de l'Archiduchefle Marie Therefe , au lieu d'en donner l'inveftiture à quelque Prince , l'a gardé pour lui, 6V: la polTeflion lui en a été abandonnée par les traités d'Utrecht 6V: de Bade. Ce pays a pour Gouverneur celui du Milanez. Mantoue } fa capitale, eft fituée dans un marais que fait la rivière de Mincio ; ce qui la rend extrêmement forte , outre quelle eft défendue par une très-bonne citadelle. La ville eft médiocrement grande , afïez belle . mais moins peuple qu'autrefois , & le fiége d'un Evêque fuffragant d'Aquilée , dans l'état de Venife s quoiqu'il fe dife immédiat du Pape. Cette ville fut prife en 1630, pat l(jO Méthode de Géographie. les Impériaux, qui y commirent de grands déibrdres , Se qui en ont enlevé d'im-menfes richefTes. Elle l'a encore été en 1734, par l'armée de France Se de Sar-da gne. L'Eglife cathédrale , dont l'architecture eft du deffein de Jules Romain , &: le Palais du Prince , font d'une grande beauté. Nous donnerons une defcription particulière de cette ville , après avoir parlé des principaux lieux de ce jDuché. A deux petites lieues de Mantoue eft Marnùruolo j où. fe voit un beau château qui étoit la maifon de plaifance des anciens Ducs. La Pietola nommée autrefois Andes , village près de Manroue, eft le lieu de la nailfànce du Poëte Virgile. Goit.), au nord , fur le Menzo. Cajljglionc Se Solfarin3 Principautés plus au nord, ont été les partages d'une branche cadette des Ducs de Mantoue. Via-* dana, au midi, ainfi que Dofolo ; San-Benedetto de Polïrone , ancienne Abbaye où fut inhumée en 1115 , la fameufe Comtefte Matlulde , dont le corps fut transféré en 1635 , dans l'Eglife de S. Pierre de Rome. Rlvere 3 petite ville forte , aufti fur le Pô, vers l'orient. Ronco-ferrato j à peu de diftance de Mantoue. A l'occident on trouve Bo^olo, Se enfuite Sablonetta > Guaftalla Se Novellara . qui étoient ci-devant poifédées à titre de Prin- Le Duché de Mantoue. l6t cîpautés par diverfes branches cadettes des Ducs de Mantoue j mais après la mort de ces Princes, les trois premières ont été cédées au Duc de Parme , & la quatrième au Duc de Modène. Nous en parlerons en décrivant leurs Etats. Defcription de Mantoue. Ni les Cartes Géographiques , ni les Voyages , ne donnent point l'idée, qu'il faut avoir de la fituation de Mantoue. On repréfente ordinairement cette ville au milieu d'un lac , dont on la fait a peu près également environée , ce qui n'eft point. Le Minzo trouvant un pays bas, s'élargit & forme une efpece de marais douze ou quinze fois plus long qu'il n'eft large. Mantoue eft bâtie fur un terrein ferme , quoique dans un des côtés de ce marais. Quand on vient de Crémone , on pa(fe une chauffée longue feulement de deux ou trois cens pas-, & de l'autre côté quand on va du côté de Vérone , le marais ou le lac fi l'on veut, eft beaucoup plus large. Il y a quelques endroits où fes eaux font toujours courantes ; mais en d'autres elles croupiffent & infectent tellement l'air de Mantoue , que dans les grandes chaleurs , tous ceux qui peuvent quitter la ville en for-tent. Elle eft médiocrement grande j mais 2 Pont-Cglio 3 Rudiano Sabio 3 Urago &C Ifolella. Chiari 3 à l'oueft de Brefcia , ou le premier Septembre 1701 , M. de Vil-* leroi fut battu par le Prince Eugène. 4. Le Veronois ou Veronese. Cartes. Le S leur Jaillot a donné une bonne Carte du Véronèfe 3 Padouan & Vicen-tin j avec la Polefme & le Dogado. Ce territoire , à l'eft du lac de Guatda , eft fertile en vin , en fruits , en huiles ôc en bétail. Il a pour capitale Vérone j ville épifcopale 6V: alfez grande , mais mai peuplée , où il fe fait un commerce d étoffes de foye. Ses fortifications font peu de ehofe , 6V: fort négligées j on y trouve des antiquités refpeclables, qui viennent du temps des Romains , 6V: qui ont été épargnées par le temps 6V; par les Barbares. Cette ville eft fituée fur l'Adige } nous en donnerons une defcription particulière , après avoir parlé des lieux les plus remarquables du pays. * Pcfquiera eft une forterefte près du lac de^Guarde. Mafena Ôc Guarda > fur le même lac. Croara Ôc la Chiufa 3 près de l'Adige , au- defius de Vérone : Zevio ôc M iij ijo Méthode de Géographie. Porto j au-deffous. Sermione 3 dans une prefqu'ifie du lac de Guarda j Cerm 3 Le-gnano Se San-Bonifacio. Defcription de Vérone. Vérone s'appelloit anciennement Vero-na. Cette ville , dont la fituation eft fi agréable , que plufieurs Empereurs l'ont choifie pour leur demeure , eft traverfée par la rivière d'Adige , fur laquelle il y a trois grands ponts , fans compter ceux qui fervent à palier dans la petite Ifle de Saint-Thomas , habitée par quantité d'ouvriers qui travaillent en foie.' Le nombre de trois eft remarquable dans la ville de Vérone , particulièrement en fes Châteaux s dont l'un appelle la citadelle 3 Se finie au bord de l'eau , eft flanqué de quelques vieilles tours quarrées; un autre nommé le Château de Saint Félix, eft au plus haut de la montagne ; fur laquelle eft aufti celui de Saint Pierre , qui eft le plus fort par fon afîiette Se par fes fortifications} étant élevé fur le rocher que la rivière d'Adige lave par le pied. Ce dernier château commande fur toute la ville , Se c'eft de-lâ qu'on en peut connoître la grandeur & la beauté. Les remparts de Vérone ont été élevés avec beaucoup d'art. Ses murailles prodigieufes en épaiffeur font garnies de tours Se de baftions , garnis de canons, Se accompagnés de larges foffés profonds > L'Etat de Venife. il i & remplis de l'eau de l'Âdige, de manière que l'art ôc la nature concourent également à en faire une, des plus fortes places de l'Italie. Le même nombre de trois fe trouve dans fes ponts & dans fes places. Le pont qui eft au pied du château de S. Pierre , eft le plus remarquable , tant pour fon architecture 6V: fes belles pierres > qui lui fervent aulli de pavé , que parce qu'il porte un aqueduc , Ôc que du côté de la ville il y a un grand portail fort ancien , orné de quelques pièces de fculpture , qu'on croit être une partie du Théâtre qu'on dir avoir été bâti au pied du même château. Ce Théâtre fait l'une des trois belles antiquités qui fe trouvent dans Vérone. L'autre eft un Arc de triomphe , 6V: le troiliéme eft un Amphithéâtre que le Confiai Flaminius fit bâtir autrefois , 6V: qui eft le plus entier de tous ceux qui fe voient en Europe. Il eft de forme ovale , de moyenne grandeur , 6V: fait de pierres quarrées. On voit â la face du dehors plufieurs colonnes, quelques reftes de ftatues 6V; d'autres pièces de marbre , dont les portiques étoient revêtus d'ouvrages Dorique , Ionique 6V; Corinthien , le tout compofé 6V; d'une hauteur exceftive. On comptoir dans cet Amphithéâtre quatre rangées de portiques 6V: de colonnes entremêlées de ftatues de Nymphes : . M iv 2jz Méthode de Géographie* huit grandes portes y donnoient entrée-^ & il y avoit quarante-deux rangs de degrés , où plus de vingt-quatre mille per-fonnes pouvoient refter attifes fort à leur aife , pour y voir les combats 6c autres fpe&acles. La ceinture , le mur de face % ou le mur extérieur eft prefque ruiné. Panvini rapporte qu'il fut abattu par un tremblement de terre en 1583. Mais on-a foin de réparer les bancs , à mefure que le remps les détruit. Antoine Defgodetz , habile Architecte François , a écrit que le: diamètre de l'arène fur fa longueur , eft de deux cens trente-trois pieds , mefure de France ; que l'autre diamètre fur la largeur eft de cent trenre-fix pieds huit pouces j que Pé^aMeur du bâtiment, fins le corridor extérieur, eft de cent pieds quatre pouces , 6V: qu'avec chaque épaif-feur du mur Se du corridor aux deux bouts de l'Amphithéâtre , il eft de cent vingt pieds dix pouces ; de forte que la longueur du tout eft de quatre cens foixante Se quatorze pieds huit pouces. Chaque degré a près d'un pied Se demi de haut, 6c à peu près vingt fix pouces de large. L'élévation du tout eft de quatre-vingt-treize pieds fept pouces 6c demi. La Place des Bœufs, où l'on tient plufieurs Foires célèbres , eft proche de cet Amphithéâtre. Il y a une autre Place près de S. Procule, ornée d'une fort belle fon- L'Etat de Venife. 275 raine ; &c la troifiéme eit la Place des Marchands , appellée ainfi à caule des maifons de riches Marchands , dont elle eft bordée. Sa fontaine eft embellie de plufieurs figures de Tritons , qui jettent l'eau dans trois baftins , les uns fur les autres, par diffcrens endroits de leur corps. La façade de la Maifon de Ville , qui regarde cette Place , eft enrichie des figures des plus illufttcs & plus favans hommes qui font fortis de Vérone. Le Palais eft magnifique dans fa ftruc-ture. Trois grandes ailes en font le def-fein , avec une cour au milieu. Ses falles & fes chambres ont des peintures fort ef-fimées. Sa grande porte regarde une place , oit font deux grands Palais , l'un des Nobles , ôz Y autre où demeure le Gouverneur. L'Eglife de S. Anaftafe, deifervie par des Dominicains , eft l'une des trois qui foient remarquables dans Vérone. On y voit une Chapelle ornée de préfens très* riches j & le tombeau d'un Duc de Gènes , avec fa figure , accompagnée de plufieurs ftatues de marbre. S. Zenon , la Cathédrale, eft une petite Eglife obfaire, peu magnifique , mais fort ancienne. Le Pape Lucius III, qui mourut à Vérone , lors du Concile qui s'y tint en 1184, a fon tombeau dans cette Eglife 5 & peur toute épitaphe fur fa tombe plate , on lit M v 274 Méthode de Géographie.' ces mots : Offa Lucii III3 Româpulfi ta* yïdlâ. On dit que Pépin , fils de Charle-magne, ôc Roi d'Italie , bâtit cette Eglife, La haute tour de cette Eglife fe fait admirer par fa ftrudture , comme celle de la Maifon de Ville par fa hauteur , ôc celle du donjon à la fin des vieilles murailles, par fa force. La troifiéme eft celle de S. François. Il y a encore celles de S. Barthélemi, de Sainte Cécile , de Sainte Catherine de Sienne , de Sainte Luce , de S. Laurent, de S. Etienne & du Saint-Efprit. Dans le Couvent de S. Grégoire , on voit un tableau fort rare de la main de Paul Véronèfe j dont un Marchand Anglois voulut donner deux mille piftoles. Les Seigneurs de la Scala étoient autrefois maîtres de Vérone , ôc l'on y voit encore auprès d'une petite Eglife appellée Sancla Maria Antica 3 plufieurs de leurs tombeaux , qui font eftimés. Jofeph ôc Jules Scaligcr fe difoient defcendus de cette Maifon. La ville de Vérone a une Académie de Sa van s , fous le titre de Gli Philarmonici. Il y a dans le fauxbourg de Brefce une fort belle Abbaye de l'ordre dû S. Be-noîr. Elle eft en commande \ ôc comme les Religieux , qui font prefque tous nobles Vénitiens , n'ont point la réforme , ils ne vivent point en communauté. L'Eglife eft fort belle. C'eft un monument VEtat de Venife. 175 de la piété de Pépin , fils de Charlema-gne , qui la mit fous l'invocation de Saint Zenon , Evêque de Vérone j &c qui l.i dota de douze livres d'or de rente. Le maître-autel eft fort beau, ôc au-deftous eft une cave dans laquelle repofe le corps du faint Evêque , dans un tombeau dj marbre. Les portes de cette Eglife font d'airain, avec des bas-reliefs j auprès de la principale , il y a un bénitier de por-phire qui a vingt - fix pieds de circonférence , & qui eft un vafe fort ancien. Quant à Pépin , fondateur de l'Abbaye , il a fon tombeau dans une cave du cimetière de S. Procule , qui en eft proche. Dans ce cimetière font quelques autres tombeaux , un entr'autres compofé de pierres alfez informes. Il eft couvert d'un petit toit , foutenu de quatre colonnes ^ mais ce toît eft fait de manière qu'il n'empêche pas l'eau de la pluie d'entrer dans le tombeau. Lorfqu'il s'y en trouve , les habitans la viennent prendre, &c la font boire aux malades. La ville de Vérone a produit de grands perfonages , entre lefquels on diftingue Catulle , Vitruve , Pline l'ancien , Fracaf-tor i Onuphre Panvini , Paul Véronèfe , & le favant Marquis Maftei , qui a été de nos jours l'une des plus grandes lumières de l'Italie , & de toute "la bonne littérature. M vj 2.j6' Méthode de Géographie, 5. Le Fi cent in. Cartes. Le Sieur Mortier a" Amfltrdam } & le-Sieur Nolin ont fait graver chacun une Carte du Vicentin 3 qui font bonnes pour ie détail. Ce pays , au nord du Véronoïs ôc du Padouan , eft le jardin de Venife , par la quantité de fruits qu'il produit. 11 abonde aufti en bétail , 6V: a beaucoup de mûriers , dont les feuilles nouriilent quantité de vers à foie. Sa capitale eft Vicen-%c j ville avec un Evcché , 6V: des habitans qui partent pour les hommes les plus dangereux de l'Italie feptentrionale. Son Eglife cathédrale que l'on vante tant , n'a rien que de médiocre. Le fameux Architecte Palladio étoit de Vicenze , ôc il: y a lailfé des marques dî fon favoir , ôc de fon amour pour la patrie , par un arc de triomphe qu'il a fait bâtir dans le gourdes Anciens. On trouve encore Marofti--ca Valdagno 3 Thicne Schio j A'fgna-tw j Camifano 3 Montechio x. Lonigo ÔC Origliano. Brendola j bonne ville } bien peuplée, où l'air eft excellent. V'Etat de Venife, llj gi Le Padouan, Cartes. le Sieur Nolin a donné une Cane par* ticuliere du Padouan , qui efl efiimée. Ce territoire r à l'eft du Vicentin 9 eft le pays le plus fertile de toute l'Italie. Il a pour capitale Padoue , ville allez grande ôc épifcopale ; mais mal peuplée 5c fans commerce. Son plus grand ornement eft fon Univerfïté , une des plus célèbres de route l'Italie. Padoue eft le lieu de la naif-iance de Tite-Live. Padoue. Cette ville eft arrofée par les rivières^ de Bacchiglione Ôc de la Brente qui rem-pliifent fes foffés , tk font fort utiles aux fiabuans. Padoue eft cependant une ville pauvre tk dépeuplée. Le circuit en eft fort étendu^ mais il y a de grands efpaces vui-des , ôc beaucoup de maifons a, louer. L'ancienne Padoue a encore fes premiers murailles. Depuis qu'elle appartient à la République , on a fait une nouvelle enceinte plus grande dont la fortification n'f jamais rien valu , ôc qui a été fi fort négligée , qu'elle tombe préfentement en ruine. 11 y a des p0rtiques prefque pat toute la ville , ce qui efl affez commode t-yt Méthode de Géographie. pour marcher à couvert; mais d'ailleurs cela rend les rues étroites 6V: obfcures, 6V; facilite ce fameux brigandage , qu'on appelle à Padoue le Qui va li ? On compte à Padoue vingt-lix Paroif-fes , quatre Hôpitaux , vingt-trois Monaf-teres d'hommes , tk dix-huit de filles. Elle a fept Portes, fept Ponts de pierre , neuf grandes Places publiques 6V: un grand nombre de beaux Palais. On la divife en vieille 6V: nouvelle ville. Le palais du Gouverneur a de' beaux appartemens, enrichis de peintures. Celui où fe rend la Juftice eft remarquable par fa galerie, par fes pilliers de marbre, qui le foutiennent , 6V: par fes peintures. L'Amphithéâtre ne préfente plus que de miférables ruines. L'Eglife cathédrale dédiée â Ste. Sophie , eft bien bâtie. Dans une chapelle qui eft fous le chœur , repofe le corps de S. Daniel martyr , dans un tombeau de marbre , enrichi de bas reliefs de bronze , qui repréfentent le martyre de ce faint. On conferve aufti dans cette Eglife > un pied de S. Laurent, 6V: dans une chapelle une image de la Sainte Vierge , célèbre par le miracle qu'elle fit dans la maifon d'un Padouan , d'où elle fut depuis tranfportée en ce lieu. L'autel eft paré de beau marbre 6V: de plufieurs ftatues de bronze , de même que celui de l'é- VEtat de Venife. 179 glife, qui a été bâtie par S. Prodocime , premier Evêque de la ville , 3c enrichie par l'Empereur Henri IV , dont le tombeau s'y voit avec celui de fa femme Berthe. L'Eglife de S. Antoine eft fort grande , Se remplie de morceaux précieux , tant pour la fculpture, que pour la peinture. Il y a. plufieurs tombeaux magnifiques , entre lefquels on remarque celui d'Alexandre Contarini , Amiral de la République Se Procurateur de S. Marc , aufti-bien que celui du Comte Horatio Sicco , qui fut tué à Vienne pendant le dernier fiége qu'en firent les Turcs en 1683. On ne peut pas voir de plus belles peintures â frefque , que celles de la Chapelle de S. Félix. Elles font du fameux Giotto. Mais ce qu'il y a de plus confi-dérable , eft la Chapelle de S. Antoine , fhrnommé de Padoue, parce qu'il y mourut , 6V: qu'il y eft enterré y car il étoit de Lifbonne. Il eft le protecteur de la ville , Se on l'appelle par excellence il Santo. Son corps eft fous r%utel} 6V: cet autel eft extrêmement riche. Toute la Chapelle, longite de quarante pieds , 6V: large de 15 , eft revêtue de bas-reliefs de marbre blanc , où font repréfentés les principaux miracles de S. Antoine ; 6V: trente ftx greffes lampes d'argent brûlent nuit 6V: jour autour de l'Autel, îSo Méthode de Géographie. L'Eglife de S. Juftine , eft d'une grandeur 6V: d'une beauté extraordinaire. Elle eft foutenue de quatre rangs de gros piliers , Se route pavée de carreaux de marbre , rouge , blanc 6V: noir. La voûte de la grande nef a fept dômes ; ce qui l'ex-hautfe , la rend claire 6V: l'embellit extrêmement. Il y en a aufti deux fur chacun des bras de la Croix. Outre le grand autel j qui eft un ouvrage fuperbe , il y en a vingt-quatre autres de marbre fin-& tous différens. Il y a une infeription par laquelle il eft dit , que l'Eglife a été bâtie aux feuls frais de l'Abbaye. Les bas reliefs des bancs du chœur font admirables , 6V: le delîein en eft beau de toute manière. Ce font les Prophéties de l'Ancien Teftament, touchant Jefus-Chrift , avec leur accomplilïement dans le Nouveau. La vSacriftie eft confidérable par la riche argenterie qui s'y trouve , par fes fuperbes ornemens , 6V: par fes reliques. On y montre entr'autres les Chefs de S. Prodocime 6V; de Ste. Juftine , 6V: la plume de fainr*Marc. La magnificence du Monaftere , qui eft une Abbaye de l'ordre de faint Benoît , 6V:'où la réforme a eu fon commencement, répond bien â la fcsauréde l'Eglife. Les bâtimens font vafi-tes. Il y a fix cloîtres, plufieurs cours 6V: plufieurs jardins. Cette Abbaye a été bâtie dans le lieu où étoit, du temps des* L'Etat de Venife. %%ï Romains , le temple dédié à la Concorde. • La grande Place qui eu près de cette Abbaye , s'appelloit autrefois le champ de Mars : on l'a dépouillé de cet ancien nom pour l'a ppe lier Prato délia va lie. Il y a dans cette Place un petit efpace qu'on appelle Campo fanto j parce que c'eft j dit on , l'endroit où plusieurs Martyr? ont autrefois fonffert la mort. Quant à 1 Univerfïté de cette ville, elle fut fondée en 1179. Le Pape Urbain IV tk l'Empereur Frédéric II, l'augmentèrent confidérablement en izn. Elle étoit autrefois très-ftorilîante ; mais aujourd'hui elle eft allez déferte. De dix Collèges il y en a neuf employés à d'autres ufages. Celui qui refte eft un alfez beau bâtiment. On le nomme le coiffe, du Bœuf, parce qu'il y avoit autrefois en cet endroit une hôtellerie qui avoit un. bœuf pour enfeigne. On l'appelle aulli les. Ecoles publiques. Il y a onze différens auditoires, & un beau théâtre pour l'A-natomie. Le jardin des iimples eft de forme ronde , tk environé de terralfes. jl fut pbnté en 1546. Depuis ce temps-la il a été rempli des plantes les plus rares. Quoique Padoue ait l'air pauvre, trif-te 6V: fale, qu'elle foit mal peuplée , en général mal bâtie, mal pavée, & péril- i%i Méthode de Géographie. leufe par fon Qui va li 3 beaucoup d'Etrangers qui y ont demeuré , ne l'ont quittée qu'avec regret, à caufe des Gens de Lettres que les Vénitiens y attirent autant qu'ils peuvent , & qui font ordinairement beaucoup d'accueil aux Etrangers. On remarque dans fon territoire , Bâta g lia j Citadella ; EJle 3 qui a donné fon nom à une Maifon illuftre, d'où viennent les Ducs de Modène ; Gambara 3 Confetue Montagna 3 Bevilaqua ôc An-guillara. Arqua ou Arquato 3 petit endroit où Petraque, célèbre Poète Italien, a demeuré quelque temps 3 ôc (où il eft mort en 1374. 7. LA polesine DE ROVIGQ. Cartes. La Carte de cette Province efl jointe ordinairement avec celle du Padouan , fur-tout dans celle de Pierre M o rt 1er a" Amflerdam 3 en deux feuilles. C'eft une très-petite Province , au fud du Padouan , ôc prefqu'ifolée par le Pô, l'Adige &c l'Adigette. Autrefois elle fai-foit partie du Ferrarois. Ce n'eft que depuis l'an 1500, qu'elle appartient à la République de Venife. Sa capitale eft Ro~ vigo, petite ville fur l'Adige , qui fert VEtat de Venife. 18$ de réfidence à l'Evcque & Adria. Adria n'eft plus qu'un miférable village , 6V: la retraite de quelques pécheurs, quoique c'ait été autrefois une ville aftez confidérable, &c qui a donné fon nom à la Mer Adriatique. L'Evcque d'Adria eft immédiat du Pape. Zélo, Lendcnara ,\Adria & Loreda , font enfuite les endroits les plus remarquables de ce territoire. %. Le Do g ado. Cartes. On ne fauroit fe difp enfer j pour la fin* gularhé j d'avoir un plan de Venife. Celui de Frédéric de W ITT j en quatre feuilles , efl un des plus beaux. On peut y joindre le Golfe de Venife du fieur Nolin. Le Dogado, ou le Duché de Venife ; n'eft proprement qu'un marais près de la mer, qui lui fournit quantité de poiflon , 6V: y fait plufieurs petites ifles. 11 a pour capitale Venife j qui l'eft aufti de tout l'Etat de la République de ce nom. Cette ville qui eft à 45 degrés 35 minutes de latitude feptentnonale, & à 30 de longitude , eft grande , belle, bien peuplée, la plus riche de même que la plus marchande de toute l'Italie , 6V: en un mot, une des plus confidérables de toute l'Eu- 1^4 Méthode de Géographie. rope. Elle eft gouvernée par un Sénat i dont les membres pafTent pour des hommes vertueux ôc de très-grands politiques. Leur République eft la plus ancienne de l'Europe. Cette République étoit autrefois plus puiffante quelle n'eft aujourd'hui , quoiqu'elle polféde une grande étendue de pays au-dedans ôc au-dehors de l'Italie. Venife eft le fiége d'un Archevêque , qui prend la qualité de Patriarche. Elle a aufti une Inquifition j mais qui n'eft pas fort févére. Les Juifs y ont une très • belle Synagogue dans l'Ifle de Zuéquc. Le Dogado s'étend en long 3 depuis-l'embouchure du Linfonza, jufqu'à celle de l'Adige, ôc comprend les Ifles ôc Lagunes de Venife , de Maran, 6V; tout le quartier qui. eft vers la côte du Golfe, depuis Carvazere jufqu'à Grado , ôc plufieurs ifles qui font aux environs de la capitale. Les principales font au nombre de neuf , dont les cinq premières fe trouvent au nord 6V: au nord-eft de Venife ; les quatre autres font vers le midi. Leur nom eft : i. Lido , Grado, z. Murano , 6. Malamocco , 3. Torcello , 7. Chiofa , 4. Caorle j ?. Brondolo, 9. 6V; Loredo. Les principaux lieux du Dogado, font > VEtat de Venife. 1%% Chiofa j Evêché, dans une ifle où l'on fait beaucoup de fel. Port de Chiofa y Meflre , Loredo ou Loreo Murano , où fe font les belles glaces de Venife y Lido j Ifle, visa vis de Venife , & qui la met à couvert des vents. Torcdhi lue Se Evêché. Cahorle 3 Ifle, ville & Evêché, cV: Grado y ont été autrefois du Froul. Malamocco 3 où le Doge fin foit autrefois fa réfidencej Brondoio y fufine Se Marchera. Venife , cependant , pour fa Gtt-gularité , mérite un détail particulier. Venife. Venife , ville d'Italie, la capitale des Etats des Vénitiens , fur le Golfe auquel elle donne fon nom, eft à une lieue de la terre ferme, à trente trois de Raven-ne , à cinquante de Milan , à quatre-vingt-fept de Rome , cV: à quatre-vingt-quinze de Vienne en Autriche. Cette ville , l'une des plus riches & des plus puilfintes de l'univers , fut d'abord très-peu de chofe. Elle doit fii naiffance aux malheurs , dont l'Italie fe vit affligée au cinquième fiécle. Quelques familles de Padoue voulant éviter la fureur des Goths , crurent ne s'en pouvoir garantir qu'au milieu des eaux. Dans cette vue , elles féfoiurenr de s'aller établit dans quelques ifles , affez avant dans la mer, Si elles fe fixèrent dans la principale qu'on nomme 2 S G Méthode de Géographie. Ilia/to ou Riva/ta. Les autres ifles devinrent peu de temps après l'afyle de ceux qui fe dérobèrent à la cruauté d'Attila , dans le fac d'Aquilée , & de quelques autres villes des environs entièrement ruinées par ce Prince , qui fe difoit le fléau de Dieu. Ces pauvres gens bâtirent d'abord quelques petites maifons, qui furent les fondemens de cette fuperbe ville , qu'on regarde comme un des prodiges de l'Europe , 6V: que fon fameux commerce d'étoffes de foye , de points j d'ouvrages de verre , de glaces de miroirs , 6V: de quantité d'autres mar-chandifes , fait conlidérer comme le fiége de l'opulence , 6V; le rendez-vous des ri-cheffes \ aufïi l'appelle-t-on Venife la Riche , nom qui lui fut donné autrefois lorfque fon commerce embraffoit même celui des Indes > qu'elle a fait principalement par l'entremife des Egyptiens , juf-que dans le XVIe fiécle , à l'exclufton de toutes les autres nations de l'Europe. De quelque endroit qu'on aborde à Ve-jiife , foit du côté de la terre - fetme , foit du côté de la mer , l'afpect en eft toujours également fingulier 6V; majef-tueux. On en découvre cependant le plus bel endroit, lorfqu'on y arrive de Chiofa par les Lagunes. On commence à l'ap-percevoir de plus de dix milles de loin , comme fi elle flottoit fur la fur face de la L'Etat de Venife. 1S7 mer _> 6V; environée d'une foret de mats de vaiffeaux & de barques , qui laiflent peu à peu diftinguer les magnifiques bâti m en s du Palais 6V; de la Place de faint Marc, 6V; quelques-uns des beaux édifices qui font fur le grand canal que l'on voit à main gauche. Cette ville eft entièrement bâtie fur pilotis , 6V; a été fondée non-feulement dans les endroits où la mer parut au commencement découverte \ mais encore où l'eau avoit beaucoup de profondeur, afin qu'en rapprochant par ce moyen un grand nombre de petites ifies qui envi-ronoient celle de Rialte , qui étoit la principale, 6V: les joignant par des ponts , on pût en former ce vafte corps , dont la grandeur , la fituation 6V: la majefté extérieure , jointe au grand nombre de fes habitans , au concours des étrangers 6V: à la forme de fon gouvernement , la font admirer de tout le monde. On compte dans Venife environ cent quatre - vingt mille habitans ; 6V; quoi-quelle foit ouverte de toutes parts , fans portes 6V; fans murailles , n'ayant pour remparts que fes maifons 6V; fes Palais , fans fortifications , fans citadelle 6V; fans garnifon , elle eft une des plus fortes villes de l'Europe. Quoique Pifts de la Zueque foit entièrement détachée de Venife , elle ne lailTe 2'S 8 Méthode de Géographie* pas d'en faire partie. Il femble qne ce foir une grande demi-lune, 6V une contre-garde , qui couvre plus de la moitié de la ville du côté du midi , en s'é tendant depuis la hauteur de la Place de S. M;ircs jufqu'à l'extrémité occidentale , lailfant un canal de plus de trois cens pas de large. Cette iile étoit autrefois habitée par les Juifs , qui lui donnèrent le nom de Judcque j ôc enfuite par corruption Zue-que. Elle eft d'une largeur égale par-tout d'environ trois cens pas \ ôc du côté qui regarde la ville , elle a un quai fort fpa-cieux, bordé de plufieurs eglifes magnifiques , Ôc de quantité de belles maifons , qui ont des jardins iur le derrière. Comme cette iile eft coupée pir fept ou huit canaux qui latraverient, il y a autant de grands Ponts qui en continuent le quai , d'où l'afpeét de la ville n'eft pas moins beau , que celui de la Zueque l'eft du côté de la ville y Ôc fi le moindre vent n'empêchait les gondoles de rraverfer a toute heure en fureté fon grand canal , h Zueque feroit fans doute fe plus agréable féjour de Venife. Un très-grand nombre de canaux, qui donnent de toutes parts entrée dans la ville, 6V: la traverient de tous les feus, la divifent en une fi grande quantité d'i-fles , qu'il y a des maifons feules qui ont de Peau des quatre côtés. De-la vient L'Etat de Venife. qu'il n'y a point d'endroit à Venife où l'on ne puïffe aborder en barque , comme il n'y en a guère auiîi où l'on ne puiife aller à pied , par le moyen de près de cinq cens ponts qui en font la communication , d'un grand nombre de petites rues qui traverfent toute la ville , 6c de plufieurs quais , dont la plupart des ca- , naux font bordés. Prefque tous les canaux qui font au centre de la ville, font fort étroits , 6c n'ont aucun quai, parce que les premiers fondateurs de Ve-niie ménagèrent le terrein 3 n'ayant pas l'idée d'une aufïi belle ville , qu'elle eft devenue dans la fuite. Quelques-uns des autres canaux ont un feul quai, 6c d'autres en ont deux j mais ils font la plupart Ci étroits , que deux perfonnes ont de la peine à paffer de front. On en voit néanmoins de trcs-fpacieux \ mais ils n'ont ni appui ni baluflrades , 6c font coupés vis-à-vïs chaque maifon , par des marches pour defcendre dans les canaux , afin de pouvoir commodément entrer dans les gondoles 6c en fortir. Par le moyen de ces fréquentes defcentes , qu'on appelle des Vives j ces quais rétrécis obligent les paf-«ns, fur tout la nuit, de fe ranger près «es maifons pour ne pas s'expofer à tomber d ois l'eau. La profondeur des canaux efl différente ; mais lorfque par le flux l eau eft à fa plus scande hauteur j elle eft Tome FE ° N ic)0 Méthode de Géographie. dans la plupart de cinq à lix pieds , excepté dans le grand canal où la profondeur eft très-confidérable. A l'égard des ponts , la plus grande partie de ceux de Venife font faits de pierres & de briques , & ils font il délicatement bâtis , que l'arche n'a ordinairement que huit pouces d'épaifteur. Les bords & le milieu font faits de chaînes de pierre dure , & ils font allez élevés pour donner partage aux gondoles Se aux grandes barques-, qui vont incertain ment dans les canaux. On y monte de chaque côté par quatre ou cinq marches faites d'une pierre blanche , qui approche de la nature du marbre , Se qui avec le temps devient il polie & fi glifiante , que pendant la pluie cv pendant la gelée , il eft fort difficile de s'empêcher de tomber ; Se comme ces ponts n'ont point de parapets , la chute n'en eft que très - dangeretife ; aufïi les pierres font une des trois chofes dont on avertit de fe donner de garde à Venife. Rien ne contribue davantage à la beauté de cette ville que fon grand canal, qui commençant près de la Place de S. Marc , pafTè en ierpentant par le centre de la ville , Se va fortir vers l'occident, vis-à-vis de Fuchie où la Brente entroit autrefois clans les Lagunes \ ce qui fait aifé-ment juger que le grand canal a été anciennement le véritable cours de cette ri- L'Etat de Venife. ±91 yiere , & que la partie de la ville , ou eft le-pont de Rialte , étoit le principal port que les Padouans euffent dans les Lagunes. Ce canal a près de deux milles de longueur , & cinquante ou foixante pas de largeur. Comme il fait plufieurs contours clans le milieu de la ville j on le traverfe fouvent trois fois , lorfque par les gondoles on veut prendre le chemin le plus court , pour aller d'un côté de la ville à l'autre. Il eft bordé des plus beaux Palais -, mais non-feulement il manque à" fa beauté un quai qui le borde dans toute fon étendue ; mais on voit encore parmi fes palais un fi grand nombre de petites maifons, que c'eft une efpece de difformité dans fa magnificence. On trouve en plufieurs autres endroits de la ville des maifons & des palais très-fuperbes \ mais fans entrer dans leur détail , il fufftt de dire que les façades de ceux des Cornaro &' des Grimani , qui font fur le grand canal , peuvent fervir de modèles pour les édifices des plus grands Princes. Après ceux - là on en voit fur le grand canal, comme par-rout ailleurs , un très grand nombre d'une architecture antique , dont les façades ornées de .grands balcons de marbre , au premier & au fecond ^tage } font des marques évidentes de l'ancienne puifiance de la République. L'eau du grand ca- N ij z<)i Méthode de Géographie. nal eft toujours belle Ôc. toujours claire , foit qu'elle foit haute ou qu'elle foit balfe , parce qu'elle a beaucoup de profondeur : aufti le courant dans le flux Ôc dans le reflux ., n'y eft-il guère moins grand que celui d'une rivière. Les galères ôc les plus grandes barques chargées y trouvent affez de fond. Ce grand canal qui fépare Venife en deux parties prefque égales , n'a que le ieul pont de Rialte , qui fe trouve au centre de la ville , dans le quartier qui lui donne fon nom. Autrefois ce pont n'étoit que de bols j mais en 15 87 , la République le fit bâtir de pierres. Il eft d'une feule arche j mais fi grande , qu'une galère , dont le mât eft abaiffé , peut y paffer les rames étendues. Les fonaemens en furent pofés des deux côtés fur dix mille pilotis d'ormes , après avoir creufé feize pieds en terre pour rendre l'ouvrage plus foli-de. Le eeintre de l'arche n'eft qu'une moyenne portion d'un grand cercle. On ne voulut pas l'élever à proportion de fon diamètre , afin de pouvoir monter fur le pont avec moins d'incommodité } mais il eft fort large , Se tout bâti de grandes pierres de taille , aufti dures que le marbre. 11 fondent fur fes deux rampes un rang de boutiques de chaque côté , ôc dont la charpente , faite en berceau , ôc couverte de plomb , fut un agréable effet» l'Etat de Venife, l<)} ÏI réfte entre ce double rang de boutiques un partage allez tarée dans le milieu , où l'on monte par pluiieurs marches julquan haut qui eft percé des deux cotés en forme'de portique. De-là on découvre à droite 6c à gauche le grand canal , 6e l'on y trouve une entrée dans les deux condors , qui régnent d'un bout à l'autre du pont, derrière les deux rangs de boutiques. Une forte balu/trade , foutenue par une belle corniche , fait l'appui de ces condors , & le tout eft d'une architecture très-régulière. Ce pont a conté deux cens cinquante mille ducats y cependant corn-me l'incommodité feroit trop grande pour les habitans , d'aller chercher le pont toutes les fois qu'on veut paffer d'un côté de la ville à l'autre , on trouve en dix huit ou vingt endroits dans route la longueur du grand canal , plufieurs gondoliers , toujours prêts à porter les paftans dans leurs gondoles, d'un bord à l'autre. Il y a de femblablei trajets dans pluiieurs autres endroits de la ville , où faute de pont, le détour feroit trop grand , ii on vouloir faire entièrement le chemin par terre. Les gondoliers publics font obligés aulli de conduire les perfonnes qui. entrent dans leurs gondoles , quelque part qu'elles veuillent aller. La taxe eft de quinze fols, monnoyc du pays , par heure. Le terrein eft fi ptécieux à Venife , N iij 294 Méthode de Géographie. qu'il ne faut pas s'étonner fi prefque toutes les rues font fi étroites , que dans la plupart des plus partantes , on ne peut tenir que deux perfonnes de front. Cependant comme elles font toutes pavées de briques mifes fur le côté , Se qu'on n'y voit ni caroffcs , ni chevaux , ni charet-tes , ni traîneaux , on y marche fort commodément. Les bouts des rues ont été tenus affez larges , Se l'on a ménagé un grand nombre de petites places , outre celles qui font devant chaque Eglife. Elles font pour la plupart affez étendues. Le be-foin qu'on a d'eau douce a obligé de pratiquer toutes ces places , pour y faire au milieu de chacune une citerne publique , qu'on appelle improprement des puits ; car elles ne fe remplirent que d'eau de pluie , qui fe ramallè toute clans des gouttières de pierres qui font fut les maiions , Se qui la jettent dans les éponges des citernes , par des tuyaux qui font pratiqués dans 1'épaitfeur des murailles. On afTure cependant qu'on voit des fources d'eau vive dans quelques uns de ces puits. Ceux qui veulent avoir de meilleure eau , en envoient prendre dans la Brente , Se la font jetter dans ces citernes, où elle fe purifie Se devient très 'aine. La Place de S. Marc eft une des plus magnifiques de j'Euçope , non 'eu te ment par fa grandeur , mais encore par la fomp' L'Etat de Venife. 2.95 tuofîté des bâtimens , dont elle eft environée j & par le concours continuel de toutes fortes de nations. Il y a proprement deux places différentes, dont la première , qui eft la moins grande , eft tournée vers le midi, tk regarde la mer : elle fait le plus bel afpeét de Venife. La mer bat contre cette place , dont la rive eft bordée de grandes pierres de taille , avec plufieurs marches. C'eft fur ce quai que font dref-fées deux hautes colonnes de marbre d'une feule pièce , éloignées- l'une de l'autre de plus de foixante pas. Sur celle qui eft à main droite , on voit le lion ailé de S. Marc , fait de bronze , & fur l'autre , la ftatue de S. Théodore , premier patron de Venife. Ces deux colonnes étoient ref-tees long-temps fur cette rive , fans qu'aucun Ingénieur eut ofé entreprendre de les élever. L'Archite&c qui s'en chargea demanda pour toute récompenfe à la République , qu'il fut permis de jouer à toutes fortes de jeux de hazard fur les marches qui font au pied de chaque colonne ; ce qui lui fut accordé, avec une penfion honnête pour le refte de fa vie. Dans une grande quantité de navires , que l'on voit vis-a-vis de cette place , il y a toujours une galère armée , ayant la proue entre les deux colonnes, tk prête à défendre le a ais s s tl arrivoit quelque émotion populaire. £He fert aufti à faire l'anprenaf- N iv ic)6 Méthode de Géographie. i.igè aux forçats, dont on équipe les g«> leres de la République. Cette place eîb fermée à main droite du côté de l'orient, par le Palais Ducal de S. Marc j 6V; du côté oppofé, elle eft bornée par une aile des fuperbes Procura* ties neuves j qui n'ont à cet endroit qu'un étage, terminé au-delfus par une baluf-trade , avec plufieurs ftatues. Ce magnifique bâtiment, qui eft de l'architecture du Sanfovin , fait un retour à angle droit à main gauche, & fait voir i/ne façade trois fois plus longue , 6V: double en hauteur , fermant tout un côté de la grande Place de S. Marc. Un retour des mêmes Procu-raties , qui fe joint au portail de la petite Eglife de S. Géminien , en fait le fond. L'ancien édifice des Procnraties vieilles oppofées aux neuves , continuant avec la même fymétrie jufqu'à une fort belle horloge , qui a vue fur la mer , 6V: fur la première place , en fait le troifiéme côté y mais le portail de l'Eglife de S. Marc qui avance dans la place plus que le Palais , auquel elle eft contigue , &: qui eft oppofé à celui de S, Géminien , fert de quatrième côté , 6V: fait une agréable perspective pour toute la place. Sous les deux ailes des Procurantes neuves , régne un grand portique à arcades j foutenues par de belles colonnes, Ôc enrichies dans leurs ceintres ôc dans leurs angles, d'ornemens L'Etat de Venife. 197 6V: de bas-reliefs d'une beauté finguliere. Les Procuraties vieilles ont aufli un portique , le long de l'autre côté de la place ; de forte qu'on en peut faire prefque le tour à couvert. L'aifiuence du monde s 6V: la diverfité des marchandifes qu'on étale dans les boutiques , qui font fous ces portiques , ne contribuent pas peu à la beauté de la place j dans laquelle on voit vis à-vis le portail de l'Eglife de S. Marc, trois grands & riches piédeftaux de bronze , fur lef-quels font drelfés trois mâts fort hauts , où l'on attache les anciens étendards de la République , les jours de folemnité. On appelle Broglio à Venife , toutes les Sollicitations , qui s'y font pour venir à bout d'une affaire j mais ce nom fe donne plus particulièrement aux brigues ; que la Noblefte Vénitienne fait pour obtenir les Dignités ; Ôc l'on appelle anf»i il Broglio, l'endroit où fe font ces brigues. La première Place de S. Marc eft comme di-vifée en trois parties , par deux enfonce-me-ns du pavé qui forment comme deux ruilfeaux. Lorfque les Nobles s'alFem-klent le matin , ils occupent le portique «pi eft fous le Palais de S. Marc , & un tiers de la place du même côté ; 6V: lorf-qu'ils vont au Broglio l'après-midi , ils fe tiennent fous le portique de la première aile des Procuraties neuves, ô: dans l'aur N v 198 Méthode de Géographie. tre tiers de la place , parce que le premier côté eft à couvert du foleil levant , &: que l'autre eft à l'abri du foleil couchant. Pendant que les Nobles dont au Broglio , les deux tiers de la place demeurent libres pour toutes fortes de perfon-nes , qui s'y rendent pour affaires , ou feulement par curiofîté , fans fe mêler parmi la Nobleffe. Ce n'eft pas un des moindres plaifirs de Venife , que de voir dès le matin, dans la belle faifon , un grand nombre de Nobles Vénitiens fe promener , s'entretenir , fe faire de profondes révérences, 3c de remarquer même les premiers Sénateurs briguer quelquefois les fuffrages des derniers Nobles , avec une fourmilion qui tient du fubalter-ne. Car quoique par la loi du gouvernement les brigues foient défendues , on peut dire néanmoins que le Broglio eft un véritable marché où l'on fait un commerce public des fuffrages. Pendant que le Broglio fe tient , on voit dans le refte de la place un grand concours de per-fonnes de toutes fortes de qualités , 3c cle toute les nations de l'Europe. Cependant le matin on ne voit guère que des gens d'affaires , ou des plaideurs qui font obligés de fréquenter les Palais j 3c l'après-midi les Etrangers s'y rendent , aulli bien que les Nouvelliftes, les Nobles, 3c une fouie de diverfes autres perfon- L'Etat de Venife. lyy nés, qui s'amufent cous également à regarder les Bateleurs tk les Charlatans. Le Palais de S. Marc eft un gros bâtiment quarré, dont une des deux faces principales regarde fur la rive de la mer, & l'autre fur" la première Place dont on vient de parler. Elles font enrichies de deux Portiques l'un fur l'autre , dont les colonnes tk les arcades travaillées à jour , font de marbre commun j mais d'un ordre d'architecture très-riche , quoiqu'an-tique. Le refte des murailles eft tout uni, 6c diverfiiié en manière de briques peintes , qui par leur arrangement, compo-Letit de grandes lozanges de couleurs différentes , jufqu'aux créneaux qui font de pierre de taille tout d'une pièce , tk diver-lement figurés. Si l'on confidere cet édi-fice de près , on y verra de toutes parts éclater la magnificence de la République. La troifiéme face du Palais, qui eft op-pofée à celle qui regarde la place , donne fur un petit canal. Elle eft d'une architecture plus moderne, tk depuis le II ur-d'eau jufqu'à la hauteur de deux toifes, elle eft d'une pierre extrêmement dure, taillée en pointe de diamant. On y arrive en gondole , & l'on y entre par. fix grandes portes , dont les marches font couvertes d'eau • tout le refte de cette face, qui eft d'une "hauteur &c d'une longueur extraordinaire , avec les deux longs bal- N vj Isa Me aie le de Géographie. cens , qui font aux deux étages, eft fait" de marbre commun , taillé en bas-reliefs.-La principale Porte eft fur la Place, dans le coin qui touche à l'Eglife de S. Marc ; elle eft d'une architecture fort antique y ornée de plufieurs figures, Se donne entrée dans un long Portique , qui communique à main droite dans la cour , à gauche dans l'Eglife de faint Marc, Se dont-l'extrémité aboutit à un efcalier qui eft à découvert. La cour eft affez grande y trois corps de logis en font les trois côtés y& le Portique de l'entrée qui fou-tient un feu! étage magnifiquement bâti Se conrigu à l'Eglife , en fait le quatrième coté. Autour de la cour régne un large Portique , dont les colonnes font de marbre , taillé à pans Si à panneaux enfoncés. Ils foutiennent un fécond Portique, qui eft au premier étage, de plein pied à celui du dehors qui regarde fur la Place. Mais rien n'égale la beauté de la fa--c.,de du corps de logis qu'on voit en entrant du côté de la Place , & qui répond à celui qui donne fur le canal. Ce bâtiment, moins ancien que le refte du Palais , paroît avoir été fait dans la plus grande opulence de la République. Toute la hauteur qui eft au-dellus du fécond. Portique eft ornée de cadres , de demi colonnes , de feftons , d'arabefques , Se ^autres bas celiefs dune beauté lingu* VEtat de Venife. 3e*' liere. Ce qu'il y a de plus riche dans la cour du Palais , pour le marbre ôc pour la fculpture , eft contre le Portique par où l'on entre. On y voit de belles figures antiques ; mais l'Adam ôc l'Eve, qui font au Portail de ce même Portique , qui eft oppofé à l'efcalier, font deux figures excellentes. L'efcalier eft de marbre , ôc d'une feule rampe à découvert. Il conduit au Portique du premier étage} ôc il eft terminé par deux belles ftarues colof-fales du Sanfovin. Au premier étage du Palais il y a un grand nombre de chambres , tant fur k Cour que fur la Place , toutes de plein pied aux galeries du dedans Ôc du dehors , ôc dans lefquelles s'affèmblent dirfcrens Magiftrats pour y rendre la juftice. Un magnifique efcalier qui commence au fécond étage j dans le milieu du plus grand corps de logis , conduit par la première rampe aux appar-temens du Doge, qui font à main gauche , ôc par le fécond on monte aux falles du collci-re du Prégadi , du Scrutin du Confeil des Dix , des Inquifiteurs d'E-^ » à la fille du Grand-Confeil : enfin par un labyrinthe de communication , ou pane dans toutes les chambres du Palais «ou l'on defeend par un autre efcalier qui u eft pas éloigné du premier. On ne voit: «ans toutes ces pièces que lambris , que parents magnifiques en dorures & en. 30z Méthode de Géographie. peintures. Les murailles , au lieu de ta-pifteries , font couvertes de grands tableaux faits exprès pour ces lieux. Il fufht pour faire connoître leur beauté, de dire , que les plus grands Peintres de l'Ecole Lombarde , Georgeon , Titien , Paul-Vé-ronèfe , Palme , Tintoret , 6V: plufieurs autres , fe font erfovcés à l'envie, pour y produire des chefs-d'oeuvres de leur art. L'Eglife de S. Marc, eft proprement la Chapelle du Doge , 6V; l'on y fait toutes les cérémonies folemneiles. Cette Eglife eft collégiale , 6V: n'a aucune jurifdicfion au dehors. Mais comme elle dépend entièrement du Doge , c'eft lui qui en nomme le Primicier , qui eft le Doyen du Chapitre , officiant avec la mitre 6V la croffe , 6V faifant toutes les fonctions épif-copales. C'eft toujours un noble Vénitien , qui eft pourvu de cette dignité , dont le revenu eft d'environ cinq mille ducats , fans une Abbayequ'on y joint ordinairement. Ce Prélat eft à la tête de vingt fix Chanoines, tous à la nomination du Doge. 11 y a outre cela un Séminaire de plusieurs jeunes gens, deftinés à faire le fer-vice de cette égiife. Dans les principales folemnités de l'année, & fur-tout dans la Semaine-Sainte , on y fuit un Rituel conforme à celui d'Alexandrie , parce que le corps de S. Marc , fuivant une ancien- VEtiit de Venife. 301 ne tradition , a été apporté de cette ville à Venife. On y obferve des cérémonies très-particulières. Une des plus remarquables eft la Proceflion du Saint Sacrement , qu'on porte le Vendredi Saint à neuf heures du foir 5 autour de la place , dans une efpece de cercueil , couvert de velours noir. Jamais le Pape n'a pu abolir cette coutume. Mais au lieu qu'elle fe pratiquoit autrefois dans tout l'Etat, la République en a lailfé l'ufage aux feules eglifes de Venife , qui font toutes le même foir une femblable proceftion. Rien au monde n'eft plus beau que Venife pendant cette nuit, qui eft éclairée d'un million de flambeaux. La place de S. Marc donne pour lors un fpectacle , aufti religieux que brillant. Il y a deux grands flambeaux de cire blanche à chaque fenêtre des Procuraties. £Zq double rang de flambeaux difpofcs avec ordre y &c ceux qu'on allume fur le portail de l'Eglife , font un très-bel effet , & fervent a éclairer toutes les Proceftions des Confrairies &c desParoiffes voifines , qui paflent exprès dans cette Place. Pendant ce temps-là , toute la ville eft comme en feu. On épargne fi peu la cire blanche , quon croic qu'il s'en brille autant cette nuit à Venife 5 que pendant une année entière dans tout le refte de 1 Italie. C'eft encore un privilège fingulieï de fEglife jb4 Méthode de Géographie. de S. Marc 3 de dire la Melle à fix heures du foir la veille de Noël. Les défordres qu'on voyoir arriver à cette cérémonie , Ibrfqu'eile fe lai foit à minuit , ont donné occalion au changement qui a été in-troduir. Le bâtiment de l'Eglife efl: antique , iblide & maflif, avec cinq dômes fort s bas , couverts de plomb , 6V: percés d'un rang de petites fenêtres au-delfus de la corniche. Le devant'& les deux côtés de i'Eghfé font une efpece de portique, fermé 6V: féparé du refte. La façade extérieure a cinq grandes portes , enrichies de quantité de colonnes de porphire 6V: de plufieurs autres fortes de marbres fins; Au-delfus du ceintre des portes , eft un coridor fermé d'une baluftrade , qui règne fur toute la face de l'Eglife. Sur quatre pieddvaux , qui font au-demis de Ja plus gtPïdc porte , font placés quatre fuperbes chevaux de bronze doré, d'une beauté fans égale , qui avec routes les peintures de mofaïque à fond d'or , qui font dans les ceintres des portes , $c juf-qu'au plus haut du relte de l'édifice, font le plus riche ornement du Portail. On rient que ces chevaux font les mêmes qui furent donnés à Néron lors qu'il triompha des Parthes , 6V: qui furent mis au char du Soleil, fur l'Arc de triomphe , qui lui fut oonfacré à Rome. Conftandn le- L'Etat de Venife. 30^ grand les fie porter à Conftantinople , 3z les plaça dans l'Hippodrome, ou, comme difent quelques - uns , fur le Portail de Ste. Sophie. Lorfque les Véniriens, joints à l'armée navale des Princes François , eurent contribué- à la prife de Conftantinople, en 1204, Mann Zéno , qui fut le premier Podefta ou Gouverneur , que la République y envoya , pour commander dans la part qu'elle s'étoit refervée de cette conquête , lit tranfporter ces Chevaux à Venife , où après avoir été long - temps gardés , fans qu'on en connût le prix & la beauté , ils furent enfin pofés fur le portail de l'Eglife de S» Marc * Cette Eglife eft faite en croix, fans aucun ornement d'architeèture au-dedans : les murailles 3c les gros pilaftres qui fou-ttenïient la nef, font revêtus d'un marbre gris blanc, oncle de noir, dont les grandes pièces rapportées 3c jointes avec in~ duflrie , forment des ondes fi bien pro-portionées , qu'elles femblcnt faites an pinceau. Depuis l'ouverture des plus baffes arcades , jufques aux voûtes &c aux dômes , tout eft couvert de belles mo fiiïqUes anciennes Se modernes , à fond **or > Se l'on voit en plufieurs endroits de grands tableaux de mofaïque, du delfein aè divers habiles Peintres. Enfin , on ne voit que marbre & riches colonnes dans j06 Méthode de Géographie. toute l'églife j au maître-autel , à la fer-! meture du chœur &c aux trois portes intérieures de l'églife , qui font enfermées dans le portique. Je ne m'arrêterai point à 4faire un plus grand détail. Quand on voit les tables d'or ôc d'argent enrichies de pierreries , qui font le devant Ôc le fond de l'autel, aulli-bien que les ci-cheffes qu'on y expofe dans les folcmni-tés , ôc les grandes portes de bronze à jour 6V: en relief, qui étoient autrefois à Ste. Sophie , on tombe aifément d'accord que la République s'eft fervie utilement des dépouilles de Conftantinople , pour ralïembler en un même lieu un h grand nombre de chofes aufti précieufes. Il y a encore de plus grandes riche (Tes dans le Tréfor. On appelle communément le Tréfor de Venife , ce qui n'eft effectivement que le Tréfor de l'Eglife de S. Marc : néanmoins il eft divifé en deux parties , dont l'une eft proprement à l'Eglife , ôc l'autre fait partie du Tréfor de la République. Les reliques en font la première 6V: la plus elfentielle portion , avec une quantité prodigieufe de pierres précieufes, de vafes 6V: de couronnes. Le tout eft très-foi en eu fe ment confervé dans un endroit de l'Eglife ; ôc les clefs font depofées entre les mains d'un Procurateur de S. Marc. Parmi les reliques , on voit un grand nombre de chattes d'or 6V; d'argent, en- VEtat de Venife. 307 richies de pierreries , avec une quantité furprenante de vafes Se d'argenterie pour Puiage 6V: pour l'ornement de l'autel. Mais celle Je toutes les reliques que la République Se le peuple eftiment 6V: honorent davantage , eft le précieux Sang , qu'on y conferve dans une ampoule , 6V: quon expofe trois ou quatre fois l'année , avec des cérémonies très-particulieres j à caufe des fréqueus miracles qui fe font à ces expofit'on^. On ne voit dans le Tréfor , pour toutes reliques de S. Marc , que le pouce, qu'on dit qu'il fe coupa, pour n'être pas fait prêtre > s'en croyant indigne y Se l'Evangile , qu'on croit être le véritable original de ce Saint. Mais on ne montre que la riche chiffe , dans laquelle on dir qu'il eft enfermé. Cependant, comme la tradition du pays veut que tout le corps de S. Mire ait été apporté à Venife , il y a fûjst de s'étonner de ce qu'on en a fi peu de refte. Près du lieu où l'on garde les reliques, on voit toutes les richelfes du Tréfor arrangées fur les tablettes d'une grande armoire , dont le fond eft de velours noir, pour les faire paroître davantage. Une baluftrade , dans laquelle fe tient le Procurateur qui en a les clefs , empêche qu'on ne puiffe en approcher affez près pour y •porter la main. Les pièces de ce Tréfor quiparoiffent les plus confidérables s font 50 S Méthode de Géographie. douze ccrfelets d'or , faits comme de pe'-tits devants de cuiraffe, tous couverts de grottes perles , & d'un nombre infini de pierres précieufes de routes efpeces ôc de toutes Candeurs \ Ôc douze couronnes d'or , de îa même fabrique ôc de la même richeffe que les corfelets , qui ne péfent guère moins que s'ils étoient de fer à l'épreuve du moufquet. On dit que douze Dames d'honneur de l'Impératrice de Conftantinople , portoient devant elles ôc fur leurs têtes ces riches ornemens, dans les cérémonies folemnelles j mais aujourd'hui , on en pare les gradins de l'autel aux jours des grandes fêtes. On y voit fix gros rubis qui , fans être taillés, ne lailient pas d'avoir un fort bel éclat : ils font tenus ôc traverfés par une broche d'or ; on alfure que le plus gros pefe fix onces. On prétend que la corne ducale , qui eft à la couronne du Doge , dans la cérémonie de fon couronnement , eft la plus précieufe pièce du Tréfor. C'eft une calotte de velours cramoifi, dont le derrière élevé en pointe arrondie , lui a fait donner le nom de corne : les bandes d'or, larges de deux doigts , qui en forment le frontal , ôc la croifée qui la ferme par le deffus, comme une couronne royale, font couvertes de très-belles pierres précieufes , aufli-bien que le milieu des quatre, angles de la croifée. On y voit fur la f L'Etat de Venife. j.oy pointe un diamant de médiocre grandeur , mais fort élevé , dont Henri III , Roi de France , fit préfent à la République , à fon retour de Pologne. Mais ce qui fur-pafle beaucoup le prix de ces pierreries, eft un rang de grottes perles en poire , qui font autour du frontal de cette couronne, 6V: dont la beauté 6V; la grofleur peuvent faire regarder cette couronne ducale, comme la plus riche pièce du Tréfor. On admire encore une tafte , faite d'une feule turquoife , 6V; qui furpaffe en grandeur une fort grande écuellc : au dehors elle a un feuillage de vigne en relief, taillé dans fon épaiflèur. On y voit aulli un petit fceau d'un feul rubis, 6V: plus grand qu'une eguiere ordinaire j des croix garnies de perles & de diamans , des plaques ôc des fceptres de grand prix , 8c quantité de yafes de diverfes figures d'agathes, de cornalines 6V: de plufieurs autres fortes de pierres précieufes tout d'une pièce , d'une grandeur extraordinaire & en alfez grand nombre , pour en faire un fervice entier j ce qui fait connoître quelle étoit la ma-gnihcence des Empereurs de Confiantino-P^e ^ d'où prefque toutes ces précieufes raretés ont été apportées. La République avoit autrefois dans fon Tréfor d'autres nchelfes , qui n étoient guère moins con-fidcrables. C'étoit une chaîne d'or , d'une groffeur 6V: d'une longueur fi extraordi- $io Méthode de Géographie, naire , qu'il falloir quarante hommes pour la porter : on y voyoit aufli douze ou quinze millions d'or monnoyé , aufquels on ne touchoit jamais. On étaloit ces grandes richefles aux ieux du peuple ôc des étrangers , certains jours de foiemnité. On faifoit tendre cette chaîne d'or le long du portique du Palais , qui eft fur la place , dont elle tenoit les deux faces j 5c l'on y joignoic des monceaux de monnoie d'or, qu'on plaçoit entre chaque colonne. Mais la guerre de Candie a épuifé ce Tréfor j &c la chaîne a été convertie en fe-quins , dans les preGTans befoins de l'Etat. On remarque encore dans la place de S. Marc, le clocher , que les Vénitiens regardent comme un des principaux or-nemens de leur Ville , quoiqu'il falfe en quelque forte obftacle à la beauté de la place. Cette tour eft bâtie près de l'angle , que font les deux ailes des Procuraties neuves j de forte que l'Eglife avançant dans la place , de l'autre côté, le clocher occupe la plus grande partie de l'efpace qui eft entre les deux places de S. Marc ; 5c comme il fe trouve vis-à-vis de la grande porte du Palais, il en borne la vue. Cet édifice eft cependant très hardi, tout ifoîé , quarré , 6V: bâti de briques, n'ayant qu'environ vingt-cinq pieds fur chaque face j 6k cent quatre-vingts pieds , jufqu'à une grande corniche de marbre où corn- L'Etat de Venife. \\t mence l'étage des cloches. Depuis cet étage jufqu'à la pointe du clocher, il y a encore cent foixante pieds j & le tout eft foutenu pat des colonnes , qui portent une autre corniche 5 & une pyramide au-delfus , couverte de lames de cuivre doré, que le temps a rendu de couleur de bronze j aufti-bien qu'un Ange , qui a près de trois toifes de hauteur , &: qui étant placé 1 fur l'extrémité de la pointe, les ailes étendues j montre de la main le côté d'où vient le vent. Les murailles de cette roué font doubles en dedans j entre les deux, on monte infenfiblement jufqu'aux cloches , en tournant, & fans qu'il y ait de marches. Il eft confiant que pour élever fur un fond aufti peu folide un bâtiment de cette hauteur , d'où l'on découvre prefque tour l'Etat de Terre-ferme , &c même certains endroits au-delà de la mer , il n'a point fallu moins de dépenfe dans la terre que dans le dehors. On voit peu de villes qui foient plus remplies d'Eglifes que Venife ^ car on y compte foixante-douze Paroifles , toutes delfervies par plufieurs Prêtres habitués ; plus de trente Couvens de Religieux, & plus de trente-cinq Monafteres de Religieufes • outre pluiieurs Chapelles , un grand nombre de Confrairies de pénitens > quon appelle Ecoles. Les Eglifes des Paroifles font prefque toutes petites, & ne g t 2 Méthode de 'Géographie. font ni les pins riches, ni les mieux ornées : celles des Religieux & des Religieufes font les plus belles & les plus propres. Mais quelques-unes des Eglifes des grandes Confrairies , font incomparablement plus magnifiques en bâtimens, Se plus riches en excellens tableaux , Se en belle argenterie. Il n'y a pas néanmoins une Eglife à Venife , où l'on ne puifïe trouver quelque chofe de rare en peinture ou en architecture. Ceux qui con-noiffent cette belle ville , font perfuadés qu'elle contient elle feule autant de beaux tableaux , que prefque toute l'Italie ensemble. Non feulement les maifons de la plupart des Nobles , Se celles de divers particuliers , font pleines d'excellentes peintures ; mais encore la plus grande partie des eglifes Se des édifices publics ont leurs plafonts Se leurs murailles couvertes de tableaux précieux. L'Ecole de S. Roch tient le premier rang pour les ri-cheffes , pour la-beauté de l'architecture , Se pour la quantité fur prenante des ouvrages du Tintoret. Celle de S. Marc ne lui cède guère. La "façade eft de marbre , enrichie de bas-reliefs , ôV: au-de-dins elle efl toute peinte par le même Maître, qui a produit une fi grande quantité de beaux Ouvrages , que la vie d'un autre Peintre .ne fufKroit pas pour exécuter ce qu'il a fait à S. Roch en deux ans. L'Eglife de L'Etat de Venife. 5 i 3 S. Sébaftien eft admirable , pour la beauté & pour le grand nombre de tableaux de Paul Véronèfe , qui y eft enterré. Celle de Sainte Marie majeure a pluiieurs ouvrages du Baftan. Mais pour l'architecture , entre les Eglifes modernes , celle qui tient le premier rang eft Notre- Dame délia Sainte que la République a fait bâtir , à la fuite d'un vœu , pour être délivrée de la pefte. Le delfein en eft fingu-lier j 6V; fa fituation , à l'entrée du grand canal, eft admirable. C'eft un grand octogone , qui en renferme un plus petit, dont *es huit pilaftres qui font aux angles fou-tiennent un fort beau dôme. Le maître-autel eft dans l'enfoncement du grand ovale j 6V: il eft enrichi Aq très-belles figures de marbre blanc, repréfentant la pefte chalfée par le zélé , Ôc par la piété de la République. 11 y a fix chapelles enfoncées dans les fix autres faces de l'octogone , avec des autels 6V; des baluftrades de marbre. Le portail ôc tout le dehors de cet édifice n'eft guère moins embelli que le dedans. L'Eglife 6V; le Couvent de S. George Majeur , qui occupent une iile , vis-à-vis de la place de S. Marc, dont elle n'eft éloignée qlie d'une portée de fufil, font «e tres-fuperbes bâti mens. On y voit l'admirable tableau des noces de Cana , qui tient tout le long du Réfectoire , ôc qui palfe pour le chef-d'œuvre de Paul Vc-Tome VJ. O 5 i 4 Méthode de. Géographie. ronèfc. Cette Abbaye eft de l'ordre de S. Benoît j 6V: le jardin eft; la plus charmante promenade de Venife. 11 eft envi-roné de ter.raffes revêtues en forme de remparts , d'où l'on découvre tout ce qu'il y a de beau dans les Lagunes. Le Couvent de S.Jean 6V: de S. Paul, qui eft dans la Ville , a les plus magnifiques dortoirs qui fe piaffent voir : l'Eglife eft des plus grandes , Se le tableau de S. Pierre , martyr , fait par le Titien , en fait le plus bel ornement. C'eft le chef-d'œuvre de ce grand Maître , Se l'un des quatre beaux tableaux du monde j mais il fe gâte beaucoup , tant parce quil eft dans une mau-vaife expofition , que parce que les Peintres qui le copient in ce (Ta m ment , ont déjà paffé fî fouvent l'éponge fur le vifage du Saint, que le coloris en eft prefqu'é-teînt, quelque foin qu'on ait d'empêcher que les copiftes n'en approchent de trop près , 6V: quoiqu'ils ne puiffent travailler fans en avoir une permi.flîon expreffe. On voit aufïi à Venife , plufieurs petites Eglifes , d'une beauté finguliere. Elles font du S'anfovin Se du Palladio. Mais ce dernier n'a rien fait de fi beau que l'Eglife dit Rcdemptor 3 fituée à la Zueque. Elle eft comme Notre-Dame délia Jalute 3 l'effet d'un pareil vœu de la République j Se comme elle étoit deftinée pour les Capucins , qui ne la vouloient pas accepter aufïi L'Etat de Venife. 515 magnifique qu'on l'avoir projetée , il fem-ble que le Palladio ait fu tromper les ieux , & faire confifter la beauté de cette Eglife, dans une fimplicité apparente du bâtiment, ôc dans les juftes proportions de l'art y plutôt que dans les richelfes de l'architecture j qui cependant en eft admirable. On trouve néanmoins que la voûte, qui eft faite en berceau ôc foute unie, eft un peu trop furbaiffee. Dans la plupart des Eglifes on voit de magnifiques mau-folées : on en a dreffé prefque à tous les Doges , ôc aux premiers Sénateurs. Les Vénitiens ont toujours été très-foigneux d'élever de fuperbes -monumens à la vertu 6V; à la mémoire de leurs grands Hommes. Ainfi la ville de Venife fe trouve ornée d'une infinité de beaux tombeaux de marbre. Apres la place de S. Marc, les deux endroits de Venife les plus riches ,* les plus peuplés , 6V: les plus agréables à la vue , font la Mercerie ôc Rialte. Tout le chemin quife trouve entre la place ôc le pont de Rialte, s'appelle la Mercerie. Il confine en cinq ou fix mes affez étroites. Sur les boutiques des principaux marchands , font étalées toutes fortes de belles étoffes de foie Ôc de laine , des draps d'or , des points de Venife , des rubans , des dentelles d'or Ôc d'argent ? des velours, des da* O ij 3 16 Méthode de Géographie. mas , des brocards ; tour cet étalage , joint à plufieurs autres fortes de marchandifes, fait de la Mercerie , un des plus agréables objets de cette belle ville. Le Quartier de Rialte eft le plus ancien de Venife , & c'eft-là qu'on jetta les fondemens de la ville. 11 contient une allez grande ifle , qui eft de l'autre côté du pont, au pied duquel, à main gauche , eft une longue gallerie } fous laquelle font des Marchands de draps ôc d'autres étoffes. A main droite eft la place de Rialte , dont la petite Eglife de S. Jacques , bâtie la première il y a plus de douze cens ans, fait un des côtés proche du pont. Les deux autres font fermes par des portiques , fous lefquels les négocians s'alfeniblent tous les jours à midi, pour les affaires de leur commerce. Derrière l'Eglife de S. Jacques , fur le bord du grand canal s on voit un bâtiment fort ancien , prefque tout de marbre , fous lequel il y a d'affreufes prifons. C'étoit autrefois le Palais de la Juftice de toute la ville , ôc divers Magiftrats y tiennent encore les Tribunaux civils & criminels de Rialte. Jl y a fur le même bord du grand canal de longs bâtimens publics, foute-nus par .des portiques , fous lefquels fe vendent touteg fortes de provisions de bouche ; 6V: au bout de la rue qui eft vis-à-vis du pont, on trouve une quantité pro- VEtat de Venife. 317 digieufe de boutiques d'orfèvres 6V: de joailliers , garnies des plus belles pierreries de l'Europe. L'Arfenal de Venife fait le fujetde l'admiration des Etrangers \ c'eft le fondement de toutes les forces de l'Etat. Son enceinte eft très-vafte : on ne lui donne pas moins de deux milles de circuit. Il occupe toute l'extrémité orientale de la ville, dont il n'eft féparé que par un canal qui Fenvirone de trois côtés, 6V: il a les Lagunes vers le nord. 11 eft fermé de murailles très-hautes , flanquées de plufieurs petites tours-, 011 l'on fait une garde exacte , fur tout pendant la nuit ,afin que les fen-tinelles, par le moyen des cloches qui font à ces tours , puilfent promptement avertir les corps-de-garde , foit dans les furprifes qui feraient à craindre , foit en cas de feu. En un mot, c'eft une pièce fi importante à la République , qu'il n'y a rien dont elle foit plus jaloufe , puifque dedà dépend la fureté de la ville 6V: de l'état. Dans un grand nombre de falles , on voit une quantité prodigieufe de toutes fortes d'armes pour l'infanterie, pour la cavalerie , pour les vaiffeaux 6V: pour les galères. On compte qu'il y en a pour armer plus de cent mille hommes. 11 en eft de même pour les arméniens de mer ; 6V: l'on croit qu'il y a dequoi armer près de cent galères. La République traita le O iij 3 i S Méthode de Géographie. Roi Henri III, dans la plus grande falle de l'Arsenal j ôc le plaiiir qu'elle lui donna de voir faire monter un galère toute entière, pendant le temps de fon dîner, ne fut pas le moindre de fes divertilfemens. Sous les falles de l'Arfenal font des magasins féparés pour toutes fortes d'équipages de guerre. On y compte plus de huit cens pièces de canon j ôc des boulets, des mortiers , des bombes , des grenades à l'infini. Les mâts , les antennes , les avirons , les poulies, les voiles, les cordages , les ancres , Et tous les agrêts ôc fcr-remens qui entrent dans la conftruélion des bâtimens , y font confervés chacun dans des lieux feparés. Il y a dans l'Arfenal trois varies quar-rés d'eau qui communiquent avec les Lagunes , ôc tout autour lont des loges ou remifes alfez grandes pour contenir deux bâtimens.à couvert. C'eft-là qu'on fabrique les Vaiffeaux , les Galères ôc les Ga-léalfes. Ces derniers bâtimens égalent les plus grands vaiffeaux en longueur Ôc en largeur. Leur équipage efl de mille à douze cens hommes , ôc de quarante à cinquante pièces de canon. Il ne peuvent jamais être commandés que par des Nobles Vénitiens , qui s'obligent par ferment ÔC répondent fur leur tête qu'ils ne refuferont pas de combattre contre vingt-cinq Galères ennemies. L'Etat de Venife. 3 t 9 L'Arfenal fe gouverne comme une petite République. On y fait bonne garde , 6V: les ouvriers y travaillent fous l'autorité de trois Nobles Vénitiens , qui font leur réfidence dans ce lieu , Se qu on ne change que tous les trois ans. Les ouvriers ne lailfent pas néanmoins d'être fournis a un Directeur-Général des ouvrages , appelle le Grand-Amiral. 11 porte la robe de fatin rouge , St la toque de damas violet avec un cordon d'or. Ce n'eft cependant qu'un maître ouvrier, qui doit à fon habilité , l'intendance qu'il a fur toutes les fabriques de l'Arfenal. La plus il-luftre de fes fonctions eft de conduire le Bucentaurc , lorfque le Doge, accompagné des Arpbaifàdeurs 6V: de la Seigneurie , va époufer la Mer le jour de FAf-cenfîon. Cet officier eft le Pilote de ce magnifique bâtiment , dont tous les arti-fans de l'Arfenal compofent la'chiourme; par une autre formalité Singulière, il s'oblige fous peine de la vie , de ramener le Bueentaure , fans le laiflèr furprendrc â la tempête : aufti quand le temps eft douteux , ne pafle-t-il guère au-delà des Bouches du Lido , ou bien il fait remettre la cérémonie à un autre jour. Il y a encore*daris l'Arfenal un Intendant des machines militaires, 6V: de toutes les inventions méchaniques qui peuvent fervir a ta guerre ou au nétoyement des Lagu- O iv jïo Méthode de Géographie. nés : c'eft toujours un habile Mathématicien. La République n'entretient ordinairement que cinq cens ouvriers dans l'Arfenal pendant la paix; mais en temps de guerre elle en augmente le nombre jufqu'à deux mille. Outre les avantages qui font communs à la ville de Venife , avec toutes les villes maritimes , elle en retire encore un tout particulier de fa fîtuation au milieu des Lagunes , qui font comme le centre où aboutiiTent diverfes rivières, entr'autres le Pô., l'Adige , la Brente, la Piave , Se quantité de grands canaux que la Répil-bl ique à fait creufer dans une partie de fes Etats , pour la commodité des voitures. Cette fituation donne une (i grande facilité à Venife >. pour y exercer un grand commerce , que depuis la fondation de la République jufqu'à préfent , il n'y a point eu de ville en Europe qui en ait un plus grand. Les Vénitiens étoient autrefois les feuls qui fiffent le commerce des Mers du Levant 8c des Indes Orientales. Leurs vaiffeaux alloient charger à Alcxan-drerte , port d'Alep , à Alexandrie d'Egypte ôc dans les autres échelles du Levant , les marchandifes qu'on appcrtoit en Syrie Se en Egypte, Se ils lë$ tranf-portoient enfuite dans la plupart des ports Se des grandes villes de l'Europe. Mais depuis que les Portugais, Se après eux d> VEtat de Venife. $11 verfes autres Nations ont eu le courage de paner la ligne Se de doubler le cap de bonne-Efpérance j le commerce des Vénitiens a fouftert un préjudice confidéra-ble. 11 ne leur refte plus guère que celui de Conftantinople & d'Allemagne ; aufti Comme le débit de leurs riches étoffes .6V: de leurs principales manufactures leur eft d'une extrême conféquence , ils entretiennent ces commerces avec beaucoup d'application. Us diftribuent outre cela leurs miroirs 6V leurs cryftaux en Allemagne , en Italie 6V: en Efpagne y leurs velours en France , 6V: leurs points de Venife prefque par-tout, excepté dans la France , depuis que l'entrée en a été interdite. Il feroit difficile de dire la grande quantité de brocards , de damas 6V: de draps d'or „ que les Turcs 6V: les Arméniens enlèvent incef-famment pour Conftantinople ou pour la Perfe. Afin d'entretenir cet important commerce , la République a de très-grands égards pour les fujets du Grand-Seigneur qui rendent à Venife : elle leur a donné un vieux Palais fur le grand canal. Tous les Turcs y logent enfemble , 6V: y font l'entrepôt des marchandifes qu'ils envoient , 6V de celle qu'ils reçoivent. S'il arrive quelque démêlé entre ces Turcs 6V: les fujets de la République, 6V: que les premiers prétendent avoir été offenfés, ils en Ôv jii Méthode de Géographie. vont demander fi hautement la fatisfac-tion, & ils l'obtiennent fi promptement, qu'il Semble qu'on n'oferoit la leur refufer. Pour rendre ce commerce plus facile 6V: plus affuré , on a confirait un vailïeau , qui eft proprement une demi-galéaffe 9. Se- qu'on appelle la Galère des marchandifes. Elle porte à Spalatro en Dalmatie pour un écu la pièce , tous les ballots des négocians de Venife , 6V: à Spalatro on les charge fur des chameaux qui les portent à Conftantinople 6V: en A fie. Le commerce d'Allemagne eft le premier 6V: le plus ancien qu'ait eu la ville de Venife ; Se comme il n'eft guère moins avantageux à l'Etat que celui du Levant , on n'a rien oublié de tout ce qui pouvoit contribuer à l'entretenir. Dans cette vue, la République a accordé aux Marchands Allemands , pour magazin ^ un ancien Palais près du Pont de Rialte. Les Négocians de cette nation y font commodément logés à un prix modique , Se jouif-fent de plufieurs privilèges qui facilitent leur commerce. Ce Palais eft peint' au-dohors à frefqne , par Georgeon 6V: prr le Titien \ Se quoique cette peinture foit à demi eHacée , il en refte encore de beaux morceaux. Mais ce qu'il y a de pins précieux dans ce magazin eft une tapifTe-£.ie de cuir doré, avec des figures toutes L'Etat de Venife. 315 peintes par Paul Véronèfe j 6V: c'eft un des plus beaux ouvrages que ce Peintre ait jamais faits. ■ Venife a une fameufe Banque , appellée il Banco del Giro. C'eft un dépôt que les Négocians ont fait de leur atgent entre les mains du Prince \ c'eft ainfi qu'ils appellent ordinairement la République , qui en demeure garante, 6V: qui paye 011-tte cela , les appointemens des Officiers qui en tiennent les regiflres. La fureté de cette Banque eft d'un grand avantage pour les marchands, 6V: d'une grande commodité pour le commerce \ car fans Hcbour-fer aucune fomme , il s'y fait à tous mo-mens des payemens , ai 11 h qu'à Amfter-dam , en changeant feulement les parties de nom. Si quelqu'un des Intérefîés a befoin de fon fond , il y a toujours dans les coffres de la banque , de l'argent comptant tout prêt pour l'acquiter. Mais comme on eftime beaucoup plus ces fortes d'effets que l'argent, il fe trouve des perfonnes toujours prêtes à acheter des fommes à intérêt , quoique la Banque n'en donne aucun. Le fond de cette Banque cic fixé à cinq millions de ducats. On auroit delà peine à fe perfuader que l'air foit aufti bon à Venife qu'il l'eft tn effet, fi l'expérience n'en avoit convaincu ceux qui ont demeuré dans cette O vj 3 24 Méthode de Géographie. ville, pendant les diverfes faifons de l'année. Il fembleroit que la grande humidité du lieu , jointe à l'inconftance du temps qui paffe en un moment d'une extrémité; à l'autre , en hiver comme en été, de-vroit caufer de fréquentes indifpofitions. D'un autre côté les brouillard;; qui s'élèvent au commencement de l'hiver , 6V: qui durent fouvent plufieurs jours , font il épais & fi froids , qu'en tout autre pays que Venife , on ne pouroit pas les fup-porter fans de fâcheufes incommodités y ôc en été les tempêtes font fi fréquentes , ôc l'extrême chaleur eft fi fouvent 6V: fi fubitement interrompue par des vents froids 6V: par des orages , qu'il y a fhjet de s'étonner que dans une ville où l'on n'eft pas accoutumé à avoir trois jours-de fuite un temps égal, on jouiffe cepen-dant d'un air incomparablement plus doux ôc plus fain , que dans les climats les plus tempérés. *). La AIarche Trevisane. Cette Province, aufti bien que les quatre fuivantes , eft au nord-oueft du Golfe de Venife : elle étoit autrefois plus étendue qu'elle n'eft aujourd'hui. Le pays eft aflez fertile en bled 6V: en vin , 6V: fournit à Venife beaucoup de bois pour la conf-miction des vaiffeaux. Il rapporte à la. République au moins 280. mille ducats. L'Etat de Venife. 3 If Sa capitale eft Trévife j ville Epifcopale , Se le lieu de la naiiïance du Pape Benoît XI. Elle eft belle , bien bâtie , & remplie de Noblefie. Ceneda, Evêché; Colal-to j Comté -, Torcello y ville Epifcopale. Coneglia.no j Cifmone j Baffano j N ovale >-Allino j Citta-Nuova , Mola > S erra-Vaile }- Concordia > ville 6V: Evêché. 10. Le Eelt ri n. C'eft un pays de montagnes , qui n'appartient à la République de Venife que depuis l'an 1404. Il eft fort petit, 6V: fon principal revenu coniifte en fer. Sa capitale eft Lettre ou Eeltri j ville 6V: Evêché j fur une hauteur , à fix lieues au nord de Trevife. Vedana ôc Romagno 3 font enfuite les lieux les plus diftingués. 11. Ie B e l lu n es e. Ce Territoiré.qui eft au nord duPeltrin, abonde aufti en fer, ôc a une grande forer de feize miiîcsde long , qui lui eft nécef-faire pour mettre fes forges en valeur. ■Elle a pour capitale Belluno j petite ville allez jolie , ôc le fiége. d'un Evêque fuffragant d'Aquilée. Zoldo , bourg , dont les montagnes voifines ont beaucoup de fer. Les autres lieux font Caftello > Caftel-io di Parue Agoro > Caflello-Agordino ÔC Cenfcnigke. £ï6 Méthode de Géographie. ii. Le Cad or in. Il efl exempt de tous impôts, à caufe de la fidélité 6V: du zélé que fes habitans témoignèrent pour la République, dans la guerre quelle eut avec l'Empereur Ma-ximilien 1, 8t Louis XII, Roi de France, au commencement du XVIe fiécle. Elle n'a de remarquable que la petite ville de Pieve di Cadore : c'eft la patrie du Titien, le plus fameux Peintre de fon temps. Il y ctoit né Pan 1477, & il mourut de la pefte à Venife Pan 1 575 , âgé de 90 ans. 13. Le Frigùl. Ce pays n'eft aux Vénitiens que depuis le commencement du XVe fiécle , c'eft-à-dire , depuis 1420. ïi eft affez fertile en vin , en fruits, en foie , & en fer. Sa capitale eft Udine j place forte , où demeure le Patriarche d'Aquiîée , cette dernière ville appartenant à fAurriche. Ciudad di Friuli Ven-^one Marano j Palma-Nuo-va , affez bonne forterelTe. Concordia ville épifcopale ruinée , & dont l'Evéque fait fa rélidence à Porto-Gruaro j bourg qui en eft affez proche. Ponte à Lella > bourg affez marchand , 6V: d'un grand paf-fage. * Colorcdo j Cajiel-nuovo Tolme\o y Monte-Ré gale Solambergo > Polcenigo Se Mara/î. Monte-Falconé > près dAqui-lée , eft encore aux Vénitiens, V'Etat de Venife. pCf 14. L'istrie vénitienne. l'Iftrie efl: une prefqu ifle , enfermée encre le golfe de Triefte Se- celui de Quar-nes> au levant de Venife , de l'autre côté du golfe. Elleeft partagée entre les Vénitiens Se la Maifon d'Autriche. Nous avons parlé de l'iltrie Autrichienne , en décrivant les Etats d'Allemagne, tome III. pag. 306 : il ne fera ici quelfcion que de l'iltrie Vénitienne. Le pays eft mal-fain , peu cultivé , Se manque d'eau douce en beaucoup de lieux. Son plus grand revenu confilte en fel , en bétail, Se en bois pour la conf-rruclion des vaiffeaux. En quelques endroits la-terre y produit du vin Se des olives ; mais il n'y croît prefque pas de bled. Cette Province étoit autrefois plus grande, Se contenoit le territoire de Triefte , qui fait aujourd'hui partie de l'iltrie Autrichienne. La capitale de l'iltrie Vénitienne, eft Capo d'Iftria ^. en latin Jujlnopotis , ville Epifcopale , fituée dans une petite ifle , qui communique au continent par «n poat-leyisi Pcrerqo Se Pola , villes Epilcopales , avec d'alfez' bons ports. Al-hna j fur le golfe de Quarnes. Citta-Nuo-j ville Sz Evêché où eft un très-bon Port llovigno 3 aufti avec un Port. Piruno Se Umago fur, la mer. 52S Méthode de Géographie. ARTICLE IV. ly E T A T D E GÈNES, Cartes. M.-Guillaume sanson a donné de la côte de Gènes une Carte fort eflimée yen une feuille : elle fe trouve che% le fieur Jaillot. Pour la curiojité j on pourrait y joindre le plan de Gènes en quatre feuilles , de Pierre Fandeh-Aa. T i 'Etat de Gènes confifre en ce qu'on appelle la Côte de Gènes 3 qui eft fur la terre-ferme d'Italie, 6V; en l'Ifle de Corfe : nous ne parlerons pour le préfent que de la première, réfervant l'autre pour la fin de ce Chapitre. Il n'y a pas d'Etat dont le Gouvernement ait plus varié que celui de Gènes. Je rie parle cependant que des derniers ficelés ; car dans les anciens temps elle fut fujette aux Carthaginois, aux Romains 6V: aux Lombards. Les Génois fe gouvernèrent enfuite eux-mêmes ; mais d'une manière extrêmement tumultueufe, après quoi ils fe donnèrent fucceiîlvement aux François , a l'Archevêque de Milan, au Marquis de Montferrat, au Bue de Milan , 6V: de re- La Côte de Gènes. 329' chef aux "François : enfin l'an 1528, André Doria , l'un des premiers Nobles de cette ville , rendit la liberté a fa Patrie. Depuis ce temps-là fon Gouvernement efl: Autocratique. Gènes a un Doge qui s'élit tous les deux ans , Se qui n'a que la r.pré-fenration de la fouveraineté, car l'autorité réfide dans le Sénat. La Côte de Gènes s'étend le long de la Mer Méditerranée , étant bornée à l'occident Se au nord , par les Etats de la Maifon de Savoye ; & à l'orient, par une partie de la Tofcane , Se le Comté de Mafia, qui appartient maintenant au Duc de Modène. Cette Côte efl: un Pays fort montagneux , Se qui ne produit guère que des oranges , des citrons , des huiles , Se d'ex-cellens vins. Sa longueur eft environ de cent quarante milles d'Italie, ou de cinquante-fix lieues de vingt cinq au degré ; mais fa largeur eft fort refferrée , entre la mer 6V; le Mont Apennin , fi ce n'eft vers les frontières du Montferrat Se de l'Alexandrin , où elle s'étend au-delà de l'Apen-» nin , 20 à 2 5 milles du bord de la mer. On l'appelle dans le pays la Rivière de Gènes , Riviera ( la rive ) car il n'y a aucune rivière de ce nom. La partie qui eft a l'occident fe nomme Riviera diPonentey on la côte occidentale , qui eft la plus grande ; 6V; la côte orientale eft appellée limera di Levante. Le tout eft très-fertile 5 30 Méthode de Géographie. le long de la mer feulement, Se dans le canton au-delà de l'Apennin ; les habitans cultivant la terre avec foin , Se l'ayant orné de belles maifons de campagne , fur-tout près de Gènes , de forte qu'on diroit en plufieurs endroits que ce n'eft qu'une - ville , quoique le pays foit fort rude , tk ait quantité de rochers. Les Génois font fort expérimentés dans la navigation , dans le change tk dans tout ce qui regarde le commerce. Ils étoient autrefois très-puiftans ; ils poffé-doient Cajfa y dans la petite Tartarie , où fe faifoit une partie du commerce des Indes ; enfin ils portèrent leurs armes dans rifle de Chypre , dont ils fe rendirent maîtres. Mais de toutes leurs anciennes conquêtes, ils ne poffédent plus que rifle de Corfe > Se à peu de diftance celle de Capraia j qui n'eft pas confîdérable. Ils font fort fpirituels ; mais trop économes, vains Se inconftans. Les particuliers font riches ; mais la République eft pauvre , puifque fon revenu ne va tout au plus qu'à un million deux cens mille liv. Son gouvernement eft ariftocratique , Se elle a un Doge pour chef. Dans la guerre de 1741 , Gènes s'eft. Vue de la part des Autrichiens , à la veille d'une fatale révolution , qui n'auroit pas manqué de lui faire perdre fa liberté Se fon indépendance. Elle implora le fecour? La Côte de Gènes. $}l du Roi de France , qui lui accorda fa protection , 6V; qui lui envoya des troupes dont il donna le commandement à divers Généraux. Le Duc de Bouffi rs y mourut en 1747. Mais cette République doit fon falut à M. le Maréchal de Richelieu, 6V: elle l'en a récompenfé d une manière convenable à la dignité de fon caractère , en le déclarant le premier Noble de l'Etat, 6V: par ronféquent le reftaurateur de fa liberté opprimée. Nous l'avons déjà dit, la côte de Gène3 fe divife en deux parties. r. La Côte occidentale. Elle efl: plus fertile que l'autre , 6V: elle a pour capitale Gènes j qui l'eft de tout l'Etat qui porte fon nom. Cette ville, fiir-nommée la Superbe , a caufe de la beauté de fes bâtimens , eft grande , forte , bien' peuplée , 6V: la plus riche , de même que fa plus marchande de toute l'Italie , après Venife. Elle eft bâtie en forme d'amphithéâtre , fur le penchant'd'une montagne , cV: elle fe termine en croMant , autour, d'un golfe que la mer y forme. Ses rues font étroites 6V: obfcures ; mais fes maifons font belles 6V: fes palais magnifiques, particulièrement celui de Doria. Son Archevêque a pour fuffragans les Evêques de Noli & Albenga , à l'occi-4fen* j de Bnigneto &t de Sai\ana j à 3 5 i Méthode de Géographie* l'orient \ de Bobbio 3 dans le Pavefe Savoyard i 6V: de Mariana tk Ncbblo y dans: Tlile de Corfe. Gènes fait un grand trafic fur les Galions dÉfpagne , 6V: en étoffes de foiev San port eft alfez vafte, fort fréquenté , 6V: défendu pat un mole, au bout duquel il y a un Phare , que l'on appelle la Tour de la Lanterne. C'eft un bâtiment fort élevé j au haut duquel on allume des feux la nuit y pour guider les bâtimens. On eft redevable de cette Tour à Louis XII > Roi de France _> qui en 1499 $ étoit rendu maître de Gènes. Cette ville fut bombardée en 1684, 6V: qui plus eft, obligée d'envoyer Ion Doge avec quatre Sénateurs , faire fatisfaétion au Roi Louis XIV , fur quelques fujets de mécontentement que ce Prince en avoit reçus. Nous donnerons une defcription particulière de cette belle ville , après avoir parlé des autres lieux principaux de la côte occidentale y qui finit un peu à l'orient de cette ville , s'étendant d'un autre côté jufqu'au-près de Nice en Piémont. En allant vers l'occident , on trouve CogorettOj bourg illuftre pour avoir donné nailfance à Chriftophe Colomb , qui a découvert l'Amérique. Savone étoit autrefois une ville libre : c'eft une très-forte place , dont les Génois s'étant emparé } ont bouché le port j. fon Evêque eft fuffragant ta Cote de Gènes. 33 f de Milan. Noli & Albenga aufïi villes épifcopales , mais fous la Métropole de Gènes. Entre ces deux villes eft Final y place forte} donc le territoire formoit autrefois une enclave dans la côte de Gènes. C'étoit un ancien Marquifat, qui a pafTé de l'Efpagne à l'Empereur } 6V: celui-ci l'a vendu [en 1713 aux Génois , trois cens mille écus. Au-delà d'Oneille , qui appartient avec fes environs au Roi de Sardaigne , l'on trouve Port-Maurice j où étoit autrefois un bon port, aujourd'hui ruiné j Tagg.ia , bourg renommé pour fes bons vins mufcats j San-Remo 3 lieu agréable , avec un bon port \ enfin Vintimiglia, petite ville , avec quelques fortifications. Il y a un Evêque fuffragant de Milan j c'eft où finit la côte de Gènes vers l'occident. En revenant vers la ville de Gènes , on trouve au delà de l'Apennin , dans la plus grande largeur de la côte , les petites villes de Gavi 6V; de Novi, qui font aflez jolies, 6V: dans un territoire fertile. Defcription de Gènes. Cette ville eft prefqu'au milieu du Plys , auquel elle donne fon nom. Elle eft firuée , partie dans une Maine , 6V partie fui une colline ; elle s'étend en Ion-f-: ' elle eft fortpr^fée dans fa *( un côté , par la montagne , qui r [ue autour de la ville , 6V: de 5j4 Méthode de Géographie. l'autre par la mer , qui lui fait une per-fpective naturelle , Se très agréable. Son circuit eft.de cinq milles elle eft fermée de murailles très-fortes, du côté du Septentrion, Elle eft plus marchande qu'aucune autre ville d'Italie , portant-fes étoffes de foie dans toutes les parties du monde : on la nomme Gènes la Superbe , aufti eft-elle une des plus magnifiques, je ne dirai pas feulement de l'Italie , mais même de l'Europe. Rien de plus propre que le dedans de fes Palais , rien de plus commode que l'ordre de leurs appartemens , rien de plus fuperbe que la matière dont ils font bâtis , rien de plus ingénieufe-ment travaillé que leurs façades j en un mot, il n'y a rien de plus achevé. La hauteur des Palais n'étonne pas moins ceux qui les regardent, que leur architecture Se la fymétrie qu'on y a obfervée. Ce grand nombre de beaux bâti mens, relevé la fituation naturelle du lieu, Se lui donne un ornement très avantageux. Les rues en font fort étroites , ce qui oblige les Génois à fe fervir de chaifes à porteurs. L'Eglife métropolitaine eft fous l'invocation de S. Laurent. Elle furpaife les autres Eglifes «n grandeur ; mais elle n'égale pas en beauté celles de S. Am-broife Se de l'Annonciade. C'eft une longue nef avec deux ailes de chaque côté, dont les voûtes font aufti hautes que celles La Côte de Gènes. cle la nef. Elles font foutenues pal" quantité de colonnes de marbre , ou pierre noire , au-de fuis defquelles il y a encore un autre rang de plus petites. Le chœur eft revêtu de menuiferie de pièces rapportées , qui ferment de très-beaux tableaux de figures , ou de perfpectives, mais cependant fans aucune peinture. Au haut, dans la muraille , font les quatre Evangéliftes , de marbre, plus grands que le naturel ; la fculpture en eft excellente. A côté de la coupole , dont la voûte , aufti-bien que celle du chœur , eft de marbre , il y a plufieurs fculptures très-belles. Au-de(fus des quatre Evangéliftes, & dans le fond du lambris eft repré-fenté le martyre de S. Laurent. Parmi plufieurs belles Chapelles , on remarque celle de S. Jean-Baptifte , à gauche en entrant. Elle eft de marbre enrichie de figures de'marbre , de colonnes & de baluf-trades ^ on y garde , dit-on , les cendres ae ce faint Précurfeur. Le portail &c le clouer au dehors, eft de marbre blanc &c de pierre noire, & tout le portail eft garni d'une infinité de hautes colonnes de marbre , déliées 5 8c qui font une agréable architecture. L Eglife de S. Ambroife eft deffervie par les Jéfuites ■ c'eft une des plus magnifiques de la ville. Sa grandeur , fes peintures exquifes, fcs belles colonnes caufent 3 3<£ Méthode de Géographie, de l'admiration. Les piliers qui la foutien-nent, font d'un marbre , donc la couleur eft très-vive , & leur groffeur eft prodi-gieufe. La chaire du Prédicateur eft de la même matière. Le maître-autel eft orné de colonnes de marbre , entre lesquelles font les ftatues de S. Pierre &c de S. Paul , de même. Les Chapelles font fore décorées de colonnes 6V: de baluftrades \ le tout de marbre d'un bout de l'Eglife à l'autre. Le lambris eft couvert de peintures excellentes , 6V: le pavé eft d'un marbre parfaitement beau. La quantité de marbre que ce pavs fournit, donne une grande Facilité à le rendre fi commun dans les Eglifes. Celle de S. Cyr en eft remplie. Les piliers qui foutiennent la nef, les colonnes des chapelles , le chœur, l'autel, les marche pieds 6V les baluftrades \ tout y eft de marbre. Au Couvent des Théa-tins on voit cloître fur cloître , dortoir fur dortoir, dont le plus élevé eft le plus éclairé 6V: le plus grand. Au de (fus de tout cela il y a des jardins > remplis d'ormgers & de citronniers , où les eaux coulent abondamment 6V: en différentes manières. On monte par dégrés en trois diffrens jardins, qui font en terraffes , & au def-fus de ceux-là , ce qui eft admirable , on trouve un moulin à eau 6V une cit. rue, 6V: enfin on monte encore à une plate:fot> me , d'où l'on découvre toute la ville. La Cote de Gènes. $$7 Le Palais du Doge eft un des plus beaux Se des plus grands bàcimcns de l'Europe ; mais il n'eft pas auffi orné de marbre que ceux des Nobles» D'une grande cour, on monte dans une falle magnifique, au-dchors de laquelle on voit les deux fameufes ftatues d'André Doria, & de Jean André, les Libérateurs de la Patrie. A côté de cette falle il y a plufieurs appartenons avec leurs cours particulières , embellies de colonnes de marbre. En montant enfuite deux grands efcalicrs , on trouve dans les appartenons d'en haut la lalle du grand Confeil, pour l'éleétion du Doge; & à côté le Collège , pour les affaires du Gouvernement , où s'afV femblent zy Sénateurs ou Procureurs. Ces derniers ne donnent point leurs avis dans toutes les affaires publiques. De l'autre côté font les appartenons du Doge , affez fpacieux , non feulement pour lui, mais même pour quelque Prince fouve-rain que ce foit. Le Palais du Prince Doria eft hors de la porta de S. Thomas; il eft grand & garni de pluiieurs terraffes baluftrées de marbre , dcfqucllcs on def-cend dans un fort grand jardin, qui eft au devant: de la maifon. Au milieu eft une très-belle fontaine de marbre blanc , ornée de quantité d'aigles, qui font autour dubaffin : au milieu eft un grand Neptune, qui gouverne trois gros chevaux. A main droite eft une volière, dans laquelle il y a de grands arbres, chênes verds & autres, avec deux baffins. Elle a cent trente pas de long, 8c vingt-deux de large , toute fermée & couverte de fils de fer , foutenus par des barres de fer groffes comme le bras, 8c de plus de vingt pieds de haut. Au bout du jardin vis-à-vis des terraffes, on monte à d'autres pareilles qui aboutiffent fur la mer. Tout le Palais eft peint à frefque dedans & dehors , pat Perin del Vago. Le grand" Palais du Duc Doria, eft le premier & le plus beau de la Scrada-Nova. Il eft de Tome VI. P 538 Méthode de Géographie. gros quartiers de marbre au-dehors. Pour y en» rrer, 011 monte à une très glande cour, par un beau & large degré ; & après avoir traverfe cette cour? on rencontre un pareil efcalier, qui mené dans les appartemens du Maître par une galerie, qui fait le tour de la cour. Près de ce dernier Palais eft celui de Brignoles, dont les arcades inférieures font foutenues de colonnes. Les efcalicrs en font ornés d'excellentes ftatues, & les chambres de meubles précieux. Saint George cit le Palais où fe garde le tréfor de la République. En bas efl la Douane , &c dans les chambres au-dcllus on trouve la falle ancienne , avec environ quinic ftatues de nobles Génois., qui ont rendu fervice à leur Patrie. Elles font placées contre le mur. La falle nouvelle où les Bourgeois s'affemblent quelquefois, pour affaires, au nombre de quatre cens , eft fort grande , & fe trouve aufll décorée des ftatues de marbre de quelques bons cicoyeiiB. On pafle de cette falle dans celle où la Magiftrature, compoféc de huit Sénateurs , règle les affaires de la Banque, & ce qui regarde les droits de la Ville. Ce Palais n'eft qu'un bâtiment quarré, fans cour, &. fur le bord de la mer. Un ouvrage des plus pieux & des plus magnifiques, que l'on trouve dans l'Etat de Gènes, eft ce qu'on nomme X Alhergo. Les Génois h économes durant leur vie , donnent libéralement ieurs biens aux Eglifes, lorfqu'ils font au lit de la mort. C'eft ce qui paroît par la dépenfe im-menfe & prodigieufe qu'il a fallu faire pour ce bâtiment; parce que pour le finir, outre l'édifice déjà fait, il a fallu remplir des précipices, & ap-flanir un rocher très-dur. U y a deux grands chemins qui conduifent depuis la première porte jufqu'à un portique, d'où l'on paffe par deux autres chemins plus magnifiques au-devant de la Ikiaifon. Là fc trouvant quatre ftatues de ftuv ï la Cote de Gènes. $$9 des bienfaiteurs du lieu , avec leurs inferiptions, outre quatre autres , que l'on voit fut les degrés. Les murs de l'Eglife font incruftés d'excellent marbre avec huit ftatues. Le grand Autel a fepe colonnes & une image de la fainte Vjcrgc , flulp-tée par un excellent maître. Avant que d'entrer dans l'Eglife , on voit fur la droite plufieurs condors , avec des chambres &c un jardin pour les honnêtes femmes & filles ; car celles qui font condamnées à faite pénitence, vivent dans un endroit féparé , au-deifus de l'Eglife, afin qu'elles! ne corrompent pas les moeurs des autres filles. Il y a jufqu'à £5® femmes. Derrière l'Autel , & par le premier portique , on peut monter à divers appartemens , l'un pour les jeunes gens, un autre pour les vieillards, & un troifiéme pour les enfans. Il y a des chambres où chacun eft occupe félon fes forces à travailler pour les befoins de la maifon. Tous ces appartemens, à caufe de Imminence du fieu,.font les uns derrière les autres , & font de loin une forte d'amphithéâtre , ce qui eft agréable à voir de dellus les balcons. La maifon eft adminiftrée avec beaucoup d'ordre & d'économie : on y nourit les pauvres, on y élevé les orphelins , & l'on y donne des dots aux filles, qui s'y marient. Il y a encore à Gènes un grand Hôpital, où '"on a foin de quatre cens malades des deux fexes. Le Port eft entièrement ouvert du côté du midi, & a de petites roches couvertes d'eau qui le rendent mal fur, quand U vient quelque bourafque > il eft d'ailleurs fortexpofé aux vents du fud-oueft, lcs plus dangereux de la Mer Méditerranée. Il a Un peu plus d'un mille de longueur, & eft orne un tanal du côté du Ponent , & de bons ouvrages qui défendent deux Arfenaux , dont l'un eft pour les galères & rauCrc p0Ur les barques au vin. La Tour de la lanterne, dont nous avons «eja parle, eft remarquable. L'on y allume çha- Pij 34° Méthode de Géographie. que nuit trente-trois lampes, afin de guider les vaiffeaux pour les faire entrer plus facilement dans le port. Elle a un efcalier de ? i z marches, 8c efl fituée fur un rocher : il y a de gros canons autour de la'courtine qui efl au pied du fanal. z, La Côte Orientale. Elle commence tout près dç laville.de Gènes, ©n y trouve en allant vers l'orient, Nervi,- Porto fi no} petite ville avec un bon Port ; Camogli ; Rofagni , dans les terres ; Chiavari, près la mer „ où l'on tient de grandes foires ; Lavagna, Seftri, Moneglia, Lcvanto , Porto-Vmère , alfez bonne ville avec un Port ; Spe^a , qui en a auffi un j enfin dans les terres, Brugneto, petite ville épifcopale, auffi bien que Sar^ana. ARTICLE V. LES ÉTATS DU DUC DE PARME* Ce S États font au nord-çfl: de Gènes, ayant k l'occident la partie du Milanez qui appartient au Roi de Sardaigne , au nord les Duchés de Milan *c de Mantoue , ôc à l'orient les Etats du Duc dç Modène. u" ' ' —■—i*«— i ■ ». i ■ ■ i ■ i.i n * C'eft au P. Paciaudi, Théatin, Antiquaire & Bibliothécaire de Son Altejfe Royale l'Infant Duc de Parme, que le Public eft redevable des ckangemens & des augmentations que nous avons faites à cet article. Il feroit a foukaifer que Ici Savans de dijférens pays nous eujfent fourni de* Mémoires aujfî exacts cV drejfés avec autant de - réciflon. tes États de Parme* $4* Cartes. Nous avons une bonne Carte des Duchés de Parmi & de P lai fane c, donnée par le fieur Nolin. Les Etats de Parme renferment aujourd'hui, I. le Duché de Parme , x. celui de Plaifance t qui ont toujours été unis depuis la formation de ce Duché : 3. le Marquifat de Bujfeto, nomme ci-devant l'Etat Pàlavieinj 4. le Duché de Guaftalla. La Maifon Royale régnante à Parme a des droits pour réclamer les Principautés de Sabip-Wta 8c de Bogota > enclavées, ainfi que le Duché de Guaftalla, dans le Mantouan : mais elles font aujourd'hui poilédées par la Maifon d'Au triche. Les Duchés de Tanne 5c de Plaifance ont commencé en 1J45 j à avoir pour Duc un Prince de la Maifon Farncfe , &c ils étoient feudataires du. Pape , lui payant même un hommage. Cette Maifon étant venu à s'éteindre eu 17 u , Don Carlos Infant d'Efpagne, dont la mere écoic Famèfc, fut fait Duc de Parme & de Plaifance ; mais çn 1736, il céda ces Duchés à l'Empereur Charle VI, bc eut le Royaume de Naples ou des deux Sicileg. En 1748, Don Philippe fon frercfut reconnuDuç de Parme , de Plaifance & de Guaftalla , en con-iéquenec de la paix d'Aix-la-Chapelle, & le Prince Don Ferdinand fon fils pofféde aujourd'hui cer. Etats & ceux qui y ont été ajoutés. Le pays abonde en bled , en viu, en beftiaux , en foies * dont le commerce eft trcs-cçmfîdérable, en fruits & en exccllens fromages , connus fous le nom de Parmefans. Il y a à Parme un Ordre de Chevalerie qui s'appelle le Confiantinienou de S. George t infti-tué par le Duc François Fainèfe en 1717 D, P iij '3 44- Méthode de Géographie. Carlos, devenu Roi de Naples, garda la grande Maîtrife de cet Ordre; & loilqil'ïl monta fur le trône d'Efpagne , il le céda au Roi de Naples fon fils , qui le conferve toujours. La marque dif-tinclive de cet Ordre, eft un collier d'or, coin-pofé en chiffres, des lettres de l'ancien labarum, au bout duquel pend l'image de S. George perçant le dragon *. i. Le Duché de Parme, H prend fon nom de la ville de Parme, qui eft fituée fur la Parma. Le Duc y fait fa réfidence ordinaire , & il y a un Evêque fuffragant de Bologne. Nous en donnerons plus bas la defcription. En 1734» les François unis aux Efpagnols $c aux Piémontois , gagnèrent près de cette ville une bataille fur les Autrichiens. Au nord eft -Colorno, maifon de plaifance des Ducs de Parme, a laquelle on a fait depuis peu desembelliffemens considérables. On y a bâti un magnifique efcalier * Un homme qui fe difoit defeendant du dernier Empereur de Confiant inoplc , & de la Famille des Paléologues , vendit au Duc François fes droits & la grande Maîtrife. C'eft fur les papiers fournis parce particulier, qu'on établit l'ancienneté prétendue de l'Ordre Çonftantinien , dont le Savant Marquis Majféi fit voir l'abfurdité , dans fon Traité de Fabula Ordinis Conftantiniani : ouvra*-ge devenu très-rare , parce qu'il fut condamné a. Rome. Le Pape avoit donné une Bulle d'approbation de cet Ordre. Mais quel intérêt peuvent avoir les Souverains , à adopter un Ordre qu'on prétend établi par l'Empereur Confiantin? Les Ordres de Chevalerie ne tirent leur mérite que de u confidération qu'ils y ont attachée. L'ancienneté n'y fait rien. Les États de Parme. ^ $4* de marbre , un grand falon fuperbcment décoré 4 & une très-belle Vénerie. Les Jardins ont été agrandis au double , & diftribués avec un gout infini. Les Ducs ont encore , à la porte de Parme, une autre Maifon de plaifance, qui fe nomme Pala^o Giardino. Caftd-Guclfo , à 1 occident de Parme , au-dcla du Taro , efl: un vieux château , qui appartient à la Maifon Landi de Plaifance. Roffena, Comté* au fud-eft ; Soragna, Marquifat, dont le feuda-taire efl: Prince de l'Empire. Fornovo eft célèbre par la bataille que nous appelions de Fornouc 4 & que Charle VIII, qui revcnoitde la conquête de Naples , gagna en 149 j , fur les Princes d'Italie ligués contre lui. Defcription de Parme. Cette ville eft grande , & a quatre milles de circuit. La rivière de Parma , qui trois lieues au-dellous fe jette dans le Pô, la partage en deux parties , dont la principale efl: au midi de la rivière. L'abord de Parme eft fort agréable 3 & la ville eft belle. Comme elle eft en plaine , il n'y a ni à monter ni à defeendre. Parme eft la ville d'ItaIié*où l'on voit le plus de tableaux du Corrige. Parmi un affez grand nombre d'Eglifes , de Couvens & d'édifices remarquables , on obfer/e la Cathédrale, dont l'E< rêqùe efl: maintenant fuffragant de Bologne : il l'écort autrefois de Ra-venne. Le dôme eft peint par le Corrége. L'Eglife a trois nefs,& les piliers en font fort hauts. Son baptiftairc, bâti dans l'onzième fiécle, eft un édifice ifolé , de forme o&ogone. On en admire l'architecture, & les bas-reliefs dont il eft orne. L'Eglife de S. Jean l'Apôtre, pofledéé pat les Bénédictins, eft auiïï d'une très-belle architecture , & très-riche en tableaux. Aux Capucins P iv '344 Méthode de Géographie. eft le tombeau du célèbre Alexandre Farnèfe, Duc de Parme, & Gouverneur des Pays-Bas , mort en ijyi. Il eft à l'entrée de l'Eglife, près la porte , où le Prince voulut être enterré. L'Eglife de S. Antoine a été bâtie tout récemment par le Bibiéna, On y remarque une double voûte , dont la première eft percée à jour : chofe qui n'a point encore eu d'exemple dans l'Architecture, & dont l'invention eft due à ce favant Artifte. Le grand Théâtre eft une chofe rare ; ni Paris m Venife, n'en ont point de femblable. Il eft d'une grandeur extraordinaire, & le plus fpa-cicux que l'on voie, &c en même temps fi admirablement difpofé , que d'un bout on peut entendre dift incrément le fon le plus bas de l'autre extrémité , comme dans ce qu'on appelle les chambres de fecret ; & fi haut qu'on élevé la voix , il n'y a rien de femblable à un écho, ni la moindre confufion. Au lieu de loges, ce font des bancs qui s'élèvent en amphithéâtre autour du parterre, te ce parterre, plus grand de beaucoup que les parterres ordinaires, fe peut remplir d'eau à la iautcur de plus de trois pieds. On met fur ce petit lac quelques gondoles dorées : ce qui produit un effet très-agréable , avec le fecours d une belle illumination. La ville de Parme n'eft point fortifiée. Les •boulevards qui en forment l'enceinte , ne pou* roient point fervir de défenfe ; & Son Alteife royale ayant ordonné qu'on les rétablît, ne s'eft point propofée de mettre la ville en état de foutenir un fiége. La Citadelle , fituée à un£ des extrémités de la ville, à la porte S. Michel, eft un pentagone affez régulier j mais elle n'a point d'ouvrages extérieurs. Outre les Écoles ordinaires de l'Univerfîtc , fondée en 1601 , il y a un fort grand Collège , qu'on appelle le Collège des Nobles , qui eft de la même fondation. Les Écoliers de toutes Na- Les Etats de Vanne. $4$ tions y peuvent être admis, pourvu qu'ils aient le titre de Noble , ou que leurs pères aient celui de Comte, ou Marquis ; ce qui eft à grand marché en Italie. On leur enfeigne toutes fortes d'exercices, & ils font toutes efpeces d'études , mais en payant plus ou moins \ les penfions font différentes à proportion du nombre de maîtres qu'ils occupent. Ils mangent enfcmble dans une cfpece de réfectoire. Il y a des chambres pour deux cens foixante élevés , auffi. bien que pour leurs ptofefTeurs , officiers & domeftiques. Les Jéfuites ont la direction de ce Collège , qui eft fous la protection immédiate du Prince, & dont les fupéricurs dépendent de fon Miniftre. Leur maifon, où ils font environ foixante, fc nomme S. Roch. Elle eft fort riche. Le bâtiment en eft fuperbe , vafte 8c noble. L'Eglife eft magnifique, & très-décoréc j mais elle reffemblc plutôt à un théâtre qu'à un Temple du vrai Dieu. Il nous refte à parler des embelliffemens & des noftvcaux établiflemens faits dans les Etats de Parme , depuis qu'ils font fous la domination des Infans d'Efpagne. On doit les uns Se les autres au zélé éclairé Se à la fagç adminiftration de M.duTillot, Marquisde Félino Se deTiore. Ce Miniftre h onoré fucceflîvement de la confiance de D. Philippe , & de D. Ferdinand , ne néglige rien de ce qui peut contribuer à la gloire du Souverain & au bonheur de fes fujets. Ce qu'on appelloit le Palais, du temps dej? Farnèfes , n'écoit qu'un amas de maifons , fans ordre & fans fymmétrie ; rien n'y annonçoit: que ce fût la demeure du Souverain. D. Philippe s étoit contenté de faire embellir les appartemens , avec toute la magnificence qui lui étoit naturelle. Son Fils D, Ferdinand a fait abattre tous ces corps de bâtimens ; & on conftruit actuellement un Palais , fur les dellèinsdeM. Petitot, Chevalieï de l'Ordre de S. Michel ; Architecte de l'Infant. P V 34^ Méthode de Ge'ographk. Si l'exécution répond à la-beauté- des deffeins t ce Palais fera d'une grande magnificence. La façade en doit être du plus grand goût, ornée de colonnes & de ftatues de marbre du Pays. Cette façade doit former un des côtés d'une belle place } à laquelle On donnera une étendue fuffifante, & qui doit être ornée d'une manière convenable. La jolie maifon appellée le Cafino > bâtie.vis-à-vis le vieux Palais , a été conftruitefurles del* feins du même M. Petitot. C'eft le rendez-vous de la Nobleffe, qui s'y ralfemble pour affilier aux jeux , aux fêtes , & autres divertiflemens , dont fon Altefte Royale fak cous les frais. Le grand jardin n'étoit autrefois qu'un terrein inculte planté d'arbres , fans ordre & fans fym-mérrie. D, Philippe lui a fait donner la forme d'un jardin réçulicr. Par fes ordres on y a fait une nouvelle plantation, pratiqué de grandes allées , élevé des terraffes. Depuis peu , on l'a encore embelli de ftatues de marbre , &c de vafes hiftoriés , faits par M. Boudard , Sculpteur François , au fervice de fon AltciTe Royale. C'eft aujourd'hui un des plus beaux jardins de touta l'Italie. Le Palais , qui y eft joint , vient aufli d'être augmenté de deux pavillons , qu'on a eu foin d'enrichir de tous les embelliflemcns dont ils étoient fufeeptibics. Ce n'eft que depuis peu qu'on adécoré l*gran-de place , qui n'avoit aucun ornement, &. qu'on a mis à découvert les beaux portiques de la Maifon de Ville , bâtie par le célèbre Vignole. Auparavant ils étoient mafqués par les logemcns des troupes", qui y avoient leurs quartiers. C'eft aujourd'hui où fe tient le marché au bled, Les prés de la Citadelle forment la plus belle promenade publique qu'il y ait dans aucune ville d'Italie. Elle eft bordée par une double rangée d'arbres , avec des bancs de pierre placés à certaines diftanecs, Deux canaux t toujours remplis tes Etats dé Parme. $47 d'eau j font deftinés pour l'arrpfer en été. A l'un des bouts , eft une maifon de rafraîchiifement . bâtie avec beaucoup de gout, La promenade doit être terminée , à l'autre gxtrérnke , par une colonne fort élevée, qui fervirade point de vue. Le bâti ment qu'on appelle/a Pilota, n'eft com-pofé que de plufieurs galeries, qui accompagnent deux grandes cours. L'une de ces galeries fert aujourd'hui à loger la nouvelle Bibliothèque publique , formée par l'Infant D. Philippe ; celle qui avoit appartenu à la Maifon Farnefe ayant été tranfportée à Naples , en 17 ; 3 , lorfque D. Carlos devint Roi des deux Siciles. La nouvelle Bibliothèque , confiée aux foins du ('avant P. Pa-ciaudi, s'augmente journellement, par les ordres de D. Ferdinand. L'on y a déjà raffcmblé plus de vingt-cinq mille volumes , cous livres de choix, reliés magnifiquement , 3c même beaucoup de ceux que leur rareté fait rechercher. Elle pof-lede aulli des manufcrits curieux. La Sale eft belle , peinte en caillons, dans le gout antique. Les armoires , de bois de noyer, font d'une menui-ferie de très-bon gout. Une fuite complette de machines pour la Physique expérimentale , doit cci e placée dans une chambre voifinc. Les antiquités trouvées à Vê~ iéja, du temps de l'Infant D. Philippe , doivent être logées dans une autre. Elles font, comme la Bibliothèque , fous la direction du P. Paciaudi , dont les lumières ont toujours guidé les Artiftes employés aux fouilles difpcndieufes qu'il a faluc faire pour les trouver. C'eft à l'Infant D. Philippe,, que l'Académie des Arts doit fon inltkution. Il y a d'habiles Profeileurs , chargés d'enfeigner la Peinture , la Sculpture & l'Architecture. Ce font aujourd'hui MM. Baldrighi, de l'Académie royale de Peinture de Pans , Boudard & Petitot. Des prix cou-fïd érables ont été établis par le Prince , pouf est- P vj J4& Méthode de Géographie. citer l'émulation des Artiftes ; & les élevés font encouragés par des gratifications particulières. Dans le deflein de procurer à la jeune Noblef-fc de fes Etats une éducation convenable, D. Philippe a établi une Académie , ou vinge-quatre jeunes Gentilshommes du pays , auxquels on donne le nom de Pages , font élevés avec foin, & inftruits par d'habiles ProiefTeurs, qu'on a même fait venir des pays étrangers. Les Officiers du Régiment des Gardes, que le même Prince a jugé à propos de joindre à ceux de Parme 8c de Plaifance , doivent être pris de préférence dans le nombre des Pages. Une école pour les Mathématiques Se l'Art Militaire, efl: deftinée adonnera ces jeunes Officiers, les.inftructions nécelfaires. De plus , une Bibliothèque composée de tous les livres appartenans à l'art de la guerre a été dépofée chez un des Chefs du Régiment , & elle eft deftinée à i'ufage de tous les Officiers. Le Corps du Génie eft; compofé d'habiles Ingénieurs , qui ont déjà donné des preuves de leurs ralens, foit en dirigeant les réparations fastes aux Baftions de la Citadelle , foit en exécutant un fuperbe plan de la ville de Parme 8c de fes envi-tons. L'Infant D. Ferdinand le fait graver actuellement. Il ne fera inférieur, ni pour la grandeur , ni pour la beauté , à ceux que nous avons des villes de Paris, de Londres, de Pé-terfbourg. L'adminiftration de la juftice fut toujours un objet qui intéreffa le Prince régnant. Il a établi de nouveaux Magiftrars 8c une nouvelle forme pour les jugemens. Une maifon très-bien ornée a été bâtie exprès pour tenir les atfemblées où fe Jend la juftice. La façade en eft très-belle , ornée ■de colonnes Se de ftatues. Toutes les différentes archives 8c les dépôts des papiers publics , ont ■*té raffemblc6 dans une des fales de ce bâtiment. Le États de Parme: 349 Pour procurer à fes fujets tous les avantages du commerce , en facilitant les tranfports , l'Infant Don Ferdinand fait pratiquer une route , qui du grand chemin entre Parme 8c Plaifance , doit conduire à Seftri, dans la Rivière de Gènes. Au moyen de ce nouveau chemin , on évitera les longs détours qu'on eft encore obligé de prendre pour aller chercher les marchandifes qui viennent par mer. Les ponts qu'il faut conftruirc pour traverfer les rivières ou les terreins enfoncés , les montagnes qu'il faut percer, les obfta-cles de tout genre qu'il faut furmonter, entraînent des dépenfes infinies. Cependant fon Altef-tefie bien loin d'exiger rien de fes fujets, pour fournir aux frais de cette entreprife * vient de faire payer à Gènes les dettes confidérables que la ville de Parme y avoit anciennement contractées. I I. Le Duché de Plaifance. Ce Duché avoit été cédé au Roi de Sardaigne, en 174} , par l'Archiducheffe Reine de Hongrie J mais le traite de 1748 le fit accorder «l'Infant D. Philippe , fous la condition que faute d'hoirs mâles ,fou en cas que D. Philippe devînt Roi de Naples , ce Duché reviendroit au Roi de Sardaigne. La capitale eft Plaifance, ville fort bien bâtie, affez agréable , & plus grande ; mais moins peuplée que Parme. Elle eft fituée à cinq ou fi* cens pas du Pô , dans un terroir admirable fie très-fertile. Elle a un Evêque fuffragant de Bo~ logne. Les Latins l'appelloient Placentia : ceux du pays la nomment Piafen^a ; 8c l'on prétend qu'elle tire fon nom de Plaifance , 'foit de fon agréable fîtuation dans un pays charmant , foit de fa beauté intérieure , c'eft-à-dire , de fes magnifiques Palais, de fes rues droites ôc fpacieufes, 5 P Méthode de Géographie qui plaifentdans le féjour d'une grande ville', te Pô , donc elle efl: proche , fert à fon commerce & a fa défenfe de ce côté là. D'ailleurs les fortifications de cette ville ne valent pas grand'cho-fe , quoique quelques Ecrivains les aient beaucoup vantées. La citadelle renferme une égliie , les logemens des Officiers, & le grand'Palais du Gouverneur. La grande place , fituée au milieu de la ville, offre a la vue plufieurs bâtimens réguliers , tels que la maifon du Magiftrat, celle des Notaires, la loge des Marchands. Le plus remarquable efl celui de la Maifon de Ville » dont la façade efl fotitenue par de hautes colonnes , qui forment une grande galerie. Deux tours, dans l'une defquelles efl l'horloge , forment les angles de cet édifice. On voit dans cette place les figures en bronze de deux Ducs de Parme, de la Maifon Farnèfc ; celle d'Alexandre Farnèfc, Gouverneur des Pays-Bas Efpagnols , Se celle de Ra-nuce I , fon fils. Ces deux figures font admirées Se regardées comme deux morceaux rares & précieux. La ville efl craverféc d'un bout à l'autre par trois grandcs.rues. Celle du milieu commence à la porte S. Antoine, & finit à celle de S. Lazare. La grande place du Dome , ou de l'Eglife Cathédrale^, efl ornée d'une belle tour, du haut de laquelle on découvre toute la ville & fes environs. Les maifons qui forment cette place , font toutes accompagnées de porciques, fous lefquels on fe promené à couvert. Dans la place du Bourg, on remarque les Palais des Marquis I.andi, Mandelii, Paréri u Nibbiano , & celui du Comte Cofla. Le Palais de Madame éroit autrefois remarquable par fes beaux jardins: ils ne fubfiftentplus aujourd'hui. A l'autre bout de la villedu côtédu Pô , efllePalais Ducal , compofé de quatre grands corps de logis, qui environent une cour extrêmement vafle. Ce Palais étoit autrefois magnifiquement meublé. On pou-toit y recevoir un Roi avec toutefafuire ,.tanties , Les Etats de Parmei ? 5 < appartemens y font en grand nombre Se bien difpofés. Proche de ce Palais eft l'Eglife de S. Sixte, qui efl: forr belle. L'Eglife de S. Auguftin , pofledée par les Chanoines réguliers, Se celle du S. Sépulcre, font les deux plus magnifiques qu'on remarque a Plaifance. La dernière a été bâtie par le célèbre Bramante- En arrivant à Plaifance par la porte de S. Lazare ,on voit à main gauche , l'églife & la maifon de S. Lazare. Cétoic autrefois un Hôpital. Aujourd'hui c'eft un magnifique Séminaire, que le Cardinal Albcroni qui étoit de Plaifance | a fait bâtir , Se qu'il a doté affez^ richement. La direction en eft confiée aux Lazariftes. On doit mettre au nombre des beaux édifices , le bâtiment qui y a été conftruit, depuis peu;, pour.filer la foie. C'eft le plus beau de tpme l'Italie. .On donne à la ville de Plaifance cinq milles de circuit, en y comprenant les fof-fés j mais elle n'en a que quatre , dans l'enceinte de fes murailles. Le nombre des habitans eft d'environ 28000 , entre lefquels on compte zooo Eccléfiaftiques. Les endroits les plus remarquables du Duché de Plaifance., après la capitale, &0t, Carte Maggiore Se Firen^uola , à l'orient • Cajlei fan--Giovanni 3 à l'occident \ ■Montïcel/i , Borgo novo. Près de la Tré-w*£jj à quelques lieues au fudoueftdePlai- 5 5 * Méthode de Géographie. fance, eft Campo mono ^ que l'on prétend être l'endroit où Ànnibal défit une armée romaine. Au midi du Duché de Plaifance, eft le Vil di Taro j où on voit beaucoup de vignes , difpofées encore comme Virgile les a décrites. On y remarque Borgo di Taro Se Compiano au midi , Se Bardi, au nord , fur la rivière de Zéno. Bardi a un château , où le Prince tient une petite garnifon : on y renferme les prifonniers d'Etat. 11 ï. Le Marquifat de Bujféto. Certe Principauté , qui efl aufïi connue fous le nom dé Etat Palavicin j eft entre Parme & Plaifance. Elleappartenoit autrefois à la Maifon Palavicini, de qui les anciens Ducs de Parme l'ont acquife. Buf féto en eft la capitale : il y a un Collège 6 un Noviciat de Jéfuites. Borgo S. Do-nino, Evêché. I V. Le Duché de Guaftalla. Il appartenoit ci-devant â une branche cadetre de la Maifon de Gonzague , qui a en vain réclamé en 1708 le Duché de Mantoue , auquel l'Empereur l'a uni après l'extinction de cette branche. Mais en 1748 , il a été cédé par l'Archiducheffe d'Autriche 3 à Don Philippe , Se uni ait Duché de Parme, Sec, La petite ville de Les Etats de Parme. $ $ % 'Guaftalla , au nord-eft de Parme , eft peu éloignée du Pô. Il s'eft donné dans fon voifinage , en 1734, une bataille où les Autrichiens ont été défaits par les François tk leurs Alliés. Lu&ara eft célèbre par la victoire que le Duc de Vendôme remporta en 1701 fur les Impériaux, qui étoient commandés par le Prince Eugène. Les Principautés de Sabionctta & de Bo\\ola. Ces Principautés, toutes deux enclavées dans !e Duché de Mantoue , fur les frontières du Crémonèfe , font peu cou-iidérables. Elles ont appartenu à des branches cadettes de la Maifon de Gonzague. Aujourd'hui elles font poiTédées par la Maifon d'Autriche. Sabionetta eft une petite ville , autrefois affez forte , & qui a encore une bonne citadelle. Bo^olo n'eft qu'un bourg , à une diftance à peu près égale de Mantoue & de Crémone. 354 Méthode de Géographie. ARTICLE VI. LES ETATS DU DUC de Mode ne. Cartes. Le Sieur No Li n a donné une Carte du Duché de Modène qui cjl ejlimée. Le Duché de Modène , qui eft à l'orient de Parme , & qui fut érigé en 1451, relevé de l'Empereur j & appartient à un Duc d'une branche particulière de la Maifon d'Efte , l'une des dIlis anciennes de toute l'Icalie \ il en paye 4000 écus d'hommage. Le pays eft affez fertile , quoique mon-tueux en plufieurs endroits. Les domaines du Duc de Modène lui rapportent plus de deux millions : ils ont environ 30 lieues du nord au fud, & 15 de l'orient à l'occident. Ils confiftent aujourd'hui en cinq Etats j favoir , à l'orient, 1. le Duché propre de Modène : x. à l'occident, celui de Reggio , anciennement uni au précédent : 3. au nord , le Comté de Noveilara : 4. le Duché de la Mirandole : 5. & celui de Majfa 3 au midi, Se près de la mer. Les Etats de Modène. 355 ï. Le Duché de Modène propre. Il a pour capitale Modène > ville épifcopale , & la réfidence du Duc de ce nom. Elle efl: fort ancienne , tk fou tenue par une bonne citadelle. Le Palais eft aujourd'hui un des plus beaux de l'Italie. Cette ville , où l'on compte vingt-cinq mille habitans, a produit de grands hommes , fur-tout Sigonius , l'un des plus fa-vans Littérateurs & Hiftoriens 4e fon fiécle.^ Caftelvetro , critique habile , étoit aufli de Modène. C'étoit le lieu de la réfidence du célèbre Louis-Antoine Murato-ri, le plus grand ornement que l'Italie ait eu de nos jours pour les Lettres ck les Sciences utiles : il y eft mort en 17 50. La cathédrale , qui eft un ancien bâtiment j a une des plus belles tours d'Italie : fon Evêque eft fuffragant de Bologne. Les lieux principaux font , Finale j fur le Panaro , Caftelnuovo de Carfagnana , capitale de la vallée de Carfagnana j Scjlola 3 ville principale du territoire de Frignano \ Safluo-lo> Seigneurie; Medola >Guia tk Baflia. Rivalta , maifon de plaifance du Duc , entre Modène tk Reggio. I I. Le Duché de Reggio. Sa capitale Reggio , eft une ville affez marchande , riche , très-abondante 3 ôc 3 $6 Méthode de Géographie, bien peuplée : elle a un Evêque fuffragant de Bologne. Son Eglife cathédrale eft remplie d'un affez bon nombre de tableaux des plus grands Maîtres, comme du Carache , du Guide ôc du Guerchim On y trouve beaucoup de Nobleffe , & environ vingt mille habirans. Bercello eft une place autrefois affez forte, près du Pô. liuhiera j qui avoit autrefois le titre de Principauté. Scandiano j Marquifat. CanoJJd Comté. Montecchio , Marquifat. Carpi y ancienne Principauté , aufti-bien que Corrégio , qui a un territoire affez considérable. San-Martino , Marquifat appartenant à un Prince particulier qui en porte le nom. III. Le Comté de Novcllara. Il eft au nord de Reggio , entre cette ville de Guaftalla : fon étendue eft peu confidérable. La ville de Novellara eft petite j mais le château du Prince eft afTez beau. Ce Comté étok autrefois pofledé par une branche cadette des Ducs de Mantoue de la Maifon de Gonzague , qui s'éteignit en 1728 : de en 1737 3 l'Empereur Charle VI donna ce Duché en fief au Duc de Modène. I V. Le Duché de la Mlrandole. Ce petit Duché, qui eft néanmoins plus confidérable que le précédent j eft au nord- tes Etats de Modène. % y i eft de Modène. Il a été pofTédé depuis le XIIe fiécle, par la Maifon des Pics , l'une des plus anciennes de l'Italie. L'Empereur Gharle VI s'en étant emparé en 1711 , le vendit au Duc de Modène , qui l'acheta la fomme de deux millions cinq cens mille livres. La Mirandole eft fortifiée , Se défendue par un bon château. Çoncordia eft la féconde ville de ce Duché, V. Le Duché de Majfa. Ce Duché, qui n'a que trois ou quatre lieues d'étendue , eft près de la mer j Se au midi des autres Etats du Duc de Mo* dène , dans la Maifon duquel il eft venu en 1743, en conféquence du mariage fait en 1740, entre Marie-Thérefe-Françoife Cibo j héririere de ce Duché , Se Hercule Renaud , Prince héréditaire de Modène. 11 n'eft confidérable qu'à caufe des belles carrières de marbre qui s'y trouvent, La ville de Majfa eft afTez belle , bien peuplée , Se défendue par un château, Carré* ra eft petite , Se au yoifinage des carrières de ce beau marbre donc on fait les principaux bâtimens d'Italie. Lavetifa eft fituée à l'embouchure d'une petite rivière de même nom. Le Duc de Modène y fait faire de grands travaux pour y former un port ; & en même temps , pour y communiquer du Modénois , il a fait conftruire des grands chemins â travers l'Apennin. 5 j 8 Méthode de Géographie. ITALIE MÉRIDIONALE. ARTICLE PREMIER. L'ETAT DE L'EGLISE. Cartes. L'Etat de l'Eglife , avec la Tofcane 3 par M. sanson j fe trouve che% le fieur Jaillot. J. B. Nolin a publié une Carte pareille. Le fieur GlRELLl a donné en jyo^. 3 un Plan Géométrique du Territoire de Borne 3 qui feroit fort utile y fi on pouvoit le trouver aifé-ment : il efl en trois feuilles. L'Etat de l'Eglife, ou Etat Eccléfiaiti-cjue , appartient au Pape qui en eft Seigneur temporel. Il efl; borné au nord par la République de Venife ôc la Mer Adriatique , ou le Golfe de Venife \ à l'occident 3 par les Etats de Modène ôc de Tofcane ; au midi, par la Mer Méditerranée , ôc à l'orient, par le Royaume de Naples. On divife l'Etat Eccléfïaftique en douze pays ou Provinces, qui croient au- L'Etat de l'Eglife. 5 59 tcefois comme le centre de l'Empire Romain, Ces pays font , du midi au nord : i. La Campagne de Rome, z. Le patrimoine de S. Pierre. 3. Le Duché de Caftro. 4. L'Orvietano. 5. Le Peroufin ou Perugin. 6. Le Duché de Spoletue , ou 10m- brie. # 7. La Sabine. $. La Marche d'Ancône. 9. Le Duché d'Urbin. 10. La Romagne , ou la Légation de la Romagne. 11. Le Ferrarefe , ou la Légation de Ferrare. iz. Le Bolonefe, ou la Légation de Bologne. On pouroit ajouter pour treizième partie le Duché de Bénevent , enclavé dans le Royaume de Naples , & qui appartient aulîi au Pape , ainfi qu'Avignon & le Comtat, en France. 11 y a dans ces douze pays que nous venons de nommer , cinq Archevêchés , Rome , Ferma , Ravenne > Bologne êc Vrbin , qui ont fous eux un grand nombre d'Evèchés , quoique quelques-uns de ces derniers fbienc immédiats du. Pape. Entre les Evêques furTragans de Rome , 260 Afcthode de Gêographie. il y en a fix de remarquables , parce qu'ils font affectés aux fix premiers Cardinaux. Leurs noms font : 1. Offie. 4. Paleftrine. 2. Porco. 5. Frefcati. a. Sabine. 6. Albano. Le premier eft toujours poffédé par le Doyen des Cardinaux \ les autres font fujets à option. Le nombre des Cardinaux eft aujourd'hui fixé à 70 j & ce font eux qui élifent le Pape. On doit confidérer le Pape fous deux qualités différentes. La première , qui lui attire la vénération Se la foumiflion de tous les fidèles, eft celle de Chef vi-fible de l'Eglife, fuccefteur de S. Pierre Se Vicaire de Jefus-Chrift. Sa Chaire a été regardée dans tous les ' temps du Chriftianifme , comme le centre de l'unité eccléfiaftique , unité qu'on ne fauroit rompre fans commettre un crime contre la Religion. L'autre qualité eft celle de Prince cent' porel y dignité qui lui attire les refpecls Se les égards des autres Souverains. U jouit de plus de vingt millions de revenu. S'il a des gardes Se une cour nombreu-fe ^ ce n'eft ni par vanité , ni par orgueil , comme l'ont prétendu des gens peu exacts & mal informés *, mais par un ufage louable , établi pour la fureté Se. la dignité des Princes temporels. 11 eft vrai que VEtat de r Eglife. ffa que les Papes n'ont point eu cette dernière qualité dans les premiers ficelés dé L'Eglife j mais ils en doivent 1 etabliffe-meire tk l'arfermiffement à la piété des Princes , fur-tout des Rois de France delà féconde race, Charle Martel, Pépint Charlemagne tk fes fuccefteurs. C'eft ce que nous marquerons en expliquant cha« que Principauté particulière. I. La Campagne de Rome. C a r t e s. Il ne feroit pas inutile d'avoir un plan de Rome : celui de Frédéric de WlTT è en 4 feuilles qui eft fort beau 3 ou celui de Nolin. On l'a en profil par Jaillot , en Jlx feuilles. Ce Pays eft appelle Campagne de Rome , par diftinctioû de la Campanie , ou Campagne heureufe, près de Naples : il contient la plus grande partie du fameux Latium des anciens. Il eft borné au nord-oueft par le Tévérone ; au fud „ par la Méditerranée; au nord-eft, par l'A-bruzze Ultérieure, Province du Royaume de Naples „ tk â l'eft s par la Terre de Labour. L'air y eft mal fain , à caufe des vapeurs groftiéres qui s'élèvent des marais Pontins , qui font à 25 milles au iud-eft de Rome , & dont nous parlerons Tome VL Q L'Etat de FE'glife. $yy de'Place j qui eft fermée par deux portiques , donc la beauté furprend. Ces portiques font foutenus par 310 colonnes, qui forment trois allées de chaque côté y par le moyen desquelles on peut aller à couvert jufques dans fEglife. Au-deffus de ces portiques font de vaftes paieries ornées de baluftrades êc de So ftatues , qui font un effet merveilleux. Au milieu de cette Place , qui eft un ouvrage d'Alexandre VII, il y a un Obc-lifque , qui a été apporté d'Egypte à Rome fous l'Empire de Caligula , ôc qu'on a trouvé lous le Cirque de Néron. 11 eft da granit , qui eft un marbre extrêmement dur ; aufti eft-il encore tout entier , quoiqu'il y ait plus de trois mille ans qu'il foie fait. CecObélifque eft de figure quadran-gulaire , ôc finit en pointe j an haut eft placée une croix de bronze doré , qui renferme un morceau de la vraie croix. Sa hauteur eft d'environ 7S pieds, fans compter le piéd'eftal , fur lequel il eft pofé , qui en porte encore plus de 30. On dit qu'il pefe 9 5 614-8 livres : aufïi a-t-il refté-long-temps couché par terre r derrière la Sacriftie de S. Pierre, plufieurs-' Souverains Pontifes ay-anc tenté inutilement de le faire élevés ; ôc peut-être y' leroit-il encore , fi le Ripe Sixte V , à qui Rome moderne a autant d'obligation pour fa beauté , que-l'ancienne en avoit à Au- 3 6i Méthode de Géographie. ci-après. Le pays eft mal peuplé , 8c le terroir inculte en plufieurs endroits. Ro-tne fur le Tibre , à 41 degrés 54 minutes de latitude, ôc environ à 30 degrés de longitude , en eft la capitale , de même que de tout l'Etat Eccléfiafti-que. Cette ville autrefois la plus confidérable de f Univers , Se le centre du plus puifïant Empire qui ait jamais été , a fi peu de reftes de fon ancienne fplen-deur , qu'on auroit de la peine à recon-noître Rome dans Rome même. Elle eft néanmoins encore affez grande , Se a quantité de magnifiques Palais , de très-belles Places , Se des Eglifes très - bien bâties , mais elle eft fi mal peuplée , qu'une bonne partie de fon enceinte eft fans maifons. Son plus grand ornement Se fa plus grande riçhefïe , lui viennent de ce que le Pape y fait fa réfidence ; ce qui y attire prefque tous les Cardinaux Se quantité d'Eccléiiaftiques, de même que pluiieurs Ambafïadeurs des Princes ca-thohques , Se beaucoup de voyageurs. Ce qu'on y remarque le plus , font les Pains du Vatican , de Monté - Cavallo , de Firnèfe , de Borghèfe , de Barberin , de Chigi, d'Altiéri Se de Médicis, tous fort fuperbes : l'églife de S. Pierre du Vatican , la plus vafte Se la plus magnifique de TUnivers , quoiqu'elle ne foit pas encore entièrement achevée ; le Cha- VEtat de l'Eglife, $6$ teau S. Ange qui eft la Citadelle de Rome ^ fortifiée par le Pape Urbain VIII , de quatre baftions , aufquels il donna le nom des quatre Evangéliftes \ l'Eglife de S. Jean de Latran , qui fe qualifie la Mere de toutes les Eglifes j la belle Bibliothèque du Vatican ; la Place de S, Pierre, le Pont S. Ange Se le Pont Sixte , dont le premier eft long de 330 pieds , Se le fécond de 300. Nous donnerons une defcription détaillée de Rome , après avoir parlé des principaux lieux que l'on trouve aux environs. Tivoli j ville épifcopale, très-ancienne, fur le Tévérone , les délices de Cicéron , paffe pour le plus agréable féjour de toute l'Italie. Le Pape Pie II 7 a fait bâtir une fortereffe. Frefcati , petite ville épifcopale , dont les jardins Se pluiieurs maisons de plaifance , entre autres celle des Aldobrandins , qu'on appelle le Belveder de Ftefcati, font tout l'agrément. Palef irine, en titre de Principauté , Se Alba-no y villes épifcopales, dont la dernière eft bâtie près des ruines de l'ancienne ville d'Albe y qui a donné naiftance â la ville de Rome : elle eft auffi célèbre par les excellens vins. Oflle J près de l'embouchure du Tibre dans la Mer Méditerranée : cette ville eft le premier Evêché de l'Eglife Romaine , affecté au Doyen des Cardinaux, qui couronne les Q U 564 Méthode de Géographie. Papes. Vélétri 3 qui a vu naître i'Empe-p ère lu* Augufte , avoir aufli un Evêché'qui a été uni à celui d'Oftie.* Anagni 3 prefque .ruinée , a encore un Evêché. Caf-fel - Gandolphe 3 bourg Se château près d'un petit lac. Su.bia.CQ 3 .Evêché , où S. Benoît jetta au y Ie fiécle les fonde m en s de fon ordre. Ahuri 3 Veroli3 Fer'rentino 3 Segni j (ont aufti des villes épifcopales. fronjinone 3 Lejfa , Ardea Se Jes Marais .Pontins , Paludi Pentini. Ces marais font â 25 milles, ou environ , au fud-eft de Rome , Se ont environ 25 milles de long , fur une largeur moins étendue. Ils caufent tout le mauvais air de la Campagne de Rome. Ils avoient été deftechés par les Romains , puis négligés3 Se enfin dellechés de nouveau par Théodoric Roi des Goths. On pouroit y faire encore très-facilement les mêmes travaux , Se par-là j rendre la fa-Jubrité aux environs de Rome : on eft actuellement occupé de ce projet. Ces Marais, quoique difficiles Se mal fains , jne laiftent pas d'être environés de quelques petites villes Se de bourgs, tels font Nettuno y fur la mer, à l'oueft des Ma-jrais ; S&ftà 3 l'ancienne Setia 3 capitale des Voifques ; San - Pietfo , Cijlerna , Çafe nove 3 Lahadia Se Terracine. Cette ,derniere ville eft épifcopale Se fur les frontières du Royaume de Naples ; ç'e$ VEtat de l'Eglife. fff ce qui fait que le Pape y entretient une petite garnifon. Enfin , San Donato eft au milieu du marais ; mais Aftura Se Monte-Circello , font fnr la mer. On a fait graver à Rome des Cartes fort détaillées de ces marais. Defcription de Rome. Cette ville célèbre depuis tant de fié-des, autrefois le fiége de l'Empire, Se aujourd'hui celui de la Religion , fut fondée 7 5 3 ans avant l'Ere chrétienne. Augufte l'embellie coniïdérablemenr , ainfi que les Empereurs qui le fuivirenr. Le tranfporr que Conftantin fit de fa Cour , vers l'an 330, en fa nouvelle ville de Conftantinople , diminua la gloire de Rome. Au Ve fiécle , elle devint la proie des Barbares , Se fut plufieurs fois prife Se ravagée. Elle fe releva cependant de fes ruines ; mais elle n'eft pas aujourd'hui aufti confidérable qu'elle étoit autrefois , Se il y a dans fes murs bien des lieux inhabités ou remplis de vignes. Après la deftrudion de l'Empire d'Occident , elle paffa des Oftrogoths au pouvoir des Empereurs d'Orient , Se elle fut gouvernée par un Duc , qui dépendoit de l'Exarque de Ravenne , envoyé de Conftantinople pour gouverner l'Italie. Mais comment Rome eft-elle venue en la puiftance abfo-lue du Pape ? C'eft ce qu'il nous faut ex- Q îij $66 Méthode de Géographie. pliquer , malgré les difficultés que le défaut die certains monumens laifTe à ce fujet. An temps de Léon l'Ifaurien , Empereur de Conff antinople , qui vouloir abolir le culte des Images , les cruautés qu'il employoit pour conduire cette entreprife à fa fin j donnèrent lieu à Luitprand, Roi des Lombards , de penfer à dépouiller ce Prince des Pays qui lui étoient encore fournis en Italie. Mais Grégoire II, qui étoit alors fur le Saint Siège , voyant en 730, qu'il avoir en vain travaillé à ramener le cruel Léon à une meilleure conduite , ufa contre lui des foudres de l'excommunication. Alors Rome &c tout l'Exarcat confpircrent enfemble à fe gouverner en République j Se le Pape y avoit une grande autorité. On continua cette forme de Gouvernement pendant le règne de Conftanrin Copronyme , qu'il paroît cependant qu'on regardoit toujours comme haut Souverain. Le Pape Zacharie , voyant que Luirprand Roi des Lombards , s'étoit rendu maître de quatre villes fituces dans le Duché de Rome , Se ne fe mettoit pas en peine de la nouvelle république , implora te fe* cours de Charle Martel, dont le crédit fut fuffifant pour engager Luitprand a rendre ce qu'il avoir pris. Mais (\dd' ques années après la mort} le Roi Ai- VEtat de VEglife. ^1 tolfe renouvella fes prétentions ; fub-jugua tk ufurpa tous les Etats de la République , excepté Rome, qu'il affiégea , avec menaces de mettre tout à feu 6c à fang. Le Pape Etienne implora alors le Secours de Conftantin Copronyme, contre les Lombards , mais l'Empereur n'ayant fair aucune réponfe , le Pape eut recours à Pépin Roi de France , qui l'invita de fe réfugier dans ce Royaume. Etienne fe rendu à Paris , tk Pépin pafla en Italie à la tête d'une armée. £11,754 , il affiégea Pavie qui fut prife , tk il contraignit le Roi des Lombards de reftituer au Pape Etienne la Romagne ou l'Exarcat , dont Pépin fit une donation à l'Apôtre S. Pierre, & à l'Eglife Romaine. Ce Prince fut alors déclaré Patrice de Rome , & par confé-quent le premier Seigneur. » Pépin , » (dit l'Auteur de V Abrégé chronologique » de ITïifloire dé Italie > tom. 1. pag. 356). *> par l'acceptation du décret des Ro-» mains qui L'avait créé Patrice , tk par w la conquête de l'Exarcat , étoit de-" venu Seigneur de Rome tk d'une por-" tion de l'Italie Impériale , au même » titre que les Exarques ; c'eft-à-dire , ■ avec une autorité Souveraine , fubor-» donnée à celle de l'Empereur , que Home & Ies Peuples devenus fujets du f ape s continuoient de reconnoître Q iv |6-S Méthode de Géographie? » pour Seigneur fupréme. Ainfi l'Exa:-» cat Se la Pen.tapole , Suivant notre » manière de nous exprimer , étoient » pour le Pape un Fiej relevant du Pa* » triciat de Rome j lequel étoir pour Pe-« pin un Fief immédiat de C Empire «. C'eft ainfi que les Papes ont commencé à être maîtres de Rome Se de l'Exarcat. Il arriva peu après de nouveaux Troubles de la parc des Lombards. Didier , Duc d'Etrurie , ayant été élu Roi , le Pape en écrivit favorablement à Pépin , qtti confentit à ce que defiroit le Saint Pere. Mais Didier devenu ingrat , s'empara des biens de l'Eglife. Il fut inutilement follicité par Charîemagne de les rendre. Charle palfa donc en Italie en 774, alliégea Pavie, qu'il prit, fe renv dit maître des autres places des Lon> bards , &c fit conduire prifonniers en France Didier Se fa femme. Ainfi l'Italie ôc l'Eglife de Rome fe trouvèrent délivrées de la tyrannie des Lombards, dont le Royaume finit la dix-huiriéme année du règne de Didier. Pendant le fiége de Pavie , Charîemagne fut à Rome aux fêtes de Pu que , Se y fit fa célèbre donation à l'Eglife. Elle étoit fur le modèle de celle de Pépin j mais bien plus ample , fi on s'en rapporte aux extraits que nous en avons. Il y ajouta, dit-on , des Provinces L'Etat de l'Eglife. $6? entières , qui n'étoient point de l'Exarcat , mais qui étoient du Royaume de Lombardie. Cette donation n'eut pourtant pas fon effet dans route fon étendue , Bç l'Eglife de Rome ne forme même aucune prétention fur le Duché de Mantoue, fur les Provinces de l'Etat de Venife , fur l'Ifle de Corfe , ôc fur d'autres terres exprimées dans les extraits de cette donation , qui n'eft point venue jufqu'à nous. Cependant Charîemagne continua d'exercer la première autorité à Rome , d'abord comme Patrice-, & enfuite comme Empereur d'occident , depuis l'an 800. Celle de fes fuccelfeurs fut encore reconnue long-temps , malgré les troubles qui arrivèrent en Italie ,.&#le pouvoir que les Papes exereoient dans Rome & dans tout l'Etat temporel de l'Eglife. Ce n'efl qu'a l'an 1355 qu'il paroît.qu'on doit fixer l'époque où cetfa la fouveraineté des Empereurs d'occident à Rome , ôc où commença abfolument celle des Papes , qui s'y font toujours maintenus. Car alors Charle IV , pour être couronné Empe-reut, abandonna tous les droits de l'Empire. La fitiiation de la ville de Rome eft tout-à fait agréable. Les petites montages qu'elle renferme dans fon enceinte> font un effer merveilleux pour la vue -, mais I air n'y eft pas également bon par-tout r Q v 37° Méthode de Géographie. il y a même des endroits qu'on eft obligé d'abandonner l'été. On croit que fes murailles font les mêmes que du temps de l'Empereur Auréiien 3 tk leur tour eft environ de douze ou rreize milles. 11 eft vrai qu'il n'y a que le tiers de Rome , qui foit habité , Se l'on n'y compte pas plus de 150 mille amcs j les deux autres tiers, du côté de l'orient tk du midi, ne font remplis que de ruines 6c de jardins. Le Tibre ou Tévere comme l'appellent les Italiens, traverfe une partie de la' ville ; mais fouvent il y caufe plus de dommage par fon débordement, qu'il n'y apporte d'utilité. On voit des mfcrip-tions en plufieurs endroits , qui marquent la hauteur où fes eaux font montées. On a fait tout ce qu'on a pu pour y remédier; mais roujours inutilement. L'Empereur Augufte fir élargir fon lit, pour en faciliter le cours ; mais cela n'a pas empêche qu'il n'ait emporté une partie des ponts qui étoient deftiis ; Se de huit qu'on y voyoit autrefois, il n'en refte aujourd'hui que quatre ou cinq j qui font le pont de Sixte , le pont de S. Barthélemi, le pont Quatro-Capi tk le pont S. Ange. Rome ancienne étoit divifée en quatorze Régions , tk Rome moderne fe divife en quatorze quartiers, qui font : 1. Le quartier del Borgo ou Bourg S. Pierre. L'Etat de VEglife. fft i. Le quartier de Trajlevere '> au-delà le Tibre 3. Del Ponte 3 du pont S. Ange. 4. Délia Aremda ou Régala du fable que le Tibre jette le long de ce rivage. 5. Di Paiione „ des Huilîiers, qui demeurent dans ce quartier. <ï. Di Sonia Eufiachia j de l'Eglife de S. Euftache. 7. -Délia Colonna y de la Colonne Automne. 8. Del Campa Mar^o 3 du Champ de Mars. 5>. Di Trévi 3 de la Fontaine de Trévi. 10. Délia Plana, de la Pomme de Pin. 11. Di S. Angelo > de S. Ange de la PoiflTonerie. 1 i. Délia Ripa du rivage du Tibre. 13. Dé Monti 3 des Monts Cœlius &c Quirinah 14. Del Capltello 3 du Capirole. Le Bourg de S. Pierre eft au-delà du Tibre. 11 contient environ mille pas , depuis le Château S. Ange , jufqu'à l'Eglife de S. Pierre ; & depuis la Porre Angélique , jufqu'à celle du S. Efprit. Il y a dans ce quartier de très-beaux Palais , & quantité d'Eglifes dignes d'être remarquées. Comme c'eft ordinairement par l'Eglife de S, Pierre au Vatican > que l'on appelle Q vj fyx Méthode de Géographie. Limina Apoftolorum qu'on commence-' fes vifites en arrivant à Rome \ c'eft aullï par-là qu'il faut commencer. L'Eglife de S. Pierre , qui paffe pour le plus grand Se le mieux entendu des Temples du monde , eft dans le même endroit où l'Empereur .Conftawtin le Grand en avoit fait bâtir un à l'honneur des .Saints Apôtres en 324. Mais malgré tous les foins qu'on fe donnoit pour entretenir cette antique Eglife , elle menaçoic ruine en 1450; Se le Pape Nicolas V forma le deflein de la faire entièrement rebâtir. La mort l'ayant prévenu , il en laiffa la gloiie au Pape Jules 11 , qui en fit tracer le plan par l'Architecte Bramante Lazari. Paul III continua cette fainte entreprife : il en donna la direc* non au fameux Michel-Ange Bonarota , qui enchérit fur le deffein du Bramante , Se y ajoura le plan du dôme , qui eft fans contredit le plus grand Se le plus hardi qui foir au monde. Jacques de la Porte le fit élever aux frais du Pape Sixte V. Plufieurs des fucceffeurs de Paul III ont contribué' à l'embellilTemcnt de cette fu-* perbe Bahlique.. Prefque tous les Papes jufqu'à Paul V , y ont fait travailler ; Se ce dernier l'a fait conduire prefque à fa perfection. , . • Avant que d'arriver à l'Eglife de Saint Pierre on enr.ee d'abord dans une granr. 3 74 Méthode de Géographie. gufte , n'en eût fait la dépenfe en 158^. Il s'eil fervi pour cela de l'adreffe du Cavalier Dominique Fontana. Cet Obélif que eft accompagné de deux belles fontaines , qui jettent des gerbes d'eau , qui font plaifir à la vue. De-là on monte dans un veftibule , qui pouroit pafter pour une Eglife. II a deux cens feize pieds de long fur quarante de large ; 6V: fous ce portique on trouve cinq portes pour entrer dans l'Eglife. Celle du milieu s'appelloit autrefois la Porte d'argent, parce que le Pape Honoré I l'avoit fait couvrir de lames-d'argent. La Porte Sainte ou dorée, qui ne s'ouvre que cous les vingt-cinq ans , eft à main droite. Cette porre eft toujours murée \ mais au commencement de l'année du Jubdé , le Pape accompagné des Cardinaux , l'abat avec un marteau d'or , ÔC elle demeure ouverte pendant toute fan-née ; à la fin de laquelle on la mure comme auparavant, Ôc elle demeure fermée jufqu'au Jubilé fuivant. La façade de S. Pierre ne mérite pas moins d'attention que les portes. Pluiieurs gros piliers foutiennent une vafte tribune , qui eft au-deiTus du portique. Les fept arcades que ces piliers forment, font appuyées de chaque côté fur des colonnes de marbre violer d'ordre Ionique. Le devant de la tribune eft pareil- L'Etat de l'Eglife. 375 lement orné de colonnes Se d'nne baluf-trade de marbre. Au-deifus font des fenêtres quarrées , qui y font un très-bel effet, Se. le tout eft terminé par une autre baluftrade, fur laquelle on a placé une ftatue coloftale de Notre-Seigneur , de celles des douze Apôtres , toutes en pierre. Pdur bien connoître la beauté de l'Eglife de S. Pierre , il faut y aller plus d'une fois ; car quoiqu'elle ait cinq cens foixante Se dix pieds de long fur quatre-vingt de large , que la nef qui fait la traverfe de la croix , ait quatre cens vingt-quatre pieds d'étendue , Se que ce vafte bâtiment foit rempli de chofes toutes plus admirables les unes que les autres \ ce-pendanr on n'y trouve d'abord rien d'ex-rraordinaire. La fymétrie Se les proportions bien obfervées de l'Archite£ture , ont fi bien mis chaque chofe en fon lieu que l'efprit n'en eft poinr frapé à la première vue : mais quand on vient à examiner en dérail les parries de ce vafte édifice , tout en paroîr merveilleux. Pour commencer par le Dôme , on peut dire que c'eft un ouvrage qu'on ne cefTe de regarder qu'à regret. Toute la Voûte eft peinte à la mofaïque , Bc parles plus grands Maîtres. Il eft foutenu par quatre gros piliers , fur lefquels on voit plufieurs médaillons de marbre blanc Se rouge, attachés les uns aux autres : les ■ 376 Méthode de Géographie. uns repréfentent les Papes canonifés y d'autres ont les armes de la Maifon des Pamphiles--, dont étoit le Pape Innocent , qui a tait revêtir-ces piliers de marbre. Au bas de ces piliers il y a quatre ftatues de marbre blanc plus grandes que nature, qui repréfenrent Sainte Véronique , Sainte Hélène , S. André , Apôtre y ôc S. Longin. Au-deflus de ces ftatues, font quatre niches , dans lefquelles on conferve des reliques, qui ont fait naître le déliera des ftatues dont nous parlons. On y garde par exemple la Sainte Face de Notre-Seigneur , empreinte fur de voile de Sainte Véronique , le Chef de l'Apôtre S. André , &e. C'eft au Cavalier Bernin que l'on eft redevable de cet ornement , ôc du deJÏein- des quatre balcons^ qui fonr au-deffus des corniches des pilaftres. Mais cette dernière idée a caufe plus de chagrins que de joie , car les petits efcaliers qu'il a été obligé de creufer dans l'épai fleur des piliers , les ont tellement afïbiblis , que le Dôme eft entr ouvert ; ce qui juftifie Michel-Ange , qui avoit défendu d'y roucher, à caufe de la pefanteur de l'édihee ; ôc peu s'en eft fallu qu'il n'en air coûté la vie à l'Architecte. Ce Dôme porte de hauteur trois cens cinquante deux pieds de France. Ec de quelque côté qu'on arrive à Rome, on voit VEtat de l'Eglife. 377 toujours ce bel édifice , parce qu'outre Une fi grande élévation , il eft encore iîtué fur une montagne. Le grand autel de S. Pierre eft directement fous le Dôme. Le devant regarde le fond de l'Eglife , de manière que le célébrant, qui a-toujours le vifage du côté du peuple , ne fe tourne point pouf dire le Dominus vobifcum. Rien ne peut égaler la magnificence de cet autel. Il eft tout de marbre , & quatre colonnes de bronze torfes ornées de feftons , compo-fés de feuillages & d'abeilles , qui étoient les armes du Pape Urbain VIII, foutien-nent un dais magnifique , que ce Souverain Pontife fit faire du bronze qu'il fit enlever du Panthéon. Quatre Anges dè même métal , Se plus grands que nature pofés fur le haut de chaque colonne , Se' plufieurs petits enfans, qui fe promènent fiir la corniche , donnent une majefté toute finguliere à cet autel. Le tout eft du delfein du Cavalier Bernin. Tous les piliers font revêttts d'un marbre extrême-menr poli. Les voûtes fonr de ftuc à com-partimens dorés ; Se au milieu vers la porte on voit les armes en mofaïque du Pape Paul V , qui fit achever cet ouvrage. Dans les aîles des côtés les voûtes font terminées par de petits Dômes , dont les angles font peints en mofaïque. Le pavé de l'Eglife eft de marbre. Les 3 7 8 Méthode de Géographie. Chapelles font remplies de peintures des meilleurs Maîtres. Enfin on peut dire qu'il n'y a point de lieu au monde , où il fe rencontre tant de beautés en toutes fortes d'arrs. Les ouvrages de fculpture l'emportent fur tous les autres. Le maufolée de la Comteffe Mathiide eft un des principaux ornemens de ce Temple. Ce rombeaueft tour de marbre, orné de bas reliefs très-finis ; au deffus on voit la ftarue de cerre Princeffe en marbre , fur le deffein du Cavalier Bernin. Un peu plus loin on rencontre celui de Grégoire XIII, qui eft encore un rrès-bel ouvrage de ftuc. Du côté de l'évangile on voit celui de Clément X. Mais tout cela n'eft rien en com-paraifbn de l'autel fur lequel eft la Chaire de Saint Pierre. C'eft une pièce d'une beauté fînguliere. Cette Chaire, qui n'eft que de bois , eft enchâftee dans une autre Chaire de bronze doré , environée de rayons , ôc foutenue par les quatre Docteurs de l'Eglife Larine, faint Ambroife , faint Jérôme , fainr Auguftin ôc faint Grégoire , qui fonr des figures plus grandes que nature, ôc pofées fur de beaux piédeftaux de marbre , enrichis des armes du Pape Alexandre VII, qui a fait exécuter cer ouvrage fur le defTein du Cavalier Bernin. Aux deux côtés de ce beau morceau > VEtat de l'Eglife. 379 font deux tombeaux qui ne démentent point ce chef-d'œuvre. Celui qui eft du côté de l'épître , a été fait pat le Cavalier Bernin , pour le Pape Urbain VI1L On y voit la ftatue de ce Souverain Pontife en bronze, aftife au-deftiis de fon tombeau , qui eft de marbre noir. 11 eft accompagné de plufieurs autres ftatues , parmi lefquelles on en diftingue deux , dont l'une repréfente la Charité, & l'autre la Force. Le magnifique maufolée de Paul HT , eft du côté de l'évangile. On voit la ftatue de ce Souverain Pontife au - delfiis, dans la même attitude que celle d'Urbain VIII. Mais ce qu'on y admire le plus , ce font deux ftatues de marbre blanc , qui approchent fi fort du naturel, que fi on en croit le bruit commun , on a été obligé de leur donner une chemife* de bronze pour éteindre la paflion d'un Efpagnol qui en étoit devenu amoureux. Le quatrième maufolée, qui eft celui d'Alexandre VII, eft un très beau morceau. Ce Pape eft à genoux accompagné de quatre ftatues plus grandes que nature , au milieu defquelles la Mort fort de de (Tous un tapis. Toutes ces ftarues font du Cavalier Bernin. Le Palais du Vatican n'eft pas un édifice d'une architecture régulière. C'eft un amas de bâtimens qui ont été faits en. 3'So Méthode de Géographie. différens temps, & par différentes pertonnes ; mais dans lefquels on remarque toutes les beautés de l'art, quand on les examine en. particulier. Il efl: contigu à S. Pierre , Se l'on y monte de cette Eglife par un" efcalier magnifique , orné d'un double rang de colonnes. D'abord on en-tre dans la falle Royale, qui eft celle où le Pape donne audience aux Ambafladeurs des têtes couronées. Cette falle , l'une des plus belles du Palais eft ornée d<± belles peintures à frefque de la main de Perin del Vague \ elle eft enrichie d'im grand nombre de tableaux. On y voit la bataille de Lépante , & l'hiftoire de l'Empereur Frédéric Barberoufle d'un côté ; de l'autre , l'Empereur Charîemagne , qui il-gne la donation de l'Exarcat de Ravenne. On y voit encore un tableau qui repréfente le Pape Grégoire XI , qui reporte le faint Siège à Rome ; une ligue faire contre le Turc , 8c la journée de la S. Bar-thélemi. Dans la Chapelle Pauline , il y a plufieurs peinrures de Michel-Ange ; entr'au-tres un Crucifiement de S. Pierre , Se une Converfîon de S. Paul. La Chapelle de Sixte , qui eft de l'autre côté , eft fi grande , que le Pape y tient chapelle." On y voit cette fameufe pièce du Jugement dernier , faite par Michel-Ange , qu'on ne fauroit fe laffer d'admirer. Les orne- L'Etat de f Eglife. $t* mens dont on pare l'autel de cette Chapelle, aufli-bien que ceu# du Pape, font d'un prix ineftimable. De la falle Royale on entre dans une autre , qu'on appelle Ducale. C'eft-là que le Pape fait la cérémonie de laver les pieds à douze Prêtres le Jeudi-Saint. Elle eft pareillement enrichie de tableaux des meilleurs Maîtres. 11 n'y a pas moins de ftatues , de bulbes de vafes , & d'autres antiques , que de peintures. On y voit aufti ces fameufes tapifleries qui ont été faites fur les cartons de Raphaël. La Bibliothèque du Vatican eft très-belle ôc très ample. Elle a été groftie de la Bibliothèque Palatine , dont le Duc de Bavière fit préfent au Pape Grégoire XV., en i6iz , après la prife d'Heidelberg, ôc de la Bibliothèque du Duc d'Urbin , dont Alexandre VII hérita après la mort du dernier Duc de ce nom. Le nombre des livres eft prodigieux : on y compte , dit-on, feize mille manufcrits grecs ôc latins. Les Jardins du Vatican font délicieux, tant à caufe des promenades agréables couvertes d'orangers, entrelafles de buf-tes Ôc de ftatues antiques , que par les belles eaux. Un des appartemens du Parais du Vatican , appelle le iklvedere % avance dans ce jardin \ il eft' bâti fur *tà lieu élevé , dont la vue eft très-belle, 382 Méthode de Géographie. Autour de ce bâtiment font des niches 9 dans lefquelles ?on voit les plus belles ftatues , qui nous foient reftées de l'antiquité. C'eft-là que fe tient ordinairement le Conclave. Près de l'églife de S. Pierre eft le grand Hôpital du Saint Efprit , l'un des plus remarquables de l'Europe , tant pour îa grandeur que pour fon immenfe revenu. Le Château Saint-Ange eft un gros bâtiment rond, que l'Empereur Adrien fit bâtir pour lui fervir de tombeau } c'eft pourquoi on l'appelloit Moles Adriani. Cette maflfe étoit autrefois plus ornée qu'elle n'eft aujourd'hui. Autour regnoit un portique enrichi de colonnes de marbre , qui ont été renverfées par l'injure des temps , ou enlevées par ordre de l'Empereur Conftantin. Les Papes fe font appliqués à faire fortifier ce Château , depuis qu'il eft entre leurs mains. Boni-face IX commença le premier à l'entourer d'un rempart. Nicolas V Se Alexandre VI augmentèrent cette première fortification , tk Urbain VIII acheva d'en faire une allez bonne forrereffe , en y faifanr élever cinq baftions, flanqués de bonnes demi-lunes Se de larges fofles. On y rient toujours une forre garnifon , des magafins bien fournis d'armes, Se de roures fortes de munitions de guerre Se de bouche, C'eft-là où l'on garde h VEtat de F Eglife, 38$ thiare qui fert au couronnement des Papes , tk où eft le tréfor de l'Eglife. Vis-à-vis de ce Château il y a un beau Pont, nommé autrefois le Pont Etius , du nom de 1 Empereur Elius Adrien : on l'appelle aujourd'hui le Pont S. Ange. H eft o\né d'une belle baluftrade , &; de quantité de ftatues de marbre blanc , plus grandes que narure. On y voit S. Pierre & S. Paul , & enfuite des Anges qui portent les inftrumens de la paftion , toutes ftatues très - finies &c des meilleurs maîtres. Le Pape Clément IX en fit élargir l'enrrée par le Cavalier Bernin , afin qu'on y pût palier plus commodément. En partant fur ce Pont , on fe trouve dans un des plus beaux quartiers de Rome j mais voyons auparavant ce qui eft au-deça du Tibre. Derrière S. Pierre Montorio j fur le Janicule j eft la fontaine de Paul V. Elle eft toute de marbre, de l'architecture du Cavalier Fontana. L'eau tombe par cinq grandes ouverrures dans aurant de baftins de pierres , d'où 'elle fe répand dans plufieurs quartiers de Rome, par des conduits fouterreins. Près la porte S. Pancrace eft la vigne Pamphile , donr les jardins font dans un état un peu négligé 5 mais en récompenfe il y a des antiques très curieux Se de forr bonnes peintures. Les ftatues font un peu maltraitées, par- 5^4 Méthode de Géographie. ce qu'elles ont été autrefois couvertes de plâtre j mais à cela près elles font très-belles Se très-finies. On y remarque entre autres un Perfée j une Andromède , un Hermaphrodite Se plufieurs Impératrices. La maifon efl ornée de bas-reliefs , Se en dedans de peintures à frefque , Se de tableaux du Carache 3 du Guide ôc de Michel-Ange. La ville de Rome a un Port} où les barques , brigantins , rartanes Se autres petits Vaiffeaux qui peuvent remonter le Tibre > viennent décharger les marchandifes qu'ils apportenr â Rome. On y voir encore quelques relies de fa magnificence ancienne. En revenant il faut entrer dans l'églife de fainte Cécile , qui a été bâtie fur la maifon du pere de cette Sainte , dans laquelle elle fouffrit le martyre l'an i yt. Son tombeau efl le plus beau de Rome , après celui d*e S. Pierre. 11 eft revêtu d'albâtre , de jafpe , d'agathe Se d'autres pierres orienrales de grand prix , avec des bas-reliefs de métal doré. Au milieu eft la ftatue de la Sainte , de la main d'Etienne Maderne. Elle eft couchée dans la même j(ituation qu'elle fut trouvée dans fes bains, fous le Pontificat d'Urbain VIII. Elle eft encore repréfentée mourante avec une femme qui recueille fon fang 3 dans un tableau du V'anni, qui eft fur l'autel de cette Chapelle. Dans VEtat de l'Eglife. j'tg Dans l'iile Tibérine eft l'églife dédiée à S. Barthéiemi. Elle eft bâtie fur les ruines du temple d'Efculape. Elle eft ornée de pluiieurs tableaux du jeune Cara-che. Tous les ans, le jour de S. Barthé-lemi, on affiche à la porte de cette Eglife , les noms de ceux qui n'ont pas fa-tisfait à leur devoir de Chrétien a Pâ-que , afin que tout le monde les regarde comme excommuniés. À l'entrée du Couvent des Franciscains , il y a une pierre fur laquelle on lit une Infcription, qui a exercé autrefois les Antiquaires} la voici. Semoni Sanco Deo E'idlo Sacrum. &c. On fore de cette Ifle par le Pont de Quatro Capi , ainfi nommé d'une ftaruc de Janus à quatre fronts qui eft deifus. De-là on entre dans le quartier .Ripa , l'un des plus grands ; mais le moins habité de Rome. Il ne contient que des eglifes , des jardins, des terres labourables ôc quelques mafures anciennes. Après avoir paflï le mont Teftacio , qui n'eft compofé , félon quelques uns , que des débris de pots caflés , que les Potiers-de-terre portoieHt en cet endroit, on trouve le tombeau de Ceftius, qui eft le monument le plus entier de l'ancienne Rome, parce que le Pape Alexandre Vlï l'a fait réparer. Ceft une pyramide quar-Tome FI. R * Méthode de Géographie. réc, haute de cent pieds ou environ. Elle porte prefque autant cie largeur par la baie , & finit en pointe : elle paroît avoir ctc faite fur le modèle des fameufes pyramides d'Egypte. A cinq cens pas hors de la porte de S. Paulj on trouve TOracoire de S. Pierre Se de S. Paul, où ces deux Apôtres fe dirent adieu , en fe quittant pour aller au fuppiiee. Après quoi l'on rencontre l'églife de S. Paul qui eft une des plus antiennes de Rome. L'Empereur Théodo-fe en jetta les premier.; foruiemensj mais elle ne fut achevée que fous Honorius fon fils. Cette bafilique a 477 pieds de long fur z 5 8 de large. Elle eft divifee en cinq nefs , foutenues par 1 14 colonnes de marbre blanc , qui ont été tirées, dit-on, des bains d'Antonin. Celles des deux rangs du milieu , qui fou-tiennent la grande nef , font cannelées d'ordre corinthien. Le pavé eft compofé de pièces de marbre qui ont fervi à d'anciennes infaïprions. Les Pères Bénédictins du Mont- Caflm font en pofteftion de cette Eglife , depuis le pontificat de Martin I. Ils ont une Bibliothèque bien fournie. La voie «Appienne , où les principaux de Rome fe raifoient dreffer des Maufolées, préfente de riches débris d'anciens monumens. L'Empereur Antonin Caracalla y avoit VEtat de l'Eglife. 387 fait bâtir un grand Cirque , dans lequel fix chariots de front pou voient courir tout à la fois. L'Ohélifque de la place Navonne a été trouvé fous les ruines. Cet édifice eft refté en alfez bon état. On y voit encore le ré fer voir où étoit l'eau dei-tinée pour les combats navals. On y dif-tingue aufti le lieu appelle Carccrcs , d'où partoient les chariots quand ils commen-çoient leur courfe. Dans le quartier de' Manti eft le Campa Vaccina j où eft la vigne Farnèfc , qui occupe prefque tout le Mont Palatin. On y voit beaucoup de fontaines, de cafcades & d'allées. La vue en eft tout-à-fait admirable ; tout y eft rempli d'antiques , de ftatues , & de bas-reliefs , que Paul III y a fait apporter du Coiifée. On y remarque fur-tout un Mercure, Agrippine mere de Néron , & Poppée. L'arc de triomphe de Titus , le plus ancien de ceux que l'on voit, eft encore allez entier. Il n'a qu'une feule arcade. Le dedans eft orné de bas-reliefs, qui repré-fentent d'un coté cet Empereur dans un char tiré par quatre chevaux triomphant de la prife de Jérufalem; de l'autre le chandelier à fept branches , la table , les trompettes du Jubilé &z les autres dépouilles du temple de cette maUieureufe ville. Au bout de la rue , qui fépare le Mont-Palatin du Mont-Ccelius , on voit Pv ij 5 S S Méthode de Géographie. l'are i.le triomphe que les Romains firent élever à' Conftanrin, comme Libérateur de la Patrie, après la victoire qu'il remporta fur Maxence au Pont-Mole 3 comme on le voit par ces paroles qui fon derrière ; Liberatori Ufbis ^ Fundatori Quietis. Il eft de marbre, orné de quantité de ftatues tk de bas - reliefs, qui ne ibnt pas d'une égale beauté. Mais il y a huit ftatues qui foire très-finies. On dit que Lau-lentcfe Médicis leur a fait fecretement couper la tête tk qu'il les a fait porter à Florence. Les ftatues 6c les bas - reliefs d'en-bas fonr fort communs} mais ceux qui font an ' . .s font d'un goût fi différent , qui! eft aifé de juger qu'elles font d'un temps plus ancien que celui de Conltantin , parce que fous cet Empereur les arts étoient déjà perdus ; mais ils ont fans doute été tirés d'un arc plus ancien, comme pouroit être celui de Trajan. L'Amphithéâtre de Vefpafien , qu'on appelle aujourd'hui le Confiée , eft un des plus fuperbes & des plus magnifiques ;re; de l'ancienne Rome. Vefpafien y ru rr.r. :i;.f • r trente mille Juifs , après le de Jérufabra ; cependant il ne fut achevé qu'onze ans après , fous l'Empire de Tite , qui le dédia par une fête , qu> dura cent jours , & qui coûta des fouîmes imnieiafes. C'eft dommage qu'on ait . ùs d des par.iculiers de démolir B» VEtat de l'Eglife.- 389 fi beau monument pour en bâtir leurs maifons. Ce qui en refte eft encore iï ib-lide , qu'il femble qu'il vienne d'être achevé. Depuis le Colifée , jufqu a S. Jean cle Latran , il n'y a de confidérable que les Eglifes de S. Clément , de S. Etienne le Rond s 6c de S. Jean Porte-Larine. S. Jean de Latran eft une belle & vafte Eglife , qui a plus de trois cens pieds de longvfiir 148 de large ou environ. La fravc-rfe du milieu porte deux cens vingt-deux pieds. Elle eft dédiée au Sauveur j cependant on l'appelle S. Jean , à caufe d'une Chapelle qui eft dédiée â ce Saint, & l'on y ajoute Latran , parce qu'elle eft bâtie fur les ruines de la maifon de Plai.-tius Lateranus , un des chefs de la confpi-ration tramée contre Néron. Comme ce Sénateur fut condamné à la mort avec les autres conjurés, fa maifon fut confifquée au profit des Empereurs , qui en jouirent tous jufqu'au grand Conftanrin , qui la donna , dir-on , au Pape Melchiades pour y bâtir cette Eglife. La voûte eft entièrement couverre de dorures ou de peintures des meilleurs maîtres : elle eft foutenue de quatre rangs de colonnes de pierres. C'eft rout ce qui éft refté dans cetre Eglife du remps de Conftantin ; car elle a été ruinée & rebâtie plufieurs autres fois depuis cet Eiu- R iij $co Méthode de Géographie. pereur, & elle tut brûlée en 13^1. Le grand autel efl: au milieu de la croifée , comme à S. Pierre , de manière que ie célébrant a toujours le vifa°;e tourné vers le peuple. Quatre groffes colonnes de marbre portent au-deflus de cet autel une ef-pece de Tabernacle , un peu gothique ; mais qui ne laine pas dette fort beaif. C'eft-Li que font les Chefs de S. Pierre iSc de S. Paul , enchafles dans deux bulles d'argent , que le Pape Urbain V a fait faire ; & fui l'cftomac de ces figures , il y a deux fleurs-de-lys d'or enrichies de pierres précie.ufes , dont Charle V , R«» de France , a fait prefent à cette Eglife : aufli voit-on les armes de ce Pape d'un côté de ce Tabernacle , & celles de France de l'autre côté. Ces dernières font auffi au-delfus de la porte ; parce que cette Eglife reconnoît les Rois de France pour protecteurs & bienfaiteurs , en qualité de i ils aînés de l'Eglife. Le Roi Très-Chrétien efl le premier Chanoine de cet illu-flre Chapitre. Au-de flous de cet autel » eft une Chapelle fouterreine , qu'on appelle l'Oratoire de S. Jean l'Evangélifte. C'eft-là , dit-on , que ce Saint fut enfermé quand on le condamna à être mis dans une chaudière d'huile bouillante. Les fou-verains Pontifes ont toujours reconnu S. Jean de Latran pour leur cathédrale j & comme les Chanoines de S. Pierre vou- » VEtat de l'Eglife. 3-91 loient s'attribuer cet honneur , les Papes Grégoire XI, Martin V , Paul 11 Se Pie V ont décidé le contraire. On voit con-tre la muraille du côté de la porte , une infcription latine , que l'on dit être une ordonnance de Grégoire XI > qui lait connoître que l'Eglife de S. Jean de Latran eft la mere de toutes les Eglifes. Les Papes , depuis S. Silveftre jufqu'au temps que le Saint Siège fut transféré à Avignon , avoient toujours rélidé au Palais de Latran j mais comme il étoit prei-qu'en ruine , lorfque Grégoire XI reporta le Saint Siège à Rome , ce Pape alla loger au Vatican ; Se depuis ce temps-la, les Papes n'habitent plus le Palais de Latran. Cela n'empêche pas qu'ils ne regardent: S. Jean de Latran comme leur Eglife propre, Se ils ne manquent pas d'en aller prendre polTefilon auffî-tôt après leur élection. Cette Eglife eft accompagnée de deux:-autres bâtimens, qui font un fort bel effet. D'un côté eft l'ancien Palais des Pa-Pes, que Sixte V a fait rétablir , Se de 1 autre eft im Hôpital. Dans la place qui Çft vis-à-vis , on voit l'Obéli(que le phbs de^é qu'il y ait à Rome. 11 a cent huit P'eus, fans y comprendre la croix ni le piedelhil. H crojc autrefois dans le grand nque, d'où Sixte V le lit enlever pour praire drdïbr où il eft aujourd'hui. Il pa-01t P^r les inferiptions qui font fur le R îv |gf.j • Méthode de Géographie. piédeftal, que cet Obélifque vient d'Egypte j où il étoit confacré au Soleil, Se qu'il a été apporté à Rome du temps de Conftantin. La ô7c<7/a Santa eft une petite Chapelle , à laquelle on monte par cinq efcaliers diftérens. Celui du milieu eft fait de vingt huit dégrés de marbre blanc , qu'or* croit erre les mêmes que Jefus - Clnïft monta, lorfqu'il fut conduit chez Pilate. Ces dégrés ont fix pieds de long, Se l'on n'y monte qu'à genoux. Par les quatre antres, qui font à côte, on monte comme on veut. Au haut de ces dégrés , on trouve une petite Chapelle , qui n'a rien de recommandable que plufieurs reliques de Saints, qui lui ont fait donner le nom de. Sancta Sanchrum. En allant à Sainte Marie majeure , on rencontre la Porte majeure j c'eft un ouvrage très-antique, Se qui mérite quelque attention, pour la prodigieufe grof-feur des pierres dont il - eft conftruit. Dell à Sainte Marié majeure rien n'eft digne ^'attention 7 cependant avant que d'entrer dans cette Eglife, on peut voir celle de Saint Antoine. Premièrement on y trouve une croix de pierre fous un dais , foutenu par quatre colonnes de même matière , qui fera un monument éternel de la converfion d'Henri IV, Roi de France. On y liç cette infeription. L'Etat de l'Eglife. D. O. M. Clémente IIX. P. M. ad mémo fiant abfolutionis Henrici IV. Franc i* & Navarra Régis Chriflianiffimï Q. F. A. B. XV liai Oâob. g Ch. D. XCV. Sainte Marie majeure eft ainfi nommée , parce que de toutes les Eglifes qui font dédiées à la Sainte Vierge , c'eft la plus noble ôc la plus digne de vénération. Comme c'eft une Eglife patriarchale , il y a un autel dans le milieu , fur lequel perfonne ne peut célébrer fans la permiftîon du Pape. Lorfque fa Sainteté l'accorde a quelque Cardinal, ce n'eft que pour une *ois feulement - tk. il faut que la bulle de «onceflion foit attachée à l'autel pendant la Mette. Dans toute cette Bafilique , rien n'approche des Chapelles Sixtine te Pauline j elles font d'une magnificence extraordinaire. On les a placées aux deux côtés de l'autel, 6c elles fervent de croifée à ce Temple ; on croit qu'elles renferment tout ce que la nature Ôc l'art ont de plus précieux. L'architecture , les ftatues , les peintures , le marbre , tout y eft excellent. Elles font ornées chacune de deux tombeaux, qui y font un ef-Tet merveilleux. Dans la Chapelle Pauline , font ceux de Clément VIII tk de Paul R v 394 Méthode de Géographie. V : dans la Sixtine , ceux de Sixte V 8t de Pie V. Ces tombeaux font compofés de belles ftatues de marbre & de bas-reliefs , qui repréfentent les couronne-mens'de ces fouverains Pontifes , ouvrages extrêmement finis : ils fonr ornés de peintures à rrefque des meilleurs Maîtres. Certe Eglife eft décorée d'une très-belle Place , au milieu de laquelle on voir un Obélifque de la même architecture que ceux qui font devant les Bafiliques de S. Pierre 5c de S. Jean de Latran ■ mais il n'eft pas fi élevé. C'eft le Pape Sixte V qui l'a lait tranfporrer du Maufolée d'Augufte , où il étoit , &c l'a fait dreffer en cet endroit par le Cavalier Eontana. De l'autre côté de cette Eglife , eft une belle colonne de marbre furmentée d'une ftatue de la Sainte Vierge , de bronze do*-ré , qui a été drelfée en cet endroit fous le Pontificat de Paul V. La porte Pie eft un ouvrage de Michel-Ange. Auprès on voit les ruines des Thermes de Dioclétjen. L'on y remarque encore des colonnes de marbre granit , qui font juger de la magnificence de cet ancien édifice. L'Eglife de Sainte Marie des Anges à Term'mi r eft de l'architecture du Michel-Ange : on y voit un bon tableau du Murien. Vis-à-vis dtifc «etee Eglife , dans la grande Place de Ter~ L'Etat de P Eglife. 595 mini j eft la belle Vigne Montai te ou Peretti. Sixte V en lit faire le bâtiment, n'étant encore que Cardinal, 6c la fit embellir étant Pape. Les allées du jardin font les pins belles qu'il y ait à Rome. Elles ne manquent pas des omemens donc les jardins de cette ville four remplis , c'eft-à-dire , d'urnes , de bulles } cle colonnes ôc de ftatues antiques. A quelques pas de-la , on rencontre la Villa Chigi j qui ne cède en rien à celle de Montalte. Les eaux en font très-agréables & très-abondantes 3 ôc ne manquent guère de mouiller les curieux. Il y a de bonnes ftatues dans un des cabinets du jardin. Le Palais de Monte Cavallo 9 eft la demeure du Pape pendant l'été. Il n'eft pas fi grand que le Vatican \ mais il n'eft pas moins riche. Les appartemens en font magnifiques ôc fort fpacieux , & les peintures très-eftimées. On y admire fur-tout celles d'une petite chambre proche la Chapelle. Elles font du Carache , qui a donné tous fes foins pour les rendre parfaites. Celles de la Chapelle font de l'Albane. Le jardin eft aufïi vafte que celui du Vatican j mais il eft un pen plus négligé. Les promenades en font agréables , ôc bordées d'orangers , de citro-niers ôc de grenadiers , qui rendent ce; Heu très-délicieux. Les eaux n'y font pas yj6 Méthode de Géographie. moins belles qu'abondantes. Lntr autres cunofités j il y a un Orgue, qu'elles font? jouer fans que perfonne y touche. Vis-à-vis de ce Palais , il y a deux chevaux de marbre que Sixte V y a fait élever : ils étoient auparavant aux Thermes de Conftanrin. On dit qu'ils font, l'un de Praxitèle , ë>t l'autre de Phidias j du moins les noms de ces deux fameux ouvriers y font gravés. Ces deux chevaux font deux; pièces très finies j & qui onr donné le nom de Monte Cavallo à la petite montagne fur laquelle ils font placés. Saint Pierre aux Liens eft une grande ïtglife , divifée en trois nefs , par quatre rangs de colonnes de marbre blanc. On ■' voit pluiieurs chofes dignes de remarque. La première eft une ancienne image-à la mofaïque de S. Sébaftien 5 qui fub-fifte ,. dit-on, depuis plus de mille ans: tant d'années cependant n'ont rien ôté de fa première beauté. La féconde eft le .beau du Pape Jules il, qui pane pour: \m chef d'oeuvre de Michel-Ange. Il y a fi :r-tout une ftatue de marbre blanc re-; ,'ientanr Moyfe aftis , laquelle eft admirée de tous les connoiffeurs. .Sainte Marie de Loretre eft un édifice de figure octogone , qui a été. bâti par les meilleurs Maîtres en architecture. Le grand autel eft orné de ftatues , qui méritent quelque attention -, au une Afcenfion ôc un S. Paul '£c>S Méthode de Géographie. du Murien. La vouce eft toute dorée- * Ôc l'on y voit beaucoup de Maufolées de grands hommes , qui font enrichis de fta-taes des meilleurs Maîtres. L'efcalier qui conduit à cette Eglife j-a cent vingt-deux dégrés de marbre , qui étoient autrefois au Temple de Quirinus. Cette Eglife a deux cens pieds de long , ôc 185 de large. Le Capitale contient trois édifices détachés : un en face y qui fert de demeure au Sénateur de Rome , ôc deux aux deux côtés , qui font pour les Confervateurs* Ces deux derniers ont des portiques , ôc tous trois font terminés par des baluftra-des , qui fervent de ba£e à plufieurs- ftatues des anciens Romains. L'édifice du milieu , qui a été bâti fous le pontificat de Boniface IX , a une. efpece de clocher fort élevé, d'où fsrr l'a ftatue de la Religion. Ces bâtimens,. ainfi difpofés , for-' ment une cour quarrée , dans laquelle on entre par deux larges efcaliers en rampe ,. bordés d'une belle baluftrade de chaque côté. Sur ie commencement' de chaque baluftrade , il y a un lion qui jette de l'eati par la gueule. Au haut de cet efcalier font deux grands chevaux de marbre v qui lui fervent d'ornement, près defquels on voit deux ftatues , que l'on dit être de Conftanrin le Grand. Il y en a qui croient «lue ces ftatues font celles de Caftor ôc de- VEtat de f Eglife. }cj$ Pollux. Elles onc été trouvées auprès du Tibre , dans l'endroit où eft la Synagogue des Juifs. On voit de plus fur la face da Capitule les trophées de Marius , qui ont été apportés d'un lieu où ils n'étoienc pas fi avantageufement placés. Ces trophées font de marbre , très-bien travaillés , & ont été faits en mémoire de la victoire que Marius remporta fur les Cim-bres. Dans, un angle de la Place eft lé MiUiarium Aureum ; c'eft ainfi qu'on ap-pelloit une certaine colonne de marbre r au haut de laquelle il y avoit une boule dorée, qui avoit été autrefois dreftee au milieu de la ville dans la place publique \ c'éroit de-la que l'on devoir commencer à compter les milles romains. La maifon des Magiftrats , nommés Confervateurs , qui eft ce qu'on appelle ailleurs la Maifon de Ville, eft aulli fur \k Mont Capifolin , proche de ce MiUiarium : elle eft ornée d'un tics-beau portique , Ôc enrichie des plus illuftres reftes de l'ancienne ville. On en voit une grande quantité dès l'entrée du veftibule , où, eft une table de marbre , cimentée dans la muraille-, fur laquelle eft gravée la mefure du pied romain , ce qui peut être d'une grande utilité pour entendre plufieurs endroirs des Auteurs Latins. Oa voit d'abord fur le degré , contre la muraille , à main gauche j cette colonne ap- 400 Méthode de Géographie. pellée Roflrata 3 que le Peuple Romauî érigea en l'honneur de Duihus 3 après qu'il eut heureufement terminé la première guerre punique. Ce qu'il y a de plus beau tk de plus remarquable , eft une ftatue d'airain , donc il eft fouvent parlé dans les anciens Auteurs; elle repréfenteRémus ÊcRomulus, qu'une Louve allaite. On y remarque fore bien le coup de foudre dont elle fut fra-pce , tk dont parle Cicéron dans fa troi-iiéme Oraifon contre Catilina. On y voit encore avec admiration deux belles ftatues de bronze ,. dont l'une représenté un efcîave qui eft de bout , & l'autre un berger ailis fur une bafe de marbre , lequel fe rire une épine du pied. Cette dernière eft iî bien faite , qu'il eft àmpoifible de rien voir qui foit plus achevé. Sur la place qui eft vis-à-vis , il faut confidérer un beau cheval de bronze doré , fur lequel eft affis Marc-Aurele-An-ronin : c'eft un ouvrage parfait. Cette ftatue a été trouvée auprès de S. Jean de Latran, &: elle a été long-temps dans la place qui eft vis à-vis cette Eglife. Paul III la fit apporter au Capitole , & lui fit faire un piédeftal par Michel-Ange. Au haut du quartier délia Regola , on trouve la place de la Trinité, où eft U.ft ' Hôpital pour les -Pèlerins, qui viennent VEtat de l'Eglife. 401-à Rome : on leur y donne ce qui leur eft néceflaire pendant trois jours. L'Eglife en eft très - propre tk très bien ornée il y a de fort belles ftatues, & un des plus beaux tableaux du Guide au maître-autel. Le grand édifice que l'on voit vis-à-vis de l'Eglife , eft ce qu'on appelle le Mont de Piété. C'eft un grand Palais où on prêre de l'argent aux Pauvres fans intérêt , en donnant des gages. C'eft un des plus beaux établiftcmens qui foit dans Rome. A-t-on befoin d argent ? on n'a qu'à y porter de la marchandée , ou des meubles , & l'on reçoit une fomme un peu au-delïous de la valeur de ce qu'on y porte 5 8c on ne la redemande qu'au bout de dix* huit mois. Le Palais Farnèfe eft un des plus beaux 8c des plus fuperbes bâtimens modernes.. Le Cardinal Farnèfe en fit jetter les fon-demens étant Cardinal. Depuis ayant été créé Pape, il le fit achever par Michel-Ange. Ce Palais contient quatre corps de logis , qui formenr une cour quarrée. Un fuperbe Portique , dont tous les pilaftres font ornés de ftarues , règne autour de cette Cour , fans compter une galerie détachée , qu'on eftime infiniment pour les peintures dont elle eft remplie. Elles font toutes de la main d'Annibal Carache. Parmi les ftatues, celle. d'Hercule appuyé 4o 2, Méthode de Géographie, fur fa maifiic , pa(Te pour un ouvrage inimitable. Elle fut trouvée dans les bains de Caraealla. La Flore mérite aufti d'être confidérce avec attention. On voit dans nue galerie la figure d'un Dauphin, portant fur fon dos un petit garçon , qui eft une pièce fort eftimée \ Se dans une autre , un grand nombre de ftatues , qui représentent les amours des Dieux $s des Déeues, Vis-à-vis de ce Palais eft une grande Place , ornée de deux belles ion-raines , qui donnent un nouvel embellif-fement au Palais. S. Jérôme eft une Eglife petite , mais qui ne laine pas d'être eftimée. On y voit un des meilleurs tableaux qui ioient à Rome ; c'eft un faint Jérôme mourant, auquel on préfente le faint Viatique : ouvrage fameux du Dominiquain. La Place Navonne eft la plus belle Se la plus fréquentée de Rome. Elle eft environée des plus magnifiques bâtimens de la Ville j Se au milieu eft une fontaine faite par le Cavalier Bernin, qui pafte pour fon chef-d'œuvre. C'eft un rocher qui s'élève du milieu d'un baffin toujours plein de l'eau qu'il reçoit par différens endroits. Au haut de ce rocher font quatre grandes ftatues adoifées fur les quatre faces d'une efpeced'obélifque, femé d'hiéroglyphes , Se qui fur rrouvé dans le Cirque de Caraealla , fous le pontificat d'In- VEtat de VEglife. 40 J frocefit IV. Aux deux bouts de cette Place, il y a deux autres fontainesfaillan* tes, qui donnent beaucoup d'agrément à ce lieu. L'Eglife de S. Jacques des Efpagnols , fur la place Navone, eft du quartier de S. Euftache. Il n'y a rien de confidérable dans cette ancienne Baulique , que la Chapelle de ce Saint, Ôc celle des Signorî Ferrai. Auprès de cette Eglife eft le Collège de la Sapience , bâtiment magnifique , commencé fous Grégoire XIÏI , ôc per-feétioné feulement fous Urbain VIII qui y a fondé fix chaires , outre celles qui Fétoient déjà. De ces fix Profelfeurs, il y en a un pour la Conrrovcrfe , un pour l'Hiftoire cccléliaftique , les quatre autres pour le Droit civil ôc canonique. Ces Profelfeurs ont de beaux droirs , d'affez gros revenus , une belle maifon , ôc une Bibliothèque fort nombreufe ; il ne leur manque que des Ecoliers. Au refte ce bâtiment forme une efpece de quarré un peu plus long que large , entouré d'un double Portique , qui lui donne un air ma-jefteux. Il y a line petite Chapelle, dont le dôme, qui fe termine en ligne fpirale, fait plaifir à la vue. De-Iâ en prenant à main gauche , on rencontre S. Louis des François , bâtiment fuperbe , de l'arcliiteétuce de Jac- 404 Méthode de Géographie. ques de la Porte , dont la façade eft magnifique. Ce font toutes pierres Tibur-tïnes , avec des colonnes de marbre. Les tableaux en font très-efti niables, n'y en ayant que d'excellens. Le Palais Jujlinïani eft bâti fur les: ruines des Thermes de Néron , qui furent appelles les Thermes d'Alexandre Sévère, après la mort de Néron. En fouillant les' fonderri'ens de cet édifice on trouva beaucoup de marbre granit, Se d'autres pierres orienrales avec plufieurs ftatues , buftes & bas-reliefs , qui n'ont pas peir fervi â rembelliffemenc de cette belle maifon. Tous fes appartemens font remplis de chofes curieufes. Il y a une galerie fur-tout, n pleine d'antiques , tm'ê peine peut-on trouver place pour paùer. Toutes les familles des Divinités anciennes j s'y volent en marbre Se en métal. Parmi le grand nombre de buftes Se de ftatues qui font dans cette maifon , SC qu'on fait monterai! nombre de 1500, on diftingue une tète de Néron , une Minerve , une Vénus qui fort du bain , la mere Nature fur un rocher, d'où elle donne à vivre aux animaux de toutes les efpèces, qui font autour d'elle ; deux Gla-diareurs combattans , mais dont le vaincu eft tétrade par l'autre , Se paroît expirant de fes blefïiires y un Sphinx , un Adonis qu'un Sanglier tue d'un coup de VEtat de F Eglife. 405 fes défenfcs , tk une tête d'Homère j mais on ne fauroit regarder fans admiration , l'Hercule de bronze Se Marc Au-rele. Les tableaux ne cèdent en lien aux ilatues. L'Académie de Peinture , où le Roi de France enrretient fix Peintres François , quatre Sculpteurs Se deux Architectes s pour fe perfectioner dans leur art, avec un Directeur, eft auprès de l'Eglife de S» André délia Falle ; d'où il faut aller jufqu'à Ste. Marie fur la Minerve , qui eft dans le quartier de la Pomme de Pin , pour trouver quelque chofe de confidérable. Avant que d'y arriver, il faut voir le Panthéon qui eft dans le quartier de la Colonne. Cette Eglife que le peuple appelle la Rotonde j à caufe de fa figure ronde , eft l'édifice antique le plus entier qu'on trouve en Italie. Tout dépouillé qu'il eft de fes premiers ornemens , il eft encore l'ouvrage le plus parfait Se le meilleur morceau d'Architecture qu'il y ait dans Rome. On dit communément , qu'Agrippa le confacra à l'honneur de Cybele mere des Dieux , à caufe d'un bienfait fingulier qu'il avoir reçu de cette Décile. Sous le pontificat d'Eugène IV , on fut obligé de remuer la terre vis-à-vis de la Rotonde , pour y faire une place , Se l'on trouva les deux Lions qui fervent aujourd'hui d'oj> 4 de Dieux thermes , d'urnes , Se d'autres antiques. Un Obélifque chargé d'hiéroglyphes égyptiens , qu'on a trouvé fous les ruines du Cirque de Salufte j mérite aeiftï d'être vu. On ne fauroit dans u11 abrégé faire une defi:ription de toutes te* VEtai de VEglife. 411 thofes rares qui fe renconrrent dans ce délicieux Palais : il fuffic de marquer celles que l'on eftime le plus. Tel eft le Gladiateur expirant de fes blelfures , figure qui exprime fi bien l'agonie d'un homme qui meurt d'une mort violente , qu'elle paffe pour une des plus belles de Rome. ta Vigne Borghefe eft un endroit délicieux , où il ne manque rien ; & les promenades du jardin font fi agréables, qu'on n'y fauroit rien ajouter. La Vigne de Médicis, qui eft dans la ville , eft accompagnée d'un Palais, fîtué fur une terrafte , d'où l'on découvre la ville de Rome. La façade fur le jardin eft ornée de ftatues , de buftes & de bas reliefs d'un très-bon gout. Les jardins en font très agréables ; routes les promenades font diverftfiées par des fonraines „ des ftatues , des cafeades , des bofquets , qui préfentent toujours des objets nouveaux &c très-agréables à la vue. Elle n'eft pas moins riche en ftatues que les autres; 6 entre le grand nombre de celles qu'on 7 voit, nous remarquerons feulement la famille de Niobé : on a fait un petit cabinet dans le jardin exprès pour la mettre a couverr. Non-feulement les attitudes de ces ftatues font très-bien obfervces ; mais ^eme toutes les différentes pallions que Cgtte famille affligée refïènroit , y font parfaitement bien exprimées. Ces ftatues 412- Méthode de GéôWàpkie, ont été trouvées hors cle la ville , auprès de la porre de S. Jean. Les Pères Minimes ont un rrès-beaii Couvent , 8e dans leurs cloîrres 3 il y a beaucoup d'hiftoires peintes à frefque , lefquclles lont admirables. Leur Eglife, nommée la Trinité du Mont, fondée par Louis XI, eft dedervie par des Minimes François. De-là on defcend à la Place d'Efpagne par une allée d'arbres. C'eft-là que font les meilleures Auberges de Rome , 8e quelques-uns de fes plus beaux Palais. I,e Palais de l'Ambaftadeur d'Efpagne, auprès duquel fe trouve le Collège , que l'on appelle de Propagunda Fide j ou fim-plement la Propagande, mérite le premier rang. C'eft dans ce Collège que fe rient rous les lundis une aifemblée , dans laquelle on délibère des moyens les plus propres pour la converfion des idolâtres, des hérétiques, des fclufmatiques 3 en nu mor, pour étendre les bornes de la Religion catholique , apoilolique 6V romaine On y élevé trente jeunes hommes de tou* •tes Nations. Leurs études finies , on levtf donne les ordres 8e le bonnet de DocteiU'» 8e on les envoie chez eux en.qualité de Mifïïonaires. Le bâtiment de ce Collège eft très-beau ; il eft de l'architecture du Cavalier Bernin. On y trouve une rue qui conduit â 1* VEtat de FEgUfe. 41 3 porte du Peuple, où Ton voir une des plus belles places qu'il y ait , & cette place eft ornée d'un très-bel Obéhfque , qui étoit autrefois au grand Cirque. Le Pape Sixte V l'ayanr découvert, le fit drelïèr en cet endroir par le Cavalier fontana fon architecte. Il pareîr, par les infcriptions qu'on y lit, que l'Empereur Augufte l'a-voit confacré au Soleil après la conquête de l'Egypte. SU ne fontaine accompagne très-bien la magnificence de cet Obélif- D r . 1 1 -r ■ que. Le baftin de cette fontaine a cte tait d une bafe de colonnes , qui étoient aux Thermes de Néron ; & toutes les colonnes avoient fix pieds de diamètre. Aux deux côtés de la rue du Cours, il y a deux Eglifes , qui ont toutes deux la nié me façade , & un dôme au-delfus. Celle à gauche s'appelle Notre-Dame de AdonteSanto ; farchitecbure en eft trcs-kedle , & celle à droite eft dédiée .à Nette-Dame des Miracles. La première appartient aux Carmes , & la féconde aux Picpus. Le Palais Jjorghcfe cohtient trois corps-de-logis , unis enièmble par une galerie , qui fépare la cour du jardin. Cette cour eft environée d'un double porrique , foutenu par quatre-vingt-jeize colonnes an-^ques de granit d Egypte. Tous les appartemens de ce magnifique Palais font remplis d'ameublemens xrès-précieux , S iij 4M Méthode de Géographie. d'une quantité prodigieule de bons tableaux ; on en fait monter le nombre à 1700, tous originaux. De-là on va à la Place Colonne , ainfi appellée de la Colonne Antonine , qui efb au milieu. Cette place , ornée de Palais de tous les côtés , croit autrefois remplie de pluiieurs édifices , confacrés à la mémoire d'Antonin-Pie. Certe Colonne , que Sixte V dédia à, S. Paul, monte en ligne fpirale , depuis la bafe jufqu'au chapiteau , au-deffus duquel étoit autrefois la ftatue d'Autonin - Pie mais en fa place on voit celle de S. Paul en bronze doré. La Colonne eft toute couverte de bas-reliefs , qui repréfenrent les actions mémorables de l'Empereur Anton in -y Ôc dans le milieu, il y a un efcalier , qui a deux cens fix dégrés, par lefquels on monte fur le chapiteau. Le vif de certe colonne porte foixante pieds romains ; cependant elle n'eft compofée que de vingr huit morceaux de marbre. Une mfcriprion qu'on lit fur une des faces de la bafe , apprend qu'elle fut érigée en l'honneur d'Antonin - Pie , par fon fils Marc-Aurele , après la défaite des Parthes Ôc des Arméniens. On compre quatre - vingt, ou quatre-vingr-deux Paroilfes à Rome , dans vingt-quatre desquelles il y a des Fonts Baptif-maux. C'en eft aifcz pour 150000 ames au plus qu'il y a dans cette ville. Les Cu- l'Etat de l'Eglife. 415 rcs Jie font pas riches, ils ne comptent prefque que fur leur caiuel, qui n'eft pas fort ample. L'honoraire pour les enter-femens fe paye en cire blanche ; il eft taxé pour Rome à deux livres p Jant : le refte eft à proportion. La Police de Rome eft vigilante fur les bleds \ mais elle néglige l'enrretien 5c la propreté des rues, donc les plus belles , Se même il Corfo , le Cours, fonr pleines de boue en hiver , ou dès qu'il a un peu plu. La pouftiere n'eft pas moins incommode en été. On remédie à ce dernier inconvénient en faifanr arrofer les rues le foir , par le moyen de quelques charettes chargées d'un gros tonneau plein d'eau. On n'a pas les mêmes attentions pour né-tOyer les rues. Excepté dans quelques oc-cafions conhdérables, 5c en cerrains endroits diftingués , on ne fait ce que c'eft que de balayer \ les grandes pluies font ^es balais de Rome. Les rues fonr nettes quand il a beaucoup plu j Se fort fales quand il ne pleut point, ou qu'il pleut médiocrement. Les Romains ne font pas d'une gravité «uiftere ; ils en ont pourtant une , qui leur hed bien. Us font fages , réfervés , cir-confpects > Se ne donnent pas dans le plai-hr avec excès, comme bien d'autres nations. Tout eil mefuré chez eux > Se chaque chofe y a fon temps. Il n'y a que le S îv 41 é Méthode de Géographie. temps du Carnaval qui les faffe fortir des bornes qui leur font ordinaires : alors le jour eft emplové en mafcarades , la nuit en bais ôc en feftins. Rien n'eft plus magnifique , mieux entendu , ni plus diver-tiffant que les différentes fcènes qui fe fuo cedent les unes aux autres. Le Public, y prend part, fans qu'il lui en coûte rien. Le Cours eft le rendez-vous ordinaire des mafqùes ; mais il n'eft pas permis à roue le monde de s'y trouver. Cela eft expref-fément défendu par édit, aux femmes de peu de vertu , aux moitiés, ôc à la canaille. 11. Le Patrimoine de S. Pierre. On affure que c'eft le plus ancien domaine que le Saint Siège ait eu en Italie : il eft à foueft du Tibre 6c de la ville de Rome. Le pays eft fertile en bled , en huile , en vin , ôc a beaucoup d'alun. Sa capitale eft Viterhe j Evêché, médiocrement grande , mais belle par tes Palais ôc fes fontaines : elle eft détendue par une affez bonne citadelle, Porto > ville épifcopale à l'embouchure du Tibre , ôc Città-Cajîel' lana 3 Evêché , auiîi-bien que Ncpi j qui n'en eft pas loin. Orra eft fur le Tibre. Civita-Vechia 3 ville , avec un affez bon port. Bracciano ôc Pagliano j Duchés. Montcfiafcone s ville épifcopale , ôc Bol-féna} près d'un lac , toutes deux renom- L'Etat de l'Eglife. 417 triées pour leurs excellens vins. Ronciglio-n* j capitale d'un petit Etat enclavé dans le Patrimoine de S. Pierre : il étoit autrefois aux Ducs de Parme , mais la pcffef-fion en a été confirmée au Saint Siège j par le Traité de Vienne conclu le 18 Novembre 1738. Cûfnuo j dont l'Evcché a été transféré à Monceriafcone , & Santa-Scvera fur la mer. III. Le Duché de Cajlro. • Ce Duché , borné au fud par la mer , appartenoit autrefois aux Ducs de Parme : CaOro efl fa capirale. La poffefïion de ce Duché a fait beaucoup de bruit dans le XVIIe fiécle. C'étoit lin bien de l'Eglife de Rome , donné en fief aux Ducs de Patme. En 1640 , il revint au Saint Siège Par engagement, & d^niis ce temps-là il fut le fujer tje beaucoup de conteftations , dans lefquelles s'intérefta Louis XIV. Mais enfin il a été cédé entièrement au Saint Siège, & la poffefïion en a été confirmée au domaine de la Chambre apofto-Rlue , par le Traité conclu à Vienne le ■"^Novembre 173S. Cafel Earnlfe > d où les Princes de la Maifon Farnèfe tirent leur nom & leur origine. Marta & Borghitto. On trouve dans ce Duché le {acde Bvlfcna . oui renferme deux petites Ifles. . 4i& Mkfiodk de Géographie, IV. UOrviétano* C'eft un pays agréable & fertile , qu'on regarde quelquefois comme faifant partie du Patrimoine de S. Pierre. Sa capitale eft Orvieto j ville épifcopale , de mémo qu'' Aquapendente. Bagnaréa eft le lieu de, la naiffance de S. Bonaventure , furnom-mé le Docfeuf Sérapliiquc. V. Le Péroujîn ou Pérugîn. Ce pays , au nord de l'Orviérano , eft aftez fertile en bled, en exceilens vins Se en poiffons , qu'on trouve en abondance dans fon lac. Il tire fon nom de Péroufe j ville épifcopale , avec une affez bonne Univerfïté & une citadelle. Cette ville qui eft bien peuplé^, a donné la naiffance au célèbre Jurifconfulte Balde. CajligUo-ne di Laco 3 fur le lac de Péroufe , autrefois lac Trafimène , où l'on trouve rrois-petites Ifles. Ce fur près de ce lac qu'An-nibal défit entièrement les Romains, 117 ans avant J. C. Campignano j Fratta $C Città-di-Cafiello, font les autres endroirs remarquables de cette petite Province. VI. VOmhrie ou Duché de Spolete. Ce pays , qui eft à l'orient de l'Orvié-tano, &c au nord du Patrimoine de Saint Pierre, eft fertile.. Charîemagne en fic VEtat de fEglijs. 419 ptéfent au Saint Siège. Il a pour capitale Spoltte j ville épifcopale affez grande , tk dont l'Eglife cathédrale eft belle. Narni 3 Todi 3 Terni, Rieti j Nercia tk Nocera s Evêchés. C'eft à Nocera que naquit S. Benoît , le Patriarche des Moines d'occident. Foligno3 aufïi Evêché , eft une allez bonne cV agréable ville. Affifi* viHe épifcopale fur le penchant d'une montagne , eft le heu de la naiffance de S. François, l'un des plus illuftres Saints de l'Eglife latine , & le fondateur de l'ordre qui porte fon nom. Son corps qui.y eft enterré dans une très-belle Chapelle du Couvent de fon ordre , y attire un grand concours de peuple, tk un revenu confidérable à fes Religieux, On peur encore remarquer -d/ne/iaj petite ville épifcopale, voifme de Todi, & Monte-Ealco > au nord-oueft de Spolete. VII. Ta Sabine. Cette Province , qui eft au nord de la Campagne de Rome , tk à l'orient de * Abruzze 3 Province du Royaume de Naples , eft petite , mais fertile en huiles, en vins. Elle a pour capitale Ma-ghano j ville épifcopale , Forano j petite Principauté , tk Ficovaro. VIII. La Marche d'Ancone. Ce pays 3 qui eft au nord-eft , le long S vj 420 Méthode de Géographie. du Golfe de Venife } eft borné des autres côtés par le Duché d'Urbin , l'Ombrie tk l'Abruzze ultérieure. Il eft très-fertile , & l'on y recueille quantité de lin , de chanvre tk de cire très-blanche. Sa capitale eft Ancone , ville alfez marchande , à caufe de fon port fur le Golfe de Venife : il eft franc depuis 1732 , ce qui en augmente le commerce. Cette ancienne ville eft le fiége d'un Evêque , tk elle a une très-bonne citadelle. Fermo j Archevêché. Yejij liecanati tk Afcoli j Evêchés. Ma-ecrata , ville épifcopale , paftablement grande , alfez agréable , &z lé* fiége d'une Univerfité. Tolentino ville épifcopale , renommée pour la dévotion qu'on * y a pour S. Nicolas de Tolentin , dont elle conïerve le corps. Loretta j ou Santa Maria Loretana > petite ville près de la mer , bien fortifiée , & le fiége d'un Evêque y eft fameufe par la grande dévotion qu'on y a pour la Sainte Vierge. On croit que la maifon a été miraculeufement tranfportée à Lorette. II n'y a rien de pins riche que l'Eglife de ce lieu , tk fon tréfor eft rempli d'une infinité de marques précieufes de la piété des fidèles, 8c même des plus grands Princes. Louis XïII tk la Reine Anne d'Autriche, firent prêtent à la Sainte Viet-ge de deux Couronnes d'or enrichies de diamans, avec un Ange d'argent mafîîf > qui tient dans fes bras la repréfentation VEtat de l'Eglife. 41 ï en or mafllf du Dauphin de France , qui fut depuis Louis XIV , avec cette infcrip-tion : Acceptum d Virgine Delphlnum Gallla Virglnl reddlt. Chriftine , Reine de Suéde , lui fit préfent d'une Couronne d'or , que l'on eitime cent mille ducats. Les habitans n'ont point de meilleur revenu que celui de leurs médailles , de leurs chapelets , tk autres pieufes marchandifes. Camerlno tk Monte-Alto j Evêchés. Certe dernière ville a vu naîrre Sixte V, l'un des plus grands Papes de ces derniers fiécles. Sajjofcrrato y lieu de la naiffance du fameux Barthole , l'uu des plus favans Jurifconfultes qui aient jamais été. Eabriano j Polverigo , Oflmo j petite ville , mais affez bon Evêché. San-Severlno j Dlgnano Vu (fa Monte - Monuo 3 Ar-ouata j Ojjlda tk Ripa font encore des lieux remarquables. IX. Le Duché d'Urbin. Le Duché d'Urbin , aujourd'hui fous la fouveraineté du Saint Siège , a été pof-fedé par les Ubaldini , Seigneurs d'Ur-bi'i 6c de Gubio. Il paffa dans le XVe fiécle dans la Maifon de.Monte Ftltro. frédéric fut créé premier Duc d'Urbin , par le Pape Sixte ÏV , ' tk il mourut l'an M^i , laiifant pour héritier Gui Ubalde fils y mais ce dernier fe voyant fans c»fans 3 adopta François-Marie de la Ro- 4&f Méthode de Géographie. vexe , neveu du Pape Juie IL Les Médias s'empare rem du Duché d'Urbin ; mais-ils n'y réitèrent pas long-temps. François-Marie de la Rovere le recouvra „ & le lai lia même à fes defcendans , jufqu'en 162.6, que cette Principauté fut réunie au Saint Siège. Il contient le Duché d'Urbin propre , les Comtés de Monté Fel-tro , de Gtrà di Caftello 8c de Gubio ,. avec le Vicariat de Sinigaglia 5 8c la Seigneurie de Pefaro. Ce Pays qui eft mal fain 8c peu fertile , eft borné au nord-eft par le golfe de Venife , au nord par la Romagne , à l'oueft par la Tofcane , 8c à l'eft par la Marche d'Ancone. Ce qu'il produit de bon, font des ligues excellentes. 11 a pour capitale Urhin 3 ville & Archevêché , la patrie de Raphaël, l'un des plus grands P-dntres de l'Italie : elle a produit aulli Clément XI , l'un des meilleurs Papes de ces derniers temps , qui fut élu en 1700 , 8c qui mourut en 1711, Pefaro* ville affez grande , belle , palfablement forte , 8c dans un terroire très-fertile en Bonnes huiles 8c en excellentes figues. Citta di Cajlello 3 capitale d'un ancien Comté. Fo\fomhrone eft la patrie du fça-vant Cardinal Paftionéi, qui a été de nos fours l'une des lumières du facré collège. Sinigaglia 3 ouvrage des Gaulois Senonois, près de laquelle fut défait Af- VEtat de l'Eglife. 41 -f drubal , frère d'Annibal. San-Lco j Ea* no ôc Macerata y toutes avec des Evêchés. Cotogna * Novilara y Gradara 3 Vrbanea , Amola j Carda, Cagii, &: Crôfâ) ou 0a-gublo. Saint-Marin 3 feule ville d'une petite-République qui porte fon nom , ôc qui n'a que douze villages : elle ne laine pas néanmoins de fe comparer à la République de Venife. X. La Légation de la Romagne. Cette Province eft fituée au nord du ï)uché d'Urbin , entre la Mer Adriatique ôc le grand Duché de Tofcane. Elle eft très fertile en bled ôc en fel. Sa capitale eft Ravenne , ville archicpifco-pale j très-ancienne , Ôc autrefois le meilleur port que les Romains euftent fur la Mer Adriarique. C'étoit fous les Empereurs Grecs . la capitale de l'Exarcat, où Jls envoyoient des Gouverneurs ou Exarques , pour gouverner ce qui leur apparte-noit en Italie. Mais au milieu du VIII" fiécle, les Rois Lombards s'emparèrent **e la ville, ôc détruifirent l'Exarcat. Pe-Pln j Roi de France ; fut obligé d'y venir» *I reprit Ravenne , ôc la donna au Saint Siège , avec tout l'Exarcat. Didier, dernier Roi des Lombards, l'ayant enlevée au, ^aPe 3 il fallût que Charîemagne fe rendit eu Italie, Il reprit donc Ravenne s ôc 42.4 Méthode de Géographie. la rendit au Saint Siège avec tout l'Exar-cat : c'eft ainii que depuis l'an 774, cette Province a toujours été poftedée par le Pape. Aujourd'hui cet endroit a changé de face , Se la mer s'eft retirée à une grande lieue de-là. liimini 3 pauvre ville épifcopale, à l'embouchure de la Mareo chia , où les Ariens tinrent un Concile , qui penfa faire beaucoup de mal à la Religion chrétienne. Cervia 3 Cefena 3 For-li j Imola j Evêché. Faen^a eft renommée pour fes vafes de terre Se pour fon fil extrêmement blanc. Sarfina 3 ville épifcopale, eft le lieu de la naiffance du Poète Plaute. On y trouve aufti le bourg de Meldola j qui a éré érigé en Principauté. [XI. Le Ferra rois ou la Légation de Ferrare. Cartes. Le Sieur Nolin a donné une bonne Carte du Ferrarois. Ce pays qui eft entre la Romagne Se PEtat de Venife , a été plus étendu qu'il n'eft aujourd'hui. Il eft fertile en bled , en lin , en chanvre , Se l'en y fait beaucoup de fel ; mais il eft fort fujec aux inondations du Pô 3 qui s'y perd dans le golfe de Venife. Il a eu depuis 1 ; \6 * des Ducs particuliers de la maifon d'Efte, VEtat de VEglife-, 42.5 qui font allez connus dans l'Hiftoire. La branche aînée de cette maifon étant finie, le Pape Clément VIII fe rendit maître du Ferrarois en 1597 , le réunilïanc à la Chambre Apoftolique. Il en refufa l'invefiiture à Céfar d'Efte, fils d'Alphon-fe d'Elte , Marquis de Montecchio , ne croyant pas que ce Prince dût fuccéder à ce Duché ; ainfi Céfar fut borné aux Duchés de Modéne Se de Reggio, pof-fédés encore par fes defeendans. La capitale du Ferrarois eft Eerrare , gtande 6e aftez belle ville } mais fi dé-ferte , qu'on dit d'ordinaire , qu'elle a plus de maifons que d'habitans. 11 y avoit un Evêché fuirragant de Ravenne \ mais le Pape Clément XII en fit un Archevêché en 1735. Il y a une forte citadelle, Se une Univerlîté , qui eft réduite préfen-tement à un ColL'-ze de jéfuites. Le Pa-pe envoie à Ferrare un Légat , pour y faire les fondions de Gouverneur Se d'Intendant ; c'eft lui qui adminiftre la juftice & qui règle la police de cer Erat. Cette ville a vu naître en 1579, le célèbre Gui Bentivoglio , Cardinal Se célèbre négociateur du XVIIe fiécle , dont nous avons les ouvrages , eftimés pour leur grand fens Se leur pureté. Comachio , ville Se Evêché , dans des marais fur la mer. Elle eJf la capitale des vallées de Comachio \ *reu ainfi que l'on nomme les marais 4i £ Méthode de Géographie. que forment les branches du Pô, avant* que de fe décharger dans la mer. L'Empereur Jofeph I , qui prétendoit avoir quelques droits fur cette place 3 s'en étoit faifi en 1708 : ce qui a produit beaucoup d'écrits de part Se d'autre r mais elle a enfin été rendue en 1715 , au Pape Benoît XIII, par l'Empereur Charle VI, qui (cntit bien que cette ville Se fon territoire n'appartenoient pas moins au Saine Siège , que tout le Duché de Fcrrare. Ariano 3 Meypço-Goro 3 Mcfola 3 Pompo-fa j Valana 3 font vers les embouchures du Pô, ou n'en font pas éloignées. Buon-de/10 eit a l'oueft de Ferrare , Se Franco-lino eft au nord > Beiriguardo 3 Argc-> nia > OJîellato Se Migliarmo , font au-deftous. Sento, Evêché. XII. Le Bolonois ou ta Légation de Bologne. Cartes. Le Sieur Nolin a donné une Carte exacte du Bolonois y ou Bolonèfe. Cette Province qui eft entre la Romagne , le Ferrarois , le Modénois Se la Tofcane , eft fi fertile en bled, en vin Se en lin , qu'on appelle ordinairement fa capitale Bologne la GraJJe _> que l'on prononce quelquefois Boulogne. Cette vil" VEtat de l'Eglife. 4Ï7 le qui eft à 44 dégrés 17 minutes de latitude feptentrionale , eft le fiége d'un Archevêque , la féconde de l'Etat Ecclé-iîafcique, & l'une des plus grandes , des mieux peuplées , des plus belles Se même des plus riches de route l'Italie. Elle eft «tuée fur la perire rivière de Reno , qui ne lui feroit pas fort utile pour fon rrafic > fans un canal qui joint certe rivière au Pô- Cette ville a 400 moulins à foye y dont elle fabrique quantité d'étoffes. On y fait aufti beaucoup de crefpe, de fait-cillons , de favonetes , de palîemens , Se l'on y blanchit très-bien la cire. Nous, en donnerons une defcription particulière après avoir parlé des autres lieux principaux de ce pays. Le Fort Urbano eft près du Panaro , au voifinage du Mode-n°is j comme Cajlel-Franco. Budrlo eft renommé pour fes chanvres. Bentivoglio a donné ion nom à une illnftre Mai fonr ^d produit fouvent de grands hommes., ^n peut encore remarquer Crefpellano # ^ergato j Pianora j Âlon^oné Se CaJU-êtione délié Gatti. Defcription de Bologne. Charîemagne ayant dérruir le Royaume des Lombards, délivra Bologne de fetir domination. Othon le grand en fit Une ville libre, Se elle fe gouverna par des Confuls particuliers, comme plufiems 4î-S Méthode de Géographie. autres villes d'Italie. Elle fut fi jaloufe êle cette liberté , qu'elle jetta par les fenêrres dans la place , Bozzon , Gouverneur impérial , qiai voulait y dominer trop abfolument. Les habitans de Bologne fe diftingue-renr dans les Croifades j ôc Ton conferve encore dans les Archives , des Actes qui font foi de la part qu'elle eut a la prile de Damiete en Egypte. L'état d'indépendance qui lui étoit commun avec d'autres villes d'Italie , fut caufe qu'elle eut fouvent des démêlés pour le règlement de fes frontières. Ce fut dans ces temps de liberté qu'elle forma fon Gouvernement , ôc cette forme de Magiftra-ture , qui en fit une efpece de République. Quelques victoires lui aflujétirent même la Romagne. Enfin Bologne fe donna au Pape dans ie XVIe fiécle , à certaines conditions qui lui donnent un air de liberté. Ses Eglifes font magnifiques , ôc ont prefque toutes quelque beauté parriculie-re qui les diftingue. Celle de S. Sauveur eft grande Ôc belle , non-feulement à caufe qu'elle eft appuyée fur des colonnes canelées ; mais parce qu'elle eft enrichie d'excellentes peintures. A main gauche , dans une chapelle, il y a lia tableau de l'Afcenfion très-eftimé , mais cependant de beaucoup inférieur à un tableau du VEtat de l'Eglife. 41 j Sauvent' , repréfenré dans la tribune , qui eft l'ouvrage du Guide, fameux peintre Bolonnois. L'Eglife de S, François, pofledéepar des Cordeliers , eft grande. Le Tabernacle de marbre , qui eft fur le maître-autel , eft une chofe à voir j il eft à trois étages , enrichi de bas-reliefs. Au premier , les miracles de S. François y font représentés ; au fécond, les Apôtres, & au troifiéme les Saints de l'Ordre. Ce chef-d'œuvre eft de Lazare Cefario , Bolonnois , comme il eft marqué dans fon, épitaphe qui eft à un pilier de l'Eglife. A côté il y a une ftatue de marbre de S. François , 8c une autre de S. Antoine de Padoue. Dans une autre place qui eft a côté de l'Eglife , il y a une ftatue de S. François , élevée fur une haute colonne. L'Eglife de S. Paul j une des plus belles de la ville , eft delfervie par les Pères Théatins. La ftruclure en eft délicate 8c ingcnieufe j les peintures en font ex-quifes 8c les dorures magnifiques : comme elles ne font point épargnées dans les Chapelles i elles leur donne un grand celât. Au-de(fus du maître-autel, il y a un tabernacle de marbre des plus beaux qui fe puilfent voir, 8c dont l'invention eft merveilleufe. L'Eglife de S. Dominique , qui appar- 4?o Méthode de Géographie. tient aux Pères Dominicains , furpafTe cle beaucoup la précédente. Entre pluiieurs belles Chapelles , celles du Rofaire Se de S. Dominique font conlidérables par leur grandeur , Se riches par leurs peintures. Derrière l'autel eft le corps de ce Saint dans un tombeau de marbre , enrichi de bas-reliefs , Se l'on conferve fon Chef, dans une chàfte ornée de pluiieurs ligures d'or tk d'argent : on ne peut rien voir de plus riche. Le chœur de cette Eglife eft travaillé avec un art merveilleux. Là eft repréfenré l'hi-ftoire de l'ancien tk du nouveau Tefta-ment fur du bois de pièces rapportées , mais jointes fi adroitement, qu'il ne fe peut rien de mieux. Le Couvent n'eft pas moins magnifique } les cloîtres en font beaux les chambres des Religieux commodes , les dortoirs font autant de belles galeries j la Bibliothèque eft vafte Se remplie d'excellens livres. Dans le lieu où étoit la cellule de S. Dominique, on a pratiqué une belle Chapelle , Se ce Saint y eft repréfenté dans un cadre, comme prenanr fon repos. Dans l'Egliftj de S. Procule, Abbaye de l'ordre de S. Benoîr, Ton honore les corps des Saints Procules , donr l'un fut Archevêque de Bologne, Se l'autre fut martyr! fé. La Place qui eft devant l'églife de S. Pétrone, ne reçoit pas un petit éclat des VEtat de VEglife. 431 Palais dont elle eft environée. Dans celle qui en eft proche , on admire une fontaine j au haut de laquelle eft une grande ftatue de bronze, qui repréfenré Neptune avec fon trident. Aux quatre coins , à fes pieds, font quatre Tritons qui tiennent chacun un Dauphin , qui jettent de l'eau. Entre ces Tritons , il y a quatre têtes de lions , qui donnent l'eau par les îeux , par la gueule &c par les oreilles. Un peu plus bas il y a quatre coquilles bien travaillées, qui reçoivent les eaux de ces Tritons, tk qui les rendent par pluiieurs jets-d'eau ; tk dans le bas aux quatre coins de la fontaine j il y a quatte femmes qui repréfentent quatre charités , qui de chaque mamelle forment des filets d'eaux. 11 n'y a peut-être point de ville en Italie , ou la Noblefle imite davantage les modes , les coutumes tk les mœurs des François. Les hommes &c les femmes font babilles à la Françoife. Les habitans de Bologne font ingénieux , civils , fur-tout à l'égard des François. Les rues font droires & larges. Enrre plufieurs beaux Palais j il y a celui des Campeggi , où l'on tint un Concile au temps de Jules III, aufti-bien que ceux des Pepoli, des Malvezzi, de Rovina , ^es Fachinetti, appartenant autrefois au ^ape Innocent IX , Çc l'on montre la pla- 43 £ Méthode de Géographie. ce du Palais des Bentivoglio , qui a été ruine, 5c dont la place à préfent s'appelle il Guajlo. Les maifons de Bologne font "proprement meublées \ mais ce qu'elle a par-delTus les autres villes d'Italie , eft qu'elle eft ornée de Portiques des deux côtés des rues , où l'on marche à couvert de l'ardeur du foleil, 5c de l'incommodité de la pluie , 5c où , en fe promenant l'on découvre à droite 5c à gauche des perfpecrives dans les cours , qui arrêtent agréablement les paftans. Le Jardin des fimples eft grand 5c régulier , 5c enfermé d'une grille de fer, qu'il faut faire ouvrir pour reconnoître la grande diverfité des plantes qui s'y rencontrent. Le Palais public eft beau. Au-deflTus du portail on voit la ftatue en bronze de Grégoire XIII, 5c à côté celle de Boniface VIII. La première pefe onze milliers, 5c patte pour être très-belle. Elle eft d'Alexandre Mingenten , qu'Auguftin Carache appelloit le Michel Ange inconnu. La Chapelle en eft remarquable par fa grandeur 5c par fes peintures exquifes. Le Légat 5c le Gonfalonier, avec fes Confeil" lers, font magnifiquement logés dans ce Palais. Le Monaftere de S. Michel-aux-Bois, eft aux Pères Olivétans. Ils font vêtus de blanc, 5c fuivent la règle de S. Benoît' Leur fondateur eft Bernard Ptolémée, de la L'Etat de VEglife. 435 la ville de Sienne , à quinze milles de laquelle , fur le mont Oliver, il jetta, il y a environ trois cens ans , les fondemens de cet Ordre , célèbre par route l'Italie. L'on ne fait où eft fon corps. On a de 'a peine pour arriver en ce lieu ; mais l'on eft j^ien récompenfé de fes fatigues par la quantité de belles chofes que l'on y voit. La fituation en eft d'autant plus agréable , qu'elle fait découvrir la ville dans toute fon étendue , repréfentant la figure d'un navire. Elle eft confidérable auffi par l'air doux que l'on y refpire. Ses Cloîtres foutiennent fur des piliers , des Dorroirs d'une largeur & d'une Ion-gueur confidérable. La Bibliothèque eft remplie de livres exquis. Tous ces objets font une partie de la beauté de ce Couvent. Dans un Dortoir fait en ovale j & foutenu de pilliers, font repréfe-ntés la naifTance , la vie & les miracles de S. ^-niard, par d'habiles Peintres. On y admire fur-tout l'ouvrage du Guide, qui a peint plufieurs perfonnages qui faifoient des préfens à S. Benoît : cette pièce eft un chef-d'œuvre. Là eft aufti repréfenté la manière dont fe fervit ce Saint pour oter par le ligne de la Croix, les obfta-cles que le Démon avoit mis pour empêcher la conftruction d'un Monaftere; * l'on y voit des perfonnes qui veulent Tome VL T 434 Méthode de Géographie. remuer des pierres, & qui n'en peuvent venir à bour. L'Eglife de l'Annonciade efl delfervie par des Religieux de S. François. Us ont trois cloîtres 5c trois jardins \ leur Eglife eft enrichie de peintures. Les Eglifes des Religieux Camaldules 8c de y.al-Onv breufe font belles 8c ornées de peintures êc de ftatues. L'Eglife de S. Pierre , qui. eft la cathédrale , mérite aufti d'être conïîdérée ; elle eft plus large que longue, n'étant pas achevée. C*eft un grand vaiffeau ; l'on admire fa voûte pour fa largeur 8c fon élévation. Dans le choeur de chaque côté , il y a fîx colonnes canelées , dont la hauteur 8c la grofteur font prodigieufes. L'Eglife de S. Jacques eft occupée par des Auguftirïs : on y conferve du bois de la vraje Croix 5c le corps de la bienheu-reufe Flélene èéAWOgiio. On y voit le tableau de Sainte Cécile , chef- d'oeuvre de Raphaël d'Urbin. L'Eglife des Servîtes eft belle \ mais es qui furprend davantage , eft le Couvent où toutes chofes font grandes 5c magnifiques. Il y a de beaux dortoirs les uns fur les autres , où Ton voit les buftes qui repréientent les Religieux de l'ordre j qul fe font fîgnalés en fainteté , ou en feien*-ce. La Bibliothèque eft embellie de peû> VEtat de l'Eglife. 455 turcs, remplie de rrès-bons livres ; le vaiffeau en eft; grand , & les efcalicrs pou-toient fervir d'ornement dans les plus beaux Palais. Les trois plus belles rues de la ville font celle de S. Donat, la grande rue , & celle de S. Etienne \ leurs portiques, qui font autant de galeries , font fort beaux -y la largeur & la longueur en eft confidérable. Elles font ornées de tous côtés de beaux Palais , où l'on découvre de belles perfpectives. Hors de la ville l'on honore une image de la Sainte Vierge , que l'on prétend avoir été faite par S. Luc : on la voit dans la Chapelle de Montegardia. Elle fut apportée par un Catholique de la ville de Conftantinople , où elle étoit auparavant. Les Chartreux font à un mille de la ville. Leur cloître , leurs appartemens , & leurs jardins font fpacieux. Ils ont un caual de la rivière du Reno , lequel fait quantité de petits ruilfeaux dans le jardin, L'Eglife eft belle j en entrant elle fe forme en croix ; aux deux côtés de laqueL Ie font deux Chapelles ornées de beaux cadres de peintures. L'un repréfente la Communion de S. Jérôme faite par un Ca^gpKe j & l'autre une Affomption. Autour font cinq grands cadres de peintures plus exquifes, & des Peintres les plus T ij 4 3 £ Méthole de Géographie. fameux. Il y a de beaux tableaux autour de la nef j & du chœur ; mais on admire fur-tout le couronnement d'épines de Notre-Seigneur , ÔC la Flagellation , ouvrages des Caraches. L'Eglife des Mendians 3 pour fes excellentes peintures , furpaffe fans comparai-fon toutes les autres. Ce font tous chefs-d'oeuvres des Peintres les plus fameux de l'Italie. Il y a entr'autres 3 deux tableaux, dont l'un repréfenré Notre-Seigneur mort, ôc l'autre Job rétabli dans fes richeffes, Ôc plufieurs perfonnes qui lui viennent apporter des préfens ; ils font du Guide. Celui qui repréfenré Notre-Seigneur appelant Si Matthieu à I'apoffolat , eft de Ca tache. L'Eglife de S. Pétrone , la plus grande Eglife de Bologne 3 eft remarquable par la Méridienne que le célèbre M. Caffini y a tirée. C'eft une ligne marquée fur une lame de cuivre enchâifée dans le pavé , ôc longue de deux cens vingt-deux pieds. L'Eglife étant à peu près fituée à l'eft ÔC l'oueft, il fe trouve que cette ligne commençant à l'entrée de la grande nef a main gauche , rencontre un jufte paftage entre les piliers , ôc traverfe fans obftacle prefque jufqu'à l'exrrémité de la petitgpef' Jufte ment au midi de la ligne , la voûte de cette dernière nef a une petite ouvef* VEtat de l'Eglife. 437 ture où palfe un rayon de foleil ; Se il arrive que ce rayon marque fur la ligne le folftice Se les équinoxes. Entre les tours remarquables de la ville de Bologne , celle qu'on appelle oXAfi-nelli j l'emporté par fa hauteur , qui eft de 376 pieds. Elle fut fute l'an 1109, par Gérard Afinelli. Mais la tour de G.-* rifencle eft la plus eftimée , quoiqu'elle n'ait que 15g pieds d'élévation , parce qu'elle n'eft pas achevée. Elle fut bâtie par Othon Se par Philippe Garifende l'an 1110. Elle panche de neuf pieds hors de fes f ondemens. Les avis font partagés fur ce fait, Se l'on doute fi elle a été ainfi bâtie exprès par l'Architeéle, ou li elle eft devenue penchante avec le temps. On a dit que la ville de Bologne avoit efe anciennement fameufe par ie furnom de Mere des Etudes, qu'elle confervoit depuis plufieurs fiécles. Après le rétablif-fement des Lettres en Italie, les principales villes formèrent des Sociétés littéraires. Bologne eut la fienne , qui prit le n°_rn de Gli-Inquitti, Elle avoit été enrichie des ouvrages des plus exceliens Pein-tres, Se étoit devenue «ne Ecole fameufe Pour les beaux Arts , aufti bien que pour *es Sciences. Il s'y étoit formé une Académie de Peinture , de Sculpture Se d'Architecture. On y a ajouté dans ces dei-Klers temps une nouvelle Société , qui eft T iij 433 Méthode de Géographie. due aux foins ôc à l'amour des Lettres du Comte Louis - Ferdinand Marfigli , qui l'établit en 1712. Son principal foin eft de ràflembler les Sciences les plus utiles par leur rapport mutuel. L'Académie de Gll-Inquletl a été unie à cette nouvelle fociété , Ôc n'en fait plus qu'une feule , fous le nom de l'Académie du nouvel Inftitut des Sciences, ou fimplement PInftitut de Bologne. On a joint aufti à ce corps, l'Académie Clémentine des Beaux Arts 5 de forte que l'Infti-tut comprend maintenant les Sciences ÔC les Arts , Ôc alfure à la ville de Bologne la qualité de Mere des Etudes dans route l'étendue de la lignification. Cette illu-ftre Académie a encore les plus grandes obligations au Pape Benoît XIV , qui l'a augmentée ôc favorifée de toutes manières. Les matières philofophiques qui s'y traitent j font partagées en lix chefs j favoir, la Phyfique , les Mathématiques , la Médecine , l'Anatomie , la Chymie Ôc l'Hi-ftoire Naturelle. Elle a dans fes Profef* feurs des Savans du premier ordre. Ces Académies, quoiqu'unies , fe goU> vernent pourtant chacune par des Régie-mens particuliers , qui leur font propres. Il y en a encore à Bologne une autre qui porte le nom de Gli-Otlojï, par op* pofition à celle des Inquietl. Ces noms > VEtat de tEglife» 45.9 où il paroît tant de contrariété , fîgnifient le même penchant pour les Sciences. Les Oilïfs s'appellent'ainfi, parce qu'ils confa-crent à l'étude le loilir dont ils jouiflent , Se les Inquiets renoncent à loifiveré en faveur des feiences qu'ils cultivent avec un zèle infatigable. On allure que Bologne eft plus grande que Florence , de plus peuplée d'un tiers , Se même plus riche. Après quantité de guerres qu elle a eues avec fes voifins , Se après plufîenrs divi-lions inteftines qui l'avoient cruellement déchirée , elle fe donna au Pape Nicolas l'an 1178 , à condition qu'on ne la met-troit point fous le fléau d'une citadelle ; que les biens de fes citoyens ne feroient points fujets à confifeation , fous quelque prétexte que ce fur, ce qui fait qu'on dit : Eologncfî fen\a Fifo h Cïtàdella j Se qu'elle auroit toujours un Auditeur de Rote Se un Amballadeur à Rome j claufes qui ont été jufqu'ici fidèlement obfervées. Bologne a vu naître le favant Pape Benoît XlV , Profper Lambertini, qui avoit cce auparavant Archevêque de fa patrie. N a occupé le Saint Siège depuis l'année '7 40 jufqu'en 175 8. T iv 44° Méthode de Géographie. ARTICLE II. LE GRAND DUCHÉ • d e TO s cane. Cartes. l-L Sanson & le Sieur No un ont donné chacun une Carte de la Tofcane , qui eft jointe à l'Etat de l'Eglife : nous les avons déjà indiquées. XjA Tofcane eft entre l'Etat Eccléfiafti-que ôc la Mer Méditerranée : elle répond .1 peu près à l'ancienne Etrurie. Comme elle a fuivi le fort ôc (les révolutions de l'Italie ; elle fur foumife aux Romains , aux Gôrhs , ôc autres Barbares; après quoi elle fe gouverna en République fous la protection des Empereurs d'Occident. Les Médicis étant les plus puiffans ôc la plus ancienne famille de la République , ils étoient toujours à la tête du Gouvernement; ôc en 1530 l'Empereur Charle* Quint créa Duc fouverain de cer Erat, Alexandre de Médicis. Jean fon frère h»1 fuccéda en 1 5 37 ; mais Corne , lils de Jean , fut créé Grand Duc de Tofcane pâfl le Pape Pie V, en 1560 , titre qui s'eft Le Grand Duché de Tofcane. 441 perpétué dans cetre illuftre famille , avec *& qualité d'Alteffe royale , jufqu'à ces derniers remps. L'inveftirure éventuelle du Grand Duché de Tofcane , le dernier des Médicis n'ayant point d'enfans,, fut accordée par l'Empereur Charle VI à Don Carlos , premier Infant d'Efpagne j mais ce Duché a paifé enfuite à la Maifon de Lorraine , le Duc François Etienne en ayant pris poifefîion en 1757, après avoir cédé la Lorraine au Roi Staniflas & à la France. Ce nouveau Grand Duc de Toi-cane , par fon mariage avec l'Archidu-cheffe d'Autriche ; fille de Charle VI, a renouvelle cette illuftre Maifon , & a été Empereur depuis 1745 jufqu'en 1765. ^ar fon teftament il a établi fon fécond nls , l'Archiduc Pierre Léopold Jofeph , Grand Duc de Tofcane , après avoir fait couronner fon fils aîné Roi des Romains, qui règne aujourd'hui fous le nom de Jo-%>h IL Le Grand Duché de Tofcane eft un beau pays , affez fertile , quoique fort ^ontueux en plufieurs endroits , où il eft traverfe par l'Apennin. Il fe divife en trois rerritoires, oui fonr le Florentin , le rfan & le Siennois. I. Le Florentin. Sa capitale eft Florence > qui 1 eft aufti de toute la Tofcane, de même que le fé- T v 44£ Méthode de Géographie. jour du Grand Duc cle ce nom. C'étoit autrefois une République célèbre ; mais qui fur foumife en 1550, aux Médicis. Certe ville eft fituée fur l'Arno qui la traverfe, ÔC qui y eft affez large. Elle eft alfez grande, belle j bien bâtie , le fiége d'un Archevêque Ôc d'une Univerfïté. Elle eft aulli affez forte , ôc défendue par une bonne ci-, tadelle. Son Eglife cathédrale eft très-ma-gninque ôc fort grande -.celle de S. Laurent fort riche : le Palais du Grand Duc fort bien bân , magnifiquement meublé , ôc orné d'une des plus belles Bibliothèques de l'Europe. Florence eft ie lieu de la naiffance d'Améric Vefpuce , qui a donné fon nom à l'Amérique ; de Bocace , de Pic de la Mirandole , de Jérôme Sa-vonarole , du Jurifconfulte Accurfe, du politique Machiavel, de Galilée , favanc Aftronome , ôc de plufieurs autres grands perfonnages. On y fait un affez bon commerce de taffetas ôc d'étoffes de foie. Cette ville mérite bien quelque détail. Florence. Florence eft une fameufe Ôc ancienne ville d'Italie dans la Tofcane. Eile eft a 45 dégrés 46 minutes de latitude. On tient qu'elle fut ruinée par Torila , R°' des Goths , ôc qu'elle fut prefque abandonnée jufqu'au temps de Charîemagne» qui repalfant de Rome en France , el1 le Grand Duché de Tofcane. 443 trouva la fituarion fi charmante , qu'il commença à la faire fermer de murailies, & invita les peuples voifins à s'y venir habituer. Depuis ce remps elle a toujours augmenté en richefîes ôc en beauté , ôc le nom de belle eft devenu un furnom que l'on attache prefque toujours au nom de Florence. Le Duc Albert de Saxe en étoit fi charmé, qu'il difoit ordinairement, qu'on ne devroit pas y lailler entrer tous les jours les étrangers, ôc qu'il ne la faudroit laif-îer voir que les Fêtés ôc Dimanches. D'autres cependant attribuenr cette parole a Charle-Quint : mais qu'importe qui l'ait dit ? L'Arno la partage en deux. A l'orient Se au feprentrion, elle eft entourée de coteaux agréables , fertiles ôc couverts de belles maifons , de jardins ôc d'arbres fruitiers. Ces coteaux en amphithéâtres dans l'éTpaçe de quatre ou cinq milles , s élèvent infailliblement ôc fe joignent aux hautes montagnes. A l'occident eft une plaine de grande étendue , bornée , ôc Pour ainfi dire fortifiée par l'Apennin , qui en temps de guerre la met à couvert de l'irruption des ennemis de ce côté-là. Les murailles ont de circuit cinq mille cent vingt-neuf toifes. La ville efl; à peu près ronde. Outre fon enceinte , qui eft bien fortifiée , il y a encore trois citadelles , où le Grand Duc entretient une forte garnifon , comme dans des places 444 Méthode de Géographie. importantes. La première , qui eft la plus confidérable j fut bâtie par Alexandre , premier Duc , avec cinq baftions. Côme de Médicis fit bâtir la féconde , qui commande la ville *, ôc la troifiéme qui eft une étoile à fix pointes , eft un ouvrage du Duc Ferdinand. 11 n'y a cependant que la première qui foir en bon érat : les deux autres font fort négligées. Les rues font larges , droites ôc toutes pavées de grandes pierres grisâtres , qu'ils appellent pie-r.ra forte 3 qui fe tirent des carrières voifines 3 ôc qui conrribucnr beaucoup à la propreté de la ville. La plupart des mai-ions font bâties de femblables pierres ôc font d'une grandeur ôc d'une beauté extraordinaire. Quelques-uns prétendent même que les Palais de Florence 'l'emportent pour la magnificence fur tous les autres d'Italie. On compte dans cette ville cent cinquante deux Eglifes , quatre-vingt-neuf Couvens , vingt - deux Hôpitaux , quatre-vingt-quatre Confrairies,-. dix huit halles ou galeries de Marchands > ioixante-douze Chambres de Juftice, fix colonnes , deux pyramides, quatre ponrs, fept fontaines , dix-fept places, cent foixante ftatues publiques , ôc une grande quantité de Palais,'dont celui que l'on eftime le plus eft le Palais Pltti, où demeure le Gr..lfcd Duc ■ On l'appelle le Palais Pïtti x {force que- 1. e ranci Duché de Tofcane. 445 ce font ceux de cette maifon qui font commencé. Ce bâtiment, fait de groffes pierres de taille , eft dans l'endroit le plus bas de la ville. De trois côtés il eft orné de très-belles colonnes des rrois ordres ,. Dorique , Ionique & Corinthien. Au quatrième eft un très-beau jardin,, où l'on voit des fontaines merveilleufes , tant pour la groffeur Se la grandeur des pierres dont elles font faites , que*pour les belles &c rares ftatues de bronze Se de marbre donr elles fonr embellies. Il n'y a rien de plus agréable que les allées de ce jardin. Les cyprès toujours verds qui bornent ces promenades , joints aux autres arbres , parmi lefquels ils font mêlés , forment une efpece de forêt , qui invite a y venir prendre le frais. L'efcalier qui Conduit jufqu'au haut de la maifon , eft un ouvrage hardi , Se mérire l'admiration qu'il caufe. Il eft de pierres de taille Se fait en limaçon ; mais de telle manière que le bout de chaque marche n'eft appuyé que fur celle de delfous. La cour qui eft à peu près quarrée , n'a que foixante pieds de long , fur cent quarante de large j Se la hauteur du Palais jufqu'à la corniche du troifiéme ordre , eft de cent vingr-deux pieds. La grandeur de la cour paroît a la vérité n'être pas proportionee a la liant:ur du bâtiment ; mais il faui: Ienurquer que Ton affecte quelquefois 44<> Méthode de Géographie. en Italie de faire les cours étroites pour procurer de la fraîcheur aux appartemens. Il y a de l'autre côté de la rivière un ancien Palais que l'on nomme le Palais Ducal. On y va par le Pont de la Trinité, où l'on voit quatre belles ftatues de marbre blanc , qui repréfentent les quatre Saifons. Vis-à-vis de cet ancien Palais Ducal eft une place ornée de diverfes ftatues , entre lefquelles font le David de Michel-Ange , la Judith de Donatelie , la belle Sabine enlevée de Jean de Bologne, le Perfée de bronze du Cellini , l'Hercule Se le Cacus de Bandinclii , Se la ftatue équeftre de Corne 1 , par Jean de Bologne , pofée fur un piédeftal , dont les trois bas-reliefs repréfentent Corne I , à genoux devant le Pape , qui lui donne le titre de Grand Duc : le même Prince faifiint fon entrée à Florence dans une manière de char de triomphe ; enfin la cérémonie dans laquelle le Sénat de Florence lui remit l'autorité fouveraine , eu le révérant de la qualité de Duc. Le veftibule de ce Palais eft entoure de colones d'ordre corinthien. Les falles font fpacieufes Se remplies de rareres. La grande galerie eft longue environ de quatre cens pieds • le plafond en eft peint, Se on fe piomene entre deux rangs de Le Grand Duché de Tofcane. 447 ftatues &c de buftes , qui font prefque tous antiques. Au haut contre la muraille, on a mis d'un côré les Portraits des anciens Philofophes ; tk de l'autre ceux des grands Capitaines. On remarque comme les plus belles ftatues de cette galerie , celle que l'on foupçonne être de Scipion l'Afri-quain , faite d'une pierre noire , fur le bord de la robe de laquelle il y a des caractères que fon croir être de l'ancien Hérrufque ; la Léda qui reçoit avec plaint les caretles de Jupiter , mais non fans pudeur ; le Bacchus antique accompagné d'une copie de Michel-Ange , qui ne cède point a l'original ; la Julie fille d'Au-gufte ; Pomone , Vénus , Diane , Apollon j le fécond Bacchus; le Payfan qui frape un fanglier ; les Buftes des Empereurs jufqu'à Galien , tk fur-tout ceux d'Adrien , de Pertinax tk de Sévère. De cette galerie on palfe en plufieurs chambres toutes remplies de raretés. Dans la première on voit un chandelier à branches , fait de gros morceaux d'ambre; une belle colonne d'albâtre oriental ; une corne de rhinocéros exrraordinaire-rnent grande ; quantité de bas reliefs , &c d'autres fculptures antiques, de médailles , d'idoles , de lampes fépulcrales, de pierres 3 de minéraux Se à laquelle on en donne encore trente-fix ; on y monte par un efcalier de Le Grand Duché de Tofcane. 453 cinq cens vingt dégrés. Chaque côté de cet octogone à foixante*& quinze pieds de large: ôc au-dedans font trois galeries, dont la plus baffe règne autour de l'Eglife en dedans. A la même hauteur il y en a une autre de marbre blanc qui l'envi-rone au dehors ; de forte que tant par dedans que par dehors, on en peut faire aifément le tour , excepté par le devant qui n'eft qu'une muraille de pierres brutes , ôc qui n'eft point revêtue de marbre comme le refte, parce que le deffein a été pris d'y faire une façade digne de la magnificence de cet édifice. Ce dôme eft peint en-dedans de la main de Zuccharo ôc de Vafari, ôc couvre tout le chœur de l'Eglife, où l'on voit entre les colonnes les ftatues des douze Apôtres, entre lefquelles eft le S. Jacques de Sanfovino ; les autres font de la main de difFérens Statuaires. Le clocher que l'on appelle il Campanile * ou bien la Torre délie Cam-pane 3 eft un édifice quarré , embelli de carreaux de marbre rouge, blanc ôc noir, ôc détaché entièrement de l'Eglife : fa hauteur eft de cent quatre vingts pieds, ôc 1 efcalier de quatre cens-iîx dégrés. On a de-là une vue charmante fur route la vdle , ôc fur les coteaux qui l'enviro-nent. Vis-à-vis de la grande porte de l'Eglife eft une chapelle ronde de forme exa- 454 Méthode de Géographie. gone , d'environ quarante pas de diamètre. Elle eft, toutf-bâtie de marbre, ôc dédiée à S. Jean-Baptifte ; on l'appelle il Battijterio. C'étoit autrefois un Temple confacré au Dieu Mars. On y entre par trois portes de bronze fort eftimées dont les bas - reliefs repréfentent des hiftoires facrées. On dit que Michel-Ange ne fe pouvoit lafter de les admirer, ôc qu'il les avoit eftimées dignes d'être les portes du ciel. Au-defius de la plus grande, on voit en marbre blanc, S. Jean qui baptife Notre Seigneur , ôc un Ange à fon côté. Aude/lus de celle qui eft du côté de l'Evangile du grand-autel , le même S. Jean eft entre Hérodias ôc le boureau qui va lui couper la rête. C'eft un ouvrage de fonte, comme celui qui eft au-delfus de la troifiéme , où S. Jean - Baptifte eft au milieu d'un Scribe Ôc d'un Pharifien , qui l'écoutent prêcher dans le défert. Le chœur eft au milieu de l'Eglife , où l'on voit du côté gauche de l'autel, les Fonts-Baprifmaux d'un porphire précieux , avec pluiieurs hautes colonnes de marbre tout à l'entour, ôc des figures entre-deux, qui font celles des quatre Evangéliftes , des quatre Pères de l'Eglife Latine , des fept Vertus; favoir , les trois Théologales ôc les quatre Cardinales au-défions def-quelies on a repréfenté en belles peintures , la vie de Nocre-Seigneur j ôc celle Le Grand Duché de Tofcane. 4$ 5 de S. Jean-Baptifte De l'autre côté eft le tombeau du Pape Jean XXill, avec certe Inicription : Bakha^ans Cojfc j Joannis XXIII j Quonda/n Papa 3 Corpus hoc tumulo condituru eji. U y a encore dans cette Chapelle deux autres figures ; l'une d'une jeune femme toute nue , avec ces mots au-delfeus : /ex nata. Et l'autre d'une vieille femme avec ceux-ci , /ex fcripta. La mofaïque de la voûte eft alfez eftimée. Dans la Place vis-à-vis de la porte du milieu de ce Baptiftere , il y a deux colonnes de porphire liées enfemble, quoiqu'un peu éloignées l'une de l'autre. On dit que les Pifans ayant fait quelques conquêtes dans Lille Maïorque , avec le fe-cours des Florentins, ceux-ci témoignèrent qu'ils defiroienr avoir ces deux colonnes , qu'ils avoienr remarquées entre les dépouilles des ennemis. L'Eglife de S. Laurent eft aufti très -remarquable pour fes mcrveilleufes peintures , &c fur-tout pour celle d'un Jugement univerfel. On y voit repréfentés un nombre infini de corps , tellement entre-laffés les uns dans les autres , & avec de fi étranges poftures , qu'encore que la pièce foit judicieufement conduite , elle eft £n quelque forte monftreufe à voir. La 456 Méthode de Géographie. Irruéture de cette Eglife eft admirable-Ce fut Côme de Médicis qui la fit bâtir. Enfuite divers Princes de cette Maifon l'embellirent de plufieurs merveilles que l'on y remarque. Les principales font le grand-autel , avec des figures de marbre fore eftimées , la plupart faires par Michel-Ange : deux tombeaux de bronze proche des piliers dont la nef eft foure--nue , font élevés fur des colonnes de même matière. Derrière le chœur il y a une chapelle qui devoit être le Maufolée des Ducs de Florence , tk qui eft comme détachée de l'Eglife. On y a travaillé pendant plus de foixante ans fans la finir. Eile eft de figure octogone , de vingt-cii|q ou trente pas de diamètre , couverte d'un grand dôme , tk revêtue au-dehors du marbre le plus fin qu'on puiffe voir. Au-dedans il n'y a pour ornement que le jafpe j le porphire , l'albâtre , le marbre truite fort rare , le lapis , & les autres pierres que les grands Ducs ont fait apporter de toutes les contrées du monde , de France , d'Efpagne, d'Allemagne , de Grèce , de Candie 3 de Cypre , de Syrie, d'Egypte, de Perfe ; fans parler du plus précieux de l'Italie , qu'ils tirent de leur propre fond. On tient qu'il y a de quinze efpeces de jafpe , granatine , te& pentin , agathe , entremêlées de fleurs, compartimens, broderie tk marqueterie ; Le Grand Duché de Tofcane. 4J7 le tout très-proprement poli. Les huit faces de la Chapelle font diverlement ornées. En celle qui eft vis-à-vis de la porte j eft un autel des plus riches. Les cinq autres qui fuivent font remplies de ftatues de bronze Se de marbre tirées fur le naturel, repréfenrant les grands Ducs Ferdinand 1, Côme I, Ferdinand li Se Corne II. Ces figures font des ouvrages admirables pour la beauté Se pour la richef-le , parce qu'elles font prefque toutes bordées de diverfes pierres précieufes. Au-deiïous il y a une cave où font plufieurs tombeaux des Princes Se des Seigneurs de Tofcane. Ceux qui ont leurs ligures dans les niches qui font au-de dus, font entremêlés des armes Se des blafons des plus grandes villes de leur Etat, Se de plufieurs petites ftatues de mabre , qui pa-l'oiffent parmi des cornes d'abondance y Se des vafjs pleins de fleurs repréfmtées par des pierres fines de toutes couleurs , & fî bien difpofees , qu'on ne peut eu voir l'afTemblage fans en admirer le travail. La Bibliothèque de Saint-Laurent euV longue de 150 pieds ou environ , Se large de 3 5 pieds. Elle a été bâtie fur le deftein qu'en avoit donné Michel-Ange. Elle eft pavée d'un fort beau marbre , & remplie de figures , de livres Se de manufcrits très-anciens. On y voit entr'au-Tome Tl. V 4 5 S Méthode de Géographie. très un Virgile manufciit du temps de l'Empereur Théodofe. L'Eglife de S. Marc , delfervie par les Dominicains, eft confidérable par la Chapelle des Salviati, où repofe le corps de S. Antonin , Archevêque ôc Patron de Florence , ôc Religieux de ce Couvent. Elle eft ornée de ftatues de marbre blanc, favoir de S. Dominique , de S. Edouard, de S. Jean-Bapcifte , de S. Thomas d'A-quin ôc de S. Philippe. Il y a au-def-iùs des tableaux de fonte qui repréfentent la vie de S. Antonin. Du côté du feptcntrion on voit le tombeau du fameux Pic de la Mirandole. Politien eft enterré de l'autre côté ; mais fans épi-taphe. L'Eglife de la Trinité n'a rien de particulier y mais tout auprès on voir une colonne de pierre, qui eft d'une très belle hauteur ôc grotfetir , fur laquelle eft une ftatue de porphire toute d'une pièce , qui repréfente la Juftice , ayant les balances entre les mains. On dit que cette colonne étoit autrefois à Rome au Panthéon , Ôc qu'elle fut donnée par le Pape à CômC de Médicis , qui la fit drelîèr. De là eft venu le proverbe à Florence , que la Juftice y eft fi huit montée, que perfonne n'y peut atteindre. L'Eglife di Santa Maria Novella 3 delfervie par les Dominicains , eft belle j Le Grand Duché de Tofcane. 4 5 9 grande, & d'une ftruchire fi eftimée par Michel-Ange , qu'il l'appelloit fes délices. On y remarque le rombeau du Patriarche de Conifantinbple, qui foufcrivit au Concile de Florence , célébré fous Eugène IV. Il y eft repréfenté avec quelques infcriptions grecques, & au - def-fpus eft écrie. Hic Jacst Jofeph Patriarcha Conflan-Tmopolicanus. Obiit anno filutis millefimo quadringcncejùno vigefimo fecundo. Cette Eglife, quoique très-grande , eft remplie de tombeaux de marbre blanc , très-fin. Il y a une belle Bibliothèque remplie de bons livres , 6z tout , dans ce Monaftere , eft grand & magnifique. Les jardins font fpacieux tk réguliers , les dortoirs font doubles : ceux du bas font habités l'été, tk ceux du haut l'hiver. L'Eglife de Siinte Croix eft d'une ftruélure merveilleufe. C'eft une des plus larges que l'on puifle voir ; & l'on peut dire que c'eft le digne ouvrage de Michel-Ange. On remarque fon tonbeau en entrant , fur un grand piédeftal, où font trois belles ftatues de marbre blanc , qui repréfentent l'Architecture , la Peinture & la Sculprure ; c'éroient les trois Arts d ans lefquels il excelloir. Il en avoit lailfé le deffein à fon neveu , qu'il avoit fon héritier , à condition qu'il l'exé- V ij 460 Méthode de Géographie. cuteroit. Au-defius de ion tombeau eft Ion effigie en bufte, encore plus élevée. C'eft un ouvrage des plus admirables de l'Europe. La Chaire du Prédicateur eft un chef-d'œuvre \ elle eft d'un marbre blanc d'un travail fort étudié. Plufieurs figures très-bien travaillées, y fonr repréfentées. C'eft aulli un de (Foin de Michel-Ange. Les Orgues font regardées comme un ouvrage admirable pour les peinrures ; elles ont été faites par l'ordre du grand Duc Corne. Au haur de la nef font les tombeaux de Léonad Aretin ôc de Charle Marufpini , deux hommes célèbres dans la République des Lettres , Ôc qui ont été tous deux Chanceliers de Flor rence. Ce ne font point là les feuis ouvrages de fcuîpturc , qu'on eftime dans cotre Eglife, qui a environ 130 pieds de largeur , fur 460 de longueur. On y voit encore une Annonciation de Dona-télte, dans la Chapelle des Cavalcantl > un Ecce ho/no , ôc plufieurs autres ftar tues, dans celle des Zéti : ôc une Vier£ô en bas-relief de marbre, attachée au p** lier qui eft auprès du tombeau de M1' cheî-Ange. On peut auffi mettre au nom'* bre de ces beaux ouvrages , la ma^nifiqllS chapelle des Nicolini , toute revêtue de marbre , avec douze pilaftres d'ordre cor rinthien , qui font un très-bel effet. £ri* Le Grand Duclie'de Tofcane. \6\ tre les peintures on vante fort un Crucifix de Cimabué , une defcente de Croix de Salviati, une Réfurrection de Santi-Titi j les peintures de la Chapelle des Bardi, par leGiotto; S. Laurent qui diftribue les biens de l'Eglife aux pauvres , de Paflï-gnano \ Jefus-Chrilt portant fa croix , de Vafari ; une Cène de Giotto , dans le Réfectoire \ &c plufieurs autres. Le tombeau de Galilée , fameux Mathématicien , efl: dans le cloître du Couvent qui apparrient aux Cordeliers. L'Eglife du Saint Efprit eft aufti fort confidérable pour fon grand aurel , ouvrage de Michel-Ange. On en eftime fur-tout le tabernacle , pour plufieurs colonnes , on voit le tombeau Se l'épitaphe d'un monftre humain , qui n'avoit qu'un corps , deux têtes tk quatre mains. Ce double homme nommé Pierre te Paul, n'avoit pas les mêmes affections , l'un pleuroit Se l'autre rioir , l'un dormoit te l'autre veiiloit : il vécut vingt ans Se vingt jours. Quelque belle Se bien fituée que foit la ville de Florence, les Etrangers en Trouvent cependant le féjour mélancolique , fur-tout ceux qui font accoutumés à goûter les douceurs de la fociété. Les manières gênées Se les cérémonies continuelles des Florentins , défolent ceux qui n'y fonr V iv 464 Méthode de Géographie. pas accoutumes. On a dans Florence une forte de polit elfe , qui fembJe excefïive aux nations qui fe piquent d'agir plus familièrement. L'Académie 'délia Crufca j établie il y a deux cens ans, pour la perfection de da Langue Italienne , eft toujours en réputation. Elle a fourni quatre Papes à f Eglife , dont trois étoient de la Maifon de Médicis.' Entre les Hommes de Lettres que cette ville a produits, on compte Dante, célèbre par fes Poëfies , né vers Fan 1265. Il fut Gouverneur de Florence, ôc mourut à Ravenne l'an 1 3 2.1. Machiavel, alfez connu par fon Hiftoire de Florence , ôc par d'autres Livres de politique , où il a établi des maximes très-odieufes , qui font déteftées par tous les gens de bien , ôc qui ne laif-ient pas fouvent d'être fuivies dans la pratique par ceux qui les blâment dans la fpécularion : il mourut en 1519. Gui-chardin fon contemporain , continua l'Hi-ftoire de Florence , commencée par Machiavel. Guichardin mourut en 1540. Galilée s'eft rendu immortel , par les nouvelles découvertes qu'il a faites dans le ciel, ôc qui ont donné lieu de perfeétioner l'Autonomie : il mourut l'an 1641. Lulh» mort à Paris en 168 7 , fit pour la mufique ce que Galilée avoit fait pour l'Aftrono-mie : fa mufique fera eftimée tanr que durera le bon gout. Ce que l'on peut Le Grand Duché' de Tofcane. 46 5 eft que Dante eft le créateur de la Pocfie italienne , ôc Machiavel de la Politique moderne ; que Galilée eft le pere de l'Af-tronomie , & Lulli de la Mufique fran-çoife. Le dernier a l'avantage entr'eux d'être l'unique qui n'ait pas encore^ été égalé : les autres ont eu des fucceifeurs qui. les onr fiirpalfés. Florence eft l'endroit où la Langue italienne a éré le plus cultivée ; mais la douceur de la prononciation ne fe trouve qu'à Rome. De-là vient le proverbe , Lingua Tofcana in bocca Romana. C'eft une fuite de la belle Ôc favante Académie délia Crufca. En 1738 on a établi à Florence une Académie pour apprendre les exercices à la jeune Noble (Te. Dans les montagnes du voifinage de Florence , fe trouvent ces pierres fi cu-rieufes , qui éranr fciées par le milieu , ôc polies , repréfentent les unes des arbres , les autres des villes ôc des ruines de châteaux , d'une manière fi naturelle , qu'on ne peut s'empêcher d'en être furpris. On trouve dans le Florentin ^Pijloia.3 ville très-ancienne , ôc Evêché , avec Fié-fo/ij Prato j ôc Borgo-San-Sepolcro, auftî villes épifcopales. Monte-Pulciano a Evêché, où naquit en 15 42 le (ayant Cardinal Bellarmin , eft à l'extrémité de la Tofcane , fur les frontières du Siennois Ôc du Pérugin , aufli - bien que Çortona j ville Y v ' Jiû6 éneciwde de Géographie. Se Evêché , où eft une célèbre Académie d'Antiquités Se de Belles - Lettres. Ar&fâè j ville épifcopale , dont Pierro Aretmo étoit natif. Barbcrino donne fon n >m à une Maifon illuftre , dont il eft forti des Papes Se plufieurs Cardinaux. Ancifa j lieu de la naiffance de François Pétrarque. S* Miniato x Evêché. Val-Ombrofa Se CdmaldoH y chefs d'ordres religieux , à l'eft de Florence j mais le dernier eft dans les montagnes de l'Apennin. Scrravalle j Pefcia j Carmi-gnano Firenfuola j Scarperia x Nipo^a-no j Empoli j San-CaJJiano j Lajlellino x U^ano j Cajiel-Franco 3 Bibiano Se Civi-îcliii j font les autres lieux les plus connus.. Pietra Santa j près de la mer , Evêché Se petite Principauté. II. Le Pi/an. Il eft au fud -oueft de Florence , cV il * pour capitale Pife 3 la féconde ville de la Tofcane , Se autrefois la capitale d'une affez puiffànte République. Il y a un Ar' chevêche Se une TJniverfîté. Cette ville eft fituée fur l'Amo , qui à deux lieues au ■■ de flous fe jette dans la me'r. Elle a des maifons bien bâties , Se de forr belles rues ; mais peu d'habitans Se prefque point de commerce. Son Eglife cathédrale eft allez belle , Se a une tour penchante * qtn mérite d'être remarquée , puifque •* Le Grand Duché de Tofcane. «4 67 l'on Jette un plomb à l'endroit qui penche le plus y il tombe à 15 pieds des fondations. Pjfe. Pife, ville d'Italie dans la'Tofcane , fur l'Arno , eft dans une plaine fort unie. Cette ville , qui eft très-ancienne , a été la capitale d'une République qui fe rendit fameufe par fes conquêtes en Afrique , 8c dans la Méditerranée , où elle s'étoit emparée des Ifles Baléares , & de celles de Corfe & de Sardaigne , qu'elle avoir conquifes fur les Sarafins. Son port, qui eft à l'embouchure de l'Arno dans la mer , éloignée d'environ cinq milles , étoit un lieu d'un très grand commerce. Elle a autrefois entretenu jufqu'à cinquante galères ; mais les guerres civiles de fes habitans , & leurs divifions do-meftiques les ayant affoiblis , les Florentins alïiégerent la ville de Pife , Se la prirent en 1406. Ainfi de ville libre qu'elle étoit, elle devint fujette j & jamais elle n'a pu fe relever. Eile eft encore fort dé-ferte , malgré les foins que les Grands Ducs fe font donnés pour augmenter le nombre de fes habitans : fes belles rues, prefque toutes tirées au cordeau , & bordées de belles maifons , font couvertes d'herbe. C'eft dans la vue d'y attirer des habitans > que le Prince y a établi l'Arfe- V vj 46 & Méthode de Géographie. nal de conftruétion de fes galères , qu'il j a mis le chef-d ordre des Chevaliers de S. Etienne , qu'il a augmenté le nombre des Profelleurs de l'Univerfité , ôc qu'il n'a rien épargné pour y attirer d'habiles gensx & un grand nombre d'écoliers. Cette attention a eu quelque fuccès , ôc on y compte feize à dix-huit mille a m es ; mais c'eft peu de chofe pour une ville que eent mille ames auroient peine à remplir. La earhédrale, qu'on appelle le dôme , eft d'une grande beauté. Quoiqu'elle foit bâtie dans le gout gothique , elle a des proportions fi juftes , elle eft fi claire , les ornemens font diftribués fi à propos , elle eft entretenue av.ee tant de foin , qu'on ne peut fe lafter de l'admirer quand on y eft. Ses portes font toutes couvertes de bas-reliefs de bronze , qui repréfentenr plufieur3 Hiftoires de l'Ancien ôc du Nouveau Tef-tament , tk qui font d'un gout exquis. Le pavé de l'Eglife eft de pièces rapportées de marbre de différentes couleurs. Il y a quelques tombeaux magnifiques , des ftatues , des peintures des meilleurs Maîtres , avec un grand nombre de colonnes de marbre , qui féparent la nef d'avec les côtés, qui, aufli-bien que l'Eglife , font incruftés de marbre. C'eft au côté droit du choeur de cette cathédrale , ôc en dehors , qu'eft ce fameux clocher où cette tour ronde pen- Le Grand Duché de Tofcane. 46y chante , h célèbre dans les relations des Voyageurs. Elle eft de marbre avec une rampe fpirale , pratiquée dans lcpaifteur du mur, par laquelle on monre fur la plate-forme. Bien des gens s'imaginent que le hazard , ou la négligence d'avoir bien affermi les fondemens de cet édifice , font canfe qu'il penche confidérablement d'un côté. Si cela étoit, tout l'édifice pen-cheroit, ôc cependant il n'y a que le côté, qui regarde la ville qui ait ce défaut. Celui qui regarde l'Eglife eft à plomb 5 le vuide qui eft au milieu , ôc qui reflemble à un puits , eft pareillement à plomb de tous côtés. On ne doit donc taxer l'Architecte qui l'a bâtie , ni de négligence, ni d'ignorance; mais convenir qu'il a voulu donner par-là une preuve de fon habileté , & faire voir qu'il pouvoir faire un. édifice hors de fon à plqmb , fans néanmoins qu'il foit expofé à. tomber. La hauteur de cette tour eft de cent quatre-vingt-huit pieds , & l'efcalier en a cent quatre-vingt-treize. La plate-forme , ou terralfe du haut , eft environée d'une baluftrade , du bord de laquelle ayant jette un plomb à l'endroit qui penche le plus, il fe trouve que le aplomb tombe à quinze pieds jufte du fondement. Le Cimetière de toute la ville eft an bout de l'Eglife : on l'appelle le Campa àant0 j comme dans tout le refte de l'Ita.- 470 Méthode de Géographie. lie. C'eft un grand terrein quarré, envi-roné de portiques comme un cloître * foutenu de colonnes de marbre couverc de plomb , & donr les murs font peints à frefque par d'habiles Maîtres. On prétend que cinquante galères de Pife , qui étoient allées au fecours de l'Empereur Frédéric Barberou iFe à la Terre Sainte en 1228 , fe lefterent ôc fe chargèrent de la ..terre de Jérufalom à leur retour , ôc que cette terre Kit mile dans le préau du Cani' po Santo. On voit dans ce lieu quantité de tombeaux ôc d'infcriprions. Le Baptiftere, qui a cent quatre-vingt pas de tour , fe voit à trente ou quarante pas de l'Eglife cathédrale, du côté de la tour penchante fur une même ligne : c'eft encore un édifice confidérable. Il eft rond, de beau marbre , Se voûté en coupe comme le dôme de S. Pierre de Rome. On a gravé fur une des colonnes de ce Baptiftere , que l'Eglife fut achevée en 1153. L'Arno 3 qui eft une rivière confidérable , paffe dans le milieu de la ville , ÔC la partage en deux parties prefque égales, qui font jointes par trois ponts, dont le plus grand eft de marbre blanc. C'eft fi-11-ce Pont que fe donne tous les ans le combat des malfues , entre le peuple des deu* différens côtés de Ja rivière. C'eft une coutume très-ancienne dans cette ville * Se dont il n'eft-pas aifé de démêler lavé-- Le Grand Duché' de To/cane. 4 7 i ritable origine, parce qu'on la rapporte de rrop de façons différentes. Les combat-tans font armés de bonnes cuiralfes , avec des braflarts ôc des cuiffarts, le calque en tête , & la vifîere baiffée. Ils ont pour armes de greffes maffues de bois très-dur, ôc qui outre cela fonr garnies de fer. Ils les tiennent entre leurs bras : Ôc fous des peines griéves , il n'eft pas permis de les prendre entre les mains. En cet état, ils s'approchent les uns des autres au fon des trompettes 6c des tambours , fe pondent rudement & fe frappent la tête avec leuts maffues, ôc tâchent de faire reculer le parti contraire , Ôc de fe rendre maîtres du Pont. L'animofité eft fi grande en-tre les deux partis , que les femmes s'en mêlent. Elles exhortent leurs maris ÔC leurs enfans à tenir ferme , & à foutenir la gloire du parti : elles difent des injures aux autres, ôc fouvent la fureur les emporte au point de fe jetter les unes fur les autres , & de fe déchirer à coups d'ongles tk de dents. Cela ne manque jamais d'arriver , quand elles voient que ceux qui leur appartiennent ont la tête ou les bras-caffés : car malgré les cafques Ôc les braf-farts, ôc la manière gênée dont ils font obligés de fe fcrvir de leurs maffues , la pefanteur en eft fi grande, Ôc les coups-qu'ils fe portent font fi furieux , qu'ils fe difent la tête tk fe rompent les bras 5 Ôc 471 Méthode de Géographie* fouvent il y a des morts de part 8c d-au*-4 / tre. A la fin le parri le plus foibîe eft oblige de céder : les vainqueurs demeurent maîtres du Ponr, y mettent des gardes , 8c les vaincus font obligés de s'ac-commoder avec les vainqueurs , pour avoir la liberté d'y paffer. Ce combat pouroit être un refte de ceux que les Citoyens de Pife fe livroient les uns aux autres , lorfqu'ils étoient divifés en plufieurs factions 3 8c fur tour quand une partie eut pris le parti du Pape , 8c l'autre celui de l'E mpereur , fous le nom de Guelphes 8c de Gibelins. Leur acharnement fut fi grand , qu'ils détruifirent enfin leur République , 8c devinrent la proie des Florentins , qui étoient beaucoup plus unis. La ville de Pife a encore fes anciennes murailles , défendues par quantité de tours hautes 8c fortes avec un foffé. Les Florentins s'en étant rendus maîtres, dé-farmerenr les habitans , prirent nombre d'otages 3 ruinèrent une patrie des murailles , Se y bâtirent trois forrereffes. La plus confidérable , qu'on peut regarder comme une Citadelle de conféquence , a été for-tifiée prefque de nos jours à la moderne , par Julien de S Ga!, excellent Architecte » ♦Se médiocre Ingénieur : elle eft auprès de la porte S. Marc, qui conduit à Florence. L'aurre Forr eft près de l'Arfenal ; & le troifiéme eft fur le bord de la rivière- Le Grand Duché de Tofcane. 47$ Ces deux derniers font petits 8c en allez mauvais état. Le grand Duc a établi à Pife la Maifon Chef- d'Ordre des Chevaliers de S. Etienne Pape , dont il eft le Grand-Maître. Ces Chevaliers portent fur leur habit une croix à huir poinres de fatin rouge, un cordon de couleur de feu, tk une petite croix, d'or fur la poitrine. Ils ne font pas obligés au célibat, ni par une fuite néceOâire au vœu de pauvreté. Ils n'ont que le vœu d obéilfance, 8c celui de faire la guerre aux Infidèles y 8c il y a de bonnes Commanderies dans cet Ordre. Ceux qui ne font point mariés,( il y en a même peu qui le foient ), ont droit de demeurer dans le Palais de l'Ordre à Pife , où ils font nouris 8c logés magnifiquement. Ils font preuve de nobleffe j à peu près con> me les Chevaliers de Malte, & font obligés de faire leurs caravanes avant que de pouvoir pofféder des Commanderies. On voit dans leur Eglife quantité d'étendards qu'ils ont enlevés aux Infidèles. Corne I inftitua cet Ordre en 1561. La ftatue de ce Prince eft dans la Place , vis à-vis l'Eglife des Chevaliers. C'eft a Pife que fe termina en 1664, le traité entre le Pape 8c le Roi Louis XIV , au fujet de fin-fuite faite à Rome à l'Ambaffadeur de France. L'Univerfité de Pife, fondée en 1472» 474 Méthode de Géographie. eft confidérable j les Chaires des ProfVfi feurs ont de bons revenus , qui fonr payés régulièrement. Il y a cinq Collèges } celui des Loix , ôc celui de la Sapiencc font les plus fameux. C'eft le Grand Duc, qui nomme à routes les Chaires. Il n'y a rien d'exrraordinaire dans le jardin des (impies , non plus que parmi les raretés naturelles qui font dans l'école de Médecine. La principale ville du Pifan , après celle de Pife , efl: Livourne } qui eft bien bâtie , bien -fortifiée ôc très-marchande , à caufe de fon beau Port très-fréqucnté , Se d'un très grand abord. Par le traité de Vienne de 1738 , il a été maintenu , aufti bien que la ville , dans fon ancienne fran-chife, ôc toutes les nations y font également bien reçues ôc protégées. C'eft dans la darce de ce Port que font les galères du Grand Duc. Il s'y fait un grand commerce de coton , de foye , d'alun Ôc d'anis de Rome, de caffé en feve , ôc de plufieurs drogues du Levant, & même de tontes fortes de marchandifes. On compte à Livourne quarante mille habitans, parmi lefquels il y a quatorze à quinze mille Juifs , qui y ont une belle Synagogue, ôc un corps de Magiftrats de leur nation. Volterra 3 ville épifcopale , eft le lieu de la naiffance du Pocte Perfe. Orciano y Piuioli j Orciatico j Cajole g Camplglia y Le Grand Duché de Tofcane. 47 j Lefignano > la Pomeran^a , Se Colle j, ville épifcopale , font les autres endroits les plus connus du Piian. III. Le Slennols. Ce pays qui eft au midi du Florentin^ devint une République libre dans la décadence de l'Empire, aufti-bien que beaucoup d'autres Provinces d'Italie ; mais la méiintelligence des peuples Se leurs guerres inteftines , les empêchèrent de confer-Ver certe précieufe liberté. La France tâcha en vain de la leur faire recouvrer au milieu du XVIe fiécle; mais enfin Philippe II, Roi d'Efpagne , en refta maître, Se vendit ce pays au Grand Duc de Florence , en fe véfervant cependant un petit territoire près de la mer , que l'on appel la Stato delà Prefdll l'Etat des gar-nifons. Sienne 3 Archevêché , Univerfïté, Se la troifiéme ville de Tofcane, en eft la capitale. Cette ville eft fituée fur une colline Se fort bien bâtie; mais fes rues font incommodes , parce qu'il faut fans cefle monter Se defeendre. Les carottes n'y peuvent prefque point être d'ufage , Se il y a même beaucoup d'endroits , qui leur font inacceftibles. D'un autre côte , cette fituation fait que tes maifons jouiffent d'un air pur Se fain ; ainfi elle eft peu fujette aux maladiesSe les rues '47 6 Méthode de Géographie. font toujours propres. Elles font pavées de briques miles de champ \ Se pour peu qu il pleuve , ou qu'on lâche les fontaines * qui fonr en grand nombre dans toute la ville , il eft difficile qu'H y refte aucune ordure. On y voir une afîez bonne Citadelle. La cathédrale , quoique bâtie à la go* thique , eft un édifice dont la beauté eft . d'autant plus remarquable , qu'elle tft finie. Les marbres dont elle eft revêtue dedans Se dehors , font que les orne mens de fon architecture en paroiffent plus beaux. Un coridor qui règne autour de la nef en dedans , fupporre les ftatues-des Papes. Le pavé eft de marbre blanc Se noir , rapporté dans- le chœur en manière de mofaïque. La partie qui eft la plus près du chœur eft la mieux confer-vée; on y voit le Sacrifice d'Abraham Se le Paftage de la Mer Rouge. La voûte de 1 Eglife eft azurée Se parfemée d'étoiles d'or. De l'Eglife on entre de plein pied dans le lieu où étoit autrefois la Bibliothèque , qui a été tranfportée en Ef-pagne , lorfque Philippe II étoit maître de Sienne ; mais l'on y voit les belles peintures à frefque , qui repréfentent route l'hiftoire du Pape Pie II. Le deffein eft de Raphaël ; mais la peinture eft de 1* main de Pietro Pérugin fon maître , da Pernardin Se du Pinturicchio, Le Grand Duché de Tofcane. 477 La grande Place s'appelle Banda. Sa figure eft ovale y mais elle eft creufe dans fon milieu , & il femble qu'on en aie voulu faire un amphithéâtre ou un baflin pour repréfenter quelque combat naval, La ville /ans le fecours d'aucune rivière, a des fontaines en aflez grand nombre , &c aflez abondantes pour remplir cette place à une certaine hauteur. On prétend que la figure de cette place donne la commodité à tous ceux qui y font de fe voir les uns les autres. Le Palais de la Communauté B qui eft comme l'Hôtel de Ville , eft dans cette place : il eft grand ôc bien bâti. On y fait voir aux Étrangers une grande falle, où s'affembloit autrefois le Grand Confeil : elle eft ornée de bonnes peinrures. Il y a delfous des loges ou des arcades , qui fer voient aux affemblées des Nouvelliftes ôc autres gens défœuvrés , dont le nombre eft toujours très-grand. La fontaine magnifique , qui eft dans la même place, mérite d'être vue. Avec une quantité prodigieufe de très-bonne eau a elle a tous les ornemens que les Architectes les plus habiles , les Sculpteurs 5c les Fondeurs les plus experrs ont pu inventer. Le fameux Jacques de la Quer-via ou du Chêne , a raillé en marbre , ou jette en fonte la plupart des figures 6c des ornemens de bronze qu'on y a placés avec fageffe ôc majefté , aufti bien 47 S Méthode de Géographie. que les douze Anges de bronze , qui font autour du grand autel de la cathédrale. Il n'y a guères d'Ordre religieux qui n'ait des maifons dans cette vdle , ÔC toutes bien bâties, avec des Eglifes magnifiques ; ce qui fait voir que la piété a été de tout temps ie caractère des Sien-nois. Aufli cette ville a-t-elle le bonheur d'avoir donné beaucoup de Saints à l'Eglife , ôc au monde de très-grands personnages en tout genre. Cinq Papes y ont pris naiffance ; Alexandre III, Pie II ôc Pie III, Paul V ôc Alexandre VII. Un grand nombre de Cardinaux , d'Evêques, de Docteurs , de Junfconfulres , de Phi-lofophes , de Médecins , de Naturaliffes, d'Hifforiens ôc d'Orateurs célèbres , font aufli nés â Sienne. Mais ce qui la rend encore plus recommandable, efl le nombre des Saints qui en font fortis ; entre lefquels l'Eglife révère S. Bernardin, de l'ordre de S François , Ste. Carherine ôc le Bienheureux Ambroife , de l'Ordre de S. Dominique ; le Bienheureux Co-lumbin fondateur des Jefuatcs : les Fondateurs des Chanoines réguliers de Saint Sauveur ôc des Moines du Mont Oliver. On confefve chez les Dominicains une ancienne peinture faire fur bois , qui re-bréfente la Vietp avec PEnfant Jéfiis entre fes bras. Ce tableau elefïiné de bonne Le Grand Duché de Tofcane. 479 manière, & encore frais de couleur , a été fait , comme on le voit par une in* feription au bas, en 1221 , par Gui de Sienne. En conféquence les Siennois regardent ce Peintre comme le reftaurateur de la Peinture en Occident , & ils en difputent le rirre au Cimabné , auquel les Florentins l'attribuenr, tk qui pafle pour tel dans tout le refte de l'Europe. Cependant le Cimabué n'eft né qu'en 1240. Il avoit appris fon art de quelques Peintres Grecs venus à Florence , & dans le cours d'une vie de 60 ans , à peine a-r-il fait quelques rableaux que l'on puilfe comparer à celui de Gui de Sienne. L'Univerlité eft ancienne & alfez fameufe : ce fut Charle IV qtîi l'érigea en i 5 57. Les Siennois avoient fait venir dès 1 3 21 , de Bologne , divers favans pour établir chez eux un cours d'études. En 1759, le célèbre Saluftio Bandini légua fa belle Bibliothèque à l'Univerlité, &c elle a été depuis fort augmentée. Sienne imita les autres villes fes voifines , qui s'érigèrent en République dans le temps des troubles de l'Italie. Elle tk les autres, comme Florence , Pife, Bologne , Ferrare , &c. jouiroient encore de leur liberté , ce tréfor (1 précieux, lî au lieu de fe faire la guerre les unes aux autres, ou d'embralfer le parti des Guel-phes ou des Gibelins, elles fe fuflent 480 Méthode de Géographie. unies pour défendre leur liberté contre ceux qui auroient voulu y donner atteinte y mais la jaloufie les brouilla d'abord, 6c les arma les unes contre les autres. H ù forma enfuite des partis entre leurs .propres citoyens. Les plus puifTans après avoir opprimé ceux qui l'étoient moins, s'armèrent les uns contre les autres, ÔC leurs guerres inteftines les ont à la fi» ruinés , & rendus fujets ou à quelques-uns de leurs concitoyens , ou à des étrangers. Mais enfin Sienne palïa fous la puif-jfance de Corne premier Duc de Tofcane. Philippe II, Roi d'Efpagne , à qui l'Empereur Charle-Quinr, fon pere, avoit donné l'iiiveftiture de Sienne , comme fief de l'Empire, s'ennuya de la longue guerre que cer Etat lui avoit caufée avec la France, & fongea à la céder au Pape Paul.IV , 6c auxCarafîès fes parens. Mais Corne de Médicis la vouloit, & feignit que le Pape cherchoit a le détacher des Efpagnols, 6c qu'il n'étoit pas fort éloigné lui-même de fe joindre aux François 5 &c de cette manière il engagea Philippe à lui céder Sienne, pour payement des ibmmes qui lui étoient dues par ce Prince. Le langage de cette ville eft le plus p°h de toute l'Italie. " Le territoire de Sienne eft très-bon j il rapporte du bled , du vin en quanritc » Jk plufieurs fortes de fruits. Les terres qui Le Grand Duché de Tofcane. 481 ({ni font près de la mer , que l'on appelle ordinairement Maremma j produifent beaucoup de grains. Ces lieux pourtant ne font guères habités, fur-tout en été , à caufe du mauvais air quioccafîonnemlu-fieurs maladies pendant cette faifon. Monte-Jlcino j ville épifcopale , foumife immédiatement au Pape, eft renommée pour fes bons vips. Pïen\a 3 lieu de la naiffance d'Eneas Sy lvius. , depuis Pape Pie.II , eft un Evêché , aufli bien que Chiuji j Majfa j Groffeto Se Suana. Les aurres endroirs les plus connus font ; Saturnla 3 Pitïgliano j Campagnatko j lia* dicojani. I V. Autres Terres de Tofcane. Le VaL de Magra j qui eft un fief particulier de l'Empire , au nord-oueft de la Tofcane , entre les Etats de Gènes , de Parme Se de Modène , appartient en grande partie au Grand Duc. de Tofcane. Il polfede entr'autres Pietra-Sancla Se P ontemoll. Piomhino eft la capitale d'une petite. Principauté de même nom, autrefois fous ja protection du Roi d'Efpagne \ &: aujourd'hui fous celle du Roi" de Naples. p eft un Seigneur de fa Cour qui en eft *e maître : il s'appelle le Duc de Sora, * il eft de la'maifon de Buoncompngno. L Ifle $islbe 3 qui eft voifine de Piombi-Tome VL X 48 l Méthode de Géographie. no , appartient à ce même Prince, à l'exception des deux villes de Porto-Feralo ôc de Porto-longone : la première eft au Grand Duc de Tofcane , ôc la féconde au Roi-de Naples. L'Etat ddl'i. Prefidà qui eft près de la mer , au midi du Siennois, appartient préfente ment au Roi de Naples : nous avons dit ci-devant que Philippe II, Roi d'Efpagne , fe l'étoit refervé en vendant le Siennois. Orbitello en eft la principale ville : elle eft alfez forte, ôc a un bon Port. Telamone ôc Porto - Hercole on-aulli des Ports. ARTICLE III, ETAT DE LA RÉPUBLIQUE JD JE Lu c qu % s. (jEtte petite République eft prefque enclavée dans la Tofcane , au nordj de Pife. Son rerroire rapporte du vif1 Ôc de l'huile 3 mais très - peu de bled* Lacques en eft la capitale \ c'eft une ville alfez peuplée, bien bâtie ôc pa/hi' blement marchande. L'Etat eft un Fier de l'Empire ôc fous fa protection : forl gouvernement eft ariftocratique. £a La République de Lucques. 485 Teraineté réfide dans un Confeil de deux cens quarante Nobles, qui ont pour chef un Gonfalonier , qui fe renouvelle de deux mois en deux mois. Lucques avoit un Evêché fuffragant de Pife, qui fe di-foit immédiat du Pape \ mais la contestation eft ter minée : on y a érigé un Archevêché en 1716. LesLucquois fonr un bon commerce d'olives fort eftimées , de même que de foie & d'étoffe , qu'on fabrique avec tant d'adreffe } que la ville en a été appellée Lutta ïlnduflrlofa. Elle efl fituée fur la rivière de Cer-chio , à cinq lieues de Pife, au milieu d'une petite plaine environée de coteaux agréables. Son circuit n'eft que de trois milles ; mais fes maifons font fort élevées Ôc l'on y compte quarante mille habitans. Les rues font droites Ôc larges pour la plupart, ôc pavées de grandes pierres, qui les tiennent nettes en tout temps. La place de S. Michel ôc celle de S. Martin font remarquables. L'Eglife de S. Michel qu'on trouve dans la première , a plu-heurs petites colonnes , qui en foutien-nent les dehors , Ôc qui marquent fon antiquité ; c'eft la plus grande de la ville , *f*ès la Cathédrale dédiée à S. Martin , SUl eft dans l'autre place. On appelle quelquefois cette Cathédrale Sainte Croix , foit pour une Croix d'un prix infini , qu'elle conferve ; foit pour un Crucifix X ij 4S4 Méthode de Géographie. miraculeux que Ton y voit dans une chapelle de marbre , faite en petit dôme ï elle eft fermée de hautes grilles de fer , <3c éclairée de plufieurs lampes d'argent , qui y brûlent nuit tk jour. La ville de Lucques eft ancienne; elle fut réduite fous la domination des Romains , l'an 576 de la fondation de Rome. Ce^fut dans cette ville que fe fit le premier Triumvirat entre Jules -Céfar , Pompée tk Craffûs. A la décadence de l'Empire , elle tomba au pouvoir des Gorlis , tk elle fut enfuite foumife aux Lombards, qui la gardèrent jufqu'au règne de Charîemagne. Des Seigneurs particuliers , comme Boniface , pere de la Comteffe Mathilde , tk Caftracani, la gouvernèrent pendant quelque temps ; après quoi elle fut vendue à Gérard Spi* nola de Gènes , fous l'Empereur Louis de Bavière. Elle vint enfuite aux Florentins j fous l'obéilfance defquels elle demeura , jufqu'à ce que fous l'Empereur Charle IV) les Lucquois obtinrent leur*liberré. ils 1* perdirent de nouveau par les entreprifçs d'un de leurs citoyens, appelle Paul Gui-nigi. Ils la recouvrèrent vers l'an 145°' tk ils l'ont confervée depuis avec grand foin , fous la protection de l'Empereur» Cette ville eft alfez bien fortifiée. Didier» dernier Roi des Lombards, l'avoir falC •nvironer de murailles } partie de but La République de Lucques. 48 ç ques Se parrie de pierres ; mais les habitans les firent abartre en 1626, & la firent revêtir d'onze baftions de briques , qui la rendroient très forte , s'ils étoient couverts par des ouvrages extérieurs. Ses ramparts qui font plantés , fervent de promenade aux Bourgeois. Mais les arbres empêchent de voir la ville de loin ; Se l'on ne découvre que la pointe du clocher de la grànae Eclife. On dir à l'a-vanrage de Lucques, que lorlquil s a-git de juger un Procès de conféquence , on fait venir des Jurifconfultes étrangers, qui n'en font pas moins éloignés que de cinquante milles, afin que ces Juges n'étant porrés ni par amour ni par haine , Rendent leur fentence avec équité. Proche de cette ville font les reftes d'un Temple que l'on croit avoir été confacre a Hercule. Encre les chofes curienfes qu'on remarque autour de Lucques, on compte le Pour de Seftn > Se celui de Borgo-Nuovo. Us font tous deux fur le chemin de Modène. On y trouve aufii des bains chauds & falutaires. L'arfenal pouroit fournir de quoi armer plus de vingt mille hommes. Il n'eft point Permis de porter l'épée à Lucques , Se en eî?tfanj on demande aux étrangers leurs Piftolets Se leurs armes, qu'ils rerrouvent * porte par laquelle ils doivent for- X iij 4§ 6 Méthode de Géographie. rir. Cafligiione > Fia-Regioj Coreglia font d'autres endroits remarquables de cette République. ARTICLE IV. ROYAUME DE NAPLES. (*} Cartes. Il ne faut pas d'autre Carte du Royaume de Naples , que celle de Guillaume Sanfo/ij en deux feuilles. t che^ Jaillot en ijQÙ. Xj E Royaume de Naples s'étend plus de cent-dix grandes lieues du nord au iiid , depuis l'embouchure de la petite rivière du Tronto , au nord de l'Abruzze ultérieure , jufques à Brancaléone j ou au cap de Spartivento , à l'extrémité de la Calabre , près la Sicile. Mais fa la** geur de 1'oueft à l'eft , n'eft pas aufl? grande: elle n'en a guères plus de 40» ■depuis le Capo délia Mincrya , vis-à-v^3 l'Ifle de Capri dans la Méditerranée j jufqu'à Pefihifcy fur le Golfe de Ve^-f ( * ) Cet article eft corr icc ftir les Rcmar c;ucs de D. Matteo Egittio , BibKgtliécau'c di Koi des deux Sicilcs. Ze Royaume de Naples. 487 fe : elle a cependant davantage de Rheg' glo à Baril mais cette largeur n'eft pas égale. Ce Royaume fut anciennement peuplé en partie par les Nations Celtiques qui occupèrent le nord de l'Italie , en partie par les Grecs , qui s'y multiplièrent tellement, que ce pays fut appelle dans la fuite la grande Grèce : ils y fondèrent plufieurs Villes 6c de petites Républiques. Les Romains s'érant rendus maîtres de rout le continent de l'Italie , ne traitèrent point Naples Se les autres Etats Grecs , comme des fujets conquis ; mais comme des alliés qu'ils protégeoient , Se aufquels ils permirent de fe gouverner fuivant leurs propres loix. Naples confcr-Va cette même liberté fous les Empereurs qui la protégèrent également j jufque-la que ces Princes y allant, ou y féjour-nant quelque temps , fe foumettoient , du moins d l'extérieur, aux ufages des Grecs, qui étoient ceux de cette ville. Cependant une grande partie des villes de ce Royaume , étoient regardées comme des Colonies Romaines, Se fe gou-vernoient comme membres de cette au-gufte République. Dans la décadence de l'Empire , les Goths qui s'étoient emparés de quelques Provinces de ce Royaume ravagèrent •es autres endroits Se polféderent même X iv 4§8 Méthode de Géographie. Naples pendant quelque temps. Mais Bc-lifaire , Général de l'Empereur Juftinien , les en chalïa l'an 537. Totila reprir cette ville l'an 545 , & en fut chaifé dix ans après par Narfès. Et l'an 567, les Empereurs de Conftantinople ayant établi des Exarques ou Gouverneurs Généraux à Ravenne , Naples ôc la plus grande partie de l'Italie leur obéiffoient. En 581', les Lombards appelles en Italie par Narfès , afïiégerent inutilement la ville de Naples , ôc les Empereurs Grecs prirent le parti d'y envoyer des Dues ou Gouverneurs particuliers, comme ils faifoient à Rome. Quoique , l'an 774 4 Charîemagne eut détruit le Royaume des Lombard:;; cependant quelques-uns de leurs Qiefs ou Généraux, fe maintinrent àSpo-lete, Béncventj Salerne 6k: Capoue. . Les Sarafîns d'Afrique entrèrent dans ce qu'on' appelle aujourd'hui Royaume de Naples , dès le IXe fiécle ; & quoique battus plufieurs fois dans le Xe , ils n'a-voient pas laiffé de s'y maintenir, ôc d y en avoit encore au XIIIe fiécle. Ce-pendanr des Seigneurs Normands revenais de la Palefrine , au XIe fiécle , aboi'' derenr au Royaume de Naples. Les Princes Lombards leur demandèrent du l"e' coun contre les Saralîns. Les Normands leur en douèrent, ôc avec tant de fucces, qu'on crut par reconnoiflance leur y de- Le Royaume de Naples. 489 voir accorder quelque établiflement y mais Roger , Comre de la Pouille, <3cc. comme de la Sicile , plus ambirieux que les autres , obtint de l'Antipape Anaclet le tirre de Roi, en 1130. Le Royaume de Naples Ôc de Sicile tomba depuis dans la maifon Impériale de Souabe , enfuite dans celle d'Anjou , branches de celle de France ; mais en 12.S2 , Pierre Roi d'Aragon fit révolter les Siciliens, ôc fes iuc-ceffeurs furent maîtres de la Sicile : ce fur alors que Naples ôc fes Provinces dans le continent d'Italie , commencèrent à faire un Royaume particulier. La maifon d'Ar.igon s'en empara aufïi en 1442. Charles VIII &: Louis XII Rois de France , s'en rendirenr maîtres à leur tour y mais leur poffetîion ne fut que momentanée : les Efpagnols les en dépoli e-derenr. Il tomba donc dans la maifon d'Autriche avec les autres Etats de la Monarchie d'Efpagne. A la mort de Charle II , en 1700 j il vint à Philippe V , comme à fon légitime fucceifeur • mais la révolte arrivée en 1706 , le fit paffer a l'Archiduc Charle , qui a depuis été l'Empereur Charle VI. Cependant en 1754 ôc 1735 , il a été conquis par les armes d'Efpagne , pour Don Carlos premier Infanr , qui en fut reconnu Roi , •Ù$ii que de la Sicile. La fou ve rainer d X y 49 o Méthode de Géographie. lui en fut confirmée par le traité «c paix conclu à Vienne en Autriche , le 18 Novembre 173 S. Ce Prince étant en-fuite paflé au trône d'Ifpagfte , en 175 9 , fon fils , Ferdinand IV , règne à Naples fous le nom de Roi des deux Siciles. Le Royaume de Naples relevé du Sv Siège, ôc tous tas ans la veille de la S. Pierre , le Roi Fait préfenter au Papa fept mille ducars ou écus d'or pour l'hommage , ôc le lendemain une haquenéç blanche. Ce Royaume efi: un des plus beaux ôc des meilleurs pays, de roure l'Italie. On peut le regarder même comme une tenu de promilîion Ôc de bénédiction. On y recueille en abondance du bled, du vin, de l'huile , & généra le ment tout ce qui r 1 • ■ fert à la vie \ avec quantité de figues, d'oranges, de citrons , de melons , qui ne fervent que pour les délices. On y trouve aufli beaucoup de cire ôc de miel \ Ôc la manne de Calabre eft trcs-eftimée. On y feme beaucoup de chanvre ôc de lin. Les mines donnent du plomb , du cuivre, du fer , de l'acier , de l'alun SC du vitriol. Il n'y a aucune rivière confi" dérable qui en facilite le commerce ; mais il s'en trouve plufieurs petites qui font très-utiles. Parmi fes montagnes, on re-marque non feulement l'Apennin, qui fe Le Royaume de Naples. 491 ttaverfe du nord-ouell au fud-oueft* ; mais encore 'quelques autres difperfées en divers endroits. Les Napolitains font généreux tk bons foldats. J'avois dir autrefois qu'ils fonr faïnéans & dijjimulés. On m'a repris de leur avoir donné ce caractère , quoique je fufle aurorifé par un grand nombre d'écrivains, qui connoilfent la nation beaucoup mieux que moi. Et il y a près de iSoo ans qu'Horace , qui étoit lui - même de fes environs, a dit: Otiofa Nea-j>olis, ( Epift. 5. ) «Se Ovide fon contempo-cain a marqué , & in otio natam Parthe-nopen ; c'eft un des noms de cette ville célèbre, ( Ovid. Métam. L. 15). Mais pour ne point offenfer les Nationaux j je dirai feulement que le peuple n'y efl pas laborieux, ce qui vienr ou de la fertilité de la terre qui produit tout avec abondance , ou de la chaleur du pays, qui rend les corps mois & efféminés. Tous ne font pas également finceres , tk le peuple , comme en beaucoup d'autres Royaumes, y eit affez grofîier. On afflue même que l'on y ell rrop proceflif} & que la fonction d'Avocat ou de Procureur ell une des plus lucratives de la ville de Naples. Autrefois , c'eft-A-dire , depuis plus de ioo ans , les Napolitains obéilfoiènt X des Vicerois, qu'on leur envoyoit d'Ef- X vj 492 Méthode de Géographie. pagne; mais aujourd'hui ils ont le bon* heur de poflTeder un Roi qu'ils aiment ÔC dont ils font aimés. Ainfi leurs richeffes ne fortiront plus pour être portées ailleurs. 11 y a dans le Royaume n Arche-yêques , dont je marquerai les fufrra-gans , quand je ferai le détail des Provinces. Ce Royaume vaut plus de douze millions de revenus ôc fe trouve féparé de celui de Sicile par le Fare ou décroit de Mefîinc, qui a une grande lieue de large en quelques endroits; ôc fur le fommet d'une petite montagne, au couchant ; d'un coté il commande prefque route la ville, & de L'autre, il a vue fur la mer. La figure de ce châreau n'eft qu'une éroile irréguliere fes murailles fon extrêmement hautes , Se toutes taillées dans le roc. On ne peut l'attaquer dans les formes que par un feul endroit, le refte eft prefque inaccefîible, mais comme il y a fur la même montagne une grande Chartreufe contigue au château , Se prefque toute environée des jardins des Religieux , l'ennemi pouroit grimper à la faveur de ces jardins , quand il feroit maître de la ville , Se fe trouver bien tôt au pied de la muraille , quoique fans aucun attirail de guerre. Mais la fageffe du Gouvernement peut aifément remédier à> «et inconvénient. 45) S Méthode de Géographie. Le Château de l'Oeuf eft bâti fur un* petite Ifle de figure ovale , appellée Me-garis 8c Megalia par les Anciens , 8C qui faifoit les délices de Lucullus. On y palfe par deux ponts-levis aux deux extrémités d'une longue digue , bâtie dans la. mer. L'avantage qu'on peut tirer de ce Château , eft d'éloigner une flore ennemie à coups de coulevrines , qui font portées à fleur d'eau , dans une plate-forme ou demi-hme exagone , qui s'avance de beaucoup dans la mer. Ce Château eft l'ouvrage de Guillaume III, Prince Normand , qui vivoit à la fin du XIIe fiécle* De l'autre côté de la ville , au nord du mouillage , entre le grand Marché , 8c le pont de la Magdelene , il y a un autre Châreau, mais de peu de conféquence : ce n'eft proprement qu'un baftion coupé 8C féparé du corps de la place. Il prend fon nom de l'Eglife de Notre-Dame del Car-mine _, 8c du Couvent des Carmes, qui eft prefque tout enclavé dans ce Château. Ce pofte étoit auparavant négligé ; mais on en connut l'utilité dans les tumultes populaires de l'an 164-7. O'eft pourquoi on y a bâti ce baftion , qui d'un côté garde une des principales avenues de la ville , 8c le fauxbourg de Lorette , 8c de l'autre côté il défend les approches de la mer. Comme ce baftion fut bâri à la place de quelques tours antiques., qui étoient dû Le Royaume de Naples. 499 temps du Roi Ferdinand I d'Aragon , on l'appelle le Torlone del Carminé. Le Château-neuf eft fur le bord de la mer , entre le Mole 6c le Palais Royal, 6c prefque au centre du demi-cercle que fait la ville du côré de la mer. 11 fut bâti par les Rois de la première Maifon d'Anjou j fes tours font de pierres de taille » très - hautes 3 6c d'un rravail admirable. C'eft à l'entrée de ce Château qu'on voit le bel arc de triomphe en marbre blanc en l'honneur du Roi Alphonfe. Le Roi Ferdinand le Catholique employa le fameux Pierre Navarre à l'environer d'une enceinte moderne , & il s'en acquitta le mieux qu'il étoit pollîble dans ce temps-là. C'eit un quarré long â quatre baftions. Celui qui eft le plus proche du Mole fut bâti, à ce qu'on dit, des deniers provenans d'une impofition fur les filles de mauvaife vie. A l'eft du Château-neuf font deux pie-ces importantes , l'une eft la tour S. Vincent , laquelle défend en même temps l'entrée de la darfe , qui fert de retraite aux vaiffeaux , 6c l'Arfenal , qui eft un grand & vafte bâtiment , entre le Château-neuf de la mer. La féconde pièce importante eft le Mole , avec le Phare , qui eft éclairé toutes les nuits pour fervir de guide aux Vaiffeaux , 6c dont je parle plus bas. 500 Méthode de Géographie. Le Nonce du Pape a fon Palais dans las rue de Tolède , avec fon tribunal , fes priions , fon barigel , fes foires ; en un mor , toute la fuite de la j un .(diction. Comme il y a bien des gens , qui ont leurs caufes commifes â ce Tribunal 6c qui croient en être quittes à meilleur marché que dans les Jùftiees royales, il ne manque pas d'occupation , non plus que ceux qui travaillent fous lui. Le Collège de l'Univerftté , appelle Studii novi, eft; d'une grande beauté. Le bâtiment eft immenfe : les Profeffcurs en toutes fortes de feiences, y ont leurs écoles 6c leurs appartemens : leurs appoin-temens font coniîdérabîes , ce le nofnbre des Ecoliers eft très-grand. 11 y a encore d'autres Collèges , fans compter ceux qui font chez les réguliers ; ce qui fait voir que les études neuriffent à Napi-.s. Le Mont de Piété a été bâti par le Chevalier Fohtana. Le nom de cet édifice fait connoître fon ufage 6c fon utilité dans r /Y* t t une ville , qui étant aufti peupiee , ne manque pas de renfermer bien des gens t qui fans ce fecours charitable , fetoient bieti-tôt réduits à la dernière mifere , 6£ peut-être pour toujours. On y obferve les mêmes règles 6c les mêmes formalités que dans le Mont de Rome , 6c tout s'y pafïè avec un extrême fecrer, 6c une fidélité à route épreuve. Bien des gens riche* Le Royaume de Naples. 501 y dépofent leur argent, afin qu'il y foit plus en fureté que chez eux , 6c qu'il foit prêté aux pauvres fans intérêt. On a remarqué , à l'occafiori de ce Mont, que dans les plus grands troubles 8c daos les féditions les plus vives , les partis oppofés 6c les plus avides de butin , ont toujours refpeCté ce lieu , ôc ne fe font jamais aviies d'y faire la moindre violence ; au contraire , ils y mcttoient des fauve-gardes, & les Miniftres de ce lieu de charité faifoient leurs fonctions auiîi tranquillement que il la ville eût été dans une paix profonde, L'Académie , où l'on enfeigne.à mon-tet à cheval, les Gouvens , les Hôpitaux, l'Arfenal, 8c les magafins pour les galères , font encore autant d'édifices coniîdérabîes. Mais ce qui paroît le plus extraordinaire à Naples , eft le nombre 8c la magnificence des Eglifes : c'eft ce qui fur-pafie l'imagination. Si l'on veut voir de beaux morceaux d'architecture , il faut vifirer les Eglifes'; il faut voir les chapelles , les autels , les tombeaux. Il s'y trouve à la vériré peu'de belles façades d Eglifes ; prefque toute la beauté eft au-dedans. Si l'on eft curieux de rares peintures 6c de fculptures , il ne faur qu'entrer dans les Eglifes. Les voûtes , les lambris , les murailles, tout' eft , ou revêtu ^e marbres précieux, 6; très-bien rappor- 502 Méthode de Géographie. tés , on à compartimens de bas-reliefs 3 Se de, menuiferie dorée ôc enrichie des ouvrages des plus fameux Peintres. Que l'on pafle d'une Eglife à l'autre , on éprouve toujours une nouvelle furprife. L'Eglife de la Maifon Profefle des Jé-fuites, efl: une pièce admirable. Le dôme efl: peint de la main du Cavalier Lan-franc j ôc de quelque côté qu'on fe tourne dans ce fuperbe édifice , tout y efl: chargé d'ouvrages précieux. C'eft la même chofe à Sainre Marie de l'Annoncia-de > c'ed-là qu'on voit aufli ce fameux Hôpital, dont le revenu monte à plus de deux cens mille écus. La grande Charrreufe de S. Martin efl: un lieu extraordinairement rempli de cho-fes rares ôc magnifiques. On aflure que fous un feul Priorat, il y fut dépenfé jufqu'à cinq cens mille ducats en argenterie , en tableaux , ôc en ouvrages de fculp-ture. L'Eglife n'eft pas des plus grandes ; mais elle n'a aucune partie , qui ne mérite d'être admirée. On ne peut rien ajouter , ni au prix de la matière , ni à l'excellence de l'ouvrage ; tout y eft fini, ôc d'une beauté exquife. La Nativité du Guide , dans le chœur de cette Eglife , eft une pièce ineftimable , les quatre tableaux de la Cène , qui fe voient dans le même lieu, font de l'EfpagnoIet , d'Annibal Ca-xache , de Paul Verouèfe, Ôc du Cava- Le Royaume de Naples. 50$ lier Maflimo. Le cloître a cent pas en quarré : tout le pavé efl: de marbre rapporté en rinceaux , 6c autres ornemens de cette forte , 6c les quatre galeries font foutenues de foixante colonnes d'une feule pièce d'un beau marbre blanc de Carrare. Les Religieux font très-bien logés, 6c l'appartement du Prieur eft digne d'un Prince. Les diverfes vues qu'on découvre de cette hauteur , fufpendent fefprit, £c font plaiiîr. On voit la mer 6c plufieurs ifles ; on peur confidérer diïîinctemenr la grandeur de Naples , avec fes Châteaux , fon mouillage , fon Mole 6: fon Fanal. On fe plaît â regarder les jardinages, qui environent la ville 6c les coteaux fertiles, qui montent à la campagne , qu'on appelle heureufe. Si on jette les ieux d'un autre côté en fuivant le rivage , les lïnuofités, qui fe mêlent réciproquement avec les petits caps , que cette paifible mer arrofe , 6c les jolis villages dont cette côte eft parfemée , on a des objets tout-à-fait agréables. Un peu plus loin , l'air s'é-paiflit quelquefois des horribles fumées du Mont Véfuve , 6c l'on voir entièrement cette aftreufe montagne. A l'exception d'un certain nombre de fues , de médiocre largeur , qui abourif-fent à la mer , prefque toutes les autres font larges , ôc aufti droires qu'on a pu les Fratiquer dans une ville, où il y a beau- 5*>4 Méthode de Géographie. coup à monter. Mais ce qui eft particulier à Naples _> eft que toutes les maifons font belles , ôc la plupart avec des toits en terraffe , où U y a des loges pour prendre le frais. Les maifons des particuliers ne fonr point affront aux Palais qu'elles accompagnent. Le pavé des rues eft grand, parfaitement bien entretenu , ôc très-propre. Outre le foin qu'on a de balayer les rues , on les inonde pour les rafraîchir \ ôc ces torrens d'eau emportent avec eus toutes les ordures. Le commerce n'eft pas aufli grand i Naples , qu'il devroit l'être j mais le Roi Travaille à le rétablir aufli brillant qu'il étoit autrefois , en bons velours , damas , fntins, moires , ôc en toutes fortes d'étoffes qu'on fabrique à préfent dans cette ville , aufli - bien qu'à Florence , à Lucques Ôc à Gènes. Il y a même des brocards , qui ne font point inférieurs à ceux de Lyon. Pour ce qui eft des bas de foie ôc des rubans , on en fait d'aufli bons qu'ailleurs, ôc à meilleur marché , parce que la foye , qui en eft excellente } eft du cru du pays. Les environ" de Na ^'es fourniffenr une prodigieux q^a-utné dl bons vins , dont les feuh Qénbis çjhargent jo n 40 gros bâtimens tous les ans; B© 1 â dl des denrées de- 'Y.vu - .. '• , , on y travaille les Jqyga iJuesB qui iont •infini" taeP9 Le Royaume de Naples. 50* ment au - defiiis de celles de Perfe , Se le cèdent peu à celles de la Tofcane. Des laines du Royaume , on fabrique la plupart des draps à Venife Se à Padoue. Le coron eft aufti bon que celui du levant. Enfin , moyennant certains arrangemens que la réfîdence du Roi poura faire prendre , il s'y fera fans doute un grand commerce actif, avec les feules denrées du pays. On compte à Naples dix-huit Couvens de Dominicains , Se huit Monafteres de Religieufes de l'Ordre de S. Dominique ; huit Couvens d'Auguftins , Se cinq d'Au-guftmes \ huit de Carmes , Se cinq de Carmélites ; deux de Chartreux ; deux de Céleftins ; cinq de Chanoines Réguliers , Se un de Chanoinefles \ un de Bénédictins , cinq de Bénédictines ; un d'Olive-tains ; quatre de Minimes \ trois de Servîtes ; un de Jéronimites ; un de Camaldules ; un de Bafiléens • un de Moines de Monte Virgini ; fix de Théatins , un de Théati-nes \ trois de Clercs Réguliers \ trois de Clercs appelles Miniftres des Infirmes -y fix de la Compagnie de Jefus ; trois de Clercs, appelles Qperani Pu ; trois de Barnabites 3 quarre appelles SchoLt PU ; Un de Somafques ; cinq de Pères de la Merci Efpagnols , deux de Religieufes Espagnoles ; deux de Clercs Réguliers de P Congrégation de Lacques ; cinq Cou-Tome KL* Y Méthode de Géographie. fervatoires de Garçons, vingt-neuf de filles Se de Femmes ; onze Flôpitaux \ cinq Séminaires d'Eccléfiaftiques ; quatre Paroilfes principales 3 ayant ritre de Bafi-liques \ trente-deux autres Paroilfes y foixante Se dix autres Eglifes ou Chapelles , delfervies par des Prêtres féculiers , Se plus de cent trente Chapelles de Confrai-ries, ou Oratoires. Un li grand nombre d'Eglifes Se de Couvens, fuppofe un très-grand nombre de perfonnes. Il palîe trois cens mille ames, quoique bien au-delfous de ce que l'on en débite. Mais le féjour du Roi ne fauroit manquer d'en augmenter les habitans. La Baye de Naples eft la plus agréable que l'on puilïe voir. Elle ell-prefque ronde , d'environ trente milles de diamètre : les côtes font couvertes de forets ôc" de montagnes. Le haut Promontoire de Sorrento fépare cette Baye de celle de Salerne. Entre l'extrémité de ce Promontoire Se Fille de Captée , ou Capri, la mer entre par un détroit, large d'environ trois milles. Cette Ifle eft comme un vafte mole pour rompre la violence des vagues qui entrent dans la Baye. Elle eft en long, Se prefque dans une ligne parallèle à Naples. La hauteur excefîîve de fes roches fert d'abri contre une grande partie des vents Se des ondes. Le Mole eft fort large Se fort long. H Le Royaume de Naples. 507 paroît ancien. Il a une branche en retour d'équerré , à un bouc de laquelle eft la Tour de la Lanterne , autrement le Fanal , où l'on doit allumer des feux , pour diriger les vaiffeaux 3 qui veulenr s'approcher pendant la nuit. L'aurre extrémité eft chargée d'une barterie fermée en forme de rour quarrée j baffe : on l'appelle le fort S. Jacques. Tous les bâtimens mouillent a couvert de ces deux branches. La Douanne eft vis-à-vis. Elle a une place de grandeur raifonnable , avec trois ou quatre petites jettées, accompagnées de degrés pour la commodité du débarquement des chaloupes. Il y a une petite Chapelle à un bour de cette place. Ce qu'il y a de fâcheux pour une aufïi belle ville , eft d'être expofée à des trem-blemens de terre , qui jettent avec raifon la frayeur dans les eiprits , &c qui fouvent caufent de grandes pertes. Quatre trem-blemens arrivés dans ce fiécle , y ont fait beaucoup de tort ; ce font ceux de 1701, 1703 , 1706 &c 1744. On trouve à huir milles de Naples le Mont Vcfuve ou de S orna fameux volcan , fatal au Naturalifte Pline, tk voiltn fort incommode de Naples j par les fumées qu'il y envoie dans le remps qu'il vomit fes flammes. Cette terrible montagne eft dans une plaine , environ à une bonne lieue de la mer ■> au fud-eft de Na- Y ij 5"08 Méthode de Géographie. pies \ mais il y a long-temps quelle n^ï fait les ravages ordinaires. 1.1 fe trouve même à préfent des ouvertures au pied de la montagne , par lefquelles on peut y entrer par la plaine. Entre .cette montagne & la ville de Naples , eft le village de Portiez, j devenu fameux depuis quelques années > par la découverte qu'on a faite au-deflous de l'ancienne ville d'Héracfée } qui avoit été couverte , il y a dix-huit cens ans, par une rer-riblev éruption du Mont Véfuve. On y a trouvé quantité de beaux ouvrages des anciens, Se de toute efpece , qui ornent aujourd'hui le Palais que le Roi a «à Portier. On en découvre encore tous les jours de nouveaux. On a commencé à en publier une defcription par ordre du Roi des deux Siciles. Capoue j ville archiépifcopale , fur le Volturno , à quatre lieues au nord de Naples , à deux milles de l'ancienne Capoue-Elle a été bâtie avec les débris de cette antique ville , qu'on y a tranfportée , & qui fe nomme aujourd'hui Sainte Marié' Capoue eft. très-bien fortifiée à la moderne. Les fuffragans de fon Archevêque fc nt : Calvi. Telefe. Caferta. Tiano. Carinola. Seffa. Caiazzo. Alift. Le Royaume de Naples. 509 Venafre. * Gâeta. * Fondi. * Aquino. * Sora. Mais les quatre derniers fe difent exempts. L'ancienne Capoue arrêta trop par fes délices le fameux Annibal. Gaéte , dans une prefqu'iile , eu: palfa-blement grande , ôc a quelques bonnes fortifications , avec un port aiFez paffable, qui peut donner une rerraire alfurée à quinze galères , ôc à quelques autres bâtimens. Le tombeau de Charle de Bourbon j qui fut tué à la prife de Rome en 1527, eft peu de chofe ; mais on voit fur la colline celui de Munacius Planais, célèbre Romain du temps d'Augufte. Virgile prétend aulli que c'eft l'endroit où la nourice d'Enée fut enfevelie. Près de Gaéte eft Mola y qu'on croit être l'ancienne Formies -, où Fon prétend voir les reftes du tombeau de Cicéron. Plus au midi font Pou^-{ol^ ville épifcopale, ôc Bayes ; elles étoient autrefois confidéra-bles , mais c'eft aujourd'hui très-peu de chofe. On y trouve cependant beaucoup de veftiges de l'cftime qu'en faifoient les Remains , qui regardoient ces deux endroits , comme des lieux de délices. Les Villes épifcopales de ce territoire font Fondi j fur les frontières de l'Etat Ëccléliaftique } Gaéte dont nous venons de parler y Aquino j petite ville , qui a vu Y iij 510 Méthode de Géographie. naître autrefois Juvenal , & depuis faint Thomas d'Aquin , l'Ange de l'Ecole & le chef de la Théologie Scholaftique : Sofa* près le Gangiian , en titre de Principauté. Ces quatre villes , qui font au nord-oued de Naples, fe difent pour le fpirituel uniquement foumifes au S. Siège, aulli-bien que la célèbre Abbaye du Mont-CaJJin chef-lieu de tout l'Ordre de S. Benoît : ce faint Patriarche y mourut l'an 542. Les autres villes épifcopales font Venajro ■> en titre de Principauté ; Seffa j ville bien peuplée , en titre de Duché \ Carinola, Comté : elles font aulli au nord-oued de Naples, tk foumifes à l'Archevêque de Capoue j aulli-bien que les fuivantes , mais qui font au nord : Caferta en ritre de Principauté 'y Cajàmo ^ à quelque diftance du Volturno , qui fait une prefqu'iile ou un coude dans cet endroit \ Calvi > au nord de Capoue 3 Telefe Principauté , ruinée en 1688 par un tremblement de terre. Théano n'eft pas éloignée de Carinola , tk jouir du titre de Principauté. Allfi eft au nord de Naples , tk fon Evêque eft fournis à l'Archevêque de Be-nevent j mais les fuivans, qui font dans la même Province , dépendent de l'Archevêque de Naples ; favoir Averfa avec un vieux château , îk Acerra j qui a tirre de Comté ; l'une tk l'autre au nord de Naples , au lieu que Nola eft à l'orient ; elle Le Royaume de Naples. 5 1 1 vit mourir l'Empereur Augufte l'an 14 de Jefus-Chrift. A l'eft de la Terre de Labour eft un périt canton de la dépendance , mais qui en eft féparé par une langue de terre d'environ deux lieues. C'eft le rerriroire de SorrentO) ville archiépifcopale fur la mer, à" l'eft du golfe de Naples , tk près de laquelle il y a beaucoup de vignobles. Maf-fa j qu'elle a au fud , eft peu de chofe ; cependant elle a un Evêquej & jouit du titre de Principauté. Vico tk Caflel-à-Mare font deux Evêchés fournis à Sorrento. A quelques lieues au nord de Pouzzol, étoit le lac Avertie j dont autrefois les ex-halaifons étoient lî dangereufes, que les oifeaux ne pouvoienc pas le traverfer en volanr, fans tomber morts dans l'eau \ ce qui n'eft plus aujourd'hui s puifque les canards y nagent > tk qu'il renferme de très-bons poilfons. Les llles qui dépendent de cette Province , font celle de Capri 3 avec une ville épilcopale du même nom , tk qui étoit les délices de l'Empereur Tibère. On af-fure que le principal revenu de fon Evêque , aufli-bien que de celui de Ma lia , confifte dans la dixme des cailles qui fe prennent fur fes côtes au temps de leur double palfage. Cette Iile eft au nord de tapies : elle a quelques antiquités. If-'««j auttô Iile, avec une petite ville épif- Y iv * 11 Méthode de Géographm, copale de même nom , aflez bien fortifiée , eft à l'oueft de Naples. Il y a encore quelques autres petites Ifles aux environs. i. La Principauté Citérieure. Elle eft ainfi nommée par rapport à Naples, dont elle eft plus proche que l'ultérieure. Cette Province , bornée au fud-oueft par la mer , produir du bled , du vin , de l'huile, du faffran, Se a pour capitale Salerne , ville Se Archevêché , fondé en 974 : il y avoit autrefois une Ecole célèbre pour la Médecine , mais elle eft tombée. Les Evêques fuffragans de Salerne font : Capaccio. Campagna. Policaftro. Acerno. Marfico nuovo. Nocera. Sarno , dans la Principauté citérieure. x^a Cava , exempt. Nufco , dans la Principauré ultérieure. C'eft à Salerne que le Pape Grégoire VII mourut en ioS $. Amalfi j érigé* en Duché , eft auffi une ville archiépifcopale s dont les fuffragans font : Lettere. Scala Se Capri, dans l'Ifle Ravello mais tous de ce nom. deux unis Se Minori. exempts. C'eft à Amalfi. qu'on rrouva en 1135 les Pandecles nommées Florentines, poc* Le Royaume de Naples. 5 1 5 fées d'abord a Pife , puis à Florence : d'où elles ont tiré le nom de Pandecles Florentines. On attribue encore i'mven-tion de la Bouffole en 1500 à Jean de Goïa , natif de cette ville. Policajlro qui donne fon nom à un Golfe. ^Nocera , ville ôc Duché , Acer/20 j Letterc 3 fur une montagne , S cala Ra-vello ôc Cuva j qui eft renommée pour ion commerce de roiles fines. Dans fon voifinage eft l'Abbaye de la Trinité, donr les archives onr beaucoup de répurarion , pour l'hiftoire des Princes Lombards. Mi-nuri eft fur la mer. Campagna en eft alfez éloignée, aufti-bien que Cangiano ôc Mar-fico nuovo. Mais Capaccio nuovo qui eft fujetre à de fréquentes inondations , ÔC Cajullo à mare délia Bruca ^ font près de la mer. 5. La Principauté Ultérieure. Elle eft au nord de la Principauré Citérieure, ôc fertile en bétail, en noix, noifei-tes ôc châtaignes. Elle s'éloigne davantage de la mer ,-ôc a beaucoup de montagnes. Sa ville principale eft' Bénevent Duché ôc Archevêché } mais qui appartient au Pape , de même que fon petit territoire. La capitale de cette Province comme membre du Royaume de Naples , eft Montc-Fufcolo j quoique ce ne foit pas-k meilleur endroit. Cette petite ville eft: Y y. 5 £4 Méthode de Géographie. à deux lieues de Bénevenr, du côté du midi : c'eft-là que réiide le Gouverneur ôc l'Audience Royale. Cette Province a deux Archevêchés 5 favoir Cotisa Ôc Bénevent. Con^a défolée ôc prefque ruinée par les tremblemens de rerre , a pour fuffragans les Evêchés de : Cedogna. Sant Angelo de' Lombardi. Bafaccia , qui lui eft uni. Muro , dans la Balîlicare. Satriano, uni à Campagna dans la Ba-filicare. Monte-Verde , uni à l'Archevêché de Barletta ou Nazareth. Il y a encore dans cette Province deux villes épifcopales* Nufco Ôc Trevlco jdont la première dépend de Salerne 5 ôc la féconde de Bénevent. Bénevent. C'eft un Duché enclavé dans Cette Province, qui appartient au S. Siège, avec un très-petit territoire aux environs. La ville de Bénevent fut la dernière retraite des Princes Lombards ; mais étant venue au pouvoir des Empereurs, Henri III l'échangea l'an 1054. avec le Pape Léon IX » conrre la ville de Bamberg ôc l'Abbaye de Fulde , qui de terres de l'Eglife furent mi fes dèsdors l'une ôc l'autre fous la jurif-diclion de l'Empire. Son Evêché fut éra- Le Royaume de NapIéS. 5 i 5 bli en métropole Pan 969 , Se fe trouve ordinairemenr pofféde par un Cardinal. Ses revenus répondent à fes prérogatives , qui étoient autrefois plus grandes qu'elles ne font aujourd'hui. Ses fuffragans font les Evêques de : Afcoli. Vico délia Baronia» Télefe. Trivento. * Sanr* Agata de' Boiano. Goti. Bovino. Alife. Vulturara. * Monte Marano. Lavino. * Avellino. Termine. * Fricenti. Lucera. * Ariane». Guardia-Alferes. San Seviero. Mais tous ces Evêchés ne font pas de la même Province : j'ai marqué d'une étoile ceux qui font de la Principauté ultérieure. Comme l'Archevêque de Bénevent a eu autrefois de grands privilèges , on fera peur-être bien aifé* de les voir ici rapportés. Le Cardinal des Urfins , Archevêque de Bénevent, Se qui depuis a été le pieux Pape Benoît XIII , les a expliqués dans une Lettre qu'il écrivit le 28 Septembre 1686 , au favant Pere Alexandre Jacobin : Que fa mérropole a eu autrefois 5 j fuffragans, Se qu'actuellement elle en avoit encore 24 : Que fon Diocèfe avoit eu 217 Villes murées Se Châteaux y vj 51G Méthode, de Géographie-. Se qu'il en reftoit encore 178 : Que l'Archevêque avoir porté la thiare comme le Pape jufqu'au temps de Paul II, en 1466 : Que quand il falloir fes vifites, il avoir droit de faire porter le Saint Sacrement devant lui : ce qui s'étoit continué jufqu'à. ces derniers temps j mais qu'il ne lui ref-toir plus de tant de privilèges , que celui de fceller en plomb les Mandemens, comme on fait les Bulles du Pape; IL VA bru z z E. Toute cette Province , qui efl inclinée vers le Golfe de Venife , eft au nord' de l'Apennin , de la- Campagne de Rome , & de la Terre de Labour. Elle comprend les trois petires Provinces qui fui-venr., 1, VAbiwptt Ultérieure.- Elle eft la plus étendue. Quoiqu'il y tombe beaucoup de neige , .on y recueille cru bled , du vin*,, de l'huile Se du faftran en abondance. Il n'y a aucun Archevêché \, mais feulement cinq Evêchés. Sa capitale eft Aquila j ville avec. Evêché : elle fut. prefque ruinée par un tremblement de terre arrivé en 1703., Se qui fit périr environ fept mille peffonnes, L'Evcque eft fuffragant de Chletl j dans l'Abruzze Cl-" tcneiwe,. Atri Se Téramo, Evêchés. Ami* temex autrefois ville affez confidérable,, Le Royaume de Naples. 5'T 7-feroit peu connue aujourd'hui, (i elle n'é-roit le lieu de la naiffance de l'Hiftorien Sallufle : elle ne montre plus que des ruines. On y trouve encore Campoli tk Ci-vlta di Pena j villes épifcopales. Au pied des montagnes eft le lac de Célano anciennement nommé Fucin. z. L'Ahru-^e Citérieure. Cette Province eft au levant de la première , tk a moins d'étendue : elle produit aufïi du bled , du vin , de l'huile , du faffran , & a beaucoup de neiges dans l'hiver. Civita di Chieti j Archevêché , en eft la capitale. Ses*fuffragans font les Evêques dé : A tri,. Ortona tk La Penna,, Campoli, unis, unis Se exempts. Sulmona eft le lieu de la naiffance du Poète Ovide. Valva j près de Sulmone. Pefcara fur la mer , à l'embouchure d'une 5 rivière de même nom , eft un Marquifat à-la Maifon d'Avalos. Lanciano j Archevêché ians fuffragans. Civita-Bortlle , ville épifcopale. Les autres endroits font beaucoup moins conhdérables.. • 5- Le Comté de Molifc > Cette petite Province eft alfez fertile Qïl- bled j en. vin 3 en faffran, en gibier. y i S Méthode de Géographie. ôc en foie. Elle a pour capitale Molife $ 4jui eft peu confidérable , mais qui a un château. Iferai a j Boyano , Trivento > Guardia-Aiferes &c LarmOj font des villes épifcopales. III. La P ouille. On comprend fous ce nom la partie du Royaume de Naples qui > depuis Termoîi jufques à Otranre, efl baignée par le Golfe de Venife. Comme ce pays efl moins arrofé de rivières que les précédens , il efl auffi beaucoup plus chaud , 6c les fruits y viennent plus promptement en une parfaire maturité. Il contient les trois petites Provinces qui fuivenc. t. La Capitanate. On l'appelle aufTi la Province de Lu*9 cera. C'eft un pays fort fec 6c fort fiiblo-neux, mais où l'on nourit beaucoup de bétail. Sa capitale eft Lacera 3 affez bonne ville, & où l'on fait beaucoup de draps. Manfredonia 3 ville bâtie en 1250, par Mainfroi, bâtard de l'Empereur Frédéric II, a un Archevêché , 6c eft fur un Golfe qui porte fon nom, près duquel il y a des falines. Les fuffragans de fon Archevêque font Viefie 3 fur la mer, 6c Troia ; Lefina > fur un lac de même nom j Mont Saint-Ange j fur une petite montagne f Le Royaume de Naples. ■ 5 T 9 qui fait partie du Mont-Gargan. Lés ail-rres villes épifcopales font Termoli fur la mer , au nord de cette Province ; Drago-nara , Vulturara 3 San-Seviero y Bovino Ôz AfcoR } Principauté \ Salpé 3 qui n'eft recommandable que par fes falines. Les Ifles de Trcmhi , au voiflnage de cette Province , dans le Golfe de Venife , font feu conlidérables. 1. La Terre de Barl. Certe Province efl bornée au nord par le Golfe de Venife : elle efl fertile en bled , en faflran tk en fruits ; mais les tarentules de ce pays font les plus dange-reufes de toute l'Italie. Sa capitale eft Ban j ville archiépifcopale , avec le titre de Duché. Elle ell paflablement forte , affez marchande , tk renommée par la dévotion qu'on y a pour S. Nicolas, Evêque de Myre , dont cerre ville pbfîede le corps qui y fut tranfporté d'Àfie en 1087* Son Archevêque a pour fuffragans les Evêques de : Bironto. Lavello. Giovenazzo. Mol fera 3 exempt, Ruvo. Monopolijexempt. Converfano. Cararo , en Dal- ■Minorbino. matie , fous la Bitetro. domination de Polignano. Venife. J.io Méthode de Géographie. Trani A autre ville archiépifcopale mf la mer , n'a que deux fuffragans , Bifeglie ôc Andria. L'Archevêque de Nazareth , qui réfide à B'ariette dans la même Province, n'a point de fuffragans. Canofa eft fur l'Ofanto. Bitonto , célèbre par la défaite des Allemans , qui furent battus dans fon voifînage par les Efpagnols , commandés par le Marquis de Montemar , en 1734. G ravina Duché Ôc Evêché, efl delà même Province. Andria efl renommé pour fes vafes de terre. Minorhino efl auffi épifcopale. Cellamare , Principauté. 3. La Terre d'Otrantc. C'eft la Province la plus orientale de tout le Royaume : on la nomme aulli Province de Èecce. Ses laines font eftimées, ôc elle abonde en amandes, en huiles &c en figues y mais eft forr fujette au tonerre. Otrante j ville arch i épifcopale , avec un affez bon port fur le Golfe de Venife. C'eft le grand paffage du Royaume de Naples dans la Grèce. Tarente , eft une ville archiépifcopale , ôc Principauté fur un Golfe de même nom} elle fournitbeau-coup de laines très-fines. L'illullre Maifon de la 1 remouille a des prétentions fur cette Principauté. Les fuffragans de l'Archevêque d'O-' trame , font les Evêques de : Le Royaume de Naples. 521 Caftro. Lecce. Gallipoli. Aleffano. Ugento. Nardo , exempt. L'Archevêque de Tarente en a trois j favoir ceux de : Mottola. Cafteilaneta. Oria. L'Archevêque de Bandes n'a qu OJluni pour fuffragant. Lecce, affez bonne ville épifcopale , de la capitale de la Province , eft la réfîdence du Gouverneur, & d'une Audience royale.. Brlndcs 3 Archevêché, avec trois Châteaux , avoit autrefois un port fur le Golfe de Venife 5 mais il eft maintenant bouché. Gallipoli eft une ville très-forte, entre Tarente Xacca , ôc Monte Virgine. Dans les terres on trouve Cafiel de Greci, Calatrifi > Entella > Les Ifles d'Italie. 529 Entella 3 Giuliana Se Cannicatini. On peut remarquer aufli près de Tra-pano , les petites Ifles Favagnana 3 Marc timo Se Lévenfo. Il Y en a encore quel-ques autres, mais de peu de conféquence. 11. Vallée de Démona. Elle occupe le nord-eft de la Sicile , où fe trouve Mejfine, fur le Fare ou Détroit qui porre fon nom. On la confidere quelquefois comme la capirale de la Sicile , quoiqu'elle n'ait que le fécond rang. Cette ville eft: grande j belle , riche , marchande , 6V a un des meilleurs ports de toute la Méditerranée. Son trafic , qui eft extrêmement confidérable , confifte en foie> en fouftre , en crème de tartre , 6c en grains : la franchife de fon port en a augmenté le commerce. Mefline eft le fiége d'un Archevêque , qui a pouf fuffragans les Evêques de Céfalu 3 de Paul 6c de Lipa-ri : ce dernier eft dans une des petites Ifles qui font au nord. Catania au midi, ville avec Evêché , fuffragant de Montréal , eft prefque toure ruinée par divers embrâfemens du mont Gibel , qui eft dans fon voifinage , 6c d'où eft venu le nom de Vallée de Démona. On trouve au n°td , près de la mer , Céfalu 6c Patti ^ vdles épifcopales j Mila^o3 avec un port ; Fer mini 3 Tofafor ôc S an-Marco ; Se dans Tome VI. Z 530 Méthode de Géographie. les terres, AjineUp j Mijlretta 3 Mente- jilfrano ëc Francavilla. III. Vallée de Koto. Cette Vallée , qui eft au fud-eft de la Sicile , porte le nom de Noto la capitale, grande ôc belle ville , fituée à quatre ou cinq lieues de la mer, vers le cap Paffaro. Slracuje , près la mer , étoit autrefois la principale ville deSicile,& la capitale d'une allez puiiïanre République ; c'eft peu de chofe aujourd'hui ? fur-tout depuis que les embrâfemens du mont Gibel l'ont prefque réduite en cendres. Son Evêque eft fuffragant de Montréal. Augujla j qui n'a été çuères moins incommodée des flammes de ce terrible volcan , a un allez bon porr. On peut remarquer encore > Pia-çça j Tano } Mar^a Cajlel-Re-Joan-ni j Mungelino , Leontini Calatagirone 3 Tctranuova ÔC Camarana,. Les IJles de Lipari. Elles font vers le nord , ôc dépendent 4e la Sicile. On en compte neuf j mais il n'y en a que fept de remarquables. Ce font, Lipari j Stromboli y Palmarid j V^" cano j Ericufa , Sa uni &c Parerotto. L'Ifle de Lipari a la petite ville de Z'" pari, avec un Evêché 3 ôc un allez bon Les If es d'Italie. 531 château. Barberoufte , Général de l'armée navale des Turcs , la prit en t 544 , & la ruina en entier j mais depuis elle a été âflez bien rétablie. Les autres Ifles n'ont rien de remarquable , ik font même peu habitées. Il y a dans ces Ifles quelques volcans. L'on tire beaucoup de fouftre de relie de Volcano 3 qui cil déferre. ARTICLE II. LA SARDAIGNE. Cartes. M. S ans on a donné une Carte des Ifles de Sardaigne & de Corfe. On en a de plus nouvelles de la première feule 3 par Roman & par le Sieur le Rouge. L'Isle de Sardaigne , qui a le titre de Royaume , appartient aujourd'hui au Duc de Savoye y par échange fait en 1710 pour la Sicile qu'il poflédoit auparavant, en vertufcdu traité d'Utrecht. Ce Prinêe n'eft même déligné maintenant que fous le nom de Roi de Sardaigne. Elle eft fituée entre les 37 ik 41 dégrés de latitude, & s'étend du nord au fud. Elle a 80 lieues long, environ 4 5 de large de l'eft a Z ij 531 Méthode de Géographie. l'oueft, Se plus de 210 lieues de tour. Le Viceroi fait fa réfîdence à Cagliari > capitale de cette Ifle. Le climat de la Sardaigne ne fauroit être plus heureux. Comme elle efl: placée dans une égale diftance de l'Afrique ôc de la jFrance , les chaleurs que produifenr les vents du midi , s'y trouvent tempérées par ceux qui viennent du côté du nord , de forte que l'été , ni l'hiver ne s'y font jamais fentir d'une manière incommode. La partie qui eft du côté de l'Afrique , préfente à la vue de vaftes plaines , qui par leur ferrilité, fonr très-utiles à ceux qui les cultivent. A l'égard de celle qui fait face à l'Italie , elle frappe les ieux par de hautes monragnes , ôc par des rochers efcarpés, qui forment un payfage agréable. Ce qu'il y a d'admirable , eft que la plus grande partie de ces montagnes font fi fertiles , qu'on y voit des vignes Se des terres labourables , donr les moins cultivées fervent de pâturages à une u grande quantité de bétail, que Don Fran-eifeo de Vico affure qu'on y a compté juf-îju a un million Se fix cens mire brebis. Elles forment de grandes vallées couronnées de bois de haute futaye , Se parfe-mécs de fleurs , d'herbes odoriférantes, de fruits délicieux , Se entrecoupées de fuiffèaux Se de fontaines jailliflantes, Les IJIes d'Italie. j*^ La mer qui baigne fes côtes , fournit toutes fortes de poiffons. On y fait un commerce rrès-conhdérable de lin , de fromage, de laines, de miel; Se la chalfe des bu H es , des cerfs, & de plufieurs autres animaux , porte un revenu confidérable aux habitans. Les peuples y font bien faits > ont les manières douces , honnêtes , Se font allez blancs, robuites , vigilans 6c appliqués. Quant aux mœurs , ils tiennent en partie des Italiens, 6c en partie des Efpagnols , quoiqu'au fond ils ne foient pas lî rafinés que les premiers j ni fi naturels que les derniers. Cette Ifle a trois Archevêchés , qui font ceux de Cagliari, de Sajjdri 6c d'Qri/ia? gni. Le premier , qui prend le nom de Primat de Sardaigne Se de Corfe , n'a qu'un fuffragant, favoir l'Evêque de Villa d'iglejias. Saflari a pour fuffragans Algc-ri j Bo^a 6c Cafiel Aragonefe. Oriifagni n'en a qu'un \ favoir , Aies. La Sardaigne fe divife en Cap Lugodo-ri j vers le feptentrion , 6c en Cap Cagliari j vers le midi. I. Le Cap Lugodori a pour capitale Safari, ville affez grande 6c archiépifeo-pale,} Cajlel-Aragonefe , ville alfez bien1 fortifiée , avec un Evêché 6c un port y Algeri &c Bo%a j Evêchés. 554 Méthode de Géographie. 11. Le Cap Cagliari, a pour capitale Cagliari qui l'eft aufti de toute l'Ifle. Cette ville limée fur un golfe de même nom , eft bien peuplée , paffablcment grande , ôc le féjour du Vice-Roi. Il y a un Archevêché , ôc on y fait un allez bon commerce. Orijlagni 9 avec Archevêché , eft mal peuplée. Villa-dé Iglejîas eft bien fortifiée , Ôc eft le fiége d'un Evêque. Ifles voifines de la Sardaigne. Autour de l'Ifle de Sardaigne , qui eft la principale de celles qui compofent le Royaume de ce nom , on en voit encore plus de 40 petites j mais elles fonr de peu de conféquence , à l'exception des fui vantes , qui peuvent mériter quelque attention. Celle qu'on appelle Afcnaria ou Afi-fiara , eft la plus riche ôc la plus habitée. Elle eft fituée au nord de la Sardaigne , ôc appartient à la ville de Saflari. Elle a dix lieues de tour, Ôc eft défendue par quatre grolfes tours , bien munies d'artillerie. Ses montagnes font pleines de fangliers,. de cerfs , de bufles ÔC de faucons fort efti; mes j ce qui fit que Don Pedro , Ro* d'Aragon , changea le nom du Cap Go*' dirain de Sardaigne , qui eft dans cette Ifle , en celui de Mont-Faucon. Près du port de Terra-Nova , entre le levant ôc le nord, on voit une autre Ifle ? Les Ifles d'Italie. 535 qu'on appelle Saint-Datnafe j Buciana j ou Paufania. Elle a quatre lieues de circuit; elle efl; remplie de montagnes 3 parmi lefquelles il y en a une fi haute , qu'el-le eft le premier objet qui frape les ieux. des Navigareurs, qui vont d'Italie en Sardaigne. C'eft-là que le Pape. Poncicn fut exilé , & où il mourut en odeur de fain-teté, l'an z 3 5. On en voit une troifiéme appellée l'Ifle Mœliaoldes par Ptolémée , Enofina j par Pline , Ôc Plombée , par quelques autres ; mais plus communément Ifle de Sant-An-tiogo. Les premiers noms qui lui furent donnes par les anciens, font allufion à la quantité de mines de plomb qu'on y trouve , ôc le dernier s'attribue à un Saint de ce nom , qui y mourut en exil. Dans un endroit de cette Ifle , on apperçoit des ruines d'antiquité ; favoir , les relies des murailles de l'ancienne ville de Sulcis y ôc une partie cle la fuperbe Eglife de S. Antiogo. Elle "a environ neuf lieues de tout. Non loin de cette Iile en eft une autre qu'on appelle l'ïfle de Saint-Pierre j nom qui lui fut donné à caufe d'une fomptueu-fe Eglife confier ée au Prince des Apodes , au lieu de celui des Adores > qu'elle avoir anciennement , par allufion à la glande quantité de ces oi féaux qu'elle Z iv 5 3 cT Méthode de Géographie. produifoit. Elle a fept lieues de tour , ÔC un port capable de contenir une nom-breufe armée navale. Il a beaucoup de fond , un bon mouillage , & il eft très-fûr. Les autres Ifles , au nombre de 40 , fonr petites tk peu confidérables. La plupart ont beaucoup de bois ôc de gibier, ôc font fertiles 3 fans compter la pêche des Tons tk du Corail, qu'on fait fur leurs rivages. ARTICLE III. V I S L E DE CORSE. Cartes. Une Carte effentlelle de cette Ifle j parfaitement bien détaillée 3 a été publiée en irjjS , par M. Jaillot ; c'efi une pie* ce originale copiée fur celle même de la-République de Gènes. M. robert en a publié une autre d'après une Carte mà-nufcrlte de M. de Maillebois 3 Commandant des troupes Franco Ifes en Corfe* î /Islz de Corfe eft éloignée de Gènes d'environ 34 lieues j ôc n'eft féparée de la Sardaigne vers le midi, que par un de- Les IJles d'Italie. 537 rroit de huit mille pas de large , appelié les Bouches de Bonijace. L'air y eft alfez groftier \ le terroir fabloneux ôc mêlé de rochers ; les peuples hrufques , incivils , fainéans , adonnés au larcin , ôc les plus vindicatifs qu'il y ait au monde. Ce peuple s'eft pluiieurs fois révolté contre les maîtres , & en a roujours été la victime > comme il arrive dans les féditions. La dernière émotion dure depuis pluiieurs années parmi les habitans des montagnes , ôc la paix n'eft entretenue dans l'Ifle que par les troupes du Roi de France , dont la République de Gènes a imploré l'aflîftan-ce. Ce qu'il y a de meilleur dans cette Iile , font les vins , les huiles , les figues , les chevaux, ôc le corail qu'on y pêche vers les côtes de San-Bonifacio. Les Génois qui font maîtres de la Corfe , y envoient un Gouverneur , qui fait fa réfidence à. Bajlia. Prefque au milieu de l'Ifle eft le mont Gradaccio , fur le haut duquel font deux lacs. Du premier nommé le Lac Cre'no 3 l'on prétend que fortent deux rivières qui ont leur cours oppofé. L'une nommée l'a-v/gnano j coule à l'eft , ôc va tomber dans la mer au-deffous d'Aléria ; au lieu que I aurre rivière appellée Liamone , va du coté de l'oueft , Ôc entre dans la mer au Golfe de Sagona. L'autre lac eft celui 52IÎ Méthode de Géographie. d'I/fo j où le Guolo prend fa fource :'if a fon cours au nord-eft Se tombe dans la-mer , quelque peu'au-deffous de Mariana. Il y a en Corfe cinq Evêchés, favoir ceux d'Aleria,, Sagona 3 Aja%$io , qui dépendent de l'Archevêché de Pife , en Tofcane y Mariana tk Nebbio font fuffragans; de Gènes. Toute rifle fe divife en dix Jurifdic-tions Se quatre Fiefs yûx de ces Jurifdic-rions Se trois Fiefs font dans la partie fep-tentrionale en-deçà des Monts*, Se les quatre autres JurifdicFions tk un Fief, fonr dans la parrie méridionale au-delà des Monts. On y compte environ cent feize mille aines. La partie feptentrionale' renferme la Jurifdiction de Capo-Corfo3 prefque toute environéede la mer, Se qui n'a de remarquable que Rolliani dans les rerres , Se Alifip fur la mer. Au fud de Capo-Cor-fo , font les trois Fiefs ; favoir , ceux de Canara de Brando Se de Nonra , qui tirent leur nom de leurs principaux endroits. La féconde Jurifdiction eft celle de Balagna , au nord-oueft de l'Ifle , dont le lieu le plus remarquable eft Âlgagliolo-fur la mer, Se Balagna. La troifiéme Ju^-rifdiction eft celle de Calvi , où fout les villes de Calvi Se Giralatte 3 avec un" petit golfe & un mouillage. A l'eft de Les Ifles d'Italie. deux dernières Ju ri (diction s , eft k quatrième celle de Baflia ôc de Nebbio. C'eft la plus étendue de cette Ifle, 6c elle a pour villes remarquables Baflia j avec une citadelle 6c un allez bon port, qui eft la capitale de la partie feptentrionale , 6c la réfidence du Gouverneur. Mariana au fud de Baflia, eft ruinée , 6c fon Evêque. réfîde dans la ville capitale. San-Fioren^o fur un Golfe, eft à l'oueft de Baftia. Nebbio eft un Evêché. Carte j qui donne le nom à la cinquième Jurifdicfion , eft prefque au milieu de l'Ifle. La fïxiéme , qui' eft celle d'Aîcria ,- a pour ville Alerta 3 qui eft de peu de conféquence , mais le fiége d'un Evêque. La partie méridionale , ou au-delà les Monts , n'a que quatre Juïifdiétions 6c un Fief. Ainfi en allant de l'oueft à l'eft , on rrbUve la feptiéme Jurifdiction ; c'eft celle de Vico , dont Sagona eft la ville principale , avec un Evêché. La huitième Jurifdiction eft de la ville à'Aja^b^ où eft un château fur la mer , un goife 6c un mouillage alfez bon , qui peut tenir lieu de port, 6c un Evêque. L'a neuvième; JurifdicLion , qui eft celle de Porto l ekhjQU de Bonifacioj s'érendde l'eft au fud tout le long de la mer : elle ira de i quable que Porto Vecchio 3 avec un golfe. Bonifa-cio eft entièrement au fud ; Z vj 54© Méthode de Géographie, port eft défendu par un château. La dixième Jurifdiction, qui eft celle de Sar-tena 3 eft au nord-oueft de Bonifacio , 6c tire fon nom de fon principal endroir. Enfin le feul fief de cette partie eft celui délftria. L'Ifle Capraia > ainfi nommée à caufe de la quantité de chèvres qu'il y a, eft une dépendance de la Corfe. Elle eft fituée entre le Cap Corfo &z la Tofcane, & n'a rien de confidérable. ARTICLE IV. V I S L E DE M A LT H E. Cartes. La meilleure Carte de l'Ifle de Malthe eft celle du Sieur Palmeus publiée à Paris en IJS7> H a &uJft- donné un beau Plan de la Cité Valette j &c. Cette Ifle eft ordinairement attribuée à l'Afrique , parce qu'elle eft plus proche de fon continent que de celui de l'Europe , & que le langage des Malthois a beaucoup de rapport avec celui des Africains. Cependanr la liaifon qu'elle a avec l'Europe , & l'hommage qu'elle rend au Roi Les Ijles d'Italie. 541 de Sicile , dont elle eft un fief, font qu'on la met aujourd'hui dans la partie de la terre que nous habitons. Depuis l'an 1090 , l'Ifle de Malthe a eu les mêmes Souverains que la Sicile \ mais depuis plus de 200 ans, elle eft au pouvoir de l'Ordre de S. Jean de Jérufalem. Cet Ordre très-fameux, eft compofé de fept Langues , qui font celles de Provence , d'Auvergne , de France , d'Italie , d'Aragon , d'Allemagne 6c de Caftille. Avant la prétendue Réformation , il y avoit une huitième Langue , qui étoit celle d'Angleterre. Le chef de cet Ordre eft le Grand-Maître, à qui on donne le titre d'Eminence , de même qu'aux Cardinaux , 6c celui d'Altelfe 3 comme Prince fouverain. L'Ifle de Malthe a douze lieues du nord-oueft au fud-eft , 6c flx feulement de l'oueft à l'eft. Son terroir eft fec 6c ftérile, ayant beaucoup de rochers, Ôc cependant il nourit des vignes , dont on fait d'excellent vin mufcat , ôc les fruits qu'on y cultive font meilleurs que par-tout ailleurs. On y nourir beaucoup de chèvres 6c de moutons qui ont un gout excellent. Quant au bled, on le fait venir de la Sicile à très-bon marché. La chaleur feroit excefiive aufli - bien la nuit que le jour , Ci elle n'étoit tempérée 54^ Méthode de Géographie. par les vents de l'après-midi. On y compte environ quatre-vingt-dix mille habitans , qui font à peu de choies près du même tempérament que les Siciliens. Le peuple y parle une efpece d'arabe j, mais les gens diltingués ne fe fervent que de la langue italienne. Je ne comprends paS dans les habitans , les Chevaliers qui s'y rendent de routes les parties de l'Europe chrétienne ; je n'y comprens pas aulli les Ecciéhaitiqties , non plus que les OtJ liciers de l'inquilition. Cet Ordre de Chevaliers fur inftitué l'an: 1113 , euviron dix-huit ans après l'entreprife de la première Croifade: Comme il ar'rivoit de toutes parrs beaucoup de Pèlerins d Jérufalem , pour y viliter les Saints Lieux ; car c'étoit la dévotion- du temps , quelques Gentilshommes , fous la direction du Bienheureux Gérard de Martigue en Provence , s'alfo-1 ciérent pour recevoir Se protéger ces dévots Pèlerins , Se prirent le nom de Chevaliers de S. Jean de Jérufalem. Ils firent quelque temps après le vœu de faire une guerre continuelle aux infidèles Maho-itiérans. Les Sarafins s'étant emparé de Jérufalem en 1187, *e n°uvel Ordre le réfugia d Margat en Phénicie , puis a Pto1 jema'f.ie ou S. Jean d'Acre , jufqn'c-n 129 i que cette ville vint auffi au pouvo'.ï Les IJles d'Italie. 545 des Sarafins. De-là les Chevaliers fe retirèrent dans l'Ifle de Chypre , à Limiffo, où ils refterent dix-huit ans \ mais en 1309 ils firent la conquête de l'Ifle de Rhodes. Depuis ce temps on'les appelîtv les Chevaliers de Rhodes ; ils conlèrve-rent ce nom jufqu'en 1522, que Soliman I> Empereur des Turcs leur enleva certe ville , après un fiége très-rude. Les Chevaliers pafferent enfuite en Candie , puis1 en Sicile , Se enfin à Viterbe en Italie , où le Pape leur donna une retraite. Mais en 1530 l'Empereur Charle-Quinr. leur fir don de l'Ifle de Malthe , comme fief de la Sicile , dont il étoit Roi j Se depuis ce temps-là cet Ordre efl: connu fous le nom que porte le Chef-lieu de fon habitation principale. Cette Ifle a été habitée dès fes anciens temps. Des inferiptions phéniciennes Se grecques qu'on y découvre, témoignent que les Tyriens l'ont autrefois occupée. Elle pafla dans la fuite fous la domination des Romains , comme le montrent des inferiptions que ippn y déterre journellement. Dans la décadence de l'Empire de Conftantinople , les Sarafins ou Arabes s'en rendirent maîtres ; Se leur langue s'y conferve encore aujourd'hui , du moins dans la campagne. Une chofe fingulieré à cet fe Ifle , eft que les ferpens Se les vi*- 544 Méthode de Géographie. pères n'y font pas dangereuses. Les fer-pens même qu'on y porte de Sicile , quelque venimeux qu'ils foient , y perdent leur venin en peu de temps. Il n'en étoit pas ainfi autrefois , puifque S. Paul ayant été mordu d'une vipère , tous les habitans crurent qu'il en alloit mourir. L'Ifle de Malthe produit beaucoup de faucons ; 6c le Grand-Maîrre en faifoit préfenter tous les ans un au Viceroi de Sicile : mais aujourd'hui cela fe fait au Roi même , pour lui rendre hommage de l'Ifle f|ue les Chevaliers tiennent en fief de la Sicile. La capitale de l'Ifle eft la Valette 3 qui tire ce nom de fon fondateur, Jean de la Valette Parifot, Languedocien , dix-neu-viénie Grand-Maître , mort en 1568. Cette ville , la mieux fortifiée de l'Europe , 6c peut-être de l'univers , eft fur un rocher à l'orient de cette Ifle. Il y a un Evêché , 6c le plus bel Hôpital de l'Europe. Cette ville eft célèbre par la vigou-reufe réfiftance qu'elle fit contre les Turcs, qui l'affiégerent en 1 ^ , 6c qui furent obligés de fe retirer. Le Fort Saint- Elme , qui défend le port, eft fituc à l'extrémité du rocher où eft la ville. Le Palais du Grand-Maître 6c l'Arfenal font de magnifiques édifices. Comme l'Ordre de Saint-Jean ou de Malthe eft fournis au Les Ijles d'Italie. 545 Pape , comme à Ton proreéteur, les fou-verains Pontifes y ont fait établir un tri* bunal de llnquifition. A une petite diftance , vis-à-vis la Valette, fe trouve la Ville Manuel^ bâtie par Don Antoine Manuel Villena , Portugais, foixante-fîxiéme Grand-Maîrre , mort le 12 Décembre 1736". Cette nouvelle ville commence à. être bien peuplée. On trouve auffi le Fort Sant-Jngelo , qui n'eft féparé de la Valette que par une partie du fort ; ôc de l'autre côté , dans une Ifle , on voit un fort qui eft appelle Marça Mufcietto. A quelque diftance de la Valette, les Grands-Maîtres ont fait bâtir un Palais nommé Bojquctto , où ils vont paffer la belle fai-fon de l'année. A peu de diftance , 6c au centre de l'Ifle , eft la ville de Malthe nommée la Cite j ou la Ville notable j ÔC aullî Civita Vecchia ôc Médina : c'eft une place très-forte , ôc la réfidence d'un Evêque , fuffragant de Palerme en Sicile. ■" 11 s'en eft peu fallu que cette Ifle, qui eft le boulevard de la Religion ôc de l'Italie , ne foit tombée au pouvoir des Turcs, en 1749 , par la fatale confpira-tion ménagée ôc tramée par Muftapha, Bâcha de Rhodes , qui étoit alors détenu captif. Voici la fuite qu'elle a eue. Le Bâcha de Rhodes fut conduit en captivité à Malthe au mois de Février 1748. Le 54 Augufta, 530 Aulot, 57 Aups, 185 Avciro, 1*7 Averne , lac 3 $11 Averfa, 510 Avila, 14.4° Aviles , 10 Avis, 176 Avife, ii8 Ayamontc, 138 Ayguebçlle, i88!, 190, 15? 3 Aytoiia, 58 L E Ayvar, _ja Azorcs , ( ifles des ) v* S. Pierre. B. B aça, iS4 Badajos, 14,130. Badalona , 5 6 Baeza, 139 Bagnaréa, 418 Bagos , 57 Bagu , 54 Balagna , 5 3 S Balaguer , 5 8 Balbaftro , 14 , 49 Baléares, ijlcs, 154 Barberino, 465 Barca, 163 Barcelone, 13,15, 54 Barcclos, 164 Barcos, 166 Bard, 118 Bardi, 345 Bardonnanchc, 118 Bardos, 168 Bari, 199,5*9 Barlcttc , 510 Bafcara, 54 Bafelu, j4 Baffano, 315 Baftia, 355 , 539 Bataglia , 2,81 Baume (la) 183 Bayes , 50? Bayonne , l9 Beaufort, l83 Beauges > Bcaugcs, Bcga , , Bcira , Beja, Béjar , Belem , Bcllunefc , Bclluno , Bel m on te , Belotta , Belriguardo Bclver, Bcnavarri, Benavcntc » Bcne , Bénevent, ALPHABETIQUE 188 Bogtio 171 199 Rcndvoglio , Bérello, c Berga , Bergame, . Bcrgamafc , Beftagno, Bctancos, Beuil, Bcvi laqua, Bibiano , Bicoca, ou la Bicoque, Biéle, ou Biclla 35 166 177 4i > 17; J-*J 175 JJï 416" 51 4? i-T-J ho 5*4 4*7 556 57 167 *J3 18 181 466 Biclfa, Bilbao*, Bifcaye , Bifcglic, Bilïgnano , Bitonto, Blancs , Bobbio , zo Boége, Tome VI. 119 49 M- 513 510 54 *Î7 18S 4if 4itf, 417 *4 519 itt l9} iSS 417 138. 187, 191 187 , v. Beuil. Bologne , i99 , 416 & fuiv. Bolonois , Boifena , Bonifaça, Bonilacio, Bonne, Bonne val , Bonneville Borglictto, Borgo-Fornari -Maneio ijj.-d'Of-ma, 3 8.—S. Dalmas^ xio. — S. Donino t 351, —. S. Sépolcro„ 465.-di Seiïa , 13 5 —r- di Taro , 345 B0rja, 4% Bcflco, z$6 BofquectO » 545 Bouches de Boniface, J37 Bourget, Boya, Bovino , Boyano, Boza , Bozolo , Bozzolo, Bracciano, Braga , v. Braguc Bragancc, Braguc, 161 . Brancalcone, Brando, Branzi , Brcndola, A a 190 5U 519 535 x6o 353 416 16 S 164 5-4 538 167 17<£ H» TA B L E Brciio', . 168 Citérieure t 52,1.— Brelcia , v. BreiTc. Ultérieure, 51J Breton , 16% Calaf, 58 Brei'fe, z68 Cajahora, 14, 38 Briançonnet, 191 Calaroga, 38 Brindcs, 199, 511 Calatagironnç, 530 Briones, 41 Calataiud, 48 Brondolo, ijle > 184, Çaintrava, 119 Calarriiî, ji8 Brugneto, 341 Caldreita, 30 Buciana, v. S. Damafe. Calepino, 167 Budrio, 427 Calvi, 510,538 Buen Retiro , 7 y Calzada , ( la j 4f Bugey , ij,o Camaldoli, 46^ Buondeno , 416 Camarana, 530 Burgos, 13 , 14, 31, Camarfa, 58 31 Camerino , 4x1 Buronzo, 119 Caminha, 163 Buiïeto , 352. Gamilano, z7* Buytrago, 66 Camogli , 341 Campagna, 513 £ Campagnaiico, 481 Campagne heurcufe , C4?5 abecas , 165 Campagne de Rome, Cabezafeca 3 175 3 ^1 Cacerez , 130 Campiano, 345 Caclidpos , 174 Campiglia , 474 Cadacjues , . 53 Campignano, 4r8 Cadix ,14,1356* fuiv. Campo-Major , 17^ Cadorin, 316" Campo-Morto, Cacs , /jîf, 178 Campoli, $l7 Cafta, 330 Cajnpredon, 57 Cafra, 130 Canara, 5 3* Csgli, 413 Canarie, *4 C jliari, 199, 534 Canavez, %xl Cal'io, 133 Qandela , W Caiazzo, 510 Cangiano , 51* Ca ibie , ( la ) $11. -~ Cannicatini, 5** ALPHABETIQUE. Canobio, 134 Canofa, 510 Canoffa , 356" Cantazaro, 513 Caorle , ifle 3 184 ,185 Cap Cagliari, ;34- — Lugodori, 533 Capaccio-Nuovo, 513 Capicanatc , ( la ) Capo-Corfo ,538 d'Iftria , Capoue, ;i8 Capraia 199 ifle, Capri , Carchcre „ Carda, Cardonne, Cariati, Carignan, Carignola, Carmagnole , Carmignano , Carmona , . Carpi, Carrera, Carrczan© , Carrion-dcl-Conde, zi Cartama, i4z Carthagcne, 14, 64 Cafa-del-Campo, 65, 317 , 508 33o , 540 511 413 5» 118 510 218 466 *s* 356 3 57 x33 Cafa Santa, Cafal, zoi, Cafal Maggiore, Cafcaes, Cafc-Nove, Caferta , Cafole, 78 z6 H* 175 3*4 510 474 55* Cafpe , 4 3 CaJlano, 143 Calfellato, 137 Caftel-Aragonèfe, ; 3 3. - Blaiico, 168.—Farnèfe, 417. —Franco, 4x7.-Franco, 466* Gandolphe, 364.-de Greci, 518. — Gucl- fo, 344.-à Mare, ji 1. —Novo, 137,. -Nuovo , 3z6. -Nuovo de Carfa- gnano, 355.-Re- Joanm, 530. — Ro- 166 Z5i 54 466 54 AgOL- à Ma- drigo Caftelazzo , Caftelfoilitz, Caftellino , Caftelio , Caftello , 3 z j dino, 325. re délia Bruca, j 1 5 « -■ à Mare en Sicile* jz8. -di Ponte, 32-5 Cafliglione, z6o.-1 486.-délie Gard, 427. —— di Laco , 418: Caftille nouvelle , 65. -vieille , 31 Cafhllejo, 167 Caftro , 417.-d'Ar- co, 166.--Marin, 178.-> de Orccgal, 19.-de Rei, 19 Caftropol, 20 Catalogne, ; 0 ff* TAj Catania, 518, 519 Cava , 513 Cavaglia, ny Cavalier - Maggiore , Cavarillas , 30 Ccrala , > 518 Céfalu, £19 Célano , , 517 Cellamarc, . 520 Céncda, 315 Ccms, mont. 206" Cenfenighc , J i J Cerca, 17° Ccrenza o^fl-f & £c<«« , 511 , 512.. . 1-Calabre ,513 Ccriolo , 136,137 Cerifoles, 117 Certofa, 155 Cervcra, 5 3 Cervera, 5* Cervia , 414 Ccfçna, 4-4 Ceve, no Chablais , 1S 5 Chamberri , 188 C; h ambrai, 548 Chambré ,(/*-) 193 Chammuni , ou Cha-moni , 187,188, Charbonnière, 15) 3 Charouflc, J»7 Château - Dauphin , iit. — de Salanovc, 184. — de Valence, jg. — Vieux, 183 Châtcaufort , 190 Châtillon, 187 L E Châtillon t ni Chaumont, 183 Chavannes, 1&6 Chaves , i6S Cherafco 3 119 Chiari , 169 Chiavari , 34* Chieri, v- Quiers. Chieti , 199 3 Ji? Chiofa, tjlc, 184,185 Chivas, 105 Chiufa , (fa) 169 Chiulï, 481 Cintra , 169 Cinzano , 231 Ciimone, 3l5 Ciftcma , 218 Cifterna, 3*4 Citadella , if5 Citadella , 181 Citrà-Caftellana , 416". -r-deCahello, 412. — di Caftello, 418 -—Muova , 315 > 3^7 Ciudad-di-Friuli, 31*- -Réal, 119--" Rodrigo, 14 , 14 Civita - Barelle , 51?" --di Chieti , v. Chieti.-di Pena , 517. - Vecchia , 416. — v. Mahhe , J4f CivitcIIa , A66 Clcrmont, 1 8 3 Clufe, >8* CliifoD, riv. 119 j 1(7 ALPHABETIQUE. 557 Coçâ , 40 Cotrone, 5H Codogno", 158 Cozzo, x 3 6 Cogoreuo , 3 ? i Crato , i76 Coimbre, 161^ i*7 Crema, Crcmafc, z6Z Col de Grifance, 267 Colalto , m Crémone, x f8 Colle, 475 Créno, lac * 557 Colmenar, 66 Crefcentin, ni Coloredo , 3x6 Crefpcllano , 4l7 Colorno , 544 Crcvecœur, 129 Col timbre , x1 Croara, 169 Comachio, 4M Croililliez, , i 8 3 Corne , 141 Cuença , 13,14 -— lac de Cumbrcs, 1 *o Compoliclie ,13, 14 , Cumino , ifle > 54S Concordia ,3x5 Concordia, Conegliano , Confians, Coni, Conilham , Confetuc , Confuegra, -Conza, Copocs , 199 18 316 357 ÎM x'ti 110 i f>3 181 i 30 514 167 Cordoue ,15,14,138 Coreglia, 486' Coria , 14*4! Cormaggiore, i?-8 Corrieto, 4'7 Corogoc , {la) 13 Corrcgio, 35* Corfe , ijle , 3 3 0 , 5 3 * Corte, 5 39 Cortone, v. Cotrone. Cofcnza, 19? > Sxx Cotogna, 4J3 D, D ARO , riv. 140 Daroca, 43 Démona, vallée, 519 De mont, xix Dénia, 61 De fan a, 1x9 Defenzano, 169 Dignano, 4-1 Diuo;ie, 1S4 Dogado , 1s 3 Dorao d'Olfola, J.J4 Don as , i2-8 Doria , riv. 10} , 105 Dorno, M* Dofolo, 1*0 Douro, riv. 7 Dragonara, 519 Ducro , v. Douro. J5t T AELE JL y k U e , riV. Echelles, (les) 188 , 18? 138 481 6z , 176 466 5? Ecija , Elbe , ijle 3, Elche , Elvas, 1 Etat de l'Eglife, 358 Eugubio , v. Gubio. Evian , 185 . Evora, 161 Evoramontc , Exea, Exillcs , F. 1S6 177 176 49 zi? vbria.no, 421 Faenza, 414 Faiio, 413 Faro , I6T , 178 Faufligni , r86", 187 , 188 Favagnana, ifle, Faverges, 184 Félicitas Julia , v. Lii— bonne. Feltre , 315 Fel trin, 325 Fencltrelles , 219 Fermo, 199 , 420 Ferrarc , 1951 , 425 Ferrarois , 424 Ferrcntino , 3 64 Ferrcyra, 177 Fcrrol, 19 Feudi Imperiali, 238 Ficfoli, 46$ Figueiro dos Vinhos, 169 Figuero , 167 Figuieres, J4 Final, 333 Finale, 355 Finifterrc , cap , 1 3 Fiorenzuola, 351 Firenfuola, 466 Fifcal, 49 Flix, 59 Florence , 199 , 441 & fuiv.. Florentin , 441 Floride, {la) 6 Forano , 419 Forli, 414 Formcntera, ijle > îf4 Formies, 509 Fornovo , 344 Fort des Allinges, 186". -deFucntes, 2.4x. — S. Laurent , v. Torrcs de Bugio. — Sant-Iago , 19.-- Urbano, Fortalela de Salo Foirano , 202 , Fofïombrone , Fourneaux, Fraga , Francavilla, Francolino , Fraffine, Fratta , Frcfcati , Frias de Ebro , Frioul, Fronfïnone, Fucîn , lac, Fucntes, Furfura, ifle, F urine , G. Çyr. a des , Gaéte, Gaillard, Galice, Gallipoli y Gambara, Gandia, Gacrieras, 427 > 59 110 4" 19X 530 4x6 131 41S 3*3 37 3 %6 3*4 517 43 548 18; 135 509 i8; , 186" 17 181 61 1x6" Gattinara, 219 GaiTo, 131 Gavi , 333 Gênes , 199 , 318,331 335 & fuiv. Genève, 181 Genevois , 181 , 183 Gergenti, 518 G ei ri, 58 Gibcl, volcan , 196" , Gibraltar, 138 Gijon, 20 Giralatte , jT 3 S Gironne , 15 , 5 3 Giftau, 49 Giuliana, 519 Goito , if>o Gorzcgno , 133 Gozzo , ijle , S\ 8 Graciofa , 165 Gradaccio, mont. 537 Gradara , 4x3 Grado , ifle, 284 Gragnon, 42 Granda-Lerma, 3 8 G ravina, 510 Grenade ,13,14,15, 139, 141 & fuiv. Grondoné, 351 Grofieto, 481 Guadalaviar, riv. 8 Guadalaxara, #f Guadalcanal , 130 Guadnloupe, 130 Guadalquivir, riv. 7 Guadiana , riv. 7 Guadix, 14, 154 Guarda, 161 jéa TABLÉ Guarda, 167 Ino , lac , 538 Guarda, 169 Iron , z6 Guarda , lac 3 Ifchia , 5" Guardamar, 6z Iféo , 16% Guardia Alfcres, Iféo, lac , ifcrnia, Ifolella, z6j Guardo, i6i 518 Guarriguela, 54 z6 9 Guaftalla > i5o Iftria, 540 Guaftalla, 3 51 Iftric , 3M Gubio, 411 , 4M Italie , 194 Gucdi , 169 Ivréc, zoz , ZZ1 Gucfcar, v. Hucfcar. Guette, i%9 J. Guia, 355 Guillaume, zz6 J Guimaraens , 16) J ACA , H y 49 Guipufcoa , M Jaen , 14, M? Guolo, riv. 538 Joncjuiercs, 55 H. Haro, 4* Haurecombe , 190 Hcraclée , v. Porticb Kermance , . 186 Huclgas , (las) $6 Huci ca , 14 , 49 Hucfcar, 154 Hijar , 43 Hofpitalet, 57 I. Idanha-VhlHa , r^8. -Nova, Ibid. Idro, 168 Imol.i , 414 Iiiicfta, IZ9 L. Ljabadia , 36"4 Iagos, 167 Lagos, *î79 Lamcgo, 161, 166 Lampédofa , ijle, y48 Lanciano, 199 Lanciano, 517 Langhes, (les) 23 3 Langin, 18e Lannebourg, 193 Lantofca, Lara, 37 Larcdo , 1$ Lariuo , 3-18 Larraga , 30 Laumelîinc, 236' Laumcllo, 13* ALPHAB Lavagna, 34I Lavello, 5 ZZ Lavenfa, 357 Lebrka , 138 Lecce , cio , 511 Lecco , 141 Ledefraa, Lcgnano, Lciria , 2.70 I 6" 41 ÏTIQ UE. 5*i LoiiTci, 190 Lonato , Z6"8 Lonigo , x76 Lorca, *5 Loreda, Loredo , 183 184 Loredo , z8j Loréo, v. Loredo. Lorette, 4x0 I.ovcro , Z67 Loyola , 15 Loxa , 1 5 î Lu , 131 Lucéda, z3z Luccna, 138 Lucera, 5ï8 Lucques , 481, Lugo, 14 > 19 Luzerne, 11? Èuzzara , 35* M. ^Îacastorna, zy8 Macerata, 410 Macerata , 4z j Madrid, 66 & fuiv. Magliano , 41? Majorque , 1 $ , r |4 Majeur, (lac) i?f Malaga, 14, 141 Malagon , ijo Malamocco, ijle , z8 4 Malgrat, 54 Malpaga, x6j Malthe , ijle , 540. -ville , ;4; Mançanarez , riv. 66, Aa v y*i •' TA J Manccres,. xo Maucha, ( la ) 129 M&fredonia, 199 Manfrcdonia,, 518 Manrcfe , 57 Mantoue, 259, itfi 6" fuiv. Marais Pontins , 364 Maran, 31e Marano, 316" Marbclla, 142. Marclic d'Ancone, 419. ■-Trcvifane, 314 Marc~timo, ifle., 529 M arc m ma , 481 Marghcra, z8j Margozzo, 134 Mariana, 539 Mariano,. 241 Marignan , 243 Marmiruolo, 260 Maroftica, 276 Marro, 2,27 Marfaglia, ou la Mar- faille „ 218 Marfalla , 518 Maffico-Nuovo , 513. -Vétere , 522 Marifma, (la) 138 Marra, 417 Martinengo , 267 Martorcl ,. 3-7 Marza , 530 Marza - Mufcietro ^ 545 Màfena 269 MàiTa , 357 Mafia,, 481 Mafia 5.1 x. L t Maih.net, Jf Mailuan , 229- Mataro , 5* Matera , Maurienne., 192- Mayals , 58 Mazara , 528 Medcllin , 130 Mediana, 40 Medina, v. Malthe. Medina del Campo, 24. -Ccli, 41. - — de Rio Seco ,ii.- — Si- donia , 131.- — de- las Torres, 130 MedoJa , 3 5r Meldola , 424. Meîgar , 30 Mclzo, 243 Mcmbria, 130 Mendoza, *T Mencibio , 269 Mengravilà , 40 Menton, 184 Menton , 225 Merida , 130 Mcrtola , •177 M cibla 416" Mcilinc, J99 Meftre, 285 Mezzo-Goro, 416 Migliarmo , 41e Milan ,199, 242 ,243 £' fuiv. Milanez Savoyard , 233, — Autrichien 239 Milazzo , 529 Miléto., ; 5-4. ALPHAB Millarcs, riv. Miileficur, Minaterra, Minho , riv. Minorbino , Minorque , Mi nu ri , Miolans , Miratnar, Miranda, Miranda , Mirande , Mirande , Mirande!a , Mirandolc, M ira ver , Mifrrcrra , Mo Jane , Modène , Moeliboldcs, x tiogo. Mola, 325 Mola , J09 Molina, 119 Molife , y 17 , y 1 8 Monaco, 225 Moncalicr , 117 Monçao, iJ 3 Monchiéque, 179 Monçon, 49 Monda , 141 Mondonedo , 14, 1 8 Mondovi , 202 , 220 Moneglia, 341 Mongia, 18 Mongtardino , 238 JVJont-Ca(Tm ,510.-« du Chat, 190.- Forthino ,,16"8,—-S. *4 206 64 ,7 510 1 î f m 189 59 17 m 161 16s 157 S 9 51° 19 3 154, 1S5 S. An- E TIQUÉ".' $3 Ange , j 1 «.-de S. Martin, 184.—Serrât, 57 Montagna, 282 Jvlontalvan , 43 Montblanc, j.p-Montc-Albano , 530. - Alcino , 48 r, —Alcgre, 16 5. -"Alto, 411. — Aragon , 49.—Cartello ,13e. -Circcllo , 3 65. —Falco, 419.—-Fal-coné , 32^.—— Fel-tfo, 411. —-Fufco- lo , 513.-Leone , 514. - Monico , 421. - Pulciano , 46";.—Régale , 32*. — Santo , 16'i.— Virgine , 518 Montcchiaro, 269 Montccchio , 356 Momechio, 17 £ Montefiafconc, 416" Monccmor, 167 Monterci , 19 Montferrat130 Montfortde Lémos, 19 Montiel , 130 Montjouct, 228 Montjoui, 54, 56 Montjoye, 187 Montjui, v. Montjoui, Montmelian, 188, 189 Montréal, J99 , y 18 Monza, 243 Monzoné , 427 Mora, 5.9. Âa vj Table Morgeaz , n8 Nice de la paille ,10 Mornct, 183 Nipozano, A^ô Morncx , 184 Nocera, 419 Moron , 138 Nocera, 3 15 Mortara , 136" Noja,. iS Motril, 153 Nola , 510 Moura, 177 Noli , 333 Mouraon, 177 Nonza, 538 Mouroix , 59 Noto, 530 Mouros, 18 Nouville, 186 Monftiers , 181 NovaJe, 32.5 MouiKers, 191 Novare, 202, 135 Moya, 37 Novarois , 235 Miingclino , 5-30 Novellara , 1^0 Murano, ijle, 284 Novellara, 356 Murcie, 13, 64 Novi, 333 M'uro, 522 Novilara, 423 Muxacra, 154 Numance, 41- Nufco , J14 N.. O. Nagera, 42 ^ Naples, 199 , 486 , VycciNiANO, 213a 494 & fuiv. , . Odolo,, zC& Narni , 419 Oflida, 421 Navarette 42 Olcggio , 135 Navarre, 16 OJia^.a, 58 Navia , 20 Olltc , 30 Nazareth, 199 O'iveira , 167 Ncbbio-, 539 Olivença, 176 Nebiauo, *3 51 Olmedo , 40 Nepi , 416 Olmo, 267 Ncrcia, 419 Olyhppo , v. Lilbonne. Nervi, 341 Ombrie, 418 Ncttiino , 3 64 Oitcglia , ou Oneille , Nicaftro , - 524 117, 233 Nice, 202 , 104 , 223 Oppido , 514 214 Orbitello, 481 ALPHABETIQUE. Orci-Nuovi, 168 Pagliano, Orciano, 474 Orciatico , 474 Ordugna, 1 s Orcm, 169 Orenfc , 14 , 19 Orgama , si Organafca, 237 Origliano, 176" Origuela, ouOrihuéla, Orio , i s Oriiragni, 199, 534 Orra , 135 Orta , 416 Orv ietano , ( /' ) 418 Orvicto, 418 Os-Aimargcs , 178 Oiîmo, 411 Ofma, 14, 38 OlTola, (val d') 234 OiTuna, 138 Oftalric, 54 Oftcllato, 41* Ortie, 3^3 Oihmi , S11 Otrante, 199 j 510 Ottonc, 238 Ouguéla, 176 Ouïx, 218 Ouriquc , 177 Outre-PÔ, 237 Ovcr , 161 Oviedo, 14, 10 P. Padouan , l;adoue , Pala-Fugcl, Palamos, Palavicin, ( at) 41 6 54 3fi j99 177 î-77 Palazzo Giardino, 344 Palazzuolo, 205» Paicncia, 14,21 Palerme , 199 , 528 Paleflnne, 363 Palma, 154 Palma Nnova, 326" Pal maria , ifle + 530 Palmela , 175 Palos , 54 Pampelune , 14 , 2 6' Pancallier, 219 Papos, 169 Pardo , (el) 86 Parenzo , 327 Parerotto, 530 Parme, 342, 344* 345 & fuiv. Partage ( k ) 25 Paffi , 188 Patrimoine de S. Pierre, 41 b' Patti, 519 Pau fan ia , v. S. Da-mafe. Pavie, 254 Pcgna de Garcia , • 16"8 Pedraça de la Sierra , 40 Pena-del-Francia , 24 Pcnafîel, 3 8 Penaranda, 24 Penela, 1^7 Pcnifcola , 64 Penna Moçor, u$ y66 t A Pcralta , 30 Pcrdigaon , 169 Perelade , 54 Perona , 236 Péroufe , ( la ) 119 Péroufe , 418 Perou/in , 418 Perpignan , Perugin ,.. v. Pcrouiin. Pefaro, 422 Pefcara, 5T7 Pefcia, 466 Pcfquera, 38 Pefquiera, 169 Pianora, 427- Piazza, 53° Piccioli , 474 Pic di Cavallo, 229 Pi edra 45» Piémont, 203 , 205 Pienza , 481 Pieroca , 160 Pietra-Biflarâ, 237. — Santa 466'.—- San- 481 Picva del Cairo , 2 3 <î Pieve di Cadore , 32e Pignerol, iOl , 119 Pinhel , 166 Piombino, 481 Pirafio, .327 Pifan i 466 Pife, 199 , 466 3 467' & fuiv. Piiroia , 46S Pithyuies, ifles 3 154 Pitigliano, 481 Pizzighitone , ; 258 P-lacencia-, 43 \ L É Placentia , 14, 4i Plaifance, 25 Plaifance, 34S & fuiv. Plazcncia, v. Plaifance. Plombée , v. S. An- tiogo. PÔ, riv.-Pobla, Poblct, Pola , Polcénigo , • Polélînc de Policaltro , Polverigo, Pombal , Pomeranza Pommiers , Pompofa , Pondciture 195 59 59 327 3 z6 Rcvigo , 2*8-2 513 411-1 6j [la) 47; 184 426 232 Pont-Bcauvoilîn, 188 190. -*-* Oglio , 269. Ponté-, 2ir Pomi de Barca, 163* — d'Eume , r?. — àFella, 3x6V- -de Lima ,163. —— NT uya, 551. — de Sor, 176 Ponteferada, 22 Pontemoli , 481 Pontevcdra , 19-Poiv/one , 233 Port de Chiofa , 285% —- Fornelle , 1 f — Mahon , iff. -—^Maurice , 333 --Sainte-Marie- j ! M5' Portalegre, (6* , 17*" AlPHABE TIQUE. 508 Qucraùiue , Portici Porto , i6"r , 164 —-en Italie , 41 6 Porto , 170. —Feraio, 481. —-Galère, 2 y. — Gruaro , 32.6'. -Hercole , 482. — Longonc , 482. --Magno , i$6. —— Marino , 19.— Pin , 15 y. -Vec- chio , j 39.--Vénère , Porrofîno , Porrogallo , Porrugal , Potes , Pou iile,. (la) Pouzzol , Prado Viejo , Prat-del-Rei, Prato , 341 341 528 518 5°9 79 J* 46y Prcla , 227 Prclidii, ( Stato dclli ) 482 Priro , 351 Principauté Citérieure , y ix.--Ultérieure, Pl Puebla de Sancbria, 2x Pugct, (le ) xx< Puicerda , 5-7 Pyrénées, mont. 8 & 9 Quiers, Quintanal -, R. R.ACONIGI j Radicofani, Ravello, Ravenne, 199 Recanati , 219 xi 7 16 5 xi 9 481 423 410 jV8 T A B Romagnano, 235 Romagne, 413 Romagno , 325 Rome, 19*,, 3 6z, 365 Roncevaux, 3 o Ronciglionc, 417 Roncoferrato, z6o Ronda , 14x Rondifïon , . z 3 z Rofagni, 341 Rofc, 53 Rofîano, 199 ,513 Roflcna, 344 Rovigno, 327 Rovigo, 281 Rubiera, 356" Rudiano , 169 Rumilli , 188 , 189 Oabine, 419 Sabio, 269 Sabionetta , 353 Sabugal, 168 Sagona, 53? Sagres, 179 S. Adrien , mont. 25 S. Andero , 24 , 15 S. André , 193 S. Angclo, 357, 358 S. Angclo, 545 S. Anciogo , ijle, ; 3 5 S. Antonio , z y S. Bcnedctto-de-Poli-rone, 160 S. Bernard , ( le petit ) 191 S. Bonifacio , 170 L Ë S. Caflîano , 4^ S. Ciprian , 19 S. Clément , 54 S. Colombano , 158 S. Dalmatio , 12. 5 S. Damafc, i/fc, 53; S. Damiano , 22? S. Damiano , 232 S. Domingue de la Cal-çada, 4Z-S. Donato , 36 5 S. Eflrevan, 26 S. Fcriu de Lobregat , 57 S. Fiorcnzo , 539 S. Genis , 190 S. Hilaire, 15 6 S. Iago de Cacem ,177 S. Jean de Maurienne, 181 , 192 S. Jean de Pcfqucua , 166 S. Joirc, 188 S. Juan de la Pena, 49 S. Juan del Puerto , 138 S. Julien , 17 V S. Léo, 423 S. Lucar de Barrameda, 135 S. Lucar la Major, 138 S. Marin, 423 ■ S. Martin, 192 S. Martin, 219 S. Martin , 228 S. Maitino, 3 5* S. Mathéo, o4 S. Maurice, *9% JLPHÂBETIQ UE, Michel r Miniato, Pedro do Sal, Philippe , *93 466 167 M7 S. Philippe , fort , 1 j y S. Pierre , ifle ,535 S Pierc d'Arlanza, 37 S. Raphaël, S- Remo , S. Saloni , S. Salvador, Séballien w Sever i no , Sofpir , Srefano, Ubcs, S. Vincent, S. Vincent de 13Z 333 57 131 x5 411 ul 35i 17.5 179 la Bar-quera , 10 S. Vincenre , 168 S lime-Catherine, 184 S lintc-Chriltine , 49 Sainte-Marguerite, ifle, Hi Sainte-Marie, yo8 Sainte-Marie de Finif-terre , i8 Sainte Marie de Leuca, jzi Sainte-Marthe, 19 Salamanquc , 14 , 15, n Salanches, 187 Salerne , 199 Salini , ifle , Salo , S ilobrcgna , Salpé , Salaces , 102 , 188 53o 16-3 153 519 in i 6 y 187 Pere Salvatcrra , 168 , Salvatierra, Samovcn , , San-Maiolo , 13 5 Marco, 519.— dePefcator, 5 3--' Pietro , 364.1-Sc- viero , 5 19. — Ste-fano , M 8 Sanfeliu de Quixol » 54 Sangueffa , 3° Sant-Antonio ,175 • " la, 229 Santa-Cruz de Carava- ca, 64.-Liïçia > 176" —Sevcra, 417. — Severina, 513 Santaren, 1 <" 9 Santclla, 139 Santillane, 20 S ipay , 184 Saragoce, 13,14,43 Sardaigne , ifle , 531 Sarfina, 414 Sartena, 540 Sarzana , 341 Saflari, 19? San"oferraro, 411 Saifuok, $ç j sâtriano, 512 Saturnia, 481 Savillan, 219 Savonc, 331 Savoye , ( ta ) 1 80 Scala , f j j Scandiano , 3 < 6 Scarperia , 466 Sciatezzo 2} 7 Schio , xjC 17° T A Segni, 364 Ségorbe , 15,^3 Ségovie, 14*38 Segre, riv. 8 Ségura , riv. S , 6% Ségura, iy Ségura, ù% SeiJfcl , 1 84 ScJlent , f 7 Sendim, i6"■ y}<;iv. Sczanc, 119 Sczi, 237 Sezza , j6"4 Sicile , ifle , 524 Sienne , 199. , 47; & Juiv. Siennois, 4" ç Sierra , (la) 129 Sierras de Oca, $6 Siguença, 14, 41 BLE Simancas, %< Sines , 177 Sinigaglia, jtzk Siou , ts? Siracufc, 528,. 53 q Sobrarbre, Solauibcrgo, 326 Solenro, jzg Soifarin, 260 Sol fon e, 1 y , y g Soma, v. Yéfuve. Sora , 5-10 Soranca, 344 Sofeiîna, 258 Soria, 41 Scrrento, 199 } 51 r S fpcllo, ne Soute, 167 Sovero, 267 Spartivento, cap, 524 Spezza, j4j Spino, 233 Spoleta-, 419. Squillace, 524 Stafïarde , 212 , Scradelia', 2.37 SrwmboU , ifle> Strongoli, ftj '•-ara, riv. 20 j ,106 î ;janar 4§i ibi.ico , 3^4 Miels, y 3 5 Silmoii". , JI7- Sfiperga, zi3 Sufe,_ iig Saflari a ^33 Sylves , 179 Syntra, v. Cintra» ALVJÎABETÏQ UE. 57* Terra-Nova, 5 34 T. Tcrracinc , 364 Terranuova , no Tafalla , 3° Tcruel, ^4*48 Théano , 510 Tage , riv. 7 Thie, 187 Taggia, 33 3 Thiene, 276 Talavera de la Rcyna, Tibre, riv. 66 Tivoli, 363 Taloire , 184 Todi, 419 Tamarit , 59 Tolède, 13,15 , 116 Tanaro, riv. 103 6' fuiv. Tancos , 1651 Tolentino, 410 Tanninge, 187, 188 Tolmezo, 316 Tano , 530 Tolofa , *5 Taraçona, 14 , 48 Tolola , 139 Taragone, 13, 1S » Tolofetta, v. Tolofa. 58 Tomar, I6g Taramont, 186 Tomes , 183 Tarentaife, 191 Tonnon , 185 Tarente , 199 , 510 Tora , Torcello , ifle , 58 Tariffa, 138 184, Tarrega, 59 1S5 Taulra, 49 Torcello , 315 Taverna, 514 Toréera, 57 Tavignano , riv. 537 Tordelillas, 12 Tavira, 178 Toriglia, Tornafort , 138 Tavora, 1 66 zz6 Telamonc, 481 Toro, 21 Telcze, 510 Toroella de Mongri, Tende iz6 , Z1J 5 3 Tcramo, 5i6 Torre de Moncorvo , Tcnnigaon , 193 165 Termiai, 5*9 Torrcs , 167 Termoli,. 519 Torres de Bugio, 174 Terni, 4f9 Torrcs, 43 Ternier 185 , 186 Tortonc, roi, 137 Terre de Labour , Torronots , (le) 137 49 3 Tortof :, 15 > 5%' TABLE 54 Ùzano j Toia , Tofafor, 529 Tofcane, 440 Tra-los-Montes, 165 Trabia, 518 Trancofo, i 64 Trani, 199 , 510 Trapani, J18 Treccatc, 23 5 Tremiti, ifles , 519 Tremp, 58 Trevico, 5*4 Trevigno, 25 Trcvife, 3 M Trin, 231 Trinité , (la) 513 Trivento , 518 Trivier, 129 Trivolzo, 255 Troia, 5*8 Tronzan , 219 Trugillo, oz/Truxilio, 130 Tudelle, 30 Tui , 14» J9 Turin , 199 > 101 > 104,205, 106 V 59-181. al-pe-Ceseri, 184 -■ de Cona , -de Mâgra, --Ombrofa , 466. -de Viécc, if Valana, Valauzane , Valdagno , Valcnça di Valence, 13 416 186' 276 Minho , 163 15 61 , 205 {la) U, beda , Udinc , Umago , Umbriatico, Urago, Urbanéa , Urbin , 199 Urgel, 421 139 316 3*7 5^3 169 423 ,4Z2 *5 Valentin Valette , Valladolid, 13 Vallz , VaWa , Varallo, Vareze , Varzi , Vedana , Vcletri, Velcz-Malaga , Vcnafro , Vénafquc , Vénerie , (la) Venife, 199 185 6' fuiv. Venofa, Vcnzone, Vera, Verceil, Verdun, 102 60 y 13 6 117 544 14 » 37 ft 5i7 135 141 237 3i5 364 141 510 49 205 264, 512 316 154 229 4* Vergato, Verges , Vcrmjo , Vcroli, Vérone , fuiv. Veronnois Verrue, Vclpella , Vefuve ALPHABETIQUE. 417 Z69 54 iS 3 H X70 cy z6$ xxi 57 volcan , 196, 5°7 Veyrc, 30 Via-Regio , 48 £ Viadana, 260 Viana de Bolo , 19. -de Fos de Lima, m i Viane, 29 Viccntin, 2.76 Vicenze, 176 Vich , ry , 57 Vico, 511 Vico, 539 Vicovaro j, 419 Viefcas, 49 Vieïla , 411 Vicftc , $ 18 Vieu, 188 Vigevanafc, 135 Vigevano, 20 x, 236 Vignale , 131 Vigo, 19 Villa del Conde, 164 Villa da Feira , 165. ■—- Fiança , 43. —1-Harta , 1x9-—Her- mofa, 64. - d'I- glefias, 534.—No- 571 va, 16$.-Nova, 179--.Nova d'Af- ti, zi8.—-Novade Cervcra , 163.—» Nova de Gallcgo , 43.-Novade los 19. - Infantes 13 o. Réal 16} Villafior, 40 Villatranca, *5 Villafria , Villagarcia , iS Villar t(U) ?.zc» Villaréal , *î Villatucrta., 30 Villaviciofa , xo Villaviciofa, en Portu- 177 Ville-Manuel, 545 Villecaftin, 40 Villefaîlc, zzo Yillefranche , 30 Villefranche, zx4, xz8 Villefranche de Pana- dès, 5$ Villminor, z6j Vimiofo, i4j Vintimiglia, 333 Vifeo, 16) , 166 Viterbe, 416 Vittoria *5 Vivero, 1* Voghera, 2-37 Volcano , ifie, 51° y 531 Volterra , 474 Vukuraia, 5*3 t 574 TABLE ALPHABETIQUE. Y. X ennea 190 XYefï, 410 acca, 528 Yvica , ijle 3 156 Xariva , 62 Y voire a i8<# Xavier, 31 Xénil , riv. I41 Z. Xérès de Badajos , ou rj de los Cavalleros , Zjamora, 14, iî 13 o,-de la Fron- Zcbredo , 1 (,% tera , 135. — de Zélo , 283 Guadiana, 138 Zerio, 169 Xerimenha , 176 Zoldo, 315 Xixena , 65 Zuéque, 18g Xucar, riv. 8,62 Zurata, 164 Fin de la Table Alphabétique. ERRATA. Page 13 , ligne i ? j après ces mots les Efpagnols ont un Patriarche à Madrid, ajoute^ ; mais il n'a point de territoire : il n'a même que le titre de Patriarche des Indes. C'eft toujours le Grand Aumônier, ou Grand Chapelain de la Chapelle Royale. Page 54, ligne i. Pals, lifez Palos. Page 165 , ligne 7. Tralos Montes,lifez 7Vû- Page 183 , ligne 7, ^riû & Loreda> effaccï