305 La villa sur le lac de Boris Pahor en italien et sa traduction indirecte en français : le cas des realia Adriana Mezeg, Anna Maria Grego Résumé Le présent article1 se propose d’observer la traduction des realia dans les versions italienne et française du roman Vila ob jezeru (respectivement La villa sul lago et La villa sur le lac) de Boris Pahor. La villa sur le lac représente à ce jour le seul roman de Pahor à ne pas avoir été traduit vers le français du slovène, mais par l’intermédiaire d’une autre langue, à savoir l’italien. Après une courte présentation de l’œuvre et du concept de traduction indirecte, l’article se focalise sur les stratégies de traduction des mots ou expressions typiques du littoral slovène et de son arrière-pays, qui constituent la langue de Pahor, pour découvrir si ces éléments culturels, qui représentent un véritable défi de traduction, ont été gardés ou perdus non seulement dans la traduction indirecte en français, mais aussi, vu les contacts géographique, linguistique et culturel étroits entre la Slovénie et l’Italie, dans la traduction directe en italien. Mots-clés : Boris Pahor, La villa sur le lac, traduction indirecte, realia, stratégies de traduction 1 L’article repose sur le mémoire de master « Perdu ou changé dans la traduction – La traduction italienne du roman de Boris Pahor La villa sur le lac et sa traduction indirecte en français », écrit par Anna Maria Grego et dirigé par Adriana Mezeg. ACTA NEOPHILOLOGICA UDK: 81'255.4=131.1=133.1:821.163.6-31Pahor B. DOI: 10.4312/an.55.1-2.305-321 Acta_Neophilologica_2022_FINAL.indd 305 12. 12. 2022 09:29:28 306 AdriAnA Mezeg, AnnA MAriA grego INTRODUCTION Boris Pahor, un des auteurs contemporains slovènes les plus traduits et de plus grande renommée internationale (Mezeg et Grego 2022), est souvent considéré comme un des plus remarquables écrivains d’après-guerre à avoir exposé publi- quement les atrocités vécues à l’époque des grands systèmes totalitaires et dans les camps allemands. Né et vivant quasiment toute sa vie à Trieste, il traite dans ses œuvres les difficultés de la minorité slovène de cette ville maritime, située au nord-est de l’Italie. Malgré les conditions de vie difficiles pour les Slovènes habi- tant sur le sol italien (ibid. ; Rojc 2013), cet « écrivain triestin de langue slovène » (Bernard 2002, 548) est resté fidèle à sa langue maternelle durant toute sa vie, bien qu’il ait reçu une formation de la langue slovène plutôt chaotique, raison pour laquelle il l’a apprise en autodidacte. De là est né ce grand désir et ce grand besoin de s’exprimer en slovène : pour lui, en effet, c’était « la source d’inspiration », « la motivation première de tout son œuvre », et son utilisation « la principale exigence éthique de l’homme » (ibid., 554–555). Pour Pahor, ce « slovène de Trieste » n’était pas seulement une grande valeur, mais aussi sa marque distinctive. L’influence italienne se manifeste surtout dans le voca- bulaire et dans la syntaxe (Skubic 1984). Selon Skubic (ibid., 318), l’auteur utilise des expressions italiennes, hybrides (italo-slovènes) et du dialecte triestin (parfois même du vénitien), dans le but de reproduire l’atmosphère de la ville cosmopolite de Trieste et de son arrière-pays. Parmi ces expressions nous pouvons trouver des realia, i. e. des mots ou expressions qui désignent des éléments spécifiques à une culture et représentent d’habitude un défi important en matière de traduction. Jouant un rôle important en littérature, la traduction nous permet de connaître un éventail d’écrivains provenant d’autres réalités. La traduction littéraire en par- ticulier est un enjeu puisque le traducteur ne traduit pas uniquement les mots du texte source et le style de l’auteur, mais aussi toute une culture. L’article2 se propose d’observer la traduction des realia dans la version fran- çaise de la Vila ob jezeru (La villa sur le lac), le troisième roman de Pahor qui a été traduit en français et le seul qui a subi une traduction indirecte à travers la version italienne (La villa sul lago) par Marija Kacin, professeure, écrivaine et traductrice d’origine slovène, née à Gorizia et vivant à Trieste. Le texte italien signé par Kacin est paru chez Nicolodi (2002, cop. 2004), chez Editoriale FVG (2004) et chez Zandonai (2007, cop. 2008).3 Le nombre d’éditions en Italie témoigne que La 2 Le présent article a été rédigé dans le cadre du programme de recherche numéro P6-0265 financé par l’Agence nationale pour la recherche de la République de Slovénie (ARRS). 3 La version d’Editoriale FVG est presque identique à celle de Nicolodi, tandis que la version de Zandonai a été soumise à de nombreux changements par rapport à la traduction parue chez Nicolodi en 2002 (cf. Mezeg et Grego 2022, 44–45). Acta_Neophilologica_2022_FINAL.indd 306 12. 12. 2022 09:29:28 307La villa sur le lac de Boris Pahor en italien et sa traduction indirecte villa sul lago a suscité pas mal d’intérêt auprès du public italien, ce qui représente un succès incontestable pour Pahor qui était longtemps complètement négligé en Italie (cf. Mezeg et Grego 2022, 40). Bien que la traduction française par Benito Merlino, compositeur, écrivain et traducteur italien vivant en France, soit née par l’intermédiaire de la traduction italienne, elle a été publiée par la maison d’édition Bartillat en 1998, à savoir quatre ans avant la traduction italienne, parue pour la première fois en 2002 auprès de la maison d’édition Nicolodi. Malgré les recherches approfondies, nous n’avons pas réussi à découvrir la raison du retard de la publication italienne, mais une analyse préalable (Mezeg et Grego 2022, 45–50) montre des écarts lexicaux importants entre la traduction italienne et le texte source, tandis que la traduction française est plus proche de l’original slovène4 (ibid., 50). Cela confirme les paroles de Ma- rija Kacin5 que Boris Pahor a garanti à l’éditeur français Bartillat que la version de La villa sul lago rendue par la traductrice à l’éditeur Nicolodi était parfaitement conforme au texte source et qu’elle servait de base à la traduction française (ibid.). D’après Pahor et le traducteur de l’italien,6 la traduction française a été pro- posée par l’éditeur de la maison d’édition Bartillat, qui avait bien aimé l’histoire en italien, à l’époque encore sous forme de manuscrit. Boris Pahor nous a raconté que l’éditeur l’avait contacté pour lui demander s’il était d’accord avec le fait que la version française de ce roman serait née par l’intermédiaire de la langue italienne, et pas directement du slovène. L’auteur était d’accord, principalement parce qu’il était touché par l’intérêt que ce roman avait suscité en France, ne pensant pro- bablement pas aux pertes que puisse causer la traduction indirecte. D’ailleurs, à l’époque, seulement deux de ses œuvres sont parues en français (i. e. Pèlerin parmi les ombres (1990, cop. 1996) et Printemps difficile (1995) ; cf. Mezeg et Grego 2022, 42), Pahor se frayant encore le chemin sur la scène littéraire internationale. Quoi qu’il en soit, d’après une analyse préliminaire de la traduction italienne parue en 2002 et les entrevues avec Pahor et Kacin (Grego 2021 ; Mezeg et Grego 2022), le manuscrit italien par Marija Kacin a évidemment subi les corrections dont la traductrice n’était jamais informée. Comme Benito Merlino a reçu le ma- nuscrit en italien, selon Pahor fidèle au texte source, peu de temps après avoir été rendu par Marija Kacin, la traduction française devrait globalement correspondre à l’original slovène. 4 Par exemple, le prénom de Carmen est changé en Bruno dans la version italienne, tandis que Car- men est gardée dans la traduction française. À propos de la traduction des noms propres, voir aussi Mazi – Leskovar 2017. 5 Lors d’une entrevue téléphonique à des fins de cette recherche courant 2021. 6 La communication se faisait en 2021 : avec Boris Pahor par téléphone et avec Benito Merlino par courriel. Acta_Neophilologica_2022_FINAL.indd 307 12. 12. 2022 09:29:28 308 AdriAnA Mezeg, AnnA MAriA grego Or, comme les références culturelles représentent un des plus grands défis dans le domaine de la traduction en raison de leur singularité, cet article a pour objectif d’observer leur équivalence ou divergence par rapport au texte source. Nous allons observer trois textes (i. e. le texte source ultime (Vila ob jezeru) paru en 1993 chez Mohorjeva založba, la traduction italienne parue en 2002 (La villa sul lago, édi- tions Nicolodi) et la traduction française (La villa sur le lac) parue en 1998 chez Bartillat), nous concentrant sur la comparaison entre l’original slovène et la tra- duction italienne, entre les versions italienne et française, et entre le texte source slovène et la traduction française. Ainsi pourra-t-on, entre autres, constater des pertes éventuelles causées par la traduction indirecte. Traduite par l’intermédiaire de l’italien, nous supposons que La villa sur le lac a subi des altérations et chan- gements au niveau de la traduction des realia, c’est pourquoi elle est, à cet égard, assez éloignée du texte source slovène. De l’autre côté, nous croyons que la traduc- tion française est fidèle à la version italienne entre lesquelles la traduction littérale s’impose, car celle-ci est très fréquente entre les langues de la même famille (dans notre cas l’italien et le français). À PROPOS DU ROMAN Dédiée à sa sœur Evelina, la Vila ob jezeru de Boris Pahor a déjà été publiée en 1955 par la maison d’édition Obzorja. Il s’agissait en effet de la nouvelle Laneni kosmiči v laseh (littéralement Les flocons de lin dans les cheveux) qui paraissait, en 1950, dans la revue littéraire Razgledi de Trieste (numéros 10 et 11–12) et que Pahor a plus tard remaniée et développée (Ahlin 1973, 1, 8 ; Jevnikar et Cenda 2013, 64). Le roman est ensuite paru en 1993 chez Mohorjeva založba à l’occa- sion du quatre-vingtième anniversaire de l’écrivain. La version de 1993 n’est pas une simple réimpression, mais plutôt une nouvelle édition où on peut noter de nombreux changements lexicaux et syntaxiques par rapport à la version de 1955 (cf. Mezeg et Grego 2022, 44). Comme les traductions italienne et française ont été faites d’après cette version (ibid., 50), elle nous servira de base dans l’analyse. Récompensé par l’Association des écrivains slovènes, le deuxième roman de Pahor est une histoire d’amour qui sert de base pour régler les comptes avec le pas- sé. Nous suivons l’architecte slovène de Trieste Mirko Godina, un ancien déporté de trente ans qui revient en 1948 sur les bords du lac de Garde où il avait fait son service militaire en 1941. Il passe trois jours dans les lieux idylliques et symbo- liques autour du lac de Garde où se trouve la villa de Mussolini à laquelle réfère le titre du roman. Trois ans après la guerre, la villa représente toujours une sorte d’ombre sinistre du totalitarisme et de l’idéologie destructive qui contrôle le cœur et les pensées de nombreuses personnes (Čuk 1993, 15). Pendant ces quelques Acta_Neophilologica_2022_FINAL.indd 308 12. 12. 2022 09:29:29 309La villa sur le lac de Boris Pahor en italien et sa traduction indirecte jours, Mirko fait la connaissance de Luciana, la fille de la signora Amalia, la pa- tronne d’une ancienne auberge qui défend avec ténacité et une certaine nostalgie l’époque de Mussolini, qu’elle admire, plaint et déplore. Élevée dans une école, fa- mille et société fascistes, Luciana admire naïvement Mussolini, tandis que Mirko déteste les dictateurs. Au fil de longues promenades à la campagne et au bord du lac, Mirko et Luciana tombent amoureux, ce qui leur permet, peu à peu, d’envi- sager un futur et de renaître après la « barbarie ». Cette forte liaison amoureuse permet à Mirko de faire prendre conscience à Luciana de ce qu’était le fascisme et des atrocités commises par les partisans de ce régime. Pas à pas, Mirko réussit à convertir non seulement Luciana, qui jette symboliquement dans le lac la photo du dictateur, mais aussi soi-même. Rentré du camp malade et démoralisé, il vainc la mort en lui et retrouve l’espoir en la vie et en l’homme. LA TRADUCTION LITTÉRAIRE INDIRECTE La traduction est la forme la plus importante de médiation interculturelle d’une œuvre littéraire. Elle contribue fondamentalement à la formation des cultures, permettant ainsi de connaître et de comprendre la multiculturalité. Par ailleurs, de nombreux critiques littéraires attribuent plus de pouvoir et d’influence à la traduc- tion qu’au texte original. C’est parce que le texte original n’atteint que les locuteurs de la langue source, tandis que les traductions atteignent les locuteurs de langues différentes. C’est la raison pour laquelle la traduction est très souvent envisagée non comme un texte subordonné, mais plutôt comme un texte capable de prendre vie indépendamment de l’original (Grosman 1997, 11–12). La traductibilité de la littérature est fortement liée à l’idée que toute traduction doit être idéalement fidèle et aussi le plus possible proche du texte source. Des comparaisons précises avec le texte source montrent que les traductions apparem- ment « idéales » sont en réalité très rares, car dans la majorité des traductions, nous pouvons observer des changements et des pertes à des différents niveaux ; cela peut être dû, entre autres, à une lecture inattentive ou inexacte de l’original. Pour cette raison, en traduction littéraire, la lecture, la compréhension et l’interpréta- tion du traducteur sont tous des facteurs fondamentaux qui doivent être pris en considération à côté d’autres facteurs, par exemple la situation socioéconomique du traducteur, sa formation et ses expériences personnelles (ibid., 18). La traduction indirecte fait référence à une chaîne d’au moins trois textes qui produisent une traduction finale effectuée à partir d’une autre traduction : texte source ultime > texte intermédiaire/de médiation > texte cible ultime (Assis Rosa et al. 2017, 115). En d’autres termes, c’est la « traduction d’une traduction » (Was- hbourne 2013, 608). Au fil du temps, une multitude des termes a été suggérée Acta_Neophilologica_2022_FINAL.indd 309 12. 12. 2022 09:29:29 310 AdriAnA Mezeg, AnnA MAriA grego pour décrire cette activité, créant, par conséquent, un certain désordre concep- tuel (Pym 2011, 80). Parmi les termes les plus utilisés, mentionnons la « traduc- tion intermédiaire » (angl. intermediary translation ou intermediate translation), la « traduction médiée » (angl. mediated translation), la « traduction par relais » ou « traduction-relais » (angl. relay translation) qui suit le modèle de l’interprétation par relais, la « retraduction » (angl. retrotranslation), ou encore la « traduction de seconde main » (angl. second-hand translation) qui est peut-être la moins utilisée vu sa connotation d’infériorité (ibid., 82 ; Washbourne 2013, 608). Pym (2011) suggère d’utiliser l’appellation « traduction indirecte » afin d’éviter toute confusion (cf. aussi Assis Rosa et al. 2017, 115). Quoique la traduction indirecte soit pratiquée depuis la nuit de temps, elle est encore aujourd’hui dépréciée. En traduction littéraire, elle est considérée comme une mauvaise pratique et son emploi est découragé, même presque interdit, excep- té dans la mesure où cela s’avère absolument nécessaire (cf. Unesco 1976), comme lorsqu’il n’y existe pas de traducteur d’une langue source vers une langue cible. Dans le cas de La villa sur le lac ceci n’était pas le cas, car il y avait des traducteurs du slovène vers le français.7 En effet, la traduction indirecte était le choix person- nel de l’éditeur français qui comprenait l’italien et non pas le slovène, le choix que Pahor a approuvé. La villa sur le lac n’est pas uniquement la seule œuvre de Pahor qui était sou- mise à la traduction indirecte, mais aussi une des très rares œuvres slovènes à avoir été traduite en français à travers une langue intermédiaire (Mezeg 2020b, 252). Dans la partie suivante, nous allons observer la traduction des realia vers le français à partir de la traduction italienne. Selon Kavalir et Chudoba (2020, 548), la traduction indirecte « est généralement considérée comme néfaste à la qualité du texte, particulièrement en termes de transmission d’éléments culturels », ce que nous nous proposons de vérifier ci-après. LA TRADUCTION DES REALIA En traductologie, le terme de realia, également connu sous l’expression « cultu- rème » ou « référent culturel », se rapporte à des éléments ou traits spécifiques à une culture. Les realia peuvent désigner des noms propres (ex. la Tour Eiffel) ou des noms communs (ex. une baguette) (Mezeg 2020a). Transmettant une conno- tation locale et de l’exotisme, leur traduction est un grand défi lors des différences culturelles ou de manque d’équivalence entre deux langues ou cultures (ibid., 433). Le traducteur peut opter pour une approche sourcière (l’étrangéisation) ou cibliste 7 Par exemple, Andrée Lück-Gaye qui avait précédemment traduit deux œuvres de Pahor du slovène vers le français, i. e. Pèlerin parmi les ombres (1990) et Printemps difficile (1995). Acta_Neophilologica_2022_FINAL.indd 310 12. 12. 2022 09:29:29 311La villa sur le lac de Boris Pahor en italien et sa traduction indirecte (la domestication) (Ladmiral 1986 ; Venuti 1995). Dans la traduction sourcière, le référent étranger est conservé dans le but de produire un effet exotique, surprenant et innovateur (Dawood 2018, 86), tandis que la traduction cibliste vise à produire un texte fluide dans la langue d’arrivée et à donner l’impression d’un texte écrit di- rectement dans la langue d’arrivée. L’approche cibliste n’introduit ni de nouvelles connotations ni des images surprenantes ou inconnues (ibid., 85), et elle sacrifie la forme au profit du sens (ibid., 82). Il existe toute une série de procédés applicables à la traduction des référents culturels, par exemple l’emprunt, l’équivalence culturelle, la traduction fonctionnelle ou descriptive, la traduction littérale, etc. (cf. Vinay et Darbelnet 1958 ; Newmark 1988 ; Baker 1992 ; Vaupot 2015, 2020 ; Mezeg 2020a). Ci-après, nous allons ré- véler les procédés utilisés lors de la traduction des référents culturels de la version italienne du roman de Pahor vers le français, et déterminer des pertes éventuelles dans les traductions italienne et française par rapport à l’original slovène. ANALYSE ET DISCUSSION Le roman Vila ob jezeru est écrit en slovène standard, entremêlé, entre autres, d’archaïsmes, d’expressions dialectales et familières, et de mots liés à la région du Karst ou provenant de l’italien. D’habitude, Pahor utilise les référents cultu- rels dans les descriptions des circonstances ou des faits d’arrière-plan, c’est- à-dire qu’ils font surtout partie du décor afin de reproduire l’atmosphère de l’arrière-pays. Nous allons observer la traduction de quelques mots d’origine italienne (ex. polenta, burja) de même que des mots de la région du Karst et du littoral (ex. baladur, gmajna, pašten) qui ont, aussi grâce à Pahor, entré le dictionnaire slovène (SSKJ2) et sont classifiés comme des mots familiers ou des régionalismes. Dans l’Exemple 1, trois mots ont attiré notre attention : gostilna, polenta et prozorna verona. Dans l’original slovène figurent quatre occurrences du mot gos- tilna, toujours traduites en italien comme trattoria, ce qui correspond à une traduction correcte, tandis que dans la version française, le traducteur a parfois opté pour l’équivalent culturel auberge, parfois pour un terme plus générique, le restaurant, qui ne véhicule pas la même idée que gostilna et entraîne une perte sémantique par rapport au texte source. Acta_Neophilologica_2022_FINAL.indd 311 12. 12. 2022 09:29:29 312 AdriAnA Mezeg, AnnA MAriA grego Exemple 1. Texte source slovène (1993) Traduction en italien (2002) Traduction indirecte en français (1998) /…/ gostilna pa je bila vsa polna alpincev, ki so otepali polento in pili prozorno verono. (p. 6) /…/ e la trattoria era piena zeppa di alpini che mangiavano di gusto la polenta e bevevano il limpido verona; /…/ (p. 12) L’auberge était alors pleine à-craquer de chasseurs alpins qui mangeaient avec appétit une polenta accompagné d’ un clairet de Vérone. (p. 11) Ensuite, le substantif polenta (cinq occurrences dans le roman), emprunté à l’ita- lien, est bien évidemment toujours gardé en italien. En français aussi, le traducteur a souvent (3 exemples) opté pour l’emprunt la polenta qui se trouve dans les dic- tionnaires français généraux. En outre, nous avons découvert une omission de la traduction du mot polenta et une généralisation, i. e. le remplacement de la polenta par repas,8 ce qui éloigne la traduction française du texte source slovène et aussi de la traduction intermédiaire en italien. Pour ce qui concerne le syntagme prozorna verona, correspondant à une sorte de vin léger et peu coloré de la région de Vérone, il s’agit de la traduction littérale de l’italien il limpido verona (une vérone limpide) que le traducteur français n’a pas décidé de garder. En effet, il a opté pour la traduction par couplet, une méthode de traduction qui consiste à combiner deux ou plusieurs procédés : dans ce cas, la naturalisation (l’adaptation du mot verona à l’orthographe français : de Vérone) et la description (clairet dans le sens d’un vin léger, peu coloré), produisant ainsi la traduction adéquate clairet de Vérone. Le mot burja (Exemple 2 ci-dessous), issu de l’italien bora, représente un exemple intéressant : il est utilisé trois fois dans la version italienne et omis une fois, notam- ment du fait de la non-traduction ou omission (involontaire  ?) d’un paragraphe d’environ neuf lignes (à la fin de la page 123). Par conséquent, la traduction du para- graphe correspondant et donc d’une occurrence de bora ne figure pas dans la version française (à la fin de la page 147). À part une pronominalisation (lui pour bora dans l’Exemple 2), les deux autres occurrences du mot bora n’ont pas été traduites vers le français par l’emprunt la bora, un terme de géographie d’après Le Robert, mais par le vent du nord, ce qui est une expression trop générale parce qu’on connaît d’autres types de vents du nord, par exemple le mistral et la tramontane qui diffèrent bien évidemment de la bora. Ainsi le lecteur cible est-il privé des images précises peintes par l’auteur du texte source ultime à travers la narration. 8 En slovène : kuhala je imenitno polento (p. 8) ; en italien : cucinava dell ’ottima polenta (p. 15) ; en français : elle /.../ leur cuisinait d’excellents repas (p. 13). Acta_Neophilologica_2022_FINAL.indd 312 12. 12. 2022 09:29:29 313La villa sur le lac de Boris Pahor en italien et sa traduction indirecte Exemple 2. Texte source slovène (1993) Traduction en italien (2002) Traduction indirecte en français (1998) Naša dežela je dežela borov, ki jim je burja upognila vratove.« »Pa je zares tako strašna, vaša burja?« »Zares. Če ne bi bilo burje, bi imeli célo leto pomlad.« (p. 197) /…/ il nostro, è il paese dei pini cui la bora ha piegato le cime.” “Ma è davvero così tremenda, la vostra bora!” “Davvero. Se non ci fosse la bora, avremmo tutto un anno di primavera.” (p. 201) Et il y a beaucoup de pins partout, c’est le pays des pins dont le vent du nord a plié les cimes. – Il est si terrible que ça, votre vent du nord ! – Sans lui, on aurait le printemps toute l’année. (p. 244) Ensuite, dans le récit de Pahor, nous avons remarqué (Exemple 3) quelques ex- pressions architectoniques typiques pour la région du Karst : portali, kolone et baladurji. Elles sont toutes d’origine latine, adaptées à l’orthographe slovène, les deux dernières étant, d’après le SSKJ2, des dialectismes ou régionalismes. Quant à l’expression portali, celle-ci a été traduite littéralement en italien (portali) et aussi en français (portails). Ensuite, le mot kolona désigne un « arc en pierre » et non pas une « colonne », s’agissant donc d’une expression qui prête à confusion. Dans la traduction française, nous pouvons noter l’usage du syntagme nominal ses colonnes qui équivaut à un faux ami, utilisé à cause d’une traduction littérale erronée en ita- lien (le colonne). Enfin, le mot baladur désigne un couloir ou un balcon avec esca- lier à l’extérieur d’une maison typique du Karst. En italien, il a été traduit par son équivalent culturel ballatoio, dont la traduction est omise en français. L’omission peut être due à une difficulté de compréhension ou bien de traduction. En effec- tuant une recherche dans des textes parallèles italiens-français dans le dictionnaire en ligne Glosbe, nous avons remarqué que dans ce contexte, l’expression italienne ballatoio pourrait être traduite en français par galerie ou coursive. Exemple 3. Texte source slovène (1993) Traduction en italien (2002) Traduction indirecte en français (1998) /…/ Kras je imel zadosti arhitektonskih prvin s svojimi portali, kolonami in baladurji, ki so vse čakale, da bi jih kdo izkoristil. (p. 116) /…/ il Carso però con i suoi portali le colonne, i ballatoi, offriva elementi architettonici sufficienti, tutti in attesa di dare l’ispirazione a qualcuno. (p. 123) /…/ le Karst, avec ses portails, ses colonnes, offrait assez d’éléments pour donner de l’inspiration à qui que ce soit. (p. 147) Acta_Neophilologica_2022_FINAL.indd 313 12. 12. 2022 09:29:29 314 AdriAnA Mezeg, AnnA MAriA grego Dans l’exemple 4, l’accent est mis sur le mot slovène gmajna qui signifie « lande, friche, pâtis », i. e. une terre pierreuse inculte, à la végétation pauvre, destinée au pâturage. Souvent, il est accompagné de l’adjectif kraški qui est traduit en italien comme del Carso et comme du Karst en français. À part une omission du syntagme entier kraška gmajna dans la version italienne et, en conséquence, française, la tra- ductrice italienne a traduit le lexème gmajna de différentes manières : le plus sou- vent par l’équivalent culturel landa, parfois accompagné de l’adjectif pietrosa, mais aussi en utilisant un équivalent fonctionnel descriptif pour éviter la répétition au sein d’une phrase (pascoli carsici dans l’Exemple 4) ou varier le vocabulaire (terreno pietroso), s’éloignant ainsi de l’écriture de Pahor. Littérale, la traduction française est fidèle à la version italienne (respectivement lande, lande pierreuse, prés du Karst, terrain pierreux), sauf dans un exemple où la landa est remplacée par un mot plus général, le pré, signe de simplification. Exemple 4. Texte source slovène (1993) Traduction en italien (2002) Traduction indirecte en français (1998) Da, a še prej, ko so slovenski fantje stopali med fašisti po gmajni, so se njihove oči prav gotovo ustavile tudi na kamnih, s katerimi je posejana kraška gmajna. (p. 68) Sì, ma ancora prima, quando attorniati dai fascisti i giovani sloveni attraversavano la landa, i loro occhi si erano posati di certo sulle pietre disseminate per i pascoli carsici. (p. 75) Oui, mais encore avant, quand les jeunes Slovènes, cernés par les fascistes, traversaient la lande, leurs yeux s’étaient sûrement posés sur les pierres éparses dans les prés du Karst, /…/ (p. 92) La généralisation ou la simplification peut aussi être observée dans le cas de la traduction des mots borjač et pašten, les deux appartenant au dialecte de la région du Karst ou du littoral slovène. Dans l’original slovène, nous avons trouvé une occurrence du mot borjač (Exemple 5) qui désigne une cour typique du Karst, entourée de maison d’habita- tion et d’installations agricoles, et d’un mur et porte à l’entrée (SSKJ2). Cette realia a été transmise en italien et, par conséquent, en français par un mot moins précis ou bien un équivalent fonctionnel selon Newmark (1988), à savoir cortile ou cour, les deux signifiant dvorišče (la cour) en général. Faute d’un équivalent en italien et sous peine de perte complète d’élément culturel source, la traductrice vers l’italien aurait pu se servir d’une traduction descriptive ou garder le mot slovène source en ajoutant une note en bas de page.9 9 Par exemple, un cortile chiuso (une cour fermée), il tipico cortile carsico (une cour typique du Karst), il tradizionale cortile della tipica casa carsica (une cour traditionnelle d’une maison typique du Karst). Acta_Neophilologica_2022_FINAL.indd 314 12. 12. 2022 09:29:30 315La villa sur le lac de Boris Pahor en italien et sa traduction indirecte Exemple 5. Texte source slovène (1993) Traduction en italien (2002) Traduction indirecte en français (1998) »Kakor drevesa so rasli [oleandri] z borjača do oken, cveti pa so bili nenavadno veliki. (p. 12) “Crescevano come alberi, dal cortile fino alle finestre ed i fiori erano d’una grandezza insolita. (p. 19) – Ils [les lauriers-roses] poussaient comme des arbres, de la cour ils montaient jusqu’à l’étage, et les fleurs étaient d’une grosseur exceptionnelle. (p. 19) Pašten (Exemple 6), de l’autre côté, désigne au dialecte du littoral slovène une ter- rasse de vignes (SSKJ2), mais dans la Vila ob jezeru il semble être utilisé surtout dans le sens de terrasse, i. e. « terrain, espace en gradins » (Le Robert), car, selon le contexte, il peut se rapporter à des terrasses d’oliviers, d’oranges ou bien de vignes. D’ailleurs, Pahor utilise le mot terasa (la terrasse) plus souvent que pašten (vingt-six occurrences contre douze). Vu la difficulté de garder le caractère dialectal dans la traduction, il n’est pas surprenant que dans la version italienne et, par conséquent, française, l’emploi des mots standard prévaut. À l’exception d’une omission de traduction dans les deux versions, pašten a le plus souvent été traduit comme ter- razza (7 occurrences en italien) ou bien terrasse (6 occurrences en français et une pronominalisation). Quelques occurrences du mot pašten ont subi une traduction descriptive (terrazzi a filari di viti/étagements de vignes), en français aussi une sim- plification (terreno a terrazzi (deux occurrences)/terrasses ou terrain), tandis qu’une solution (campo/champ) est assez éloigné du mot source et n’exprime pas l’idée de gradins. Comme en témoigne l’analyse, le traducteur français est pour la plupart fidèle aux solutions de la traductrice italienne. Exemple 6. Texte source slovène (1993) Traduction en italien (2002) Traduction indirecte en français (1998) Od zemljepisnih posebnosti je vzel v poštev predvsem dve: paštne, ki se v stopnicah vzpenjajo od morja gor po bregu, ter doline. (p. 116) Delle peculiarità geografiche due soprattutto erano quelle prese in considerazione : il terreno a terrazzi che dal mare s’inerpica su per la china e le doline. (p. 123) Des caractéristiques de ce terrain, deux surtout étaient à prendre en considération : les terrasses qui grimpaient de la mer et les dolines. (p. 147) Acta_Neophilologica_2022_FINAL.indd 315 12. 12. 2022 09:29:30 316 AdriAnA Mezeg, AnnA MAriA grego Enfin, toujours dans l’exemple 6, nous pouvons noter l’emploi du mot doline (doli- na au singulier), un terme de géographie désignant une « petite dépression fermée caractéristique des régions de relief karstique » (Larousse). Figurant dans des dic- tionnaires italiens et français, les deux langues romanes ont emprunté ce mot au slovène (respectivement dolina et doline).10 Aussi n’est-il pas surprenant que le mot slovène a été maintenu dans les deux versions cibles observées. CONCLUSION Après avoir brièvement présenté le style de Pahor, son roman Vila ob jezeru et les éditions italiennes et française, nous avons expliqué les termes clés de cet article : la traduction indirecte et les realia. En effet, notre objectif était d’observer la traduction des realia de la Vila ob jezeru dans la version italienne par Marija Kacin ainsi que dans la version française par Benito Merlino, effectuée uniquement à partir de l’ita- lien, pour pouvoir déterminer des écarts éventuels par rapport au texte source ultime. Basée sur une dizaine d’exemples11 de référents culturels source, l’analyse a ré- vélé les stratégies employées et les effets produits. À propos de la version italienne, nous pouvons tout d’abord constater que les dialectalismes ou régionalismes ont en majorité été gommées, remplacées par des mots ou expressions standard, plus généraux et neutres (le cas des mots borjač, pašten et partiellement gmajna), tandis que quelques-uns ont été traduits par un équivalent culturel (par exemple gostilna, baladur et partiellement gmajna). À part quelques omissions et de rares équiva- lents culturels (auberge et lande), la majorité de ces occurrences ont été traduites vers le français littéralement, par un équivalent fonctionnel standard ou bien une expression générale (par exemple cour, restaurant, terrasse), ce qui a entraîné une perte sémantique et éloigné le texte français du texte source ultime. Ensuite, lorsque Pahor utilise une expression d’origine italienne (par exemple polenta ou burja), l’équivalent correspondant est évidemment employé dans La villa sul lago (par exemple polenta, bora). Dans la version française, l’emprunt à l’italien n’a été noté que dans le cas du mot polenta, bora étant simplifié par le vent du nord. L’expression prozorna verona, issue de l’italien limpido verona, n’a, curieu- sement, pas été traduite littéralement vers le français, mais moyennant la natura- lisation et la description (un clairet de Vérone). Enfin, les mots d’origine latine (par exemple portal, kolona) ont littéralement été traduits vers l’italien et aussi vers le français, ce qui a produit une mauvaise traduction à cause d’un faux ami (kolona/ colonne/colonnes), tandis que le terme géographique dolina a été préservé dans les deux langues (dolina/doline). 10 Contrairement à l’italien (una dolina), la désinence en français change en - e (une doline). 11 Au total, nous avons analysé trente-cinq occurrences. Acta_Neophilologica_2022_FINAL.indd 316 12. 12. 2022 09:29:30 317La villa sur le lac de Boris Pahor en italien et sa traduction indirecte Les stratégies utilisées dans la version française ne sont donc pas complètement identiques à celles découvertes dans la version italienne, mais elles sont très simi- laires. Dans la version italienne, l’équivalence fonctionnelle (28 %), culturelle (22 %) et l’emprunt (25 %) prédominent. En français, l’équivalence fonctionnelle (47 %) l’emporte sur l’omission (14 %), l’équivalence culturelle et l’emprunt (chacun 11 %). D’après l’analyse, nous pouvons confirmer notre hypothèse que la traduction française est assez fidèle à la version italienne, son texte source, et que de nom- breux mots observés de La villa sul lago ont été traduits littéralement vers le fran- çais. De manière générale, le texte source ultime a subi quelques omissions et de nombreuses altérations et changements au niveau lexical déjà dans la traduction italienne, et aussi dans la version française parce que Merlino ne s’est jamais référé au roman slovène.12 Pourtant, la simplification des expressions observées est en- core plus évidente dans La villa sur le lac, c’est pourquoi la traduction française est encore plus cibliste que la traduction italienne. Dans le cas de la traduction indirecte, il est inévitable que des informations soient perdues. Par rapport aux textes étudiés, de grands écarts vis-à-vis le roman slovène ont déjà été notés dans la version italienne, c’est pourquoi des pertes n’au- raient pas pu être évitées en français. En effet, souvent, « la traduction de seconde main échoue ou les erreurs de la première traduction sont reportées sur toutes les autres faites sur la base de la première » (Markič 2006, 136). Par conséquent, à moins d’un traducteur compétent pour une paire de langues concernées, la lit- térature devrait, idéalement, être traduite directement de la langue source ultime plutôt qu’intermédiaire. Si tel avait été le cas, la traduction française de la Vila ob jezeru aurait toujours été la même ? BIBLIOGRAPHIE Bibliographie primaire Pahor, Boris. « Laneni kosmiči v laseh. » Razgledi : mesečnik za književnost in kultur- na vprašanja V (1950) : 451–475, 497–529. Pahor, Boris. Vila ob jezeru. Maribor : Obzorja, 1955. Pahor, Boris. Vila ob jezeru. Klagenfurt, Ljubljana, Vienne : Mohorjeva založba, 1993. Pahor, Boris. La villa sur le lac. Traduit par Benito Merlino. Paris : Bartillat, 1998. Pahor, Boris. La villa sul lago. Traduit par Marija Kacin. Rovereto : Nicolodi, 2002. 12 Communication personnelle à travers la plateforme LinkedIn. Acta_Neophilologica_2022_FINAL.indd 317 12. 12. 2022 09:29:30 318 AdriAnA Mezeg, AnnA MAriA grego Bibliographie secondaire Ahlin, Martin. Tehnika širjenja v Pahorjevih romanih Vila ob jezeru in Parnik trobi nji. Mémoire de master. Ljubljana : Département des langues et litté- ratures slaves, 1973. Assis Rosa, Alexandra, Hanna Pięta, et Rita Bueno Maia. « Theoretical, Me- thodological and Terminological Issues Regarding Indirect Translation : An Overview. » Translation Studies 10.2 (2017) : 113–132. Baker, Mona. In Other Words. A Coursebook on Translation. Londres : Routledge, 1992. Bernard, Antonija. « Boris Pahor ou l’originalité de la littérature Slovène de Trieste. » Revue des études slaves 74.2/3 (2002) : 547–562. Čuk, Silvester. « Boris Pahor, Vila ob jezeru. » Ognjišče 29.12 (1993) : 15. Dawood, Adel. « La Traduction : Entre les deux démarches sourcière et cibliste. »Damascus University Journal 34.2 (2018) : 79–97. Grego, Anna Maria. Perdu ou changé dans la traduction – La traduction italienne du roman de Boris Pahor La villa sur le lac et sa traduction indirecte en français. Mémoire de master. Ljubljana, Paris : Département de traduction de la Fa- culté des Lettres de l’Université de Ljubljana, Inalco, 2021. Grosman, Meta. Književni prevod. Ljubljana : Znanstveni inštitut Filozofske fakultete, 1997. Jevnikar, Martin, et Marija Cenda (éd.). Slovenski avtorji v Italiji. Trieste : Lin- gua, 2013. Kavalir, Monika, et Gregor Chudoba. « Indirect Literary Translation and Inter- cultural Communication : Crossing Borders in the Neighbours with a Go- Between Project. » Language and Intercultural Communication 20.6 (2020) : 546–560. https://www.tandfonline.com/eprint/CZ2SHMCNAPBIZAU- HE3VX/full?target=10.1080/14708477.2020.1825462. Consulté le 27 juil- let 2022. Ladmiral, Jean-René. « Sourciers et ciblistes. » Revue d ’esthétique 12 (1986) : 33–42. Markič, Jasmina. « Alamutova popotovanja po Iberskem polotoku. » Prevajanje besedil iz prve polovice 20. stoletja. Éd. Jasmina Markič. Ljubljana : Društvo slovenskih književnih prevajalcev, 2006. 124–137. Mazi – Leskovar, Darja. « Names in Literary Translation : A Case Study of English Versions of the Slovenian Tale Martin Krpan. » Acta Neophilologi- ca 50.1/2 (2017) : 137–152. Mezeg, Adriana. « The Transfer of French Culture-Bound Vocabulary into Slo- venian. » Language and Culture in the Intercultural World. Éd. Vesna Mikolič. Newcastle upon Tyne : Cambridge Scholars Publishing, 2020a. 431–444. Acta_Neophilologica_2022_FINAL.indd 318 12. 12. 2022 09:29:30 319La villa sur le lac de Boris Pahor en italien et sa traduction indirecte Mezeg, Adriana. « La traduction littéraire slovène-français entre 1919 et 2019. »Contacts linguistiques, littéraires, culturels : Cent ans d ’études du français à l ’Université de Ljubljana. Éd. Sonia Vaupot et al. Ljubljana : Znanstvena založba FF, 2020b. 244–259. https://e-knjige.ff.uni-lj.si/znanstvena-zalozba/catalog/ download/246/353/5839-1?inline=1. Consulté le 27 juillet 2022. Mezeg, Adriana, et Anna Maria Grego.  « Boris Pahor’s Prose in Italian and French : The Case of The Villa by the Lake. » Annales, Series Historia et So- ciologia  32.1 (2022) : 39–52. https://zdjp.si/wp-content/uploads/2022/07/ ASHS_32-2022-1_MEZEG-GREGO.pdf, doi : 10.19233/ASHS.2022.02. Consulté le 27 juillet 2022. Newmark, Peter. A Textbook of Translation. New York : Prentice Hall, 1988. Pym, Anthony. « Translation Research Projects 3. » Translation Research Terms : A Tentative Glossary for Moments of Perplexity and Dispute. Éd. Anthony Pym. Tarragona : Intercultural Studies Group, 2011. 75–110. Rojc, Tatjana. Tako sem živel : stoletje Borisa Pahorja. Ljubljana : Cankarjeva za- ložba, 2013. Skubic, Mitja. « Romanski jezikovni vplivi v tržaški knjižni slovenščini. Jezik Borisa Pahorja. » Linguistica 24 (1984) : 315–334. Unesco. « Recommandation sur la protection juridique des traducteurs et des traduc- tions et sur les moyens pratiques d’améliorer la condition des traducteurs. » Unesco, le 22 novembre 1976. http://portal.unesco.org/fr/ev.phpURL_ID=13089&URL_ DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html. Consulté le 27 juillet 2022. Vaupot, Sonia. Les enjeux culturels de la traduction. Ljubljana : Znanstvena za- ložba Filozofske fakultete, 2015. Vaupot, Sonia. « La traduction des sites web touristiques, vers la localisation ou la culturalisation ? = Are tourist website translations trending towards localization or culturalization ? = A tradução dos sites turísticos : em direção à localização ou à culturalização ? » Delta. Documentação de estudos em lingüística teórica e aplicada 36.2 (2020) : 1–27. Venuti, Lawrence. The Translator’s Invisibility : A History of Translation. Londres, New York : Routledge, 1995. Vinay, Jean Paul, et Jean Darbelnet. La stylistique comparée du français et de l ’an- glais. Paris : Didier, 1958. Washbourne, Kelly. « Nonlinear Narratives : Paths of Indirect and Relay Trans- lation. » Meta 58.3 (2013) : 607–625. Acta_Neophilologica_2022_FINAL.indd 319 12. 12. 2022 09:29:30 320 AdriAnA Mezeg, AnnA MAriA grego Dictionnaires Glosbe. https://glosbe.com/it/fr/ballatoio. Consulté en mai 2022. Larousse. https://www.larousse.fr/. Consulté en mai 2022. Le Robert. https://dictionnaire.lerobert.com/. Consulté en mai 2022. SSKJ2. https://www.fran.si/iskanje?FilteredDictionIds=133&View=1&Query=%2A. Consulté en mai 2022. Adriana Mezeg Université de Ljubljana adriana.mezeg@ff.uni-lj.si Anna Maria Grego Université de Primorska annamaria.grego@gmail.com Vila ob jezeru Borisa Pahorja v italijanščini in njen posredni prevod v francoščino: primer kulturnospecifičnih izrazov Članek obravnava prevajanje kulturnospecifičnih izrazov v italijanski (La villa sul lago) in francoski (La villa sur le lac) različici Pahorjevega romana Vila ob jezeru. Gre za edini Pahorjev roman, ki je bil v francoščino preveden prek posrednega jezika, in sicer italijan- ščine. Po kratki predstavitvi dela in pojma posrednega prevajanja se članek osredotoči na strategije pri prevajanju besed in izrazov, značilnih za slovensko primorje z zaledjem, ki jih uporablja Pahor. Raziskava poskuša ugotoviti, ali je kulturna specifika besedišča, ki pred- stavlja resničen prevajalski izziv, ohranjena ali izgubljena ne samo v posrednem prevodu v francoščini, temveč tudi v neposrednem prevodu v italijanščini glede na tesne geografske, jezikovne in kulturne stike med Slovenijo in Italijo. Ključne besede: Boris Pahor, Vila ob jezeru, posredni prevod, kulturnospecifični izrazi, pre- vodne strategije Acta_Neophilologica_2022_FINAL.indd 320 12. 12. 2022 09:29:30 321La villa sur le lac de Boris Pahor en italien et sa traduction indirecte The Villa by the Lake by Boris Pahor in Italian and Its Indirect Translation into French: The Case of the Realia This article examines the translation of realia in the Italian and French versions of the novel Vila ob jezeru (La villa sul lago and La villa sur le lac respectively) by Boris Pahor. The Villa by the Lake is so far the only novel by Pahor translated into French from an intermediate language, namely Italian. After a brief presentation of the work and the concept of indirect translation, the article focuses on the strategies of translating words or expressions typical of the Slovenian coast and hinterland that constitute Pahor’s language, in order to find out whether these cultural elements, which represent a real challenge for translation, have been preserved or lost not only in the indirect translation into French but also in the direct translation into Italian, given the close geographical, linguistic and cultural contacts between Slovenia and Italy. Keywords: Boris Pahor, The Villa by the Lake, indirect translation, realia, translation strategies Acta_Neophilologica_2022_FINAL.indd 321 12. 12. 2022 09:29:31