DESCRIPTION HISTORIQUE ET CRITIQUE . DE L'ITALIE. DESCRIPTION HISTORIQUE ET CRITIQUE DE L'ITALIE, O V NOUVEAUX MÉMOIRES Sur l'État adhiel de fon Gouvernement, des Sciences , des Ans , du Commerce, delà Population & de l'Hiftoire Naturelle» Par M. l'Abbé Richard. Hac olim memînijfe juvabit , Per varios cafus, per tôt difcrîmina rerum. JEnzià. I. TOME A DIJON, Chez François DesVentes Monfcigneur Le Prince de CondÉj Et fe trouve à Pa ris Chez Michel Lambert, Imprimeur, me dc| Cordeliers, au Collège de Bourgogne. M, PCC. IXVl '*rV"rs.§Pr: ,*^r»' t^t ,;»^r^ ■^%rr ""^^è^^^fiji PRÉFACE POUR LES IIP et IVe VOLUMES DES MEMOIRES D'ITALIE. Ette vafte plaine, connue anciennement fous le nom de Gaule Cifalpine, n'a eu ce- 1 lui d'Italie qu'après que les Romains l'eurent foumife à leur domination. C'elt un pays riche, fertile,très-peuplé ; mais le fpec-tacle de la nature y eft d'une uniformité qui 11a rien de piquant» Par-tout on admire le même genre de beautés ôc la même parure dans la campagne ; on ne s'en lafle point à la vérité , & même en côtoyant les Alpes ; on trouve f Tomt UL a * ij PRÉFACE. fur-tout fur le bord des lacs, des fltuations délicieufes que l'on ne peut quitter qu'à regret. Mais, quelque beau que foit ce pays y il n'a pas cette variété piquante ; ces merveilles de l'art cumulées avec celles de la nature ; ces phénomènes multipliés ; ces points de vue pittoresques, qui commencent à frapper dès que l'on a pénétré dans les Apennins, & que Ton eft entré dans l'ancienne Italie. Plus on y avance> plus le fpec-tacle devient intéreiTant; c'eft un pays nouveau , un autre peuple, des mœurs différentes. On ne re-trouve plus dans la Tofcane moderne, ces dévots arufpices Etru£ ques , attachés uniquement à la fcience des facrifices & à l'agri> culture , qui dans les douceurs de la paix , dont ils jouirent très-long - temps , virent les beaux $rts naître ôc fe former chez eux, PRÉFACE. u] dans un goût original & propre à ce pays , qui ne dut rien , ni aux Grecs , ni aux Egyptiens; niais qui fe conferva où il étoit né, & que Ton diftingue encore de tous les autres, dans la fuite des colleclions antiques , comme l'ordre tofcan dans Farchiteclure eft diftingue des ordres grecs. A préfent c'eft un autre peuple fur lequel la fuperftition règne peu ; mais qui a fourni une fuite de grands hommes dans tous les genres, qui eft célèbre encore par l'étendue de fes lumières , fon goût & fon attachement pour les fciences 6c les beaux arts. La ville de Florence les a vu renaître dans fon fein fans aucun fecours étranger. L'architecture y avoit déjà des chefs-d'ceuvres, pendant que le refte de l'Italie & Rome même étoit encore affervie au plus mauvais goût gothique. Le Cimabué parut dans le treizième fiécle, 6c 4 2. k PRÉ FA C E. bientôt il fut fuivi de Léonard de .Vinci, du Mafaccio, de Michel-Ange , de Fra Bartholomeo delJa Porta, d'André del Sarto , qui étoient à la perfection de l'art avant qu'on ne connût Raphaël & le Titien. Toutes les fciences ont eu dans la Tofcane des amateurs éclairés, des auteurs profonds , 6c des protecteurs puifTans qui les ont tirées de l'obfcurité. C'eft à Florence où fe font allumés ces flambeaux brillans qui ont éclairé les beaux fiécles de Léon X & de François premier. Ce qu'il y a de plus remarquable , c'eft que les fciences oc les arts s'y foutenoient dans le tumulte des révolutions , malgré la fureur des factions, 6c la divifion continuelle des partis différens qui portoient les derniers coups à la République expirante, qu'ils çroyoient foutenir, en chaifant Jiors de fon fein5 en immolant PRÉFACE, v même fes plus illuftres citoyens. On atiroit dû les ramener a des fentimens plus doux, & les con-ferver pour défendre cette même patrie , qui s'afToibliiîbit par toutes les pertes forcées qu'elle fai-foit dans le malheur des divi-fions. Des temps plus pacifiques ont fuccédé à ces jours de défordre Ôc de confufion. La nation a changé de face, ôc doit être plus heu-reufe ; mais le pays eft relié le même, il eft riche & floriftant, ÔC peut le devenir encore davantage ; il n'a rien à envier aux plus belles Provinces de l'Europe, parmi lef-quelles il eft au premier rang. Mais quels climats au monde font à comparer au Royaume de Naples, pour la beauté de la fi-tuation , la fertilité des terres, l'abondance des productions , les merveilles de la nature , les phénomènes les plus raies ôc les plus a3 vj PRÉFACE. finguliers ? C'eft-là proprement que l'on retrouve cette belle Italie, que Virgile loue avec autant de magnificence que de vérité, en la mettant au-defîus des riches contrées de l'Inde Ôc de la Lidie , arrofées par le Tage ôc l'Hermus ; en la préférant à la Perfe Ôc à l'Arabie heureufe.... Nec pulcher Ganges , atque auro turbidus Geoig. Hermus, liv. 2. Laudibus Italiœ ccrtent... . On n'y voit point , dit-il, ces taureaux qui refpirent le feu, production formidable des dents de l'hydre ; la terre n'y eft point hérifTée de lances ôc d'épées ; mais on y remarque par-tout des rhoif fons abondantes, des vignes qui produifent les vins les plus délicieux ; les montagnes font couvertes d'oliviers ; les troupeaux y font multipliés ; on y voit le jeune courfier bondir par les canv. PRÉFACE. vîj pagnes , Ôc n'attendre que l'inf-tant où un guerrier habile falTe paroître fa bravoure , fa force Ôc fon agilité.... Sed gravides fruges, CV Bacchi Majjicus humor Implevere : xenent oleœque armentaque lœta. Bine bellator equus, campofe fe arduus inferr. C'eft de là que Rome tire les victimes choifies , qu'elle immole dans les facrifices les plus folemnels. Mais ce qu'il y a de plus admirable, c'eft que le printemps y régne toujours, Ôc que les agré-mens de l'été s'y font fentir , même dans les mois de l'année qui font les plus contraires à fes douceurs ôc à fes productions : Hic ver ajjîduum, atque alienis menfbus œjîas... Les troupeaux y portent deux fois ; on recueille deux fois du fruit fur le même arbre. A ces richeffes naturelles, ajoutez tant de grandes ôc belles villes, a 4 viij PRÉ FA C E: où rindufîrie humaine fe montre avec plus de magnificence que dans aucune autre contrée de l'univers. Les grands fleuves qui les arrofent, ces lacs dont les bords fertiles ôc riants portent dans le centre même des terres les avantages de la mer, y établirent une navigation douce Ôc tranquille , des pêches abondantes ôc inépuifables, ôc fervent à entretenir ces fleuves qui répandent au loin dans le pays l'abondance ôc la fraîcheur. Ad.de tôt egregias urbes , operumque laborem , Tôt congefla manu , prœruptis oppida faxis, Fluminaque anciquos fubier labentia muros De là fi l'on porte fes regards fur les rivages de la mer y qui environne l'Italie de trois côtés ;fi l'on examine la magnificence ôc la sûreté de fes ports , l'étendue du commerce qui s'y fait, la richelTe ôc la population de fes villes ma* PRÉFACE. ix ritimes, entourées de territoires abondans en toutes fortes de denrées, ôc fur-tout en fruits délicieux ; où toutes les nations de la terre fe plaifent à aborder, parce qu'elles y trouvent des ra-rraîchifîemens admirables , ôc des foulagemens certains contre les maladies prefque toujours attachées aux navigations de long cours ; fi l'on a vu les pêches abondantes qui fe font dans toutes ces mers, on eft perfuadé que l'avantage feul de la fituation fuffit pour enrichir cet excellent pays , déjà fi riche par lui-même ; qu'avant que le commerce y fût établi, fes propres refTources fuf-firent à fes habitans pour établir l'empire de Rome ôc de l'Italie fur le refte de l'univers connu. An mare, quod fupramemorem, quodque alîuk infra ? Anne lacus tantos ?.,.. An mcmorem. portas?____ x PRÉFACE. Ce pays fi fertile ôc fi heureufe-ment fitué, renferme encore dans fon fein les veines de ces métaux précieux que l'on va chercher à préfent fi loin, ôc qui y étoient autrefois fi abondans, qu'ils four-niflbientà un luxe immenfc, & à l'entretien des tréfors publics qui étoient en dépôt dans les temples. On a vu les Napolitains r pendant la féconde guerre punique, donner en préfent aux Romains des fommes conficlérables d'or pour fubvenir aux frais de la guerre. Il n'y avoit point alors de commerce étranger ; cet or fe tiroit des mines du pays f probablement de la Campanie-Les anciens habitans de Cumes î'employoient à la décoration de leurs temples , ôc à l'e n ri chi fie -ment de leurs maifons. Dans les temps les plus reculés, ils avoient une quantité de bijoux d'or à leur ufage, ôc ils en re- PRÉ FA CE. xj liaufloient leurs étoffes..... Hœc eadem argenti rivos , œrifque métallo Ojlenâh venis , atque auro plurima jluxit... : Et que l'on n'imagine pas que le poète , accoutumé à la fiction, a raflemblé toutes les qualités des pays les plus heureufement fitués , les plus abondans ôc les plus riches , pour les donner à l'Italie, ôc la repréfenter en fpec-tacle fous une couverture magnifique , mais empruntée 6c formée de mille pièces de rapport. Virgile a été autant hiflorien que poète ; fon flyle, quelque élégant, quelque pompeux qu'il foit, n'ajoute rien à la vérité. On retrouve encore dans les contrées qu'il a peintes, la même magnificence de fpe&acle , la même richefle ôc la même fertilité : tous les grands objets dont il parle fubfiftent. Le Royaume de Naples, où il a pafTé la plus grande partie de fes jours, xîj PRÉFACE. fous le climat le plus heureux J dans la température la plus douce, eft encore le plus beau pays du monde & le plus riche. C'eft dans la vue de ces régions charmantes qu'il puifoit ces idées agréables , ces deferiptions riantes, qui, tranf-portées ailleurs, ne peuvent plus iervir que de comparaifon , dont il eft difficile de fentir la réalité ; c'eft là, pour tout dire, qu'il com-pofa fes Géorgiques ; c'eft fur les ufages mêmes du pays qu'il fit fes obfervations excellentes, d'où ré-fulterent ces préceptes fr vrais Ôc fi utiles qu'il donna fur la culture des terres , l'éducation des troupeaux, ôc toute l'économie rufti-que qu'il avoit étudiée avec réflexion, & qu'il connoiifoit parfaitement. Quand on a parcouru ces contrées délicieufes , quand on les a examinées , alors on ne voit plus dans Virgile qu'un géogra- PRÉFACE. xïij phe exact & circonftancié, qu'un îûftorien fidèle , qui s'elt fervi du langage des Dieux pour donner à la poftérité la plus reculée une idée jufte du pays qu'il avoit adopté , qu'il regardoit comme une autre patrie , où il pana des jours heureux & tranquilles , dans la jouiiïance des plaifirs innocens qu'il trouvoit dans le commerce des mufes, l'obfervation de la nature & le culte des Dieux. Aufli dans l'enthoufiafme de fa recon-noilTance & de fon attachement, il s'écrie.... Salve magna parens frugum, Saturnia tcllus , Magna virum..... Il joint ici les qualités morales aux phyfiques ; cette même terre 11 riche dans fes productions a donné la naiflaiice aux plus grands hommes. Exe genus acre virum , Marfcs , pulemqut Sabellcun > xiv PRÉFACE. Ajjuetumque malo Ligurem, Volfcofqiie verutos Extulit : hœc Decios , Marias A magnofque Camilîos , Georg. 5cipiadas duros bello, te, maxime Cafar... liv. 2. , Il ne pouvoir, rien imaginer de plus grand dans ce genre. Tous ces hommes illufîres qui avoienr. fait la deftinée de l'univers , étoient nés dans l'Italie proprement dite. Il voyoit dans leurs grandes actions une preuve de leur defcendance des Dieux mêmes , qui. pafîoient pour avoir habité les premiers l'Italie ; leurs vertus, leur prudence, leur force, ne lui permettoient de voir en eux que des mortels fi heu-reufement nés, qu'ils pouvoient rapporter leur origine aux Dieux, fans avoir à en rougir.... Prœf-Auiug. i. tantiffimos vimite,prudentia, vi~ %i, c. tribus y Jovis filios poè'ta: appella-runt.... Idée excellente qui ne pouvoit que porter les hommes à la vertu. P RÉ FACE. xv Mais tous les Dieux n'avoient pas l'avantage de produire des defcendans vertueux ôc honnêtes ; cette prérogative paroifîbit fpé-cialement réfervée à Jupiter ôc à fal igne ; car les hommes qu'une intrépidité décidée portoit à affronter les hazards de la mer, qui renonçoient en quelque façon au féjour délicieux de la terre pour vivre fur l'élément perfide ôcin-confiant , paffoient pour les fils de Neptune $ on les regardoit comme des gens féroces, barbares ôc fans humanité.... Ferocif-Jim os SC immanes , êC a lie no s ab omni humanitate tanquam ci mari genitos, Neptunifilios dixe-runt j cyclopa, Icjlrigonas.... Il Auiug. t eft vrai que ceux qui , dans les15'*'*1*-temps reculés, s'exerçoient à la navigation fur les côtes de Grèce Ôc d Italie, couroient plutôt les mers pour faire le métier de pirates ; que pour établir un corn- xv; PRÉFACE. merce réglé & quelque corref-pondance entre la terre-ferme ôc les ifles, l'Italie, la Grèce ôc quelques côtes de l'Aile. Les Romains eux-mêmes firent paffer en Italie le luxe Ôc les richeffes de l'Afie , plutôt comme dépouilles de pays vaincus ôc à titre de conquérans, que comme navigateurs ; ils ne fongerent pas à établir les arts de la Grèce ôc de l'Italie, dans les vaftes Provinces où ils domi-noient ; ils n'y portèrent jamais rien de leurs productions abondantes ; ôc leur navigation ne s'é-tendoit qu'autant qu'il étoit né-ceiTaire pour faire pafTer leurs légions d'une Province à l'autre. Virgile appelle l'Italie Saturnin tellus, magna virum ; terre de Saturne , patrie des grands hommes. Ce Saturne, fous le nom duquel les anciens mythologiftes ont tant débité de fables, qu'ils ont donné pour le pere des plus PRÉFACE. xvij grands Dieux, étoit un philofo-phe habile & éclairé , qui avoit beaucoup voyagé ; qui avoit étudié dans les difïérens pays qu'il avoit parcouru, la manière la plus utile de cultiver les terres, ôc d'en tirer plus de produit. Janus, petit prince d'Italie, dont on a fait un demi-Dieu, que l'on a repréfenté avec deux vifages, parce que les réflexions qu'il fai-foit fur le palfé , dont il avoit une grande connoiflance , lui faifoient prendre des précautions fi utiles pour l'avenir , qu'il fembloit le prévoir, reçut Saturne dans le cours de fes voyages ; profita de fes obfervations , fur lefquelles il rectifia fa manière de cultiver ; donna de nouvelles lumières à fes fujets ; rendit fon petit état plus florilfant ôc plus riche, ôc fes fujets plus heureux. Voilà la véritable explication des fables qui ont été débitées fur Janus ? ôc la, xviij1 PRÉFACE. raifon pour laquelle on a dit qu'il avoit deux vifages, ôc qu'il voyoit devant Ôc derrière lui. Tertullien , qui examinoit les chofes en philofophe éclairé, con-venoit que l'on ne trouvoit nulle part des preuves plus certaines de leur origine , qu'en Italie. Il cherchoit à convaincre les Romains de la faufïeté du paganif-me , en les amenant à des idées juftes ôc raifonnables fur le principe de leur culte ; ôc en leur confervant la noble antiquité, ôc la prééminence fur les autres peuples, dont ils fe glorifioient... Si quœras rerurn argumenta , mtf-quam invenio fideliora quam apud ipfajn Italiam, in qua $ aturnus ^ pojl multas expeditiones, pojlque lbg/c'ic? Atiica hofpitia concedit.... C'eft donc très-anciennement que l'Italie a été appelée terre de Saturne. Quelques auteurs même, accoutumés à regarder Saturne P RÉ FA CE. xix comme le plus ancien de tous les Dieux , en ont parlé fans daigner faire mention de Janus. Feftus-Pompeïus dit que le mont Ca-pitolin avoit eu autrefois le nom de Saturnien, comme étant fous la protection particulière de ce Dieu. Les habitans du bourg fi-tué au bas de cette montagne étoient appelés Saturniens ; & on y voyoit un autel confacré à ce Dieu , bien avant la guerre de Troie. Sans rejetter cette prodi-gieufe antiquité comme fabu-leufe y. je n'y vois qu'un événement tout ordinaire. Janus céda quelques terres de fon petit état à Saturne, qui s'y établit ôc leur donna fon nom. Les Romains, accoutumés à voir tout dans un ordre extraordinaire , accablés en quelque forte fous cette multitude de fablesr, dans la croyance defquelles on les élevoitt ôc dont ils n'ofoient fe- xx PRÉFACE; couer le joug, aveuglés par l'éclat majeftueux que leur puifTance même avoit communiqué à ces êtres chimériques , ils n'oferent Ï»lus rien y voir que de furnaturel; es Dieux avoient tout fait, ôc Ttlfc, v. n, les hommes ne dévoient y avoir ». & 3. contribué pour rien. Comme ils ne peuvent, dit Ciceron, porter leurs regards fur une antiquité fi reculée, ils ne fauroient s'imaginer que les premiers auteurs des infritutions les plus utiles ayent été des hommes.... Quand on a dit qu'Atlas portoit le ciel fur fes épaules ; que Promethée avoit été attaché fur le Caucafe ; que Cephée, fa femme , fon gendre ôc fa fille brilloient au nombre des aftres, quelle raifon au-roit pu donner cours à ces opinions , fi la feience divine de Faitronomie qui avoit fait admirer ces grands hommes , n'eût fervi de prétexte à ceux qui PRÉFACE. xx] ont imaginé ces fables f..... Ce pacage lumineux d'un des plus grands philofophes de l'antiquité, nous enfeigne la vraie manière de donner un fens raifon-nable à tous les myfteres de la théologie païenne, ôc à trouver la raifon môme dans fon abfur-dite. C'eft au moyen de ce fil que nous marcherons fur les traces de Saturne, de Janus , d'Hercule même , que nous les fui-vrons dans leurs courfes en Italie ; que nous y découvrirons le véritable fens de leurs exploits merveilleux, ôc que nous retrouverons encore les veftiges des éta-blifîemens qu'ils y ont fait; on verra dans la terre de labour les champs phlégréens, où les géants oferent combattre contre les Dieux , ôc on reconnoîtra ce qui a donné lieu à cette fable. Tant que le paganifme a fubfifté, ces idées fe font confervées, ôc les xxij PRÉFACE. auteurs les mieux inftruîts onc débité gravement les fables les plus abfurdes ; il a fallu un nouvel ordre de chofes, une religion pure & fainte qui éclairât les efprits en les élevant, ôc qui rendît à la raifon qu'elle conduifoit, toute l'autorité que l'erreur lui avoit enlevée. Quant aux mœurs anciennes de l'Italie, il n eft pas fi aifé d'en retrouver les veftiges dans les mœurs actuelles. Les révolutions que les divers gouvernemens ont éprouvées avant que de fe fixer, ont changé totalement la face des chofes. Si on peut encore fe former à Venife une idée du fé-xiat de Rome, c'eft que cette république s'établit lorfque l'empire fubfiftoit, ôc que l'on parloit encore à Rome de la forme extérieure du fénat. Dans fa décadence, la plupart des villes éloignées ôc puifiantes avoient repris PRÉFACE, xxiij une forme de gouvernement qui tenoit un peu de celui de cette ville, qui avoit donné des loix au refte de l'univers. Tous les autres états font fournis à des princes fouverains , & dès-lors à la volonté d'un feul. L'efpece d'arif-tocratie qui fe conferve dans quelques villes principales , n'en a que le nom fans autorité ; il faut en excepter les républiques de Gênes & de Luques, dont les gou-vernemens font afîez connus. La puifTance temporelle de l'églife eft une ariftocratie d'une forme nouvelle. Toutes ces variations ne permettent plus de reconnoî-tre l'ancien état de l'Italie dans celui qui fubfifte aujourd'hui ; d'ailleurs la partie la plus fréquentée de l'Italie par les anciens , cette grande Grèce qu'occupoit prefque tout le royaume de Na-ples ,eft aujourd'hui fort ignorée. On ne voyage plus dans la terre xxiv PRÉFACE. d'Ocrante ôc dans celle de Bari ; à peine connoît-on les deux Ca-labres Ôc la Bafilicate ; c'eft cependant là qu'ont abordé* les Pi-thagore ôc les Platon ; c'eft par les ufages de ces provinces qu'ils jugeoient du refte de l'Italie. La mollette voluptueufe qui régnoit dans ces cantons, déplut infiniment au fage Platon, ôc lui fit dire qu'avec de telles mœurs, il n'étoit pas pofîible qu'un homme devînt jamais prudent ôc courageux, ôc qu'y étant habitué de jeunette, il ne pouvoit jamais af fez connoître la tempérance Ôc la continence, pour s'en faire une piato.inidée ôc y afpirer .... In Italiam epilt. cite /»' •rr par Atha- appUU . .. . qUO ClUïl f Cl'YCllljjCTU > nee'l,IZ' miAi vil a , nullo prorfus modo plaçait , quam illic degebant 9 quia cibo fe quotidie bis fatia-rent , nunquam Joli dormirent noctu, 6C alla injlituta fequeren-lur, quœcumque. vitam hujufmodi comitari PRÉFACE. xxv comitcni folent.....Cependant c'étoit alors la région la plus brillante ôc la mieux cultivée de l'Italie. Mais combien les chofes y ont changé !... Ces mœurs n'ont reparu que dans les temps les plus remarquables de la magnificence Romaine , ôc fous les premiers empereurs ; elles ont été une des caufes les plus fenfibles de la décadence de l'Empire Romain, comme elles avoient perdu le pays où elles s'étoient d'abord établies ; ôc l'on peut dire que cette efpece d'intempérance qui choqua fi fort Platon, n'y règne plus. En général tous les Italiens font fort fobres. Mais toutes ces variations n'ont rien diminué des grandes prétentions de cette nation , tant par rapport à fa nobleffe originaire , qu'a l'avantage de fa fituation. Les régions fituées dans une température moyenne , dit le favant Celius Rhodiginus} où le chaud.i.Vs]c.A Tome III. • b * xxvj PRÉFACE. ôc le froid ne dominent jamais exclufivement , mais où ils fe tiennent refpe&ivement dans une proportion jufle entre les extrêmes , produifent les efprits les plus prudens & les plus fages, ceux qui font le plus capables de gouverner.... Telle a paru être à Vitruve la fituation de l'Italie. Les corps Ôc les efprits y tiennent de cette température heu-reufe, qui les fait participer aux avantages des nations feptentrio-nales ôc méridionales , fans rien avoir de leurs défauts. C'eft fous ce point de vue que l'on doit con-fidérer les peuples de l'Italie; par leur prudence, ils viennent à bout des efforts redoutables du fep-tentrion , ôc par leurs forces ils triomphent aifément des entre-prifes du midi.... Aufli regarde-t-ii l'Italie comme le fol le plus favorable à (a nobleife ôc aux loix.... c!\nr ItalLJîiintJcmperregali nobilitate PRÉFACE. xxvi j frœfulgidi .... legibus SÇ juJÏL-tia uifignes hall.... Avantages qu'il paroît rapporter à l'heureufe fituation de ce pays, comme à leur première caufe ; ce qu'il difcute fur-tout dans le chapitre qui a pour titre, Ex dn er/is cœii habi- l. i s, r. tibus , diverfos cvadere Aoml/ium2,0' mores .... Doctrine qui a été bien folemnifée dans notre fiécle. Quant à moi, content d'examiner ces différens objets fans eii juger, j'ai taché de me mettre au rang de ceux qui, comme le dit Ciceron, venoient aux jeux publics uniquement pour voir ce qui s'y paffoit, & faire leurs réflexions fur ce qui fe préfentoit à leurs yeux. Comme à l'égard de ces jeux, il n'y a rien de fi honnête que d'y affilier fans aucune vue intérelîée ; de même en ce monde la profeffion la plus noble 6c la plus honnête, eft celle d'une étude qui n'a d'autre but que de xxviij PRÉFACE. parvenir à la connoiifance de toii-v. tes chofes.... In vitd longé omnibus Jludiis y contemplationem rerum , cognitionemque prof are. Nota. Vabondance des matières des deux premiers tomes a obligé de rapporter au commencement de celui-ci, £ ordre chronologique des Peintres des différentes Ecoles de t Italie, qui auroit du être placé à la fuite des Empereurs , comme on t avoit annoncé dans le difcours préliminaire. milU < |WHMir||i.T.«i3PajxMJHBMWBM—■mm»— CHRONOLOGIE DES PEINTRES EN ITALIE. ON diftingue différentes écoles de peintres en Italie , dont il eft important d'avoir line idée, pour les caractérifer par le genre de peinture: qui y a dominé , & par la laite des peintres célèbres qui en font fortis , Se dont Jes tableaux font connus & recherchés par les curieux. L'école Romaine eft regardée comme la première , & date fon exiftence du temps de Raphaël qu'elle reconnoît pour fon chef. C'eft la plus célèbre de toutes, ponr la beauté & la correction du deiïein , l'élégance des compofî-tions , la vérité de l'expreiïion , Se l'intelligence des attitudes. Les habiles maîtres de cette école fe font formés principalement fur l'étude de l'antique. La plupart le font moins appliques au coloris , qu'à rendre avec une forte de fo-lemnité les grandes idées dont ils étoient pénétrés ; en quoi ils ontréufli d'une manière fu-pericure : leurs tableaux tiennent le premier rang dans les collections de peintures. L'école Florentine a eu pour fondateurs Léonard de Vinci, Se Michel-Ange Buonarotti. Ces deux grands artiftes ont tranfmis à leurs tfxx École de P e ï k t r r f. Nieves un goût de dcflein fier & décidé , line JTublimité d'expre/fion , qui donne quelquefois dans le gigantefque, & louvcnt femble outrée & horr. de nature , & cependant toujours ma* gnifique. André dcl Sarto , contemporain de ces grands hommes, a été excellent coloriftc; & une grande partie de les tableaux ont encore un éclat admirable. Fra Bartholomeo délia Porta , qui donna des leçons à Raphaël, & qui en étoit digne T a laifle peu de tableaux, mais qui font excellons dans toutes leurs parties : il a vu l'école de Florence fe former. Dans la fuite des temps, fans abandonner le grand goût du «leffein & de l'expreflion , le coloris s'eft perfectionné dans cette école, qui eft moins noni-fcreufe que les autres. I/écoJe Lombarde a réuni toutes les qualités qui formen: la perfection de lJart de pein-• tire. A l'étude de l'antique , fur lequel elle s'ert formée pour le defTein , ainfi que les écoles Romaine & Florentine, elle a joint les beautés vivantes & fen/ibles de la nature, la richefTe de l'ordonnance, la vérité de l'expre/lion , la pureté & la fine/Te des contours , un coloris fou-vent aufii beau Se aufïï vrai que la nature même , une facilite de pinceau admirable ; enfin elle a raiTemblé ce que la feience & les grâces de la peinture peuvent offrir de plus noble & de plus touchant. Le Corrége eft regardé comme le premier peintre de cette école , qui compte parmi les élevés , le Parmefan , le Schidone, les Carrachcs , le Guide , le Guer-chin, le Dominiquin , l'Albane. Quels noms dans l'hiftoire de la peinture , & combien ces îlluftres ont travaillé ! On en peut juger par cette v quantité immenfe de tableaux de prix qui font forcis de leurs mains. École ce Peinturé. xsf| L'école Vénitienne a produit des peintres excellons, doiit plulîcars, dans le cours d'une longue vie , femblent eu avoir confacré tous les inftans à produire un nombre immenfe de chefs-fl'ceuvres de l'art. Ils ont imité la nature avec une perfection & une fidélité qui féduit les yeux. Leur coloris eft favant & enchanteur ; on y remarque la plus grande intelligence du clair obfcur, une belle imagination , une ordonnance riche , les touches les plus gracieufes & les plus fpirituellcs ; enfin une manière qui enchante , fur-tout dans les belles & lavantes compofitions du Titien & de Paul Véroncfe. Ces grands artiftes ont trop négligé le deftein , qui eft efTentiel à la peinture. Les Bellins, le Giorgion &: le Titien font regardés comme les fondateurs de cette école. Le Giorgion & le Titien fur-tout , ont porté la manière vénitienne à une perfection que l'on a eu peine à égaler. Ces quatre fameufes écoles ont produit cette quantité de peintres célèbres , dont les noms & les ouvrages perceront la nuit des fiécles , & ferviront à former dans la fuite des temps, des artiftes qui les remplaceront en étudiant leurs ouvrages ; Iefquels, pour un génie né pour la. peinture, font la leçon la plus frappante } en ce que le modèle & le précepte fe trouvent réunis. L'école Françoife , qui s'eft formée fur celles d'Italie , a produit des artiftes qui les ont imitées dans leurs différentes manières. Le Pou/lin fur - tout a travaillé fi bien dans le bon goût de l'école Romaine , que les Italiens même fe plaifent à placer fes tableaux parmi ceux de leurs meilleurs maîtres. De tous les peintres François , c'eft le plus connu à Rome. Rubens & Vandick , tous- deux de l'École Flamande, font regardés en Italie comme deux artiftes illuftres , dont les tableaux vont de pair avec ce que les plus habiles maîtres des différentes écoles ont produit de plus parfait. Vandick , pour le portrait, difpute le premier rang à tous ceux qui ont travaillé dans le même genre. Rubens, dans les tableaux d'hiftoire Se les allégories, né le cède «à nul autre. II a de plus un coloris fi vrai & fi éclatant, Tes tableaux fc conforvent avec tant de fraîcheur, que fon mérite femble croître avec les années. Les autres bons peintres de l'école Flamande iont recommandables par le travail achevé dé leurs tableaux, l'imitation fouvent trop fîdcle de la nature, une délicatelTc d'exécution Se de pinceau, une patience Se un fini que l'on ne trouve que dans leurs ouvrages. ÉCOLE RO MAIN E. RAphael Sanzio , d'Urbin , né en 1485, mort en 152,0. Aucun peintre n'a porté plus haut l'art delà peinture, & n'a plus appro*. ché de la perfection. Ses grands ouvrages font à Rome au palais du Vatican. Ses tableaux tiennent le premier rang dans les collections, quoiqu'ils n'ayent ni l'éclat du coloris du Titien , ni la beauté des teintes du Corrége. Jules Romain (Giulio Pippi ) né en 14^1, mort en 1546 , difciple favori de Raphaël. Le caractère de ce peintre eft la force & la har-dielTe ; on a quelques morceaux de lui admi-, xablemenc défîmes ; fon coloris étoit foible Si t> e Rome. xxxiij obfcur : fes grands ouvrages font à Mantoue 99, mort en ï6 6i , peintre digne des plus beaux temps de la peinture. Ses tableaux font admirablement deflînés ; on y voit les grâces , la ten-drefTe & le coloris de fon maître l'Albane ; & plus de noblelTe, de vérité d'exprefjion & de de Rome1. xxxrij fînelTe. Son tableau de faint Romuald pafle pour l'un des plus beaux qui (oient à Rome. Il y a une mort de l'ainte Anne à fan Carlo à Cati-nari à Rome, qui eft aurtl un excellent morceau..... Dominique PalTignani , mort environ 1630, âgé de quatre-vingts ans , a peint avec goût & nobleile. Son coloris approche de celui de l'ancienne école Romaine ; mais la beauté d'ex-prellion de fes tableaux les fait rechercher. On voit beaucoup de tableaux de chevalet de ce maître , & quelques grands ouvrages à Florence. Pictro Tefta, né à Luqucs en 1611, fe noya dans le Tibre, en voulant retenir fon chapeau que le vent emportoit, en 1648. Il étudia longtemps les antiques de Rome , fur lesquels il fe forma une bonne manière de delTîner , quoiqu'un peu roide. Son coloris eft ferme. Il y a beaucoup de fes tableaux à Rome , Se on lui en attribue plus qu'il ne peut en avoir fait. Salvator Rofa , né en 1614, mort en 1673. Ses tableaux de chevalet font répandus dans toute l'Italie, où ils font fort eftimés. Il pei-gnoit avec la plus grande vérité , Se rendoit la nature telle qu'elle étoit. On a de lui d'excel-Jens tableaux de batailles, de chalfcs, de pay-fages Se d'animaux , qui étoient fon vrai genre. Il en a fait quelques autres de caractères marqués , où il a également bien réu/Iî. Son coloris eft vigoureux ; fon deffein eft quelquefois bizarre ; mais tous fes tableaux ont un air original , qui ne permet pas que l'on s'y méprenne. Son frère ou fon neveu Pictro Rofa , a travaillé dans le même goût , mais d'une manière bien inférieure. Salvator Rofa a gravé à l'eau- forte tous fes ilcfTeins, dont on trouve fa col- Jccfion chez fes héritiers à Rome; Carlin Dolce, né en 1616, a beaucoup travaillé à Rome. .Son coloris eft frais , & fa com-pofition gracieufe. Hiacinthe Brandi, né à Rome en 1613 , mort en 165JI. Ses tableaux y font communs; on Jes reconnoit à la beauté de l'ordonnance, à la fécondité de l'imagination , & à la facilité du faire. Ils font incorrects de deffein & foiblcs de couleur. La manière de Brandi étoit fï peu décidée , que fouvent les curieux fe trompent à fes tableaux , & les donnent à d'autres maîtres. Carlo Maratti , né à Rome en i6z$ , mort en 1713,3 deffiné fagement, & a plutôt cher-thé à plaire dans fes compoto'rions, qu'à étonner. Ses airs de icte font très-agréables , fon coloris eft brillant , plus dans le gode du Bar-roeci que d'aucun autre peintre. Il a excellé à repréfenter les Vierges & les fujets de dévotion. Ses tableaux font très-finis. Luca Giordano , né à Naples en 1632 , mort en 1705. L'Italie eft pleine de tableaux de cet excellent artifte , qui travailloit avec une facilité & une célérité fînguliere; mais ils ne font pas tous de la même force .* on en voit quelques-uns de la plus belle exprcflîon, & d'un coloris excellent. Ciro Ferri , né en 1634 , mort en T689. il fe forma fur les ouvrages de Pierre de Cortonc Son coloris eft frais & gracieux. Il peignoir avec propreté; mais il manquoit de ce feu d'i-jnagination qui caracterife les grands artiftes ; ce qui fait que fes originaux reffembient à d'ex^-cciientes copies travaillées avec foi», de Rom*. xxxlx Jcan-Baptifte Bacici, né à Gènes en \6^p , mort en 1709 , vint à Rome , ou il fe fit con-noître avantagea Cernent. Il a peint la belle coupole de l'eglife du Jefus à Rome. On remarque dans les tableaux un génie heureux une grande facilité, & une belle couleur : il peignoit bien le portrait. Mathias Preti, dit le Calabrefe , né en 1^43 y mort en î^ç s'eft formé à l'école de Florence ; il a prefque toujours travaillé en France , & fur-tout à Fontainebleau. Ses tableaux font peu connus en .Italie. Le Bronzino , mort à Florence en 1570, a travaillé fi bien dans le goût du Pontorme fon maître , qu'il eft difficile de diftinguer leurs ouvrages. On voit beaucoup de fes tableaux à Florence , à Pifc , que l'on peut prendre pour être du bon temps du Pontorme. Le Bronzin pei-gnoit bien le portrait. Alexandre Allori, neveu du Bronzin, Se fon élevé , faifit fa manière qu'il embellit. Son DE FlORïMCf. xlv oeflein eft de la pureté de l'antique , fon pinceau moelleux , & fes idées très-gracieufe-s. Il y a beaucoup de fes tableaux à Rome Se à Florence , que l'on reconnoît à la beauté du def-fein. Il eft mort en 1607. François RoiTî, dit le Salviati, né en 1? 10 , mort en 1563, très-bon peintre dont on voir beaucoup de tableaux. Son defTein étoit franc & libre , fon coloris frais Se gracieux. Il dif-tribuoit parfaitement la lumière dans fes.tableaux , qui font très-reconnoiffables à ces qualités , & fur-tout aux attitudes lingulieres qu'il a données , même aux figures qu'il a employées dans fes tableaux de dévotion. On voit de fes ouvrages à Florence , à Bologne , & à Rome. Pirro Ligorio, peintre médiocre , mais ex-1 cellent architeéle , mort en 1573. Georges Vafari, né en r 5; 11 , mort en r 5 74,' fut élevé de Michel-Ange Se d'André del Sarto. Son defTein eft aiTcz bon, fans avoir rien de la fierté & de la noblclTe de celui de Michel-Ange. Son coloris eft foible , & cependant aifé à reconnoître. Ses compofitions fouvent font embrouillées. On voit quelques tableaux heureux de lui à Florence, où il a beaucoup travaillé , ainfi qu'à Rome. Il eft fort connu par les vies des peintres qu'il a écrites. Ludovico Cigoli , né en 15 çp , mort en 3673 , de/finoit bien , peignoit d'une manière ferme & vigoureufe , & compofoit avec génie, ïl a imité heureufement la manière de colorier des plus grands maîtres, & l'a emporté en concurrence fur le Barrocci & Michel-Ange de Caravage. On a quelques tableaux dc'lui, dignes du Corrége. Il étoit bon architecte , Se a travaillé pour les Medicis à Rome Se à Florence. Franccfeo Vanni , né en 1565 , mort rj^ 16rç , delfinoit bien. Ses tableaux , d'un coloris gracieux, font dans le goût du Corrége & du Barrochc : il n'a peint que des fujcts de dévotion. Jean Manozzi, Giovani di fan Giovani, né en 1590 , mort en 1636 , l'un des meilleurs peintres de l'école Florentine , qui entendoit très-bien la pcrfpedtive & l'architecture. On voit de fes ouvrages au palais Pitti à Florence ; quelques exccllens tableaux à Rome , qui font encore très-bien confervés , fur-tout celui qui eft à fanta Maria del Popolo. Mathieu Roffelli , ne en 15*78, mort çn 1660. Son deflein eft pur, fon coloris eft frais , & fes tableaux font travaillés avec foin. Ses compofitions font trop fymraétrifées ; il avoit l'imagination froide. Il a peu fait de tableaux de chevalet ; mais on voit beaucoup de grandes frefques de lui à Florence. ÉCOLE DE LOMBA RDIE OU DE BOLOGNE. FRançois Francia, né en 1450 , mort en 15 18 , eft regardé comme le reftaurateur de la peinture à Bologne. Il avoit une grande réputation. Raphaël lui adrefla fon tableau de fainte Cécile, pour l'examiner & le corriger. On dit que le Francia mourut de chagrin de voir un ouvrage fi parfait , forti des mains d'un jeune homme qu'il regardoic comme fon inférieur. Les tableaux qui reftent de lui, font d'un deifein fage, & d'un ton de couleur afiçz de Lombard te. xlvîji bon pour fon temps. On en voit à Bologne & à Florence , & dans quelques cabinets de cu-< rieux , même en France. André Mantegna^ né en 1451, mort en 1517. Ses premiers ouvrages font à Padoue. Sa manière étoit an-deffus de celle du Francia ; fon coloris bon , Se qui conferve encore de l'éclat. Ses tableaux , comme ceux de tous les anciens artiftes , ne font plus dans le commerce , Se fervent feulement A faire juger des progrès de l'art , depuis fa nailTance jufqu'à fa perfection. Franccfeo Primaticio Bologncfe , né en Î490 , mort en 1570. Il fe perfectionna dans l'art du defTein, par les leçons d'Innocentio da Imola. Il travailla enfuite au palais du T à Mantoue , fous les yeux de Jules Romain, & vint en France , où il peignit pour François premier Se Henri II , qui l'honorèrent conf-tamment de leur bienveillance. Il amena avec lui Nicolo dell'Abbatc , qui le féconda heu-reufement. On voit de belles frcfques de lui à Bologne au palais de l'Inftitut. Il deftînoit dans le gout de Jules Romain. Son coloris eft encore frais & gracieux , Se fes tableaux de chevalet font fort recherchés. Antoine Allcgri , dit le Corrége , né en 1494, mort en 1534, ne doit fes fuccès écla-tans qu'aux heureules difpolitions avec Ici— quelles il étoit né. Il ne connoiffoit pas Tan-tique i il n'avoit vu ni le Titien, ni Raphaël ni André del Sarto. La nature & fon génie le firent peintre. 11 étoit à la perfection de fon art fans s'en douter > & il ne connut l'excellence de fes talens , qu'en voyant par hazard tin tableau de Raphaël eue Ton vantoit beau-Coup. On n'a pas encore pu imiter le coloris xlviif École de Peinture enchanteur du Corrégc, Se fon pinceau tendre & moelleux. Ses ouvrages , qu'il donnoit à très-bon marché, font hors de prix & très-rares. Plufîeurs que l'on dit être de lui, parce qu'ils approchent de fa manière, font d'habiles maures qui ont tâché de l'imiter. François Maffuoli, dix le Parmefan , né en 15/04, mort en 1540. Sa manière eft gracieufe ; fon coloris eft frais & naturel ; fon faire eft aife ; fon defTein eft correct ; fes draperies font heu-reufement jettées. Il a manqué d'expreffion dans les grandes compofitions ; il a mieux réuftî dans les petits tableaux de chevalet, qui font xares & d'un prix exceftif. Pelegrino Tibaldi, de Bologne, né en ifn," •mort en 1591, bon peintre & architecte. Ses premiers tableaux , que Ton voit à Bologne dans les églifes , font de belle couleur, bien compofés, & corrects de deffein ; & malgré cela, il pouvoità peine gagner de quoi vivre : mais te pape Grégoire XIïî , & Philippe II roi d'Ef-pagne , l'ayant fuccefîivement employé , il fe trouva dans un état d'opulence , qui ne lui Jaiffa plus rien à délirer des faveurs de la fortune. Luca Cambiagi, né à Gênes en 1517 ,mort en 1583 , eut toutes les difpofitions qui peuvent faire un grand peintre, & travailloit avec la plus grande facilité. Il a trois manières ; Tune grande & gigantcfque ; l'autre vraie & naturelle; latroifiéme manière eft peu foignée. On trouve par-tout de fes tableaux , & fur-tout des racourcis. Comme il peignoir très-vîte, & des deux ma:ns en même temps , il y a des incorrections de defTein Se de pinceau dans Tes ouvrages qui !cs font reconnoître. L'expreffion en eft d'ordinaire aftez forte. Les DE LoMBARDÏE. xliï Les Carrachcs. Louis , né à Bologne en *555 > y mourut en i6i3. Il fut maître d'An- nibal & d'Auguftin fes couhns----Auguftin Carrache, né à Bologne en i ^ 5 8 , mourut à Parme en 1603____Annibal fon frère, né en 1560, mourut à Rome en 1609. Leurs grands talcns & leurs propres ouvrages les ont rendus célèbres. Il eft étonnant combien ils ont travaillé .... Louis, à force d'étudier les ouvrages des grands maîtres , fe fit la manière la plus grande & la plus noble. Il y a des tableaux de la compofition , qui pour la correction du del-lein , la beauté du coloris, & la vérité de l'ex-preifion , vont de pair avec les tableaux des plus grands maîtres. Louis eft un peintre favant & gracieux. Auguftin Carrache , moins connu que Louis êc Annibal , avoit du génie 8c du mérite. Son defTein étoit pur , il colorioit bien ; quelquefois il a manqué de force dans l'exprefîion. Il a beaucoup travaillé à Parme. Annibal, que Ton peut regarder comme fu-périeur à fon frère éc à fon coufin, avoit le ffyle noble & fublime , le defTein précis & fier , le coloris fouvent admirable. Il a fait prefque feul la galerie Farnefe , ce chef-d'œuvre de peinture qui fublîfte encore en fon entier. Louis Carrache établit à Bologne une académie de peinture & de defTein , dans laquelle il fut fécondé par Auguftin & Annibal. C'eft à cette académie que fe font formés le Schidoné, TAlbane , le Guide , le Guerchin , &tant d'autres illuftres artiftes.... On doit regarder les Carraches comme les plus favans peintres de l'école de Bologne. Antoine, fils naturel d'Auguftin Carrache, eut pour maître fon onde Annibal. On voit de. . Tome III, C * lui quelques tableaux exccllcns à Rome , où il mourut fort jeune. Barthelemi Schidonc, né à Modcne en 1f 6ot mort en 1616, Ses tableaux font rares, & d'autant plus précieux , qu'aucun peintre n'a plus 'approché que lui de la manière de peindre du ijorrége. On voit quelques-uns de fes tableaux chez le Roi de Naples , & à Rome au palais Alticri. Denis Calvart, né à Anvers en if fa , mort à Bologne en 1619. On voit de lui plulîeurs beaux tableaux à Bologne , entr'autres un du paradis. Il fc forma à l'école des Carrachcs , & prit un foin particulier du Guide & de l'Albanc , ou'il aida dans leurs premières études. Guido Rhcni, le Guide , né à Bologne en Tf 7f , mort en 1641. Nommer ce peintre , c'eft faire fon éloge. Il a réufll dans tous les genres «le la peinture. On diftingue trois manières différentes dans cet artifte. La première, dont les ombres font fortement touchées, & qui a plus de force que d'agrément. La féconde , qui eft l'imitation même de la belle nature. La troifîémc , qui eïî plus tendre , & en même temps plus foible: toutes ont des beautés, mais la féconde eft excellente. Le tableau de faint Pierre & de faint Paul, qui eft au palais Zam-pierri à Bologne, eft juftement regardé comme l'un des plus exccllcns tableaux qui exifrent, & qui réunit toutes les qualités de la peinture dans un degré eminent. Le Guide avoit le faire très-facile. Il a peint une quantité prodigieufe de tableaux ; cependant on en vend beaucoup fous fon nom, qui font ou de fes élevés, ou de fes imitateurs. Jean-André Donducci , dit le Maftelletra, né à Bologne en 77 , élevé des Carrachcs, ?eft fait une manière particulière & très-piquante. Ses ombres font fortes & environnent toutes fes figures , qui paroiffent de relief au moyen des clairs piquans qu'il y a répandus. On voit beaucoup de fes ouvrages à Bologne. rrancefco Albani, PAIbane, né en 1578, mort en 1 660 , l'un des peintres les plus gracieux de l'école de Lombardie. Il s'elt borné aux fujets d'agrément, où il a excellé. Il n'a prefque fait que des tableaux de chevalet ; il a louvcnt répète les mêmes fujets , que l'on trouve dans différentes collections : tels que les faifon», les élémenr., des jeux d'enfans S; autres de cette efpccc , qu'il plaçoit dans des payfages ouverts, qu'il peignoit avec la plus grande vérité. Son coloris eit gracieux ; il ai-moit à finir fes tableaux, ce qui rend fa manière trcs-reconnoifTable. Quiconque aura examiné plufîcurs de fes tableaux, fe laiflera difficilement tromper fur les originaux fortis de fa main. On voit de lui quelques grands tableaux d'autel à Eologne, qui iont eitimablcs, quoique la plupart manquent d'cxprclTion & de force , parce qu'il y a voulu mettre les grâces que l'on admire dans fes petits tableaux de chevalet.... Dominico Zampierri, le Dominiquain, né cm 1581 , mort en 1641 , l'un des grands peintres de l'ccolc de Lombardie. Il a parfaitement entendu la belle ordonnance des tableaux; fes airs de tête ont de la nobleffe & de la variété , fouventunc grande vérité d'expreflion. Le martyre de fainte Agnès à Bologne. La communion de faint Jérôme au Vatican. Le tableau de plafond de fanta Maria in rranftcvere. Les peintures de la chapelle de faint Janvier à Cl )if École de Peint tire Naples. Celles de l'Abbaye de Grotta Ferratâ le mettent au rang des plus grands artiftes. Son coloris ne répond pas toujours à la pureté de ion dclTein , & à la grandeur de fes compofitions. Ses tableaux de chevalet font rares Se très - précieux. Franccfeo Barbieri da Ccnto , le Guercliin, né en M^o, mort en \666. On peut dire que toute l'Italie eft pleine de fes tableaux ; il y en a beaucoup dans les cabinets de France , d'Angleterre & d'Allemagne. Son defTein eft fier, Ton expreflion eft noble , fon coloris n'eft pas égal. Sa première manière eft grife& foiblc; la féconde eft plus dure , fes tableaux font piqués d'ombres fortes ; la troiliéme eft la plus belle , Se tient quelquefois du goût du Çorrége Se du Titien. L'Abraham du palais Zampierri, une fainte Catherine à faint Pierre in vincoli à Rome, font dans cette manière. La manière forte a fes partifans, elle eft frappante. Son grand tableau de la circoncifion a Bologne eft dans ce goût. Ses tableaux font très-communs , au moins ceux que Ton préfente fous fon nom , Se qui peuvent être ou de fes élevés , ou fortir de l'académie qu'il avoit établie dans fa maifon à Bologne. Benvenuto de Ferrare, né en 1615 , mort en 165»y , dit le Garofolo , parce qu'il pei-gnoit un œillet dans prefque tous fes tableaux , à excellé fur-tout à copier les ouvrages de Raphaël dans le goût de ce maître , Se avec fon même tonde couleur. On a auifi quelques tableaux de fon invention qui ont du mérite. II étoit bon colorifte , Se s'étoit formé une belle manière de dellîner d'après les ouvrages des grands Maîtres. RenedettQ Caftïglione, Génois, né en 1616t de lombardip. llij ttôben \6yo , a traité tous les genres de peinture avec fuccès. Il a excellé fur-tout dans les paftorales, & le payfage peuplé d'animaux. "La pureté de fon delfeih ,' la fraîcheur de ton coloris , la délicatcffe de fa touche , & la grande intelligence du clair obfcur , ont rehdu fes tableaux précieux, & d'un très-grand prix. Son genre eft très-connu , Se à lui feul. Jean & Jean-Baptifte Carloné, frères, Génois , ont vécu dans le dix-feptiéme fiécle. Leurs tableaux font communs à Gênes & à Milan ; ils n'ont point de manière oui leur foit propre. Ils ont imité les peintres de l'école de Bologne , à laquelle ils s'étoient formés. On trouve affez communément de leurs tablraux à Gènes, à Milan: on lesreconnoît à l'indcciho'n de la manière. Luciano Borzone , né à Gênes en i çço, mort en 1645 ,a réuni également bien dans fes tableaux d'hiftoire & de portraits. Son deffein eft précis, fon coloris eft frais 8c moelleux , & tient de celui du Barroche. Il a traité fes fujets avec autant de vérité que d'intelligence. Il a eu trois fils qui fe font diftingués dans fbn art. On trouve beaucoup de leurs tableaux dans les églifes Se les cabinets de Gênes. François Borzone a excellé dans les payfages Se les marines. Camille & Jules Céfar Procaccini , frères , nés à Bologne, Se morts tous deux à Milan en i6z6 , élevés à l'école des Carrachcs. Leur manière tient beaucoup de celle de Louis & d'An-nibal ; leur ton de couleur eft à peu près le même. On voit plufieurs de leurs tableaux à Bologne, à Milan, à Gênes, à Venife. Jules Céfar a peint dans l'églife de l'Annonziata de Gènes j un très-grand'tableau de la cène. C'eft C3 une grande machine d'une très-belle ordonnance , d'un coloris vigoureux , digne même des Carrachcs. Jules Céfar eft fupéricur à bien des égards à Camille. Ils ont eu des dcfcendans de leurs noms qui ont été peintres, mais dans un rang fort inférieur .... Carlo Cignani , né à Bologne en 1618, mort en 17 19, très-bon peintre de cette école. Son deffein , fa compofition, fon coloris font excellens. Il peignoit avec une grande facilité. Si on trouve dans la plupart de fes grands tableaux moins d'expreffion que dans ceux de fes maîtres , c'eft qu'ils font trop finis. Il a peint les Vierges, & les enfans fur-tout, de la manière la plus vraie & la plus aimable. On voit quantité de fes tableaux à Bologne & à Rome. Thiàrini , dit l'Expreflif, mort dans ce fiécle, a fait d'excellens tableaux que l'on voit à Bologne. II a rendu heureufement les différentes pafTions. Sa manière étoit grande, quelquefois indécife ; fon coloris ferme & vigoureux , ians cependant être chargé d'ombres trop noires .... Elisabeth Cirani mérite d'être comptée parmi les artiftes qui ont fait honneur à l'école de Bologne. On voit qu'elle avoit étudié avec fruit les ouvrages des grands maîtres , fi communs dans fa patrie. Elle avoit de belles idées que fouvent elle rendoit heureufement. Sa manière n'eft ni ferme , ni décidée. Son coloris eft frais & gracieux. Elle choififfoit de préférence les fujets terribles , & on voit qu'elle manquoit de force potiT les bien rendre : elle a mieux réufïî dans les fujets iimples ou tendres. Louis Quaïni, çleve du Cignani, mort à »e LoMBAKDIt. I» Bologne en 1717 , entendit fur-tout le payfage » les oruemens , Se la pcrfpective aérienne, il a travaillé avec le Francefcliini , qui faifoit les figures de fes tableaux. Leurs pinceaux fe ref-fembloient fi parfaitement, que leurs ouvrages paroiffent être de la même main. Marc-Antoine Francefchini , mort à Bologne en 171.9 , a travaillé dans le goût du Cignani fon maître , avec beaucoup de fuccès. Son coloris eft tout-à-fait gracieux , fon deffein eft affez précis , fa manière a plus de /implicite que de nobleiîe. Plufîeurs de les tableaux font d'une belle expreftion. On trouve beaucoup de fes tableaux à Bologne , à Florence , à Rome : ils font même recherchés____ ÉCOLE DE VENISE. GEntil & Jean Bellin, frères, morts à Ve*" nife, le premier en 1 for , l'autre en 151 it Se tort âgés , font regardés comme les percs de l'école Vénitienne. On voit encore de leurs tableaux à Venife , qui font d'une belle couleur Se d'un deffein affez vrai. Ils n'entendoienc pas alors la beauté de l'ordonnance , & l'art déplacer leurs figures , qui font ordinairement fur un même plan. Jean Bellin fut le maître du Giorgion Se du Titien. Le Giorgione da. Caftcl Franco , né en 1477, mort en r 5 t r , porta tout d'un coup la peinture à fa perfection. II entendoit parfaitement la magie du clair obfcur , & l'art de mettre le plus bel arrangement dans fes tableaux. Son goût de deffein eft vrai & gracieux, fon coloris jv) êcoi! Cï PïlNTl'RI elt excellent. Cet artifte-admirable , dans une très-courte vie, a mérité d'être mis au premier rang parmi les peintres , dont très-peu ont attrapé cette force d'expre/Iion & cette noble fierté qui caracttrifent fes tableaux , Se fur-tout les" portraits qui font de fa main. Titiano Vccclli da Cadore , le Titien , ne en 1477 , mort en 1576. Les ouvrages du Titien répandus & cltimés par-tout, ont fait con-noître ce maître qui a couru la carrière la plus longue & la plus heureufe. La mort prématurée du Giorgion lui lailTa le premier rang dans l'école Vénitienne , que perfonne ne lui difputa plus. On peut dire que la nature même forma le Titien , & que perfonne ne Ta plus heureufement imitée que lui. Il ne con-noiflbit pas l'antique , & fôuvent fon deffein manque d'exactitude. Mais quel coloris Se quelle expreflîon, fur-tout dans les fujets gracieux ï C'eft moins à Venife , où fes ouvrages ne font pas bien confervés, qu'à Rome , à Florence & en France , où l'on apprendra à connoître la beauté du coloris du Titien. Scbaftien del Piombo, né en 1485 , mort en "1547. Il avoit étudié fi heureufement la manière du Giorgion, qu'il difputa quelque temps à Raphaël même le feeptre de la peinture , quoiqu'il n'eût ni le goût, ni le génie de fon illustre rival ; ce qui prouve cependant le point de perfection où il étoit arrivé. 11 étoit alors à Rome, où il avoit été appelle. Il a fait beaucoup de portraits excellens, Se qui panent pour être du Giorgion. On a peu de tableaux de ce maître. Il étoit fî difficile fur fe» propres ouvrages, qu'il ne lailToit paroitre que ceux qu'il croyoit . au-deffus de tous reproches. Gio Antonio Regillo, dit le Pordenone, né de Venise. Ivij *n.1484, mort en 1^40. Il balança la réputa-tipn du Titien, qui craignit toujours d'être iupplanté par un rival fi habile. Outre la beauté du coloris, qui le met louvcnt de pair avec le Titien , il avoit une facilité de deffein & un goût d'invention qui lui ont mérité la réputation dont il a joui. On voit de fes tableaux à Venife & à Vicence : il y en a peu dans le commerce. Giacomo Palma le vieux , né en 1508, ïtïort en 1588 , élevé du Titien. Il a imité la nature , & l'a repréféntée dans toute fa beauté avec une patience Se un travail achevé , fans cef pendant qu'on puiffe lui reprocher d'avoir af-foibli fes idées par un trop grand fini. Son génie tranquille Se froid ne lui permettoit point les écarts que l'on remarque dans le Tintorct & dans Paul Véronefc ; mais ce qu'il renré-fente eft C\ bien peint, fi frais, que l'on croit qu'il n'a jamais vu la nature que fous l'afpedl le plus favorable. Il y a beaucoup de tableaux de ce maître. Giacomo Ponte da BaiTano , Jacques BaïTan , né en 1510, mort en i^pz , Se fes fils, François, Léandrc , Jean-Baptifte Se Jérôme. Jacques travailla beaucoup , & fit un grand Commerce de fes tableaux, qui font répandus dans toute l'Europe. Il a peu traité de grands fujets ; il aimoit mieux repréfenter les chofes communes , où il exeelloit ; telles que les foires, les affcmblécs de village , les boutiques d'artifan. J'ai vu de lut un excellent tableau , où au lieu de repréfenter Vénus, Vulcain & l'Amour dans les forges de Lemnos , il les a placés dans la boutique d'un chaudronnier. Les détails de fes comportions font heureux , & rendus avec cf-prit. Son llyle eft vrai, fes couleurs font bon- c5 nés. Ses tableaux iont remarquables, en ce qux» fur le devant il y a toujfuirs une figure ou courbée ou à genoux, vue par le dos : ce que Ton trouve autlidan.; la plupart des tableaux de Tes, fils. Jacques excella dans le payfage. François. furpafTa Ion pere & les frères dans fon art. Quoique fa manière tienne de celle de Jacques , elle eft beaucoup plus noble , 5c il a traité de grands fujets avec fuccès. Il étoit mélancolique ; il devint maniaque , au point que fe croyant pourfuivi par des fergens, il fe jetta de fa fenêtre dans la rue, & fe tua en 15.94 , âgé de quarante-quatre ans. Lcandrc., dit le Chevalier Baffan, a eu quelques fuccès dans le portrait. Il vécut noblement, & ne travailla point comme fon pere & fes frères pour vendre fes tableaux. Il s'imagina fur la fin de fes jours que Ton vouloit Tempoi-fbnner, & il mourut en 162,3 , tourmenté de .défiances & d'inquiétudes continuelles. Ses fre-xes eurent d'autres fantaifies au fit triftes ; ce qu'ils tenoient, dit-on, de leur mere qui avoir eu quelque penchant à la folie. Paris Bordon, élevé par le Giorgion & le Titien , a fleuri dans le (eiziéme hécle. Il a imité la manière de fes maîtres, & a excellé fur-tout dans le portrait. Il y a peu de fes grands tableaux qui foient bien confervés. Giacomo Robufti , dit le Tintorct> né en 15 iz > mort en 15^4. Il y a tant de tableaux de ce peintre à Venife, que Ton a peine à le perfuader qu'un feul homme ait pu fuftire à imaginer tant de comportions différentes, bien moins à les exécuter. Son imagination vive à l'excès , fe remarque par le prodigieux mouvement qu'il a mis dans fes tableaux , qui n'ont pas toujours la beauté du coloris de l'école Yé> de Venise. Ni nitienne; mais on y voit une grande intelligence du clair obfcur. Les efquiïïes oud.fTeins coloriés de fes tableaux , qui iont dans les cabinets des curieux , font fouvent au-delTus de fes tableaux , pour la beauté de l'exécution & le fini de l'ouvrage. Le Tintoret travailloit avec tant de rapidité , qu'on lui a vu commencer & finir de grands tableaux en aufïï peu de temps 2u'il en falloit à fes rivaux pour en tracer le elTein.... Dominique, fils de Jacques Tintoret, exerça l'art de fon pere , & travailla dans fa manière ; mais il lui eft bien inférieur. Il a réulli dans le Îortrait , ainfi que Marie fa fceur , qui avoit érité du génie 6c de la facilité de fon pere ; elle mourut fort jeune. Jofeph Porta, dit le Salviati, du nom de ion maître, mort en 1585 , a été l'un des meilleurs defTinateurs de l'école Vénitienne. Il imita le goût de Raphaël, & fur-tout celui de Michel-Ange , duquel il avoit pris ces traits marqués de force que l'on trouve dans fes figures. Il invcntoit heureufement , & fon pinceau étoit frais & gracieux. Andréa Schiavone , né en ifi» , mort en 1581 , eft excellent colorilte Sa touche eft facile , fpirituelle & gracieufe ; mais fon defTein eft incorrect , parce que travaillant pour gagner, il négligea le defTein , qui demande beaucoup d'étude. Ses têtes de femmes & de vieillards font touchées d'un très-bon goût, Se fort recherchées. Giacomo Mutiano , né en. if 28 , mort en * Jpo. Il a eu tous les avantages des bons peintres de Técole Vénitienne , & y a joint la beauté du payfàge qu'il avoit étudié d'après lc$ .flamands, U a bien léiifli dans le portrait. Paolo Calliari Vérone Ce , Paul Vcroncfc; né en 1531, mort en 1588. Les tableaux de ce maître feront toujours les délices des amateurs\ pour la richeffe de l'ordonnance , la beauté des caractères , le bon goi'it des draperies , la fraîcheur du coloris , l'élégance Se l'agrément qui ïegnent dans fes comportions. Il cxcelloit fur-tout dans les grandes machines. Prcfque toutes les figures principales de fes tableaux font des portraits , ce qui leur donne un air vivant que l'on ne trouve pas dans les autres peintres. La nature s'cmbcliiilbit fous fon pinceau , & deve-noit plus aimable. La ville de Venife eft remplie d'une multitude de fes ouvrages, que l'on ne fe Jaffe point d'admirer. On en trouve à Padoue , à Vicence, à Vérone , à BrefTe , qui font encore de la plus grande fraîcheur. Il y en a dans toutes les collections; & par-tout on reconnoit le peintre le plus aimable Se le plus gracieux de l'école Vénitienne. Benoit fon frère , Charles Se Gabriel fes fils, effayerent inutilement de s'élever au rang de Paul. On ne voit dans leurs tableaux qu'une fervile imitation , & aucun génie. Giacomo Palma le jeune, né en 1^44, mort en 162,8, neveu du vieux Palme. Il y a plus de chaleur & de génie dans fa manière que dans celle de fon oncle ; mais comme il a beaucoup travaillé pour gagner , fes tableaux iont rarement bien finis ; plusieurs même font négligés; on les reconnaîtra à la beauté & à la fraîcheur du coloris. On en trouve à acheter que l'on donne pour être du vieux Palme, dont les ouvrages font d'un fini bien plus précieux. Louis Léon le Padouan a excellé dans le portrait. On en voit pUiîicurs dans les cabinets de Venise. lxj à Venife Se à Rome, dans le goût du Giorgion S; du Titien, fur léfquels il s'étoit formé. Sa manière eft noble , & fon coloris eft très-beau. Il a eu un fils mort à Rome qui a travaillé dans fon goût , & avec lequel on le confond. L'un & l'autre ont gTavé avec fuccès des coins de médailles fort recherchées. Aleffandro Véronefe, dit le Turchi Se l'Or-betto, mort en 1670. Il a bien delfiné, Se fon coloris eft digne de l'école Vénitienne ; mais on ne trouve dans fes grondes comportions , ni le génie du Tintoret, ni la belle ordonnance deJ Paul Véronefe. Il a fait plufieurs tableaux de chevalet, qui font au-deffus de fes grands tableaux. Carlo Loth, né à Munich, mort à Venife en 1608. Sa manière eft large 8c facile. Il fe perfectionna dans l'école de venife, où il devint grand colorifte. Ses tableaux tiennent un rang diftingue dans les collections. Sebaftîen Ricci, mort à Venife en 1734, sgc de foixante 8c quinze ans , mérite d'être mis au rang des grands maîtres de cette école. Ses ordonnances font belles, fon pinceau eft facile , fon coloris eft vrai. S'il eût moins fait de tableaux , il eût eu plus de fuccès dans fon art ; mais l'amour du gain fur eaufe qu'il fe négligea fouvent. Jcan-Bap:iftc Piazctta , mort depuis peu d'années , s'étoit formé un goût hngulier de deffein maniéré 8c incorrect. Il eftropie la plupart de fes ligures en voulant les dclliner d'une manière forte Se prononcée. Son coloris rou-e.itre tient peu de la beauté de celui de i'école énitienne du fèizïéme fiécle. Cependant fes tableaux font recherchés à Venife , quoique la> couleur de la plupart fc détache déjà , tant la Ixîj École d e Peintuh.Pi préparation en eff mauvaife. On a beaucoup gravé d'après l'es de fie ins , qui ont un caractère de grandeur qui tient du goût de Michels Ange. Jean-Baptiftc Tiepolo , qui travaille a préfent pour le roi d'Efpagne , lui eft infiniment fupérieur , tant pour le defTein, que pour le coloris. Sa manière a quelque choie de précieux & de trop recherché. J'ai vu quelques-uns de fes tableaux de chevalet compotes avec génie> d'un pinceau gracieux & bien fini. Les paftels de la célèbre Rofa Alba Carricra, morte en 176T, font connus dans toute l'Europe. Elle a réuifi fupérieurement dans le portrait. Elle a traité la miniature dans un goût nouveau, qui lui donne une expreiïion fmgu-. liere. On trouve encore à Venife quelques-uns de fes tableaux à un prix très-cher. Canalette a fait des tableaux des vues de Venife, d'une belle exécution, & de la plus grande vérité. Il a formé de bons élevés. Apres le détail dans lequel je viens d'entrer fur les différentes écoles de peinture , je crois qu'il ne fera pas inutile de dire quelque chofe fur les précautions à prendre dans l'acquifition des tableaux. Un amateur ne parviendra à s'en faire une idée juffe, Se à les connoître , que par la comparaifbn qu'il fera des peintres entr'eux à la vue de leurs ouvrages. J'ai dit que plufieurs s'étoient appliqués à s'imiter les uns les autres, & y avoient réufïï au point que l'original n'avoit rien au-defTus Je la copie , que d'avoir été fait le premier. Ainfi Jules - Romain fe trompa à une copie d'un tableau de Raphaël, faite par André del Sarto 3 quoiqu'il eût travaillé à TofiginaJL École: de Peinture. fxitT Quand un curieux achetcroit une copie de ce mérite pour un original, il ne fcroit pas trompé. Mais il y a peu de peintres du mérite d'André del Sarto , qui s'occupent à copier les tableaux des autres. Ce qu'il eft donc utile de lavoir , c'eft la manière des peintres qui Te font imités réciproquement , le temps ou ils ont travaillé, & fur-tout quels font ceux qui , peu contens- de leur manière qui ne faifoit pas éclat dans la fphere des beaux arts , ont cm qu'il leur feroit plus avantageux de copier ou d'imiter les tableaux des grands maîtres , Se de les donner comme leurs productions. On en Îirendra bien une idée d'après les différentes re-ations , c'eft-à-dire , qu'on faura de fpécula-tion quels font les meilleurs peintres des différentes écoles , en quoi ils fe reffemblcnt , & en quoi ils différent. Mais fi on n'a pas vu beaucoup de leurs tableaux y Ct on ne les a pas compares les uns avec les autres , dans le deffein de les oppofer & d'en voir les différences i il n'eft pas poftible de s'en faire une idée vraie, & d'en acquérir la connoiffance. On imagine favoir quelle eft la différence de l'Europe avec l'Aile , des côtes de l'Océan avec celles de la Méditerranée, des vues de l'intérieur de l'Apennin avec celles des Alpes ;*mais quand on a ces différens fpcétaclcs fous les yeux , quand on compare la réalité avec l'idée que l'on s'en étoit faite , alors on voit Combien on en étoit loin : il en eft aircC des tableaux. Un curieux qui veut former un cabinet , & rapporter dans fa patrie les riches dépouilles des arts qui n'y ont jamais eu une exiftence brillante , fe trompe fouvent „ & eft encore .plus fouvent trompé, & par le défir qu'il a d'acquérir ,& par l'induftrie de ceux auxqueb îxiv École de Peinture. il s'adrelTc pour fe farisTaire , s'il n'a ni le goût , ni les connoifTanccs nécciTaires pouf juger par lui-même de la valeur de ce qu'on Jui offre. On trouve à Rome, à Florence, à Naples, à Bologne, à Venife, & prefque dans toute l'Italie, des marchands de tableaux, qui pour la plupart n'ont rien que de médiocre , chez" qui cependant on rencontre quelquefois des morceaux précieux qu'ils ne connoiflent pas eux-mêmes, &: qu'alors on a A meilleur marché qu'une copie médiocre qu'ils vantent beaucoup, & qu'ils tiennent à un haut prix, parce qu'on leur aura perfuadé que c'e/t l'original de quelque bon maître. Il y a dans ce genre d'heureux hazards qu'il ne faut pas laiiTêr échapper quand ils fe préfentent , & que l'on peut ert profiter. Il faut plus fe défier de PemprefTement que l'on a d'acquérir , que du déîîr qu'ont en •général tous les marchands de vendre trop cher •aux étrangers. Il faut encore dans cette efpecc ce commerce, qui n'a de prix bien réel que ce-'■lui de la fantaifîe, être prévenu que d'ordinaire celui quipropofe un tableau à vendre, & •qui compte en tirer au plus dix fequrns, en demande cent à un étranger qu'il croit ne s'y pas connoître , & avoir grande envie d'acquérir. On ne rifque donc rien d'offrir un très-'bas prix du tableau le plus vanté par celui qui -le vend,- de n'eu croire ni les longs difeours y ni les proteftations qu'il fait à ce fujet. lien eif de même de toutes les marchandifes de pure curiohté, telles que les pierres gravées, médailles , petits antiques de bronze , mofaï-que ancienne dont on trouve quelques morceaux ou confervés ou refîaurcs. Il y a des 'marchands de ce genre qui ont fait un gain, École dé Pëih TURf. ix* confidérablc , fur la réputation qu'ils on: eu d'être bien fournis, plutôt que fur la beauté des pièces qu'ils ont vendues. J'en ai vu un qui avoit un trictrac de marqueterie d'un fort beau travail , qu'il affuroit fort férieufement avoir fervi à l'empereur Néron ; il favoit même par les mains de qui il avoit paffé pendant dix ficelés au moins. Dans le dernier fiécle , on avoit affez bien imité la peinture antique , & on ne voyoit que tableaux que l'on fuppofoit nouvellement découverts , & tirés de deffous quelques ruines fameuf'es. On fut quelque temps dans l'illu-fion ; & quantité d'amateurs payèrent fort cher des ouvrages médiocres, peints dans le goût antique , par des artiftes obfcurs qui abuferent de la crédulité du public. On voit plufïeurs de ces tableaux dans la galerie du collège romain, qni y furent placés alors comme de vrais antiques. On n'avoit pas encore la nombreufe collection qui vient de fe former à Portici ; & or ne pouvoir pas comparer la manière des peintres modernes, qui fe reconnoît toujours av#c la manière des peintres anciens, qui eft tout-à-fait différente. Il n'eft pas rare encore de trouver de ces tableaux que l'on vante beaucoup do nt on demande le plus haux prix -, & que l'on dit à l'oreille avoir été tirés des ruines d'Herculée, & fe vendre pour le compte de ceux ?|ue le roi de Naples emploie , foit à avoir l'oeil ur ceux qui font chargés de la fouille des terres ; foit même par l'infidélité de ceux auxquels eft confié le dépôt de la collection; ce qui eft ab-folument faux, & n'a aucune vraifemblance , pour quiconque connoîtra le foin avec lequel fe font les fouilles, & le compte ridelle que l'on en rend au roi, ou aux rainiftres chargés ,ixvj École de Peinturé. de la régence. Jl n eft pas impollîble que quel, ques pierres gravées, quelques bronzes d'un très-petit volume , ne tentent les forçats qui font employés à ce travail, & qu'ils ne tâchent de fe les approprier, Se de les faire vendre fecre-tement. Àinli l'on trouve quelques bonnes pierres gravées à Naples ; mais on dit qu'elles ont été tirées des ruines de Pouzzols Se de Baïa, ou même rejettées à bord par le flot de la mer , qui les tire des excavations qu'elle fait à la longue dans les bâtimens antiques abîmes fur fes rivages. Peut-être cela eft-il ; mais qu'il eft a.fé d'être trompé, fur-tout fi on parte pou» avoir le déhr d'acquérir ! Il feroit plus ailé de fe procurer quelques ftatucs antiques bien ref-taurées, des bas-reliefs d'une belle exécution. Les Anglois en acquièrent tous les jours , Se les font paiTer dans leur ifle : les autres nations de l'Europe en paroiffent moins cu-rieufes. Si jamais le génie métaphyfique des Anglois devient fenhble à cette chaleur douce qui pa-r^t fi propre à faire germer la femence des beaux arts, il n'eft pas douteux qu'ils n'ayent «les fuccès diftingués dans ce genre. Ils ont déjà chez eux une multitude de tableaux, de ftatues,.Se de bas-reliefs antiques , Se tous les jovrs on y en porte : on peut dire qu'ils ne négligent aucun moyen d'acquérir des richeffes de cette efpece. On les aceufe même d'en avoir enlevé dans quelques villes, autant d'induftrie que de force. Ils ont les plans de tous les plus beaux bâtimens, Se une multitude de de/Teins originaux des plus grands maîtres , à commencer depuis Raphaël jufqu'à nos jours , qui feront très-propres à former le goût Se à élever les idées des artiftes futurs. Ce qu'ils ne peu- ËCOII Dl PfIîJTtfK.Ï, Ixvfj vent avoir en original , ils tâchent au moins d'en avoir les meilleures copies poilîbles. Combien n'y a-t-il pas chez eux de bonnes copies de l'Apollon du Belvédère, de la Vénus Médi-tis & du Gladiateur mourant , & de ces autres fiâmes uniques que l'on ne peut voir que dans Ja place où elles font fixées ! Tous les grands tableaux de Raphaël, de Michel-Ange, du Dominiquain , du Guide , ont été copies pouf eux ; & les particuliers Continuent encore à acquérir tout ce qui leur plaît le plus, & ce qui eft le plus digne d'être conlervé. J'ai vu à Rome 5e à Florence une multitude d'artiites occupés pouf eux , & dans différens genres. Il n'eft pas douteux que l'on ne trouve à Londres, & dans les autres yilles principales , beaucoup de collections pré-eieufes. Il ne faut pas efpérer que Ton trouve aife* ment des defîcins originaux à acquérir; ils font devenus très-tares, & d'un prix exorbitant. On en préfente qui ont Tair de l'ancienneté ; maie. Sue l'on ne s'y trompe pas, la plupart de ces cfTeins , faits par une main mal-adroite , à la vue du tableau originat, ou d'une copie, n'ont rien qui réponde à l'habileté du maître auquel on les attribue. Quand ils font faiw k on froifle le papier , on le déchire en partie, on les enfume , on les double d'un autre papier , on fait la fuite de ceux à qui ils ont appartenu } & après les avoir apprécié dix ou douze fcquins , on les lailTc pour trente fols à celui qui veut bien s'en charger. Rien ne prouve mieux l'impoiture de ces prétendus curieux , qui difent ne vendre que par nécctîîté , que le bas prix auquel ils abandonnent leurs marchan-difes. il eft plus aifé &c moins difpcndieux de faire Txviij École de Peinture. une belle collection d'eflampcs ; on en trouve .par-tout, toit chez les marchands , Toit chez les particuliers, & à bas prix ; on peut en faire uri choix , & s'en former une fuite qui donne au moins une idée du deffein & de la compofuiorr des peintres des différentes écoles. On en trouve à Rome à la calcographie , & chez les Freis à la place Barberine , à Bologne, à Venife, à Florence , à Nap'cs & à Parme. Il ne faut pas même négliger les petits marchands -d'eftampes qui étalent dans les rues , chez lef-quels on trouve quelquefois des morceaux précieux , & même des deffeins dont ils ne font aucun cas. Avec ces précautions on fera des collections jqui vaudront la peine d'être confervées , & o» ne fera pas trompé fur leur valeur réelle. TABLE DES TITRES Contenus dans le troiiiémc Tome. i.jR. Ou TE de Bologne à Florence, Pag. i 1. Volcan de Pietra: mata. J 3. Origine des Tofcans Etrufques. 8 4. Epoque de lu fondation de Florence. ij 5- Généalogie de la maifon Medicis. 14 6. Situation de Florence. Son étendue. 7. Cathédrale. Tour du Giotto, Bap-tijhre. il 8. Autres églifes. S. Marc , V Annonciata^ fainte Croix. Statuts & tableaux. Places publiques. 2.8 «.). 5, Laurent. Statues de Michel-Ange. Magnifique chapelle des Medicis. Bibliothèque de mantifcrits. 36 jo. églifes. Statues 6' tableaux. Enterrernens. 45 j 1. Hôpitaux & maifon s de charité, c, 1 ZI. Palais Pitti des grands ducs. Tableaux précieux. Jardin Boboli. 54^ 13. Palais & autres édifices publics. Sta~ tues. Tableaux. 71 14. Mofaïque de Florence* 82 l mais la prudence & lespropos d'un vieillard..., Ce petit homme étoit Tagés , celui qui inftrui-fit les Tofcans... Le laboureur étonné de ce prodige , pouffa de grands cris qui attirèrent tous ceux qui étoient à portée de l'entendre. Leur préfence n'étonna pas le petit Tage's , qui leur expliqua clairement les principes obfcurs de la feience nouvelle & myftérieufe qu'il ve-aoit leur apprendre. Indigence dixereTagem quiprimusHetrufcum Edacuk gentem cafus apérirefuturos... Ovid. 1. 15. Metarh..... Grand Duché de Toscane, i r jufqu'à nous. Ils n'ignoroicnt pas les régies de l'architecture ; l'ordre Tofcan leur doit fon origine. Tarquin l'ancien fit venir d'Etrurie les premiers artiftes qu'il employa à l'cmbcllifTemcnt de Rome. Il paroît que le changement du nom d'Etrufquc à Tofcan vient des Romains qui les défignerent par ce nom, qui avoit plus de rapport à leur manière de les Il y a apparence que cette tradition fe confer-v.i aufîi Jong-tcmps que l'empire Romain. Ammian Marccllin en parle au c. 11.. .. Cujus difi iplina Tagts nomine, quidam monf-tra::r , i;r fabulantar in Erruriœ pariibus 3 emerfifè fulitù vifuj ê terra. .. . Quant à la perfonne du petit Tagès , je crois qu'on a dit qu'il étoit lorti tout d'un coup de la terre , parce que jufqu'alors il avoit été mconnu. Sa petite taille a pu faire dire encore que c'éeoit un enfant qui avoit la prudence & la feu-nce d'un vieillard... 11 apprit aux F.trufquesune quantité de petits fecrCCS, qui dans l'économie ruftique dévoientJcur être fort utiles. Ce fut par fon confeil qu'ils mirent à la porte de icurs cciirics des tètes d'àne dépouillées de leurs peaux , pour éloigner, par cette cfpccc de facrihec , tout accident de leurs troupeaux. WlU caput Arcaiki , nudum cure ,fertur afelli Tirrenus ,JixiJ.e Taies in limine ruris. ... Colum. de rc ruflicâ, 1. >o, On voit pnr là que l'ufage d'attacher aux portes des tetes d'animaux , effile la plus haute antiquité.. . . A vj • n Mémoires d'Italie. confidérer. Les mots Tofcan & facrifï-cateur avoient la même lignification dans l'ancienne langue romaine. L'Etrurie comprenoit non-feulement le grand duché de Tofcane , mais encore la province du patrimoine de faint Pierre , le duché de Caflro, les territoires d'Orviette & de Peroufe, outre les colonies que les Etrufques avoient établies le long du cours du Pô dans l'Italie feptentrionale , auxquels pluiieurs villes de ce pays croient devoir leur origine. On regarde Cortone , Vitcrbe , Volterre , Arezzo, comme des villes qui fubfiffent dès le temps des anciens Etrufques. Dès que la puifTance militaire des Romains eut pris une forme afïurée, l'Etrurie, comme pays voifin , fut un des premiers objets de fes conquêtes. Les Etrufques , peuple tranquille &z doux, uniquement occupé du foin de fervir les Dieux & de cultiver les terres, ne purent ré fi fier long-temps à les armes. Les premiers démêlés de Rome avec les Etrufques s'élevèrent environ l'an 321 de fa fondation. Plus d'un fiéele après, les Etrufques, pour fe fouftraire, s'il étoit pôlîible, à la tyrannie romaine , traitèrent avec les Gaulois déjà établis Grand Duché de Toscane. 13 en Italie, & promirent de leur donner une très-grofle fomme d'argent, à condition qu'ils traverferoient l'Apennin , iroient attaquer les Romains dans le centre mêmeda leur puiilar.ee. Tite-Live place ce traité a l'an 453 de Romc.Lorf-qu'il fut queftion de marcher, les Gaulois qui avoient déjà reçu partie des fommes promifes, voulurent faire une nouvelle convention, ev exigèrent qu'on leur accordât un établiflement fixe en Etrurie ; ce que les Tofeans réfutèrent abfoluincnt , ne voulant pas que des étrangers vinlTent s'établir parmi eux , & y apportaient leurs ufages 6c leurs vices. Quelques années après cette ten-t.::ive, ils fuccomberent entièrement, cV lurent obligés de faire une confédération avec les Romains , qui les traitèrent plutôt en vaincus qu'en alliés. 4. La beauté du pays engagea les fol- ( Fpooiiccfe dats de Sylla à bârir une ville fur lesjcpi0WÛCfc bords de l'Arno, qu'ils appellerait d'abord Fluctuui, cv qui enfuite eut le nom de Fionniia , Tan de Rome 645 , 107 ans avant Pere chrétienne. Les Triumvirs Augufte, Antoine Ik. Lepidc y envoyèrent une colonie, ck donnèrent des ordres pour l'cmbellilTcment 6c l'augmentation de la ville. Totiia, roi 14 Mémoires d'Italie. des Goths, la détriiifit dans le fixiéme fiécle. Charlemagne, maître de l'Italie, après la deftru&ion des rois Lombarde , la fit rebâtir, & voulut que les habitans de Fiefoli vinfïent s'y établir ; il la fit fortifier de bonnes murailles Se flanquer de tours. Peu à peu cette ville s'aggrandit, & devint le chef-lieu d'une république puilTante , long-temps divi-fée par des factions différentes, connues fous les noms de noirs ôc de blancs, de Guelphes ôc de Gibelins. Son gouvernement , plutôt ariftocratique que populaire, étoit entre les mains de quelques familles principales, qui furent à la fin obligées de céder le premier rang, & de fe foumettre à la fortune & à la puiiTance des Medicis. oeneaio- 5. A s'en rapporter aux auteurs Ita- ionddcaMe-^ens> *a ma^on de Medicis tenoit un . On voit dans les ouvrages beaucoup de facilita , & un génie en 4uclcjuc forte lupericui à fon l'.éclei Tome 111. B * 26* Mémoires d'Italie. conc , qui eft du côté qui regarde place. Le baptiftere cjui eft vis-à-vis la cathédrale , eft un édifice de forme octogone très-bien entendue, revêtu au dehors de marbres, dans le même goût que la cathédrale. On a prétendu que c'étoit un temple de Mars, ÔC je crois que l'on a eu tort; l'édifice n'a rien d'antique , ôc a la forme de tous les baptifteres anciens. Les trois portes font de bronze, ornées de bas-reliefs antiques, dont deux font de Lorcn^o Ghiberd (a) y très-excellent artifte : on en jugera fur-tout par celle qui eft vis-à-vis de la cathédrale, divifée en huit parties, dont chacune forme un tableau qui repré-fente un fujet tiré de l'ancien tefta-ment. Les figures nues font d'une correction de deffein qui approche beaucoup de la perfection de l'antique : cependant cet ouvrage a été fait un fiécle avant Raphaël ; ce qui le rend une merveille de l'art, ôc ce qui porte à croire que lés arts fe fèroient rétablis à Flo- (a) Lorenzo Ghlberti, excellent fculpteur dû quinzième ficelé, a laifîe plufieurs ouvrages en marbre , & fur-tout en bronze , d'une pu-jetede ftyle digne* des meilleurs artiftes Grecs. Grand Duché de Toscane. 17 ronce , fans autre lècours que te génie des grands artittes de ce pays. Les egHtes c°nitruites des le treizième liécle, les itatues Ôc les bronzes de Loren/o Ghi-L>orti, les tableaux de Fra Bartlwtomto Porta ÔC d'André del Sarre , les Sondes productions de Léonard de Vine ôc de Michel Ange , que l'on peut dire n'avoir travaillé que d'après leur propre génie, en l'ont une preuve prelqiie complette. La troifieme porte du. baptil-tere , taire par André Ugolini de Pile , tut enlevée aux Pilàns , avec les deux Colonnes de granité qui Iont i-devant. L'intérieur de l'édifice cû fcmtentl de grolîcs colonnes de granit \ I 1 voftîe cil couverte d'anciennes molhiqucs, faites par André Tafi,diiciplc du Cimabuc. Les fonts baptilmaux qui Iont au milieu, l'ont placés lous un baldaquin de marbre d'une belle l'orme , avec des or-nemens en bron/e : vis-à-vis ci\ le tombeau de Hahha/ir Gbflfl , Napolitain, pape fous le nonwlc Jean XX.Ul, dépotit au concile de Conllauce, ui mourut à Florence en 1419 , avec 1 titre ôc le rang de doyen des cardinaux , oui lui lut confiné par le pape Martin V. Les liâmes qui Iont au-deilus des p >rtes en dehors Iont de bonne main , lut -tout les B ij trois figures de bronze qui représentent faint Jean - Baptifte difputant avec un pharifien ôc un docteur de la loi. Vis-à-vis le baptiftere eit une ancienne colonne , érigée à ce que l'on dit en 408 , en mémoire d'un miracle fait par faint Zanobio, évêque de Florence. Ces trois édifices font ifolés , 6c fitués dans une très-grande place ; de forte que l'on peut juger de la beauté de leur conftru&ion, tant au dehors qu'au dedans. Autres 8. S. Marc, eglife de Dominicains, égiifes. s. On y voit plufieurs excellens tableaux de r.oncL-lu" Fra Bartholomco de la Porta, religieux ste. croix. je cette maifon, 6c du Pafïignani. On Stbïeaujrf y remarquera fur-tout la chapelle de ri.îccs pu- faint Antonin, archevêque de Florence, bii^ucs. j-çvêtuc des plus beaux marbres 6c d'un très-grand goût d'architecture. Tout l'ouvrage eit de Jean de Bologne, de même que la ftatue du faint. Dans cette églife , font les tombeaux de Jean Pic, comte de la Mirandole, mort en 1493 à l'âge de trentevfix ans, avec cette épi-taphe : Johannes jacet hic Mirandula: caitera norunti Et Fagus tsGanges , for/an Cf Antipodes. Vis-à-vis eft celui d'Ange Politien, mort en 1509. C'eft dans cette maifon que demeurent le fameux Jcrômc Savonarolt, dominicain , qui fut pendant quelque temps l'oracle de la république de Florence. Mais ayant été interdit & excommunie par le pape Alexandre VI , pour avoir cenfure trop librement les vices de la cour de Rome, il fut traité comme un hérétique, ôc condamné à cure pendu Ôc brûle eniuite : jugement cruel qui tut exécute le 1} mai 1498. Savo-narole étoit alors âge de quarantc-liv ans. Avant fa mort il fut réconcilié avec L'églife , on Un administra les (acremens de Pénitence cv d*Euchariftie. Le pape même lui avoit accordé une indulgence pleniere, mais à condition qu'il teroit exécuté.,/-: La Aunyata, églile de Servîtes, bfi-tic du coinmeneeiiK-nt du treizième fié-clc, lorsdo rétdbliifemcnt tic cet ordre. La conÛTuerion en cil belle ; la nef principale cil foutenue de piliers revêtus de marbres de différentes couleurs. Le plafond de la voûte eft en (tue; blancs A comparthnens dores , au milieu duquel eit un beau tableau de l'Af-lomption. Cette églife eft célèbre fur-tout par un tableau miraculeux de l'An- nonci.uion , ou i,i figure de la Vierge a été , dit-on , peinte par les An- e>'. La B iij ^0 Mémoires d'Italie. chapelle ou l'on conferve cette ancienne peinture, eft à main gauche en entrant. L'architecture eft du deffein du Mi-chelozzi ; elle eft ornée de plufieurs bas-reliefs de Jean de Bologne, d'une belle exécution. L'intérieur de la chapelle eft très-riche ; l'autel, les gradins , le tabernacle font d'argent, de même que les pilaftres Ôc l'architrave. Les gradins iont enrichis de beaucoup de pierres iprécieufes.'Les lampes d'argent, les candélabres, les bas-reliefs-de même matière, Jk. les ex voto , augmentent encore les richefTes de cette chapelle. A côté eft un oratoire qnarré , dont les murs ïbnt revêtus de calcédoines orientales, d'agathes , de jafpcs ôc autres pierres jprécieufes, travaillées dans le goût de la mofaïque de Florence, qui forment dif, férentes figures fymboliques qui ont rapport à la Vierge. Les autres chapelles font ornées de différens tableaux , parmi^ lefquels on remarquera ceux de la réfurrection Ôc dû jugement., par le Bronzin ; la guërifon de l'aveugle né, par le Paffignani; la nativité de la Vierge , par Alexandre Al-lori. La grande coupole, peinte par le Francefchini, a pour fujet l'Affomption de la Vierge, ôc fon couronne ment par Grand Duché de Toscane. 31 h fainte Trinité ; elle eft accompagnée des prophètes & des faints de 1 ancien teftament, qu'elle comptoit au nombre de fes ancêtres. Le defTein 6c le coloris en font excellens , l'invention même en eft heureufe ; mais le Francefchini n'en a pas toute la gloire ; le fujet & la dif-pofition tiennent beaucoup de la grande coupoletic Parme,peinte par leCorrege. On vt»it dans cette églife quelques bons morceaux de fculpture de Jean de Bologne. Dans le cloître intérieur , eft la chapelle de l'académie de deifein ; le tableau de l'autel eft du Pain: n.mi , 6c les deux grandes peintures à FreTque font, l'une du Valari , èv l'autre de Santo Di-tito. Mais ce qu'il y a de plus beau dans Ce genre , eft le fameux tableau d André de] Sarto , connu fous le nom de la Madonna dtl Sacco ; il eft peint à frcfquc dans un des cloîtres au-defliis d'une porte. Saint Joleph eft aftisfur un fie , [a Vierge tient l'enfant iur fes genoux. Le faint Joleph a un air plus noble 6c plus beau qu'on ne le lui donne ordinairement , la Vierge cil extrêmement gracieuie , ITaiiant e(l peint avec cl'prii. Le deffein eft excellent , le coloris a conlervé quelque vivacité; enfin ce morceau célèbre cil encore digne de Mémoires.d'Italie. la grande réputation dont il jouit. On Ta fait enfermer dans une châfTe vitrée qui le garantit des injures de l'air. Il y a d'autres peintures dans ce cloître qui font de bonne main ; mais la Madonna del Sacco emporte toute l'attention. Un petit cloître décoré d'une colonnade de bonne architecture , fert de veftibule à cette églife ; on y voit le butte en marbre d'André del Sarte 5 & quelques autres morceaux de fculpture bien exécutés. Il y a quelques mo-numens déjà anciens , parmi lefquels on voit un cavalier armé de toutes pièces , monté fur un cheval bardé jufqu'au fabot, avec cette infcription : Anno Domini iaSj?. Hic jacet dominas Guillehnus Baliur, olim domini Amerighi de Nerbona: Au devant de cette églife eft une grande place ornée de deux côtés de portiques à arcades ouvertes , du defTein du Brunellefchï ; au milieu eft la ftatue équeftre du grand duc Ferdinand Ier, jettée par Jean de Bologne (a), avec deux (a) Jean de Bologne naquit à Douay : il fut l'un des plus grands feulpteurs du feiziéme liécle , & le meilleur élevé qu'ait formé Michel-Ange. La plus grande partie de Tes ouvrages font aufli parfaits que les plus beaux antiques. Grand Duc ni de Toscane. 5 3 foinumes, dont les ornemens font de bronze,traités avec beaucoup d'efprit. Sainte Madeleine de Pa^(i , églife de Carmélites. Il faut y voir la chapelle principale où repofe le corps de la fainte. Elle eft revêtue des plus beaux marbres, ornée de douze colonnes de jalpe de Sicile , dont les baies Se les chapiteaux font de bronze doré. Dans des tableaux ovales font plusieurs bas-reliefs en bronze , qui repréfentent les actions principales de la fainte. Le defTein de cette chapelle 1 de même que le tableau du maître-autel, font de Cirofcrri, Se de très-bon goflt. Sainte Croix, églife de Francifcains. An->L 1 fus de la porte principale, eft une très-belle ftatue de bronze de S. Louis, evêque de Touloufc , par le Dona-telli (d). L'églife commencée à la fin du treizième liéele, eft très-grande : elle a 140 bralTes de longueur, &c 70 de largeur. On voit dans les chapelles I buloire de la paillon de Jcfus - Chrift, peinte en dînerons tableaux par le; meilleurs artiftes de fécole Florentine, (a) Le D Mi.itcllt a vécu il.ur» le quatorzième fîécle, & ct|>rn.ljnt ptufîeuri (latues n remarquera encore dans cette églife quelques peintures anciennes du Cimabné Ôc du Giotto , (pie l'on regarde comme le B v, 36 Mémoires d'Italie. reftaurateur de l'art en Italie; ce qUc lesSiennois diiputcnt aux Florentins. La place qui eft devant l'églife de fainte Croix, eft grande ôc régulière ; elle eft entourée de portiques à arcades ouvertes. C'eft là où dans le temps du carnaval, plufieurs jeunes cavaliers partagés en plufieurs bandes égales, chacune commandée par une enfeigne, ôc diftinguée par un uniforme, font des parties de ballon, où ils donnent des preuves de leur force ôc de leur adreffe. Ils commencent par fe partager le terrain ; ôc le point d'honneur de cet exercice , eft de le conferver de façon que la bande adverfe ne puuTe jamais s'y établir , ôc de la forcer à recevoir le ballon, ôc à perdre du terrein en cherchant à le renvoyer. Chacune des bandes a une efpece d'arrière-garde , dont le foin eft de renvoyer le ballon, pendant que le gros de la troupe cherche à gagner le terrein. Cette place eft. décorée d'une affez belle fontaine, rcatues" de 9* & Laurent, églife bâtie dans le Michel-An- quinzième fiécle. L'architecture en eft lé-Iqne^chT-" gere5 élégante, de belle proportion, de ]ti!e des même que les colonnes qui. foutiennent EtSue" *a ne^ ^U miueu- Les deux chaires de «N nianuf- marbre font d'une belle forme, ôc ornées ctits, de quelques bas-reliefs en bronze du Donatelli, qui f< nt de la plus belle exécution. Au pied du grand autel , fous une fimple tombe, eit enterré Cofme L'an*-cien , dit le pere de la patrie , avec cette courte inicription, mais bien honorable: Décréta publko , pairi patrix. On voit dans les chapelles plufieurs tableaux curieux , entr'autres, le mariage de la Vierge, par le Rolli, bien dcAiné ôc frais de couleurs ; un tableau de Fra Bartholomco en clair obfcur, dans lequel il a placé ion pot trait... un Pere Éternel attaché fur une Croix, d'où il explique à Adam ôc Eve le myitcrc de l'incarnation de fon fils, 6V. de la rédemption des hommes; idée fuigu-liere d'André del Sarto, dans laquelle on retrouve le beau coloris ÔC la manière large de ce ^rand peintre. Mais ce qui mérite toute l'attention des voyageurs curieux, cil la lacriltic nouvelle qui eit au-delïus de l*cglife à main droite , ÔC que Ton peut regarder comme le tréior qui renferme ce que Michel-Ange a Lut de plus admirable. On l'appelle aulfi la chapelle des princes : 1 architecture eft du Hième Michel-Ange. Le premier tOffli beau eft celui de Julien de Medicis ; duc de Nemours : on voit au - deffus fa ftatue de la main de Michel-Ange ; elle eft dans une attitude qui répond à fon caractère aftif; la figure eft toute de mouvement. Aux deux côtés du tombeau font les ftatues du jour ôc de la nuit ; ni l'une ni l'autre ne font achevées ; un des côtés du vifage de la nuit n'eft même pas fini ; mais à regarder cette ftatue de profil, il y a une fi grande vérité d'ex-prefîion, tant de noblefle, que le marbre même femble refpirer : ce n'eft pas une ftatue froide ôc inanimée, c'eft une femme plongée dans un doux fommeil, qui refpire doucement ôc qui vit. On fît fur cette ftatue les cjuatre vers fuivans, qui donnent une idée de fa perfection,.. La noue chê tu veâi in Ji àolci aîti Dormir , fù da un angelo fcolpita Jnquejto fajjb : è per ché dorme ha vita : Défia la Je no' l credi, è parlera ti. Michel-Ange répondit fur le champ à ces vers flatteurs, ÔC fit parler ainfi la nuit. Grato mi é il fonno, épia Vejfer difajjb, Mentre ché il danno , é la vergogna dura. Non veder , non fentir , mi é gran ventura : Pero non mi deftar : deh ! parla bajfo. Cette réponfe eft belle, elle fait allu* fion aux troubles qui divifoicnt alors la ville de Florence; il y a quelquechofe de fier qui eft bien dans le caractère de Michcl-A nge, qui ne craignoit pas de convenir de la fupériorité de fon ouvrage. Dans tout autre artifte c'eût été oftentation ; ici ce n'eft que fentiment de fa propre excellence. Le fécond tombeau a été fait pour Laurent de Medicis. Sa ftatue le caractérise ; il eft afïis la tête appuyée fur fa main , dans l'attitude d'un homme qui réfléchit profondément. On y reconnoît ce Laurent que l'on appolloit ilptnfïcrofo. Cette ftatue, de même que celle de Julien , eft entièrement finie. Les deux ftatues qui accompagnent le tombeau, font l'aurore 6c le crénufcule.. . . Dans cette même chapelle eft une Vierge (pu tic ut l'Enfant entre fes bras, aufti de Michel-Ange On regrette que ces ouvrages admirables foient reftes imparfaits; quel rdpect on a eu pour le génie fublime qui les avoit conçus ce. commences ; on n'a pas ofé y porter une main téméraire, & tenterde les finir. Il y adanscettechapelle plufieurs autres t nnbeaux despiinccsdc la maiton de Medicis , fans ornemens , oc qui ne paroilienf y êtf6 C(U'ei\ dépôt. Dans une féconde chapelle ou laçai- tie, bâtie fur les deffeins du Brune llefchi, eft un autre tombeau fait pour Pierre ôc Jean, fils de Cofme, pere de la patrie , tous deux tiges des deux branches de la maifon de Medicis ; il eft d'une belle forme , ÔC revêtu d'ornemens de bronze bien entendus. Dans des niches font les ftatues de faint Laurent, faint Etienne , faint Cofme ôc faint Damien, par le Donatelli ; ôc pour tableaux d'autel, un ancien bas-relief en bronze du Brunei-lefchi. Derrière le chœur de l'églife eft la fameufe chapelle des Medicis, commencée en 1664, fous Ferdinand I, grand duc de Tofcane ; elle eft de forme octogone ; l'architecture en eft belle ôc noble ; les pilaftres qui foutiennent la corniche qui régne autour , font de la plus belle proportion avec les chapiteaux ôc les bafes en bronze doré. Le revêtifTe-ment jufqu'à la corniche eft en entier de jafpes, agathes orientales , lapis lazuli, calcédoines ôc autres pierres précieufes qui forment différens ornemens, parmi lefquels font placés les écufTons des armes des villes foumifes à la domination des grands ducs de Tofcane. Les émaux de ces écufTons, de même que les couronnes ôc les fupports, font travaillés en molaîquc avec les pierres les plus fines. Le diamètre intérieur de la chapelle a quarante-huit bralTes, ou environ quatre-vingt-huit pieds. La hauteur jufqiuiu comble eft de cent quatre braf-fes. Dans fix des pans de l'octogone font placés lix grands tombeaux, dont quatre de granit d'Egypte, & deux de granit oriental, laits fur les dclïeins de Michel-Ange. On ne peut rien imaginer de plus beau Cv de plus noble pour la forme & le goût que ces tombeaux ; ils font d'une proportion vraiment majeftueufe. Sur chacun eft un oreiller de jafpc , bordé de pierreries, fur lequel eft pofée une couronne ducale de pierres hncs. Dans des nielies de marbre noir, pratiquées en enfoncement dans l'épailleur du mur , feront des ftatues de bronze, de taille héroïque, c'eft-à - dire, d environ dix pieds de hauteur ; il y en a déjà deux en place, celles de Ferdinand I ce Cofme 11, qui ont été jette es par Jean de Bologne. Dans le pan du fond fera placé l'autel qui n'eft pas abt'olument fini, & qui eft en dépôt dans une des chambres de là galerie ; il efl d'une magnificence telle qu'on peut l'imaginer dans la pièce principale d'une chapelle fi riche ; les gradins, la table de l'autel ck les côtes, Iont de marquetterie formée par les pierres les plus précieufes ôc les plus rares. Le tabernacle du deflus eft compofé d'une petite colonnade qui foutient une coupole : ce deffein eft d'après l'antique. Les petites colonnes couplées, dont les ba-fes & les chapiteaux font d'or ôc d'un travail excellent, font alternativement de lapis lazuli, d'agathe orientale & de criftal de roche. Le devant d'autel eft une mofaïque de fleurs montée fur un fond d'orfèvrerie en or. Le marche-pied même eft de la plus grande richefle. Dans le pan vis-à-vis fera placée la porte principale , ou grillage qui donne dans le fond du chœur de l'églife faint Laurent, ôc laiffera voir la chapelle de l'églife même. Le pavé eit de marquetterie en marbres choifis. Suivant le premier plan, la coupole devoit être revêtue de lapis lazuli, avec des rofes ôc autres ornemens en or ; mais j'ai oui dire à M. le maréchal de Botta, qui faifoit travailler alors à finir ce fuperbe monument de la magnificence des Medicis, que l'on feroit peindre la coupole, & on deftinoit cet ouvrage à un peintre Saxon nommé Meinff, qui joint à la fagefle du defTein, ÔC la régularité de la compofition des meilleurs maîtres de l'école Romaine, Grand Duché de Toscane. 43 le beau coloris de l'école de Lombardie , ainfi que l'annoncent quelques grands ouvrages de ce genre qu'il a faits nouvellement a Rome. Que l'on n'imagine pas qu'il y ait rien d exagéré dans la description de cette chapelle; quand elle fera achevée, il fera difficile de trouver quelque monument de ce genre qu'on puifl'c lui comparer. A une des portes de l'églife faint Laurent, on voit la fi mie du célèbre hif-torien Paul Jove , cvèque de Noccra, faite par François de Saint-Gai. La fameufe bibliothèque de mnnuf-crits , connue dans Wtttè l'Europe fous le nom de Bib/i itktca Mtdicto Liuren-{iana, tient à l'églife de faint Laurent, ÔC fait partie des bâtimens qui y font annexés. La galerie où elle cil placée, a été bAtie par Michel-Ange ; elie a cent quarante pieds de longueur fur environ trente-trois de largeur, 8c vingt-cinq de hauteur. Elle eft garnie de deux rangs de pupitres, quarante-quatre de chaque coté , lUf chacun delquels il V a plutieurs manuferits reliés 6c attaches aux pupilles avec une chaîne. Vis-a-vis de chaque pupitre eil un banc fur lequel peut .safleoir celui qui confulte le manuierit. Il y en a en toutes fortes de langues ^ grecque, latine , hébraïque , arabe , fy-riaque, ÔC même chinoile; on y en voit quelques-uns en langue provençale, ôc envieux françois. Le plus ancien eit, dit-on , un manuferit fyriaque, qui eft au premier pupitre. Il taut voir le Virgile qui clt au pupitre 3 9, le Tacite au 68 : ces manuferits font ornés de belles vignettes, de même que les commentaires de Céfar. On y voit encore un grand manuferit grec, que l'on dit très-ancien ; il eft avec figures , Ôc instruit de la manière de remettre les diilocations: ce manuferit qui traite d'une partie fi intéreffante dans la chirurgie , ôc plus difficile dans la pratique qu'on ne l'imagine, mérite une attention particulière. L'empereur régnant a fait ajouter à cette bibliothèque quatre nouveaux pupitres chargés de manuferits; ils font iéparés des autres. Le total monte, à ce qu'on dit, à trois mille. Cette collection commencée par Cofme de Medicis , le pere de la patrie , continuée par Pierre fon fils, ôc fort augmentée par Laurent le magnifique, futmife dans l'ordre oii on la voit par le pape Clément VII. Ce tréfor particulier qui n'appartenoit qu'aux Medicis , fut rendu public en 1571 par le grand duc Cofme I, qui y établît un bibliothécaire, 6c jufqu'à prélent, il a eu des fucccfTeurs. L'efcalicr qui conduit à cette bibliothèque , fait fur les dclTeins de Michel-Ange , eft de la plus belle architecHire , de même que la porte principale 6c les fenêtres. Au-devant de l'églilè faint Laurent dans la place , eft un oiédcftal chargé de bas-reliefs travailles par le Bandinelli ; il devoit fervir à placer la ftatue équeftre de Jean de Medicis, pere du grand duc Cofme I.La ftatue n'a pas été finie, on la voit dans l'ancien palais. 10. Santa Maria A'ovef/a , grande suite de* églife de Dominicains, Tune des plus ck'1'""- sra" bcïïcS d Italie, quoiqu elle ait cte coin- i,iCaux. En-menc.ée dans le treizième fiéclc, 6c finie teuemen*. au commencement du quatorzième. On voit par cette conftruclion, que le bon goût commencent dès-lors a renaître A Florence; car on ne trouve nulle part aucun édifice de ce temps , qui pour l'élégance 6c la régularité punie être comparé à celui-là. les peintures du chœur font toutes du Ghtrlàridaio, 6c di-vifées en quatorze tableaux , dont fept repréfenteni la vie de la Vierge j 6c fept celle de faint Jean-Iïaptifie. Ce (pi'il y a de plus curieux dans ces peintures anciennes , font plufieurs portraits du jfi Mémoires d'Italie. temps, que l'on y trouve , 6c qui font peints avec beaucoup de vérité. Il y a plufieurs bons tableaux dans les chapelles , entr'autres, la Samaritaine par le Bronzin, le Rofaire ôc la Réfurrection par Vafari, un faint Pierre , martyr, par le Cigoli. Dans la facriftie , un ancien tableau fur bois, que l'on regarde comme le chef-d'œuvre du Cimabué ; il a été fi bien cor.fervé, que les couleurs en font encore vives. Le Saint-Efprit, églife d'Auguftins , fituée au midi de l'Arno , eft un grand ôc vafte édifice conftruit fur les deffeins du Brunellefchi. La nef principale eft portée fur des colonnes d'une belle proportion , d'ordre compofite ; la frife qui régne au-delTus eft de bon goût. L'autel compofé de marbres précieux, 6c orné de pierres fines, eft d'un beau travail. Les chapelles ont plufieurs tableaux de prix.... Le Sauveur qui chafle les marchands du temple , par Jean Strada ; la compofition en eft belle, le deffein fier , & le coloris vigoureux... Le martyre de faint Etienne, par le Paflignani, de la plus belle exprefîion... Une Annonciation par Botticelli ; un Sauveur qui porte fa croix au calvaire , par le Ghirlan-daïo ; un noli me tangere, par le Bronzin j,. Grand Duché de Toscane. 47 une très-belle ftatue du Sauveur qui tient me que les deux ailes qui dévoient s'étendre fur la place , ÔC qui auroient donné de la grâce ôc de la nobleffe au bâtiment, dont l'extérieur eft trop plat. L'architecture de la cour par l'Ammanati, cil beaucoup plus régulière Ôc plus noble ; elle a trois rangs de colonnes pofés les uns fur les autres, désordres dorique, ionique ôc corinthien, qui forment autant de galeries ouvertes qui tournent autour de l.i eour,ôc lervent a la communication des appartemens du palais. C et te cour eft trop étroite , eu égard à la grande élévation du bâtiment, de manière que pour b bien voir, on eft obligé de tenir toujours la tête fort élevée ÔC dans une fituation incommode, le bâtiment Civ avantau moins cent trente pieds de hau, teur , & la cour dans fa plus grande largeur n'en ayant pas plus de cent foixante. Elle feroit tout-à-fait obfcure, fi la muraille qui fépare la cour du jardin Boboli, 6c qui eft terminée par une petite baluftradc de marbre, n'étoit beaucoup plus baffe que le palais, ce qui au moins de ce côté laiffe un libre cours à la lumière. Au milieu de cette muraille eft pratiquée une grande voûte en enfoncement , qui a été autrefois bien décorée , mais que le temps ôc l'humidité ont beaucoup gâtée : elle eft entièrement occupée par une nape d'eau , au milieu de laquelle eft une ftatue de porphyre, de Moïfe, entourée de divers jets d'eau 3ui paroiffent fortir de terre à fes or-res. An-deffus de cette voûte eft un autre grand baflin, au milieu duquel s'élève un jet d'eau qui le remplit : il eft orné de plufieurs enfans montés fur des cygnes qui femblent jouer dans l'eau. A gauche, fous la première galerie , font quelques ftatues antiques , entr'au-tres un Hercule qui reffemble beaucoup à celui du palais Farnefe, ôc qui eft dans la bonne manière grecque. Au fond de cette même galerie, eft un monument érigé par Luc Pitti à la mémoire d'une Grand Duché de Toscane. 57 mule qui l'avoit bien fervi : elle eft rc-préfentée en bas-relief de marbre noir ou pierre de parangon , avec ce diftique au-deffous : Le&icam , layiJtT&tnarmora, Uglta, columnas, Mtxit f (onduxit , iraxit (r ijh :ulit. Ce palais eft très-bien meuble 6c entretenu , quoique depuis long-temps il ne (bit pas habité : les meubles, déjà anciens, Iont des étolFcs les plus riches, ôc bien confervés. On voit par-tout de ces belles tables de mofaïque ancienne de Florence, de ces armoires ou cabinets enrichis de lapis lazuli , de cryllal de roche, d'acathes 6c de jafpes d'un tra-\ ad admirante ; des Iutlres, des brt ar/es , des urnes, des glaces ; mais ce qu'il y a de vraiment curieux , ce font les tableaux: qui eu ornent les différentes pièces. L'appartement du re/-dc-chaulfce,quc Von appelle de l'empereur, n'a pas d'autres ornemens que les peintures qui le décorent ; il clt compote de plufieurs grandes pièces ou font les plus beaux plalonds : le premier eft de pierre de Cortone ; il a pour fujet un leune homme que la vertu, rcprelcntee par Hercule , appelle isi retire des mains de la volupté; il cil entoure d'autres tableaux en éventail, dont les fujets ont rapport. 58 Mémoires d'Italie. au tableau principal. On y voit la continence de Scipion ; Joleph qui luit la femme de Putiphar : ces différcns fujets. font parfaitement exécutés , la couleur en eit belle ôc gracieufe ; on y trouve la force du pinceau de Pierre de Cortone, avec toutes les grâces que l'on y peut dc-firer. Les peintures à frefque de cette première pièce ont été faites par Jean de fan Giovani, Florentin : ce font des bas-reliefs en clair obfcur , fi parfaitement peints, qu'ils font entièrement détachés,. & qu'il faut les toucher pour croire qu'ils foient de peinture plate. Ciro Ferri a aidé Pierre de Cortone dans la compolition des autres plafonds, où il paroît qu'il a fuivi fes deffeins. Le fécond représente un jeune homme porté fur des nuages entre Apollon ck la poë-fie ; il eft de Ciro Ferri. Le troifiéme, de Pierre de Cortone , eft un fujet allégorique , qui repréfente la fortune des Medicis triomphante du temps ôk de fes ennemis ; ck fur les bords du plafond , une armée navale : tout y eft beau, couleur, expreffion, deffein , compofition; ce tableau eft excellent______Le quatrième eft. de Ciro Ferri ; il a pour fujet l'apothéofe d'un héros qui eft armé de la mailue d'Hercule, 6k que Jupiter couronne..... Grand Duché de Toscan. ^9 Le Cinquième , de Pierre de Cortone , repréfente Hercule fur le bûcher. On faiibit alors dans cet appartement une copie d'un grand tableau de Rubc ns, l'un des plus beaux de ce maître : il re-prelente Mars que le démon de la guerre arrache des bras de Vénus qui veut eu vain le retenir : l'amour pleure ; les i'ym-boles des arts, un homme robufte que le démon de la guerre foule aux pieds, ck que je crois être l'agriculture ; des femmes, des enfans qui fuyent avec effroi, le temple de Janus renverfé dans réloignemcnt, marquant aflez la défola-tion ÔC les ravages de la cuerre : à côté de VénUS« fur le devant du tableau , eft une grande femme qui a fur la tète une couronne murale , qui levé fes yeux baignés de lai fiel ex" tes mains au ciel , ÔC femble vouloir arrêter le héros par les cris. Ce tableau, peint avec le plus beau feu,donne la plus grande idée du lAiiie de fon auteur. Je doute que Rubens ait Jamais rien imaginé de plus no ble ÔC déplus poétique ;il me femble que la funple idée de ce tableau équivaut un poème entier : la couleur BÉ ell excellente, ôc du [dus beau de Uubens; toutes les tètes 1«>nt belles, mu reliantes , bien caradeniecs ; la e >ap-uitioti eu C v, 60 Mémoires d'Italie. précité & point ernbarralTée;la lumière y eft diftribuée avec la plus grande intelligence. Ce tableau eft à mon gré l'un des plus beaux qu'il foit pofîible de voir ; un de ces tableaux faits pour être étudiés , pour former le goût ôc élever le génie. Les autres appartenions de ce palais iont ornés des tableaux des meilleurs maîtres, en grand nombre ôc du plus beau choix. Je ne les rapporterai pas tous; je donnerai une courte nomenclature de ceux qui m'ont le plus affecté... Une fainte famille d'André del Sarto, de la plus grande force de couleur , ôc cependant vraie ; les têtes font très-belles, & rendues avec exprefîion : on ne peut Jjien juger du mérite de ce peintre qu'à Florence ; il a été le plus grand colorifte de fon école ; fon deffein eft de grand caractère; prefque toutes fes draperies font bien jettées ; la plupart de fes tableaux font peints fur bois.. ...Une Ma-donne ôc un faint François, de Carlin Dolce, de belle exprefîion.... Un Ecce Sfoma de grandeur naturelle, avec deux fourreaux derrière, par le Cigoli,peint avec force ôc de belle couleur.... Quatre grands tableaux, qui ont pour fujets les. quatre fins de l'homme, la mort y Grand Duché de Toscane. 6r le jugement, le paradis ôc l'enfer : ils occupent chacun une des faces du falon ou ils font placés ; grande compofition du cavalier Nafini, de Sienne , en eéné-nd tort ingénieufe : on y voit plufieurs groupes heureufement difpofés----Une Madonne, fiant Jean ôc faint François, de grandeur naturelle , par André del Sarto.. . Un portrait du pape Paul II!, par le Titien, admirable 6c bien confer-vé. ... Une bacchanale de Rubens , ôfl Pon voit toute la beauté de la compofi-tion ôc du coloris de ce grand maître.... Quatre grands tableaux de bataille, par le Bourguignon; ils font hiftoriques , Ôfc ont rflpport aux Medicis; ils font très-bien traités ÔC d'un ton vigoureux de couleur. Les payfagcs font d'après nature; ils représentent divers point* de vue de Tofcane : on y voit entr'autres la montagne de Rtidico fit ni... La Made-lainc, faint Laurent, faint François , ôc trois autres laints dansun même tableau, ; ligures de grandeur naturelle , d'une belle exprefîion ; le coloris ôc le defTein en fout excellens.... Deux tableaux de l'Afl'omption , du même , compotes à peu près du même nombre de figures , quoique différemment placées; ils font encore d'une extrême 6z Mémoires d'Italie. vivacité ôk d'une beauté frappante, qu\ naît en partie des couleurs éclatantes que le peintre a employées.... Un faint Marc plus grand que nature, de Fra Bar-tholomeo délia Porta , dit de fan Marco, Le ftyle de ce tableau eft aufti grand, auftî majeftueux que celui de Raphaël ; il eft excellemment delTiné, 6k d'une beauté de pinceau à laquelle Raphaël n'eft jamais parvenu. Ce peintre , contemporain de Raphaël, fut fon maître pendant quelque temps ; il lui reflem-bloit beaucoup pour les qualités rares qui conftituertt un grand peintre, ck lui étoit fort fupérieur pour le coloris : i| femble qu'il ne lui ait manqué que les grandes qccafions oii s'eft trouvé Raphaël , pour lui difputer, ck peut-être pour lui enlever le feeptre de la peinture. Les ouvrages de ce grand artifte font d'autant plus précieux, qu'ils font fort rares. On dit à Florence que ce tableau de faint Marc a coûté 3 0000 francs au grand duc Ferdinand II ; c'eft un des plus beaux qui foient à Florence... Une Afcenfion, du même, du plus beau ftyle de compofition ôk de deffein, inférieure au faint Marc pour le coloris... Un grand tableau qui a pour fujet la Vierge dans; une gloire , 6k,un faint éveque au bas Grand Duché de Toscane. 63 à genoux : la Vierge cil peinte avec no-blellc; il y a plus de limplicité dans la figure de l'évêquc, qui eit richement habillé; le ton de couleur en eit beau : cette compofition eft de la grande manière de Carie Marattc, ôc dans le goût de celui du môme maitre qui cil à l'églife de faint Charles al Corfo à Rome .... Un portrait de Léon X, accompagné de-deux cardinaux , figures de grandeur naturelle , par Raphaël ; tableau capital ôc bien confervé. On fait qu'André del Sarto copia ce tableau ii parfaitement » que Jules Romain qui avoit travaillé à l'original , y fut trompé , Ôc prit la copie pour l'ouvrage de fon maître. ... Le portrait du cardinal Hentivnglio , par Wandick, de la plus grande beauté, fi parfaitement peint , fi vrai, qu'on peut le mettre au ranç de ces productions admirables , dans lesquelles le peintre partit s'être furpafle lui-même.... Trois grands tableaux du (iiicrchin , faint Sc-I Milieu , la fraction du pain , Ôc le fatyre Marlias écorché par Apollon : ce dernier eft bien fuperieur aux autre*..,. Une lamte famille , lamte Llixabcth ôc faint Jean , p;ir Rubens. La Madonna deîla Sedia , célèbre tableau de Raphaël, ovule, dans lequel on 64 Mémoires d'Italie. ne voit les figures que jufqu'à mi-corps : admirablement confervé, 6c fi trais, que s'il n'étoit pas auffi authentique, on ne pourroit croire qu'il fût de ce maître. Il eft d'un fini extrêmement précieux. La figure du petit faint Jean , plus brune que celle du Bambino, eft pleine d'ef-prit, 6c fait un conftrate charmant; c'eft une pièce unique dans le monde, 6c Ci belle, qu'elle n'inipire d'autre fentiment que l'admiration. Combien les artiftes doivent étudier un tableau fi parfait! J'en ai vu une multitude de copies de différentes grandeurs ,. qui toutes font plaifir. Une fainte famille, fainte Elifabeth, faint Jean 6c une autre femme , tableau de Raphaël, d'une troifiéme manière, différente de celle de la Madonna delta Sedia , 6c du portrait de Léon X , mais toujours digne de ce grand maître.... Une tête, par le Correge, d'un coloris excellent 6c d'une belle exprefîion.... Martin Luther qui touche du claveflin ; il eft encore en habit d'Auguftin ; fa femme eft à côté de lui ; Bucer eft droit dans le fond du tableau, par le Giorgion ; le fond eft noir, le coloris en eft vigoureux, 6c le defîein excellent.... Une danfe, par Jules Romain > figures nues d'environ vingt pouces de hauteur; tableau précieux pour la vérité de l'ex-prcfiïon, ôc la fierté du deffein : l'antique n\t rien de mieux dctîiné que ce morceau____Une Cléopatre , de la manière tendre du (mule , dont on retrouve toute la beauté dans ce tableau. Ce nijet a été fi fouvent répété ôc copié par tant d'habiles peintres . que Ton doute fouvent de la vérité des originaux. Il n'eft pas douteux que le Guide ne fe toit plu à traiter fouvent ce même !u]ct, (pie l'on voit a Bologne, à Rome, à Florence, ÔC je crois à Gênes, clans la même forme , le même ft y le ,1e même ton de couleurs: on remarque dans tous cette touche libre ÔC précité qui caraelérife le grand maître ; on u'v voit rien de tatc, aucune de ces incertitudes de defTein , qui font la marque «le la main iervrlc ÔC peu sure du copifte..... Les trois parques, excellent tableau en clair obfcur pour le deffein ôc l'cx-predion, par Michel-Ange— Le denier funt Pierre , par le Titien , morceau très-précieux ÔC fi bien conlcrvc, qu'il cil capable de donner une idée jufte du mérite de ce grand colorifte____Un baptême «h- faint Jean, par Paul Véronefe, très-beau. On verra encore dans le grand appar. tement du bas, une Venus ôc un Amour, du Salviati, petit tableau très-bien peint, mais qui caraèterife l'imagination déréglée de cet artifte... Un faint Jean, par Fe Tcmperta, grand tableau qui a des beautés. Il y a dans ce palais beaucoup d'au* très tableaux qui mériteroient d'être cités avec éloge; mais je me fuis contenté de parler de ceux que l'on peut appeller capitaux , dans l'ordre a peu près oii ils étoient placés lorfque je les ai vus, mais qui peut changer ; il cil cependant probable qu'on ne les tranfpor- " tera point ailleurs, ôc ils font allez frap-pans pour être reconnus par-tout où on les verra. Cette collection eft. plus pré-cieufe encore par le beau choix des tableaux , que par le nombre : on n'y a admis que les plus beaux ouvrages des meilleurs maîtres. Plufieurs meubles de ce palais méritent l'attention des curieux , tant par rapport à la richeffe de la matière, qu'à la beauté de l'ouvrage. On peut y remarquer la bordure d'un grand miroir ; ce font des bouquets d'orfèvrerie de toutes fortes de fleurs entrelacées , fi délicatement travaillées, que l'air même les agite ; au-clelTus eft Phae-ton qui conduit le char du Soleil; derrière lui eft Apollon , l'inquiétude marquée fur le vifage, qui lui montre la route ; les chevaux rcfpircnt le feu : ce travail eft admirable Se d'une exécution Surprenante. Plufieurs luftres de cryfial de roche , un entr'autres au-dclTus duquel eft un aigle de même matière ; il eft monté de tres-bongoût c>: d'un beau travail. Une grande baignoire d'un morceau de marbre de verd antique , de neuf pieds de longueur , quatre de largeur, 6c trois Se demi de profondeur.... Dans l'appartement le plus élevé de ce palais, clt une bibliothèque conlidi-rablc compofée de très-bons livres. Il y a peu de manuferits anciens cV en laiv Î;ucs étrangères , ils ont été dépotés à a bibliothèque de faint Laurent; mais il y en a 1 eaucoup de modernes , inté-reHar.s fur-tout pour les affaires politiques de l'Italie , Cv qui feroient très-utilcs a quelqu'un qui votulroit écrire rniUoirctludix-feptiemcuecle.il y en a deux en très-grand papier , qui font une relation abrcj'cc ucs vovages du grand duc Cofme III en Efpagne, en Angleterre, en Hollande , en 1 ranœ 6c 68 Mémoires d'Italie. en Italie , avec les vues defîinées de tous les endroits où il s'eft arrêté : cet ouvrage eft très-curieux Ôc fidellement exécuté , à en juger de ce que je ne connois pas, par plufieurs vues de France 6c d'Italie qui font rendues avec la plus grande vérité. Il n'y a qu'un prince héritier du goût des Medicis pour les arts, qui ait pu faire exécuter cet ouvrage aufli bien 6c aufli fidellement qu'il l'eft. M.Menabuoni, alors bibliothécaire de l'empereur, homme inftruit 6c d'une grande politeiTe , ne nous laifTa rien échapper de ce qui pouvoit intérefter notre curiofité. Le jardin Boboli tient à ce palais ; il eft vafte, de forme irréguliere, 6c fitué fur un terrain inégal qui va toujours en s'élevant du côté du midi ; il eft terminé par les murailles de la ville, dans l'enceinte defquelles il eft enfermé. C'eft plutôt un parc qu'un jardin. Le terrain vis-à-vis le palais eft droit 6c rapide ; on y a pratiqué un théâtre de forme demi-ovale , difpofé de façon à y donner des fêtes, 6c à y faire des illuminations , de la vue defquelles on peut jouir des fenêtres du palais. Il eft orné de quelques ftatues 6c de vafes, ÔC entouré de maftifs de bois ôc de grands arbres Grand Duché de Toscane. 69 qui le terminent gracieulement. L'allée «pu le traveric , Ôc qui va aboutir à une pièce d'eau ÔC à un parterre qui eft tout ail haut du jardin , a au moins cinq cents P^ d'étendue. La grande allée qui va d\in bout du parc à l'autre dans toute & longueur, a plus de nulle p;>s. On y Voit différentes pièces d'eaux plates & jailliftantes , des ftatues ÔC des vafes de granité de belle forme. A la pièce d'eau du delTus , eft un grand Neptune, debout, qui a a tes pieds trois autres ftatues de neuve qui verlcnt l'eau de leurs urnes. Ce groupe eft de Jean de Bologne, ÔC d'une belle exécution. La pièce d'eau qui partage la grande allée , eft ornée d'un Neptune de bronze, d'Artaldo Lo-renzi, bon lculptcur Florentin. Parmi les autres ftatues , il tant voir avec attention un excellent groupe d'Adam ÔC d'Kve ; Lve a la tete panchée iur les deux mains qu'elle appuyé fur l'épaule d'Adam , qui a les yeux fixés en terre , ÔC l'air très - mélancolique. Je eror.ee beau morceau du Bandinelli. Au bas de ce jardin, du coté de la ville , il y a une petite ménagerie arroiée de canaux pleins d'eau vive , ÔC peuplée de quelques ou"caux rares ÔC d'animaux étrangers. Tout-i-iait au-ded'u:,, du cote du midi, eft un petit fort bâti en hexagone appelle fanta Maria in Belvédère ; il eft bien entretenu, ôc a toujours une garde de troupes réglées. A côté de ce fort, eft un petit jardin à fleurs. En tirant au levant, l'extrémité de ce parc eft occupée par des potagers places dans un terrain très-inegal. On voit dans les bof. quets quelques daims, ÔC beaucoup de faifans ÔC de perdrix. A main gauche , en entrant par la porte qui va de la place au jardin fans traverfer la cour du palais , eft une grande grotte remplie de jets d'eau, ôc ornée de ftatues de diffé-rens maîtres , entr'autres de quatre ftatues commencées feulement par Michel-Ange , & qui n'ont point été finies.'Cette grotte eft dans un goût tout-à-fait rufti-que, partie creufec dans le rocher que Fon a laiffé à découvert : il s'y eft trouvé un accident naturel qui étonne d'abord , & qui fait croire que la voûte s'écroule. Le rocher eft fendu de façon à donner une entrée libre à la lumière. On a garni cette ouverture de plufieurs reptiles , tels que lézards , ferpens ôc autres de cette efpece, qui fuyent la chute des pierres qui paroiftent fe détacher de la Voûte. L'entrée de cette grotte étoit ornée de peintures que l'humidité a fort gâtées. Grand Duché de Toscane. 71 Ce jardin , qui a plus de mille pas de longueur fur une largeur fort inégale, eft une promenade très-agréable , où Ton trouve à tous les points du jour un ombrage frais Ôc gracieux, des endroits foliaires , d'autres plus ouverts ôc plus rians. Les eaux , les ftatues , les taillis, les palilladcs de lauriers ÔC de myrtes, les bofqucts d'orangers , les allées de grands arbres forment une variété toujours gracieufe. Ce palais ÔC ce jardin font fitués dans la partie méridionale de la ville, fur un terrain beaucoup plus élevé que le refte. m. Ic palais Ricardi, fitué dans la „ ,raIaiV? 1 » 1 1 11 11-1 âutici eflin- via larga, lune des plus belles de Flo- ces pubiict. renée, eft la première habitation des {jJJJJT* Medicis , que fit rcliâtir Cofme l'ancien. La feçade extérieure eft diviléc en trois (Maires ; celui du bas eft d'ordre ruftique en boflages, les autres font le dorique è\' le corinthien: la corniche du demis efl très-belle j ôc les fenêtres du premier étage oui été faites fur les deûelns de Michel-Ange. La face de ce palais, qui cil fur la via larga , a été faite plus nouvellement que les deux premières , & cfttom à-f.iit dans le même goût d'architecture. La cour efl enti urée d'une colonnade , dans la frife de laquelle on a pratiqué des niches où font placés^dcs buftes de la main du Donatclii. La gale, rie eft revêtue de bas-reliefs, de lta-tues , de buftes ôc d'infcriptions antiques , grecques ôc latines, qu'y ont fait placer les marquis Ricardi. Les appartenions font grands ôc nobles, meublés richement , Ôc décorés de plufieurs tableaux de prix, dont la plus grande partie font Flamands. Parmi les tableaux d'Italie, on en remarquera un très-grand de Jacques BaiTan ; il repréfente Venus ÔC l'Amour nuds , dans une boutique de chaudronnier garnie de poêles Ôc de chaudrons ; fans doute que le maître chaudronnier repréfente Vulcain : les figures en font extrêmement agréables, à l'idée près qui n'a rien de noble ; le tableau ell gracieux , frais de couleur ôc parfaitement confervé. La galerie eft grande , décorée de bonne manière ; le plafond eft de Luc Jordan, ôc de la plus belle couleur : on a pratiqué quelques armoires dans le revêtilTement de la galerie , oii font plufieurs antiques , médailles , camées ôc pierres gravées. A l'entrée de la cour, fur un cartel d'une forme élégante, font gravés les noms des papes , empereurs, rois, ôc autres grands princes qui ont logé dans cette maifon. Le Le jardin des fîmples, commencé par le grand due Cofme l , avec les appartc-mens pour les démonllrateurs 6c jardiniers à leurs ordres, les ferres 6c autres commodités neeetfaires pour l'entretien des plantes, tant du pays, qu'étrangères. On y a ménagé quelques canaux pour les arrofemens, qui font toujours pleins d'eau vive. En 1718, le dernier grand duc Jean - Gallon y fixa les féances de l'académie de botanique nouvellement établie à Florence. L'empereur lui a abandonné ce jardin 6c les appartemens qui en dépendent , fom les ordres du gouverneur île la province , Cv PiiUpeâion d'un profeileur en médecine , démonstrateur de botanique , qui y a fa réfi-dence. La plupart des plantes que l'on élevé avec peine dans leslerres chaudes de France, y croillcnt en plein air, Se Iont d'une force étonnante de végétatif Ml. L'académie, école de cavalerie, 011 la |eune nobletfede Toteane, beaucoup d'étrangers, Se fur-tout d'Anglois, viennent t.nre leurs exercices. Le ;;rand prince Ferdinand, fils de Cofme 111, a fait contlruire le manège couvert, qui eft de belle architecture. L'empereur y entretient à (es irais unéeuyer ; il y a Tome 111, Jj • d'autres maîtres d'exercice : la race des chevaux du pays clt bonne , ôc en fournit de diftingués pour le manège. La ménagerie, où font différentes loges folidement ÔC proprement conf-truites, pour enfermer les bêtes féroces , qui du temps des Medicis fervoient à donner des fpcclaclcs. On y nourrit encore des lions , des tigres ôc des loups. La cour oii fe donnent les combats , eit belle ce vallc , entourée d'une galerie couverte, élevée d'environ douze pieds, de laquelle on voit le fpecfa-clc fans courir aucun rifque , ôc qui peut contenir un très-grand nombre de fpectateurs. Sous un des côtés de la galerie font de grandes ouvertures quar-rées , garnies de grolTes barres de fgr , d'oii le petit peuple pouvoit prendre part au fpcctacle. Le palais Gcàni n'a rien de remarquable à l'intérieur, les appartemens en font bien diftribués ôc élégamment ornés. La collection des tableaux y eft confidcrable : j'y ai. remarqué deux grands tableaux du Francefchinï, dit U Volterrano ; l'un eft une Vierge qui tient l'Enfant Jefus, auquel des Anges apportent des fleurs ; dans le fond eft faint Joleph qui lit : les figures font de gran* Grand Duché de Toscane. 75 deur naturelle , la composition agréable > la couleur ôc le deffein vrais 6c bons ; l'autre eft le Chrift qui porte fa croix ; le groupe du devant compofé delà Vierge évanouie , ôc de deux femmes qui la foutiennent, eft très-beau.... La lainte famille ôc fainte Catherine, de Paul Véronefe , du plus beau de ce maître____Un tableau hngulier de Frédéric Zuccluroy qui repréfente la vallée de Jofaphal ; au milieu eft Jclûs-Chrift droit, avec un livre fermé fous le bras : les os parodient en mouvement pour fe rapprocher Ôc fe reformer de nouveau : on voit des corps entièrement formés , d'autres qui ne le font qu'en partie, des membres qui cherchent à le réunir : cette idée , toute bizarre qu'elle clt, eft grande , ôc l'exécution n'en a pas été faede; le ton de couleur eft convenable au fujet; la figure du milieu eft noble ôc bien deftinée. .. . Un charlatan monté fur des tréteaux, qui vend ton baume, grande figure , avec quelque-. Ipcciatcurs au bas : ce tableau (feint empâté dans le goût Flamand , tau de loin un très grand effet. ... Un Eccc Homo de Marinari, élevé de Carlin Dolce , Ôc une Vierge qui lui fait pendant, tous deux de très-belle cou- Dij j6 Mémoires d'Italie. leur Ôc bien défîmes.... Quelques beaux tableaux de bataille, du Bourguignon... L'incrédulité de faint Thomas, joli ta, bleau de demi - grandeur , d'une couleur agréable , par Pompeïo Battoni. Le palais Capponi, bâti clans ce fié, cle , eft de la plus belle apparence , quoique l'architecture n'en foit pas aufîi régulière ck: aufli fage que celle des anciens bâtimens qui font le principal ornement de cette ville ; l'eicalier en eft grand tk majeftueux, orné de quelques ftatues ôc de ftucs de bon goût ; les plafonds font peints. La poiition de cette maifon à une des extrémités de la ville, fait que l'on a pu y pratiquer de vaftes jardins qui font très-bien entendus. La maifon Buonarotti. La façade en eft petite, mais du meilleur goût d'architecture ; la porte ôc Jes fenêtres font de très - bonne manière , Ôc dignes de fervir de modèle. On dit qu'elle a été bâtie par Michel-Ange lui-même ; il eft certain qu'il l'a habitée pendant longtemps , ôc on y voit avec plaifir les premiers effais du crayon de ce grand nomme , dont on a confervé les detTeins fur les murs mêmes où il les avoit tracés. Il étoit alors dans fa première jeunette , il ne connoiflbit ni l'art, ni les préceptes, la nature feule conduifoitfa main , & annoncent ce qu'il de voit être un jour. On y voit aufli quelques-uns de les premiers tableaux, déjà d'un grand goût de deffein , mais très-foibles de couleurs. Ses defeendans ont confervé du goût pour les belles-lettres , ÔC plufieurs d'entre eux ont été d'un mérite reconnu ; ils. ont fait dans cette maifon une col-lca ion curieufo d'antiques , de médailles ce d inferiptions , fur-tout de ces médailles ou talifwans antiques , imaginés par les Bafilidiens, hérétiques ou fécond iiécle qui parurent en Egypte; ils attribuoient à ces talifmans chargés de figures hiéroglyphiques, une vertu fe-crette qu'ils croyoient leur donner par le moyen de la magie. Cette folie a été renouvellée en France ôc en Italie dans le iei/.ieme lieele. Parmi les inlcriptions, on y en voit une en caractères majtif- cuies erecs, dont le (eus clt.....Sun- ptictAj vraiment digne de ce nom, a vécu on^c ans Cv VÙtgt~tfoii fohts ; elle efl rno'tc le treizième des calendes de novembie, jotts le confulat de Fan (lus & Gallus. Si On louoit les moeurs (impiesd'une fille de cet âge , il falloit qu'alors le fexe tût bien rulé & bien précoce. Vunivcrfitê. Le bâtiment eft valle , Dûj 78 MÉMOIRES D'I TAI.IL. mais n'a rien de remarquable ; c'cil là que différens profefTeurs de théologie -d'hifioirc facrée êc profane , de jurif* prudence civile 6c canonique , de mathématiques 6c de philofophie , d'humanités 6c de langues grecque 6c hébraïque , donnent des leçons publiques. Ces profeffeurs font indifféremment des religieux de différens ordres, des ecclé-fiaftiques ou des laïques.... L'académie délia Crufca tient fes féances dans l'enceinte de l'univerfité. • Le château de faint Jean-Baptific, appelle Forteffa da haffo , pentagone régulier , avec des foffés revêtus pleins d'eau vive, 6c un chemin couvert ; il y a un petit arfenal : mais ce qui y mérite le plus d'attention , eft la fonderie de canons qui y a été nouvellement établie. Ce château tient aux murs de la ville du côté du nord. Près de - là efl le Cafino, ou petite maifon du marquis Ricardi, accompagnée de très-beaux jardins , de plantations d'orangers , de citronniers , de cédrats, 6c d'autres arbres de ce genre. La maifon efl ornée de plufieurs bonnes flatues antiques 6c modernes , qui méritent l'attention des voyageurs. Le palais Corfini. L'architeclure en Grand Duchk df. Toscane. 79 cil noble , de Tordre Tofcan. Au premier étage , qu ils appellent piano nobilc , font huit appartenions complets ; il a Tagrément d'avoir une belle tcrrafTc , qui a la vue fur le cours de l'Arno , c'e fur la partie de la ville qui efl de l'autre coté du fleuve ; il clf. vrai que quand il le déborde, tout le rez-de-chattfféé devient inhabitable ,& fe remplit d'eau, ainfi que je l'ai vu au mois de novembre 1761. Les appartenions font ornés de tableaux précieux des meilleurs maîtres , de bronzes antiques &c modernes, de très-belle forme; de bonnes ftatues , parmi lefquclles on remarquera celle du pape Clément XII, qui étoit de cette maifon ; elle cil placée dans un vefti-bttle au-dcmis du grand efealicr. Il y a un appartement d'été qui doit être de la plus grande fraîcheur ; on y a ménagé de petites fontaines qui donnent de l'eau quand on le juge à propos , Cv qui font joliment décorées. Palais StrortL La court million extérieure clf en bolfages d'ordre Tofcan ; la cour clt quarrée avec deux galeries , l'une au-dclTusdc l'autre , des ordres dorique ck corinthien. Ce palais a été bâti dans le même temps à peu près que Div So Mémoires d'Italie. les palais Ricardi, Pitti , Salviati, 6k autres appartenais aux maifons de Florence qui tenoient le premier rang dans la république. Ils font tous d'une architecture noble , folide ck fimple. La couleur brune de la pierre du pays leur donne un afpecf trifte , à moins qu'ils ne foient blanchis , ce qui eft rare. Il paroît que le-goût de conftruction de ces différens palais eft à peu près le même ; ils ont tous une cour quarrée avec des galeries ouvertes , qui ont autant d'étages que la maifon, ce qui eft très - commode pour le fervice ; dans prefeue toutes les cours il y a des fontaines. Il paroît que dans le temps des révolutions , ces maifons principales étoient autant de lieux d'affemblée , 6k même de défenfe pour les chefs de faction qui les habitoient, 6k qui y raffem-bloient leurs partifans. Ce palais a appartenu à l'infortuné Philippe Strozzi, qui avoit confpiré contre les Medicis , pour fbuftraire fa patrie à leur domination , ck lui rendre fa liberté ; il fut pris les armes à la main en i 5 3 3 , 6k mis en pri-fbn , dans laquelle il fe poignarda lui-même , pour fe fouftraire au dernier fupplice qui lui étoit deftiné. Il avoit Grand Duché de Toscane. 8i écrit fur la cheminée de la prifon , avec la pointe de fon poignard, ce vers de Virgile____ Exoriare aliquis , nojirls ex ûjfihus ul'.or. Ce fouhait n'a pas empêche la puif-fance des Medicis de s'établir fondement, 6c fa pollerité s'y cil accoutumée. Pierre 6c Philippe Strozzi, tils 6c petit-fils de Philippe , furent fuccclTive-ment maréchaux de France. Aux angles des principaux palais , l'on voit de grands anneaux de fer qui fervent à y placer de grofîes lampes de réverbère* Sur la place de la fainte Trinité, eft une grande colonne de granit, d'ordre dorique , fur laquelle eit une itatue de la Jutlice, plus grande que nature , érigée par ordre du grand duc Colme I, dans l'endroit même oit il apprit la nouvelle de la reddition de Sienne en i 564. Cette colonne (érvoit aux thermes de l'empereur Antonin à Rome , d'oii elle fut tirée 6c envoyée en prêtent au grand duc par le pape Pie V, Le bâtiment où lesditférens magiffrats de la ville te raifemblent, appelle tabàta dogti/////t/,a étéconfirait (oua lerégre du grand duc Cofme 1, fur les defleinscht Y a tari. L'architeclure eit d'ordre dor- D v 82 mémoires d'italie. que, relevée d'orncmcns de fculpture de bon goût. Toute cette fabrique de forme quarré long, eft entourée de trois cotes par une colonnade à portiques ouverts, fous laquelle font les différens tribunaux de juftice 6c de police. L'étage au-deffus des portiques eft occupé d'un côté par la bibliothèque Maglia-becchi, qui eft publique. Elle doit fon établilTement au favant Antoine Maglia-becchi , bibliothécaire du grand duc , mort en 1714 , âgé de quatre-vingt-un-ans., qui lailïa fa bibliothèque à fa patrie , avec des fonds pour l'entretenir. Le grand duc Cofme III la fit placer 011 elle eft. De l'autre côté font les logc-mens ôc atteliers des différens ouvriers qui travaillent à Ja mofaïque de Florence , ôc qui ont pour directeur principal Louis Siriés , très - habile graveur en pierres fines , ôc orfèvre - cizelcur connu dans toute l'Europe. Mofaïque 14* Les tableaux de mofaïque de FIo- on n'a touché à rien. La chapelle du grand duc , ou plutôt les ornemens deftinés à cette chapelle , font de la plus grande richeife, tout y cft or 6c pierreries ; il y a entr'aimes effets un devant d'autel dont le fond eft: d'or maflif ; au milieu eft la figure en relief de Ferdinand II, formée de pierres précieufes de différentes couleurs («/) ; il y a fur-tout des topazes orientales, des émeraudes 6c des faphirs d'une grofTeur confidérable ; au-deflûs eft une înfcription en grands .caractères formés avec des grenats , qui apprend que c'é-toit un ex voto, delliné par le grand duc au tombeau de faint Charles : ce prince ei'péroit de guérir d'une maladie d lel- 1 L vj io8 Mémoires d'Italie. marne, eft une grande allée double de cyprès tk de chênes verds d'environ un mille de longueur, qui aboutit à une maifon de plaifance du fouverain, ap-pellée FUI a ou Poggio impériale. La maifon cil fituéefurune hauteur , à laquelle on monte infcnfiblement par un niveau penchant. A la tête de l'allée , du côté de la ville , eil un grand badin ou foifé revêtu que l'on pafic fur un pont ; aux côtés de ce baflin, font des colonnes fur-montées de l'écuffon des armes impériales ck des Medicis , 6k de deux figures , l'une d'un lion tenant un globe, qui figure la Tofcane ; l'autre , d'une louve alaitant fes petits , fymbole de l'état de Sienne. Un peu plus loin font deux autres baiîins taillés en demi-cercle , 6c féparés par un pont; aux côtés font deux coloffes de manière ruftique ou grotefquc, qui repréfentent des fleuves. Il y a quelques anciennes flatues médiocres, que l'on dit être Virgile, Homère , le Dante 6c Pétrarque. La cour principale de la maifon , coupée en demi-cercle, 6c fermée d'une muraille furmontée d'une baluflrade, a deux flatues, l'une d'Atlas , l'autre de Jupiter tenant fa foudre. La maifon a peu d'apparence extérieure ? ck n'eft pas con- Grand Duché de Toscane. 109 fidérable, mais on a la plus belle vue des appartenons du haut. On y voit plufieurs meubles précieux, de cette mofaïque ou marquetterie ancienne dont j'ai parlé plus haut; ils font du plus beau fini ; le cryftal de roche, le lapis, l'a^athe orientale, lesjafpesy font employés fous les formes les plus agréables. Parmi les tableaux les plus remarquables , font... un facrifice d'Abraham , par le Tintorct... Une belle téte de vieillard , de Jean de San-GioVanni... Jeiîts au milieu des docteurs, avec la Vierge Ôc faint Jofcph qui le retrouvent; il y a tant d'exprellion dans la tête de la Vierge qui regarde Jefus , qu'il femble lui entendre dire , ego & pater tuus , doLntes, qutzrebamus te ; la compofition en eft très-bonne , il eft un peu noirci, du Paftï-gnani.... Une mulique , par MLhcI-Ange de Caravage, à remarquer pour la vérité 6c le naturel de l'expreftion : ce tableau eft fortement peint.... Moïfc tiré des eaux , grand ÔC beau tableau de Ciro Ferri____ Une Vierge dans une-gloire avec de beaux anges.. .Saint Luc ayant un chevalet devant lui , ôc une toile fur laquelle il point la Vierge ; l'attention , le refpcct ÔC le feu d'un bon artifte, font également repréientés lui rio Mémoires d'Italie. le vifage du faint, qui efl: placé dans uni attitude rcipectucuie Ôc ivclte en même temps : le pinceau, quoique vigoureux cft frais & gracieux , par le Franceichini de Volterra... La Vierge , l'Enfant Je-fus, faint Jean ôc quelques anges, par le Salviati ; tableau très - agréable , mais, fingulier par la manière dont le peintre a groupé ces différentes figures... Une tapiffcrie à petit point, où font repré-fentées de grandeur naturelle les duchef-fes de Tofcane : cet ouvrage efl: d'un fini précieux. .. Beaucoup de copies en miniature des plus beaux tableaux de Florence... Une flatue d'Adonis par Michel-Ange, dans laquelle ce grand artifle a quitté fa manière fiere ôc fu-blime, pour laifTer exprimer à fon ci-feau les traits gracieux d'un jeune homme de la plus grande beauté.... Les jardins de cette maifon font frais Ôc agréables ; d'un côté eft un bofquet de lauriers ôc de chênes verds, terminé par une grande grotte ruflique , au milieu de laquelle eu un jet d'eau qui y répand beaucoup de fraîcheur ; de l'autre efl: un jardin planté d'orangers, de myrtes ôc de différens jafmins , dans un bel ordre : ces jardins font tenus avec propreté. La. Chartreufe ybàûe fur une colline: Grand Duché de Toscane, in ifolée , en tirant du midi au couchant T a été , à ce que l'on croit, batic fur les defleins d'André Orgagna. Les cloîtres & l'églife, quoique d'ancienne architecture, ont des beautés qui tiennent au bon goût. Cette maifon reconnoît pour fon fondateur Laurent Acciaioli, grand fénéchal du royaume de Sicile en 1364, qui augmenta aufTi la Chartrcufe de Naples. Il y a plufieurs peintures à frefque , du Pontorme ck d'autres bons maîtres de l'école Florentine, dans le grand cloître ck le réfectoire. Hors de la porte fan Frcdiano, à gauche fur la montagne de fan Bartholo-mco, eft fituéle monaftere des religieux Olivetains : la maifon ck l'églife n'ont rien de remarquable que deux ftatues en marbre copiées d'après l'antique , qui portent les bénitiers ; ck quelques tableaux , dont l'un, du Paffignani, repréfente S. Bernard Tolomé , un des fondateurs de l'ordre : mais des terralTes qui cntourent.la maifon, ck des grandes fenêtres des corridors ,011 a la vue la plus étendue ck la plus magnifique; on voit, la ville de Florence en entier, ck d'un joint ft favorable , oue l'on peut fuivre è cours de l'Arno â une aile/, grande, d:(îunce, ck jouir de droite èk de gau- in Mémoires d'Italie. chc de la vue de ces collines couvertes de maifons de plaifance , de beaux jardins ôc de diverfes plantations, fans aucun intervalle vague, en fi grand nombre , ôc bâties la plupart avec tant de magnificence, que l'on eft furpris de leur nombre ÔC de leur beauté , ÔCque l'on ne peut que reconnoître la vérité de ce qu'a dit l'Ariofte, que fi toutes ces belles maifons étoient railembiées y deux villes comme Rome ne feroient pas à comparer à Florence. A ve.dcr pien ài tante ville é colli Par' ckel terren, vé lé germogli, corne Ver mens gtrmogliar fuole , e ramvolli. Se deniro a un mur', fotto un medefimo nome Fujier' raccohi, i tuoi palagi /parti Non ti farien da pareggiar dut Rome____ Voilà ce que penfoit l'Ariofte... Que diroit-il, s'il voyoit à quel point de magnificence & de beauté ces mêmes objets , qui l'afFectoient fi agréablement, ont été portés? Hors de la porte delprato, eft le jardin Ferdinando , dit ta Vagaloggia. Les bâtimens n'en font point finis, mais les plantations d'orangers font belles. Un grand canal, tiré de l'Arno , les partage dans toute leur longueur. Au fortir de ce jardin , on entre dans une grande allée de pins , alignée au cours du fleuve , qui conduit aile cajcïnc , terme ou maifon qm appartient à l'empereur. Elle eft entourée de bolcuets arroies par des canaux , de grandes allées d'arbres qui forment une promenade délicieule au printemps; on en permet l'entrée à tous les habitans de Florence, qui peuvent s'y promener librement, pourvu qu'ils ne gâtent pas les arbres, ÔC n'effarouchent pas les faifans que l'on nourrit dans ces bol'quets, ôc qui font en très-grand nombre. C'eft là que les grands ducs faifbient nourrir le bétail qui four-niffoit le laitage à leurs maifons, ôc tout y eft entretenu encore dans le même état que lorfqu'ils vivoient. Les grands ducs ont plufieurs autres maifons de plailance aux environs de Florence, prefquc toutes dans des fitua-tions élevées ôc agréables, d'où l'on a les plus belles vues. Ces mailbns font Pog-gio Caïano , Arfimini, Petraia , Caf-tello , Pratolino ÔC Carcggi. Il y l de belles choies à voir à Pog-gio Caïano. Cette mailôn, commencée par Laurent le magnifique , pere de Léon X , a été finie par le grand duc François I. Le grand falon eft de l'archi-tcclurc de faint Gai i la Yoûtc en eft bien ii4 Mémoires d'Italie. entendue 6c d'une grande légèreté, re* vêtue d'ornemens de flucs (culptés de bon goût. Les grands tableaux à fref-que qui couvrent les murailles de ce falon , font d'André del Sarto, du Pontorme , de Francabigio, 6c d'Alexandre Allori. Ils ont pour fujets différens traits de l'hiff oire Romaine, heureufement appliqués à la maifon de Medicis. Le premier , peint par André del Sarto, repréfente Céfar entouré de divers peuples de l'Egypte , caractérifés par les animaux 6c les.préfens qu'ils lui offrent, parmi lefquels eit la giraffe, qu'un fou-dan d'Egypte envoya en 1487 à Laurent le magnifique : cet animal, fi rare qu'on l'a cru chimérique, a été décrit par Ange Politien dans fes mélanges ; c'eft le même que le camelo -pardalis , dont parlent les naturalises Grecs : il efl de la groffeur d'une biche, fa tête y relTern-ble , fon encolure efl plus élevée 6c plus mince, fes cornes ou bois ont environ un pied de longueur, fa peau efl belle &C marquetée des couleurs les plus vives , à peu près comme celle de la panthère ou du léopard; il efl élevé fur fes jambes , fur-tout celles de devant font fi longues , qu'il auroit de la peine à boire .s'il ne les écartoit. La giraffe ne doit Grand Duché de Toscane, hç point être légère à la courfe, elle eft iauvage & timide , &c fe tient dans les déierts les plus écartés; on afîûre qu'on l'apprivoiie aifément quand on l'a prife... Le fécond, peint par Prancabigio , a pour fujet Ciceron rappelé de fon exil, qui eft honoré dans le capitole du beau nom de pere de la patrie , alluiion au rappel de Cofme l'ancien à Florence----- Le troiiiéme, par Allori, repréfente le conful Flaminius dans l'allemblée des Acbéens, rompant les defleins des am-bafladeurs des Etoliens Ôc du roi Antio-chus , qui vouloient faire une ligue cn-tr'cux contre les Romains ; allufion à I'aifcmbléede Crémone , quand Laurent de Medicis rompit les projets des Vénitiens qui fembloient prétendre à l'empire d'Italie... . Le quatrième , par le Pontorme , eft le repas que Siphax , roi de Numidie, fit à Scipion après qu'il eut défait Aldrubal; allégorique à la réception que fit le roi de Naples au même Laurent de Medicis. Ces compofitions font bellfS 8c ingenieufes , ÔC d'une grande exécution , de même que les autres ornemens des pièces ditiéi entes de cette maifon. H y a un grand cabinet où font quantité de petits tableaux des meilleurs artiftes de Flandre ôc d'Italie* Pratolino eft une grande maifon de campagne , bâtie avec fes aifances fur les collines qui joignent les hautes montagnes de l'Apennin, à dix ou douze milles de Florence, fur le chemin de Bologne. Plufieurs grandes allées de cyprès , d'ifs 6c de fapins l'annoncent aux paftans : ces avenues ont plufieurs fon> taines artiftement décorées ; on y voit des jets d'eau de toute efpece, des machines hydrauliques qui font mouvoir des ftatues, jouer des orgues , enfin une multitude de chofes fingulieres 6c eu, rieufes de ce ^enre , la plupart encore bien confervees. Plufieurs ftatues de marbre 6c de bronze font employées à orner ces fontaines ; mais la plus fingu» liere eft une ftatue coloflale de l'Apennin , qui a plus de foixante pieds de proportion ; el e eft formée de morceaux: de pierre entaffés les uns fur les autres avec tant d'intelligence , qu'à un certain point de vue dans l'éloignement, la ftatue paroît bien proportionnée ÔC finie ; mais à mefure que l'on en approche , les traits grofiilîent, ôc de près ce n'eft plus qu'un tas de pierres qui n'a aucune forme : fous cette figure de l'Apennin eft un monftre qui vomit de l'eau en affez grande quantité pour remplir la Grand Duché de Toscane. 117 grande pièce qui eft au-deflbus. Au milieu de la voûte du falon on lit cette inicription, qui annonce le temps auquel il tût bâti, ôc le defTein du prince qui le fit conftruire. Fontibus, vivants, Xijlis , h as ades Franc. Meà. mag. Dux Etruria II. Exornavii, hilaritatique Et fui, amicorumtjue fuorum Remijjwni animi dicarir. Anno Vont. M. D. LXXV. Il eft rare de trouver des inferiprions où l'on fafte parler les princes d'une manière aufn fimple ôc aufti agréable. Cinq cents pas environ hors de la porte faint Gai, eft un très-bel arc de triomphe érigé à l'occafion de l'entrée folemnellc du grand duc François de Lorraine, actuellement empereur,qui fe fit le 10 Janvier 1739. La conftruction en eft noble ; on y a employé la plus belle pierre du pays ; l'architecture eft d'ordre compofite ; le fronton eft couronné dlune ftatue équeftre de ce prince, 6c de plufieurs autres ftatues fymboliques ; la plupart de ces ftatues, ôc quelques-uns des ornemens de relief, font en bronze. Cet arc eft placé fur le chemin de Bologne à Florence, ôc fer- fi8 Mé moi res d'Italie. nié avec des chaînes , de façon qu'au, cune voiture ou bête de fomme ne peuvent parler fous les arcades , ni même en approcher de trop près ; l'arcade du milieu eft d'une belle proportion, ôc beaucoup plus élevée que les deux autres. Ce monument moderne , compofé à l'imitation de ceux que les anciens faifoient élever en pareilles occafions, eft d'une folidité qui le fera durer longtemps , & triompher de l'injure des temps & de la durée des fiécles. Un peu plus haut font plufieurs chemins ou allées en patte d'oie , oui forment une des promenades les plus fréquentées des environs de Florence : comme les allées font fort rapprochées, & que dans les beaux temps , fur-tout les jours de fête, il y a beaucoup de car-roffes & de gens qui fe promènent à pied , le fpectacle y eft très-vivant. A deux milles de Florence, au levant d'hiver , on voit les ruines de l'ancienne ville de Fiefoli ( Fefula ), l'une des douze villes ou colonies principales des Tofcans. Elle conferva une forte de fu-périorité fur Florence jufqu'au commencement du onzième fiécle, que les Florentins s'en emparèrent, la ruinèrent, £c forcèrent les habitans à venir s'éta^ Grand Duché de Toscane, i 19 blir dans l'enceinte de Florence même. Quoique cette ville ait été détruite, l'évêque, qui avoit un vafte diocèfe, a conferve fa juridiction, fes droits oc fes revenus, dont il jouit, ainfi que de Ion titre, à Florence , où il réfide dans un palais qui eft de Ton diocèfe. La cathédrale , d'architecture ancienne gothique , eft fur la montagne , avec un feminaire, une maifon pour les chanoines , ôc un couvent de Francifcains, qui font les principaux bâtimens de l'endroit que l'on appelle Ficfoli, oii l'on ne voit plus rien d'antique que quelques reftes de murs, ÔC les ruines d'un vieux château. Voilà ce que j'ai remarqué de plus curieux dans la ville ÔC les environs de Florence. Je ne doute pas qu'il ne me foit échappé beaucoup de chofes avoir, qui mériteroient encore d'être citées avec diftinction ; mais il arrive fouvent que tandis que l'attention commence à fe fixer fur un objet, elle eft détournée par un autre qui l'emporte toute entière , ÔC qui fouvent fait oublier le premier auquel on ne revient plus. Ce que l'on ne peut affez louer, co font les agrémens de la fituation de Florence 7 ôc la beauté de ^ès environs, no Mémoires d'Italie. Elle eit placée clans un val on refTerré couvert au nord ÔC au midi par des montagnes qui en font très-près. La ville, traveriée par le fleuve du levant au couchant, a des bâtimens magnifiques , de belles places , de grandes rues larges Ôc alignées , toutes pavées de grandes pieries brunes , qui exigent un entretien continuel ; fans quoi ce pavé n'eft plus praticable, fur-tout pour les carroffes. Ses environs fe préfentent fous l'afpect le plus riant ôc le plus riche ; un peuple nombreux habite ces coteaux couverts d'une multitude de belles maifons de campagne, parmi lefquelles font des plantations de vignes , d'oliviers, d'arbres fruitiers ôc de bois ; par-tout fortent des fources d'eau vive, qui contribuent autant à la beauté de la végétation , qu'à l'embelliffement ôc au ier-vice des maifons. Ces agréinens réunis rendent Florence la ville d'Italie la plus agréable pendant l'été. Les chaleurs y font beaucoup plus tempérées qu'à Rome , à Naples ôc à Gènes ; alors l'air y eft fort fain, le ciel y eft prefque toujours pur, ôc on n'y redoute pas le fcrein fi dangereux dans toute l'Italie méridionale : aufli eft-ce une des villes oii les étrangers habitent de préférence pendant Grand Duché de Toscane, iii pendant l'cté ; mais à la fin de l'automne , Ôc pendant la meilleure partie de l'hiver, lorfque les pluies ont commencé à tomber en abondance , l'air y devient pernicieux , les brouillards V font continuels ôc de la plus mauvaife qualité ; les gens à catharre, ôc qui n'ob-icrvent pas \c régime le plus exact, périment prcfquc tous dans cette faifon, ôc beaucoup d'apoplexie à tout âge, fans que rien leur annonce une fin li prochaine ôc fi funefte. Cette malignité de l'air clt fenlible même à ceux qui cherchent avec le plus de foin à s'en garantir. Il paroît que ces brouillards coagulent le fang, épaifiiflent les humeurs , Ôc en interrompent abfolumént le cours, clans ceux que Ton regarde comme les victimes de l'intempérie de l'air. Le feul remède à tous ces inconvé-niens li dangereux, font les vents du nord, qui diliipent les brouillards, changent la température de l'air, ôc amènent les gelées ; c'eft pour cela que prefquo toute la noble!le & les bourgeois aifés quittent la ville à la fin d'octobre ôc en novembre , Ôc fe retirent à la campagne ôc dans les villes voilines fituees dans Ja montagne, où l'air cil pur, Ôcd'ovi Tome 7//, £ * in Mémoires d'Italie. ils ne reviennent qu'au mois de Janvier. Avant que de dire quelque chofe dti gouvernement, des mœurs tk du commerce de ce pays, je dois parler d'un des grands objets de curiofité qui foit en Italie , de cette collection célèbre de itatues , de bronzes antiques, ôc de tableaux choilis, connue fous le nom de galerie de Florence. Galerie des grands ducs de Tofcane à Florence. 19. La galerie de Florence , célèbre "dans toute l'Europe par la quantité de 'ftatues antiques , de tableaux choifis, de bronzes, de vafes, 6c d'autres effets rares 6c curieux qu'elle renferme , la plupart aufli précieux par la beauté du travail, que par laricheffe de la matière, eft déjà connue par quelques deferip-tions qui en ont été faites : je ne les ai pas fous les yeux pour décider fi elles font exactes ou non, fi elles peuvent donner une jufte idée de ce qui eft contenu dans la galerie , 6c de l'ordre où les chofes y font placées : ce que je crois pouvoir affurer, c'eft qu'aucun n'a parlé *le tous les objets de curiofité qui y Grand Dvcut de Toscane. 12.3 font. Les différens voyageurs qui en ont écrit, fe font contentés de l'indiquer; le peu qu'ils en rapportent prouve qu'ils l'ont vue , mais ne fuffit pas pour la faire connoître; cependant c'eft la plus belle collection que l'amour des arts ait fait jamais former, ôc qui n'eft devenue fi confidérablc , que parce qu'elle a été commencée dans des temps où les feuls Medicis fembloient connoître le prix de toutes ces beautés antiques qu'ils ont raffemblées. Ce goût a été héréditaire dans leur maifon; ôc les précautions qu'ils ont prifes pour fixer dans la ville de Florence ce tréfor ineftiniable , font caufe qu'il n'a pas été diiîipé après leur mort, ce qu'il a été conferve dans le même état où ils l'avoient laiffé. La galerie fut bâtie par les ordres du grand duc Cofme premier, qui commença à y placer une partie des ftatues , tableaux, ôc autres curiofités que l'on y voit, que fes ancêtres avoient amaffées à grands frais, ôc que fes fucceffeurs ont coniidérablement augmentées, fur-tout depuis qu'ils y ont réuni ce qu'ils ont trouvé dans la fucceffion des ducs d'Urbin, de la maifon de la Rovcrc, dont Ferdinand II ? grand duc de TofV ii4 Mémoires d'Italie. cane, avoit époufé l'héritière. On peut dire encore, que la perfection à laquelle la fabrique de la mofaïque a été portée dans ces derniers temps, a ajouté un nouveau prix à la galerie. Elle efl divifée en trois grands corridors ; celui qui efl au levant, a environ quatre cents foixante pieds de longueur; celui qui efl parallèle au couchant, efl un peu moins long; la partie qui communique de l'un à l'autre , ôc qui efl au midi, a cent douze pieds de longueur ; la largeur de ces trois pièces efl de vingt-un pieds , ôc la hauteur d'un peu plus de dix-neuf. Le veflibule de ces galeries , qui eft au couchant, eft décoré de bas-reliefs, de ftatues, d'urnes ôc d'autres monu-mens antiques ? etrufques, grecs ôc romains. On y voit une ftatue de Junon , Fronuba, couverte de ce voile que portoit la femme qui conduifoit la nouvelle époufe au lit nuptial ; il eft femblable à celui des peintures antiques du même fujet... Des trophées feulement ébauchés par Michel-Ange.... Un gladiateur , ftatue moderne fort inférieure aux antiques connus... Quelques buftes romains Ôc grecs, que l'on n'a pas jugé propos de placer dans la fuite de la Grand Duché de Toscane, n pour la beauté de l'exécution 6c fa grandeur , eft l'un des plus confidérables qui reftent. Vis-à-vis font cinq autres bas-reliefs ; dont l'un a pour fujet Marc-Antoine qui déploie devant le fénat la robe enfan-glantéc de Céfar... Un autre eft Ulyffe attaché au mât de fon vaiffeau, pour fe fouftraire aux chants fédu£teurs des fyrènes ; elles font au nombre de trois % belles 6c bien proportionnées , fans aucune difformité de conformation, tels que des pieds 6c des jambes d'oifeaux, comme l'ont dit quelques commentateurs , ou moitié femmes, moitié poif. ions , félon d'autres ; elles ont au contraire tous les agrémens capables de féduire... Un autre repréfente quelque fujet terrible ; il n'eft pas de la même beauté d'exécution que les premiers, 6c il femble qu'on doive le rapporter à quelque trait de l'hiftoire grecque du bas-empire. La figure principale eft une femme à genoux que deux foldats tiennent par les bras, tandis que deux autres iont au point de l'aveugler avec un fer chaud. Derrière eft un vieillard qui a la tête découverte, ôc une autre femme aflife qui paroît dans l'agitation ÔC la douleur, ôc qui eft retenue par un autre foldat. A gauche eft une femme trcs-aftligée qui a deux enfans à fes pieds qui partagent fa douleur. Il y a un très-grand mouvement dans toute cette compofition , qui paroît plutôt être un trait de l'hiftoire de l'empire grec, qu'aucune allégorie. Les plafonds des trois corridors ou galeries font divifés en compartimens remplis par des tableaux fymboliques qui ont rapporta fhiftoire de Florence , ck des grands hommes en tous les genres qui l'ont illuftrée. A la tête de ces divifions eft l'ai» ri cul-turc , avec les portraits des auteurs Florentins qui ont écrit fur la culture de la vigne & de l'olivier , tk fur la meilleure manière de fertilifer les terres... Vient enfuite la peinture , avec les portraits de fes reftaurateurs, qui font le Cima-bué , le Giotto , le Mufaccio , tk Fra Bartholomco délia porta , qui a eu la gloire de contribuer à la perfection de F iv Raphaël, & de l'égaler dans bien des parties. On y a aufli placé les portraits de Léonard de Vinci, d'André del Sarto, du Bronzin & du Cigoli... A côté de la peinture efl: la fculpture , avec les portraits des plus célèbres feulpteurs du quatorzième & du quinzième fiéclc , qui font Lorcnzo Ghiberti, Luc délia Robia, le Donatelli, l'incomparable Michel-Ange 8c le Bandinelli... L'architecture fuit avec les portraits de Michel-Ange, ÔC à côté de lui la coupole de faint Pierre de Rome; de Philippe Briincllcfchi, avec la coupole de la cathédrale de Florence , aufli belle dans fon genre que celle de Rome, & faite près d'un fiécle plutôt ; du Giotto, d'André Orgagna, de Leon-Baptiff a Albcrti, tous hgnalés par quelque fameux monument de l'art encore fubfiflant... La poëlie , oii l'on voit les portraits du Dante, de Pétrarque , de Guido Cavalcanti ôc de monfi, gnor délia Cafa... La langue Tofcane, la mufique, la politique, la théologie, la jurifprudence , la médecine ôc la phi. lofophie ont aufli leurs divilions traitées dans le même goût. L'amour des fciences ôc des belles-lettres , ôc la protection que quelques hommes piu'ffans leur ont accordée, a fa divifion. On y voit les portraits de Cofme l'ancien, pere de la patrie , de Laurent le magnifique , des papes Léon X ôc Clément VII, du grand duc Cofme I, digne imitateur de fes ancêtres , ÔC avec eux Jean Pic de la Mirandole, Ange Politicn, Marfde Ficin , Deme-trius Calchondile , Jean Lafcaris, Bernard Ruccellaï, qu'Erafme compare à Salluftc pour l'élégance ôc la politcffc de fes écrits... A la divifion des mathématiques , on voit, entr'autres illuftrcs , le célèbre Torricclli ÔC l'immortel Galilée. Dans d'autres cartels on voit les portraits de tous ceux qui ont illuftxé. la patrie , foit en la fervant, foit en portant la gloire de fon nom chez les nations étrangères : ainfi on y voit ceux des Strozzi , que les troubles de Florence forcèrent à quitter leur patrie , ôc à fe retirer en France , oit ils jouirent des avantages que leur procurèrent leur valeur ôc leurs autres vertus. Dans le cartel dédié à la fortune, on voit ces mêmes Strozzi, que les Florentins eux-mêmes jugèrent heureux d'avoir fait dans leur malheur de fi beaux établiffe-mens en France. Nicolas Acciaioli , grand fénéchal du royaume de Naples , qui y jouit de la plus haute faveur, dont Fv 130 Mémoires d'Italie. les dcfcendans ontpolTédé , pendant une longue fuite d'années, le duché d'Athènes , ck môme en confervent encore le titre. Le portrait d'Americ Vcfpuce n'a. pas été oublié ; il a joui de l'honneur unique de découvrir la quatrième partie du monde, 6k de lui donner fon nom: qu'elle conferve encore.. .Enfin , toutes les vertus civiles, morales 6k politiques, des illuflres Florentins , font célébrées dans cette galerie, que l'on peut regarder comme un monument hiftorique, que les arts, la reconnoiffance êk la fortune des Medicis ont élevé à l'honneur de la patrie , ck des citoyens illuflres qu'elle ie glorifie d'avoir nourris dans fon fein». Le petit corridor qui fert à joindre les deux grandes galeries, efl ouvert des deux côtés par de grandes fenêtres fé-parées feulement par des pilaflres. Le plafond partagé en divers comparu-mens , efl entièrement peint de fujets, les uns à la gloire des grands ducs , les autres pour rappeller la mémoire des. événemens les plus célèbres arrivés à Florence , entr'autres... le concile général de 1439 » ou 6* la réunion des, deux églifes Latine ck Grecque... L'éta-bliffement de l'ordre de faint Etienne , par le grand duc Cofme I.,..Les faints. Grand Duché de Toscane. 131 &c les faintes de familles Florentines, peints, avec les attributs de leur état, dans différens cartels... Le plafond de la féconde galerie eit peint d'ornemens arabefques. Toutes ces peintures font à li'-ique, ôc ont été heureufement imaginées , autant pour la décoration delà galerie, que pour la gloire de Florence. Comme elles font plates, fans aucuns ornemens en relief, ôc diitribuecs dans un très - grand efpace , elles font peu d'effet dans la pcrfpcctivc ; il faut les examiner dans le détail pour pouvoir en juger ; ce qui a engagé quelques voyageurs, qui fans doute n'avoient vu que fupcrficiellemcnt cette galerie, à écrire ou'el'e n'avoit d'autres ornemens que les itatues antiques rangées fur des piédef-taux. Ils auroient dû cependant remarquer qu'il y avoit une fuite de plus de quatre cents tableaux rangés par ordre chronologique , représentant les rois ôc les princes de l'Europe ; les familles des fouverains qui ont régné en Italie ; les hommes illuitres par la gloire des armes ouv de l'érudition , qui ont rapport à l'hiftoirc de Florence depuis le commencement du quatorzième iiécle;ôc: parmi ces peintures , les portraits des grands hommes de la maifon Medicis , F vj de plus grande forme que les autres tableaux. statues & 2.0. Cette galerie eft ornée de fokarw qucls"dcmia te."deux ftatues antiques, de quatre-paierie. vingt - douze buftes , ôc de quelques-morceaux précieux des grands artiftes modernes ; la fuite fur-tout des empereurs ôc des impératrices eft la plus considérable que l'on connoiffe. Parmi les ftatues, on verra d'abord le groupe antique qui repréfente la défaite du centaure par Hercule ; la force du héros y eft merveilleufemcnt exprimée, par les mufcles 6c les nerfs qui font fortement exprimés ; la peau du lion eft jettée négligemment fur fon dos. Le centaure eft repréfente avec l'expref-fion de la douleur 6c du défefpoir ; il ne peutréfifter à la force du héros qui le terrafle , fans employer d'autres armes que la vigueur de fes bras. Deux figures de femmes aflifes, l'une defquelles a toute la dignité d'une impératrice Romaine , 6c que l'on ppurroit prendre pour une Agrippine , tant elle reffemble à la ftatue de ce nom qui eft dans les jardins. Farnefe fur le mont Palatin ; la draperie en eft pliffée du meilleur goût ; l'une 6c l'autre paroifTent avoir été deftinées à orner quelque tom^ beau antique. ^ Une ftatue confulaire clans l'attitude d'un orateur partant au peuple ; le mouvement des bras & celui des yeux eft r?glé par ce qu'il dit : cette figure eft traitée avec beaucoup d'ef'prit,6c de la plus belle forme. Une dame Romaine, en marbre noir, avec les pieds , les mains 6c le vifage en marbre blanc : on peut juger par cet antique , comparé avec l'Agrippine, de la différente manière des artiftes de l'antiquité , & combien les uns étoient fu-péricurs aux autres. Léda qui foutient un cygne appuyé contre fa cuiffe. Les parties qui font vraiment antiques font d'une grande beauté, telles que la poitrine , la main qui fe perd dans les plumes du cygne, 6c la draperie : ce qui eft moderne n'eft pas fi heureufement traité. La plupart des ftatues antiques mutilées, toit par le peu de foin que l'on a pris de les conferver , foit par le zèle indiferet de quelques chrétiens peu éclairés qui croyoient faire une œuvre agréable à Dieu, en détruifant ce qui avoit fervi au culte des idoles, ou au luxe de leurs adorateurs, ont été restaurées lorfque le goût de l'antique reprit vigueur , & que l'on ouvrit les 134 Mémoires d'Italie. yeux fur les beautés des ftatues grecques 6k romaines. Dans quelques - unes les artiftes modernes ont fi heureufement imité le ftyle ck la manière des artiftes Grecs, que l'on ne voit aucune différence entre leur ouvrage ck l'antique» Les pieds ck partie des jambes de l'Hercule Farnefe, quoique modernes , font de la même beauté que le refte de la ftatue , que l'on fait être l'un des antiques le plus parfait. Mais il faut avouer que cette manière de reftaurer n'eft pas la plus ordinaire , ck que l'on ne s'ap-perçoit que trop aifément de ce qui eft antique avec ce qui eft moderne. 11 fe-roit à fouhaiter que les vifages ck les mains enflent été les-parties les plus réf. pectées; mais d'ordinaire ce font celles qui ont le plus fourfert. Une figure de jeune homme , que l'on croit être Marc-Aurele dans l'a-dolefcencc. Il eft nu êk tient un petit globe d'une main, 6k de l'autre une épée ou grand poignard ; il a le manteau fur les épaules, 6k paroît avoir été deftiné à quelque temple____il eft dans le gout romain du meilleur temps. Un athlète qui tient un vafe à la main, du plus beau cara&ere de deffein ; les mufcles font fortement prononcés : quel- ques-uns croient que c'eft un Ganimede,. à caufe du vafe qu'il porte ; mais on fait que les athlètes fe fervoient de ces vafes pour mouiller la poulTiere qui s'étoit defféchée fur leur corps , & l'en détacher , ce quils faifoient même en courant. Le caractère du deffein eft trop vigoureux tk trop marqué pour un Ga-nimede, & convient beaucoup mieux à un jeune athlète. Une vcftale avec tous les attributs de fon état : le feu facré vers lequel elle étend fa main, eft placé à droite; elle tient une pa terc de la main gauche; la modeftie eft peinte fur fon vifage; la draperie dont elle eft couverte eft bien traitée : toute la figure eft belle 6c noble , tk dans la même attitude que la plupart des vei-tales font repréfentées dans les médailles. Mercure debout, le coude appuyé fur un tronc d'arbre recouvert d'une draperie ; il a le bonnet Ôc les brodequins' ailés ; il tient entre fes mains les morceaux d'un bâton qu'on peut fuppofer être les reftes d'un caducée, ou du rameau d'olivier que portoit le Mercure pacifique , ninti qu'il eft repréfente dans quelques médailles. Le corps tk les cuif-fes font ce qu'il y a de mieux traite dans la figure, dont les mains ont été restaurées. Pomone couronnée d'une guirlande de fruits Ôc de feuilles ; elle foutient de fes deux mains une partie de la draperie qui la couvre, ôc qui eft pleine de fruits. La ftatue eft fvelte ôc traitée agréablement : il paroît qu'elle a été plutôt def-tinée à l'ornement de quelque jardin, qu'à être placée dans un temple. Une Bacchante couronnée de lierre ôc de pampres, tenant de la gauche le thyrfc, ôcdela droite une groffe grappe de raifin : elle eft dans l'attitude d'une perfonne qui va entrer en danfe ; ainfi toute la figure eft de mouvement : la proportion en eft plus grande que le naturel , la tête eft très-belle. Un jeune homme nu, de belle proportion , fe retournant pour regarder à la hauteur de Phoriibn avec un chien entre les jambes ; on croit que c'eft En-dimion qui obierve le lever de la lune. Une Vénus , qui paroît être une copie de la fameufe Vénus Medicis , ou au moins faite à l'on imitation. Mars, de pafalte ou marbre noir d'Ethiopie , tirant fur la couleur du fer Ôc d'une dureté extrême , ftatue antique, fort rare par rapport à la matière qu'on y a employée ; il a le calque en tète, tient le bouclier de la main gauche , & 1 epée de la droite ; il eft nu tk dans l'attitude de marcher ; ce pourroit bien être le Mars Gravidus des anciens: il eft entièrement conferve , à l'exception de ta moitié d'un pied qui eft bien restauré. Apollon aftis fur un maflif, tenant ou une branche de laurier, ou un arche» entre les mains ; on ne peut pas en bien juger , attendu que la plus grande partie en eft rompue ; il a fous les pieds une tortue ; à côté de lui pend au ro*-cher un grand carquois- fans flèches ; tout le corps eft antique , le refte eft reftauré par une bonne main , quoiqu'elle n'ait pas parfaitement iuivi la belle fimplicité & la vérité du ftyle arctique. Promethée , de grandeur plus que naturelle, figure fveltc tk légère , le corps antique eft de la plus grande beauté ; û tient à la main gauche le flambeau qu'il a allumé au char du foleil qu'il femble regarder , & vers lequel il tient la main droite levée : elle eft dans la manière grecque. Flore, ftatue de grandeur ordinaire & nue; elle tient des fleurs dans la main, 138 Mémoires d'Italie; droite, tk dans la gauche un morceati de draperie qu'elle levé de terre comme fi elle vouloit fe couvrir la ceinture ; elle a tous les traits de la beauté, des grâces ailées , une certaine gentillette qui porte à croire que c'eft une ftatue de la fameufe Flore , courtifane Romaine , fi célèbre par fa beauté Ôc fes ri-cheifes ; qui fut honorée après fa mort de jeux folemncls, fi libres, que les graves Romains n'ofoiènt y alfifter : fes cheveux font rangés avec tant d'art ôc d'élégance , que la coiffure vient à l'appui de la conjecture. Un homme vêtu de l'habit confulaire, tenant de la main droite un ftyle, ôc de l'autre un rouleau ; cette figure eft traitée d'une grande manière , ôc a quelque relTemblancc avec les Antonins. Bacchus tenant d'une main une coupe , ayant l'autre appuyée fur la tête d'un enfant aflis fur une grande urne ; il a les jambes entrelacées avec la jambe droite du Dieu ; fes deux mains font placées fur un trophée formé de raifins, d'une tête de porc ôc de deux mafques de fatyre ôc de faune ; à une des extrémités de la draperie qui le couvre, eft attaché un mafque qui pend négligemment fur fes épaules 3 ôc qu'il femble avoir ôté dans l'inftant de delTus fon vï-fage, à en juger par l'air gai 6c malin avec lequel il regarde Bacchus qui lui parle en riant ; le Bacchus a fur l'épaule gauche une peau de chèvre jettéc avec grâce : ce morceau antique pour la plus grande partie , a été reftauré habilement. Mars & Vénus , groupe antique de grande manière ; Mars le cafque en tête 6c le poignard au côté , eit entièrement nu ; la Vénus eft couverte de la ceinture en bas d'une draperie légère ; elle carcife Mars avec beaucoup de paflion; ce qui a fait croire que ce groupe pour-roit bien repréfenter Fauftine Se fon gladiateur favori. On a prétendu qu'aucun fculpteur n'auroit été affez hardi pour faire une ftatue de cette efpeee ; mais n'a-t-on pas trouvé dans les ruines d'Her-culée des tableaux fatyriques contre le cruel Néron, qui attaquoient fes paf-fions favorites , celles dont il tiroit le plus de gloire? N'en a-t-on pas découvert nouvellement dans la Villa Adria-ni, au-deflbus de Tivoli, avec des inscriptions qui reprochoient à Antonin Caracalla le meutre de fon frerc Geta? L'impératrice elle - même dans l'ivrciïe de la paftion, ne peut-elle pas avoir orr »40 Mémoires d'Italie. donne que l'on fît cette ftatue ? Elle a* au bras le cefte ou bracelet de Junon, que l'on regardoit comme fi capable de relever la beauté. Bacchus ÔC un jeune faune , beau groupe dans la manière grecque : le Bacchus couronné de lierre eft jeune Ôc beau (a) ; il a la main appuyée fur l'épaule du faune comme pour l'engager à le fuivre : le faune a les oreilles de chèvre, l'air riant 6c malin ; il tient à la main un vafe qu'il montre à Bacchus ; à côté de lui ? contre un tronc d'arbre, font le bâton recourbé 6c une flûte à neuf trous ou tuyaux ; fingularité qui peut être un équivoque de l'artifte, quoique cependant ils fulfent grands obfcrvatcurs du coftume. Une grande ftatue de bronze ; le ftyle,' quoiqu'aflez noble, en eft rude , ôc fort différent des antiques grecs ou romains, mais elle eft precieufe en ce qu'on la regarde comme un véritable antique Etrufque. Le P. Montfaucon n'en doute point, ôc l'a fait graver dans fon antiq. expliq. t. III, p. 39. Cette ftatue fut trouvée en terre près de Péroufe, l'une (a) Tu \>ucr mernus, tu fonnojijjbnus alta fçnfçicçris cœlo____Ovid. des douze anciennes cités Etrufques, fous le régne du grand duc Cofme I qui en fit l'acquifitioii : il y a apparence qu'elle repréfente un de ces gouverneurs électifs des cités Etrufques , connus fous le nom de Lucumon, qui durant leur magiftrature jouiffoient d'un pouvoir prefque royal. Il eft revêtit d'une robe longue qui rcffemble à la confiai aire ; il a la main droite élevée comme un homme qui parle en public 8c porte un anneau a gauche ; la chauf-fure eft plus compofée que la romaine. Une grande ftatue qui peut être celle de la géométrie ou de l'aftronomic ; il n'eft pas aifé de le décider, attendu que parmi les attributs qui la caractérifent il n'y a rien d'antique que la tête du compas qu'elle tient à la main ; les autres font de l'idée de l'artifte qui l'a reftaurée , 8c qui étoit médiocre. Une Léda de petite proportion , différente de celle dont j'ai déjà parlé : le cygne eft petit , il femble qu'elle le veuille dérober à tous les regards : la draperie qui lui pend de l'épaule gauche jufqu'aux talons eft heureufement jettée. Une petite Vénus aftife, dans l'attitude ite fe tirer du pied une épine dç rofe^ 'Î42. Mémoires d'Italie. clic eft clans le go ut grec, traitée avec dé-llcatefîe ; la draperie lui couvre à peine la moitié du corps ; elle a la main gauche appuyée, 8c paroît fouffrir plus de dé-licateffe que de douleur réelle. Une chimère , de bronze t antique Etrufque trouvé (bus les murs d'Arczzo dans le Seizième fiécle ; le travail en eft médiocre, mais elle eft telle que Ifucrecel'a décrite. Prima leo, pojtrema draco, média ipfa chimera... L'Amour 8c Pfyché ; l'Amour eft repréfente avec tous fes attributs , les ailes , l'arc 6c le carquois ; Pfyché a des ailes de papillon : ces deux figures s'em-braflent tendrement , 6c font dans la manière grecque. Une petite ftatue d'un jeune homme, dont il femble dans l'état actuel que l'on ait voulu faire un Ganimede : ce qui eft antique eft excellent.... Apollon , le coude gauche appuyé fur fa lyre , pofée fur un autel antique : comme cette ftatue eft reftaurée pour la plus grande partie, il eft difficile de juger de l'intention du premier artifte. Une mufe tenant un rouleau dans la main gauche, vêtue d'une draperie ft légère a que le nu paroît à trayers \ elle. Grand Duché de Toscane. 143 a pour ornement de tête deux plumes entrelacées dans les cheveux, qui , au rapport des anciens PhiloSophes, lénifient lignifier l'activité & la véhémence du difcours....L'enfemble de cette flatue efl bon ôc du meilleur goût. Une ftatue de bronze de belle proportion ; on croit que c'eft une idole antique qui a la main droite étendue, comme pour recevoir les offrandes qu'on lui faifoit ; on voit à la place des yeux qu'il y eut autrefois des pierres précieulès que l'on a enlevées ; le pié< deftal fur lequel elle eft pofée, quoique moderne, eft un ouvrage excellent de Laurcnzo Ghiberti ; il eft orné de feftons de lierre , de pampres 6c de raiiins, foutenu aux angles par des têtes de chèvre ôc de deux bas-reliefs, l'un repréfentant Ariane fur un char tiré par deux tigres, ayant pour cortège plufieurs fatyres ; l'autre le Sacrifice d'un bouc : ces ornemens indiquent que Ton a pris cette ftatue pour un Bacchus. Marfias attaché a un tronc d'arbre, ôc déjà écorché ; cette ftatue eft extrêmement Savante , les nerfs ôc les veines Sont à découvert ; il Sembla ï44 Mémoires d'Italie. qu'Ovide («2) l'eût fous les yeux lorf. qu'il parle de la défaite de Marfias, de fon fupplice ôc de fes plaintes. Un fecretaire ou notaire tenant un rouleau ou volume dans la main , la caffette ou porte-feuille eit à fes pieds : l'ouvrage en eft médiocre. Cette ftatue eft répétée ôc dans le même goût. Efculape, grande ftatue ; il eft tel qu'il eft repréfente dans les médailles grecques ôc romaines , la barbe longue Ôc épaifle, le bras gauche appuyé fur un gros bâton noueux, autour duquel un iêrpent fe tortille. Venus tenant l'Amour fur fes genoux, que l'on croit être la Venus genitrix ; elle montre un arc à fon fils, ôc femble lui en indiquer l'ufage-: ce groupe eft beau ôc bien conferve. Un homme en habit afiatique ; ftatue plus curieufe à caufe de la rareté de la manière, que par la beauté de l'ouvrage : il y refte peu de parties antiques qui (a) . ... Quidjne mihi detrahis, inquit, 'Ah ! piget,ah ! non eft, clamabat tibia tanti.. .'. DeteSlique patent nervi , trepidefque fine ulla Pelle micant vence , falientiavifcera pojjls , Çtjierlucentes numerare in corgore feras... ; Soient; Grand Duché de Toscane. 145 Soient entières ; elle eft reftaurée èc fort médiocre en tout. Narciflë à genoux , la main droite levée , la gauche étendue , le corps avancé & dans une attitude gênée, il Semble s'admirer dans la fontaine ; cette ftatue antique de marbre Parien eft très-belle , on y retrouve toutes les perfections qu'Ovide (a) a données à Narciffc, des doigts dignes de Bacchus , des cheveux aufti beaux que ceux d'Apollon > le vifage le plus charmant, un col d'ivoire; mais ce qui eft bien exprimé, c'eft l'eSpece d'étonncment &: les déiirs inSenSés que Semble lui inlpirer Sa propre beauté. Une ftatue de philoSophe ; il a la main Sous le menton, l'air appliqué &C penSiS, de la meilleure exprefîion : la draperie eft Simple & à plis larges. La victoire , ftatue travaillée d'une (a) Ilfembloit avoir cette ftatue fous les yeux, lorfqu'il a parlé de Narciffe. L. 3. Mctam..... Speclat kumi pofitus geminum 3fua lumina ,fidus Ac Jîupet ipfe ftbi..... Et dignos Baccko digitos £y Apolline cr'wes , Impubefque gênast &< eburnea colla, decufque Oiis..... Tome IIh G * 146 Mémoires d'Italie. manière élégante ; elle tient une couronne dans la main droite , 6c une palme dans la gauche ; elle n'a point d'ailes comme quelques autres ftatues du même fujet, 6c paroît avoir été faite dans le temps où la victoire étoit conftam-ment attachée aux armes des Romains ; ou fi elle eft grecque, c'eft un antique du beau temps d'Athènes , lorfque fes citoyens faifoient repréfenter la victoire fans ailes , afin qu'elle reftât chez eux , ainfi que Paufanias le rapporte----Il y a une penfée heureulè dans l'antologie au fujet d'une ftatue de la viètoire qui eut les ailes enlevées d'un coup de foudre ____Rome , reine des nations, ton nom fera immortel, la victoire ne peut plus te fuir, fes ailes lui ont été enlevées .... Venus nue , tenant une coquille à la main ; à côté d'elle eft un grand vafe à mettre de l'eau avec un linge jette deffus; cette ftatue a fervi à orner quelques bains : l'ouvrage en eft médiocre. Un foldat le genou gauche en terre ; il levé le bras droit ; de la main gauche il tient un bouclier : cette figure eft d'un foldat étranger ou d'un gladiateur, n'ayant rien de l'habillement romain; la chaïuTure eft dans le goût grec. On Grand Duché de Toscane. 147 fait que les Romains faifoient combattre comme gladiateurs les prifonniers de -guerre, ck une ftatue de ce genre paroît avoir été employée à la décoration d'un amphithéâtre ou d'un cirque. Un jeune homme deftiné à fervir dans les facrifices , ftatue rare ; fon habit particulier à cet état lui couvre tout le corps, même les bras Se les mains ; il a l'air de l'attention & du refpçct, les cheveux courts Se liftes ; la manière fimple de la draperie eft dans le goût étrufque. Apollon aftis qui touche la lyre, avec un ferpent à fes pieds ; il eft nu ; le corps eft de la plus belle forme ; le refte qui eft reftauré n'y répond pas. La Santé , fille d'Efculape , porte un grand ferpent tortillé autour du bras droit, qu'il quitte en fe recourbant pour s'approcher d'une coupe qu'elle tient de la main gauche, 6k oii il femble s'abreuver: la draperie en eft belle. Une Diane en habit de chatte qui ne lui defeend pas plus bas que le genou ; elle a le croiflant fur la téte , l'arc dans la main gauche ; elle étend la droite comme pour prendre un trait dans le carquois qu'elle porte fur les épaules ; elle eft coiffée de les cheveux treifés Se Gij tortilles en rond fur fa tête , ainfi que les portoicnt les filles grecques ck romaines. Jupiter, grande ftatue en pied , ayant la poitrine, l'épaule ck le bras droit découverts : il a un manteau jette fur l'épaule ck le bras gauche. Un jeune faune couronné de pampres , portant fur les épaules la peau de chèvre ; ftatue reftaurée pour la plus grande partie. Junon , avec l'habit êk le manteau royal qui ne tombe pas jufqu'à terre , mais qui eft replié , ck femble rattaché au-deffous de l'épaule ; elle porte le feeptre de la main gauche, ck une coupe dans la droite. L'ouvrage en eft médiocre; la draperie eft ce qu'il y a de mieux exécuté. Venus nue, fans aucun attribut, très-belle ftatue antique. Bacchus nu ôk afîis; il a les cheveux longs , une grappe de raifin à la main, ck un tigre à fes pieds. Minerve, ftatue antique, d'un travail médiocre, mais très-curieufe par fa rareté , en ce qu'elle ft'eft pas une ftatue de Minerve guerrière , mais de Minerve ouvrière; elle tient d'une main la navette , de l'autre l'éguille ; fa coiffure Grand Duché de Toscane. 140 eft un cafque ouvert, ou heaume qui a pour cimier un petit dragon, Symbole de la vigilance & de la prudence. Sur les côtés Sont gravées des têtes de bélier & des griffons ; c'eft ce que les anciens mythologiftes ont appelle Minerva Erganc , la déefSe inventrice des arts utiles. Les traits du viSage Sont ceux d'une beauté SérieuSe ; elle eft vêtue d'un habit long Sait de peaux, dont les extrémités rattachées devant l'eftomac forment une eSpece d'égide. Paris aftis, présentant la pomme à Venus , qu'il paroît regarder avec la plus grande Satisfaction ( a ) ; ftatue antique de la belle manière grecque, bien eonServée & heureufement reS-taurée. Un Soldat ou gladiateur , vêtu de la faye ou habillement gaulois. Il paroît avoir quelque rapport avec la ftatue de ce genre, dont j'ai parlé plus haut, mais d'une meilleure main ; il a fur les épaules une draperie légère , tortillée avec grâce autour du bras ; la chauffure eft dans le goût grec. (a) Luce deas, cœloque Paris fpeètavit aperto. Cum dixit Veneri, vincis utramque, Venus. Ovide.... G iij 1^0 MÉMOIRES D'iTA-LIE. Un fanglier antique, en marbre blanc > de la plus grande taille ôc d'un excellent travail. Parmi ces ftatues antiques , font quelques modernes des meilleurs maîtres. Bacchus couronné de lierre ôc de pampres , tenant à la main droite une coupe qu'il approche de fes lèvres, ôc de la gauche des grappes deraifm, qu'un petit fatyre qui s'enveloppe dans une peau de chèvre , tâche de prendre ; ouvrage excellent de Michel-Ange Buona-rotti.... Un Bacchus plus jeune , par le San-fovin, très-beau. Une figure de femme feulement ébauchée par Michel-Ange, ôc déjà de belle exprefîion. Un jeune Hercule, que l'on dit de Michel-Ange. Une excellente copie du Laocoon du Belvédère, par le Bandinelli. Un enfant, ftatue moderne en marbre noir , de trois pieds ôc demi de proportion. Il paroît que l'intention de l'ar-tifte- a été de repréfenter le fommeil : l'ouvrage en eft très-beau. Le côté de la galerie où étoient placés le fanglier antique ôc le Laocoon. Grand Duché de Toscane. 151 du Bandinelli, a été fort endommagé par un incendie en 1763 : on dit même cju'on n'a pu fauvcr quelques itatues qui étoient à cette extrémité. Suite des Empereurs & Impératrices. 11. Jules Céfar, brome de grandeur ^ ordinaire , d'un beau travail ; il reifem- " iq ble en tout aux médailles les plus authentiques , le vifage maigre & un peu allongé , les yeux vifs tk pleins de feu , tous les traits qui annoncent l'activité, la pénétration tk l'étendue du génie ; il a le front chauve qui paroît tout à découvert, ce bulle ayant été jette fans doute avant qu'il eût obtenu du fénat le privilège de porter toujours la couronne de laurier ; privilège qui lui devint fi cher, parce qu'il cachoit cette prétendue difformité à laquelle il étoit fi fèn-fible ; tant il efl vrai que les plus grands hommes tiennent toujours par quelques endroits aux foiblefîcs de l'humanité. Ciceron, bulle en marbre , du beau temps de la Sculpture à Rome ; la tête , le col tk le haut de la poitrine font antiques , le refle efl moderne. On y remarquera fur la joue gauche cette petite excroiffance groffe comme un pois, ( cicer ) que l'on dit que portoient tous G iv ceux de la famille de Ciceron , ôc dont même ils avoient pris leur nom. Augufte. Il eft avec tous les traits que Suétone lui attribue , d'une belle figure qui fe conferva toujours dans les change-mens qu'y apportoit l'âge (#). Les cheveux font légèrement crépus, les four-cils épais ôc unis enfemble , les oreilles petites ÔC bien faites, le nez élevé du haut, ÔC rabattu par le bas. Sapho, de petite proportion, dans le goût grec. L'air de tête eft extrêmement gracieux , ôc la phyfionomie aimable. Marcus Agrippa, le fourcil élevé, les yeux couverts ôc retirés , le vifage févere, fans dureté, très-reffemblant, à ce que Tacite nous apprend de ce grand homme. Sophocle, poète tragique grec ; l'ouvrage en eft bon, fans être bien caractérisé. Tibère , les yeux grands , les traits majeftueux, qui annoncent encore la fraîcheur de l'âge ôc fa force ; ce qui fait croire que ce bufte eft des premiers temps de cet empereur , non pas des dernières années, lorfqu'accablé de dé- (a) Forma fuit eximiâ , & j>er omnss œtatis gradus venufiijjimâ---- bauches tk d'inquiétudes, fa phyfiono-mie eut tout-à-fait changé ; ion vifage n'étoit prefque jamais fans pullules ou boutons ; défaut que l'artiile a eu raifon d'éviter. Ariftippe , philofophe grec , d'une proportion plus grande que le naturel. Le travail de fa barbe tk l'arrangement de fes cheveux , annoncent cet homme délicat qui vivoit voluptueufement, 6c en donnoit des préceptes. Caïus Céfar Caligula, le fourcil froncé , le regard févere , le front plein de rides comme un vieillard, avec les traits de la jeuneffe ; ce qui prouvoit, dit-on , l'atrocité de fes deffeins 6c de fes penfées. La forme de fa tête efl allongée 6c chauve dans la partie fupérieure. 11 avoit une pâleur habituelle, que le marbre femble indiquer (a). Ce buife eft bien fini 6c traite avec beaucoup de vérité. Agrippine, mere de Caligula, que le (a) Tanta Mi j>alloris infaniam tefîantis fœ- ditas erat____ Tanta oculorum fubfronte anili latentium torvi-tas.,.. Scncca..... Fronte latâ t> torvâ , capillo raro ac circa verticem nullo, hirfuta ccetera.... Sucton... G v Soupçonneux Tibère força à fe laifTer mourir de faim ; femme vertueufe , représentée avec cette noblelfe de Senti-mens qui fit Son caractère. Claude ; Ses traits annoncent cette ineptie, cette peSanteur, qui le caractérisèrent dans toutes Ses actions cet homme auquel la moindre application donnoit un tremblement de tête qu'il ne pouvoit arrêter ; on verra même que Sa bouche efl traitée de façon à y faire reconnoître un autre défaut naturel de ce foible prince, dont parle Juvenal, fat. 6. Longam manamia labra falivam. Antonia, mere de Claude, femme d'un grand mérite ; on la reconnoît à la modeflie de fes regards, à la tranquillité de fes traits , à la décence de ion habillement, que l'artiile a parfaitement bien rendus. Néron, d'une excellente manière ; fes traits ont plus de beauté que d'agrément; l'air riant fous lequel il efl repréfente femble être affecté, & cacher de la cruauté ; il a le vifage plein Ôc les (a) Non faciendo nocens^fed patiendofuit.... Au fon. cheveux frifés par étage , mode qu'il avoit prife des Grecs y au rapport de Suétone {a) , ÔC qu'il porta à l'excès. Poppée , femme ou maîtreife de Néron ; fes traits font délicats Ôc pleins d'a-grémcns; le regard franc, vif ôc hardi qu'on lui a donné, annonce qu'elle fai-f bit trophée de fa fortune ôc de fon état. Seneque; ce bufte eft traité de la plus grande manière, ôc repréfente bien le philofophe accrédité à la cour de l'empereur, ayant une grande réputation de ïagefie ôc de prudence. Cet ouvrage efl fans doute des premiers temps de Néron ; il ne reffembîe pas à d'autres ftatues du même Seneque , où l'on voit un vieillard accablé de craintes ôc de douleur , exténué d'une abftinence forcée , ÔC ayant à peine afièz de force pour fe faire ouvrir les veines. Galba ; il y a des traits de force qui prouvent que l'ouvrage eft d'un bon ar-îifte ; mais on n'y retrouve pas , comme dans les précédens, ces traits fins ôc marqués qui caractérifent l'homme. (a) Vultu magis pulchro quam honejlo coirtam femper in gradus formatant, peregrina-tione Achaicâ , etiarn pênes verticem fumffe-rit... . Succon .... G vj Galba régna peu, ôk fes bufles font rares. Othon; bufre plus rare encore 8k plus précieux que les médailles d'or ôk d'argent de cet empereur ; on y retrouve le vifage plein ck efféminé"de ce prince, qui n'eut pas le courage de porter le fceptre plus de trois mois , ck qui céda à fa première difgrace, mais qui fe fai-foit rafer tous les jours , qui même dans les camps vivoit avec luxe : pour remplacer les cheveux qui lui man-quoient, il portoit une petite perruque ronde ck frifée aufli courte devant que derrière. Suétone ôk Juvenal (#), fat. 2., parlent beaucoup du luxe ridicule ck de la molleffe de cet empereur. (a) Munditiarum pene muliebrium, vultu , corpore , galericulo capiti, propter rar'uatem ca-pillorum adaptato > & annexo---- Sueton---- JNimirum fummi ducis eft , occidere Galbam, Et curare cutem fummi conjlantia civis, Bebriaci in campo ,fpolium affetiare palati, Et prejfum in faciem , digitis extendere pa-nem.... Juvenalis.... Ce qu'il y a de mieux dans fon hiftoire, comme le dit Aufone, c'eft que fon empire fut de courte durée. Fine tamen laudandus erit, quod morte decorâ Hoc folumfecit nobile, quod periit... Carneade , philofophe & excellent orateur Grec : ce bulle eft beau Ôc bien caractérife. Vitellius ; il femble le voir avec cette taille prodigieufe & ce tein enflammé °iue Suétone lui attribue (<*) : il eft extrêmement gras ôc gros , Ôc a bien l'air d'un homme qui paffoit fon temps , ôc nilnoit les autres, à faire grande chère, ôc qui ne favoit parler ÔC s'occuper d'autre chofe. Comment un homme de cette trempe peut-il être compté au rang des empereurs Romains ? Xénocrate, philofophc Grec ; l'exactitude ôc la Sévérité de fes mœurs eft parfaitement bien rendue dans tous les traits de fon vifage. Vefpafien ; belle tête traitée avec les (a) Enormi proceritate & facie rubîdd Sucton..... Ces deux compétiteurs à l'empire étoient bien dignes- l'un de l'autre. Le premier étoit une cfpece de damoifeau qui n'étoit occupé que de fa figure & de fes ailes.... Le fécond un gourmand à l'excès , qui ne fongcoit qu'à fe remplir l'eftomac , & qui n'étoit pas capable d'autre chofe. Ce fut cependant pour placer l'un ou l'autre de ces hommes , indignes de l'être, fur le trône de l'Univers, qu'il y eut lant de fang répandu... . 158 Mémoires d'Italie. détails heureux qui caractérifcnt l'attention , l'activité ôc la grandeur d'ame de cet empereur ; le front eft ridé , les yeux font couverts, mais point durs, le né aquilin , les joues larges ; il a un certain éclat de majefté répandu fur tout le vifage. Bérénice , reine d'une partie de la Judée, que Tite aima fi tendrement : elle eft coiffée d'un bandeau royal qui ceint le deffus de fa tête; l'arrangement de fes cheveux n'a rien de commun avec celui des dames Romaines ; fes cheveux font frifés à plufieurs étages de boucles , dont les plus longues tombent fur les épaules, ôc accompagnent le vifage. 11 y a un bufte femblable à celui-là dans la villa Borghefc à Rome. Cette coiffure eft la même que celle des dames de la cour de France du temps de la reine Marie - Therefe d'Autriche , de Mefdames de Montefpan, de la Valiere, ôcc. Les auteurs contemporains de Bérénice difent que cette frifure étoit pof-tiche, ôc que toutes les femmes de Judée s'en paroient. - Titus ; la majefté , la beauté, la grâce, cette bienfaifance qui caracté-rifent ce prince, ÔC qui en firent les Grand Duché de Toscane, i 50 délices du monde, font habilement exprimées fur ce marbre (a). Julie, fille de Titus, peu connue : ce buffe eft d' un beau travail. Domitia, de belle exécution, ck qui paroît bien faire portrait. Domitien n'a pas dans fon bufte cette beauté ôk cette force qu'on lui donne dans les médailles ; ce qui peut venir de ce qu'il n'a pas été bien conferve , ôk enfuite reftauré par une main qui a travaillé d'après fa propre idée, ôk non fur aucun bufte original : il manque d'exprefTion, le travail en eft froid. Nerva (£) , vieillard d'un afpecf ma-jeftueux , que fon équité éleva fur le trône ; il eft de proportion plus grande que le naturel, ce qui fait que (on nez aquilin paroît d'une grandeur énorme. Trajan ; fon bufte eft de bonne manière , la plupart de fes traits Semblent (a) Forma egregia £r cui non minus authori-ia:is inejjet quam gratiœ.... Suétone.... (b) Nerva fenex , princeps nomine , mente parens. Nulla viro foboles , imitatur adoptio prolem , Quam legijje juvet, quam genuifè velis. Aulon..... La penfée de ces vers eft beilc , le premier fur-tout caraCténfc un excellent prince. 160 Mémoires d'Italie. répondre à fes grandes qualités fi connues ; cependant le travail n'eft pas d'un artifte du premier rang. Mathïdia ôc Plotina, buftes rares : le travail du fécond eft bien Supérieur à celui du premier. Adrien, beau de vifage, les cheveux; peignés avec art , ce qui eft une dif-tinction remarquable pour ce temps ; la barbe large ôc épaiffe, entretenue de ce volume pour couvrir quelque difformité naturelle que ce prince avoit fur le vifage (a) : ces parties fur-tout font d'un excellent travail----Vis-à-vis eft un autre bufte d'Adrien repréfente beaucoup plus jeune. Antinous, dans le plus excellent goût grec, conferve entier ÔC d'un travail admirable ; ce bufte eft bien fait pour donner une grande idée des artiftes de l'antiquité : il eft un peu plus grand que nature, ôc tout-à-fait nu. Un bufte de femme voilée, que l'on croit être une veftale , ou Sabina femme d'Adrien, d'un beau travail ôc bien fini. (a) Staturâ fuit procerus } forma "comptus, fexo ad peflinem capillo.... Promiffâ barbâ ut. vulnera quœ infacie naturalia erant tegeret.... Spartianus.. ., Grand Duché de Toscane. 161 Elius Céfar , adopté par Adrien, ôk deftiné à lui Succéder, s'il lui eût fur-vécu; il étoit beau, fon afpect majef-tueux infpiroit le refpect ; mais il étoit de la plus foible fanté : il femble que l'artifte ait rendu tous ces fentimens, tant le bufte eft beau. Antonin le pieux, du plus beau travail , très-reffemblant aux médailles ck ftatues antiques de cet excellent prince, qui font fort communes. Les deux Fauftines, mere èk fille , toutes deux de bonne main ôc bien con-fervées. Marc-Aurele Antonin le pbilofophe : il y a de fuite trois buftes de cet empereur à différens âges ; il n'eft pas étonnant que fes portraits Soient Si fort multipliés. Capitolin a écrit, que quiconque n'avoit pas chez lui fon portrait, étoit réputé Sacrilège, 6k que les ftatues avoient été conServées au nombre de celles des Dieux Pénates. Le premier paroît Sait Sur la fin du régne de ce prince ; il eft d'un grand caractère ; la barbe 6k les cheveux peu Soignés Sont bien rendus... Le Second a moins de barbe, 6k eft beaucoup plus beau____Le troiSiéme paroît être du temps auquel Marc-Aurele Sut adopté par Antonin. Lucius Verus, aflbcié à l'empire par fon frcrc Marc-Aurele, a le vifage boutonné , la barbe longue ôc abattue, telle que la portoient les barbares , ôc une gravité majeftueufe dans toute la iigu-re (a) : il ne régna que neuf ans avec fon frère. Commodus , fils de Marc-Aurele: cette tête eit d'un excellent travail, ôc celle d'un jeune homme dont tous les traits font beaux; le vifage; eft gracieux ôc d'un bel embonpoint ; les cheveux font bien traités ; il femble avoir déjà dans la phyfionomie quelques fignes de cette fotte foibleffe qui le rendit ii facile aux mauvais confeils, ôc fi indigne du rang qu'il occupoit. Crifpina , femme de Commode , re-préfentée à la fleur de fon âge , fans doute dans les premiers temps de fon mariage : il y a beaucoup d'expreftion ÔC de nnefle dans cet ouvrage. Pertinax , vieillard vénérable , qui a la barbe longue , les cheveux hériffés Ôc mal en ordre , de l'embonpoint ôc une taille majeftueufe : le travail en eft (a) Vultu gemmât us , barba prope barbarice demifiâ procerus , & front e in fupercilia adduc-tiore venerabilis____ Capitolinus.... Grand Duché de Toscane. 163 beau , 6k conforme à la vérité historique (a). Didius Julianus ; on fait qui il étoit ; ck fon portrait rendu avec beaucoup de vérité, n'annonce qu'un vieillard encore livré à fes pallions , qui n'acbeta l'cm-pire que pour le perdre auiïi-tôt (£). Didia Clara, Manilia Scantilla, l'une femme, l'autre fille de Didius Julianus. Leurs bufles n'ont rien de remarquable, ni par la beauté de l'ouvrage, ni par la reffemblance des figures, quoique, fuivant les hiftoriens, la première eût été la plus belle des filles de fon temps , 6k l'autre une des plus laides; ce qui ponr-roit faire Soupçonner la vérité de ces deux bufles , qui n'ont rien qui les ca-ractérife d'une manière conforme à l'hif-toire, ni qui rcffemble aux médailles. Albin, compétiteur de Severe à l'empire , 6k qui en conferva le titre pendant quelques années dans les Gaules , a la barbe épaiffe, crépue 6k courte, 6k (a) Senex venerahilis, immiftâ barlâ , reflexo capillo, habiiuctine corporis pinguiore , fiaturâ. imperatoriâ .... Jul. Capitol. ... (b) DU bene, quod fpoliis Didius non gaudet opimis , Et ci:o perjuro , premia adempta feni..... Aufon. .... 164 Mémoires d'Italie; tous les traits qui caractérifent un guer* rier : ce bufte eft d'albâtre , traité d'une grande manière, 6k d'une entière conservation. Septimius Severus ; belle tête pleine d'efprit ôc de mouvement : il y a quelque chofe d'auftere ôc de dur dans la phyfionomie qui caractérife cet empereur ; la barbe eft épaiffe ôc négligée. Deux buftes de Julia Severa, femme de Septime ; l'un où clic eft repréfentée avec la beauté , les grâces êk la majefté qui la rendirent fi célèbre à Rome êk en Syrie ; l'autre où la vieillefîe lui a enlevé ces avantages, ck ne lui a laiffé que quelque majefté dans la phyfionomie. Antonin Caracalla ; ce bufte n'a plus cet air aimable , les grâces de phyfionomie , qui rendirent ce prince fi cher dans fa jeuneffe au peuple ck au fénat (Jlupris perdidit----Trebellius.. Quelque connoiffance de l'hiftoire & l'étude des ftatues antiques , comparées avec les ta, blcaux modernes de portraits , même avec les originaux vivans , pourroient donner des con-noifTances affez étendues dans l'art de la phy-fionomie. Sans intention directe , & par le ieul rapport des traits du vifage & de l'habitude du corps avec quelques antiques , j'ai trouvé des caractères modernes très - reffemblans avec ce que les meilleurs hiftoriens nous ont tranf-. mis , fur les principaux perfonnages de leur remps ; malheureufement les rapports en mal font plus fenfibles & plus communs que ceux en bien, qui font aufli les plus rares dans l'anti- dans Grand Duché de Toscane. 169 dans tout l'air du vifage cet abattement & cette nonchalance , qui font la fuite ordinaire de la débauche.... Le fécond, plus grand que nature, eft traité d'une manière plus ferme 6c plus fîere ; on voit que c'eft le même portrait, mais il femble annoncer des difpofitions toutes différentes de celles que les hiftoriens attribuent à ce prince. Conftantin le Grand ; ouvrage médiocre , mais bien dans le goût du temps p 6c fort femblable aux médailles de ce prince : on remarque dans fes traits une forte de délicatefle que Julien lui a reprochée , comme une marque de mol-leffe 6c de vanité qui ne convenoit point à un prince. On verra encore que le cavalier Bernin , dans la belle ftatue de Conftantin qui eft fous le veftibule de l'églife de faint Pierre de Rome, a bien faift la reffcmblance de cet empereur, quitc ; & il eft rare de trouver de ces têtes vivantes , dans lefquelles on puiffe remarquer les traits caratlériftiques du bufte de Platon qui eft à la villa Borghcfe à Rome , tels que j'ai Cru les remarquer fur la phyfionomie du marquis Tanucci„ miniftre d'état à Naples, & fans avoir aucun defTein de le flatter____ Tome IIL H * On voit à la fuite d'autres buftes incon* nus , dont quelques-uns font d'un beau travail. Dans le corridor qui eft au midi, ôc qui joint les deux galeries parallèles, font placés plufieurs buftes, dont je n'ai encore rien dit, pour ne pas interrompre la fuite des empereurs telle qu'elle le trouve dans la galerie. On y verra les buftes d'Adrien ÔC de Sabina de grandeur héroïque : ils font l'un ôc l'autre d'un travail médiocre. Une tête d'homme qui n'eft qu'ébauchée par Michel-Ange, mais déjà pleine de vie ôc de la plus grande manière ; on croit que c'eft un Brutus : on lit au bas ce diftique du cardinal Bembo.... M. Dum Bruti effigiem fcutytor de marmore ducit 3 A. B. In mentem fceleris, venu t> abjîinuit. F. Il n'eft pas à croire que pareille idée ait empêché ce grand homme de finir un ouvrage qu'il avoit fi bien conçu , ôc qu'il rendoit avec tant de vérité ; il me paroît au contraire que l'horreur que doit infpirer le crime du meurtrier de Céfar, bien conçue, eft très-capable de conduire le cifeau d'un habile artifte, & de faire fortir du marbre cette expref. fion frappante qui l'anime, ôc qui rend fart rival de la nature. Une tête de femme, par le Bernin; elle eft d'un travail excellent, ôc de ce fini admirable que l'on connoît dans ce maître. On dit à Florence qu'elle repréfente Conftanza Bonarelli, maîtreffe de ce grand artifte ; mais on lit dans fa vie qu'elle efl: le portrait de la femme d'un de fes élevés favoris, dont il retouchent les ouvrages , ôc dont plufieurs paifent même pour être de lui. Annius Verus, fils de Marc-Aurele , enfant âgé d'environ fept ans , temps auquel il mourut : un décret du fénat ordonna qu'on porteroit fa ftatue à fes funérailles ; ce qui n'a été fait pour aucun autre enfant de cet âge : ce bufte eft l'un des plus précieux de cette collection ; le travail en eft admirable. Pan, bufte de marbre blanc dans le goût grec , bien conferve , d'une ex-preflion merveilleufe , ôc conforme en tout à la defeription que les poètes ont faite de cette divinité champêtre ; deux petites cornes rougeâtres lui fortent du front, les oreilles font droites ôc pointues , les yeux riants ôc malins, le nez un peu recourbé, les épaules couvertes Hij d'une peau de daim rattachée fur fa poï> trine (^). Alexandre le Grand , bufte coloflal trois fois aufti grand que le naturel, d'un beau marbre jaunâtre ; on peut le regarder comme une merveille de fart, & le chef-d'œuvre de quelque fculpteur Grec, dont le ftyle étoit grand & fu-blime : le héros eft repréfente mourant, le haut du nez eft enflé, la bouche en-, tr'ouverte , les yeux font légèrement tournés, tk tous les traits font dans un fi grand repos , qu'il n'y a aucune marque de douleur , tout y annonce plutôt une défaillance générale : ainfi ce bufte doit être la repréfentation du héros, ou lorfqu'on le tira des eaux froides du Cidne , ou bien à l'inftant qu'il expira; mais non pas lorfqu'il fut bleffé à l'af-faut de la ville des Oxidraques, comme quelques-uns l'ont prétendu ; il fouf-froit alors d'une bleffure violente & dangereufe, mais il ne fe mouroit point : on en peut juger par la force qu'il montra en fe faifant faire l'extraction de la fié- (a) At ]>arva erumpunt, rubicunda cornua fronte , Stant aures , fummoque cadit barba kifpida mémo---- Silius Ital. 1. 3. Grand Duché de Toscane. 173 che qui l'avoit percé, fans vouloir qu'on le foutînt : dans toute cette aclion fon caraclere d'héroïfme ne fe démentit point. Dans ce même corridor font deux colonnes ou pilaftres de marbre blanc , carrées , hautes chacune de dix pieds romain ( le pied romain efl de dix pouces dix lignes ) ; elles font fculptées des quatre côtés en demi-relief, ôc" chargées de trophées d'armes antiques of-fenfives ôc défenfives, entrelacées d'inf-trnmens de mufique militaire , d'en-feignes ck: d'étendards ; on y voit les autels portatifs , ôc tout ce qui fervoit au culte des Dieux ôc aux facrifices dans la marche des armées ôc dans les camps. Cet ouvrage, qui efl romain , quoique l'on y trouve une partie de ce qui fervoit aux Grecs , efl aufli curieux qu'inftrucfif, pour quiconque voudra ie mettre au fait de l'armure des anciens. Cabinets de curiofitis tenans à la galerie. Plufieurs chambres ou grands cabinets tiennent à cette galerie , dans lef-quelles on trouve une multitude de tableaux de prix, de bronzes rares, de ftatues , de meubles riches d'un travail ex-guis i ôc des matières les plus précieuies, H iij 174 Mémoires d'Italie. Trïmiere 22. La première, dans l'ordre oii elles C6incwScdcS *°nt P^ac(^es y eft ceile des peintres, garnie des portraits de tous les peintres célèbres, tant d'Italie que de France, de Flandres ÔC d'Allemagne , peints par eux - mêmes. On doit regarder cette collection unique comme une efpece d'académie , où le mérite feul donne lieu d'être admis , 6c où l'on vit encore après fa mort. Le cardinal Léopold de Medicis commença la collection, 6c invita tous les célèbres peintres vivans à y envoyer leurs portraits, ce qu'ils tinrent à grand honneur , 6c depuis ils ont continué ; car on y voit les portraits des écoles Romaine Ôc Florentine, depuis • Raphaël jufqu'à Sebalfien Conclia ; ceux de l'école Lombarde commencent au Titien , ôc finiffent à la Rofalba Car-riera : ainfi des autres écoles ; car tous les peintres en réputation fe font fait un honneur d'envoyer leurs portraits peints par eux-mêmes, pour être placés à côté des hommes illuîtres dont ils ont fuivi les traces ,6c partager avec eux la gloire dont ils jouiront tant que les beaux arts feront en honneur. Comme ces tableaux font au nombre de près de deux cents cinquante, placés les uns à côté des autres, ils font peu d'effet ; il efl même difficile de les con-fidérer féparément, l'attention efl toujours partagée par les tableaux voifins, ce qui caufe une forte d'inquiétude qui brouille les idées, ck empêche de fentir le mérite de la peinture. Dans cette même chambre efl la flatue du cardinal Léopold de Medicis en marbre blanc; il efl affis, êk a divers papiers devant lui. Sur la bafe du piédef-tal on lit une infcription à la louange de ce cardinal, qui apprend que Cofme III, grand duc , a fait ériger ce monument à la gloire de fon oncle ck des beaux arts ( on en conferve de toute grandeur Ôc de toute forme. Les principales font anciennes de la Chine ôc du vieux Japon, tant vafes que figures.Il y en a de belles formes, fur-tout de ces porcelaines vertes que les curieux eili-ment beaucoup. Au milieu efl une grande table de marqueterie d'un beau travail. C'eil à cette chambre que répond la galerie qui traverfe l'Arno, ôc va jufqu'au palais Pitti. Troinemc 24> Latroifiéme chambre, appellée des ïdôte." d" M01" >à cailfe ^ la multitude de bronzes antiques qui s'y confervent, peut être regardée comme un des plus beaux ôc des plus riches cabinets de curiofités qui exif-tent... A côté de la porte efl une colonne d'albâtre oriental tranfparent, haute de fix pieds , travaillée en fpirale avec beaucoup de délicateffe. La bafe ôc le chapiteau font de marbre d'Afrique. Au-deffus eil une Diane antique de marbre d'environ deux pieds de haut, dans l'attitude de tirer quelque bête à la chaffe. Autour de ce cabinet régnent deux corniches , fur lefquelles iont rangés plus de trois cents bronzes de différentes tailles , parmi lefquels on voit plufieurs jtêtes de grandeur naturelle x entr'autres Grand Duché de Toscane. 177 Tibère , Antinous , Fauftine ; enfuitc quatre buftes ou têtes trouvées dans la mer près de Livourne en 1720. Des longeurs eflayant de retirer quelques allots d'une chaloupe qui avoit fait naufrage , l'un d'eux ramena avec fes crochets une tête ou bufte de bronze entièrement conferve ; fes compagnons en trouvèrent trois autres dans le même endroit. On voit de fuite ces quatre têtes qui font de bonne manière grecque y parmi lefquelles on croit reconnoître un, Homère qui eft très-beau. Saturne armé d'une faulx.... Cybele afîife fur un mafîif, ayant fur la tête une couronne de créneaux... Plufieurs Jupiter de formes ÔC d'attitudes différentes , les uns nus, les autres habillés, avec le feeptre , la foudre, la lance , la patere, ou d'autres attributs... La Junon îofpita... Vefta , on la déeffe du feu , dont elle porte l'emblème dans fa main... Une veftale tenant le vaiè ( acerra) à conferver l'encens.. . Mincrva faint art1, ÔC Minerva ergane, même' petite idole ou ftatue ; elle a le ferpent tortillé autour du bras droit, ôc tient de la main gauche la navette du tixier. On ne doit pas donner la préférence à une de ces opinions fur l'autre. La plupart de ces Hv 178 MÉMOIRES D'ITALIE, petites ftatues ont été certainement des idoles domeftiques ; ck on fait que pour ne les pas multiplier, on repréfentoit la même divinité avec tous les attributs fous lefquels on pouvoit avoir recours à elle ; ainfi l'ancien pofleffeur de cette idole avoit dans cette même figure la déeffe de la fanté ôc celle de l'induftric..». Une mufe tenant une flûte d'une main, de l'autre un livre avec les notes ou caractères de la mufique... Plufieurs Venus différemment caradtérifées, parmi lefquelles la Venus pudique ou célefte , vêtue jufqu'à la ceinture ; la triomphante , la pomme à la main ; la marine, iur une conque... Bacchus ôc trois figures de Bacchantes , dans lefquelles une Ménade flirieufe, d'une grande expref-fion (a)... Plufieurs petits Hercules ; à la fuite quelques foldats ou gladiateurs, au nombre defquels une figure , que l'on dit étrufque, fort finguliere. Elle eft armée d'une efpece de maffue , ôc porte des cornes au front, ou au moins des cheveux rangés de façon qu'ils reffem-blent à des cornes , ce qui me porteroit (a) .... Cornu pariter , vinoque ferumur Attonitaî y crinemque rotant ululante Priapo i Mœnades..... Juv. fat. 6. Grand Duché de Toscane. 179 à penfer que ce pourroit être la figure d'un foldat ou gladiateur Gaulois... Une figure de femme, d'un pied de haut, de bonne manière ôc bien confervée, bief-fée fous la mammelle gauche ; elle levé les bras au ciel, ôc paroît beaucoup fouf-frir de fa plaie : ce peut être une amazone. .. La victoire ôc la réputation, la première habillée , la féconde nue... Un groupe compofé de trois figures; deux victoires qui foutiennent ôc qui regardent avec admiration un foldat mort... Un autre groupe compofé de deuxfoldats armés de toutes pièces, qui en portent un troifiéme qui efl: mourant. On peut lui donner le nom de charité militaire... Un Hercule foulevant An-tée : il efl: aidé de Pallas ; ainfi fa force eft perfonifiée, ôc paroît différente de lui-même... Le Laocoon avec fes deux: fils , aux prifes avec les ferpens ; petit groupe bien travaillé dans la manière grecque.... La chimère ôc un fphinx y figures compofées ôc connues ; la première grecque ou étrufque , la féconde égyptienne.... Un petit fquelette en bronze. On ne doute point de fon antiquité , ôc il prouve que l'on étudioit l'anatomie... Une femme, les cheveux ^pars, l'habillement mal en ordre, les* Hvj iSo Mémoires d'Italie. traits du vifage beaux , mais refpirarft la férocité , le corps découvert jufqu'à la ceinture ; elle a perdu la main gauche. Ne feroit-ce pas une de ces Lamies, monftrcs d'Afrique que l'on trouvoit en Lydie rqui nourrifîbient leurs, enfans on petits , "èk les dévoroient enfuite ? Ce morceau efl rare ck curieux.. . Un petit Telesfore, fils d'Efculape èk d'Hy-gée, regardé comme le dieu des conva*-lefcens , vêtu d'un manteau qui ne def-cend que jufqu'à mi-jambe , èk coiffé d'un capuchon qui tient au manteau..,, Plufieurs idoles, égyptiennes , repréfen-, tant Sérapis, Ifis , Oliris , Anubis , Ca* nope; parmi lefquelles une lfis fymbo* lique couronnée d'undifque ou rond , aux côtés duquel pointent les extrémités du croiffant de la- hine. Elle tient le petit Orus fur fes genoux , ck eft affife iur une poule de Numidie qid l'em-braffe êk la couvre en partie. Ce petit groupe efl porté fur un autel environné d'ungrandoifeau de rivière. Toutes ces figures hyéroglifiques font fymboliques de la fécondité de l'Egypte... Le Ca-nope efl d'une forme finguliere ; il a la. tête humaine avec la barbe de bouc, le corps très-long, êk fait en vafe à conserver, de l'eau j, les bras 6k les jambe* -^*»4 iv H ■ ■ Grand Duché de Toscane. 181 fi courtes , que les pieds & les mains tiennent immédiatement au corps. Telle etoit la divinité favorite des prêtres Egyptiens, celle qui avoit vaincu toutes les autres, même le feu qu'adoroient les Chaldéens. Les anciens hifforiens, entr'autres Rufin ôc Eufebe, dans la préparation évangélique, racontent que les prêtres Egyptiens ôc Chaldéens ayant eu querelle fur la puiffance de leurs divinités ; lès Chaldéens prétendanr que le feu étoit fupérieur, ôc qu'il confu-moit tout; les Egyptiens affluant ait contraire que Canope arrêtcroit l'activité du feu, ôc le détruirait enfin. Pour foutenir leurs prétentions , ils fabriquèrent une idole telle que je l'ai décrite,. le corps rempli d'un volume d'eau con-fidérable,. percée par le bas de petits^ trous bouchés avec un maff ic qui devoit céder à la première action du feu. Ils étoient feuls dans le fecret de la fuper-eherie;de feu s'éteignit, Canope reila1 vainqueur, fa réputation fut faite ôc fondement établie.... Un petit Harpocra-te , haut d'environ fix pouces ; iP a le lotus fur la tête, avec les ailes ôc le carquois furies épaules ; il tient de la main gauche une corne d'abondance , autour 2e laquelle fe tortille un ferpent qui ça- 1S1 Mémoires d'Italie. che fa tête dans les fruits qui en fortenr. Il eft nu, ôc n'a qu'une peau de chèvre fur les épaules , la petite draperie qui pend de fon bras à terre ne touchant point le corps. L'ouvrage en eft alfez bon, ÔC il eft bien conferve... Cléopatre prête à mourir avec l'afpic tortille autour du bras gauche , bronze antique d'un beau caractère ( qui fourit ; elle étoit toute nue depuis » les pieds jufqu'à la tête.....p. 191 de la trad. d'Ablancourt, vol. 2 , édit. in-11. Elle eft placée fur un piédcftal moderne d'environ trois pieds de haut, dans le fond de la tribune vis-à-vis la porte. Elle a un peu plus de cinq pieds de hauteur , qui eft la belle proportion de la taille des femmes ; elle feroit même un peu plus grande , fi elle n'étoit dans une attitude de mouvement qui lui fait plier en avant le genou droit, tk avancer tout le corps qui eft légèrement courbé. Elle eft pofée fur une coi*. . que marine , 6k à côté d'elle eft un dauphin , la tête en bas, la queue en haut ; «levant font deux petits amours. Ainft on ne peut douter que ce ne foit la Vénus Fonda ou maritime des Grès. Que l'on confulte la defeription que donne Anacréon dans l'ode cinquante-une , de Vénus fur les ondes ; on y verra le même accompagnement êk les deux petits enfans annoncés fous le nom d'amour §c de cupidon, portés fur un dauphin.., 'Elle efl entièrement antique ; les pièces reflaurées ou rajuftécs , font celles de la flatue même, qui fut brifée dans le tranfport de Rome à Florence fous le pontificat d'Innocent XI, car on prétend qu'elle avoit été trouvée dans fon entier. La Vénus cJf^Cnide étoit l'ouvrage de Praxitèle pon lit fur la bafe de celle-ci, qu'elle a été faite par Cléo-mene fils d'Apollodore Athénien : on doute de l'authenticité de cette inferip-tïon , qui femble en effet avoir été mife fort tard. Pline l'ancien, qui parle de tous les artiftes célébrer,, ne dit rien, ni de Cléomcne , ni de fa ftatue ; on peut donc conjecturer que cette ftatue a été faite plus tard, c'eft-à-dire du . temps d'Adrien, plus de trente ans après la mort de Pline. Alors il y avoit à Rome nombre d'artiftes Grecs excellens , que le gout de cet empereur pour les • beaux arts, & la protection qu'il leur : accordoit, y avoit attirés. Les ftatues & buftes d'Antinous , qui font de ce temps , vont de pair avec tout ce que l'antiquité a produit de plus beau. A quoi on peut ajouter que cette ftatue a été trouvée à Tivoli ou dans les environs , d'oii l'on tire encore plufieurs ftatues admirables d'artiftes Grecs. On Ï96 Mémoires d'Italie. ^ en peut juger par les deux centaures dft cardinal Furietti, qui ont été tirés des ruines de la villa Adriani fous le pontificat de Benoît XIV , qui font entièrement confervés ôc du plus beau travail ; cependant l'ouvrage eft fi beau, d'une fi grande délicatqÉfe , il a l'air tellement original, que plv* on l'examine, plus on eft porté à croire que ce chef-d'œuvre a échappé aux recherches de Pline, Se que c'eft véritablement un antique grec des plus beaux temps de la fculp» ture. A la droite de la Vénus Medicis, fur un piédeftal un peu moins élevé, eft la Vénus victorieufe, ainfi appellée de la pomme qu'elle tient à la main; elle eft beaucoup plus grande que nature, ce qui fait paroître la Vénus Medicis plus petite. Par derrière, il lui pend des épaules une draperie négligemment jettée, qui def-cend jufqu'aux talons ; le devant de la fta. tue eft abfolument nu : on croit que c'eft la Vénus de Phidias que l'on confervoit au belveder à Rome , Ôc que le zèle de la religion fit jetter dans le tybre. On ne fait pas çn quel temps fe fit cette dévote expédition; mais ErcoU Fçrrata% pon fculpteur vivant en 1677, avoit un 1 plâtre qu'il regardoit comme modelé d'après la Vénus de Phidias que l'on croyoit perdue. Il vint à Florence, vit la ftatue dont je parle mal reftaurée , 6c couverte en partie d'une draperie maladroitement pofée. Malgré tant de difformité , il crut reconnoître l'original antique du modèle dont il étoit poffef-feur; il le fit venir de Rome, le compara , & porta fes conjectures au degré de l'évidence même : il reftaura la ftatue dans l'état où elle devoit être , Se où elle eft à préfent. A gauche eft une autre ftatue de femme , aufti d'une grande beauté, ap-pellée la Vénus célefte ou pudique. De la main gauche elle foutient une belle draperie qui la couvre plus haut que la ceinture ; le refte du corps eft nu. La main droite eft élevée au-deffus du front, 6c paroît toucher une touffe de cheveux annelés, rangés d'un goût différent du refte de la coiffure. Elle a la tête ceinte d'un réieau ou diadème qui a été autrefois colorié en rouge Se or , 6c dans lequel il refte quelques cavités qui prouvent qu'il a été enrichi de pierres précieufes. Dans le bras droit elle porte le bracelet ou cefte. Tous les antiquaires s'accordent à dire que c'eft une Vénus , cependant l'air de modeftie répandu fur toute la ftatue , le diadème qu'elle a fur la tête , le cefte qu'elle porte au bras, ce toupet qui pourroit bien être une flamme , fymbole de l'air, permettent de conjecturer que ce peut être une ftatue de Junon, déeffe de l'air. Le faune qui danfe, eft une des plus belles ftatues antiques qui ayent été confervées; il efl entièrement nu , de là plus belle exprefîion de mouvement Ôc la plus animée ; il tient des cymbales dans les deux mains, 6c les frappe l'une contre l'autre. La tête 6c les bras ont été reftaurés par Michel-Ange , de façon à ne pas faire regreter l'antique. Lorfque cette ftatue fut rétablie, l'opinion commune Fattribuoit à Praxiteie, plutôt fur la perfection de l'ouvrage , que fur aucune preuve certaine. Le marbre qu'on y a employé eft de la plus belle couleur ; il y a feulement quelques taches au vifage , occaiionnées par les plâtres que l'on y a appliqués en différens temps pour faire des moules : ce que l'on ne permet plus à préfent. L'aiguifeur Arroùno , ftatue célèbre qui tient de la main gauche un couteau à un tranchant, qui eft pofé fur une jpierre ; 6c appuyé par deux doigts de Grand Duché de Toscane; 199 la main droite ; il eil entièrement nu , dans une attitude gênée, ni à genoux , ni aiïis , on pourroit dire accroupi ; le corps un peu penché en avant, parce eju'il a ion point d'appui fur la main gauche. On prétend lui trouver un air occupé de toute autre chofe que du foin d'aiguiiër fon couteau ; effectivement il a la tête tournée , ôc ne regarde ni la pierre , ni le couteau ; fon air d'attention ne marque point de fi nèfle, ôc tous les traits indiquent un efprit épais \ la tête cependant efl traitée de la meilleure manière ; la chevelure efl courte, négligée ôc rude, mais faite avec la vérité de la nature même. Les uns ont prétendu que cette flatue avoit été érigée par ordre du fénat à un aiguifeur de profefïion, qui, occupé à fon métier , avoit entendu le plan de la conjuration de Catilina qu'il avoit découverte ; mais Saluflc dit au contraire que ce fut Cu-rion, confident de Catilina , qui en découvrit toute la trame à Fulvia, dame Romaine.... D'autres prétendent que c'eil la flatue de Milicus , efclave ou affranchi de Scevin , qui découvrit la conjuration que fon maître avoit formée contre Néron____ Enfin on dit que c efl l'augure Attius Njevius ; prêt à. fen- Iiv 200 Mémoires d'Italie. dre un caillou avec un rafoir ou un couteau devant Tarquin l'ancien. Ce qu'il y a de certain , c'eft que la ftatue tient un couteau ordinaire, & non un poignard ou un rafoir; que la pierre même fur laquelle il eft pofé, eft im caillou brut fort inégal , ôc qui ne reffemble en rien à une pierre à aiguifer; ce qui fem-bleroit donner quelque vraifemblance à la dernière opinion , s'il étoit honnête de repréfenter un augure nu , qui n'a qu'une légère draperie qui couvre à peine une partie des épaules ; mais les artiftes Grecs repréfentoient même les empereurs nus. J'ai déjà eu occafion de parler de plufieurs ftatues de ce genre tout-à-fait nues. Les lutteurs , groupe excellent de grandeur ordinaire y traité avec feu : l'un femble vaincu ; fon adverfaire lui tient une main Ôc un genou appuyés fur le flanc ôf fur les épaules, Ôc de l'autre main il lui éloigne du corps un bras qu'il met hors de combat ; ce bras même paroît être diiloqué : cependant celui qui fuccombe a le vifage tourné du côté de fon antagonifte , ôc a une jambe levée comme pour faire un nouvel effort pour fe tirer de la gêne où il eft, & culbuter fon adverfaire : il y a une. Grand Duché de Toscane. 201 force d'exprefîîon ôc une vérité admirable dans l'attitude de ces deux com-battans. Ce beau groupe fut trouvé en terre, hors de la porte S. Jean de Rome, à la fin du treizième fiécle. % Autour de la tribune règne une corniche faillante à une hauteur proportionnée à l'ordre, fur laquelle font placées plufieurs petites ftatues antiques du meilleur choix, Ôc de la plus belle exécution. Deux enfans couchés de femblable taille, c'eft.-à-dire d'environ deux pieds de proportion ; l'un étendu fur une draperie , dont l'extrémité rattachée comme un fac lui fert de chevet ; il tient à la main droite un paquet de pavots ; près de fa tête efl un infecte qui peut être un grillon. Lautre couché fur la terre a la tête appuyée fur un lionceau endormi ; il tient de la main gauche quelques pavots ; les ailes qu'il a aux épaules font pliées, de même que celles qu'il porte à la tête , ôc qui font plus petites ; à fes pieds efl un lézard endormi ; il paroît que l'un repréfente le fommeil, l'autre Morphée. Britannicus , flatue haute d'environ trente pouces, d'une excellente manière, yêtu de la robe que portoient les jeune* loi Mémoires d'Italie; Romains avant que de prendre la toge virile; elle eft d'un marbre prelqu'aurTï noir que le Bafaltc, tirant fur la couleur du fer____Deux cnfans placés vis-à-vis l'un de- l'autre , tenant tous deux clans la main gauche un oifeau de rivière ____Hercule enfant , qui fort de fon berceau pour tuer deux fcrpens.... Bacchus , grimpant contre un rocher pour attraper quelques grappes de raifm qui pendent d'une vigne ; il les tient de la maïn gauche , ck fait effort pour les arracher ; il a l'air fatisfait ck joyeux ; de la droite il tient une coupe----Un Silène aftis qui fe foutient fur fon bras-gauche , à peine il ouvre fes yeux appelants; il raffemble toutes fes forces pour porter à fes lèvres une ta fie pleine de vin , qu'il ne peut pas rencontrer ; c'eft la repréfentation la plus vraie d'une profonde ivrefte : la chauffure eft le vé-r'iïzblçjbccus d'ufage dans l'ancienne comédie. Outre ces ftatues , il y a plûfteurs buftes antiques de petite proportion j parmi lefquels on remarquera ceux de Néron dans fa première jeuneffe , de Marc-Aurele, de Livie, de Cléop^tre, de Vitclbus, deTrajan; mais ce qu'il y a d'admirable pour le travail ck pour la v \ Grand Duché de Toscane. 103 matière , ce font quelques têtes de plein relief formées de pierres précieufes, en-tr'autres, un jeune Tibère d'une tur-quoife orientale, de trois pouces de hauteur----Titus ôc Sabina en agathe-far- doine... Domitia en enflai de roche-Adrien , d'une calcédoine orientale blanche.... Un bufte de femme bien proportionné , haut de fix pouces , d'un iéul morceau d'agathe.. . Melicerta fur lin dauphin , d'une calcédoine... Plufieurs autres têtes de différentes grof-feurs, faites de grenat de cornioles, de criftal de roche , ôc d'un très-beau travail. ... Les bronzes entremêlés parmi ces différentes-ftatues , font antiques ôc d'un beau choix ; quelques-uns même font précieux par la rareté... Plufieurs bulles de Bacchus, Silène, Faunes ôc Satyres , du plus beau travail grec... Jupiter, Efculape, Vénus dans l'attitude de la Medicis , ôc avec les mêmes attributs , Cybele... Deux groupes d'Hercule, la défaite d'Anthée Ôc celle du lion Néméen.. . Une Diane Polimma-ma , ligure linguliere que l'on peut regarder comme un petit panthéon portatif, parla multitude d'attributs durerons qui font ralfemblés autour d'elle, ôc qui prouvent que c'eft une ancienne idole à Ivj 204 Mémoires d'Italie, Pufage de quelque maifon particulière • Fidolâtrie avoit fes dévots ôc fes fuperf-titions.Un lion qui déchire un cheval r bronze antique d'une délicateffe de travail admirable , ck d'une vérité d'èxpreûion qui le fait distinguer de tout autre.Un coq antiquedans l'attitude de fe battre, figure très-rare , Ôc qui prouve que les Romains ôk les Grecs ont eu le goût qui. fe conferve encore en Angleterre... Une petite flatue pref-que tout-à-fait nue , tenant fous le bras gauche un infiniment qui reflémble à un violon, ck de la droite un archet ou petit bâton; elle efl dans l'attitude de marcher. C'efl probablement un Orphée qui va chercher Euridice aux enfers.... Un autre groupe précieux, compofé de deux figures. ; l'une coiffée d'un oifeau de rivière , dont la peau lui recouvre: les épaules. Elle a le genou gauche appuyé fur l'épaule de la féconde figure quiefl à demi couchée, Ôk tient une urne remplie d'une liqueur qu'elle veut lui faire avaler. Ces deux figures font d'un travail gracieux Ôk fini. Celle qut efl couchée a des ailes > Ôk reffemble à un génie que l'on croit être celui de Naxos, auquel Bacchus veut faire boire du vin, fymbole de l'attachement qu'il Grand Duché de Toscane, 20? avoit pour les peuples de cette ifle où ion culte étoit en honneur. 29. Les tableaux qui enrichirent cette tribune, que Ton peut regarder comme J le dépôt le plus riche Ôcle plus précieux qui (bit en Italie, ne font pas moins efli-mables que les belles chofes dont j'ai parlé. Deux tableaux de Raphaël, qui repré-fentent l'un 6c l'autre la Vierge, l'Enfant Jefus, oc le petit faint Jean ; ils font excellemment defîinés. On voit dans les airs de tête toute la fîneffe, l'expreffion,, les grâces «Se la vérité que l'on peut fouhaiter dans un pareil fujet ; mais le coloris en efl foible 6c bien inférieur à celui de la M'adona délia Sédia, qui efl au palais Pitti... Saint Jean afîis dans le défert, nu , la main étendue. On lui voit le vifage en face ; le coloris en eft beaucoup plus fort ; il eft de la troifié-me manière de Raphaël, 6c reffemble aux tableaux du même maître , qui font au palais royal à Paris, 6c au palais du légat à Bologne. Il femble que celui-ci foit peint plus fortement que les deux, autres : il eit excellent... Une Madone du Corrége, à genoux , admirant, les bras un peu étendus, l'Enfant Jefus qui efl couché devant elle. La, draperie qui couvre le corps de la Vierge eft finguliercment jettéc ; une partie lui fert de coiffure, & defeend de-là jufqu'à terre : c'eft fur le bout de cette draperie que l'Enfant eft couché , de forte que la Vierge ne peut faire le moindre mouvement fans renverfer l'Enfant. Ce tableau eft d'une fraîcheur admirable ; on y voit une beauté d'ex-■preftion, unctendrefTe de fentimensqui paffe jufqu'aux fpectateurs. Il n'exifte rien du Corrége aufli bien conferve... Une nymphe vue par le dos, à laquelle un fatyre préfente une corbeille de fleurs ; elle eft accompagnée de deux enfans. Les figures font de grandeur naturelle , vues jufqu'aux genoux. Ce tableau eft d'Annibal Carrache , peut-être le meilleur qu'il ait fait... Un autre petit tableau de la Vierge , par le même.. Le portrait d'André del Sarto', peint par lui-même , d'une excellente couleur... Une tête de vieillard, par PaulVeronefe, du plus beau colons, d'une force d'ex-prefîion &c d'une correction de deffein rares dans ce maître... Une Vénus de grandeur naturelle , ayant à côté d'elle un amour, très-beau tableau du Titien. On l'appelle fa femme... Au - dcffotis y fous une toile médiocre qui s'enlève y eft la célèbre Vénus du Titien , que l'on appelle la maîtreffe. La figure principale , éclairée par-tout, eft étendue fur un matelas blanc , ôc de la plus grande beauté. Elle repréfente une jeune perfonne nue , qui tient des fleurs de la main droite , tk qui biffe aller négligemment la gauche fur ce que la pudeur couvre toujours. L'air de tête, les pieds, les mains , la carnation font d'une pureté de defTein èk d'une beauté de pinceau inexprimables. Au pied de la Vénus eft couché un chien épagneul ; dans le fond eft une petite figure qui paroît chercher des habits dans un coffre. Ce tableau eft un chef-d'œuvre du Titien, Ôc de la plus belle confervation... Un autre tableau couvert , qui repréfente une Vierge qui reçoit par - defiûs l'épaule l'Entant Jefus de faint Jofeph. Dans le fond font plufieurs figures nues , qui fans doute devroient être- des Anges , mais qui ne font pas achevées. Ce tableau eft de Michel-Ange; il y a des beautés dans les draperies ÔC une grande force de deffein , mais qui n'ôte rien à l'agrément. ,. Un petit tableau du Parmeian, qui repréfente la Vierge les mains jointes , ôc l'Entant Jefus à côté d'elle ; excellent, de la plus belle couleur ôc d'un * îo8 Mémoires d'Italie. beau caractère... Une Vierge de lama» niere gracieufe du Guide, très-bien deffinee... Une Cléopatre dans la manière forte du même. . . Un finge qui peigne un enfant, beau tableau du Tintoret. .. L'ivreffe de Silène , petit tableau de Rubens , de la plus grande beauté de couleur , ôc bien defliné... Une tête d'homme, par le Giorgion... L'adoration des bergers, figures d'environ un pied de hauteur , par Vander-verf, d'un beau deffein, d'un coloris excellent, trop fini comme tous les ouvrages de ce maître, cependant l'un de fes meilleurs pour la beauté de l'ex-preftion ôc du deffein... J'aurois pu allonger ce détail, en citant une quantité d'autres tableaux excellens qui font dans cette tribune ; mais j'en dis affez pour apprendre que l'on y a raffemblé des tableaux des peintres les plus célèbres des différentes écoles , du meilleur choix, ÔC tous admirablement confervés.... La forme de ce falon eft en octogone régulier; au-deffus eft unattique, dans lequel font ouvertes fept grandé&fenê-tres ; les ornemens font riches ôc de bon goût. La coupole a huit pans , ôc levêtue de pièces de nacre de perles Grand Duché de Toscane. 10$ rangées par compartimens. Le pavé, qui eft de marbre de rapport, répond a la diftribution de la coupole. On y voit au milieu une table de marqueterie , aufli à huit pans , ornée d'une guirlande de fleurs , ôc au milieu les armes de la Tofcane ôc de la Rovere , accol-lées, parce qu'elle frit faite fous le règne du grand duc Ferdinand II. On voit encore dans ce falon un cabinet d'un travail admirable , où l'on a employé les matières les plus riches ; les entablemens, les maflifs , ôc tout ce qui eft plein, eft formé de différens jafpes mêlés avec les bois étrangers les plus précieux. Les colonnes font de lapis lazuli ; les chapiteaux, les corniches , les moulures font en or ou en pierres précieufes , & on y voit plufieurs petits bas-reliefs en or, faits fur les defléins de Jean de Bologne. Au-deffus eft une perle d'une belle eau , d'une groffeur prodigieufe. Dans deux armoires cachées, font des taffes, des foucoupcs , ôc d'autres vafcs de différentes formes ôc grandeurs, d'agathe orientale , de jafpe , de crif-tal de roche, de lapis lazuli, ôc d'autres pierres précieufes , tous de belle forme j montés en or avec des orne- mens très-ingénieufcment imagines tic exécutés du meilleur goût. La beauté 1 & le prix de ces bijoux étonnent. Huitième 3 o. La huitième chambre porte le nom ambre de c|e l'Hermaphrodite, de la ficure princi- ' te. pale qui y eit. Elle eit de grandeur naturelle , couchée fur un matelas recouvert d'une peau de lion , qui eit antique de même que la draperie, que l'hermaphrodite a tortillée autour du bras gauche. Cette flatue a bien réellement le vifage Se la gorge d'une femme ; le fexe mafculin y efl marqué d'une manière forte ; l'autre fexe paroît à peine... On fait que les Grecs , qui donnoient à tous les êtres une origine céleile , firent de cette efpece informe la production de Mercure & de Vénus (a). (a) Ainfi appellée de Bp/*»ç Mercure, & /!cppo Maacham marrem fuam amovit, ne effet princeps in fa-cris Priapi. .. Hyeron. in cap. iv, Ofear.... La même chofe eft en termes exprès au chap. i ç du liv. $ des Rois, ... Virgile , toujours charte & mode/le , ne fait de Priape que le dieu gardien des jardins, ......Priape. . ; ........cuflos es pauperis horti , Nunc te mdrmoreum pro tempore fecimus : at tti Si fœtura gregem fupplererit aureus efio... .Virg. Eglog. vu. encore dans cette collection le premier ouvrage du cifeau de Michel-Ange, qui eil une tête de fatyre qu'il fit à l'âge de quinze ans , èk qu'il préfenta à l'académie qu'avoit établie Laurent le magnifique , à laquelle il fut aggrégé dès-lors , avec une diflinction marquée de la part du protecteur, qui l'admit à fa table , ck lui aiiigna une penfion. Dans cette chambre font deux armoires faites en forme de médailler, êk pleines de planches couvertes de velours noir, avec des moulures d'argent, fur chacune defquelles font rangés plufieurs portraits en miniature très - bien peints , ck qui fervoient à orner la cellule du cardinal Léopold de Medicis pendant fes conclaves... Il y a, je crois, foixante planches, fur chacune defquelles font cinq , fept, êk quelquefois neuf tableaux différens... Que l'on juge par cet échantillon de la magnificence êk du goût de ce prince pour les beaux arts. Suite de la 31 • La fuite des médailles qui eil çon-gaicrie. fervée dans une autre chambre, eil l'une des plus confidérables que l'on con-noiffe. On dit que l'on y en compte f douze mille , au nombre defquelles -quantité de médailles grecques en grand bronze,.toutes très-rares... Le nombre \ Grand Duché de Toscane, i i Ç des camées 6c pierres gravées eft d'environ trois mille , parmi lefquelles on en voit plufieurs d'un travail excellent. Le Marc-Aurele 6c la Fauftine fur une «igathe orientale... Marciana, feeur de Trajan , dont les médailles font fi rares , eff gravée fur une belle fardoine. On y trouve une fuite prefque completre des empereurs, de leurs femmes ?< & de toutes les oerfonnes de leurs familles qui ont porte le titre d'augufles... Plufieurs figures égyptiennes ôc grecques, .gravées fur des pierres précieufes... Jupiter avec le Soleil tk. la Lune... Paris affis , jouant de la lyre ; tous deux fur des cornioles... La pièce où font ces médailles, eft décorée de plufieurs tableaux des meilleurs maîtres. On voit dans une autre falle une grande quantité de vafes etrufques , de toutes fortes de formes... Par ce détail on peut juger de la richefîe de cette .collection , à laquelle rien ne peut être comparé dans ce genre, tk qui pour un amateur cit. l'objet le plus digne decu-.riofité qui exifle en Europe. Ces richeffes furent raffcmblécs dans un temps oii les Medicis ayant fait .une fortune conlidérablc dans le commerce du Levant, avoient un état ôc un crédit qui alloit de pair avec celui des fbuverains de leur iiécle. Ce font eux qui les premiers ouvrirent les yeux fur les beautés des itatues antiques ; car ils réunirent prefque tout ce qui étoit connu de leur temps , au moins ce que l'on jugeoit le plus parfait. On fait même que fatigués en quelque forte de la quantité de chofes qu'ils poffédoient en ce genre , ils négligèrent de l'augmenter encore plus. Laurent le magnifique, que l'on peut regarder comme le Mécène qui a le plus contribué au rétablif-fement des arts & des lettres dans fa patrie, après avoir raffemblé en affez grand nombre les itatues , les bas-reliefs antiques , & les tableaux des meilleurs maîtres alors connus, avoit établi une école de peinture & de fculpture dans fes jardins , ou étoient une partie des itatues qui fe voient dans la galerie. C'eft-là que s'eft formée l'école de Florence fur l'étude de l'antique. Il entrete-noit les jeunes étudians, afin qu'ils n'euf-fent à penfer à autre chofe' qu'à fe perfectionner ; il admettoit même à fa table ceux qui fe diftinguoient le plus. Lorfque Pierre de Medicis fon fils fut chaffé de Florence en 1494, ce tréfor fut vendu à l'encan êk difperfé ; mais en 1512 les Medicis ayant repris le deffus, ôc étant rentrés dans leur patrie avec un crédit ôc une autorité qui les conr duifit au pouvoir fouvcrain , ils raftem-blcrent la plus grande partie des itatues Que les acquéreurs leur rendirent volontairement. Ils eurent plus de peine à retrouver les manuferits que Jean Laf-caris avoit raffcmblés en Grèce ôc en Orient aux frais de Laurent le magnifique, qui l'y avoit envoyé avec des lettres de recommandation pour Baja-zet II, qui féconda parfaitement les vues de Laurent, ôc procura à Lafcaris toutes les facilités pour faire une récolte abondante. Il n'en refte que ce qui forme une partie de la bibliothèque Medicis à faint Laurent, plufieurs ayant été perdus. Un grand nombre ayant paffe en France avec Catherine de Medicis, furent mis dans la bibliothèque que François I commençoit à former. Les richeffes des Medicis ayant augmenté avec leur puiffance, Se ayant conferve le même goût pour les beaux arts, ils portèrent leur collcêlion au point où elle eft: à préfent, Se ils n'épargnèrent rien pour la rendre la plus confidérable ÔC la plus précieufe de l'Univers. Ils pouffèrent ce goût au point de dépouiller des monu-Tome IIJ, K * 2.18 Mémoires d'Italie. mens publics. Un cardinal de cette maifon fit enlever les têtes des ftatues qui font à l'arc de Conftantin à Rome , pour les tranfporter à Florence , êk ces ftatues font reftées mutilées jufqu'au pontificat de Benoît XIV , qui les a fait reftaurer. Ils ont eu foin d'y raffembler les meilleurs tableaux des plus excellens peintres , les chef-d'œuvres dans tous les genres d'induftrie, êk on fuit encore actuellement leur intention, en augmentant tous les jours la collection de quelque chofe de nouveau, foit en peinture, foit en fculpture, mofaïques , ou autres effets de ce genre. Plufieurs particuliers ont à Florence des collections précieufes en marbres antiques , bronzes, tableaux ck deffeins. J'ai oui beaucoup vanter celle du marquis Nicolini, que l'on dit être, après celle du grand duc , une des plus belles 6k des mieux choifies ; mais il ne m'a pas été pofîible de la voir, le poffeffeur étoit à la campagne, êk ne vint point à Florence pendant le temps que j'y paffai. En général, il n'y a prefque aucune maifon de quelque importance , où l'on ne trouve des ftatues èk des tableaux qui méritent l'attention des curieux. Ces fortes d'effets font une riçhçffe réelle dans ce pays, comme dans toutes les autres villes principales d'Italie. Les poffeffeurs les confervent avec foin, à moins qu'un très-grand dérangement dans les affaires domeftiques n'oblige à les vendre, ou qu'ils ne paffent dans d'autres familles par fuccefiions ou mariages, ce qui n'arrive jamais que lorfque les mâles viennent à manquer dans les maifons. Gouvernement politique de Florence & de la Tofcane. \ 2. Quand la ville de Florence , pour cJoaTcrne-mettre fin aux divifions qui l'aeitoient .ment- Tlj-depuis fi long-temps , le détermina a juftice. ro-reconnoître les Medicis pour fes fouve-licc-rains , elle fe conferva quclgucs privilèges qui la fiffent au moins iouvenirde fon ancienne liberté. Le fénat compofé des chefs des principales familles Florentines , fut maintenu en apparence dans prcfque tous fes droits; mais il n'eut plus la liberté de s'affembler auffi foif-vent qu'il lui plairoit, & de traiter des affaires du gouvernement. Ce droit fut réfervé aux grands ducs, qui à la vé-» rite ne firent rien fans le coniulter f mais dont la volonté fut toujours la loi dominante. Peu de fouverains furent Kij no Mémoires d'Italie. plus attentifs au bien du pays fournis à leur domination r que les Medicis. Riches par eux-mêmes , ils n'accablèrent pas d'impôts leurs nouveaux fujets ; ils n'en tirèrent que ce qui étoit néceffaire à la fureté du pays , ôc à l'entretien de la dignité dont ils étoient revêtus , 6c qui étoit reconnue héréditaire dans leur famille. Après l'extinction de cette maifon, lorfque François duc de Lorraine eut acquis le grand duché, par la cefîion que lui en firent les héritiers de la maifon Medicis , il laiffa le gouvernement fur le même pied ; il y établit feulement un miniftre plénipotentiaire, avec le titre 6c l'autorité de gouverneur dépo-fttaire de fa puifTance, mais qu'il ne pourroit exercer arbitrairement. Ce miniftre eft à la tête de tous les confeils auxquels il préfide, dont le premier eft le confeit fuprême d'état de régence ÔC de guerre , formé par le gouverneur , trois fecrétaires d'état pour les affaires intérieures de la Tofcane, la guerre ôc les affaires étrangères qui y ont rapport, ôc deux fecrétaires de ce confeil. Pour les affaires purement eccléfiaftiques , il y a un théologien de la régence que l'on confulte, ou que Grand Duché de Toscane, ni l'on appelle iliivant l'exigence des cas , mais qui n'a point droit d'entrer. Ce confeil s'afTemble une fois par femaine dans le palais du fouverain. Les affaires ordinaires , même celles de finan-ces qui ont rapport aux intérêts de l'em-pereur comme grand duc de Tofcane, traitent chezle gouverneur, où font obligés de fe rendre tous ceux qui doivent y répondre. Les autres gouverneurs particuliers , ou commiffaires re-fidans à Livourne , Pife , Sienne, ÔC autres places de Tofcane , font fubordon-nés au gouverneur général de l'état, ôc ont leur correfpondance directe avec lui , ou avec le confeil fouverain de régence (#). Il y a un autre confeil, appelle le confeil des deux cents , qui forment un corps de magiflrature municipale , oit les feuls chefs des familles Florentines ont droit d'être admis. Il s'afTemble fix fois par an de deux mois en deux mois, (a) Outre un nonce apoftoliaue réfidant à Florence , les différens états de l'Europe y ont des miniltrcs chargés de leurs affaires. Le miniftre de France en 1761 étoit le comte Lorcnzi , Florentin , homme fort honnête êC très-obligeant, c'é-toit de voir toutes les places utiles , même les plus fubalternes, occupées par une multitude d'étrangers, qui ne fon-geoient qu'à s'enrichir aux dépens dit pays. Mais les chofes ont totalement changé, le gouvernement fage 6k exact. $lu maréchal marquis de Botta a rendu Grand Duché de Toscane. 11$ la confiance aux peuples, Ôc tous les avantages qu'ils pouvoient efpérer. Sans autres intérêts que ceux de la juftice qu'il doit, ôc du fouverain qu'il représente , cet homme, vraiment refpecta-i>le, s'eft attiré l'eftime, la confiance , ôc même l'attachement de toute la Tofcane. Il n'a d'autres créatures attachées à fa perfonne que les différens officiers qui remplirent le mieux les devoirs de leurs charges, pour lefquels il choifit des gens d'un mérite reconnu, ÔC les Tofcans de préférence à tous les autres. Les chemins font bien entretenus, il encourage l'agriculture ôc tous les arts utiles , il n'a en vue que le bien général du pays ; c'eft la juftice qu'on lui rend par-tout. A Florence, on auroit fouhaité qu'il eût été moins attaché aux prérogatives de fon rang , qu'il eût rendu fa maifon plus agréable ôc plus vivante ; mais ce feigneur élevé dans le férieux de la cour de Vienne , habitué à une étiquette exacte, toujours occupé d'affaires in-téreffantes , dont il avoit l'hab tude depuis long-temps ; accoutumé à la gravité de la repréfentation , déjà âgé , d'une piété foiide, chevalier de Malte,. ÔC croyant qu'en cette qualité il étoit Kv n6 Mémoires d'Italie. obligé à plus de circonfpe&ion que dans; un état libre de tout engagement religieux , il n'eft pas étonnant qu'à plus de; foixante - douze ans un homme de ce rang , avec cette façon de penfer, n'aimât pas les affemblées ck les fêtes de-pure galanterie : car pour tout ce qui étoit d'étiquette,. pour toutes les fêtes d'ufage , il s'y portoit avec la plus grande magnificence. J'ai vu fa maifom ck fa table ouvertes à tous les étrangers, qui lui avoient été préfentés ; ils y étoient reçus de la manière la plus obligeante; ils y faifoient très-bonne chère, ck y étoient bienfervis. La compagnie y étoit choiiie , d'ordinaire férieule, mais, inftruètive , 6k dès-lors utile aux voyageurs. La reconnoiffance m'oblige en-, cbre à ajouter que fes attentions pour les étrangers étoient foutenues. Il con-noiflbit parfaitement Florence , 6k tout ce qu'il ya.de curieux 6k d'intérefïant ck il donnoit des ordres précis pour que* Fon pût tout voir 6k examiner librement.. U éft vrai qu'il fe faifoit rendre-compte de ce que l'on avoit vu, Ôk dès ■ qu'il étoit fatisfait dés détails dans lef-qu'els on entroit avec lui, on acquéroit de nouveaux droits fur fes attentions:: jfai eu plus d'une occafion de l'éprouver». Grand Duché de Toscane. 227 \SArno, petit fleuve qui defcend de l'Apennin,traverfelayille de Florence, & la divife en deux parties inégales ; il efl fujet à des inondations fubites 8c" qui font très-fortes. Au mois de Novembre 1761 il s'éleva en huit heures de temps , de huit pieds au moins au-deffus de fon niveau ordinaire , par rapport à la ville ; il paffa par-defîïis les quais ; non-feulement le rez-de-chauffée de toutes les maifons qui l'avoifinent fut inondé, mais dans la plus grande partie des rues de la ville il y avoit de l'eau à la hauteur de deux pieds. On craignoit beaucoup pour les ponts, qui réfifterent à la force de l'eau , & ne furent point endommagés. Je fais témoin des attentions du maréchal, & des ordres qu'il donna dans cette occalion, pour empêcher que les ponts ne s'en-gorgeaffent, & pour faciliter, autant qu'il étoit poffible, l'écoulement des: eaux. Ses foins réuffirent , il n'arriva rien de fâcheux ; le peuple de Flerence n'en eut que la peur, & les eaux s'écoulèrent prcfqu'aufii vite qu'elles étoient arrivées. Le lendemain les rues furent pleines de pénitcns de toutes couleurs pour obtenir du ciel la ceffation du fléau ©t la férénité de Y air. 11 eil vrai qu'ils ne 21$ Mémoires d'Italie. commencèrent leurs pieufes- marches , que lorfque l'eau retirée des rues leur permit de les parcourir librement, êk d'aller d'une églife a l'autre. Pour revenir à l'adminiifration du maréchal de Botta, il eft certain qu'il a. heureufement difpofé la Tofcane à jouir des douceurs 6k des- avantages qui feront attachés à la préfence du nouveau fouverain qui lui eft deftiné. On dit qu'il eft allé à Vienne remercier. l'cm«-percur de la confiance qu'il lui avoit accordée, 6k lui demander fon agrément pour fe retirer à. Pavie fa patrie:,, ck S* paffer tranquillement le refte de fes-jours.; réfolution digne.d'un homme fage , qui fait qu'il faut mettre un intervalle entre le tumulte des affaires 6k l'inftant de la-mort. Il fera ,.dit-on,.remplacé par le comte Firmian, chevalier de la toifon d'or , miniftre plénipotentiaire de l'impératrice reine dans la. Lombardie Autrichienne, qui certainement fuivra les- traces de fon prédé-ceffeur dans- tout ce qui regarde la gloire du fouverain , le bonheur êk lès avantages des peuples confiés à fon. ad--minift ration. Les impôts qui fe payent au fouve-aain6k que l'on m'a. affuré. monter à Grand Duché r>e Toscane. 129 dix-fept millions de livres de notre monnoie, fe lèvent fans beaucoup de fiais. Il y a des bureaux établis à Florence, tk dans toutes les villes principales , où les contribuables viennent eux-mêmes apporter leurs taxes. Malgré l'empreflément des Lorrains à fe faire des établiffemens dans la Tofcane, on n'y a pas multiplié les prépofés à la perception des droits du fouverain. Les douanes ne font pas-incommodes dans, cet état ; il y a des commis établis à l'entrée de Florence, de Livourne, & de quelques autres villes principales , qui font payer les droits dûs par les marchands , mais qui inquiètent peu les voyageurs. En général, on voit qu'il y a beaucoup d'ordre dans cette partie de l'adminiilration, tk même que les peuples ont conferve quelques-uns des privilèges dont ils- jouiffoient dans les temps les phis heureux de la république. 3 3. L'extérieur de la religion n'a rien Moour* de bien frappant à Florence ; les églifes r quoique In plupart d'une belle conf-truciion , n'y iont pas décorées avec autant de. magnificence qu'a Bologne , Milan , Gênes tk Rome. Les eccléfiafli-G|iies y font -.rès-multiplies , tk y jouif-fènt.de peu de coniidération, à l'excep- f$o Mémoires d'Italie. tion de quelques corps qui tiennent le premier rang , comme le chapitre de la cathédrale , celui de faint Laurent collégiale ; ôc en vérité ce font les revenus, dont ils jouilTent,les prérogatives attachées à leur état, ôc leurs droits , qui leur donnent cette confidération. Ils y vivent avec autant de liberté que dans le refte de l'Italie. Le fervice divin fe fait à la cathédrale avec décence Ôc fouvent avec pompe. Le peuple ne paroît pas avoir cette dévotion fuperftitieufe que l'on remarque dans plufieurs autres villes de l'Italie. Ce n'eft pas qu'il foit plus inftruit, c'eft qu'il eft plus indifférent fur quantité d'objets qui frappent plus vivement dans d'autres lieux, ôc; auxquels on a plus d'attachement. Il y a en général une liberté de mœurs à Florence, qui probablement n'a pas été le premier état de cette ville, mais qui s'y eft établie infenfiblement par l'exemple des étrangers, ôc fur-tout des Anglois qui y font en grand nombre, ôc qui donnent le ton dans prefque tous les états. Ils font beaucoup de dépenfe, la plupart ne fongent qu'à s'amufer : ceux même que les affaires de commerce y attirent, fe conduifênt de même, ôc ont des relations fort étendues dans. Grand Duché de Toscane. iyr-une ville dont le Séjour eft très-agréable pour eux, tk où leur opulence leur, donne beaucoup de confidération. On peut dire que les Florentins ont naturellement de l'efprit, de l'agrément Se de la politeflè dans le commerce ordinaire de la vie. Les perfonnes de la plus illuftre naiffance n'ont rien de cet orgueil'ridicule, de cette morgue affectée , que tant de leurs femblables regar- • dent comme la grande prérogative de leur état. On trouve chez eux de l'affabilité tk des attentions ; mais il ne faut pas compter fur autre chofe que fur beaucoup de complimens. Ils vivent chez eux de la manière la plus refferrée. Ils ont, comme dans le refte de l'Italie ,. des appartenons magnifiques que l'on-n'habite pas; de grandes cuiiines , où il eft rare d'allumer du feu ; des équipages qui ne fervent que pour aller à la promenade ou en campagne. Plufieurs même dans le premier rang y font très-habiles. Les Ruccellaï, les-.Antinori, les Nicolini, tk autres noms de ce poids , tiennent un rang diftingue parmi les favans ; & fans chercher à en faire parade, ils montrent dans les converfations beaucoup de connoiffan-ces.... Il n'eft pas à croire que la ja- 2}1 MÉMOIRES D'ITALIE. ( loufie régne encore parmi eux ; au moins; elle eft û bien cachée , qu'on ne peut même pas la Soupçonner. Les femmes y vivent avec une liberté entière ; elles font polies èk aimables dans la conversation. Accoutumées à vivre avec les étrangers, elles Savent les recevoir avec les attentions les plus gracieufes. Il y a plufieurs maifons ouvertes où l'on s'af-Semble tous les jours, où l'on peut les voir êk faire avec elles quelque connoif-Sance. Quand les théâtres font ouverts les loges doivent être regardées comme des lieux d'affemblée générale , où l'on eft reçu très-honnêtement à faire la con-verfation ; il ne s'agit que d'avoir une connoiffance qui veuille bien inftruire de l'état a&uel des intrigues, êk indir quer les loges où l'on fera le mieux reçu. Quant aux affaires de galanterie , elles font fi fort d'ufage, que l'on n'affecf e ait-«un myftere à ce Sujet. Toutes les fem-. mes ont leurs cicilbés qui ne les quittent point. Les Anglois tiennent parmi eux le premier rang : on en voit quelques-uns des autres nations; mais les femmes de Florence ne les prennent qu'autant qu'elles.nepeuvent pas enavoird'au-tres , parce qu'ils tiennent peu de temps, en place, li n'en eft pas de même dîuîu Grand Duché de Toscane. 23$ Anglois qui fe détermine à paflcr plufieurs années de fuite à Florence, fans autre motif que celui d'y vivre avec une femme qui lui plaît, èk qu'il fait promener dans toutes les villes d'Italie oh il y a fpecf acle , fêtes ck alTemblées ; ainfi on les voit aller de foires en foires , au carnaval de Venife , 6k par-tout ou ils croyent devoir s'amufer : plufieurs même achètent des maifons â Florence ou dans les environs, 6k y ref-tent très-long-temps. On a vu des An-gloifes s'y établir , 6k vivre avec les Florentins dans le même goût que les Anglois vivent avec les Florentines. Ces différens ufages varient le fpectacle, 6k animent un voyageur allez circonfpect pour n'y prendre aucun intérêt perfon-nel. Pour peu qu'il foit répandu , il eit bientôt au fait de toute la chronique. Les femmes elles-mêmes font d'une fran-çhife fingulierc fur cet article ; elles ne font aucune difficulté de raconter leurs intrigues, les voyages qu'elles ont fait avec leurs cicifbes, le nombre qu'elles en ont eu , 6c les qualités qui les ren-doient aimables. 34. Les fciences ont plufieurs beaux Scicr établiffemens à Florence. Je n'entrerai t&etcfc à ce fujet dans aucun détail j çe n'eft i34 Mémoires d'Italie. pas pour avoir vu les bibliothèques 6k les falles de l'univerfité, que l'on peut en prendre une idée fiiffirante pour en parler. Le garde principal de la bibliothèque de faint Laurent étoit abfcnt. lorfque je l'ai vue; on en difoit beaucoup de bien. M. Bianchi, garde de la galerie impériale , eft très-digne de la place qu'il occupe ; il entend parfaitement la partie de la littérature qui a pour objet l'étude des monumens antiques. Il eft le cinquième de fon nom qui occupe cette place. Son bifaïeul a beaucoup contribué à mettre en ordre cette immenfe collection , èk lui-même par la diverfité de fes connoiffances, eft très-capable d'achever ce qui refte à faire , pour porter l'ouvrage à fa perfection. J'ai parlé ailleurs de M. Menabuoni, bibliothécaire du palais Pitti. C'eft à Florence où il faut fe fournir de bons livres de principes pour étudier la langue Italienne. La peinture êk la fculpture n'ont point de grands maîtres qu'elles puiffent vanter ; je n'y ai vu que de bons coloriftes qui faifoient de belles copies des meilleurs tableaux de la galerie , quelques peintres de portraits qui avoient du mérite , ck qui travailloient en miniature êk en Grand Duché bs Toscane. 135 email avec la plus grande propreté. J'ai vu dans ce goût des copies charmantes des plus beaux tableaux de la galerie ôc du palais Pitti. Les Anglois forment des fuites confidérables de ces petits tableaux en miniature ôc en émail, qu'ils payent très-cher aux artiftes qu'ils em-ployent. Les montagnes qui font entre Florence ôc la mer au couchant, ont beaucoup de carrières de marbre ôc d'albâtre. On en fait des ftatues, des vafes ôc des ornemens de toute efpece , que l'on trouve aifément ôc à bas prix dans les magafins des feulpteurs. Ces morceaux iont copiés ou imités de l'antique , ôc la plupart très-bien exécutés. J'ai vu deux excellentes, copies de la Venus Medicis, de même grandeur que l'original, en beau marbre, bien trai-. tées, ÔC que l'on n'auroit pas vendues plus de cent piftoles la pièce. La difficulté du tranfport, qui ne fe peut faire que par mer, dégoûte les curieux, dont plufieurs ont perdu les acquittions qu'ils avoient faites, ou ont eu le chagrin de les voir arriver toutes mutilées, fans avoir la facilité de les faire reftaurer. La gravure fe perfectionne tous les jours à Florence. On connoît les grands 136 Mémoires d'Iitalie. èk magnifiques recueils faits d'après la galerie , ck qui en peuvent donner une* idée. On a gravé avec goût les principales vues de la ville ck des environs ; les particuliers même qui ont des collections de tableaux êk d'antiques, les multiplieront ck les feront pafier chez les étrangers par le moyen de la gravure. Quant à l'architecture , il y a peu de villes en Italie 011 elle fe foit mieux con-fervée dans le vrai goût, êk dans lano-blciTe êk la beauté de fes proportions, qu'à Florence. Elle y efl d'un féricux ck d'une régularité totalement oppofée à l'extravagance de goût, êk à cette manière grotefque que beaucoup d'architectes modernes , amateurs de la nouveauté , ont adoptée. Les bâtimens les plus nouveaux, quoique d'une manière moins févere, tiennent encore au bon goût, dont il femble que l'on n'ofepas s'écarter à Florence. Cette manière doit fon origine à Michel - Ange êk à fon école , qui ont adapté les bonnes règles au temps où ils ont vécu , êk à la pofition des citoyens pour lefquels ils bâtiffoient. Les Medicis , les Strozzi y les Salviati, êk tant d'autres illuflres habitans de Florence, étoient autant occupés de leur propre fureté, que de la décoration de leurs palais. Ils vouloient avoir des maifons d'un extérieur noble ck impofant, qui annonçaffent leur état diftingue , 6k qui puffent leur fervir de place de fureté dans les révolutions fréquentes qui arrivoient : de-là cette fo-lidité ck cette force dans les constructions , où l'on pouvoit s'arfembler en grand nombre, 6k fe défendre avec avantage. Ce font peut-être ces circonftan-ces qui ont empêché Michel-Ange ck fes élevés , qui connoiffoient certainement les beautés de l'architccf ure grcc-cjiie antique, de les imiter dans leurs édifices modernes, comme a fait depuis Palladio à Venife 6k à Vicence , dont la manière fi élégante 6k fi noble réunit l'agrément êk la beauté de l'antique avec l'aifance 6k la commodité de ce temps. Je n'ai rien remarqué de bien brillant dans les théâtres de Florence , ni pour la conftruction , ni pour la grandeur. On y repréfentoit avec beaucoup de vérité, ck le jeu le plus fimplc, les comédies de Goldoni. Les acteurs font toujours des marchands, des petits bourgeois de la ville, Ck quelquefois des artifans qui ont du talent pour le théâtre , 6k qui \ moyennant une médiocre 238 MÉMOIRES D'ITALIE. rétribution, repréfentent prefque tous les jours ; ils trouvent dans les magafins du théâtre les habits qui leur font nécelTaires. Une répétition ou deux fufHfent pour les mettre enfemble ; ils ne fe donnent jamais la peine d'apprendre leurs rôles qu'on leur foufHe d'un bout à l'autre. Ces gens font naturellement adteurs , & pour la vérité du jeu théâtral, il fuffit qu'ils ayent une idée de l'intrigue. D'ailleurs , comme je l'ai déjà dit, on va peu au théâtre pour fui-vre tk entendre la pièce ; il n'y a que le parterre tk quelques fixiémes loges qui y prennent intérêt. Entre les actes , on joue des intermèdes de mufique bou-fonne , qui d'ordinaire font bien exécutés ; on y mêle aufli quelques ballets, ce qui fait que le fpectacle efl bien rempli tk fort long. Les principaux acteurs que j'ai vu fur le théâtre de Florence, étoient un marchand bijoutier, fa femme tk un garçon de boutique. Le marchand , homme très-férieux dans fa boutique , étoit fur le théâtre l'arlequin le plus plaifant. Celui qui jouoit les rôles à manteau, ou les comiques férieux , ville très-ancienne de l'Ita-Edi- lie, que l'on croit avoir été fondée par les Grecs habitans de Pife en Elide , ou d'Olympia, 011 les jeux olympiques furent inftitués ; fut enfuite une des douze cités principales de l'Etrurie. Elle paffa avec le refte de l'Italie fous la puifTance des Romains , Se fut décorée par l'empereur Augufte du nom de colonie romaine , pour jouir de toutes les prérq- gativcs attachées à ce titre. C'étoit alors une ville très - confidérable, qui avoit un fénat & des magiftrats municipaux. Lorfque FEmpire Romain eut été renverfé par les barbares , Pife fe mit en liberté , & prit la forme républicaine. Le voifinage de la mer dont elle n'eft q^u'à deux ou trois lieues , fa fituation fur l'Arno, fleuve affez confidérable, & qui lui fervoit d'un port fur, où les galères pouvoient remonter & être à l'abri des orages & des corfaires, favo-riferent le commerce de cette ville, qui s'augmenta rapidement, & parvint à fe faire compter parmi les puiflances maritimes de l'Italie. Les Pifans firent fur les Sarrafins la conquête des ifles de Corfe & de Sardaigne , de Palcrme en Sicile , ôc de Carthage en Afrique ; ils donnèrent des loix aux ifles Baléares (a), &c furent en état d'entretenir quarante ga- (a) Ils tuèrent ilans cette expédition le roi de Majorque , qui étoit Mahométan , firent la reine fa femme prifbnniere , avec fon fils encore jeune , qu'ils firent élever dans la religion chrétienne, auquel même ils donnèrent un et-nonicat de leur cathédrale, & qu'ils renvoyèrent enfin occuper le trône de fon pere.. . fU-Thaël yolater. L y de Qçogra.... 248 MÉMOIRES D*lTALIE.. leres au fervice des croifés. Enfin Pifc étoit parvenue à un fi haut point de grandeur dans le douzième iiécle, qu'on la regardoit comme une des villes les plus puiflantes de l'Europe. Ce fut dans ce temps qu'elle fit conftruire ces édifices fuperbes qui fubfiftent encore , ÔC qui font dignes de la curiofité des voyageurs. Elle avoit alors la même étendue qu'aujourd'hui, mais elle étoit prodigieusement peuplée ; on y comptoit treize mille quatre cens feux, qui fe confèrent volontairement, à un fequin , pour la conftruction du baptiflere de faint Jean, qu'ils firent élever à leurs frais , 6e avec magnificence, eu égard au fiécle oii il fut bati. Dans le temps de la grande divifiorr des Guelphes oc des Gibelins , la ville de Pife fut tantôt du parti des papes, tantôt de celui des empereurs. Ces variations , 6c les pertes qu'elle fit dans les guerres qu'elle eut avec les Génois , commencèrent à diminuer fa puifTance. Le commerce ne s'y fit plus avec autant d'avantage 6c de liberté. Des tyrans s'élevèrent , qui prirent le nom de comtes de Pife. On voit encore la tour ou Ugo-lin de la Gherardefca , l'un d'eux , enfermé avec fes fils, mourut de faim. Jean Galeas Vifconîi, duc de Milan , en acheta la Souveraineté, qu'il ne conserva pas long-temps. Les Florentins , Soutenus de la faction des Gambacorta , s'en rendirent les maîtres dans le quinzième fiécle, ôc Laurent de Medicis y fonda une univerfité en 1472. Charles VIII, en allant à l'expédition de Naples , lui rendit fa liberté, qu'elle ne conferva qu'autant que ce prince fut en état de Se Saire redouter en Italie. Les Florentins la remirent de nouveau Sous le joug. Le nombre des habitans , les richeffes de la plupart d'entr'eux , y entretenoient encore quelque fplen-deur ;mais ayant voulu faire en 1609 quelques mouvemens pour fe mettre en liberté, les grands ducs de Tofcane prirent les précautions les plus féve-res pour n'avoir rien à craindre de la part des Pifans, qui depuis ce temps font tombés avec leur ville dans une forte d'anéantiffement qui va toujours croiffant. Les Souverains ont fait des efforts inutiles pour la repeupler, -ôc y rétablir les arts Ôc l'induilrie. Pour y contribuer, ils ont mis l'univerfité fur le pied le plus floriffant. Quant aux pro-, îeffenrs , ils y font au nombre de quarante-cinq pour les différentes facultés > Lv 250 Mémoires d'Italie. ayant à leur tête un grand chancelier ; qui eft ordinairement l'archevêque de Pile, un provifeur rendent, un auditeur général ôc un recteur, qui paiTent pour être tous d'un mérite diftingue. J'y ai vu en parlant monfignor Cirati 9 alors provifeur de l'univerfité , ôc grand prieur de l'ordre de faint Etienne, également recommandable par fon érudition , fa politeffe, êk la beauté de fon caractère. Cette univerfité doit fe fou-venir encore qu'elle a compté au nombre de fes profeffeurs en droit le célébra marquis Tanucci, aujourd'hui miniftre d'état du royaume de Naples... Malgré les privilèges accordés aux profefleurs ôc aux étudians , cette univerfité eft peu fréquentée , ôc n'a pas autant contribué à repeupler la ville , qu'on avoit droit de l'efpérer. oidre de 37* ^n 1561,'Cofme I, grand duc fai^Erien-de Tofcane, inftitua un ordre militaire à rifc. re fous l'invocation de faint Etienne , pape ôc martyr , dont il fe déclara grand maître , lui ôc fes fuceefleurs à perpétuité. La deftination des chevaliers eft de tenir la mer , comme ceux de Malte, pour défendre les côtes de Tofcane contre les inaulions des cor-Mres, 11 y a dans cet ordre des cheva- Grand Duché de Toscane. 251 liers de grâce & de juftice. Les chevaliers de grâce font reçus fur la préfenta-tion du grand maître, fans faire de preuves. Les chevaliers de juftice font preuve de nobleffe de quatre cjuartiers francs f non compris le préfente, dont le pere , l'aïeul, le bifaïeul ôc le trifaïeul doivent avoir été nobles , ou avoir poffédé des, charges nobles dans la ville de leur ré-fidence. Les mères ôc grand'meres , ôcc doivent faire les mêmes preuves. Ceux qui fondent des commanderies pour cet ordre , y font admis , fans autre preuve que le contrat de fondation ; ils y peuvent même conferver le droit d'en dif-pofer en faveur de tous leurs defeendans en ligne directe , à condition qu'elle rentrera enfuite dans le droit commun de l'ordre. Cependant le fils du fondateur fe préfentant pour fuccéder à la commanderie, doit faire preuve de deux quartiers de nobleffe du côté maternel ; & s'il ne le petit, il doit augmenter le fonds de la commanderie de mille écus. Les caravanes que doivent faire les chevaliers, font de trois ans ; ils paffent à Pife le temps qu'ils ne font pas en mer, ôc habitent dans une grande maifon conventuelle , où chacun a fon appartement , où la religion lui fournit du Lvj bois, de la chandelle ôc du Tel pour fon ufage & celui de fes domeftiques, ôc une folde fixe pour fon entretien. Outre le grand maître, ou fon lieutenant qui le repréfente , ôc tient fa place dans les chapitres généraux de la religion , les officiers principaux font le grand connétable , le grand prieur , le grand chancelier , le grand tréforier, ôc le grand confervateur , qui font continués ou remplacés dans les chapitres généraux de l'ordre qui fe tiennent tous les trois ans, ôc auxquels tous les chevaliers doivent affiff.er , à moins qu'ils n'ay ent une difpenfe du grand maître chef de l'ordre, qui s'obtient aifément. Plus de huit cents perfonnes , tant en Italie qu'ailleurs, portent le titre ôc la croix de chevalier de S. Etienne de Pife ; mais il n'y en a que très-peu qui s'affreignent à faire les caravanes ôc autres exercices qui font ordonnés , pour parvenir aux dignités Ôc bénéfices de l'ordre. Le grand prieur conventuel jouit des droits ôc des marques de l'épifeopat dans l'églife de la religion, quand il y officie folem-nellement. Ces chevaliers portent pour marque diffinètive extérieure, une croix pâtée d'or émaillée , avec la figure de S. Etienne au milieu ; le cordon en eil Grand Duché de Toscane. 153 rouge ; le grand habit de cérémonie eft noir, chargé d'une grande croix rouge à huit pointes. Cet établiffement, dont l'inftitutcur avoit fixé la réfidence principale à Pife, dans l'intention de contribuer à fa population, n'a pas eu l'effet qu'il en ef-péroit ; le quartier 011 il eft placé eft aufli défert que les autres ; à peine voit-on quelque mouvement dans celui de l'univerfité. La ville de Pife , divifée en deux parties à peu près égales par l'Arno, a près de fix milles de tour. La plupart de fes rues font larges , bien pavées & décorées de beaux bâtimens. Le fleuve, qui fait un canal droit dans toute la longueur de la ville , eft revêtu des deux côtés de larges quais , fur lefquels on voit plufieurs édifices de l'architecture la plus noble ; quelques-uns font revêtus de marbre ; d'autres font peints. Trois grands ponts bâtis fur le fleuve fervent à la communication des deux parties de la ville : ils ne font embar-raflés d'aucune cfpéce de bâtimens, & laiflènt des deux côtés la vue libre , 8c la plus belle perfpeétive. Celui du milieu eft de marbre ; il a été rebâti en 1660 fous le grand duc Mémoires d'Italie. Ferdinand II : on prétend que celui tfflj fubfifloit auparavant n'avoit qu'une feule arcade ; ce qui eft difficile à croire , ew égard à la largeur du fleuve. C'efl kir ce pont que fe fait tous les ans (au mois de Juin ) un combat ou une joute entre les deux quartiers de la ville &C leurs dépendances , qui marchent chacun fous leurs bannières , ôc avec des uniformes différens. Ce combat, qui ne doit être que de plaifir , efl fouvent funefle à plufieurs des combattans , qui s'opiniâtrent trop à défendre le terrain •qu'ils perdent : ils ne peuvent avoir d'autres armes qu'une efpece de rame ou d'aviron court ôc plat , fait d'un bois léger, du tranchant duquel il efl défendu de frapper ; il ne doit leur fervir que pour repouffer l'ennemi , ôc non pour fe bleffer réciproquement. s4uft«e. 3 8- églife cathédrale de Pife , d'ar-Tour pen- chiteêture gothique, efl bâtie à une Tout le pays eft fertile ôk bien cultivé ; il préfente différens points de vue agréables ôc très-variés. On voit une quantité de jolies maifons de campagne, beaucoup d'avenues de cyprès, toutes les montagnes couvertes d'oliviers ck de vignes élevées fur des arbres au milieu des champs labourés. Comme il y a peu de pâturages dans ces cantons,; on n'y nourrit que le bétail néceiTaire pour la culture des terres ; le laitage y eft rare ; les payfans qui ont tous des oliviers dans leurs héritages, font beaucoup d'huile , qui leur en tient lieu dans l'ufage ordinaire de la vie. Ce mélange de vignes, d'oliviers , de terres cultivées ck d'arbres de toutes fortes, eft riant ; Fafpedt général eft ruftique, mais n'a rien de fauvage ; les parties qui font incultes , foit à caufe du voifinage des torrens, foit à caufe de la roideur de leur pofition , font couvertes de peupliers , de cyprès, de pins èk d'autres arbres. On voit qu'en général l'air de ce pays eft fain èk doux, le iàng y eft beau, les payfannes n'ont rien de groflier dans la phyfionomie , les hommes font honnêtes êk affez bien faits ; c'eft ce que j'ai remarqué de Florence à Poggibonzi dans l'efpace de vingt-deux milles. On paffe plufieurs ruiffeaux , les uns à gué, les autres fur des ponts ; il y avoit quelques jours qu'il n'avoit plu , ainfi nous ne trouvâmes aucuns obftacles à les tra-verfer ; mais quelque peu confidérable qu'ils paroilTent, ils arrêtent fouvent les voyageurs , dans le temps des pluies de l'automne , ou. au commencement du printemps, Grand Duché de Toscane. zSi Un village un peu confidérable a un magiff rat principal, connu fous le nom de podellat ou de vicaire : il a fa réfi-dencc marquée ; on la reconnoît à la quantité de petits quarrés de marbre , fur lefquels fes prédécelfeurs n'ont pas manqué de faire graver leurs noms , leurs armoiries, s'ils en avoient, ôe le temps de leur geffion : ce goût pour l'immortalité cil bien répandu en Italie ; on voit de ces maifons entièrement revêtues de pareilles infcriptions , qui donneront beaucoup d'exercice aux antiquaires à venir. Pogfibonfi elf un très - gros bourg, fituë iur une colline : en allant de là à Sienne , le chemin traverfe pendant un allez long eipacc , un dois de chêne de haute-futaie, dont il paroît que l'on a coupé les plus beaux arbres : on en défriche déjà quelques parties , Se infen-fiblement ce canton fe couvrira de vignes & d'oliviers comme le relie du pays. L'intérieur de cette foret, coupée par des ravins profonds , a l'air très -dé-fert. A iix milies environ de Sienne , les montagnes s'abaiflent, les points de vue s'étendent ;. on en voir plufieurs très-gracieux qui peuvent fournir bien des idées nouvelles aux peiïUres de payfa- ges. Cette partie de la Tofcane , quoique moins belle & moins riante que la route de Florence à Pife, a des beautés de fituation que l'on ne trouveroit pas dans un pays de montagnes , autre que l'Apennin ; une quantité de huilions ar-dens, de cyprès, d'oliviers, de lauriers , & d'autres arbres & bluffons toujours verds , en rendent le fpeclacle agréable & vivant, même pendant l'hiver. Le pays produit du grain, des huiles , du vin au-delà de ce qu'il lui en faut pour fa conibmmatipn, & en exporte beaucoup. On y élevé auili par-tout des mûriers blancs qui fervent à nourrir beaucoup de vers à foie, vnic àe 41. La viilc de Sienne eft éloignée de ennc. scs trente-cinq milles de Florence : fafitua-tion efl dans les montagnes mêmes de l'Apennin , fur un terrain élevé & inégal. Elle doit fon origine aux Gaulois Senonois, qui la fondèrent lors de leur entrée en Italie fous la conduite de Bren-nus. Les Tofcans la comptoient au nombre de leurs douze cités principales ; en-fuite elle devint colonie romaine, fous le nom de S en a Julia. Dès les temps les plus reculés , cette ville étoit très-con-fidérablc, Située dans un pays gras & fertile. Dans des Siècles où l'on n'imagi- Grand Duché de Toscane. 283 noit pas encore que le commerce fût Tunique fource de l'opulence, elle s'en-tretenoit des produftions naturelles à fon climat, vivoit dans l'abondance, ôe étoit très - peuplée. Après la décadence de l'Empire Romain en occident, elle fut agitée de factions , ôc foumife à différais maîtres , jufqu'à ce qu'elle fe forma en république libre; ce qui ne put être que dans le neuvième fiécle, après que les François eurent entièrement détruit la puifTance des Lombards en Italie. Les nobles ôc le peuple fe difpute-rent le droit de donner des loix à la patrie pendant une longue fuite d'années , ôc excitèrent diverfes féditions , qui fouvent n'étoient terminées que par la mort des chefs des partis vaincus. Enfin l'abus de la liberté porta les choies au point, que les mécontens ayant appelle les princes étrangers pour foutenir leurs prétentions , la ville fut entièrement Subjuguée par les armées Espagnoles, commandées par le marquis de Mari* gnano , frère du pape Fie IV. Cette ville tyrannifée par les Efpa-gnols , qu'elle avoit appelles pour défendre fa liberté contre les entreprise des Medicis , fe donna aux François 1 15 5 2. Le maréchal de Thermes y étab 2.84 Mémoires d'Italie. pour gouverneur le brave Montluc ,' qui avec peu de troupes , la plupart étrangères, peu de vivres èk de munitions , y foutint un fiége de dix mois contre une armée nombreufe , èk ne rendit la place qu'après avoir obtenu la capitulation la plus honorable èk la plus fùre pour les habitans èk la garnifon ; ayant exigé encore qu'il fe retireroit librement fans figner le traité , ne voulant pas , difoit-il, qu'on vît jamais le nom de Montluc dans aucune capitulation. Il fortit de Sienne en 15 5 5 ; les Espagnols réitèrent maîtres ablolus de cette ville , que Philippe II, roi d'Efpagne, céda en 1557 avec fes dépendances à Cofme I, grand duc de Tofcane , pour la tenir de lui en fief. Depuis ce temps, les factions éteintes dans cette ville fembloient y promettre des jours heureux fous un gouvernement doux ck pacifique, mais elle n'a ceffé de fe dépeupler : elle comproit, dit-on, dans fes beaux jours cent mille habitans, à peine en a-t-clle le quart, encore dit-on que le nombre en diminue tous les jours. Dès que les grands ducs de Tofcane en furent paifibles poffeffeurs , ils firent réparer les murailles, ajouter de nouvelles fortifications aux anciennes, conf- Grand Duché de Toscane. 2S5 truîre une citadelle, qui en défendant la ville contre les entreprifes des étrangers, la tiendroit dans le refpect ; ils y établirent la même forme de gouvernement que dans le refte de la Tofcane, êk les chofes font refiées jufqu'à préfent dans cet état. Cette ville efl le fiége d'un archevêché, érigé eii 1459 par le pape Pie II ( vEneas-Sylvius Piccolomini ) qui en étoit originaire : elle a une univcrfité. En 1311 , les Siennois , autant pour bannir l'ignorance qui régnoit chez eux par défaut de bons maîtres, que pour s'oppofer à un certain Bocin qui tentoit d'y rétablir l'idolâtrie fous une nouvelle forme , firent venir de Bologne des maîtres inf-truits : ils y établirent un cours d'études réglées, que l'empereur Charles IV érigea en univerfité en 1357. Cette univcrfité manquoit d'une bibliothèque en 1759. Saluflio Bandini, archidiacre* de l'églife de Sienne, connu dans la république des lettres , légua fa bibliothèque à l'univerfité : quelques particuliers l'augmentèrent tout de fuite , tk pour fon entretien l'univerfité affilia une fomme annuelle à prendre fur les revenus : elle efl publique. L'empereur a établi dans cette ville une académie pour monter à cheval, a86 Mémoires d'Italie. oii il entretient un écuyer & des che1* vaux à fes frais, & différens maîtres d'exercices. On doit y recevoir les jeunes gentilshommes de l'état de Sienne à un prix très - modique. La forme dont la ville de Sienne eil bâtie , annonce fon antiquité ; il n'y a prefque aucune rue alignée , elles font circulaires ou courbes, & aucune dont le fol ne foit inégal , attendu la pofi-tion de la ville ; cependant il n'y refte rien de conflruêtion vraiment antique , que quelques parties de murailles d'une affez mauvaife manière, que l'on dit avoir été celle des Tofcans. Les bâtimens , dont la plupart ont encore une forte de magnificence ancienne , n'ont rien qui approche de la beauté de ceux de Florence ; plufieurs font revêtus de marbre, mais dans le goût gothique. • On n'a pu, dans un terrain auffi inégal , ménager qu'une feule place, entourée en grande partie de portiques couverts , ck: des édifices principaux de la ville. Sa forme efl finguliere , elle efl concave comme l'intérieur d'une coquille; tout autour on a pratiqué un quai élevé , où le peuple peut fe placer comme fur un amphithéâtre , lorsqu'il y a quelque fpeêlacle dans la place. A une des extrémités eft une fontaine revêtue de marbre , êk décorée de quelques ftatues anciennes. La forme de la place êk la pofition de la fontaine, donnent lieu de conjecturer que l'on a eu l'intention d'y donner des nauma-chies. Toute la ville eft pavée de briques pofées fur champ ; la caufe de cette particularité eft la rigueur de l'hiver à Sienne ; les verglas y rendraient tout autre pavé impraticable aux voitures ck aux bêtes de fomme pendant cette faifon. 42. Le feul édifice vraiment beau cathcdrai* que l'on voit dans cette ville, eft l'é- JJSJÎJ glife cathédrale, conftruite dans le qua-bleaux. torziéme fiécle , de belle architecture gothique. Elle eft entièrement revêtue a l'extérieur de marbre noir êk blanc, êk d'ornemens diftribués avec goût. Le grand portail ouvert de trois portes, a un ordre de colonnes bien entendu; la partie fupéricure eft chargée d'une multitude de ftatues, de buftes , de pointes ou campaniles gothiques , d'à-rabcfques Ék d'autres ornemens de ce genre, dont plufieurs ont été dorés. On y voit différens animaux, qui font les fymboles ou devifes des villes qui i88 Mémoires d'Italie; dépendoicnt de l'état de Sienne , lorf. que le portail fut conftruit. Aux côtés du perron , font deux colonnes antiques de porphyre , fur lefquelles font placées des louves de bronze, avec les deux jumeaux qu'elles alaitent, fymbole de la ville de Sienne, colonie romaine... La grande porte intérieure a des beautés; le travail gothique efl mêlé de comporte, ce qui le relevé beaucoup; les deux colonnes qui foutiennent le fronton , font d'un excellent travail... A chaque pilier font des ftatues d'apôtres, ou de papes Siennois, en marbre blanc , plus grandes que le naturel : celle d'A-îexandre VII efl du Bernin. La nef du milieu, féparée des bas-côtés par des piliers ronds, a une galerie qui régne tout autour, contre laquelle efl placée une très-longue fuite de bufles des papes en terre cuite, qui fe termine à Adrien IV. Ony voyoitentr'autres celui de la papefle Jeanne, que le grand duc Ferdinand I fit enlever en 1600 , à la prière du pape Clément VIII : on mit en place le portrait d'un pape Zacharie. Parmi ces bufles, qui font au nombre de cent foixante- dix , on en voit plu-: fieurs des antipapes ; ils ont été faits eu 1400. Le> Le maître-autel, compofé de différens marbres tirés des environs de Sienne , eft d'un très-beau travail, de même que le tabernacle de bronze doré , èk les grands candélabres qui font au-devant. Mais rien dans cette églife n'eft aulîi magnifique que la chapelle des Chigi, construite par les ordres du pape Alexandre VII ; elle eft incruflée en grande partie de lapis lazuli, avec des ornemens de bronze doré , exécutés fur les deffeins du cavalier Bernin. La forme, autant que je puis me la rappeller, efl exagone ; la coupole eft Contenue par des colonnes de beau marbre verd. Dans les pans on a pratiqué quatre niches , où font placées des ftatues de marbre blanc , dont deux du Bernin, celle de la Madeîainc êk de faint Jérôme : cette dernière eft bien fupérieure aux autres ; elle eft traitée d'un goût mâle & point maniéré. On y voit aufli quatre bas-reliefs en marbre blanc èk de bonne main ; ils repréfentent les myfteres de la Vierge. On y verra encore deux bons tableaux de Carie Marâtre ; l'un a pour fujet la fuite en Egypte , l'autre la Vifi-taîion ; ils font tous les deux d'un ton de couleur frais èk gracieux ; les figures de la Vierge font nobles êk: aimables, êk Tome III. N * paroiffent avoir emporté toute l'attention du peintre, qui n'a pas travaillé avec le même foin les autres figures de ces tableaux... Tout l'enfemble de cette chapelle eft élégant 8e riche ; elle a été conflruite pour placer une ancienne image miraculeufe de la Vierge, peinte fur un fond d'or dans la manière des Grecs de Conflantinople , à laquelle le peuple de Sienne a une grande dévotion. .. Dans la chapelle de faint Jean-Baptifte , où l'on conferve un bras de ce faint, donné à l'églife de Sienne par le pape Pie II, efl une très-bonne flatue en bronze, jettée par le Donatelli.. . Une grande infcription apprend que le pape avoit reçu cette precieufe relique de Thomas Paléologuc, roi du Pélo-poncfe, ôc qu'il en fit préfent à cette églife en 1464 , en préfence de huit cardinaux. Parmi les tableaux des chapelles, on remarquera celui qui repréfente faint Bernardin prêchant au peuple , peint par le Calabréié ; il efl d'une très-belle ordonnance , d'une grande vérité d'ex-prefïion , les ombres en font noircies... Un tableau de Sorri, peintre Siennois, qui a pour fujet l'adoration des Mages , dans lequel il a heureufement imité la manière ôe le beau coloris de Paul Véronefe. .. Deux tableaux du Trevifani, dont l'un repréfente faint Jacques & faint Philippe, ôe l'autre le martyre des quatre couronnés... Les plus remarquables des autres monumens de cette églife , font le tombeau de M. Antoine Zondadari, grand maître de Malte. . .. Un autre tombeau de bronze, avec la figure d'un évêque en bas-relief, par le Donatelli... La chaire à prêcher de marbres d'Afrique , avec des ornemens faits dans le treizième fiécle... Le bénitier à droite en entrant par la grande porte , paroît être d'un travail antique grec , d'une bonne main ; on y voit en relief des faunes ôe des bacchantes. Mais ce qu'il y a d'admirable dans cette églife, c'eft le pavé qui eft de marbre blanc, gravé en clair obfcur. Les contours des figures taillés dans le marbre , 6c les lignes remplies d'une couleur brune , forment les ombres : le tout cnfemble eft une fuite de belles gravures qui représentent prcfque tous les traits remarquables de l'ancien 6c du nouveau teftament, les prophètes, les iibylles , fes apôtres, ou d'autres fujets hiftoriques. Le pavé du chœur fait fur les defleins du Beccafumi, eft deffmé Nij 292 Mémoires d'Italie; de la plus grande manière , avec des caractères de tête d'une exprefîion admirable : on y voit entr'autres tableaux lp Sacrifice d'Abraham, le frappement du rocher, èkc... Toute cette partie du pavé efl couverte de planches : en re-r gardant celui du refte de l'églife , où l'on trouve de temps en temps des morceaux d'une exécution excellente, on regrette qu'un ouvrage fi rare foit perpétuellement expofé à être détérioré. Dans le dernier compartiment de la nef du milieu eft un grand cercle , autour duquel font rangés diiférens ronds , dans îefquels font gravées les devifes des vil? les alliées de la république de Sienne : au milieu eft la ville de Sienne , représentée par la louve êk les jumeaux, en-fuite Florence par un lion , Luques par une panthère , Pife par un lièvre , Vi-terbe par la licorne , Peroufe par une cigogne, Rome par un éléphant portant une tour , Orviete par une oie , Arezzo par un cheval, Mafia par un lion chargé de quatre fleurs de lis , Groffeto par un griffon, Piftoie par un dragon, êk Volterre par un vautour. Le plafond de la voûte de l'églife eft peint d'azur femé d'étoiles d'or , les arabefques êk côtes des voûtes aufÇ f] orées. Grand Duché de Toscane. 295 Dans la croifée à gauche efl une grande falle voûtée , appellée la bibliothèque y 011 étoient autrefois beaucoup de manuferits précieux à l'ufage de l'églife de Sienne , qu'un cardinal de Bur-gos fît enlever 8e conduire en Efpagne , après que Philippe II fe fut rendu maj-tre de la ville. Il n'y refle plus qu'une quarantaine de très-gros volumes de chant, écrits fur vélin , très - bien notés , peints 8e ornés de lettres grifes , culs de lampes 6c vignettes en miniature , de belle couleur 6c enrichie d'or. L'ouvrage a été conduit 6c exécuté en grande partie par un Bénédictin de la congrégation du Mont - Caffin. Il y a de la propreté dans l'exécution, mais peu d'intelligence de deffein. Ce qu'il y a de plus curieux dans cette falle , font les dix grands tableaux à frefquc,qui repréfentent fort au long la naiffance &C toute la fuite de la vie du pape Pie II : au bas de chaque tableau efl une inf-cription latine qui en explique bien le fujet. Ces peintures font de la plus belle confervation, 6c fraîches de couleur ; il y a de l'exprefîion 6c de la vérité dans les airs de tête. Pierre Perugin, le Pin-turrichio 6c Raphaël y ont travaillé ; ils y ont- employé l'or 6c l'argent e» Niij 194 Mémoires d'Italie. relief, ce qui enrichit les tableaux ,fans rien ôter à leur mérite effentiel. Au-deffus de la porte eit un bas-relief qui repréfente l'expulfion d'Adam ôc d'Eve du paradis terreflre, avec cette infcrip-tion.... Deum maximum &• yojteros offenài, utrifdue àebeo, & neuter mihi. Au milieu de cette falle , fur un pié-deftal rond , ett un groupe repréfentant les trois grâces ; il eft mutilé , Ôc la tête manque a la figure du milieu. Du temps de Raphaël , ôc long-temps après encore , on regardoit ce groupe comme le plus bel antique connu ; on prétendoit qu'il avoit été trouvé dans les ruines de la citadelle d'Athènes, ôc qu'il étoit l'ouvrage du fculpteur Sophronifque, pere de Socrate : cet antique eft d'un marbre brun rougeâtre. On voit par-là que Raphaël, Michel-Ange, André del Sarto , Fra Bartholomeo délia porta , ont beaucoup plus dû à leur propre génie , qu'à l'étude de l'antique qu'ils con-noiffoient à peine , les antiques les plus précieux ayant été découverts longtemps après eux. La voûte de cette falle eft traitée dans le goût de celle de l'églife , en or ôc azur s il y a des parties Grand Duché de Toscane. 19? d'un travail recherché. On voit par le peu que j'ai dit de cette églife , que c'eft un des plus beaux édifices de l'Italie , Ôc très-digne de curiofité. L'églife de faint Jean, ou baptiftere, qui eft à côté de la cathédrale, fur un terrain beaucoup plus bas, eft de forme octogone, revêtu de marbre blanc en dedans ôc en dehors, ôc couronné d'une grande coupole. Au milieu eft un beau pavillon de marbre blanc , orné de bas-reliefs en bronze ; la conftruction m'en a paru riche ; je n'ai pu le voir que par une fenêtre du haut en bas : les facriftains qui ont les clefs de ces fortes d'édifices , dès qu'ils voyent des étrangers curieux, les emportent, ôc fe font chercher pendant long-temps, pour avoir quelque prétexte de fe faire payer plus chèrement, ce qui eft très-incommode , fort difpendieux , ôc prefque inévitable. L'églife des Auguftins, nouvellement rebâtie fur les deffeins de Vanvitdliy architecte Romain , eft d'un très-bon goût. Les colonnes qui portent la voûte font d'ordre compofite ; les pilaftres du même ordre, de même que les ftucs dont les plafonds font ornés, ont de la nobleffe ci de l'élégance. Cet architecte, Niv 'ic)6 M é moires d'Italie. ■ dont j'aurai encore occafion de parler^ tient à préfent le premier rang en Italie ; il cennoît l'antique, Ôe en fait paffer fort heureufement les beautés dans les conf« trircf ions modernes. Il y a dans la maifon de ces Auguftins une bibliothèque publique , ouverte à certains jours de la femaine. Tpon.ie 43- LLes Dominicains. On conferve du rétablîf- dans une chapelle de leur éolife une très-feirtuxe. ancienne peinture iur bois, qui repréfente la Vierge ayant l'Enfant Jefus entre fes bras. Ce tableau, deffiné de bonne manière, efl encore frais de couleur ; il a été peint dans le commencement du treizième fiéclc , ainii que l'apprend ce diflique qu'on lit au bas..... Me Guido de Senis diebus depinxit amœnis Quem ChriJIus lenis , nûllh nolit agere pénis. A. D. M. CC. XXI. La beauté de ce tableau fait que les Sien-nois regardent le Gui de Sienne comme le reflaurateur de la peinture en Italie , dont ils difputent le titre au Cimabuè, auquel les Florentins l'attribuent, ôe qui paffe pour tel dans tout le refte de l'Europe; cependant le Cimabué n'eft né qu'en 1240, il apprit fon art de quelques peintres Grecs venus à Florence % ôc dans, le Grand Duché de Toscane. 297 cours de fa vie , qui fut de foixante années , à peine a-t-il fait quelques tableaux que l'on puiiTe comparer à celui de Gui de Sienne : il eit vrai que l'on, a beaucoup de tableaux du Çimabué, Se que l'on ne connoît de Gui de Sienne que celui dont je parle ; ce qui fait que les Florentins , qui n'en difputent pas l'authenticité, le regardent comme un tableau fait par hazard , par un homme qui peignoit fans principes Se fans goût, Se qui a rencontré jufte une fois dans fa vie ; ce qui ne fuffit pas pour enlever au Cimabué la gloire d'être le reftaura-teur de la peinture en Italie. Je dirai à ce fujet que je me fouviens d?avoir vu dans un des appartemens du Vatican, un portrait de feint François d'Affife y peint au commencement du treizième fiécle , par un peintre de Laïques. Il efï fur une planche aifez étroite ; le deffein,. quoique roide, eit correct ; il y a de l'expreffion dans l'air de la tête; les-mains font bien traitées ; la couleur de la robe eft d'un gris cendré ; le capuchon, fans être rond comme le portent les Mineurs Obfervantins , n'a pas ta pointe aufii allongée que celui des Capucins. Je fais cette remarque qui p;ut contribuer à décider la fameule querelle: Nv entre les Cordeliers ôe les Capucins fur la forme de Thabit de faint François ; peut-être qu'aucun de ceux qui ont écrit fur ce fujet ne favoient que ce ta-blcau exiftât. Maifon de 44- Dans le même quartier eit la ste catheri- maifon qu'habitoit dans le quatorzième ncdcSlcnncfiécle Jacques Benincafa , teinturier, pere de fainte Catherine de Sienne, dont on a fait une chapelle ou oratoire de confrairie , pour les habitans du voi-finage. La pièce principale eit un carré long, couvert de grands tableaux peints fur toile , qui repréfentent les principales circonftances de la vie, Ôc les miracles les plus fignalés de la fainte. A côté eit une autre petite chapelle, qui a été fa chambre, la même où Jefus-Chrift lui apparoilfoit. Par derrière eit un petit cabinet où elle couchoit à plate terre : on a revêtu d'argent les briques qui lui fervoient de chevet. Dans un autre oratoire qui eit dans le même quartier, on conferve le tableau miraculeux du crucifix qui imprima les itigmates à fainte Catherine de Sienne : il eft couvert, ôc on ne le voit qu'avec la permiiîion des Magiitrats qui le tiennent fous clef. Toutes ces pièces différentes font ornées de peintures re- Grand Duché de Toscane. 299 latives aux lieux où elles font placées. Sainte Catherine naquit à Sienne en 1347 : à l'âge de vingt ans elle embraffa l'inftitut des fceurs de la pénitence de faint Dominique, qui fubfifte encore en Italie ; elles portent l'habit religieux , & ne font point cloîtrées. Elle fe mêla beaucoup des affaires politiques de fon fiécle. Elle réconcilia les Florentins avec le pape Grégoire XI, qu'elle détermina à fixer fa réïîdence à Rome , 6c à quitter Avignon. Elle écrivit ôe parla fortement contre le grand fchifme qui com-mençoit à fe former. Elle mourut à Rome en 1380 , âgée feulement de trente-trois ans. Pie II la canonifa en 1461 : cette canonifation fait le fujet d'un des plus beaux tableaux de la grande facriftie de la cathédrale de Sienne. La vie de fainte Catherine a été écrite par fon eonfeffeur Raimond de Capouë, Frère Prêcheur , 6c depuis général de fon ordre. Elle avoit des révélations dans lefquelles elle étoit inftruite immédiatement par Jefus-Chrift lui-même* Elle les racontoit à fon eonfeffeur, qui commença par en douter : comme il étoit dans ce doute , il vit tout d'un coup le vifage de Catherine transformé en celui d'un homme de moyen âge,, 3po Mémoires d'ït a lt e. portant une barbe médiocre , dont Iè regard étoit fi majeftueux , qu'on voyoit évidemment que c'était le Sauveur. Cette vifion miraculeufe accordée à frère Rai-mond , l'empêcha dans la fuite de douter de la vérité des révélations de la pénitente. Au-deffus de ce quartier eit la citadelle à cinq battions royaux , conf-truite en 1560, par les ordres de Côme premier, grand duc de Tofcane____A côté eft l'académie à monter à cheval '1 j'y ai vu de très-beaux chevaux du payse, dont la race eft bonne ; ils font vigou*-reux , très-vîtes à la courfe ,.& on en dreffe beaucoup à Sienne pour cet exercice. A l'églife de faint Martin, on voit un grand tableau d'autel du Guide , qui-a pour fujet la Circoncifion : le deffein ôc la composition font dignes de ce grand maître ; mais il eft très-foible de couleur , ce n'eft qu'en l'examinant que l'on en connoît le mérite. L'efcalier pour monter à cette églife , ôc l'architecture du portail, font d'après les dei-feins du Fontana____ L'hôpital de fanta Maria delta fcala eft fervi par une fociété de frères, qui afiiftent les pauvres, fans y être obligés Grand Duché de Toscane. 30^ par aucun vœu folemnel. Il y a un fé-minaire qui y eil joint, dans les archives duquel on prétend conferver un. manuferit original de faint Chryfoitô-me , qui comprend les commentaires de ce pere fur le nouveau teflament ; on en parle à tous les voyageurs , ck on ne le leur montre point : mais il y a beaucoup de chartres anciennes, 6k que l'on voit, deux entr'autres de l'empereur Louis le Débonnaire, accordées, l'une en faveur d'un monailere de faint Anthime , l'autre à un abbé de faint Sauveur, qui exempte fon abbaye de la jurifdiétion des juges féculiers. Ces pièces font authentiques,.ôk du. temps de leur date. Il y a plufieurs faites pour les ma* lacles des différens fexes, tenues très-proprement. Au fond de la principale on voit dans le rond - point une très-grande peinture à frcfquc, exécutée par Sebaftien Concha , peintre Napolitain , mort depuis-peu de temps; c'eft l'un des plus beaux ouvrages de ce maître , où ii a réuni toutes les parties effentic!-Ies de la peinture , le deffein , l'exprcf-fion èk le coloris : le fujet en cil la pif-cine probatique. Le maître-autel cil 3oi Mémoires d'Italie. décoré d'une ftatue du Sauveur, ôe de-deux Anges jettes en bronze. L'églife paroiiïiale de fan Qiùrico eft enrichie de quantité de beaux tableaux des meilleurs peintres du pays. On remarquera fur-tout Y Eue Homo , & la fuite en Egypte , par Franccfeo Vanni, qui a peint clans le goût du Baroccio. La defeente de croix d'Alexandre Cafo-lani , ck quelques autres. Le palais de la Seigneurie , ou réii-dent le podeftat èk le capitaine de la juftice , èk où font les différens tribunaux pour l'adminiftration de la juftice êk de la police dans la ville de Sienne , eft fvtué fur la grande place. On y voit plufieurs falles peintes àfrefque, dans l'une defquelles font quelques tableaux de diftinêfion ; entr'autres le jugement de Salomon , par Luc Jordan, d'un beau caractère de deffein êk bien colorié..., L'Affomption de la Vierge, par le cavalier Vanni : le groupe du haut eft excellent. Un grand tableau Flamand, qui repréfente un détachement de cavalerie-arrêté au bord d'un ruiffeau, vrai, frais de couleur êk bien deffiné. Un beau portrait du grand maître Zondadari r f ette pièce eft grande ôk bien éclairée, « Dans la chapelle du palais, le tableau d'autel représentant la fainte famille 8c faint Antoine, par le Sodoma : le coloris en eft encore très-brillant. La plus grande partie des appartemens de ce palais ont été décorés fort anciennement; ils font obfcurs , & actuellement fort négligés. Le long de l'cfcalier ôc dans la cour , on a incrufté dans les murs quelques antiques qui n'ont rien de bien remarquable. Le théâtre public a été nouvellement bâti par le Bibiéna , peintre ôc architecte de Bologne , qui a fait conftruire le grand théâtre de cette Ville : ils font l'un ôc l'autre dans le même goût de conftruction ÔC de décoration , mais celui de Sienne beaucoup moins grand que celui de Bologne. Tous les déga-gemens en font très-bien entendus, ÔC il paroît que l'on n'a rien négligé pour le garantir des incendies qui l'avoicnt détruit en 1741 ôc en 1751. La feule porte de la ville, décorée d'architeêhire , eft la porte camollia; elle mérite d'être vue. Entre cette porte ôc les ouvrages extérieurs qui la couvrent, eit une colonne de marbre , de belle proportion, érigée par ordre de l'empereur Frédéric III, qui vint 3^4 Mémoires d'Italie. jufqu'à cet endroit au-devant de la prinfc celTe Eléonore de Portugal fon éponfev L'infcription fuivante eil gravée fur la colonne. Cœfarem Fredcricum III. imp. & Leonoram fponfam Portugalics régis fuiam , hoc fe pri-mum fahuarife loco , lœtifque imerfe confalu-taviffc aufpiciis , marmoreum pojleris indicat monumentum. A. D. m. eccc. ti. vi. kal. manias.. Au-deffus de la colonne font les armes acollécs de l'Empire 6k du Portugal. On voit dans les différens quartiers de cette ville plufieurs colonnes avec la louve 6k les jumeaux ; elles font ordinairement Îdacécs devant les édifices publics, ou es annoncent. L'àfpeâ général de la ville de Sienne eff celui d'une ville grande èk ancienne , mais qui n'a rien de beau ni de majef-tueux. La cathédrale ck les édifices qui en dépendent, font le feul endroit de la ville qui ait de la magnificence ; les maifons les plus apparentes , celles qui appartiennent aux anciennes familles, quoique vaftes 6k décorées de beaux: marbres, font la plupart d'un mauvais goût d'architecture , mêlé de gothique ck de moderne : ce qui manque eflen-sàellement à cette ville, cilla population;. On voit quelque mouvement dans le centre de la ville ; le refte eft trille èk défert, èk a l'air pauvre. Les environs de la cathédrale, aux jours de folemnité, quand il y a grand concours de peuple , doivent être brillans. Les plus belles conftructions raftemblées ne paroiffent qu'un corjps fans amc , fi elles ne font pas habitées par un peuple nombreux. 45. Les habitans de Sienne font affa- oBferwi-bles; ils font regardés comme le peuple J«tc vi"f« d'Italie qui parle le plus correctement ; & fes hnlû-leur fociété eft douce èk agréable ; les femmes y font aimables; le fang y eftvifcurs. beau. Les étrangers qui y ont fait quelque féjour , difènt tous qu'ils y ont été bien reçus : je n'en ai rien éprouvé ; ce que j'ai remarqué , c'eft qu'on étoit très-curieux de les voir , êk qu'un étranger fait fpeèlacle dans tous les quartiers. Malgré la gayeté douce de ce peuple, il règne fur tous les vifages, même fur ceux des gens du premier rang , un air de langueur qui n'annonce pas la bonne f ;;nté. Soit qu'on ait tort ou raiibn, on attribue cette difpofition , que l'on peut regarder comme un très-grand maiheur pour le pays , au féjour qu'y firent les Elj>agnols pendant près de trois ans. Il y a peu de commerce y êk prêt* 306 Mémoires d'Italie. qu'aucune induftrie à Sienne : le territoire par lui-même eft gras êk fertile, êk fournit abondamment toutes les denrées de confommation ; mais cette fertilité ne fuffit pas pour rendre un pays riche êk brillant ; il y faut encore quelque commerce, une circulation d'argent, ck une multiplicité de travaux qui augmentent la population, en retenant dans le pays une quantité d'artifans êk de journaliers, qui n'ofent y faire des éta-bliffemens, parce qu'ils ne trouveroient pas dans leur travail le moyen d'entretenir une famille. Ce malheur devient général prefque par-tout, êk eft plus lenfible en Italie que dans les autres parties de l'Europe : on y voit de grandes villes qui autrefois ont été extrêmement peuplées , ck qui à peine font à préfent habitées ; êk on ne peut pas dire que les habitans foient allés s'établir ailleurs ; car, à l'exception de Naples êk de Livourne , dont la population a beaucoup augmenté dans ces derniers temps, que font devenues Rome, Milan , Pavie , Pife, Sienne, êk tant d'autres villes dont les habitans ont été autrefois fi nombreux ? Le goût de la poëfie eft aufli bien •établi à Sienne que dans toute l'Italie ; Grand Duché de Toscane. 307 on y trouve à chaque pas des composteurs de lbnnets ÔC de poëfies à impromptu , que l'on appelle poète ejlcm-poranei, ou portes improvifeurs. Ces fortes d'illuflres , dont le Goîdoni a donné une idée dans une de fes comédies , doivent être prêts à parler en vers fur tous les fujets qui peuvent leur être propofés , & fouvent même à les traiter dans le goût héroïque : il efl ailé de comprendre ce que doivent être ces fortes de productions, peu eflimables par elles-mêmes , mais qui demandent une grande habitude , & beaucoup de vivacité d'efprit. On trouve de ces improvifeurs fur-tout dans les promenades de nuit. Quand ils fe rencontrent plufieurs enfemble , ils fe défient réciproquement ; celui qui propofe le fujet a ordinairement l'avantage, c'eft le public qui efl juge de la victoire. Quelques-uns de ces poètes fe font fait une réputation brillante. On voit dans la cathédrale de Sienne un monument érigé à la gloire du cavalier Bernardino Perfetti, Siennois , poeta efiemporaneo , qui reçut la couronne de laurier à Rome au capitole en 1725.... Cet illuflre étoit un élevé de l'académie des intronati de Sienne, qui tient fes féances dans une des fal'lcs de l'univerfité ; elles ne font point réglées , 6k n'ont lieu que dans quelques occafions remarquables qui fe prélentent rarement. On voit dans cette ville, ainfi qu'à Pavie , à Viterbe, ckc. plufieurs tours quarrées 6kfort élevées, fur lefquelles on raconte des hiftoires étonnantes, mais qui ne peuvent avoir cours que parmi ceux qui les débitent, 6k qui font accoutumés à prendre l'abfurde pour le merveilleux. Il y a à Sienne plufieurs recueils de deffeins originaux du Beccafumi 6k des autres peintres Siennois : fous ce prétexte on ne manque pas d'enpropofer à acheter aux étrangers qui partent ; mais ce ne font d'ordinaire que des deffeins faits nouvellement par quelques mains mal-adroites , qui vont deflîncr dans les églifes de Sienne les tableaux 6k les mo-numens les plus connus. Un homme mal vêtu , l'èpée au côté , vient les offrir à un prix très-haut, affurant que la né-cefîité feule l'oblige à s'en défaire , êk qu'il aime mieux les remettre à un prix médiocre aux étrangers , que de les vendre à fes concitoyens, dont il ne veut pas que fa mifere foit connue. Tous ces marchands fe difent cavaliers êk alliés. Grand Duché de Toscane. 30$ aux plus grandes maifons du pays; mais il ne faut ordinairement pas plus les croire fur la vérité de leur généalogie, que fur l'authenticité du deffein qu'ils propofent à vendre. Il y en a qui portent des bronzes , des médailles truffes, des vieilles monnoies, tk toutes fortes d'antiquailles , dont à force de conf-tance tk de mérifonges ils parviennent à attraper les voyageurs ignorans, qui Cfoyent qu'il eft du bon ton de fe charger de ces effets , qui d'ordinaire n'ont aucune valeur. 46. Le chemin de Sienne à Buonconven-tO, quoique toujours dans la montagne, ro^^c^'* eft bien fait ; il eft prefque par-tout ré- me. "Buon-paro à neuf, commode tk fort doux Stagne' pour les voitures : avec quelque entre-& chircau tien on le maintiendra long-temps clans ^e .Radic0r cet état. Si les environs de Sienne font très fertiles , il n'en eft pas de môme de ceux de Tornieri tk de Buonconven-to, qui font plus arides. On compte quinze milles de Sienne à Buoncon-vento. La fituation de ce bourg au pied de la montagne , fur le bord d'un affez gros ruiffeau, eft riante; il eft bien bâti. Cet endroit eft connu dans Phiftoire par la mort de l'empereur Henri VII de Luxembourg ; il s'y trouva le 15 du jto Mémoires d'Italie. mois d'août 1313 ; il y entendit la meffe , èk y communia de la main d'un Frère Prêcheur ; auffitôt après il tomba malade, èk mourut le 25 du même mois. Toute fa cour prétendit que le religieux qui l'avoit communié étoit Gibelin, èk avoit mis du poifon dans le vin de l'ablution qu'il lui avoit donné après la communion , quoique le rapport des médecins , fait par ordre du pape, certifiât que l'empereur n'étoit pas mort de poifon , mais d'une fièvre maligne occafionnée par les grandes chaleurs. Les hifloriens d'Italie difent tous que les Allemands fâchés de n'avoir pas le pillage de Rome èk de plufieurs autres bonnes villes que ce prince leur avoit promis, répandirent exprès ce faux bruit. De BuonconvcntQ à fan Quirico, dans l'efpace de dix milles , le chemin eft prefque toujours fur un ancien pavé fort dégradé ck très-difficile à tenir ; on monte ck on defcend continuellement ; on ne rifque pas à la vérité de culbuter dans des précipices, mais les voitures font très - fatiguées par des chemins fi rudes ; on commence à les réparer , êk quelques parties font affez bonnes. Ces montagnes, quoiqu'entiereraent Grand Duché de Toscane. 31 i de terre , font très-élevées. On trouve dans quelques-unes, fur-tout auprès de Buonconvento, des cailloux qui reflem-blent, par l'éclat des couleurs Ôc la fi-nèfle du grain, au porphyre, au verd campan, ÔC aux marbres les plus précieux. On y remarquera aufli que les rngles de ces montagnes ne fe corref-rondent point ; les vallons qui les partagent iont difpofés dans tous les fens ; quelques-uns même n'ont point d'iffue , ôe font à fond de cuve ; les uns font fecs, ôe fans doute que les eaux de pluie s'écoulent par des canaux fouterrains ; dans les autres il y a de petits lacs, qui, fans aucune communication apparente , ne laiifent pas d'être poiifonneux ; dans d'autres les eaux minent inienfiblement les hauteurs voifines , ôe forment des amas d'eau ôc de boue , ôc des marais qui pourront par la fuite changer la qualité de l'air du pays , qui jufqu'à préfent a été fort faine ; on s'apperçoit que les joncs ÔC les autres plantes mare-cageufes commencent à s'y multiplier. Les eaux qui fe raffemblent dans les vallons qui ont quelque ifliie, fe rendent toutes après beaucoup de détours dans la mer de Tofcane ? quoique très* Mémoires d'Italie.' fouvent elles coulent dans une direction toute contraire. Les eaux de pluie ont formé en plufieurs endroits des ravins , dans lefquels on voit à découvert des lits de marne graffe , qui fertiliiéroit beaucoup les terres , fi les habitans favoient l'employer : pour réparer les chemins , on en a enlevé plufieurs tas qui font jettes négligemment fur le bord des terres ; on s'appercevra de la vigueur des plantes qui croîtront dans le terrain ou elle aura féjourné ; on l'étendra pour cultiver, éi le hazard en apprendra Pillage. A deux ou trois milles au-delà de Sienne jufqu'à fan Qu'irico , les vues font très-agreffes , mais lingulieres & piquantes ; la nature dans ces montagnes fe montre fous une forme particulière à ce canton ; Phorifon y efl étendu &c varié ; il y croît beaucoup de bled ; on cultive des mûriers dans les environs de Pont-Arvia & de Buon-convento ; toute la montagne de fan Qui-rico efl chargée d'oliviers. On voit à droite du chemin, fur une montagne efearpée, la ville de Mont-Alcino. La température de l'air y efl froide , mais faine ; les habitans y font robuttes ck laborieux, laborieux, ôc le pays eft fort cultivé. On y trouve quelques plantes aromatiques, entr'autres du thym d'une grande efpece, à fleurs gris de lin, la feuille épaiflè & dentelée , longue de huit à dix lignes, Ôc d'une odeur agréable. San Qiàrico eft un très-gros village i avec titre de marquifat, qui appartient au prince Chigi. Il y a un palais ôe quelques maifons de belle apparence. L'églife eft ornée ôc tenue proprement, autant que j'en ai pu juger le foir à la lueur de quelques cierges. De fan Quirico à Radicofani orl 1 compte feize milles , dont onze depuis la Scala jufqu'à Radicofani, qui fe paf-fent à monter prefque continuellement par des parties de chemin fouvent droites & efcarpées. Je crois que cette mon* tagne eft le point le plus élevé de l'Apennin ; le haut eft prefque toujours couvert de brouillards, qui en dérobent la vue , à moins que l'on n'en foit déjà fort près. Toute cette étendue de pays eft inculte, non que le terrain foit ftérile , mais parce qu'il eft inhabité ; car la terre végétale y eft à une affez grande épaiffeur, l'herbe y croît abondamment , Ôc fournit d'excellent pâturages : on voit quelques broffailles ou Tome ///, Q! 314 Mémoires d'Italie. bois de peu de conféquence , & des plantations de maronnicrs ou de châtaigniers. On trouve par-tout beaucoup de ruifleaux & de fontaines : dans le lit de ces ruifleaux, fur-tout en remontant de la Scala à Radicofani, on voit des cailloux de toute grofleur & de différentes couleurs , veinés à l'intérieur comme les plus beaux marbres ; quelques - uns même font agathiies. J'ai dit ailleurs ce qui me déterminoit à conjecturer que l'on choifit les plus beaux de ces cailloux pour les employer à la mofaïque de Florence. Le château de Radicofani , qui eft la dernière place de Tofcane du côté de l'Etat eccléfiaftique, eft placé fur un ■ rocher efearpé ; on n'y peut aborder "que du côté du couchant, encore le paf-fage eft-il aifé à défendre. Au bas des ouvrages extérieurs, du côté du midi, il y a une quantité de pierres brutes jettées ians ordre dans un efpace affez large : on ne voit pas qu'il y ait eu aucune carrière ouverte de ce côté; ce ne peut être une lavanche , attendu que ces pierres étant fur la cime de la montagne, n'ont pu y être entraînées par la force de l'eau. Je crus d'abord que c'étoient les reftes des pierres employées à la conftruciion du fort ; mais en les examinant avec plus d'attention, je reconnus que ce bouleverfement n'étoit pas l'ouvrage des hommes ; ce font des quartiers de rochers brifés par l'effet de quelque explofion, dont la caufe étoit dans l'intérieur même de la montagne , qui fïïrement a de grandes concavités , à en juger par le retentiffement qu'y occafionncnt les voitures lourdes : ce qui me confirme dans cette idée , c'eft: qu'on a éprouvé des tremblemens de terre très-fenfibles à Radicofani ôc dans les environs. Je m'informai des habitans, de la caufe de ce bouleverfement, dont aucun ne s'étoit apperçu; ils me répondirent feulement qu'ils avoient toujours vu ces pierres 011 elles étoient. Le château a une petite garnifon ; les uns difent qu'il a été bâti par Didier , roi des Lombards ; d'autres , par l'empereur Frédéric I : ce qu'il y a de certain , c'eff que la conflruction des ouvrages extérieurs cil bien plus moderne que ces dates. Au bas du rocher fur lequel efl le château, fur d'autres rochers qui pa-roiffent avoir été applanis à main d'homme , efl le bourg de Radicofani. Il a une porte ôc des murailles, dont la Oij 516 Mémoires d'Italie. conftruction paroît déjà très-ancienne ; il n'a pas l'air peuplé. Les maifons bâties fans goût ôe fans fymmétrie , font toutes d'une pierre brune ; j'y ai feulement vu deux églifes affez proprement décorées. On ne peut rien transporter dans le bourg ôc dans le château qu'à dos de mulet. Cet endroit, par fa conftruction , la figure de fes habitans 6c leur habillement, reffemble beaucoup plus à l'intérieur des montagnes de Savoie , qu'à une partie de la Tofcane. L'air y eft vif 6c prefque toujours froid. A un mille environ au-deffous de Radicofani, eft une hôtellerie où s'arrêtent les paffans, qui pour l'ordinaire font peu curieux de grimper jufqu'au bourg. Il y a beaucoup de fontaines dans les environs , ôc même jufqu'au fommet de la montagne , mais dont les eaux font fraîches ôc crues. La partie de la montagne qui eft du côté de l'Etat eccléfiaftique , plus heureufement expo-fée que le refte, eft fertile ôc cultivée ; toutes les terres qui avoifinent le bourg font en culture ; il faut néceffairement que les habitans qui ne font aucun commerce trouvent leur fubfiftance dans le terrain qui les environne. On apperçoit dans toute cette montagne , d'efpace en Grand Duché de Toscane. 317 cfpace , des bâtimens ifolés, qui me pa-roiïTent deftinés à y retirer pendant les nuits froides, les vaches que l'on mené paître dans les herbages qui y croiffent, ck du lait defquelles il y a apparence que l'on fait des fromages , comme fur les montagnes de Savoie. 47. De Radicofanimfau'k Pontecentino, rE,"eccM premier village de 1 Etat eccleiiaitique , Aquapcn-il n'y a qu'environ huit milles , que l'on j^-L îj] fait par un chemin fi roide êk fi efcar- ]3Cl pé , que Pontecentino paroît du haut de la montagne être fitué dans un précipice obfcur. Il y coule unruiifeau que fes bords efcarpés rendent difficile à paffer. Vis-à-vis d'un mauvais pont en ruine, qui fert aux gens de pied , eft la , première douane de l'Etat eccléfiafti-que, où l'on paye un léger péage : de-là on marche pendant quelque temps dans le vallon , prefqu'entierement occupé par le lit d'un torrent, qui doit être impraticable lorfque les eaux font grandes. Au fortir de ce vallon , jufqu'à la ville d'Aquapendente , qui eft dans la province du patrimoine de faint Pierre , on monte inienfiblement par un terrain gras, planté d'arbres de toute efpece , qui bordent des chemins étroits ck dif» *318 Mémoires d'Italie. fîciles à tenir. Il y a quatre milles de Pontecentino à Aquapendente. Cette ville n'étoit anciennement qu'un château de peu de conféquence , autour duquel il y avoit quelques habitations qui formoient un bourg (tf). En 1647 le pape Innocent X y transféra le fiége épifcopal de la ville de Caftro , dont les habitans àfTaflinerent l'évoque, qui étoit en même temps gouverneur 6c premier magiftrat de la ville : événement qui a rendu Aquapendente plus confidérable. On s'apperçoit très-bien que les quartiers les mieux bâtis font d'une conftruttion nouvelle \ les maifons ou palais où réfident le gouverneur, les officiers de juftice 6c l'évêque, font bien bâties 6c de belle apparence. A la porte de la ville, du côte de la Tofcane , il y a beaucoup de belles eaux qui tombent en cafeade du haut des ro»-chers , 6c defquelles Aquapendente tire fon nom. Cette ville efl fituée fur un terrain élevé , 6c dans un climat qui paroît fertile. Le peuple, comme habitant de frontière , y efl groffier 6c méchant, (a) Connu très - anciennement fous le d'Aquula. . s'accommode volontiers des effets des voyageurs qui paffent, quand il peut fe les approprier fans rifque. Il faut fur-tout dans cet endroit avoir grande attention fur fes équipages. On a foin d'avertir les étrangers que la ville eit pleine de fripons, que tous les jours on y fait des vols ; mais il efl aifé avec un peu de réfolution d'en impofer à cette canaille , qui eil très-poltronne , & qui craint plus la vengeance de ceux qu'elle tenteroit de voler , que la pourfuite de la juflice du pays, dont elle peut fe mettre à couvert en moins d'une heure de temps, en fe retirant fur les frontières de Tofcane. Au fortir d'Aquapendente, on marche pendant quelque temps dans une plaine élevée, mais fertile èk: bien cultivée. A droite & à gauche on voit des futaies , & d'efpace en efpace des cavernes creuiées dans le tuf, oïi les habitans de la campagne fe retirent avec leur bétail. De-là on defeend à faint Laurent des Grottes , petit bourg au-deffus duquel eil un ancien château qui tombe en ruine. Il y a le long du chemin dans la montagne une quantité de grottes creufées qui fervent au même ulage que les autres. Tout ce climat Oiv 32o Mémoires d'Italie. eft froid ; on en juge par les précautions que prennent les habitans pour s'en garantir : ils portent tous des cafa-ques de peaux de moutons, dont ils tournent le poil en dedans , quand il pleut ou que le froid eft vif; quand il fait beau, ils les retournent. Le gros bétail de ce pays eft d'une grande èk belle efpece : j'y ai vu des bœufs de plus de cinq pieds de hauteur ; leurs cornes font prodigieufes ; le poil eft gris d'ar-doife mêlé de blanc : fur le poitrail êk fur le front le poil eft plus blanc, frifé , êk doux comme de la laine; la chair en eft excellente à manger. Cette efpece de bétail eft fort multipliée dans l'Etat cccléliaftique êk le royaume de Naples. A peu de diftance de faint Laurent des Grottes , on fe trouve fur le lac de Bolfene, que l'on côtoie pendant quelque temps. Ce lac, de forme prefque ronde , a environ trente milles de tour ; fes ondes font quelquefois très-agitées , êk ont des flots élevés comme ceux de la mer : les eaux en font belles êk limpides. On y voit deux ifles habitées , dans l'une defquelles eft une grande églife êk plufieurs bâtimens qui paroif-fent appartenir à un monaftere : elle eft au levant > êk fe nomme Martana : c'eft Grand Duché de Toscane. 31! là que la reine Amalafonte, mere d'Ata-laric , roi des Goths, fut enfermée, & enfuite mife à mort par les ordres de Théodat : elle y fut enterrée , fuivant l'ufage des nations feptentrionales, avec fes habits 6c fes ornemens les plus riches , 6c une partie de fes tréfors : c'eft la tradition du pays. L'autre ifle , appellée Bifmtlna, eft au couchant, ôe a quelques bâtimens qui paroifTent considérables. Il y en a une troifiéme plus petite que les deux autres, ou font quelques cabanes. Ce lac eft très-poif fonneux ; on y voit prefque toujours des barques de pêcheurs occupés à la pêche. D'Aquapendente à Bolfene, on compte neuf milles , fix jufqu'à faint Laurent des Grottes, Ôe trois jufqu'à Bolfene. Le chemin de faint Laurent à Bolfene eft plein, 6c fur les bords du lac, dont les vues font belles & variées. Au nord du lac eft la ville de Bolfene , prefqu'entierement ruinée , dont le liège épifcopal a été transféré à Or-vieto. Au-delfus de la ville, fur la colline , on voit quelques rcftes d'un ancien château. Bolfene étoit une des douze anciennes colonies des Tofcans, C'eft dans cette ville qu'arriva dans le/ O v 322 MÉMuiRts r>"Italie. treizième fiécle le miracle du corporal enfanglanté à la fraction de l'hoftie , qui fut opéré pour convaincre de la vérité de la préfence réelle de Jefus-Chrift dans FEuchariftie, un prêtre incrédule qui célébroit. Ce miracle détermina le pape Urbain IV à établir la folemnité de la Fête-Dieu. Il eft le fujet d'un des grands tableaux de Raphaël au Vatican. Au for-tir de Bolfene , on voit à main gauche une carrière de pierres fingulieres ; elles m'ont paru toutes quarrées , d'environ quatre à cinq pieds de longueur , fur un pied d'épaiffeur de toutes faces , pofées perpendiculairement les unes fur les autres, un peu inclinées au couchant. Montefiaf"- 48. De-là jufqu'à Montefîafcone, on jnc. vuer- compte fept miHes ? qui fè font prefque toujours dans un bois de chênes de haute-futaie. Les Italiens fontfi amateurs • de chofes antiques, que les habitans de Montefîafcone , auxquels ce bois appartient, tk dont ils auroient pu tirer de groffes fommes , n'ont pas encore voulu le vendre , parce que , di-fent-ils , c'eft une belle aniiquité , plus rare dans le pays que les marbres tk les tableaux : cependant ces arbres fe couronnent en grande partie , tk périffent Grand Duché de Toscane. 323 de vétuitc ; mais fans doute qu'un vieux tronc à demi pourri leur efl encore plus précieux qu'un arbre frais èk vigoureux, parce qu'il a l'air plus antique. La route de Bolfene à Montefîafcone fe fait dans un terrain fablonneux ck léger , facile à cultiver ; le chemin y efl bon ék affez bien entretenu. La ville de Montefîafcone efl placée fur une colline fort élevée, au bord du lac de Bolfene; elle n'efl ni peuplée , ni belle , ni commode à habiter ; elle efl iïtuée fur un terrain roide êk efcarpé , fes rues font mal pavées êk incommodes à tenir. La cathédrale qui s'annonce de loin comme un très-bel édifice, na rien de près qui foit digne de curiofité ; à côté efl la maifon du iéminaire, qui efl vafle êk bien bâti. L'évêque qui relevé immédiatement du faint fiége , a des revenus confidérablcs qui montent, dit-on, à foixante mille livres de rente de notre monnoie ; ainfi c'eft un des plus riches bénéfices de l'Italie. Dans l'ancienne églife de fan FLaviano efl une tombe plate , fur laquelle eft gravée une figure , dont les ornemens reffemblent à ceux d'un évêquc ou d'un abbé , avec cette infcription autour.. . Efl, efl ,8 Art de deviner chez les anciens Etrufques, 9 B H Allon , ( jeu de ) 3 6 Baptiltcrc de Florence, 16 •—De Pife, 160 Bétail, (gros) très-beau, ?x© Bibliothèque publique des Medicis à faint Laurent, 4J -Du palais Pitti, (,7 —De Magliabccchi'j Si —De médecine , < t Tome III. P TABLE .bibliothèque des Fraucifcains , y<ç Boboli , jardin du grand duc , 63 Bologne , ( Jean de ; fculpteur , 31 Bolfene , ville ancienne , 311. Miracle qui s'y eft fait, 3?.j, Botta , ( Maréchal de ) gouverneur de Tofcane , 12,4 Brouillards dangereux à Florence, 111 Buonconv.ento , bourg , [ jo£ C Abincts-de curiofités de la galerie de Flo- rence , 173 .— De portraits des peintres célèbres, i74 —.-Des porcelaines , 176 --D'idoles antiques & de tableaux, 177 — Des arts, 185. De tableaux anciens , ibid. — De tableaux Flamands, 188 -—Des mathématiques , ipj ■—Tribune, ftatues & tableaux , ibid, -—De Thermaphroditc , zio Cailloux de Radicofani , 314 Campagne de Rome peu cultivée, & pourquoi, 334 Campo fanto , cimetière de Pife, z6t Canope , divinité Egyptienne, 180 Carrière remarquable, 3Z2, Cavernes errufecs dans Je roc, 31^^331 Cédrats de Florence , 241 Chapelle des grands ducs à Florence, 40 •Château de Florence , 78 -Cimino , ou montagne de Viterbe, 318 Collection de tableaux & de médailles à Florence, a-i-8 Commerce de Tofcane<& de Florence, 13-5* *—De Livourne , z?4 DES MATIERES. i>9 Confeil des deux cencs à Florence, 121 Culte religieux extérieur , n£ D D Ehors de Florence , leur beauté , 119 Douanes de Tofcane, ziy E ^Glifes à Florence. Cathédrale, , 23, S. Marc, 18. La Nunziata, 19. Sainte Madeleine de Pazzi, 33. Sainte Croix, ibid. S. Laurent, 36. Sanc.i Maria Novella, 4f. Le Saint-Efprit, 46. 11 Carminé, 48 Empoli , bourg , 245: Epitaphc d'une mule, 5 7 Eilences & parfums de Florence, 141 Etruric ancienne , I* Etrufques, ouTofcans , 8 F Abriquc de poterie , 1^4 Fait d'armes remarquable , 277 Faune qui danlè, ltatuc, 198 Fiefoli , ville ancienne, 118 Fiorcnzola , ville, <ç Florence. Sa fondation, 13. Situation , jp. Comment divilee , a1. Décorée par les grand* ducs. Florentins fpirituels & favans, 231. Naturellement bons acleurs, 238 Fontaine publique à Florence , 100 -A Livourne, 27c. kD'eau douce au milieu de la met) ibid. Funérailles , 4- p ;j. 34<> TABLE G (jAIilce , fon tombeau, 35; Galerie de Florence , 111. Par qui commencée &. formée, 123, 115. Veftibule , 124. Peintures des plafonds, 127. Statues de la galerie ,132 jufqu'à 1 fi. Buftes antiques des Empereurs, 151 jufqu'à 173. Garderobe ou tréfor des grands ducs , £4 Giogo, point très-élevé de l'Apennin, 6 Giraffe , animal rare, u^. Gouvernement politique de la Tofcane, 21^ H T~l ^rcule & le centaure, groupe, 104 Hermaphrodite, ftatue, xio Hôpitaux de Florence, 51 —De Sienne, 300 I jArdin public de botanique, 73 ■—Des fiantes à Pife , 164 Infcription finguliere à Montefîafcone, 323 Juifs établis à Livourne, 270. Richeffes de leur fynagogue , 273. Ont un tribunal de juftice, ' 174. Quartier qu'ils habitent, 276 L "I" j \c dp Bolfene , 32,0. Ifles de ce lac, ibiâ. —De Vico, 3x5 •—DeBracciano, 333 Livourne , ville nouvelle, 268 , 271. Beauté de fon port, 270. Ses fortifications, 271. Population , 271 Luques, ville & république, 178 Lunettes, leur inventeur, ioj Lutteurs, groupe antique, aoo DES MATIERES. j4r M MAdonna del Sacco , tableau célèbre , 31 ufaclure de corail , *70 Médailles & camées de la galerie de Florence, i!4 Medicis,( maifon de ) 14 Ménagerie du grand duc , 74 Michel-Ange Buonarotti, fon tombeau, 3.4 Miniftre Se gouverneur de Tofcane, 220 Alorurs à Florence , 230, 131 JVlonaftere des Chartreux, 110 ■—Des Olivctarns , iii Montefîafcone, ville, 323 Jlonteroli, ancienne place, 333 Mofaïque de Florence, 82. Comment on la travaille, & fa matière, 84 & fuiv. pAlais Pitti, ou du grand duc, 14. Ses tableaux , 5; 8 & fuiv. •—Buonarotti , 76. Capponi , ibid. Corfini, 78. Gcrini , 74. Ricardi, 71. Strozzi, 79 ■—Des magiftrats , 81 — Vieux de la république & des grands ducs, 90 — De la feigneurie à Sienne , 301 Pandcétes Juftinicnnes ou Floientincs , manuferit original , 97 Peinture , date de fon rétablilTcmcnt, 196 Pictra mala, volcan, 3 Pife, ville ancienne, 24*. Ses révolutions, 247. Univcrfité , 245». Forme de la ville, 153. Cathédrale ,154. Fort dépeuplée ,1^5. Température de l'air , i6i Place du grand duc à Florence, p8 £4* TABLE Poètes improvifcurs, Poggibonzi, bourg, 2 81 Poggio impériale, maifon de plaifance, 108 -Caiano, maifon royale, 113 Ponts de Florence, IO(5 Pontecentino, 3 T7 Porta, ( Fra Bartholomeo délia ) peintre, 6z Portraits des papes à Sienne , 288 Priape, idole. Son culte, 1I2> Promenade publique, Ity R J^Adicofani, montagne, bourg & château; Revenus de la Tofcane, iag Ronciglione, bourg , 32^. Vue de fes environs, „; Rubens , ( tableau célèbre de ) j p S Q- J§Ainte Catherine de Sienne. Ses révélations , Z99 Saint Etienne, ordre de chevalerie, z^O) San Miniato , ville , 245; San Quirico, 315 Savonarolc , (Jérôme) Z9 Scagliola, efpece de mofaïque, 85» Sciences & arts à Florence , . 235 Scarperia, village de l'Apennin. Vue des environs , 6 , 7 Sienne, ville. Ses révolutions, 282. Université, 285. Académie pour monter à cheval , ibiâ. Forme de la ville & place publique, 286. Cathédrale , 287. Son beau pavé , 2511. Affabilité des habitans, 30J Statues remarquables, par Michel-Ange, 36 DES MATIERES. 343 Statue équeftre de Côme premier, 101 —De la tribune , îoï T ' t Ablcaux de la tribune , 105; Tagcs, premier devin ou arufpicc, 10 Théâtres à Florence, 107, 137 ■—A Sienne , >of Tofcane , ( Grands ducs de ) 17 Tour penchante , ou clocher de Pife, 158 V VA fes etrufques, 115; Vénus Medicis, ftatue. Sa defeription, ipj 1—Victor ieufe, ï y Urbain , li$e\ Urbin. Pag. 18 , lig. 14, idem. P-ag. 18 , lig. t8, Fagus, life^ Tagus. Pag. 81 j /ig. 28, dogli uftici , life\ degli uffici. Pag. ni} Kg*** t Mufaccio, lifei Mafaccio. 1