Primož Vitez: L'ACCENT ORIENTATIF : UNE VISÉE DISCURSIVE POUR APPROCHER ... 133 Primož Vitez Université de Ljubljana Faculté des Lettres primoz.vitez@ff.uni-lj.si UDK 811.133.1'367.2 DOI: 10.4312/vestnik.7.133-141 (cc) ®@ L'ACCENT ORIENTATIF : UNE VISÉE DISCURSIVE POUR APPROCHER L'ACCENTUATION DU FRANÇAIS 1 ACCENTUATION DU FRANÇAIS Selon la tradition descriptive de la prosodie française, la typologie des proéminences prosodiques constate l'existence de deux types accentuels, les deux fonctionnels, mais dont l'un représente une partie élémentaire de la structure inhérente du code linguistique (accent final), tandis que l'autre est réalisé dans le cadre des stratégies énonciatives individuelles, résultant du choix plus ou moins intentionnel du locuteur (accent d'insistance). Un troisième type est observable, se situant fonctionnellement entre les deux premiers (Garde 2013 : 49), à savoir l'accent secondaire ou écho de l'accent. Le fonctionnement de la prosodie, c'est en principe ce qui spécifie l'image sonore d'une langue. Le complexe acoustique des manifestations orales est l'ensemble des structures expressives qui, dans une opération simultanée lors de l'énonciation, forment cette image. Le comportement spécifique de la syllabe accentuée en français pose au linguiste une question de position définitoire qu'il adoptera vis-à-vis de sa réalisation et de son fonctionnement. Cherchant à définir un phénomène accentuel, il peut choisir de se référer à des critères aussi hétérogènes que la substance, la forme, la fonction, la position, la portée, la congruence structurelle ou encore le marquage énonciatif. On admet généralement que l'accent inhérent à la langue française affecte la dernière syllabe de l'unité accentuelle et que ce fait prosodique détermine son image sonore. Il semble même que l'effet auditif que produit l'accentuation française - radicalement différente par rapport aux autres langues - permet d'identifier cette langue même aux locuteurs qui ne possèdent pas sa grammaire1. L'inhérence structurelle de l'accent fixe - celui du français - a une conséquence quelque peu inattendue pour les locuteurs dont la francophonie a le statut d'expression linguistique ACCENT FINAL 1 L'empreinte acoustique générale est en même temps à la source des stéréotypes qui décrivent le français comme une langue mélodique, presque chantante, agréable à entendre, bref : une belle langue. 134 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE maternelle. Les locuteurs de FLM ne ressentent pas l'accent comme une priopriété expressive qui, à l'instar de la plupart des autres unités linguistiques, porterait une valeur significative. En effet, l'accent final français n'a rien à voir avec la structure sémantique, puisque son utilisation ne réalise aucun trait phonologique. C'est pour cette raison que le français a acquis une certaine réputation métalinguistique d'être une « langue sans accent » (Toge-by 1965, Rossi 1979, Vitez 2014). Il paraît toutefois impensable d'ignorer le fait que l'accentuation française existe. Seulement, pour analyser systématiquement l'accent français par une approche auditive, on gagne beaucoup à être locuteur du français langue étrangère (FLE), parce que c'est de l'extérieur que certains faits linguistiques automatisés se laissent observer avec bien plus de clarté par rapport à la vision des locuteurs submergés par ces automatismes. Ainsi, on constate une quantité exceptionnelle de linguistes et phonéticiens locuteurs de FLE qui ont pu analyser en profondeur les mécanismes de l'accentuation du français. On ne citera parmi eux que les plus excellents et qui proposaient à leurs époques l'état d'art sur la question : le Tchèque Georges Straka, le Hongrois Ivan Fónagy, le Suédois Bertil Malmberg et le Danois Knud Togeby. L'accent final, comme d'ailleurs tous les types d'accent, est un fait prosodique complexe dont l'image acoustique est le résultat d'une activité physiologique et psychologique (Sodnik 1923) par laquelle le locuteur met la syllabe accentuée en contraste avec les autres syllabes de la même unité significative et rythmique. Les premières descriptions de l'accent final français sont dérivées conceptuellement des approches de la grammaire latine. Ainsi, cet accent bien particulier s'est vu attribuer des termes philologiques comme « historique », « étymologique », voire des dénominations latines comme « ictus roi ». Historiquement, l'accent fixe français est le résultat d'un long processus évolutif (Vaissière 1996 : 66-68) qui, dans le développement de l'accentuation et sauf quelques rares exceptions, a préservé la position de l'accent latin de façon à faire réduire toutes les syllabes postaccen-tuelles latines. La fixité et la nature non-marquée de l'accent final est à l'origine du terme traditionnel (mais peu précis) « accent normal ». D'un autre côté, les phonéticiens ont souvent eu recours au critère substanciel de l'accent final : on l'appelait donc « accent d'intensité » quand on voulait souligner le rôle acoustique de l'intensité vocalique, ou « accent tonique » quand, suivant la pratique néo-grammairienne, on voulait le définir comme l'élément proéminent par rapport aux syllabes inaccentués (dans cette même optique terminologique on distinguerait les pronoms « atones » de ceux qui sont « toniques »). On précisera que l'accent tonique ne doit surtout pas être confondu avec l'accent appelé tonématique qui, lui, désigne un fait micro-intonatif fonctionnant selon les principes de distinctivité phonologique et appartenant aux phonétismes des langues à ton. L'essentiel de sa fonction contrastive, l'accent le doit aux propriétés physiologiques qui le réalisent. La proéminence de la syllabe accentuée, c'est-à-dire la culmination acoustique (co-action de la durée, intensité et fréquence fondamentale) est le résultat d'un effort expiratoire. L'accent est réalisé par un certain accroissement de l'énergie phonatoire, mais il est moins évident de constater avec netteté quels sont les critères Primož Vitez: L'ACCENT ORIENTATIF : UNE VISÉE DISCURSIVE POUR APPROCHER ... 135 prosodiques qui se mettent en jeu pour le faire. C'est une question qui a été particulièrement obscurcie en prosodie française quand on allait montrer qu'il s'agissait, dans le cas de l'accent final, d'un accent d'intensité. Rien n'est moins sûr, puisque la place de l'accent coïncide si systématiquement avec l'aboutissement de la courbe intonative. C'est ce que, reprenant le propos de Togeby (1965 : 32), remarque Rossi (1979 : 39) : « En raison du syncrétisme de l'accent et de l'intonation dans une unité (...) on ne peut pas identifier l'accent comme une unité indépendante. » Rossi met en doute les deux méthodes habituelles de traiter le rapport entre la substance et la forme de l'accent en français : d'un côté l'analyse expérimentale de l'accent qui ne saurait rendre compte de ses fonctions, et de l'autre, la méthode fonctionnelle qu'est l'analyse auditive, à travers laquelle les auditeurs sont absolument incapables de décider si une émergence accentuelle perçue est due à une augmentation de l'intensité, de la durée ou encore à une variation de la hauteur tonale. Cela implique la supposition, celle de tout à l'heure, que le français est une langue sans accent2, puisque ses locuteurs se trouvent dans l'impossibilité de lui attribuer une fonction autonome. Il est donc hautement probable que l'accent final français soit en fait un phénomène intonatif - et donc un accent mélodique3. D'ailleurs, la phonétique française, depuis maintenant plus de quarante ans, identifie la prosodie tout entière à l'intonation : dans la plupart des études un peu récentes sur la prosodie du français (Simon, 2004 ; Lacheret-Dujour/Beaugendre, 2002 etc.), l'accent est traité comme un fait historique, sinon une curiosité marginale - ce qui est paradoxal, puisque c'est la position de l'accent qui constitue essentiellement la spécificité prosodique du français. C'est en optant pour le critère fonctionnel que la description d'un fait linguistique recouvre un maximum de son champ opératif. La position finale de l'accent français (donc classement du français dans le type des langues à accent fixe) évoque une relative transparence de sa fonction. L'automatisme réalisateur de l'accent final délimite pour le locuteur français ses unités accentuelles ; d'un autre côté, à la perception de la prosodie, cela permet à l'interlocuteur de reconnaître dans l'énoncé les limites des éléments significatifs et de mieux repérer la structuration du sens dans l'énonciation. Il serait donc justifié de dire que cette fonctionnalité spécifique de l'accent final français est assez suggestive pour inciter le descripteur à qualifier cette proéminence acoustique d'accent délimitatif. 2 Les locuteurs de FLM qui se trouvent en contact communicatif avec un locuteur de FLE, possédant à perfection la prosodie française, expriment parfois leur étonnement en disant : « Mais vous n'avez aucun accent. » 3 On est presque tenté de dire musical, mais pour fonder cette désignation il faudrait creuser bien profondément dans les origines de la parole qui relient l'expression linguistique parlée à la musique. On se contentera, dans cet article, d'insister sur le processus de la rythmisation des énoncés ce qui rapproche assez la langue parlée de sa source musicale. 136 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE 2 ACCENT SECONDAIRE La fusion de l'accent avec la variation intonative sur la dernière syllabe du syntagme français (Jun/Fougeron, 2002 ; Garde, 2013 ; Rossi, 1979), en termes de rythme, a pour conséquence une certaine anticipation de l'accent. Il ne s'agit pas seulement des répercussions que provoque en français l'usage plus ou moins systématique de ce qu'on appelle « accent d'insistance », mais surtout de celles d'une perte du rendement structurel qu'est censé d'ailleurs produire l'« accent final ». Si l'on s'appuie sur l'observation du discours médiatique (Vitez, 1999), surtout le discours diffusé par la radio et télévision, on aperçoit aisément, sans même être expert en la matière, une tendance persistante qu'ont les locuteurs à accentuer les syllabes qui, selon un regard normatif sur la structuration de l'unité ac-centuelle, seraient qualifiées inaccentuées ou même inaccentuables (diverses clitiques, par exemple). C'est certainement une manière de parler qui peut refléter une attitude ou le désir de démontrer une qualité professionnelle, mais c'est aussi certainement autre chose que simple utilisation des « accents d'insistance » qui visent le plus souvent à traduire des expressions émotives et intellectives. Cette mobilisation de l'accent est sans doute la conséquence d'un affaiblissement apparent de démarcation sur la syllabe finale, mais il y a une autre raison également valable. Il faut de la prudence quand on considère généralement l'unité accentuelle du français comme celle correspondant systématiquement au syntagme ou groupe de mots. L'accent secondaire ou l'écho de l'accent, réalisé à une certaine distance de l'accent final, est une focalisation sémantique qui met en valeur la signification de l'unité qu'elle affecte - et c'est un lexème. Par rapport à la phrase (1a) Il a un enfant. qui représente en français une seule unité accentuelle, avec donc un accent final, la phrase (1b) Il a trois enfants. est nécessairement réalisée à l'oral avec un certain trait accentuel sur le mot trois, puisque c'est le numéral qui apporte une précision essentielle à l'informativité de l'énoncé. Dans la phrase (1a), bien entendu, un ne figure pas en qualité d'adjectif numéral, mais comme un simple article indéfini. Cet accent secondaire n'est pas un accent d'insistance, puisqu'il est réalisé dans n'importe quelle énonciation « neutre », c'est-à-dire sans intention intellective ou émotive. On peut observer le même processus accentuel dans le cas de la négation où l'adverbe négatif est systématiquement accentué puisqu'il représente un constituant essentiel dans la structure sémantique de l'énoncé. Ainsi Primož Vitez: L'ACCENT ORIENTATIF : UNE VISÉE DISCURSIVE POUR APPROCHER ... 137 (2a) Je l'ai renversé. s'oppose clairement à (2b) Je ne l'ai pas renversé. rythmisé en deux unités accentuelles à cause de l'accent sur l'élément négatif qui constitue le noyau modal déterminant le sens énonciatif. 3 VIRTUALITÉ DE L'ACCENT Dans le raisonnement sur la cohérence des structures linguistiques en langue parlée, on se pose automatiquement la question de congruence entre les constructions syntaxique et prosodique de l'énoncé en français. Si on admet que les unités de ces deux ordres sont formatrices de sens, il doit y avoir un certain lien entre elles. C'est de là que résulte le concept d'unité accentuelle minimale, promulguée par Garde (2013 : 82) et qui réunit potentiellement la structure syntaxique avec le rythme accentuel et intonatif. En effet, l'unité accentuelle minimale correspond en gros au constituant syntaxique immédiat. En observant l'énoncé (3a) Je viens de manger une assiette d'asperges. prononcé à un débit relativement lent (pour renforcer éventuellement la compréhension), on remarque qu'il se réalise en quatre unités accentuelles, munies chacune d'un accent final, et recouvrant le même espace énonciatif que ses unités syntaxiques. Si, par contre, on propose une version énoncée à une vitesse « normale », relativement rapide et d'habitude présente dans la parole spontanée : (3b) Je viens de manger une assiette d'asperges. on observera que ce « même » énoncé sera réalisé en deux unités accentuelles et que la première et la troisième unité, réalisées dans l'exemple (3a), ont perdu l'accent final et par là, leur statut d'unité prosodique autonome. On peut en conclure que l'unité accentuelle minimale, dans la pragmatique de l'énonciation française, est en même temps virtuelle (ou potentielle), puisqu'elle peut être réalisée dans certaines situations communicatives, mais ne l'est pas nécessairement dans toutes les situations envisageables. Si l'on dit donc qu'un accent d'insistance en français est toujours le résultat d'une certaine intention du locuteur et que l'emploi de l'accent final, au contraire, ne relève pas de sa volonté, il faut tout de même apporter une précision : ce n'est pas la réalisation absolue, mais la distribution des accents finals qui en français est en quelque sorte soumise aux circonstances individuelles du locuteur, ces circonstances allant de ses dispositions inhérentes aux contextes situationnels dans lesquels la communication peut avoir lieu. Considérons maintenant l'exemple suivant : 138 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE (3c) Je viens de prendre une assiette d'asperges. L'enchaînement consonantique qu'on observe dans l'énoncé (3c), au passage du verbe au complément d'objet direct, provoque la restructuration du schéma accentuel de façon à enlever à la forme verbale son accent qui devrait en assurer le statut que lui attribuent normalement les règles hiérarchiques de la syntaxe. Toute analyse syntaxique met le verbe au centre d'une construction phrastique. Le verbe devrait constituer, en termes syntaxiques, le noyau sémantique, informatif et formel d'une phrase. Ce type d'énonciation (3c), pourtant, a pour conséquence la perte du marquage accentuel sur le verbe ce qui démontre une certaine incongruence au niveau du lien entre la syntaxe et la prosodie. Prononcée à un débit normal, cette phrase rend compte du rôle prépondérant que la prosodie exerce dans la réalisation parlée d'un contenu sémantique. Le locuteur, avec tout son bagage contextuel et situationnel (donc pragmatique) est en quelque sorte l'arrangeur individuel de son propre schéma prosodique qui lui permet de rythmer (Pasdeloup, 1990) et d'optimiser ainsi acoustiquement son message. Le verbe n'est plus au centre de la structure significative : cette fonction lui est reprise par la modalité (passé récent, viens) et par la thématisation (substantif, assiette) que le locuteur a utilisées pour organiser un énoncé bien fait, compréhensible selon ses intentions communicatives. Par contre, si on confère un énoncé comme (3d) Je viens de perdre mon assiette d'asperges. le verbe ne se trouvera pas submergé à l'intérieur de l'unité accentuelle, il se terminera par un accent final, parce que le verbe perdre, syntagmatiquement lié au substantif assiette, n'a pas le même degré de solidarité syntagmatique avec ce complément ; l'accent, dans ce cas, vient renforcer sa valeur sémantique au noyau informatif de l'énoncé. 4 ACCENT ORIENTATIF Cela dit, la syllabe accentuée en français présente un cas spécifique parce que sa position est simultanément valorisée par un excès relatif de l'énergie expiratoire et par la variation du contour tonal. Affectée par une fusion constante de deux activités prosodiques qui se partage le même champ d'action, la syllabe finale de l'unité rythmique porte un accent qui devient ainsi un accent de phrase. (Jun/Fougeron, 2002) Les réalisations accen-tuelles, en français, se font en fonction de la rythmisation de l'énoncé. Cette liberté de la distribution des accents dans la chîne parlée française, Molinié (1991 : 49) la formule à sa façon dans une remarque sur l'instabilité de l'accentuation finale : « On sait en effet que l'on peut toujours accentuer particulièrement telle ou telle syllabe de mot pour souligner ou pour distinguer, ce qui dénature le continuum sonore. Mais il s'agit d'un marquage quasi anarchique et individuel. Si évolution il doit y avoir, celle-ci reste donc très incertaine. » Le présumé anarchisme du découpage rythmique - et l'incertitutde qui devient frustrante Primož Vitez: L'ACCENT ORIENTATIF : UNE VISÉE DISCURSIVE POUR APPROCHER ... 139 pour un observateur soucieux d'y chercher des systèmes - ne rappelle que trop le schématisme que l'on a souvent reproché à Saussure (1949 : 24) quand il dit que le langage, observé dans sa multi-dimensionnalité, n'est qu'un « amas confus de choses hétéroclites sans lien entre elles ». Vu d'un autre angle, celui de l'empreinte subjective du locuteur dans sa performance linguistique, ce découpage pragmatique n'a rien d'arbitraire : il s'inscrit dans l'ensemble des procédés stratégiques que le sujet parlant exerce en produisant ses énoncés. Cet aspect prosodique est intimement liée à la pragmatique de l'énonciation, c'est-à-dire à toutes les propriétés grammaticales, contextuelles et situationnelles qui peuvent en déterminer la structure rythmique : l'intention du locuteur et ses caractéristiques intrinsèques (débit de la parole) ou la situation de l'acte parlé qui peut favoriser des processus locutoires quant à la mise en valeur de certaines parties du discours. Il en découle que l'organisation du sens, généré par l'énonciation, dépend de la « mise en scène » accentuelle. Le déplacement du point de vue vers la pragmatique énonciative représente une nouvelle position concernant la fonction de l'accent final français. Si l'on considère la virtualité de cet accent comme un fait prosodique pragmaticalisé, on acceptera l'interprétation suivante : la distribution de l'accent final, dépendant des stratégies énonciatives du locuteur, n'est pas seulement génératrice des unités sémantiques correspondant virtuellement aux unités syntaxiques au niveau de la phrase, elle étend la portée de l'accentuation sur la formation du discours. Cela signifie que l'usage de l'accent final n'a pas seulement pour but de délimiter les segments de signification, mais d'organiser, dans l'action énonciative, le sens du discours. La mise ou l'absence de l'accent final est donc un repère discursif qui permet au locuteur de nuancer le sens du message, de façon que le percepteur de l'énoncé puisse le décoder en ayant recours aux mécanismes prosodiques. En d'autres termes, l'accentuation en tant que structure formatrice du discours, permet au receveur d'élaborer au fur et à mesure sa propre stratégie de reconnaissance des intentions, bref, du sens pragmatique de ce qu'il entend. En exécutant le découpage accentuel, le locuteur permet à son destinataire de s'orienter dans la complexité du sens, impliquant les nuances argumentatives et intentionnelles. Cette perspective de la fonction discursive de l'accentuation redéfinit l'accent final français en lui attribuant la notion fonctionnelle d'accent orientatif. BIBLIOGRAPHIE FONAGY, Ivan (1983) La vive voix. Essais de psycho-phonétique. Paris : Payot. GARDE, Paul (2013) L'accent. Deuxième édition corrigée et augmentée. Limoges : Lambert-Lucas. JUN, Sun-Ah/Cécile FOUGERON (2002) Realizations of accentual phrase in French intonation. Probus 14, International Journal of Latin and Romance Linguistics, 147-172. LACHERET-DUJOUR, Anne/Frédéric BEAUGENDRE (2002) La prosodie du français. 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S stališča jezikovne pragmatike se naglaševanje končnega zloga naglasne enote po eni strani kaže kot bistvena prvina splošne akustične podobe francoskega govorjenega jezika, po drugi pa kot sredstvo, s katerim govorec zelo učinkovito gradi koherentnost in smisel svojega govornega izvajanja. Distribucija končnih naglasov oziroma sprotno oblikovanje naglasnih enot govorcu in naslovniku omogoča bolj izostreno strategijo pri tvorbi in razbiranju upovedovalnega smisla. Spričo tega dejstva je francoski končni naglas z vidika diskurzivne analize mogoče opredeliti kot orientacijsko prozodično potezo. Ključne besede: francoski naglas, terminologija naglaševanja, orientacijska funkcija, pragmatika prozodije, upovedovalni ritem Primož Vitez: L'ACCENT ORIENTATIF : UNE VISÉE DISCURSIVE POUR APPROCHER ... 141 ABSTRACT French Orientational Accent The history of describing the French final accent - and French accentuation in general - is fulfilled by different and very heterogenous approaches, analyzing this prosodic feature in French from both substantial and functional points of view. Viewed through pragmatical frame, the final accent is a) one of the key aspects in shaping the acoustical image of spoken French and b) a strategic tool for the speaker to build the coherence and sense of uttering. The distribution of final accents, i. e. forming accentual units, helps the speaker and his adressee to form a refined strategy in generating and perceiving the spoken text. From the discourse point of view it is therefore justified to define the French final accent as an orientational prosodic feature. Key words: French accent, terminology of accent, orientative function, pragmatics of prosody, uttering rythm