: ■ J " ' ■ .' • • -■ #e ■- . ■ /JS/Z- K? j/. A Ex L i b r i s P. Joannis Tretter C oe f a r. Reg, Profefforis publ. *5 **!)(* ,/i. tn ze. ' ? ' ' y L E S PROVINCIALES, o u LETTRE,S ECRITES PAR LOUIS DE MONTALTE A un Provincial de fes amis, & auxRR. PP. Jefuites fur la Morale & la Politique de ces Peres, AVEC LES NOTES DE GUILLAUME WENDROCK, Dofteur en Theologie dans 1’Univerfite de Saltzbourg en Allemagne. Traduites en Francois Par MADEMOISELLE DE JONCOUET. NOUVELLE EDITION, Revue, £? augments de courtesNota Hijlcriques. i c O 1 4 * A C O L O G N Chez PIERRE de la VALLET MDCCXXXIX. 6$0OWSjfr TABLE Des Lettres & des Notes contenues dans ce Second Tome. VI. LETTRE, y\ 7 fferem artifi- v • 1 J ces des je/iii- tes pour eluder P autorite de PE - mngile , des Conciles £5? des Papes. Oitelques confequences qui J'uivent de -leur doPirine fur la Probabilite. Leur reldcbement enfaveur des Ee- neficiers , Pretres , des Reli- gieux^ff des Domefiques. Hijloire de Jean d'Alba. Pag. 1 Note 1. Ou DiJJ'ertation Thedngique fur 1’au¬ torite conjlante des Canons , & J'ur Vcmcien- ne Difcipline de VEglife a Vegard des Pre¬ tres tombez dans le crime; contre Verreur deFiliutius & des autres Cafuiftes, qui qjfu- rent fans dijtinttion que les Loix de VEglife perdcnt leur force quand on ne les obferve plus; £? contre les confequences horribles qu'ils tirent de cette opinion , principale- ment par rapport aux Pretres tombez dans le crime. 22 Section I. PJgles pour juger de ce que peut ou ne peut pas la coutume contre I’autorite des Canons■ Ibid. §. I. Que VEglife en changeant de Difcipline, ne change point d’e/prit. Ibid. §. II. Qiie les Canons de VEglife confervent toujours leur autorite en ce qu’ik coniiennent ■Tome II, ** dw TAPjLE DES LETTRES &c. du droit divin. Excellent pqjfage de St. Tho¬ mas fur ce fujet. 26 §. 111 . Qu’un abus contraire aux loix del'E'- glife, quoiqubdejd inveteri,ne les-doit pas faire regarder comme abrogies. 35 Section II. Combien les nouveaux Cafuiftej s'eloignent des regies prefiedehtes. 42 I. Premier exemple tire de Suarez, 'qui du- . torife Vavarice des Ecclefiaftiques qui bri- guent les plus riches Benefices. Ibid. §. II. Second exemple tiri de Filiutius de Thomas Sanchez, qui pr Hen dent que la' lot de PEglife qui ordonne de n’abjondre les Blafphemateurs qu'en leur impofant une ri- goureufe penitence", efl maintenant abrogee par fin ufage contraire. 45 Section- III. Troifieme exemple qui efl celui que Montalte rapporte de Bauny , c5? a I’oc- cafion duquel nous ferons voir quelle etoit Vancienne Difcipline de I'Eglife a I’egard des Pritres tombez dans le crime , if comment on s'ejl reldcbe fur ce point de Difcipline. 51 §. I. Doitrine infame de Bauny & de Mafca- ' renhas Jefuites. Ibid. II. Que les Laiques itoient autrefois feparez : de la communion pendant tin terns confidira- hle pour les crime / , furtout pour ceux d’impurete; & que les Pritres les Dia¬ cres etoient interdits pour toujours des func¬ tions de leur minijlere. 53 §. III. Qite U pajfage pritendu de St. Gregoiret qui eft contraire d tons ces Decrets , a ete ajoute par un FauJJaire. 58 §• IV. Qu’il y a de I'apparence qiCIfidorus ; Mercator , celebre impofteur , eft Vauteur de. eette addition . * ^4 §.V. TABLE DES LETTRES &c. §• V. Que les f au JJ es Lettres de St. Calixte , dp St. Gregoire,& de St. JJidore de Seville ,orit ete cauje du reldcbement de I’ancienne Difci- pline d I’egarcl des Minijlres de I’Eglife tom- i bez dans le crime. 6(5 §. VI. Que felon mime la Difcipline prifente de 1 ’ Eglife la doctrine de Bauny fif de Maf- carenbas eft toujours tres~corrompue. 7a § VII. Dohrine abominable d'Ejcobar. Si t Note II. Sentiment de Bauny tcucbant lei Domejliques qui volent leurs Maitres fous preeexte d’une compenfation fecrette condam- nee par lesFacultezde Paris & de Louvain 84. Note III. Chicane ridicule des Jefuites fur le terme d'Affafjin. ' 87 VII. LETTRE. Le la methode de diriger Tintention Jelon les Cafuif- tes. Le la permiffion qu'ils donnent de tuer pour la defenje de Phonneur £5? des bicns , ce qu'ils etendent juf- qu'aux Pretres £5? aux Rcligieux. QueJUon curieufe propojee par Ca- ramuei , [avoir sfl efl permis aux - Jefuites de tuer les Janfmifes. 91 Note. De la methode de diriger l'intention Je- - Ion les Jefuites. 1x3, Till. LETTRE. Maximes corrom- pues des Jefuites touchant les Ju- ges , les.UJuriers, les Banquerou- tiers , le Contrail Mohatra , lef Rejlitutions 5 &c.Dmrfes extra~ ' £ vagm~ TABLE DES LETTRES & c . vagances des memes Cafuijles. 122 Note i. De la difpenfe que les Jefuites don- nent aux Juges de rejlituer cequ’ils ont regit pour rendre des jugemens injujles. 144 §. I. Qjie Montalte a rapporte fidelement le fentiment de LeJJius Jur ce fujet. Ibid. $i. Ii Refutation de I'opinion de LeJJius. 147 III. Refutation des chicanes que les JiJui- tes font fur les Auteurs que Montalte accu- fe defavorifer I'opinion de Leffius. 155 Note ii. De l’impudence des Jefuites qui etendent aux Honnetes Femmes , aux Lilies fef aux Religieufes, ce que les loix n'accor * dent qu'aux Lrojlituees. 160 Note 111 . Du Contrast Mobatra. 166 Note IV. De I’Ufure. 169 Note fur une Th'efe foutenue a, Louvain le 14 Novembre 1699. 172 IX. LETTRE. De la fauffe devotion a la Ste. Vierge que les Jefuites ont iritroduite. Diverfes facilitez qu'ils mi inventees pour J'e fauver fans peine , & parmi les douceurs £2? les commoditez de la vie. Leurs maxi - vies fur Pambition 3 Penvie , lagour- tnandije , les equivoques , les reflec¬ tions mentales , les libertez qui J'ont permifes aux files , les habits des femmes , le jeu y leprecepte dfenten¬ dre la Mejfe. 1 84 Note 1 . Oh l'on dijlingue la vruie devotion a la Saints Vierge } do la devotion fauffe 13 mel TABLE DES LETTRES &c. mal riglee. 20$ Note II. Que Montalte a garde une parfaite equite, en rapportant & en cenfurant , com- me il a fait, I’opinion de Bauny fur le cri- vie que commettent ceux qui abufent d’une file, & que c'ejl tres-injujtement que les Je - J'uites Vaccufent de calomnie. 2 icy Note III. Refutation de Vopinion ipicurienne d’Efcobar fur les Plaifirs des Sens. 221 X. LETTRE. Adoucifjemens que les Jefuites ont apportez au Sacrement de Penitence par leurs maximes tou¬ ch ant la confeffion , la J'atisfattion, Pabfolution , les occafions prochaines de pecher , la contrition & T'amour de Dieu. 231 Note I. De Vopinion des Cafuiftes qui veu- lent que Von dome I'abfolution aux Pecheurs qui retombent toujours dans les memes defor- dres, quoiqu'on ne remarque en eux aucune efperance d'amendement. 2 56 Note II. Refutation de Vberejie des Jefuites fur l’Attrition naturelle.. 265 Note III. Ou Differtation Thtologique fur le commandement d’aimer Dieu. 277 Section I. Erreurs intolerables d' Antoine Sir- mo nd Jefuite contre ce commandement. Ibid. I. Vraie notion de VAmour de Dieu. Ibid. §. II. Explication exaSte de la doStrine duPire Antoine Sirmond. 282 §. III La mime doctrine foutenue depuis par le me me P. Sirmond dans un Ecrh qui apour ti- tre i Repocfe 4 un Libelle diffamatoire &c. '286 **3 Sec- TABLE DES LETTRES &c. Section II. Refutation des difiinctions cap - ■ tieufes du P. Sirmond. 291 §. I. Refutation dela premiere diflinStion qu’il fait de l’Amour, en Amour affeclif £? en A- mour effect if. Ibid. §. II. Refutation de la feconde diJlinStion, qui confijte a dijiinguer deux commandemens, Vun de rigueur , l’autre de douceur : Q« 'on ejt oblige en touterigueur d’aimer Dieu d’unq, affeStion interieure & veritable : Et que nier cette verite , c’ejt refufer de reconnoitre Je- fus-Cbrifl pour le maitre & le modele de la fie Ghretienne , renoncer au Bateme, & de - , truire toute la Religion Cbretienne. 298 Section III. Defenfe des Auteurs dont le P. Sirmond abufepourautorifer fonerreur. 306 §. I. Explication d’un pajfage de St. Bernard. Ibid. §, II. Infigne impofture du P. Sirmond, en rap, portant l'opinion de Mr. du Val. 311 §, III. Que GerJ'on ejl tres-eloigne de Verreur , du P. Sirmond. 313 Section IV Explication du fentiment de St. Thomas. Et refutation de Verreur du P. Sir - . mondpar lesprincipes que ce Saint etablR. 325 §. I. Premier principe de St.. Thomas. Qjte lei commandemens de Dieu font de neceffite de , falut. 3 2(5 §. II. Second principe. Que le plus grand de tous les commandemens eft celui de VAmour de Dieu. 327 §. III. Troifieme principe. Que tout ce qui fe fait contre la loi ejl picbe mortel, & qu’il n’y aquelepiche mortel qui foit contre laloi. 328 §. IV.. Quatrieme . principe. Que les prece'ptes ne regardent quo les attest non l’babitude i des TABLE DES LETTRES &c. des vertus. 332 §. V. Cinquieme principe. Que I’aSle d'amour commandipar le premier precepte, eft un q£te fpecial , diitiheui de I'obfervation des auires preceptes. ' 334 §. VI. Sixieme principe. Qu'il n'y a point d’amour de Dieu naturel dans I’etat de la nature corrompue. 333 §. VII. Confluences qu'on^doit tirer des prin- . cipes etablis ci-deffus. 335) Section V. Rdponfe aux objections que le P. Sirmond tire de St. Thomas. 341 $. I. Explication des deux premiers paffages qui ■ ontetecaufe del’erreur duP. Sirmond. Ibid. §. II. Explication du troifi'eme paffage de St. Thomas, dont le P. Sirmond abufe. 343 §. HI. Explication du quatrieme paffage de St± Thomas, malentenduparleP.Sirmond. 351 Section VI. Examen de ce que I'ApologiJte apporte pour la difenfe du P. Sirmond. 357 Note IV. Que Montalte a eu raifon de tourner en ridicule les opinions des Cqfuiftes fur l'A~ mour de Dieu. 367' Note V. La doctrine des Jefuites Pur VAttri- tion combattue depuis peu par MM. les Cu- rez de Gand, & condamnee par la Faculti de Louvain dans l’approbation qu'elle a donnee d la doctrine veritable. 369 Preface du meme Tbiologien oh il rapporte Vori- gine le progres de la difpute. 374 Lettre de Meffieurs les Curez de Gand aux Doc- 1 tears de la Faculti de Theologie de Louvain. 37 6 Fondemens de la doCtrine de Meffieurs les Curez de Gand. L’on montre que felon VEcriture Sainte il ne fujfit pas pour obtenir la grace de Dieu TABLE DES LETTRES &c. Pieu dans le Sacrement de Penitence, d’avoir de la douleur de J'es pecbez par la feule crainte de I’Enfer; mais qu’il faat necejfairement en avoir regret , parce que Dieu en ejt offenfe , c’ejl-a-dire qu’il faut avoir un mouvementde bienveillance pour Dieu. 378 L’on montre la meme cbofe par les Conciles & par les Saints Peres. , 385 Jugement de la Sa free Faculte de Theologie dc rUniverfite de Louvain, tant fur cet Ecrit que Jur la DoBrine propofee dans la Lettre qui y etoitjointe. 393 Cenfure & approbation desDotteurs en Then * logie de I’UniverJite de Bordeaux. N Ous fouffignez DoQeurs 8c Profefleurs Royaux en Theologie dans l’Univerfite de Bordeaux , declarons que fuivant l’Arret du farlement, le Livre intitule, Lttdovici Montaltii Litter a Provinciates de Morals & Politico Jefuitarum Difciplind, nous ayant ete mis entre les mains pour en examiner la bonne ou mauvaile do£fcrine,8c don- ner notre avis s’il contenoit quelque herelie, apres avoir premierement invoque le fecouts du Pere des Lumieres, nous avons lu avec loin iedit Livre, 8c qu’apres avoir deiibe're eniemble lur la do&rine y contenue,8c nouserre communique nos avis, nous n’y avons trouve aucunc herefie. Fait dans le Couvent des Carmes le s. du mois de Juin l’an 1660. Signe FRANCOIS ArnaBLD , de I’Ordre de Saint Mugnjlin. J. Jv.AM-BAPTISTF. Gonet, de fOrdrt des F reres Precheurs. Lopez, Qhmine ThioU&l. SIXIE-, SIXIEME LETTRE (i) ECRITE A UN PROVINCIAL PAR U N D E S E S AMIS. Differens artifices des Jdfuites pour eluderl’au¬ torite de I’Evangile , des Conciles des Pa¬ pes. Qjielques confluences qui fuivent de leur doctrine Jur la Probability. Leurs re- lachemens en favour des Bineficiers , des Pretres, des Religieux, & des DomeJHques. Hiftoire de Jean d’/ilba. De Paris ce io. Avril 165 < 5 . Monsieur, E vous ai dit k la fin de ma der- niere Lettre, quece bonPereJd- faite m’avoit promis de m’apren- dre de quelle forte ies Cafiiiftes accor- (1) Cette Uettte a tte revue par Mr. Nicole. Tome II, A 2 VI. L E T T R E. accordent les contrarietez qui fe rencon* trent entre Jeurs opinions, & les decifions des Papes, des Conciles, & de l’Ecriture. II m’en a inftruit en effet dans ma feconde viiite, done void le rede. Ce bon P&re me parla de cette forte. Une des manieres done nous accordons ces contradictions apparentes, eft par l’in- terprdtation de quelque terme. Par exem- ple, le Pape Gregoire XIV. a declard que les Aflaffins font indignes de joui'r de l’azile des Eglifes, & qu’on les en doit arracher. Cependant nos 24 Vieillards difent tr. 6. ex. 4. n. 27. Que tons ceux qui tuent en tra- hifon, ne doivent pas encourir la peine de cet¬ te Bulle. Cela vous paroit dtre contraire, mais on l’accorde, en interprdtant le mot d 'ajjajftn, comme ils font par ces paroles. Les ajjafms ne font-ils pas indignes de joui'r du privilege des Eglifes ? Old ,par la Bulle de Gregoire XIIS. Mais nous entendons par le mot d’ajfajflins , ceux qid ont regu de Vargent pour tuer quelqu'un 'en trahifon. D'oii il ar¬ rive que ceux qui tuent fans en recevoir au- cun prix , mais feulement pour obliger leurs amis, ne font pas appellez affajfms. De md- me il eft dit dans 1 ’Evangile, Donnez I'au- mone de votre fuperflu. Cependant plulieurs Cafuiftes ont trouvd moyen de ddcharger lesperfonnes les plus riches de l’obligation de donner l’aumdhe. Cela vous paroit en¬ core contraire; mais on en fait voir faci- lement l’accord, en interprdtant le mot de fuperflu, en forte qu’il n’arrive prefque ja¬ mais Autorite’s elude’es. g mais que perfonne en ait. Et c’eft ce qu’a fait le dodte Vafquez en cette force, dans fonTraitd del’Aumdne, c. 4. Ce que lesper- fonnes dumonde gardent pour relever leur con¬ dition & celle de leurs parens, n’eft pas ap- pelle fuperflu. Et c'efi pourquoi a peine trou- vera-t-on qu’il y ait jamais de fuperflu cbez les gens du monde , & non pas merne cbez les Rois, Auffi Diana ayant rapportd ces memes paroles de Vafquez , car il fe fonde ordi- nairement fur nos Peres, il en conclut fort bicn: Que dans la quejlion, Si les riches font obligez de donner Vaumdne de leur fuperflu , encore que 1’affirmative fdt veritable , il n’ar * rivera jamais, ou prefque jamais, qu'elle ob¬ lige dans la pratique. je vois bien,mon Pfe're, que cela fuit de la dodtrine de Vafquez. Mais que rdpon- droit-on fi l’on objedloit, qu’afin de faire fon falut , il feroit done auffi ffir, felon Vafquez , de ne point donner 1’aumdne, pourvu qu’on a'it affez d’ambicion pour n’avoir point de fuperflu ; qu’il eft ffir, felon 1’Evangile , de n’avoir point d’am¬ bition , afin d’avoir du fuperflu pour en pouvoir donner l’aum6ne P II faudroit rd- pondre, me dit-il , que toutes ces deux voies font fures felon le mdme Evangile; l’une, felon 1’Evangile dans le fens le plus littdral & le plus facile is trouver; 1’autre, felon le meme Evangile interpretd par Vafquez. Vpus voyez par-la l’utilitd des interprdtations. . A 2 Mais 4 VI. L E T T R E. Mais quand les termes font fi clairs qu’ils n’en fouffrenc aucune, alors nous-nous fer- vons de ia reraarque des circonftances fa- vorables, comme vous verrez par cet ex- emple. Les Papes ont excommunid les Re- Ji'gieux qui quictent leur habit, & nos 24. Vieillards ne laiffent pas de parler en cette forte, tr. 6. ex. 7. n. 103. En quelles occa • Jions nn Religieux peut-il quitter fon babit fans encourir l'excommunication? II en rap- porte plufieurs , & entr’autres celles-ci: S’il le quitte pour une caufe bonteufe , com¬ me pour alter filouter , ou pour alter incogni¬ to en des lieux de debaucbe> le devant bien- tot reprendre. Audi il eft vifible que lea Bulles ne parlent point de ces cas-li. J’avois peine & croire cela , & je priai le Pbre de me le montrer dans l’original; & je vis que le cbapitre oh font ces pa¬ roles eft intitule, Pratique felon I'Ecole de la Societe defefus; Praxis ex Societatis Jefu Scbola, & j’y vis ces mots: Si habitum di- mittat lit furetur occult &, vel for nice tur. Et il me montra la mdme chofe dans Diana en ces termes, Ut eat incognitus ad lupa- nar. Et d’oh vient, mon I’ere, qu’ils les ont dechargez de l’excommunication en cette rencontre? Ne le comprenez-vous pas, me ditil? Ne voyez-vous pas quel fcandale ce feroit de furprendre un Reli¬ gieux en cet dtat avec fon habit de Reli¬ gion? Et n’avez-vous point oui' parler, continua-t-il, comment on rdpondit k la premiere Bulle Contra Sollicitantes ? & de quelle Autorite’s eeude’es. 5 quelle forte nos 24. dans un Chapitre aufl] de la pratique de l’Ecole de notre Societe, expliquent la Bulle de Pie V. Contra Cleri- cos, &?c.? Je ne fai ce que c’eft que tout cela, lui dis-je. Vous ne lifez done gueres Efcobar, me dit-il. Je ne l’ai que d’bier, mon Pbre, & mdme j’eus de la peine a le trouver. Je ne fai ce qui eft arrivd depuis peu, qui fait que tout le monde le cher- che. Ce que je vous difois , repartit le Pere, eft au tr. 1. ex. 8. n. 102. Voyez-le en votre particulier. Vous y trouverez un b el exemple de la maniere d’interprdter favorablement les Bulles. Je le vis en ef- fet, des le foir meme; mais je n’dfe vous le rapporter, car e’eft une chole eftfoyable. Le bon Pere continua done ainfi. Vous entendez bien maintenant comment on fe Pert des circonftances favorables? Mais il y en a quelquefois de ft precifes, qu’on ne peut accorder par-la les contradictions. De forte que ce feroit bien alors que vous croiriez qu’il y en auroit. Par exemple: Trois Papes ont decide que les Religious qui font obligez par un veeu particulier £ la vie quadragdfimale , n’en font pas dif- penfez, encore qu’ils foiant faits Evdques. Et cependant Diana dit , que nonobjlant leur decifion Us en font difpenfez. Et com¬ ment accorde t-il cela , lui ais-je? C’eft, repliqua le Pbre,parla plus fubtile de tou- tes les nouvelles mdthodes, & par le plus fin de la Probability. Je vas vous l’expli- quer. C’eft;que, copime vous le vites l’au- A 3 trq 6 VL L E T T R E. trejour, l’affirmative & la negative tie la pluparc des opinions one chacune quelque probability, au jugement de nos DoEteurs, & aifez pour dtre fuivies avec furete de confidence. Ce n’eft pas que le pour & le contre foient enfemble vdritables dans le mdme fens, cela eft impofllble; mais e’eft feulement qu’ils font enfemble pro¬ bables, & furs par confequent. Sur ce principe Diana notre bon ami parle ainfi en la part. 5. tr. 13. R. 39. Je repons a la deeijion de ces trois Papes , qui eft ■contraire d mon opinion , qu’ils ont parle de ■la forte , en s’attacbant d l’affirmative, laquelle en effet eft probable , a mon jugement mime : mais il ne s’enfuit pas de-ld que la negative n’ait aufi fa probabilite, Ec dans le mdme Traite. R. 65 - Dr un autre fujer, dans lequel il eft encore d’un fentiment contraire a un Pape, il parle ainfi: Qiie le Pape Vait dit comme chef de I'Eglife , fe le veux. Mais il ne I’a fait que dans I’etendue de la, fpbere de probabilite de J'on fentiment. Or vous voyez bien que ce n’eft pas -14 blefTer les fenii- mens des Papes: on ne le fouffriroit pas k Rome, oil Diana eft en un ii grand erddit. Car il ne dit pas que ce que les Papes ont decide, ne foit pas probable; mais enlaif- fant leur opinion dans toute la fphdre de probabilite, il ne laiife pas de dire que le contraire eft auffi probable. Cela eft trbs- refpeftueux , lui dis-je. Et cela eft plus fubtil, ajouta-t il, que la rdponfe que fit le PereBauny quand oa eut cenfure fes Livres a Ro- Autorite’s eeude’es. 7 & Rome. Car il lui dcbappa d’bcrire contre Mr. Hallier, qui le perfecutoit alors furieu- fement: Qji’a de commun la cenfure de Rome avec celle de France ? Vous voyez affez par- la, que, foie par la remarque des circon- ftances favorables, foie enfin par la double probability du pour & du contre, on accor- de toujours ces contradiclions prdiendues, qui vous etonnoient auparavanc, fans ja-‘ mais blefler Jes dbcifions de 1’Ecriture, des^ Conciles, on des Papes, comme vous le voyez. Mon Reverend Pere, lui dis-je, que le monde eft heureux de vous avoir pour maitres! Que ces probabilitez fontuiiles! Je ne favors pourquoi vous aviez pris tant de foin d’etablir, qu’un feul Dofteur, s'U eft grave, peut rendre une opinion proba¬ ble; que le contraire peut l’etre auffi; & qu’alors on peut choifir du pour & du contre celui qui agrde le plus, encore qu’on ne le croie pas veritable, & avec tant de furetb de confcience, qu’un Com- fefleur qui refuferoit de donner 1’abfolu- tion fur la foi de ces Cafuiftes, feroit eq etat de damnation. D’o'u je comprens qu’un feul Cafuifte peut a fon grd faire de nou- velles rbgles de morale, & difpenfer felon fa fantaifie de tout ce qui regarde la con- duite des mceurs. II faut, me dit le Pere, apporter quelque tempdramment a ce que vous dites. Apprenez bien ceci. Void notre mdthode, oil vous verrez le progres d’une opinion nouvelle, depuis fa natifanr ce jufqu'a fa maturity. A 4 D’abord g VI. L E T T It E. D’abord le Dofteur grave qui l’a inven* tde Pexpofe au monde, & la jette comme une femence pour prendre racine. F.Ue eft encore foible en cet dtat, mais il faut que le terns la raeurifle peu a peu. Etc’eftpour- quoi Diana, qui en a introduic plufieurs, die en un endroit: J'avarice cette opinion , mais parce qu’elle ejt nouvelle , je la laijje meurir au terns ; Relinquo tempari maturan- dam. Ainfi en peu d’anndes on la voic in- fenfiblement s’afferrair , & apr£s un terns conliderable, elle fe trouve autorifde par la tacite approbation de FEglife, felon cet¬ te grande maxime du Pere Bauny; Qu'nne opinion etant avancee par quelques Cafuijles , fcf I’Egli/e ne s'y etant point oppojee, c’ejl un temoignage qu'etie I'aprouve. Et e’eft en ef- fet par ce principe qu’il autorife un de fes fencimens dans fonTraitdP. p.312. Etquoi, lui disje, monPere, I’Eglife a ce compte-la aprouveroit done tous les abus qu’elle fouffre, & toutes les erreurs des Livres qu’elle ne cenfure point? Difputez , me dit-il, contre le P. Bauny. Je vous fais un rdcit, & vous conteftez contre moi. 11 ne faut jamais difputer fur un fait. Je vous difois done que quand le terns a ainfi meuri une opinion, alors elle eft tout & fait pro¬ bable & Cure. Et de-li vient que le dodle Caramuel, dans la Lettre oti il adreffe & Diana faThdologieFondamentale, die que ce grand Diana a rendu plujieurs opinions probables qui ne I’etoient pas auparavant, X 3 u$ antea non erant: Et qu'ainfi on nepeebe plus Progress de ea Probabilite’. 9 plus en les Juivant; au lieu qu'on pecboit au * paravant ; jam non peccant, licet ante pec- caverint. En vdritd, mon Pere, lui dis-je, il y a bien h. profiter auprds de vos Do&eurs. Quoi, de deux perfonnes qui font les md- mes chofes , celui qui ne fait pas leur dodtrine , pdcbe; celui qui la fait, ne pe- che pas? Eft-elle done tout enfemble in- ftrudiive & juftifiante? La Loi deDieu fai- foit des prdvaricateurs felon St. Paul, celle- ci fait qu’il n’y a prefque que des inno- cens. Je vous fupplie , mon Pdre, de m’en bien informer ; je ne vous quiterai point que vous ne m’ayez dit les principa¬ ls maximes que vos Cafuiftes ont dtablies. HtHas! me dit le Pere, notre principal but auroit dte de n’dtablir point d’autres maximes que celles de l’Evangile dans tou- te leur fdveritd. Et l’on voit affez par le reglement de nos mceurs , que fi nous i'ouffrons quelque reldchement dans les autres , e’eft plutdt par condefcendance que par deflein. Nous y fommes forcez. Les hommes font aujourd’hui tellemenc corrompus, que ne pouvant les faire ve- nir a nous, il faut bien que nous allions & eux. Autrement ils nous quiteroient; ils feroient pis, ils s’abandonneroient entid- rement. Et e’eft pour les retenir que nos Cafuiftes ont confiddrd les vices auxquels on eft le plus portd dans toutes les condi¬ tions , afin d’dtablir des maximes ft dou- ces , fans toutefols blefler la veritd, qu’on A 5 feroie Io VI. L E T T R E. feroit de difficile cpmpofition ft Ton n’en btoic content. Car le deflein capital que notre Societe a pris pour le bien de la Re¬ ligion, eft de ne rebuter qui que ce foit, pour ne pas defefpbrer le monde. Nous avons done des maximes pour tou* tes fortes de perfonnes , pour les Bbnbfi- ciers,pour les Prbtres, pour les Religieux, pour les Gentilshommes , pour les Do- meftiques, pour les riches , pour ceux qui font dans le commerce , pour ceux qui font mal dans leurs affaires , pour ceux qui font dans l’indigence , pour les Fem¬ mes dbvotes , pour celles qui ne le font pas , pour les gens mariez, pour les gens dbreglez. Enfin rien n’a echappe a leur prb- voyance. C’eft-i-dire, lui disje,qu’il yen a pour le Clerge, la Nobleffe, & le Tiers* Etat. Me voici bien difpofe & les entendre. Commenqons, dit le Pere , paries Bb- nbficiers. Vous favez quel trafic on fait aujourd’hui des Bbnefices, & que s’il fal- loit s’en rapporter & ce que St. Thomas & les Anciens en ont berit, il y auroit bien des Simoniaques dans l’Eglife. C’eft pour- quoi il a etb fort neceffaire, que nos Peres ayent tempbrb les chofes par leur pruden¬ ce , comme ces paroles de Valentia, qui eft l’un des quatre Animaux d’Efcobar , vous l’aprendront. C’eft la conclufion d’un Iona: difeours, oh il en donne plufieurs ex* pbdiens,dont voici le meilleur a mon avis. C’eft en la p. 2039. du tome 3. Si Von don- lie m bien temporel pour un bien fpirituel , c’eft- Des Pretres. ir c’eft*a-dire de l’argcnt pour un Bendfice, & qu'on dome l’argent comme le prix du Be- ntfice , c'ejl me Jimonie vifible. Mais Ji on le donne comme le motif qui forte la volonte du Collateur a le conferer\ ce n eft point Jimonie , encore que celui qui le confere, conjidere if attende l’argent comme la fin principale. Tan- nerus, qui eft encore de nocre Societd, dit la mdme chofe dans fon tome 3, p. 15 ip. quoiqu’il avoue que St. Thomas y eji eontraire, en ce qu’il enj'eigne abfolument que c’ejl toujours Jimonie de donner un bien Jpiri- tusl pour un temporel, Ji le temporel en eji la Jin. Par ce moyen nous empdchons une infinite de fimonies. Car qui feroit affez mechant pour refufer, en donnant de l’ar- genc pour un Benefice, de porter Ion in¬ tention a le donner comme un motif qui porte ie Beneficier a le refigner, au lieu dele donner comme le prix duBdnefice? Perfonne n’eft affez abandonnd de Dieu pour cela. Je demeure d’accord,lui dis-je, que tout le monde a des graces fuffifantes pour faire un tel marche. Cela eft affure , repartit le Pere. Voiidt comment nous avons adouci les chofes a Tdgard des Bdndficiers. Quant aux Prdtres, nous avons plufieurs maximes qui leur font affez favorables. Par exemple celled de nos xxiv. tr. 1. ex. 11. n. 96. Vn Pretre qui a repu de l'argent pour dire une MeJJe, peut il recevoir de nouvel argent fur la mime MeJJe? Oui , dit Filiutius, .en appliqmnt la partie du facrifice qui lui ap- tz VI. Letts?. partient comme Pretre , a celui qui le paye de nouveau > pourvu qu'il n'en regoive pas autant que pour une MeJJe entiere , mais Jeulemetit pour une partie , comme pour un tiers de MeJJe. Certes, mon Pere, voici une de ces ren¬ contres oil le pour & le contre font bien probables. Car ce que vous dites ne peuc manquer de l’dtre, apres 1’autoritd de Fi- liutius & d’Efcobar. Mais en le laiflantdans fa fphere de probability, on pourroic bien, ce me femble, dire aulfi le contraire, & 1’appuyer par ces raifons. Lorsque l’Egli- fe permet aux Prdtres qui font pauvres de recevoir de l’argent pour leurs MefTes, parce qu’il ell: bien julie que ceux qui fer¬ vent k I’Autel, vivent de l’Autel, elle n’en- tend pas pour cela qu’ils dchangent le fa¬ crifice pour de l’argent, & encore moins qu’ils fe privent eux-mdmes de toutes les graces qu’ils en doivent tirer les premiers. Et je dirois encore, que les Pretres , felon Saint Paul ,font obligez d'offrir le facrifice pr&- mierement pour eux-memes, c? puis pour le peuple ; & qu’ainft il leur elt bien permis d’en aflfocier d’autres au fruit du facrifice, mais non pas de renoncer eux-mdmes vo, lontairement ii tout le fruit du facrifice,& de le donner & un autre pour un tiers de MelTe, c’eft-a-dire pour quatre ou cinq fols. En verity, mon Pdre , pour peu que je ffifle grave , je rendrois cette opinion probable. Vous n’y auriez pas grande pei- pe', ms dit-il. Elle l’eft vifiblement. La DesPretres: 13. difficult^ 6toic de trouver de la probabili¬ ty dans le contraire dcs opinions qui font manif'-ftement bonnes. Et c’eft ce qui n’appartient qu’aux grands hommes. Le' Pfere Bauny y excelle. 11 y a du plaifir de voir ce favant Cafuifte pdndtrer dans le pour & le contre d’une mdme queftion qui regarde encore les Prdtres, & trouver rai- fon par tout, cant il eft ingdnieux & fubtiL 11 die en un endroit, c’eft dans le Traitd 10. p. 474. On ne pent pas fairs une loi qui obtigedt les Curez d dire la MeJJe tons les jours, parce qu’une telle loi les expoferoit indubita * blement, Haud dubie, au peril de la dire quel- quefois en peebe mart el. Et ndanmoins dans le mdme Traitd 10. p. 441. il die: Que les Pretres qui ont repu de Vargent pour dire la MeJJe tons les jours, la doivent dire tous les jours; & qu’ils ne peuvent pas s’excufer fur ce qu’ils ne font pas toujours ajjez priparez pour la dire, parce qu'on pent toujours faire I’aEte de contrition; & que s’Us y manquent, c’eji leur faute, & non pas celle de celui qui leur fait dire la MeJJe. Et pour lever les plus grandes difficultes qui pourroient les en empdeher, il rdfout ainfi cette queftion dans le fndme Traitd qu. 32. p. 457. Un Pretre peut-il dire la MeJJe le mime jour qu’il a conmis un peebi mortel, & des plus criminels , en fe confejfant ajaparavantl Non, dit Villalobos, a cauj'e de fon impurete. Mais Sancius dit que oui, & fans aucun peche, & jetiens fon opinion Jure ,& qu’elk doit etrefui- vie dans la pratique, Et tuta & fequenda in praxi, * Quoi, 14 VI. L E T T R Ei Quoi,mon Pdre, lui dis-je, on doit fui- vre cette opinion dans la pratique? Un Prdtre qui feroit tombd dans un tel defor- dre, dferoit il s’aprocher le mdme jour de l’Autel fur la parole du Pere Bauny ? Et ne devroit-ilpas ddfdrer aux anciennes loix de l’Eglife, qui excluoient pour jamais du facrifice, ou au-moins pour un long terns, les Prdtres qui avoient commis des pdchez de cette forte , plut6t que de s’arrdter aux nouvelles opinions des Cafuiftes , qui les y admettent le jour mdme qu’ils y font tom- bez? Vous n’avez point de memoire, die le Pere. Ne vous apris-je pas 1’autre fois, que felon nos Pdres Gellot & Reginaldus, on ne doit pas fuivre dans la morale les an- ciens Peres, mais les nouveaux Cafuifies ? Je m’en fouviens bien, lui rdpondis-je. Mais il y a plus ici, car il y a des loix de l’Egli¬ fe. Vous avez raifon, me dit-il; mais e’eft que vous ne favez pas encore cette belle maxime de nosPdres: Que les loix de PEgli- fe perdent leur force , quand on ne les obferve plus , Cum jam defuetudine abierunt , com- me dit Filiutius tom. 2. tr. 25. n. 33. Nous voyonsmieuxque lesAnciens lesndeeflitez prefentes de l’Eglife. Si on etoit fi fevere k exclure les Prdtres de l’Autel, vous com- prenez bien qu’il n’y auroit pas un fi grand nombre de MelTes. Or la pluralite des MeG fes apporte tant de gloire k Dieu, & d’uti- lite aux Ames, que j’oferois dire avec no- tre Pkre Cellot,dans fon Livre de la Hid- rarchie pag. 611. de l’impreffion de Rouen, Des Re ligie u x. ' i $ qu’il n’y auroic pas trop de Prdtres, quand non feulement tons les bommes & les femmes , ft cela fe pouvoit , mais que les corps infenji• bles , £*? les bites brutes mimes, Bruta ani- malia, feroient changer, en Pretres pour did- brer la Meffe. Je fus.fi furpris de la bizar- rerie de cette imagination, que je ne pus rien dire, de forte qu’il continua ainfi. Mais en voild afiez pour les Prdtres, je ferois trop long, venons aux Religieux. Comme leur plus grande difficult^ eft en Pobdi'/Fance qu’ils doivent a leurs Supd- rieurs , dcoutez radouciffement qu’y ap- portent nos Pdres. C’eft Caftrus Palaiis de notre Socidte, Op. Mor. p. i. difp. 2 . p. 6. 11 eft hors de. difpute, Non eft controverfia, que le Religieux qui a pour foi une opinion probable, n’eft point tenu d’obe'ir a fon Supi- rieur, quoique 1’opinion du Supirieur foit la plus probable. Car alors il eft permis au Reli- f ieux d’embrajfer celle qui lui eft la plus agrea- le , Qute fibi gratior fuerit, comme le dit Sanchez. Et encore que le commandement du Supirieur foit jufte, cela ne vous oblige pas de lui obe'ir: Car il n’eft pas jufte de 'toils points fef en toutes manieres, Non undequa- quejuftb prmcipit, mais feulement probable- merit , e? uinji vous n’etes engage que proba- blement d lui obii'r, & vous en etes probable- ment degage; Probabiliter obligatus , £? pro- babiliter deobligatus. Certes , mon Pere, lui dis*je , on rie fauroit trop eftimer un ft beau fruit de la double probability. Elle eft de grand ufage, me dit - il a mais abrd- geons. 1 6 VI. Let. Des Domestiques. geons. Je ne vous dirai plus que ce trait de notre cddbre Molina, en faveur des Re- ligieux qui font chaffez de leurs Couvens pour leurs defordres. Notre Pdre Efcobar ]e raporte tr. 6 . ex, 7. n. 111. en ces ter* mes. Molina ajjure qu'un Religieux chajji de Jon Monaftere, n’eft point obligi de fe cor - riger pour y retourner, & qu'il n’ejl plus lid par fun vosu d'obeiffance. Voil&, mon Pere, lui dis-je, les Eccld- fiaftiques bien & leur aife. Je vois bien que vosCafuiftes lesont traitez favorablerneDt. Ils y ont agi corame pour eux-memes. J’ai bien peur que les gens des autres condi¬ tions ne foient pas fi bien traitez. 11 fa- loit que chacun ftit pour foi. Ils n’auroient pas mieux fait eux-mdmes, me repartit le Pere. On a agi pour tous avec une pareille charitd , depuis les plus grands jufques aux moindres. Et vous m’engagez pour vous le montrer, a vous dire nos maximes touchant les Valets. Nous avons confiddrd d leur dgard la pei¬ ne qu’ils ont, quand ils font gens de con¬ fidence , k fervir des Maltres ddbauchez. Car s’ils ne font tous les meffages olt ils les emploient, ils perdent leur fortune ;& s’ils leur obdi'flent, ils en ont du fcrupule. C’eft pour les en foulager que nos 24. Pd- res tr. 7. ex. 4. n. 223. ont marqud les fer- vices qu’ils peuvent rendre en furetd de confcience. En void quelques-uns: Porter des lettres &? des prefens ; ouvrir les portes & les fmetres', aider leur maitre d monter d la fentire, Des D0MESTIQ.UES. 17 fmetre , ieiiir I'ecbelle pendant qu’il y monte: 'tout cela eft permis & indifferent II ejt vrai que pour I’ecbelle il faut qu’ils foient menactz plus qua l'ordinaire , s’Us y manqufiient. Car c’eft faire injure au maitre d’une niaifon d'y ehirer par h fenitre. Voyez-vous combien cela eft judicieux. Je n’attendois rien moins, lui dis-je, d’un Livre tire de 24. Jdfuites. Mais, ajouta le pbre, fiotrePere Bauny a encore bien ap- pris aux valets it rendre tous ces devoirs- 1S innocerament a leurs maftres, en faifant qu’ils portent leur intention, non pas aux pechez dont i!s font les entremetteurs , mais feulement au gain qui leur en revient. C’eft ce qu’il a bien expliqud dans fa Som¬ me des Pdchez en la page 716. de la pre¬ miere impreffion: Que les Confeffeurs, dit- il, remarquent bien qu’on ne pent abfoudre les valets qui font des meffages desbonnetes t s'ils confentent aux pechez de leurs maitres: mais il faut dire le contraire , s'ils le font pour leur commodity temporelle. Et cela eft bien facile it faire; car pourquoi s’obftine- roient-ils a confentir & des pdchez done ils n’ont que la peine? Et le mdme P. Bauny a encore dtabli cette grande maxime en faveur de ceux qui ne font pas contens de leurs gages. C’eft dans fa Somme, p. 213. & 214. de la fixibme ddition. Les valets qui fe plaignent de leurs gages, peuvent-ils d’eux - memos les croltre en fe garnijfant les mains d'autant de bien appurtenant d leurs mattres , comme ils Tome IL B s'ima- 18 VI. Let. Des Domestiques. s’imaginent en tire necejjaire pour igaler lef- dits gages d leur peine ? lls le peuvent en quelques rencontres , eomme lorfqu'ils font fi Joamres en chcrcbant condition , qu’ils ont iti vbligez d'accepter I’offre qu'on leur a faite, & que les autres valets de leur forte gagnent da- vantage ailleurs. Voila juftement, mon Pere, lui dis-je, le paflage de Jean d’Alba. Quel Jean d’Al¬ ba, dit le Pere? Que voulez-vous dire? Quoi, mon Pere, ne vous fouvenez-vous plus de ce qui fe pafl'a en cette ville 1’an- nee 1647? Et ou dtiez-vous done alors? J’enfeignois, dit-il, les Cas de Confcience dans un de nos Colleges affez dloigne de Paris. Je vois done bien, mon Pere, que vous ne favez pas cette hiltoire, il faut que je vous la dife. C’dtoit une perfonne d’honneuT qui la contoit l’autre jour en un lieu oil j’dtois. 11 nous difoit que ce Jean d’Alba fervant vos Peres du College de Clermont de la rue St. Jaques, & n’e- tant pas fatisfait de fes gages, ddroba quelque chofe pour fe recompenfer. Que vos Peres s’en dtant appergus le firent met- tre en prifon, l’accufant de vol domefti- que; & que le proces en fut raportd au Chatelet le 6. jour d’Avril 1547, fi j’ai bon¬ ne mdmoire. Car il nous marqua toutes ces particularitez-la , fans quoi & peine l’au- roit-on cru. Ce malheureux dtant interro- gd , avoua qu’il avoit pris quelques plats d’etain & vos Peres, mais il foutint qu’il ne les avoic pas volez pour cela, raportan'c pour Compensation. 19 pour fa juftification cette doftrine du P. Bauny qu’il prefenta aux Juges, avec un E- crit d’un de vos Peres, fous lequel il avoir etudie les Cas de Confcience, qui lui avoir appris la mdme chofe. Sur quoi Mr. de Monrouge, 1’un des plus confiderez de cette Compagnie , die en opiuant: Qji’il n'dtoit pas d'avis que fut des Ecrits de ces Pe¬ res , contenant me doctrine illicite , pernicieu- fe , £? contraire a toutes les loix naturelles , di¬ vines (f bumaines , capable de renverfer tou¬ tes les families , & d’autorifer tous les vols domeftiques , on dilt abfoudre cet accufe.Mais qu'il itoit d’avis que ce trop fidele difciplefilt fouette devant la ports du College par la main du Bourreau, lequel en meme terns brdleroit les Ecrits de ces Peres traitant du Larcin , avec defenfe d eux de phis enfeigner une telle do£lri- ne fur peine de la vie. On attendoit la fuite de cet avis qui fur fort approuvd, lorsqu’il arriva un incident qui fit remettre le jugement de ce proces- Mais cependant le prifonfiier difparut oit ne fait comment, fans qu’on parl&t plus: de cette affaire-fir, de forte que Jean d’Al- ba fortit, & fans rendre fa vaiflelle. Voififc' ce qu’il nous die, & il ajoutoit ^ cela, que 1’avis de Mr. de Monrouge eft aux Regiftres du Chdtelet,oii chacun le peut voir.Nous primes plaifir a ce conte. A quoi vous amufez-vous, dit le Pere? Qu’eft-ce que tout cela fignifie? Je vous parle des maximes de nos Cafuiftes, j’etois prdt h vous parler de celles qui regardenr B 2 les so VI. Let. Jean d’Alba condaVne*. les Gentilshommes , & vous m’interrom-* pez par des hiftoires hors de propos. Je ne vous Je dif'ois qu’en paflant, lui dis-je, & auffi pour vous avertir d’une chofe im¬ portance fur ce fujet , que je trouve que vous avez oubliee en dtabliflant votre doc¬ trine de la Probability. Ec quoi, dit le Pd- re, que pourroit-i! y avoir de manque a- pres que cant d’habiles gens y one paiTd? C’eft, lui repondis-je, que vous avez bien mis ceux qui fuivent vos opinions proba¬ bles, en aflurance a l’egard de Dieu & de la confcience: car a ce que vous dices, on eft en furetd de ce c6te-Pi, en fuivant un Dodteur grave. Vous les avez encore mis en aflurance du cdte des Confefleurs: car vous avez oblige les Prdtres a les ab- foudre fur une opinion probable, a peine de pdche mortel. Mais vous ne les avez point mis en aflurance du c6tb des Juges, de forte qu’ils fe trouvent expofez au fouet & il la potence, en fuivant vos pro- babilitez. C’eft un ddfaut capital que ce- la. Vous avez raifon , dit le Pere, vous me faites plaifir. Mais c’eft que nous n’avons pas autant de pouvoir fur les Ma- giftrats que fur les Confefleurs , qui font obligez de fe reporter a nous pour les Cas de Confcience : car c’eft nous qui en ju- geons fouverainement. J’entens bien, lui dis-je; mais fi d’une part vous dees les Juges des Confefleurs, n’etes-vous pas de 1’autre les Confefleurs des Juges? Votre pouvoir eft de grande dteadue : obliges ies BESjUGES. Zr les d’ab.foudre les criminels qui ont unc opinion probable , a peine d’etre exclus des Sacremens; afin qu’il n’arrivepas, au grand mbpris & fcandale de la Probabili¬ ty , que ceux que vous rendez innocens dans la thborie , foient fouettez ou pen- dus dans la pratique. Sans cela comment trouveriez-vous des difciples ? II y faudra fonger, me dit-il , cela n’eft pas k ndgli- ger. Je le propoferai k notre Pere Provin¬ cial. Vous pouviez nbanmoins referver cet avis k un autre terns , fans interrom- pre ce que j’ai & vous dire des maximes que nous avons btablies en faveur des Gentilshommes , & je ne vous les a£r prendrai qu’ii la charge que vous ne me ferez plus d’hiftoires. Voila tout ce que vous aurez pour aujourd’hui; car il fauc plus d’une Lettre, pour vous mander tout ce que j’apris en une feule converfatioD. Cependant je fuis, &c. B 3 NOTE 22 I. Note sur la VI. Lettke. NOTE PREMIERE S U R L A SIXIEME LETTRE. o u DISSERTATION THEOLOGIQUE Sur V Autorite conflante dcs Canons, & fur randoms Difcipline de I’Egiife d regard des Pretrcs tombez dans le crime. Contre l’erreur de Filiutius & des autres CafaiC- tes, qui affluent fans diftinftion que les Loix de l’Eglife perdent leur force quand on ne les ob- ferve plus: Et contre les confluences horri- bles qu’ils drent de cette opinion, principale- anent par rapport aux Pretres tombez dans Ie crime. SECTION PREMIERE. Tfgks pour juger de ce que pent ou ne pent pas la ceutuKie contre i’Autorite' des Canons, S- I. ‘One 1’Eglife en changcmt de Difcipline ne change point d’Efprit, L Es Cafuiftes dtabliffent gdndralement & fans diftinction, que les Loix de 1’Lglife s’abro- gent par le non-ufage. Et par cette feule maxi- jne,qui fe trouve r£pandue dans leursLcrits, & qu’ils propofent fans aucune precaution, ils ren- dsnt inutiles tous les efforts qu’on pourroit faire pour De l’autorite 5 des Canons. 23 j/0«r retablir, au-moins en partie , l’anciennei fd- v^ricd des Canons; & ils fe mettent en dtat de ddfendre tous les relachemens qu’on peut intro- duire dans la Morale. C’elt fur ce fondement que Filiutius foutient qu’on n’ell pas oblige d’impo- fer une penitence rigoureufe aux blafphdmateurs publics, quoique le Concile de Latran tenu fous Leon X. l’ait ordonnd expreflbment. C’elt encore fur ce fondement que Mafcarenhas ne veut pas .que des Pretres fouillez de crimes abominables foient obligez de s’abltenir, mSme pour quelques heures, d’offrir lefacrilice; pane, dit-il, que s’ii y a eu Jur cela queues loix anciennes, elles font abro- gees par la coutme commune & univerfelle de toute. U terre. Puis done que la plus grande partie des rel&che- mens des Cafuiftes font fondez fur cette maxime, ou plutdt fur la mauvaife interpretation qu’ils y donnent, nous ne pouvons rien faire de mieux, que de traiter cette matiere dans toute fon dten- due, comme nous avons traitd celle de la Pro-: babilite, & de marquer les precautions avec let qutlles on doit entendre cette maxime, & fans lefquelles elle eft faulTe & pernicieufe. J 1 y a plulieurs fortes de Preceptes Eccldfiaiti- ques. Les uns regardent certaines pratiques on ceit2ines ceremonies, les autres ont pour but de regler les rnmurs & de reprimer les vices. II y en a qui font puretnent pofitifs, c’eft-Ldire qui im- pofent quelque obligation nouvelie. II y en a d’autres qui ne font que renouveller ou determi¬ ner ce qui dtoit deja commandd par le Droit Di¬ vio ou Naturel. A regard des premiers, e’eit-d- dire de ceuxqui regardent les ceremonies, com- pe it y auroit de i’iinpiete a les mdprifer quandi ils font en ufage, il y auroit auffi du danger 4 vouloir trap opiniatrement les r^cabiir quand ils B 4 font 2 4 I. Note sur la VI. Lettre. font abolis. Ainfi c’eft proprement de ces prdcep ; tes que doit s’entendre la maxime des Jurifcon- fultes, dont abufent les Jdfuites, que ks tin: s’abro- gcnt par le nm-ufage. Mais i! n’en ell pas de mdme des Saints Canons que l’Eglife a faits pour regler fa difcipline & les jnoeurs de fes Enfans,& fur-tout celles de fes Mi- niltres, pour s’oppofer aux defordres naltlans, & pour reprimer les Fideles. Et prdtendre que tous ces Canons cedent d’obliger , quand on cede de les obferver, c’eft a-dire qu’ils s’aboliffent par la hardieffe qu’on fe donne deles violer, c’eft ne pas connoitre 1’efprit de l’Eglife, & etre tout-a- fait dfranger dans fa doctrine. Car il faut bien remarquer ici, que quoique le changement des terns puiffe faire changer la difcipline extdrieure de l’Eglife, fon efprit ndan- moins demeure toujours le meme, & les fentr- mens incdrieurs qu’elle a fur les mceurs & fur la conduite que doivent garder fes Enfans, font im- muables & invariables. Car cet efprit intdrieurqui I’anime dtant le St. Efprit meme, l’Efprit de Je- sUs-Christ qui habite dans les membres vivans de l’Eglife,il ne peut fouffrir aucune alteration ni aucun changement par la fuccelllon des terns. Ainfi 1’Egiife ne ddtefte pas moins aujourd’hui les cri¬ mes, qu’elle les ddteftoit autrefois: Elle n’exige pas moins de faintetd pour recevoir les Sacre- mens: Elle ne veut pas moins que fes Miniftres foyent purs & faints : Elle ne condamne pas moins leur avarice & leur ambition: Et elle n’a pas moins en horreur ceux qui prennent d’eux- memes un honneur auquel Dieu ne les appelle point, & qui s’ingerent fans vocation dans les Ordres Sacrea. Or cet efprit immuable de l’Eglife ne parolt mieux nulle part que dans les Canons qu 'die a faits De l’autorite’ des Canons. 25 faits dans ces terns heureux oil elle dtoit libte & floriflfante, & ou cette nu£e de vices qui la d 6 fr- gurent aujourd’hui ne i’obfcurciffoit pas encore; dans ces Canons, dis-je , que les Conciles ont fouvent qualifiez de Canons Divins ; que Saint Ldon (1) appelle Canons faits par I’EJprit de Dim , & con- facrez par le reJ'peB de tout I'Umvers ; & le Concile d’Atugny, des Canons etablis par I'EJprit de Dieu. Ainii puifquei’iigiife d’aujourd’hui n'elt pas une autre Eglife que ceile qui dtoit du terns de St. Augufh'n, de St. Leon, de St. Grdgoire, & que ce n’eft pas un autre efprit qui la conduit, il faut n&eflairernent qu’elle approuve maintenant ce qu’elle approuvoit autrefois ; qu’elle conferve, comme gravez intdrieurement dans fon cceur, ces Canons qui font la regie de fes mreurs ; & qu’elle ies obferve meme encore aujourd’hui aucant qu’il lui eft poiEble, ou du-moins qu’elle s’afflige & qu’elle gdmiffe de ce que la difficult^ des terns 1 ’empeche de ies obferver. Ce doit etre-ld notre difpofition, fi nous fam¬ ines membres vivans de l’Eglife , & remplis de l’Efprit de jESus-CHRisT.qui efl celui de i’Eglife: difpofition qui ne doit pas feulement confifter dans des d^firs fhdriles & hypocrites, mais dans une affeftion v&itable du ccear, & dans une pre¬ paration fincere de fame, qui fe fait connoitre au-dehcrs, & qui fe r£pand dans les actions ex- tdrieures felon les occaiions qui fe prdfentenL Car nous ne pouvons etre dans ces fentimens, & regarder ces loix de l’Eglife comme celles de La- c^ddmone ou d’Athenes, qui font abolies & 6 - teintes il y 3 deja long-terns; mais nous les rdv 6 » rons comme des loix divines, 6 tablies pour regies les moears des Chretiens dans tous les terns. Et ce B 5 (’) Ep. 8f, 2$ I. Note sur la VI. Lettre. ce refpeci nous portera ndceffairement A avoir jane vive douieur de voir qu’on foule aux pieds des regies it ndceifaires; a ddfirer ardetnment de lies voir rdtablies; a employer tous nos foins & tout notrezele pour faire obferver fidelementcel- Jes qui s’aboiiflent, & pour renouveller celles qui font entierement abolies; en gardant ndanmoins la moderation que ia prudence chrdtienne veut qu’on apporte, de peur de troubier par un zele indifcret la paix de I’figiife & l’union des Fideles. Ce qui fait voir que ces Decrets des Conciles toucbant les Mce >rs ne peuvent jamais etre tel!e« jnent hors d’ufage, qu’on puiffe les confiddrer eomme entierement abrogez Car ils doivent tou- jours demeurer imprimez dans I’ame des Pretres, & vivre dans leur cceur. Et tous les Cbrdtiens doivent faire leurs efforts pour atteindre a ia per¬ fection qui nous y eft tracde, & entrer dans une fainte cole re contre eux-memes, en vcyant qu’ils en font fi dloignez. Que les Canons tie 1'Eglife confirvent tcujours leur torite en ce qu'ils contsement Ju Droit Divin. Ex¬ cellent pa/Jage de St. Thomas fur ce Jujct. Ne autre reflexion fera encore mieux con- noitre combien ies Cafuiftes ont tort d’dteiv dre fans diftinftion cette regie du Droit a tous les Decrets de 1’Eglife. La plus grande partie de fes loix toucbant les raceurs, n’dtabiiilent point un nouveau droit. Elies ne font ia plupart qu’expli- quer , confirmer , & appliquer a des cas parti- culiers le Droit Divin , & ce qui nous dtoit ddjJ prefcrit dans l’Evangile : de forte qu’il n’y a s. II- prefque De l’autorite’ des Canons. 27 prefque aucune de ces loix qui ne renferme quel- que chofe du Droit Divin. Ainfi, par exemple, quoique ce foit i’Eglife qui felon la difference des crimes ait regld les pei- nes canoniques, ces peines neanmoins ne iaif- fent pas d’ltre auffi d’inftttution divine , en ce que Dieu a inftitud le Sacrement de Penitence, non afin que les crimes y foient remis fans aucu¬ ne peine; mais afin qu’ils y foient expiez par beaucoup de travaux , & par des fatisfactions qui leur foient proportionndes. C’eft pourquoi l’Eglife a bien pu changer fur cela fa difcipline, & impofer des peines pour les pdchez, tantdt plus five res, tantdt plus douces; mais elle ne peut jamais faire que la pdnitence ne foit pas un bateme laborieux, que les Pretres foient difpen- fez d’impofer des fatisfaiStions proportionn^es d la qualitd des crimes, & que les Pcnitens ne foient pas obligez de s’y foumettre. Jamais done cette ordonnance du Concile de Trente ne pourra etre abrogee par le non-ufage. s, Les Prdtres du Seigneur, dit ce Concile (i), s, doivent autant que i’Efprit de Dieu, & la pru- „ dence le leur fuggerera , impofer des fatisfac- ,, tions falutaires & proportionndes & la qualitd „ des crimes & au pouvoir des Pdnitens, de peur „ que s’ils favorifent les crimes , & traitent les a, pdcheurs avec trop d’indulgence, en leur im- „ pofant des peines tres-ldgeres pour de grands pdchez, ils ne fe rendent eux-memes partici- ,, pans des pdchez des autres. De meme quoiqu’il n’y ait rien de plus com* mun que la fimonie, l’ambition, les brigues pour obtenir les ISdndfices , & les mauvaifes entries, dans les Emplois Eccl£fiaftiques, oil l’on ne cher- che (l) Stf, 14 . cap. 8 . 28 I- Note sur la VI. Lettre. che que fes propres intdrets, & fon utility parti* culiere ; quoique ces defordres regnent aujour- d’hui , & foient toldrez par-tout ; ndanmoins 1’auroritd des Saints Canons qui les condamnent, & qui les puniflent par des peines fi rigoureufes, ne iera jamais andantie , elle demeurera toujours dans toute fa force. Et fi I’on peut aujourd’hui reliicher quelque chofe de la rigueur de ces pei¬ nes, on ne peut jamais les abolir entierement. Car fi elles ne fubfifient plus en vertu de la loi pofidve, elies fublifteront toujours en vertu du droit divin. . II ne faut done pas s’imaginer qu’une loi de rEgiifefoitabrogde,auffI tdt que par la negligen¬ ce des homines elle cede d’dtre obfervde. Car tout ce qu’elie renferme du droit divin & natu- rel, conferve toujours fon autoiitd & fa force. C’eft ce que Saint Thomas expiique admirable- ment bier, en rdnondant a la quefiion, S’il efi permis d’avoir pluficurs Benefices Cet endroit ell trop beau, & contient ure doflrine trop necef- faire dans le terns oil nous fonimes, pour ne le pas rapporter tout entier. II eft vrai que bien des gens trouveront cette uodtrine un peu dure , mais die n’en eft pas moins veritable, quelques piaia- tes que l’avarice & la cupiditd en puifte faire. „ On demande, dit Saint Thomas (i), s’il y a „ pdchd mortel a retenir fans difpenfe plufieurs(i) ,, Bendfices qui n’ont point charge d ame. Je rd- „ pons a cela qu’on ne peut ddcider qu’avec pd- „ ril toute quettion oil il s’agit de pdchd mortel, ti moins qu’on ne voie bien clairement ia vd- »> ritdj (1) Ouodl. 9. art. ty. (2) U y a quelquefols Prxbendss , queJquefcis Benefit cia. On a toujours traduit Benefices, qui eft le lerme ge'- ttfral* De l’autorite’ djes Canons. 29 , t ritd; parce que l’erreur qui nous empfiche de ,i croite p£ch£ mortel ce qui I’eft effeftivement, „ n’exempte pas abfolument de tout le pdchfi, ,, quoique peut etre elle en diminue la grievete. ,, Et l’erreur qui fait croire p6chi mortel ce qui „ ne l’eft pas, fait que Ton peche mortellement „ en ce que l’on agit contre fa confcience. Mais ,, le pfiril eft principalement quand on ne con- „ noit pas clairement de quel cdtd eft la vfiritd, „ & c’eft ce qui arrive dans la queftion qu’onr „ propofe. Car comme elle regarde les Theolo- „ gien s, enfant qu’elle renferme quelque chofe „ qui appartient au droit divin ou naturel, fie „ les Jurifconfultes, entant qu’elle renferme quel- „ que chofe qui appartient au droit pofitif, on „ trouve fur cette queftion les Theologiens op» „ pofez aux Thfiologiens , fit les Jurifconfultes „ aux jurifconfultes. Voici cependant ce qu’il „ femble qu’on eri peut dire,en la confiddrant ,, par rapport a ces trois fortes de droits. ,, En premier lieu ft on la confidere par raport „ au droit divin, on ne voit pas qu’elle foit ex- „ preftement ddcidde par l’Ecriture. Car elle n’en „ fait point de mention exprefte;& s’il y a quel- „ ques pallages qui y ayent raport, ils ne font f) pas entierement ddcififs. ,, En fecond lieu ft on la confidere par raport „ au droit naturel, voici ce qu’il me parolt prfi- „ fentement qu’on en peut dire. On peut diftiir- >, guer plufieurs fortes d’afitions humaines. „ 1. 11 y en a qui font eirentiellement rnauvai* „ fes, fit qui ne peuvent jamais devenir bonnes, „ comme font la fornication, I’adultdre, fitc. On „ ne peut pas mettre la plurality des Bdn^fices de » ce nombre; caronn’enpourroitdonnerdifpenfe „ dans aucun cas, ce que perfonne ne prfitend. » x. J 1 y a d’auties actions, qui d’elles-mfimes „ font go I. Note strk la VI. Lettre. „ font indiffdrentes au bien ou au mal, comms 3 , de lever une paille de terre, ou quelque autre 3, aftion femblable. Quelques-uns mettent la phi- 3, railed des Bdndtices de ce nombre, & prdten- „ dent qu’il eft aufll permis d’en avoir plufieurs, „ qu’il eft permis d’avoir plufieurs habits. Mais ,, cela ne paroit pas vrai, parce que cette plura- „ litd de Bdndfices renferme en foi plufieurs cbo- „ fes qui font contre 1’ordre. II eft par exemple 3 , impoflible que ce Bdndfider ferve dans les dif- „ fdrentes Egiifes ou il a des Bdndfices, quoi- 3 , qu’il femble que les Bdndfices n’ayent dtd fon- 3, dez que comme des falaires affeciez a ceux qui ,, fervent Dieu dans lelieu du Bdndfice. De plus la plurality eft caufe que le Culte Divin eft di- „ minud } un feul tenant la place de plufieurs; „ quelquefois meme que l’intention des Fonda- ,, teurs eft frtiftrde, parce qu’il y en a qui n’ont „ laifld certains biens aux Egiifes, que pour y ,3 entretenir un certain nombre de perfonnes qui „ y ferviffent Dieu. De la nait aufll une indgalitd „ injufte, une feule perfonne pofledant plufieurs „ Bdndfices, pendant qu’un autre n’en peut pas „ meme avoir un feul. Et il eft aifd d’apperce- „ voir encore beaucoup d’autres inconvdniens, 3, qui font une fuite de cette plutalitd. C’eft 3 , pourquoi on ne la peut pas mettre au nombre 3, des adlions indiffdrentes, & encore moins ail „ nombre de celles qui font bonnes par elles- ,, memes, comme font par exemple l’aum6ne» „ & les autres bonnes oeuvres. 3, 3. II y a des aftions qui confiddrdes abfolu» „ ment, & en elles-memes,renferment quelque „ thofe de mauvais ou de contraire d l’ordre, & 5, qui ndanmoins deviennent bonnes i caufe de „ certaines circonftances qui s’y rencontrent. Par „ exemple, il eft contre l’ordre de battre ou de tuei De l’ autorite ’ des Canons. 31 „ tuer un homme; mais fi c’eft un fcdldrat qu’on „ faffe mourir par l’autoritd de la Jutlice, ou un „ homme qui eft en faute qu’on frappe pour le „ corriger & pour maintenir la difcipline , ce „ n’eft plus un p£ch6, mais une bonne adtion. 12 ,, femble que la plurality des Bdndfices foit du „ nombre de ces actions. Car quoique cette plu- „ ralite renferme quelque chofe qui elt contre „ l’ordre , il peut ndanmoins fe rencontrer des ,, circonftances qui font qu’elle n’eft plus contre „ l’ordre: comme par exemple ft plufieurs Egiifes „ one befoin du miniftere d’un Bdndftcier , on „ qu’il rende plus ou autant de fervice a l’Eglife „ dtant abfent qu’un autre qui feroit prdfent, & „ autres circonftances femblables. Alors ces cir- „ conftances fe trouvant jointes avec une inten. ,, tion pure, font qu’il n’y a plus de pdchd & re- „ tenir plufieurs Bdndfices, meme fans difpenfe, ,, fi on n’a dgard qu’au droit nature!; parce que „ la difpenfe ne regarde pas le droit naturel,mais „ feulement le droit pofitif Mais fi ce Bdndficier „ ne retient plufieurs Bdndfices que pour etre plus „ riche , pour vivre plus a fon aife , & pour „ mieux parvenir 4 i’Epifcopat d’une des Egiifes „ oil font ( 1 ) fes Bailees; non feulement cette s , plurality eft toujours contre l’ordre, mais elle „ le devient encore davantage & caufe de ces „ circonftances; puifqu’avecces motifs, fine lui „ feroit pas meme permis d’avoir un feui Bdndfi- It CC 9 (1) On fait qu’avant le Concordat etabli en France pat \e Pape Leon X & le Roi Francois I, les Eledions des Eveques avoient lieu en ce Royaume, comme il fe pratique encore en Allejnapne. Et i’on prenoit ordmai- rement i’Eveque nomme dans le corps du Chapitre* B gremio Capttuli , comme on l’obfeive ^ Liege Sc dans ; «$iielques autres Egliies, 3a I. Note sur la VI. Lettee. „ ce, quoiqu’il n’y ait rien en cela qui foit con-' ,, tre l’ordre. Voila ce que l’on peut dire en con- ,, fid&ant cette queftion fuivant le droit nature!, „ quand meme il n’y auroit point de droit pofitif qui ddfendit la plurality. „ Mais fi en troifiecie lieu on la confidere par „ raport au droit pofitif, il elt certain d’un cot6 „ que cette plurality eft defendue par le droit an- cien; & de I’autre que la coututne y eft en par. „ tie contraire, & a, felon quelques-uns, abroge „ la loi, parce que les ioix humaines s’abrogent „ par une coutume contraire: mais il y en a „ d’autres qui foudennent que la coutume ne „ peut abroger les loix anciennes, parce que „ fuivant quelques Decretales qu’ils citent, il y „ a plufieurs chofes que la patience fait toiler, ,, qu’on cafferoit infailliblement, ft on les defd- „ roit d i’Eglife, & qu’on fftt obligd de pronon- „ cer pour ou contre. Mais c’eft-Id une difpute „ particuliere aux Jurifconfultes, que nous leur „ laiffons a decider. Nous dirons feulement qu’il „ paroit probable qu’une coutume contraire ne „ peut abroger ces Ioix anciennes quant a ce „ qu’elles contiennent du droit naturel, parce „ que des - lors cette coutume feroit contre la „ raiforn Mais eile les peut abroger quant a ce „ qu’elles contiennent du droit pofitif, principa- „ Iement fi ceux qui ont le pouvoir de changer „ le droit pofitif, ont intention en toldrant cet- ,, te coutume de changer par cette tolerance les n loix anciennes. ,, Si done le droit ancien qui ddfend cette plu- „ ralit£ demeure dans fa force , nonobftant la „ coutume contraire, il eft certain que perfonne „ ne peut avoir plufieurs Bdnefices fans difpenfe, •„ meme dans les circoliftances qui pourroient j, re&ifier cette plurality quant au droit naturel. De l’autorite’ des Canons. 33 Et fi le droit ancien eft abrogd par la coutume V, contraire , eu ce cas on peuc dans les circon- 3> fiances marquees retenir piufieurs Bdndfices, 3, meme fans difpenfe: & hors de ces circonftan- „ ces on ne le peut pas, quelque difpenfe qu’on „ en ait; parce que la difpenfe des hommes ne „ peut pas ddcharger de l’obligation qui vient da » droit naturel, mais feulement de l’obligation si qui vient du droit pofitif, qui dtant dtabli par 3, les hommes,peut auffi ceffer par leur difpenfe. ,, 11 eft aifd fuivant ces principes de rdpondre ,, aux objections. Cette ddcifion de Saint Thomas nous apprend qu’on ne dolt pas croire qu’un Canon de 1’Eglife _ foit entierement abrogd * des-qu’il eft comme foul£ aux pieds par un ufage contraire. Car la raifon qui a portd 1’Eglife A faire ce Canon , fubfifte toujours. Le droit naturel & divin dont il eft d- mand, demeure toujours dans fa force; & tous les hommes dans tous les terns feront obligez de S’y foumettre, fans qu’ils puiflent jamais s’en dif- penfer fous prdtexte d’un ufage contraire. Les Cafuiftes, pour n’avoir pas fait aflez d’attention a ce Principe,fe font groflierement trompez en ce qn’ils ont enfeignd fur cette matiere , & ont au- torifd une infinite de relichemens, comme nous le ferons voir dans la fuite par quelques exem-, pies. Nous ne pouvons mieux flnir cet article que par ces belles paroles,qu’unConcile de Paris, te~ nu en 819, emploie contre ces coutumes crimi- nelles, par lefquelles on viole non feu^ment les Saints Canons, mais mdme les loix divines & d- ternelles. „ Les mauvaifes coutumes., dit-il, 8c les fantaifies de quelques particuliers que l’on „ tache opiniatrement d’dtablir par toutes fortes „ d’artifices, ce qui eft tres-dangereux, font cau- Tomc IL C » fe 34 I- Note sur la VI. Lettre. j» fe que Ton neglige la plus grande partie deg » oeuvres de la foi. On met d la place de la loi 3) de Dieu qu’on viole, ces coutumes dont on 33 fe fait une loi; & on prdtend qu’on peut,& si meme qu’on doit les prendre pour la regie de 3, fa conduite Mais ceux qui ont de telles maxi- 33 mes, font bien voir qu’ils ne cherchent que leur 33 intdret propre, & non celui de Jesus-Christ. 33 Ils re voient pas, ou ils ne veulent pas voir, 33 combien cela eft contraire a 1’autoritd divine. 33 Ils ne s’aperqoivent pas , quoiqu’il ne faille 33 qu’un peu de bon-fens pour s’en appercevoir, 3, combien leur religion eft par-la en pdril. C’eft ,, pourquoi il faut que tous les fideles qui veu- 3, lent fe fauver,abandonnent ces mauvaifes cou- 3, tumes qui font la perte des antes , & qu’ils faf- „ fent tout leur poffible pour honorer par leurs „ bonnes oeuvres la foi de Jesus-Christ qu’ils „ ont reque. Chap. i. Pierre le Chantre s’explique aufli fur cela avec autant de force que de vdritd. ,, Vous ne pechez „ pas moins, dit-il, parce que plufieurs pechent „ avec vous; mais vous pechez encore davanta- ,, ge. Vous ne brulerez pas moins, parce que „ vous brulerez avec plufieurs. Ceux qui ne fe ,, croient pas coupables i caufe de la multitude „ de leurs complices, ou de l’autoritd de leurs Su- „ pdrieurs qui pechent avec eux, font fembla- „ bles & Pilate qui lavoit fes mains en difant: Je „ fuis innocent du fang de cet homme; & non a „ Daniel qui difoit: O hommes de Juda, vous „ avez condamnd le fang innocent! retournez „ pour juger de-nouveau. |. HI. De l’autorite’ des Canons. 35 $■ Hi. Oifun abus contrairc aux Loix de 1'Eglife , quolqut deja invetere, r.c les doit pas fake regarder comme abrogees. M Ontnlte remarque judicieufement dans fa troifiemeLettre, qu’une des plus fubtiles a- drefles de la politique des Cafuiftes, ou plutdt du Diable, dont ils font en cela Jes miniftres, eft de feparer dans leurs Ecrits des maximes qu’ils raflembient dans leurs Avis. Ils en enfeignent une dans un endroit, & une autre dans un autre. El¬ ies paroifient fupportables dtant ainfi fepardes. Mais lorsqu’on vient a les ralTembler, on en ti¬ re des confluences horribles. Et ce font ces con¬ fluences que les Cafuiftes fuivent dans leurs Avis. Montalte raporte dans la meme Lettre, plufieurs exemples de cet artifice: mais le fujet dont nous traitons , nous en fournit un remarquable. Les Cafuiftes foutiennent d’un c&td que beau- coup de chofes qui font ddfendues en effet par le droit divin, ne le font que par Ie droit pofitif. Par exemple , ofFrir de l’argent pour avoir des Bdndfices, quand on l’offre comme motif & non comme prix ; recevoir des prdfens des parties dont on eft juge; le Contract Mohatra* & plu¬ fieurs autres chofes femblables, ne font ddfen- dues, felon eux, que par le droit pofitif. Quand on les entend propofer ce principe, le commun du monde n’en eft pas beaucoup dmu: car il fem- ble qu’il importe peu qu’on dife qu’une chofe eft defendue par le droit naturel, ou par le droit po¬ fitif, puifqu’on eft obligd d’obeir a l’un & 4 l’au- ire , & qu’il femble que c’eft affez de Pune ou de 1’autre de ces loix pour empecher les homines C a de 3 6 I. Note sur la, VI. Letthe. de commettre les crimes qu’elles ddfendent.' Les memes Cafuiftes propofent d’un autre cd« td cette autre maxime detachde, Que k droit pa- fitif s'abroge par une coutumt contraire. Et il femble encore qu’il n’y ait pas beaucoup de danger a leur pafTer cette propofition gdnerale , qui en ef* fet a quelque fondement, quoiqu’elie ait befoin d’dtre expliquee. Mais fi des Thdologiens imprudens regoiveat ainfi fdpardment ces deux principes peu fufpects, il ne fera plus dans leur pouvoir d’empecher les Cafuiftes de ddtruire & de renverfer impunement la meilleure partie de la Difcipline Eccldfiaftique & des Saints Canons. Car ils n’auront plus qu’a rairembler ces maximes, pour en tirer ia conclu* lion oil ils tendent. Ils diront done prdmidrement, que ces Canons ne font que de droit pofitif. Ils sjouteront enfuite, qu’ils ne font plus en ufage. Et enfxn, ils concluront de-la qu’ils font entiere- ment abrogez. Et e’eft effe&ivement ce qu’ils one I’audace d’enfeigner. C’eft pourquoi il faut s’oppoier & leurs defleins pernicieux, en ne recevant aucun de leurs princi. pes fans les examiner. Il faut done prdmierement diftinguer avec foin, apres St. Thomas, dans les Decrets de 1’Eglife, ce qui appartient au droit na- turel ou divin, & ce qui appartient au droit poll* tif. De plus il ne faut pas leur accorder abfolu- ment que ce qui appartient au droit pofitif, perde fa force par Ie non-ufage. Car il n’y a rien de plus aifd que d’abufer de cette maxime pour ex- tufer les plus grands ddreglemens. Mais il faut diftfnguer plufieurs fortes d’ufages. Car cet ufage ou cet abus contraire aux Loix Ecclefiaftiques eft rdeent, ou il eft autorifd par im long efpace de terns. 11 eft connu de 1’Egli- fej ou il n’en eft pas connu. Elle le fouffre ou- ver- De l’autorite’ des Canons. 37 vertement ne le puniifant pas, iors meme qu’il lui eft d£fdrd; ou eile le tolere feulement, n’en fai- fant aucune recherche, mais le puniflant lorfqu’il lui eft d6fdr en „ ayanE (1) Can. 16. (1) Car., x. (3) Can. 17. ( 4 ) Can. 5 . ) Tim. 3. de Rilig. lib, 1. cap. 17. n. is. 44 I* Note sur la VI. Letter. t , ayant dgard d la loi, que les Pafteurs Infdrleurs ,, & les Curez foient dans un dtat immuable. Si ,, ntSanmoins onadgardal’ufagecommun.quileur „ permet de changer plus facilement,& de pren- „ dre par confoquent ces fortes deBdndfices, non ,, dans 1’intention d’y demeurer toujours, mais ,, dans le deifein de passer a de plus gros, „ ou de Pen defaire en se procurant par la „ quhlque avantage , ou une dimple penfion ,, fans charge d’ames; ayant, dis-je, dgard a cet „ ufage, on peut dire probablement qu'ils n’em- „ braflent pas un & at, mais qu’ils prennent feu- ,, lement un miniftere pour ie terns qu’ils le veu- ,, lent exercer. Cell ainfi que cet Auteur croit probable, c’eftv 4-dire, croit qu’on peut en furetd de confidence entrer dans les Charges Eccldtlalliques, non feu- letnent avec un efprit inconftant , mais encore par un motif fordide & intdreiTe. Celt ainfi qu’il corrompt des fa fource la vocation a PEtatEccld- fiattiq ie, d’ou depend toute la faintete desMinif- tres de t’Eglife. Celt ainfi qu’il remplitl’Eglife de Mercenaires & de ces faux Pafteurs dont parle le Proph6te, qui n’ont foin que de fe nouvrir eux- memes, & non de nourrir leur troupeau. Mal¬ heur, dit-il (i), aux Pa/leurs d’lrael qui fe rep/tifi foient eux-memes , 6? qui ne paijfoicnt point mes brebis. Mais fi ceux qui font ces chofes font dignes de mart (si), ceux qui aprouvent thus ceux qui les font, en enfeignant une doctrine qui les autorife, ne font pas moins criminels. (i) Eztch. cap. 54. a. (z) Rom. I. JJ, De l’autorite’ des Canons* 41 5 . 11. Second exrnple tire de Tiliutius, & de Thomas Sim* chez j qui pretendent que la Loi de lEglife, qui or - donne de n'abjmdre hs Blafpbemateurs qu'en leur im~ pofant une rigour eufe penitence, ejt maintcnant adro- gee par un ujage contraire. J E tire ce fecond exemple de Filiutius , tant par- ce que c’eftdans le paflage que je vai citer que fe trouve ce que Montalte raporte de ce Cafuifte, Que les loix de FEglife per dent leur force quand on ne les obferve plus ; que parce que 1’Apologise (i) a7ant entrepris de juftifier fur cela la doftrine de Filiutius, il eft ndcefTaire de juftifier la liddlite de Montalte. Comme le Blafphdme eft un des crimes Jes plus dnormes qui attaque direftement la Majeftd de Dieu, & qui tient plus de la malice du diable que de la fragility de i’homme, les loix divines & hu- maines font toujours puni avec raifon , foit dans l’Ancien,foit dans le Nouveau Teftament, par des peines tres-rigoureufes. Et le Concile de Latran tenu fous Ldon X, „ Pour abolir, ce font fes ter- j, mes, cette execrable coutume de blafphdmer, „ ordonna que quiconque feroit coupable de ce „ crime, n’en pourroit etre abfous dans le for de la „ confcience fans une pdnitence tres-rigoureufe „ qu’un Confeifeur fdvere & exact lui impoferoit, „ felon qu’il le jugeroit a propos. Ce Concile n’dtablit point par ce Decret un nou¬ veau droit, il ne fait qu’appliquer au crime partf- culier du blafpheme le Droit Divin qui oblige en general les Prunes & iinpofer des fatisfaftions pro- pos't (j) Impojl, it. 46 I. Note sue la VI. Lettee. portion ndes a la grandeur des crime?. Auffi le grand Saint Charles renouvella ceDecret dans fon premier Synode tenu a Milan. Et depuis il a paru ii juite a plufieurs, meme d’entre ies Cafuiftes, com- me a Navarre, Lopez, Ledefma , qu’iis enfeignent qu’il faut l’obferver religieufement. Qui croiroit que les Jdfuices, qui ne peuvent douter de la grandeur de ce crime, qui n’ignorent pas combien i’Egiife ,'e ddtefte, & qui voient les plus celebres Cafuiftes fuivre leDecret duConcile de Latran , tenu prefque de nos jours , duffent faire autre chofe en cette rencontre, que de d£- plorer l’aveuglement de ceux qui ne i’obfervent pas, & d’exhorter les Pretres a l’obferver fidele- ment a l’avenir ? Mais ils ont bien d’autres fenti- mens. Ecoutons Sanchez, (i) Selon le Decrct ad abolendam du C oncile de Latran feff ). Un ConfeJJeur , dit.il, ne feut abfoudre un blajpbemateur , tju’il ne ltd impofc une penitence tres- rigoureufe, & telle qudl le jugera d propos; car cela eft defim cxprejfement dans ce Ctmcile, & Navarre, Lopez , Ledefma enfeignent la memo cbofe. Et vous, Sanchez, qu’enfeignez-vous, & qu’enfeignent vos Confreres ? Mats , continue-t-il ,ceDecret n’efi point en tifage. & ainfi il n oblige point aujourd’hui, C'efi ce qu'erfdgncnt Armilla, v. hlafph. Emanuel Sa mm. 2. Azor, Suarez tom. i. de Relig. traB. 3. L 1. c. 7. n. 2. tons J^fuites except^ Armilla. Filiutius a fuivi ces Auteurs, & voici le paflage dont ii s’agit entre l’Apologifte & nous. „ Quant „ & ce que difent quelques. uns, qu’on ne peut pas „ abfoudre meme dansle for de la confcienceua „ blafpWmateur fans lui impofer une rigoureufe ,, penitence, comme Navarre l’infere de l’exem- ,, pie des peines que nous avons dit avoir dtd 6 - tablies 33 De l’autorite’ des Canons. 4 7 5 , tablies par le droit ancien & par Ies conftitu- „ tions des Papes, cela feroit vrai fi ces peines „ dtoient en uiage, ou qu’elles n’eftflent pas dtd „ abrogdes. Mais ou elles n’ont jamais dtd en ,, ufage, ou elles font maintenant abrogdes par „ un ufage contraire. Voili fur quoi 1’ApoIogifte fe plaint qu’on a fait une accufation ridicule a Filiutius. Mais qui peut feulement entendre ce que nous venons de rapporter, fans etre pdndtrd avec Montalte de dou- leur & d’indignation? Tous les gens de bien gd- miflent de voir qu’a la honte de notre fiecle, cet- te coutume abominable de profaner la faintetd de notre Religion, & d’infulter la Majeftd de Dieu par des blafphdmes, eft venue aujourd’hui a un tel exces qu’il femble qu’elle ne peut pas aller plus loin: de forte qu’il n’y a pas long-terns que toute 1’Eglife de France crut devoir implorer fo- lemneilement l'autoritd du Roi pour reprimer cet- te contagion. Dans cet dtat oil trouver un reme- de plus prdfent a un (i grand tnal, que dans la fermetd des Prdtres? Mais que font les Jdfuites? Eux qui devroient etre les prdmiers a demander aux Rois, aux Eveques, & aux Souverains Ponti- fes de nouvelles ordonnances pour arreter le cours de ce defordre, ne travaillent au-contrai- re qu’4 affoiblir & a aneantir, s’ils le pouvoient, les loix qui font ddja faites, des loix qui ont en« core toute leur force , & qui font approuvdes par des Cafuiftes memes, quoique d’ailleurs aflez relachez. Ils ne peuvent fouffrir que les Confef- feurs impofent aux Blafphdmateurs une pdnicence qui ait quelque proportion a l’enormitd d’un cri¬ me que les Magiftrats croient a peine pouvoir pu- nir autant qu’il le mdrite. Envain les Saints Peres ont-ils recommandd avec tant de foin auxPafteurs de trailer les pdcheurs avec une fdvdritd falutaire: 48 I. Note sur la VI. Lettre. Envain les Conciles ont-ils ordonnd Ja meaie Chofe: Envain ies Souverains Pondfes i’ont-ils ordonnd en particulier a i’dgard des Blafphdma- teurs. Tout cela fera abrogd & n’aura plus la for¬ ce d’obliger perfonne, auffi-tot qu’il plairaaquel- que Cafuifte de loifir d’dcrireces deux mots,ms . ces Decrets n'ont point ete reptts par lifage. Je dis aulfi-tdt qu’il plaira 4 quelque Cafuifte de loifir. Car quelle autre raifon que fon bon- plaifir Filiutius a-t-il eue de dire que ce Decret du Concile de Latran n’a point did re$u par 1’ufa- ge ? Navarre & Ledefma n’ont-ils pas cru le con- traire ? N’a-t-il pas dtd requ par Saint Charle & par toute l’Eglife de Milan ? Et peut-on douter qu’il n’y ait un grand nombre de bons Precres qui l’obfervent encore aujourd’bui? Pourquoi done les Jdfuites afturent-ils fi hardiment qu’il n’eft pas requ par J’ufage ? C’eft fans-doute parce qu’ils ne l’obfervent plus, ou qu’ils ne l’ont jamais obfer- Vd. La Societd dtant compofde de trente mille Jd- fuites, & entrainant avec elle comme un mondfe de gens qui font attachez a fes intdrets, & un grand nombre de Precres & de Religieux qui font dd- vouez a fes volontez, elle n’a qu’i vouloir,com- me par une efpece de conjuration, rejetter quel¬ que loi de l’Kglife, pour fe croire auffi-tdt eh droit de mettre cette loi au nombre de celles qiii font ah-oge'es par un nfage contraire. Si je demande done a Filiutius , pourquoi il croit que le Canon du Concile de Latran eft aboil, c’tft, me dira-t-il, parce qu’il n’eft pas requ par l’ufage Et fi je lui demande encore pourquoi II n’eft pas requ par 1’ufage, fi n’aura rien a me rd- pondre , finon que la Socidtd rdpandue par touts la terre a jugd a propos en fiveur des pdcheurs, qu’on ne l’obferv&t pas davantage, pour ne pas lloigner de leurs tribunaux par cette fdvdritd les Cour- De l’autorite’ des Canons. 49 Courtifans , & d’autres perfonnes de confuta¬ tion, qui ne regardent les biafphemes & les par- jures que comme des ornemens da difcours. Celt pourquoi, a juger de la fuite par ce que nous voyons, quelques efforts que failent les Pa¬ pes, les Eveques & les Rois pour rdtablir laDifci- pline Eccldfiaftique , ils ne gagneront rien. Car l’obfervation des Canons & des autres Reg ! emens dependant principalement desConfeffeurs,s’ilar¬ rive que ces regime ns ddplaifent aux Jdfuites, comme ils ne manqueront pas de leur ddplaire pour peu de fdvdritd qu’ils renferment, ils com- menceront par ne les point obferver en particu- Jier dans leurs tribunaux fecrets, & bien-tdt apres ils fe donneront la libertd de dire qu’ils font a-, brogez par un ufage contraire. Par cette Egliji dont parle Cellot ( 1 ), & qui a did, felon lui, la force aux Decrets des Conciles & des Papes, il ne faut done entendre que l’Eglife Jefuitujue, s’il eft permis de fe fervir de ce terme, c’elt-a- dire l’Eglife compofde de la Socidtd & de tous fes partifans. On trouvera bon que j’ajoute ici en paffant une hiftoire peu connue, & qui fera voir enco¬ re plus clairement avec quelle fauffetd Filiutius avance que ce Decret n’eft pas requ par l’ufage. Nous avons vu ci.deflus que Sanchez met Ema¬ nuel Sa au nombre de ceux qui croient que le De¬ cret du Concile de Latran eft aboli- Cependant on trouve le contraire dans les dernieres dditions de fon Livre, oil on lit ces paroles. „ Le Concile >> de Latran a ordonnd qu’un blafphdmateur ne » fera point abfous fans une pdnitence rigoureufe, j, qu’un Confefleur fdvere & exadt lui impofera » felon qu’il le jugera 4 propos: a quoi eft con- „ forme (O A* Hier. I, 4 . c, 11, Tome II, D 5© I. Note sue ea VI. Lettre. >, forme ce que le Concile de Trente dit dans fa' »> feff. r 4 ch. 8- Sanchez eft-il done un fauffaire? Point du tout. Pourquoi done ne trouve-t-on pas dans Emanuel Sa les paroles qu’il cite ? Alegambe, Auteur du Catalogue des Ecrivains Jdfuites, va nous ddcouvrir ce myftere. II dit que le Livre d’Ema- nuel Sa fut corrig£ par le Maltre du Sacre Palais, & qu’on y changes quelques endroits. Cela flgni- fle dans le langage de la Socidtd, qui fait adoucir & ddguifer ce qui ne lui fait pas honneur, que le Maitre du Sacrd Palais fit une cenfure fdvere de ce Livre, dont il retrancha plus de quatre-vingt propofitions, & qu’on trouve en ces termes dans les anciennes Editions: Le Dccret du Concile dcLa . Iran qui defend dlalfoudre les blafphemateurs Jems leur impofer une rigoureufe penitence , n'efi pas repu par Tiijtige. Cette hiftoire fait voir que ee Decret, comme nous l’avons dit, n’efl: point aboli par le non-ufa- ge, & mSme qu’il ne le peut etre entierement, itant fondd fur cette loi divine rapportde par le Concile de Trente, qui a dtabli la penitence com* me un bateme laborieux, & a ordonnd qu’on impofat aux pdcheurs une penitence proportion¬ ate a la grandeur de leurs crimes. S E C* Pretres tombez dans le crime. 5r SECTION TROISIE’ME. Troijieme Excmple, qui efl cehd que Montalte rapports de Bnun], & a i'occajion duqucl nous ferons voir quelle eioit I’ancienne Dfcipline dc l’Eglife d I'egard des Pretres tombez/ dans le crime, & comment oit skfi reldcbe far ce point de Difcipline . S- I. Doffrine infime de Bauny & 1 de Mafsarenbas, Jefuites. Ous n’examinerons dans ce troifieme exem- pie que le paffage de Bauny, d’oii Montalte prend occafion de rapporter l’opinion de Filiutius iur 1’autoritd des loix de 1’Eglife, dont nous ve- nons de parler dans l’article prdcddent. Mais com- me cet exemple renferme plufieurs chofes qu’il eft important de remarquer, nous l’examinerons avecplus d’exactitude & avec plus d’dtendue. Voi- ci les paroles de Bauny. (x) „ Un Pretre peut-il ,, fanspdchd vdniei dire la Meflelememe jour qu’il „ a commis des crimes infames: Pofi habitant eo die „ copulam ccmakm cum foemind, aut pollutionem vo- „ luntariam, en s’en confeffant auparavant? Non, „ dit Villalobos: mais Sancius dit qu’oui, & je „ tiens fon opinion fure, & qu’elle doit etre fui- 5l vie dans la pratique. Mafcarenhas enfeigne Ja mclme chofe, & crai- gnant que rien n’echapJt a l’indulgence crimi- Pelle qu’il a pour les Pretres, & pour les La'iques impudiques, il allure que cela a lieu non feule- menfc 52 I. Note scr la VI. Lettre. ment £ l’6gard de tous les autres crimes de cette nature done il fait un detail honteux: Sed genera- tlm, dit-il, 7« quaticumque pollutione mortaliter pecca- minosd,feu habttd fecum vel cum complice;& hoc Jive bakatur per fornicationcm, five per adulterium , five per peccatum contra naturam , J'eu quocunque alio mo¬ de. (i) A quoi il ajoute. „ fct quoique le P. VaC- „ quez croie qu’il y a eu autrefois queique ioi, „ ou g^ndrale dans toute l’Egtife, ou particulie- „ re dans queique Province, felon laquelle il eft „ d^fendu a ceux qui fe font ainfi fouiilez d’a- „ procher de la Communion, au-moins qu’apres „ quelques heures, commecelaparoit par lespaf- ,, fages que nous avons rapportez, on doit dire „ ndanmoins que cela eft pr^fentement abrogd „ par la coutume commune de tout l’univers. 11 faut remarquer que Mafcarenhas, de-meme que Bauny, parle ici tant des Pretres que desLai* ques, & qu’il faut entendre des uns & des autres ce qu’il dit: Qu’il y a eu autrefois queique ioi qui ordonnoit a ceux qui dtoient coupables de ces crimes.de s’abftenir du Sacrifice ou de la Commu¬ nion, au-moins pendant quelques heures; mais que cette loi eft abrogde par une coutume contraire. Nous ne nous arrSterions point A rdfuter, com- xne nous le ferons par les preuves que la Tradi¬ tion nous fournit, l’ignorance & l’impudence de gens qui font capables de tels exces, s'il n’dtoit tres-important, pour mieux comprendre toute la corruption de cette dottrine, de bien connoitre quelle £toit autrefois fur cela ia Difcipline de PEglife. (l ) tr. 4 , iff. S. «. 3*S- $. I I. Pretres tombez dans le crime. 53 $• J1. Que les Caiquese'toicnt autrefois fe'parez ie la Commu¬ nion pendant un terns covfuierabJe pour les Crimes , & Jiir-tout pour ceux d lmfurete, & que les Pre- tres & les Diacres etoient interdits pour toujours des fonftions de leur rainiftere. J E n’ai pas deflein d’expUquer id avec dtendue quelle etoit I’ancienne Difcipline de PEglife A 1’egard desLalques tombez dans Ie crime:cela a deja fait par l’Auteur de Ja F requente ( t) Communion, qui a fait voir avec toute l’exa&itu- de, & avec toute l’drudition poffible dans la fe- conde partie de ce Livre, que la Difcipline conftan- te de PEglife pendant pres de douze Cedes, a dte de ieparer les Pdnitens de la Communion i caufe des pdchez mortels , non pour quelques heures, comme Mafcarenhas fe l’eit ridiculement imagind , mais pour plufieurs anndes. f t e’eii ce que le P. Morin (i) a auffi fait voir fort au long, dans fon Livre de la Pdnitence. APdgard des Pretres queBauny & Mafcarenhas envoient des Ileus de ddbauche i l’Autel, je dd- mon- (i) Le Livre de la Frdqutnte Communion fut un des pre¬ miers Ouvrages de Mr. Actoine Atnauld, & l’un de ceux qui lui a fait’le plus d’honneur. Cet Ouvrage de piete imprime en 1643, ou ce Dodteur etablit Par.cienne doc- trirre de l’Eglife fur l’uiage des Sacremens de Penitence tc d'Euchariftie, conlerve encore apres environ un liecle la meme reputation qu'il eut des-qu’il vint a paroitre, & i\ elt !l ctoire qu’il ita beaucoup plus loin. (1) Le pete Morin del'Oratoiie a fait entre autres Ou¬ vrages un excellent Commentaire fur !e Sacrement de Pdniietice, appuye fur tout ce que la Tradition Ecclefiaf- tique nous a conferve de ce Sacrement. D 3 54 I. Note suit la VI. Lettre. montrerai qu’on n’avanga jamais rien qui foit plus oppofd a I’efprit de 1’Eglife, a la dignity du Sa» cerdoce, & a la faintetd de nos Mylteres. Pour mectre cgtte veritc: dans fon jour, il eft ndceftaire premierement derapporter avec quelque &endue quelles font les loix anciennes de I’Egtife a 1’dgard des Pretres tombez dans le crime; enlui- te d’examiner en quoi, & comment on a ddrogd a ces loix dans ces derniers fiecles; & enfin, de montrer que ce qui refte encore de l’ancienne pratique, ne pent etre entierement ddtruit & a- broge. On petit done premierement dtablir en giindral comme une maxime conftante , que felon J’an- cien droit qui a 6t6 obfervd dans 1’Eglife pendant plufieurs fiecles, les Pretres & les Diacres qui etoient tombez dans quelque crime , & particu- lierement dans celui de l’impuret£, etoient depo- fez pour toujours de leur Ordre. Je ne nie pas cependant qu’on ne fe foit quel- quefois un peu relachf 5 . de la feveritfl de cette Difcipline,foit en confiddradon de quelque grand avantage que l’Eglife en retiroit, foit pour htein- dre quelque fchifme qui la divifoit. ,, Car dans ,, ces rencontres, dit Saint Auguftin (t), oil il „ s’agit non feulement d’affurer le falut de quel- „ ques pardculiers, mais de tirer des peuples „ entiers de la mort, la charitd veut qu’on re- „ lache quelque chofe de la fdveritd de la Difci- „ pline, pour r^mddier d de plus grands maux. C’dtoit pour cette raifon que les Eveques & les Pretres Donatiftes qui revenoient a i’Eglife, n’d- toient pas privez de leur dignitd apres avoir fait penitence de leur fchifme- „ Ce qu’on ne foufFri- „ roit pas, ajoute Saint Auguftin, parce qu’en ,, effe? (j) Ep. jo, i Bonify Pretkes tombf.z daks l e crime. 55 „ effet il faut avouer qu’on ne le devroit pas „ fouffrir, fi la plaie que i’on fait d la Difcipline „ de l’Eglife n’dtoit en quelque forte eompenfde „ par le rdtabliifement de la paix. Mais hors ces exceptions qui coniirraent la re¬ gie plutdt qu’elles ne l’affoibliflent, il eft aifd de faire voir que felon les Canons de l’Eglife, les Prdtres tombez dans le crime dtoient exclus du Miniftere de 1 ’Autel fans aucune efpdrance de rd- tabliffement. Nous en avons une preuve dans Saint Bailie h l’dgard des premiers fiecles. „II n’y a point de dou- ,, te, dit-ii (i), que les Diacres qui depuis leur „ Diaconat font tombez dans la fornication, ne foient dtSpofez: &c’eft par cette raifon qu’apres ,, qu’ils ont donnd des marques d’une veritable „ converfion, on les admet plus facilement a la „ Communion La'ique, afin de ne les pas punir ,, deux fois pour le mdme crime; parce qu’ils ne „ font jamais rdtablis dans le rang qu’ils tenoient „ avant leur chute. Les Conciies & les Peres nous fourniffent une infinite de preuves de la meme Difcipline a l’dgard des fiecles fuivans. Le fecond Conciie d’Orleans tenu en 533, I’d- tablit dans le huitipme Canon. ,, Si un Diacre, „ dit-il, ayant dtd pris captif s’elt marid, il faut ,, quand il ferade retour l’exclure entierement de „ fon miniftere; & il doit fe contenter d’ltre ad- „ mis a la Communion La'ique, apres qu’il aura fait „ une fatisfadlion proportionnde d la faute que fa „ ldgeretd lui a fait commettre. Le Pape Jean il. parle encore plus fortement dans fa prdmiere Lettre d Cdfaire Evdque d’Arles, au fujet de Contumeliofus Eve que deRiez,qui dtoit (1) I. Ep. car.cn, can. 3. D 4 5 6 I. Note sur la VI. Lettre. dtoit tombd dans la fornication. „ Nous avons bien ,, de la douleur, dit-ii, de perdre cet Eveque; „ mais il eft ndceifaire d’obferver la fdvdritd des „ Canons: c’eft pourquoi.de notre autoritd.nous ,, le privons de la Dignitd Epifcopale. Car il n'elt „ pas jarte qu’un homme fouilld de crimes, foit „ employd aux facrez minifteres. Mais ayez fom „ de l’envoyer dans un Monaftere, ou fe fouve- ,, nant toujours de fes pdchez, il ne ceiTe point „ de repandre des larmes de penitence, afin de ,, mdriter par • Id d’obtenir que Notre Seigneur ,, Jesus-Christ, dont la companion s’dtend fur „ tous les hommes, lui faffe mifdricorde. Cdfaire.Evequed’Arles, rend lui-mdme tdmoi- gnage de cette Difcipline, dans cette mdme affaire de Contumeliofus. Car apres avoir rapporte une fuite de divers Canons que le Pape Jean lui avoit envoyez, & dont les titres feuls font voir, dit-il, Que les Clercs ne peuvent pas itre re'tablis dans lew dignite, apres etre tombez dans des pechez capi- tattx: „ il eft manifeilement conitant, ajoute-t-il, „ felon ce que parolilent contenir les Titres que „ le Pape Jean m’a envoyez, felon le fentiment „ des 318. Eveques, & les Canons de l’Eglifede „ France, que les Clercs furpris en adultere, qui „ confeffent eux-mdmes qu’ils y font tombez., ou ,, qui en font convaincus par d’autres, ne peuvent „ rentrer dans leur dignitd.il faut done, ou qu’ils ,, fe foumettent volontaireinent d ces regies, 011 ,, s’ils ne le veulent pas , qu’ils reconnoiffent „ qu’ils combattent la pratique de toute 1 ’Fglife. ,, Quelle eft done cette douceur ennemie de la „ jultice qui flate les pdcheurs, & qui au lieu de „ gudrir leurs plaies, les rdferve pour la rigueur „ des jugemens de Dieu ? Enfin Saint Grdgoire le Grand, qui vivoit peu de terns apres, tdmoigne la uieme chofe d?ns . . pie- Pretres tombez dans le crime. 57 p.'ufieurs de fes Lettres, & de la maniere du mon- de la plus exprefle. „ Nous avons apris, dit-il, » (i) qu’on veut r£tabiir dans les fondtions de „ leur Miniftere des Eccldfialtiques qui en font ,, ddchus, foit apres qu’ils ont fait penitence. „ foit mdme avant qu’ils l’ayent faite. Nous dd- ,, fendons qu’on les rdtabliffe en aucune manid- ,, re. Et en cela nous ne faifons que faivre „ les Sacrez Canons qui le ddfendent comme „ nous. Que celui done qui fera toinbd dans „ un pdchd d’impuretd depuis fon Ordination, „ foit tellement exclus des Saints Ordres, qu’il „ ne s’aproche jamais de l’Autel pour en faite „ aucune fonftion. £t dans une autre Lettre. ,, Pour rdpondre, „ dit-il ( 2 ) , aux confutations de votre Frater- „ nitd, nous jugeons que ce Diacre, Abbd de „ Porto-Vdnere,que vous me mandez etre tom- „ bd dans le crime , ne doit & ne peut dtre „ en aucune maniere retabli dans fa dignitd. Et „ k i’dgard des Soudiacres qui font coupables „ de la meme fame , il faut les ddpofer fans „ leur 1 aider aucune efpdrance d’etre retablis, „ & qu’ils reqoivent la Communion au rang „ des La'iques. Et dans la Lettre fuivante. „ Si on accordoit, ,, dit-il, a ceux qui font tombez, la libertd de „ rentrer dans leurs dignitez, on ddtruiroit en- „ tierement la vigueur de la Difcipiine Canoni- „ que; parce que Pefperance d’dtre rdtablis, fe- ,, roif qu’il y en auroit plufieurs qui n’aprdhen- „ deroient plus de concevoir des ddiirs crimi- „ neis, & de faite le mal. Vous me demandez, » mon cher Frete, ft Amandinus, qui a etd d6- » poK ( 1 ) l. i. Kt>. 26, (2) 4» i 6 . D 5 58 I* Note sur la VI. Lettre. ,, pofe par votre preddcefleur comae fa faute Ie „ mdritoit , doit etre rdtabii dans la dignitd de ,, Pretre & d’Abbd qu’il avoit auparavant? Nous „ vous rdpondons que cela n’est point per- ,, MIS , ET NE EE PHUT FAIRE EN AUCUNE MA- ,, niere.' Si ndanmoins fa conveifion eft fince- „ re , vous pouvez.en le tenant toujours privd a, comme ii elt de toutes ies fon&ions de fon >, miniftere, lui donner, ft vous le jugez 4 pro° „ pos, la premiere place dans le Monaftere a- ,, vant !es autres. Mais prenez bien garde fur ,, toutes chofes.que ia recoinmandation de qui ,, que ce foit ne vous oblige jamais a rdtablir >i dans le Miniftere Sacrd ceux qui en font dd- „ chus , de peur qu’on ne s’imagine que cette „ excluiion eft plutdt un ddlai ? qu’une peine ,, ddtertninde par Ies Canons. II ordonne Ia rneme chofe dans la meme Let¬ tre, touchant trois Diacres qui dtoient tombez dans le crime. Et encore dans le livre fixieme Lettre 39. „ Puifqu’il n’y a point de raifons , die— ,, il j qui puiftent permettre qu’on rdtablifie dans ,, fon miniftere ceiui qui en eft ddchu par le ,, crime, votre Fraternitd doit ordonner un Evd- „ que a ia place de ceiui qui eft tombd. Ii fait „ la mSme reponfe au fujet d’un Pretre. livre 7. „ Lettre zj. §■ HI. Que le TtiJJage pre'tendu de Saint Gre'gnire qui eft contraire d tous ces Decrets, a ete ajoitte par un Faujfaire. A Pres tant de paifages ft forme's, on ne doit avoir aucun dgard 4 la vaine objt&ion que spidques - uns tirent de la Lettre 4 Secon- St. Gregoike falsifie’. 55 din (i) j comme fi ce grand I’ape y avoit en- feignd autre chofe en rdpondant d la demande que Seccndin lui avoit faite, de hi marquer lies mtoritez toucbant les Jonflions facerdotalcs , qui fiflent voir quon pouvoit fe relever npres etre tombe. Ut fibi de facer Mali officio pofi lapfum refur gendi auto¬ mates fmberet. Car il y a ddja long-terns que tous les Savans ont reconnu que tout cet en- droit a dtd ajoutd par queique Fauflfaire dans la Lettre de Saint Grdgoire. Le Fere Morin l’a remarqud dans fon Livre de la Pdnitence (2), oil il foutient auflr avec raifon, que la Lettre d Maflanus attribute a Saint Ifidore, eft fuppofde. Mais a l’dgard de ce que nous venons de dire de la Lettre d Secondin, cela eft juftifid par huit anciens Manufcrits d’Angleterre, rapportez , par James, & par un ancienManufcrit duRegif- tre , ou des Lettres de St. Grdgoire que Ton conferve dans l’Abbaye de Clairvaux , oil ce paflage ne fe trouve point. Mais quand nous n’aurions point ces preuves , l’impofture eft ft groffiere qu’on n’a aucune peine a la reconnoi¬ tre. Car 1. ft l’on confidere le ftile , qui a jamais parld de la forte ? Tna San&itas hoc d nobis requi- fivit , ut fibi de facerdotali officio pofi lapfum refur• gendi autoritates ftnberemus ‘1 Ce que j’ai tdchd de rendre par ces paroles Francoifes , oil j’ai pu d peine conferver route l’obfcuritd du Latin, „ Vo- 3, tre Saintetd a demandd que nous lui marqudf- „ fions des autoritez touchant les fon&ions fa- „ cerdotales, qui fiflent voir qu’on peut fe rele- ,, ver apres 6tre tombd. Votre Saintetd dit (e’eft „ la fuite de 1’addition) qu’elle a lu fur cela des i, Ga¬ ft) A 7. Ini. i. Ep. H, (1) l. 4. t, jj. 60 I. Note sm la VI. Lettke. „ Canons tout oppofez,& qu’elie a trouvd des „ ddcifions contraires, les unes pour qu’on puif- „ fe fe relever, les autres pour que cela ne fe „ puifle jamais. Se dicit de hoc Canones rlmrfos le- gijje,& diverfas fentcntias inventJje , alias rej'urgtn- cii alias ncquaquam pojje. Mais il n’y a point de fens dans la rdporue que cet Impofteur fait faire a St. Grtgoire. La void: „ C’eil pourquoi „ nous refpeftons les Saints Condles Gdndraux, „ 2 commencer par ceiui de Nicde, & celui-d ,, avec les quatre autres ; parce que les autres ,, qui le fuivent, s’accordent unanimement dans „ tous les fentimens Canoniques. Ided fanffas nos gene-rales Synodos d Nicena ir.cipientes hanc cum reliquis quatuor verieramur , quia ipfam J'equentes , cetera in cunHis Cancnicis femcntiis unanimiter con- cordant. Le relle n’eft pas moins impertinent. 2. Dans cette addition on fait decider expref- fdment a St. Gregoire, que les Pretres (r) „ tom- „ bez dans le crime doivent etre rdtablis dans „ leur miniftere, apres avoir fait une fatisfadtion „ propordonn£e a leur crime. Or qui peut croire que Saint Grdgoire, qui, comme nous favons vu, a d< 5 cidd au contraire dans une infinite d’endroits, qu’on ne peut , & que Von ne doit pour aucune nr Jon retailin' dans leur dignite les Pretres qui feront tombcz: qui a empioyd tanc defois,& avec tantde feveri- td.toute l’autoritd du Siege Apoftolique pour em- pecher que les Pretres qui etoier.t tombez dans le crime refujjcnt retabls dans les foncHons de leur miniftere, foit devar.t, foit apres leur penitence; pane que ctla n'cfi (i) Le mol latin Sacerdotes iju’on a. traduit par Pretres dans tour, cet article , cornprerd les Evdques & les Prdlres , c'lfla-riire tous ceux qui font bonorcz du Sacerdoce de J. C, £V flgnifie me me plus proprement les premiers qui en or,l la plenitude. Sr. Gregoirf. falsieie\ 61 H’eft point pcrmis , & ne fe pent faire en aucune ma- niere: qui a ddfini fi poficivement quo les ficrcz Canons Vont defendu: qui peut croire, dis-je, qu’un fi grand & un fi faint Pape, apres avoir lui - meme interdit pour toujours des Ordres Sacrez, fuivant la Difcipline de ces Canons, des Evfiques , des Pretres, des Diacres, des Soudiacres tombez dans le crime , ait eu afiez de Idgeretd pour rdvoquer lui-meme fes propres Decrets en dcrivant d un Moine reclus, que ces fortes de chofes ne regar- doient point du tout, & que s’oubliant lui-meme il ait pu,pour d’auifi mauvaifes raifons quecelles de cette addition, ruiner une Difcipline pratiqude aufll univerfellement que celle-la l’dtoit de fon terns, une Difcipline qui lui dtoit fi connue, & qu’il avoit foutenue lui-metne avec tant de force? 3. Ett-il rien de plus indigne de St. Grdgoire, que la raifon qu’apporte l’Auteur de cette addition, pour prouver qu’on doit retablir dans Icur dignite les Pretres tombez dans le crime de I'impurete' ? C'cfi , dit-il, qu’on en trouve peu qui en foient exemts. St. Grdgoire avoit-il done fi mauvaife opinion des Pretres de fon terns ? Et' ces paroles peuvent- elles etre celles d’un Pape , qui avoit prononed d’une maniere fi claire & fi ddcifive qu’il falloic punir ces fortes de crimes par une ddpofition per- pdtuelle & irrevocable ? ,, Que celui, dit-il, qui „ fera iombd dans des ptkhez d’impuretd depuis „ fon Ordination, foit tenement exclus des Saints „ Ordres, qu’il ne s’aproche jamais de l’Autel „ pour en faire aucune fonclion. 4 On feint que Secondin avoit demands £ Saint Grdgoire la conciliation des Canons qui avoient fait des reglemens difKrens fur le rdtabliflement des Pretres apres leur chute. Cependant ce faux Grdgoire ne rdpond point a cela,& fans faire au- cuoe mention des Canons il ddcl.de indifierem- ment 62 I. Note stir £a VI. Lettre. inent que Ton doit rdtablir ies PrStres dans Jeur dignity apres qu’iis ont fait pdnitence. Je veux bien ndanmoins que Saint Gr^goire n’ait point eu d’dgard aux Coniiitutions des autres (ce qu’on ne croira jamais d’un Pape qui avoit tant de zele pour la Difcipline Eccl^flaftique, & pour Tobi'er- vation des Canons;) mais comment auroit-il pu ne point fe fouvenir, que non feulement il avoit erdonn6 le contraire une infinite de fois, mais qu’ii avoit regarde cela comme une chofe entie-, tement decidde & hors de doute ? Quel eft Thom- me de bon fens,qui dans une Lettre aulE longue que celle & Secondin,n’expliqueroit pas au-moins en peu de mots comment les Decrets qu’il faifoit fur le rdtabliffement des PrStres tombez, pou- voient fe concilier avec les Decrets contraires qu’il avoit faits aupafavant,& qu’il avoit appuyez fur cette raifon d£cifive, qui fuffit feule pour faire connoltre l’impofture. „ Si on accordoit, difoit- „ il, a ceux qui font tombez, la Iibertd de ren* „ trer dans leurs dignitez, on detruiroit entiere- ,, ment la vigueur de la Difcipline Canonique ; „ parce que I’efpdrance d’etre rdtablis, feroit „ qu’il y en auroit plufieurs qui n 5 aprt:hende- „ roient plus de concevoir des defirs criminels ,, de faire le mal. Enfin une derniere marque tres-certaine de cette fuppOfition , eft la rdponfe que le Saint Pape Martin I. fit cinquante ans apres a St. A- mand Eveque de Maeftricht, au fujet des Pretres & des Diacres qui s’etoient fouil'ez par le crime depuis leur Ordination. „ N’ayez aucune indul* „ gence , dit - il, pour ceux qui feront toinbez „ dans ces crimes: ce feroit ddtruire les Canons. „ Car celui qui fera tornbd une fois depuis fon j, Ordination , doit demeurer d6poK pour tou° j, jours, & ne pent jamais etre rdtabli dans au- „ cun St. G re go ire f^lsifie’. dg j, cun degrd duSacerdoce. Qu’il fe contente donc : ,, de paffer le refte de fa vie dans Ja p^niten- ,, ce, dans les larmes, & dans des gdxniiFemens „ continuels, afin que par la grace du Seigneur „ il puifle effacer le crime qu’il a commis. Si nous „ demandons des homines purs & irreprocha- „ bles pour les faire entrsr dans les Ordres, 4 „ combien plus forte raifon devons-nous empd- „ cher que ceux qui font tombez dans le crime ,, depuis Ieur Ordination, & qui font devenus „ des prdvaricateurs, ne touchent avec des mains „ impures & fouilldes le myilere de notre rdcon. „ ciliation. Que ces Pretres demeurent done dd» „ pofez pour toute leur vie, fuivant la Difcipline „ dtablie par les Sacrez Canons; afin que celui „ qui fonde le fond des caeurs, & qui ne fe re 1 - „ jouit point de la perte de fes brebis, connoif- „ fant la finedritd de Ieur penitence, leur fade mi- „ ftricorde au jour terrible du Jugement. Si St. Grdgoire avoit veritablement ordonnd, comme on le voit dans cette Lettre a Secondin, que les Pretres tombez dans le crime feroient re- tablis dans leur dignitd apres leur penitence; eft- il vraifemblable que Martin I. edt pu ignorer ce reglement? & s’il lui avoit dtS connu, comment eut-il pu dire ii afiirmativement, Que ecs Pretres devoient detneurer depofez pour toute leur vie fuivant la Difcipline etablie par les Jacrez Canons , pendant que tout le monde avoit entre les mains une Let¬ tre de St. Grdgoire qui dtablilfoit une Difcipline toute contraire ? 5. IV, 6^- I. Note sue la VI. Lettre. 5- 1 v. £>«’;/ j a it Papparencc qu'IfiJorus Mercator , cilebrt Impofteur, ejl P Auteur de cette Addition. O N ne psut douter apres les preuves que je viens de rapporter, que cette addition ne foit certainement 1’ouvrage d’un Fauffaire. Si on de- mande maintenant quel eft ce Fauflaire?je crois qu’il n’y a perfonne qu’on en puifle accufer avec plus de vraifemblance qu’Ifidorus Mercator, qui s’eft rendu ft cdlebre par de feinblables impoftu- res , & qui dans le huitieme fiecle ddbita tant de fauftes Decretales fous le nom des premiers Papes. 1 . Le (tile barbare de cette addition reffemble tout-a-fait a celui d’lfidore, dans les fauftes Pie¬ ces duquel on rencontre fouvent des foldcifmes. En fecond lieu, non feulement il eft conftant en g£n£ral que cet Auteur a pris a tiche de fuppo- fer de pareilles faufletez a plufieurs Papes; mais on voit en particulier que dans la Lettre qu’il at- tribue au Pape St. Calixte il s’efForce d’dtablir la mdme Difcipline que dans cette Lettre & Secon- din, qu’il emploie les memes raifons & lesmSmes temoignages de l’Ecriture dont il abufe , & qu’il fe fert m§me quelquefois des memes termes.pour „ prouver qu’on doit croire comme une chofe „ indubitable, que les Prdtres du Seigneur, auffi „ b!en que le refte des Ffdeles, peuvent apres „ avoir fait une penitence proportionnde a leurs „ crimes, rentrer dans le rang d’honneur qu’ils „ avoient auparavant; & qu’avoir d’autres fenti- ,, mens, e’eft non feulement etre dans l’erreur, „ mais combattre meme le Ponvoir des Clefs qui „ a 6t6 accordd 4 l’Eglife. FauSsls Decretales. 65 , Or il eft au-moins probable qu’un homme qui fous le faux nom de Saint Calixte a dtd affez har- di pour taxer (femur les Auteurs des Saints Ca¬ nons qui dtent aux Pretres tombez toute efpdran- ce d’etre r^tablis dans leur miniftere, ne fe lera pas fait un fcrupule d’avancer la mdme chofe fous le nom de St. Grdgoire. Ces deux fourbe- rie's font fi femblables, qu’on ne peut douter qu’elle's he viennent du meme Auteur. Enfin le terns auquel cette addition paroit a- voir dtd faite, favorife cette conjefiure. Car j'e ne crois pas qu’on trouve d’Auteur plus ancien qu’Hincmar, qui en fade mention. Or tous les Savans cohviennent que ce fut vers ce tems-14 que parurent les fauites Decretales d’lfidore. A quoi on peut ajouter qu.’Hincmar cite en meme terns la Lettre de Saint Calixte, & la fauife Addi¬ tion de celle de Saint Grdgoire a Secondin. Car void comme il parle. „ St. Grdgoire, dit-il (r), ,, confultd fur la conduite qu’on devoit tenir a „ l’dgard des Pretres qui dtoient tombez dans ,, quelque crime depuis leur Ordination , mais „ dont les crimes n’dtoient pas connus, fait la i, meme rdponfe que St. Calixte fon prdddcef- „ feur: Nous fuivrons, dit-il, les anciens Peres, &c. Paroles que Ton ne trouve point ailleurs dans St. Grdgoire, que dans cette Lettre 4 Se¬ condin. De tout cela je conclus que puifqu’il eft con- ftant , comme tous les Savans le reconnoiffent aujourd’hui, que cette Lettre qui porte le nom. de Saint Calixte, eft d’I(idore,pn ne peut pref- que pas douter que 1’addition de la Lettre 4 Se¬ condin qui eft du meme ftile, 6: qui auto rift; le meme iel4chement, ne foit aufli de cet Impofteur- Nous ft) In eMitulis an, SJ2, c, 2a. Tome II, E 66 I. Note sun la VI. Lettre. Nous avons encore une Lettre fur le metric fujet, fous le nom de St. Ifidore de Seville a l’livdque Maflan. Mais j’ai ddjd remarqud que cette Lettre dtoit fuppofde, comme tous les Sa* vans en conviennent, dtant tout-a-fait indigne de l’drudition de ce Saint, & direftement oppo¬ se d la doctrine qu’il a conttamment enfeignde. On peut voir fur cela fa Lettre d Hellade, & fon fecond livre De Ojficiis Ecclefiajlicis. ff. v. One les fntffcs Lcttres ile Saint Calixte, de Saint Gre- goire , & de Saint Ifidore de Seville ont ete cattjt du reldchement de I’ancienne DiJ'cipline d regard dcs Minijlres de I’Eglife tombez dans le crime. Ous venons de ddmontrer que l’ancienne Dif- cipline de l’Eglife ne permettoit pas que ceux de fes Miniftres qui dtoient tombez dans quelque crime depuis leur Ordination, fulfent jamais rdta- blis dans leur dignitd, & que c’efl: un Itnpofteur, qui fous le nom de Saint Calixte & de Saint Grd- goire, a commence le premier a miner une Dif- cipline fi fainte , & dtablie par tant de Canons, ou plut6t qui l’a entierement renverfde: car j’eC- pere faire voir ici, que c’eft cette impoiture qui a ^td la principale fource du reldchement qui s’eft introduit fur ce point dans l’Eglife. Les premiers qui virent ces fauffes Lettres a- vec les noms vdndrables des Papes Calixte & Grd- goire & d’lfidore de Seville, ne s’dtant pas ap. perqus de la fuppolition, n’dferent les rejetter, ni s’oppofer d une fi grande autoritd. Ainfi ils furent contraints, pour ne pas ddtruire ce qu’ils croyoient fauffement que ces Saints avoient ordonnd fur le retabliffement desPretres,de donner atteinte aux Canons Fausses Decretales. 67 Canons par des diftinftions inconnues jufqu’alors* & auxquelles ils n’eurent recours que pour conci- lier en quelque faqon les Canons avec ces Lettres. Car ft on examine avec foin tout ce qu’on a dcric depuis le huitietne fiecle en faveur du rdtabiifle- ment des Pretres, on verra qu’il n’eft fondd que fur l’autoritd de ces faufles Lettres de St. Calixte, de St. Grdgoire, & de St. Ifldore. C’eft ce qu’il ne fera pas inutile de montrer parquelques exem- ples des Auteurs les plus illuftres. Hincmar Archeveque de Rheims, dans l’endroit que j’ai ddjl citd (1), n’appuye que fur ces Lettres Pindulgence qu’il veut qu’on ait pour les Eccld- iiaftiques, dont les crimes n’dtoient pas connus. „ D’abord il refute fortement ceux qui difoient „ qu’on ne devoit point ddpofer un Prdtre ou un „ Diacre , qui confeffoit lui - meme qu’il dtoit „ tombd dans le crime, ou qui en dtoit convain- „ cu ; mais qu’on devoit feulement l’interdire „ pour un terns , fous prdtexte que ces Prdtres „ pouvoient faire penitence comme les Laiques. „ Que ceux qui font dans ces fentimens voient, „ dit Hincmar, comment ils fe tireront du danger „ ou ils fe prdcipitent en dlevant leur voix con- „ tie le Ciel, & en parlant centre les facrez Ca- „ nons, qui, comme dit Saint Ldon, font faits „ par l’Efprit de Dieu, & confacrez par le refpeft „ de tcute la terre, & qui fuivant la doftrine des „ Apotres ddclarent que ceux qu’on aura ddcou- „ verts etre tombez dans le crime, ne doivent „ point dtre dlevez a la Cldricature, ni y deineu- » rer s’ils y font, ni dtre rdtablis s’ils en ont dtd 1, ddpofez. C’eft ce qu’il prouve par plufieurs paffages des Papes Ldon , Hilaire , Gdlafe Sc Grdgoire , & de St. Auguftin , dans lefquels il ne 0 ) capita ai PresbiUros an. 852 * £ % . Reeachement de Bauny. 73 ce relachement meme de. ]a Difcipline on a tou- jours eu en horreur cette corruption que les J£- fuites veulent introduire de nos jours, lorfqu’il§ envoient £ l’Autel,& a des Myfteres redoutables aux Anges mdmes, des Pretres au fortir des cri- mes les plus infames, fans autre delai que celui de la Confeflion. Car tous les Auteurs que nous avons citez, qui ont cru qu’on pouvoit rdtablir ces Pretres dans toutes les fondtions de leur mi- niftere, ont ndanmoins perfuadez qu’on ne Jes devoit point rdtabiir, qu’apres qu’ils auroient fait penitence, & me penitence proportionnee a lews crimes. Hincmar n’accorde cette indulgence qu’a ceux qui pleurent fincerement lews pechez. St. Anfelme croit qu’oM ne doit pas intcrdire de leur Ordre ceux qui font tomhez : maif il faut felon lui qu’Us appaifent la colere de Dicu par le facrifice tfun cfprit abatu, 0 * d'un coeur contrit & brife de doulcur; qu'ils faffent tout leur pojftble pour s r avancer dans la vertu; que leur humilitd, leur contrition , & le cbangement de leur vie prie en quelque forte & intercede pour. eux. Et comme on ne peut reconnoitre que par la fuite de leurs a&ions s’ils ont ces difpofitions, ce meme Saint croit qu’il eft. necejfaire de les feparcr de l’ati~ tel, finon pour toujours, au-moins pour m terns. Enfin les Canoniftes ne mettent pas meme en queftion fi on peut rdtablit les Pretres avant leur penitence. Tous fuppofent comme une vdritd in- fconteliable que cela ne fe peut pas, & i!s deman- dent feulement il on Jes doit rdtablir mSme apres leur penitence. Mafcarenhas fait done injure a l’Eglife, quand il affine que fon opinion eft confirmee par la cow tume commune de tout Vtmivers. La Difcipline de J’Eglife n’eft pas fi ddchue, & elle ne peut me- pre jamais ddcheoir jufqu’a ce point, que de tels E s exces 74 I* Note sur ia VI. Lettre. exces deviennent permis. Car quand nous accor- derions que la loi pofitive feroit entierement abrogde, ia raifon & le droit naturel ne le peut €tre. tt ce fentiment commun de pibtb & de ref- pect que la foi infpire a tous les Fideles pour cet augufte Sacrement, ne s’effacera jamais de leur cceur, & les porttra toujours d condamner, a re* garder avec horreur, & a ddtefter une telle im¬ pudence. Mais, dira-r-on , la Confeffion que Jes Jdfui- tes veulent que 1’on faffe auparavant n’efface-t- elle pas tous les crimes ? Oui, fi elle eft accom- pagnde d’une converiion fincere du cceur. Or quiconque eft afiez hardi pour 6fer avoir la pen- ide d’approcher de 1’Aurei dans ce malheureux btat, ne donne.t-il pas par cette impudence me- me une marque certaine que fon cceur n’eft point cbangb? Si l’Eglife a cru devoir par une loi auili ancienne que l’Evangile, obiiger les Frdtres a une continence perpdtuelie; & fi les Grecs memes qui ne fe font pas ioumis a cette loi, ne laiftent pas toutes les fois qu'iis s’approchent de l’Autel de 1'obferver, au-moins pour tin terns; comment fe pourroit-i! faire qu’un pdcheur que Dieu auroit vdritablement touchd, a qui il auroit ddcouvert d’un cdtb fes abominations & la laideur de fes crimes, & a qui il auroit fait connoitre del’autre la faintetb de nos Myfteres, que les Ames innocen- tes , & les Anges memes ne regardent qu’avec tremblement: comment, dis. je, fe pourroit-il faire que ce pdcheur ne redoutit point de s’en approcher avec des mains impures, avec un efprit fouilld, & une imagination encore toute rempiie des images de fes ddreglemecs? C’eft done une erreur tres-pernicieufe de croi- re, comme font plufieurs, que des Pretres tom- bez dans les plus grands crimes, foient en fr-t de Relachement de MascareiIhas. 75 de recevoir l’abfolution quelques heures apres. Plus la grace du Sacerdoce qu’ils ont reque, eft grande , plus leur dignitd eft dlevde, plus aufli leur chute eft profonde , & plus il eft difficile qu’ils s’en relevent. Ce n’ell: pas une chute com¬ mune , mais c’eft une chute horrible que celie d’un homme dlevd a une dignitd plus grande que celie des Anges, & qui tombe de-la dans un dtat beaucoup plus mifdrable que celui des Turcs & des Infideles. Le caraftere qui a dtd imprime dans fon ame, fubfifte d-ia-vdritd toujours, mais il ne fubfifte que pour augmenter fon crime & fon mal- henr. I! yen a tres-peu de ceux quitombentainfi, que Dieu releve & qu’il rappelle d iui par une fin- cere pdnitence. Et quand il le fait, ii nous confi- ddrons le cours ordinaire de la Grace, il ne le fait pas tout d’un coup, & il 11’opere pas incontinent dans l’homme cette difpofitioh qui eft ndceffaire pour recevoir l’abfolution avec fruit. J’avoue, dit un Auteur (i) qui ne plait pas aux Jdfuites, mais qui a dtd tres-approuve par les Eveques de France: „ J’avoue, dit-il, que la gva- „ ce de Dieu peut convertir en un moment le „ plus grand pdcheur du monde, & le rendre C3- „ pable de la reconciliation fans tous ces retarde- „ mens. Je reconnois mSme que cela eft arrivd „ qpelquefois.... Mais il faut rdpondre d tous „ ces exemples avec Saint Bernard , Que ce nt „ font pas tant des exemples tjue des miracles, & des „ miracles dans l’ordrememe de la Grace,qui de „ foi eft ddjd tout miraculeux. Que ce font des „ changemens de la droite du Tres-haut; des „ coupsextraordinaires dune mifdricorde infinie, j, qui n’eft fujette d aucunes loix, & qui ne doi- „ vent (i ) M Arr.auld dans fun livrt de la FrequcnU Communion i. panic eh. 13, 7 6 I. Note sur la VI. Lettre. s, vent point aufll porter de prejudice aux regies „ communes & gdndrales, qui ne peuvent etre 33 ^tabiies que feion l’ordre commun de la Gra- „ ce, comme les prdceptes de Mddecine ne peu- 33 vent etre fondez que fur le cours ordinaire de ,, la Nature. ,, Or il eft certain 3 que la Grace n’op^re point „ ordinairement dans nos ames avec des mouve- „ mens il promts. C’eft un jour divin, comme „ remarque excellemment St. Grdgoire, qui a fon ,, aurore auffi bien que le jour naturel, & qui ne „ diffipe les t^nebres de nos cceurs, qu ? a mefure „ qu’il s’avance, & que fes rayons fe fortifient. ,, L’homme nouveau, non plus que le viei/,ne „ fe forme pas tout d'un coup; il commence par „ des conceptions imparfiites; il ne s’engendre „ que peu & peu, & ii lui faut fouvent beaucoup „ de terns avant que de naitre. De forte que les „ Confeffeurs doivent extremement aprdhsnder, „ que leur precipitation ne ferve a autre chofe ,, qu’i procurer des avortemens , & que Dieu ne „ leur reproche un jour de s’etre conduits de la „ me me force dans la naidance fpirituelle des „ ames , que feroit une mere, qui fe voudroit „ ddcharger de fon fruit auffi-tdt qu’elle fe fen* „ tiroit groffe, pour lui donner plutdt 1’ufage de „ la vie, & la jouiffance de la lumiere, & !e dd- „ gager dune prifon oil elle s’ennuyeroit de le „ laifier enfennd. „ Car c'eit ainfi que quelques Pretres s’imagi- ,, pent dtre fort charitables envers les pdcheurs , „ en fe hatant de les ddlier par une abfolution ,, prdcipit£e,& de lesenfunter par lesSacremens, „ ne voyant pas que par ce moyen ils dtouffent le „ plus fouvent, comme cetce mere, un peu de , ? vie qqi commenqoit A fe former: au lieu qu’en „ fuivant le cours de la Grace, & tachant de les faire yt ReLACHEMENT DE BAtJNT. 77 y, faire avancer peu A peu dans de plus parfaites „ difpofitions de penitence, par les moyens que „ l’Evangile nous prefcrit, c’ eft -a- dire par les „ prieres, par les jeunes, par les aumdnes, & „ autres femblables exeicices de piete, peut - etre „ qu’avec le terns ils les efifient amenez a une „ Veritable & folide converfion. Cet illuitre Auteur n’avoit point inventd cette Do&rine, il l’avoit aprife des Peres, & principa- lement de St. Thomas, qui allure que Dieu n’o- pere dans i’ame ces difpofitions pour la grace qu’avec le terns, & qui met au rang des miracles les converfions qui s’operent dans un moment. „ Dieu, dit-il ( 1 ), ne donne fa grace qu’d ceux „ qu’il a prdparez lui-mSme pour la recevoir. Or „ il arrive quelquefois qu’il les prepare en leur „ donnant feulement des mouvemens imparfaits „ vers le bien, & cette preparation precede pro- „ prement la grace. Mais quelquefois il leur fait „ aimer le bien d’une maniere parfaite, & alors „ ils regoivent la grace tout d’un coup , felon ce „ que dit St. Jean : Tons ceux qui ont ou'i la voix du „ Pere, £P qui ont ete enfeignez par hi, mermcnt d „ moi. Et c’eft ce qui arriva a St. Paul, dans le „ terns meme qu’il commettoit le p^chd. Dieu „ toucha parfaitement fon cceur, il entendit la „ voix du Pere, il fut enfeignd par lui, & il vint „ a Jesus-Christ,& ainfi il regut tout d’un coup „ la grace. En rdpondant a cette queftion qu’il propofe au mdme endroit, 11 la Juliification de l’impie eft miraculeufe ? ,, Le cours ordinaire & comrnun de j, la juftification eft, dit-il ( 2 ), que l’ame <5tant ,> mue intdrieurement de Dieu,fe tourned’abord „ vers O) r - J. m. art. z. ad. z, - (1) II. q, 123. art. 10, 73 I. Note sur la VJ. Lettre. OCT. ABOMINABLE d’EsCOBAR. gr crimes , qui felon Tertulien font ties monfires & non pas des crimes ? De plus, il eft faux que ces loix foient entierement abrogdes par le non-ufa- ge ; puifque le Concile de Trente les a renouvel- ldes , qu’elles font obfervdes, au-moins en partie, par tous les gens de bien , & peut-etre meme par les mdchans. Car je ne fai s’il y a un Pretre aflez corrompu & aflez abandonnd pour fuivre dans la pratique ce fentiment, quoiqu’aprouvd, loud, & meme confeiild par les Jeluites. i VII. Do&rine Abominable tTEfcobar. T E quatrieme exemple regarde encore la meme ■L< matiere. Montalte dcrivant en Francois ne l’a touchd que Idgerement, & je n’6ferois moi-meme le rapporter fi je n’ecrivois en Latin. II n’y a point de crimes plus ddteftables ni plus oppofez 5 la Saintetd des Chretiens, & particulierement des Pretres, que ceux que la pudeur ne permet pas mdme de nommer, & que Tertulien exprime par ces termes: Libidinum furies in corpora, in fexus, ultra jura natures. Le Concile d’Elvire prive de la Communion, mdme dla mort,ceux qui en feront coupables. Le Concile d’Ancyre,qui a eu un peut plus d’indulgence 4 leur egard , ne leur impofe pas moins qu’une pdnitence de vingt ans. Le Con¬ cile d’Aix-la-Chapelle en 789, (1) & celui de Pa¬ ris en 829, renouvellent les Decrets de celui d’An- cyre. Enfin les Papes ont fait en diffdrens terns des Conftitutions tres-rigoureufes contre ces abo¬ minations. Mais il fufKt pour mon deflfein de rap- porter ici en particulier celle que Pie V, publia,’ dans fi) Cap. 49, Tome II. E, 82 I. Note sur la VI. Lettre. dans le fiecle paffd.contre les Eccldfiaftiques qui s’abandonnpient a un crime fi ddteftable. Void les termes de cette Bulle cdlebre & vrai- ment digne de ce grand Pape. „ Ce crime horrl- „ bie, dit-il, pour lequel Dieu par un jugement ,, terrible fit autrefois defcendre le feu du Ciel „ fur des villes entieres, nous caufe une extreme „ douleur, & nous porte a faire tous nos efforts „ pour le reprimer autant qu’il eft poifible. Per- „ fonne n’ignore ce qui a dt<$ ordohne par le „ Concile de Latran: Que tous les Clercs que 9 , l’on ddcouvriroit etre adonnez a cette incon- „ tinence qui eft contre la Nature, & qui a atti- „ r 6 la colere du Ciel fur les Incredules, feroient „ chaffez du Clergd, ou renfermez dans des Mo. „ nafteres pour y faire penitence. Mais dans la ,, jufte crainte que nous avons que la contagion „ d'un fi grand defordre ne s’augmente par l’im- „ punitd, qui eft le plus grand attrait dont le „ Ddmon fe ferve pour porter les hommes au „ p£ch£, nous avons r£fo!u de punir plus fdvere- 3 , ment les Clercs qui en feront coupables; afin 3 , que ceux qui ne craignent point de perdre leur 3 , ame, foient au - moins retenus par la crainte du „ glaive fdculier, qui punit ceux qui contrevien- 3 , rent aux loix de l’Etat. C’eft pourquoi ayant „ intention de faire pr^fentement exdcuter plus 3, parfaitement & plus fortement ce que nous 3 , avons ddji ordonnd fur ce fujet, des le com- 3, mencement de notre Pontificat, nous privons, 3 , par l’autoritd de la prdfente Conftitution, de „ tout privilege de la Caricature, de tout Em- „ ploi, Digniti, & Be'ndfice Eccldfiaftique tous, „ & chacun des Pretres, & autres Ecclbfiaftiques 9> Sdculiers de quelque degrd^ & dignitd qu’ils „ foient, qui s’abandonnent a un crime fi d£- 3, tellable. n Doct. abominable d’Escobar. 83 11 faut etre impie pour ne pas reconnoitre que la Constitution de ce Pape n’eft pas tant une loi nouvelle qu’il ait dtablie, qu’un renouvellemenc des anciens Canons, & un reglement que la rai- fon & la ptetd infpirent naturellement a ceux qul ont requ de Dieu l’autoritd pour s’oppofer aux defordres. Car quand cette parole du Pape Zoli- me auroit-elle lieu, li ce n’eft dans cette rencon* tre ? II faut retrancher ks chairs corrompues dun corps qui eft fain, & oter le levain d’une pate,qui eft Jair.te. Cependant Efcobar (1) s’dtant fait cette quef- tion, Si la Bulk de Vie V. contra Clericos Sodo. initas oblige en confcience ? il invente mille detours pour la rendre inutile. 11 r^pond 1. qu’Henriquez a cru probablement qu’elle n’eft point reque par l’ufage, & qu’ainli elle n’oblige point dans le for de la confcience. 2, Que ft elle eft reque elle n’a lieu, felon Suarez, qu’en telles & relies circon- ftances (2) 3. Que felon le meme Suarez elle n’a point lieu non plus a l’dgard de ceux qui ne font tombez dans ce crime que deux ou trois fois. 4. Que (a) tr. 1. ex. 8 . n. 102. (2) Efcobar explique ces circonftances , mats la pudeur ne pcrmet pas de traduire cet endroii en Franpois. Le void en Larin. Num Bulla PH V. contra Clericos Sodomitas ob- liget in foro Confcientia! Henriquez J,emit ufu non effe recep- Sam probabiliter, nec in Confcteniist foro obligare. Quod fi ufu recepta fit , Clericus fceminam in indebito fubigcns vaft, non committit proprii Soiomiam ; quia licet non fervet deli - turn vas, fervat tamtn fexum. Nec incurrit ex Suario poenas Bullet intra vas Mafculi femen non immittens, quia delictum non eft confummatum. Nec ex eodem qui non nifi bis , nut ter in Sodomiam Junt lapfi ; quia Pontifex has poenas Clericis cx- ercentibus Sodomiam infiigit . Nec ( adbtsc ex Sudrio ) ante fententiam Judicis declaraloriam poenas Bullet in foro Con¬ fidently incurrunt, quia nulla lex paenalis obligat homines ad fe prodendum. Cclligo Clericum exercentem Sodomiam , fi fit cor.tritus , ttiam retento beneficio , officio & dignitate, omnia no cjft dhfoheniven^ 84 I. Note sur la VI. Lettre. Que felon encore le mdme Suarez, ceux meme qui font dans 1’habitude de ce pdchd, n’encou- rent point dans le for de la confcience les peines portdes par la Bulle qu’apres la fentence du juge; parce qu’il n’y a point de loi qui oblige un cou- pable k fe declarer, & a s’accufer foi-meme. D’oii je conclus, dit Efcobar, qu’un Eccleftaftique qui eft dims le cas de la Bulle de Pie V. s’il eft contrit, doit etre abj'ous , mime cn retenant fen Benefice ,fon Emploif & fa Dignite'. Voila de quelle maniere ce Cafuifle fe joue de l’autoritd de l’Eglife, & des ordonnances qu’el- le fait pour maintenir fa Difcipline. C’ett alfez d"a* voir rapportd fon fentiment, il n’eft pas ndceilai- re de le rdfuter. Je ne me fuis ddjd arretd que trop long-tems fur ces borreurs. Qu’ici Y evidence, comme parle Saint Auguftin, Je ferve de preuve d elk-mime. Que la corruption vifible de ce dogme, que l’impudence avec lequel on le propofe, fuffi- fe pour en donner de l’dloignement a tous les Chretiens. Que les Jdfuites eux-mimes veuillent feulement jetter les yeux fur ce paifage que je n’ai 6fd rapporter en fon entier , & je ne de- fefpere pas qu’ils ne rougiffent auflV de leur Doc¬ trine & de leur Efcobar. NOTE It Sentiment de Bauny toucbant les Domeftiques qui nolens lews Maitres fous pretexts ri’une compenfation fe - Crete, condamne par les Eacultez de Paris ©* de Zouvain. I L fuffit d’oppofer le jugement des deux cali¬ bres Facultez de Paris & de Louvain k la clou- zieme Impofture , dans laquelle les Jdfuites foutien- nent De la Compensation secrete. 85 Tient ouvertement I’opinion de Bauny, qui permet le Larcin aux Domeftiques. La Cenfure que la premiere de ces Facultez fit contre Bauny en 1641, & qui rapporte fa pro- pofition avec toutes les reftriftions qu’il y a mi- fes, eit eonque en eestermes: Proposition de Bauny p. 213. Si les valets qui fe plaignenl de lews gages s les pcuvcnt i'cux memes croitre en J'e garnif fant les wains d'autant de bien appurtenant d lews maitres , comme ils s'imaginent en etre necejfaire pour egaler lefdits gages d lews peines ? Ils le peuvent en quelques rencontres, &c. Censure. Cette doBrine eft pdrillettje en y ajoutant meme les reflriftions y & ouvre la porte aux Larcins Domeftiques. La Cenfure de Louvain ne nomme point Bau- ry. IX. Proposition. Les Jervitcurs & les fervemtes peuvent derober en cnchettc d lews maitres & d lews maitrcjfcs, pour J'e recompenfer de lews peines , en ju- geunt qu’elles meritent plus de falaire qu’ils n’cn repoi- vent. Censure. Cette propofition eft fauffc, poujfant au Lanin les hommes, qui d’eux-memes Pont naturelle- ncnt portez au mal, n’etant propre qu’d tr Rubier la paix des families, particulieremcnt en ce qu’elle laijft aux fervitcurs £? aux fcrvantcs la liberie de jv.ger de la recompenfe qui lew eft due. Mais l’Apologitte des Jdfuites pretend (r) que cette opinion de Bauny eft appuyee fur I'autorite des feres. 11 eft vrai qu’il le pretend, mais les ]&- fuites ne font pas heureux la prdmiere fois qu'ils fe fervent de l’autoritd des Peres. Tous les paffi- ges qu’ils citent n’ont aucun rapport avec leur opinion. Car a quoi fert ce qu’ils alleguent de Tertullien , qui excufe les Ifraelites qui cffpouille- rent les Egyptiens ? comme s’il n’y avoit pas une difference infinie entre cet exemple & la compen- fation F 3 ( 1 ) Imp . n. $6 I. Note svr la VI. Lettre. fation que Bauny permet aux ferviteurs. Les lfraelites avoient droit fur les biens desEgypriens A caufe de J’opprelBon qu’iis en avoient foufferte, & de plus iis en dtoient devenus les maitres par le commandement que Dieu leur avoit fait de les enlever ; au lieu que les ferviteurs n’ont point de droit fur les biens de leur maitre, quand il leur donne ce qu’il leur a promis, & Dieu ne leur en a point accordd la poifeffion cotnme il avoit fait aux lfraelites. On peut dire la meme chofe de Jacob (i),qui eft le fecond exemple dont fe fort I’Apologiite. 11 jie prit point ce qui ne lui dtoit pas dfi; mais il empecha feulement par un artifice innocent, que Laban ne lui enlevat injuilement ce qui lui appar- tenoit par la convention qu’iis avoient faite en- femble. Nous ne pouvons mieux aprendre que de ce Patriarche meme, combien il etoit elcignd de faire aucun tort a fon beaupere. Il ne peut pas meme fouffrir qu’on le foup^onne d’infiddlitd. Oa’avois.je fait , lui dit il ( 2 ) , 0 s en quoi vous avois - je offenfe pour courir ainfi apres moi avec tant de chaleur, & pour renverfer & fouiller tout ce qui eft d moi ? Qu'ave%-vous trouve ici de toutes Us cbo - Jes qui etoient dans votre maifon ? Mais en voild affez fur ce point, fur lequel il A'aut mieux renvoyer les Jdilutes au Parlement de Paris, que de fe fatiguer d difputer d’une cho¬ fe tres-certaine. NOTE (1) Ces deux exemples de Jacob & des lfraelites for- tans d'Egypte, doivent etre tarement alleguez, Sc fe doi- vent mar.ier avec beaucoup de prudence; parce qu'ilsne laiffenr pas de donner lieu a de grandes rentations de la part de la Cupidite', toujours avide de fe procurer le bien d’autrui. (e) Ceti. c, 31 , ». 3 ( 5 , 37,. Touchant les Assassins. 87 NOTE III. Chicane ridicule des Jefiates fur le terme d’As- s ASS I N. L ’ApoIogifte des Jdfuites fait id parade (1) d’une fdence profonde fur la matiere de PAlfaflinat; & il fait un grand crime k Montaite de ce qu’il comprend fous le terme d’Aifaffins, tous ceux qui tuent dans me embuche, on par trahi- fok Je pourrois ndgliger cette ridicule chicane, & lailTer aux Jdfuites, puifqu’ils. en font fi jaloux, la gloire d’etre plus habiles que Montaite fur le chapitre des Aifaffins..Mais ayant delfein de jufti- fier fa fidditd contre tputes leurs accufations, je ne puis me difpenfer d’examiner ici les reproches que lai fait l’Apologifte. Prdmierement il nie que ces paroles, Tous ceux qui tuent un homme en trahifon ne doivent pas encourir h peine de la Bulk de Gregoire XIV, fe trouvent dans le Pere Efcobar 4 la'page 66,0, que cite fon Accu- fateur. Le pauvre homme! qui n’apascompris que Montaite ne rapporte pas en cet endroit les paro¬ les , mais feulement le prdcis de la ddcifion d’Ef- cobar, laquelle il tranfcrit de mot a mot deux Ii- gnes apres. ,, Mats , continue 1 ’Apologise, le Janfdnifte „ abufe du paffage du Pere Efcobar, St il mon- ,, tre par-la le peu de connoilfance qu’il a dans n le monde: car i! co'nfond ceux qui tuent en ,i trahifon, avec les aifaffins qui tuent pour de ,> l’argent. Et toutefois ce .font deux chofes dif- „ f 6 rentes, comme le Genre & l’Efpece.... Car F 4 (i) hipojl, is. 88 I. Note sur la VI. Lettre. ,, tous ceux qui tuent en trahifon ne font pas ,, compris fous le nom d’affaffins.On appelle ,, tuer en trahifon, dit fort bien le Pere Efcobar, „ quand on tue un homme qui n’a point de fujet „ de s’en ddfier.Jit on appelle aifaflin, ceiut „ qu’on corrompt par argent pour tuer un hom, „ me dans une embuche , lorsqu’il ne s’en gar- „ de pas. Ainfi le mot d’AssAfs;NS fignifie „ toujour? ceux qui regoivent de l’argent pour „ tuer un homme a la priere d'un autre. Voila done tout le crime de Montalte, d’avoir cru que tuer en trahifon , foit qu’on regftt , ou qu’on ne regut pas de l’argent pour cela, & etre Assassin, dtoit la meme chofe. Mais pourquoi ne l’auroit-il pas cru, puisqu’il n’avoit pas en¬ core apris de fon Jdfuite ce que e’eft, felon les Cafuiftes , que de tuer un homme cm trahifon1 Car il ne 1’aprit que dans la fuite de l’entretien qu’il eut avec lui, & qui eft rapportd dans la fep- tieme Lettre. II pouvoit done prendre alors les termes d’ajfafins, & de tuer en trahifon, pour la meme chofe; pourvu que ce fut en efFet la meme chofe, felon l’ufage ordinaire de la langue Fran- qoife dans laquelle il dcrivoit. Or on ne peut nier que dans 1’ufage de cette langue on ne confon- de ces deux termes, & qu’on ne dife indifferem- ment aflafllner un homme, ou le tuer en trahi¬ fon. Ainfi Montalte, ne voulant pas encore expli - quer les diffdrentes idtfes que les Cafuiftes ont at¬ taches fans raifon a ces deux termes , pouvoit les prendre dans le fens qu’on leur donnoit com- muniment. „ Mais au-moins , pourfuit 1’Apologifte , la mauvaife foi du Janfdnifte efl-elle vifible; puif- ,, qu’il fait dire au P. Efcobar que tous ceux qui tuent en trahifon, ne doivent pas encourir la „ peine de la Bulie de Grdgoire XiV,|quoiqu’Ef» s ,, cobaj Touch ant les Assassins. 8S> £ cobar dife tout le contraire page 660. II eft vrai qu’il le dit; mais il le dit en parlantle lan- gage des Cafuiftes, & non le langage du refte des Hommes. II eft vrai qu’il foumet aux peines de U Bulle ceux qui tuent en trahifon, mais ilenexemp* te en meme terns ceux qui tuent leur Ennemi en le furprenant dans une embuche, ou en le frappant par derriere. II eft vrai qu’il foumet les Afiafllns a ces memes peines, mais il en exempte au meme endroit ceux qui tuent un homme lorsqu’il ne s’en garde pas, pourvu qu’ils n’en reqoivent au* cun prix, & qu’ils le tuent feuiement pour faire plaifir a leur ami. Or on appelle dans le langage ordinaire ceux qui tuent ainfi avec avantage, Jf- J'affins & gens qui tuent en trahifon. Montalte qui parloit felon le langage ordinaire, a done pu dire qu’Efcobar exempte par la fauife interpretation d’un terme, les -djjhjjins & ceux qui tuent en trahifon , des peines de la Bulle de Gregoire XiV. „ Mais l’Apologifte prdtend que [’interpretation i, que le P. Efcobar apporte du mot d’Aftaffin , M eft l’interprdtation commune des Thdologiens „ & des Canoniftes,qui expliquent comme lui la », Conftltution duPape Grdgoire XIV'. contre les „ AiTaffins, & ceux qui tuent en trahifon.” C’eft ee qu’il fache de prouver par l’autoritd de Bona* cina,& il paroit en effet par le paifage qu’il cite, que cet Auteur eft du fentiment d’Efcobar fur l’interprdtation du terme d’AiTaflin. Je ne m’arriterai point ici 4 examiner quel eft viritablement le fentiment de Bonacina. C’eft un piuvre homme, & dont on ne doit pas comptey l’autoritd pour beaucoup, pour ne rien dire de plus fort. Ce que je foutiens ici, c’eft qu’on ne doit pas expliquer les Conftitutions des Papes fe¬ lon les vaines interpretations de ces fortes de gens. Il eft Evident que le Pape Grdgoire XIV. 3. F 5 voulti po I. Note sur la VI. Lettre. voulu dtablir par ceile dont il s’agit id, Ja meme cbofe qae Dieu avoit ordonnde dans la loi de Moyfe (i ) par ces paroles: „ Si un horame tue ,, fon prochain avec un deffein forme, &en ay ant „ recherchd i’occafion , vous l’arracherez demon „ autel-meme pour le faire mourir. Or il eft cer¬ tain que cette ioi comprend non feulemenc tous ceux qui tuent pour de l’argent, mais auffi tous ceux qui tuent de deflein prdmddite & de guet-i- pens. Et ce fat par cette loi que Salomon fit tuer Joab dans le Templememe, parce qu’il avoit tud en trahifon Amafias & Abner. IM’eft - il done pas plus vraifemblable que le Pape a eu en vue une loi ft expretre,plutdc que Ies mifdrables fubtilitez de je ne fai quels Canoniftes, qui n’ont point d’autre but que de rendre inutiles les loix les plus juftes ? Je veux que leur interpretation foit commund- ment re$ue parmi eux, elle n’en eft pas moins con- traire pour cela au fens que ie commun dumonde donne auterme d’Affaffin, & a l’ufage ordinaire qu’il a dans la Langue Frangoife. Ufage que Mr. Mdnage (2) a fuivi dans fes Origines , oil fans faire aucune mention d’Argent requ on promts, il interprete ainii ce mot: En France & (1) Exod. 31. 24, (z) Assassin, mettrtrier fe louent pour alter tuer 'de guet-a-pens, loir en tra- quelqu’un qu’ils ne con- bifon , foit avec avantage. noiflent pas, & pour ven- Diffion. de V Acaddmie. ger la querelle d'autrui. Assassin , homme qui tue Difliorwaire de Furetiire. La Hit autre avec avantage, foit meme definition fe rrouve par Ie nombre de gens'qui adoptee par le Didtionnaire I'accompagnent , foit par de Trevoux, Livre de la fa- I’ine'galite des armes, foit $on des Jefuites, dont le pat la delation du lieu,ou R. P. Squcieta prisfoindans en trahifon. On appelle la dernieie edition qui s'en g'ufti Assassins les gens qui eft faite. Touchant les Assassins. 91 & cn It die, or, appelkAJfaJfms ceux qui tuent defm jroid. On pourroit maintenant njouter a Mr. Menage le Die • tionnaire de I Academic Franpoife, & celui de Mr. Fit- retiere, qui interpreted comme lui le mot d'Ajfafin. SEPTIEME LETTRE. (O Do la methodc de dinger Vintention felon les Cafuijles, De la permijjion qu’ils dannent de tuer pour la defenfe de I’Honneur £? des Biens, 6? qu’ils etendent jufqu’aux Pretres & nux Religieux. Qiteftion curieufe propo - fie par L .ramuei , Javoir s’il eft permis (tux Jtfuites de tuer les JanfeniJtes. De Paris ce 25. Avril i 5 j 5 » ^£0 NSIEUR, Apres avoir appaifd le bon Pbre dont j’a- vois un peu trouble le difcours par l’hiftoi- re de Jean d’Alba, il le reprit fur l’afluran- ce que je lui donnai de ne lui en plus faire de femblables, & il me parla des maximes de fes Cafuiftes touchant les Gentilshom- mes, a peu prks en ces termes. Vous favez , me dit- il , que la paflion dominante des perfonnes de cette condi¬ tion, eft ce point-d’honneur qui les en¬ gage k toute heure k des violences qui pa- rotf- (0 La resifion de cette Lettre fat faite pat Mr. Nicole. pt VII. Lettre. roiflent bien contraires a la pidtd chrdtien- ne ; de forte qu’il faudroic les exclure prefque tous de nos Confeffionnaux,fi nos Peres n’edifent un peu relache de la fdvd- ritd de la Religion, pour s’accommoder 4 ja foiblefle des homrnes, Mais comme ils vouloient demeurer attachez a l’Evangile par leur devoir envers Dicu, & aux Gens du Monde par leur charjce pour le pro¬ chain, ils one eu befoin de toute leur Iu« miere pour crouver des expediens qui teaiperdfTent les chofes avec cant de juftef- fe, qu’on pftt maintenir & reparer fon hon- neur par les moyens done on fe fert ordi- nairement dans le tponde, fans bleffer n£an- moins fa conference; afin de confervertout inferable deux cljofes aulTi oppofdes en ap- parence, que la piete & l’honneur. Mais autant que ce defl'ein dtoit utile, autant l’execution en etoit pdnible. Car je croisque vous vqyez afTez la grandeur & la difficult^ de cette entreprife. Elle m’eton- ne, lui dis-je aflez froidement. Elle vous dtonne? me dit-il.Je le crois,elleen dton- neroit bien d'autres. Ignorez-vous que d’une part la Loi de PEvangile ordonne de 'ne point rendre le vial pour le mal, d'ert laifi’er la vengeance d Dieu ? Ec que de 1’au- rte les Loix du Monde ddfendent de fouf- frir les iniures, fans en tirer raifon foi- mdme, & fouvent par la mort de fes enne- jnis? Avez-vous jamais rien vu qui paroif- fe plus contraire? Etcependant, quand je yous dis que nos Peres ont accordd ces chofes, Direction d’intention. 9$ chofes , vous me dices limplement que eela vous dtonne. Je ne m’expliquois pas affez, mon Pere. Je tiendrois la chofe im* poffible, fi apres ce que j’ai vu de vos P6- res, je ne favois qu’ils peuvenc faire faci- lement, ce qui eft impoffible aux autres hommes. Celt ce qui me fait croire qu’ils en ont bien trouvd quelque moyen, que j’admire fans le connoitre, & que je vous prie de me declarer. Puifque vous le prenezainfi, me dit-il, je ne puis vous le refufer. Sachez done que ce principe merveilleux eft notre grande methode de diriger I’intention; dont l’im- portance eft telle dans notre Morale, qua ]’6ferois quafi la comparer & la dodtrine de la Probability. Vous en avez vu quelques traits en paffant, dans de certaines maxi- mes que je vous ai dites. Car lorfque je vous ai fait entendre comment les Valets, peuvent faire en confcience de certains meflages facheux , n’avez-vous pas pris garde que c’dtoit feulement en ddtour- nant leur intention du mal dont its font les entremetteurs, pour la porter au gain qui leur en revient? Voilii ce que e’eft que diriger I’intention. Et vous avez vu de-md* me,que ceux qui donnent de l’argent pour des Bdndfices, feroient de vdritables fimo- niaques, fans une pareille diverfion. Mais je veux maintenant vous faire voir cette grande mdthode dans tout fon luftre fur le Tujet de 1’Homicide, qu’elle juftifie en mille rencontres; afin que vous jugiez par un tel $4 V I r. L E T T R E. tel effet, tout ce qu’elle eft capable de pro* duire. Je vois ddja, lui dis-je, que par-14 tout fera permis, rien n’en echappera. Vous allez toujours d’une extrbmitea l’autre,re* pondic le Pere; corrigez-vous de cela. Car pour vous temoigner que nous ne per- mertons pas tout, fachez que, par exem- pie, nous ne fouffrons jamais d’avoir l’in- tention formelle de pecher, pour le feul deflein de pbcher; & que quiconque s’ob* ftine 4 n’avoir point d’autres fin dans le mal que le mal meme, nous rompons avec lui; cela eft diabolique: voil4 qui eft fans exception d’4ge, de fexe, de qualite. Mais quand on n’eft pas dans cette malheureufe difpolition , alors nous effayons de mettre en pratique notre mdthode de diriger Vin- tention , qui confifte 4 fe propofer pour fin de fes actions un objet permis. Ce n’eft pas qu’autant qu’il eft en notre pouvoir, nous ne ddtournions les hommes des chofes dd- fendues; mais quand nous ne pouvons pas empdcher I’a&ion, nous purifions au-moins 1’intention; & ainfinous corrigeons le vice du moyen, par la purete de la fin. Voil4 par oh nos Peres ont trouvd moyen de permettre les violences qu’on pratique en defendant fon honneur. Car il n’y a qu’4 ddtourner fon intention du defir de ven¬ geance , qui eft criminel, pour la porter au dbfir de ddfendre fon honneur , qui eft permis felon nos Pbres. Et c’eft ainfi qu’ils accompliffent tous leurs devoirs envers Dieu & envers les Hommes. Car ils con- centent Direction d’intention. gf tentent le Monde, en permettant les ac¬ tions; & ils fadsfont & I’Evangile, en puri- fiaut les intentions. Voila ce que les An- ciens n’ont point connu , voila ce qu’on doit a nos Peres. Le comprenez-vous main- tenant? Fort bien, lui dis-je. Vous accor- dez aux Hommes l’effet exterieur & mate¬ riel de l’adtion, & vous donnez a Dieu ce mouvement intdrieur & fpirituel de l’inten- tion; & par cet dquitable partage , vous al- liez les loix humaines avec ies divines. Mais, mon Pdre, pour vous dire la vdritd, je me ddfie un peu de vos promefles, & je doute que vos Auteurs en difent autant que vous. Vous me faites tort, dit le Pere; je n’avance rien que je ne prouve, & par tant de paffages, que leur nombre , leur auto- ritd,& leurs raifons, vousrempliront d’ad- miration. Car pour vous faire voir l’alliance que nos Peres ont faite des maximes de l’Evan- gile, avec celles du Monde, par cette di¬ rection d’intention , ecoutez notre Pere Reginaldus in Praxi , 1. 21. num. 6 2. p. 260. II eft cUfendu aux particuliers de fe ven - ger. Car Saint Paul dit , Rom. cb. 12. Ne rendez d performs le mal pour le mal: fi? I’Eccl. cb. 28. Celui qui veutfi venger, attire- ra fur foi la vengeance de Dieu , fif fie pe - chez ne feront point oubliez. Outre tout ce qui eft dit dans I'Evangile , du pardon des cffenfis , comme dans les chapitres 6. 18. de Saint Mattbieu. Certes, mon Pere , It aprds cela il dit autre chofe , que ce qui p<5 VII. Lettre. De l’Homicibe/ eft dans l’Ecricure, ce ne fera pas manque- de la favoir. Que conclut-il done enfin?Le void , dic-il. De toutes ces chafes il paroit qu'un bomme de guerre pent fur I'beure mime pourfuivre celui qui Fa bleffe; non pas a-la-ve- rit too VII. Lettre, derable , lorfqu’il eft conftant qu'on les lui vent ravir injuftement par des prods G? des chicaneries , G? qu'il n'y a que ce feul moyen de les conferver. Et Navarrus dit fort bien , qu'en cette occafion il ejt permis d'accepter G? d'offrir le duel: Licet acceptare, & offerre dueiium. Et aujft qu'on peut tuer en cacbetti fan ennemi. Et meme en ces rencontres-ld on ne doit point ufer de la vsie du duel , fi on peut tuer en cachette fan bomme , G? forth par-la d’ affaire. Car par ce moyen on evitera tout enfemble , G? d'expnfer fa vie dans un combat , G? de participer au picbe que notre ennemi commettroit par un duel. Voilii, mon Pfere, lui dis-je, un pieux guct-^-pens: mais quoique pieux, il de- meure toujours guet-a-pens, puifqu’il eft permis de tuer fon ennemi en trahifon. Vous ai-je dit, repliqua ie P&re, qu’on peut tuer en trahifon ? Dieu m’en garde. Je vous dis qu’on peut tuer en cachette; & de-!i vous concluez qu’on peut tuer en trahifon , corame ft c’etoit la mdme cho* fe. Aprenez d’Efcobar, tr 6 . Exa 4. n. 2 6. ce que c’eft que tuer en trahifon, & puis vous parlerez. On appelle tuer en tra- bifon , quand on tue celui qui ne s’en defie en aucune maniere. Et c’eft pourquoi celui qui tue fon ennemi , n'eft pas dit le tuer en trahifon, quoique ce foit par derrihe, ou dans une em- bucbe: Licet per infidias , out a. tergo percu * tiat. Et au mfime Traitd, n. 56. Celui qui tue fon ennemi avec lequel il s'hoit ricmcilii fous promeffe de neplus attenter d fa vie, n’eft pas Duel per mis. iqi pas abfolument dit le tuer en trabifon , d mains qu'il n’y edt entr’eux une amitie bien etroite; Arctiat amicitia. Vous voyez par -14 que vous ne favez pas feulement ce que les termes (ignifient, & cependanc vous parkz comme un Doc- teur. J’avoue ; lui dis-je, que cela m’eft nouveau; & j’aprens de certe definition, qu’on n’a peuc-dtre jamais_ tub perfonne en trahifon. Car on ne s’avife gueres d’afiafii- ner que de fes ennemis. Mais quoiqu’il en foie, on peut done, felon Sanchez, tuer bardiment, je ne dis plus en trahifon, mais feulement par derriere, ou dans une em- buche, un calqmniateur qui nous pourfuit en juftice? Oui, dit le Pere, mais en dir rigeant bien l’intention ; vous oubliez tou- jours le principal. Et e’eft ce que Molina foutient aufii tom. 4 tr. 3. aifp. 12. Pdc meme, felon notre dofte Rdginaldus 1. 21, cap. 5. n. 57. On pent tuer aujfi les faux temoins qu'il fufeite contre nous. Et enfin fe¬ lon nos grands & ceiebres Pdres Tannbrus, & Emmanuel Sa, on peut de-mbme tuer 6 c les faux tdmoins, & le juge , s’ll eit de leur intelligence. Void fes mors, tr. 3 dif'p 4. q. 8- n. 83 Sotus, dit-il, cf Lejfius ctifent qu'il n'ejl pas permis de tuer les faux timoins & le Juge qui confpirent d faire mourir un innocent ; mais Emmanuel Sa, & d'autres Auteurs , ont raifan d’improuver ce fentimmt- H , au mains pour ce qui touche la confcience. Et il confirme encore au rnbme lieu qu’on peut tuer fit tdmoin & juge. Mon io2 VII. Let. Permis de tuer en ca ch. Mon Pere, Iai dis-je, j’entens maintenant afTez bien votre principe de la diredtion • d’intention ; mais j’en veux bien entendre auffi les confdquences, & tous les cas oil cette mdthode donne le pouvoir de tuer. Reprenons ceux que vous m’avez dits, de peur de mdprife; car 1’equivoque feroit ici dangereufe. II ne faut tuer que bien a pro- pos, & fur bonne opinion probable. Vous m’avez done affurd qu’en dirigennt bien fon intention, on peut, lelon vosPdres, pour conferver fon honneur, & mdme fon bien, accepter un duel, 1’offrir quelquefois, tuer en cachette un faux accufateur, & fes td- moins avec lui, & encore le Juge corrom- pu qui les favorife; & vous m’avez dit auffi que celui qui a requ un foufflet, peut fans fe venger le rdparer k coups d’epee. Mais, mon Pere , vous ne m’avez pas dit avec quelle mefure. On ne s’y peut gudres trom- per, dit le Pere; car on peut alter jufqu’a ]e tuer. C’eft ce que prouvefort bien notre favant Henriquez, I. 14. c. 10. n. 3. &d’au- tres de nos Pdres rapportez par'Efcobar, tr. 1. ex. 7. n. 48 en ces mots. On peut tuer celui qui a donne un foufflet , quoiqu'il s'en- fuye , pourvu qu’on ivite de le faire par haine ou par vengeance, £? que par-let on ne donne pas lieu d des meurtres excefjifs , £? nuifibles d VEtat. Et la raifon en eft, qu’on peut ainji courir aprts fon honneur, comme apres du bien dtrobe. Car encore que votre honneur ne foit mme ; on pas entre les mams de votre ennemi, co feroieiii des bardes quil vous aproit voices Permis be tuer en cach. 103 put nbanmoins le recouvrer en la mime ma¬ nure , en donnant des marques de grandeur & d 1 autorite, & s'acquerant par-la I’ejtime des bommes. Et en effet n’ejt-il pas veritable que celui qui a requ, un foujjlet, ejt repute Jans bonneur , jufques a ce qu it ait tue /on enne- mil Cela me parut il horrible , que j’eus peine & me retenir; mais pour (avoir ie refte,je le lailTai continuer ain(i.Ec mdme, dit-il, on peut, pour prbvenir un foufflet, tuer celui qui le veut donner, s’il n’y a que ce moyen de l’dviter. Ceia eft commun dans nos Peres. Par exemple Azor Inft. Mor. part. 3. p. iot (C’eft encore 1 ’un des 24 Vieillards.) Ejt - il permis d un bomme d'bonneur de tuer celui qui lui veut donner mi foujjiet, ou un coup de baton ? Les uns di• fent que non; £? leur raijbn ejt que la vie du procbain eft plus precieuje que notre bonneur : outre qu'ii y q de la cruaute a tuer un bomme, pour eviter jeulement un jbujflet. Mais les au- tres difent que cela ejt perinis; £? certainement je le irouve probable , quand on ne pent l evi¬ ter autrement. Car fans cela I'bonneur des in? ■nocens feroit fans cejj’e expoje u la malice des infolens. Notre grand Filiutius de-mdme tom. 2. tr. 29. c. 3. n. jo. & !e P. Hbreau dans fes Ecrics de 1 ’Homicide, Hurtado de Mendoza in 2. 2 . dijp. 170 ,J'e£t. 1 6 §. 137. et Becan Som. t. 1. q. 64. de tiomicid. Ec nos Pdres Flahaut & le Court, dans leurs E- crits que l’Univerfitb dans fa 3 Requetea rapportez tout au long pour les decrier, mais elle n’y a pas reulli , & Efcobar au G 4 mdme 104 VII. Let. Pour un souffeet. mgme lieu n. 48 » difent tous les mdmes chofes. Enfin cela eft ft gdneralement fou- tenu, que Leffius le decide comme une cho- fe qui n’eft conteftde d’aucun Cafuifte, l. 2. c. 9. n. 76. Car il en apporte un grand nombre qui font de cette opinion, & au- cun qui foit contraire; & mdme il allegue n. 77, Pierre Navarre, qui parlant genera- lement des affronts, do nr il n’y en a point de plus fenfible qu’un foufflet, declare que felon le confentement de tous les Cafuif- tes, Ex fententia omnium licet contumeliofum occidere,Ji aliter ea injuria arceri nequit. En voulez-vous davantage? }e Ten remerciai, car je n’en avois que trop entendu. Mais pour voir jufqu’oii iroic une fi damnable dodtrine, je lui dis: Mais, mon Pere, ne fera t-il point permis de tuer pour un peu moins? Ne fauroit-on diriger fon intention, en forte qu’on puiffe tuer pour un dementi ? Oui, dit le Fdre , & fe¬ lon notre Pdre Baldelle l. 3. difp. 24. n. 24. rapportd par Efcobar au tnenie lieu n. 49. Jl ejt permis de tuer celui qui vous dit, Fous avez menti, ft on ne pent le reprimer autre- went. Et on peut tuer de la mdme forte pour des mddifances, felon nos Peres. Car Leffius, quele PereHdreau entr’aurres fuit mot a mot, dit au lieu ddjk citd. Si vous tdchez de rubier ma reputation par des calorn- nies devant les perfonnes d’bonneur , fcf que je ne puiffe I’eviter autrement qu’en vous tuant , le puis-je faire? Oui, felon des Auteurs mo- dernes , 6° merne encore que le crime que vous publiez Pour un affront^ iq^ publiez foit Heritable, Ji toutefois il eft fecret , en forte que vous ne puifftez le decouvrir Jelon les voies de la Juft ice. Et en void la preuve. Si vous me voulez ravir I’honneur en me don- nant un foujflet, je puis I’empecber par la for¬ ce des arnies: Done la mime dlfenfe eft perr mife, quand vous me voulez faire la mime in- pure avec la langue. De plus on pent emper cber les affronts:Done on peut empeeber les medifances. Enfin Vbonneur eft plus cber que la vie. Or on peut tuer pour defendre fa vie. Done on peut tuer pour defendre fon honneur. VoiM des argumens en forme- Ce n’eft pas-!a difeourir, e’eft prouver. Et enfin ce grand Leffius montre au mbme endroit n. 78 qu’on peut tuer mdme pour un Ample gefte, ou un figne de mdpris. On peut , dit-il, attaquer £? oter Vbonneur en plufieurs manihres , dans lefquelles la dlfenfe paroit bun jufte; comme Ji on veut donner, un coup de baton , ou un Jbufflet; ou Ji on veut nous fai¬ re affront par des paroles ou par des Jignes; Sive per jigna. O raon Fere, lui dis-je, voil£i tout ce qu’on peut fouhaiter pour mettre l’hon- neur £ couvert: mais la vie eft: bien ex- pofde , fi pour de fimples mbdifances, ou des geftes defobligeans, on peut tuer le monde en confcience. Cela eft vrai, me dit-il; mais comme nos Pbres font fort circonfpedts , ils ont trouvb & propos de ddfendre de mettre cette dodtrine en ufa* ge en ces petites occafions. Car ils difent au*moins, Qii'd peine doit-on la pratiquer.: G 5 Praclici ioS VII. Let. Pour des calomniEs.’ Practice vixprobari po'te/t. Et ce n’a pas 6 t 6 fans raifon, la voici. je le fai bien, lui dis- je; c’ett parce que la loi de Dieu dbfend de tuer. Ils ne le prennent pas par-lk, me die Je Pere: ils le trouvent permis cn con- fcience , & en ne regardant que la veritd en elle- meme. Et pourquoi le defendent- ils done? Ecoutez le, dit-il. C’eft parce qu’on depeupleroit un Etac en moins de rien, fi on en tuoit tous les medifans. A- prenez-le de notre Rbginaldus , 1, ai. n. 6q. p, 260. Encore que cette opinion qu’on pent tuer pour me meaifance, ne Joit pas fans probabilitt dans la tbeorie , il faut Juivre le contraire dans la pratique. Car il faut toujours fviter le doomage de I'Etat dans la maniere de fe defmdre. Or il eft vifibte qu’en tuant le monde de cette Jorte , il feferoit un trap grand nombre de meurtres . Leffius en parle de-md- me au lieu -dejk cite. 11 faut prendre garde que I'ufage de cette maxime ne foit nuijible a I'Etat. Car odors il ne faut pas le permettre 1 Tunc enim non eft permittendus. Quoi, mon Pere, ce n’ed done ici qu’une defenfe de Politique, & non pas de Reli¬ gion ? Peu de gens s’y arrdteront, & fur- tout dans ia cole-rd. Car il pourroit dtre affez probable qu’on ne fait point de tort & I’Etat de le purger d’un mdchant hom- me. Audi, dit-il, notre Pere Filiutius joint & cette raifon - l&,une autre bien confidera- ble, tr. 29. c. 3. n. 51. C’eft qu’on feroit puni en juftice , en tuant le monde pour ce fujet. Je vous le difois bien, mon Pere, que vous ne Pour des Calomnies. 107 ne feriez jamais rien qui vailie, tant que vous n’auriez point les Juges de votrecdtd. Les Juges, die le Pere, qui ne pdnetrent pas dans les confciences, ne jugent que par le dehors de l’a&ion, au lieu que nous re- gardons principalement a l’intention. Et de-li vient que nos maximes font quelque- fois un peu differentes des leurs. Quoi qu’il en foit, mon Pdre, il fe conclut fort bien des vdtres, qu’en dvitant les domma- ges de l’Etat, on peut tuer les mddifans en furcte de confcience, pourvu que ce foit en furete de fa perfonne. Mais, mon Pere,apres avoir fi bien pour¬ vu a l’honneur, n’avez vous rien fait pour le bien? Je fai qu’il eft de moindre confi- ddration, mais il n’importe. 11 me femble qu’on peut bien diriger fon intention Muer pour le conferver. Oui, dit le Pere; & je vous en aitouchd quelque chofe, qui vous a pu donner cette ouverture. Tous nos Ca- fuiftes s’y accordent, & mdme on le per- met, encore que Von ne craigne plus aucur.e violence de ceux qui nous otent notre bien , comme quand ils s'enfuyent. Azor de notre Socidce le prouve p. 3. 1. 2. c. 1. q. 20. Mais, mon Pere, c'ombien faut il que la chofe vailie pour nous porter k cette extrd- mitd? llfaui , felon Rdginaldus 1. 21. c. 5. n. 66. & Tanndrus in 22. difp. 4. q. 8. d. 4, n. 69. que la chofe foit de grand prix aujuge- inent d’un hftmme. prudent. Et Lai man & Filiutius enparlcnt de-m§me. Ce n’eft rien dire, mon Pere; oh ira-t on chercher un homme io8 VII. Let. Pour des calomnies.' homme prudent, dont la rencontre eft fi rare, pour faire cette eftimation? Que ne ddterminent-ils exa&ement la loinme ? Comment, dit le Pere, dtoit-il fi facile h vo ere avis de comparer la vie d’un Hom¬ me & d’un Chretien a de l’argent? C’eft jci oh je veux vous faire fentir la ndccflitd de nos Cafuiftes. Cherchez-moi dans tous les anciens Peres pour combien d’argent il eft permis de tuer un homme. Que vous tiiront- its, Non occides: Nous ne tuerez point ? Et qui a done 6fe determiner cette fomme, repondis-je? C’eft, me dit-ii, notre grand & incomparable Molina, la gloire de no¬ tre Societd, qui, par fa prudence inimita^- ble, l’a eftimde a fix ou fept ducats, pour lefquels il ajjure qu’il ejl permis de tuer , en¬ core que celui qui les emporte s'enfuye. C’eft en fon t. 4. tr. 3. difp. 16. d 6 Et il dit de plus au mdme endroit: Qu’il n’oferoit con- damner d’aucun peebe un homme qui tue celui qui lui veut oter une cbofe de la valeur d'un ecu, ou moins : Unius aurei, vel minoris ad- hoc valoris. Ce qui a portb Efcobar h dta- blir cette rdgle generate n 44. que rlgulie- rement on pent tuer un homme pour la valeur d’un tcu ,, felon Molina O mon Pere 1 d'oh IVfo’ina a t il pu dtre £claird pour determiner une chofe de cette importance, fans aucun fecours de 1 ’Ecritu- re, des Conciles, ni des Peres? Je vois bien qu’il a eu des lumihres bien particulidres, & bien dloigndes de St. Auguftin fur l'Ho- fnicide , auffi-bien que fur la Grace. Me voici P 01 ? R DES CALOMNIES. lop voici bien favant fur ce chapitre ; & je connois parfaitement qu’il n’y a plus que les Gens d’Eglife qui s’abftiendronc de tuer ceux qui leur feront tort en leur honneur, ou en leur bien. Que voulez-vous dire, repliqua le Pbre? Cela feroit-il raifonnable & votre avis, que ceux qu’on doit le plus refpe&er dans le Monde, fdlTent feuls ex- pofez a l’infolence des Mdchans? Nos Pd* res one prdvenu ce defordre. Car Tannd- rus to. 2. d. 4. q. 8. d 4. n. 7 6. dit, Qu'il eft permis aux EccUJiaJliques , & aux Reli- gieux memes , de tuer pour defendre non feule - ment leur vie , mais au[]i leur bien , ou celui de leur Communaute. Molina qu’Efcobar rapporte n. 43. Bdcan in 2. 2. t 2. q. 7< deHom. concl. 2. n. 5, Kdginaldus l. 21. c. f. n. 68, Laiman l. 3. tr. 3. p. 3. c. 3. n. 4* Lelfius l. 2. c. 9. d. 11. «. 72, & les autres fe fervent tous des mdmes paroles. Et mdme felon notre cdlebre P. Lamy^ il eft permis aux Prdtres & aux Religieux de prdvenir ceux qui lesveulent noircirpar des mddifances , en les tuant pour les en empdeher. Mais e’eft toujours en dirigeant bien l’intention. Voici fes termes t. 5. difp. 36. n. 118 . 11 eft permis u un Ecclefiaftique , ou 4 un Religieux, de tuer un calomniateur , qui menace de publier des crimes fcandaleux de fa Communaute , ou de lui-meme , quand il n'y a que ce feul moyen de Ven empeeber, com - me s'il efl pnt d ripandre fes mldifances , Ji on ne le tue promtement. Car en ce cas , comme il feroit permis a ce Religieux de tuer celui qui t io VII. Let. Pour le bien temporel, lui voudroit oter la vie; il lui ejl perms auJjH de tuer celui qui lui veut oter I’honneur, ou celui de fa Communaute , de la mime Jbrte qu’aux Gens du Monde, je ne favois pas ce* ]a, lui disje, & j’avois cru (implement le contraire fans y faire de reflexion, fur ce que j’avois ou'i dire, queTEglife abhorre teilemerit le fang, qu’elle ne permet pas feulement auxjuges Eecleflaffiques d’affif- ter aux jugemens criminels. Ne vous arrd- tez pas a eela, dit-il, notre Pere Lamy prouve fort bien cette do&rine, quoique par un trait d’humilite bienfdant a ce grand homrae , il la foumette aux lefteurs pru- dens. Et Caramuel, notre illuftre ddfenfeur qui la rapporte dans fa Theologie Fonda- mentale p. SAP,- la croit fi certaine, qu’il fou- tient que le contraire ii'eft pas probable: & il en tire des conclufionsadmirables,comme celle - ci qu’il appelle la conclufion des con - clufions , Conclufionum conclufio : Qu’un Pritre non feulement pent en de certaines ren¬ contres tuer un calomniateur, mais encore qu’it y en a oil il le doit faire: Etiam aliquando debet occidere. 11 examine plufieurs quef- tions nouvelles fur ce principe; par exem- pie celle-ci : Savoir si les Jesuites peu- VENT TUER LES JaNSENISTES ? Voflit, mOO Pbre, m’dcriai-je, un point de Thdologie bien furprenant! & je tiens les Janfeniftes dej&morts parladodtrineduP Lamy. Vous voila atrappd, dit le Pere: Caramuel con- clut le contraire des memes principes. Et comment cela, mon Pere? Parce, me dit- il* POUR EE BIEN TEMPOREL. Ill 51, qu’ils ne nuifentpas a notre reputation. Void fes mots n. 1146. & 1147. p. 547. & j 48 - Les JanJenijles appellent les Jefuites Pi- lagiens: pourra-t-on les tuer pour cela? JSoni d’autant que les Janftnifies n’obfcurcijfent non plus l'eclat de la Societe, qu'un bibou celui du foleil ; au contraire ils font relevee , quoique centre leur intention: Occidere non poffunr, quia nocere non potuerunt. Hd quoi , mon P£re , la vie des Janfe- niftes depend done feulement de favoir s’ils nuifent k votre reputation V Je les tiens peu en furete , ft cela eft. Car s’il devient tant foit peu probable qu’ils vous faflent tort, les voiH tuables fans difRcul- te. Vous en ferez un argument en for¬ me ; & il n’en faut pas davantage avec une dire&ion d’intention, pour, expddier un homme en furete de confcience. O qu’heureux font les gens qui ne veulent pas fouffrir les injures, -d’etre inftruits en cette doftrine! Mais que malheureux font ceux qui les offenfent 1 En vdritb, mon Pere , il vaudroit autant avoir & faire k des gens qui n’ont point de Religion , qu’& ceux qui en font inftruits jufqu’i cet¬ te dire&ion. Car enfin l’intention de ce¬ lui qui blefie, ne foulage point celui qui eft bleire. Il ne s’apperqoit point de cette dire&ion fecrette, & il ne lent que celle du coup qu’on lui porte. Et je ne fai rndme ft on n’auroit pas moins de depit de fe voir tuer brutalement par des gens emportez,que de fe fentir poignarder con- feien- 11 2 VII. Let. Pour ee b ien temforee: fciencieufement par des gens ddvots. Tout de bon, mon Pere, je fuis un pea furpris de tout ceci; & ces queftions du P. Lamy & de Caramuel ne me plaifent poinc. Pourquoi, dit ie Pere ; dcesvous Janfenifte? J’en ai une autre railon, luidis- je. C’eft que j’ecris de terns en terns a un de mes amis de la campagne, ce que j’ap- prens des maximes de vos Peres. Et quoi* que je ne fade que rapporter fimplement & citer fidelement leurs paroles, je ne fai neanmoins s’il ne fe pourroit pas rencon- trer quelque efprit bizarre, qui s’imaginant que cela vous fait tort, ne tirat de vos principes quelque mdchante conclufion. Al- lez, me dit le Pere, il ne vous en arrivera point de mal, j’en fuis garant. Sachez que ce que nos Pdres ont imprimd eux-mdmes, & avec l’aprobation de nos Superieurs, n’eft ni mauvais, ni dangereux a publier. Je vous bcris done fur la parole de ce bon Pere; mais le papier me manque tou- jours, & non pas les paffages. Car il y en a tant d’autres, & de fi forts, qu’il faudroit des volumes pour tout dire, Je fuis &c. NOTE Be la direction d’intention. 113 NOTE UNIQUE S U R L A SEPTIE’ME LETTRE, Be la mithode dediriger I'intention felon les JeJuites. C Omnie Montalte a r^pondu avec beaucoup d’exadlitude dans fa treizieme & quatorzieme Lectre, aux reproches que les Jdfuites lui font fur ce qu’il rapporte dans celle-ci de leur doctri¬ ne touchant 1’Homicide, il vaut mieux, s’il refte encore quelques chicanes a rdfuter, en remettre l’examen aux Notes que je ferai fur ces Lettres. Je n’ai done 4 rdfuter ici que la DiHertation que leur Apologilte fait fort inutilement, felon fa coutume , fur la diredlion d’intention dans fa vingt-quatrieme Impolture. Et cela ell tres-facile. Car il n’eft pas tant ndeeffaire de reprendre ce qu’il dit fur ce fujet, que de lui faire voir que cela eft entierement inutile pour la juftifieation de fes Confreres. Il fe fatigue a prouver que I’intention eft ex> tremement 4 confiddrer dans les adtions. Qui en doute? Il veut que la bonne intention foit capa¬ ble de juftifier en quelques rencontres des adtions qui fans cela feroient mauvaifes. Et qui n’en rom- be pas d’accord? Mais il fe trompe fort, s’il s’i- magine que ce foit-la ce que Montalte appelle it methode de Singer Pintention, & dont il fe raille ft agrdablement au commencement de cette Lettre. C’eft pourquoi, pour lui dpargner la peine de bat- tre la campagne en vain, & de chercher des re- Tottte II. H medel 114 Note sur la VII. Lettre. medes a des maux imaginaires, en n^gligeant ceux qui font r£els, je vai expliquer en peu de mots ce que c’eft que la dire&ion d’intention, fe¬ lon les principes de la Religion, & ce que c’eft que !a direction d’intention, felon les Jdfuites: en quelles occaflons la direction Chrdtienne juftifie une aftion, & en quel cas les J^fuites prdtendent fauflement que la leur excufe de pdchd. L’intention en gdndral n’eft autre chofe que la fin que chacun fe propofe dans chaque aftion. Et par confdquent une mauvaife intention eft une mauvaife fin, comme une bonne intention eft une bonne fin. Or quelle eft la bonne fin parmi les Chrdtiens, finon Dieu meme, dont Saint Auguf- tin dit ft fouvent: „ On fait bien une bonne ac- tion, quand on la fait pour Dieu, c’eft-Ldire u quand on aimeDieu pour l’amour de lui-meme, „ ce qu’on ne peut faire ft lui-meme ne nous ,« donne cet amour ? Cette intention eft ft ndceffaire, dit encore St. Auguftin (i), que quand mime on fait une chofe qui ne parott point mauvaife, on peche certainement , ft on ne la fait pour la fin pour laquelle on la doit faire. Et c’eft par cette raifon qu’il rejette comme faufles les vertus des Philofophes: „ II femble, dit-il, u fi on ne regarde que le devoir, que c’eft etre „ jufte'que de ne point prendre le bien d’autrui. „ Mais fi on examine pourquoi on ne le prend pas, <( & qu’il fe trouve que c’eft par la crainte de d 6- „ penfer davantage en proces, pourra-t-on dire tl qu’une action dont 1’avarice eft le motif, foit (t veritablement une aftion de juftice? Non fans- (1 doute. C’eft pourquoi les vertus qui ont pour „ fin des plaifirs fenfuels, des commoditez, ou s , des intdrlts temporels, ne peuvent etre de v6' „ rita- (l) L. 3, in July tap, 4i De la direction d’intention. 115 „ ritables vertus, non plus que celles qui n’ont B point d’autre fin qu’elles-mdmes. Quand eft-ce done qu’elles font de vraies ver¬ tus? „ Les vraies vertus, ajoute-t-il, n’ont point K d’autre fin dans les hommes, que Dieu qui les (1) l. 2. e. 9. n. Cl. {2) part. S tr. 14. re/p 99. (3) tr. z. exam. 1. n. loz. (4) tom. 3 . 'di Relig, /. 2. c . 17. k. ig, (j) tr. 1. exam. 8. 7lUm t 5. (6) J Ssrnm, 710, De la direction d’intention. izi Jdfuites, & en meme terns quelles font les chofes qu’;is veulent excufer par ces fortes detentions: ou plut6t, voiia quels font les prdtextes crimi- nels par lefquels ils veulent juitifier des crimes, que les meilleures intentions meme ne pourroient pas excufer. Que l’Apologifte ceffe done d’abufer de notre patience. Qu’il ceffe de nous fatiguer par ces vaines declamations. Qu’il montre, & que ces for¬ tes d’intentions font bonnes, & qu’elles juili- fient les crimes. Qu’il ne cherche pliis a excu- fer la do&rine des JtSfuites par l’exemple de Ju¬ dith, qui fut poufiSe par un mouvement particu- lier de Dieu, a deiivrer, comme elle fit, fa patrie; ou par celui de David, qui en ordonnant qu’on fit mourir Joab a Stfmei, ne fit que punir deux coupables qui m^ritoient la mort. Ces exemples n’ont rien de commun avec la do&rine des Jdfui- tes, ni rien d’oppofd au fentiment de Montalte. Car il ne condamne pas toute direction d’inten¬ tion , mais feulement celle des Jdfuites , qui aprend , non d regler fes defits , mais a fe tromper , a fe teduire foi - meme, a a couvri; avec des feuilles de figuier la honte de fes crj- 122 VIII. L E T T R E. HUITIEME LETTRE. (0 Maximes corrompues des Cafuiftes toucbant les Juges , les Ufuriers , le Contrast Mo- batra , les Banqueroutiers , les Reftitutions , c?c. Diverfes extravagances des mimes Ca- fuijles. De Paris ce 28 . Mai i<5j(S. ^£0 NSIEUR, Vous ne penfiez pas que perfonne eflt la curioiitd de favoir qui nous fommes; ce- pendant il y a des gens qui effayent de le deviner, mais ils rencontrent mal. Les uns me prennenc pour un Dofteur de Sorbon- ne: les autres attribuent mes Lettres k qua- tre ou cinq perfonnes, qui comme moi ne font ni Prdcres, ni Eccldfiaftiques. Tous ces faux foupqons me font connoitre que je n’ai pas mal rbufli dans le deffein que j’ai eu de n’dtre connu que de vous, & du bon Pere qui fouffre toujours mes vifites, & done je fouffre toujours les difeours quoi- qu’avec bien de la peine. Mais je fuis ob- ligd a me contraindre; car il ne les conti- nu^roit pas, s’il s’appercevoit que j’en ffif- fe fi choqud; & ainfi je ne pourrois m’ac* quiter de la parole que je vous ai donn^e, de vous faire favoir leur Morale. Je vous affure ( 1 ) Ce fut encoi* Mr. Nicole qui tevit cette Lettie, Pour ies Juges. 123 sAure que vous devez compter pour quel- que chofe la violence que je me fais. 11 elt bien pdnible de voir renverfer toute la Morale Chrdtienne par des dgaremens fi dtrangers, fans 6fer y contredire ouverte- ment. Mais aprds avoir tant endure pour votre fadsfaftion, je penfe qu’il la fin j’e- clatetai pour la mienne, quand il n’aura plus rien a me dire. Cependant je me retien- drai, autant qu’il me fera polfible: car plus je me tais, plus il me die de chofes. II m’en aprit tant la dernidre fois, que j’au- rois bien de la peine a tout dire. Vous ver- rez des principes bien commodes pour ne point reftituer. Car de quelque maniere qu’il pallie fes maximes, celles que j’ai & vous dire, ne vont en effet qu’a favorifer les Juges corrompus, les Ufuriers, les Ban* querouders, les Larrons, les Femmes Per¬ dues , & les Sorciers, qui font tous difpen- fez affez largement de. reftituer ce qu’ils gagnent chacun dans leur mdder. C’eft ce que le bonPere m’aprit par ce difeours. Des Je commencement de nos entretiens, me dit-il, je me fuis engagd a vous expli- quer les maximes de nos Auteurs pour tou- tes fortes de conditions. Vous avez ddji vu celles qui touchent les Bdndficiers, les Prdtres , les Religieux, les Domeftiques, & les Gentilshommes; parcourons mainte- nant les autres, & commenqons par les Juges. Je vous dirai d’abord une des plus im- portantes & des plus avantageufes maximes que r »24 VIII. L E T T R E. que nos Pbres ayenc enfeignees en !eur fa* veur. Elle eft de notre favant Caftro Pal- lao , Pun de nos vingt quatre Vieillards. Void fes mots. Un jitge peut-il dans une queftion de droit juger felon une opinion pro¬ bable , en quitant l'opinion la plus probable? Old , 6? mime centre fon propre fentiment : Imd contra propriam opinionerm Et c’eft ce que notre Pere Efcobar rapporte auffi au tr. 6 . ex. 6 , n. 45. O mon Pere, lui dis- je, voila un beau commencement: les Ju- ges vous font bien obligez; & je trouve bien btrange qu’ils s’oppofent a vos pro- babilitez, comme nous l’avons remarqub quelquefois, puisqu’elles leur font ft favo- rables. Car vous leur donnez par-Ui le mb- me pouvoir fur la fortune des hommes, que vous-vous btes donne fur les confcien* ces. Vous voyez, me dit-il, que ce n’eft pas notre intbrbt qui nous fait agir, nous n’avons eu bgard qu’au repos de leurs con¬ fidences; & c’eft a quoi notre grand Moli¬ na a ft utilement travaillb, fur le fujet des prbfens qu’on leur fait. Car pour lever les fcrupules qu’ils pourroient avoir d’en pren¬ dre en de certaines rencontres, il a pris le foin de faire le dbnombrement de tous les cas ob ils en peuvent recevoir en con- fcience, b-moins qu’il n’y efit quelque loi particuliere qui le leur dbfendit. C’eft en fon t. 1. tr. 2. d. 88 n. 6. Les void. Le: Juges peuvent recevoir des prifens des Parties., iquand ils les leur donnent ou par amitie, on far reconnoijfance de la juftice qu’ils ont ren- Pour les Juges. 125 due , ou pour les porter a la rendre a I’ave - nir, ou pour les obliger d prendre un foin par- ticulier de leur affaire , ou pour les engager i les expedier promptement. Notre favanc Efc cobar en park encore au tr. 6 . ex. 6 . n. 43. en cette forte. S’il y a plujieurs perfonnes qui n’ayent pas plus de droit d'etre expediez Vun que 1 'autre, le Juge qui prendra quelque chofe de I’un , d condition, ex pafto, de l'expe¬ dier le premier, pkbera-t-il? Non certaine- ment, felon Layman: car il ne fait aucune in¬ jure aux autres felon le droit naturel, lorf- qu’il accorde d I’un , par la confidiration de Jon prefent, ce qu’il pouvoit accorder d celui qui lid edt plil: & mime etant Jgalement obli- gi envers tous par Vegalite de leur droit, il le devient davantage envers celui qui lui fait ce don, qui l’engage d le preferer aux autres ; cette preference femble pouvoir etre eftimee pour de 1 ’argent: Quae obligatio videtur pre- tio asltimabilis. Mon Rdvdrend P£re, lui dis-je, je fuis furpris de cette permiffion, que les pre¬ miers Magiftrats duRoyaume ne lavent pas encore. Car Mr. le Premier Prdfident (1) a apportdun ordre dans leParlement,pour empdcher que certains Greffiers ne prfflenc de l’argent pour cette forte de preference-' ce qui tdmoigne qu’il eft bien dloignd de croire (’) C’etoit slots Pompone de Bellievre,dont Mr. Pe* liflon a fait un fi bel eloge- Mr. Matthieu Mole, qu? etoir en meme temps Garde des Sceaux & Premier pre- fident, etoit moit des le mois de Mass de ia memo an- nee 226 VIII. L E T T H.' croire que cela foit permis a des Juges, & tout le monde a loud une reformation li utile k touces les parties. Le bon Pdre fur- pris de ce difcours, me rbpondit: Dites- vous vrai? je ne favois rien de cela. No¬ tre opinion n’eft que probable, le contrai- re eft probable auffi. fin verite, mon Pere, lui dis-je, on trouve que Mr. le Premier Prdfident a plus que probablement bien fait, & qu’il a arrdtd par-la Je cours d’une corruption publique, & foufferte durant trop long-tems. J’en juge de la mdme forte, dit le Pere ; mais paftbns cela, laiffons les Ju¬ ges. Vous avez raifon , lui dis-je; auffi-bien ne reconnoiflent-ils pas alfez ce que vous faites pour eux. Ce n’eft pas cela, dit le Pere; mais c’eft qu’il y a tant de chofes a dire fur tous, qu’il faut etre court fur cha- cun. Parlons maintenant des Gens d’Affaires. Vous favez que la plus grande peine qu’on ait avec eux, eft de les ddtourner de fufu- re, & c’eft auffi k quoi nos Peres ont pris un foin particulier; car ils ddteftent ft fort ce vice, qu’Efcobar dit au tr. 3. ex. 5. n. 1. que de dire que Vufure n’eft pas pecbe , ce feroit un# herefie. Et notre Pere Bauny, dans fa Somme des Pdchez ch. i4,remplit plu- fieurs pages des peines dues aux Ufuriers. 11 les declare infames durant leur vie, £? in- dignes dt J fepiilture apr'es leur mart. O mon Pere! je ne le croyois pas ft fevere? II l’eft quand il le faut, me dit-il; mais auffi ce favant C afuifte ay ant remarqud qu’on n’eft attird Pour les Usuriers. 127 attire a l’ufure que par le defir du gain, il dit au mSme lieu: L’on n’obligeroit done pas pen le monde, fi le garantiffant des mauVais effets de Vufure , er tout enfemble du peebi qui en eft la caufe, on lui donnoit le moyen de tirer autant & plus de profit de Jon ar¬ gent , par quelque bon 6? legitime emploi , que Von en tire des ufures. Sans-douce, mon Pd* re, il n’y auroit plus d’ufuriers apres cela. Et e’eft pourquoi, dit-il, il en a fourni une metbode generate pour toutes fortes de perfonnes ; Gentilsbommes , Prifidens , Con- feillers , £?c. & fi facile , qu’elle ne con¬ fide qu’en l’ufage de certaines paroles qu’il faut prononcer en prdtant fon argent; en- fuite defquelles on peut en prendre du pro¬ fit, fans craindre qu’il foit ufuraire, com- me il eft fans-doute qu’il l’auroit dtd autre- ment. Et quels font ces termes myfterieux, mon Pdre? Les void,.me dit-il, & en mots propres; car vous favez qu’il a fait fonLivre de la Somme des Pechez en Fran¬ cois , pour etre entendu de tout le monde , comme il le dit dans la Preface. Celui d qui on demande de Vargent ripondra done en cette forte : Je n'ai point d’argent d preter ; fi ai bien a mettre d profit bonnete & licite. Si difirez la fomme que demandez pour la fairs valoir par votre induftrie d moitii gain , moitii perte, peut- etre m’y refoudrai-je. Bien eft vrai qu'd caufe qu’il y a trap de peine a s’accommoder pour le profit , fi vous m'en voulez ajfurer un certain , cs 5 quant & quant aufji mon fort principal , qu’il ne coure for¬ tune, 528 VIII. Lettre. tune , nous tomberions bien plutot d’accord$ 6? vous ferai toucher argent dans cette beu• re. N’eft-ce pas -14 un moyen bien aifd de gagner de l’argent fans pecher ? Ec le P» Bauny h’a-t-il pas raifon de dire ces pa¬ roles, par lefquelles il conclut cette m6- thode. Voild , a mon avis, le moyen par le- quel quantite de perfonnes dans le monde , qui par leurs ufures, extorjions, contrasts illicites fe provoquent la jufte indignation de Dieu , fe peuvent fauver en faifant de beaux j honnetes 6? licites profits. O mon Pere! lui dis-je, voi !4 des paro¬ les bien puiffantes? Sans-doute eiles one quelque vertu occulte pour chaffer l’ufure , que je n’entends pas: car j’ai toujours pen- fe que ce pdchb confiftoit a retirer plus d’argent qu’on n’en a prdte. Vous l’enten* dez bien peu, me dit-il. L’ufure ne con- fifte prefque, felon nos Peres, qu’en l’in- tention de prendre ce profit comme ufu- raire. Et e’eff pourquoi notre Pere Efco- bar fait bviter I’ufure par un Ample detour d’intention. C’eft au tr. 3. ex. 5. n. 4. 33, 34. Ce feroit ufure , dit-il , de prendre du profit de ceux a qui on prete , fi on I'exigeoit comme dd par juftice: mais Ji on l'exige com¬ me dd par. reconnoiffance , ce n’ejl point ufure, Et n. 3. 11 n’ejl pas'permis d’avoir Vintention de profiter de l'argent prete immediatement ; mais de le pritendre par I’entremife de la bien- veillance de celui d qui on l’a prete , Media benevolf.ntia, ce n’ejl point ufure. Voil 4 de fubtiles mdthodes; maisunedeg irieiK Du Contract Mohatra, 'js,0 meilleures h. mon fens (car nous en avons a choifir) c’eft celle du Contraift Mohatra, mon Pbrel Je vois bien, dit-il, que vous ne favez ce que c’eft. II n’y a que Ie nom d’dtrange. Efcobar vous l’expliquera au tr, 3. ex. 3. n. 36. Le Contract Mobatra eft celut par lequel on achette des etoffes cbbrement & d credit , pour les revendre au meme injlant a la meme perfonne argent comptant & d bon rnarcbe. Voilii ce que c’efl que le Contradt Mohatra; par oh vous voyez qu’on reqoit une certaine fomme comptant, en demeu- rant obligd pour davantage. Mais, mon Pbre, jecrois qu’iln’y a jamais eu qu’Efco- bar qui fe foit fervi de ce mot-l&: y a-t-il d’autres Livres qui en parlent? Que vous favez peu les cbofes, me dit le Pere. Le dernier Livre de Theologie Morale qui a dtd imprimd cette annde mdme & Paris, parle du Mohatra, & doftement. 11 eft in¬ titule : Epilogus Summarum. C'eft un abrigi de toutes les Sommes de Tbeologie, pris de nos Peres Suarez, Sanchez, Leffius , Hurtado & d’autres Cafuiftes celebres, comme le titre le dit. Vous y verrez done en la page 54. Le Mobatra eft quand un bomme qui a affaire de vingt piftoles , achette d’un mareband des itof- fes pour trente piftoles , payables dans un an, & les lui revend d I’beure meme pour vingt piftoles comptant. Vous voyez bien par-!a que le Mohatra n’eft pas un mot inoui. Ed bien mon Pere, ce contradbli eft-il per- mis ? Efcobar, rdpondit le Pere, dit au md- me lieu, qu'il y a des loix qui le defendeni Tome 11 . 1 font 130 VIII. L E T T It £. fous des panes tres-rigoureufes. II eft done inutile, mon Pere? Point du tout, dit-il: carEfcobaren ce meme endroit donne des expddiens pour le rendre permis. Encore menu, dit-il, que celui qui vend £? rachette , ait pour intention principals le deffein de pro¬ filer, pourvu feulement qu’en vendant il n ex¬ tide pas le plus bant prix des itoffes de cette forte, & qu’en rachettant il n'en pajfie pas le moindre , 6 ? qu'on n’en convienne pas au- paravant en termes expres ni autrement. Mais Leffius de Juft. 1 . 2. c. 21. d. 16. dit, qu’en¬ core meme qu’on edit vendu dans Vintention de racheter a moindre prix, on n’ejt jamais obli¬ ge d rendre ce profit, ji ce n’efi peut-etre par ebariie , au cas que celui de qui on I’exige fut dans l’indigence, e? encore pourvu qu'on le pdlt rendre fans s’incommoder-, Si commodb poteft. Voilk tout ce qui fe peut dire. En effet, mon Pere, je crois qu’une plus gran¬ de indulgence feroit vicieufe. Nos Peres, dit-il, favent ft bien s’arrdter oil il faut. Vous voyez affez par-la l’utilite du Mo- hatra. j’aurois bien encore d’autres mdthodcs & vous .enfeigner ; mais celleslii fuffifent, &j’ai a vous entretenir de ceux qui font mal dans leurs affaires. Nos Peres ont pen- ft a les foulager felon 1 ’dtat oil ils font. Car s’ils n’ont pas affez de bien pour fubfifter honndtement,& tout enfemble pour payer leurs dettes, on leur permet d’en mettre une parde i couvert, en faifant banque. route a leurs creanciers. C’eJft ce que notre P 6 re Des Bani^ueroutieks. 131 Fere Leffius a decide, & qu’Efcobar con- firme au tr. 3. ex. 2. n. 163. Celai qui fait banqueroute , peut ■ il en furete de cmfcience retenir de fes biens autant qu'il eft necejfaire pour faire fubjifter fafamille avec bonneur , Ne indecore vivatV Je foutkns qu'oui, avec LeJJius; & mime encore qu’il les edc gagnez par des injuft ices, & des crimes connus de tout le monde, Ex injuftitia & notorio de- lidto, quoiqu’en ce cas il n’en puijfepas rete¬ nir en line aujji grande quaniite qu’auirement. Comment, mon Pere, par quelle dtrange charite voulez-vous que ces biens demeu- rent plutdt a celui qui les a gagnez par fes voleries pour le faire lubflfler avec hon- neur, qu’& fes creanciers a qui ils appar« tiennent ldgitimement? On ne peut pas, dit le Pere, contenter tout le monde, & nos Pdres ont penfb particulidrement a foulager ces mifdrables.. Et c’eft encore eu favour des indigens que notre grand Vafquez, citd par Caftro Palao tom. 1. tr. 6 . d. 6 . p. 6. n. 12. dit, que quand on voit un voleur refolu & pret d voler une perfonne pauvre, on peut pour I’en detourner lui ajji- gnerquelque perfonne riche en particulier,pour le voler au lieu de l’autre. Si vous n’avez pas Vafquez, ni Caftro Palao, vous trouverez la tndme chofe dans votre Efcobar. Car, comme vous le favez, il n’a prefque rien dit qui ne foit pris de 24. des plus celdbres de nos Peres. C’eft au tr. 5. ex. 5. n. 120. la pratique de notre Societe pour la charite en¬ ters le prochm, I 2 Cette iji VIII. Lett. Du bien acquis Cette charitb eft vdritablement extraor¬ dinaire, mon Pere, de fauver la perte de l'un par le dommage de l’autre. Mais je crois qu’il faudvoit la faire entiere, &que celui qui a donnd ce confeil feroit enluite obligd en confcience de rendre & ce riche le bien qu’il lui auroit fait perdre. Point du tout, me dit-il, car il ne l’a pas vole lui-mdme, il n’a fait que le confeiller k un autre. Or ecoutez cette fage refolution de notre Pere Bauny fur un cas qui vous eton- nera done encore bien davantage , & oh vous croiriez qu’on feroit beaucoup plus obligb de reftituer. C’eft au ch. 13. de fa Somme. Void fes propres termes Fran¬ cois. Quelqu'un prie un Soldat de bcittre fon voifin , ou de brdler la grange d'un bomme qui I’a offenfe. On demande Ji au defaut du Soldat , 1 'autre qui I’a prii de faire tous ces outrages , doit reparer du Jien le mal qui en fera ijju. Mon fentiment eft que non. Car d'reflitution nul n’efi tenu , s’il n’a mole la jujlice. La viole-t-on quand on prie autrui d'une faveurl Quelque demande qu’on lui en faffe, il demeure toujours libre de I’o&royer ou de la nier. De quelque cote qu’il encline, e’efi fa volonte qui I’y porte ; rien ne I’y obli¬ ge que la bonti, que la douceur, & la facili- te de fon efprit. Si done ce Soldat ne repare le mal qu’il aura fait, il n’y faudra aftraindre celui d la priere duquel il aura offenfi Pinno¬ cent. Ce paffage penfa rompre notre entre- tien: car je fus fur le point d’eclater de rire de la bom & douceur d’un brfileur de grange, Par des voies honteuses., 133 grange, & de ces etranges raifonnemens, qui exempr.ent de reftitudon le premier & veritable auteur d’un incendie, que les Ju- ges n’exempceroient pas de la more; mais fi je ne me fu'ffe retenu, le bon Fere s’en ffit ofFenfe; car il parloit fdrieufement, Sc me die enfuite du mdme air. Vous devriez reconnoitre par tant d’e- preuves, combien vos objedtions font vai- nes: cependant vous nous faites fortir par- la de notre fujet. Revenons done aux per- lonnes incommoddes, pour le foulagement defquelles nos Peres, comme entre autres Leffius 1. 2. c. 12. n. 12. aflurent, qu’il eft permis de de'roher non feulement dans une ex¬ treme nkeffite , mais encore dans une necejjite grave, quoique non pas extreme. Efcobar le rapporte auffi au tr. 1. ex. 9. n. 29. Cela eft furprenant, mon Pdre: il n’y a gueres de gens dans le monde qui ne trouvent leur neceflitd grave, Sc a-qui vous ne don- niez par-l& le pouvoir de ddrober en fure- td de confcience. Et quand vous en rddui- riez la permiflion aux feules perfonnes qui font effedtivement en cet dtat, e’eft ouvrir la porte a une infinite de larcins, que les Juges puniroient- nonobftant cette ndeeffi- td grave; & que vous devriez reprimer k bien plus forte raifon , vous qui devez maintenir parmi les hommes non feule- ment la juftice, mais encore la charitd, qui eft ddtruite par ce principe. Car enfin n’eft- ce pas la violer , & faire tort a fon pro- chain, que de lui faire perdre fon bien 1 3 pour 1 34 VIII. Lett. Du eien acquis pour en profiter foi-mdme ? C’cll ce qu’on m’a apris julqu’ici. Cela n ? eft pas toujours veritable, die le Pere; car notre grand Mo¬ lina nous a apris t. 2. tr. 2. difp. 323. n. 8. Que I’ordre de la charity n’exige pas qu’on fe prive d’unprofit, pour fiauver par-id Jon pro- chain d'une perte pareille. C’elt ce qu’il dit pour montrer ce qu’il avoit entrepris de prouver en cet endroit-la: Qu’on n'efti pas oblige en confidence de rendre les biens quun autre nous auroit donnez pour en firuftrer fies creanciers. Ec Leflius qui foutient la mdme opinion, la confirme par ce meme princi- pe au Livre 2. c. 20. d. 19. n. 168. Vous n’avezpas aflez de companion pour ceux qui font mal & leur aife, nos Peres one eu plus de charite que cela. Ils ren- dent juftice aux pauvres, aufli-bien qu’aux riches. Je dis bien davantage, ils la ren* dent meme aux pdcheurs. Car encore qu’ils foient fort oppofez a ceux qui com- mettent des crimes, ndanmoins ils ne laif- fent pas d’enfeigner que les biens gagnez par des crimes peuvent dtre legidmement retenus. C’ell ce que Leflius enfeigne gd- ndralement 1. 2. c. 14. d. 8. On n’eji point, dit-il, oblige ni par la loi de nature, nipar les loixpojitives , e’eilh-dire par aucune loi, de rendre ce qu’on a repu pour avoir commis ime action criminelle , comme pour un aduU tere, encore meme que cette aEbion fioit central- re ala juftice. Car, comme dit encore Ef- cobar en citant Leflius, tr. 1. ex. 8. n. jp, Les buns qu’une femme acquiert par 1 ’adult ere-, Par des voies honteuses. 135 font vMtablement gagnez par nne voie illegi- time, mais neanmoins la poffeffion en ejl le¬ gitime: Quamvis mulier iilicite acquirat, licite tamen retinet acquifita. Et c’eft pour- quoi les plus cdldbres de nos Pbres dbci- dentformellement,que ce qu’un Jugeprend d’une des Parties qui a mauvais droit, pour rendre en fa faveur un Arrdt injufte, & ce qu’un Soldat regoit pour avoir tue un hom- me, & ce qu’on gagne par les crimes in- fames , peut dtre Idgitimement retenu. C’eft ce qu’Efcobar ramaffe de nos Auteurs, & qu’il affemble au tr. 3. ex. t. num. 23. oil iJ fait cette regie gdnerale. Les biens acquis par des voies honteufes , comme par un meur - tre, une fentence injufte, line afiticn desbon- nete , &c. font legitimement poffedtz , 6? on n’eft point oblige a les reftituer. Et encore au tr. 5. ex. 5. n. 53. On peut difpofer de ce qu’on recoit pour des homicides, des J’entences injujles , des pecbez infames , fife, parce que la pojfejjion en eft jufte, 6? qu’on acquiert le doniaine £? la propriete des chofes que l'on y gagne. O mon Pere! lui dis-je, je n’avois pas oui' parler de cette voie d’acqudrir; & je doute que lajuftice l’autorife, & qu’elle prenne pour un jufte titre l’aflaffinat, 1’in- juitice, & I’adulcere. Jenefai, dit le P6- re, ce que les Livres de Droit en difent: mais je fai bien que lesndtres. qui font les vdritables regies des consciences , en parlent comme moi. II eft vrai qu’ils en exceptent un cas auquel ils obligent a refti¬ tuer. C’eft quand on a regu de I'argent de I 4 (eux i3<3 VIII. Lett. Du bien acquis ceux qui n'ont pas le pouvoir de difpofer de leur bien, tels que font les Enfans de famille, les Reiigieux. Car notre grapd Molina les en excepte au c. i. de Juft. tr. 2. difp. 94. Niji mulier accepijjet ab eo qui alienare non poteft , ut a Religiofo & Filio-farnilias. Car alors il fauc leur rendre leur argent. Efcobar cite ce pafiage au tr. 1. ex. 8. n. 39. & il confirme la mdme chofe au tr. 3. ex. 1. n. 23. Mon Rdverend Pere, luf-dis-je, je vois les Reiigieux mieux traitez en cela que les autres. Point du tout, dit le Pere; n’en fait-on pas autant pour tous les Mineurs gdndraletnent, au nombre defquels les Re¬ iigieux font toute leur vie? Il eft jufte de les excepter. Mais a l’dgard de tous les au¬ tres, on n’eft point obligd de leur rendre ce qu’on reqoit d’eux pour une mauvaife adion. Et Leffius le prouve amplement au 1 . 2. de Juft. c. 14. d. 8. n. 52. Car, dit-il, une mecbante adtion pent etre eftimde pour de Vargent , en confiderant I’avantage qu'en re- foit celui qui la faitfaire, la peine qu’y prend celui qui I'exicute: c’ejl pourquoi on n’eft point oblige' a, reftituer ce qu’on re¬ volt pour la faire, de quelque nature qu’elle foit, homicide, fentence in jufte, adlion fale, {"car ce font les exemples dont il fe fert dins toute cette matiere,} ft ce n’eft qu’on eiIt regu de ceux qui n’ont pas le pouvoir de jlifpofer de leur bien. Vous direx peut-etre que celui qui repoit de I’argent pour un mdcbant f oup x pecbe; fcf qu’ainfi il ne peut nilepren- Par des voies honteuses. 137 dre , ni le retenir. Mais je riponds qu'aprls que la cbofe ejl executee , il n’y a plus aucun pecbe ni d payer , ni d en recevoir le payement. Notre grand Filiutius entre plus encore dans le detail de la pratique. Car il marque qu'on eft oblige en confcience de payer differ em- merit des aStions de cette forte, felon les dijfe- rentes conditions des perfonnes qai les com- mettent, £? que les lines valent plus que les autres. C’eit ce qu’il etablit fur de l'olides raifons, au tr. 31. c. 9. n. 231. „ Occultce ,, fornicarice debetur pretium in confcientia , ,, multo majore ratione , quam public ce. ,, Copia enim quam occulta facit mulier fui „ corporis , multo plus valet quam ea quam „ publica facit meretrix; nec ulla eft lex po~ 33 Jitiva auce reddat earn incapacem pretii. Idem ,, dicendum de pretio promijfo virgini, con - ,, jugatce, Moniali, & cuicunque alii. EJt 3, enim omnium eadem ratio. Il me fit voir enfuite dans fes Auteurs des chofes de cette nature fi infames, que je n’dferois les rapporter, & dont il auroit eu horreur lui-mdme (car il ell bon hom- xne) fans le refpeft qu’il a pour fes Peres , qui lu: fait recevoir avec vdndration tout ce qui vient de leur part. Je me taifois ce- pendant, moins par le delfein de l’engager b continuer cette mature, que par la fur- prife de voir des Livres deReligieux pleins de dbcifions 11 horribles, fi injufies, & fi extravagantes tout enfemble. Il pourfuivit done en libertd fon difeours, dont la con- clufion fut ainfi. C’efl pour cela, dit-il, l 5 fid? 138 VIII. L E T T R E. que notre illultre Molina (je crois qu’apres cela vous ferez content) decide ainfi cette queltion. Quand on a regn de l'argent pour faire une mtchante a£lion, ejl-on oblige d le rendre? 11 faat difiinguer , dit cegrandhom- me: Si on n'a pas fait Vaction pour laquelle on a eUpayi, ilfaut rendre l'argent: mais Ji on Va faite, on n’y eft point oblige: Si non fecit hoc malum, tenetur reffituere; fecus, ii fecit. C’eft ce qu’Efcobar rapporte au tr, 3. ex. 2. n. 138. Voili quelques-uns de nos principes tou- chant la Reftitution. Vous en avez bien apris aujourd’hui, je veux voir maintenant comment vous en aurez profitd. Repondez- moi done. Un Juge qui a repu de I'argent d’une des parties pour reitdre un jugement en fa faveur, eft.il oblige d le rendre ? Vous ve- nez de me dire que non, mon Pete. Je m’en doutois bicn, dit-il; vous l’ai-je dit gdneralement ? Je vous ai dit qu’il n’eft pas oblige de rendre, s’il a fait gagner le proces i celui qui n’a pas bon droit. Mais quand on a droit, voulez-vous qu’on achet- te encore le gain de fa caufe, qui ell dd le- gitimement? Vous n’avez pas de raifon. Ne comprenez-vous pas que le Juge doit la jultice, & qu’ainfi il ne Ja peut pas ven- dre: mais qu’il ne doit pas 1’injultice , & qu’ainfi il peut en recevoir de I’argent? Audi tous nos principaux Auteurs, comme Molina difp. 94. &? 99 - Reginaldus l. ro. n. 184..185. fif 187. Filiutius tr. 31. n. 220.6s? 228. Efcobar tr. 3. ex. 1. n. 21. £? 23. Ref- Des Sorciees. 1355 lias lib. 2. c. 14. d. 8. n. 52. enfeignent tous uniformcment.: Qu'unjuge ejl bien obligi de rendre ce qu’il a repu pour faire jujlice, Ji a n'eft qu’on le ltd edt donne par liberalite: mais qu’il 11'ejl jamais oblige d rendre ce qu’il a recu d’un homme en faveur duquel il a rendu un arret injufte. Je fus tout interdit par cette fantafque decifion; & pendant que j’en confiddrois les pernicieufes confluences, le Pere me prdparoit une autre queftion , & me dit: Rdpondez done une autre fois avec plus de circonfpeftion. Je vous demande main- tenant; Un homme qui Je melt de deviner , ejl-il obligi de rendre Vargent qu’il a gagni par cet exercice ? Ce qu’il vous plaira, mon Reverend Pere, lui dis-je. Comment cq qu’il me plaira? Vrafment vous dtes admi¬ rable! II femhle de la faqon que vous par- lez,que la verite depende de notre volon- te. Je vois bien que vous ne trouveriez ja¬ mais celle-ci de vous mdme. Voyez done rbfoudre cette difficultd-la d Sanchez; mais aufli, c’eil Sanchez. Premierement il dif* tingue en fa Som. 1. 2. c. 38. n. 94. 95. & 95. Si ce Devin ne s'ejl'fervi que de I’ajlrolo- gie, & des autres moyens naturels; on s’il a employe I’Art Diabolique. Car il dit qu’il ejl ob¬ lige de reflituer en un cas , £•? non pas en l’au¬ tre. Diriez-vous bien maintenant auquel ? Iln’yapas-li de difficult^, lui dis-je. Je vois bien,repliqua-t-il, ceque vous voulez dire. Vous croyez qu’il doit reltituer an C£is qu’il fe foit fervi de l’entremife des Demons ?, 140 VIII. L E T T R E. Demons ? Mais vous n’y entendez rien, c’eft tout au contraire. Void la rbfolution de Sanchez au mdme lieu : Si ce Devin n'apris la peine £? le Join de /avoir par le moyen du Diable ce qui ne fe pouvoit /avoir autrement , Si nullam operam appofuit uc arte diaboli id fciret, il /aut qu'il rejtitue; mais s’il en a pris la peine , il n’y e/t point obligd Et d’oh vient cela, mon Pere ? Ne 1’encendez-vous pas, me dic-il? C’elt: parce qu’on peut bien deviner par Part du Diable, au lieu que l’Aft trologie eft un moyen faux. Mais, mon Pe¬ re, (i le Diable-ne rbpond pas la vdritd, car il n’eft gueres plus veritable que l’Aftroio- gie, il faudra done que le Devin reftitue par la mdme raifon? Non pas toujours, me dit-il. Dijlmguo, dit Sanchez fur cela. Car Ji le Devin ejl ignorant en l'art diabolique , Si fit artis diabolic® ignarus , il ejl oblige d reftituer: mais s'il eft habile /order , 6? qu’il ait fait ce qui eft en lui pour /avoir la verite , il n’y ejl point oblige: car alors la diligence d’un tel /order peut etre eftimee pour de I'ar • gent: Diligenda & Magoappofita eft pretio aeftimabilis. Cela eft de bon fens, mon Pe¬ re, lui dis-je: car voila le moyen d’engager lesSorciers a fe rendre iavans & experts en leur art, par l’efpdrance degagner du bien legitimement felon vos maximes, en fer- vant fidelement le public. Je crois que vous raillez, dit le Phre; cela n’eft pas bien. Car ft vous parliez ainfi en des lieux oh vous ne fufliez pas connu,ilpourroit fe trouverdes gens qui prendroient mal vos difeours, & £)es Sokcie'rs. 141 qui vous reprocheroient de tourner les chofes de la Religion en railJerie. Je me ddfendrois facilement de ce reproche, mon Pere. Car je crois que li on prend la peine d’examiner le veritable fens de mes paro¬ les, on n’en trouvera aucune qui ne mar¬ que parfaitement le contraire, & peut-dtre s’offrira-t-il un jour dans nos entretiens l’occafion de le faire amplement paroicre. Ho, ho! die lePere, vous ne riez plus. Je vous confefle, lui dis-je, que ce foupqon que je me vouluffe railler des chofes fain- tes, me feroit bien fenfible, comme il fe- roit bien injufte. Je ne le difois pas tout de bon , repardtle Pdre: mais parlons plus fdrieufement. J’y fuis tout difpofb fi vous le voulez, mon Pdre; cela ddpend de vous, Mais je vous avoue que j’ai dtd furpris de voir, que vos Peres ont tellement dtendu leurs foins a toutes fortes de conditions, qu’ils ont voulu mdme rdgler le gain legi¬ time des Sorciers. On ne fauroit, dit le Pdre , ecrire pour trop de monde, ni par- ticularifer trop les cas , ni rdpdter trop fouvent les memes chofes en differens Li- vres. Vous le verrez bien par ce paffage d’un des plus graves de nos Peres. Vous le pouvez juger, puifau’il eft aujourd’hui notre Pere Provincial. C’eft le R. P. Cellot, en fon 1 . 8. de la Hierarch, c. 16. §. 2. Nous favons , dit • il, qu’une perfonne qui portoit une grande fomme d’argent pour la rejlituer par ordre de fon ConfeJJeur, s’etant arretde en cbemin dm un Libraire , c? lui ayant demand$ 1 4- VIII. L E T' T R Ei s'il n’y avoit rien de nouveau, Num quid novi ? 11 ltd montra un nouveau Livre de Tbcologie Morale. If que Is feuilletant avec negligence , If Jans penfer a rien, il tinn-ba fur Jon cas, If y aprit qu’il n'etoit point ob¬ lige a rejlituer: de forie que s'etant ilecharge dufardeau de fonfcrupule, If demeurant ton- jours charge du pouls de fan argent, il s'tn reiGurna bien plus tiger en fa maijbn: Abjefta fcrupuli iarcina, letento auri pondere, le- vior domum repetiit. Ec bien, dites-moi apres cela s’il eil uti¬ le de favoir nos maximes? En rirez-vous maintenant? £t ne ferez-vous pas plutot, avec le Pt^e Celiot, cette pieufe inflexion fur le borheur de cette rencontre ? Les rencontres de cette forte font en Dieu Veffet de fa providence , en I’Ange Gardien Veffet de fa conduite, If en ceux d qui elles arrivent I’effet de kur predejlination. Dieu de toute eternite a voulu que la cbaine d'or de lent falut dependit d’un tel Auteur , If non pas de cent autrcs qui dij'ent la mime cboJe;par- ce qu’il n'arrive pas qu'Us les rencontrent. Si celui-ld n avoit ecrit, celui.ci ne feroit pas fauvc. Conjurons done par les entrailles de Jefus-Cbrifi ceux qui bldment la multitude de nos Auteurs , de ne leurpas envier les Livres que l'election eternelle de Dieu, If le Jang de Jefus Cbriji kur a acquis. Voila de belles paroles, par lefquelles ce favant homme prouve fi folidement cette propoiltion qu’il avoit avanede: Combien il eft utile qu'il y ait un grand nombre d'Auteurs qui ecrivent de la £) E S SOKCIERS. 143 Tbe'otogie Morale: Quam utile fit de Theo- logia Morali multos fcribere. Mon Pere, lui dis-je, je remettrai k une autre fois It vous declarer mon fentimenc fur ce paffage; & je ne vous dirai prdfen- tement autre chofe, finon que puifque vos maximes font ft utiles, & qu’il eft ft im¬ portant de les publier, vous devez conti¬ nuer a m’en inftruirc. Car je vous allure que celui a qui je les envoie, les fait voir a bien des gens. Ce n’eft pas que nous ayons autrement 1’intendon de nousen fer- vir, mais c’eft qu’en effet nous penfons qu’il fera utile que le monde en foit bien informe. Auffi, me dit-il, vous voyez que je ne les cache pas: & pour continuer, je pourrai bien vous parler la prbmiere fois des douceurs & des commoditez de la vie, que nos Peres permettent pour rendre le falut aife, & la devotion facile ; afin qu’a- prfes avoir apris jufqu’ici ce qui touche les conditions particulibres, vous apreniez ce qui eft gdndral pour toutes, & qu’ainfi il re vous manque rien pour une parfaite in- ftrutftion. Apres que ce Phre m’euc parld de la forte, il me quita. Je fuis, &c. 3 ’ai toujours oublie h vous dire, qu’il y a des Efco- bars de differentes impreflions. Si vous en achetez, pre- i\ez de ceux de Lyon, oil il y a a Tentree une image d’ura Agneau, qui eft fur un Livre fcelle de fept fceaux, ou de ceux de Brulfelles de 1651. Comme ceux-la font les dernieis, ils font meilleurs Sc plus amples que ceux des editions piec^dentes de Lyon des annees 1544. Sc 1646. Depuis tout ceci on en a imprime une nouvelle edition a P& n rh ohez Pi&et , plus exafte qpt toutes les autres, Mais on (tut 144 I* Note sur la VIIL Lettre. peat encore bien mieux apprendre Us fentimens JEfcobar dans U grande Thiologie Morale , dont il y a dtja. deux volumes in Joint imprimez d Lyon . 1Is font trSs-dignes d’etre vus , pour eonnoitre Fhorrible renverfement que les Jefuites font dt l& Morale de FEglife . NOTE PREMIERE. S U R L A HUITIEME LETTRE. De la difpenfe que lesjbfuites donnent auxju - ges de rejlituer ce qu'ils ont regu pour ren~ *dre des jugemens injujtes. S- I* Que Montalte a rapporte fidelement le fenti- ment de LeJJius fur ce fujet. L Eflius foutient dans 1’endroit (i) citd par Mon¬ talte , qu’unjuge n’eft point oblige parle droit naturel & reftituer ce qu’il a regu pour rendre une fentence injufte. II ajoute un peu plus bas, ( 2 ) qu’il n’y eft pas non plus obligi par le droit potl- tif. Cependant il ne laifle pas d’enfeigner ailleurs ( 3 ): „ Qu’un Juge qui a regu quelque chofe pour „ rendre une fentence jufte, eft oblige a reftituer „ ce qu’il a regu, ft on ie iui a donnd dans la „ crainte qu’on avoit qu’il ne rendit pas juftice; ,, mais qu’il n’y eft pas oblige, ft on le lui a don- „ n6 par pure Iib6ralit4. Montalte, dans fa huitieme Lettre, fnfere avec raifon (0 L 2. «• J4. W. ss. (*) ». S6. ( 3 ) », 64 , De la restitution des Juges. 145 raifon de ces trois paffages, que le fentiment de Lefllus eft, qu'un Juge eft bien obligd de rendre ce qu’il a requ pour faire juftice , fi ce n’eft qu’ori „ le lui ait donnd par pure libdralitd: mais qu’il „ n’eft jamais obligd & rendre ce qu’il a requ d’un „ homme en faveur duquel il a rendu un juge- „ ment injufte. Et il joint a Lefllus, Molina, Fi- liutius , Efcobar, Rdginaldus, qu’il aflure dtre aufli dans le mdme fentiment. Sur cela les Jdfui- tes l’accufent de mauvaife foi. Us prdtendent qu’il ne rapporte pas fidelement l’opinion deLeflius; & ils font fur ces autres Auteurs mille chicane¬ ries, que nous examinerons dans la fuite. L’ApoIogifte fe plaint done (1) prdmierement de ce que Lefllus ajoute : Qu'un ConfeJJeur a droit d'enjoindre la reftitution quand il juge que cela efi & prof os. L’admirable homme! Comme s’il s’agifloit de ce qu’unConfeffeur adroit d’ordonner, &non pas de ce que ce Juge eft ohligd de faire felon le droit naturel ou pofltif. Lefllus foutient qu’il n’eft: obligd, ni par 1’un, ni par J’autre, a reftituer ce qu’il a requ. Cela fufEt a Montalte. Il eft vrai qu’il ajoute qu’un Corfefleur- peut lui ordonnet cette reftitution, mais il avoue qu’il peut nela lui pas ordonner: Car e’eft plutot, dit-il, un confeil falutaire qu’un pre'cepte. A quoi je pourrois ajouter que ft le Confefleur eft trop tevere, les Jdfuites fourniftent aux Pdnitens un moyen merveilleux pour fe venger de fa fdvdritd. Car ils peuvent, comme 1 ’enfeignent lesjdfuites de Paris dansleurs Thefes,refufer cette penitence, & en memeterns renoncer & l’abfoiution. Ce qui arrivera done, fi on en croit Lefllus, e’eft que cejuge gardera fon argent,s’il n’eft contrainc i le rendre par un arret d’un Tribunal fupdrieur. Cat (1) Impoft s, torne It. K 146 I* Note sur la VIII. Lettre. Car les J^fuites reconnoiflent que, felon lesloix, on peut confifquer ce qu’un Juge a recu pour fa ire line injuflice: mais en reconnoiflant cette verity qu’ils ne peuvent contefter, ils avouent eux-me- mes que les loix civiles, quoique tirdes pour la plupart des Payens, font beaucoup plus feveres, plus faintes , 6c meins corrompues que celles de leurs Cafuiftes. L’ApoIogifte, apres cette Idgere efcarmouche, dent enfin au fait. Mais a peine a-t-il menacd fon adverfaire du combat, qu’il cherche auflit6t une porte de derriere pour s’dcbapper. Car il ne dit rien de laqueftion dont il s’agit, favoir, Si un Juge eft oblige a reflituer ce qu’il a repu pour fau re me hjuftice. Il fe jette fur une autre queftion, & prouve fort inutilement qu’une Partie ne peut pas redemander l’argent qu’elle a donnd pour ob- tenir une fentence injufte. Je l’avoue, mais que s’enfuit-il de-la? Que le Juge peut le retenir. Void done fon raifonne- ment. Celui qui a achetd un arret injufte, ne peut redemander l’argent qu’il a donnd. Done celui qui a vendu cet arret, peut retenir l’argent qu’il a requ. Ce Jdfuite n’a-t-il pas honte de nous apporter de pareilles raifons. Comme fi les Thdo- logiens n’dtabliffoient pas en meme terns ces deux maximes, l’une que ce mauvais luge eft obligd d reftituer, & l’autre qu’il ne doit pas reftituer & celui qui l’a corrompu, mais aux pauvres. Car celui qui a donnd injuftement, eft indigne qu’on lui rende ce qu’il a donnd; & celui qui a requ in¬ juftement , ne mdrite pas de joui’r de ce qu’il a requ. Mais l’Apologifte pretend que le fentiment des Jdfuites eft conforme d celui de tous les Jurifcon- fultes. „ N’eft-il pas abfurde, dit-il, qu’un hotn- „ me qui fe mdle de reformer la Morale,penfant atta- n De la restitution des Juges. 147 attaquer les Jifuites, aille choquer les loix ei- „ viles a l’itourdi, & qu’i! appeUe une dicifion „ fantafque , ce qu’elles font patter pour une „ maxime inviolable.... N’eft-ce pas une extra- „ vagance ridicule de faire le rifolu comme Bar- ,, thole, & ne favoir pas les premiers ilimens de „ la Jurifprudence. Les Jtifuites feront toujours de mauvaife Fof. II eft fi faux que les Jurifconfultes aprouvent corn- muniment I’opinion des Jifuites , que Leffius avoue (1) ingenflment dans cet endroit meme r „ Que c’eft prefque I’opihion commune de tous „ les Jurifconfultes, qu’on doit refiituer ce qu’oii ,, a regu pour un crime qui mirite d’etre puni par „ les loix. Et un peu auparavant: C’eft, dit-il» „ (a) l’opinion de prefque tous les Docteurs en „ Droit Canon, &en Droit Civil, qu'on doit refti* ,, tuer ce qu’on a regu pour toute aition qui mi* „ rite d’itre punie par ies loix. 5 . II* 'Refutation de I'opinm de LeJJius. L Aiflbns -14 ce lache Apologifte qui he fonge qu’a s’ichapper. Examinons le fentiment de Leffius, dans Leffius meme. Void quelles font fes preuves. Primierement il cite Saint Thomas, qui enfei- gne, dit-il, qu'on pent retenir ce qu'on a refu pour une mauvaife affion , fans diftinguer f cclte aliion ejl centre la puftice , ou non. Cette autorite feroit preflante , fi Saint Tho¬ mas tfenfeignoit pas formellement le contraire, & s’il n’obligeoit pas a refiituer ce qu’on a aquis 14$ I* Note sur la VIII. Lettre. en violant la juftice, comme nous l’avons fait voir ci-deflus dans les Notes prdliminaires. 11 cite enfuite Saint Antonin. Mais par mal- heur Saint Antonin eft encore d’un fentiment di- reclement oppofd a celui que Leflius & I’Apolo- gifte lui attribuent. Voici fes paroles: „ II y a, 5 , dit-il, plufteurs fortes de biens mal acquis. 11 5 , y en a que celui qui les a acquis, ne peut re- „ tenir, & qui ne font pas dfts ndanmoins a ce- ,, lui qui les poiKdoit auparavant, parce quel’un „ les a donnez, & l’autre les a requs contre la ,, juftice, comme font les biens acquis par Simonie. Et un peu apres: ,, A l’dgard de ces biens, celui „ qui les a acquis ne pouvant pas les retenir, „ peut & doit les donner aux pauvres. Et ceci „ n’eft pas feulement de confeil, ou de bienfdan- „ ce, mais d’une obligation indifpenfable pour le ,i falut. ” Apres avoir ainfi prouvd en gdn^ral que tous les biens acquis contre la juftice doivent etre diftribuez aux pauvres, il donne pour exem- pie de cesbiens,cequ’ona requ pour une fenten- ce injufte, & pour un adultere, c’eft-d-dire, les exemples mernes dont il s'agit entre nous. Voild quelle eft la bonne foide Lellius. Voyons fi les raifons qu’il apporte font aufli convaincari- tes, que fes citations font fideles. Toutes les raifons de Leflius , comme le re- marque (r) Comitolus ( 2 ), font appuydes fur ce fonde- (1) Le Pere Paul Comitolus fut un JeTuire celebre iu XVI. 8c du XVII. Siecle: il a fait entre autres Ouvra- ges, des Confutations fur la Morale, Refronfa Mcralia imptime in 4. a Lyon en 1609: 8c comme il etoit devenu extremeraent rare, on l’a reimprime auffi in 4. a Rouen, il y a une ttentaine d’annees. C’elt un des Cafuiiies les plus fages 8c les plus exafts, oppofe communement aux dereglemens de fa Compagnie; aufli eft-il aflez eftime des Cafuiftes les plus feveres. Cs bon Jefuite mourus il l’age de 80. ans, l'an 1616, De LA RESTITUTION DES JlTGES. I49 fondement: „ Que tout pdchd, foit d’adtion, foit „ d’omiflion, nitrite falaire; non entant qu’il eft „ une offenfe contre Dieu; tnais d caufe du plaifir „ qu’en regoit celui qui le fait comtnettre, ou de „ la peine qu’a celui qui le commet; maxiine que Comitolus combat avec raifon comme un princi- pe honteux , & manifeftement faux. Car qu’y a-t-il de plus indigne d’un Chretien, d’un Thdo- logien, que de regarder des plaifirs infames, & des actions ddteftables , comme utiles a ceux qu’elles rendent dignes d’un fuplice dternel? De plus cette maniere de confiderer les cri¬ mes , tantdt comme des adlions criminelles, & tantdt comme des aftions agrdables ou utiles, eft tout-a-fait abominable. Car il n’y a rien dans les crimes qui ne foit criminal. Non feulemenc l’aftion intdrieure de la volonte qui confent au crime eft mauvaife, mais Paction extdrieure doit etre auiE regard de comme mauvaife: non feu le¬ nient c’eft un crime de vouloir tuer, mais e’en eft un auffi de tuer. Le plaifir , dit Ariftote , qui client des mauvaifes aftions, efi mauvais hd-mSme. En effet,ileft impoffible de fdparer rdellement la ma¬ lice de Faction mauvaife; & elle n’en peut etre fdparde, tout au plus, que par une prdcifion de l’efprit. Mais cette precifion ne change rien dans la chofe meme: „ Et celui, comme dit Comito- „ Jus, qui s’imagine pouvoir vendre a caufe de „ cette formalitd ces fortes d’actions comme „ agrdables, ou comme utiles, peut prdtendre, ,, par la meme raifon, avoir droit de vendre les „ Sacremens, entant qu’ils font des etres. C’eft une maxime conftante, comme le meme Comitolus Pa remarqud, qu’on ne peut rien ven¬ dre de tout ce qui eft uni infdparablement d une chofe qu’on ne pourroit vendre fans crime. Ainfi quoiqu’il y ait un revenu tempotel attach^ aux K 3 Evi- 150 I. Note sur la VIII. Lettre. Evechez , & aux Bdndfices , on ne peut ndan- moins les vendre, parce que ce temporel eft uni a un miniftere fpirituel qui ne peut etre vendu. Or ft les chofes fpiricuelles ne fe peuvent ven¬ dre a caufe de leur excellence, qui eft au-deffus de tout prix; les crimes, par une raifon contrai- re, ne fe peuvent pas vendre non plus a caufe de leur vilitd, ft on peut fe fervir de ce terme. Et par confdquent on ne peut rien vendre de tout ce qui en eft inidparable. C’eft pourquoi les loix mo¬ nies desPayens ddclarent ces fortes de traiteznuls. „ Les Stipulations honteufes, die la loi Genera- „ liter (r) , n’ont aiicune force, comme ft par „ exemp'e quelqu’un promet de cotnmettre un „ homicide. Mais ce qu’il y a de plus abfurde dans l’opi. nion de Leflius, c’eft qu’apres avoir dtabli qu’un Juge peut retenir ce qu’il a requ pour faire une injuftice, il ne laiffe pas de foutenir qu’un Juge doit reftituer ce qu’il a recu pour rendre la juili- ce. Si on lui demande la raifon d’une difference ft bizarre, it fera obligd d’apporter celle que Mon- talte en fait donner par fon Jdfuite, & dont il fe raille, qui eft, qu’un Juge doit la juftice , & qu'ainfi il ne la peut pas vendre; mais qu’il ne doit pas tin- juftice , & qu’ainfi il peut en recevoir de fargent. Car ft je demande a ce Cafuifte, pourquoi ce Juge ne peut pas vendre la juftice d celui qui a le bon droit; quelle meilleure raifon pourra-t-il donner, finon que c’'eft parce qu’il doit hi juftice, & que par confequent il ne pourroit la vendre fans faire tort a cate partie ? car s’il ne la devoit pas, il pourroit la vendre. D’ou je conclus que puifque ce Juge peut, felon Leifius, vendre l’injuftice, la raifon pourquoi il Ie peut, c’eft; qu’il ne la doit pas. Car (t) as. Tit. de verb, ftgnif. De la restitution des Juges. ijr s’il la devoit, il ne la pourroit pas vendre. Le Pere Annat a bien fenti lui-meme combien cette raifon ell ridicule, c’eit pourquoi il ne veut pas que ^opinion de Leffius foit appuyde fur une telle abfurditd. Mais qu’il le veuilie, ou qu’il ne le veuilie pas, fon opinion n’a pas d’autre fonde- ment. Car fi un Juge ne peut pas vendre la jufti- ce, parce qu’il la doit; & que felon Leffius, il puiiTe vendre l’injuftice; n’eit-il pas Evident que c’eft parce qu’il ne ia doit pas, que ce Cafuiite lui accorde ia libertd de ia vendre? Je ne nie pas pour cela que ce ne foit avec juib'ce que le Pere Annat traite cette raifon d’ab* hide. Mats il n’eft pas dtonnant qu’une opinion impertinente foit appuyde fur une raifon abfurde. Or qu’y a-t-il de plus impertinent que cette opi¬ nion de Leffius? Car peut-on douter , a moins que d’etre tout-d-fait ftupide, de ce que la raifon naturelle dicle a tout le monde, qu’un Juge ne peut pas vendre la juilice , parce qu’il la doic rendre; ni 1’injuftice, parce qu’il ne la doit point faire ? N’eft-ce pas de meme un principe du fens commun, qu’on ne peut pas vendre d une per- fonne ce qui lui appartient, parce qu’on le lui doit rendre gratuitement; ni ce qui ne nous apartient pas, parce qu’on ne doit pas vendre ie bien d’autrui. Mais il y a long-terns que St. Au^ guflin a rdfutd, & par fon autorite & par ia force de fes raifons, toutes ces vaines fubtilitez des Ca? Mies. „ A 1’dgard de ce que vous ajoutez, dit-il „ d Macedonius (i), que ies chofes font prefen- ,, tement d un point que les hommes veulent, „ & qu’on leur remette la peine due a leurs cri- „ mes, & qu’on leur laiffe ce qui les leur a fait „ commettre: ceux done vous parlez-ld font les „ Plus (0 E P< «• xf z I. Note sur la VIII. Lettre. j, plus fceierats de tous les fcdldrats, & la pdni- i, tence leur eft un rdmede inutile. Car c’eft fe iy moquer,& non pas faire pdnitence, que dene „ pas rend re, quand on le peut, le bien qui a it fait commettre le crime dont on fait femblant „ de fe repentir. Que ceux qui veulent done faire ,, pdnitence, fachent que Dieu ne rem'et point le ,, pdchd, qu’on ne rende ce que l’on a pris, ft l’on eft en dtat de le rendre. Apres avoir ainfi iiiontrd combien l’obligation de la reftitution eft indifpenfable, il rapporte plufieurs exemples de ceux qui font obligez a reftituer, & en particu¬ lar celui d’un Juge qui a pris de 1’argent pour iendre une fentence injufte: ,, Quoique les Avo- „ cats, dit-il, puiflent recevoir de 1’argent pour „ ddfendre une caufe jufte , il ne s’enfuit pas „ qu’un Juge puttie vendre un jugement jufte,ou „ un tdmoin un tdmoignage veritable. Car au „ lieu que les Avocats prennent parti pour l’une „ des deux parties, le Juge & les tdmoins doi- i, vent etre neutres, & en dtat de tout examiner ,, de part & d’autre, pour ne rien faire contre ,, la vdritd. Que ft un Juge ne peut pas meme „ vendre un jugement jufte, ni un tdmoin un td- s , moignage veritable; ils font encore bien plus „ criminels lorfqu’ils prennent de I’argent, l’un ,, pour ddpofer faux , & l’autre pour rendre une 3 , fentence injufte, puifque ceux-memes qui don- 3 , nent de 1’argent pour cela , ne font pas exemts 3 , de crime , quoiqu’ils le donnent volontaire* ,, ment. Ndanmoins ceux qui ont donnd de l’ar- „ gent pour obtenir une fentence jufte, fe font 3 , rendre leur argent comme un bien mal acquis 3 , par le Juge qui n’a pas du vendre la juftice. Mais ceux qui en ont donnd pour une fenten- 3 , ee,n’6fent le redemander,quelqueenvie qu’ils n en ayent; parce que la honte les retient, & » - • i » qu’ils De la restitution des Juges. 153 qu’ils craignent meme d’etre punis pour avoir 5 , achetd l’injuilice. Ce paffage de Saint Auguftin rui'ne entierement Popinion de Leffius. Car ce Saint dtablit gdndrale- ment. 1. qu’on ne peut vendre ni Pinjuftice, ni la juftice: contre ce que dit Leffius, qu’une fenten- ce injufte peut etre eftimde pour de 1’argent, par- ce qu’elle eft utiie a ceiui en faveur de qui on la rend. 2. Que c’eft un crime de prendre de Pargent pour rendre un arrdc injufte, quoique ceiui qui plaide le donne volontairement: contre ce que foutient Leffius, qu’apres que le mal eft fait, ce Juge peut s’approprier Iicitement l’argent dont on eft convenu, comme lui appartenant en vertu de la convention, qui oblige ceiui a qui il a rendu fervice a tenir ce qu’il a promis. Enfin Saint Auguftin renverfe cette vaine rai- fon de Leffius prife du droit prdtendu que la con¬ vention donne aux Juges, lorfqu’il enfeigne que ceux qui ont donnd de Pargent pour une fenten- ce injufte ont la volontd de le redemander; mais qu’ils ne l’dfent, parce qu’ils craignent d’etre pu¬ nis. Car il fait aifez comprendre par-id que le Ju¬ ge ne'peut retenircetargent, comme lui apparte- nant en vertu du don qui lui en a dte fait; puif- que ceiui qui le lui a donnd, n’a jamais eu inten¬ tion de le lui donner comme un don, mais com- ine le pr.x de Pinjuftice qu’i! n’a achetde que mal- grd lui, & qu’il auroit voulu obtenir gratuitement s’il l’avoit pu. Ce ne peut done etre que par cette obltination ordinaire aux Cafuiftes, qui fe jouent des pafta- ges les plus dvidens des Saints Peres, que Leffius prdtend qu’on ne peut conclure de ce paffage de Saint Auguftin que nous venons de rapporter, qu’un Juge qui a vendu Pinjuftice foit obligd a • ■ K 5 reftituero 154 I- Note svr la VIII. Lettre. reftituer. Car il eft Evident que St. Auguftin y donne pour exempie de ceux qu’il avoir indif- penfabieroent obligez a reftituer, ce Juge qui a vendu 1’injuftice. Mais pour faire voir d une raa* niere encore plus fenfible combien ce Saint Doc- teur eft oppoi'6 a l’erreur deLeftlus, il oblige me- me les Avocats qui fe font chaigez d’une caufe injufte, a reftituer ce qu’ils ont regu. „ Ou en „ trouve-t-on, dit-il dans la m&ne Lettre, ep- „ tre ceux qui font la profeflion d’Avocat, ou „ qui l’ont faite, qui foient aftez gens de bien 3 , pour dire d unePartie: Voiia 1’argent que vous „ m’avez donnd pour vous avoir fait gagner une „ mauvaife caufe: rendez a votre Partie ce que „ vous lui avez enlevd par mon miniftere V Ce- ,, pendant lorfque ceux de cette profeflion qui 3 , n’ont pas vdcu dans 1’ordre, reviennent a eux, „ & veulent faire une fincere penitence, il faut „ qu’ils tiennent cette conduite. Et quand la Par- ,3 tie refuferoit de pronter de l’avis, & de rendre ,, ce qu’elle a acquis par un proces injufte, l’A- » vocat ne doit point profiter de ce qu’il a eu ,3 pour appuyer l’injuftice. L’Eglife de norre terns n’a point d’autrq fenti- ment que Saint Auguftin. Car fans parler du ju- gement que tout ce qu’il y a de gens de bien por¬ tent de cette opinion de Lefllus, qu’ils regardent comme une opinion extravagante & pernicieufe, nous avons un tdmoignage authentique de 1’hor- reur qu’en a toute i’Eglife dans ie Catechifme Romain, compofd par fordre de Saint Charles, On y met au rang des Voleurs , que perfonne ne difpenfe de reftituer, lcs mauvais Juges qui vcndent fajufiice, & qui Je laiffant corromprc par argent, ou p#r prefens , niimnt k bon droit des Pauvres. J. III. De la Restitution des Juges. 155 f. HI. Refutation des chicanes que les Jefuitcs font fur les Auteurs que Montalte accufe de favor fer l’opi¬ nion de Lejfm. J E pourrois me difpenfer d’examiner toutes les pauvretez que les /dilutes objedtent dans leur cinquieme Impoiture , afin de jultifier les Cafuif- tes que Montalte a citez, comme favorifant [’opi¬ nion de Lelllus. Car ils favent bien eux-memes que quand on cite ainfi plulleurs Auteurs,il n’eft: pas ndceffaire qu’ils conviennent en tout; qu’il fulfic qu’ils conviennent tous dans le dogme pour lequel on les cite, & qu’on n’a jamais obligd per* fonne a marquer tous les correclifs, & toutes les redactions de chacun, quand elles n’ont pas un rapport ell'entiel i la queition dont il s’agit. Tous ceux qui ont dcrit jufqu’a-prdfent, n’ont point fuivi d’autre regie. Les Jdfuites ont done tort, s’ils exigent de Montalte une plus grande exacti¬ tude. On va voir cependant que leur Apologilte ne lui fait pas d’autre reproche. Voici ce qu’il die fur Molina. Cct homme , dir- il, efi de mauvaijc foi, en ce qu’il fuprime ce que dit Molina , que les Juges peebent mortelkment quand ils repoivent des prdfens pour trots raifons, &c. Permetcez rnoi de vous dire, mon Pere, qu’il n’y a point-la de mauvaife foi; tant parce que ce- la dtoit inutile pour la queftion que Montalte traitoit, favoir (i un Juge peut vendre l’injuftice; que parce qu’il n’eft pas vrai que Montalte l’ait fuprimd. Car ayant fait un peu plus haut le dd- nombrement de tous les cas oil les Juges peuvent, felon Molina, recevoir des prdfens fans pdchd; il a affez remarqud qu’en d’aptres cas ils ne peu- I5<5 I. Note sue la VIII. Lettre; vent, felon le meme Cafuifte , en recevoir fans pdchd. Mais vous-meme vous etes de mauvaife foi, & vous trompez les lefteurs qui ne font pas inftruits de la do&rine de Molina, n’en fappor- tant que cette maxime gdndrale, que les Juges pechent morteliement en recevant des prdfens, fans ajouter que le meme Molina la ddtruit in¬ continent apres, par le grand nombre d’exceptions oil il veut qu’elle n’ait point lieu. Car, coinme nous venons de le voir dans cette Lettre, il per- met aux Juges de recevoir des prdfens des Par¬ ties, quand ils les leur donnent ou par amitid,ou par reconnoiifance de la juftice qu’tls ont rendue, ou pour les porter A la rendre a I’avenir, oupour les obliger a prendre un foin particulier de leurs affaires, ou pour les engager A les expddier promtement. ,, Montalte eft encore de mauvaife foi, pour- ,, fuit l’Apologifte, en ce qu’il dit que felon ces „ Auteurs, les Juges ne font pas obiigez A refti- s, tuer les pr^fens qu’on leur fait par libdralitd. j, Et toutefois Filiutius dit: Que s'ils regoivent „ quelque chofe outre ce qui eft regld par la juf- „ tice, c’eft a j'ufte titre que les loix les condam- j, nent, & que le Prince a le pouvoir de les ob- „ liger en confcience de reftituer. C’eft l’ordinaire des Jdfuites de ne jamais men- tir plus hardiment, que lorfqu’ils accufent les au- tres de mauvaife foi. Car dans ces cinq ou fix li- gnes combien de fourberies? r. Ils joignent en- femble deux endroits de Filiutius, dont Pun par- Je des aftions injuftes, & 1’autre des prdfens. z. Ils fupriment ce qu’il dit: Si on n'a point d'egard d la hi pofttive, il eft permis aux Juges par la loi natu- relle de recevoir des prefens. 3 . Enfin ils paflent fous filence qu’il foutient que ces Juges ne font point obiigez de rendre les prefens qu’ils ont rejus con- V- tv* De la restitution des Juges. 157 Cre les loix pofitives, jufqu’a ce qu’ils y foient condamnez, Non ante latum fententiam; c’eft-4-dire qu’il ne les oblige 4 reftituer que lorfqu’on n’a plus befoin de lui pour cela, & qu’on peut les y contraindre malgrd eux. Voila ce qu’un homme qui accufe les autres de mauvaife foi, n’auroit pas d& omettre. Mais il auroit dtd tout-4-fait ridicule 4 Montalte de ne pas omettre ce qu’il voudroit qu’il eut rapportd. Car il s’agiffoit de toute autre chofe. II ne citoit cet endroit deFiliutius, qu’afin de prouver que, felon lui, un Juge doit reftituer ce qu’il a regU pour rendre la juftice ; mais qu’il ne doit pas rendre ce qu’il a regu pour juger injuftement. Et c’efl ce queFiliutius dit exprefl&nent ( 1 ), dans les paflages que Montalte a indiquez. Voyons la fuite. „ Il eft de mauvaife foi, continue I’ApoIogifte, 3 , en ce qu’il dit que felon ces memes Auteurs » „ un Juge n’eft jamais obligd 4 rendre ce qu’il a „ regu d’un homme en faveur de qui il a rendu j, un arrgt injufte.Cependant Rdginaldus,au lieu „ qu’il cite, dit tout le contraire. Car encore „ qu’il ne parle point de Juge en particulier (ce ,, qui fait voir la finedritd du calomniateur) mais „ feulement en gdndral de ceux qui regoivent de ,, 1 ’argent pour quelque mauvaife attion, ndan- „ moins il dtablit cette maxime gdndrale qui dd- „ ment cette impofture. Car il enfeigne que Ji ks „ loix,en quelque cas particulier ,rendent celui qui pe- 1 , cbe en rccevant ces fortes de prefens, incapable d'en „ acqudrir le domaine & la pojfcjfwn, il efi oblige a ,, rejlituticn. Enfeigner cela, eft-ce dire tout le contraire de ce que veut Montalte? Rdginaldus foutient, fe T low (1) n, 220, 22j, 158 I. Note sun la VIII. Lettre. Ion vous, que ce Juge eft oblige a reftituer s'il y 6 une lot , qui dans quelque cas particulier le declare in¬ capable de retenir I'argent qtt’il a refu. Ii n’eft done pas obligd en gdndral a reftituer felon Riginal- dus. II n’en faut pas davantage a Montalte. Mais qas veut dire cette exception de Rdginaldus, S’il y a une hi il eft oblige d reftituer ? N’y feroit-il point obligd s’il n’y en avoit point ? N’eft-il pas Evident que ce Cafuifte ne cherc e qu’a faire iliufion? II dit que celui qui a requ de I’argent feroit oblige a reftituer , s’il y avoit une loi. Mais il ne dit point qu’il y en ait une. Done il ne dit point qu’il y foit obligd, meme dans aucun cas particulier. D’ailleurs LefEus, comme nous 1’avons vu ci-defliis, dit ouvertement ce que Rd- ginaldus donne feulement a entendre, Qu’il n’y a point fur cela de loi pofitive. Done ce Juge n’eft en aucune maniere obligd & reftituer. Qui n’admire- ra la foiblefle & le ridicule des chicanes que les Jdfuites font 4 Montalte? J’ai honte de m’ar- rdter 4 ces minuties. Ecoutons ndanmoins leur dernier reproche. „ Il eft de mauvaife foi, dit enfin l’Apologifte* „ en ce que confondant la loi civile & pofitive „ avec Ie droit naturel, il fait croire par cette „ Equivoque, que le Juge ne doit jamais, felon „ ces Auteurs, reftituer ce qu’il a pris pour un „ arret injufte. Et toutefois Filiutius & Molina „ ne parlent que du droit de nature. Je rdpons que Montalte a dpargnd Jes Jdfuites, en ne diftinguant point le droit naturel & le droit pofitif. Car il laifle par-id quelque lieu de douter, s’ils nient que la reftitution foit d’obligation felon 1’un & l’autre droit, & il pouvoit dire clairement qu’ils le nient. Leflius, comme on l’a vu, le nie expreiTdment dans les paflages qu’on a citez. Rd¬ ginaldus le nie de meme , puifqu’il n’excepte, comme De la restitution des Juges. 159 comme nous avons vu, le droit pofitif que par une fuppofition qui n’affirme rien: S’il y a, dic.il, me loi dims quelque cas particulier. Efcobar le nie encore plus formeliement dans les endroits qu’on a rapportez. Enfin Molina & Filiutius, qui excep- tent les cas oil il fe trouve une loi positive con- traire, ne laiflent pas d’affurer que ,meme en fup- pofant cette loi, un Juge n’eft point obliged £ ret tituer avant qu’il y foit condannd, fi la loi ne porte en propres termes qu’il y fera tenu, fans qu’il foit befoin d’attendre de condamnation.Nous avons rapportd le paiTage de Filiutius. Void ce- lui de Molina, qui eft encore plus clair. „ On difpute, dit.il, favoir ii en ne regardant „ que le droit naturel, un Juge qui a recu desprd- „ fens pour ces fortes de donation qui font vali- „ des, eftobligd, felon la loi naturelle, dans le „ for de la confcience a reftituer, fans qu’il (bit „ befoin qu’il intervienne un jugement qui l’y „ condamne; s’il fuffit, en un mot, pour etre s, obligd a reftituer, qu’il ait requ contre la ddfen- „ fe de la loi civile. Je fuis pour la negative. II fe fait enfuire cette objection: „ Le ferment que „ la loi fait preter aux Juges qu’ils ne recevront „ point de pr 6 fens, ne feroit done qu’un jeu? ,, Cela feroit vrai, rdpond-il, fi cette loi portoit „ que ceux qui ont requ des pr 6 fens feront obli- ,, gez A reftituer, fans qu’il foit befoin d’attendre „ de jugement. Cette rdponfe eft d’autant mieux „ fondee, que par la formule du ferment, on ,, promet de ne rien recevoir, & non pas de ne ti rienretenir. NOTl ido II. Note sur la VIII. LettrR, N O T E II. De Impudence des Jefuites qui etendent aux Homites Femmes , aux Ftiles , & aux Religieufes, ce que Ics Loix n'accordent qu’aux Preftituees. J E dois examiner ici la fixieme Impofture des J6- fuites, oil ils ddfendenc ouverteinent la do&rir ne honteufe de leurs Cafuiftes, qui permet aux filles & aux honnetes femmes de faire un trafic infame de leur pudicitd, & oil ils ne rougiflent pas d’afturer que cette dodtrine eft tires des Livres des Saints , & autorijee par tons les Jurifconjultes. Ce que je remarque d’abord, c’eft qu’il eft fort extraordinaire que les Jdfuites avouent eux-me- mes, comme ils font, que tout ce qu’on leur at- tribue ici eft vdritablement leur dodtrine, ils trai- tent ndanmoins cette attribution d 'impofture: ce qu’ils font, non feulement a l’dgard de ce point, mais encore a regard de plufieurs autres, fur let- quels ils avouent de mdme qu’on ne leur a point impofd. Je ne vois pas d’autre raifon qui les ait pu porter d en ufer ainfi, finon que jugeant bien qu’il leur dtoit impofllble d’avoir jamais 1’appro- bation des perfonnes dclairdes, ils n’dcrivent que pour les ignorans, qu’ils veulent dtourdir par ce grand nombre d’lmpofiures qu’ils reprochent a Montalte. Mais ft c’eft-Id un artifice de leur politique, je ne fai ft c’eft artifice ou ignorance que d’employer, comme ils font,tout ce chapitre d traiter unequef- tion dans laquelle Montalte n’eft point du tout entrd, & de ne rien dire de la doftrine qu’il re- prend dans leurs Cafuiftes. Car je prie l’Apologif- te de remarquer qu’il y a trois opinions diffdren- De la restitution des Juges. i (fi tes, meme parmi les Cafuittes , fur la queftion dont il s’agit. Quelques'uns croient qu’on ne peut rien rece- voir ldgitimement pour une action mauvaife, & que fi on a requ quelque chofe on eft obligd a le reftituer. D’autres, du nombre defquels font St. Thomas & St. Antonin, diftinguent entre les aftions mau- vaifes, & croient qu’on peut retenir ce qu’on a recU pour celles qui, quoique honteufes , font ndanmoinspermifes ou toldrdes par les loix, com* me eft le commerce criminel des femmes profti- tudes; mais qu’on eft obligd a reftituer ce qu’oii a refu pour les mauvaifes adtions que les loix pu- niffent, ou qui feint contre la juftice, comme eft , l’adultere, l’homicide, &c. Enfin les troifiemes (& e’eft le fentiment des Jdiuites) n’obligent point d reftituer ce qu’on a requ pour un crime de quelque nature qu’il foit. Montalte, qui n’avoit deffein dans fes Lettres, que de combattre les opinions des Cafuiftes qui dtoient manifeftement corrompues, n’a point vou- lu parler de la feconde des trois opinions que je viens de rapporter, qu’on rr’eft pas obligd abfo- lument a reftituer un gain l onteux, mais permis par les loix, tel qu’eft celui des femmes publiques & des comddiens. Il n’a repris que la troifieme * fur laquelle il fe voyoit appuyd de St Thomas, de St. Antonin, & de tous les Jurifconfultes; Il a done dvitd de dire en aucun endroit, que les fem¬ mes publiques fuflent obligdes d reftituer. Car en* core une fois il ne vouloit pas s’arreter a difputer fur des chofes douteufes, pendant qu’il avoit £ combattre tant de ddrdglemens manifeftes. Or qu’a fait l’Apologiftet II paffe fous filenee le gain des aduiteres, des homicides f des fenten- ces injuftes des auttes crimes contre la juftice* Tome II. L QK* i <5 2 II. Note sur la VIII. Lettre. qui eft le feul gain que Montalte prdtend qu’on doit reftituer, il fe jette fur le gain des femmes publiques, dont Montalte ne parie point. II cher- che de toutes parts des preuves pour appuyer I’o- pinion de ceux qui veulent qu’elles ne foient point obligdes a reftituer, & i! prouve en effet qu’il y a plufieurs Auteurs qui font de ce fenti- ment. Que peut-on dire apres cela a un homme qui s’emporte, qui crie a l’impofture, qui prend le ciel & la terre a tdmoin, qui charge les gens d’injures , & qui cependant ne fait pas ce qu’on lui objecte ? Que dire & un homme qui ignore une chofe aufli commune que l’eft, meme parmi les Cafuiftes, la difference extreme qu’il faut met* tre a cet dgard entre la condition des femmes pu¬ bliques , & celle des honnetes femmes ou des lilies. On a jugd a propos dans quelques villes d’y fouffrirdes femmes publiques, pour dviter de plus grands defordres. Ainfi quelque infame que foit cette profeffion, elle a ndanmoins trouvd fa place dans les Ripubliques, a caufe de cette utility. On l’a toldrde, parce qu’on la jugde ndceffaire en cer¬ tains lieux , pour empecher les hommes de fe porter a de plus grands crimes. Ce qui a fait dire a Saint Auguftin, que ft Ton faifoit mourir les fem¬ mes publiques, on donneroit lieu a de plus grands defordres. II dtoit done jufte qu’en laiftant la vie a ces fortes de perfonnes, on leur laiiTSt aufli le moyen de fubfifter. Le gain qu’elles font- n’eft done pas tant une recompenfe de leur crime , qu’un pr£fent que les loix leur accordent, a cau¬ fe de cette utilitd qu’on pretend qu’elles appor- tent au public. C’eft une amande a iaquelle la Rdpublique condamne les medians, & qu’elle a- juge 4 ces malheureufes, & non le falaire de leur com- De la restit. pour le crime. 163 commerce criminel, qui par lui-meme ne mdrite que le ch&timent. II n’en eft pas demdme des honnetes femmes, des filles, & des Religieufes. Les loix puniffent tres-feverement leur incontinence, bien loin de la tourer. On ne peut done rien conclure pour elles, de l’indulgence que les loix ont pour les femmes publiques. Quoi! parce que les loix, pour empecher qu’on n’attente a la chaftstd des fem¬ mes mariees, tolerent le gain des femmes publi¬ ques , on voudroit que ce qu’ime femme maride regoit pour un adultere, e’eft-a-dire pour le cri¬ me meme que les loix ont eu intention de prdve- nir en fouffrant les femmes publiques, fut auill un gain permis & ldgitime ? Une femme, felon les Auteurs de la feconde opinion , fait une adtion infame en fe prollituant: mais parce qu’elle eft proftitude, elle ne fait pas une adtion infame en recevant ce qu’on lui offre; e’eft-a-dire que I’in- famie de fa profeifion excufe la honte du gain qu’elle fait. Done, puisque la condition d’une honnete femme & d’une fille eft entierement dif- fdrente de celle des proftitudes, elles font une adtion infame, non feulement en fe laiflant cor- rompre, mais meme en recevant le prix de leur crime. Que les Jefuites n’abufent done plus de I’exem- ple des femmes publiques, pour ddfendre la doc¬ trine criminelle de leurs Cafuiftes. Qu’ils celfent de mettre a prix les adulteres, les homicides, &, ce qu’on ne peut dire fans horreur, la chafte- td meme des vierges confacrdes a Dieu. S’ils ont encore quelque pudeur, qu’ils rougitTent d’enten- dre cette dtrange ddcifion de Leffius (1), que Mon- talte a fagement fupprimde dcrivant en Frangois, & (1) l. 1, e. H. t, 73. L 2 164 II. Note sur la VIII. Lettke. & que j’6fe a peine rapporter en Latin. Quod ope- re malo efi acceptum, non eft reftituendicm , mfi forte quis putter communem eftimationem excejferh : ut fi merctrix qu& ufuram fui corporis conccdere folet uno aureo, ab aliquo juvene extorferit quhqungmta tan- qudm pretium. Hoc tamen non habet locum, in ed que putatur honefta : ut ft matrona aliqua , vel filia cen¬ tum aureos pro ufura corporis accipiat ab eo qui dare poterat , retinere poteft. Nam tanti et plukis potest suam FUDiciTiAM .ffisiiMARE. Resenim que certum pretium non babcnt, neque ad vitam J'mt nc- cejfaria , fed voluptatis causd quaruntur, arbitrio ven- ditoris poffunt eftimari Voiia , mes Peres, quelles font les maximes abominables de vos Auteurs. I!s eftiment plus les crimes, & proportion qu’ils font plus grands, & qu’iis mdritent de plus grands cMtimens. Et ils ne mettent point d’autre difference entre les pro- llitudes & les honnetes femmes, finon que celles- ci peuvent vendre plus cher leur infnmie, & fe rdferver pour des acheteurs pdcunieux, qui puif- fent en meme terns fatisfaire & leur paflion & leur avarice. Je pourrois citer ici un grand nombre de Ca- fuiites anciens. qui ont rejettd avec horreur une do&rine fi infame; mais j’ai cru qu’il n’dtoit pas ndceflaire de rdfuter par autoritd , des chofes qu’on ne peut entendre , fi l’on a queique pu- deur, fans en concevoir auifi-tdt de l’horreur & de l’indignation. Ainfi pour ramaffer en peu de mots toutce que j’ai dit fur ce fujet, j’ai dtabli comme autant de principes conftans, qu’on ne peut vendre les cri¬ mes , qu’on ne peut vendre i’impudicitd, ni l’in- juftice, ni 1’homicide: Que ces a£tions,& toutes les autres femblables, font au-deflous de toutprix, & ne mdritent que le chatiment: Que s’il n’eft pas De la kestit. pour l e CRIME. l6s pas permis de rien acheter avec de la faufFe mon- noie, il l’eft encore moins de rien acheter par des crimes: Que ce commerce ell ddfendu, non feulement par la loi politive, mais encore par la loi divine: Que fur cette queltionj il faut pren¬ dre le contre - pied de l’opinion des Cafuiltes: Qu’au lieu qu’ils prdtendent que ie gain qui vient du crime ell legitime & permis, s’il n’ell poinc ddfendu par les loix civiles , on doit croire au contraire que ce gain ell toujours illicite , a moins que ces m&nes loix ne le permettent, & que dans les rencontres oil elles le permettent, on ne peut le regarder que comme une rdcom- penfe non du crime , mais de l’utilitd qui fait toldrer de certains crimes, & comme un don qui vient moins de ceux qui achettent le crime, que de la Bipublique qui fe rachette par-la du dan¬ ger qu’elle craint qu’ils n’en commettent de plus grands. Je fouhaite meme qu’on entende ce que je dis ici , de maniere qu’on n’en infere pas que je difpenfe abfoiument les femmes publiques de ref- tituer. Car mon delfein n’ell pas de rien ddfinir fur cette queltion. Je fai qu’elle ell contellde entre les Cafuilles. En efFet il y a bien des cho- fes qui font permifes par les loix humaines, & qui ne Ie font pas felon la jutlice dtemelle. Com¬ me les loix humaines n’ont pour but que de main- tenir la Socidtd Civile, elles tolerent les crimes qui ne font pas oppofez au bien de cette Socidtd. Ainfi Pindulgence qu’elles ont pour les femmes publiques, n’ell pas une preuve certaine qu’elles puident en confcience retenir ce qu’elles ont ga- gnd par leurs crimes. Audi voyons-nous que celles que Dieu a reti¬ rees de leur vie fcandaleufe par une veritable con- verCon, comme ces pechereffes que leur pdn-i- L 3 tence 1 66 III. Note sur la VIII. Lettke. tence a rendues fi cdlebres dans l’Eglife , & que nous honorons comme des Saintes, ont regardd avec tant d’horreur les richeftesquidtoientleprix de leurs crimes, qu’eiles les ont meme jug6 in- dignes d’etre diflribudes aux pauvres, & dignes feulement d’etre jettdes au feu , pour etre rddui- tes en cendres. II eft prefque impoillble que rou¬ tes celles qui retourneront fincerement aDieu, n’entrent dans les memes fentimens, qu’eiles n’ayent de meme eri horreur routes ces marques de leurs dereglemens, & qu’elles n’y renoncent entieremenf. J’imiterai done fur cette queftion, & fur toutes les autres, Pexemple de Montalte. Je ne decide- rai point avec tdmdritd les chofes douteufes, & je m’attacherai uniquement a combattre les dd- regiemens qui font dvidens. NOTE III. DU CONTRACT MOHATRA. L ’Apologifte ddfend le Contrafl: Mohatra fans aucun ddtour,dans fa feptieme Impofture; & il accufe Montalte, ou d’ignorance, s’il n’a pas fgu que ce Contrafl: etoit approuvd par beaucoup de Cafuiftes; ou de prdfomtion, fi le fachant il n’a pas laifld de le condamner. Je rdpons en un mot h ce double reproche, qu’au lieu de Warner Montalte d’avoir ignord, ou d’avoir rneprifd le fentiment de ces Cafuiftes, on doit plutot le louer de ne s’etre pas meme mis en peine de ce que penfoient de femblables Auteurs. Car qu’importe ce que penfe un Bona- cina.un Pierre Navare, & quelques autres Ecri- vains inconnus comme lui dans l’Eglife , & cd- lebres Du CONTRACT MoHATRA. itf/ Jebres feulement parmi les Cafuiftes ; quand il eft vifible qu’une chofe repugne au bon fens, qu’elle eft oppose au fentiment des gens de bien, qu’eUe eft contraire enfin a toutes les notions de l’6quit£, je ne dis pas que la grace a impri¬ mis dans l’ame des Chretiens, mais meme que le pdchti n’a pu efFacer de l’efprit des Payens. Car je n’en appelle point id, comme a fait Montalte, au Parlement de Paris, qui a toujours puni feve- rement ces fortes d’abus. J’en appelle au juge- ment des Philofophes Payens, & non feuleihent des Philofophes, mais de tout homme du monde qui ne fera point prienu. Je luis a HurtS que le fens commun feul lui fera d’abord rejetter la vaine fubtilit6 que les Jdfuites ont inventi pour rendre le Contraft Mohatra permis. Mais il faut les convaincre eux- memes de l’injuftice de ce Contract. 11 eft certain que l’ufure eft ddfendue par les loix divines & humaines, c’eft-A-dire qu’il eft ddfendu qu’une perfonne qui reqoit de l’argenc comptant, s’oblige a rendre plus qu’on ne lui a prfiti car voila ce que tout le monde entend par l’ufure. Done il n’eft pas permis, ni de pre¬ fer de l’argent, ni d’en recevoir fous cette con¬ dition. Ainfi pour expliquer la chofe par un exemple , je fuppofe un jeune homme diauchd , & fans inquidtue'e pour l’avenir, qui cherche de l’argent a emprunter. S’il emprunte cent lou'is d’or, & qu’il faiTe une obligation de cent cinquante , il eft Evident que celui qui les lui prete, eft cer- tainement un ufurier. Les Cafuiftes eux-memes n’bferoient pas le nier quand ils le voudroient. Mais ft ce jeune homme qui veut avoir de l’ar¬ gent a quelque prix que ce foit, ne trouve per- ionne qui veuille lui en preter I cette condition, L 4 & j68 III. Note sur la VIII. Lettre. & que pour en avoir ii s’avife de l’exp£dient que propofe Efcobar: s’il va trouver un marchand, & qu’il achette de Iui a credit un cheval cent cinquante iouis d’or, & qu’il ie iui revende cent Iouis argent comptant, l’Apologifte pourra-t-il nier que dans ce cas, auffi bien que dans le pre¬ mier, ce jeune homme n’ait empruntd cet argent si ufure ? Ne s’eft-il pas obligd de rendre plus qu’il n’a requ comptant? N’eft ce pas en cela que confute i’ufure ? Et l’artifice de cette vente amaginaire.peut-il empecher qu’il n’y en ait dans ce traitd ? Vous me direz peut-etre qu’il eft vrai que ce jeune homme emprunte d ufure , mais que Ie marchand ng prete point a ufure en vendant fa marchandife a credit, & la rachetant argent comp¬ tant d un prix bien moindre. Comme s’il fe pou- voit faire que l’un empruntit a ufure, fans que 1’autre pretat d ufure? Comme ft Dieu ne voyoit pas que cet achat n’eft qu’un jeu & un artifice pour couvrir future? Car n’eft il pas Evident que le jeune homme n’a point d’autre but que de tirer de l’argent par ce moyen? Si done le marchand s’en apperqoit, & qu’il ne vende d’a- bord fes marchandifes que dans le deflein de les racheter, cette intention le rend dejd coupable d’ufure. Mais ft au contraire il ne s’apperqoit du deflein du jeune homme, que lorfqu’il lui fait la propofition de racheter fes marchandifes , & qu’il les rachette , alors il commet l’ufure. Car en confentant a ce marchd , il fait que ce jeune homme prend fon argent d ufure. Mais les Cafuiftes font admirables, quand ils demandent quel crime il y a a vendre des mar- chandifes, & quel crime il y a d en acheter?Com- xne ft on devoit ainfi traiter mdtaphyfiquement les ehbfes de Morale, & non pas les examiner avee routes DU CONTRACT MoHATRA, I<5p toutes leurs circonftances. Je demanderai de m§- me quel crime il y a a mettre la main dans une bourfe qui appartient A autrui, quel crime il y a A fermer la main , & enfin A s’enfuir ? Separez toutes ces adtions, elles feront innocentes: raf- femblez-les, elles fo^t un vol. De meme ce n’eft point un crime de vendre des marchandifes, ce n’en eft point un de les acheter: mais ft vous joignez ces deux chofes enfemble, en forte que le marchand donne cent louis A ce jeune homme, & en revive une obligation de cent cinquante; il eft auffi certain qu’il donne fon argent a ufure, qu’il 1’elt que le jeune homme 1’emprunte a ufure. Cela fait voir combien un des grands hommes de ce fiecle (c’eft Mr. le Fevre, Prdcepteur de Louis XIII.) avoit raifon d’appeller cette fcience des Jdfuites , l'art de chicaner avec Dieu: & combien la prudence des Magiftrats qui condamnent d’ufu- re tous les Contrafts Mohatra & Barata, eft plus fdvere, plus Equitable, & plus grave que cette nouvelle diale&ique qui titche en ddpit du bon fens de les exemter d’ufure. Car on ne peut en approfondir les vaines fubtiiltez, fans demeurer convaincu qu’en effet ces Contracts ne different de J’ufure , qu’en ce qu’ils y ajoutent la rufe, la fourberie , & un plus grand mdpris de la loi de Dieu, dont on fe joue en feignant de craindre de la violer. NOTE IV. D E L’USURE. I L fuffit d’avoir lu l’Apologie des Cafuiftes ,pour n’fitre point furpris que l’Apologifte des JSfui- L 5 tes 170 IV. Note sue la VIII. Lettre. tes ait pris le parti de d^fendre, commeil a fait* le Contra# Mohatra. Car le feul mal de ce Con¬ tra# eft i’ufure. Or I’Auteur de cette premiere Apologie dte tellement l’ufure de toutes fortes de traicez , que je ne fai p!us oil elie peut fe ten- contrer. Car il approuve ouvertement qu’on reti¬ re un intdrdt cettain d’argent, dont on n’aliene point le fond. 11 diude par de mauvaifes diftinc- tions les Canons des Conciles, & les Ordonnan- ces des Princes qui la condamnent. II enfeigne enfin que ces loix n’ont tPd faites que contre les ufures dnormes des Juifs, lefquelles dtoient con¬ tre le droit naturel & divin, & non pas contre les ufures qui fe pratiquent parmi nous, & par lefquelles on retire un honnete profit d’un fond qui n’eft pas alidnd. D'oii il conclut que la fin de !a loi celfafit , on n’tfi; plus obligd de l’ob- ferver. Si les Magiftrats & les Eveques fouffrent une pareille licence, je ne vois pas de quel ufage peu- vent etre les Loix & les Canons. Car pourquoi ne fera-t-il pas libre a un chacun, pour fe difpenfer de les obferver,de dire, & l’exemple desjdfuites, que la fin de ces loix a cefiti, & qu’ainfi on n’eft pas ob'igd de les garder. Mais peuc-etre r^futerai- je ailleurs une maximefi pernicieufe, ou qued’au- tres entreprendront de le faire. Je n’ai pas deffein de relever ici toutes les erreurs qui font r£pan- dues dans ce Livre. Je ne puis n£anmoins rn’em- pecher de faire remarquer en pafiant I’/gnorance & la tdm#itd inligne de cet Auteur, qui a la har- dielfe d’affurer ( 1 ) que nous n’avons point de Canons, ce font fes propres terrnes , avant Alexandre 111. ( 2 ), qui defendent les prdts fimples avec interet aux perfumes laiqucs , quoique ce foit une chofe no- toire (1) fag. n5. (i) nun [an iisi. D E l’ U S U R E. 171 toire que les prets ufuraires ont toujours dtd de¬ fend as dans l’Eglife, comme ii paroit par un grand nombre de Canons , ou de Decrets que je vai citer, & qui tous ont dtd faits long-tems avant Alexandre III. On peut voir fur ce fujet le premier Concile de Carthage tenu en 348. fousGracusEvequede cet- te ville c. 13. &lelV. tenu en 398 .can. 67.1aLet- tre de St. Lion aux Eveques de la Campanie cap. 3. le Concile de Chalechut en Angleterre tenu en 787. c. 17. celui d’Aix-la-Cbapelle en 789. can. 5. celui de Paris en 829. c. 53 celui de Meaux en 845. can. celui de Pavie en 850. c. 21. le III. de Valence en 855. c. xo. les Capituies d'Hdralde, Archeveque de Tours, de Pan 858. c. 5. la Con- Ilitution de Riculfe Eveque de Soiffons de Pan 889. c. 17. le Concile de Troili au Diocefe de Soiffons en 909. c. ij. A quoi on peut ajouter le Pdnitenciel Romain, qui eft beaucoup plus ancien qu’Alexandre III. „ Si quelqu’un, dit-il, prete d 5 , ufure, il commet une rapine. Ainfi quiconque „ aura exigd des ufures, fera foumis d la pdni- „ tence durant trois ans, dont il en paffera un „ au pain & a l’eau. Mais l’Apologifte n’a rien perdu d’ignorer ces Canons. Quand ils lui auroient dtd connus, il n’auroic pas changd pour cela de fentiment. Car ce principe qu’il dtablit pag. 116. Que Jes Canons ne change it pat la nature des chofes , & ne font pas que ce qui n’efi pas ufure pris en foi & felon fa nature, le devienne apres qu’ilefi defendu :ce principe, dis-je, eft un moyen fur pour eluder fans peine toutes les ddfenfes que les Conciles ont faites jufqu’a prSfent, & qu’ils pourront faire dans la fuite. NOTE. 172 Note sur une These NOTE. Sur une Theft foutewue a Louvain le 14. Novcm- brt 1699. O N avoit eu defTein de relever par une Note un peu ^tendue, la maniere injurieufe dont une Thefe qui a paru pendant qu’on imprimoit ce premier volume, parle deWendrock. On 6toit bien aflur6 que cette addition n’auroit pas dt6 def- approuvde par l’Auteur de cette Tradu&ion. Mais on a fait reflexion qu’une Thefe auili inconnue & au(G m^prifable, ne mifritoit pas qu ? on fe donn&t cette peine, & qu’il fuffifoit pour la rSfuter, d’en faire un extrait, & de le comparer avec quelques endroits des Notes de Wendrock. Cette Thefe fut foutenue a Louvain le 14. de Novembre dernier,par un nomm£ Jerome Stevart de Bruflelle; & le fameux Mr. Stefaert, feul capa¬ ble de cesexces .en droit lePrdfident. Elle a pour titre: (1) Queftion theologique de hi bonte & de la malice des aHions humaines, & elle eit divide en trois conclufions. Mr. Steyaert & fon difciple ex- pliquent dans la troifieme le bon & le mauvais uiage des opinions probables. Ils rejettent d’abord (i) ces trois maximes des Probabilities, comme con- fi) De honitate &• malitia probabilioris tutioris. z. Licet ttBuum humanorum Quajlio fequi fententiam minus proba - Tbeoloeica. bilem minits tut am , in cpn* (z XJt ergo hlc noxia ab curfu aqub probabilis tutioris. innoxiis fecernamus , [equtntia 3. Licet fequi fententiam pro - rejtcimus. Primd licet fequi babiliorem minits tutam , in fententiam minits probabilem , concurfu minits probabilis ma~ S' minits tutam in etneurfu gis tufa ; quas imnes pfeatlo- maximat SOUTENUE A LOUVAIN. I73 eiondamndes par InnocentXI. „ La premiere : Qu'il „ efi permis de fuivre me opinion moms probable & meins „ Jure, en laijfant celle qui eft & plus probable & plus „ jure. La feconde: Que de deux opinions egalement „ probables , il eft perms tie fuivre la moins Jure. Et la „ troifieme: Que de deux opinions dont t’une eft plus „ probable mms moins fure, & l’autre moins proba- „ Me mats plus Jure, il ejl permis de fuivre la pre- „ miere en laijfant la derniere Ils demandent enfuite ce qu’il faut penfer de 1’opinion la plus probable, comparee avec celles qui font implement proba¬ bles. Et apres avoir remarqud, fans qu’on puifle voir la ndceffitd de cette retnarque, que le fend* ment de ceux qui croient, Qu'il n'cft permis da fuivre me opinion probable que dans certains cas , c'eft- d-dire lorfque c'cjl le parti le plus Jur , on que Ion eft maximas per 3. inter lr.no- tamen non terminum fibi fixil centianas fujftcienter enervatas fcriptoris hujus audacia , & put emus Sed quid de opinione novaturiendi Libido ; fed ed uf- vel inter probabiles probabi - que prorupit, ui nullum pro - lijjimd't R. Cenfuram Alexan- habile falfam, & d lege Ater- dri Vlll. non effugit fenlenlia nd dijcardans d peccato excu - diccntium tanlkm licere Jequi fari 'ajjeruerit ; eifi tails fal- probabilem , ft huic accedat fitas , &> cum lev Aterni tutioritas , vel necejfitas , vel contrarietas invincibiliter igno- Ji ilia verfetur injure pofiti■ returtinhocfeflntusjanfenium , vo. Nos autem candide Omni & quod in homine Catkolico fuco abflerfo refpsndemus , li tolerarinonpoteft, [leterodoxo- cire inter omnes prohabiles rum Coryphaum infamem Lu- probabilijimamfequi, in quo- tberum , qui c. 12. in Gen m cunijue tandem jure earn ver- h&c ejfutit Scholaftic: dicunt fari cor.tineat. Quomedd au ignorantiam ir.vincibilem tern hoc confijlat cum princi■ reddere excufabiles ; tanta piif fcholA hujus de ignoran- eft caccitas in Papa; Schoiis lies juris naturA , facile expe- & Ecclefiis. jE lulffime proln- diemus. Meriil proinde explo- de Alexander Nllt. cenfuravit denda VV’endrochii Jententia 2. inter 31. S' petulantium pru- qua babel, numquam licere rientiumque horum ingeniorum uli epinisnt probabili^ Htq ajltsm iqmpefmt , 6“ ftdaviU 174 - Note sur une These efi dans la necejjtie d'agir, ou enfin qu'il efi queftiort du droit pofitif & non du droit nafurel, ne pcut eviter la CenJ'ure d’Alexandre VIII. Ils rdpondent d’un ton de maitre, & d’une maniere gdndrale & abfo- lue: „ Qu’il eft permis de fuivre 1’opinion la plus „ probable, de quelque droit qu’il foit queftion. „ Nos autem candide, omni fuco abfierfo , refpon- „ demus, £Pc. A quoi ils ajoutent ce qui fuit contre Wen- drock. t , On doit par conldquent, continuent- „ ils, rejetter le fentiment deWendrock, qui „ foutient qu’il n’eft jamais permis de fe fervir „ d’une opinion probable. Mais la tdmdritd de „ cet Ecrivain, & fon amour defordonnd pour les „ nouveautez, ne s’eft pas arretd-la. II eft a!16 „ jufqu’a lui faire avancer, que ce qui fe fait fui- ,, vant une opinion probable telle qu’elle foit, „ quand elle eft faulfe & contraire a la loi dter- „ nelle, n’eft point excufd de pdchd, quoiqu’on ,, en ignore invinciblementlafaufletd, & l’oppoii- „ tion qu’elle a avec la loi dternelle': ayant fuivi „ en cela Janfdnius, & ce qui ne peut fe fouflrir „ dans un Auteur Catholique, le Coryphde me- „ me des Hdrdtiques, l’infame Luther, qui dans „ le ch. 12 . fur la Genefe s’exprime dans ces ter- ,, mes infolens: Les Scholaftiques difent que I’igno- „ ranee invincible rend excufables: tant il y a d’avcu* » glement dans les Ecoles, & dans les Eglifes du Pape. „ Ainfi e’eft avec juftice qu’Alexandre VIII. a ,, cenfurd la feconde des 3 r. propofidons, & a „ retenu & appaifd par-ia la fougue de cesEfprits „ pdtulans & brouillons, &c. II n’eft pas ndeeflaire de rien rdpondre aux injures que les Auteurs de la Thefe repandent contre Wendrock, avec une hardiefle qui n’eft: propre qu’a la calomnie. On eft perfuade que ces fortes d’invectives ne feront jamais de tort it la Soutenue a Louvain. 175 3 la reputation que cet illuffcre Thio'ogien s’efl: acquife dans l’Egiife par fa piiti & par fes Ecrits. On ne croit pas non plus qu’il foit nicefiaire de rifuter le fentiment qu’its itablifienc fur les opinions probables. La Diflertation qui eft a la fin de la V. Lettre ic'aircic fi bien cette madere, qu’apres qu’on l’aura itudiie, il n’y a point de difficult^ qu’on ne foit en itat de refoudre de foi- mime. On peut feuiement, fans entrer dans le fond, faire remarquer en paifant la contradiction grofllere oil ils font tombez On a vu qu’ils rejet- tent d’abord aveclePape Innocent XI. le fentiment de ceux qui veulent qu’il foit permis de fuivre une opinion plus probable , mats moms Jure , en laijfant telle qui eft mains probable , mats plus fare. Or il ne faut que des yeux pour voir que qintre li- gnes plus bas , ils itabiiflent deux fois comme veritable ce mime fentiment qu’ils ont rejetti. Car 1. ils regardent comme une erreur cenfurie par Alexandre VIII. Ie fentimert de ceux qui di- fent, qu’il n’efi permis de faivre une opinion que lorf- qu'ellc eft aufft la plus fare , &c. e’eft-d-dire qui di- lent le contraire de ce qu’lnnocent XI. a condamni. 2, Ils l’itabliffeht encore plus poiitivement, lorf- qu’ils enfeignent generalement & fans aucune ref- tridtion, Qu’il eft permis de faivre I’opinion la plus probable entre les probables. Car etant clair qu’une opinion n’efl dite plus probable, ou la plus probable que par comparaifon; & qu’ainfi la meme opinion peut itre en mime terns & plus probable, & la plus probable, probabilior & probabUiJfma: plus probable, fi on la compare feuiement avec une opinion moins probable : la plus probable , fi on la compare avec deux ou plufieurs opinions moins probables: il s’enfuit que s’il eft permis ginirale- ment de fuivre l’opioion la plus probable , il eft aufll permis giniralement de fuivre I’opinipn plus proba¬ ble,. 176 Note sur une These Me , quand mdtne elle ne feroit pas la plus fure* On ne veut point encore relever d’autres fen- timens plus dangereux,qui fe trouvent dans cette Thefe: comme eft par exemple cette proposition* qu’on nepeut rapporter fans rougir: (1) II y tides cas ou un bomme qui croit qu'il hi eft commande it commettre la fornicatun pechermt plus grievement m omettant centre fa confcience de la commettre ; que s’il la commettoit en effet centre la defenfe de la loi , eit croyant que cela hi efl perms: on le bien. Comment, mon Pere, & n’eft ce pas-la un menfonge, & mEme un parjure? Non, dit le PEre. Sanchez le prouve au mEme lieu, & notre P. Filiutius auifi tr. 25. c. 11. n. 331. parce, dit-il, que c’eft Vintention qui regie la qualite de I'adtion. Et il y donne encore n. 328. un autre moyen plus ffir d’e- viter le menfonge. C’eft qu’apres avoir dit tout haut, Je jure que je n'ai point fait cela , on ajoute tout bas, aujourd’bui:ou qu’apres avoir dit tout haut, je jure, on dife tout bas, que je dis, & que Ton continue enfui- te tout haut, que je n’ai point fait cela. Vous voyez bien que c’eft dire la vEritE. Je l’avoue, lui dis-je; mais nous trouverions peut-Etre que c’eft: dire la vEritE tout bas, & un menfonge tout haut: outre que je craindrois que bien des gens n’eftflent pas gfiez de prEfence d’efprit pour fe fervir de N 3 ces 198 IX. L E T T K E. ces methodes. Nos Peres, dir-il, ont cn* feignd au meme lieu, en faveur de ceux qui ne fauroiect pas ui'er de ces reftvi&ions, qu’il leur fuffit pour ne poinc mentir, de dire (implement qu’ils n’ont point fait ce qu’ils ont fait, pourvu qu’ils ayent en gene¬ ral I'intention de dormer d leurs difcours le fens qu’un habile bomriie y donneroit. Ditesla verite, il vous eft arrive bien des fois d’dtre embarrafle manque de cette con- noiffance? Quelquefois, lui dis-je. Et n’a- voudrez-vous pas de mdme, continua-t-il, qu’il feroit' fouvent bien commode d’dtre difpenfd en confcience de tenir de certai- nes paroles qu’on donne ? Ce feroit , lui dis je, moil Pere, la plus grande commo- died du monde! Ecoutez done Efcobar au tr. 3. ex. 3. n. 48. oh il donne cette regie generate. Lespromeffes n’obligentpoint , quand on n’a point intention de s’obliges en les fai- fant. Or il riarrive gu'eres qu’on ait cette in■ tention, d moins qu'on ne les confirme par fer¬ ment, ou par cmtraSl: de forte que quand on dit Jimplement, je le ferai, on entend qu’on le fera Ji, Von ne change de volonte; car on ne veut pas fe priver par-Id de fa liberte. Il en donne d’autres, que vous y pouvez voir vous-mdme; & il dit a la fin, que tout cela eft pris de Molina, & de nos autres rfuteurs: Omnia ex Molina, & aliis: & ainfi on n’en peut pas douter. O mon Pdre ! lui dis-je, je ne favois pas que la diredlion d’intention efit la force de xendre les promeffes nulles. Vous voyez, dit De la Chastete’ 199 die le Pdre, que voila une grande facility pour le commerce du monde. Mais ce qui nous a donne le plus de peine, a ece de regler les converfations entre les hommes & les femmes; car nos P&res font plus rb- fervez fur ce qui regarde la Chaftece. Ce n’eft pas qu’ils ne traitent des queftions af- fez curieufes, & aifez indulgences, & prin- cipalement pour les perfonnes mariees,ou fiancees. J’apris fur cela les queitions les plus extraordinaires qu’on puiffe s’imagi- ner. II m’en donna dequoi remplir pluiieurs Lettres: mais je ne veux pas feulemenc en inarquer les cications, parce que vous fai- tes voir mes Lettres a toutes fortes de per¬ fonnes, &jene voudrois pas donner I’oc- cafion de cette ledture a ceux qui n’y cher- cheroient que leur diverciflement. Le feule chofe que je puis vous inarquer de ce qu’il me montra dans leurs Livres > mbme Franqois , eft ce que vous pouvez voir dans la Somme des Pdchez du P. Bauny p. 165. de certaines petites privautez qu’il y explique, pourvu qu’on dirige bien fon intention , cofnme a pajjer pour galand : & vous ferez furpris d’y trouver p. 148. un principe de Morale touchant le pouvoir qu’il dit que les filles ont de difpofer de leur virgiflite fans leurs parens; voici fes termes, Qiiand cela fe fait du confentement de la jille , quoique le p&re ait fujet de s'en plaindre, ce n'ejl pas neanmoinr que ladite file , ou celui d qui elle s’eji proftitue’e , lui ayent fait aucun tort , ou viole pour fon egard N 4 la ioo IX. Let the. lajujlice: car la fille ejl en poffejjion de fa mrginite, aujfi-bien que de fon corps\ elle en pent fairs ce que bon lui femble, a I'exclufion de la mart, ou du retrancbement de J'es mem- Ires. Jugez par-la du refie, Je me fouvins fur cela d’un paffage d’un Poete Payen ,qui a meilleur Caluifte que ces Phres; puif- qu’il a dit que la mrginite d’une file ne lui appartient pas toute entiere ; qu’une pariie ap- partient au pere , £? I’autre d la mere , fans lefquels elles n’en peut di/pofer meme pour le manage. Et je doute qu’il y ait aucun Juge qui ne prenne pourune loi,le contraire de cette maxime du P. Bauny. Voila tout ce que je puis dire de tout ce que j’entendis, & qui dura 11 long-tems,aue je fus oblige deprierenfinlePere de chan¬ ger de matiere. II le fit, & m’entretint de leurs reglemens pour les habits des femmes en cette forte. Nous ne parlerons point, dit-il, de celles quiauroient 1’intention im¬ pure; mais pour les autres Efcobar dit au tr. i. ex 8. n. 5. Si on fe pare fans mauvai- Je intention , mais feulement pour fatisfaire I'inclination naturelle qu'on a a la vunite , Ob naturalem fafius inclinationem, ou ce n’eji qu’un pechd veniel , ou ce n'ejt point piebi du tout. Et le P. Bauny en fa Somme des Pcchez c. 46. p, 10P4. dit, que bien que la femme edt connoiffance du mauvais effet que fa diligence a, fe purer opereroit fj 5 au corps & en fame de ceux qui la contempleroient ornee de riches £? precieux habits , quelle ne peebe- roitpas neanmoins en s'en fervant. Et il cite ' ■ , entr’au- Du Luxe des Femmes, sor entr’autres notre P. Sanchez pour dtre du Indme avis. Mais, mon Pere, que repondent done vos Auteurs aux paflages de l’Ecriture, qui parlenc avec tant de vdhbmence contre les moindres chofes de cette forte P Leffius, dit le Pere , y a doftement fatisfait, de juft. 1. 4. c. 4. "d. 14. n; 114. en difant: Que ces pajfages del’Ecriture n'etoient des precept es qu'd I’egard des femme: de ce terns-Id, pour donner par leur modejlie un exemple d’edifica¬ tion aux Payens. Et d’011 a-t-il pris cela, mon Pere ?Ii n’importe pas d’oiiil l’ait pris; il fuffit que les fendmens de ces grands hommes-la font toujours probables d’eux- mdmes. Mais le P. le Moyne a apportd une moderation & cette permiftion gendrale ; car il ne le veut point du tout fouffrir aux vieilles: e’eft dans fa Devotion Aifee, & entr’autres p. 127. 157. 163. La jeuneffe, dit-il, pent itre paree de droit naturel. 11 pent etre permis de fe purer e'n un age qui ejt la fieur IS la verdure des ans. Mais il en faut demeurer-ld: le contre-terns feroit etrange de cbercber des rofes fur la neige. Ce n'ejl qu’aux etoiles qu'il appartient d’etre toujours au bal ; paree qu'elles ont le don de jeuneffe perpituel- le. Le meilleur done en ce point feroit de prendre confeil de la raifon , fiP d'un bon mi- roir ; de fe rendre d la bienfeance & d la nicejfiU \ & de fe retirer quand la nuit ap¬ prove. Cela eft: toUt-a-fait judicieux, lui dis-je. Mais, continua-t-il, afin que vous yoyiez combien nos Peres ont eu foin ad N 5 tout. 202' IX. L E T T S E. tout, je vous dirai que donnant permiffion aux femmes de jouer, & voyant que cecte permiffion leur feroit fouvenc inutile, fi on ne leur donnoit auffi le moyen d’avoir de* quoi jouer, ils ont btabli une autre maxi- me en leur faveur, qui i’e voit dans Efcobar au chap, du Larcin tr. i. n. 13. Une fem¬ me, dit-il, pent jouer, £? prendre pour cela de ['argent d fon mari. En verite, mon Pere, cela eft bien ache- vb. 11 y a bien d’autres chofes nbanmoins, die le Pere: mais il faut les laifler pour par- ler des maximes plus importantes, qui fa- cilitent l’ufage des chofes faintes, comme par exemple, la maniere d’affifter h la Mef- fe. Nos grands Thbologiens, Galpar Hur¬ tado de Sacr. t. 2. d. 5. dift. 2. & Coninch. q.83. a. 6. n. 197. ont enfeignb fur ce fujet, Qit'il fuffit d'etre prefent a la MeJJe de corps , quoiqu'on foit abfent d’efprit; pourvu qu'on denuure dans une contenance refpedtueufe ex * terieurement. Et Vafquez pafle plus avant: car il dit, Qti'on fatisfait au precepte d'ouir la Mejje, encore mme qu'on ait l'intention de 11’cn rien faire. Tout'cela eft auffi dans Ef¬ cobar tr. 1. ex. 1 1. num. 74. & 107. & en¬ core au tr. 1. ex. 1. n. 116. oh il Pexpiique par l’exemple de ceux qu’on mene a la Mcfle par force, & qui ont l’intention ex- preffe de ne la point entendre. Vraiment, lui dis-je , je ne le croirois jamais, fi un autre me le difoit. En effet, dit-il, cela a quelque befoin de l’autoritb de ces grands homines; auffibien que ce que dit Efcobar, aii De la Messe. 203 au tr. 1. ex. 11. n. 31. Qii'une mechante in¬ tention., comine de regarder des femmes avec un defir impur, jointe a celle d’onir la Mejje comme il faitt, n’empicbe pas qu’on n'y Ja- tisfajje: Nec obeft alia prava intentio* ut afpiciendi libidinose focminas. Mais on trouve encore une chofe com¬ mode dans notre favant Turrianus, SeledL p. 2. d. 1 6. dub. 7. Qu’on pent ou'ir la moitie d’nne Mejje d’un Pretre, Iff enfuite nne au¬ tre moitie d’un autre ; &? mime qu’on peut ouir d’abord la fin de I’une , ff enfuite le commencement d’une autre. Et je vous dirai de plus-qu’on a permis encore d’ou'ir deux moitiez de Mejje en mime terns de deux diffe¬ rent Pretres, lorfque I’un commence la Mejje, quand P autre en ejl a Velevation ; parce qu’on pent avoir Vattention a ces deux cdtez d la fois , ff que deux moitiez de Mejje font une Mejje entiire: Duae medietates unamMiffam conllituunt. C’eft ce qu’ont dbcide nos Pe¬ res Bauny tr. 6 . q. 9. p. 312 Hurtado de Sacr. t. 2. de Miffd d. 5. d;ff. 4. Azorius p. I. 1. 7. cap. 3. q. 3. Efcobar tr. 1. ex. ir. n. 73. dans le chap, de la Pratique pour ouir la Mejje felon notre Sociiti. Et vous verrez les confdquences qu’il en tire dans ce md- meLivre des Editions deLyon, desannees 1644. & 1645. en ces termes. De-Id je conclus que vous pouvez ouir la Mejje en tres-peu de terns: fi par exemple vous ren- contrez quatre Mejfes d la fois qui foient tel- lement ajforties, que quand I’une commence, l’autre foit d VEvangile , une autre d la conje- cration t 204 IX. L E T T R E. cration, Es 5 la derniere d la communion. Cer- tainement, mon Pere, on entendra JaMef- fe dans Notre-Dame en un inftant par ce moyen. Vous voyez done, dit-il, qu’on ne pouvoit pas mieux faire pour faciliter la maniere d’oui'r la MefTe. Mais je veux vous faire voir maintenant comment on a adouci l’ufage des Sacre- mens, & fur-tout de celui de la Penitence; car c’eft-la of vous verrez la derniere be- nignitb de la conduite de nos Peres: & vous admirerez que la devotion qui dton- noit tout le monde , ait pu dtre traitde par nos Peres avec une telle prudence, qu’ayant abbatu cet epouvantail que les demons avoient mis a fa forte , ils l’ayent rendue plus faci¬ le que le vice , plus aifee que la volupte; en forte que le Jimple vivre eft incomparablement plus malaife que le bien vivre, pour ufer des cermes du P. le Moyne p. 244 & 291. de fa Ddvotion Aifde. N’eft-ce pas-la un merveil- leux changement? En vdritd , lui dis-je, monPbre, je ne puis m’empecher de vous dire ma penfde. Je crains que vous ne pre- niez ma! vos mefures, & que cette indul¬ gence ne foit capable de choquer plus de monde que d’en attirer. Car la Mefle par exemple, efl une chofe fi grande & fi fain- te, qu’il fuffiroit pour faire perdre ^ vos Auteurs toute crdance dans 1’efprit de plu- lieurs perfonnes, de leur montrer de quelle maniere ils en parlent. Cela eft bien vrai, dit le Pere, 4 l’bgard de certaines gens: mais ns favez-vous pas que nous nous ac- * ’' com- De la devotion a la Vierge, 205 Commodons ii toute forte de perfonnes? II femble que vous ayez perdu la memoire de cc que je vous ai dit fi fouvent fur ce fujet. le veux done vous en entretenir la premie¬ re fois a loifir, en differant pour cela no- tre entretien des adoucifiemens de la Con- feffion. Je vous le ferai fi bien entendre, que vous ne l’oublidrez jamais. Nous nous feparames la-deflus; &' ainfi je m’imagine que notre premiere converfation fera de leur Politique. Je fuis, &c. NOTE PREMIERE. SUR LA NEUVIEME LETTRE. Od Von difiingue la male devotion a la Saints Vierge , de la devotion faujj'e £? mal reglee. I L n’y a rien dont les Jdfuites ayent accufd Mon- talte avec plus d’animofitd, que d’avoir tour¬ ed en ridicule la ddvotion envers la Sainte Vier¬ ge. Leur Apologise & celui des Cafuiftes rebat- tent cette caiomnie en cent endroits. Et ce der¬ nier va jufqu ’4 cet exces d’emportement, que d’exciter par cette raifon le peuple k prendre les armes pour rdduire le Monaltere de Port-Royal en cendres. Je rapporterai dans la fuite le paffage entier, avec les autres calomnies de cet Auteur. Ce que je repons au reproche que les Jdfuites font ici & Montalte, c’eil que rien n’eft plus ca¬ pable que ces clameurs, de convaincre toutes les perlonnes dclairdes que les jefuites ne fe mettent point 2d 6 I. Note sur la IX. Lettre. point en peine de violer toutes les regies de ia v6ritd & de la fincdritd, pourvu qu’ils iatisfafient leur haine & ieur m£difance. Car qui a jamais parld plus religieufement & plus fagement que Montalte, fur la devotion envers la Sainte Vier- ge? Et qui pourra deformais etre a couvert de la caiomnie des Jdfuites, s’ils lui font un crime de ce paflage, qui eft le feul endroit oil il ait mar- qud fes fentimens fur cette matiere? „ Je fai, dit-il dans fa neuvieme Lettre, que „ les devotions a la ViergefontunpuilTant moyen „ pour le falut ; & que les moindres font d’un „ grand mdrite, quand elles partent d’un mouve- „ ment de foi& de charitd, comme dans les Saints „ qui les ont pratiqudes: mais de faire accroire a „ ceux qui en ufent fans changer leur mauvaife „ vie, qu’ils fe convertiront a la mort, ou que „ Dieu les relfufcitera, c’eft ce que je trouve bien „ plus propre a entretenir les pdcheurs dans les „ defordres, par la faulfe paix que cette confiance „ temdraire apporte , qu’a les en retirer par une „ veritable converlion, que la grace feule peut „ produire. II n’eft plus queftion, mes Peres, de faire du bruit & d’impofer des crimes, fans en apporter la moindre preuve. Rdpondez, marquez d’une ma- niere claire & precife ce que vous trouvez a re- prendre dans ce paifage de Montalte. Et j’efpere de ddmontrer que votre cenfure ne fera pas feu- lement tdmdraire, mais encore pleine d’erreur. Mais pourquoi vous faire eXpliquer ? Votre accufation gdndrale ne fait-elle pas alTez eonnoi- tre ce que vous prdtendez , & en quelle erreur vous etes V Car fans-doute vous ne reprenez pas Montalte, de ce qu’il loue la veritable devotion envers la Sainte Vierge. De quoi le reprenez- vous done, ft ce n’eft de ce qu’il condamne Ia • ’ I coii- De la devotion a la Vierge. 207 confiance t6mdraire qu’on fonde fur cette devo¬ tion , & de ce qu’il combat ceux qui fans penfer a changer de vie fe flattent qu’ils feront fauvez , pourvu qu’ils ne manquent point a de certaines pratiques extdrieures de devotion envers la Sain- te Vierge? Cette devotion qu’on ne peut condamner fans impiete. felon les Jefuites, n’eft done autre chofe que cette aflurance du falut qu’on donne a ceux qui rdcitent quelques prieres en i’honneur de la Sainte Vierge, q'uoiqu’ils demeurent toujours dans les memes crimes & dans les memes habitu¬ des de pdche. Si c’eft-M le crime dont ils accufent Montalte, il ne le defavoue pas, il s’en glorifie: & pour moi, non feulement j’avoue avec lui que j’en fuis cou- pable, mais je me fers de cette accufation rndme pour les accuier a mon tour: le reproche qu’ils font a Montalte, etant un aveu qu’ils approuvent les erreurs qu’il a reprifes dans leurs Cafuilles. On fait les abus qui fe font introduits dans la devotion a la Sainte Vierge. Il eft arrivd d cet £gard ce que nous voyons arriver tons les jours a l’dgard des autres vertus. Le Ddmon fubftitue en leur place de certains vices qui y ont rapport. Il les couvre des apparences de la vertu. Il attire les hommes par ces dehors fp^cieux, & les trom- pe par la faufle fdcuritd, oh cette vaine image du bien les entretient. Il a de meme fubftitud au lieu de la vraie ddvotion envers la Sainte Vierge, le fantbme d’une ddvotion hypocrite, par laquelie il teduit une infinite de gens qui prennent l’ombre pour la vdrit£ mdme. C’eft avec raifon que les Catholiques regardent la Ste. Vierge, comme un modele parfait detoutes les vertus. C’eft avec raifon qu’ils honorent en elle la plenitude de graces dont Dieu I’a com- 1 bl£e, 2og I. Note sur la IX. Lettre. bide, qu'ils ont recoiirs d elle dans leurs befoinsy & qu’ils plaignent la folie des Hdrdtiques, qui fe privent eux-memes, & qui veulent priver l’£- glife d’un ft puillant fecours. L’interceilkm de Marie eft utile aux innocens, & falutaire aux pd- nitens. II eft jufte que nous nous adreffions a elle pour avoir acces aupres de fon Fils, puifque c’eft par elle que ce mSme Fils nous a dtd donnd. II n’y a rien d’outrd dans les louanges qu’une pidtd tendre, rnais eclairde, lui a fait donner par Saint Cyrille, par Saint Jean de Damas, par Saint Ber¬ nard , & par tous les Saints qui les ont l'uivis. Enfin il y auroit non feulement de la foibleffe d’efprit , mais aufli de la tdmdritd & de la prd- fomption, a rejetter ou a condamner les pratiques extdrieures de devotion dtab lies en fon honneur & regues dans I’Kglife, foit qu’elles conftftent en des prieres qu’on rdpete un certain nombre de fois, ou en d’autres exercices femblables. C’eft pourquoi rien n’eft plus ridicule aux He- rdtiques que de s’emporter contre ces fortes de pratiques, qui font bonnes en elles-memes, & qui font faintes & agrdables A Dieu, lorfqu’elles naiffent de la charitd; comme ft c’dtoient les plus grands abus du inonde; comme ft elles n’avoient pas dtd en ufage des les premiers fiecles de I’E- glife ; & enfin comme ii ce n’dtoit pas une chofe tres-convenable A la nature de l’homme, qui eft compofd d’un corps & d’une ame, que de lui laif- fer tdmoigner par des adtions exterieures la pidtd qu’il a dans le cceur, & de lui prefcrire mdme des pratiques qui reglent ces aflions extdrieures , & raniment fa pidtd intdrieure. Le culte de la Sainte Vierge eft done faint; les pratiques de ddvotion par iefquelles on l’ho- nore, font faintes; & la confiance de fon inter- ceflion n’eft point vaine, mais tres-jufte & tres- falutaire. £)e la devotion a la Vierge. 209 falutaire. N6anmoins cette devotion, cette con- fiance, cette pi6t4, quand el!e eft veritable, eft toujouis accompagnee de certaines vertus qui la diftinguent de cette faulfe devotion dont nous avons parl<5, qui t4che de contrefaire ia veritable. Le premier caraft&re de la vraie ddvotion, eft de ne point confondre le culte qui eft du a la Sainte Vierge,avec ceiui qui eft du 4 Dieu. 11 n’y a point de Catholique, s’il n’eft tout-a-fait Am¬ ple & groffier, qui ignore combien le culte qu’ori rend a la Sainte Vierge, eft different de l’adora- tion fupreme que nous devons a Dieu. Cepen-t dant il fe trouve beaucoup d’Auteurs qui fe laif- fant emporter 4 leur zele, n’dvitent pas aflez foi- gneufement cet dciieil. Mr. l’Eveque de Grafle(i) reprend avec juftice ces ddvots indifcrets dans la preface de fes Poefies: & tous les autres Catholi- ques les blament de m£me, de ce que par ces d- loges outrez ils diminuent la gloire qui eft due 4 la majeftd de Dieu, & deshonorent veritablement Marie , qui etant comblee , comme dit Saint Ber¬ nard , de tant de veritables titres d’bomeur, n’a pai befoin qu’on hi en attribuc de faux. Un autre caractere de la veritable devotion 4 la Sainte Vierge , c’eft de r.e point fe termi¬ ner a la Vierge, mais de tendre a Dieu , de fe rapporter a lui , & enfin de s’arrdter & de fe repofer en lui. Car on ne peut honorer la Sain¬ te Vierge autrement qu’on ne l’aime. Or on ne peut f1) Cet Eveque de Grade fut le celebre Mr. Antoine Godeau,l’un des plus grands Prelats de fon fiecle.Scce- lui qui a le plus travailld pour lebien-del’Eglife. II eroit Poete, Thedlogien, Orateur, Hiftorien, 8c ce qui de- plalfoir le plus aux Jefuites grand homme de bien. Le Cardinal de Richelieu, qui favoit, contre la pratique des Minifttes mediocres, placet les gens de merite, le nnm. nia Eveque de Grade en 1636 , 8c il niouiut l'an 1671. Tome IL Q 2 io I. Note sur la IX. Lettre. peut l’aimer que pour Dieu, tout amour de fa creature devant fe rapporter i l’amour de Dieu, & etre comme abforbE dans 1’amour de Dieu. Ce que Saint Auguftin expiique admirablement bien au commencement de fon Livre De la Doftrinc Chreticme ; oil apres avoir pofE ce principe, que jou'ir if me chofe c’efl I’aimer pour elle-meme , il mar¬ que enfuite quelles font les chofes dont on doit jou'ir, en ces termes. Les chofes dont on doit 'jou'ir , dit-il, font le fere, le Fils & le Saint-Efpr'tt, qui ne font qu une chofe unique & Jouveraine, qui fe commt «» nique a tons ceux qui en jouijfent. Au coiitraire la fauife dEvotion feint d’honorer & d’aimer teliement Marie, qu’elle ne veut rien aimer que Marie; qu’elle 1’honore & fe dEvoue d eile feule, fans aucun rapport a Dieu; qu'elle la comble de louanges vaines & puEriles, pour ne rien dire de plus fort; & enfin qu’elle s’atta- che bien moins d confiderer en elle les vertus qui i’ont rendue ii agrEable a Dieu, comme fon humility, fa pauvretE, fa fimplicitE, fa patience, qu’a admirer fa gloire, fa puiflance & fon Eleva¬ tion : parce qu’aimant ces chofes pour elle-meme, •une fecrete cupiditE les lui fait louer dans Marie. En troifieme lieu, la dEvotion veritable & foli* de ne met fa eonfiance dans toutes ces pratiques extErieures par iefquelles on honore la Ste. Vier- ge,qu’autant qu’elles font accompagnEesde mou- vemens intErieurs d’une piEtE fincere, qui en doit etre le principe. Elle s’en fert a la vEritE comme d’un moyen pour attirer la mifEricorde de Dieu, jnais elle fait qu’on ne peut etre fauve que par l’amour qu’on a pour Dieu, par la pratique des bonnes oeuvres, par l’exacte obfervation des com- anandemens, par la pEnitence continuelle , & par la mortification des paffions. C’eft pour obte- tnis ces vertus, qu’elle a principalement recours d De la devotion a la VlERGE. 211 1’interceffion puiflante de Marie. Elle ne fe eon- tente pas de lui adrefler des vceux ltdriles & des prieres languiflantes: elle tiche de mdriter fa protection, par une imitation fidele de fes ver- tus: elle fait que c’eft la maniere ia plus efficace de prier. Dans la priere il n’y a que 1’amour qui fldchiffe la mifdricorde deDieu, il n’y a que l’amour qui foit exaucd. Or 1’amour ne peut etre oifif. Plus il eft grand, plus il eft agiflant, & plus il s’efforce de fe rendre fembiabie a ce qu’il aime. Celui done qui imite beaucoup Ma¬ rie , 1’aime beaucoup : celui qui l’imite peu» l’aime peu: & celui qui ne l’imite point, ne l’ai- me point, & par confdquent ne la prie point. Quand il paiferoit les jours entiers k reciter des prieres en fon honneur, il feroit tcujours da nombre de ceux dont l’Ecriture dit (i): Ce peupk m'bonere des levres , mats fon coeur efi been, eloigne de mm. Par ces caracteres de la vraie ddvotion il eft facile de comprendre combien ceux-la fe trom- pent.qui ne penfant en aucune maniere k quit¬ ter leurs vices, a reprimer leurs paffions dd- regldes , & k marcher dans la voie dtroite de l’iivangile, s’imaginent etre fort ddvets a ia Vier- ge, & fe flattent que Dieu leur fera mifdricordes a Particle de la mort, parce qu’ils portent unt fcapulaire , & qu’ils rdcitent tous les jours de cer- taines formules de prieres. Peut-on efperer que Marie pauvre, & mere de ]esus-Chr!ST pauvre,mette au rang de ceux qui l’honorent, des gens qui mdprifent fa pauvretd & celle de fon fils, & qui ne font occupez tou- te leur vie que du foin d’amafler des ricbefies? Une Vierge pure & humble dcoutera-t-elle les prieres (i) Mallb. c, is. v, 8. Ill I. Not £ sur la IX. Lettre. prieres de ceux q«i font continuellement dans lea plailtrs des fens, ou uniquement poiKdez du ddfir des honneurs? Ce n’eft pas la prier, c’eft lui in- fuker que de ne la point imiter. Car ce que dit Saint Auguftin (r) eft tres-veritable: „ Que ceux ,, qui aiment les chofes que Jesus Christ n’a „ point vouiu avoir, pour nous montrer le m6- ,, pris qu’il en faifoit, le m^prifent lui-meme & „ m^prifent fes ferviteurs. Car tous ceux qui veu- „ lent fuivre les traces de leur maitre, & etre ,, humbles comme ils favent qu’il I’a 6t6, font „ auffi m^prifez en Jesus Christ comme mem* „ bres de Jesus-Christ. Or lorsque le chef & „ les membres font m'prifez, tout Jesus-Christ „ eft mt'prite. C’eft done une tdm£rit6, & une folie d ceux qui font dans cet £tat malheureux, d’efp£rer la protedtion de Marie, pendant qu’ils ne font pas le moindre effort pour en fortir , & qu’ils de- meurent au contraire volontairement dans tous leurs defordres , trompez par cette fauffe efp£- rance qu’ils fe convertiront un jour. Ceux qui leur infpirent une telle confiance, quels qu’ils paroiffent d i’extdrieur , font des impofteurs pu- hiics, qu’on doit regarder comme des fddufleurs des ames, & comme de faux prophetes, qui ne donnent qu’une paix trompeufe & non la paix de 1’Evangile, comme les miniftres & les inftrumens de ce Fort armd dont i! eft dit ( 2 ), que lorfqu’il garde Jd maifon, tout eft en paix. Au contraire un Pafteur prudent qui prdfere le fa'ut des ames d fes propres int&Sts , bien loin d’entretenir cette dangereufe paix, fait tout ce qu’il peut pour la ddtruire & la troubler, en infpi- fll in Pf . so, (i) Lac, c, 11 . v, 21 , De la devotion a la ViERGE. 2J3 infpirant la crainte des jugemens de Dieu. II n’d- loigne pas pour cela les pbcheurs de la ddvotion a la See. Vierge, il les y exhorte plutot: mais en leur apprenant en merne terns que cette devo¬ tion eft trompeufe & inutile , ft elle n’eft accotn- pagnde d’une converfion du cceur a Dieu , qui foit ferme , folide & lincere , e’eft-a-dire non interrompue par des rechutes friquentes , mais confirmee par la fuite d’une vie chr^tienne & unifortne. Car e’eft en cela feul que l’ApAtre Saint Pierre fait confifter toute la confiance que nous pouvons avoir de notre falut en cette vie. Efforcez-vous , dit-i! (i) , tPaffermir votre vocation & votre eleBion par de bonnes oeuvres. Car agiffant de cette forte, vous ne peeberez jamah Au lieu qu’on doit prefque mettre unites ces pratiques extdrieures de piiftd, quelles qu’elles foient, au rang des obfervances dont J. C. difoit aux Pha- riilens ( 2 ): Qu'il falloit pratiquer ces chafes, fans tteanmoins omettre les autres. Ces traditions pharifaiques, quoiqu’indiffdren- tes en elles-memes, & quelquefois m6me bonnes & utiles pour porter leshommes a la pi£td, dtoient ndanmoins nuifibles & pernicieutes a quelques uns par la mauvaife difpofltion de leur cceur; parce qu’ils s’y attachoient trop fortement, & qu’elles leur faifoient n^gliger d’obferver les cotnmande- mens les plus effentiels.' II en eft de meme de plufieurs pratiques extdrieures par lefquelies on honore la Ste. Vierge. Quoique bonnes en elles- memes, elles deviennent fouvent pernicieufes k beauco.up de gens, par le mauvais ufage qu’ils en font. Its s’y attachent avec trop d’ardeur. 11s les 214 - I. Note sur la IX. Lettre. prdferent a leurs devoirs les plus eiTentiels. IIs y etabliifent leur confiance. Et contens de nettoyer It dehors du plot, felon l’expreffion de Jesus-Christ, iis ne fe mettent pas en peine d’acqudrir la pi6t<5 veritable & intdrieure, ni de marcher dans la voie dtroite de l’Evangile. Mais il n’eft pas ^tonnant que ce ddreglement fe rencontre dans cette ddvotion indifcrete a la Ste. Vierge, puifqu’il fe rencontre dans le culte mSine que l’on rend a Dieu, & dans la confiance qu’il nous commande d’avoir en fa mifdricorde. Car il y en a plufieurs qui fe confient tellement dans la feule mifdricorde de Dieu, que ne redou- tant point fa juftice , iis s’amaflent, comme dit I’Apdtre (i ),par la durete & 1'hnpenitence de leur eceur, un trefor de colere pour le jour de la colere & de la manifcjtation du jufte jugement de Dieu. L’efprit de l’homme eit naturellement portd au pharifa'ifme, & a mettre la confiance de fon falut dans quelques cdrdmonies extdrieures. Il y trouve une facility qui accommode fa pareife. La cupiditd ne s’y oppofe point; l’dciat qui acccnv pagne cette pidtd extdrieure flatte au contraire les fens. C’eft pourquoi, quand on dit aux gens du monde qu’ils feront fauvez s’ils rdcitent quelques prieres, s’ils portent certaines images a leur cou, ou s’ils pratiquent quelqu’autre ddvotion fembla- ble; quoique ia raifon & la foi leur difent le con¬ traire , iis veulent bien ndanmoins fe tromper eux- jnemes. Iis croienc veritable ce qu’ils ddfirent qui le foit. Ddbarrafiez par-id des remords de leur confcience, qui auparavant les troubloit de terns en terns, iis s’abandonnent librement a leurs paf- fions, & entaffent fans crainte crimes fur crimes, (i) Rom, I, i, v. j. De la devotion a LA VI HUGE. 215' ils attendant fans s’inquieter cette converfion dont on les flate a 1’heure de la mort. Je fuis perfuadd ,que les Jefuites eux-memes n’ignorent pas combien cet abus eft dangereux, fit combien il eft commun. Tous les Livres qui tendent a 1’augmenter ou a le fortifier, font done pernicieux aux Fideles, injurieux 4 la Ste. Vierge, & prdjudiciables a i’Eglife, par le fcandale qu'ils donnent aux Hdrdtiques. Or tels font les Livres qui fe bornent uniquement a ces devotions extd- rieures , qui enfeignent qu’on y doit mettre la confiance de fon falut, & qui ne parlent ni de changement de vie , ni de la ndcelfttd de mar¬ cher dans le chemin dtroit de l’Evangile & de faire une penitence continuelle, ni de la ebari- te, ni enfin des autres devoirs effentiels du Chrif- tianiftne. Car quand meme toutes les devotions qu’ils recommandent, feroient bonnes & utiles en elles-memes, elles ceflent de l’etre des-qu’on les fdpare des devoirs eflentiels de la Religion, & elles conduifent non a une vertu chretienne, mais it une vertu purement pharifaique. Jecrois que tout le monde comprend affez, fans que j’en avertiile, que je veux parler du Livre dir Pere Barry. Ainfi Montalte a raifon de le repren-; dre de cela feul, qu’il promet le falut dternel a ceux qui pratiquent quelques legeres devotions extdrieures. Car je pafle fous filence que cet Au¬ teur, de meme que plufieurs autres Ecrivains fem- blables, fdparent tellement le culte que I’on rend a Marie de l’amour de Dieu, qu’il femble a les entendre, qu’il foit permis d’en demeurer a Ma¬ rie, & que nous ne foyons pas obligez derappor- ter a Dieu i’honneur que nous lui rendons. II y en a qui ont dtd jufqu’a cet execs, que de dire que Ton doit aimer la beautd de Marie pour elle- sneme, Et ce qui n’eft pas moins infenfd, pour 2 r jugeant bien que des gens en cet dtat fe con- „ tentent de prendre ce qui leur ell abfolument „ ndeeffaire, il dit feulement qu'iis appaiferenl f , leur faim. (1) L 4, in Jul, c. 14, 224- HI. Note sur la IX Lettr£, Tofquam exempta fames epulis, menfequt remote „ Mais quand il ddcrit la maniere dont le Roi „ Evandre requt le meme Ende, il parle autre- „ ment du feltin que le Roi lui fit. 11 ne fe con* „ tente pis de dire que la faim fut appaifde, il „ ajoute que Fappdtit & !e ddfir de manger y fu- „ rent entierement fatisfaits. Tojlquam exempta fames, £? nmor compreffus edenrfu „ Combien fommes-nous plus obligez de favoir „ difcerner ce que demande la ndcelfitd, & ce „ que demande la cupiditd, nous qui devons re- „ primer par Fefprit les palfions de la chair, qui „ devons mettre notre plaifir felon l’homme in* „ tdrieur dans la loi de Dieu, & ne point trou- „ bier la tranquilitd de ce plaifir par la recherche „ des piaifirs des fens ? Car ce n’eft pas en man- „ geant qu’il faut reprimer ce ddfir que nous fen- „ tons de manger au-delii de ia ndceffitd, c’eft en „ s’abftenant de manger. Qui eft l’homme fobre „ qui n’aimit mieux fatisfaire, s’il dtoit poflible, „ & la ndceflltd de la nature, fans reflentir ce plai- „ fir fenfible & groflierqu’onreffentenmangeant, „ & prendre les alimens dont il auroit befoin de „ la meme maniere que nous refpirons Fair? Ce qu’il dit ici du gout, il Fenfeigne un pen auparavant gdndralement de tous les fens. Igno- „ rez-vous, dit-il a Julien , ou feignez-vous d’i- „ gnorer la difference qu’il y a entre ces trois cho- „ fes qui fe rencontrent dans toute operation de „ nos fens ,1a vivacitd, l’utilitd, & la ndceflltd du „ fentiment, & entre la concupifcence ou le dd- „ fir du plaifir qui eft joint au fentiment ? La vi- vacite du fentiment eft cette fubtilitd & cette „ ddll* Des plaisirs des sens, its i, ddlicateflfe des organes, qui* fait que les. uns ap- i, perqoivent plus parfaicement que les autres les „ qualitez des objets, & difcernent rnieux quelle en eft la nature. L’utiiitd du fentiment eft ce „ difcernement qul nous fait choiftr ce qui eft „ propre a la confemtion de ncftre vie & de no- „ tre corps, qui nous fait approuver ou rejetter, ,,, redhercher ou dviter les objets qui fe prdfen- ,, tent a nous. La ndceffitd du fentiment eft cette „ impreffion, que les objets qui frappent nos fens „ y font meme malgrd nous. La concupifcence „ enfin & le ddflr du plailir fenlible dont il s’agit ,, feulement id, eft cec attrait que nous fentons 3, dans notre chair, ce ddlit que nous avons pout „ les plailks fenfibles, foit que notre efprity ccfn- „ fente, foit qu’il y rdfifte. Et c’eft cette concu- „ pifcence qui eft l’ennemie de la fagefte, & qui „ eft oppofee aux verfcus. Et un peu apres: „ On ne peut nier, dit-il j >, que notre ame ne foit excitde a aimer la pidtd ,, par le chant des divins cantiques. Cependant „ fien fuivant les ddfirs de la concupifcence, nous „ mettons notre plailir dans le chant & non dans ,, les paroles des cantiques, nous faifons mal. ,, Combien done fommes.nous plus eriininels, li ,, nous nous plalfons a des chanfons vaines ou ,, meme licentieufes. „ Les trois autres fens, ajouteit-il, font plus „ materiels & plus groffiers. Ils n’agilfent que fur „ les objets qui font pres de nous, & ne s’dten- „ dent point a ceux qui en font dloignez. L’odo- ,, tat difcerne les odeurs , le gotit les faveurs, „ letiucher les differentes qualitez des corps. Car s, le fentiment qu’excite en nous une chofe qui ,. eft chaude ou froide, n’eft pas le m£me que „ celui qu’y excite une chofe unie ou rabotteufe; » & celui que nous avons er. touchant Une chofe Tome II. P 7 i molle 22 6 III. Note sur la IX. Lettre.’ ,, molle ou dure, eft tres-difFdrent de celui qurefier,parles memes argumens dont St. Auguftin fe fervoit contre Julien. Quand d’un c 6 td vous dites que le d 6 fir de manger eft naturel, & par contequent qu’ii eft louabie, & que de Pautre vous ne laiftez pas de le reprimer, je ne vois pas comment vous pou- vez faire fincerement deux chofes fi contraires; louer ce ddfir comme un don de 1’Auteur de la Nature, & en mSme terns le combattre comme un ennemi qui eft au-dedans de vous. Nous vou- lons bien croire que vous faites fincerement l’un des deux , mais voyez lequel vous voulez que nous croyions. Si vous le combattez fincerement, P 3 vous 2*0 III. Note sur la IX. Lettre.’ vous ne pouvez le louer fincerement; & (i l’dloge que vous en faites n’eft pas trompeur, il faut que la guerre que vous lui ddclarez ne foit qu’un jeu. Pour moi, parce que je ne fuis pas votre en- nemi, comme i’eft ce mal qui habite dans votre, chair, <5t que je fouhaite vous le voir bliimer par votre do&rine , & combattre par la faintdtd de votre vie, j’aime mieux croire que ce n’eft pas fincerement que vous louez la concupifcence,que de croire que vous ne la combattez pas fincere- ment.Le menfonge de la langue eit plus fupporta- ble que celui des a&ions. Kt cell un moindre mal de diffimuler fes fentimens, que de feindre d’etre tempdrant lorfqu’on ne I’efl pas. (i) J’en appelle done de vos louanges a vos aftions. Soyez- Vous-memes vos juges. Si la concupifcence ell un mal, pourquoi la louez-vous? Si elle eft un bien, pourquoi la combattez-vous? Etfi elle n’eit ni un bien ni un mal, pourquoi la louez-vous, pour¬ quoi la combattez.vous ? Seroit-il poffible que la crainte d’etre vaincus dans cette difpute qui eft entre nous, vous empdcMt de combattre les dd- firs de la chair? Non, mes Peres, laiflez-vous plut6t vaincre voiontairement par la vdritd, afin de mdriter enfuite de vaincre ces ddfirs ddreglez. Car fi vous ceflez de les combattre, iis vous do- mineront, iis vous rendront leurs efclaves , & vous entraineront dans toutes fortes d’exces. Renoncez done a la doftrine reldchde de votre Efcobar, & embraflez plutdt celie de Saint Auguf- tin, ft conforme a l’efprit du Chriftianiftne. ,, La „ regie de vie , die - il (*) , que la tempdrance ,, preferit, & qui fe trouve dtablie par Pun & par 3 , l’autre Teftament,eft de ne rien aimer de tout jj c 4 (t) Hi. 3. c. 21. ( 2 J de Mor. Eccl . Calk, cap. n. X. Lettre. Adoucissemens &c. 131 i, ce qui eft palTager & periflable, <‘e ne regarder », aucune de ces cbofes comma ddfirabie par elle- », meme, de n’en prendre que ce qui fuffit pour >, les befoins de la vie, & pour en remplir les >, devoirs, & de ne s’y porter qu’avec la moddra- >, tion qui convient d ceux qui ne veulent qu’en >, ufer,& non pas avec I’empreiTemenc &l’ardeur >, que i’on voit dans ceux qui en font l’objet de leur amour. DIXIE’ME LETTRE. (1) AdouciJJfemens que les Jefuites out apportez ait, Sacrement de Penitence par leurs maximes tmcbant la confeffion , la fatisfaStion, I’ab- folution , les occajions procbaines de pecber, la contrition £? l'amour de Dieu. De Paris ce 2. Aoftt, 16560 ^£0 NSIEUR, Ce n’elt pas encore id la politique de la Socidtd, mais e’en ell; un des plus grands principes. Vous y verrez les adouciflemens de la Confeffion , qui iont aifurdment le meilleur moyen que ces Peres ayent trou- ve pour attirer tout le monde, & ne rebu- ter perfonne. II faloit favoir cela avant que de pafter outre. Et e’eft pourquoi le Pfere trouva k propos de m’en inltruife en cette forte. Vous ( 1 ) Cette Lettre futfaite de concert avec Mr. Arnauld, P 4 232 X. Lettre. Adoucissemens Vous avez vu, me dit-il, par,tout ce qjtp ie vous ai dit jufques-ici, avec quel -faeces dos Peres ont travaille a decouvrir par leurs lumieres, qu’ily a un grand Bombredecho* fes permifes , qui paffoient autrefois pour tlefeodues : mais parce qu’il refte encore des pechez qu’on n’a pu exoufer, & que I’unique remede en eft la confeffion, il a dte bien ndeeflaire d’en adoucir les diffi- cultez, par les voies que j’ai maintenant h vous dire. Et ainfi,apres vous avoir mon- trd dans toutes nos converfatjons prece¬ dences, comment on a foulagd les ferupu- les qui troubloient les conferences , en fai- fant voir que ce qu’on croyoit mauvais ne 1’eft pas; il refte & vous montrer en celle- ci, la maniere d’expier facilement ce qui eft vdritablement peche, en rendant la confeffion auffi aifde qu’elle dtoit difficile autrefois. Et par quel moyen, mon Pere ? C’eft, dit-il, par ces fubtilitez admirables, qui font propres a notre Compagnie , 6c que nos Peres de FI and re appeilent dans l’lmage de notre premier fiecle 1. 3. or. r. p. 401. & 1. 1. c. 2. de pieufes fif faintes fi- nejjes, 6? un faint artifice de devotion : Piain & reiigiofam calliditatem, & pietatis foler- tiam, cm l. 3. c. 8. C’eft par le moyen de ces inventions que les crimes s’expient cm- juurd’bui alacriiis , avec plus d’alegreJJ'e Q 3 d’ardeur qu’ils ne fe pommettoienl autrefois , en forte que plujieurs perfonnes effacent leurs iacbes aujji promtement qu’ils les contraStent: Piurimi‘ vix citius maculas contrahuiat, Du Sacrement de Penitence. 233 qu&m eluunt, comme il eft die au m&me lieu. Apprenez moi done, je vous prie mon Pere, as fineffes ii falutaires. II y en a plufieurs, me dit-il; car comme il fe trouve beaucoup de eholes pcniblcs dans la confeftion , on a apporte des adoueiff femens a ehacune. Et paree que les prim cipales peines qui s’y rencontrent, font la home de confeffer de certains pechez , le foin d’en exprimer les eirqonftances, la penitence qu’il en faut faire, la rbfolunion de n’y plus tomber, la fuite des occaftons prochaines qui y engagent, & le regret da les avoir comrais ; j’efpdre vous montrer aujourd’hui qu’il ne refte prefque rien da faeheux en tout cela , tant on a en foin d'oter toute l’amertume, & toute l’aigreur d’un remede ft neceflaire. Car pour commencer par la peine qu’oa a de confeffer de certains pechez, comme vous n’ignorez pas qu’il eft fouvent affez important de fe conferver dans l’eftime de fon Confeffeur, n’eft-ce pas une chofe bien commode de permettre, comme font nos Peres, & entr’autres Efcobar , qui cite en¬ core Suarez tr. 7. e. 4. n. 135. d’avoir deux ConfeJJeurs, I’un pour les peebez mortels, & Vautre pour les veniels, afin de fe maintenir en bonne reputation auprh de fon Confeffeur ordinaire , Ut bonam famam apud ordina- rium tueatur ,pourm qu’on neprenne pas de- id occafion do demeurer dans le pechd mortel. Et il donne enfuite un autre fubtil moyen pour fe confeffer d’un pechd, mdme a fon P y Con-; 234 X. Lettre. Adoucissemen* Confeffeur ordinaire, fans qu’il s’appergoi- ve qu’on J’a commis depuis la derniere con- feffion. C'ejl , dit-il, de faire une confeffion generate, & de confondre ce dernier pecbe avec les autres dont on s'accufe en gros. 11 die en¬ core la meme chofe princ. ex. 2. n. 73. Et vous avouerez, je m’alTure, que cette de- cifion da P. Bauny Theol. Mor. tr. 4. q. 15. p. 137. foulage encore bien la honte qu’on a de corifeffer fes rechutes: Que bars de cer- taines occafions, qui n’arrivent que rarement, le Confeffeur n'a pas droit de demander Ji le pecbe dont on s'accufe , eft un pecbe d'habitu¬ de, qu’on n'ejt pas oblige de lui^repondre fur cela; farce qu'il n'a pas droit de donner d fon penitent la honte de declarer fes reebu- tes frequentes. Comment, mon Pere? j’aimerois autant dire qu’un Mddecin ri’a pas droit de deman¬ der a Ton malade s’il y a long-tems qu’il a la fievre. Les pechez ne font-ils pas tous differens felon ces differentes circonftan- ces ? & le deffein d’un veritable penitent ne doit-il pas etre d’expofer tout l’dtat de fa confcience a fon Confeffeur, avec lamd- xne ouverture de cceur que s’il parloit a Jb- fus Chrift, dont le Pretre tient la place? Or n’efl: on pas bien dloigne de cette dik pofuion, quand on cache fes rechutes frb» quentes, pour cacher la grandeur de fon pdchd? Je vis le bon Pere embarraffe la- deffus: de forte qu’il penfa a eluder cette difficult^, plutdt qu’& la rbfoudre,en m’ap- prenant une autre de leurs regies, qui bta-; Du Sacrement de Penitence. 235 blit feulement un nouveau defordre, fans juftifier en aucune forte cette ddcifion du Pere Bauny , qui eft a mon fens une de leurs plus pernicieufes maximes, & des plus propres & entretenir les vicieux dans leurs mauvaifes habitudes. Jedemeured’ac- cord, me dit-il, que 1’habitude augmente la malice du pechd, mais elle n’en change pas la nature : & c’eft pouiquoi on n’eft pas obligb k s’en confeiler felon la rdgle de nos Peres, qu’Efcobar rapporte princ. ex. 2. n. 39 Qu’on n’ejl oblige de confejfer que les cir con fiances qui cbangent I'efpece dii pecbe, £? non pas celles qui iagravent. C’eft felon cette rdgle que notre Pere Granados die, in 5. part. cont. 7. r. 9. d. 9. n. 22. que Ji on a mange de la viande en Careme, iljuffit de s’accujer d'avoir rompu le jeilne , fans dire Ji c’ejl en mangeant de la viande , ou en faifant deux repas maigres. Et felon notre Pdre Rdginaldus tr. 1. 1 . < 5 . c. 4. n. 114. Un Devin qui s’ejl fervi de I’art diabolique, n’ejl pas oblige d declarer cette circonjtance ; mais il fuffit de dire qu’il s’ejl mile de deviner , fans- exprimer f c’ejl par la cbiromancie , ou par un paEte avec le de¬ mon. Et Fagundez, de notreSocietb,p 2. 1 . 4. c. 3 n. 17. dit auffi: Le rapt n'ejl pas une circonjtance qu’on foit tenu de decouvrir, quand la Jille y a confenti. Notre Pere Ef- cobar rapporte tout cela au mdme lieu n. 41. 61. 62. avec plufieurs autres ddcifions aflez curieufes des circonftances qu’on n’eft pas obligd de confeiler. Vous pouvez les y - voir $36 X. Lettre. De la Confession. voir vous mdme. Voila, lui dis-je, des ar¬ tifices de devotion bien accommodans. Tour cela neanmoins , dit-il, ne feroit rien, fi on n’avoit de plus adouci la peni¬ tence , qui eft une des chofes qui eloi* gnoit davantage de la confeflion. Mais maintenant les plus ddlicats ne la fau- roient plus apprehender, apres ce que nous avons foucenu dans nos Thefes du College de Clermont: Qiie Ji le ConfeJJeur impofe une penitence convenable, convenien- tem, e? qu'on ne veuiLle pas neanmoins l’ac¬ cepter , on pent fe retirer en renongant d I’ab- folution , & d la penitence impofee. Et Efco- bar dit encore dans la Pratique de la Peni¬ tence felon notre Socidtd tr. 7. ex. 4. n. 188- Que fi le penitent declare qu’il veut re- mettre a Vautre monde d faire penitence, 6? fouffrir en purgatoire toutes les peines qui lui font dues , alors le ConfeJJeur doit lui impofer une penitence bien legire pour Vintegrite du facrement, 6? principalement s’il reconnoit qu’il n’en accepteroit pas une plus grande, Je crois, lui dis je, que fi cela dtoit, on ne devroit plus appeller la confeflion le facre- ment de penitence. Vous avez tort, dit-il; car au moins on en donne toujours quel- qu’une pour la forme. Mais , mon Pere, jugez-vous qu’un homme foit digne de re- cevoir l’abfolution, quand il ne veut rien faire de penible pour expier fes ofFenfes? Et quand des perfonnes font en cet dtat, ne devriez vous pas plutfitleurretenirleurs fechez, que de les leur remettre? Avez- vous De ia Satisfaction. 237 tous l’idee veritable de Pbtendue de votre miniftere, & ne favez-vous pas que vous y exercez le pouvoir de lier & de delier? Croyez-vous qu’il i'oic permis de donner l’abiolution indiffdremment a tous ceux qui la demandent, fans reconnoitre auparavant fi Jbfus Chrift delie dans le Ciel ceux que vous deiiez fur la Terre? He quoi, dit le Pdre, penfez-vous que nous ignorions que le Confejjfeur doit fe rendre juge de la difpofi- tion de Jon penitent; tant parce qu’il eft obligi de ne pas difpenfer les facremens a ceux qui en font indignes , Jefus Chrift lui ayant ordonni d’etre dijpenfateur fidele, & de ne pas donner les cbofes jaintes cuix cbiens; que parce qu’il eft juge, que c’eft le devoir d'un Juge de juger juftement, en diliant ceux qui en font dignes , Hunt ceux qui en font indignes , aujft parce qu’il ne doit pas abfoudre ceux que JeJus-Cbrijt condamne ? De qui font ces paroles-la, mon Pere? De notre Pere Fi- liutius, repliqua-1-il, to. 1 tr. 7. n 354. Vous me furprenez, lui dis-je; je les pre- nois pour dtre d’un des Pdres de 1’Eglife. Mais,mon Pdre,ce paffage doit bienbton* ner les ConfelTeurs. & les rendre bien cir- confpebis dans la drfpenfation de ce Sacre- ment, pour reconnoftre fi le regret de leurs penitens eft fuffifant , & fi les promeffes qu’ils donnent de ne plus pdcher h l’avenir font recevables. Cela n’eft point du tout embarraffant, dit le Pbre; Filiutius n’avoid garde de killer les ConfelTeurs dans cette' peine; & c’eft pourquoi,enfuite de ces pa¬ roles, 238 X. Lettre. De l’Absoeution. roles, il leur donne cette mbthode facile pour en fornr. Le Conjejfeur pent aifement Je mettre en repos toucbant la di/pojition de Jon pinitent. Car s’il ne donne pas des fignes Juffijans de douleur, le ConfeJJeur ri'a qu'd lid demander s’il ne detefte pas le pkbe dans Jon ame , & s’il ripond que oui , il eft oblige de I'en croire. Et ilfaut dire la jneme cboje de la re- Jolution pour I'avenir , d moins qu’il y eut quelque obligation de reftituer, ou de quiter quelque oecujion procbaine. Pour ce palfage, mon Fere, je vois bien qu’il eft de Filiutius; Vous vous trompez, dit le Pere: car il a pris tout cela mot a mot de Suarez, in 3. par. to. 4, difp. 32. feet. 2. n. 2. Mais, mon Pere, ce dernier paffage de Filiutius db- truit ce qu’il avoit dtabli dans le premier. Car les Confeffeurs n’auront plus le pou* voir de fe rendre juges de la difpoGtion de leurs pdnitens ; puifqu’ils font obligez de les en croire Far leur parole, lors mime qu’ils ne donnent aucun (igne fuffifant de douleur. Eft-ce qu’il y a tant de certitude dans ces paroles qu’on donne, que ce feul ilgne foit convaincant? Je doute que 1’ex- pbrience ait fait connoitre a vos Pdres, que tous ceux qui leur font ces promet fes les tiennent, & je fuis trotnpe s’ils n’dprouvent fouvent le contraire. Cela n’importe , dit le Pere ; on ne laiffe pas d’obliger toujours les Confeffeurs k les croire. Car le P. Bauny, qui a traitb cet¬ te queftion & fond dans fa Somme des Pdchez c. 4 6. p. 1090. 10 91, & 1092. con- clut ; De l’Ab SOLUTION 1 . 239 clut, que toutes les fois que ceux qui rdcidi • vent fouvent, fans qu’on y voie aucun aman- dement, fe prefentent au Confejfeur , £? lui difent qu’ils ont regret du pajfe, & bon def- fein pour i’avenir , il les en doit croire fur ce qu’ils le difent , quoiqu'il foit d prdfumer telles refolutions ne paffer pas le bout des Id- vres. Et quoiqu’ils Je portent enfuite avec plus de liberte d’exces que jamais dans les memes fautes, on peut neanmoins leur donner I’abJolution felon mon opinion. Voili je m’alfure tous vos domes bien rdfolus. Mais , mon Pere , lui dis-je, je crouve que vous impofez une grande charge aux Confeffeurs, en les obligeahc de croire le contraire de ce qu’ils voient. Vous n’en- tendez pas cela, dic-il; on veut dire par- 3 & qu’ils font obligez d’agir & d’abfoudre, comme s’ils croyoient que cette rdfolution file ferme & conftante, encore qu’ils ne le croient pas en effet. Et c’eft ce que nos Pdres Suarez & Filiutius expliquent enfui¬ te des paflages de tantdr. Car apres avoir dit que le Pretre eft oblige de croire fon peni¬ tent fur fa parole , ik ajoutent qu’il n’efb pas neceffaire que le Confejfeur fe perfuade que la refoiution de fon pdnitent s’executera , ni qu’il le juge meme probablement; mais il fuffit qu’il penje qu’il en a u, I'beure meme le dejfein en general , quoiqu’il doive retomber en bien peu de terns. Et c’efl ce qu’enfeignent tous 010s Auteurs , Ita docent onines Autores. Douterez-vous d’une chofe que nos Au¬ teurs enfeignent? Mais * mon Pere, que devien- 240 X. LettrS. De ^Absolution. deviendra’ done ce que le Per-e Pdtau a dtd oblige de reconnoitre lui - meme dans la pref. de la Pen. Publ. p. 4. Que les Saints' Pens, les DoSteurs , £f les Gonciles font d'ac¬ cord comme cl’une vdrite certaine, que la peni¬ tence qui prepare a 1 'Eucbarifiie , doit etre ve¬ ritable , conjlante , courageufe , 6? non pas lache & endormie , ni fujette aux rechutes aux reprifes ? Ns voyez-vous pas, dit-il, que le P. Petau pai'le de I'Ancienne Eglife ? Mais cela eft maintenant fi peu de faifon, pour lifer des cermes de nos Peres, que fe¬ lon leP. Bauny le contraire eft feul verita¬ ble; e’eft au tr. 4. q. iy. p. 95. II y a des Autems qui difent qu’on doit refufer I’abfolu- tion a ceux qui retombent fouvent dans les memes pechez , & principalement lorsqu’apres les avoir plufieurs fois abfous, il n'en paroit aucun amandement: & d'autres difent que non. Mais la fettle veritable opinion ejl, qu'il ne faut point leur refufer I'abfolution: & encore qu'ils ne profitent point de tons les avis qu’on leur afotwent donnez, qu'ils nayent pas gar¬ de les promeffes qu'ils ont faites de changer de vie, qu’ils n’ayent pas travaille d J'e puri¬ fier, il n’importe: £3* quoiqiden difent les au- tres, la veritable opinion, & laquelle on doit fuivre , ejt que meme en tons ces cas on les doit abfoudre. Et tr. 4. q. 22. p. 100. Qji’on ne doit ni refufer, ni differer I’abfolution d ceux qui font dans des pechez d’habitude cen¬ tre la lot de Dieu, de Nature, & de l'Eglife, quoiqu’on n’y voie aucune efpe'rance d,’aman¬ dement •. Etfi emendationis future nulla fpes apparent. ‘ Mais* De l’Absolut i on. a4* Mais, mon Pere, lui dis-je, cette aflu- rance d’avoir toujours l’abfolution pourroic bien porter les pecheurs.... Je vous entens, dit-il, en m’interrompant; mais ecoutez le P. Bauny, q 15. On pent abfoudre celui qui avoue que I’efpe'rance d'etre abfous fa porte d pecher avec plus de facilite , qu’il neut fait fans cette efperance. Ec le P. Cauffin defen¬ dant cette proportion , dit p. 211. de fa Rbp. a la Thdol. Mor. que fi elle n'hoit ve¬ ritable, t’ufage de la ConfeJJion feroit inter dit d laplupart du monde; if qu’il n’y auroit plus d'autre remede aux pecheurs , qu’une brancbe d’arbre if une corde. O mon Pere, que ces maximes-la attireront de gens a vos Con- feffionnaux! Auffi, dit-il, vous ne fauriez croire combien il y en vient: nous fommes accablez, if comme opprimez foils la foule de nos penitens , Poenitentium numero obrui- mur, comme il eft dit en l’lmage de notre premier liecle, 1 3. c. 8. Je fai, lui dis-je, un moyen'facile de vous ddcharger de cet¬ te prefle. Ce feroit feulement, mon P&re, d’obliger les pecheurs a quiter les occa- lions prochaines: vous vous foulageriez af- fez par cette feule invention. Nous ne cherchons pas ce foulagement , dit-il; au contraire: car comme il eft dit dans le md- me Livre , 1 . 3. c. 7. p. 374. Notre Societi a pour but de travailler d itablir les vertus , de faire la guerre aux vices, if de fervir un grand nombre d’ames. Et comme il y a peu d’ames qui veuillent quiter les occafions prochaines, on a dtd obligd de ddfinir cd Tome IL Q" turelle,& rejctte abfolument celle qui eft naturelle. C’eft ce qu’on voit dans les Editions de Douay 1600. de Co- Jogne i6qo. & i6qi. Mais depuis ce temps ces tres-re¬ verends Peres craignant que le fentiment du Cardinal Tolet, qui ne leur eft pas favorable, ne fit trop de pro- grez , i!s ont eu la borne de falfrfier fon Livre, & de faire dire dans d’autres Editions au Cardinal le contrai* se de fon fentiment. 11 y a long-temps qu’on leur a re- proehe De l’Amour de Dieu. 249 Pere; mais fouffrez que je vous en dife mon fentiment, & queje vous fafle voir & quel exces cetce doftrine conduit. Lorfque vous dites, que I'attrition congue par la Jeu- le crainte des peines fuffit avec le bacrement pour juftifier les pdcheurs, ne s’enfuit-il pas de-Pt qu’on pourra toute fa vie expier fes pechez de cette forte, & ainfi dtre fauvd fans avoir jamais aime Dieu en fa vie? Or vos Peres dferoient-ils foutenir cela? Je vois bien , repondit le Pdre, par ce que vous me dites, que vous avez befoin de favoir la dodrine de nos Pbres touchant 1’Amour de Dieu. C’eft le dernier traic de leur Morale, & le plus important de tous. Vous deviez l’avoir compris par les pafia- ges que je vous ai citez de la contrition. Mais en voici d’autres plus precis fur l’a- mour de Dieu , ne m’interrompez done pas , car la fuite mdme en eft confidera- ble. EcoutezEfcobar,qui rapporte les opi¬ nions diffdrentes de nos Auteurs fur ce fu- jet, dans la Pratique de 1’Amour de Dieu fe¬ lon notre Socidte, au tr. 1. ex. 2. n. 21 & tr. 5. ex. 4 n. 3- fur cette queftion. Quand eft-on obliged'avoir affedtion aftuellement pour Dieu ? Suarez dit que e'eft ajfez , Ji on l’aime avant l’article de la mart, fans determiner aucun prochd cette falfification; mais ils en ont ete peu tou- chez, & ont continue leur chemin a l’ordinaire. Ainfi le conduifent ces vertueux Peres. C’eft dommage qu’ils f ne foient pas auffi les maitres de la tradition de l*Egli* fe. Ils nous donneroient une belle & agreable Theo¬ logies 2 SO X. L E T T R E. aucan terns. Hafquez , qu'il fuffit encore a Varticle de la mart. D'autres, quand on re~ foit le bateme. D'autres, quand on eft, oblige d’etre contrit. j 0 'aatres , les jours de fetes. Mais notre Pere Caftro Palao combat toutes ces opinions • Id , & avec raifon , Merito. Hurtado de Mendoza pretend qu’on y eft obli¬ ge tous les ans, & qu’on nous traite bienfa- •vorablement encore cle ne nous y obliger pas plus fouvent. Mais notre Pere Conincb croit qu’on y eft oblige en trois ou quatre ans. Hen- riquez tous les cinq ans. Et Filiutius dit qu'il eft probable qu’on n’y eft pas oblige a la rigueur tous les cinq ans. Et quand done ? II le remet au jugement des fages. Je laiffai pafler tout ce badinage, oh l’efprit de Fhotrime fejoue fi infolemment de 1’amour de Dieu. Mais, pourfuivit-il , notre P. Antoine Sirmond, qui triomphe fur cette matiere dans fon admirable Livre de la Ddfenfe de la Ver« tu, oil il parl.e Franpois en France , comme il dit au ledteur, difeourt ainfi au 2. tr. fedh j. p. 12. 13. 14. &c. St. Thomas dit qu’on eft oblige d aimer Dieu auffi-tot apr'es I’ufage de raifon: C’eft un peu bientot. Scutus , ebaque Dimancbe: Sur quoifonde? D’autres, quand on eft grievement tente: Oui, en cas qu’il n’y eiIt que cette voie de fair la tentation. Sotus, quand on recoit un bienfait de Dieu: Bon pour Ven remercier. D'autres, d la mort: C'eft bien tard. Je ne crois pas non plus que ce foit d chaque reception de quelque Sacrement: L’at¬ trition y fuffit avec la confeffton, Ji on en a la commodity. Suarez dit qu’on y eft obligt en un De l’Amour de Dieu. 2 ft un terns: Mats en quel terns ? 11 vous en fait juge, &? il n'en fait rien. Or ce que ce Doc- teur n'a pas fu , je ne fai qui le Jait. Et il conclut enfin , qu’on n’elt oblige a autre chofe a la rigueur qu’a obferver les autres commandemens, fans aucune affedtion pour Dieu, & fans que notre cceurfoit a lui, pourvu qu’on ne le hai'fte pas. C’eft ce qu'il prouve en tout fon fecond Traite. Vous le verrez a chaque page, & entr’autres aux pages 16. 19. 24.28. oliil ditcesmots. Dieu en nous commandant de l’aimer , fe contente que nous lui obeifftons en fes autres commande¬ mens. Si Dieu eilt dit: Je vous perdrai , quel- que obeijfance que vous me rendiez, Ji de plus votre cceur n’efid moi: ce motif , a votre avis , eilt-il et£ bien proportionn6 d la fin que Dieu a pu avoir? 11 ejt done dit que nous aime- rons Dieu enfaifant fa volonti, comme Ji nous Vaimions ff affection, comme Ji le motif de la ebarite nous y portoit. Si cela arrive reelle- ment , encore mieux: Jinon , nous ne laiffe- rons pas pourtant d'obeir en rigueur au com- manclement d’amour, en ay ant les oeuvres, de fapon que (voyez la bonti-de DieuJ il ne nous ejt pas tant command6 de Vaimer, que de ne le point hair. C’eft ainfi que nos Peres ont decharge les hommes de Tobligation penible d’aimer Dieu a&uellement. Et cette dodlrine eft ft avan- tageufe, que nos Peres Annat, Pintereau, le Moyne, & A. Sirmond mdme, font de- fendue vigoureufement, quand on a voulu la corabattre. Vous n’avez qu’a le voir dans leurs 25a X. L E T T R E. leurs rdponfes a la Thdologie Morale: & celle du Pere Pintereau en la 2. p. de l’Ab- bd de Boifie, p. 53. vous fera juger de la valeur de cette dilpenfe, par le prix qu’il dit qu’elle a coute, qui eft le fang de Jefus- Chrift. C’eft le couronnement de cette dodrine. Vous y verrez done que cette difpenfe de l’obligatjon fdcbeufe d’aimer Dieu, eft le privilege de la Loi Evangdlique par- deflus la Judai'que. 11 a ite raifonnable, dit il, que dans la loi de grace du Nouveau Teftament Dieu levdt Vobligation fdcbeufe difficile , qui etoit en la loi de rigueur, d’exer- cer un able de parfaite contrition pour etre jufiifie ; & qu'il injlituat des J'acremens pour fuppleer d fan defaut , d I'aide d'une difpoji- tion plus facile. Autnment certes les Chre¬ tiens , qui font les enfans, n'auroient pas main- tenant plus de facilite'd fe remettre aux bon¬ nes graces de leur pere , que les Juifs qui e'toient les efclaves, pour obtenir mifericorde de leur Seigneur. O man Pere! lui dis-je, il n’y a point de patience que vous ne mettiez a bout, & on ne peut oui'r fans horreur les chofes que je viens d’entendre. Ce n’eft pas de moi- mdme, die-i 1. Je le fai bien, mon Pere, mais vous n’en avez point d’averfion ; & bien loin de ddtefter les Auteurs de ces maximes, vous avez de l’eftime pour eux. jNfe craignez vous pas, que votre confen* temenc ne vous rende participant de leur crime? Et pouvez-vous ignorer, que Saint Paul juge dignes de mart non feulement les Auteurs. De l’Amour de Dieu. 253 Auteurs des maux , mais aufti ceux qui y con- fententl Ne fuffifoit-il pas d’avoir pennis aux hommes tant de chofes dbfendues, par les palliations que vous y avez apportdes? faloit-il encore leur donner l’occafion de corametcre les crimes mdmes que vous n’avez pu excufer, par la facility & l’aflu- rance de l’abfolution que vous leur en offrez, en detruifant ^ ce deflein la puif- fance des Precres , & les obligeant d’ab- foudre plutdt en efclaves qu’en juges, les pdcheurs les plus envieillis; fans change- ment de vie ; fans aucun figne de regret, que des promefles cent fois violbes; fans peni¬ tence, s'Us n’en veulent point accepter ; & fans quiter les occafions des vices, s'ils en resolvent de I'incommedite ? Mais on paife encore au-dela, & la li¬ cence qu’on a prife d’ebranler les regies les plus faintes de la Conduite Chrbtienne, fe porte jufqu’au renverfement entier de la loi de Dieu. On vide le grand commands- ment, qui comprend la Loi & les Prophetes: on attaque la pidte dans le cceur: on en 6te l’efprit qui donne la vie: on dit que l’a- mour de Dieu n’eft pas neceffaire au falut: & on va mdme jufqu’& pretendre, que cette difpenfe d'aimer Dieu eft Vavantage que J C. a upporte au monde. C’e{t le comble de l’im ■ pi£t6. Le prix du fang de J. C. fera de nous obtenir la difpenfe de 1 ’aimer! Avant 1 ’In- carnation on £toit obligb d’aimer Dieu : tnais denuis que Dieu a tant airne le monde qu’il lui a donni fon Fils unique, le monde lachetd 254 x. L E T T It E. Tachetd par lui fera ddchargd de 1’aiiter! Etrange Thdologie de nos jours! On 6fe lever I’anatbeme que St. Paul prononce con- tre ceux qui n’aiment pas Is Seigneur Jesus ! On rui'ne ce que dit St. Jean, que qui n'di¬ me point demeure en la mort; & ce que dit Jdfus Chrifi: mdme, que qui ne Vaime point, ne garde point fes preceptesl Ainfi on rend dignes de joui'r de Dieu dans l’dternite, ceux qui n’ont jamais (i) aimd Dieu en toute (i) Rien fur cette matiere n’eft comparable a la Pro- fopopee par laquelle Defpreaux introduit Dieu /ugeant tous les hommes. C’eft dans fon Epitre XII, Quandt Bleu viendra juger les Vlvans &* les Moris , Et des humbles Agneaux , objet de fa tendrejfe , Separera des Boucs la troupe pechereffe , A tous il nous dir a , fevert ou gracieux , Ce qui nous fit impurs ou jufies a fes yux, Selon vous done (ce font les Jefuites) a mol reprouvl j Bouc in fame , Va bruler dira-t-il en Vitemelle fiamme , Malheureux qui foutins que I'homme dut n?aimer , Et qui fur ce fujet trop prompt a declamer , Pre'tendis qu'il falloit pour fl€chir ma juftice , Que le Ptcbeur touche de Vhorreur de fon vice , De quelque ardeur pour moi fentit les mouvemens^ Et gardat le premier de mes Commando mens* Dieu , ft je vous en cross , me tiendra ce langage . Mass a vous (aux Jefuites) tendre Agneau , fon plus cher heritage , ©rthodoxe ennemi d’un dogme fi blami; Venez , vous dira-t-il , venez monbien-aime : Vous qui dans les detours de vos raifons fubtiles, Embarrajfant les mots d'un des plus faints Conciles (le Con- cile de Trente) Avez delivre I’homme; 6 Vutile Do&eur! De Vimportant fardeau d'aimer fon Crdateur ; Entrez au del; venez , combit de mes louanges Du lefoin d*aimer Dieu defabufer les Singes, Mr. De l’Amour de Dieu. 255 toute leur vie! Voilll ie myftere d’iniquic6 accompli. Ouvrez enfin les yeux, mon P&- re; & (i vous n’avez poinc ete touchd par les autres egaremens de vos Cafuiftes, que ces derniers vous en retirent par leurs ex- cds. Je le fouhaite de tout mon cceur pour vous, & pour tous vos Peres; & je prie Dieu qu’il daigne leur faire connoitre com” bien eft fauffe la lumiere qui les a conduits jufqu’a de telsprecipices, & qu’il remplifle de fon amour ceux qui en dfent difpenfer les hommes. Apr&s quelques difcours de cette forte je quitai le Pere, & je ne voisgudres d’appa- rence d’y retourner. Mais n’y ayez pas de regret: car s’il etoit ndcefiaire de vous en- tretenir encore de leurs maximes,j’ai affez lu leurs Livres pour pouvoir vous en dire k peu pres autant de leur Morale, & peut- dtre plus de leur Politique, qu’il n’efit faic lui-meme. Je ftiis, &c. Mr. Defpreaux avoue lui-meme que Ie Pere la Chaife, Confefleur du feu Roi Louis XIV, ne put tenir contre cette agteable ironie, 8c que l’admiration le porta a la faire re'peter plus d’une fois. Le tres-aigre 8c tres-dan- geteux Pete Tellier,Ton fuccefleur, n’autoit pas agi auffi galamment: il autoit fronce le fourci 1, groffi la bouche, garde le filence, 8c enfin auroit mis Defpreaux hors de chez lui par les e'paules: 8c peut-etre meme auroit-il die au feu Roi que ce poete etoit un heretique , qui pen- foit 8c parloit comme les Janfeniftes: il etoit bien ca¬ pable d“un pateil trait. NOTE 2. $6 I. Note sur la X. Lettre. NOTE PREMIERE. S U R L A DIXIE’ME LETTRE. De Popininn des Cafinftes qui veulent que Pon dernt Pabjohtion tiux Pecbeurs qui retombent toujcrurs dans les menus dejordres , quoiqu'on tic remarque en eux aun.ne ejperance d'amendmmt. "VT Ons avons d6ja vu par une infinite d’exem* -1-N pies, & nous verrons encore par ceux que nous rapporterons dans la fuite , combien les fentimens des nouveaux Cafuiftes fur la Morale font corrompus, a combien leur condefcendance pour les paflions des hommes eft aveugle. II n’y en a point cependant oil cela paroifle plus claire- ment, que dans ces deux paffages de l’Apologifte des Cafuiftes, oil il foutient hardiment la perni* cieufe doctrine des Jdfuites touchant l’abfolution qu’ils veulent qu’on accorde aux pecbeurs qui font dans l’habitude du vice , & dans lefquels on ne voit aucune efpdrance d’amendement. „ La doftrine des Thdologiens contre le refus „ de l’abfolution a encore plus de lieu, dit-il (i), ,, a regard de ceux qui ont contraftd une forte „ habitude du vice, par des chutes reitdrdes de „ jurer, de s’enivrer, & de commettre beaucoup „ de p£chez en matiere d’impuretd. Car encore „ que 1’habitude qu’ils ont volontsirement con- „ traftie par des rechutes au pdchd, leur ferve „ d’occsfion prochaine qui les porte a jurer s a „ s’en- \ (0 P • 4 9. De l’absolution. 257 ,, s’enivrer, & a d’autres mauvaifes actions: fou- ,, vent toutefois on ne peuc pas dire que cette „ habitude foit volontaire, puil'qu’ils la ddteftent, „ & voudroient pouvoir s’en ddfaire. Et dans la „ fuite ( 1 ) il approuve cette maxime gdndrale ,, des Cafuiftes: Qu’il n’eft pas ndceflaire que le „ Confefieur fe perfuade que la r6folution de fort ,, pdnitent s’executera , ni qu’il le juge meme ,, probablement: mais qu’il fuffit qu’il penfe que j, le pdnitent en a i l'heure meme le deflein gd- ,, ndral, quoiqu’il doive retomber en bien peu ,, de terns. Ce qu’il prouve par les raifons fui* „ vantes. La doctrine des Janfdniftes, dit-il, tend ,, au defefpoir, & ruine le Sacrement de la Con- „ feifion. Car oil trouvera t-on des pgnitens de „ qui le Pretre fe puifTe affurer qu’ils ne retom- „ beront point: & 13 les Cohfelfeurs attendoient „ cette certitude, & s’ils vouloient juger de l’ave- ,, nir par les fautes paiKes dont les pdnitens fe ,, confeflent, il ne faudroit plus de confedion, Car „ les ames qui ont confervd leur innocence bap- „ tifmale, n’en ont pas befoin; & on n’a pas de „ certitude que ceux qui font tombez dans des „ pdchez mortels, lorfqu’ils avoient la grace du ,, batdme, n’y retourneront plus apres qu’ils fe „ feront confeflez. Cette maxime des Janfdniftes „ eft done pernicieufe a I’Jiglife, & pire qu’un „ interdit general. Et ce qu’ils nous reprochent „ dans leur objettion, eft le fentiment de tous „ les bons Auteurs. Le Pretre doit done abfou- „ dre le pdnitent, quoiqu’il fuppofe qu’il retour- „ nera a ion pdchd. Les TMologiens vont plus „ avant, & difent que quand mSme le pdnitent „ jugeroit qu’il eft pour retomber bient6t en fa „ faute, il eft toutefois en dtat de recevoir l’ab- „ folu» (1) p. m. Tome II. R _ 253 I- Note sue la X. Lettre. „ folution, pourvu que le pdchd lui ddplalfe an 5, terns de la confeflron. Et cette vue qu’il a de „ fes rechutes, doit le porter au remede de la „ confeffion pour fe fortifier. De meme qu’un „ malade qui a la goute ne laiffe pas d’avoit un ,, grand ddfir de s’en ddfaire, quoiqu’il prdvoie „ qu’elle retournera. Et d’autant plus qu’il en „ craint le rttour, d’autant eft il plus foigneux ,, pour fe munir de prdfervatifs & de remedes. Je ne fai ce que je dois d’abord reprendre dans ces paroles de I’Apologifte. Rtmarquerai-je qu’il y choque manifeftement la raifon & le bon fens ? Ou qu’il renverfe les regies les plus com¬ munes de la prudence chrdtienne? Ou qu’il md* prife tdmdrairement toute 1 ’AntiquitdV Ou qu’il foule aux pieds 1 ’autoritd de St. Charle , ft ref- pe&de dans toute I’Eglife? Ou qu’il outrage in- dignement les Eveques de France ? Ou enfin qu’il expofe a un danger certain le falut des fideles, & ouvre la porte & toutes fortes de crimes ? Car n’eft il pas vifible qu’il fait tout cela dans ce feul paffage ? En premier lieu,qu’y a-t-il de plus ddraifonna. ble, & de plus abiurde, que la comparaifon qu’il fait de la goute avec les maladies de 1 ’ame ? Com- me ft la goute ddpendoit de la volontd, ou que les maladies de Fame n’en ddpendiffent pas. Cet¬ te difference qu’il y a entre les maladies du corps & celles de Fame , fe prdfente tout d’un coup aux yeux de tout le monde. Et il faut etre aveu- gle pour ne l’avoir pas appergue. La goute, aufli- bien que les autres maladies du corps,ne depend point de la volontd. Soit qu’on le veuille, ou qu’on ne le veuille pas, on en eft dgalement tour- mentd. Les attaques frdquentes de cette maladie ne prouvent done nullement que Ja volontd Fai- me. Au contraire, plus les attaques en font frd- quen^ De l’absolution. 259 quenteSj plus la volontd la bait, & en a d’aver- fion. C’eft tout le contraire des vices. Ils font dans la volontd, ou plutdt ils ne font autre chofe que la volontd rneme ddreglde. Perfonne n’ell atta- qud de ces maladies fpirituelles, qu’il ne le veuil- le bien. Perfonne ne les hait vdritablement, qu’il n’en foit en mdme terns ddlivrd. Si on y retombe de terns en terns, c’eft une marque que la vo¬ lontd n’en eft pas encore ddtacbde, ou pour me fervir des paroles de Saint Auguftin (1). qu'on ne veut pas encore le bicn qui y eft oppofd d’une volontd plane fid entiere , mais tout au plus d’une volontd foible & Innguiffante qui partagee entre divers mm- vemens s'eleve a peine b’un cote, qu’elle retombe aujft* tot de l'autre. En fecond lieu la prudence chrdtienne ne dd- vient-elle pas entierement inutile, ft on prend pourr gle de fa conduite cette m xime desjdfui- tes: Qu'on ne doit pas differer I’abfolution aux p£- cbeurs d'habitude, parce qu’il n’y a perfonne doni on fe puijje affurer qu’il ne retombera plus dans les memes pechez- Qui a jamais agi dans les chofes de la moindre confdquence fur ce principe, que les Jd- fuites veulent ndanmoins qu’on fuive dans la dif- penfation des faints myfteres ? Je demanderois vo- lontiers A ces Cafuiftes, ft toutes les fois qu’ils pla- cent de 1’argent, ils ndgligent de s’informer (3 ce- lui A qui ils le donnent eft un homme fftr, par Cette raifon qu’il eft impoflible de s’aflurer qu’il ne lui arrivera point d’accident qui le rende infol- vable Je leur demanderois s’ils. ont autant de confiance dans un nouveau domeftique qu’ils ne connoilfent point encore , que dans un ancien dont ils ont dprouvd la fiddlitd depuis plufieurs anndesi (l) Conf l, s. z6o I. Note sur la X Lettre. anndes. Cependant on ne peut etre entieremen; aflurd de la fiddlitd ni de l’un ni de I’autre; puif- qu’on voit des exemples de domeftiques qui ont void, & meme tue ieurs maitres, apres les avoir fervi long-tems tres-fidelement. Mais peut Stre feront-ils plus touchez par l’ex- emple de ce qui fe pratique dans tous les Ordres Religieux, oil I’on ne regoit perfonne qu’apres 1’avoir dprouvd long-tems, qu’apres avoir exami¬ ne avec foin le caradtere de fon efprit, & la fin- cdritd de fa vocation. Car a quoi fert cette dpreu- ve, s'il elt vrai que la longueur du terns foit inu¬ tile pour mieux juger de la rdfolution des per- fonnes? Pourquoi done les Jdfuites n’ont-ils pas la charite d’en difpenfer leurs poftulans ? Pour¬ quoi ne reqoivent-ils pas fur le champ ceux qui demandent & entrer dans leur Socidtd , afin de ne point donner lieu par ces ddlais de croire qu’its ddtournent tout le monde d’embraffer la Vie Reli- gieufe ? S’ils fentent bien eux-memes combien une tel¬ le conduite feroit contraire a toutes les regies de la prudence, & pernicieufe au bien de leur Socid- td; s’ils croient avec raifon devoir apporter tous leurs foins pour connoitre les fujets qui fe prd- fentent i eux; pourquoi non feulement excufent- ils cette negligence dans les Prdtres, mais vont- ils mdme jufqu’a cet exces que de la louer, & d’enfeigner que les Confeifeurs font obligez de traiter ainfi les pdcheurs? Quelle eft done la cau- fe de deux jugemens ft diffdrens fur deux chofes entierement femblables , fmon Putilitd de leur Socidtd, qui eft la loi fouveraine des Jefuites. IIs favent combien les Apoftats & les Religieux dd- reglez deshonorent les Coramunautez, cela fuffit. L’utilitd de leur Socidtd leur ouvre les yeux: el le leur fait prendre les moyens ndeeffaires pour n’en point De Absolution. 261 point admettre de tels parmi eux, & Ieur fait fa- cilement comprendre que la longueur du terns n’eft pas inutile pour s’afllirer de leurs difpoiltions. Au contraire, comme il eft utile au bien de leur Socidtd de pouvoir donner indiffdremment 1 ’abfo- lution a tout le monde, cette meme utility les aveugle, & leur perfuade malgrd la raifon, que le delai de 1’abfolution eft inutile pour connoitre la difpolition des pdnitens. Mais quoi de plus injurieux d l’Eglife primiti¬ ve, que de ddcrier comme me tloSrine particuliere mix Junfeniftes, & qui tend au defejpoir, une Difci- pline qui a dtd ft long-teins en vigueur d l'dgard de toute forte de crimes, & encore plus long- tems a 1 ’egard des crimes publics? Mais il n’eft pas ndceffaire de rdfuter ici amplement cette ca- lomnie.Mr. Arnauld, DofteurdeSorbonne, l’a fait prefque dans tout fon Livre De la Fre'quente Commu¬ nion , qui a dtd approuvd par feize Eveques , par vingt Dofteurs, & par une aflemblde des Eveques de la Province d’Aufch , qui en recommandent la lefture aux Fiddles avec des dloges extraordi- naires. Qu’on n’infere pas ndanmoins de-la que je croie qu’on doit rdtablir toute la fdvdritd de l’ancienne Difcipline. La corruption de notre fiecle eft trop grande pour le permettre. Je foutiens feulement deux chofes :1a premiere ,qu’il y a de 1’impidtd & de i’irreligion d ne pas refpefter une Difcipline ob- fervde pendant douze liecles, & d dire, comme fait l’Apologifte des Cafuiftes , qu’elle eft perni- cieufe aux Chrdtiens. La feconde, que ce n’eft point une fdvdritd, mais une precaution ndceflaire dans la difpenfation des myfteres de Jesus-Christ, que de diffdrer l’abfolution a ceux qui font voir par leurs frdquentes rechutes, qu’ils ne font pas dans une rdfoiutlon fmcere de fe corriger. a 3 C’eft 262 I. Note sur la X. Lettre. C’eft pourquo. St. Charle Botrom^e, une dea plus g.andes Iumieres que 1’iiglife ait eue dans ces derniers terns, le recommande expreffiment aux Confefleurs en ces termes: ,, Le Confeffeur, „ dit-il (i), ne doit point abfoudre uneperfonne „ qui eft en cet dtat, s’il juge probabiement „ qu’en demeurant dans les memes occafions, il „ tombera dans les memes pechez; mais il doit ,, prendre quelque terns pour examiner s’il chan* „ ge de vie. 11 doit oblerver cette regie avecd’au- „ tant plus de foin , que la negligence des Con- „ feiTeurs en ce point, eft caufe, comme nous le „ voyons, qu’il fe commet danslaplupart des Arts „ & des Proftflions un grand nombre d’abus & s , de tres-grands pdcbez, fans lefquels il femble „ qu’il n’y a prefque plus perfonne, qui puiffe „ exercer aujourd’hui de certains Emplois , & „ s’acquiter des chofes les plus Julies en elles- „ memes Et un peu plus fcaut:,,Nous avertiffons les Con- „ feffeurs qu’ils doivent refufer I’abfolution a „ ceux qu’ils jugeront probablement que, mal- „ grd les promelles & Its proteftations qu’ils „ font de quiter le pe'ch£ , ils ne le quiteront „ pas ndanmoins, & la diffdrer jufqu’ti ce qu’ils „ voient quelque amendement. Ils doivent gar- „ der la mdtne conduite a 1’dgard de ceux qui „ font retombez fouvent dans les memes pechez „ durant piufteurs ann£es, & qui n’ont fait aucun „ effort pour fe corriger Que les Jtifuites reconnoiffent dans cesDecrets de St. Charle, non feulement l’efprit de ce Saint Prdlat, mais encore celui de leurs premiers Peres; puifque ce fv’t le Pere Adornus Jefuite, homme d’un grand mdrite, qui travailla fous St. Charle a dreffer (i) Act, fart, 4. Injlr, Ctnf. p. 767. Sentiment de St. Charle.. 263 dreffer ces Inftructions. Ils ne le reconnoitront pas moins par ces paroles d’unancienjefuite nom¬ ine de Bonis, qui temoigne que J’expdrience feu- le lui avoit apris quel fruit on retire du ddlai de 1 ’abfolution. C’eft dans un Livre Italien intituld, T raite du tres-faint Sacrement de PAutcl , imprimd a Rome en 1595. „ L’expdrience, dit-il, fait voir ,, que c’eft un remede tres-utile pour guerir les „ frdquentes rechutes , que de diffdrer l’abfolu- „ tion, atin que les pdcheurs fe prdparerit d la j, communion par quelque exercice de pdnitence. „ II faut done leur en impofer qui foient pro- „ pres a leur infpirer la connoiflance, la douleur, „ & le repentir qu’ils doivent avoir de leurs pd- „ chez Si on ne le fait, ils retourneront incon- „ tinent a leurs ddreglemens. C’eft ce que tdmoi- „ gnent d’excellens & de prudens Religieux, qui „ alfurent que la conduite que je viens de rnar- „ quer a dtd tres-utile d beaucoup de pdcheurs. Enfin ce qui rend encore la tdmdritd de l’Apo- logifte des Cafuiftes plus inexcufable , c’eft que la derniere Affemblde du Clergd de France a con- damne publiquement cette indulgence pernicieu- fe que les Jdfuites veulent qu’on ait pour les pdcheurs. Car non feulement elle a fait imprimer a fes ddpens les Inftru&ions de St. Charle fi con- traires, comme nous venons de le voir, a cette conduite: mais dans la Lettre qu’elle a fait mettre d la tete de ce Livre, elle a combattu elle-meme cette corruption dans les termes les p us forts, & ru'ind toutes les raifons dont les Jdfuites s’efFor- cent de l’appuyer. Apres avoir rapportd quelques- unes des opinions qui fe font introduites de nos jours dans la Morale Chrdtienne: „ Outre cette „ corruption de doftrine , ajoute t-elle , qui fe t , gliife aitement dans tous les efprits (i on n’en j,, arrete le cours, nous avons dtd fenfiblement R 4 „ tou- 264 I. Note sur la X. Lettre. „ touchez de douleur, voyant la facility malbeu- „ reufe de la plupart des ConfelTeurs a donner ,, l’abfoludon a leurs pdnitens , fous des prdtextes „ pieux de les retirer peu a peu du pdchd par ,, cette douceur, & de ne les porter pas dans le „ defefpoir, ou dans un entier mdpris de la Reli*. » gion- Apres un jugement fi folemnel d’une Afiemblde fi cdlebre, & qui a dtd plus favorable aux Jdfuites qu’aucune autre, qui ne s’dconnera pas qu’ils ayent la hardiefie de fouler publiquement aux pieds fon autoritd; qu’ils 6fent foutenir comme la Dj'cipline commune de tous les Catholiques , & qui n’eft combattue que par les Janfdniftes, ce que ces Prd- lats ont condamnd comme une horrible corrup¬ tion ? D’oh l’on peut apprendre en paffant, que ceux qu’ils dtlcrient par tout fous le nom de Jan- fdniftes, font les Eveques rnemes de France, les Curez de Paris, ceux de Rouen, & ceux de pref- que toute la terre, qu’ils voient etre oppofez 4 leurs erreurs. Si l’autoritd de St. Charle & des Eveques de France ne faifoit pas imprefllon fur les Jefuites, au moins devoient-ils avoir dgard a toute la Dif- cipline de l’Egiife qu’ils renverfent par ce feul principe, & au falut des pdnitens qu’ils expofent a un danger Evident de fe perdre. Car tous leurs autres relachemens ne vont ordinairement qu’a excufer chaque crime en pardculier. Mais celui- ci les excufe tous, & ceux-la meme auxquels les Cafuifles avec toute leur habiletd n’ont fu trou- ver d’excufe. Le monde eft plein de pdcheurs d’habitude: il en eft comme accabld , prefque tous fe confeflent a Paque: & tous, des-que la fete eft paflee, retournent 4 leurs ddreglemens, fans qu’il paroifte dans leur vie aucune marque de conversion. Quel remede a un fi grand mal, fin on, De l’ ATTRITION NATUREIXE. 2 6s finon que les Pretres ayent de la fermetd pour fd- parer ces fortes de pdcheurs de l’Autel ? Ainfi quand les Jdfuites privent l’Egiife de cet unique remede qu’elle ait entre les mains , ils la mettent dans I’impolfibilitd de jamais reformer les mceurs des Chrdtiens. NOTE II. 'Refutation de 1’Herrfie des Jefuites fur l' Attrition Naturellc. P Lulieurs donnent diffdrentes louanges 4 Mon- talte. Pour moi je ne loue rien tant en lui, que fa circonfpeftion & fon exaftitude. II n’y a rien de plus prudent, rien de plus fage que fes expreffions. S’il trouve quelque opinion qui foit approuvde par des Thdologiens habiles, quelque faufie qu’elle lui paroifle, il fe donne bien de gar¬ de d’en faire un crime aux Jdfuites. Nous en avons un exemple remarquable dans la queltion dont il s’agit ici. La doftrine de tous les Thdologiens de Lou¬ vain , ou plutdt de prefque tous les anciens Thdologiens, fur la ndceflltd de l’amour de Dieu par-deffus toutes chofes pour la juftification des adultes, eft fans-doute la doctrine la plus pro¬ bable. Ainfi c’eft avec raifon que ces Thdologiens renferment meme cet amour dans la contrition imparfaite ou dans l’attrition , qui fuffit pour obtenir la remiflion des pdchez dans le Sacre- ment de Penitence. Et rien n’eft plus foible que cette objection, qu’on a coutume de faire contre leur fentiment, Que Pabfolution eft done purement declaratme. Car iis rdpondent deux chofes a ce- Ia, La prdmiere, que quoique la juftification R 5 P r dont Dieu qui lui fait * „ ces (l) Ibid. 1. la c. 9. (?•) Ibid, i, i, c, 4. St. Aug. de la crainte. 275 „ ces cotnmandemens, a une parfaite connoilfance. „ X. (1) En vain fe croit-on vidtorieux du „ pechd, lorfque ce n’eft que par la crainte du „ chUtiment qu’on s’en abftient. Car quoiqu’on „ n’aille pas jufqu’a faire l’adtion extdrieure de ce „ que la cupiditd demande , le ddflr fecret qu’on ,, en porte dans le coeur, eft un tyran dont on ,, demeure efclave. Or peut-on etre innocent aux „ yeux de Dieu, quand on eft dans la difpoiltion ,, de faire ce que la ju'tice ddfend, ft l’on pou- ,, voit fe garantir des fuppiices dont on fe voit ,, menacd? On eft done alors coupable dans la „ volontd : puitqu’on voudroit faire ce que la „ ioi ne permet pas , & qu’on ne s’en abftlent „ que parce qu’on ne le fauroit faire impundment. XI. (1) Le Prophete ne dit pas (implement des enfans d’Ephrem, qui font la figure de ceux qui attendent to.ut de leurs oeuvres: Ils n'tmt point garde Palliance du Seigneur , il ajoute, Et ils n’ont point voulu marcher dans fa loi. „ Car on ppurroit „ croire que la loi des oeuvres fuffit en quelque „ forte pour rendre l’homme jufte, parce qu’on ,, voit que ces perfonnes accompliifent au-dehors ,, ce que la loi commande. II eft vrai qu’ils aime- „ roient mieux qu’elle ne leur commandSt point: ,, tout ce qu’ils font, fans que leur coeur y ait „ part; mais ils ne lailTent pas cependant de le „ faire. Ainil on peut dire en un fens, qu’ils mar- „ chent dans la loi de Dieu: mais on ne peut ,, pas dire qu’ils veuillent y marcher , puifque „ leur coeur n’a point de part a ce qu’ils font. ,, Or il eft impoffible que le coeur ait part a ce ,, que l’on fait par la crainte duchltiment, &non „ par l’amour de la juftice. A ne regarder que le „ dehors (i) Ep. 144. (t) in Pf. 77- s % 2,76 II. INCITE SUR LA X. LeTTRE.' „ dehors de I’a&ion, ceux qui craignent le chatf- 3 , ment, & ceux qui aiment la juftice, s’abftien- j, nent dga'ement de voler. II n’y a done que le i, cceur qui les diftingue. Leurs aftions font fem- „ blables, mais leur volontd eft difFfrente. „ XII. (0 La crainte qui ne fait pas aimer la ,, juftice ,mais apprdhender le cMtiment, eftune „ crainte fervile Elle ne regarde que les intdrets ,, de la chair. AM elle ne la crucifte point La ,, volont£ de pdcher denieure toujours vivante, ,, & elle fe fait connoitre par les ceuvres, des- „ qu’el'e peut efpe-rer l’impunitd. Mais lorfqu’on ,, croit que Ie chat intent fuivra de pres le pechd, „ la volont^ de le commettre demeure a la vdri- „ td cachde , mais elle ne laifle pas d’etre tou- „ jours vivante. Car elle ddfireroit que ce que la „ loi ddfend lilt permis, & elle a de la douleuf 5 , de ce qu’il ne l’eft pas , parce qu’elle ne fe „ plait point fpirituellernent dans le bien qu’elle ,, commande, mais qu’elle craint d’une maniefe ,, charnelle le mal dont elle menace. J’ajouterai que cette Do&rine de Saint Auguftin eft tellement certaine, que e’eft fur elle que les Papes ont forme cette regie de droit. ( 2 ) Celui qui iiccomplit un precepte par la crainte , ne Vaccomplit pas comrhe il doit Faccomplir , & ainft il ne YaecmpM point du tout. 2f 0 T E (1) Cone . 2in Pf. 11 8 . (i) In Deere t. tit. de Reg. Juris. Obligation d’aimer Diet?. 277 NOTE TROISI E’ME, O u DISSERTATION THEOLOGIQUE Sur le Commandement d’aimer Dieu. (1) SECTION PREMIERE. Erreurs intoUrabks iPAntoine Sirmond Jefuite contre ce Commandment, $• 1. Vraie notion de TAmur de Dieu. L A Raifon & la Nature nous crient que tous les hommes font obligez d’aimer Dieu, & qu’ils doivent lui confacrer leur cceur par un amour chatle & defintdreffe. Mais les Saintes Ecriture* donnent une force nouvelle a cette voix ftcrette de la Nature , par la maniere dont elles nous parlent de cette dtroite obligation oil nous fam¬ ines d’aimer Dieu. Les Hiftoires, les Prophdties, les Figures , les Myfleres , les Menaces , les In«-. ftru&ions qui y font contenues , tendent toutes ila faire entrer dans lfefprit, & a la graver pro- fondd- (1) Cette Differtation avoit ete e'crite en Francois par Mr. Arnauld. Mr. Nicole la traduifit en Latin, l’adopta pour Ton Wendrock. On n'a pas ete a portee de (avoir ft Tilluftre Tradu&rice avoit eu connoifiance dc l’Ouvrage de Mr. Arnauld : ce qui eft ici, paroit jrat> duit fur le Latin; 278 III. Note sur la X. Lettre.’ i’onddment dans le coeur des hommes. Toute h Religion Chretienne ett renfermde dans ce com- mandement. Jesus-Christ n’eft venu au monde, il n’a fouffert, il n’elt reffufcit^ , qu’afin d’allu- mer ce feu facrd dans le cceur de fes dlus. Ainfi ceux qui ruinent ce grand commandement, ren- verfent d’un leul coup toute la Religion Chrdtien- ne : ils andantiilent le delfein de 1’Incarnation: Ils rendent inutiles tous les Myfteres: ils ddmen- tent toutes les Ecritures: leur erreur en un mot renferme le venin de toutes les autres. Car les autres erreurs ne retranchent , pour ainfi dire, que quelques branches; mais celle-ci coupe le tronc de l’arbre, & fape la Religion par les fon- demens. On peut ruiner ce commandement en deux manieres : l’une, en niant que d’aimer Dieu ce foit un pr£cepte: & l’autre, en avouant que c’eft un prticepte , mais en fubftituant a la place de cet amour veritable & fincere qui nous eft com- mandd , un amour faux & imaginaire. Car comme il y a cette difference entre le pr£- cepte & le confeil, qu’on mdrite d’etre puni lorfqu’on n’obdit pas au prdcepte, au lieu qu’on ne mdrite pas de mSme d’etre puni quand on ne ffuit pas le confeil ; il eft Evident que ceux-la ruinent entierement la vdritd du commandement que Dieu nous fait de l’aimer , qui prdtendent qu’il n’impofe pas cette obligation abfolue, qui retranchent la peine qui y eft attachde , & qui nient que ceux quin’y obdiflentpas m^ritent d’e¬ tre punis. Il n’eft pas moins Evident que cet amour de Dieu qui nous eft command^ , & qui renferme la Loi & les Prophetes, eft un atte de la volen¬ ti, foit que cet acte demeure cachd au-dedans de la volonte meme, foit qu’il fe manifefte au-de- hors Obligation d’aimer Dir.tr. 279 hors par quelque aftion exterieure. De forte qu’il eft aufli impoffible qu’on accompliffe ce com- niandement fans que la volontd agiffe, qu’il fe- roit impoffible d’accomplir le commandement qu’on nous feroit d’ou'ir , de voir , de conce* voir quelque chofe, fans faire agir 1’oui'e, la vue, & l’entendement. J’ai dit qu’il 6toit impoffible d’aimer fans un ade de la volonte. Car il ne faut pas confondre l’amour avec la penfde ou l’idce que nous avons de l’amour, comme font tant de gens', qui par une erreur aulfi groffiere que pernicieufe , font confifter 1 ’amour de Dieu dans cette penfde & dans cette reflexion de 1’efprit qui nous reprdfen- te l’amour, & qui nous fait dire que nous ai- mons Dieu. Le veritable amour eft un certain poids (ou un mouvement) qui porte la volonte vers la chofe aimde, & non une finrple reflexion de l’efprit, qui peut bien a la vdritd accompagner cet amour, mais qui n’eft pas 1’amour meme. Combien y a-t-il de meres qui aiment tendre- ment leurs enfans, & de femmes qui aiment paffionnement leur mari, a qui cependant il n’eft jamais venu dans i’efprit de tdmoigner leur amour par ces reflexions ou par ces paroles qui fervent a l’exprimer. Le foin plein de tendreffe qu’elles ont pour leurs enfans ou pour leur mari, leur inquietude quand elles le's voient malades, leur joie quand ils reviennent en fante, leur crainte quand ils font en quelque danger, leur impatien¬ ce quand ils font abfens, font autant de vdrita- bles aftes d’amour qu’elles produifent. Ce font autant de formes que prend l’amour, qui fe di- verfifie ainfr en une infinite de manieres. C’eft par cette image imparfaite qu’il faut ju- ger de l’amour furnaturel. 11 eft, comme l’amour naturel,une effufion ducceur, & non une produc- S a tips III. Note sur la X. Lettre. tion de I’efprit. II fe diverfifie de meme dans les ames par les diffftens mouvemens qu’il y ex- ; cite. Le zele de Saint Paul qui dtoit bru!6 lorf- que fes freres dtoient fcandalifez, & qui dtoitr foible Jorfqu’ils dtoient foibles : fa joie, lorf- qu’il voyoit que Dieu r^pandoit fes graces avec apondance fur les fideles: ft douleur profonde, quand il voyoit l’Evangile mdprife par les Juifs: cette fainte indignation dont il dtoit anim6 contre ceux qui abandonnoient la vdritd apres l’avoir connue: ce dftir ardent qu’il avoit d’dtre ddlivrd de fon corps pour etre avec Jesus-Christ : cette crainte chafte qui lui faifoit apprdhencier d’etre . lui-meme reprouvd apres avoir prechd 1’Evangile aux autres , dtoient autant d’lmprefllons de I’a- inour, & autant de formes que prenoit la charitd qui embrafoit fon cceur. Voila ce que c’eft que l’amour veritable & fin- cere que Dieu veut que nous ayons pour lui. Il elt fouvent ftpard de cette rfflexion de J’efprit, par laquelle nous nous rendons tdmoignage a nous - memes, ou nous proteftons a Dieu que nous l’aimons, mais il re peut jamais etre Kpar6 de I’a&ion de la volontd. Or de cette notion de 1’amour de Dieu il s’en- fuit manifeltement, que ceux qui prdtendent que nous ne fommes pas obliges a produire des aftes de cet amour, ruinent entierement Ie comman- dement d’aimer Dieu, quelque Coin qu’ils ayent d’ailleurs de conferver Ie nom d’amour & de pri- cepte. Car les comtnandemens de Dieu ne confif- tent pas dans Ie fon des paroles , mats dans la vdritd de la chofe que les paroles fignifient. Mais eil-il poflible, dira-t-on , qu’il y ait eu au jnonde un homme afiez perdu & affez impie pour ofer ainfi violer ce grand commandement, & prqfaner le fan&uaire de la Religion Chrdtienne? r ' Ne Obligation d’aimer Dieu. 28 $ Ne nous laiffons-nous point effrayer id par de vains fant6mes? Y a-t-il jamais eu perfonne qui ait pouffe I’impide jufqu’a nier qu’il foit ndceffai- re d’aimer Dieu pour etre fauvd?,Non, il n’eft pas vrai qu’il y en ait jamais eu, ii nous'en croyons les Jduites (i). Et c’eft pour cela qu’ils accufent Montalte d’ignorance, de malice, & de calomniep parce qu’il impute cet horrible exces au P. Antoine Sirmond, quoique les principaux d’entre les Jdfuites ayent fait fon apologte. Que devons-nous doncfaire dans cette rencontre ?Sou- frirons-nous que Montalte, quoiqu’innocent, de- meure chargd du reproche qu’on lui fait? Ou convaincrons-nous le P. Sirmond d’impitkd, & Jes Jdfuites de mauvaife foi & de calomnie ? Ce dernier parti eft fans-doute celui qu’il faut pren¬ dre. Car l’6quit6 & la vdritd ne nous permettent pas de prendre l’autre: au lieu que non feulement elles nous permettent de prendre celui-ci, mais meme elles nous y engagent indifpenfablement. Nous avons done deux chofes 4 ddnontrer: la premiere, que jamais perfonne n’a propofd fon er- reur avec plus de hardieffe que le P. Sirmond: la feconde,que lesjefuites n’ont jamais foutenu per¬ fonne avec plus d’impudence & de mauvaife foi. Pourprouver ces deux chofes, &pr6venird’abord toutes les chicanes que les Jdfuites pourroient faire, nous comtnencerons parexpofer auxletteurS la doftrine du P. Sirmond avec le plus de brieve- 16 & d’exa&itude qu’il fera poflible. (l) is. Impojl. s s §.n. -282 III. Note sur la X. Lettre. §• II- "Explication exotic tie la doBnne du P. Mtoiu Sirmond. L E P. Sirmond a divifg fon Livre intitule, La Defehfe de la Vertu , en trois traitez, dont le fecond ell encore divifd en trois factions. 11 exa¬ mine dans la premiere, l’obligation du prdcepte de 1’amour de Dieu; & pour faire entrer plus fa- cilement les lecteurs dans fes fentimens relachez, il propofe d’abord Cette queftion (i), qu’il a cru la moins capable de les rebuter: „ Savoir ft le „ commandement d’aimer Dieu oblige toujours „ tellement, qu’il y aille de la mort dernelle, ,, fi nous ne refpirons continuellement & aftuel- ,, ment cet air de la vie ^ternelle , qui eft de „ connoitre & aimer Dieu. Et apres avoir 6tabli que cet a tie continuel d’amour n’appartient pro- prement qu’a ceux qui font dt5ja parvenus a leur veritable patrie, & non a ceux qui marchent en¬ core dans le monde,comme dans une terre £tran- gere, & qu’ainfi il ne pent avoir command^ dans cette vie, il vient d la queftion dont il s’agit feuleinent ici, & void comme il la propofe. „ Les prdceptes afiirmatifs , dit-il, n’obligeant „ qu’en certains terns, que dirons-nous de celui- ,, ci? En quel terns obligera-t-il ? Sur quoi il rapporte differentes opinions des Theologiens, qu’il rejette toutes. Et enfin il riiduit toute la difficult 6 4 ces termes precis. „ S’il y a, dit-il, „ (i) commandement d’aimer, il oblige de fon „ chef a fon obfervation. Qui demanderoit, & fa 3 , tranfgreflion a quoi oblige-t-elle ? Pecheroit-il ms- (i) Trait, 2, fiB, i, ch, 2, (2) ch, 3. Doctrine du P. Sirmond. 233 ,, mortellement contre ce prdcepte, qui n’exer- „ ceroic jamais d’a&e interne d’amourline pouvoit pas propofer la queltion plus claire- ment. Ecoutnns done ce qu’il y rdpond. „ St. Thomas, dit-il, 2. 2. q. 44. a. 6 . femble ,, rdpondre que non, & fe contenter pour dviter „ la damnation dternelle, que nous ne faflions rien „ d’ailleurs contre la faerde dileftion, quoique ja» „ mais en cette vie nous n’en euffionsl’afteformeh Nous montrerons en fon lieu que St. Thomas n’a jamais enfeignd cette erreur, mais il faut main- tenant nous donner \% patience d’entendre ie P. Sirmond. „ Si c’eft-Ia, continue-t-il, la do&rine „ de St. Thomas, comme il fembie que ce 1 ’eft, i, je dirois volontiers fous fon autoritd, que Dieu „ nous commandant de l’aimer, fe contente au „ fond que nous lui obdiffions en fes autres com- „ mandemens: ce qu’il tache de confirmer par „ l’Evangile qu’il corrompt, comme il avoit cor- „ rompu Saint Thomas. II eft done dit, conclud- ,, il, que nous aimerons Dieu , mais effective- „ ment, opere Scveritate; faifant fa voionte ,, comme ft nous l’aimions effectivement, comme „ ft fon amour facre brfiloit nos ccetirs, comme fi ,, le motif de la charitd nous y portoit. S’il lefait ,, rdelleinent, encore mieux. S’il ne ie fait pas, nous „ ne laiffons pourtant pas d’obd'ir a la rigueur an „ commandement d’amour, en ayant les ceuvres. „ De faqonque, (voyez la bontd de Dieu!) il ,, ne nous eit pas tant commands d’aimer que de „ ne point hair; foit formellement, par haine EC- 5, tuelle, ce qui feroit bien diabolique; foit ma- „ tdriellement, par transgrelfion de la loi. Voili comme le P. Sirmond entre en matiere, voyons comme il continue. Il examine dans le ebapitre fuivant quel eft le fens de ce prdcepte, Votts aimerez le Seigneur votrs I Hcu 284 HI* Note sur la X. Lettre. Dieu He tout votre ccetir. Et c’ett lui-mfime qui par* le ici. II ne fe couvre plus de l’autoritd de St. Thomas. Ecoutons le do.c dogmatizer. „Ilfaut, „ dit-il, diftinguer deux chofes au commander „ ment, & deux chofes en l’amour. Au com* ,, mandement la douceur & la rigutur, en l’a- „ mour le motif & 1 ’efFet : ou ft vous aimez „ mieux diftinguer deux commandemens& deux 3> amours, un commandement de douceur & un „ de rigueur. II y a un amour d’affe&on, & „ un d’exdcution. Qui commande autant qu’il 3 , peut , mais fans menace , fans apportion de 3 , peine, au moms grieve, a qui n’obeira, fon i, commandement n’eft que de miel & de dou- 3 , ceur; y ajoutant la peine ou la commination „ de mort, 11 le met a la rigueur. De meme qui „ fait du bien 4 un autre sans inisntion ob „ affection pour lui , ne I’aitne qu’en effet & ,, non d’affe&ion: qui avec intention a de l’a- „ mour pour lui, eft effeftif & affettif. II donne la definition de tous les termes dont il veut fe fervir. li ne peut plus y avoir d’dquivo- que. Voyons done ce qu’il va conciure de tout ceci. ,3 Celg fuppofd, dit-il, que fiut-il dire foit ,, du fond, foit de la mefure de l’amour, que le ,, grand & le premier prdcepte nous enjoinr? j, Qu’il nous eft un commandement de douceur 3 , au regard de I’amour aiTeftif, de l’amour d’in- „ tention & de motif; un commandement de s , rigueur quant a I’amour effedtif & d’execution... Pour obd'ir 4 cette loi, enfant qu’elle ell loi 3 , de douceur, il fautque votre cosur, touche & 3 , rempli d’un vrai amour, portd du motif de ,, charitd, entraine apres foi toutes vos penfdes, >s tous vos fentimens, & toute votre capacity a si l’exdcution des moindres volontez de Dieu. hi G’eft i quoi nous devons tous afpirer pour •> 1 » eye DocTRTNS DU P. SlRMONDi „ dtreparfaits Qai nefe fentpas pdndtrd dece feu „ divin, & ndaunoins fous quelque autre bonne „ conflddration fe tient ft fujet a fon devoir, ,2 qu’il n’a aftV&ion au coeur, penfde en l’efprit,’ ,, paifion en fame, ni puiffance en toute fa per- „ fonne, dont il ne quite les interdts pour ac- 3 , comp'ir en toutes chofes toutes les volontez principales de Dieu oil il y va de fa difgrace, ,, pour fe regler a ce que la raifon lui difte en 33 chofe importante: qui en eft-14, il obdit 4 la „ rigueur de ce grand commandcrnent, & fait ce ,, qui eft ndceifaire, ou fuffifant, pour fon falut. Apres avoir rdpdtd pluiieurs fois la mdme doc¬ trine, il en rapporte la raifon qui eft autant ou plus impie que ce qu’il veut dtablir. Voil4, dit- 3 , il Ci).comme Dieu,& a'da, & apu nouscom- „ mander fon faint amour. 11 a dfi nous le com- „ mander quant 4 l’effet avec rigueur, ainii qu’il „ a etd dit. Autrement en quoi efit-il paru Ie „ Maltre & le Seigneur, s’il ne fe fiit fait obeir? ,3 La douceur y a dtd plus propre pour prefler „ l’affedtion cordiale. SM eitc dit: Je vous per- „ drai quelque obdiflance que vous me rendiez, ,, fi de plus votre cceur n’eft a moi: ce motif, a „ votre avis, efit-il dtd bien proportionnd 4 cette „ Jin ? Sur la fin du chapitre- il renvoie le Le&eur a un autre endroit, ou il dtablit encore la mdme do&rine, & la foutient avec la meme hardieffe, J. 01* CO ti. J. 2g<5 III. Note -sun la X. Lettre. J. lit la meme DoSrine foutenue depurs par le mime Vert Sirmond dans un Ecrit qui a pour titre , Reponfe a un Libelle diffamatoire , &c. (i) U NTbioIogien ayant rdfut£ avec affez de for¬ ce cette dodtrine du Pere Sirmond, par un Extrait qu’il fit des propofitions de fon Livre, ce Pere, au lieu de reconnoitre humblement les er- reurs pernicieufes oil il dtoittombd, fit une rd. ponfe d cetEcrit, oil il charge d’injures leThdo- logien qui avoit 6te le reprendre, & ou il conti¬ nue 4 foutenir fa doctrine avec une nouvelle con- fiance. Je ne dirai rien ici de toutes les injures dont fa reponfe eft remplie, je ne rapporterai que ce qui regarde la queftion dont il s’agit. Voici done comme il parle. „ r. Votre princi- „ pale plainte, dit-il ( 2 ), eft de ce que j’ai die „ que le prskepte d’aimer Dieu quant a l’affedtion ,, intdrieure, eft un prdcepte de douceur, & non „ de rigueur, e’eft-a-dire que j’ai nid qu’il obli- „ geat fous peine de damnation. En cela vous „ me calomniez, cette dodtrine n’eil pas de moi, ,, elle eft de St. Thomas, & ce n’eft que fous fon „ nom que jel’ai avanede”. J’ai ddja averti que nous ferions voir dans la fuite.que e’eft un nou¬ veau crime d ce Pere, d’attribuer, comme il fait, cette dodtrine a St. Thomas, & que bien loin de S’excufer par-id, il ne fait que fe rendre plus cou- pable (i) On rid pa trouver ce Livre qui ejl Franpois. Ain ft On nen rapporte pas les propres ttrmes dans les pajfages qui en font citez dans la fuite , hors quelques endroits qu on CS trouvez dans des mueils , quen marquera en italiqus. (*) P' 7, Doctrine du P. Sirmond. 287 pable par cette fuppofition. Mais afin de lui dter aieme des a pr^fent cette excufe, voyons com¬ ment il defend en fon nom cette doctrine, qu’il pretend avoir tirte de St. Thomas. La difpute, dit-il , eft de /avoir fi outre les dix Commandemens de la Loi, nous J'ommes encore oblu gez ,fous peine de damnation etcrnelle, de garden les deux dutres de l'amour de Dieu & du Prochain , dont elle depend toute entiere, & les Prophetes avec elle? J'avois > repondu que St. Thomas Jembloit dire que non, & que ,, ces deux Commandemens ne nous impofent au- ,, cune nouveile obligation. J’avois ajout£ que je „ me fentois extremement port<$ a etre de fon ,, fentiment, fuppof£ que cela fut ainfi, parce „ que j’y voyois beaucoup de probability. Mais „ foit, quand j’aurois dit affirmativement que j’en „ fuis, qu’eft-ce que ce!a feroit? Voila quelle eft la hardielTe de cet homme, Qu'efl-ce que cela feroit ? Si un Thdologien avoit dit qu’il n’y a point de commandement qui nous oblige a aimer Dieu, Qu'eft ce que cela feroit , 11 d’une feule parole il avoit dytruit tout i’Evan- gite? Quoi de plus horrible 1 mais voyons la fuite. ,, 2 . Il eft tres-important, dit-il, de bien com J „ prendre quelle difference il y a entre i’opinion „ que vous m’attribuez, & celle que vous croyez „ etre tenue pour conftante dans 1’Eglife. Aimez- „ moi, dira Dieu, dans votre opinion; autre- „ ment je vous perdrai eternellement, quand me- ,, me par crainte, ou par quelque autre fin loua- „ ble, vous auriez il humble devant mes yeux & fi foumis. que vous n’auriez jamais merits ,, par la tranfgrefilon d’aucun prdcepte d’etre d£- ,, pouilie de la grace de votre Bateme. Aimtz- moi a&v.elkment , dira Dieu dans non opinion, fi je ■prens parti contre vous, Jq vous k commande, non touts- 288 III. Note sur la X. Lettre. toutefois ft abfolument , que ft cPailkws vous ne faites rim de contraire d I’amour qui m'efi du par tant de titres & cf obligations , faie d vous chdtiir pour un ja¬ mais. Et un peu apres (i) il en apporte cette rai- fon: „ Parce qu’il femble, dit-il, oppote a l’a- „ mour de menacer d’une peine dternelle: cette „ menace donnant aux hommes occafion d’aimet „ Dieu par ia feule crainte de Ja peine, ce qui eft „ tres-dloignd du veritable amour. Outre cette diftinaion de prdcepte de rigueur & deprdcepte de douceur, il en invente encore ici une autre, afin d’dluder tous les tdmoignages qu’on pourroit apporter del’EcritureSainte,&des Peres, pour prouver que Dieu a command^ ab¬ folument de l’aimer. Il diftingue deux fortes d’a- mour, un amour habituel, & un amour aftuel; & il pretend que tous ces t^moignages fe doivent entendre de l’amour habituel, & non de l’amour aftuel. Enfin il tache d’appuyer encore fa doctrine, ou,’ comme il parle, le veritable fentiment de St. Tho¬ mas , de l’autoritd de St. Auguftin, de St. Bernard, de Gerfon, & de Mr. du Val. Et fier de tant de ddfenfeurs, comme s’il foutenoit la meilleure cau- fe du monde,iI traite infolemment fon Adverfaire dans tout fon Ecrit, de calomniateur, d’hdrdti- que, & de novateur. Et comme ce n’eft gueres la coutume. des Jd- fuites de revenir d’un engagement, quelque infa¬ me qu’il puttie etre, lorsqu’ils ont une fois fran- chi le pas, mais plutdt de s’y defendre avec ob- ftination contre tous ceux qui s’efforcent de les corriger; auffi la haine prodigieufe que le P. Sir-, mond s’eft attirde par fon execrable opinion, n’a pas empechd queTambourin,par unaveuglement fembla- (0 14 - Tambourin de l’Amour de Dieu. z$g femblable,n’ait eu la hardieffe de la prdcher touts entiere a des Chrdtiens. Encore bien, dii-il (i), que la commune opinion porte qu’il yarn commande- ment particuher darner Dieu renferme dans ces paro¬ les, Vous aimerez le Seigneur vorre Dieu, & ailleurs; cependant des Auteurs qui ne font pas me- prifables , enfeignent quit n'y a point de terns prefcrib en particuher pour I'accomplir , mats que c'ejl un com• mandement generaI enferme dans tous ks autres ; de mime que le J'econd commandement de l'amour du pro¬ chain n’e/l pas m commandement particuher & Jepare', mms compris dans ceux du Decalogue. Car c'ejl pour cela quil eft dit, que dans ces deux commande- roens de Vamour de Dieu & du Procbair. , toute la Loi & les Prophetes font renfermez; & quicon- que re^oit mes pr^ceptes & les garde , e’eft celui- la qui m’aime, & l’amour eft la ptenitude de la Loi. Car ji celui qui garde les commandemens aime , & celui qui aime les garde , il s’enfuit que I’une de ces deux chofts eft- contenue dans l'autre ; & par con- fequent le precepte de la charite n’obligera qu’indi- Tenement, & d raifon de quelque autre chofe Et que Ton ne s’imagine pas qu’il ne parle que felon le fentiment des autres: car encore qu’a la faveurdu dogme de la Probability chique Cafuifte ait droit de faire fienne toute opinion qu’il cite ou qu’il rapporte , fans qu’il foit befoin qu’il 1’ap- prouve autrement, puifque chez eux e’eft 1’ap- prouver que de la rapporter ; ndanmoins Tam¬ bourin donne lui-nteme dans cette monftrueuie opinion un peu plus haut: Les DoBeurs , dit-il, font en peine d’aftigner un terns precis auquel les fdelles Joient obligez de faire un aBe pofitif a'amour envers Dieu. Pour mot, ce qu’Azor enjeigne tom. 1. 1 .9 c. 4. q. 1. vers la fin, que ce precepte de la charite n'a did L. 2. in Decal, I, 3 , §. 2. n. 3 . Tome ll. T spo III. Note sue. la X. Lettre. ete imptfe que pour la juftification de I'Impie, me plaft. Awji cc precepte n'obligera que lorsque Pimpie n'ayant point d lit main le Sacremcnt de Penitence, ne trouverct point d’autre vote pour jc juftifier , qu’en formant utt «8e de contrition, qni enfin, de quelque maniere, rcn- ferme toujours un ncie d’amour de Dieu fur toutes cfco- fcs. Or il eft ft rare que Pon manque de Confefleur, que je ne fai ft le cas arrive une fois en un an dans toute l’Europe Cbrdtienne. Ainfi, felon les jeiuites , a peine fe trouvera-t-il un feul Chre¬ tien en Europe oblige d’obeir au commandement d’aimer Dieu. Certainement je ne vois pas ce que 1’Antechrift meme pourra precher de plus perni- cieux a fes feclateurs. En vdrite il eft etonnant qu’une doctrine ft horrible puifle entrer dans l’ef- prit d’un Theologien Chretien. Mais n’eft-il pas encore plus etonnant que les Predicateurs & les Defenfeurs d’unblafpheme ft execrable demeurent impunis dans l’Eglife ? £t devroit-elle difidrer un moment d’employer toute fon autorite pour les obliger a detefter une li impie & ft facrilege h6- refie ? SECTION De l’amour effect if. 291 SECTION SECONDE. ’Refutation des diftinBions capticufes du P. Sirmond. £• I- Refutation de la premiere difiinBion qu'ilfiit de l'A- mour, en Amour AjfeBif & en Amour EjfeBif. L ’Impidtd a honte elle-meme de fa Iaideur. Elle n’dCe paroitre A decouvert. Elle cherche des ddtours pour fe cacher a fes propres yeux & A ceux des autres. C’eft ce qu’on voit claireraent icl dans la conduite du P. Sirmond. II avoit def- fein d’introduire ce dogme fi horrible, qu’il n’y a point de commandement qui oblige leshommes A aimer Dieu a&uellement. II n’a 6fd prononcer ouvertement un fi grand blafpheme , ou plutdt il a apprdhendd avec beaucoup de raifon, que tous les Chretiens n’en efifient d’abord horreur. Pour le faire recevoir avec plus de facility ,il l’a ddguifd & comme enveloppd fous diffdrentes diftinciions fpdcieufes, par lefquelles, en confervant le nom d’amour & de commandement pour impofer aux Simples, il ruine en efFet 1’obligation oil nous fommes d’aimerDieu. La diftinftion qui lui a paru la plus fubtile & la plus propre a fon defiein, eft celle qu’il emprunte des Thdologiens , avec lefquels il aiftingue deux fortes d’amours, l’amour affedtif & l’amour effedtif, ou autrement I’amour d’af- fedtion, & l’amour d’exdcution. Mais il impofe en cela d’une maniere indigne: c’eft ce que nous aligns faire voir ici avec foin. T z Et 292 HI. Note ser la X. LettrE. Et pour cela il faut obferver que quoique cette diftindtion ne foit pas nouvelie, comme je viens de le dire, elie eft ndanmoins particuliere au P. Sirmond; ce Pere la produifant dans un fens tout nouveau, & entierement contraire a l’idee que nous en donnent les autres Thdologiens. Car ils entendenc tous par l’amour affedtif, 1’amour qui demeure dans la volontd & dans le cceur , fans produire d’actions extdrieures; & par l’amour ef- fectif ils entendent le meme amour intdrieur Sc affedtif, entant qu’il produit des adtions extdrieu- res. C’eft ce qui fait dire a St. Franqois de Sales: ,, Que la divine dilection a deux a dies iflus pro- „ prement & extraits d’elle-meme; dont 1’un eft „ l'amour effectif, qui comme un autre Jofeph „ ufant de la plenitude de l’autoritd royale, fou- ,, met & range tout le peuple de nos facultez, „ puiffances, pafllons, & affedtions 4 la volontd „ de Dieu , afin qu’il foit aime, obd'i, & fervi „ fur toutes chofes, rendant par ce moyen ex6- „ cutd le grand commandement cdlefte (i),Tu „ aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton „ coeur, de toute ton ame, de tout ton efprit, de „ toutes tes forces. L’autre eft l’amour affectif ou ,, affedtueux, qui comme un petit Benjamin eft ,, grandement ddlicat, tendre, agrdable, & aima- „ ble; mais en cela plus heureux que Benjamin , „ que la charite fa mere ne meurt pas en le pro- „ duifant, ains prend, ce femble, une nouvelie „ vie par la fuavite qu’elle en reffent. II eft done certain que ces deux amours ren- ferment dgalement un adte intdrieur d’amour, quoiqu’il n’y ait que l’amour affectif a qui on donne le nom d’amour intdrieur: de la meme ma- niere qu’il n’y a que les graces que nous recevons de (i) 1 . ii. it l'Amour de Dieu, eh, 4 . De i’amoSr effectie. 293 de Dieu pour la fanftification des autres qu’on jomme gratuites, quoique l’on puiffe egalement appeller gratuites les graces que nous recevons pour notre propre fandtification. C’eft dans ce fens que lesThdologiens ont toujours employd ces ter- mes d’amour affedtif, & d’amour effedtif. Mais ie P. Sirmond, qui ne les choififfoit’que pour impo- fer a fes Lecterns, leur a dtd ce fens nature!, & en a fubftitud un imaginaire, & tout A fait diffd- j, rent de celui-la. Qui fait du him, dit-il (i),/2 „ un autre fans intention ou affection pour ,, lui, ne Paime tju'en effet, & non d'affeBion. Qui „ avec intention fait du bien d un autre, a de rumour „ pour lui & effeBif & affeffif. Ainfi dans Ie metne terns que Ie P. Sirmond par- le comme les autres Thdologiens, il penfe d’une autre maniere, & il enfeigne une doflrine toute oppofde. Car par l’amour effedtif les Thdologiens: entendent un amour intdrieur, qui fe rdpand dans toutes les actions extdrieures: & le P. Sirmond n’entend par cet amour, qu’un amour purement extdrieur fans intention ou affeBion interieure ; ce que perfonne avant lui ne s’dtoit jamais avifd d’appel- ler amour. Quand done il ajoute apres avoir don- nd cette explication , Qiie le pre'cepte d'aimer Dieu n'tfi pas un commandemeni de rigutur au regard de I'a- mour affeftif, ce qu’il prdtend , c’eft qu’il ne nous eft point commandd d’aimer Dieu d’un amour in- tdrieur, & qu’on fatisfait a la rigueur a ce grand commandement, pourvu qu’on obferve les autres fans amour, fans intention, & fans affedtion. ]e ne fai fi jamais perfonne s’eft joud avec plus d’effronterie de la Parole de Dieu. Car qu’y a-t-il qui foit exprimd plus clairement, & en termes plus fignificatifs, que ce commandement, le plus grand, (') Dtfenfe de U Vertu trait. 7.. fed. I. c. 4. 294 III- Note sur la X. Lettre. grand, & le premier de tous: Eceutez Ifrael,voti n'aurez qu’un Jail Dieu, & vous aimtrtz le Seigneur votre Dieu ? Or qu’eft-ce qu’aimer, finon avoir une inclination & une affeftion intdrieure pour la chofe qu’on aime ? L’amour & P affection n’etant done qu’une meme chofe, un amour fans affec¬ tion, tel qu’eit cet amour effeihf du P. Sirmond, n’eft point un amour, mais un fantdme & une pure illufion. Ainfi ceiui qui fubliitue, coinnje fait ce Pere, cet amour effectif & fans affection, a la place du veritable amour, ddtruit en effet l’amcur. II n’en laifle que I’apparence, ou, pour mieux dire, il n’en laifie que le nom, & un com qui ne lignifie plus rien. Le P. Sirmond s’eft bien apperqu lui-meme combien cela dtoit abfurde. Ec pour couvrir un peu le ridicule & la malignity de fon opinion, il a eu recours a une diftinction fort ordinaire aux Hdrdtiques. Les ejfets, dit-il (i), prement Jouvcnt k nom de heir cauj'e ordinaire, comm les Jcgnes des ' choj'es Jignifie'es. De-Id ejl qu'on pent dormer ceiui d’a- wtour aux effets exterieurs , sans avoir egard si l’interieuk y est. Mais bien loin que cette diftinction le juftifie, elle ne fait que le rendre plus crimine!. Car qui avoit jamais dit dans 1’Eglife avant le P. Sirmond, qui avoit jamais penfd, qui avoit jamais ou! dire, qui n’a pas meme encore de la peine, en le lifant dans les Ecrits de ce Pere, a croire qu’ii foit ja¬ mais venu dans l’efprit d’un Chrdtien, que Ig premier commandement n’eft qu’un commande- ment figuratif, & que Dieu en nous ordonnant de 1’aimer, ne demande de nous en rigueur que leiigne & la figure de 1’amour? Les jefaites ne xougiront-ils point id d’imiter fi ouvenement les artifices, (i) %gptmfe p. 17. De l’amour effectif. 295 artifices, la tdmdritd, & la mauvaife foi des Hd- rddques? Ne rougiront-ils point de corrompre le fens d’un commandement fi clair & fi prdcis, en le rdduifant a un amour figuratif, de meme que les Hdrdtiques corrompent le fens des paroles les plus claires de Jesus-Christ fur 1 ’Euchariftie, en les ddtournant a des mdtaphores & a des figures ? Ne rougiront-ils point de chercher des figures dans une Loi qui doit etre con^ue en des termes fimples, de meme que les Hdrdtiques cherchenC des mdtaphores dans les paroles fimples d’un Teftament? Cette pretenfion eft d’autant plus abfurde, qu’il n’y a rien oil les figures ayent moins lieu que dans le prdcepte de la charitd. C’eft pourquoi St. Auguftin voulant donner des regies pour difcerner dans l’Ecriture Sainte ce que Ton doit entendre dans le fens propre & naturel, & ce qui fe doit expiiquer dans un fens figurd, il dtablit d’abord comme un principe qu’on doit fuivre dans cette inatiere: Que tout ce qui tend a dtablir la charitd, ne peut etre entendu dans un fens figurd. „ On „ obfervera, dit-il (1), cette regie dans les ex- „ preffions ngurdes. On examinera avec attention ,, les diffdrens fens que peut avoir le paflage oil ,, elles fe rencomrent, jufqu’a ce qu’on en aic j, trouvd un qui fe rapporte au regne de la chari- „ td. Mais fi le paffage qu’on examine a naturel- „ lenient ce fens, on ne doit pas croire qu’il y aic >, aucune exprefiion figurde. Apres cela, n’eft-ce pas vouloir s’aveugler foi- pieme , que de chercher des mdtaphores & des figures cans un pxdcepte, qui .felon Saint Auguf- tin, eft tellement eioignd de toute mdtaphore , que Ton eft obiigd de croire qu’il n’y en a point dans (1) de Doll. Chrijl. 1 . 3 . c. 9. T 4 2 r>6 III. Note sur la X Lettre. dans un paflage, des-qu’d la lettre il s’entend de la charitd ? Le feul terme d’aimer fuffit done pour rdfuter ]e P: Sirmond. Et il y a autant d’impidtd de le ddtourner de fa fignification naturelle , pour lui faire fignifier un amour metapborique & imagi- maire, qu’il y en a d’interprdter ces paroles, Chci sst mon Corps , de la figure du corps de Jesus-Christ. Mais Dieu n’ayant pas voulu laif- fer la moindre ombre de difficult^ dans une cho- fe fi importante, ne s’eft pas contentd de dire, Vms aimerez le Seigneur voire Dieu, mais il a ajou- td, Vous Faimerez de tout votre cceur: c’eft-a.dire, vous ne lui rendrez pas feulement un culte Judal- que, vous ne l’honorerez pas feulement par des devoirs & des edrdmonies purement extdrieures; mais vous lui rendrez un culte vraiment Evangd- lique ; vous l’adorerez en efprit & en vdritd; vous lui tdmoignerez votre amour , non feule¬ ment par la pollute humble de votre corps, mais par les mouvemens tendres de votre cceur: vous 1’aimerez , dis-je , non avec un coeur divifd & partagd par diffdrentes affettions , mais de tout votre cceur : car Dieu veut tellement poiTdder tout le cceur de 1’homme, qu’il n’y peut fouffrir aucun partage. Ce n’eft pas encore aflez. Non feulement Dieu nous commande de l’aimer de tout notre cceur, il veut encore que nous Paimions de toute notre ame & de toutes nos forces Ce que St. Auguftin explique d’une maniere qui ddtruit enticrement la dottrine hdrdtique du P. Sirmond. „ Void, „ dit-il(i), quelle eft la regie de l’amour que „ Dieu lui-meme a dtablie Vous aimerez votre „ Prochain comme vous-mdme : mais vous aime- ,» rez (j) de Of cl. Chr. I. i. c. zi. De l’amour de Dieu. 297 ,, rez Dieu de tout votre cceur , & de toute vo- ,, tre ame, & de tout votre efprit: en forte que ,, vous rapportiez toutes vos penfdes, toutes les „ actions de votre vie, & toute votre intelligen- ,, ce a celui dont vous tenez toutes ces chofes. ,, Or quand Dieu nous commande de l’aimer de „ tout notre cceur, de toute notre ame, de tout ,, notre efprit, il ne nous laiffe aucun moment „ dans notre vie , dans lequel nous puiffions ne ,, le point aimer, & oil il nous foit permis de „ vouloir jouir de quelqu’autre chofe que de ,, lui: mais il veut que ft notre ame eft tou- ,, chde de l’amour de quelqu’autre objet, cet „ amour foit comme emportd vers Dieu par le „ torrent impdtueux de l’amour que nous de- „ vons avoir pour lui. Celui done qui s’aime „ comme il le doit, & qui aime fon prochain „ comme foi-mdme , rapporte l’amour qu’il a „ pour fon prochain, & celui qu’il a pour lui- „ meme, & l’amour de Dieu, qui ne peut fouffrir „ qu’on en diftourne vers la creature le moindre ,, ruiffeau qui puiiTe en diminuer le cours. Voila ce qu’enfeigne St. Auguftin. Qu'enfeigne le P. Sirmond? 11 croit au-contraire qu’il n’eft pas ndeefiaire de diminuer par la moindre affeftion que nous aurions pour Dieu, ce torrent d’amour qui nous entraine vers la erdature. II nous permet d’aimer le monde de tout notre coeur, de toute notre ame, & de toutes nos forces; & il fe con- tente qu’on obdifle froidement aux commande- »ens de Dieu, fans intention & fans affection. 2pg III. Note sur la X. Lettke. S. I I. 'Refutation de la feconde difiinShon, qui confiftt a iif- tinguer deux Comnandemns , I’un de Rigueur, Pautre de Douceur: Off on eft oblige en toute rigueur d‘ai¬ mer Dieu a’une affection interieure & 'veritable : Et que nier cette vente , e’eft refufer de reconnoitre Je - Jits-Chrift pour le Maitre & le Modele de la Fie Chrelienne, renoncer an Bateme, & detruire toute la Religion Chretknne. I E P. Sirmond craignant d’exciter trop de fcan- dale,a eu foin de conferver le terme de prd- cepte, comme nous venons de voir qu’il a eu foin de conferver celui d’amour: mais il ddtruit aufil- t6t la chofe que ce tenne fignifie, par la diftinc* ticn qu’il fust de deux commandemens , I'm de ri- gucur & lautre de douceur. II avoue que I’amour afFectif eft de commandement. Voila comme il conferve le terme de pnkepte. Mais ii nie que ce foit un commandement de rigueur, en forte que ceiui qui pendant toute fa vie n’auroit jamais fait un a&e d’amour de Dieu, flit damnd pour cela. Et par-ia il detruit la chofe fignifide par le terme de prdeepte. Cependant il n’eft pas toujours tene¬ ment fur fes gardes , qu’i! ne mette queiquefois le commandement d’aimer Dieu d’un amour intd- rieur au npmbre des confeiis, comme quand i! die dans fa Rdp. p. 21. Qu’ aimer Dieu affuellement & non cmtinueUement, e’efi le propre des Parfaits , qui tdebent, selon le cosseil qui lew eft donne, de s’aciuer le plus qu'ils peuvent en la facree diktt'ton;&‘ ne pouvant lefaire fans-ceffe, t’e/i beaucoup , ajoute-t - il, quits lefaffent de terns en terns, & ne feroit pas pen, quand Us n\n vkndment d bout qu’une Fors EN LEUK. VIE, CE qUI IXOIT MEME AU.DELA DU COMMANDEMENT DE RIGUEUR. 299 frecepte en rigueur. „ Et un peu apres: Ce „ grand commandement nous ordonne de con- „ ferver l’habitude de l’amour par 1’obfervation „ du Decalogue, & il nous avertit par maniere de „ conseil de produire des a&es d’amour le plus „ frdquemment qu’il nous eft pofEble. J’aurois honte de perdre le terns a rdfuter une telle chimere, ft je ne favois que dans le fiecle oil nous fommes, on ne peut rien avancer de ft ridicule , qu’il ne trouve auffi-tot beaucoup de ddfenfeurs; & que d’aiileurs c’elt une maxims des Jdfuites.de faire paffer pour opinion proba¬ ble toutes les erreurs que quelqu’un de leur So- cidtd s’avife de foutenir, a moins qu’on n’aitfoin de les relever. N’eft-ce done pas une tdmdritd dtrange, de prdtendre que le plus grand des commandemens, & qui, felon Jesus-Christ, renferme la Loi & les Prophites, n’oblige pas fous peine de dam¬ nation, lorfqu’on eft contraint d’avouer que les autres prdeeptes, qui font beaucoup moins im- portans, obligent fous cette peine: comme s’ii y avoit quelque obligation au monde plus dtroite, plus jufte, & plus indifpenfable, que celle d'ai- mer Dieu , qui eft feui la fin , la juftice, la perfection , 4 la felicitd de ia erdature raifon- nable. Mais les meilleures raifons ne font peut-etre. pas capabies de toucher le P. Sirmond, lui qu’011 voit bien n’avoir pas fait grand ufage de fa rai- fon, quand il a dcrit tout ceci. II faut done le prefer par l’autorite. Qu’il dooute l’Apdtre (1), qui prononce anathema contra cclui qui n'aime pas le Seigneur Jefus. Qu’il dcoute les terribles menaces que le Difciple de PAmour fait a ceux qui n’ai- ment (s) 1. Cor, c. is. v, n. 300 III. Note sur la X. Lettre.' merit point: Celui qui n'aime point , dit-ii (i)» demeurc dans U mort. Se rdvoltdra-t-il encore apres cela ? lit exigera-t-il qu’on lui montre plus claire- mentla condamnation de foil erreurV Hdbien,il faut, puifqu’il le veut, achever de le confondre, & faire voir que la queftion que nous examinons ici a dtd propofde en terrnes formels a Jesus- Christ, & ddcidee centre lui par Jesus-Christ. Un DoBcur de la Loi, die Sc. Luc (i), fe leva & lui dit pour le tenter: Maitre, que faut-il faire pour pojfeder la vie etcrnelle ? Voila qu’on demande i Je¬ sus-Christ ce qu’il faut faire,non pour etre par- fait, mais pour poffdder la vie dternel/e. La dif- tinftion des prdeeptes de douceur & de rigueur n’a point de lieu ici. Ce Dofteur ne demande pas ce qui eft utile, mais ce qui eft abfolument nd- ceflaire. Que repond Jesus-Christ? Out porte la Loi, dit-il, qtdy lifez-vous ? Le Docleur repondit: Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre eceur , de toute votre amc , de toutes vos forces , & de tout votre efprit , & votre Prochain comme vous- meme. Que le P. Sirmond apprenne ici d’un Doc- teur de la Loi de Molfe, a mieux connoitre ce que commande la Loi de l’Evangile. Qu’il appren¬ ne qu’on ne peut poiTdder la vie dternelle, ft on n’aime Dieu de tout fon ceeur; ce que nous avons montrd ne fe pouvoir entendre que d’un amour intdrieur. Mais peut-etre que ce Dofteur rdpon- dit mal a la demande de Jesus-Christ. C’eft la penfde du P. Sirmond, mais ce n’eft pas celle de Jesus-Christ , qui approuva fa rdponfe : Vous avez fort bien reptmdu , lui dit-il; faites cela , S? vous vi- vrez- C’eft done une impidtd au P. Sirmond, de ptOr fi) j. Jean c. 3, v. 14. (z) Luc, c, 10. v, zj. COMMANDEMENT DE DOUCEUR. 301 promettre la vie dternelle a ceux qui n’ont jamais fait ce que Jesus-Christ enfeigne ici qu’il faut faire : ce qui eft proprement ddmentir Jesus- Christ , & refufer de le reconnoitre pour Ie mat- tre de la Vie Chr&ienne. Enfeigner cette doctri¬ ne , c’eft encore renoncer autant qu’il eft en lui i fon bateme , ne le pouvant faire fans renoncer aux conditions fous lefquelles il l’a regu. Car je le prie de fe fouvenir des cdrdmonies toutes divi¬ nes avec lefquelles on adminiftre ceSacrement,& il y verra la condamnation de fon erreur. Le Prltre au nom de toute l’Eglife demande au Ca- tdcumene qui fe pr^fente au bateme , ce qu’il demande. Le Cat^cumene r£pond qu’il demande la foi fans laquelle on ne peut poiKder la vie dternelle. Alors Ie Pretre lui dit, Si vous voulez trcoir la vie, gardcz les commandemens. Mais quels font les commandemens? Vous tnmerez » ajoute le Pretre, le Seigneur votre Dieu de tout votre cosur, de toute votre ame, de tout votre efprit, & votre Pro- ehain comme vous-meme. Voild ce qui eft n6cef- faire pour entrer dans la vie dternelle. Voili la condition fous laquelle nous avons dtd regus dans la famille de Jesus-Christ. Quiconque done vio- le cette condition , ddtruit, autant qu’il eft en lui, l’alliance qu’il a contradtde avec Dieu dans fon batdme. Enfin il eft aif<£ de prouver ce que j’ai avaned en dernier lieu, que c’eft d&ruire toute la Reli¬ gion Chrdtienne, que de nier qu’il y ait un prd- cepte qui oblige indifpenfablement les Chrdtiens a aimer Dieu d’un amour veritable & interieur. Car on ddtruit une Religion, lorfqu’on nie que le culte en quoi elle coniifte foit n^ceffaire pour dtre fauv6, & qu’on promet Ie falut kernel a ceux qui ne fe font jamais acquitez du devoir le plus eiTentiel de cette Religion. Or ceux qui n’aiment point 362 III. Note sur la X. Lettre. point Dieu, manquent au devoir le plus efFen- tiel, ou piutdc ils manquent a tons ies devoirs de la Religion Chrdtienne. Car c’eii dans l’amour qu’eit renferm 6 cette adoration & ce culte veri¬ table & fpirituei, dont Jesus-Cbrist a dit en ex- pliquant a la Samaritaine (t), & en fa perfonne a toute 1 ’Eglife, la difference de la Loi Judaique & de la Loi Evangdlique: L’heure vied, & clle cfl dejd venue, que Ies veri tables adoratcurs adoreront le Pere en efprit & en verite. Car on adore Dieu en efprit, quand on Paime , & qu’on s’offre a lui comme une hoitie vivante, fainte, & agrdable 3 fes yeux. „ C’eft-lal, dit St. Auguitin (2), en quoi con- fide le culte que nous devons rendre i Dieuj 5> c’eft-la la Religion veritable , la pi£t£ bien re- ,, glde, & l’adoratiort qui n’eft due qu’a Dieu feul. 3, Et ailleurs (3): La pi^td, dit-il, confifte a ren- „ dre a Dieu le culte que nous lui devons. Or 3, nous ne lui rendons ce culte veritable qu’en „ 1 ’aimant. On n’adore, dit-il encore (4), que „ ce que l’on airae. Celt pourquoi n’y ayantrien 3, de plus grand ni de meilleur que Dieu, pour „ Padorer il faut 1 ’almer plus que toutes chofes. C’eii de ce culte , comme Penfeigne le mdme Saint , c’eil de cet amour que la Religion tire fon nom & toute fa force: „ Dieu feul, dit-il 3, (5), eii la fource de notre beatitude, & la fin „ de tous nos ddfirs. Nous alions a lui, ou plu- „ tot nous retournons a lui, car nous Pavions „ perdu par le pichd: nous retournons, dis-je, „ a lui (s) Jean c. 4. 13. 1 2) L. zo. de Civil. Dei. c. 4, (3) Ep . 120. (+) >» Pf- 77- 0 ) l. 10, de Civit, Dei. c. 4. De l’Amour de Dieu. 303 3, d Iui, en le cboififfant de nouveau pour notre „ veritable bien.Et c’eii de ce choix qu’il femble „ que la Religion a pris fon nom; car religere, 3, d’oii vient le mot de Religion, fignifie faire uii ,, nouveau choix. Apres l’avoir ainfi choifi pour „ notre fouverain bien , nous tendons d iui par „ l’amour, pour nous repofer un jour en le poiTd- „ dant. Car fa poffeffion nous doit rendre heu- ,, reux, parce que nous ferons parfaits, lorfque 5, nous jou'irons de cette fin. Mats peut-Stre que cet amour ne nous eft pas abfolument command^. Voyors ce que St. Auguf- tin ajoute. „ II nous est commande’, dit-il, „ d’aimer ce fouverain bien de tout notre cccur, „ de toute notre ame, & de toutes nos forces. C’eft „ a ce bien que ceux qui nous aiment doivent „ nous condiiire, & que nous devons nous-me- „ mes conduire ceux que nous aimons. C’eft ainli „ qu’on accompiit, ces deux commandemens, qui „ renferment toute la Loi & les Prophetes, Vous „ aimerez le Seigneur votre Dieu , &c. Car afin que „ Phomme fftt de quelle maniere il devoit s’ai- „ mer , Dieu lui a marqud une fin a Iaquelle il „ doit rapporter toutes fes addons pour dtre heu- „ reux. Enfin pour faire mieux comprendre que tout le culte de la Religion Chretiepne eft renfermd dans ia charitd & dans l’amour de Dieu, ce grandDoc- teur ne reconnoit point de facrifices dignes de Dieu, que ceux qui font confommez par le feu de ia charity : ce qui n’eft pas feulement vrai, felon lui.de toutes les bonnes oeuvres,qu’il appelle de vdritables facrifices, parce qu’elles font tres-agrda- ,, bles a Dieu, mais aufli du facrifice de l’Autel. Car apres avoir dit des bonnes oeuvres: „ Que ,, toute action que 1’on fait dans la vue de s’unir „ a Dieu> eft un veritable facrifice, pourvu qu’elle j. ait 304 III. Note sur la X. Lettre, „ ait pour fin le fouverain bien, qui peut nous „ rendre vlritablement heureux: & qu’ainfi une „ oeuvre mime de charitd envers le prochain, „ n’eft poinc un facrifice, fi on ne la fait pas pour „ Dieu. Et au ch. 4. Que notre cceur devient l’au- „ tel de Dieu, lorfqu’il elt llevl vers lui. Que „ quand nous brftlons en fa prlfence d’une pieu- „ fe ardeur, & d’un faint amour pour lui, nous „ lui offrons avec le Souverain Pontife, Jesus« „ Chris r fon fils unique, un facrifice d’expia- ,, tion , & un encens d’une agrlable odeur, & „ nous lui immolons fur l’autel de notre cceur „ une hoftie d’humilitl &.de louange par le feu „ d’une ardente charitl. II applique tout cela „ dans le chap. 6. au facrifice de 1’Autef. „ Puis done, dit-il, que les oeuvres de mifl- M ricorde rapportees & Dieu, foit que nous les „ exercions envers nous>memes, foit que nous „ les exercions envers le prochain, font de vl- ,, ritables facrifices, & qu’en faifant ces oeuvres „ nous n’avons point d’autre but que d’etre ddli- „ vrez de nos miferes, & de nous rendre heu- ,, reux, ce que nous ne pouvons Stre que par la ,, poiTeiHion de ce bien dont il eft dit, Mon lien „ efi de m’attacher a Dieu ; il s’enfuit nlceifaire- „ ment,que toute cette Citl rachetle par le fang „ du Sauveur, e’eft-d-dire la Sociltl des Saints, „ eft un facrifice univerfel, qui eft offert d Dieu „ par le Grand Pretre, qui s’eft ofFert lui- mime „ pour nous fur la croix, afin que nous fuffions „ les membres de ce chef felon la forme d’efcla* „ ve qu’il a prife. Et un peu plus bas, apres avoir expliqul par les paroles de l’ApItre cette fainte union que le lien de la charitl forme entre les membres de 1’Eglife.il ajoute: „ C’eft-ld le facrifice des Chrd- tiens. Nous fommes tous un feul corps en Je- De l’Amour de Dieu. 305 5 i sus-Christ. Et c’eft ce que 1’Eglife reprdfente „ fi fouvent dans Ie Sacrement de FAutei ,qui ell „ connu des Fideles, oil elle apprend qu’elle eft „ offerte elle-meme dans l’oblation qu’elle fait ,, a Dieu. . . . Ces paroles 13 dlevdes & fi pleines de myfteres, nous apprennent. a nous former du facriiice di l’Autei une idde beaucoup plus parfaite que celle qu’en ont la plupart des Cbrdtiens. Nous ne de- vons pas feulement y confiddrer cette oblation myftique qui s’y fait du Corps & du Sang de Je¬ sus-Christ, mais nous devons encore y confidd- rer ce facriiice bien plus noble & bien plus divin que tous 1 es facrifices de la Loi, par lequel Jesus- Christ s’immole lui-meme a fon P£re, & touts l’Egiife avec lui par la charitd la plus ardente. Car comme il y a deux chofes dans le Sacrement de 1’Eucariftie, le figne & la vdritd fignifide; que par le figne il eft femblable aux Sacremens de Pan* denne Loi, & que par la vdritd il les fufpafie infi- niment, puifqu’il contient rdellement le corps de Jesus-Christ; on peut de meme confiddrer le fa* crifice de l’Autel en deux manieres. 11 a quelque rapport aux facrifices de la Loi ancienne, en ce qu’il eft Poblation d’un homme immold: mais ce qui en fait 1’ex.cellence , & qui eft entierement propre a la Loi Evangelique, c’eft Jesus-Christ qui s’y immole & qui s’y offre a fon Pere , & avec lui tous les fideles, comme un holocaufted’amour. Pour reprendre done en peu de mots tout ce que nous venons de dire & de montrer, que la doftrine du P. Sirmond ddtruit en effet toute la Religion Cbrdtienne , il eft certain que fi le cul- te, 1’adoration, & lefacrifice de la Religion Cbrd- tienne ne peut fubfifter fans amour; nier que l’a- mourdeDieu foit neceflaire pour etre fauvd, c’eft nier que le culte de la Religion Cbrdtienne foit Tome II. V ndeef* 306 III. Note sur la X. Lettre. necefiaire pour etre fauvd; c’eft dctruire & ten- verfer toute Ja Religion, qui confide principale- ment dans le cuke qu’elle prefcrit. Or c’eft ce que fait le P Sirmond. C’eft ce que font tous ceux qui le foutiennent. De-la quelles confluences ne feroic ■ il pas permis de tirerV Mais que les J6- fuites les tirent eux tnemes , & qu’apres avoir ete convaireus d’erreurs fl intoldrables, ITs ap- prennent au moins a etre plus rdfervez, & ales ddfendre avec moins d’opiniatretd. SECTION TROISIE’ME Befenfe eks Auteurs font le P. Sirmond abvft pour autorifer fon erreur. §. I. Explication d'un paffagt de St. Bernard. A Pres avoir r£futd 1 ’opinion du P. Sirmond ert elle-meme, il faut maintenant lui 6ter quel* ques paiTages de St. Bernard, de Gerfon & de St. Thomas, dont il abufe malignement.en leur donnant un fens tres-dloignd de celui de ces Au¬ teurs , pour diminuer par le refpefl: qu’on a pour leur autoritd, l’horreur que fa doftrine auroit na- turellement infpirde a tout le monde. Mais la fim- ple expofition de ces paffages va juflifier ces grands hommes, & ddcouvrir de plus en plus l’im- piet6 du P. Sirmond. Je commence par un paffage de St.Bernard tird du Sermon Cinquantieme fur le Cantique des Can- tiques, que le P. Sirmond , le P. Cauffin & le nouvel Apologifte citent en leur faveur, mais en le corrompant d’une maniere tout-d -fait honteufe: » $ St. Bernard Justifie’. 307 ,, II y a, dit St. Bernard , une charitd d’aclion , & j, une charit^ o’.ifFedtion. Or je crois que la loi ,, qui a dt 6 donn^e aux homtnes, & que !e com- >, mandement qui leur a fait d’aimer Dieu, 1, ne regarde que cette eharitd d’aftion. Car pour la charitd d’affedtion , qui eft ce qui I’a dans „ le degrd quelle eft commandde? Ainfi celle li „ nous eft commandde, & elle fait notre mdrite; „ & celie ei nous eft donnde comme notre rd- „ compenfe. Sur ces paroles 1 ’Apologifte s’dcrie (1). „ S’il „ faut condainner la diftinction rapportde par Sc. „ Bernard, pourquoi le Janfdnifte'ne la condam- „ ne -1- il pas dans fa fource? Que nes’en prend- ,, il d St. Bernard, qui diftingue ces deux fortes „ d’amour, 1 ’un effedtif, & I’autre affedtif, & qui ,, affure que le prdmier eft commandd & non pas „ le fecond? Ec ft Ton peut donner un bon fens „ a ces paroles , pourquoi feront - elles faintes „ dans St. Bernard, & trkninelles dans le Livre „ du P. Sirmond? La rdponfe fera courte & prdcife. C’eft que ces paroles ont un bon fens dans St. Bernard, felon l’interprdtation que ce Saint leur donne lui mdmet & qiPelles en ont un au contraire trds-mauvais dans le P.Sirmond, felon l’interprdtation que leur donne ce Jdfuite. C’eft qu’il n’y a pas plus de dif¬ ference entre le jour & la nuit, qu’il y en a entre les idees que St. Bernard & le P. Sirmond atta- chent a ces mots. Car qu’eft-ce que le P. Sirmond entend par l’a- mour effedtif? Un amour , dit-il ' 2), par lequei os du lien a un autre fans intention on affeBion pour hi. Et qu’entend il par l’amour affedtif ? Cette in~ tention (l) p. 162 . (i) Dffinfe itlaVtrt* trait. 2. c, 4 . ». 21 . V a 3013 III. Note sue la X. Lettre. ter.lion & ccttc tiffcSion me me , ou cet adte intdrfeur de la volontd qui nous porte vers ce que nous aimons, foie qu’il produife ou non quelque effet au-dehors. Ainfi quand il dit qu’il n’y a que l’a- mour effedlif qui foit de prdcepte, ce qu’il pre¬ tend , e’eit qu’il ne nous eft pas commands d’ai- mer Dieu d’un amour intdrieur, ni de lui repor¬ ter intdrieurement nos adlions. Or il n’y a rien de plus dloignd de ce fens, que celui dans lequel St. Bernard prend ces memes termes. Car il en- tend par l’amour effedlif ou par Tamour d’adtion, un adle veritable & intdrieur de charitd qui eft joint aux oeuvres que la charitd commande ; & par l’amour affedtif ou d’affedtion, il entend cet amour ardent , tendre , & plein de douceur dont Dieu enivre les Saints dans le Ciel, & dont il laiffe quelquefois couler quelques petits ruiffeaux fur les ames pieufes, pour les confoler dans leur exil. St. Bernard n’exclut done point de l’amour qu’il appelle effedlif> ni 1’affedtion iincere pour Dieu, ni I’intention qui fait que nous lui rapportons toutes nos adlions. Il n’en exclut que ce fentiment d’amour plus tendre, plus doux , & plus abon* dant, qu’il appelle l’amour affedtif. Mais on ne peut mieux expliquer fa penfde qu’il I’explique lui-mdme. Ecoutons-le: „ Je ne ,, prdtens pas, dit-ilunpeuapres, que nous foyons ,, fans affedlion, & que nous n’agiffions que des „ mains (voila l’amour effedlif du P. Sirmond re- ,, jettd) car je vois que dans le ddnombrement „ que St. Paul fait des plus grands ddfauts des „ homines, il y met ce!ui-ci d’ etre sans affec- „ tion. Mais il y a une affedlion qui vient de la „ chair, il y en a une qui eft reglde par la raifon, „ & une autre qui vient du gout que la Sageffe „ dternelle nous donne pour elie-meSme. St. Paul „ ditde la premiers, qu’elle n’eft point & nepeut „ etre St. Bernard Justifie’. 309 „ etre foumife a la loi de Dieu; & de la fecon- ,, de, qu’elle ell foumife & la loi de Dieu, parce „ que cette loi eft bonne: mais la troifieme, bien „ £lev6e au deffus de l’une & de l’autre, fait fen- „ tir 6c gotiter 4 fame combien le Seigneur eft ,, doux. Eile chaffe la prthniere, & elle ell la rd- „ compenfe de la feconde. La premiere eft agrda- „ ble, mais elle eft criminelle & honteufe. La ,, feconde eft forte, mais elle eft feche. La der- „ niere eft douce, abondante, & pleine de fua- „ vit£. C’eft ia feconde qui nous fait faire de bonnes actions Elle eft la charife me me, mais „ non pas cette charifo tendre & affectueufe, qui „ eft produite par un vif fentiment du fel & de „ I’ondlion ineffable de la Sageffe divine, & qui „ remplit fame de la multitude des douceurs de „ fon Dieu: mais c’eft plut6c une chark6 agiffan- ,, te,qui ne raffafianc pas encore fame de la dou- „ ceur 6c de la fuavitd c61efte de cet amour, I’en- „ flame ntSanmoins du ddfir de l'acqudrir. Voila quel ell l’amour que St. Bernard apnelle effeftif. Ce n’eft point un amour fans affc&ion, mais un amour qui eft foumis a la loi de Dieu, parce qu’elle eft bonne; un amour qui n’eft au¬ tre chofe que cet amour de la juftice, cet amour de la loi 6terneile,cet amour de la v^rifo, enqjoi St. Auguftin enfeigne ft ibuvent que confifte la charifo veritable, comme quand il dit (t): „ Que „ fi I’on accomplit uncommanderaentparlacrain- a, te de la peine, & non par l’amour de la jufti- „ ce, on 1’accomplit en efclave, & non pas tn enfant libre; 6c qu’ainfi on ne 1’accomplit point du tout .parce qu’il n’y a de bons fruits, que ceux qui naiffent de la racine de la charitd. Et pour l’amour effettif du P. Sirmond, qui eft, comme f I ) l, de Spirit, & Liti, c. $. 3 TO III. Note sur la X. Lettre. comme il le dit lui-meme, fans intention ni ajft- ffion pour Dieu, St. Bernard l’appelle enfuite un amour feint. „ N’aimons point , ajoute-t-i!, deparo- „ les ni Ac la langue, mats par les oeuvres & darts la „ verite, C’eft le commandement que nous fait le „ Difciple bien-aimd: oil vous devez remarquer „ avec quelle precaution il garde le milieu entre „ l’amour corrompu & l’amour affe&if, & com- „ me il diftingue de Pun & de l’autre la charitd „ agiffante qui nous fait produire de bonnes ceu- „ vres. Pour avoir cette charitd, il ne fe conten- „ te pas du tdmoignage trompeur de la langue , ,, mais il n’exige pas non plus qu’on reftente cet- ,, te affection tendre que la Sageffe dternelie 16 - ,, pand dans le copur de ceux a qui elle fe com- „ munique d’une maniere plus particuliere. Il „ veut que nous aimions par les oeuvres & dans 3 , la vdritd, c’eft-tl dire que r.ous nous portions „ a faire le bien, p'ut6t par I’attrait de la vfritd 0) qui fe manifeile a nous t que p r les tranfports „ de cette charitd qui ravit l’ame par fa fuavitd. C’eft dot e une dtrange mdprife au P. Sirmond & a fes confreres, de cbercher a ddfendre leur doftrine par un pafljge ou ils en auroient pu Jtrouver la condamnation. Car qu’efl-ce que dit St. fie nard dans cet endroit ? Hien que ce qu’ont dit tons les Auteurs qui out traitd de la Vie Spiri- tuel e, favoir que I’amour de Dieu furnaturel, intdrleur & afiuel. eft en quelque forte de deux efpeces, ou qu’il fe communique aux homines en deux mnnierts differences; que quelquefois il ra¬ vit fame par la lumiere ft la fuavitd dont il la i-emplit; & que d’autre ois i! la laiffe dans la fe- chereffe & dans fiobfcui cffemer.t, & ne ia porte a accomplir les commandemens de Dieu que par 3a feule lumiere de la foi, & par le confentement tju’il forme dans la volontd, fans lui donner aucun Mr. Du Val Justifie’. g i r gofit, aucune onttion , & aucun plaifir fenfible. II eft vrai que c’el't ce dernier amour qui fe ren¬ contre plus ordinairement dans les Cbrdtiens qui font encore charnels, quoiqu’ils foient vraiment d Dieu: mais ii ne iaiffe pas d’etre un amour ve¬ ritable , intdrieur , II faut, dit-il, aimer la juftice, mais il $ „ a plufieurs degrez dans cet amour, 4 propor- „ tion qu’on avance dans la perfeftion. Le prd-' „ mier degre eft, de ne prdfdrer aucune des cho- „ fes qui nous plaifent le plus a l’amour de la juf- „ tice ” Voila ce que dit Gerfon, qu’il ne faut rien aimer plus que Dieu. Mais ne peut-on point faire cela fans avoir au- cun amour aftuel pour Ja juftice ? Ecoutons ce que St. Auguftin ajoute. ,, Qu’ai-je voulu vous „ marquer , pourfuit-il , quand je vous ai dit 3 , qu’entre toutes les chofes qui peuvent vous „ plalre, la juftice doit vous plalre davantage? ,, G’eft qu’il faut, non pas que toute autre chofe „ cefle de vous plalre, mais que la juftice vous „ plaife plus que toute autre chofe. Et un peu ., apres: Aimez teilement la juftice, que le plai- „ fir que vous trouverez a 1’aimer, l’emporte „ meme fur les piaifirs permis, & fur les affec- „ tions legitimes; & prdfdrez-la toujours 4 ces ,, piaifirs Ci 4 ces affections, quoiqu’innocentes. Il eft done conftant, felon St. Auguftin & felon Gerfon , que 1’on doit aimer la juftice , e’eft-a- dire Dieu, en forte qu’on ne lui prdfere rien Sc qu’on le prefere 4 tout. Or il faut pour cela que I’amour que nous avons pour Dieu, fe rende mai. tre de la plus grande partie de nos aftions , Sc qu’il les rapporte 4 Dieu, ce qui ne fe peut faire que par un amour actuel. Car s’il cefle pendant quelque terns d’animer tout ce que nous faifons, comme la cupiditd ne cefle point cependant d’a- gir en nous, l’amour du monde deviendra bien- t6t le plus fort dans notre cceur, & nous y Elec¬ trons notre fin derniere. L’homme ne peut vivre fans fe propofer une derniere fin, & il ne peut ceffer long-terns d’aimer cette fin, fans s’en propofer uce autre. Lors done que Gerson Justifie’. 319 ■que les Julies ceffent long terns d’aimer Dieu , ils s’engagent dans d’autres amours, qui font i la varied permis en eux-memes , rnais qui prenant continuellement de nouvelles forces par les a ctes rditdrez qu’ils font preduire, & n’dtant point rap- portez & Dieu par la charity , fe fortifient tene¬ ment qu’ils l’emportent a la fin fur l’amour de Dieu: ce qui caufe la mort de fame, & la prive de la vie de la charite. Ainfi comme on viole, felon Gerfon , le prdcepte de l’amour de Dieu, lorfqu’on prdfere quelque chofe a Dieu, & que la charitd aclueile eft neceffaire pour ne rien prd- fdrer i Dieu , ii s’enfuit que pour obferver ce prdcepte, il faut, felon le meme Gerfon, que 1’ame foit de terns en terns fortifide par de nou- veaux adtes decharitd, qu’elie furmonte les paf- fions qui pourroient 1 ’dtoufFer , qu’elie prdfere Dieu aux creatures qu’elie peut aimer licitement, qu’elle lui rapporte la plus’ grande partie de fes adtions, qu’elle le cherche, & qu’elie s’attache a lui plalre. C’eft ce que St. Franqois de Sales a parfaite- ment bien exprimd dans le dixieme livre de l’A- „ mour de Dieu. (r) Ce commandement, dit-il, „ nous enjoint un amour dlu entre mille,comme „ k bien-aime' de cet amour eft exquis entre mille. „ C’eft l’amour qui doit prdvaloir fur tous nos „ amours, & regner fur toutes nos paffions. Et „ c’eft ce que Dieu requiert de nous, qu’entre „ tous nos amours le fien foit le plus cordial, „ dominant fur tout notre cceur;le plusaffedtion- „ nd, occupant toute notre ame; le plus gdnd- „ ral, employant toutes nos puiffances; le plus „ relevd, rempliflant tout notre efprit; & le plus „ ferme, exerqant toute notre force & vigueur. », Dt fi) chi ti § 2(3 III. Note sur la X. Lettre." ,, Et parce que par icelui nous obdilTons & dil- „ fons Dieu pour le fouverain objet de notre ef- i, prit, c’ell un amour de fouveraine dleftion* j, ou une dleftion de fouverain amour. Et „ c’eit cet amour d’excellence , ou l’excellence ,, de 1’amour qui est commande’ a tous les „ mortels en general, eta chacun d’iceux „ en particulier , des-lors qu’ils ont le franc „ ufage de la raifon, amour suffisant pour un „ CHACUN , ET NECESSAIRE A TOUS POUR ETRE j, SAUVEZ. Jeeu;.c:hrist nous a marqud la meme chofe ,, dans 1’Evangile par ces paroles, (i) L’eau que i , je lui donnerai, deviendra en lui une fontaine „ d’eau qui rejaillira jufques dans le vie dternelle. „ Et aiileurs: (x) Si quelqu’un croit en moi, if „ fortita de fon ccSur des fleuves d’eau vive. Car il a voulu nous apprendre par cette figure, que lorfque Dieu a une fois rdpandu fon Efprit faint dans fame des Julies, il n’y demeure point oifif, mais qu’il y forme de terns en terns des ddfirs cdlelles , qui enflamment & qui redoublent l’a- mour qu’ils ont pour Dieu. Cela fuffit pour expliquer la prdmiere partie du palfige de Gerfon. Il n’y a aucune difficultd dans la feconde, & e!Ie ne contient qu’une doflrine tres-faine, & re que par tous les Thdologiens;qui „ ell que nous accompliffons comme il faut le „ commandement que Dieu nous fait de l’aimer, „ fi nous pratiquons tout ce qui nous ell com* „ mandd par la loi de Dieu, & par fes comman- „ demens; & que fans cela nous ne l’accom* ,, plillons point vdritabiement. Sur quoi il faut remarquer prdmierement, que Gerfon (i) Jean. cb. 4. v. 14. Gerson Justifie’. V 321 Gerfon parle ici de l’obfervation veritable des commandemens , qui fe fait par i’amour de la juftice , & non pas d’une obfervation pharifa'i- que Sc deftitude de toute affeftion, telle que le P, Sirmond veut l’introduire , & que St. Augu£ tin rejette ii fouvent. „ 11 n’y a prefque perfon- „ ne aflez ridicule, dit ce Saint ( 1 ), pour croire „ qu’il accomplit les commandemens, quand il „ fait a l’extdrieur ce que Dieu lui commande, „ fans que le cceur y ait la moindre part. Ec- ,, ailleurs (z): Les Jiiifs tachoient d’accomplir ,, les commandemens, k cauie de la rdcompenfe „ terreftre & temporelle que Dieu y avoit atta- „ chde; & iis ne les accomplifloient point, parce „ que ce n’dtoit pas la loi qu’ils aimoient, mais „ feulement ce qu’elle promettoit. En fecond lieu, Gerfon ne dit pas qu’il fuffit d’obferver la loi pour accomplir le commande* ment de l’amour de Dieu; mais qu’il faut obfer- ver la loi pour accomplir ce commandement, & qu’on ne l’accomplit point comme il faut, ft on n’obferve pas la loi; ce qui eft tres-vrai, Sc en meme terns tres-dloignd de l’erreur des Jdfuites. Car il eft conftant que celui qui n’obferve pas les commandemens, n’aime point Dieu; & c’ell feu¬ lement ce que dit ici Gerfon. Mais il eft tres-faux que l’amour de Dieu qui nous eft commands, ns coniifte que dans l’obfervation des autres com¬ mandemens , fans affeftion & fans intention pour lui. Et c’eft ce que prdtend le P. Sirinond , & non pas Gerfon, dans le paifage duquel on ne trouve rien de femblable. Ce paflage ne fait done rien pour le P. Sir¬ mond. Mais il fait merveilleufement pour nous, & (1) Qua/}. 5j. fupsr Deut, (1) in Pj~. US. Tome II. X 322 III. Note suit la X. Lettre. & nous donne occafion de ddcouvrir ici un des plus pernicieux fecrets de la Morale des Cafuif- tes. Comme Je susXhrist skoit au milieu de deux larrons, la vdritd, lelon la comparaifon de Ter- tullien, tient auffi toujours le milieu entre deux erreurs oppofees. II arrive fouvent qu’on tombe dans 1’une ou l’autte de ces erreurs, mais il eft tres.rare qu’on tombe dans toutes les deux. Mais ce qui eft rare parmi le refte des homines , eft tres-ordinaire parmi les Cafuiftes. Comme ils ont entrepris d’afFoiblir autanc qu’ils le peuvent la vi- gueur de la Difcipline, & qu’ils ont befoin pour leur deffein tantdt d’une erreur, & tantdt d’une autre,ils embraflent alternativement 1’une & l’au- tre avec une licence dont on ne trouve d’exem- ples que parmi eux. II eft certain dans la Morale Chretienne que i’amour, fans lequel on n’accomplit point le pre¬ mier & le plus grand de tous les commandemens, renferme deux chofes ; l’affedtion intdrieure du coeur, qui en eft comme la racine, Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre coeur ; & l’exafte obfervation des autres commandemens , qui eft comme le fruit de cet amour, Si quelqu'm m’di¬ me il gardera ma parole. Deux erreurs combattent cette vdritd Catholique; l’une, que les oeuvres fuf- fifent fans amour; l’autre, que l’amour fuffit fans les ceuvres. Les Jdfuitesque cette vdritd incommode, ont embraild tout a la fois pour la ddtruire ces deux erreurs; & felon les rencontres oil ils fe trouvent, ils fe fervent dgalement de l’une & de l’autre pour 1’attaquer, mais d’une maniere diffdrente & par diffdrens motifs. Lorfqu’ils ont intdrSt de ddcharger le monde de la ndceffitd d’aimer Dieu, comme d’une obli¬ gation dure, incommode, & difficile, ils ont re- cours Gerson JustifieY 323 cours i la premiere erreur, & iis tirent du puits de Pabime, comme parle 1 ’Ecriture, cette mifdrable difrin&ion. Les effets prennent foment le nom de leur caufe ordinaire, comme les ftgnes des chafes figni- fees. De-Id efi qu'on peut donner celui d'amour dux ef¬ fets exterieurs, Jans avoir egard ftl interieur y efi. Ec quand il taut dicharger les bommes des de¬ voirs de la Vie Chrdtienne, les recevoir aux Sacre- mens, fans qu’ils ayent produit des fruits d’une fincere converfion, les envoyer a l’autel encore tout couverts de crimes, ils changent de langa- ge, iis ne fe mettent plus en peine de l’extdrieur, l’affettion iritdrieure leur fuffit. Pourvu qu’un Pe¬ nitent protefte qu’il eft fachd intdrieurement de fes pechds , ils n’en demandent pas davantage; quand mime il feroit conftant,qu’apres avoir fait cent fois de pareilles pioteftations, il feroit tou- jours retombd. Mais avec quelle facilitd, & avec quelle protn- titude veulent-ils qu’un pdcheur puiffe faire cet acte de contrition ft efficace felon eux? Un inftant fuffit pour cela. Le coear le plus corrompu & le moins difoofd, eft toujours maltre de le produire quand il veut. Il ne lui faut en un mot pour faire un aifte de contrition, qu’autant de terns qu’il en faut pour fe moucher. C’eft ce que Mafcarenbas dit quelque part en propres termes. Et c’eft fur cette prdtendue facilitd, que (i on ne peut trou- ver commoddment de Confefleur, il pennet aux Pretres & aux Laiques coupables des crimes les plus dnormes, de s’approcher de 1’autel fans fe confeffer auparavant. C’eft une meme caufe, e’eft-a- dire, le ddfir de flatter & de platre a tout le monde ,qui a faittoui- ber les Cafuiftes dans deux erreurs fi contraires » & qui les a portez a ddtruire par l’une & par 1’au¬ tre le commandement d’aimer Dieu; en fubfti- X 2 tuant 324 HI. Note sur. la X. Lettre. tuant d’un cdtd a la place de la chdritd, qur e& une affe&ion tendre & cordiale, un amour hypo¬ crite & purement extdrieur; & en introduifant de l’autre,au lieu de cette m£me charitdqui efttou- jours agiflante & efficace , un amour ftdrile & trompeur, qui ne proiuit aucun fruit. C’eft pour combattre cette inclination qu’on a a flatter les autres, & a fe flatter foi-meme, qui eit la fnurce commune de ces deux erreurs , & pour s’oppofer furtout A la derniere , qui eft la plus ordinaire , que Gerfon enfeigne . Que nous ttccomphjjons comme il faut le pre'cepte que Dieu nous fait de l'aimer , ft nous pratiquons ce qui nous ell commande par la Loi de Dieu, & par les autres com¬ mandemens. Car c’eft comme s’ii difoit: Que per- fonne ne fe trompe foi-meme, que perfonne ne fe flatte en penfant qu’il aim? Dieu , fous prd- texte qu’il fent au fond de fon cceur de l’amour pour lui, quoiqu’il ne paroiife point par toute fa conduite qu’il l’aime en efFet. Qu’on ne s’ima* gine pas que ce foit par ces mouveinens trompcurs d’un amour ftdrile qu’on accomplit ce comman- dement. On ne Vaccomplit ve'ritablcment quen prati- quant tout ce qui nous efi commande par la loi dt Dieu, & par les autres cemmandemens. Celui qui a re?u mes connnandemens , dit Jesos-Chhist lui-meme (i), & qui les garde, c’eft celui-!a qui m’aime. Ainfi ceiui-la n’aime pointy qui, comme die i>t. Bernard , remue feulement les mains en o!>- fervant les commandemens a 1’extdrieur avec m cceur fee & vuide d’amour , ou qui fe contentant d’avoir dans le cceur un amour ftdrile & oifif, n’obferve point les commandemens: mais ce!ui-la feul aime,qui joint 1’afFection intdrieure du cceur, a l’obfervation extdrieure des commandemens. Ec (l)Jtar.. ih. 14. if, 2 r. St. Thomas de l’Amour. 5525 Et c’eft-la ce que nous ordonne Saint Jean, quand il dit ( 1 ); Mes petits enfans , n'aimons pas de parole ni de la langue , mars par les eeuvres 8 * dans la verite. il faut aimer Dieu par les oeuvres, c’eft-d-dire par la fiddle obfervation des com- mandemens. il faut l’aimer dans la vdritd, c’eft* a-dire de cet amour fpirituel & intdrieur , qui, comme nous l’avons dtSjd remarqud, eft propre- ment ce Culte Evangeiique par lequel nous ado- rons Dieu en efprit & en vdritd. St. Auguftin fur ce paffage mime de St. Jeam dit aulfi la meme chofe, & il renferme ces deux amours dans ces deux mots: Que perj'onne, dit-il, Wait egard aux paroles, mass aux aSions & au cocur. Aux adtions, pour bannir cet amour ltdrile & hy* pocrite. Au creur , pour rejetter comme un vain fantdme d’amour cet amas d’reuvres mortes & deftitudes de charitd. SECTION qUATRIEME. Explication du fentiment de St. Thomas. Et refutation de Verreur clu P. Sirmond par les principes que ce Saint eiablit. I Lnous reflet examiner que! a dtd le fentiment de St. Thomas , dont le P. Sirmond veut qu’on croie qu’il a tird toutes les diftinftions frivoles d’amour effedlif, & d’amour aftedtif; d’amour ha- bituel,& d’amour sdhiel; de prdcepte de rigueur, & de prdcepte de douceur. Nous avons vu qu’il ne fe montre d’abord que fous les aufpices de ce Saint, & que quoiqu’il leve fouvent le rnafque, & qu’il ne craigne pas de £1) Jean. cb. 3. v. is. X 3 326 III. Note sur la X. Lettre. de donner comtne de Iui-meme fes fentimens er¬ rands; ndanmoins des-qu’on le preffe, il fe met toujours a I’abti fous le nom de St. Thomas, croyant que l’autoritd feule de ce grand Docteur le met a couvert de tous les traits de fes adver- faires. Celt ce qui nous oblige a prendre un foin tout particulier pour lui dter une ft puiffante pro- tedhon , dont il ne fe couvre que par la plus grande fupercherie du monde Ainfi au lieu que ce Jdfuite qui ne cherchoit qu’a brouiller, necite jamais que des paffages ddtachez, qu’il tire de c6td & d’autre, fans avoir dgard a la fuite & aux principes de St. Thomas; nous au contraire qui avons deffein d’dclaircir cette matiere, nous tache- rons de reprdfenter toute la fuite de fa doctrine, & I’ordre des principes fur lefquels elle eft ap- puyde, 5- I. Premier principe de Saint Thomas. Que les Comman- demetis de Dieu font de Necejftte de Saht. S T. Thomas dtablit ce principe dans fa Somme (ij. ,, Les commandemens deDieu, dit-il, ,, font des prdceptes du Droit Naturel, qui par „ eux-tndmes font de n&ceflitd de falut. Et il fe fert de ce principe, en enfeignant ( 2 ) que l’omif- fion d’un prdcepte divin eft un pdchd mortel. ( 1 ) 1 . z. < 1 - 147 - art. 4 . (i) }. 52 . art. S. St. Thomas de l’Amour. 32.7 5- II. Second principe. Que k plus grand de terns les Com- memdemens ejt -celui de l'Amour dc Dieu. rWoique ce principe foit indubitable , ayant xl M dtabli par Jesus-Christ , la varied m£me, Saint Thomas ndanmoins Je prouve par un rai- fonnement tres-folide. „ La fin, dit-il (1), de ia „ vie fpirituelle eft que i’homme s’unifle a Dieu, „ ce qui fe fait par la charitd. C’efl a cette union „ que tout ce qui appartient & la vie fpirituelle, „ fe rapporte comme a fa fin. C’eft pourquoi „ I’Aptitre dit (2), que la fin des commandemats ejt „ la charite qui naU (Pun cam pur, d’une tonne con- ,, fcience , & d’une foi fincere. Car toutes les ver. „ tus dont les childrens commandemens de Dieu „ nous obiigent de produire des adtes, ont une „ de ces trois fins; ou de purifier notre coturdes „ paffions ddregldes qui le troublent, ce que font „ les vertus qui ont les paffions pour objet; ou „ au moins de nous procurer la paix d’une bon- „ ne confcience, ce qui eft le propre des vertus ,, qui regardent le reglement de nos adtions; ou „ enfin de rendre notre foi fincere , ce qui eft „ I’effet des vertus qui concernent le culte divin. „ Et ces trois chofes font necefi'aires pour aimer „ Dieu. Car un creur impur ne peut s’unir a Dieu „ par la charitd, a caufe des paffions qui l’atta- „ chent aux chofes de la terre. Une mauvaife „ confcience ne regarde qu’avec horreur la jufti- „ ce de Dieu, d caufe de la c.ainte qu’elle a des „ ch&timens dont elle eft menaede. Et une foi „ feinte ( r) (]. 44* art. 1. in corp. J 1 328 HI. Note sur la X. Lettre. „ feinte. en nous fdparant de la vdritd, fait qu’au „ lieu d’aimer Dieu, nous aimons tout ce qu’elle ,i nous perfuade fauffement etre Dieu. Or dans ,, toutes les chofes qui ont quelque rapport entre i, elles, celles que Ton recherche pour elles-md- 3, mes, & qui font la fin des autres, font plus >, excellentes que celles qu’on ne recherche qu’d „ caufe des premieres. Puis done que toutes les „ vertus fe rapportent a la charitd, il s’enfuit que „ le prdcepte de la charitd eft le plus grand de „ tous les prdeeptes, comme le dit Jesus-Christ en St. Mathieu ch, 2,2. 5- HI. TroiJIeme principe. Que tout cc qui fe fait centre fo Lot, eft peebe mortet: & quit «’j a que le peebe mortel qui Jett centre la Lot. C E troifieme principe donne un grand jour a beaucoup de palfages de St. Thomas qui font tin peu embarrallez. Car difiinguant entre etre cen¬ tre la loi, & n'etre pas felon la lot, tout pdchd v6- •niel, felon lui, n’elf appelld pdchd qu’impropre- ment; parce qu’il veut qu’il ne foit pas propre- ment contre la loi, niais feulement qu’il ne foit pas felon la loi. C’eft pour cela qu’il dit ft fou- vent que celui qui peche vdniellement , ne fait pas ce que la loi ddfend, ou n’omet pas ce qu’elle commande , mais feulement qu’il manque d'ob- ferver l’ordre que la droite raifon a preferit, en ne rapportant pas toutes chofes a leur fin. C’eft ainii qu’il explique la dittinftion du pd- che mortel & du pdchd veniel, dans la feconde partie de fa Somme (1). II s’y objette ce que dit ( 1 ) 1. z. f. 88 . art, 1 . ad. z. St. Thomas de l’Amour. 325* St. Auguftin: „ Que le pdcbd eft route aftion, „ toute parole, & tout ddftr contre la loi dternel- „ le: d’ou il femble s’enfuivre, que ft le pdchd „ vdniel n’eft pas contre la loi, il n’eft point pd- „ chd du tout, & qu'on ne peut par confdquent „ divifer le pdchd en pdchd mortel & en pdchd „ vdniel. Et il rdpond qu’il y a deux fortes de „ divifions: l’une dont tons les membres ont un „ nom, & une nature commune: l’autre dont les „ membres ont feuiement un nom commun fon- „ dd fur quelque analogie, ou fur quelque rap- „ port qu’ils ont enfemble: Que la divifion du „ pdchd en pdchd mortel & en pdchd vdniel, eft „ de cetee derniere forte: qu’ainfi la nature du „ pdchd etant, comme St. Auguftin le dit ici, „ d’etre contre la loi dternelle, & n’y ayant que „ le pdchd mortel qui foit contre la loi, il n’y a ,, auffi que le pdchd mortel qui foit proprement „ & entierement pdchd. Four le pdchd vdniel, „ ajoute-t-il, il n’eft appelld pdchd qu’impropre- „ ment, & feuiement par rapport au pdchd mor- „ tel, comme I’accident eft: appelld I tre feule- „ ment par rapport d fa fubftance; parce que ,, comme l’accident ne participe a la nature de „ l’JErre que d’une maniere tres-imparfaite, le pd- „ chd vdniel ne participe auili que d’une manie- ,, re imparfaire a la nature du pdchd. Car le pd- „ chd vdniel n’eft point contre la loi; parce qu’en „ pdchant vdniellement on ne fait point ce que ,, la loi defend, & on n’omet point ce quelle „ commande, mais feuiement on manque d agir ,. felon la loi,parce qu’on ne fuitpas l’ordre que ,, la raifon preferit, & que l’intention de la loi eft ,, qu’on 1’obferve en toutes chofes. Je fai bien qu’ordinairement on parle autre- ment, & que la plupart des Thdologiens difent indiffdremment du pdchd vdniel, comme du pdchd X s mortel 9 330 III. Note sur la X. Lettre. mortel, que I’un & l’autre eft contre la loi Mais il n’eft pas ici queftion du langage que l’on doit tenir, mais de celui qu’a tenu St. Thomas. Or c’eft de lui.mdme que 1’on doit apprendre comme il a parM, & en quel fens il a pris chaque terme. Car il eft impollible de rien entendre dans St. Thomas ft l’on n’eft inftruit de fon langage, & fi Ton n’a toujours prdfent a l’efprit les notions difFdrentes qu’il a donndes aux diiRrens termes done il s’eft fervi. Ceia eft fur-tout ndeeffaire pour comprendre fa doctrine fur la diftinftion du p£ch£ v^niel & du p£ch£ mortel. Et fans ceia on trouvera une infinite d’erreurs dans des paifages qui pris dans le fens veritable de ce Saint Doc- teur, renferment les maximes les plus indubitables de la Th^ologie. Il faut done bien remarquer que toutes les fois que St. Thomas dit qu’une chofe eft de prdeep- te , ou qu’elle tombe fous le pr^cepte, ceia ft* gnifie , felon lui, que nous y fommes obligez fous peine de pdcM mortel. Ainfi il faut bien diilinguer dans fon langage ces manieres de par- ler : La loi defend telle chofe , le precepte oblige a telle chofe, qui marquent une obligation fous peine de p^-cfie mortel; de cette autre expreflion , Vor- dre & I'intention de la loi demandent qu'on fajfe telle chofe, ce qui marque qu’il n’y a que pechd v6niel a ne la pas faire. De meme toutes les fois qu’il dit qu’une chofe eft contre la loi dternelle, c’eft comme s’il difoit que c’eft un p6che mortel. Car ce qui fait, felon lui (i), qu’un peche efl mortel, e’efi qu'il eft contre la hi iternelle. Ainfi St. Thomas reftraint beaucoup plus que les autres TWologiens l’obligation de la loi divi¬ ne, (j) i. z. q. as. a, i. St. Thomas de l\AmGur. 331 ne, voulant qu’il n’y ait rien de prdcepte que ce qu’on ne peut violer fans commettre un pdchd mortel , & qu’il ne s’dtende point a toutes les chofes oil Ton ne peche que vdniellement. C’eft ce qu’il explique parfaitement bien dans les paro¬ les fuivantes. (1) „ 11 n’eft pas indifferent, dit-il, „ de quelle raaniere on faffe une adtion de vertu; „ mais on y doit obferver toutes les circonftan- „ ces fans lefquelles ce ne feroit plus une adtion „ de vertu, c’eft-a-dire qu’il la faut faire dans le ,, terns, dans le lieu , & de la maniere qu’elle „ doit etre faite. Et parce que c’eft par rapport ,, a la fin qu’on juge de la difpofition des moyens ,, qui y conduifent. c’efl; auili a la fin qui eft l’ob- „ jet & le bien de la vertu, qu’il faut principa- „ lement avoir dgard pour juger des circonftan- „ ces oil l’on doit faire cette adtion. Si done il „ manque & une adtion de vertu quelqu’une des „ circonftances fans lefquelles l’objet de la vertu „ ne fauroit fubfifter, cette adtion fera contre le „ prdcepte ; mais s’il ne lut manque que quelque ,, circonftance moins effentielle, & qui ne dd- ,, truife pas tout-a-fait le motif & l’objet de la „ vertu, quoique dans ce dernier cas l’adtion ne „ foit pas parfaite autant qu’elle le devroit etre, „ elle n’eft pas ndanmoins contre le prdcepte. C’eft ce qui fait que St. Thomas nie que de certains prdeeptes, qu’on ne peut violer fans pd- cher mortellement ou vdniellement, obligent tou- jours. Tel eft par exemple ce prdcepte de 1 ’Apd- tre (t). Soit que vous mangiez , foit que vous luviez> fiites tout au nom du Seigneur. Et cela eft tres-vrai dans le langage de St. Thomas; car ne reconnoif- fant point d’obligation que celle dont le viole- ment 0 ) 2 . z. t). 33. a. 2. in ctrp. 332 III. Note sur la X. Lettre. ment eft pdchd mortel, & dtant certain d’ailleurs qu’on ne peche pas toujours mortellement en ne rapportant pas toutes fes aftions a Dieu ,c’eft avec raifon qu’il nie que ce pr&repte, qu’il reconnoit en plufieurs endroits (i) pour un veritable prd* cepte, oblige toujours. Ce qui fait voir combien ceux-14 fe trompent, qui de ce que St. Thomas nie qu’une chofe foit de prdcepte , en concluent auill-t6t qu’on peut s’en difpenfer fans pecher meme vdniellement. Car quand il dit par exemple, que de ces deux commandemens que Dieu nous a faits de fai¬ nter, & d’honorer nos parens, entant qu’on les conildere comtne des preceptes affirmatifs & dif- timfts , l’un peut quelquefois obliger fans que l’autre oblige ; & qu’ainfi on ne peut pas dire que celui qui honore fon pere, fans rapporter 4 Dieu I’honneur qu’il lui rend , en obfervant un pr^cepte tranfgrefle l’autre; quand, dis-je, il par- !e ainfi, ii ne prdtend pas que celui qui honore fon pere fans aimer Dieu, ne cctnniette pas me¬ me en cela de pdchd vdniel; mais il nie feule- ment qu’il commette toujours un p£chd mortel, qui, felon lui, eft le feul ptichd qui foit contre. ie prtepte. $. I V. Quatrieme principe. Que les Preceptes ne regardcnt que les slBes , & nun V'Habitude des Vertus. (~'E quatrieme principe ruine enderement l’opi- '■•'nion du P.Sirmond,& renferme la d6cifion de toute la difpute. Or il n’y a rien qui foit 6tabli & r^pdtd plus fouvent dans St. Thomas que cette maxime, (i) 1 . 2 . qit, 88, Art, I. ai 2, & ;ti, loo, art. lo, ai 2 . St. Thomas de l’Amour. 333 maxime , comme on le peut voir par les pafla- ges fuivans. * „ 1. (,i) Les pr^ceptes ne regardent point les „ habitudes des vertus, mais les actes: c’eft pour- ,, quoi la diverfitd des pr^ceptes n’elt point une „ marque qu’on nous cominande d’avoir diffdren- „ tes habitudes, mais feulement de prodilire dif- „ f£rens actes. ,, II. (2) Comme les prdceptes n£gatifs de la „ lot d6fendent les attes mauvais, de meme les „ prdceptes aiiirmatifs commandent les aftes de „ vertu. „ III. (3) 11 n’y a que les a dies des vertus qui „ toinbent fous le prdcepte. „ IV. (4) C’elt des aites des vertus qu’il faut „ donner des prdceptes. >> V. (5) Comme les pr^ceptes regardent les „ adtes des vertus, tout ce qui fait qu’une adtion „ eft un a£te de vertu, tombe fous le precepte. ,, VI. (6) Mais parce qu-’il y a des prdceptes „ pour commander les adtes des vertus, il faut „ que l’aumbne tombe fous le prbcepte entant „ qu’elle eft un acte de vertu. VII. ( 7 ) 11 n’y a point de prdcepte,!! ce n’elt a l’dgard des adtes des vertus. Ce qu’il enfeigne au meme endroit etre vrai, non feulement de tous les autres prdceptes en gdndral, mais en particulier de l’adte d’amour de Dieu. „ Quoique „ la charite, dit-il (8), foit une vertu unique, „ elle (1) 2. 2. q. 31. a. 4. ad 1, (2) 2. 2. q . 33* a . 2. in cot p , (3) Ibid. q. 44. a. 3. (4) Ibid. ( 5 ) Ibid, a . 4. ( 6 ) Ibid. q. 32. a. 5. in cerp. (?) Ibid. q. 44, a. 4, ( 8 ) Ibid . «. 2. ad x. !) 334 HI. Note sur la X. Lettre. „ elle renferme ndanmoins deux aftes, dont I’un ,, fe rapporte a 1’autre comme a fa fin. Et comme fi y a des pr^ceptes pour commander les aftes des vertus , il a dtd ndcefiaire qu’il y eut plufieurs prdceptes de la charitd. „ VIII. Et s’dtant fait cette objeftion: (i)L’a* „ mour n’eft pas le feul afte de la charitd : la „ joie, la paix , le d6fir de faire du bien a ce „ qu’on aime, font autant d'adtes de charity. Or „ on doit donner differens prdceptes pour les ,, differens a&es des vertus: Done il falloit qu’il „ y efit plus de deux pr^ceptes de la charitd. Il „ rdpond que les autres actes de charite s’enfui- „ vent de l’acte d’amour, comme les effets de „ leur caufe. Et qu’ainfi les prdeeptes des autres „ actes font renfermez virtuellement dans celui „ de l’afite d’amour. „ IX. (2) Un adte de vertu doit avoir de cer- „ taines conditions pour etre un afte de vertu; „ & ces conditions qui font de l’effence de 1’afte „ de vertu, tombent fous le prdcepte qui com- „ mande l’acte de vertu. Or l’ordre de la charitd „ eft d£ 1’eiTence de la vertu de la charity, &c, S- v. Cmquieme principe. Que VABe d'Amour command^ par le premier precepte, efl un aBe fpecial dijlin - gue de 1'obfervation des autres preceptes. pE cinquieme principe fait voir combien le P. ^Sirmond nous en impofe, quand il veut faire pafter St. Thomas pour l’auteur de l’opinion qu’il a dchd d’introduire (3). Qu’outre les dix comman- demens St. Thomas de e’Amour.' 335 ■Semens de la loi , nous ne fommes point obligez it garder les deux mitres de l’amour de Dieu & du Prochain. Car St. Thomas dtablit au contraire que l’acle d’amour command^ par ce prdcepte, Vous aime• rez le Seigneur votre Dieu , elt un adte fpdcial, en- tierement diftingud des adtes des vertus qui nous font commandez par les autres prdceptes. „ Cette condition, dit-ii (i),qui fe doit ren- „ contrer dans tous les adtes des vertus, favoir „ qu’ils foient faits par Ie motif de la charitd, ne „ tombe pas d la vdritd fous les prdceptes qui „ nous commandent de produire ces adtes. Le „ prdcepte, par exemple , qui nous commande „ d’honorer nos parens , ne nous commande „ pas de le faire par le motif de la charitb. „ Mais il y a des prdceptes particuliers & dif- „ tindts, qui commandent de produire des adtes j, de charitb. Ayant propofe ailleurs (a) cette quefiion: Si nous fommes obligez par la foi divine de rappor- ter toutes nos adtions a Dieu par un adte de cha¬ rity : ou comme il s’exprime, Si cette condition de faire toutes nos adtions par le motif de la cha- ritb tombe fous quelque prbcepte de la loi divi¬ ne, il b'ablit x. Que l’adte de charitb, confidbrb en Iui-meme comme un adte particulier de vertu, fbparb des autres adtes de vertus commandez par les diffbrens prbceptes de la loi, tombe fous ce prbcepte, Vous aimerez le Seigneur votre Dieu. 2. Que l’adte de charitb, confidbrb comme une con¬ dition qui fe doit rencontrer dans tous les adtes de vertus, ne tombe point fous les prbceptes particuliers qui nous commandent ces adtes, par exemple fous celui qui nous commande d’hono- rer (1) 2. 2. q. 44. a. 1. ai r, (2) 1. 2, q. 109, art, 10, 33<5 HI. Note sur la X. Lettre. rer nos parens, mais qu’il tombe fous le prdcepte gbnbral d’aimer Dieu : & qu’ainli quoique celui qui ne rapporte point a Dieu l’honneur qu’il rend & fon pere, ne tranfgrefle point ie prbcepte qui lui commande d’honorer fes parens, il peut n£an- moins tranfgrefler celui qui lui commande d’aimer Dieu. ,, Voici fes paroles. On peut confiddrer l’afte „ de charite en deux manieres: ou entant qu’il „ eft par lui-meme un 2£te particulier de vertu; » & en cette maniere i! tombe fous le prdcepte „ fpdcial de la ioi qui le commande, c’eft-a-dire ,, fous le premier precepte, Vous aimerez le Set- „ gneur voire Dieu, Sic: ou bien il peut etre confi- „ ddrd entant qu’il eft une condition qui fe doit ,, rencontrer dans tons les attes des autres ver- „ tus, c’eft-d-dire entant qu’il eft la fin £ laquel- „ le les attes des autres vertus fe rapportent, la ,, charite btant, comme dit St. Paul (i), la fin du „ precepte ; & en cette maniere il eft vrai que la ,, charitd n’eft point commandde , c’eft-a-dire „ que ce prdcepte, par exemple, Vous honorenz „ votre Pere, ne nous oblige point 4 honorer no- „ tre pere par le motif de la charitb, mais fim- 5, plement & l’honorer. Ainfi celui qui honore „ fon pere fans avoir la charitd, ne viole point „ ce prbcepte, quoiqu’lL viols celui qui com- ,, MANDE L’ACIE DE LA CHARITE’, ET QU’lL ME- „ RITE d’etre PUNT A CAUSE DE CETTE TRANS- „ GRESSION. C’ett fuivant le meme principe qu’il avoue en¬ core plus exprelKment,quelques lignes plus has, ( 2 ) qu’il y a une obligation de rapporter tout a Dieu. Mais il foutient que cette obligation vient du (l) I. Tim. ch. I. v. j. (a) in Refp, ad z. St. Thomas jde l’AmoHR. 33 f du prdcepte g^ndral d’aimer Dieu , & non pas de chaque prdcepte particulier de la ioi divine. ,, II „ faut reconnoitre, dit-il, que le prdcepte de la „ charitd nous impofant l’obligation d’aimer Dieu „ de tout notre cceur , nous impofe auiii celle „ de lui rapporter toutes chofes; puifque cette ,, derniere obligation eft une fuite ndceffaire de „ la prdmiere. C’eft pourquoi l’homme ne peuc „ accomplir le prdcepte de ia charitd fans rappor- „ ter tout a Dieu. Celui done qui honore fon „ pere, eft obligd de I’honorer par le motif de Ia „ charitd, non pas d la veritd en vertu de ce „ precepte, Honorez votre fere & votre mere, &c, ,, mais en vertu de celui-ci, Vous aimerez le Sei - „ gtieur votre Dieu de tout votre cosur. lit com me 5, ces prdeeptes font tous deux affirmatifs, & que ,. par confdquent Us n’obligent pas pour toujours, „ ils peuvent obliger en diffdrens terns; & ainil „ il peut arriver qu’on accompliffe le prdcepte ,, d’honorer fon pere, fans, tranfgrefler pour lors ,, le prdcepte de faire tout par le motif de la cha- „ ritd: ce qu’il faut entendre d’une tranfgreffion. mortelle; St. Thomas, comme nous l’avons dejd expliqud, voulant feu'ement qu’en ce cas oil un homme honoreroit fon pere, fans rapporter cet honneur d Dieu, ne commette pas toujours par cette omiflion un pechd mortel, De tout cela je conclus. contre le P. Sirmond, 1. Que 1 ’adte qui nous eft commands par le prd- cepte que Dieu nous fait de l’aimer, eft un acte de charite proprement dit, un veritable acte d’a- mour, & une affedtion intdrieure du cceur pour Dieu. 2. Qu’il ne fuffit point pour Stre fauv£ d’obferver les autres commandemens, ft on ne les obferve par le motif de la charite; parce qu’encore que cette condition de les obferver par ce motif ne tombe pas fous chaque prdcepte Torn II. X 338 HI. Note sur la X. Lettre.' particulier, elie tombe ndanmoins fous 1 grant! prdcepte qui nous oblige d’aimer Dieu de tout uotre ctBur. S- VI. Stxieme pnncipe. Qa’il n’y a point £Amour de. Dieu Nairn ei dans PEiat de la Nature Cor- rompue. principe ru’ine une des chicanes du P. Sir- mond, qui, comme nous Pavons vu.diftingue an amour naturel, & un amour furnaturel; & veut que Fun & l’autre fe rencontre dans cet dtat. Car St. Thomas dtablit au contraire qu’il n’y a point d’amour de Dieu naturel dans l’dtat de la nature eorrompue. II en fait cette conclufion (r). „ L’homme, „ dit-ii, n'avoit pas befoin dans l’dtat d’innocen- ,, ce d’un iecours gratuit de la grace de Dieu „ ajoutd aux forces de la nature, pour aimer na- 3 , turellement Dieu par- deflus routes chofes, quoi- „ qu’il efit befoin d’un fecours deDieu qui l’exci- „ tilt a cet amour, Mais dans l’etat de la nature ., eorrompue i! a befoin pour cela d’une grace „ qui le gudrifle intdrieurement. Dans I’dtat de la „ nature eorrompue , ajoute-t-il , 1’homme n’a „ plus cet heureux poids qui incline fa volontd „ vers le bien gdndral, & qui lui faifant rappor* „ ter I’amour qu’i! avoit pour lui-meme, & pour 5) les autres creatures, 3 Famour qu’il doit a Dieu, „ faifoit qu’i! aimo'it Dieu par-deflus routes cho- „ fes. II fuit les ddfirs que forme fa volonte dclat- „ rde par la raifon; & cette volontd dtant cor* „ rompue, elle n’a de ddfirs que pour les biens » parti* (j) }, %,q, ios, art, t, St. Thomas de l’Amour. gqp ,, particuliers, ft la grace de Dieu ne la gudrit. Et qu’on ne dife pas que St. Thomas veut feu= lement ici que dans 1’dtat prdfent nous ne puif- fions plus, par les forces feues de la nature, aimer Dieu comme auteur de la gloire, & non que nous ne le puiffions aimer comme auteur de la nature. II ddtruit lui-meme cette dittinflion. Car il en- feigne que dans l’etat prdfent nous ne pouvons plus naturellement aimer Dieu de la maniere qu’Adam pouvoit i’aimer. Or, Elon lui , Adam meme ne pouvoit pas aimer Dieu naturellement comme auteur de la gloire. Done 1’arnour natu- rel qul n’eft plus dans notre pouvoir, & qui tftoic dans celui d’Adam, n’eft point i’amour de Dieu comme auteur de la gloire; puifque, felon St. Thomas, cet amour eft furnaturel en tout dtat, & qu’il n’a jamais dtd au pouvoir d’Adam fans la grace: mais e’eft feulement cet amour de Dieii comme auteur de la nature, que Dieu avoit don- nd d I’homme innocent: en forte ndanmoins qu ? il avoit befoin pour en faire des a dies, du fecours d’une grace excitante. §- vi i. Confequenccs qu.cn doit tirer des principes it obits cl- dejjus. (Ttte fuite de principes que nous venons de pofer renverfe entierement, & diffipe comme le vent fa : t la pouffiere, pour me fervir des ter- tnes de l’Ecriture, tout le fytleme imnie nue le P- Sirmond a blti fur ces diftinftlons frb>o'es d’a- mour nffcffif, & d’amour effeftif; de precepte de ri- gueur . & de precepte de douceur ; damour habituel, & d’amour aBuel. X, 11 eft faux qu’il n’v ait, comme il le pretend’ y i - que 34^- III. Note sur la X. Lettre. Cue les effets exte'ricurs de l’amour, & non TaffeSion & f intention interkure , qui foient de commandment. Car par le quatrietne & cinquieme principe l’adte de la charit^ tombe fous le prdcepte. Et par le cinquieme cette condition effentielle qui fe doit rencontrer dans tous les aftes de vertus qui nous font comtnandez par les difRrens pr^ceptes de la ioideDieu, favoir qu’ils foient faits par le mo¬ tif de la charittS , tombe aufll fous le pr^cepte. Done l’atnour int^rieur efi de pr&repte. 2. 11 eft faux que le commandement d’aimer ne foit, comme le pretend encore ce Pere, qu’ws' commandement de douceur au regard de Vamour affeSlif, de l'amour d'intention & de motif. Car par le qua* trieme principe l’afte de la charity eft de pr^cepte. Or par le premier principe tout ce qui eft de pr6- cepte oblige fous peine de p£ch£ mortel. Done le commmandement d’aimer, a l’^gard mSme de I’a- mour int6rieur,eft un commandement derigueur. 3. 11 eft faux qu’i/ n’y ait, comme le foutient ce Pere, qud Vamour babituel, & non 1 'amour atfuel, qui fait commanded Car par le quatrieme principe les preceptes regardent les attes, & non les habi¬ tudes. 4. Enfin il eft faux qu’on puiffe, comme l’avan- Ce ce P ere ,accomplir les enmmandemens par un amour naturel. Car par le fixieme principe il n’y a point d’amour naturel de Dieu dans l’dtat de la nature corrompue. De rout cela il s’enfuit que la doftrine que le P. Sirmond attribue a St. Thomas, n’eft pas moins <£loign6e des v6ritab!es fentimens de ce Saint Doc- teur, qu’elle eft contraire a la foi de l’Eglife. SECTION St. Thomas Justifie’. _ 34* SECTION CINQUIE’ME. Reponfe aux objections que It P. Sirmond tire de Si. Thomas. $. I. Explication des deux premiers pajfagcs qui ont ete can - ft de I'erreur du P. Sirmond. L E P. Sirmond ne rapporte que quatre paiTages de St. Thomas qui fouffrent quelque difficul¬ ty. Les deux premiers tirez de fa 2. 2. Quejl. 44. art. 4. Le troifieme de Yart. 6 . de la meme quef- tion , & le quatrieme de fon Opufcule 18. c. y. 3’avoue que ces paftages ont de 1’obfcuritd, quand on ne les examine pas avec toute l’attentjon nd- ceflaire; de forte que le P. Sirmond auroit pu y etre trompd, plus par ignorance que par malice. Mais ce Pere ne laiffe pas d’etre tout-a-fait inex- cufable; parce que dans la queftion mdme d’ovi il a tird fes trois prdmieres objt&ions, il y a une infinite d ? autres endroits, oil St Thomas dit for- mellement & fans ambigu'itd, que l’adle de la cha¬ rity tombe fous le prdcepte; & qu’il eft impoffi- ble, d moins qu’on ne veuille pryfyrer les tdne- bres a la lumiere, d’oppofer.comme a fait ce Jd- fuite, deux ou trois paiTages obfcurs & ddtachez, '4 tant d’endroits expres, dont la clartd frappe d’abord, & pry went tous les efprits qui ont un peu de fincdrite & de droiture. il faut Pen con- vaincre iui-meme , en parcourant cette quef- tion. St. Thomas y dtablit, des le prdmier article, qua i’afie de la charitd tombe fous le prdcepte, & qufil Y 3 • y 5 342 III. Note sur la X. Lettre. y a des prdceptes particuliers qui nous comman- clent cet a&e. II marque dans Particle fecond quels font ces prdceptes, & il explique la raifon pourquoi il y a deux prdceptes de la charite , quoique la charit6 foit une vercu unique. 11 dit que comme les prd- cepres ne regardent que les adtes,& non les habi¬ tudes , il a fallu qu’il y efit deux prdceptes de la charitd; parce que la charitd a deux attes, favoir J’amour de Dieu, & i’atnour du Prochain. llenfeigne dans letroilieme article que ces deux prdceptes fuffifent, parce qu’encore que la chari* id ait d’autres aftes, ils font tous renfermez dans ces deux aftes, comme les efFets dans leur caufe. Cela ne fuffit-il pas pour s’aflurer du fenriment de St. Thomas touchant l’a&e de la charite? Peut- on croire qu’apres avoir rdpdte tant de fois dans ces trois articles, que le prdcepte regarde i’acte, <& non l’habitude de la charitd il fe foit retraftd tout d’un coup dans le quatrieme article, d’oii le P. Sirmond tire fa prdmiere objt&ion , & qu’il y ait dtabli que le prdcepce de la cbaritd ne tombe que fur l’habitude, &non pas fur l’afte de la cha- jitd? Non: un fi grand homme n’eft pas capable d’une telle variation. Et l’on va voir par Impli¬ cation de cet article, qu’en effet il y enfeigne con¬ tainment la meme doctrine. Apres done que ce Saint Do&eur a, comme nous l’avons vu, fuffifamment dtabli dans les trois articles prikddens, que I'aBe de la charite tombe fous h precepte , & qu’ainfi nous fommes obligez d’.li¬ me r Dieir & le Prochain d’un amour aftuel; il demande dans le quatrieme article comment on doit aimer Dieu, ou ce qui eft la m£me chofe, quelles conditions doit avoir cet amour rftuel, auquel il vient de dire que nous dtions obligez par ie premier commandement. Voici le titre de St. Thomas Justifie’. 543 Particle: 'Etoit-il convemble que Dieu nous commanddt de l’aimer de tout notre cccur? Et voici la reponfe de St. Thomas. „Puifque nous fommes obligez d’ai- „ mer Dieu comme notre derniere fin, a laquelle „ nous devons tout rapporter, il a dtd convena- ,, ble qu’il nous commandat de l’aimer de tout „ notre cceur: ce qu’il prouve ainfi dans ie corps „ de Particle. Comme les preceptes, dit-il, re- „ gardent les adles des vertus, un adle tombe „ fous le prdcepte, felon tout ce qui fait qu’il ,, eft un adle de vertu. Mais afin qu’il foit un ,, adle de vertu, il faut non feulement qu’il ait „ l’objet qu’il doit avoir, mais aufii qu’il foit re- 1, vdtu de toutes les circonilances qui font ndcef- s , faires, afin qu’il foit proportion nd A fon objet. ,, Or Dieu qui eft l’objet de 1 ’adte de la charitd, „ doit etre aime comme la fin derniere a laquelle 5 , on doit tout rapporter. il a done dtd convena- „ ble de marquer une totality dans le prdcepte ,, qu’il nous a fait de l’aimer. St. Thomas ne pou- voit pas enfeigner plus c'airement ni plus erpref- fdinent qu’il fait ici, que le prdcepte de la chari¬ td tombe fur l’adte, & non fur Phabitude; puifque tout fon raifonnement eft fonde fur ce principe, Otte les preceptes regardent les aBes des vertus. il fe fait enfuite (i) cette objection. „ Mais les „ conditions que doit avoir un adle de vertu, ne „ tombent point fous le prdcepte qui commande „ cet adle, ainfi qu’il a dtd dit ci-deflus. Orquand „ on dit: Vous aimerez de tout votre epeur, on ,, ne marque qu’une condition que doit avoir l’a- ,, mour divin. Il femble done qu’il n’a pas dt 6 „ convenabie d’en faire un prdcepte ,, Il eft vrai, rdpond il, que le prdcepte qui „ commande un adle de vertu, ne tombe point S, fur- Y 4 ([} in Rtfp. ad i. 344 HI. Note sur la X. Lettre. „ fur la condition que doit avoir cet acte, lor£ „ que cette condition eft comma etrangere a cet" „ te vertu , & qu’elle vient d’une autre vertu fu- j, perieure. Mais iorfque cette condition eft pro» ,, pre & eflentieile a I’a&e de cette vertu, elle „ tombe fous le prCcepte qui commande cet adte. „ Or, ajoute-t-il, la condition exprimde par ces ,, mots, Vous aimerez dr tout votre cceur , eft pro- „ pre & eftentielle a l’adte de la charitd. La totalitd d’amour qui nous eft commandite par le premier prdcepte, & qui eft exprimde par ces paroles, Vous amercz de tout votre cceur , fe doit done entendre, non d’un amour habituel, jnais d’un amour aftuel, puifqu’il n’y a que ce dernier qui foit command^. Ce qui eft conforme A ce qu’il a dit plus haut : Qu’il faut pour un afte de vertu, qu’il foit rev£tu de toutes les cir- conftances ndeeflaires , „ & que e’eft pour cela „ qu’il a fallu marquer une totality dans le prd- s , cepte d’aimer Dieu. St. Thomas fe propofe une feconde objection contre cette totality, qui doit, felon lui, fe ren- contrer dans l’aifte de charitd. „ Aimer de tout 4, le cceur, dit-il, eft la meme chofe qu’aimer ,, parfaitement, & d’un amour auquel rien ne manque, & qui comprenne tout. Si done cet- ,, te condition d’aimer de tout notre cosur tom- j, boit fous le prdcepte que Dieu nous fait de 5) l’aimer , quiconque feroit quelque chofe qui n’auroit pas rapport a I’amour de Dieu, agiroit 5) contre le prdcepte, & par confluent peche- ,, roit mortellement. Or le pdchd vdniel ne peut gtre rapport^ a l’amour de Dieu. Done le pd- ,, chit vdniel feroit toujours mortel, ce qui ren- s , ferme contradiftion. ■ G’eft dans la rdponfe & cette objection que le P, Sirmond prdtend que St. Thomas nie expref- fdment St. Thomas Justifie’. s4T foment que l’acte d’amour foit de prdcepte, &. qu’il n’entend autre chofe par ]e terme d’aimer qu’un amour habituel. Void cette rdponfe. „ ]e rdpons, dit St. Thomas, que nous pouvons ,, aimer Dieu de tout notre cceur en deux njanie- „ res. La premiere, en forte que notre cceur foit „ aftuellement & continuellement portd yers Dieu; „ & c’elt une perfection qui eft rdfervee pour le „ Ciel. La feconde, en forte que tout notre cpeur ,, foit portd habituellement vers Dieu, c’eft-A-dire ,, qu’il ne fouffre aucun amour qui foit contrairq ,, a I’amour de Dieu; & c’eft-IA la perfection de „ cette vie,qui n’eft pas incompatible avec le pd- ,, chd vdniel , parce que le pdchd vdniel ne dd- „ truit pas l’habitude de la charitd, mais en in- „ terrompt feultment l’exercice. Voila ce qui a frappd le P. Sirmond. La paflion de contredire l’a empdchd de voir que Saint Tho¬ mas ne parle pas dans cet article de 1’aCte meme de la charite , mais des conditions de cet aCte, & par-la il s’eft jettd dans l’erreur. Mais tous ceux qui ne font pas aveuglez, comme lui, par la memo paflion, ne trouvent aucune difficult^ dans cts paroles. Car il n’y a rien qui foit plus clair & plus dvident que le fens de cet article. St. Thomas y enfeigne trois chofes. i. Que les prdceptes regardent les aCtes des vertus, & par confdquent que ie prdcepte de 1’amour regarde i’amour aCtuel. 2. Qu’il faut pour un aCte de ver- tu qu’il foit revdtu des circonftances ndceflaires, & par confdquent que 1’aCte de la charitd doit avoir de certaines conditions. 3. Que la condi¬ tion que doit avoir l’aCte de la charitd, eft qu’on rapporte tout A Dieu, & par confdquent que l’ac¬ te de la charitd doit avoir une certaine totalitd. Dans la rdponfe A la feconde objection , il demande quelle eft cette totalitd que doit avoir Y s l’aCte 'lifi III. Note sur la X. Lettre. J’adte de la charity, comme une condition qu? lui eft efientielle. Et il rdpond qu’il y a deui totalitez. L’une ailuelJe » & I’autre habituelle. La totality aftuelie, comme il I’explique lui- meme , eft pour ainfi dire une continuity de 1’afte d’amour qui porte fans aucune interruption tout le creur de l’homme vers Dieu. Et il croit avec raifon que cette continuity eft ryfervye pour le Ciel. Ainli il n’y a que la totality habituelle qui puiffe convenir aux juftes qui font fur la Ter¬ re. Et elle n’eft autre chofe , felon lui, qu’un yioignement habituel qu’ils ont de tout ce qui eft contraire 4 l’amour de Dieu. C’eft cette derniere totality qu’il regarde comme une condition qui doit nyceflairement accompagner l’adte de la cha¬ rity. De forte que iorfque Dieu nous comman.de de l’aimer de tout notre tceur, il nous comman¬ de , felon St. Thomas, de 1’aimer d'un amour ac- tuel & intyrieur, qui poflede 4 la verity le coeur tout entier, rnais qui tire fa totality, non pas d’une continuity non incerrompue du meme acte, mais de l’habitude de la charity qui en eft le principe , ou ce qui eft la meme chofe, d'u>.e refolution ha¬ bituelle de ne rien aimer qui fou contraire 4 l’a- mour que nous devons a Dieu D'ou St. Thomas conclut que le pdchd vyniel ne dytruifant point l’habitude de la charity, il ne detruit point non plus la totality habirueile nyceflaire a I’afte de la charity, & n’empdche point qu’on n’aime Dieu de tout fon coeur. En un mot St. Thomas dans cet endroit n’a point voulu diftinguer deux fortes d’amours, 1’un fiabituel qui fut de precepte, & I’autre actuel qui ne ffttpas de prdcepte; mais deux fortes de tota- jitez, dont il enfeigne que l’une eft nyceflaire 4 I’afte d’amour, comme une condition qui eft de fbn eHence. Ainfi, bien loin que cet endroit dd- St. Thomas Jitstifie’. 347 truife la doctrine que St. Thomas dtablit par tout, Que Pa&e de la chariti tombe Jous k precepte, il la continue au contraire d’une maniere admirable, fi on le prend dans fon veritable fens. Le P. Sirmond tire fa feconde objection de ces paroles du metne article. „ La perfedtion de la ,, charitd qui eft la fin de tous les confeils , tienti „ ie milieu entre les deux perfedtions dont nous „ avons parld : c’eft-a-dire qu’elle fait que l’hom- „ me renonce autant qu’il iui eft polEble aux cho- „ fes temporeiles meme permifes , parce qu’en „ occupant i’efprit, elles empechent le mouve. „ ment adtuel du coeur vers Dieu. Mais rien n’eft plus foible & moins folide que le raifonnement que ce Pere fonde fur ce paifage. En premier lieu, il explique (i) de mauvaife foi ces paroles, La perfc&ion de la charite qui eft la fin des confeils ; voulant que Saint Thomas avoue par- la que la perfedtion de la charitd n’eft que de confeil; ce qui eft tres-faux , comme nous le montrerons bientdt. En fecond lieu, c’eft ridicu- lement qu’il conclut de cetendroit, que l’amour adtuel n’eft point de prdcepte , comme s’il n’y avoit d’amour adtuel que cette charite parfaite qu’il s'imagine dtre feulement de confeil. Car St. Thomas enf igne ici que le mouvement adtuel du Cffiur vers Dieu eft plus continuel, a proportion quu i’amour qu’on a pour lui eft plus parfait. II eft conftant d’ailleurs que la charitd naiiTante, la charite avancde, & la charitd parfaite , font d’une me ne efpece. Il s’enfuit done que la charite dans les deux premiers dtats produit quelquefois, de mSme que dans le dernier , des adtes d’amour par lefquels elle s’dleve vers Dieu. Et ces adtes, qui au commencement font plus rares, deviennent plus (1 ) cb. 26 . 348 HI. Note sur ia X. Lettre. plus frequens, & mefure que Ia charit^ devient plus parfaite. 5- U. Explication du troijieme pajjage it Saint Thomas dont k P. Sirmond abuj'e. paffage eft tird du fixieme article de la m£- me Queftion 44. Tout ce que St Thomas en- feigne dans cet article, fe reduit a ces deux ou trois points. Qu’on peut accomplir le comrnan- dement de la charitd en deux manieres, i’une parfaite & l’autre imparfaite. Qu’on i’accomplit parfaitement lorfqu’on parvient 4 la tin que Dieu s’eft propofde en nous le faifant, qui a dtd de nous unir totalement a lui, ce qui ne fe peut faire que dans le Ciel. Qu’on t’accomplit imparfaite- ment lorfqu’on n’atteint pas jufqu'a cette per- feftion, ou, pour me fervir de fes termes , jut qu’a la totalite de cet amour divin, & que c^eft ainfi qu’on peut l’accomplir fur la Terre. Ce qu’il explique par 1 -exemple d’un General qui ordonne a fes foldats de combattre. Celui , dit-il , qui combat, & qui en combattant remporte la vic- toire, qui eft la fin que le Gdndral s’eft propo¬ se , exdcute parfaitement I’ordre qu’il a regu. Et celui qui combat fans rernporter la v-ft fire, 1’exdcute aufli, mais d’une maniere imparfiite. !l ne merite cependant aucune peine, pourvu q.j’il obferve d’ailleurs les regies de la difciplme mili- taire. De tout cela St. Thomas conclut que nous ne pouvons accomplir parfaitement en cette vie le commandement de la charitd , ou arriver & fa in, qui eft i’union parfaite avec Dieu. Mais le P. Sirmond en conclut tres-mal que 1 ’amour ac¬ tual St. Thomas Justifi'eV 34 ^ tael n’eft pas de prdcepte, mais feulement l’a- mour habitue!. Car, felon St. Thomas, il nous eft command^ d’aimer Dieu, de meme qu’il eft ordonnd 4 un foldat de combattre. Or je deman- de ft un foldat fatisferoit, meme imparfaitement, 4 l’ordre qu’il auroit requ de combattre, s’il ne combattoit qu’habituellement? On ne peut done accomplir, meme imparfaitement, un coinmande- ment.qu’en faifant l’afte command^. Et la diffe¬ rence qu’il y a entre celui qui l’accomplit par* faitement , & celui qui l’accomplit imparfaite- ment, ne conlifte pas en ce que l’un fait & l’au- tre ne fait pas i’ac'tion qui eft commandde, mais en ce que I’un parvient fit l’autre ne parvient pas a la tin du commandement Un foldat execute imparfaitement l’ordre de fon General lorfqu’il combat , quoiqu’il ne remporte pas la vi&oire: & il ne mdrite aiors aucune peine, pourvuqu’en mdme terns il ne faffe rien contre la difeipline mfiraire. L’horrrme accomplit imparfaitement le prtkepte de 1 ’amour, lorfqu’il aime aftuellement, quoique i’un amour qui rj’elt pas encore parfait, pourvu qu’il ne faffe rien d’ailleurs contre les au- tres prdeeptes. Mais comme un foldat qui ne combat jamais, n’exdcute point du tout l’ordre de fon Gdndral ; 1’homme auifi qui n’aime jamais Dieu aftuellement, n’accomplit point du tout, pas meme imparfaitement,le commandement de l’amour. Voila la veritable doftrine de St. Thomas: & iln’en.feigne rien autre chofe dans tout cet article en gdndral, ni en particulier dans la rdponfe 4 la feconde objeftion , qui eft; le principal endroit dont le P. Sirmond abufe. Car void les termes rndtnes de St. Thomas dans cet endroit. ,, Je r£- „ pons, dit il, que comme un foldat qui com- „ bat felon l’ordre n’eft point coupable, & ne md- 350 III. Note svr la X. Lettre. „ rite point d’etre puni; ainfi celui qui dans cette „ vie n’accomplit point ce prdcepte de la charitd, „ & qui en meme terns ne fait rien contre la cha- „ rit6, ne peche point mortellement. II eft clair que ces mots , qui dans cette vie n'accomplit point ce precepte de hi cbarite, ne peuvent pas fignifier , qui dans i ette vie n'aime point Dieu aSuellement, ce qui elt le fens du P. Sirmond. Car nous avons vu que Saint Thomas reconnoit cent fois dans cette queftion, que l’amour actuel eft de prdcepte. Mais ifs fignifient feulement, qui Jans cette vie n'accomplit point parfaitement le pre¬ cepte de la cbarite, & ne parvient point J la fin de la cbarite. Ainfi le P. Sirmond n’en peut rien con- clure pour fon fentiment. II eft tellement necefiaire d’expliquer dans ce dernier fens cet endroit de St. Thomas, qu’on ne peut pas i’expliquer autrement fans lui attri- buer. une hdrefie. Car enfeignant dans le corps de Particle qu’on ne peut accofflplir en cette vie le precepte de la charic6,en cette maniere qu’il dit n’etre pas comraandde ft , tention par laquelie il fe rapporte a la fin der- ,, niere qui eft Dieu, fe r£pand dans toutes les ,, a&ions qu’il fait pour lui-meine. C’eft pourquo? „ il peut meriter en toutes, s’il a la charity. Et ,, c’eft dans ce fens que l’Ap6tre nous commaii- „ de de rapporter toutes nos affions d Dieu. „ Il y a une grande difference, ajoute-t-il uti j, peu apres (1), entre rapporter habituellement 1, toutes fes aftions a Dieu, & les lui rapporter ,, virtuellement. Car celui meme qui n’agit point, „ & qui ne penfe a rien adluellement,comme un „ homme (1) eJ. 3 . . Z i 356 III. Note sur la X. Lettre. >, homme qui dort, ne lailTe pas d’avoir un rap- 5 , port habicuel dDieu: au lieu qu’on ne peut 5, lui rapporter virtuellement une chofe qu’on „ n’agifle pour une fin, & que cette fin ne foit „ fubordonnde 4 fa gloire. C’eft pourquoi l’objet „ du precepte de la charit£, n’eft point de rap- „ porter habituellement, mais de rapporter vir- „ tuellement toutes nos aftions k Dieu: ce qui „ n’eft rien autre chofe, que de le regarder com- „ me notre fin derniere. II ne faut done pas confondre ces deux rap¬ ports 4 Dieu, l’habituel dont le P. Sirmond fe contente, & le virtuel que demande St. Thomas, II y a, comme le remarque ce Saint, une grande difference entre l'un & l’autre. Car le rapport ha- bituel du P. Sirmond n’eft rien autre chofe qu’une charity purement habituelle , une charit6 oifive & fans aucune action, par laquelle fame & toutes fes aftions font cenf£es k la v£rit6 fe rapporter k Dieu, mais d’une maniere fi imparfaite & fi d!oi- gn^e, que ce rapport fe trouve meme dans les p6chez vdniels. Au lieu que le rapport virtuel fuppofe toujours un rapport aftuel, par lequel on ait rapportd auparavant toutes fes aftions & Dieu par une intention exprefle , qui venant 4 cefter quant k i’afte, ne laifle pas de demeurer toujours quant a la vertu, & de fe rdpandre en quelque forte dans toute la fuite des aftions qu’on ne fait qu’en vertu de ce premier mouvement Toute la vie des hommes eft remplie , pour ainfi dire, de ces rapports virtuels. Un homme va a Rome. Quoiqu’il ait penftS k Rome dans le terns qu’il partoit, & qu’il ait eu une volontg aftuelle d’y aller, il eft certain n^anmoins qu’il Poublie fouvent dans le chemin. Mais parce qu’il conti¬ nue fon chemin en vertu de cette premiere inten¬ tion, on dit qu’il a cette intention pendant tout St. Thomas Jcjstifie’. 357 ion voyage, & que tous fes pas fe fapportent a cette fin. Et pour me fervir d’un exemple plus feint, lorfque Saint Paul portoit l’Evangile dans toutes les parties du monde, on peut dire qu’il ne penfoit pas A tout moment A Dieu & A i’Evan- gile. Mais parce qu’il n’avoit entrepris tant de voyage*, & qu’il ne s’etoit expofd A tant de fa¬ tigues qu’en vue de Dieu & de l’Evangile , tout ce qu’il faifoit, & tout ce qu’il fouffroic dans fes voyages en vertu de cette prdmiere volontd, fe rapportoit virtuellement A la meme fin, c’eft.A- dire a la gloire deDieu, & A l’dtabliflement de l’Evangile. Puifque St. Thomas avoue done que nous fom- mes obligez par le prdcepte de la charite de rap- porter virtuellement toutes nos a&ions A Dieu, ce qui renferme un amour, aftuel, il eft Evident qu’il eft aufli dloignd des fentimens du P. Sir- mond, que les fentimens de ce Pere le font de la vdritd. Peut-dtre meme me fuis-je trop arretd a le prouver. Mais parce que les defenfeurs du P. Sirmond ont coutume de s’autorifer de la doctri¬ ne de St. Thomas, j’ai cru qu’il dtoit ndeeflaire de la juftifier avec plus d'ejtafiitude & d’dtendue. SECTION SIXIEME. Examen de ce que PApologifte apporte four la de- fenfe du P. Sirmond. A Pres le long examen que je viens de faire de la do&rine du P Sirmond, il eft bon de re- prdfenter en peu de mots de quelle maniere l’A- pologifte des Jdfuites a ddfendu une caufe ft odieu-. fe. Gar il feroit difficile de trouver ailleurs des exemples d’une impofture auffi manifefte. Z3 I 1 3/8 HI. Note sur la X. Lettre, II commence par rapporter fort inutilement un grand nombre de padages d’autres J ^tuites que Montalte n’attaque point, ii ce n’eil peut-etre en leur attribuant en g&6ra! ia doctrine du P. Sir- mond, comme ii avoic droit de ie faire. Car il pouvoit la regarder comme la doctrine de toute la socidtd, puifque quatre J6fuites 1’onc loude pu- bliquement , & que les Apologiftes des J<§fuites l’ont foutenue avec la derniere hardieffe. Mais quoiqu’en ce fens on puilfe 1’attribuer a tous les Particuliers de la Sociitd, d moins qu’ils ne la re- jettent & ne la condamnent exprelfement , e’eft ndanmoins du P. Sirmond feul dont il s’agit pro- prement ici. Et pour juftifier, felon le dellein de 1’Apologise, & ces Particuliers & la Socidtd, des erreurs que ce Pere a enfeign£es fur i’amour de Dieu, il falioit, ou montrer que la Soci6t6 con- damne leP. Sirmond ,ou avouer qu’elle doit por¬ ter avec lui la confufion que m£ritent de telles erreurs. Apres cela l’Apologiite fait le brave, & il defe fierement fon adverfaire de produire un feul JeJ'uite qni cnJeigHe que I'ammr de Dieu , non feukment ejec- tif, mats encoie tijfeSlf, ne J'oit point neccjfaire tiu falut J’accepte le d£li. Et pour le confondre, je le prie feu'ement d’ouvrir le Livre du P. Sirmond aux endroits que j’ai citez. Ii y verra non pas une fois, mais une infinite de fois, cette erreur tres- dairement exprimde ; & fans aller plus loin, il la trouvera a la page 21 . en ces termes. Aimer Dieu aduellement, & non contimellement , c'ejl le propre des parfuits fur terra... Et ce ne fetch pus peu, qusnd Us n’en viendrment d bout qu une fois en lew vie, ce qui iroit meme au dela du pre- CEPTE EN RIGUEUR. Si e’eft peu du P. Sirmond, qu’il life ce qu’un de fes Confreres £crit dans un autre Livre Francoi- intitule ERREURS DU P. SlRMOND. 359 intitule, Let Reliques de I'Abbe de St. Cyran (1). „ Ce n'eft pas, dlt-il, une moiodre tdtndritd de „ condamner les opinions probables , que d’en „ dtablir de inauvaifes. Or n eft veritable qu’en- „ core que ce foit une fenter.ce commune, &bien „ regue dans 1 ’Ecole , qu’il y a de i’obligaciori „ d’exercer pendant fa vie quelque adte d’un par- „ fait amour de Dieu, meme hors du danger qu’il „ y peut avoir de mourir fans confellkm, ou de 3, toaiber en quelque pdchd faute de I’exercer; !e „ contraire ndanmoinseftprobabie,&a degrands „ hommes qui l’appuyent (c’eft & dire dans le Ian- „ gage des Cafuiftes qu’il eft fur.) Et en effet, „ continue-t-i/,il feroit difficile qu’il y eut aucur} „ commandement qui nous obiigeat; St. Thomas „ lui-mdme reconrioilTant que le premier com- s, mandement qui nous oblige d’aimer Dieu de „ tout notre cceur, n’eft pas un commandement „ fp£cial, ni different des dix autres qui compo- ,, fent le Dialogue. J’ai fait voir ci-deffiis que St. Thomas enfeigne tout le contraire. Mais pourquoi ne pas citer lVipoIogifte luD mSmeY Ne foutient-il pas la meme erreur, Iorf- qu’il die en defendant le P. Sirmond, qu’il ne rui'- „ ne point le gmnd commandement de Dieu, (I ,, ce n’eft le rulner, que de 1’expliquer de la ma- „ mere que le Fils de Dieu l’a explique dans 1 ’E- „ vangile , affiirant que celui-la aime qui garde „ fa parole , & que l’a explique ce cdlebre Chan- „ celier de l’Univertitd de Paris, &c. L’Apologifte approuve done l’explicadon du P. Sirmond, qui fur ce paiTage de 1 ’Evargiie, fur celui de Gerfon pris contre-fens , pretend, comme nous l’avons vu, qu’il ne nous eft com- tr.andd par le premier prdcepte, que d’aimer Dieu d’uu 3<5o III. Note sur ea X. Lettre. d’«M amow d'execution, fans intention ou affeHion pour, hi. Ainfi l’Apologifte eli lui-meme du nombre de ceux qui nient que l’amour affectif foit ndeeflaire au falut, a moins qu’il ne crouve quelque moyen, que je ne fai point, de fe tirer de ce mauvais pas. Mais, dit-il, le P. Sirmond reconnoit exprelK- ment la ndceffitd de l’amour, lorfqu’il enfeigne: (i) >. Que nous fonimes obligez fous peines grie- „ ves d’aimer Dieu d’amour incomparable, & dont „ le prix foit inellimable, fi bien que jamais nous „ ne lui dgalions rien, & ne chancellions entre „ fon fervice & celui de la erdature, volontai- „ rement incertains a qui nous donner : beau- ,, coup moins ne lui prdfdrions-nous chofe aucu- ,, ne, nous laifiant alter au contraire de fa vo- „ lontd en occafion importante. De bonne foi 1’Apologifte nous croit-il afiez fimples pour nous laifler furprendre par un artifi¬ ce fi groflier. Comme fi on ignoroit ce que figni- fient ces belles paroles du P. Sirmond,& ce qu’il entend par cet amour qu’il reconnoit etre de prd- cepte. II entend par ce terme, non un amour veri¬ table & intdrieur, mais une obfervation feche & extdrieure des commandemens fans intention & fans affection. ,, Qui fait, dit-il ( 2 ), du bien a „ un autre fans intention ou afftflion pour lui, ,, ne l’aime qu’en effet, & non d’affeftion, qui „ avec intention a de l’amour pour lui & effe&if „ & affeftif. Cela fuppofd, continue-t-il, que faut- „ il dire foit du fond, foit de la mefure de l’a- „ mour que le grand & le prdmier prdcepte nou? „ enjointV Qu’au regard de l’amour affeftif, d’in- „ tendon & de motif, il nous eft un commande- „ ment de douceur; e’eft- i- dire, comme il I’ex- ErREURS DU P. SiRMOND. 361 „ plique lui-m&me, un commandement fans appa- „ fition de peine, an moins grieve; & quant a i’a« „ mour effeftif & d’execudon , un commande- „ ment de rigueur. Voil4 quel ell cet amour in- tomparablc que le P. Sirmond avoue qu’on doit avoir pour Dieu, un amour qui ne confide que dans la pratique ext&ieure de certaines ceuvres fans intention & fans aifeftion. N6anmoins l’Apologifte devenu par-14 encore plus tier, continue de cette forte en infultant fon adverfaire. ,, Eft-ce-14, demande-t.il, renverfer „ l’Evangile, & miner le grand commandement „ de la loi ? Lit-ce-la dire que I’amour de Dieu ,, n’eft point ndcelfaire au ialut? Oui c’eft le dire , quand en fe fervant du terme d’amour, on l’explique comme fait le P. Sirmond; puifqu’on fubtticue, par cette explication, un fant6me d’amour 4 la place du veritable amour. Mais voyons la fuite. Le P. Sirmond , pourfuit l’Apologifte , eft fi „ 61oignd du fentiment que le Jantenifte lui im- ,, pofe , qu’il reconnoit au contraire que l’acte „ formel de I’amour divin eft ndcetiaire d’une n6- „ ceffit6 abfolue, d’une ndceiUtd indifpenfable, ,, d’une ndceifitd de moyen qui furpaffe celle de pr£cepte, comme parlent les Th<5oIogiens. Les Jdfuites ne parleront-ils jamais de bonne fo> V Oui, il eft vrai que le P Sirmond reconnoit que l'adte formel de l’amour divin eft ndceflaire de ndceffitd de moyen. Mais comment le recon¬ noit-il ? 11 examine en cet endroic, (t) ft 4 Parti¬ cle de la mort tout homme eft obiigi d’aimer ac- tuellement fon Crdateur. Apres avoir rdfutd par un dilemme l’opinion de ceux qui tiennent qu’il y eft oblige, il conclut pour la negative, & con- „ firm® (s) D(f. it la Vtrlu p. n. 2 S III. Note sur la X. Lettre. firme fon fentimer.t par cette raifon. „ AjouteZj „ dit-ii, fi) en cas femblabie, oil il s’agiroit de s, mourir hors de u grace.fi ia ch ritd n’y pour- 3, voyoiijeile feroir o.en en tffec necefiane t .our „ lors, mais de lfacelfitd de moyen plus que de 3, prdcepte. Par oil l’on voir qu’il ne parle que d’un cas particulier oil un homme, com me ii le dit lui- meme. Je voyant mower fans Confefleur, & fa fen- tant coupabie de ijue que pechd, n’auroit point d’autre moyen pour recouvrcr ia grace, que de produire un cfte d’amour f t il eft vrai qu’il avoue que dans ce cas I’amour adbtei eft ndcelfaire, non par lui-meme, mais a caufe du defaut d’un Con- feffeur: mais hors ce cas, qui eft extrememenn rare, il foutient hardinient dans la meme page, (2) que qui n’exerceroit jamais en cette vie d’adte interne d’amour , ne pecheroit point mortelle- ment, & ne nfariteroit point la damnation. Il eft vrai, repond l’Apoiogifte, que le P. Sir- mond dit que l’on n’elt pas obligd de produire des a&es infarieurs. d’amour de Dieu par ndceffi - td de pfacepte, mais aiors il ne park que du droit pofitif, & non pas du droit natureh Car il recon- noit qu’il y a un prdcepte nature!, & il avoue que St. Thomas i’a reconnu. En vdritd il faut que ce bon Apologifte s’ima- gine parler a des fouches, & non pas a des hom¬ ines raifomiables , pour mentir ft hardiment & fi groffierement Quoi donc?un Thdologien qui affure qu’ii n’eft pas ndceilaire pour dvifer ia dam¬ nation d’aimer Dieu une feule fois en fa vie d’un amour veritable & intdrknr, & qui prdtend que St. Thomas eft auteur de cette opinion, ne ddtruit qus (>) ?• *+• (i) ?. if- iJ. ErREURS DU P. SlRMOND. 363 que le prdcepte pofitif de la char ltd, & reconnoit toujours le prdcepte naturel ? Si on doute encore apres cela que les Jdfuites ayent perdu toute hon- te, qu’on fe donne la peine de iire le fecond trai¬ ts de la DefenJ'e de la Vcrtu (1) par le P. Sirmond, & fa ReponJ'e toute entiere ; on verra qu’il n’a rien plus a ctBur que d’y prouver que l’adte intdrieur d’amour n’eft point ndceflaire pour le falut ; & Ton rougira pour les jdfuites, de ce qu’ils ne rou- giifent pas des exces qui devroient les couvrir de confufion. En attendant ,il fuffira de rapporter ici deux endroits tirez d’un feu! chapitre. (2) „ Si en ailant au Ciel nous fommes fi coura- „ geux que de vaincre l’amour-propre entierement „ a la faveur de la grace, & aimer Dieu a&uelle- „ mentplus que tout, dlebonheurlSinon ,pour- „ vu que nous ne l’offenfians point d’ailleurs, il ,, ne nous damnera pas, C’eft a peu pres le dif- „ cours du Dodteur Angdiique, &c. Et un peu „ plus haut (3): Pecheroit-il mortellement contre a, ce prdcepte, qui n’exerceroit jamais d’sdte inter- „ ne d’amour? Je n’oferois ni le dire, ni le dddi- „ re de moi-meme. St. Thomas 2. 2. q. 4. art, 6, „ femble rdpondre que non, & fe contenter pour „ dviter la damnation, que nous ne faffions rien „ d’ailleurs contre la facrde dileftion, quoique „ JAMAIS EN CETTE VIE NOUS N’EN EUSSIONS L’AC* ,, te formel. II attribue done a St.Thomas que facte d’amour, ou l’amour affeftif pour Dieu, n’eft point ndcelfafre pour dtre fauvd. II embraffe cette opinion dans les chapitres fuivans, & la foutienj dans toute fa Reponfe. s, Mais, objecte encore 1 ’Apologifte, il eft im» „ poffible' (t) Trait. i.feB. 1. cb. 3. 4, $• ( 2 .) cb. 3- p- is. IS. (i) p. Of- 15. 364 III. Note sur la X. Lettre. „ pofl3ble qu'il nie ici avec St. Thomas le prd* ,, cepte nature! de l’amour, ayant rapport £ au- ,, paravant I’opinion de ce Saint touchant l’ob- ,, ligation naturelle que tout homme a de fe tour* „ ner vers Dieu au premier ufage de la raifon, „ afin de lui eonfacrer les premices de fon cceur. L’Apologilte auroit bien dh, pour l’honneur de fon Confrere, fupprimer cet endroit, au lieu de s’en fervir pour le ddfendre. Car il eft vrai que le P. Sirmond rapporte dans le fecond chapitre le fen- timent de St. Thomas, qui croit que le prdcep- te d’aimer Dieu oblige des le premier ufage de la raifon : mais ce n’eft que pour fe moquer auffi-t6t apres d’une opinion qu’il avoue etre de St. Thomas. St. Thomas croit , dit-il , qu'il oblige pour k premier ufage de la raifon. C 'eft, reprend- il, un peu bien tot; & oubliant deux pages apres qu’il venoit de reconnoitre que ce Saint Doc- teur dtoit dans ce fentiment, il lui en attribue un tout oppofe, favoir que l’acte intdrieur d’a- mour eft ft peu ndceflaire pour etre fauvd, qu’on peut dviter la damnation fans en produi? re jamais aucun en cette vie. Et bien loin de le railler de cette derniere opinion , comme il avoit fait de la prdmiere , il I’embrafle au con- traire, comme ft elle dtoit vdritab'ement de Saint Thomas, & il la foutient dans tout fon Livre. L’Auteur de l’Extrait des erreurs du P. Sirmond lui avoit reprochd cette contradiction, & il s’en dtoit fervi pour lui prouver que de fon aveu meme St. Thomas reconnoiffpit que I’afte d’a- mour eft de prdcepte pour tout le monde,com- me ndceflaire au falut. Qa’a rdpondu & cela le P. Sirmond? Et comment a-t-il concilid cette contradiction, qui fe trouve dans fes propres Ecrits? Il dit dans fa Rdponfe que la veritable opinion de Saint Thomas eft la derniere qu’il a rappo? ErREURS DU P. SlRMOND. 365 rapport^e , c’eft - a - dire, que cet affe ifamour de Dieu n'efi point de precepts , Sc que pour ce petit mot, par lequel il paroit que ce Saint a reconnu que ce prdcepte oblige pour le premier ufage de la raifon, il ne l’approuve point; & que ce rj’effc point non plus le fentiment de St. Thomas, ou au moins qu’on doitl’entendred’un certain amour naturel, & non pas d’un amour furnaturel. Mais il faut rapporter le paflage tout entier, quoiqu’il foit un peu long, afin de faire honte, s’il elt pof- fible, a 1 ’Apologifte. „ Vous vouiez, dit-il, que j’aye reconnu que „ St. Thomas a cru que l’afte d’amour eft de prd- „ cepte pour le premier inftant de l’ufage de la „ raifon. Que concluez-vous de-li? Que de mon „ aveu meme St. Thomas n’a pas t-td du fenti- „ ment dont il s’agit entre nous, favoir que c’eft j, 1’amour habituel, & non l’amour aftuel, qui eft „ de prdcepte? Mais ft vous ajoutez foi i un „ petit mot que j’ai dit en paffant, pourquoi re- ,, fufez-vous d’ajouter foi a ce que je dis dans tout „ mon Livre.ouje foutiens cette derniere opinion? „ Que pouvez-vous done conclure de-la? Que „ St. Thomas n’a pas du fentiment que je lui „ attribue ? Point du tout. Mais que je fuis con- „ traire & moi-meme , c’eft-H-dire que je fuis ,, tombd en contradiction? Comme ft c’dtoit tom- ,, her en contradiction, que de rapporter en paf- „ fant le fentiment d’un Auteur felon l’opinion ,, commune, & de lui en attribuer un tout con- ,, traire, lorsqu’on vient d examiner quel eft fon „ veritable fentiment. Je ne fuis done point tom- n be en contradiction, car je n’ai rien fait autre „ chofe. Mais voyons ft ce ne feroit point Saint „ Thomas lui-meme qui feroit tombe en contra- ,, didtion, lorfqu’il a dit ft clairement, que c’efl „ J’amour habituel, & non l’a&uel, qui eft de g<56 III. Note sur la X. Lettre. „ pr£cepte. II foutient ailleurs, dites-vous, que 3J ceux qui one atteint i’ufage de la raifon, doi- 3 , vent fe rapporter a leur derniere fin, qui eft 3, Dieu. Mais a-t-il dit que cela fe doit faiie pat „ un afte furnaturel d’amour?Sans-doute,rdpon- „ dez-vous,c’eft ce qu’il a voulu dire. Mais c’elt- „ la le commenter. Voyons ft votre interpretation „ eft fidele. „ II s’agit d’un enfant qui n’a point encore „ ouvert les yeux a la foi, & qui ne fait que „ commencer a les ouvrir a la raifon St Thomas „ veut que dans cet inftant il fe rapporte a la fin „ pour laquelle i! eft cite, & ii le veut avec ces „ deux renri&ibns, qu’il s’y rapporte autant qu’a „ cet age il eft capable de difeernement, & que „ pour cela il fade tout ce qui eft en lui. Il ne „ demande rien davantage. Et vous, vous vou- 3, lez deendre ce commandement a une charitd „ gratuite , a un acte furnaturel, a un afte qui „ fuppofe la foi, Sc que les perfonnes les plus „ delates , Sc qui auroient dtd inftruites d’en- „ haut, fe croiroient tres-heureufes de produire „ feulement une fois en leur vie. Eft-il done pof- „ fible que ce foit-la le fendment de St. Tho- „ mas? Et avez-vous ft mauvaife opinion de fon „ jugement, que de lui vouloir attribuer une cho- 3, fe Cl ddraifonnable ? Ajoutez d cela que dans ,, cet endroit il parle plutdt felon le fendment „ des autres , que felon le lien propre. Cette r^ponfe du P. Sirmond fait voir en me me terns, & fa mauvaife foi, & celle de l’Apologifte, qui fait dire ma!gr 6 lui au P. Sirmond ce que non feu¬ lement il ne dit point, mais ce qu’il fe defend jnfime d’avoir jamais dit. ]e ne veux point relever les autres fuppofitions femblables de l’Apologifte, qui font en ft grand iiombrej qu’il femble avoir eu deffein de laifer Erreurs des Casuistes joue’es. 3 6 ? la patience de ceux qui voudrofent le r^futer, & celle des Ltfteurs qui voudroient juger de nos difputes. J’apprdbende meme qu’il n’y en ait p!u- Ceurs qui trouvent que je me fiis trop dtendu fur cette matiere: mais j’efpere qu’ils me )e pardon- neront, s’ils confi lerent que dans cette queftion il s’agiflbit de i’effentie! de la Religion, qui etoit dans un tres-gtand danger.fi on evlt laiffd les J6- fuites enfeigner impundinent une dodlrine qui rul- ne les fondemens de la foi & de la pidtd chr£* tienne. Car on efit bien tdt vu une foule de nou- veaux Cafuiftes foutenir comme a Penvi la mdme impidtd au lieu qu’ils fe contien front prdfente- ment, finon par l’horreur qu’ils doivent en avoir confue, au moins par la crainte qu’ils auront d’e¬ tre repris avec encore plus de force. NOTE IV. Que Montalte a eu rdifon de tourner en ridicule les opinions des Cafuijles Jur l'Amour de Dieu. A Pres avoir rdfutdle dogme itnpie des CaTuples contre la ndceflitd de l’amour de Dieu, par une longue Differtation, qui eft en meme terns une refutation de tout e Pimpofiure vingt-huitieme; ce feroit perdre le terns, & fatiguer inutilement les Lefteurs, que de rdpondre & toutes les plaintes moins importantes que font encore les jdfuites. je dirai feulement un mot de la premiere, qui fait le fujet de la vingt-feptieme impofture. Mon¬ talte, en rapportant avec Efcobar les opinions dif- fdrentes des Cafuiftes fur l’amour de Dieu, appel- le cela un badinage oib Pefprit de i’bomme fe joue info - Umment de Vamour de Dial . 'L’Apolngifte ne peut. fourfrir qu’il fe raille ainfi dfe fes Auteurs. 11 fe plaint qu’il perd le refpeft, en dfant les blSme# 368 IV. Note sur. la X. Lettre. de ce qu’ils difputent d’une queftion tres-impor» tante, & de !a c.hofe du monde la plus fdrieuie, Mais ii fuffit de iui rdpondre ce qu’il auroit dflt voir lui-meme , que Montalte ne les blame pas de ce qu’ils font des queftions fur I’amour de Dieu, mais de ce qu’ils fe partagent fur ce fujet en cant d’opinions fi ridicules & fi impertinen* tes, qui rdduifent prefque a rien le plus faint de tous les commandemens. Car la plupart veulent qu’i) ne nous foit commands d’aimer Dieu , & par confdquent de 1’honorer , de fadorer & de le prier qu’une feule fois dans 1’efpace de plu- fieurs anndes, puifqu’il eft tres-certain qu’on ne peut s’acquiter de tous ces devoirs fans un amour de Dieu furnaturel & gratuit. On accomplit tout c’ela comme il faut, dit St. Auguftin * lorsqu’on aime Dieu pour lui meme. Mais on ne peut l’ai- mer ainfi , s’il ne nous donne lui-meme cet a* mour. Je ne refute ici aucune de ces opinions en particulier: parce qu’ayant dtabli en pluiieurs en- droits que l’amour de Dieu doit tenir le premier rang dans le cmur d’un Chrdtien, qu’il doit rap- porter a Dieu toutes fes aftions, & que la cha* ritd doit dominer dans fon cceur, comme l’ava- rice domine dans celui d’un avare, & l’ambition dans celui d’un ambitieux; j’ai rdfutd par avance toutes ces vaines imaginations des hommes, qui font un partage injufte & fi indgal entre Dieu & laCrdature, ne donnant tout au plus a Dieu qu’un feul moment dans Tefpace de plufieurs annees, & donnant tout le refte a la Crdature & 4 la Cupi. ditd. Au refte j’avertis ici le Lecteur, que toutes les fois que j’ai parld dans ceTraitd contre le P. Sir- mond de l’amour de Dieu , & de l’aifte de la charitd, j’ai, a la .vdritd, entendu par cet amour ®rs Les Cur. de Gand contre e’Attr. 369 un amour gratuit & furnaturel, mais non pas dans ce degrd qui juftifie fans Ie Sacrement. NOTE V. La DoSrine ties Jefuites fur V Attrition combattne de* puis peu par MM. ]es Cures de Gand, & condam- nee par la Jeaculte de Louvain dans VApprobation qu’elle a donne'e d la DoSrine veritable . L A hardieffe de la Socidtd a ddfendre tous les excesdefes Auteurs, n’a jamais paru avec plus d’sklat, que dans ce qu’elle a fait pour foutenir ce dogme impie qu’ils ont commence a r^pandre de toutes parts, & qui confifte a dire: Que l’At- trition conc.ue par la feule crainte des peines, fuf- fit pour obtenir la grace de la reconciliation dans le Sacrement de Penitence. Les principaux memes,& les plus habiles d’en- tre les jefuites, ne Pavoient propoffi au commen¬ cement qu’en tremblant, & «conme une opinion alfez incertaine & fort peu ancienne. Car c’eft ainfi qu'en parle Suarez, comme Montalte l’a re- marqud dans cette Lettre page 116. Mais ceux qui les ont fuivis, devenus plus hardis par le fucces de ces premiers, l’ont donnee comme une doctri¬ ne entierement certaine & hors de tout dome- Je fai bien qu’une femblable tdmerite eft tou- jours criminelle. Et c’eft avec raifon que celle-ci a dtd ddteftee par tous les gens de bien. Cepen- dant onpeut dire que jufqu’ici la tolerance del’E T glife la rendoit digne de quelque excufe. Auffi les jefuites n’avoient-ils rien de plus fort que fon fi- lence, & oppofer a ceux qui condamnoient leur fentiment avec plus de rigueur qu’ils ne vou- loient. Mais cette excufe , toute vaine & injufte qu’elle Tome IL A a 370 V. Note sot. la X. Lettre. eft, leur a dtd dtde. L’Eglife n’a pa voir' plus long*- terns le progres d’une doctrine fi pernicieufe, fans donner des marques publiques de fon indignation. Non feulement les Curez de Paris fe font dlevez contre cette doctrine: mais plufieurs Eveques l’ont rejettee dans leurs cenCures, d’une maniere qui felt aifez connoitre l’horreur qu’ils en ont. Mr. FAr- cheyeque de Sens, entr’autres, ou plutdt toute cette Eglife jointe a fon Archeveque, l’a profcrite comme une erreur. Car void comme elle parle dans le 27 article de fa Cenfure contre I'Apologie des Cajmjles, „ Cette propoiition , enfant qu’elle „ exclut tout amour de Dieu , & fubftitue d fa „ place la crainte des chdtimens temporels, com- „ me une difpofition fuffifante pour recevoir le „ fruit de la penitence »eft faulfe & erronde, tres- „ dloignde de l’efprit de la Loi Nouvelle, & con; „ traire au Saint Concile de Trente. Apres un tel jugement, on void affez ce que les Jdfuites auroient du feire, s’ils dtoient capa- bles de moderation. L’autoritd d’une Eglife fi d- clairde auroit du les porter, ilnon a abandonner leur fentiment, du moins a le foutenir avec plus de modeftie, & a ne pas donner ft hardiment a une erreur le nom de dogme catholique. Mais la retenue & la pudeur font des vertus in- connues a la Socidtd. 11s ont foutenu depuis cett® meme doctrine de 1’Attrition avec autant d’ardeur, ou plutdt ils ont continud de 1’enfeigner avec en¬ core plus de hardieffe qu’auparavant , tant en France que dans les Pais-Bas, fans feire aucuns mention des Cenfures qui la condamnent, trai- tant d’ennemis de la Foi Catholique les Thdolo- giens qui s’oppofent a leurs deifeins. 11 faut avouer a la vdritd qu’une telle conduite eft plus artificieufe & plus politique qu’elle ne parolt d’abord.lls veulent prdvenu les Efprits par Les Cur. de Gandcontrel’Attr. 371 ces grands noms: ils veulent, dis-je , en impofant aux Simples par cette confiance tdmdraire, & ob- ligeant les autres par la violence ou par leurs in¬ trigues a fe taire, non feulement empdcher que leur doctrine ne foit regardde comine une dodtri- ne nouvelle & erronee; mais faire meme en forte qu’on s’accoutume a rejetter ces qualifications injurieufes fur la doftrine vdritab'e. Mais s’ils 6fent s’abandonner a de tels exces dans un terns oil les relachetnens de leur Morale, & tant de Cenfures qui font foudroyee, les ont rendus odieux d tous lesFideles; que n’entrepren- dront-ils point dans des terns plus favorables? C’efi: pourquoi il eft ndceflaire , avant qu’ils prennent de nouvelles forces , de faire connoi- tre leurs defleins , Sc de reprimer autant qu’on le peut cette effroyable tdmdritd , qui leur fait donner pour des vdritez & des dogmes de la Foi Catholique , des opinions fi nouvelles, que l’dpoque de leur naifiance n’eft pas fort dloignde du terns oil nous vivons. Comme les Curez de la ville de Gand l’ont fait depuis peu avec un zele admirable; qu’ils fe font dlevez centre les Jefuites de la meme ville , qui rdpandoient cette doftrine de la fuffifarce de [’At¬ trition; qu’ils 1’ont combattue non feulement de vive voix, mais aufli par des Eerits qui ont pro- curd un nouveau tdmoignage a la veritable doc¬ trine , par l’approbation que leur a donnde la Fa¬ culty de Louvain: j’ai cru que je devois inferer ici 1’hiftoire de cette difpute, telle qu’elle a dtd dcrite par un Theologien de ce pais-la, & qu’elle m’a dtd envoyde par un ami avec l’Ecrit des Curez touchant la ndceifitd de la Contrition, & le juge- ment fi Equitable que la Facultd de Louvain a portd fur ce diffdrend. Par l’impreffion de ces Pieces , ces illuftres Curez rendront tdmoignage a 372 V. Note sur la X. Lettre. laFdiCathoIique contre Jes nouveautez des Jdfu!» tes, non feuiement dans une ville, mais par toute !a terre & dans tous les terns. [Apres cet article de Wendrcck, i! y a dans i’Edition Latine un Avertiffement de cinq ou fix pages d’un Thdologien Flamand au Lefteur. On n’a pas jugd a propos de le traduire, a caufe des termes & des raifonnemens de Scolaftique dont il eft rempli , & qui en rendent ie ftile trop barbare. L’Auteur y rapporte Jes motifs qu’il avoit eus de publier l’Ecrit des Curez de Gand, & le Jugement de la Facultd de Louvain. II en marque deux principaux: l’importance de Ja ma- tiere, qu’il tkhe de ddmontrer par piufieurs ar- gumensThdologiques:& l’obftination des Jdfuites I foutenir leur mauvaife do&rine. II prouve ce dernier point par l’exemple de deux Thefes qu’ils venoient de foutenir dans leur College a Louvain. 31 rapporte de la prdmiere, foutenue le 17 juillet 1663 fous le P. Mathias Goefman, la propofition fuivante. „ II y a une Contrition qui eft conque par le i, motif de la charite parfaite, & qui rdconcilie „ I’homme avec Dieu, mdme avant la reception „ aftuelle du Sacrement. II y en a une autre, qui ,, eft ordinairement concue par la confiddration „ de la difformitd du pdchd, ou par la crainte de „ l'enfer & des chitimens. L’autoritd dvidente du „ Concile de Trente dans fesDecrets contre Lu- „ ther, & la raifon,nous perftradent que celle-ci „ peut SANS AUCUN AMOUR DE DlEU AIMe’ POUR 3, lui-meme , exclure la volontd de pdcher, & 3 , renfermer l’efpdrance du pardon, & qu’elle peut „ par confdquent difpofer fuffifamment a la grace „ de la juftification dans le Sacrement. Et St. Au- „ guftin n’enfeigne point le contraire , mais il it dtablit la merae doctrine. Les Cor. de Gandcontre l’Attr. 373 Et de la feconde, foutenue le lendemain fous le P. Maximilien le Dent , cette autre propofition. „ Si la Contrition ell paifaite , c’eii-a-dire, „ congue par le motif d’une charite parfaite, elle ,, juftitie le pdcheur avant la reception afluelle s , du Sacrement. Mats ft elle eft imparfaite, ou „ congue par la seule cuainte de l’enfeb , ,, fans qu’ii y entre aucun motif de la charitd „ parfaite, quoiqu’elle n’ait pas la force de juf- ,, tifier hors ie Sacrement, ndanmoins ft elle ex- s , clut la volontd de pdcher, & qu’ePe renferme i, l’efpdrance du pardon, elle difpofe prochaine- „ ment a la juftification dans le Sacrement, com- s, ME LE CoNCILE DE TrENTE L’lNSINUE AfSEZ. ii promet a la tin de donner encore au public d’autres Pieces concernant la mSme matiere, fa- voir des Ecrits que les memes Curez de Gand avoient prdfentez a leur EvSque, dans une autre difpute qu’ils avoient etie avec quelques Jdiuites de cette ville, a i’occafion d’un Livre que ces Peres y avoient publid en langue vulgaire fous Ie titre de Nouvelle InftruBion pour bicn reccvoir les • Sacremens de Penitence & d'Eucarifiie, & oil plu- fteurs Thdologiens trouvoient beaicoup de cho¬ res qui mdritoient d’etre reprifes. Mais ces Pieces ne fe trouvent point dans Wendrock, & je ne fai pas mdme ft elks ont dtd imprimdes. &a 3 • f 8, E® 374 V. Note sur la . X. Lettre. PREFACE DU MEME THEOLOGIEN, Ok il rapportc I'origine & le progris de laDifputc. J E crois qiie tout le monde fait la difpute qui s’eft dlevde depuis peu entre Mefiieurs les Cu- rez de Gand, & les Reverends Peres Jdfuites de la meme ville. Ces Curez n’ayant point d’autre but que d’inftruire foigneufement les peu- ples qui leur font commis, &de les conduire dans le veritable chemin du falut, ils ont particuliere- ment fouhait£ de les voir remplis de I’huile de la charite, afin qu’ils foient toujours prdparez pour Tavenement de l’Epoux, & qu’ilsne craignent point de trouver la porte fermde, & d’entendre cette pa¬ role terrible, Je ne vous connois point. Ils ont con- fiddre que l’Apdtre protefte qu’il n'cfi rien fans la cbarite; & que leDifciple bien-aimd declare, que qui r.’aime point demeure dans la mart. Ainfi la crainte qu’ils ont eue de voir le troupeau dont ils font chargez demeurer dans la mort , en demeurant dans nne foi cadavereufe, pour ufer du terme de Tertul* lien; & le zele faint qui les anime pour les antes dontiisdoiventrendrecomptea Rfus-Chrift qui eft mort pour elles, les rendant vigilans a s’acquiterde Jeur devoir, ils fe font efforcez d’inftruire leurs peu- ples de cette doctrine, & de fa ire en forte par leurs Sermons, qu’ils travailladent & obtenir en ce mon¬ de cette vie de la grace, dont l’ame eft la charity pour poll'dder en 1’autre la vie dternelle, qui ne fe donne qu’enfuite de la premiere. Mais com me I’en- nemi ne ceflfe point de femer l’yvraie par-deflus la bonne femence pour l’4toufFer, les Jdfuites de Gand Les Cur. de Gand sur ia Contrit. 375 fe font aulfi-tdt dlevez avec indolence contre ies Pafteurs de la mdme ville: iJs n’ont pas craint de de les ddcrier ouvertement, & de les diffamer de- yant le peupie : ils ont dtabli hardiment leur pro- pre dodlrine; ils ont attaqud celles des Curez:ils I’ont combattue&renverfde.autant qu’il leuradtd poflible,par des maxiroestirees d’une vaine Philo- fophie, auifi impies envers Dieu, que pernicieufes aux Ames. Car peut-on parler autrement de ces maxiro.es monftrueufes, dfgnes de l’averfion gend- ia!e des Chrdtiens ? Qu'il eft trop difficile d’ahner Dieu , Qu'il fuffit de le craindre & d’e'vttcr le peche par cette crainte (comme fi cela dtoit polfible)., & qu’ainfi un adu'-te peut arriver au falut fans au- cun amour de Dieu. Comme ces maximes font tres-dangereufes dans leur naiffance, & plus en¬ core dans leurprogres, les.Pafteurs de Gand s’y font oppofez de tout leur pouvoir. Et c’eft cette difpute que je fouhaitterois, mon cher Ledteur, de vous pouvoir reprdfenter ici dans toutes fes parties , & avec tons les adtes qui en depen¬ dent. Mais comme les Curez ont confultd leur Eveque fur ces defordres; qu’ils ont meme im¬ plore le fecours du Souverain Pontife, pour rd- medier a un mal qui menace fi vifiblement les Fideles; & qu’il attendent tous les jours fa repon- fe ; ils n’ont pas encore voulu que cette affaire fiir divulgude en public. Je vous donne ndan- moins par avance les Pieces que j’en ai pu avoir d’autre parte e’eft-a-dire la Lettre que Meflleurs les Curez ont dcrite k la Facultd de Louvain, pour la prier d’examiner leur dodtrine condamnee par les Jdfuites: & avec cette Lettre , le Jugement de la meme Facultd. J’efpere , mon cher Lec- teur, que vous recevrez ceci avec plaifir. Ce n’elt qu’un prdlude que je vous prdfente ici pour vous Mre juger du refte, en attendant que je vous A a 4 fa-. 376 V. Note sur la X. Lettre. fatisfaffe pleinement par une narration plus ample & plus achevde. 'Lettre de Mejjieurs les Curez de Gand aux DoBeurs de la Facttlte de The'ologie de Louvain. Messieurs, N Ous avons (ltd bien furpris lorfque nous-nous fommes vus attaquez inopindinent fur le fujet d’une doctrine que nous avons toujours tenue,& que nous tenons encore pour tres-Orthodoxe ;que nous avons toujours propofee coinme la plus affu- rde aux Fideles qui nous font commis, foit dans les Sermons, foit dans les autres Inftrudtions, & dans toutes les occafions qui fe font rencontrdes; & que plufieurs d’entre nous fe fouviennent d’avoir apprife dans votre Ecole.C’eft pourquoi,de peur que dans une affaire de cette importance, & qui eft d’u¬ ne (i grande confdquence pour ia conduite & la nourriture des ames, nous ne nous foyons trompez autrefois, ou que nous ne nous trompions encore, nous avons cru devoir reprefenter a votre Sacrde Faculte la queftion mdrne & la doctrine furlaquel- le on nous attaque, avec quelques uns des fonde- mens fur lefquels nous 1’appuyons; afin que (i elle reconnoit q u’il y ait quelque cbofe a changer dans nos fentimens ou dans notre doctrine , fon juge- ment fi prudent & fi fage nous fervede regie pour nous corriger. Car Dieu nous eft tdmoin que nous n’agiflbns point en cec? par aucun efprit de partia- litd ou d’animofitd. Nous ne coniiddrons, autant que nous-nous pouvons connoltre nous memes, que le foin que nous devons avoir pour la vdritd & pour le falut des ames , dtant prets de rentrer dans le veritable chemin , aulfi-tdt que l’on nous aura fait voir que nous-nous en fommes dcartez * Les Cur. de Gandsur la Contrit. 377 de quelque part que ce foit que nous vienne cette inftruttion & cette lumiere. Le point fur lequei on eft entr<§ ici en difpute contre nous, eft ceiui-ci: <2 ue ]’Attrition conpue park feulc crainte de I’enfer, on des peines que Dim nous doit faire fouffrir, funs qu'il y ait au-moms quelque mouvement dun amour impar- fait de bienveilknce cnvers Dieu, ne fuffit pas pour ob- tcnir dans le Sacrement la grace de la jufiijication. Nous efptJronsque la confluence de cette affaire, oil il s’agit du falut d’une infinite d’ames , portera ai- ftment une Compagnie aufli conliddrabie & auili pleine .de fagefle que la vdcre, a rendre un juge- ment c^lebre, qui nous puiffe & nous doive fervir de regie en cette matiere. C’eft ce-que nous fou- haittons tres-ardemment, & ce que nous attendons de votreaffettion&de votrezele. Cependant nous pridronsDieu qu’il donne tputes fortes de profpd- ritez a votre iltuftre Compagnie, & qu’il la con- ferve pour le bien de toute l’Eglife. Et plus las. De vos tres-Rdv^rendes &tres-ExcellentesSei- gneuries les tres ■ humbles ferviteurs les Pafteurs de la ville de Gand. Et enjuite etoient lews fignattires, Gr^goire Brey. del, Pretre Palleur de St Michel de Gand. Mr. Kiechmans, Pretre Pafteur de St. Michel. Jean Coen,Pattern de St.Martin.R.V.B fcum,Pafteur de la Cath6dra!e- P. du Catel, Pafteur de Sainte Marie. Jean Adriaenfens, Pafteur de St. Jaques. Jean Croock, Pafteur de St. Sauveur. N. Tambuy- fer, Pafteur de St Jaques. R. Nottingam, Pafteur de St. Nicolas. Et plus has il dtoit ecrit. De Gand ce iz Mai i66r. . Et il y avoit d I'infcription : Aux tres-Reverends & ExcellensMeffieursnos Msitres, le Doyen & les autres Dofteurs de la Sacree Faculty de Th^olo- gie de rUniverfit6 de Louvain. 378 V. Note svr la X. Lettre." Fondemens de la do&rine de Meffieurs lcs Curez de Gand. L’on motitre que felon I'Ecriture Same il tie fujfit pas pour obtenir la grace de Dieu dans la Sacrement de Penitence, d'avoir de la douleur de fes pe'cbez par la feule crainte de VEnfer ; mats qu’il faut neceffairement en avoir regret, parse que Dieu ett ejl offenfe, c'cft-d.dire qu'zl faut avoir un mouve- ment de bienveillance pour Dieu. L ’Ecriture nous enfeigne en beaucoup de iieux, qu’aucun adulte qui a p£ch£ par un mouve- ment de fa propre volontd , ne peut recevoir la remiffion de fon pech£, fi apres avoir abandonn6 Dieu, il neretournea lui par l’afiiftance de la gra¬ ce , & par un acte de fa propre volontd, & prin- cipalement par le mouvement pieux d’une charite parfaite , ou du moins qui foit commence. Car prdmierement, lorfque St. Paul nous avertit fi fou- vent que 1’on n’eft pas juftifie par les oeuvres de la Loi , mats par la Foi en Notre Seigneur Jefus-Chrift ; il eft aifd de voir que cela ne fepeut pas entendre d’une Foi qui ne feroit accompagnde d’aucun faint mouvement d’amour deDieu, ou parfait, ou com¬ mence Ce qui fe prouve par la maniere dont St. Paul dans l’Epitre auxGalates explique lui mdme s quelle eft cette Foi dont il a accoutumddeparler. (i) Vous etes vuides de Jefus-Chrift,vans qui preten. tendez vous juftifier par la Lui: Vous etes decbus de la grace : Car pour nous,nous attentions & nous efperons d'itre juftifiez en efprit: Ce a 'eft rkn d'etre circoncis > tm (l) Cal. s. 4 . LES CUR.DE GANDSUELA CoNTRlT. jJQ ok it n'Stre pas circmis au regard de la Religion it JeJ’us- Cbtift, rkn ne nous fert que la Foi qui opere par la cbarite. Ce n’eil done pas la Foi qui agit par ia crainte, mais celle qui opere par ia charitd , que St. Paul 1’ApStre Ioue & recommande li fouvent dans fes Epltres , & par laquelle feule il enfeigne que nous devons efpSrer la jultice & la rendition des pdchez. Ainfi quand J6fus-Chrift, qui parloit par St. Paul, a dit de fa propre bouche, (i) Que celui quicroira 8? qui fera batife, Jera fame ; & que celui qui ne croira point ,J'era condamne; il faut reconnoi¬ tre qu’il ne nous a point demands d’autre Foi, que celle qu’il nous a d£clar6 tant de fois par la Louche de St. Paul etre abfolument ndeeffaire , e’eft-a-dire la Foi qui opere par la charite. Que s’il ,y en a qui croient que la vertu propre aux Sacremens de la Loi Nouvelle confifte i con- fdrer le don de la grace juftifiante qui efFace les pdchez, fans que nous y foyons difpofez aupara- vant par une charitd parfaite ou commencde : ces perfonnes doivent coniiddrer que jufqu’a prdfent l’Eglife Catholique notre Mere ne nous a jamais enfeignd que les Sacremens euflent plus de force que le Martyre pour la juftification des pdcheurs. Car nous favons que c’eil aux Martyrs que Jdfus- Chrift a fait cette promefle fi avantageufe : ( 2 ) Tout bomme qui me confejfcra devant les bommes, jt It confejferai aujf, devant mm Fere qui eft dans les Cicux. Et ndanmoins il fert fi peu,felon la Doc¬ trine Apoftolique, delivrer fon corps au martyre fi Ton n’a la charitd, que St. Paul ne craint point d’dcrire aux Corinthiens: (3) Si je livremon corps aux flames pour etre brtile , & que je riaye point la tharitd, cela ne me fert de rkn. Et St. Thomas, fai- fant ( 1) Marc. IS. is. £2) Matth . 10. 32, O) 1 x 3. 3. 380 V. Note sur la X. Lettre. fant allufion a ce paffage, dit en parlant du ba- teme du tar g ; (i) L’effujion du fang tie tiertt point lieu du b.iteme, f elle n'eft accompagnee de la cbante. Si done on tut confuke le Dofttur des Nations fur les p^cheurs qui recoivent les Sa- cremens fans avoir aucun fentiment de charitd pour Dieu , & qui n’ont que la feule crainte des peines ; croyons-nous qu’il en eut parld autrement que du Martyre, & qu’il ne nous efit pas fait cette reponfe: Quand quelqu’un craindroit tellement l’Enfer qu’il en trembteroit de frayeur ; quand cette crainte lui cauferoit une telle douleur de fes p^chez, qu’il verferoit des larmes en sbondance, s’il n’a la charitd, tout cela ne lui fert de rien ? Et certainement ce n’efi pas-la cette douleur qui ell felon Dieu, & qui, comme dit l’Ap6tre, (i) produit me pe¬ nitence ferme & folide pour le falut. Maintenant , dit il , je me rejouis non de vous avoir attrijlez , mcds de ce que cette triftejfe vous a produit la peni¬ tence. Car vous avez ete altriftez felon Dieu , en forte que vous n'avez aucun fujet de vous plaindre de nntre feverite. Car la triftejfe qui eft felon Dieu (c’elt-a-dire , felon St. l'homas (3) , qui went de I’amour de Dieu ) produit la penitence qui eft ferme & folide pour le falut. Au contraire, tant que le pdcheur craint le chitiment, & s’attrilie de telle forte dans cette crainte qu’ii n’aime pas Jdfus Chrifi, il n’a pas encore dvitd la fuudre que lance l’Ap6tre par ces paroles terrib'es : (4) Si quelqu’un n'aime pas noire Sei~ gneur Jejiis-thrift , qu'il foil analheme. AuflS Les Cur. de Gandsur la Contrxt. 3 Si Audi nous voyons que toute PEcriture ne recommande prefque autre chofe aux p^cheurs, que de fe convertir au Seigneur Jeur Dieu , afin qu’ils obtiennent les efFets de fa mifdricor- de par le pardon de leurs p^chez. C’eft. la que nous lifons ces paroles : (i) Retourncz a moi% dit le Seigneur des arme'es, & je retournerai a vous , rfit le meme Seigneur des armies : & ces au- trts: (i) Si vous ne vous convertiffez > & ft vous tie devencz commc de pelits enfans , vous n’entrcrez point duns le Royaume des Cieux : & ces aurres: ( 3 ) - dpprochez-vous de Dicu , & 1/ s'approchera de vous : Et St. Paul dans les Actes des Apd- tres (4): jf'ai exhorte’ , dit il , les nations a faite penitence , & d fe convertir d Dieu, en f infant de dignes aBions de penitence ; parce qu’ils n’eulfent pas fait de dignes aftions de penitence , s’ils n’euiTent 6 t 6 convertis , & ne fuiTent retournez A Dieu. Et comment eftflent-ils pu retourner a Dieu qu’en l’aimant ? car notre amour eft notre poids. De quelque c6t£ que nous por¬ tions , c’eft l’amour qui fait que nous nous y por- tons. Et comtne lorfque Dieu fe tourne vers les p6cheurs qui font penitence , c’eft en les aimant qu’il fe tourne vers eux. Aufli quand oil dit que des p£cheurs retournenc a Dieu en faifant penitence , il ne faut pas croire qu’ils retournent autrement A lui qu’en l’aimant. Car il faut obferver inviolablement Pordre que Dieu a tltabli dans l’amour, c’elt-a-dire qu’il faut que Phomme aime Dieu avant que Dieu aime l’hom* me de cet amour qui n’eft que pour les enfans de (l) Zr . ch . 1. t . (z) Matih. is, 3, (i) Jm. 4. 8. $S 2 V. Note sur la X. Letter. de Dieu, & dont parle la Sagefte (kernel le da Pere , lorfqu’eiie dit dans les Proverbes de Sa¬ lomon : (i) J’dme ceux qui m'aiment : & dans l’Evangile de St. Jean: (2) Ceki qui m’aime /era dime de man Pere, & je l'aimerai: & encore .-(3) Si quelqu’m m'aime , il nbfervera ma parole , & won Pere Paimera ; nous viendrons d lui, & nous demewerons en lui. II faut neanmoins que cec amour que nous avons pour Dieu, qui fait que Dieu nous airne ccmme fes enfans, foit prdc6d£ par un autre mouvement d’amour de Dieu en- vers nous : parce que nous ne pourrions pas avoir ce premier mouvement de bonne volonte par lequel nous commenqons i aimer Dieu, ft nous ne l’avions requ par un don de fa mifdricorde, & par une faveur gratuite de fon amour. C’eft pourquoi St. Jean dcrit: (4) Aimons Dieu , mes freres, puifque Dieu nous a aimez le premier. II eft vrai que l’Ecriture fait queiquefois trem¬ bler les pskheurs, en Ieur faifant apprdhender les peines dont elle les menace : (5) Mats cetti terrcur eft comme Vaiguille dont elle J'efert pour faire pajjer enfuite plus aifement la pie de Vamour. Elie fe fert de la crainte pour rdveiller le pdcheur, afin que fortant de PaiToupiffement de fon pdchd, il commence a aimer Dieu fouverainement bon qu’il a offenfe, & qu’il puiife etre aimd de lui apres avoir fatisfait a fa juftice par fon amour. C’eft ainfi qu’a fait 1 ’enfant prodigue dont il eft parl£ dans PEvangile de St. Luc. Il commenga par avoir de l’horreur de fa mifere: rnais il n’en de ; (1) Prov. 13 . 17. (2) Jean 14. 21. (3) Ibid. 23. f 4 ) 1. Jean 4. 19. (j) St. Aug. trail. 9, in c, I. Joan. ,_i Les Cur. de GandsurlaContrIt. 395 demeura pas-la : cette horreur le porta a retour- ner a fon pere : il tdmoigna un regret fenfibie d’avoir offenfd un pere li bon & fi aimable, & il lui die: (1 ) Mon pere! fai peche centre le del & contre vous, je ne fiuis plus digne d'etre appelle vetre fils. Et ce ne fut qu’apres cela qu’on iui accorda la grace du Sacrement de la reconciliation, & qu’il rentra de nouveau dans la maifon & dans la famille de fon pere , non pour y fervir par la crainte des peines, mais pour obdir a fon pere par une charitd libre & volontaire, & 1’invoquer dans tous fes befoins par la force fecrette de cet efprit d’adoption qu’il avoit requ, & dont parle l’Apdtre; (2) Vous riavez pas repu cotnme tmpara- vant un efprit de fervitude pour obeir par la crainte: mais vous avez repu un efprit d'adoption , par lequel nous nous adrejfons d Dieu dans nos gemiffemens, & nous hi difons , Mon Pere ! mon Pere ! Mais II nous n’obfervions les prdeeptes que par la crain¬ te , & que nous n’aim&lllons pas la juftice de la loi qui nous les ordonne, nous ne pourrions pas conferver cet efprit d’adoption. Nous pourrions ne point commettre au dehors 1’adtion du pdchd; mais notre cosur feroit toujours coupable devant Dieu,par le ddfir ddregld qui nous feroit fouhaiter le pdchd, li nous le pouvions commettre impu-; ndment. Car foit que Ton veuille ddtefter !e pdchd paf- fd, foit qu’on le veuille dviter a l’avenir , per- fonne ne peut dire vdritablement avec le Pro- phete : (3) Je hats Tiniquite, & fen ai horreur , qu’il ne puilfe dire aufli vdritablement ce que le Prophete ajoute enfuite : (,4) Et j’ai de Vamour pour (1) Luc. 15. is. (zj Ram. 8 . ij . (3) Pf- 11!. 163. (4) Ibid. jg4 V. Note sur la X. Lettre. pour voire loi. Et qu’entend-il par la loi de Dieu, finon Dieu meme, c’eft- a-dire la juftice dternclie & la vdrite ? C’eft pourquoi il die encore: (i) Votre juftice efi la juftice eternelle , gf votre loi riefi autre chofe que la verite . Ce n’eti pas qu’un enfant adoptif doive etre fans crainte, puifqu’il eft dcrit, (2) Imtes votre fuht avec tremblemmt & avec crainte . Mais ii y a une crainte pour les ferviteurs , & une autre crainte pour les enfans. (3) II y a une crainte qui n’eii pas chafte , telle qu’eft celle d’une fem¬ me adu’tere qui crainc fon mari, en meme terns qu’elle ie halt comtne un cbftacie d fes ddfirs, qu’eile fouhaite de le voir abfent, & qu’elle eft: toute prete a vioier la chaftetd qu'eile Iui doit, ft elle ne redoutoit fa colere & fes cb&timens. Et il y a une autre crainte qui eft chafte, telle qu’eft ceile d’une honnete femme qui craint fon mari, prenant garde de ne rien faire & de ne rien dire qui lui dhpiaile , de peur qu’il ne i’abandon- ne; (4) parce qu’eile aime fa prdfence, & qu’el¬ le fouhaite extremement d’etre aimde de lui. Il y a une crainte, que 1 ’Ecriture dit etre fume de peine & de douieur: & il y en a Une autre, a iaqueile la meme Ecriture joint la rdjouiiTance & la joie , comme quand David nous dit: (5) Ser- vez It Seigneur avec crainte, & rejou'ijjez-vous en lui avec tremblement. Enfin il y a une crainte qui n’eft pas fon dee lur la charitd , ( 6 ) & qui eft chaiEe par la charite parfaite: & il y en a une autre (1) Ibid. 144. (2) Phil. 2. 12. {3 ) Aug. Trait. 9. in l, Joan, {4) 1. Joan. 4. IJ. Cs) Pf n- («) 1. Joan, 4. 1$, Les Cur. de Gand sur la Contrit. 385 autre qui,felon le Pfeaume (i),eft fainte &fubjlfle eternellement , & qui crolt toujours tant que nous vlvons ici - bas, a proportion que crolt notre charitd. Von mmtre la mime chnfe far ks Conciles & pat" les Saints Peres. L E Concile de Trente affembld legitimemenC par le me me Efprit, par lequel l’Ecriture Sainte a dte Petite autrefois, enfeigne aufll.con- formdment a i’Ecriture , que pour dtre juftifid, flieme dans le S acrement, il faut ndeeffairement avoir au moins un premier mouvement d’amour pour Dieu, qui le regarde comme la fource de toute la juftice, & qui nous faffe ddtefter tous nos pechez. Car le Concile (2), expliquant en ddtail toute la fuite des moyens par lefqueis les Catdchumenes fe difpofent a la juftification , exige clairement ce mouvement d’amour , lors- qu’apres avoir parld des aftes de foi , de crainte de la peine, d’efperance & de confiance par laquelle ils s’dlevent a Dieu , il ajoute : Ep Us commencent a aimer Dieu, comme la fource de toute juftice , & d caufe de \ela confiderent kurs pe'cbez avec deS mouvemens de haine & d’horreur. Cette difpoiition de l’ame que ddcrit le Con¬ cile , & de laquelle naiffent les premiers mou¬ vemens qui nous font avoir regret des pdchez paifez , & craindre d’en commettre h l’avenir, eft tout au moins un commencement de chari- td. Et St. Thomas, expliquant la nature de la crainte que nous avons de pdcher , dit plu- fieurs chofes qui expliquent notre queftion, fa- voir i 33 6 V. Note sur la X. Lettre. voir: Que cette crainte eft moyenne entre la crainte fervile & la filiale : Qu'elle eft dijlinguee de la crainte fervile par fa J'ubftance , pane qu'elle ns craint pas la peine du peche comme J'on propre ob- jet , ce que fait la crainte fervile ; mats feulement qu'elle retient encore quelque choj'e de cette crainte, & qu'elle a le meme objet que la crainte filiale OP parfaite , n'en etant diftinguee que cemme la charitd imparfaite eft diftinguee de la charite parfaite, &* qu’elle fe trouve en celui qui eft portd d faire le lien en partie par I'amour de la jujlice , & en partie par la crainte de la peine. Toutes ces chofes fonc voir que Facie par Iequel les Gatdchumenes commencent a aimer Dieu comme la fource de toute juftice, n’eft pas l’acte d’efp&ance dont le Concile parle aupara- vant; mais un afite de catte charite qui fait que nous aimons la juftice de la loi eternelle pour elle-meme, qui n’eft autre que Dieu meme quf eft la fource de toute la juftice. Aufli lorfque St. Thomas a voulu autrefois faire une fuite femblable des actes qui fe paffent dans un Peni¬ tent, il exige clairement ce mouvement d’amour., auquel il donne formellement le nom de charite. Car apres avoir parle de quatre actes, qui font l’opdration de Dieu dans Fame, le mouvement: de la foi . le mouvement de- la crainte fervile qi^i nous empecbe de pdcher par 1’apprdhenflon des fupplices, & le mouvement de i’efpdrance par Iequel nous prenons la rdfolution de nous corriger dans l’efpdrance d’obtenir le pardon de nos pechez: apres, dis-je, qiPil a parld de ces quatre aftes, il ajoute (i). Le cinquieme aBe eft tin mouvement de charite , par Iequel le peche nous ( deplait d caufe de fin propre deregiment , & non par i. 1 ) ^ Les Cur. de Gand sur la Contrit. 3 Sf b fiulc crainte des peines. Et enfin ii conclud en cette maniere le point que nous foutenons: Ii paroit done, dit-ii, que I’afte de la crainte fervile ati moms commences (qui felon St. Thomas n’eft point diftingude quant a la fubftance de la filiale) com- me de fin principe propre immediat. Le Concile de Trente enfeigne encore bien clairement , que ce mouvement par lequel les Catdchumenes commencent a aimer Dieu comme la fource de toute juftice, eft non (implement utile, mais ndeeftaire pour recevoir la juftifica- tion dans le Sacrement; puifqu’il ajoute auffi-tdt apres, que cette penitence eft celie qu’il faut faire avant le bateme. C’eft pourquoi, lorfque dans la fuite il rdduit en abrdge & en article de foi la doctrine de ce (ixieme Chapitre & du pre¬ cedent , & qu’il fait pour la feconde fois l’dnu- mdration des adtes qui concourent ndcellairement tl la juftification des Adultes,dans le meme ordre que ces adtes y concourent, il n’a garde d’ou- blier l’amour ; mais void de quelle maniere il forme fa ddcifion. Si quelquun dit que Vbomme. peut croare , efperer , aimer , ou faire penitence com¬ me il faut , & en forte qtt’il ref owe la grace de 1 a juftification , fins que le St. EJprit le previenne par fin infpiration & fin affiftance , qu’il fait anatheme _ Le fecond Concile d’Orange a aufti marqud au* trefois ce meme amour entre les difpofitions du: bateme. (i) Nous foutenons aufti, & nous croyons cette do&rine faintc & fnlutairc , que darts quelque , bonne oeuvre que ce foit, ce n’eft pas nous qui com- menfons pour etre afttftez enfuite par la m'ifertcorde de Dieu ; mats que e'efi Dieu meme , lequel, avant tou- tes cbofes & fans que nous rayons merite par auewt bon mouvement qui ait precede, nous infpire fa foi &“ <«> Cor.c. Arauf, c, 2j, B b 2 3§g V. Note sur la X. Lettre.’ fon amour, fait a/in (jut nous recberchims[mermeni ic Sacrement du bateme , foit afin qu’apres It batime iious puhffms avec fon ajflftance accomphr fa volonte. Que 11 cette pdnitence elt ndceffaire aux Catechu* m£nes avant le bateme, on ne peut pas douter qu’elle ne foit aufll nteflaire avant le Sacrement de la reconciliation a Ceuxqui font retombez dans le peche. II y a encore un adtfe en droit du Concile de Trente.qui n’eft pas moins favorable pour 6tablir cette v£ritd. C’efl dans la 14 feflion, oil ddcrivant la penitence qui a toujours dtd ndceffaire pour ob- tenir ia juflice & la grace, meme par le moyen du batSme, il demande que Ton ddtefte 1 ’offenfe de Dieu; ce qui ne peut venir que de quelque amour impatfait pour Dieu. Void les paroles du Concile. (1) La penitence a toujours etd ne'cejfaire d tons les hommis qui, apres avoir Jouille leur ame par un pecbe mortel ■ out voulu parvenir d la grace de Dieu & d la juflice: & on n’en peut pas mdme excepter ceux qui ikmandent d’dtre purifiez par le Sacrement du ba- iime. Car il faut que le pe'cheur rejette fon iniquite & fa corruption , quil s’en corrige , & qu’il detefte une ji grande offenfe de Dieu par la hairie du pecbe & un faint regret. Le Concile demande done que le pd- eheur ddtefte I’offenfe qu’il a commife contre Dieu, & qu’il le faffe par un faint regret. Et cer- tes deft avec raifon qu’il exige cette difpofition. La naturO meme & la raifon nous en font voir la neceffit£. Car celui qui fe vent rdconcilier avec un ami qu’il a offente par quelque injure, doit fans- doute avoir regret de ]’affront& de l’outrage qu’il Jui a fait. Et ce regret n’eft point celui qui vient de la feule crainte des peines, lequel ne regarde point da tout le tort que nous avons fait a notre ami? (1) CMit, 7 rid. 14, s. t, Les Cur. ce Gand surla Oontrit. ggp ami, & ne nous fait penfer qu’a la peine que nous fouhaitons d’^viter. II faut done que nous ayons un faint regret, qui n’eft autre chofe qu'un faint jnouvement d’amour pour Dieu que nous avons offenfd; & que ce regret nous fade ddtefter cette offenfe, comme le Concile le declare. C’eft pour- quoi, lorsqu’il dit plusbas, que la contrition eft me doukur dt Fame & une detefiation du peche com- mis , par cette deflation il entend cede qui nous fait ddefter le p£ch£ entant qu’il eft peche, & contraire a la jullice. Car pour celle qui ddtefte le pdch£ a caufe de la punition qui le fuit, c’elt l’ef- fet du p4ch£ qu’elie ddtefte, plutdt que le pdch£. Ce que St. Auguftin diltingue fort bien, lorsqu’il dit; (r) Que celui qui craint I'enfer , ne craint pas de pdcher, mats de brfiler; & que cehi-ld craint ve- ritablement de pecker , qui bait le peche meme comme 1’enfer. II refte encore un endroit du meme Concile de Trente,qui appuye tres fortement cette doftrine; & ndanmoins, ce qui eft Strange, il y en a qui s’en fervent pour dtabiir tout le contraire. Et e’eff ce qui nous oblige a le traiter un peu plus au long, Void les paroles du Concile. ( 2 .) Comme on en¬ tend ordinairevKnt par la contrition imparfaite , appel¬ lee attrition, celle qui vient, ou de Fhorrcur que nous caufe It peche par fa dijformite, ou de la crainte de Venfer & de la peine; fi cette attrition exclud la volon- te de pecker , & dome l’efperance du pardon, le St. Concile declare que non fculement elle v.e fait pas qu’un homme foit bipocrite & phis grand pecheur , •mats que e’eft mfoie un don de Dieu & un mouve- ment du St. Efprit , qui meut Fame quoiquil ne I’ha- Hte pas encore ; & que le pdnitent etant aide par ce, mot(- 390 V. Note sur la X. Lettke. mouvement , fe prepare le chemin pour armxr d h juftice: encore que ce mouvement ne puijfe pas par iui.meme & Jans le Sacrement conduire le pe'cheur juj- qu'd la juftifcation , il le difpofe neanmoins d obtemr la grace de Dieu dans le Sacrement de Penitence. Ceux qui foutiennent l’opinion contraire a la n6tre, prdtendent que, felon ces paroles du Concile, il u’eft pas befoia pour etre juftifi^, d’avoir aucun amour de Dieu, ni aucun mouvement d’affection quin, & St Bonaventure, que 1’Eglife de Dieu a toujours confiddrez comme fes principaux Maitres apres les Apfitres, fans parler des autres Peres & des autres Saints Dofteurs, nous enfeignent tous fort clairement, que la crainte ne peut pas exciure la voionttS de pecher fans l’amour de Dieu. Pour commencer par St. Auguflin ( i ) , il nous enfei- gne exprefDment, que le defir de pecker n’ejl ban- m que par m defir contraire qui nous porte au bien , lorsque la foi opere par la charite. En un autre en¬ droit il dit (2), que celui-M efi encore fous la lot, qui fent qu'il ne s'abftient pas de I’affion du pe’che' par J amour de la juftice, mais par la crainte du fupplice dont le menace la loi. n’e'tant pas encore Hire, ni degage de la voionte de pecker. Or il eft vifible que la vo¬ lenti de pecher n’eft pas bannie en celui qui n’eft pas encore d£gag6 de cette volontg de pecher. St. Auguftin (3) enfeigne cette doctrine en tant d’au- (l) Aug. lib z. Cant. Adv. Leg. £r Proph. c. 7, (z) Lib. z. ad Benif e. 9. & lib. ;. c. 4. (3) Ep. 144, Serm, is, &' IS. de Verb . Apofi^ \ Les Cue. be Ganb sur la Contrit. 391; d’autres lieux , que I’on ne peut pas douter de fon fentiment. St. Grd-goire le Grand nous apprend Ja meme chofe par ces paroles, (i ) La Sainte Eglife commen¬ ce d entrer par la crainte duns la fimplicite & ve'rite, qui font fes votes; mats tile perfeBionne ces votes par Ja charite'. F.lle croit quelle a veritabkment quite le mol , lorsqu'eUe commence par Vamour de Dieu d ne vouloir plus pecher. Car tant qu’clkfait le bien par la ■crainte, elle ne s'eloigne point du tout du mal. Le me- mePere enfeigne encore plus amplement la meme chofe par ces paroles. (2) 11 faut avertir ceux qui sraignent les fleattx dont Dieu les menace , que s’ils veulent eviter ve'ritablement les maux , Us doivent craindre avec effrm les fupplices etcrnels: quails ne de * me went pas neanmoins dans cette crainte dcs fupplices ? mats qu'ils croiffent & qu’ils _ s’avancent par la charite jufques d la grace de Vamour. Car il ejl ecrit que la charite parfaite chajfe la crainte. Et en un autre endroit. Vous n’avez pas repu , comme autrefois, un efprit de fervitude pour obeir d Dieu par la crainte , mats vous avez refu cet efprit d’enfans adoptifs, par lequel nous adreffons nos cris d Dieu, & nous hi di - Jons, Mon Fere. C’efl pourquoi le m£me Dodteur dit encore. La liberte eft ou eft Vefprit de Dieu. Si e'efi done I'apprehenfion de la peine qui nous empdche de commettre les mauvaifes aBions, il eft vifible qu’un efprit qui nelt retenu que par cette apprehenfton ne participe point du toutd la liberte de Vefprit, puifque s’il ne craignoit point la peine, il tomberoit infailljble- went dans le pechd. Ainfi un efprit qui eft encore cap » lif fous la fervitude de la crainte, ne goibte point la grace de la liberte. Car il faut aimer le bien pour hi- m£mey £P non pas le faire par le mouvement & U crainte gp2 V. Note sur la X Lettre. erainte At la peine. Celui qui ne fait le bien qut para quit craint le mal & le fupplice, fouhaite de rl avoir rien d craindre pour faire hardiment le peche qu’il di¬ me. Et ainfi il eft plus clair que le jour que devant Dieu il perd fin innocence, puifqu'il peche devant fes yeux par le dereglement de fa volonte. Voild comme parle St. Gr^goire. St. Bernard eft dans la meme penfde & dans le jnerne fentiment. Ni la crainte , dit-il (i), ni I’a- mimr de nous.mdmes ne convertijfent point netre ame. Ces mouvemcns changent quelquefois le vifage, & ja¬ mais le cosur. Comment done ia crainte chaffera- t-elle la volonte de p6cher, ft elle ne change pas Je coear? Ileflvrai, continue ce meme Docteur, que I'efclave meme fait quelquefois 1 'oeuvre de Dieu ; m/As parce qu'il ne le fait pas de bon coeur , c'efl une preuve qu'il perfifle dans fa durete. Et un peu apres: Out I'efclave fidve done comme fa loi la crainte qui le lie & qui I’enchaine ; que le mercenaire obeiffe d fa cti- pidite qui referre aujft fin coeur dans des domes tres- g'troites, alors qu’il fuccombe d cette tentation qui l’en¬ frame en I’attirant. Mats ni I’une ni l'autre de ces difpofitions ne font point fans tache, ni capables de eonvertir Fame. St. Thomas s’accorde fort bien avec les Saints Peres que nous venons de citer. Void fes pa¬ roles: (a) Il efl dit que la loi ancienne retient la main & non pas I’efprit , d’autant que la volonte' de celui qui s’abftient au peche par la crainte de la peine, tie s’eloigne pas proprement du pdche, comme fait la vo ¬ lonte de celui qui s’abftient du peche par Vamour de la juftice. Et e’eft pourquoi il eft dit de la loi nouvelk, qui efi la loi d’amour, que c'ejt elle qui retient I’cf- frii» Enfia ; Is) Epift. 11. (?) V *. $#. 107. a>;t, x, ai s,, Les Cur. de Gand sur ia Contrit. 393 Enfin St. Bonaventure enfeigne la mSme cho* fe, lorsque parlanc de la crainte fervile qui nous fait appr&iender les fupplices kernels & craindre la juftice divine, il dit (i) que la crainte de ces cbofes fait que Thomme ceiTe de commettre les pdchez, quoiqu’il ne ceife pas tput-a-fait de les aimer, d? d’avoir la volontd de pdcher. C’eft done dans la vue de cette dodtrine fi fo- lidement dtablie, que la crainte des peines ne fuf- fit pas pour exclure la volontd de pecher; c’eft, dis-je, dans cette vue que les Peres du Concile de Trente ont cru avoir fuffifamment tdmoignd que dans leur penfee la contrition imparfaite qui nous difpofe a obtenir la grace dans le Sacrement, enfermoit ndeeffairement; 1’amour de Dieu, lors- qu’ils ont demandd que cette contrition impar¬ faite banffit du cceur la volontd de pdcher; puis- que cela ne fe peut faire que par 1’amour de Dieu, comme les paiTages des Saints Peres que nous avons rapportez le montrent dvidemment. Et le fentiment du Concile eft d’autant plus clair en ce point , qu’il eft fuffifamment prouvd par les autres paflages du meme Concile que nous avons japportez auparavant. Augment de U Sacre'e Taculte de The’ologie de I’Unb verjitd de Louvain Tant fur cet Ecrit que fur la Doctrine propofee dans la Lettre qui y dtoit joint®. Da dernier de Mai 1662. C E jour la Faculty de Theologie de Louvain, convoqude & affemblde avec le ferment or¬ dinaire (1) In J, Lift. 34, q. J. n. 394 V. Note sur la X. Lettre. dinaire dans la falle de l’Univerfitd, ayant dtd pride par Meffieurs les Curez de la ville de Gand, clont la Lettre eft attachee a ce Decret, de donner fon jugement fur cette propofition. Que Vattrition conyue par k feule crainte de I'enfer ou des peines que Dieu nous doit faire foujfrir , fans qu’il y ait au mains quclque mouvement d'un amour imparfait de bienveil- lance envers Dieu , ne J'uffit pas pour obtenir dans le Sacrement la grace de la jutlificaiion. Et encore fur cet Eerie, qu’ils ont attachd a leur Lettre pour prouver cette propofition, a jugd d’un commun confentement: Que la doctrine contenue en cette propofition eft faine, fure, veritable, exetnpte de route forte de blame, 6c digne d’etre prechde & enfeignde foigneufement aux fideles : Et auffi, que les fondemens fur lefquels cette doctrine eft appuyde dans ledit Ecrit, font folides. Fait 4 Louvain en l’an , mois, jour, & lieu que delfus. Et il y avoit plus has, Par leMandement de Monfieur le Doyen , & des autres Dofteurs mes Maitres. Et etoit figne, George Lipse Be- deau & Sdcretaire de la Sacrde Facultd de Thdo- logie i66z. Et un pen plus has. Moi Notaire Pu» blic demeurant a Louvain, attefte que cette Co- pie eft conforme a fon Original. P. Miktakt jDfotaire. T A B I. I TABLE D E S MATIERES. Contenues dans ce Second Tome, A. A Bsolusiov. Bauny ne veut pas qu’on la refufe nl qu’on Ja diffcre a ceux qui font dans des pechez d’habirude. 140. V. Bauny. Penitence. Ambition. Ce que c’eft felon Efcobar. 192. V. St, Auouthn. I. AMY (le P, ) V. Caramuel. Homicide. Amour. Dieu veut etre afrae de tout le coeur. 296. Pat le moyen de [’attrition un Pecheur peut fe rendre dignede fabfolntion Ians aucune grace fnrnaturelle. 248. Quand on eft oblige d aitner Dieu. 249. Sentiment du P. Sirmond. 250. La difpenfe d’aimer Dieu eft un privi¬ lege de la Loi Evangelique. 251. On ne peut etre jufti- fie fans 1 ’amour de Dieu. 267. Vraie notion de l’amour de Dieu. 277. Erreurs du P Sirmond. 2S2. Il ies fou- tient avec confiance. 236 . De 1 'amour affeitif & de I’a- mour effeclif. 291. II imite les artifices des He'retiques. 294. &c. Il retranche 1 ’obligation d’aimer Dieu par la diftinffion de deux eommandemens.l’un de rigueur,l’au- tre de douceur. 29S 11 abufe d’un palTage de St. Thomas. ;oS. de Mr. Du Val. 31 r. de Gerfon. 313. Erreurs du P. Sirmond refute'es par les principes que St. Thomas eta- blit. 32s See. Montalte a eu railon de tourner ’en ridicule les opinions des Cafuiftes fut l’arnour de Dieu. 367 8cc. Annat. (le P.) Il reconnoit que la raifon fur laquel- le Leflius permet aux Juges de vendre une fentence in- jufte, eft abfurde. 151. Antonin. (St.)ll eft cite faufiement fur la Reftitution par Leflius 6c pat l’Apologifte. 147. ApologiSte des CaSuistes. Ce qu’il dit des Aflaflins. De la diseftion dTntention, 87 &c. Il accufe fans fujet Mon- TABLE nouveaux Do&eurs. 9 Us propofent feparement des piincipes qui etant ainfi feparez paroiffent fupportables, & en les leuniflfant ils en tirent des confequences affreu- fes. 3 s. Lems maximes en faveur des Beneficiers 8c des Pretres. ti &c. Des Re'igieux Sc des Seiviteurs. 13 See. Ils foutiennent que beaucoup de chofes qui font effefti- vement defendues par le Droit Divin, ne Je font que par le Droit Fofitif. 3s 8cc. 11 s enfeignent des chofes li abo- minables que la pudeur ne permet pas de les rapporter. CsLEOT. V. Eglife. Pntrcs. 1 {eftitution. Censure. Ceniure de Sorbonne eontre Bauny. 84 See, Chaise (le P. La) Particularite a Ion fujet. iss.Note. Charles BoRrome’e. (St. ) Son fentiment fur lede-s lai de l'abfolution 262. V. Bhfpheme. Ciceron Son fentiment liir les Plaifirs des Sens. 222. Clerge’ de Prance. 11 condamne la faciljtedesCon- feffeurs a donner l’abfolution a leurs Penitens. 263. Comitolus (le P. Paul) 11 combat 1 ’opinion de Lef. fius fur la Rcftitution. 149. 11 regarde 1 ’Attrition comme une opinion peu fure. 24s- Particularitez a fon fujet. 248, Note. Compensations secretes. Bauny les permet aux Valets, 8c le Chatelet les condamne par fon jugement eontre Jean d’Alba. 17 8cc Et les Facultez de Paris Sc de Louvain par leurs cenfures. 84 See. Concur. Celui de Trente ordonne aux Confefleurs d’impoler des penitences propoitionnees a la qualite des Crimes 8c au ponvoir des Penitens, 27. Celui de Paris 8c le III. de Soifl’ons s’elevent eontre les coutumes con- traires a la Loi de Dieu 8c aux Canons. 33 - ConfesSeur, Confession. V. Bauny. Efcobar. Contrition. Le P, Pintereau enieigne que e’eft prefque une herefie fie dire que la Contrition foit ne- cefiaire. 244. Elle eft nuilible au Sacrement. 248 Traite des Paftetus de Gand fur la Contrition. 378. Jugement de la Faculte de Louvain. 393. Cupidite’. Qu’a ce fujet 1 ’exemple de Jacob 8c des lf- raelites fortans d’Egypte , doivent etre rarement alle- guez. 86. Note. Curez. Pourquoi, felon Bauny, ils ne lont pas obli- gez a dire la Meffe tous les jours. 13. L^s Jefuites trai- tent ceux de Fiance de Janfe'niftes, eux Sc leurs Eve- ques. 264. Ceux de Gand combattent l’opinioa des Je¬ fuites fur 1’Attrition, 377. V, DES MATIERES. D. D IaNa. Son fentiment fur l’Aumdne. 3. Sur les Relt- gieux qui quitent leut habit pour commettre des crimes. 4. Sur ceux qui etant obligez par un voeu parti¬ cular a la vie qttadrageiimale (out faits Eveques. j. It laifle aux Decrets des Papes leur probability, & s'atrache au fentiment contraire. 6 11 eft un grand maitre ea probabilitez. 7. Selon lui Sc les autres Cafuiftes, un fils pent en dirigeant Ion intention fe rejoutr de la mort dc Ion pere, & un Gentilhomme accepter un duel. 97. U rapporte le progres qu’a fait la do£trine de l’Attrition natuielle. 246. Direction d’intention. Bauny l’enfeigne aux Ser- viteurs. 17. Elle eft prefque d’un auffi grand ufage que la Probability. 91 &c. Elle juftifie les mauvais meftages des Domeftiques. 93. La Simonie. Ibid. Les Meurtres Sc les Violences. <14. L’A&ion d’un fils qui fe re'jouit de la mort de fon pere, le Duel,&c. 97 &c. Difference de la Vraie & de la Jefuitique. 114 &c. Quelle eft fa force. 198. Duel. Diana le permet aux Nobles en dirigeant leur intention. 97 &c. Laiman de meme. 98 &c. Le Ref Louis XIV le proferit de fes Etats. 99. Du Val ( Mr. ) V. ^Amour . E. E Criture Sainte. Temoignage de 1 ’Ecriture Sainte pour prouver la neceffite de 1’Amour pour la remil- fion des pechez. 379 8tc. Eglise. Selon Filiutius les loix de l’Eglife s’abrogent pat le non-ulage. 14. 23. De quelles loix cela fe doit en¬ tendre. 24. Les Canons concernant les moeurs ne s’abro¬ gent pas enrierement par le non-ufage. Ibid. L’efprit de l’Eglife qui nous y eft marque eft immuable. Ibid. Les loix de l’Eglife conferment toujours leur.force en cequ’el- les contiennent du droit divin. 28. Beau paflage fur cela de St. Thomas. Ibid. See. Du Concile de Paris. 33. Et de Pierre le Chantre. 34. Elies ne la perdenr pas meme d’abord en ce qu’elles renferment flu droit pofitif. 37. L’Eglife condamne toujours ce qui eft contraire a fes re¬ gies. 39. Ce qu’il faut entendre par cette Eglife dont paile Is P, Cellos, St qui felon lui ote la force aux De¬ ere!* TABLE' Srets des Conciles & des Papes. 49- Anciennc Difcipline de 1 ’Eglife touchant les Ecclefiafliques tombez dans le crime, jj 8cc, Elle relache queiquefois de fa feverite pour un plus grand bien. J4. EJtces de la doftrine de Mafcarenbas 8c de Bauny , merae felon la Difcipline pref-nte. 72 8cc. Decrets de l’Eglife contre les ClercS Sodomites. Sr 8cc. Eicobar les elude. 83. EmaNDEI Sa. V Blafpheme. Envie. Quand elle ell un peche mortel felon Bauny; 194 * EqulvOQpES. Do&rine des Jefuites touchant les Equi¬ voques 8c les Reftriftions mentales. 195 8cc. V. Jefuites. Escobar. Son feutiment fur les Affaflins. 2 Sur les Religieux qui quitent leur habit. 4. Sur la Bulle de Pie V. Contra Ciericos Sodomitas 5 83. Paffage Latin de cc Fere, que la pudeur ne permet pas de traduire en Fran¬ cois. 83. Note, ll permet a un Pretre de recevoir plulieurs letributions pour la meme Melfe. 11. Aux Serviteurs de lervir leurs Maitres dans leurs debauches, ra. Aux Juges de juger felon l’opinion la moins probable. 123 8:c. Ec de recevoir des prefens. 124 8cc. De defirer la mort de Ion ennemi. 96. De le tuer par derriere 8c dans une em- buche. 100. D’offrit 8c d’accepter le duel. 98. De tuer celui dont on a repu un fouflet, ou meme felon Azor ce- lui qui veut le donner. 102. Et, felon Badellus, celui qui donne un dementi. 104. Et, felon Molina, pour un ecu d’or. toS. Son fentiment furies ufuriers. 128. Sur le Contrail Mohatra. 129 8cc Sur les Voleurs, qu’il difpen- fe de reflituer. 131. Sur ceux qui ont rc§u de l’argent pour commettre des crimes. 134. Ses fentimens touchant PAmbition 8c l’Avarice. ipi 8cc. De la ParelTe 8c des Plaifirs des Sens. 19s. On n’efl pas toujours oblige de garder les promeffes ,faites meme avec ferment. 198. Dc POrnement des Femmes. 200. Il permet aux Femmes de prendre de l'argent a leurs Maris pour (oiler. 202. Me¬ thods facile d’ourr la Mefle. 203. De la Confeffion. 233. De la Satisfaction. 236. Des Occafions prochaines. 241. De 1’Attrition. 247. Quand oblige le precepte d’aimer Dieu. 249. EucaRistie. Sancius y envoie ceux qui fe font fouit- lez par des crimes infames le jour meme qu’ils les ont eommis. 50 8cc. Decifion de Mafcarenhas fur ce lujet. So. 80. Evf Quss. Comment leur eleftion avoit lieu avant le CoaceisUt &afeli ea Fiance gu le Jape Leon X. 8c le Roi DES MATIERES. R.oi Franpois I. 31. Nate., Leur non-refidence ne pent etre excui'fe qu'e par la neceffite ou l’utilite de I’Egliie. 117 Stc. Celui de Sens condamne l’opiniou des Jefuites fur 1’Attrition naturelle. 37°. V. Curez., F. F Emmes. En quel cas les parures leur font peimifes. 317. Les Jefuites appiouvent leurs vaines parures. 200 &c. Et queiles prennent de l’argent pour jouer. 202. FiLlUTtus. Un Pretre peut recevoir deux retributions pouf la meme Meffe. 11. Les loix de l’Eglife perdent- leur force quand on ne les oblerve plus. 14. Ses maximes fur les Blafphemateurs. 46. Sur le gain des Femmes proftituees. 337. Son fentiment fur les reftr'ftions men- tales. 397. Methode facile pour examiner les difpofitions du Penitent. 252. G. G Arasse. 11 dit qu’un pauvre Auteur peut fe glorificr de Ion Ouvrage. 393. Goueau (Eveque de Grafle) Son eloge. 209. Note. GouRmANdise. Sentiment d’Efcobar liir ce vice. 1 96. • Grace. Ce que c’eft que les graces gratuites. 293. GregoiRe. ( St.) Decrets de ce Saint' Pape contre les Miniftres de 1’Egiile tombez dans le crime. 56 Stc. Ca qu’on lit de contraire dans fa Lettre a Secundinus, y a ete ajoute par un Fauffaire. 58 8tc, Ce Fauffaiie eft ap- paremment llidorus Mercator. 64. Le meme St. Gregdi- te cite fur l’intention. iij 8cc. II. H Alljer. (Mr.) V. Bamy. Homicide. Maxime des Cafuiftes fur l’Homicide. 98 &c. V. Efcobar. Lejfitts. Reginalds. Tanndrus. Selon eux il eft permis de tuer pour de f endre fon bien, & me¬ mo pour un ecu d’or. 108. lls permettent a un Eccleliaf- tique oua un Religieux de tuer un Calomniateur. 109. I. J Ansenistes. Plaifante queftion, favoir s’il eft permis aux Jefuites de les tuer. 110, rente II. Cc Jbas» f' TABLE' JeaN d’AlbA Valet des Jefuites. Son hiftoire. is. Jesuitf.S. Leurs artifices pour eluder l’autorite de i’E- vangiie * des Conciles & des Papes, r &c C elt par cou- delcendance, & non par defiein , qu’ils fouffrent des re- lacnemens dans les autres. 22 Sec On leur eft redevable de la methode de diriger l’intention. 93. s’il leur eft per¬ mit de tuer les Janfeniftes. no. Us enfeignent qu'un Pe¬ nitent pent refuler la penitence qu’on lui impofe & re- noncer a l’abfolution. 14s. 11? ne mentent jamais pjus. hardiment que lorsqu’ils accufent les autres de mauvaife foi. 156. 11s foutiennent la dofhine de leurs Cafuiftes, qui etendent aux honnetes femmes, aux lilies Sc aux Re- jigieufes memes, mi gain infame que les loix accordent avec peine aux proftituees. tfio&c pourqtioi ils donnent 3e nom d’impofture a ce qu’ils avouent qu'on a raifon de 3eur attribuer. 160. La Societe repond de tous les Livtes de leurs Peres. 188.' Portrait qu’ils font de la Devotion. 389 See Leurs maximes (ur 1’Ambition. 192. Sur Jcs E- qutvoques 8c les’Reftriftions. 196 &c 11s font (i fort prevenus pour 1’Attrition naturelle,qu’ils ont a cette oc- cafion fallifie un Chapirre de la Samme des as de Cmflien-