7Primož Vitez: LA NOTION DE «MOT» EN MARGE DE L’ANALYSE LINGUISTIQUE Primož Vitez UDK 811.133.1'367.2 Faculté des lettres, Université de Ljubljana DOI: 10.4312/vestnik.16.7-19 Slovénie Izvirni znanstveni članek primoz.vitez@ff.uni-lj.si LA NOTION DE «MOT» EN MARGE DE L’ANALYSE LINGUISTIQUE 1 UNE NOTION INTUITIVE1 Les locuteurs ordinaires ne se soucient guère de réfléchir la différence entre savoir par- ler une langue et connaître une langue. Le présupposé général veut que celui qui sait se servir d’une langue, n’a pas besoin d’en décrire la structure. Cette méconnaissance fonc- tionne bien dans l’usage quotidien: le locuteur ordinaire parle une langue sans avoir pour objectif de l’analyser. L’oubli de la langue, selon Gadamer (1967: 86), est une condition nécessaire du fonctionnement normal de la langue en société. Cependant, les intérêts que portent les différents locuteurs à la langue, sont bien diversifiés. Savoir parler une langue signifie la capacité du locuteur de s’en servir; connaître une langue, en revanche, permet de l’analyser, l’observer, comprendre sa structure, son système réglementaire, enfin la diversité de ses usages. La situation est quelque peu paradoxale, parce que toute expres- sion linguistique a tendance à se poser des questions sur soi-même. Tout locuteur connaît des moments de questionner son usage, de se demander comment on appelle telle chose, comment on dit ceci ou cela, ce qui est correct ou ne l’est pas. Autrement dit, les éléments métalinguistiques lui sont inhérents. L’approche analytique de la langue, qu’elle soit ap- pelée linguistique ou science du langage, opère par un métalangage dont le statut est également paradoxal: pour le linguiste, la langue est en même temps objet et instrument d’observation – la langue s’utilise pour s’analyser. Comme la «langue», le «mot» est en même temps un concept pré-théorique (Sou- tet 2005: 246), linguistique et métalinguistique. Pour la linguistique structurelle, cher- chant à établir des schémas formels, le «mot» est un objet d’analyse peu intéressant. Mais on ne peut pas négliger le fait que le «mot», en usage ordinaire, est une notion dont les locuteurs sont clairement conscients. Ainsi, la Grammaire de Port-Royal (Ar- nauld & Lancelot 1997: 36), la première grammaire comparée, se sert naturellement du 1 Članek je nastal v okviru raziskovalnega programa P6-0218 (Teoretične in aplikativne raziskave jezikov: kontra- stivni, sinhroni in diahroni vidiki), ki ga financira ARIS. 8 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE/JOURNAL FOR FOREIGN LANGUAGES concept de «mot» en en donnant une définition très élémentaire: «On appelle mot ce qui se prononce à part, et qui s’ecrit à part.» Les auteurs à l’epoque supposent à juste titre que tout locuteur est capable de sous-entendre la distinction du «mot», l’entendre «à part», meme sans pouvoir en formuler une explication théorique. C’est pourquoi il semble intéressant de considérer cette entente et de voir si la notion de «mot» supporte une analyse quelque peu détaillée. 2 LE MYTHE DU MOT Une mythologie du logos. Dans la plupart des interprétations mythologiques de la créa- tion, y compris la chrétienne, le mot est le principe du monde possible et intelligible. L’incipit de l’Évangile selon Saint-Jean, dans le Nouveau Testament, postule: «Au com- mencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. C’est par lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui.» Le verbe, ici, (gr. logos) doit être compris comme un véhicule, comme un dénotateur, signifiant ce qu’il n’est essentiellement pas, bref, comme «mot». L’usage évangélique de ce concept, en apparence, n’a rien de commun avec les acceptions scientifiques du signe linguistique. Néanmoins – et sans plonger dans dans le potentiel théologique de ce passage – on peut dire que la linguistique, dans sa longue histoire, négligeait de considérer l’interprétation de la langue que ce texte suggère et selon laquelle l’expression linguistique non seulement précède le monde réel, mais se «fait chair» et crée la réalité extralinguistique, perçue, reproduite et réinventée par l’humain. Dans un renversement de la terminologie saussurienne, on pourrait dire que le phénomène de toute chose, animée ou inanimée, se trouve dans son appellation, dans son nom, c’est-à-dire, dans son signifiant (Soutet 2005: 249). Cette idée a été reprise par Lacan (1966: 356) avançant que le sujet parlant, par son exercice linguistique, ne fait qu’appeler et rappeler, en parlant, les choses de la réalité extralinguistique, crée sa propre réalité pour «coudre» ainsi son discours dans sa situation communicationnelle. Dans le jeu communicatif, il n’y a que ce qui est énoncé, souvent par le silence. La langue est toujours devant le locuteur; la parole vient l’habiter, dessiner son profil spirituel, déter- miner ses compétences communicatives et produire le statut social dont le locuteur peut bénéficier par ses interactions avec autrui. Dans ces processus interactionnels, le mot est le moyen symbolique d’accès non seulement à l’entente du locuteur avec ses partenaires sociaux, mais à la réalité même. Un mythe populaire. Si, d’un autre côté, on poursuit les postulats de la linguistique systémique (structurelle ou formelle), la langue sert principalement à signifier la réalité extralinguistique, c’est-à-dire ce qu’elle n’est pas. Le signifiant a sa substance (acoustique ou graphique), nécessairement différente par rapport aux propriétés physiques des choses désignés qui, elles, n’appartiennent pas à la langue. Autrement dit: la langue permet au 9Primož Vitez: LA NOTION DE «MOT» EN MARGE DE L’ANALYSE LINGUISTIQUE locuteur d’établir des relations avec le monde, avec lui-même et avec la langue elle- même. Bref, la langue est destinée à signifier quelque chose et, par l’usage, produire du sens. Ce que nous percevons comme des unités linguistiques autonomes porte une signification qui est convenue à l’intérieur d’une communauté linguistique. En ce sens, le «mot» est un concept intuitif, intelligible à tous les locuteurs. Le locuteur ordinaire ne se demande pas ce qu’est le mot. Le concept «mot» contient des unités aussi différentes que le nom allemand «Weltmeisterschaft», le pronom anglais «you», le verbe français «déstabiliser» ou la préposition slovène «s». L’existence du mot est sous-entendue; le mot porte une signification dans la conscience des locuteurs et de leurs interlocuteurs, bref, on a l’intuition de sa cohérence interne et de son associabilité en unités d’expression supérieures, un syntagme ou une phrase par exemple. Les choses sont moins évidentes quand le linguiste essaie de définir le «mot» comme une unité ou forme structurelle, descriptible par des critères morphologiques et/ou syn- taxiques. L’envergure notionnelle du «mot» paraît inconsistente par rapport aux éléments formels de la structure linguistique. Le «mot» peut se présenter comme un seul mor- phème («monde»), une séquence polymorphémique («préétablir»), même comme une phrase entière («Viens !») ou un seul phonème («a»). Le «mot» est donc une interface constructive de différents niveaux de la structure linguistique. Dans les cas les plus élé- mentaires, on peut définir ses dimensions comme un lexème simple ou composé à divers degrés, p. ex. «rêve-rêver-rêvasser». Il est en quelque sorte dommage que le «mot», vu son potentiel intuitif pour le locuteur, ne puisse pas représenter pour la linguistique (ni pour la grammaire) l’unité formelle de base. Ce rôle est réservé aux concepts tels que phonème, morphème, lexème etc. 3 LE MOT ÉCRIT Il semble que le mot reste le mieux définissable dans le texte écrit. On a établi une défini- tion largement acceptable qui dit que le mot, du moins celui dans les systèmes graphiques alphabétiques, est une séquence de graphèmes (typogrammes, lettres), délimitée devant et derrière par deux espaces. On dit bien «devant et derrière», parce que l’écriture est perçue comme un processus spatial, analysable visuellement, par le regard. La bidimen- sionnalité du mot écrit est essentielle pour la lecture, parce que le lecteur, en lisant, n’y effectue pas la reconnaissance de lettres une par une, mais reconnaît par ses yeux le mot comme une unité délimitée et cohérente. »Aoccdrnig to a rsreeach at Cmabrigde Uinervtisy, it deosn’t mttaer in waht oredr the ltteers in a wrod are, the olny iprmoatnt tihng is taht the frist and lsat ltteer be at the rghit pclae. The rset can be a toatl mses and you can sitll raed it wouthit porbelm. Tihs is bcuseae the huamn mnid deos not raed ervey lteter by istlef, but the wrod as a wlohe.« Cet exemple – qui plane sur Internet – démontre bien l’aptitude du locuteur de reconnaître 10 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE/JOURNAL FOR FOREIGN LANGUAGES le mot comme une séquence discrète. Il dit notamment que «peu iprotme l’odrre des ltertes dnas un mot; ce qui cmptoe, c’est que la pmerèire et la dnèrriee letrte sinoet en pacle. Le rtese puet êrte un coahs cplomet, mias la coshe srea tjoruous bein lblisie». Ce principe fonctionne justement grâce à cette intuition de l’unité du mot comme une entité bien délimitée dans l’espace – et c’est une certitude qui se forme sur l’expérience d’un lecteur ordinaire. Comme la tradition de l’analyse linguistique s’appuie le plus souvent sur les manifestations linguistiques écrites, la question du «mot» n’a pas souvent été re- levée. En revanche, les sciences du langage ont renoncé au graphocentrisme exclusif et à la seule analyse visuelle du matériel linguistique. Elles s’intéressent explicitement à l’oral et à sa nature sonore (acoustique, phonique, auditive). 4 LE MOT COMME UNITÉ MORPHOSYNTAXIQUE La morphologie se définit d’habitude comme analyse de la structure interne des mots, et la syntaxe comme un système de règles permettant aux mots de s’associer en phrases. Dans cette définition apparemment claire, le statut structurel du mot lui-même reste obscur. Le problème de la délimitation du mot comme unité formelle d’expression linguistique provient d’abord de sa perception intuitive, mais aussi du fait que ce concept métalin- guistique ne s’explique pas par un seul aspect analytique. Normalement, le mot est perçu comme une unité portant une certaine valeur sémantique. La structure grammaticale et la solidarité syntaxique du mot déterminent aussi son potentiel sémantique, mais les critères grammaticaux semblent mieux aider à définir la classification des mots que les seuls principes morphologiques. Considérant les régles morphologiques, on comptera dans l’énoncé suivant (1) Monsieur Diderot n’a jamais voyagé à l’Orient neuf unités, analysables comme mots, à savoir Monsieur, Diderot, ne, a, jamais, voyagé, à, le, Orient. Chacune de ces unités a une forme correspondant à la solidarité syntaxique dans l’énoncé en question. Ce compte (9 mots) sera obtenu lorsque l’énoncé est analysé dans sa forme écrite : ce sont les blancs et les apostrophes qui nous permettront d’identi- fier visuellement les unités. Pourtant, le rôle des apostrophes démontre bien un mécanisme syntaxique en fran- çais, notamment la tendance fusionnelle des mots qu’on appelle «grammaticaux» (dé- terminants, particules de négation etc.) en unités supérieures que le locuteur, sous in- fluence de réalisations orales, ressent comme des mots particuliers. La séquence syn- taxique l’Orient, par exemple, peut s’analyser morphologiquement comme comportant deux mots, mais l’analyse syntaxique (et, plus clairement, orale) la traitera comme un mot autonome. 11Primož Vitez: LA NOTION DE «MOT» EN MARGE DE L’ANALYSE LINGUISTIQUE Dans l’évolution historique du français il est particulièrement intéressant d’observer ce mécanisme syntaxique qui avait souvent résulté en composition de nouveaux mots à partir de deux unités morphologiques – et ces nouveaux mots sont actuellement perçus comme des mots cohérents ; leur compréhension n’est nullement perturbée si le locuteur ne connaît pas leur origine bi-morphématique. On sait que, par exemple, Lorient est le nom d’une ville à l’Ouest de la France. Ainsi, le mot français «Monsieur» est un cas très évolué de ce principe syntaxique. Etymologiquement, il est composé du déterminant «mon» et du substantif «seigneur». La fréquence de l’usage n’en a pas fait seulement un mot unique et sémantiquement uni, mais aussi phoniquement et orthographiquement simplifié. Apparemment, le processus évolu- tif du mot «Monsieur», n’est terminé que pour notre actualité : sa prononciation standard actuelle [møsjø] semble promettre, à l’occasion d’une future réforme orthographique, une autre simplification visuelle : «Meussieu». 5 LE MOT COMME UNITÉ SÉMANTIQUE «Le vrai problème du ‘mot’ […] est dans l’impossibilité où nous sommes de définir exac- tement 1) ce qui est un ou plusieurs mots dans la chaîne du discours, c’est-à-dire en syntagmatique, 2) ce qui est un ou plusieurs mots dans le lexique, c’est-à-dire en para- digmatique.» (Martinet 1989: 129) L’intuition suggère au locuteur que le mot porte une signification. C’est donc un si- gnifiant qui appelle un certain segment de la réalité en s’investissant dans la communica- tion linguistique. Pour que le mot fonctionne, il doit nous paraître isolable et indépendant par rapport aux autres unités du même ordre. Il se distingue par certains traits formels (acoustiques, morphématiques) qui sont réels (en contexte) ou potentiels (comme carac- téristiques sémantiques) dans la structuration syntaxique d’un énoncé. Cette définition contribue à la clarté conceptuelle du lexème, mais pas exactement du mot lui-même. Un segment cohérent de la «réalité extralinguistique» peut très bien être connoté par une séquence de plusieurs mots qui, souvent réalisés ensemble (fréquence d’usage) peuvent fonctionner comme un mot unique et indépendant. Pour la raison de l’usage de la flexion casuelle des substantifs et adjectifs, nous prendrons un exemple en slovène: (2) Pred par dnevi sem spet gledal James Bonda. Le nom du héros de la célèbre Bondiade est un syntagme, pareil à n’importe quel autre prénom et nom usuels, que l’on analyse facilement comme une séquence pluri-lexicale. La flexion slovène de ce syntagme anglais, comme elle est réalisée dans l’exemple (2), n’a évidemment rien à voir avec la flexion en slovène standard – et ce syntagme serait écrit 12 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE/JOURNAL FOR FOREIGN LANGUAGES différemment aussi: Jamesa Bonda. Mais on ne manquera pas d’observer que ce type de comportement grammatical est parfaitement habituel dans l’usage quotidien, surtout oral. C’est ce qui est particulièrement révélateur pour notre propos, parce que les unités linguistiques, du point de vue évolutif, sont changées, transformées et restructurées dans toutes les langues par l’usage réel. Dans ce type d’usage James Bond est intuitivement perçu comme un seul mot et reproduit dans l’énoncé (2) comme [dʒɛjmzbɔnda]. D’ailleurs, le slovène (comme d’autres langues slaves, par exemple) présente un problème quant à la flexion des noms composés, particulièrement quand ces noms sont de provenance étrangère. Le standard prescrit explicitement la flexion du nom person- nel Jean-Jacques comme si ce prénom était composé (et il l’est) de deux unités sépa- rées. Mais le respect de cette prescription standard, à l’usage quotidien, provoque un certain malaise parce qu’en réalisant la forme fléchie Jeana-Jacquesa (Žana-Žaka) on donne l’impression qu’on est dans l’hyper-correction et qu’il s’agit de deux prénoms alors qu’il n’y en a en réalité qu’un seul, même s’il est visiblement composé. Il est pourtant conceptuellement cohérent parce qu’il dénote un référent unique, bien discernable dans l’ensemble de la réalité extralinguistique. C’est pourquoi, dans les formes fléchies, les locuteurs slovènes (ou croates etc.) ont naturellement tendance à traiter Jean-Jacques (Žanžaka, Žanžaku etc.), comme d’ailleurs Anne-Marie en version slovène Anamarija, Anamarije etc., comme un seul mot – et souvent même en situations dans lesquelles cet usage est déconseillé par les règles du standard. 6 LE MOT ET LE SYNTAGME EN FRANÇAIS La question des différences entre les langues s’impose surtout aux niveaux lexical et structurel. Du point de vue lexical, ces différences s’expliquent souvent par la diversité des visées du monde que les différentes langues traduisent en significations particulières. Ainsi, un même signifié, mettons le concept «cheval», reçoit en slovène le signifiant «konj», en allemand «Pferd», en anglais «horse», etc. Les différences structurelles, en revanche, s’expliquent moins bien par les facteurs externes. Elles semblent surgir des spécificités orales, particulières en chaque langue, et recouvrant ce qu’on appelle la pro- sodie, ou plus ordinairement, la musique de la langue. Le français, sous cet aspect, est une langue bien particulière. Sa prosodie, sous l’effet d’une accentuation unique, i.e. accent final (frappant systématiquement la dernière syllabe du groupe accentuel), est tellement différente par rapport aux autres langues, que le français, par sa mélodie, se fait souvent reconnaître par les locuteurs qui d’ailleurs n’ont aucune notion en francophonie. L’un des effets de ce type accentuel est le déplacement radical de la désinence verbale pour marquer la personne grammaticale du verbe. Le verbe slovène «rečem» se réalise en français comme «je dis», en italien encore «dico». Ce concept sémantique est réalisé en slovène et en italien par un seul mot, alors que le français semble en dépenser deux 13Primož Vitez: LA NOTION DE «MOT» EN MARGE DE L’ANALYSE LINGUISTIQUE pour exprimer la même chose. En effet, «je dis» est analysable en deux mots distincts, sur- tout quand on se réfère à l’écrit. Mais une analyse morphologique montrerait que les trois exemples sont effectués à la base de deux éléments morphématiques, deux morphèmes: la base verbale et un indice, dénotant la personne. En slovène et en italien, cet indice est un suffixe et comme tel soudé à la forme verbale: rečem, rečeš, reče ; dico, dici, dice. Le fran- çais présente une situation différente, parce que le rôle d’indice personnel, de l’autre côté du verbe, est joué par ce qu’on appelle traditionnellement le pronom personnel atone ou conjoint. La forme verbale française elle-même, du moins à l’oral, n’est pas distinctive: dis/ dis/dit – c’est pourquoi la personne est déterminée par le préfixe indiciel je/tu/il. (Creissels 1995: 25; Revol 2005: 125-128) Cela signifie que ce type de syntagme français peut à juste titre se considérer comme un seul mot (Vendryes 1950: 67), même si l’analyse visuelle de l’orthographe en détecterait deux. C’est ce qu’on va détailler dans la suite. 7 DEUX CAS MORPHOSYNTAXIQUES EN FRANÇAIS Deux structures, touchant au problème du mot, se distinguent parmi celles qui sont affec- tées historiquement par l’accentuation française. Détermination nominale: marque du pluriel. Sauf dans les cas où l’accent final re- couvre la variation phonique du marquage du pluriel, p. ex. cheval – chevaux, les formes lexicales du substantif au pluriel restent inchangées par rapport à celles du singulier : enfant – enfants, citoyen – citoyens etc. Par comparaison de ces formes fléchies avec les principes de flexion dans la plupart des autres langues romanes, mettons en italien, bam- bino – bambini, cittadino – cittadini, il est évident que le pluriel de ces formes italiennes est marqué par une variation désinencielle, réalisée sur une syllabe inaccentué, posté- rieure à l’accent. Or, l’accentuation finale en français ne permet pas ce type de solution morphologique : la fonction de la détermination, sous forme de proclitique (c’est-à-dire un monosyllabe anticipant la forme nominale), n’est pas seulement de déterminer le statut défini ou indéfini du substantif affecté, ou sa valeur déictique, mais aussi d’en définir la variation formelle selon le critère grammatical du nombre. (3) la femme les femmes une femme des femmes cette femme ces femmes sa femme ses femmes Qu’il s’agisse d’article défini ou indéfini, adjectif démonstratif ou possessif, le détermi- nant se réalise par un morphème qui définit le pluriel de la forme lexicale qui, elle, est invariable à l’égard du nombre. Certes, la variation plurielle est réalisée à l’écrit par le graphème s, désignant orthographiquement le changement en nombre; il va sans dire que 14 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE/JOURNAL FOR FOREIGN LANGUAGES cette analyse, traitant de l’accent en tant que fait prosodique, se rapporte aux réalisations orales. Le pluriel est déterminé par une substitution de la voyelle préfixée au substantif, respectivement a/e, y/e, ɛ/e ; ə/e pour les formes masculines le/ce – les/ces. C’est la qua- lité vocalique du déterminant qui marque le nombre de la forme substantivale, et pas la désinence qui n’existe pas. La détermination phonique du pluriel, préposée à la forme substantivale, est encore plus marquante au cas où le substantif se réalise par une initiale vocalique. (4) l’ami/-e les ami-s/-es un/une ami/-e des ami-s/-es etc. Dans les cas de ce type, la marque du pluriel (détermination) vient s’amalgamer à la forme substantivale, par la réalisation de la consonne de liaison /z/, pour créer l’impres- sion d’un mot unique. La consonne latente devient ainsi la marque privilégiée du pluriel. Détermination verbale: marque de la personne. L’absence de syllabes inaccen- tuées en fin du groupe accentuel a produit un autre type d’opération déterminative et d’in- variance formelle qui s’observe dans la morphosyntaxe du verbe français. L’accent final en tant que résultat du processus historique d’oxytonisation provoque dans la flexion ver- bale un isomorphisme, semblable à celui du nom au pluriel par rapport au singulier, mais plus générale, parce qu’il touche la quasi-totalité des occurences les plus représentatives dans la paradigmatique verbale en français. Il s’agit de la morphosyntaxe du paradigme verbal de l’indicatif présent au singulier où les formes des trois personnes présentent exactement la même réalisation parlée. (5) je parle (io) parlo govori-m tu parles (tu) parli govori-š il parle (egli) parla govori Comme nous avons pu le voir dans le cas du pluriel des substantifs, les autres langues ro- manes, comme le latin, permettent le marquage du nombre par la variation désinencielle sur la syllabe inaccentuée post-accentuelle. De ce fait, la variation de la forme verbale est réalisable en italien sans élément pronominal, puisque la forme lexicale elle-même, par sa terminaison, rend compte de la personne marquée. En français, le «morphème zéro» – analogue à l’inexistence des syllabes finales sans accent – génère l’isomorphisme du paradigme entier et oblige le locuteur francophone à préciser la personne ailleurs. Le morphème en fonction de référent personnel est donc situé devant la forme verbale et ne peut en être dissocié. Ces morphèmes de référence personnelle, je/tu/il, sont traditionnellement considé- rés par les grammaires françaises comme des pronoms personnels atones ou conjoints 15Primož Vitez: LA NOTION DE «MOT» EN MARGE DE L’ANALYSE LINGUISTIQUE – par opposition aux pronoms personnels toniques ou disjoints, moi/toi/lui. Leur fonc- tionnement morphosyntaxique, pourtant, ne supporte pas l’épreuve de substitution par un élément de la sphère nominale. Les pronoms personnels proprement dits (toniques ou disjoints) peuvent jouer un rôle dans un groupe prépositionnel ou être mis en relief, par exemple, tandis que les unités de ce type qu’on appelle «atones ou conjointes» n’ont pas cette puissance syntaxique. (6) pars avec moi moi aussi je pars c’est moi qui pars *pars avec je *je aussi pars *c’est je qui pars Non seulement ces morphèmes personnels, du point de vue syntaxique, ne peuvent pas remplacer un nom; le rendement fonctionnel du paradigme verbal à l’indicatif est nul si ce type de morphème n’est pas attaché directement à la base verbale – et cela sous forme de proclitique ou de préfixe qui pré-détermine la personne verbale. Il y a entre le morphème personnel et son verbe un rapport de solidarité absolue (Martin 1979 : 3) ou d’indisso- ciabilité. Comme le français ne produit pas, dans le paradigme de l’indicatif présent sin- gulier, de terminaisons qui puissent assumer la fonction de référent du constituant sujet (Creissels 1995 : 25), cette tâche est revenue aux morphèmes je/tu/il que l’on définit non plus comme des pronoms personnels, mais comme des indices pronominaux ou indices personnels. Ces morphèmes indiciels sont inaccentuables du seul fait d’être obligatoire- ment conjoints (préposés) à la forme verbale pour en déterminer la référence personnelle – et pour former avec elle une unité sémantique unique et cohérente. 8 LE MOT COMME UNITÉ ACCENTUELLE Après avoir donné une définition rudimentaire du mot – que nous avons citée ci-dessus – la Grammaire de Port-Royal (Arnauld & Lancelot 1997: 36), dans le paragraphe suivant, précise: «Ce qu’il y a de plus remarquable dans la prononciation des mots est l’accent, qui est une élévation de voix sur l’une des syllabes du mot après laquelle la voix vient nécessairement à se rabaisser.» Les critères définitoires sur lesquels nous avons jusqu’ici essayé de déterminer la nature et l’extension du mot sont d’ordres différents, mais re- posent sur deux dénominateurs communs: a) le mot est une unité significative cohérente, b) l’intuition de cette unité repose sur les principes phoniques, ceux de l’oral. Même si les locuteurs ont l’impression d’une certaine indépendance et discontinuité du mot, l’analyse de l’oral – ou d’une chaîne parlée – révèle que les mots ne sont pas énoncés un par un. Quand on parle, on ne fait pas de pauses entre les mots (Erdeljac 1997: 163) comme on fait des blancs entre les mots écrits. Les pauses (silences) entre les segments d’une chaîne parlée sont relativement rares, relatives à la respiration, perti- nentes pour la compréhension du message oral. A l’écrit, les blancs délimitent les unités 16 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE/JOURNAL FOR FOREIGN LANGUAGES sémantico-morphologiques minimales. Toutefois, un locuteur peut intensifier l’usage des pauses et exposer ainsi la valeur d’un segment oral choisi, d’un mot particulier. C’est ici que nous rappelons l’intuition qui permet au locuteur de faire des distinctions séman- tiques par l’usage des mots séparés. Le mot – qu’il nous soit intelligible ou pas – se reconnaît comme une unité physique, ou mieux, une unité phonétique (acoustique), déterminé par les critères suprasegmentaux (pro- sodiques) que l’on analyse en parlant par le recours à notre compétence phonologique. L’ac- cent est essentiel à cette reconnaissance. C’est une émergence, une mise en relief, d’une seule syllabe parmi toutes les syllabes qui constituent une unité accentuelle, c’est-à-dire une unité rythmique. Dans la plupart des langues, en gros, cette unité est identifiée comme un «mot». Henry Sweet (1876: 479) a proposé la définition suivante du mot: «Le mot, phonétiquement parlant, est un groupe accentuel.» Il semble que ce simple constat affirme le mieux le propos que nous essayons de donner ici: il privilégie l’oral en annonçant les conséquences systé- miques qui résultent de l’usage parlé. On prendra un exemple en slovène: (7) On nikakor nebi hotel z mano. (8) On nikakor ne bi hotel z mano. In res noče. La différence formelle entre ces deux énoncés, on le voit bien, demeure dans leur nature orthographique. Tout le monde le sait; les questions du bon usage orthographique, sur- gissent souvent à l’école, et parmi elles le problème de l’écriture séparée ou conjointe. La règle normative prescrit dans le cas cité l’écriture séparée, en deux mots, comme elle est réalisée dans l’exemple (8). Mais tout locuteur possède l’expérience de l’«erreur», de cette faute orthographique typique qui est celle d’écrire cette sorte de cas «ensemble», en un seul mot. Cet exemple suggère une certaine inconsistence ou arbitraire de la pres- cription orthographique: la séquence ne bi ne contient en slovène qu’un seul accent, sur la première syllabe – et elle est censée être écrite séparément, en deux mots (au contraire du groupe prépositionnel zame). En revanche, la réglementation orthographique avait depuis longtemps accepté la graphie noče, nima, etc., cas exactement analogue de points de vues accentuel et morphosyntaxique, provenant formellement de deux mots distincts, la particule négative ne et forme verbale (ho)če. Il est possible de prévoir, dans un futur indéterminé, que la norme orthographique, par analogie avec nima, noče, acceptera nebi comme un mot unique. 9 CONCLUSION Quant aux critères de description grammaticale, la notion de mot ouvre la question de délimitation entre l’analyse morphologique et syntaxique des structures linguistiques. 17Primož Vitez: LA NOTION DE «MOT» EN MARGE DE L’ANALYSE LINGUISTIQUE Même si ces critères semblent moins obscurcissants à l’écrit, il est dans la nature de l’orthographe d’hésiter parfois à déterminer l’extension du mot comme unité graphique. A long terme, c’est l’usage qui provoque des changements dans les prescriptions systé- miques. La supposition sémantique avançant que le mot – en tant qu’unité de signification autonome – se réfère à un segment particulier de la réalité extralinguistique n’est guère plus précis: le cas des noms composés (porte-monnaie, quatre-vingt-dix, grand-père etc.) problématise ces unités sémantiques en hésitant de décider si leur structure consiste en un mot ou deux. La réflexion du mot pose très concrètement la question du rapport entre la langue et son usage. Il semble que, pour définir le mot, il faut nécessairement prendre en compte la manifestation orale de l’usage linguistique et privilégier l’analyse de l’accentuation; et dire probablement que le mot est une unité accentuelle. La structure acoustique (prosodique) des messages linguistiques est ce qui permet aux locuteurs de s’orienter dans les réseaux des significations et du sens dans l’énonciation et dans les énoncés. Parmi les éléments inhérents à l’expression linguistique, l’accent est celui qui crée la base pour cette intuition par laquelle le locuteur reconnaît sans effort le mot comme porteur autonome de valeur sémantique. BIBLIOGRAPHIE ARNAULD, Antoine/Claude LANCELOT (1997) Grammaire générale et raisonnée. Paris: Allia; première édition: 1660. CREISSELS, Denis (1995) Eléments de syntaxe générale. Paris: Presses Universitaires de France. DUCROT, Oswald/Jean-Marie SCHAEFFER (1995) Nouveau dictionnaire encyclopé- dique des sciences du langage, Points. Paris: Seuil. ERDELJAC, Vlasta (1997) Prepoznavanje riječi. Zagreb: SOL – Ibis grafika. GADAMER, Hans Georg (1967) Kleine Schriften. Tübingen: Mohr. LACAN, Jacques (1966) Ecrits I. Paris: Seuil. LYONS, John (1970) Linguistique générale. Introduction à la linguistique théorique. Paris: Larousse. MARTINET, André (1989) Que faire du «mot»? in: Fonction et dynamique des langues, Paris: Armand Colin, 128-135. REVOL, Thierry (2005) Introduction à l’ancien français, Paris: Armand Colin. SAUSSURE, Ferdinand de (1916) Cours de linguistique générale, Paris: Payot. SOUTET, Olivier (2005) Linguistique, Quadrige. Paris: P.U.F. SWEET, H. (1876) Words, logic and grammar, Transactions of the Philological Society, 1875-1876, str. 470-483. VENDRYES, Joseph (1950) Le langage. Introduction linguistique à l’histoire. Paris: Al- bin Michel. 18 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE/JOURNAL FOR FOREIGN LANGUAGES POVZETEK »BESEDA« KOT ROBNI POJEM JEZIKOSLOVNE ANALIZE Članek analizira opisni potencial metajezikovnega pojma »beseda«. Ta pojem je po svoji posplo- šeni rabi predvsem predteoretičen koncept, ker ga brez terminoloških ambicij vsak govorec prosto uporablja v raznih variantah njegove izrazite polisemije. Ob upoštevanju meril slovničnega opiso- vanja koncept besede najprej odpira vprašanje razmejitve med oblikoslovno in skladenjsko analizo jezikovnih struktur. Zdi se, da je beseda v pisni obliki z vidika opredelitve razvidnejša, ker je rela- tivno lahko vizualno razločiti kontinuirano serijo grafemov, zamejeno z dvema presledkoma. Tudi če se oblikoskladenjska merila v pisni obliki jezikovnega izraza zdijo manj nejasna, je v naravi pravopisa, da včasih omahuje pri določanju razsežnosti besede kot grafične enote. Dolgoročno gle- dano jezikovna raba povzroča spremembe, ki jih v nadaljnjem razvoju struktur sistemski predpisi potrdijo ali pa jih zavrnejo. Tudi semantična domneva, da se beseda – kot neodvisna pomenska enota – nanaša na točno določen segment zunajjezikovne realnosti, ne zagotavlja dovolj natančne opredelitve: primer sestavljenih francoskih samostalnikov (porte-manteau, quatre-vingt, grand- mère, itd.) te pomenske enote problematizira tako, da mora opazovalec s pomočjo pomenske ali formalne razčlembe utemeljiti, ali je njihova zgradba sestavljena iz ene besede ali iz dveh. Aanaliza besede zelo konkretno odpira vprašanje razmerja med jezikom in njegovo rabo. Zdi se, da je za opredelitev besede nujno upoštevati ustne manifestacije jezikovne rabe in posvetiti potrebno pozornost vlogi naglaševanja. Tudi če delitev na naglasne enote ne vpliva na leksemsko enoto, kar se največkrat dogaja v jezikih z nefiksnim naglasom, je beseda (ali vsaj fonetična bese- da) pomenska enota, katere razsežnost prepoznavamo predvsem zaradi naglasa oziroma naglasne- ga mesta. Besedo je torej mogoče opredeliti tudi kot naglasno enoto. Ključne besede: beseda, govor, naglaševanje, enota jezikoslovne analize, oblikoskladnja ABSTRACT THE CONCEPT OF “WORD” ON THE MARGIN OF LINGUISTIC ANALYSIS The article aims to examine the analytical potential of the metalinguistic concept of the “word”. It is at the same time an important pre-theoretical concept since any language user is free to exploit it in any of its numerous variants in polysemic dimensions. Considering the criteria of grammatical description, this concept first opens the question of delimitation between the morphological and syntactic analysis of linguistic structures. In writing, the problem of definition seems less complex because it is relatively easy to discern a continued series of graphic signs (i.e. letters) between two blanks. Even if the morphosyntactical criteria seem less obscure in writing, it is in the nature of orthography to sometimes hesitate to determine the extension of the word as a graphical unit. In 19Primož Vitez: LA NOTION DE «MOT» EN MARGE DE L’ANALYSE LINGUISTIQUE the long term, linguistic practice causes changes that later systemic prescriptions choose or refuse to adopt. The semantic supposition that the word – as an autonomous unit of meaning – refers to a particular segment of extralinguistic reality is hardly more precise: the case of compound French nouns (porte-manteau, quatre-vingts, grand-mère etc.) problematizes these semantic units, mak- ing it hard to decide whether their structure consists of one word or two. Reflecting on the word very concretely raises the question of the relationship between lan- guage and its use. It seem that, to define the word, it is imperative to take into account the oral manifestations of linguistic use and therefore privilege the analysis of accentuation. Even if the division into accent segments does not affect the lexemic unit, which is most often the case in lan- guages with non-fixed accents, the word (or at least the phonetic word) is a unit of meaning that the accent allows us to recognize. The word is therefore also definable as an accentual unit. Keywords: word, orality, accent, linguistic analysis unit, morphosyntax RÉSUMÉ LA NOTION DE «MOT» EN MARGE DE L’ANALYSE LINGUISTIQUE L’article se propose d’examiner le potentiel descriptif de la notion métalinguistique de «mot». Considérant les critères grammaticaux, la notion de mot ouvre d’abord la question de délimita- tion entre l’analyse morphologique et syntaxique des structures linguistiques. Le mot écrit semble présenter moins de complexité définitoire, puisqu’il est apparemment facile de discerner visuelle- ment une suite continue de graphèmes entre deux blancs. Même si les critères morphosyntaxiques semblent moins obscurcissants à l’écrit, il est dans la nature de l’orthographe d’hésiter parfois à dé- terminer l’extension du mot comme unité graphique. A long terme, c’est l’usage qui provoque des changements que les prescriptions systémiques choisissent ou refusent d’adopter. La supposition sémantique avançant que le mot – en tant qu’unité de signification autonome – se réfère à un seg- ment particulier de la réalité extralinguistique n’est guère plus précise: le cas des noms composés (porte-manteau, quatre-vingts, grand-mère etc.) problématise ces unités sémantiques de façon à ce que l’observateur doit argumenter si leur structure consiste en un mot ou deux. La réflexion du mot pose très concrètement la question du rapport entre la langue et son usage. Il semble que, pour définir le mot, il faut impérativement prendre en compte les manifesta- tions orales de l’usage linguistique et privilégier l’analyse de l’accentuation. Même si le découpage en segments accentuels n’affecte pas l’unité lexémique, ce qui d’ailleurs est le plus souvent le cas des langues à accent non-fixe, le mot (ou du moins le mot phonétique) est une unité de sens que l’accent permet de reconnaître. Le mot est donc aussi définissable comme une unité accentuelle. Mots-clés: mot, oralité, accentuation, unité d’analyse linguistique, morphosyntaxe