Marie-Claude DELMAS* * Conservateur general aux Archives nationales de France. Archives nationales. Departement de la conservation, 60 rue des Francs-Bourgeois. F75141 Paris-cedex03. marie-claude.delmas@culture.gouv.fr L'acces aux archives en France: une nouvelle loi en 2008 et de nouvelles questions DELMAS, Marie-Claude, Access to Archives in France: the Provisions of the New Law of July 15th, 2008. Atlanti, Vol. 20, Trieste 2010, pp. 187-196. Original in French, abstract in English, Italian and Slovenian, summary in English The recent law on archives of July 15th, 2008 answers five big objectives: adapt the law applicable to the public archives, facilitate the access to these archives, give a legal status to the archives of the political authorities, improve the protection of the classified private archives and strengthen the protection of archives by means of an adjustment of the penalties. It also has for ambition to contribute to the modernisation and the management of archives by taking into account some evolution of the administrative practices. The general closure period of protected archives is shortened in 25 years and 50 years after the close of the file or in 75 years and 100 years after the birth of the individual. Private companies can manage the intermediate paper archives and assure the long-lasting preservation of the electronic archives according to a strict regulatory framework. A first evaluation of the application of the law shows new questions, but the most worrisome are the one of the border between the access to archives and re-use of the public data for commercial purposes. DELMAS, Marie-Claude, Accesso agli archivi in Francia: le disposizioni della nuova Legge del 15 luglio 2008. Atlanti, Vol. 20, Trieste 2010, pp. 187-196. La recente Legge sugli archivi del 15 luglio 2008 risponde a cinque maggiori obiettivi: adattare la legge applicabile ai pubblici ar-chivi, facilitare l'accesso a questi archivi, dare uno status legale agli archivi delle autorita politiche, migliorare laprotezione degli archivi classificati come privati e rafforzare la protezione degli archivi per mezzo di un aggiu-stamento delle sanzioni. Ha inoltre l'ambizione di contribuire alla modernizza-zione ed alla gestione degli archivi con il L'adoption d'une nouvelle loi sur les archives le 15 juillet 2008 temoigne de l'aspiration a un acces plus rapide et plus facile aux sources de la memoire collective. En France, toutes les archives pu-bliques (administrations centrales y compris la Defense et les Affaires etrangeres, administrations locales et organismes publics ou exer^ant une mission de service public) sont soumises a la meme loi. Quant a la definition des archives, elle est tres large car elle designe tous les documents, quels que soient leur date, leur forme, leur support materiel ou leur lieu de conservation, produits ou re^us par tout service ou organisme public dans l'exercice de son activite. Depuis la Revolution fran^aise, est affirme le droit democrati-que de tout citoyen (etendu aux etrangers) a consulter librement et gratuitement les archives sur place. Mais ce droit est limite par d'au-tres droits democratiques: secret des deliberations gouvernementales, secret de la defense nationale, secret industriel, respect de la vie pri-vee des individus, etc. La loi du 15 juillet 2008 repond a cinq grands objectifs: adapter le droit applicable aux archives publiques, faciliter l'acces a ces archives, donner un statut juridique aux archives des autorites politi-ques, ameliorer la protection des archives privees classees et renforcer la protection des archives au moyen d'un reajustement des sanctions penales. Elle a egalement pour ambition de contribuer a la modernisation et la gestion des archives en tenant compte de l'evolution des pratiques administratives. Les principales dispositions d'acces aux archives, la modernisation de la gestion ont fait evoluer les pratiques, mais aussi posent des questions nouvelles, comme la reutilisation des donnees publiques, qui depassent le monde des archives pour toucher l'ensemble de la societe, cette modernisation etant indispensable a la societe de l'in-formation et de la connaissance dans laquelle nous vivons. I. Acces aux archives: une ouverture plus large Les historiens contemporains, malgre la possibilite qui leur etait offerte depuis trente ans d'obtenir des derogations, reclamaient des delais d'acces plus courts pour ces archives protegees. En effet, un acces plus rapide et plus facile a la memoire collective et aux sources devait leur permettre de comprendre les evenements contemporains, gage du caractere scientifique de leurs travaux. La nouvelle loi du 15 juillet 2008 confirme le principe fondamental de libre communicabilite des archives publiques redige ainsi: "Les archives publiques sont communicables de plein droit" et sim-plifie la redaction de la loi precedente "les documents dont la communication etait libre avant leur versement aux archives publiques continueront d'etre communiques sans restriction d'aucune sorte". Du point de vue des modalites d'acces, la communication des archives suit les possibilites techniques du service d'archives qui les conserve: • la communication se fait sur place gratuitement si l'etat materiel du document le permet, • si la copie ne nuit pas a la conservation du document, celle-ci doit etre faite sur un support identique et aux frais du demandeur au tarif fixe par un arrete du Premier ministre. • si le document est disponible sous forme electronique, il doit etre envoye sans frais par courrier electronique, que les archives soient nativement dematerialisees ou qu'elles so-ient numerisees. Les cas derogatoires a la communicabilite de plein droit Comme dans la loi de 1979 sur les archives, des delais d'acces limitent la communicabilite de plein droit afin de realiser un equili-bre entre, d'une part, les besoins exprimes par les chercheurs et le grand public et, de l'autre, la protection des interets relatifs a la vie privee des personnes et a la surete de l'Etat. Ces delais d'acces s'echelonnent de vingt-cinq ans a cent ans. 25 ans ä compter de la date du document ou du document le plus recent inclus dans le dossier pour: • les deliberations du gouvernement et des autorites respon-sables relevant du pouvoir executif, • la conduite des relations exterieures, • la monnaie, le credit public, le secret en matiere commer-ciale et industrielle et de statistiques, la recherche des infractions fiscales et douanieres, • les actes des assemblees parlementaires, de la Cour des com-ptes, des juridictions administratives... La plupart de ces interets etaient proteges 30 ans dans la loi de 1979 sauf le secret en matiere de statistiques qui l'etait 100 ans. To-utefois si les donnees collectees l'ont ete au moyen de questionnaires ayant trait aux faits et comportements d'ordre prive, ils sont proteges 75 ans. 25 ans apres le deces de I'interesse pour le secret medical. Si la date du deces n'est pas connue, la levee du secret medical est portee a 120 ans apres la naissance de l'interesse. 50 ans ä compter de la date du document ou du document le plus recent inclus dans le dossier pour: • les documents risquant de porter atteinte a l'exercice des activites regaliennes de l'Etat : secret de la defense nationale, surete de l'Etat, securite publique, interets fondamen-taux de l'Etat dans la conduite de la politique exterieure, prendere in considerazione alcune evoluzioni delle pratiche amministrative. Il periodo di generale chiusura degli archivi protetti viene accorciato a 25 anni o 50 dopo la chiusura del fascicolo, ovvero a 75 o 100 anni dopo la na-scita delsingolo. Le compagnieprivatepossono gestire i documenti intermedi ed assicurare una conservazione di lungo termine degli ar-chivi elettronici in accordo ad uno stretto rego-lamento. Una prima valutazione dell'applica-zione della legge rivela nuove questioni, ma le piu preoccupanti sono quelle a cavallo dell'ac-cesso agli archivi e del riutilizzo dei dati pub-blici a fini commerciali. DELMAS, Marie-Claude, Dostop do arhivskega gradiva v Franciji po zakonodaji z dne 15. julija 2008. Atlanti, Zv. 20, Trst 2010, str. 187-196. Nova zakonodaja z dne 15. julija 2008 rešuje naslednjih pet največjih vprašanj in problemov, ki se nanašajo na arhivistiko: prilagajanje in apliciranje pravnih določil, ki so namenjeni za javne arhive, olajšanje in pospešitev dostopa do arhivskega gradiva, dajanje zakonodajne vloge za arhive preko politike, izboljšanje zaščite in klasificiranje dokumentacije v privatnih (zasebnih) arhivih, in povečanje zaščite arhivov v smislu urejanja kaznivosti. Zakonodaja ureja tudi modernizacijo in upravljanje z arhivskimi dokumenti spomočjo razvoja administrativnih izkušenj v preteklosti. Dostop do arhivskih dokumentov seje skrčil z nekdanjih 75 in 100 let na 25 in 50 let po rojstvu posamezne osebe. Zasebna podjetja lahko upravljajo posredno z dokumentacijo in si zagotavljajo dolgodobno zaščito elektronskih arhivov. Prva ocena nove zakonodaje in njene aplikacije odpira zato nova vprašanja, najtežje pa je seveda postavljati dostop do arhivskih dokumentov in do uporabnikov, kadar imajo ti pretežno komercialni namen. SUMMARY It would be highlighted that in France all the public archives (the Central Administrations, including the Defence and the Foreign Affairs, the local administrations and the public bodies) are subjected to the one and same law. In 1789, at the very beginning of the French Revolution, every citizen was given the right to consult national archives on the spot. The law and the regulations which ensue from it, while confirming the democratic right of every citizen - widened in 1979 to any foreigner - to consult freely and free of charge the archives, also respect other rights as the secret of the decisions of Government, the secret of the national defence, the protection of the rights and private life of the individuals: that restricts the opening of these categories of protected archives. The recent law on archives of July 15th, 2008 answers five big objectives: adapt the law applicable to the public archives, facilitate the access to these archives, give a legal status to the archives of the political authorities, improve the protection of the classified private archives and strengthen the protection of archives by means of an adjustment of the penalties. It also has for ambition to contribute to the modernisation and the management of archives by taking into account some evolution of the administrative practices. The general closure period of protected archives is shortened in 25 years and 50 years after the close of the file or in 75 years and 100 years after the birth of the individual. Private companies can manage the intermediate paper archives and assure the long-lasting preservation of the electronic archives according to a strict regulatory framework. Next to the successive laws on archives (1794, 1979), other laws insure the administrative transparency: Data protection acts (1978), Freedom of access to the administrative documents and the re-use of the public information of July (1978 completed in 2005). A first evaluation of the application of the laws shows new questions, but the most worrisome are the one of the border between the access to archives and re-use of the public data for commercial purposes. It constitutes a danger for the respect for the personal freedoms of the democratic countries. • les documents dont la communication porterait atteinte a la protection de la vie privee (jugement de valeur qui pourrait porter prejudice a un individu), • l'equipement, le fonctionnement des batiments penitentia-ires apres leur desaffection. La plupart de ces documents etaient proteges pendant 60 ans par la loi de 1979. 75 ans ä compter de la date du document ou du document le plus recent inclus dans le dossier, ou 25 ans ä compter du deces de l'interesse si ce dernier est plus bref, pour: • les enquetes realisees par les services de police judiciaire, • les affaires portees devant les juridictions et l'execution des decisions de justice, • les minutes et repertoires des officiers publics et ministeriels (notaires, huissiers, commissaires priseurs), • les registres de naissance et de mariage de l'etat civil a compter de leur cloture, • les donnees statistiques collectees au moyen de questionnaires ayant trait aux faits et comportements d'ordre prive. Ce sont des documents qui, dans la loi de 1979, etaient com-municables cent ans apres leur date. La notion d'interesse etait donnee dans la loi de 1979 par rapport aux tiers. La determination de l'interesse est plus floue dans cette loi; une circulaire du 23 juillet 2010 en eclaircit le sens. 100 ans apres la date du document ou du document le plus recent inclus dans le dossier pour: • les documents qui concernent une personne mineure, ce qui porte tous les delais precedents a 100 ans si un mineur est implique, a quelque titre que ce soit, • les dossiers qui porteraient atteinte a l'intimite de la vie sexuelle des personnes, que ces personnes soient mineures ou non au moment des faits, • les dossiers des personnels des services secrets. Les recours des demandeurs Comme dans la loi precedente, l'administration detentrice des archives doit motiver tout refus qu'elle oppose a une demande de communication. L'autorisation de consulter des documents avant le terme des delais est possible grace a l'obtention d'une derogation donnee intuitu personae par l'administration des archives (Service interministeriel des archives du ministere de la Culture, Direction des archives diplo-matiques du ministere des Affaires etrangeres et Service historique de la Defense) apres accord de l'autorite dont emanent les documents a condition que "l'interet qui s'attache a la consultation de ces documents ne condui[se] pas a porter une atteinte excessive aux interets que la loi a pretendu proteger". Seuls les minutes et repertoires des notaires echappent a cette possibilite de derogation ou leur acces reste regi par la loi du 25 ven-tose an XI. En cas de refus de l'administration, les particuliers ont la pos-sibilite de saisir la Commission d'acces aux documents administrati-fs, autorite administrative independante creee en 1978, pour les aider a obtenir les documents qu'ils demandent a l'administration et donner aux administrations es moyens de mieux repondre. Elle inter-vient pour tous les documents detenus par un service de l'Etat, une collectivite territoriale, un etablissement public ou un organisme charge de la gestion d'un service public, que cet organisme soit public ou prive. Son role est consultatif et gratuit. II. La modernisation de la gestion des archives Archives des presidents de la Republique et des ministres Un des objectifs de la nouvelle loi etait de donner un statut juridique aux archives des autorites politiques. Depuis une trentaine d'annees, l'administration des Archives avait developpe de fa^on pragmatique un regime de protocoles reservant sur la base des delais legaux de communicabilite, un droit de regard sur la communication de ces dossiers aux presidents de la Republique, Premiers ministres, ministres et leurs conseillers ainsi qu'aux mandataires qu'ils pouva-ient designer. C'est grace a cette pratique que ces archives, si interessantes pour l'histoire contemporaine, ont pu etre collectees. La loi de 2008 affirme le caractere public de ces archives; elle donne un fondement juridique aux protocoles, donne le droit de regard au signataire mais supprime les mandataires. Elle ouvre les archives de ces autorites politiques quand les delais legaux de commu-nicabilite sont atteints. Pour les protocoles anterieurs a la loi, leurs dispositions cessent d'etre applicables 25 ans apres le deces du signataire. Externalisation des archives courantes et intermediaires des services publics Depuis quelques annees, les administrations confrontees a la masse des archives courantes et intermediaires et l'impossibilite des services d'archives publics de recevoir des versements d'archives qui seraient eliminees a terme, les confiaient a des societes prestataires privees. Meme si les conditions de communication etaient relative-ment bien encadrees, les conditions de conservation laissaient parfois a desirer et des fonds d'archives ont malheureusement ete detruits lors de catastrophes (incendies, inondations). Quant aux archives electroniques, les contraintes techniques induites par leur developpe-ment necessitent cette evolution de la legislation afin de permettre leur conservation perenne. La loi de 2008 donne la possibilite, sous certaines conditions et avec un encadrement strict, de confier a des prestataires prives la conservation d'archives publiques. Les modalites de l'agrement des so-cietes prestataires sont tres contraignantes. Les locaux, le materiel, le personnel doivent repondre a des normes. Les societes sont soumises au controle scientifique et technique de l'administration des archives qui verifie le respect de la legislation en vigueur et des normes de conservation materielle. Conservation mutualisee des archives par les groupements de collectivites Les nombreuses modifications des regimes juridiques des collectivites territoriales, des groupements, de I'intercommunicabilite ont conduit a autoriser la mutualisation des moyens consacres a la gestion des archives, les directeurs d'archives departementales exer^ant le controle scientifique et technique. La protection des archives privees et la lutte contre les actes de malveillance Dans le domaine des archives privees, la loi ameliore la protection des archives privees classees, dont le regime est desormais aligne sur celui des objets classes, elle prevoit un systeme de preemption prealable a la vente gre a gre ainsi que la possibilite, pour la puissance publique, de preempter des archives privees qui seraient mises en vente hors d'une vente publique, comme pour es reuvres d'art. La loi a permis d'adopter toute une serie de mesures destinees a renforcer la repression des atteintes portees aux biens culturels, la lutte contre le trafic illicite des biens culturels en aggravant les sanctions penales a l'encontre de la destruction illegale, du detourne-ment ou de la soustraction d'archives. Enfin outre les sanctions penales, une peine administrative permet d'exclure des salles de consultation, les auteurs de vols et de degradations d'archives publiques. III. Les difficultes d'application de la loi sur les archives de 2008 Des questions juridiques ont ete soulevees par les termes de la loi du 15 juillet et immediatement applicable des sa promulgation le 16 juillet. En general, les lois sont completees par des decrets d'application publies quelques mois plus tard lorsque les dispositions ont ete testees et ont permis de prevoir leur application pratique. Les archivistes fran^ais ont donc ete confrontes journellement a des questions d'interpretation juridique ou pratique qu'ils ont sou-mises au fur et a mesure aux Archives de France ; ils les ont largement fait connaitre a leurs collegues par le biais des forums internes des Archives de France et de l'Association des archivistes fran^ais. Les circulaires d'interpretation Grace a l'organisation en reseau des services d'archives publics, les Archives en France, qui disposent d'une vue globale des proble-mes rencontres, peuvent instruire et traiter les problemes, s'adresser aux divers services juridiques et au Conseil d'Etat. Les resultats de ces analyses et etudes juridiques sont ensuite diffuses par l'envoi de circulaires explicatives, ce qui assure l'application de la meme fa^on sur tout le territoire national de la legislation et de la reglementation ar-chivistiques. Au terme de deux ans d'instruction, on peut citer: • Nouvelles dispositions en matiere de versement et communication des archives notariales (minutes et repertoires), 16 decembre 2009. • Procedure d'acces par derogation a I'etat civil de moins de 75 ans (naissances, mariages) pour les genealogistes profes-sionnels, successoraux et familiaux, 5 juillet 2010. • Archives judiciaires: notion d'winteresse» dans les affaires portees devant les juridictions, 23 juillet 2010. • Delai de communicabilite applicable aux expertises medi-co-legales, 23 juillet 2010. • Acces aux origines personnelles: communicabilite des dossiers de pupille pour lesquels le secret de l'identite du parent biologique a ete explicitement oppose, 27 jui let 2010. • Derogation aux regles de communicabilite des archives publiques: regles generales et procedure, 27 juillet 2010. La mise a disposition d'instruments de recherche Le raccourcissement des delais ouvre a la consultation de nom-breuses archives dont il faut assurer le classement, rediger des instruments de recherche. Or aucun moyen nouveau n'a ete donne aux services d'archives publics, en particulier en terme de personnel. Alors que la loi exigeait l'augmentation des archivistes, le remplace-ment d'un fonctionnaire sur deux est la regle dans la fonction publi-que. Certains services d'archives font appel a des societes prestatai-res, dont le personnel a re^u une formation adaptee, pour les aider, notamment par le biais de la preparation des documents a numeriser ou microfilmer. Cela depend naturellement des possibilites financie-res des services d'archives. Cependant, les fonds concernes sont ceux qui sont le plus souvent consultes et font partie des programmes de numerisation incites par le plan de developpement de l'economie numerique de 2008 et des credits du "grand emprunt". Le classe-ment des autres fonds sont rarement confies a des archivistes presta-taires. L'afflux des versements Les administrations ont l'habitude de verser leurs archives avant la date de communication des dossiers. En effet la loi sur les archives s'applique quel que soit leur lieu de conservation. Or les administrations et les notaires ne disposent pas de locaux adaptes ni de personnel qui peuvent offrir les conditions de securite necessaires a la consultation des archives. De nombreuses administrations et, surtout les notaires, demandent donc a verser les archives dont les delais d'acces ont ete raccourcis. Les services d'archives, n'ayant pas ete dotes de personnel sup-plementaire ni de locaux pour assurer l'afflux de versements, sont confrontes a des problemes pratiques qu'il ne faut pas passer sous silence et qui dureront encore pendant quelques annees. Les communications par extraits Une autre preoccupation est la communication des archives nouvellement ouvertes au public. Les anciennes lois donnaient com-me date de communication la date de cloture d'un dossier ou d'un registre ; les instruments de recherche indiquent les dates extremes du dossier ou la date de naissance de l'interesse, ce qui permettait de trouver aisement les dates de communicabilite des archives et de les faire transporter par les magasiniers dans les salles de lecture. Dans la nouvelle loi, il s'agit de la date du document et non des dates extremes du dossier. L'archiviste est donc contraint d'ouvrir les dossiers, de chercher le document demande, de verifier qu'aucun interesse n'est mineur, et de le communiquer au demandeur. Ces communications dites "par extrait", autrefois moins frequentes, exigent des recherches et manipulations, parfois longues, et ne peuvent etre faites que par des archivistes. La communication par copies La loi stipule que, sous reserve que le document d'archives pu-bliques ait ete clairement identifie par le demandeur, que son conte-nu soit communicable sans restriction et que son etat materiel en permette la prise de copie par un procede technique, le demandeur peut exiger la reproduction de ce document. La loi sur les archives de 1979 donnait deja cette possibilite, mais les tarifs etaient etablis, selon des criteres financiers de fonction-nement des services d'archives, par le ministere de la Culture pour les Archives nationales ou par les conseils generaux, municipaux ou re-gionaux pour les archives departementales, communales ou regionales. Mais depuis 2008, le tarif est le meme dans tous les services d'archives et ne tient pas compte des travaux archivistiques ni des frais d'investissement ou de fonctionnement. Il est fixe par un arrete du Premier ministre "Pour le calcul de ces frais sont pris en compte, a l'exclusion des charges de personnel resultant du temps consacre a la recherche, a la reproduction et a l'envoi du document, le cout du support fourni au demandeur, le cout d'amortissement et de fon-ctionnement du materiel utilise pour la reproduction du document ainsi que le cout d'affranchissement selon les modalites d'envoi postal choisies par le demandeur". Ainsi, le prix de l'image produite est au plafond de 18 centimes d'euro. IV. La necessaire harmonisation des dispositions des lois assurant la transparence administrative Deux autres lois concernent aussi l'acces aux archives: la loi du 6 janvier 1978 sur l'informatique et les libertes qui garantit que l'in-formatique protege l'identite humaine, les droits de l'homme, la vie privee et les libertes; la loi du 17 juillet 1978 sur le droit d'acces aux documents administratifs et la reutilisation des donnees publiques qui permet aux particuliers d'obtenir des documents administratifs et donne aux administrations les moyens de mieux y repondre. La loi de 2008 a voulu assurer une meilleure coherence entre ces trois lois dites de transparence administrative et d'acces aux citoyens a la documentation publique, un document d'archives est main-tenant assimile a un document administratif ordinaire. Ce qui a pour consequence l'application aux archives de la directive europeenne sur la reutilisation des informations. Un probleme nouveau se pose. L'ordonnance 2005-650 du 6 juin 2005 sur la reutilisation des informations du secteur public La directive 2003/98/CE du Parlement europeen et du Con-seil du 17 novembre 2003 sur la reutilisation des informations du secteur public (en anglais, Public Sector Information directive) fixe un ensembe minimal de regles concernant la reutilisation et les moyens pratiques destines a faciliter la reutilisation de documents existants detenus par des organismes des Etats membres de l'Union europeen-ne. La directive introduit une definition generique du terme «document»: toute representation d'actes, de faits ou d'informations - et toute compilation de ces actes, faits ou informations - quel que soit leur support (ecrit sur papier ou stocke sous forme electronique ou enregistrement sonore, visuel ou audiovisuel), detenue par des orga-nismes du secteur public. Cette directive ne s'applique pas, entre autres, aux documents qui, conformement aux reges d'acces en vigueur dans les Etats membres, ne sont pas accessibles (protection de la surete de l'Etat, de defense ou de securite publique, confidentialite des donnees statistiques ou des informations commerciales) ainsi qu'aux documents detenus par des etablissements d'enseignement et de recherche ou des etablissements culturels, y sont notamment citees les Archives. La directive s'appuie sur les regles d'acces en vigueur dans les Etats membres et ne les affecte en rien. Cette directive a ete transposee completement en droit fran^ais par l'ordonnance 2005-650 du 6 juin 2005 et le decret n. 2005-1755 du 30 decembre 2005 relative a la liberte d'acces aux documents administratifs et a la reutilisation des informations publiques, pris pour l'application de la loi n. 1978-753 du 17 juillet 1978. Or, la France ne distingue pas le domaine culturel, en particu-lier celui des Archives. Par consequent la loi du 17 juillet 1978, qui avait ete creee afin de permettre au citoyen l'acces aux documents administratifs, dans un reel souci democratique de transparence, se voit adjoindre en 2005 un chapitre II concernant la "reutiisation des donnees publiques", definie comme toute utilisation "a d'autres fins que celle de la mission de service public en vue de laquelle les documents ont ete elabores ou sont detenus". La loi autorise desormais toute forme de reutilisation, y compris a des fins commerciales, des documents sans distinguer les documents d'archives tels qu'ils sont definis par la loi sur les archives. Les consequences de cette disposition pour les libertes individuelles Les services publics d'archives fran^ais, qui ont pour mission de collecter les archives aupres des administrations, de les inventorier et de les restituer au citoyen dans un cadre legal, communiquent gratuitement, sur place et sur leurs sites Internet, des archives numerisees interessant la genealogie issues de massives campagnes de numerisation. Il s'agit d'images fixes, non indexees, selon les recom-mandations de la Commission nationale Informatique et Libertes, qui permettent la consultation et la recherche mais ne permettent pas le croisement des donnees. En application des dispositions de la loi de 2008, tous les documents numerises des services d'archives publics doivent etre transmis gratuitement ou a prix coutant (18 centimes d'euro l'image) a ceux qui en font la demande. Des operateurs prives s'appuient sur cette ordonnance pour reclamer au titre du droit d'acces aux documents administratifs la copie gratuite des vues numeriques des donnees nominatives des archives afin de les diffuser commercialement au titre de la reutilisation des donnees publiques. En obtenant une licence de reutilisation des donnees publi-ques, les societes commerciales privees peuvent ensuite les mettre sur leurs sites Internet payants. Ces demandes de reutilisation de certai-nes donnees nominatives, certes librement communicables au terme de la loi, font naitre un risque evident d'atteinte aux libertes individuelles. L'evolution des technologies de l'information et de la communication rend aujourd'hui possible des usages non conformes a la volonte du legislateur, en particulier le croisement des informations nominatives qu'on pourra trouver sur tous les sites genealogiques de France et du monde. Actuellement en particulier, une societe fran^ai-se de genealogie genealogie.com met en demeure les services d'archives publics de lui transmettre tous les documents nominatifs numerises. Il semble que Ancestry.com soit interesse. Il s'agit la d'un vrai danger: comment garantir le respect des principes de protection de l'inaividu attaches au droit fran^ais si des milliards de donnees publiques nominatives, croisees, interconnec-tees et indexees sont diffusees sur Internet? Comment les archivistes pourraient-ils faire abstraction des dangers de telles pratiques alors qu'ils en sont conscients et sont les premiers, astreints au secret professionnel, a connaitre les donnees sensibles protegees par la loi. Mobilisee par l'enjeu ethique de ces demandes, l'Association des archivistes fran^ais a saisi le ministere de la Culture et de la Communication, la Commission d'acces aux documents administratifs et la Commission nationale Informatique et libertes. "Elle veut voir affirmee la portee de l'exception culturelle au champ des archives publiques et faire prevaloir, au nom de l'interet general, face aux textes encadrant la reutilisation des donnees publi-ques, des limites legitimes a la reutilisation des donnees a caractere personnel, sensibles par leur contenu ou par leur agglomeration. Il en va de l'application d'une politique sur les archives democratique, equitable et coherente a l'echelle du territoire national". La vraie question qui se pose en France, et qui va se poser dans les autres pays democratiques, est celle de la frontiere entre l'acces aux archives encadre par la loi et la reutilisation des donnees publi-ques a des fins commerciales? Textes legislatifs • Loi du 7 messidor an II (25 juin 1794) sur les archives. • Loi n. 78-17 du 6 janvier 1978 relative a l'informatique, aux fichiers et aux libertes. • Loi n. 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amelioration des relations entre l'administration et e public et diverses dispositions d'ordre ad-ministratif, social et fiscal (en particu ier le titre I liberte d'acces aux documents administratifs) modifie en 2005 et la reutilisation des informations publiques. • Loi n. 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives, completes par les decrets du 11 juillet, 13 septembre et 3 decembre 1979, inseree en 2004 dans le code du patrimoine. Ordonnance 2005-650 du 6 juin 2005 relative a la liberte d'acces aux documents administratifs et a la reutilisation des informations publiques (transposition dans le droit fran^ais de la directive 2003/98/CE du Parlement europeen et du Conseil du 17 novembre 2003 sur la reutilisation des informations du secteur public (Public Sector Information directive). Decret n. 2005-1755 du 30decembre 2005 relative a la liberte d'acces aux documents administratifs et a la reutilisation des informations publiques, pris pour l'application de la Loi n. 1978-753 du 17 juillet 1978. Loi n. 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives (consolidee dans le Livre II du code du patrimoine). Ordonnance n. 2009-483 du 29 avril 2009 prise en application de l'article 35 de la loi n. 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives. Bibliographie Bruno Delmas, De nouveaux espacespour la recherche: la nouvelle loi sur les archives, "Histoire et politique, les archives en France: bouleversements et controverses", 2008, n. 5(mai-aout), http://www.histoire-politique.fr/ Pascal Even, Une nouvelle loi pour les archives, "Revue administrative", 2009, n. 369 Marie-Fran^oise Limon-Bonnet, Presentation d^e la loi archives du 15 juill^et 2008, in "CADA, lettre mensuelle d'information", 20 novembre 2008. Gilles Morin, Archives: entre secret et patrimoine, "Histoire et politique, les archives en France: bouleversements et controverses", 2008, n. 5, mai-aout, http:// www.histoire-politique.fr/