ABREGE CHRONOLOGIQUE HISTOIRE DES DÉCOUVERTES Faites par les Européens dans les différentes parties du Monde, Extrait des Relations les plus exafles & des Voyageurs les plus y indiques, Par M. Jean Barrow , Auteur du Dictionnaire Géographique. Traduit de PAnglob par M. Targ& TOME TROISIEM A PARIS, Saillant, rue S. Jean-de-Be; OiezJ Delormel , rue du Foin. Desaint , rue du Foin, Panckoucke , rue de la Comédie Françoifej M. DCC. LXVL Avec Approbation & Privilege du Jlâi, HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE ET DE LA CONQUÊTE DU PÉROU, PAR FRANÇOIS PIZARRE. CHAPITRE PREMIER. Famille de Pizarre : Ses commencements : Il s'élève par fon mérite : Il fert avec fuccès fous Balboa : Il acquiert une fortune aifée ; Il fe joint à Almagro & à de Luqnes pour faire des découvertes : Originel Almagro: Ils équipent un vaiffeau , & fe rendent au port de Fines : Ils ont quelques efcarmouch.es avec les habitants , & entendent parler de grands tréfors : Ils éprouvent des difficultés excefjlves y Tom. EO. A* 2 découvertes Pizarre ^ ^eur ProJa efi prcfque totalement chap. i. détruit : Tous leurs hommes les aban-> donnent à Cexception de quatorze. & woède Plusieurs Auteurs Efpagnols ont PizarTe.k? e allure que François Pizarre, dont la valeur & la perfévérance acquirent à l'Efpagne le Royaume du Pérou, étoit noble de naiiTance : mais plusieurs autres ont écrit avec plus d'apparence de raifon , & fur de plus fortes preuves, qu'il étoit fils illégitime de Gonzalez Pizarre, Officier à Truxillo , ville d'Eitramadure, qui le fit d'abord expoferà la porte d'une Eglife. On découvrit qu'il en étoit le pere, & on l'obligea d'en prendre foin : mais il en remplit les devoirs avec tant d'indilférence qu'il ne lui donna aucune éducation, & l'envoya garder fes pourceaux, emploi dans lequel Pizarre pana la plus grande partie de fa jeunelTe. Guidé par un mouvement de la nature , qui lui fervoit de maître, il méprifa bien-tôt cette vile occupation, peur embralTer un genre de vie plus actif. Il quitta fon troupeau , & s'embarqua fur une flotte chargée pour les Indes occidentales : il s'y fît des "Européens. 3 bien-tôt connoître par fa prudence , p1ZARRE ' par fon exactitude 6c par la vivacité cha^. u de fon efprit, enforte qu'après avoir commencé par les plus bas emplois, il parvint à un pofte plus important ; fer vit avec honneur tant à Saint-Domingue qu'à Cuba ; accompagna Hoyéda au Golphe de Darien , 6c y fut lailTé parce Commandant, pour gouverner en fon abfence la Colonie qu'il y avoit établie. Pizarre fervit enfuite fous Vafcjuez Nunez de Balboa , 6c acquit la réputation d'un Ofncier prudent 6c brave jufqu'à l'intrépidité. Il s'établit à Panama , dans le temps où l'on commencent à bâtir cette ville, 6c comme il avoit déjà fait une fortune alTés con-fidérable, il parut entièrement dif-pofé à mener une vie tranquille 6c commode: mais il en fut bien-tôt arraché par le défir d'acquérir de la gloire , 6c peut-être par celui qui s'y joignit d'augmenter fes richelTes. Au commencement du feizieme 11 fait r0«ié-fiècle, lesPinfons avoient découvei t j?rJv£ JJjJi" le Bréfil fur la côte orientale de l'Ame - "and ^ i-«c-! rique méridionale : mais on n'avoit 'ilK*' encore fait aucunes découvertes dans la partie occidentale , quand Pizarre Ai) ÎJXrre excir^ Par Almagro , avanturier dont chap.i. 'nous aurons occafion de parler plus amplement, fîtfociété avec lui & avec Ferdinand de Lucques, riche Ecolâtre établi à Panama, pour continuer de ce côté les découvertes commencées par Nunez de Balboa. Pizarre & Diego de Almagro rér folurenr de mettre à la voile pour cette expédition dans des vaiiTeaux armés à leurs frais : ils convinrent que s'ils faifoient quelques nouvelles découvertes , le premier demeure-roit dans le pays dont on auroit pris pofTeiîion, pendant que le fécond reviendroit à Panama pour y faire des recrues, & pour fe procurer les chofes nécelTaires, & que Ferdinand de Lucques auroit foin de les tenir prêtes le plus promptement qu'il fc-roit poiîible. Ce dernier demeura à Panama, comme agent de leur comt pagnie, étant plus propre à fe charger de ce foin qu'aucun des deux autres, non-feulement comme le plus âgé : mais aulîi comme le plus riche, puifqu'il poifédoit une fomme considérable en argent comptant ; de très gros fonds de terre , & éroit feul propriétaire de l'Ifle de Tabago, dans la baye de Panama. dès Européens. 5_ Diego avoir pris le nom d'Almagro, pI2ARR E t d'une ville clans la province de Cal- Chip. 1. tille en Efpagne, oii il avoit ete trou-vé dans les rues , étant encore éhM'Almagro. tant, enforte qu'on n'a jamais lii de qui il tiroit fa naiiïance : fon éducation avoit été des plus médiocres : il ne devoit fa fortune qu'à fon efprit naturel qui paroilToit fait pour les plus grandes entreprifes. Le plus grand nombre des hommes dont les vues étroites & relTerrées ne peuvent atteindre à fe former une juite idée de ce qui anime à la gloire les ames élevées , regardèrent les projets de ces trois alîbciés comme romanefques & impollibles, &: ju-gerent qu'ilsles conduiroient immanquablement à leur ruine. Supérieurs à toutes les idées tei^gg*? toutes les opinions vulgaires , ndSparicfcrment avanturiers perfifterent dans leur def-J^1"*lcIcuï" fein, établirent pour fondement de leur fociété de ne fe jamais abandonner réciproquement : fe promirent qu'aucun danger ni aucun ob-ftacle ne les détourneroit de cette entreprife, & convinrent de partager également fans aucune réferve toutes lesrichefiesqu'ils pourroient gagner, 6 découvertes Pizarre déduclion faite des droits de l'Empe-chap. i. ' reur &c de tous les frais néceffaires. An. 1524. La façon dont ils ratifièrent leurs engagements mutuels fut aulTi folem-nelie que iinguliere. Pizarre & Alma-gro affilièrent publiquement à une Grand'MeiTe, célébrée par Ferdinand de Luques qui étoit Prêtre : il rompit THoftie confacrée en trois parts, en confomma une, & donna les deux autres à fes affociés, comme pour leur marquer qu'ils dévoient pour-fuivre leur projet avec autant d'ardeur que fi leur falut éternel en dé-pendoit. Vues inté- Ils eurent beaucoup de peine à ob-cluîeninr temr Ie confentement de Dom Pedro-àc Manama, de Arias , autrement nommé Perra-rias, Gouverneur de Panama, qui regardoit une telle entreprifeformée par trois particuliers, comme chimérique & vifionaire.. Il avoit lui même été le chef de deux ou trois expéditions qui n'avoient pas réuni, & il ne pouvoir croire que d'autres euf-fent plus de fuccès : Cependant il confentit à celle-ci, en faifant réflexion que s'ils réuiîilToient , fon rang & fon autorité lui procureroient tes moyens, de profiter lui-même du des Européens. 7 fruit de leurs travaux ; 6c que s'ils ne plzARRE réumffoient pas il ne lui en pouvoit chaP. j. furvenir aucun défavantaee, ni au- An. isi+« cune perte. Ces fentiments etoient conformes à fon caraclere orgueilleux, injuite, cruel & d'une avarice exceilive : mais il ne retira aucun profit de leur voyage, 6c ne fut pas même inftruit des commencements malheureux de leur entreprife , parce qu'il fut peu de temps après dépouillé de fon gouvernement. Après avoir ralTemblé tous ceux Eœbarqufe-qui avoient accompagné Balboa dans JJ[J£ de fon expédition, 6c après avoir acheté un vaiffeau neuf, qu'il avoit aulii fait conitruire , Pizarre s'embarqua vers le milieu de Novembre 152.4, avec cent quatorze hommes, y compris les Officiers , ce qui compofoit le plus petit corps qui eut jamais ofé former une auiîi grande entreprife. De Panama il fit voile à rifle des Perles, au milieu de la baye, 011 il prit de l'eau, du bois 6c du foin pour quatre chevaux qu'il avoit à bord ; animaux d'un grand ufage, 6c très rares dans cette partie du monde. Enfuite il fit environ cent lieues au Sud, 6c defcendit au Port de Pines A iv 8 DÉCOUVERTE? Pizarre üans ^ continent: mais les habitants chap. i. ' ayant pris la fuite dans l'intérieur du An. J52j. pays, qui ne paroilToit être que des marais &C des montagnes couvertes de bois fans aucune apparence de proviiions : Pizarre continua à fui-vre la côte. Il lui fut pour lors im-poifible de continuer fa route, parce que la faifon pluvieufe commen-çoit, & que la plupart de fes gens etoient tombés malades de fatigue , & de défaut de bonne nourriture, ce qui l'obligea de renvoyer Ion vaif-feau à l'Ifle des Perles. Almagrole j] fut joint par Almasro, & pcr joint au port . . 1 , 0 1 de i'mts. ioixante hommes de recrues , qui An 1J2J> malgré la mauvaife qualité du climat , & l'air mal fain de ce pays y dépendirent avec lui, & eurent avec les habitants plufieurs rencontres, dans l'une defquelles Almagro perdit un ceil. Ils trouvèrent de l'or pour la valeur environ de quatorze ou quinze mille écus, ce qui ranima leur courage , & ils réfolurent de tout hazar-der pour fuivre leur projet. Ils y furent aufîi encouragés par leur pilote ; pendant leur féjour à terre il avoit été jufqu'au Cap PalTaro, où il avoit fait quelques prifonniers, des Européens. 9 qui lui avoient parlé de façon à le p1ZARR£ " tenter, des richelTes du pays où ils ci.a?. 1. avoient delïein d'aller. Cette defcrip- . j» An. 15Z4. tion ne pouvQit pour lors avoir a autre effet que de leur caufer la foif de Tantale, puifque malgré le peu d'éloignement du lieu de ces tréfors* ils ne pouvoient en approcher, par* ce que leurs provifions etoient épui* fées, qu'ils manquoient d'argent 6c cpie leurs hommes les plus néceiTairés etoient malades : Enfin parce que Pizarre avoit envoyé Almagro à Panama avec l'or qu'ils avoient gagné pour acheter des provifions, & les autres chofes dont ils avoient befoin. Il y fut joint par environ quarante Commence hommes de recrues, & après avoir ^J,^,/'" acheté quelques chevaux, des armes, leur e trefcri-des habits, des fouliers,des provifionsfe' 6c des médicaments, il rejoignit Pizarre , qu'il trouva dans une fâcheu-fe fituation, la plus grande partie de fes gens étant déjà morts ou malades. Ils quittèrent cet endroit mal fain 6c gagnèrent l'Ille de Gallo , où ils demeurèrent environ quinze jours ; 6c s'avancèrent enfuite plus au Sud en f uivant la côte : mais ils trouvèrent que le temps çontinuoit à être & Av Pizarre mauvais , & le pays tellement inon— Chap.i. *dé , que même l'intrépide Pizarre commença à défefpérer du fuccès de An. I5îs» , T leur entrepnle. Les affaires paroilToient en il mau-vais état cpie les deux Commandants furent prêts d'en venir à une rupture ouverte;, après une difpute pour abandonner ou pourfuivre le voyage. Cependant ils fe déterminèrent à le continuer, & Pizarre avec ce qui lui reltoit de fes gens revint à Gallo, pour attendre le retour d'Almagro,. qui retourna encore à Panama chercher du renfort.. Mécontente- Pluiîeurs foldats demandèrent à \r inent des fol- . , . . , _ J dais. venir avec lui, ce qui leur fut abfo-An, j;1(Si lument refiifé : parce que quelques-uns avoient menacé de fe plaindre au Gouverneur, qui en les envoyant à. cette expédition fembloit les avoir livrés à leur deftruftion. On fe donna les plus grands foins pour empêcher qu'ils ne Ment palTer quelques lettres : mais malgré toute l'attentiorr des Commandants, plufieurs d'entre eux foufcrivirent un papier, dans lequel ils. expoferent les maux qu'ils fouffroient & demandèrent d'être rappelles.. Ils, le renfermèrent avec des Européens. ii_ tant d'art dans un paquet de coton p,ZARRE { filé , qu'il échapa à la vigilance des chaP. i. Officiers, & parvint à Pedro los Rios, An. i5; a Parla Ie mieUX ^ & au Roi fut polîible de l'excellence de la re-pa£Be" ligion chrétienne & des erreurs de l'idolâtrie , l'exhortant à l'a fin, ainli que tous ceux qui l'écoutoient à em-bralTer la Foi, & à fe foumettre au Roi dlifpagne, qtri étoit le Monarque le plus puifTant de la terre. Les Indiens répondirent en termes généraux qu'ils n'avoient pas de grandes connoiffances fur la religion :: mais qu'ils etoient contents de celle de leurs ancêtres : qu'à l'égard d'un. Souverain ilsn'en connoifîbient aucun qui eût droit d'exiger leur fidélité excepté leur légitime Inca, nom qu'ils donnoient à leur Empereur,Guayana-capa. L'.imo»r Après cette converfation , les Ef- fait tourner i r • !/••/•• l'Efpntji'unpagnols le retirèrent tres latistaits de fes gens. ^e ja bonne reception qu'ils avoient An. 1527. eue . mais lorfqu'ils etoient prêts à lever la voile, Alcon, un de ceux qui avoient accompagné Molina dans. des Européens. 19_ fon ambaflade auprès de Madame plzARRE " Capillana , & qui en étoit devenu chap. u. exceflivement amoureux , demanda An. 1527. qu'on le remit à terre. Cette faveur lui ayant été refufée, fon efprit tourna totalement : il s'imagina qu'il étoit Roi, & que fes compagnons etoient des vagabonds & des ufurpateurs venus pour lui enlever la couronne. Il dit qu'il vouloir la foutenir avec fon épée, la tira, & auroit commis quelque défordre, fi le Pilote ne l'avoit jette à terre d'un coup de rame, &C n'avoit aidé à l'enchaîner pour le mettre fous le pont. Vers la fin de i que par les dernières volontés de fon chap. 111. Père : mais Hue-fcar rejetta cette der- An. li3l. niere offre. En conféquence de cette difpute , les deux partis leverent des armées très formidables, & il y eut entre elles une bataille qui dura plus de trois jours avec un carnage horrible de part 6e d'autre. Les troupes d'Ara-taliba ayant enfin été défaites il frit pris 6e renfermé dans une prifon : mais pendanr que fes gardes etoient occupés des réjouiffances 6e dcs^ di-vertifTements nodurnes qui fuivoient ordinairement les victoires, il rcui-fit à faire une ouverture au mur de la maifon où il étoit retenu, s'échapa-. Se alla rejoindre fes troupes, auxquelles il dit que par le fecours des Dieux il avoit été changé en ferpenr, Se fous cette forme avoit trompé la vigilance de ceux qui le gardoient. Le bruit de ce prétendu miracle •fut bientôt répandu parmi tous les ,habitants de Quito, 6e comme la ^fuperftition 6e la crédulité avoieat jette chés eux de plus profondes racines que dans tout autre pays du inonde, il y fit un tel eifet, que cha- Biv Pizarre^ Clin P™ ^es armes pour la défenfê Chap. ui.'du Prince , &c il fe trouva bientôt à la tête d'un corps de troupes beau-An. i5ji. CQUp p|lIS confidérable que le premier. Il fut informé que fon Frère étoit en campagne avec une puiiTan-te armée, & il marcha fans perdre de temps, à fa rencontre : Pour con-noître quelles etoient les forces de Huefcar, il envoya deux de fes meilleurs Généraux avec quelques troupes armées à la légere, mais lorfqu'ils furent près du camp ennemi ils s'é-carterent du grand chemin pour nç pas être découverts. Huefcar voulant éviter le bruit 5c îe tumulte de l'armée, avoit malheu* reufement pour lui pris la même route avec quelques-uns de fes principaux courtifans Se de fes premiers. Officiers.. Ceux d'Atabaliba voyant l'Etandard royal, jugèrent de la vérité , & réfolurent de terminer la guerre par un coup hardi. Ils marchèrent en avant, furprirent ce corps de troupes , le mirent en déroure, &c. firent le Roi prifonnier. Son corps d'armée I'auroit eu bientôt remis en liberté, s'il n'eut été forcé de donner des ordres pour le faire retirer a des Européens. 33 Parce que ceux qui le retenoient le pIZARRE ~ menacerent de lui couper la tête s'il Chap in. héfitoit à le faire. Ils i'aflùrerent qu'ils An liiu mourroient tous enfuite fur la place juiqu'au dernier, étant déterminés à ne fe pas rendre, & lui firent ob-ferver en même temps qu'il ne devoir rien craindre de fon emprifon-nement, puifque Atabaliba ne de-mandoit que de tenir le royaume de Quito à titre de ion Vaflal & ils lui firent entendre que lorf qu'il en feroit affuré il étoit trop généreux pour vouloir retenir fon Frère en captivité. Sur ces alTurances Huefcar fit un fignal pour que fon armée s'arrêtât: enfuite il envoya ordre à fes principaux Officiers de retirer fes forces à Cuzco, ville où les Inca-s faifoient leur réfidence , ôc ils lui obéirent fons délai. Pizarre , Chap. IV. A», ijji. CHAPITRE IV, "Les puiffanc.es belligérantes demandent -le fecours de Pizarre : Il reçoit une ■ambaffade a"Atabaliba : Traditions & anciennes prophéties au fujet des Efpagnols : Pizarre ejl introduit auprès d?Atabaliba 9 & a une cenfércrire n ce avec ce Prince, qui lui fait une vifite dans fon camp : Il s'élève -quelques troubles : Les Efpagnols tombent fur les Péruviens , & font -Atabaliba prifonnier : Ingratitude ■politique de Pizarre : HueJ'car ejl mis jecrettemertt à, mort : Ferdinand Pizarre retourne en Efpagne: Difcours ^it Atabaliba lui tient à fon départe ■ Caujès de la mort de ce Prince. HrffcarJ ^L étoit l'état des affaires quand \At3bîlila de- JL Pizarre entra dans le Pérou, où ^fecourTie ^ ^u Sabord follicité par quelques bizarre. Seigneurs compatiffapts de donner du recours à Huefcr.r. Il répondit en termes généraux,-qu'il s'étoit mis en marclie pour aider ceux qui etoient «dans la_peine., -& pour faire rendre -bes Europee n s. 3 5_ 3a juitice fans aucune partialité. Il re- plzARRir $ut enfuite une Ambaffade folemnel- Cba* iv. le d'Atabaliba, qui lui demandoit loa An. mu alliance 6c fon amitié, ce qui le détermina à aller vifiter ce Prince dans la ville de Caxamaica, on il étoit ■alors. - Les Efpagnols fourTrirewt exceïïi-vement pour s'y rendre, étant obligés de marcher plus de vingt lieues =dans un pays aride 6c -defert. Mais •enfuite ils entrèrent dans une contrée -riche 6c fertile, où ils trouvèrent -des rafraichiffements en abondance^ -6c ils y continuèrent leur voyage •avec plus de fatisfacHon. Ils rencontrèrent de nouveaux 3e-iputés d'Atabaliba, qui préiènierem -à.Pizarre de la part de l'Inca une paire -de botines d'or, richement ornées., .avec des bracelets du même meta! garnis fuperbement d'émeraudes & d'autres pierres précieufes, 6c on.Un -dit qu'il devoit les porter à l'audience d'Atabaliba , pour .que ce Prince le put reconnoîtee a x?s ma roues. ■Ces députés lui a pporterent aufli d'an- x très préfents de grand prix., avec ;beancoup de provîfiojasiàpat l'armée iayoit lejilus-grand befoin. OnTeinaî- Bm "$6 découvertes Pizarre cIl,a dans la conduite du chef d'Àn> chaF. iv.'ballade qui étoit lui même du fang des Incas, tant de politeffe & d'at-Aa. 1531. • , m r ., 1 tentions qu elles contribuèrent beaucoup à élever le courage des Efpagnols, qui les attribuèrent ù la crainte qu'ils avoient imprimée dans l'ef-prit de ces peuples. Ils ne fe trom-poient pas dans cette conjoncture, les Péruviens etoient retenus dans le refpect à leur égard non-feulement par l'idée qu'ils s'étoient formée de leur force & de leur valeur: mais encore plus par des motifs de religion, s'imaginant que les Efpagnols etoient des defcendants du foleil.. Nous avons déjà parlé de la crédulité excefftve de ces peuples , & il eft, néceffaire de faire connoître encore plus particulièrement les idées, fingulieres qui s'étoient répandues parmi eux, & qui furent par la fuite très avantageufes aux Efpagnols. Tririition Suivant une ancienne tradition re-fcipagnou. çue généralement, le fils aine d un de leurs Licas, qui vivoit plufieurs fié--des avant le temps dont nous par-Ions , avoit vu un efprit d'une forme finguliere , nommé Virococha, ou âls du foleil ? comme il le lui avoi* des Euro p é e n s. 37' dit lui même. Ses habits &c fa figure p12ARRa ^ etoient totalement différents de ceux Gbap. iv. des Péruviens ,. d'autant que ceux-ci ^ ^ n'avoient point de barbe, au lieu que le Phantôme en avoit une très longue. Son habillement ne reffembloit nullement aux leurs, & il conduifoit de la main une efpéce particuliere d'animal , tel que le Prince n'en avoit ja- -mais vu de femblable. Cette feble étoit fi fortement imprimée dans l'ef-prit des peuples , & on la regardoit fi bien comme une vérité, qu'auili-tôt qu'ils virent les Efpagnols avec, leurs barbes, leurs habits différents de ceux des Péruviens , & les chevaux qu'ils conduifoient , ils s'écrièrent : « Virococha le fils du foleil eft arri-» vé ». On rapporte aufii que le. dernier Inca Guayanacapa avoit pro-phetifé un peu avant fa mort, que fon Empire étoit prêt de fa fin , & que dans peu de temps il pafleroit à une race d'étrangers barbus. En re-fléchiffant férieufement fur toutes ces circonstances, on eft forcé de convenir que de tels récits chez un peuple d'un efprit foible , joints aux dif-fenfions qui regnoient entre le s,deux. -Frères, doivent avoir facilité prodigieusement les conquêtes de Pizarre» $8 découvertes Ï>|ZARRE Lorfque les Efpagnols furent arrl-£hap. IV.' vés à Caxamalca, ils trouvèrent qu'A-tabaliba s'éteit retire dans un endroit 153 [* -qui en étoit peu éloigné, &c le Gérié-Lm Efpa- ral y envoya fon Frère Ferdinand Pi- mlf Saf°i'au-'7arre' avec Ferdinand Soto en quaü- • diencc d' Ata- té d'Ambanadeuc. ifcaaba. Tjs furent introduits en préfence du Monarque avec beaucoup de pompe Se de cérémonial : mais ils demeurèrent immobiles d'étonnement, & •dans une efpece d'extafe, à la vue des jrichelTes &e de la magnificence qui ■éclatoit.de toutes parts autour de ce Prince. Aufli-tôt que les Efpagnols approchèrent d'Atabaliba, qui étoit aftis dans un fitge^d'or mafîif, ils le-falue-xent à la façon Européenne , ce qui |iarut lui être très agréable , & il fe leva pour les embrafîer. On apporta •un fiége d'or à chacun : ils s'afîirent : deux jeunes filles du fang royal leur fervirent des liqueurs parfumées, Se l'Inca but à leur fanté d'une façon jqui marquoit une faveur particuliere iiiivant ce que leur dit leur interprète , qui n'étoit qu'un homme du plus rbas éiat. -Après .cette cérémonie,, qui fût ac- des Européens. 39_ 'compagnée d'une colation de fruits : pIZARRE y Ferdinand fit une longue harangue, Ghap. IV. :dans laquelle il dit à l'Empereur que A„. François Pizarre fameux Général venoit en qualité d'air» bafTa deur du -Grand-Prêtre de l'Eglife Chrétienne, *& de Charles-Quint le plus puifïant Monarque du monde , pour lui montrer le droit chemin du Ciel,& pour lui faire des avances-d'amitié. L'inca fit à ce qu'ils en purent juger tine réponie très pathétique , puil-1 qu'elle fît répandre des larmes a tous ceux qui la comprirent, & il la termina en leur difant que le lendemain il fe rendroit aux quartiers de leur Général ,& auroit une conférence avec lui. Ils ne purent entendre p reflue rien de fon difcours, &: par ie peu de fens outils trouvèrent dans la ■façon dont leur interprète leur expliqua ce que l'Inca venoit de dire , ils eurent tout lieu de croire , que ce Prince n'avoit reçu que d?une manière •très informe la harangue de François Pizarre. Cet interprète fenommoitFhillipillo, ?[*arr**-i • îi >ii> \ /-lit /f01t ]a Vl'rw ou le petit Philhpe., a caule de la bal- d'Atabaliba, ièffe de fon«origine., qui avoit beaucoup influé furfon intelligence. C'étok 4CT DÉCOUVERTES Pizarre un de ceux que Pizarre avoit choius Chap. iv. pour les faire élever en qualité d'in-fr< ■ terprétes, öc il ne pouvoit en avoir un plus ftupide. Le Général initruit de la vifite qu'il devoit recevoir, partagea fa cavalerie en trois corps, de chacun vingt hommes , le total étant de foixante chevaux; il les plaça derrière une vieille muraille pour qu'ils panif-fent avec plus d'avantage, 6c fe mit lui-même en marche à la tête de cent fantaflins rangés en bataille , pour recevoir Atabaliba qui s'approchoit avec feize mille hommes. La figure du Père Vincent de Val-verda, qui s'avança au-delà des rangs des Efpagnols, avec une Croix dans une main, 6c fon bréviaire dans l'autre pour aller à la rencontre de l'Empereur , étonna excefîivement ce Monarque. Cependant il le reçut avec beaucoup de refpecl:, 6c écouta attentivement un long difcours, dans lequel le Père lui prêcha l'univerfa-lité 6c la vérité de la Religion catholique , les bienfaits de la Rédemption de Jefus-Chrift, le grand pouvoir qu'il avoit donné à Saint Pierre, Se la vafte étendue de la Monarchie de Charles-Quint 3 l'exhortant fortes des Européens. 4r___ ment à s'y foumettre, crainte que les pIZARRE ; Efpagnols ne fiffent tomber fur lui des Chap» IV* playes femblables à celles, que Dieu MU 1JJH avoit répandues fur Pharaon pour le punir de fon endurciilement.. Une telle differtation fur des fujets dont L'Inca n'avoit jamais entendu Ata&hba eft parler , & qu'il lui étoit impomble ^JIli0^ de comprendre, devoit lui paroître abfolument abfurde , d'autant plus qu'elle pafibit par le canal ignorant &C barbare de l'interprète Philipillo. Cependant l'inca fit quelque forte de reponfe : mais le même Indien la rendit au Père d'une manière fi inintelligible ,. qu'il ne fut pas pofiible d'en pénétrer le fens. Dans le même temps, il s'éleva entre les deux nations, quelque rumeur qui devint bientôt un, tumulte confidérable, occafionné par l'avarice de quelques Efpagnols, qui voulurent piller une idole très richement ornée.Les Indiens s'y oppoferent d'abord, jufquà ce que l'Empereur dont les volontés etoient regardées comme des loix divines, leur cria de ne rien faire qui put offenfer les enfants du foleil. Au bruit de ce tumulte, le Père Vincent courut pour l'appai-fer, &: lailla tomber fa croix ôi fon 41 DÉCOUVERTES Pizarre bréviaire. Quelques-uns des perfides fihap, iv. Efpagnols les virent fous les pieds, t & commencèrent à crier « on infulte la religion chétienne ! » alors la cavalerie s'avança, renveriant tout ce qu'elle rencontroit en fon chemin, & les malheureux Indiens furent les victimes de cette trahifon, cinq mille ayant été facrifiés, fans faire aucune réfiftance. Pizarre lui-même fut le premier à attaquer la litière qui portoit l'Empereur,& la renverfa avec ce Prince , après avoir été blefîe à la main d'un coup que l'un des fiens vouloit porter à Atabaliba. Il n'y eût pas une feule goûte d'autre fang efpagnol de répandue dans cette fcène ahreufe d'un maffacre tranquille, & cette cruauté fe commit de fang-froid le 3 de Mai 153 1, les Efpagnols propha-naat par une action auffi horrible le jour où l'Eglife Romaine célèbre la fête de l'Invention de la fainte Croix de Jefus-Chrift.. T>iYcr(îté Les Ecrivains Efpagnols varient •fur cetévcne-beaucoup dans le récit quils nous meau ontlaifTé de cette barbarie : mais quelque foin qu'ils ayent pris pour en adoucir les traits, la tache en de- ' meurera toujours fur Pizarce ôc fur 4es compagnons. des Européens. 43_■ Herrera, Auteur Efpagnol, dontpIZARRE^ ï'Hiitoire des Indes a acquis la plus ChaP. iv, grande réputation, affure que ceux ^ ^ de fa nation fiirent forcés à en venir à ces extrémités pour leur propre dé-fenfe , parce qu'Atabaliba les avoit amufés long-temps par des paroles ar-tificieufcs, pour les trahir enfuite avec plus de facilité : que dans cette vue, il avoit donné ordre à fon avant-garde de fe faifir des Efpagnols, fes foldatss'étantarmésfecrettementpour y réufîir, & ayant apporté des cordes & des chaînes pour lier ceux qu'il ^vouloit deftiner à l'efclavage. Si ce Técit eft fidele , Pizarre en attaquant les Indiens n'agit que pour fa propre conservation, qui eft la première loi de la nature. Au contraire Garcilaflb de la Vega rapporte, que dès le commencement Atabaliba fe conduifit avec le plus .grand refpedt, fur la penfée que les Efpagnols etoient les enfants dufoleil, les hommes annoncés dans la prophétie dont nous avons parlé : quïi leur marqua la vénération la plus profonde , déclarant qu'il regardoit Pizarre comme un ambaftadeur du ciel, aux commandements duquel il fallok _ 44 Découvertes Pizarre 'e Soumettre en toutes chofes. Ceft Chip i v le même Autheur qui dit que lorfque Aa. lau ^s Espagnols attaquèrent les Indiens fans nul fujet, l'Inca leur défendit de faire aucune réfiftance , quand même ils le verraient facrilier : il ajoute qu'il le fournit à fon deftin, & réprimanda fortement ceux qui s'étoient afièmblés en foule autour de fa litière pour le défendre, & dont pluiieurs périrent en voulant le f:courir. Nous ne prétendons pas décider de quel côte eft la vérité : nous remarquerons feulement qu'Herréra, pour l'honneur de fa patrie, s'eft attaché autant qu'il lui a été poftible à pallier les barbaries des Efpagnols ; au lieu qu'on peut croire que la Véga, Péruvien de naiftance , & defeendu du Sang royal, a fait fes efforts pour écarter tout ce qui pouvoit être au défavantage de fa nation. Cependant le récit du dernier paroît plus vrai-femblabîe, en faifant attention que fi Atabaliba avoit été aufti traître & aufîi fin qu'Herréra le repréfente, il auroit eu peine à laifîèr avancer les Efpagnols fans aucun trouble jufqu'à Caxamalca, puifqu'il y avoit beaucoup de paftages fur la route, où il des Européens. 45_ lui auroit été facile de les détruire PlZARRE r entièrement. Il paroit auffi hors de chap. iv, toute raifon de croire que fi les In-aiens avoient ete prépares a une attaque , ils fe fuffent laiilé détruire auffi facilement fans avoir porté un feul coup. Pizarre, après avoir éloigné Atabaliba de fon quartier-général, examina les dépouilles qu'on avoit remportées. Elles confiftoient en une quantité d'uftenciles d'or & d'argent, en joyaux, en ornements & en habits de l'Inca & de lès principaux Officiers, outre ceux de plufieurs femmes de qualité , & de quelques vierges consacrées qui furent faites prifonnieres. Le lendemain il envoya un détachement pour piller le camp, où l'on Trouva une quantité prodigieufe de richeffes, quoique les Péruviens qui etoient demeurés fur ce terrein euf-fent emporté trois mille charges d'or & d'argent. Le Général fît enfuite publier une -proclamation,pour déclarer quel'Inca ctoit vivant, & que tous ceux de fa Cour avoient la liberté de lui rendre leurs fervices ordinaires ; ce qu'il fît pour les encourager à ne point ca- 46 DÉCOUVERTES Pizarre c^er n* emporter leurs tréfors. Cette Chap. iv. déclaration rendit fuivant les vues , An. lm. 6c plufieurs des principaux de la fuite d'Atabaliba fe rendirent auprès de ce Prince, chargés de préfents de très grande valeur. Pizarre ordonna que quoiqu'il demeurât toujours dans les fers, il put jouir de la compagnie de fes femmes, 6c qu'il fût fervi avec le même ordre 6c le même cérémonial qu'on oblervoit auprès de lui avant fon emprifonnement. Atabaliba parut {apporter ce revers de fortune avec la plus grande patience:cependant il marquoit quelquefois un chagrin très vif d'être obligé de porter des chaines. Atabaliba remarquant l'avidité ex-ceflive de fes nouveaux maîtres pour l'or 6c pour l'argent, 6c délirant ia li-berré avec autant d'ardeur, il leur offrit de faire remplir de ces métaux une grande falle, à la hauteur où un homme de taille ordinaire peut atteindre arec la main. Us doutèrent d'abord qu'il pût exécuter cette propofition, cependant ils l'acceptèrent, 6c l'on envoya un parti d'Efpagnols en petit nombre avec quelques-uns de la fuite d'Atabaliba à Cuzco 6c dans d'autres. DesEuropéens. 47 • villes pour faire apporter le tréforPlzARRE t promis. chaP. iv. Almagro arriva dans le même temps, An ^ en très mauvaife fanté, à Saint-Michel , où il étoit venu du Cap Fran- ^Atoagto, cifco. Il y avoit été jette par les vents contrairesrmais les marches fatigantes, le mauvais temps ôt l'air mal lain lui avoient fait périr environ quarante v hommes, fur cent cinquante qu'il avoit amenés. Il fut informé en cet endroit des grands fuccès de Pizarre, & craignant qu'il ne refufât de partager fes tréfors avec lui, il conf uita fes Officiers, pour décider s'ils cher-cheroient à faire quelques nouvelles conquêtes indépendantes des fiennes. Le Secrétaire d'Almagro , qui n'ai-moit pas fon maître, envoya un exprès à Pizarre pour lui faire part de ce qui fe pafîbit, & auffi-tôt le Commandant fit partir plufieurs mefTagers pour inviter Almagro de la façon la plus obligeante à fe joindre à lui; l'af-iurant de fon intégrité. Il lui fît favoir en même temps qu'il y avoit quelques-uns de les gens, qui fans doute en vue de leur propre avantage fai-ioient leurs effors pour femer entre «eux des divisons, & qu'il l'averùfTotf 48 DÉCOUVERTES Pizarre , de ^e temr mr gardes, d'autanr chap. 1 v. que s'ils y réuMiffoient, leurs intrigues »„ cauferoient la perte de l'un ou de l'au-tre & peut-être de tous les deux, en même temps que le renverfement de toute l'entreprife. Pour confirmer la vérité de ce qu'il avançoit il renvoya à Almagro des preuves convaincantes de la trahifon de fon Secrétaire, qui fut pendu peu de temps après qu'elle eut été découverte. II y avoit certainement beaucoup d'ingratitude dans cette conduite de Pizarre, ce qui répand encore de nouvelles taches fur fon caractère, qu'il eft impoffible de juflifier, cependant elle étoit des plus politiques en cette occafion. Les troupes qu'il avoit n'étoient nullement fuffifantes pour faire la conquête du Pérou ; &c Almagro en s'élevant contre lui, auroit pu donner de nouvelles forces aux Indiens, ce qui non - feulement auroit privé Pizarre de fon butin, mais encore auroit renverfé l'entreprife, & fe feroit peut-être terminé par la deftruction des deux Comman-danrs. Ce renfort augmenta encore le défir IJJU çon cFAîabaliba : mais Pizarre trouvant qu'il ne montoit pas à la quantité qu'il en avoit attendue, fut informé qu'il en étoit demeuré beaucoup en arrière dans le temple du Dieu in-vifible. 11 envoya aufTi-tôt fes trois Frères avec quelques-uns des Officiers d'Atabaliba pour en faire la recherche: mais ce qu'ils y trouvèrent ne valoir pas plus de quatre-vingt dix mille écus , outre ce que les foldats pillèrent, parce que les Prêtres avertis de l'avarice des Efpagnols, & de la manière peu refpechieufe dont ils avoient traité quelques autres temples, firent enlever plus de quatre cents charges d'or, d'argent 6c de joyaux, qu'ils enterrèrent, ou transportèrent fi loin qu'ils ne tombèrent jamais entre les mains des conquérants. •Ce fut dans ce temps qu'Almagro les Erp8-arriva dans le voifinage de Caxamal^8!^ ca , 6c Pizarre le reçut avec les mar- r°rs rf'Ataba-ques les plus fortes d'eflime 6c d'affec-!u'a' lion. Il lui donna une part du butin dont il dut être fatisfait, diflribua C ij _51 DécoÙve r't e s Pizarre ccnt mille ducars aux hommes venus tiu:<. iv. avec lui, & après avoir mis à part la cinquième partie pour l'Empereur, An. 1531. -, 1 « ai 1 t 1 -il il partagea le relie des dépouilles, qui etoient d'une richeflè étonnante, entre fes propres Officiers &c fes gens, feignant de marquer la plus grande eitime pour ce qui paroiflbit être de moindre valeur. On prétend que le moindre foldat reçur alors pour fa part plus de quarante-cinq mille livres, quoique ce qui fut partagé n'égalât pas la cinquième partie de la rançon d'Atabaliba. Pizarre garda pour lui la chaife d'or de l'Inca, avec quelques autres curiofités de grand prix. Voyage de Ferdinand Pizarre fut choifi corn- pSarreai me *e u,Jet k Pais ProPre à être en-Efpagne. voyé auprès de l'Empereur Charles-An. ij32. Quint 9 pour lui porter ce qui lui ap-partenoit dans ces tréfors, & pour lui faire le récit de tour ce qui s'étoit palTé. Plufieurs fimples foldats de-manderenr qu'il leur fut permis de faire le voyage avec Ferdinand : mais Almagro s'y oppofaforrement, ainfi que la plus grande partie du Confeil, parce qu'ils voyoienr que cela diminueront çoniidérablement leur petite des Européens. 53 armée. Leur oppolition n eut pas pizarre , d'effet par les remontrances de Pizar- chaP. ïv. re , qui leur fît obferver avec beau- An> I53I> coup de raifort, que la politique devoir' les y faire confcntir, d'autant que lorfqu'bn verroit de fimples fol-dats revenir auffi riches, ils gagne-roient dix hommes pour chacun de ceux qu'ils pourroient perdre. Atabaliba & Ferdinand avoient conçu une forte eftime l'un pour l'autre , & lorfque FEfpagnol alla prendre congé de l'Inca, celui-ci lui dit: «Vous vous réjouiiïés de retourner » dans votre pays natal : mais pour » moi je vois votre départ avec beau-»coup de chagrin puifqu'il ne me » reliera aucun ami parmi vos coni-» patriotes : Ce nouveau venu dit-il »en parlant d'Almagro » que je ne » connois pas ne me fera nullement » favorable , & celui que vous nom-» més Tréforier me regarde de mau-»vais œil : difons nous donc le der-» nier adieu, car je vois évidemment »que ce peuple cruel ne me laifTera » pas affez vivre pour me réjouir de » votre retour ». Son pronoftic ne fut que trop vé- ^IjjJJ* " ritable: depuis qu'Almagro avoit eu Shùn ç* [ij trcAtabaW»* __54 découvertes Pizarre , connoifîànce des grandes richelTes Ctiap. iv. du pays, il avoit penié que lorfqu'-An. j532. ^tabaiiba ne leroit plus, il s'en em-pareroit avec beaucoup moins de cufficuîté ; Pizarre avoit d'abord traité la propofition de le faire mourir avec tout le mépris qu'elle méritoit, mais peu de temps après, le refTenti-ment le porta à favorilèr ce que l'honneur lui avoit fait détefter. Il fut irrité -cie voir qu'Atabaliba paroiiïbit le mé-prifer, &" il ne fera pas hors de propos d'en faire connoître les rail ons. Ce Prince quoique cruel & ambitieux, étoit prudent, pénétrant &: curieux. Il s'étoit informé particulièrement des mœurs & des coutumes des Efpagnols : mais la leclure &c l'écriture étoit ce qui excitoit le plus fa curiofité, parce qu'il fut long-temps fans pouvoir pénétrer fi ces dons leur etoient naturels, où s'ils etoient acquis par l'induflrie. Four réuiiïr à fe fatisfaire fur cet article , il demanda à un des foldats Efpagnols s'il pourroit écrire le nom de Dieu fur l'ongle de fon pouce: le foldat lui répondit que cela étoit facile , & le fît réellement comme Atabaliba le lui demandoit, Çe Monar- deseuropéens. 55 _ que montra ce mot à plufieurs Efpa- pI7ARRC i gnols , qui le lui expliquèrent tous , Çbap. iv. enforte qu'il commença à croire que An. 1.-52. ces dons etoient Divins 6c innés: mais Pizarre s'étant malheureufemenr. préfenté devant lui, il lui en demanda aulTi l'explication. Le Commandant , qui navoit jamais appris à lire ni à écrire , rougit, 6c le quitta fans pouvoir répondre à fa quellion , 6c depuis ce temps l'Inca jugea que ces fciences etoient le fruit de l'étude 6c de rinftruction. Cette opinion diminua de beaucoup l'idée qu'il avoit eue d'abord des Efpagnols en général : mais elle lui fit eitimer encore moins Pizarre, dont il penfa que l'origine devoit être des plus balles, puifque le moindre de fes foldats le furpafloit en connoiflances. Le mépris, ou plutôt le dégoût qu'il fit toujours paroître depuis pour il eft éuaw* Pizarre fut la caufe de fa perte : mais£le* ce qui y contribua le plus fut la conduite extravagante de Phillipillo. Cet homme devint amoureux d'une des femmes de l'Inca, qui le traita avec tout le mépris qu'il méritoit, 6c l'on en porta des plaintes à Pizarre, qui y fit très peu d'attention. Alors Fin- An. un 56 DÉCOUVERTES Pizarre terPr(->te accufa Atabaliba d'avoir for- ' Chap. iv. mé une confpiration, qui étoit prête à éclatter pour détruire tous les Efpagnols ; & quoique cette fable dût paroître fans fondement & ridicule ii tout homme de bon fens, elle trouva cependant créance auprès des deux chefs Efpagnols, qui l'un & l'autre hanToient le malheureux Inca. On joignit plufieurs autres articles peu importants pour former une accufa-tion : on lui fit fon procès , il fut déclaré coupable & condamné à être brûlé : mais la Sentence fut commuée en la peine d'être étranglé, fur ce qu'il confentit à être baptifé, pour éviter une mort aiuîi terrible que celle de périr par le feu. Il eft difficile de juger s'il connoiffoit un feul article de la foi chrétienne : mais enfin il reçut le baptême, & cela fuffit pour en faire un chrétien aux yeux de l'enthouiiafme. Entre autres accufations qu'on forma contre ce Prince, il fut dit qu'il avoit ufurpé le trône du Pérou quoiqu'il fut bâtard : qu'il avoit fait em-prifonner fon frère, qui en étoit le Monarque légitime : qu'il étoit un idolâtre : qu'il avoit permis de facri- ArticIfS d'accu fution. öes Européens. 57 __ fier plufieurs de fes lùjets : qu'il avoir PlzAKB E. \ entrepris des guerres fans néceffite; chap.iv. qu'il avoit dimpé le tréfor public : An ^ que depuis qu'il avoit été priionmer des Efpagnols, il avoit encouragé les Indiens à fe révolter contre eux. &c. Ceit ainfi qu on elTaya abonner quelque couleur de jultice à l'une des fentences les plus illégales & les plus barbares qu'on puiïTe imaginer. On ne doir pas laifTer ignorer qu'elle trouva une rrès forte oppofition de la part de prefque tous les gens de famille &c de diitinaion qui etoient engagés dans ce fervice, & ils déclarèrent publiquement que la bonte d'Atabaliba pour les Efpagnols méri-toit une autre récompenfe : qu'on ne pouvoir ignorer qu'ils n'avoient aucun droit de condamner un Prince Souverain ; & enfin que pour fe mieux conduire dan cette affaire, il falloir l'envoyer en Efpagne avec les articles d'accufation, pour qu'il erf fut difpofé félon la volonté de l'Empereur. Malgré toutes ces raifons, Pizarre & fon Confeil, ne fuivirent qne leur paflion & pouffèrent les chofes aux C v Pizarre extrêmitcs que nous avons rappor-ciup. îv.'tées , pour que l'infortuné Atabaliba An. 1532 ne leur mt PUIS un u,jet d'inquiétude & de trouble. Le Père Vincent, dont ils fe fer-virent pendant l'inftrucüon du Procès , non-feulement proititua hon-teufement fon caraclere de Prêtre : mais l'irrégularité de fa conduite rejaillit encore dans l'efprit des Indiens fur la religion qu'il profeffoit, en fe conduiiant d'une façon qui doit faire regarder fa mémoire avec horreur. On a avancé, mais fans aucunes preuves, que les Indiens eux-mêmes avoient demandé la mort dAtabaliba, pour venger celle de fon frère Huefcar. Ceit une très foible défenfe pour /uftifier la conduite de Pizarre, puif-qu'il ne fit pas proclamer pour Empereur le frère du dernier Inca, ce qui auroit en quelque forte fauve fa réputation. Nous trouvons aufîî jque depuis ce temps les Péruviens agirent toujours offenfivemcnt contre les Efpagnols, ce qu'ils n'avoient pas-fait jufques alors.. des Européens. 59 CHAPITRE V. Pizarre Chap, V Soulèvement d'un des Généraux (TAtabaliba : PaullUf frère de CInca , fe joint à Pizarre: Etat des affaires du Pérou : Mango-Capac ejl reconnu Inca par les Efpagnols : Pedro de Alvarado , l'un des Compagnons de Corte^ , entre dans le Pérou : mais il ejl obligé de fe retirer dans fon gouvernement du Mexique : Piqûre jette les fondements de la ville de Lima , & de celle de Truxillo : Conduite imprudente a" Almagro , il eft mis à: la raifon : Découverte des mines du* Pote fi. v APrès la mort de l'Inca, Rumna- |°ul vi, l'un de fes Généraux, qui c . commandoit Parrière-garde de fon armée s'empara de la Province de Quito, & mit à mort tous les Officiers qu'il foupçonna d'avoir été fortement attachés à leur ancien Maître. En même temps Quifpis, autre Général,, celui qui avoit tué Huefcar, cfTaya; 4e fe rendre maître d'une partie de la^ G vi evf mt _60 DÉCOUVERTES Pizarre Province de Cuzco, avec une armée Cfaap. v. encore plus confidérable : mais bien Aa. 1532. loin de faire paroître du courage , il prit la fuite devant un petit nombre d'Efpagnols envoyés pour le poursuivre , & en maffacra lâchement plufieurs autres qu'il avoit fur pris. Ce Général, dans l'efpérance de conferver fon autorité, fit fes efforts pour faire prendre les rênes de l'Empire à Paulîu , le plus jeune des frères de Huefcar, qu'il avoit eu l'adreffe de faire tomber entre fes mains. Ce Prince le refiifa couragcufement, & lui dit qu'il ne vouloir pas élever fa grandeur fur les rui«es de fon pays : qu'il prdféroit la gloire d'être honnête homme à celle d'être un mauvais Roi : qu'il méprifoit l'autorité s'il l'acqué-roit aux dépens de fa propre famille,, Se que la juftice ne lui donnoit encore aucun droit au trône, puifque fon frère Mango-Capac, légitime héritier étoit vivant. . Pj,lllllI.v* Une reponfe fi jufte & fi peu pré- iom&c Pi- 1 ' ,cr. f aane. vue ne un tel effet fur Quiipis, qui! permit à ce Prince de fe retirer, & de joindre François Pizarre, auprès duquel il fe comporta avec autant de grandeur d'ame. Il lui dit que s'il ctok des Européens. 6 i_ vrai, comme il le déclaroit, qu'il fût plzARRE \ venu parmi eux pour y faire rendre chap. v. la juftice, il en donneroir des preu- An. 1533* ves en fe déclarant pour fon frère, qui avoit déjà une forte armée , & qui feroir bientôt en état de donner un nouvel éclat au Trône Péruvien , s'il étoit foutenu par les Efpagnols» Cette remontrance fTr fon effet,pjfjgg^ quoique Pizarre eût déjà pris fes me-nu inca. mres pour faire proclamer Inca un fils d'Atabaliba, afin de pouvoir donner les ordres qu'il jirgeroit les plus avantageux pour les intérêts des Efpagnols , fous le nom de ce phantôme de la Royauté expirante. Cependant il jugea alors qu'il lui feroit plus utile vde fe joindre à Mango-Capac; le fit proclamer Inca, & aida à le faire inaugurer de la même manière que l'avoient été fesprédéceffeurs. Pizarre promit d'obferver exactement le traité figné par François de Chaves, & l'Inca de fon côté donna quelques efpérari-ces de pencher vers le Chriftianifme : mais pour plus d'éclairciffement, il eft nécelTaire de rapporter quelques-uns des événements précédents. Atauchi,l'iui des frères d'Atabaliba 6l DÉCOUVERTES Pizarre avo^ raffemblé des tréfors confidéra-Chap V. bles pour contribuer à payer la ran-i An. iSiz ǰn <^e ce Prince r & s'étoit mis en marche à cette intention, du côte de Caxamalca , loriqu'il apprit que cet infortuné Monarque étoit mort, &c que les Efpagnols s'avançoient vers Cuzco , capitale de l'Empire , alin d'établir plus fortement leur pouvoir en fe rendant maîtres de cette place. Ataurhi Excefïïvement irrité du meurtre de K,e2 fon frère 9 i! leva attJÛi-tQt un corps frèreAubaii d'environ fix mille hommes, avec lef-quels il fe mit en embufeade près du chemin paroîiles Efpagnols dévoient palTer. Il tomba fiir eux avec tant de fuccès qu'il y en eût plufieurs de rués, & plufieurs de faits prifonniers. Du nombre des derniers fut Sanchez de Cuellar, celui qui avoit inffruit le pro-cè. du malheureux Atabaliba, & qui avoitafîîftéà fon exécution. Anuchi avoit d'abord réfolu de les facrifier tous aux mânes de fon frère: quand Quifpis quil'avoit joint, tomba avec autant de fuccès fur un autre corps d'Efpagnols ; en tua dix-fept, & en fît plufieurs prifonniers. François de Chaves &c Ferdinand de Haro, qui avoient proteftd ouvertement contre des Européens. 63 la conduite tenue envers Atabaliba, PlzARREl) etoient au nombre des captifs , & chaP. v. Atauchi par reconnoiflance fit grâce An i à tous, excepté à Sanchez de Cuellar, qu'il fit étrangler à Caxamalca, dans le même endroit oit cet Officier avoit fait exécuter le Monarque, Ce Généreux Indien , non-feulement donna la vie aux Efpagnols mais il prit encore foin de la guérifon des blefîés, & les renvoya avec des préfents confidérables , après que François de Chaves eût ligné les conditions fuivantes.. »Que tous les aôes d'hoftilité ^fiC*Mjg »> roient oubliés de part & d'autre : chave» » qu'il y auroit à l'avenir une paix » inviolable entre les Indiens & les » Efpagnols : que les derniers permet-» troient à Mango - Capac , héritier » légitime de monter fur le Trône du » Pérou : qu'ils mettroient en liberté » tous les Indiens qu'ils retenoient » dans les chaînes : qu'à l'avenir ils » n'en mettroient aucun aux fers , & » qu'ils fe contenteroient de les avoir » pour domeffiques, fans les traiter » en vfclaves : que les loix du Pérou; '» demeureroient dans toute leur for-a ce, en ce qui n'étoit pas contraire 64 découvertes Pizarre >y aux pi"iiicipes de la religion chré-Chap. v. » tienne : enfin que ce traité ièroit An. 1532. » ratifié par François Pizarre , Oc par » fon Souverain, l'Empereur des Ro-» mains. » Il fut accordé aux Efpagnols, qu'ils auroient le libre exercice de leur religion ; qu'on leur aïiigneroit des terres pour leur fubfiftance, & qu'ils auroient entière liberté de faire le commerce. Si les Efpagnols eulTent luivi les principes de l'honneur &C de la vertu, ou même coux que le bon fensdevoit leur di£ter, ils auroient obfervé très exactement ce traité , qui avec le temps auroit fournis le Pérou à la religion chrétienne, fans aucune erïii-fion de fang.: mais l'orgueilr l'avarice & la débauche étouiferent en eux la raifon. Nous ne parlerons que légèrement de cet article, parce que notre objet n'eft que de donner une hif-toire de la prémière découverte du Pérou , 8c non des événements qui en ont été la fuite tatâ?"ôc r" François Pizarre, en ratifiant ces eonnoitMan conventions y quoiqu'il n'eût pas dei- jo-Capac. £e«n je 0kf€ver ^ mjt cJans fon partJ toutes les forces qui etoient fous Marj^ des Européens. 65 go-Capac, qu il reconnut pour Inca.plzARRE f Alors les habitants de Cuzco, qui Chap. v. avoient abandonné leur demeures, An> 1J3S< furent encouragés à y revenir , avec une opinion plus favorable qu'ils n'a-voient eu jufques alors de la douceur & de la juftice des Efpagnols. Cette conduite étoit l'effet de la nécelTué : parce que Rumnavi & les antres Généraux avoient alîembléune armée dans les Provinces feptentrio-nales, & s'étoient rendus maîtres de Quito. Ils abandonnèrent cette vdle aux approches de SebafHen Belalca-zar, qu'on envoya contre eux avec un petit détachement : mais avant que d'en fortir, ils mirent le feu au palais du dernier Inca, & il fut confirmé dans la grande falle de cet édifice des richeiTes immenfes, que Rumnavi y ralTembla pour les détruire par les flammes, afin qu'elles ne tombaient pas entre les mains des Efpagnols. La puiflance de Pizarre étant en même temps menacée d'un autre côté , la prudence & la politique l'obli-geoient également a chercher à s'acquérir des amis. Le vaillant Dom Pedro de AIto-yi * j™'*^ rado ? cet illuftre compagnon de Cor- r Pizarre tez' ^ont nous avons eu Souvent oc-Chap. v. 'cafion de parler dans la conquête du An. ij33 Mexique, étoit defetndu à Puerto-Viejo, avec une armée de cinq cents hommes, dont la plus grande partie etoient très bien montes. Ils etoient . prefque tous de bonnes familles , endurcis depuis long-temps à la fatigue, & pouvoient erre regardés comme les meilleurestroupes qu'il y eût alors en Amérique. Ils venoient dans l'cf-pérance de partager les richclles du Pérou, &C après s'être rafraichis au Fort Saint -Michel, ils continuèrent leur marche vers Quito : mais quand ils turent arrivés à la vallée de Rio-bamba, ils y trouvèrent un gros corps de ttoùpes envoyées par Pizarre,, fous les ordres d'Alrnagro, qui avoit joint Belalcazar. il fait un La bataille paroiiToit inévitable, JSmLTT quand les deux Généraux confidérant que de quelque côté que tournât la victoire, elle feroit toujours très préjudiciable à l'un 8c à l'autre par les hommes qu'ils y perdroient, entrèrent en accommodement. Ils ngne-rent un traité réciproque par lequel Alvarado, au moyen du payement qui lui fui fait de cent mille pezos des européens. 67_ d'or, promit de le retirer dans fonPlzARRE 9 gouvernement de Guatimala avectou- ch.p. v. tes fes forces , & de ne jamais entre- An> 1}33% prendre ni encourager aucune inva-fion dans le Pérou pendant la vie de Pizarre & d'Almagro. Pour que les gens d'Alvarado n'euf-fent pas lieu 'd'être mécontents , on publia une efpece de traité , par lequel il fiit itipulé, que chaque parti auroit la liberté de pourfuivre fes de-couvertes à fon profit particulier. Par ce moyen Alvarado afliira à ceux de fes gens qui voudroient choifir de demeurer après fon départ des avantages pareils à ceux des foldats de Pizarre. Cette affaire ayant ainfi été terminée à l'amiable , Alvarado & Almagro joignirent leurs forces dans le deffein de marcher à Cuzco , pour faire ratifier le traité à Pizarre, qui y étoit en quartier. Il n'avoit conclu la paix avec Mango-Capac que depuis le départ d'Almagro , qui par conséquent n'en avoit aucune connoifTance quand il fît fon accomodement avec Alvarado. Il n'en étoit pas plus inf-truit quand revenant à Cuzco il trouva Quifpis campé près de Caxamalca, 68 DÉCOUVERTES Pizarre 011 ce Général l'attendoit avec une chap. v.'groffe armée : mais fans aucune autre An. 1534. intention mie celle de la congédier aufTi-tôt qu il auroit joint Almagro. Jis attachent Les deux Généraux Efpagnols le Général 1 r r Péruvien voyant un corps de troupes 11 conli-Quifpis. dérable jugèrent qu'ils le dévoient attaquer , & eurent d'abord le plus grand avantage, parce que Quifpis n'étoit nullement en garde contre cette hoftilité imprévue. Cependant fl fit fa retraite vers quelques rochers voifins, dont il défendit très coura-geufement l'accès, faifant rouler de très groffes pierres fur les affaillants, avec tant de fuccès qu'il y en eût plufieurs de tués, & qu'il y périt quelques chevaux. Il fe défendit ainfi juqu'à la nuit, qui fervit à afîûrer fa retraite dans les montagnes : mais le lendemain fon arrière-garde fut attaquée fur les bords d'une rivière, & après s'être foutenu pendant plufieurs heures dans un paffage très difficile, il fe retira dans un endroit encore plus élevé. II en fortit quelques jours après pour attaquer à fon tour les Européens, ce qu'il fit avec quelque fuccès, & quoique fa perte fut confidérable , il ne parut pas en être découragé, parce des Européens. 69_ «qu'il tua plus de cinquante Efpa- PlzARRE f gnols. chaP- v- L'arrivée de Pizarre termina les ^ hoftilitésréciproques: ils'étoitavancé ' I53î* à la rencontre d'Alvarado, feus prétexte de lui marquer plus de refpecl : mais fon véritable objet étoit de l'empêcher d'approcher davantage de Cuzco, crainte que les grandes ri-cheiTes de cette ville ne l'engageaiTent à enfreindre le traité , &: à y demeurer plus long-temps qu'il n'avoit été flipulé. Pizarre avant de fortir de Cuzco r,onne «- , , „T ,4; _ /-> tellipence de avoit pris congé de 1 mca Mango-^a- pjMrrP # de pac ; lui avoit dit qu'il alloit à la ren- Mango - Ca-contre de quelques-uns de fes compatriotes , afin d'établir avec eux une paix folide, & avoit en même temps recommandé fes deux frères à la protection de l'Inca pendant fon abfence, Mango lui avoit fouhaité un bon Voyage ; lui avoit afliiré que fes frères lui leroient aufîi chers que s'ils etoient les fiens propres, & avoit envoyé des melTagers par tout où devoit paner Pizarre, pour donner ordre a fes fujets, dele traiter lui & fes gens Comme leurs amis. Lorfque Pizarre fût arrivé à Caxa- Pizarre nin'ca •> 3 eut une entrevue avec les Çhap. V.' Chefs Indiens: les informa du traité An 15» cïlu ftibfiffoit entre Mango &lui, 6c les affura que fi fes compatriotes en avoient eu connoiffance , il n'auroient pas attaqué les Péruviens ; mais il promit que toutes hoftilités ceiferoient à l'avenir. 'oint II s'avança enfuite dans la vallée de Pachacamac, où il trouva Alvarado , qu'il embraûa avec les expref-fions de la plus vive tendreiïe. Non-feulement il confentit à ratifier les articles réglés avec Almagro, mais il fît de plus à Alvarado un préfent de vingt mille pezos d'or, pour le dédommager des frais qu'il avoit faits en marchant à fon fecours avec ceux qui l'avoient joint dans le defTein de quitter le fervice du Mexique, 6c qui etoient en aflés grand nombre. Il lui donna aufii plufieurs belles émerau-des, des rurquoifes, & des uftenciles d'or d'un tres beau travail, pour fon ufage , 6c donna ordre aux Officiers de le regarder comme leur Commandant tant qu'il demeureroit avec eux. Alvarado Alvarado après être refté le temps GuàtSa.à nécefiaire pour fe repofer, prit congé des Européens. 71 des deux Généraux, très fatisfait duplzARRE " Traitement qu'il en avoit reçu , ainfi chap. v. que des tréfors qu'il avoit acquis. Il ? r 1 1 \ -1 r 1 An, 15ï3» , Je retira lur la cote ou il le rembarqua dans les deux vaiffeaux qu'il avoit amenés, & reprit la route de Guati-mala, beaucoup moins accompagné que quand il en étoit parti. , Almagro retourna à Cuzco, & Pizarre demeura en arrière pour cher- Ao* IJH* cher quelqu'endroit convenable, où il put fonder une nouvelle ville. On enjetta les fondements fur les bords de la petite rivière Lima, à douze dégrés trente minutes de latitude méridionale , à cent vingt milles à l'Oueft de Cuzco. La première pierre fut po-fee le 6 de Janvier 1534? ce qui lui fit d'abord donner le nom de ville des Rois : mais elle a depuis été beaucoup plus connue fous celui de Lima. Pizarre établit quelques-uns de fes . . ! 11m1 Fondation gens dans cette nouvede ville, par-d31.1 ville de tagea entre eux les terres du voiiina- Lima* ge, & leur donna à chacun un certain nombre d'Indiens pour les aider dans leurs plantations. Il choifit encore un terrein environ trois cents milles plus au Nord fur la côte de la mer du Sud, &C y fonda une au-. 72- DÉCOUVERTES Pizarre tre v*ue » nomma Truxillo, coin-Chap. \ .'me le lieu de fa naiflànce. An 1554 Pendant que François Pizarre pre-noit toutes ces fages mefures, il re-HomniéMsir- Çllt des nouvelles de fon frère Ferdi-nand, qui avoit réurli à la Cour d'Ef-pagne fuivant fes défirs. Il avoit obtenu pour François le titre de Marquis de los Atabilos, avec une grande étendue de terrein , auquel on donna le nom de nouvelle Caltille , & la Cour d'Efpagne avoit nommé Almagro , Maréchal du Pérou, en lui accordant un gouvernement de deux cents lieues d'étendue du Nord au Sud , indépendant de Pizarre, fous le nom de nouvelle Tolède. Almagro Almagro apprit ces nouvelles , veut s'empa- vi r • t c\ fer de cuzco. avant quil rut arrive aucun acte authentique: il renonça aufîi-tôt au titre de Lieutenant de Pizarre , & prit celui de gouverneur de Cuzco, fous prétexte que cette ville étoit hors de la jurifdiftion de Pizarre, qui félon lui ne s'étendoit que jufqu'à deux cents lieues de la ligne. Les frères de Pizarre , Jean & Gonzalez s'oppofe-rent à cette ufurpation, & cette dif-pute conduifit à une rupture ouverte: Les uns ôc les autres eurent des parti! "ans , des Europee n s. 73 tifans, ce qui occafionna plufieurs pIZARRE ■ efcarmouches , où quelques Efpa- ch.ap v. enols perdirent la vie. j-v- » An. Pizarre, que nous nommerons a l'avenir le Marquis , fut inttruit de J[£càK! ces dillentions pendant qulil étoit co« dans fa nouvelle ville de Truxillo. Il fentit la néceffité de fe rendre fans perdre de temps auprès de fes frères; mais pour ne pas interrompre l'éta-bliiTement de fa nouvelle colonie, il y laiiTa tous les Efpagnols qui etoient à fa fuite : confia fa perfonne aux feuls Indiens, qui le portèrent dans une litière fur leurs épaules, en fe relevant les uns les autres à des pof-tes convenables, &c fit tant de diligence , qu'il entra dans Cuzco avant qu'on eut aucun foupçon de fon approche. Il ramena bientôt Almagro à la râifon : le fit convenir de fa faute , & l'aflura que fi à l'arrivée de leurs commifîions d'Efpagne il n'étoit pas fatisfait de celle qui lui feroit accordée, il partageroit avec lui le gouvernement du Pérou. Il lui fit obfer-ver en même temps que fuivant le rapport des habitants, le pays nommé Chili, fitué au Sud de Cuzco Tom, Uh D 'izarre étoit beaucoup plus riche en or & en Chap. v.'argent que le Pérou, & l'amira qu'il An ï confentiroit qu'il fe mît à la tête de la plus forte partie de leurs troupes réunies, pour en faire la découverte, & en prendre poffefîîon. Quoique les Efpagnols fiflènt leurs efforts pour entretenir l'amitié avec les Indiens, dont le fecours leur étoit néceffaire en beaucoup d'occalîons; ils les tenoient toujours en refpecî par des corps de troupes, placés en différents endroits. Ils augmentèrent les forces de Belalcazar à Quito, & firent marcher un gros bataillon pour tenir dans la fujetion les habitants des environs des montagnes nommées des Andes. Aimagro de fon côté fe prépara pour fon expédition du Sud avec un afTés grand nombre de rroupes, & il fe mit en marche vers le commencement de An. Ï555- l'année 1535. L'Inca Mango dans -l'efpérance d'attacher plus fortement les Efpagnols à fon amitié leur fournit quinze mille hommes, fous la conduite de fon frère Paullu, & de Villachuma, Grand-Prêtre des Indiens , que nous trouvons nommé Villahoma par les écrivains Efpagnols. * des- Européens. 75 _ Dans cette expédition la premie- pizarre , re découverte qu'on fit , tut celle chjp. v. de la Province de Charcas , pays An. 1555. nud & défert qu'Almaorro regarda abord comme ne mentant pas d e- vre]ePoto(i, tre confervé : Cependant on trouva fan,s cn, c°1)- • y» . r • r ' 1 Goitre les ri- parla fuite que cette acquilition etoit cheffia. la plus importante de toutes celles que la Couronne d'Efpagne eut jamais faites en Amérique , puifque c'eft dans ce pays que font les riches mines du Potofi, qui ont fourni plus d'argent qu'aucunes autres qu'on ait pu découvrir. Dij Pizarre Chap. VI.' An. isis. CHAPITRE VI. Almagro s'avance dans lt Chili : II fouffre beaucoup de fatigue & perd, un grand nombre d'hommes : Bon naturel & tendreffe des Indiens : Il abandonne cette découvertepourufur-per le Gouvernement de Cu^co : UInca lève deux cents mille hommes , & attaque cette plrxe: Jean Pizarre y ejl tué : Vlnca prend la fuite dans les montagnes : Cu^co fe.rend à Almagro ,. & il remporte plufieurs avantages fur les gens de Pizarre : Entrevue des deux Généraux : Ils font un traité : Pizarre le romp & fait mourir Almagro. Airaagro.fc A L M A G R O tiit informé qu'il y [!c7%aSCh avoit ^eux Pa^aÇes Pour entrer <-iiüJ. dans le Chili : mais qu'ils etoient pref-que impraticables. Par le premier il falloit traverfer un défert de fables ardents, où fes gens feroient expo-fes aux impreflions les plus vives de la foif & de la chaleur. Le fécond , quoique plus court avoit des des Européens; 77^_ difficultés encore plus infurmonta-PlZARHE î[ kles, parce qu'il falloir parler par chai>. vi. deffus des montagnes d'une hauteur ^ ^ prodigieufe, couvertes d'une neige aufîi ancienne que le monde ; & û efcarpées que l'accès en paroirlbit prefque impomble. On lui dit auiïi que le froid y étoit fi vif qu31 n'y avoit qu'une feule faifon de Tannée où l'air fut un peu fupportable. Almagro choifit ce dernier cne-^^?™'^ min, parce au'il étoit le plus çojgx$*ceffivetaeot & il perfiftadansfà réfolmion mal-cn rûUJfi* gré les repréfentations de Paullu & des Indiens. Il eut bientôt lieu de fe repentir de fon opiniâtreté ; fes gens obligés d'écarter la neige avec leurs mains ne purent faire que de très petites journées; confommerent bientôt leurs provifions, & fe trouvèrent dans le plus grand embarras. On perdit en route plus de dix mille Indiens avec cent cinquante Efpagnols : & les doigts des pieds & des mains tombèrent au plus grand nombre de ceux qui réitèrent, quoi qu'on eût pris foin de leur donner des chauffu-res extrêmement chaudes. Après une marche très ennuyeufe & très fatigante de plus de fix cents Diij 78 DÉCOUVERTES Pzzarre * mi^es ? & arrivèrent dans la Provin-Chap. vi.' ce de Copayapu fituée à vingt-iix dé-^n grés de latitude méridionale. Elle ap-1535 ' partenoità l'Inca du Pérou, &: par les foins de Paulin, ils y furent très bien traités. Non-feulement les. habitants leur fournirent des provifions en abondance : mais quand ils furent l'eftime que les Efpagnols fai-foient de l'or , ils leur en firent des préfents pour la valeur de cinq cents mille ducats, simplicité Le bon naturel & la fimplicité des des indiens. jn v Pizarre Pugnance •> & uniquement pour ne Chap. vi.'pas laiffer fon pays fans protecteur. An. ijj/s. Un événement extraordinaire rit con-noître la droiture & l'intégrité de Paullu ; il s'éleva dans le camp d'Al-magro une confpiration contre la vie de ce Commandant Efpagnol, 8c Philipillo qui y avoit beaucoup de part, accula Paullu d'en être le principal auteur. Ce complot parut ab-folument incompatible avec la conduite & la candeur connue de ce Prince , & Almagro donna ordre d'appliquer l'interprète à la torture.. Alors il déclara la conduite noble de Paullu , confelTa qu'il l'avoir accule injurtement, & avoua en même temps que les articles d'accufation qui avoient coûté la vie à Atabaliba n'a-voient aucun fondement. Philipillo termina toutes fes horreurs par la mort ignominieufe qui en fut la jufte punition. !?*efrCa~ Mango-Capac avoit afièmblé plus pouffé devant de deux cents mille hommes, & âpre» Pizaaê J"à" av°ir taillé en pièces quelques Efpa-tué,. gnols , qu'il trouva écartés autour des mines, il mit le fiége devant Cuzco. Cette place n'étoit défendue que par un petit nombre de troupes : mais des Européens. 83 elles etoient foutenues d'un bon train piZARRE ) d'arqllerie & de quelques chevaux: ci>aP. vi. aum l'Inca fut ïbuvent repoune avec An_ i$i5i un grand carnage. Les Indiens dans la première attaque s'emparèrent d'un fort très important d?où l'on ne put les chalTer qu'après cinq ou fit jours. Dans le temps que Jean Pizarre faifoit tous fes efforts pour le reprendre, il ôta fon cafque pour fe rafraîchir : mais il fut frappé à la tête d'un coup de pierre, dont il mourut trois jouts après, au grand regret des Efpagnols de fon parti, qui le regardoient avec raifon comme le plus brave de tous les-frères. L'Inca fe retira quand il apprit qn'Almagro s'approchoit de Cuzco,: & quoique le Commandant Efpagnol fit fes efforts pour l'engager à un traité, il le refufa abfolument, ne voulant plus écouter nulles conditions de la part d'une nation qui n'a--voit obfervé aucune de celles dont elle étoit convenue avec lui. Il fît une démarche qui parut d'abord ?■*'•;«* ires iurprenante : mais lorf qu il en montagne*; • déclara les raifons on jugea qu'il fe conduifoit en habile politique. Ce fut Dvj _$4 découvertes Pizarre ^e congédier fon armée,& de fe retirer Chap. VI.'caché dans les montagnes , quoique An. i5îâ| plufieurs defes Officiers fiffent- leurs efforts pour l'en difTuader, en lui re-préfentant qu'il ne pouvoit espérer des circonftances plus favorables , ni fe flatter de fuccès plus heureux que dans un temps où Almagro & Pizarre etoient en guerre ouverte. Il leur répondit, que malgré toute l'animofité de ces deux Généraux, ils lui feroient certainement tête, s'il paroiflbit vou~. loir les attaquer, & qu'il feroit temps* de revenir & de faire connoître fes deffeins, lorfque leurs divifions.réciproques les auroiem fuffifamment af-> foiblis. . Cette conduite pourroit paroître imprudenteà ceux qui ne. feroient attention qu'à la difficulté de ralTem-, bler une armée : mais on doit toujours fe reffouvenir que les Indiens avoient un fi profond-refpect pour leur Sou-' verain, qu'aufii-tót qu'il favoient que leur fervice étoit néceffaire au Prince,-ils fe raffembloient volontairement avec autant de diligence- qu'ils en j faifoient paroître lorfqu'ils fe difper-: fiaient,;. des Européens» &y Almagro parut alors devant les murs p1ZARRE j, de Cuzco, & ilfomma la place de le ch»p. vu recevoir pour Gouverneur, fuivant Alt.IJ}^ la teneur de la Commiflion royale. Les Magistrats répondirent, que cette* Afaùjw affaire étoit trop importante poiircuico. &de qu'on la décidât en un moment ,.& ils'JjJ^^ ' demandèrent quelque délai pour délibérer. Almagro jugeant que cette excufe étoit fuggérée par Ferdinand Pizarre, pour gagner du temps, entra dans la ville à la fin du jour, & attaqua la maifon du Lieutenant de Roi , qui refiifa de fe rendre. Almagro donna ordre n'oublia jamais cerre préférence. Almagro informé de ce fujer de mécontenremenr, entretint avec Lerma une correfpondance fecretre, donr les fuites furent que eer Oiïicier faifit la première occafion d'abandon--ner Alvarado avec un gros corps de troupes, dans le temps où ce Commandant étoit atraqué le plus vivement. Il fit cependant une forte ré--fiflance; mais il fut mis en déroute Se fait prifo'nnier, ce qui ne lui feroit Jamais arrivé fi tous avoient obéi à fes ordres. Les. troupes qui dans ce combat avoient paffé du côté d'AImagro furent magnifiquement recompenfes, &: il en forma un corps, donr il donna le commandemenr à Fedro de Lerma. Cer événement éleva tellement lè courage des ennemis de Pizarre, qu'Almagro eur beaucoup de peine à conferver la vie des deux frères, qui etoient fes prifonniers : Organez,. fon Lieutenant-Général, & plufieurs autres Officiers infiflant fortement pour qu'il lesfîrmerrre à mom Les nouvelles de cette défaite firent des Européens. 87 une profonde imprefîion dans l'efprit pIZARRE duMarquis: il ne fe trouvoit pas alors cbap. vi. en état de faire tête à Almagro, d'au- ' ^ tant que toutes fes forces ne mon-toient qu'à un peu plus de quatre cents hommes, 6c il réfolut d'effayer ce que pourroit faire la politique. Il envoya des députés à Cuzco propofer un accommodement, 6c Almagro les reçut très civilement, quelques ef- # forts que puflènt faire fes amis pour lui perfuader que jamais Pizarre ne riendroit aucun traité. Il promir d'avoir une entrevue avec le Marquis afin de nommer réciproquement des Commifîaires pour régler leurs limites refpeclives. En conféquence après avoir laiûe une garnifon fuiHfante à Cuzco, il en partit à la tête de plus de cinq cents Efpagnols, 6c prit la 1 route de Lima, avec Ferdinand Pizarre prifonnier à fa fuite. Il avoit lailTé Gonzalez 6c Alvarado dans la ville à la garde de De Rojas : mais après le départ d'Almagro ils réufii-rent à fe rendre maîtres de la per-fonne de cet Officier : gagnèrent Lima , accompagnés d'environ foixante hommes qu'ils avoient attirés dans |éurs intérêts, 6c y amenèrent avec 8S DÉCOUVERTES PizarrÊT eux le Lieutenant du Gouverneur chap. vi.' dans les fers." Art. usa Organez & fes partifans, fur îa nouvelle de leur évafion , prenerent Entrevue du » i 1» • t Maquis & Almagro d en tirer vengeance par la #&iosagro. mort de fon prifonnier Ferdinand , & redoublèrent les inftances qu'ils lui en avoient déjà faites rmais il refiifa abfolument de commettre cette « cruauté. Il eut avec le Marquis une entrevue à Mal a, chacun étant ac* compagne de douze perfonnes, pour terminer tous leurs différents. Quelques Auteurs affûtent qu'ils s'embraf-ferent réciproquement, avec toutes les marques de la plus fincere amitié : au lieu que fuivant quelques autres, Pizarre marqua beaucoup de hauteur & de réferve : cependant le premier récit nous paroît plus vraifemblable 7 d'autant qu'il ;n*etoir pas dans le caractère de Pizarre de fe conduire avec aufîi peu de politique dans une oc-cafion aufîi importante, & aufli délicate. Quoiqu'il en foit la conference fiit tout-à-coup rompue par l'arrivée d'un des gens d'Almagro, qui accourut en lui criant qu'il étoit trahi, ce qui le fit anfîî-tôt monter à cheval ^ , & il s'éloigna avant que rienpû^ être régΣ> ■ des Européens. 89 Cette allarme fut occafionnée ParpIZARR£ * l'approche de Gonzalez qui arriva à chap. vi. la tête de fept cents hommes, ce qui An. 153t. engagea aufîi Organez à s'avancer Accommo- avec les troupes, pour repoufTer par*»"»1 c"cr5 1 r , 1 r vi • a les deux Oc-la force la trahiion quil croyoït prête néraux, à éclater. Mais dans le temps où l'on paroifToit des deux côtés également5 difpofé à la guerre, le Marquis réufîit à engager Almagro à renouer la conférence. On fit un traité qui fut ratifié par le ferment des deux parties , & entr'autres avantages la pofTeiîion de Cuzco fut cédée à Almagro, jufqu'à ce qu'il en fût ordonné par la décifion de l'Empereur. Ferdinand fut mis en liberté, fur la promeffe qu'il fit avec ferment de ne point agir contre Almagro , qui de fon côté retira la Colonie qu'il avoit établie depuis peu à Chiuca entre Cuzco & Zangalla à quinze dégrés de latitude méridionale. Aufîi-tôt que le Marquis eût ob- lieflromp«-tenu fon principal objet, qui étoit laÇu[s> c Mar"f liberté de fon frère, il rompit le traité: An. nm & envoya un Notaire avec des témoins fommer Almagro de rendre Cuzco, & les places qu'il avoit con-cjuifes, fous peine d'être traité comme- ji|2ARRE rebelle dans rous les Etabliflements Chap vi.' efpagnols. An Cette conduite fi deshonorable de • *537. pjzarre eft d'autant plus inexcusable qu'il avoit reçu depuis peu, par un de fes gens un ordre exprès de la Cour , qui ordonnoit que chaque Gouverneur demeurât tranquille pof-feffeur des places qui feroient fous fa jurifdiclion immédiate lors de l'arrivée de celui qui en feroit le porteur : & que dans le cas oîi quelqu'un pré-tendroit que cet ordre lui feroit préjudiciable, l'affaire feroit portée au Confeil des ïndes, le tout fous peine d'encourir l'indignation de l'Empereur : mais Pizarre jugea à propos de fupprimer cer ordre. Organez blâma fortement Almagro d'avoir négligé fes avis ; &c ce Commandant convaincu, mais trop tard de fa faute, fe repentit beaucoup de ne les avoir pas fuivis; Il donna fes ordres pour mettre Cuzco en fureté, & marcha avec fes troupes aux falines, endroit ainfi nommé d'une fontaine d'eaux falées qui y coule, à peu de diftance des bords de l'Apuri-ma, & à quelques lieues de Cuzco. L'Armée du Marquis conduite par des Européens. 91 Gonzalez s'avança contre lui , & plzARRE après un combat de deux heures fans chap. vi. relâche, Almagro fut entièrement dé- An fait. Organez combattit très vaillamment jufqu'à ce qu'affoibli par fes bleffures il accepta le quartier qui lui fut offert par un nommé Fuentes, qui enfuite le tua de fang-froid. Ferdinand Pizarre fut démonté dans le forr du combat par Lerma, qui lui fit en même temps des reproches de fon parjure : mais fon armure lui fauva la vie. Lerma fut enfuite renverfé jiar quelques-uns des gens de Pizarre, qui lui donnèrent lâchement plufieurs coups de poignard, ; donr il guérir depuis pour être maf-facré d'une manière encore plus cruelle. Almagro qu'on portoit dans une' {f]™ & malgré des difficultés incorr-Chîp. vu.' cevables, ce fut en fuivant fes ordres qu'Orellana, l'un de fes Officiers, co-An* I5Jy* toya la rivière des -Amazones, & qu'après en avoir atteint l'embouchure , il regagna les établiffements des . Efpagnols de l'autre côté du continent de l'Amérique, enfin qu'il s'ouvrit un paffage pour pénétrer dans des pays inconnus, aufîî importants qu'aucuns de ceux dont on eut encore fait la découverte. inhumanité Après la mort d'Almagro, la con-& Marquis. Juite du Marquis Pizarre fût aufîi imprudente que cruelle : non-feulement il déplaça tous les Officiers qu'il foup-ço»na d'avoir eu de l'inclination pour le parti de l'Adclantade: mais ne pouvant lui-même fe faire illufion fur fa propre injuftice,& craignant les fuites des plaintes qu'ils pouvoient porter contre lui, il prit fes mefures pour les empêcher abfolument de retourner en Efpaçne. Un grand nombre "d'entre eux fe trouvèrent alors dans la fitua-tion la plus fâcheufe,& furent réduits à la néceffité de vivre des aumônes de leurs compatriotes. Il y en eut douze, tous gens de très bonne famille , qui dwneuroient dans une maifon que de des Européens. 99 ïa Prefa leur avoir donnée, & qui ne pIZARRE poiTédanr qu'un feulhabir leportoient chaP. vu. tour à tour,& ne forroienr qu'alrerna- Aiu I5îp< tivemenr un feul à la fois. De la Prefa ■mourut : Pizarre les chaffa de la mai-fon, & fît en même remps publier un Edit, par lequel il fur défendu de leur donner aucun fecours, non plus qu'à. leurs adhérents, fous des peines très févéres. - Le défefpoir où les jerra cer Edir, i« pmifim» eut des mires plus funefres pourPizar-.détetSntà ^re, que tout ce qui leur étoit arrivé la vengeance, juîqu'alors. Ils reconnurent que leur An. umh mifére ne pouvoir fe terminer que par leur mort, ou par celle du Marquis, &: ils réfolurenr ouvertement de fe venger, ce qu'ils exécutèrent avec autant d'ardeur que de courage. Quoique la ville de Lima eût été fondée par les foins & fous les yeux du Marquis,leplusgrandnombredeshabi-tans plaignoient le fort d'Almagro.Les •uns fe rappelloient combien il avoit contribué à la réduction du Pérou : d'aurres fe reffouvenoient de l'affection qu'il marquoir auxgens de guerre donr il éroir aufli rrès aimé : enfin un troifîeme parti, compofé de gens qui s'étoient élevés par fa protection, ne ÏOO DÉCOUVERTES Pizarre cnerchoit qu'une occafion favorable •Uup vu. de venger fa mort fur ceux qui en An avoient été les auteurs. De ces der-* niers etoient les malheureux Vétérans qui gémiffoient fous les triftes effets de l'Edit de Pizarre : ils fe rendirent fé-parément ù Lima, deux ou trois feulement enfemble, jufqu'à ce qu'ils y fuf-fent au nombre de plus de deux cents, bien déterminés à faifir la première occafion d'exécuter leur projet. Cependant ils le fufpendirent quelque temps, parce qu'ils apprirent qu'il devoit venir un CommiiTaire d'Efpagne, pdlir examiner la conduite du Marquis : &c que quelques gens de fa fuite etoient déjà arrivés, ce qui leur fit efpérer d'obtenir juftice fans être réduits à la nécefîité de fe révolter, ils attaquent Ces difpofitiotis durèrent peu : le Marquis." " Dimanche 26 de Juin 1541. de Rada, a un des chefs de la confpiration fut vi- An. xj+r. 1 , vement allarme fur ce qu on 1 afiura qu'ils etoient découverts, &c que le Marquis prenoit des mefures pour fe rendre Maître de tous les conjurés, dans l'intention de les faire périr en moins de trois heures par une mort ■ ignominieufe. Rada fit part de cette çpuYelle à ceux de fes compagnons des Européens, iöt qu'il put rencontrer, & voyant qu'il pIZARRE 1 n'y avoit pas de temps à perdre, ils fe chaP. vu. rendirent un à un jufqu'au nombre de ^ ^ ' dix-neuf à la maifon du jeune Almagro fituée dans la grande place de Lima : en partirent l'épée à la main : pafferent par la place du marché & marchèrent au palais du Marquis, en criant, vive le Roi i Meure le Tyran 1 II eft remarquable qu'il y avoit alors plus de mille perfonnes dans la place, fans qu'aucun leur fit la moindre oppofition, & fans qu'on donnât avis à Pizarre de leur foulevement : enforte qu'ils entrèrent fans aucune difficulté dans le paires, dont les portes etoient ouvertes. Pizarre,qui n'avoir alors avec lui que deux ou trois perfonnes, apprit ce qui fe paffoit par un de fes pages, & donna ordre à François de Chaves, fon Lieutenant Général, de fermer la porte de l'appartement, ce que cet officier négligea , croyant que c'étoit feulement une mutinerie entre quelques foldats, qu'il appaiferoit aifément par fa préfence. Il fe rendit fur les dégrés, & leur demanda quel étoit l'objet de ce mouvement : mais il ne. reçut de réponfe que par les épées de deux 4>u trois des confpirateurs qui les lui E iij T02 DÉCOUVERTES Pizarre enfoncerent dans le fein, & il tomba chap. vu.' mort à leurs pieds. An. IJ4i. Le Marquis, voyant ce qui fe paf-foit de la gallerie y n'eut pas le temps. U eft aflaffî- de prendre fon armure : il fe faifit feulement de fon épée & de fon bouclier,, & défendit la porte de fa falle à manger pendant quelque temps avec une grande valeur, foutenu feulement de fon beau-frere Dom François d'Alcan-tra, & de deuxde fes Pages, parce que le reffe de fa fuite, & tous fes Domef-tiques avoient pris la fuite dès le commencement du tumulte. Un des conf-pivteurs preffant vivement, porta ui> coup, qui jetta Dom François fur le. carreau :_alorsles.autres,redoublerent leurs efforts : le Marquis fut contraint, de reculer devant eux : enfin il tomba affoibli par fes bleffures, & ils ache--verent bien-tôt de le tuer. Ses deux Pages, après avoir bleffé dangereufe-ment plufieurs des confpirateurs, ex--pirerent aufîi à fes côtés, combattant vaillamment jufqu'au dernier foupir pour fa défenfe. Son portrait. Ceif ainfi que périt à l'âge de foi-xante-cinq ans, Dom François Pizar-^ re, le premier qui fît la découverte Se la conquête du Pérou: homme dont la, des Européens. 105_ balTelTe de l'éducation paroilîoit en ce pIZARRE \ qu'il ne favoit pas même figner fon chaP. vil. nom , fon Secrétaire étant obligé de An. ihu l'écrire pour lui entre deux traits que Pizarre faifoit avec la plume. Il avoit certainement de grandes qualités,& la Nature lui en avoit donné qui le ren-doient aulTi illultre dans les opérations de la guerre, que propre à gouverner durant la paix. Il étoit brave, prudent, & d'un efprit élevé : mais d'une ambition fans bornes,ne faifant aucun fcru-pule de facrifîer fon honneur à fes intérêts , & terniiTant fes grandes qualités par des acles d'inhumanité, que rien ne peut excufer. La conduire qu'il tint en s'emparant de la perfonne d'Atabaliba, oC en le faifant mettre à mort : la manière hon-teufe dont il manqua au ferment fo-lemnel qu'il avoit fait à Almagro , & dont il contribua à la mort de ce Com-mandanr inforruné : ainfi que l'injufte perfécution qu'il fit fouffrir à fes parri-fans, auroient fuffi pour obfcurcir la gloire d'un conquérant encore plus illuftre que ne pouvoit être Pizarre. A j(c"n*ft Le Marquis ne fut jamais marié : mais reconnu pour il eut plufieurs maîtreiTes, dont quel- aC;°^er^;u,: ques-unes etoient de la famille de fln- E iv _ 104 Découvertes- Pizarre ca : cependant nous ne trouvons pas Ch»p, vil. qu'il ait laiiTé d'enfants. Il fut enterre An, iftu fecrettement par fes domeïtiques,com-me l'avoit été fon compétiteur Alma-gro,aucun officier ni perfonnede quelque diftindion n'ofant affilier ;\ fes funérailles ,crainte de s'attirer la haine de fes ennemis. Sa maifon fut pillée auiîi-tôt, ainfi que celle de fes frères, & celles de deux ou trois de leurs amis déclarés. On prétend qu'on trouva dans fon palais la valeur d'un million d'écus en or & en argent : mais on ne toucha pas aux meubles, & on les lailTa pour l'ufage du jeune Almagro, que ceux de fon parti proclamèrent auiii-tôt Gouverneur du Pérou.tl lui vintdufecours de toutes parts,fuite ordinaire du pouvoir : mais il fe commit de grands dé-fordres dans la Ville, comme il arrive toujours après de tels changements. 1£W des Européens. 105 Pizarre , tiiWMBMWPMBBIillll)jiiii Chap.Vlil. An. 15411 CHAPITRE V I I L On s'oppofe en plufieurs endroits à Cautorité du jeune Almagro: Vaca de Cajlro arrive d'Efpagne avec une nouvelle commiffion : Son caractère * Il ejl joint par Alonço de Alvarado^ par Holguin , & par plufieurs autres Officiers : Défauts de conduite d'Al<-magro : Gon^ate^ Pizarre fe foumet à lui: Querelle de deux Officiers dt Almagro dont un ejl tué : Almagro tue lui - même le fécond: Il refufe toutes les propofitions de Caflro , contre lequel il combat : Il ejl mis en déroute, efl fait prifonniery ejl déclaré coupable de haute trahifon , & exécuté avec un grand nombre de fes partijans* A Magiftrature de Lima fut obligée Oppofition j ° a „ • / i,ai contre Aln.a. - de reconnoitre 1 autorite d Almagro^; & plufieurs parties de l'Empire L gro. en firent de même : mais Alonze de Alvarado, qui étoit dans la Province méridionale deChiachapuca, & Kol-guin refuferent absolument de s'y fou- Ev Pizarre mettre. Le dernier, fur les premières.. ch. vin. nouvelles de cette révolution fe ren-An. 1541. dit avec la plus grande diligence à Cuzco , où il éleva l'Etendard royal, & envoya fans perdre de temps des meflagers dans les Provinces d'Are-quipa, 6c los Charcas, aini! que dans les lieux voifins , pour encourager ceux qui demeuroient fidèles à leur devoir, 6c oppofés au nouveau gouvernement. Quelques-uns qui etoient attachés à la faction d'Almagro s'échappèrent fecrettement, dans l'intention de joindre leurs amisàLima: mais on: les pourfuivit, 6c ils furent bientôt ramenés à leur devoir. Cependant Holguin fut informé qu'Almagro marchoit à la tête de iix cents hommes, foit pour s'emparer de Cuzca, foit pour lui livrer bataille,, & fe jugeant trop foible pour lui pouvoir feul tenir tête , il réfolut de fe joindre s'il étoit polTible avec Alvarado, ce qu'il exécuta par le flratagème que nous allons rapporter.. Arrivée de H fît marcher en avant un parti de* Vaca de Caf- , . ~ , . 1 cavalerie, qui lurprit quelques-uns. des.gens d'Almagro. II. en fit pendre-deux, pour intimider les autres, 6c senvoya le refte au camp, avec or-- des Européens. 107 ^_ dre de dire à leur chef, que dans un plzARRE 9 jour ou deux il lui feroit une telle vi- Chap.vm. fite qu'il auroit lieu de fe repentir de As. mi. leur entrevue. Almagro s'arrêta aufîi-tôt pour l'attendre, tk Holguin profita de cette circonftance pour prendre tout-à-coup une autre route , par laquelle il eut bientôt joint Alvarado. Peu de jours après ils joignirent auili Vaca de Caftro, le nouveau Com-miffaire, qu'on attendoit depuis Ci long-temps d'Efpagne. Outre les ordres dont il étoit chargé pour examiner les différents qui s'étoient élevés entre les Généraux, il étoit encore au-torifé, dans le cas de la mort du Marquis Pizarre, à prendre la dignité de Gouverneur du Pérou, & à fe charger de l'adminiitration. Les vents contraires l'avoient jette dans la baye de Gorgona, il avoit réfolu de fe rendre par terre à Lima, & ce fut fur la route de cette ville qu'il reçut ces nouveaux renforrs, qui le mirent à la tête de fepr cenrs hommes. Vaca de Caitro étoit un homme s» grande* . . - . , qualités. d un tres grand fens, qui avoir des connoiiTances fort étendues, beaucoup de réfolution, & une inrégriré à toute épreuve. Il s'étoit particulier E vj I08 DÉCOUVERTES Pizarre rement livré à l'étude des loix : maïs chap. viu.'fon ferme attachement à la jufHce : An fon éloignement pour tout ce qui n'étoit pas conforme à la droiture la plus rigoureufe, & fa fermeté à ne jamais fuivre , même dans la caufe la plus jufte, aucune méthode qui. parut avoir la plus légere apparence de détour, avoient empêché qu'il ne remplît les polies que fa vertu méri-toit y &C juf qu'alors il avoit été fort peu connu. Nous ignorons par crue! hazard un homme d'une intégrité aufîi parfaite parvint à avoir quelque crédit à la Cour r mais il eft certain que l'Empereur l'éleva h ce poile d'honneur y fans prendre le confeil d'aucun de fes . Miniflres, & uniquement parce qu'il avoit des preuves convaincantes de fa droiture. Charles-Quint en le nommant dit qu'il vouloit éprouver fi la vertu fruclîfîeroît dans le terroir des Indes, puifqu'elle étoit fi peu chérie dans lescoursde judicature d'Efpagne, En effet jamais l'Amérique n'a eu de femblable Gouverneur ni avant, ni après lui, & fa conduite prouve évidemment la vérité du proverbe que la droitiu-e eft la meilleure politique» des Européens. 109_ Quand il partit pour cette expédi- plzARRE ■* tion fa fuite étoit très peu nombreufe, chap. v nu & il n'avoir prefque point d'argent ; An. in* auiTi paroît-il étonnant qu'avec d'aufîl foibles fecours, il ait pu avoir autant de fuccès : mais on ceflèra d'en être furpris fi l'on fait attention à l'état oit etoient alors les affaires du Pérou, & aux circonftances qui déterminèrent un forr parri à fe joindre à lui pour trouver un appui devenu nécefTaire» De Caffro reçur rrès bien Alva- . BP^jJ rado & Pedro de Holguin : & il les "a'r„ee Gêné-confirma dans les commandements ral« donr ils éroienr pourvus : mais pour prévenir roures les difpures qui au-roienr pu naîrre d'un partage de la principale autorité, après le funeffe exemple des divifions de Pizarre & d'Almagro, il prit pour lui-même le titre de Capitaine-Général, & réfolut d'agir en perfonne par tout où il feroit néceffaîre, quoiqu'il n'eût pas été élevé dans l'art militaire. Perfonne ne fe eonduifit peut-êrre jamais avec plus d'égalité que le fit Cafrro;il ne marqua poinr fon auroriré par l'oppreffion, & ne gagna ï'amirió de perfonne par la flânerie ; l'une Ó£ l'autre voie lui étant également odieu~ no DÉCOUVERTES Pizarre ^ jugeoit avec la plus grande impar-ciup. vin', tialité toutes les affaires qui lui étoienc ad. i^i, rapportées : fans que le nom d'Efpa-gnol ni celui d'Indien fit jamais pencher la balance. Envers ceux qui etoient fournis à l'Empereur il fe con-duifoit en père : envers les rebelles il agiffoit en interprète des loix, qu'il faifoit obferver à la lettre. Comme particulier il étoit très doux &c très humain : comme Juge il neconnoiffoit pas l'indulgence. Le peuple fut d'abord frappé d'étonnement d'une telle conduire : mais on fut bientôt convaincu, de la droiture de fes internions & les fujers de l'Efpagne révérèrent enfin celui qui dans les commencements-Leur avoit imprimé tant de crainte. Soajutontc Belalcazar vint de fon Gouverne- clt reconnue _ pai Gonfler ment de Popayan complimenter Caf-Jr-iwire. trQ fa, fQn arriV(ie. & [a pjus grande partie des places qui n'étoient pas gênées par la préfence d'Almagro reconnurent fon autorité. Gonzalez Pizarre qui étoit revenu de fon voyage à l'Efr. après avoir éprouvé des farigues ■ excefîives, ôt perdu pi is des deux: tiers de fes gens, lui envoya une dépuration de Quito, pour fe foumettre à fa fupériorité, & pour offrir d^ des Européens, rrr marcher à fon fecours avec tous lespJZARRE hommes qu'il pourroit lever. De Caf- chaP. vnu tro, qui fe conduifoit toujours par les . principes de la droiture, lui fit reponle: qu'il acceptait fa foumiflion, & étoit très fatisfait de fa fidélité envers l'Empereur rmais qu'après la fatigue qu'il avoit foufferte dans fon voyage il. falloit qu'il prit cUi repos : que le parti fidele à fon devoir étoit actuellement affés fort : que par cette raifon il le difpenfoit de fe rendre auprès de lui & qu'il le laiffoit en pleine lilerté de fe livrer au foin des affaires civiles de Quito. Le jeune Almagro étoit alors oc-^om^ cupe des moyens de faire tete a une ajAlmagro.. oppofition auffi formidable : fon caractère étoit franc, brave 6c généreux , mais un peu cruel. La nature l'avoit favorifé d'un heureux génie , qui avoit été cidtivé par une excellente éducation : mais fa jeuneffe em-pêchoit qu'il n'eut autant d'influence & d'autorité que fon mérite lui en-auroit acquis s'il avoit été d'un âge plus avancé. Cet inconvénient le jetta dans un grand nombre de fautes, dont la principale fut de laiffer joindre les armées d'Alvarado & d'Holà Pizarre 8llm» & de ne pouvoir prendre un €haP. vin.' parti fixe fur la conduire qu'il devoit An. i51i. tenir, jufqu'à ce qu'il tut trop tard pour le faire avec fruir. La morr de fon Général de Red a , homme aufîi fidele qu'expérimente contribua beaucoup à le jerter dans les plus grands embarras, & le parti qu'il prir enfuire de partager la Commiflion de Général enrre Chrifîophe de Sotalo, & Garcie de Alvarado le conduifit bientôt à fa ruine totale. Ces deux Commandants prirent querelle fur la fupériorité : le premier ayanr condamné unfoldat à être pendu pour vol : le fécond s'y oppofa : cette difpute dégénéra en paroles très vives & Chriftophe fut tué fur la place. Rftf* gJJ Almagro fut très irrité de cer af-n. ; i'.ix en fa fafîinar & Garcie de Alvarado crai-jrefence. gnant fa vengeance,réfolut de le prévenir en le niant à une fête qu'il feignit de préparer pour fon amufement. Ce projet fut découverr, & on en inftrui-fit Almagro, qui fous prétexte de maladie demeura dans fa maifom Garcia qui craignoir de perdre une occafion aufîi favorable, fe rendit auprès de lui pour l'engager à venir des Européens. 113 a fon divertifTement : & Almagro, p1ZARRÉ comme s'il eut cédé à fes inftances chap.virl. cria à haute voix qu'on lui apoor-tat les habits. C etoit le lignai qu il avoit donné à fes gens lorfquil avoit été inftruit de l'approche de Garcia , et qu'il s'étoit déterminé fur la façon dont il vouloit le faire périr. Six hommes entrèrent à la fois, fe j etterent fur Garcia, & le frappèrent de plufieurs coups de poignard : Almagro même tira fon épée & la lui pafTa au travers du corps, après quoi il nomma Balfa pour fon Général, & réfo-lut de marcher contre le nouveau Gouverneur. Vaca de Caflro campa à Guaman- Vacavent ga, environ cinquante lieues au Mui- ?cnSi ouelt de Cuzco, & voulant empêcher " l'effufion du fang chrétien, il fit fes An. efforts pour perfuader à Almagro de mettre bas les armes : mais ce jeune Commandant infifta pour qu'on lui laiiïât la jouilTance du gouvernement de fon père, fans aucun trouble, juf-qu'à ce que l'Empereur en eût décidé. Il fondoit fes efpérances fur ce que fes droirs éroir alors fourenus devant Sa Majefté Impériale par Alvarado , Contre l'oppoiition de Ferdinand Pi- Pizarre zarre ; ma^s pendant que les députes Chap. v m'alloient 6c venoient des deux côtés,: -, il apprit que Vaca faifoit fecrettement ' I5+î" tous fes efforts pour féduire fes gens. On découvrit aufîi dans fon camp un Efpagnol déguifé en Indien avec une lettre pour Pierre de Candie , Ingénieur d'Almagro, par laquelle on Pengageoit fous des offres très con-fidérables à mettre l'artillerie hors de fervice, fi les deux armées en ve* noient au combat. Cette perfidie irrita tellement le jeune Général, qu'il donna ordre de pendre à l'inftant cet efpion; 6c quoiqu'il eût paru jufqu'alors difpofé à fe prêter à des termes d'accommodement, il ne voulut plus écouter aucune propofition à moins que de Caffro ne confentit à bannir Holguin, Alvarado, de la Véga , 6c plufieurs autres anciens Officiers , qui faifoient la principale force de fon armée. Bataille en- Toute efpérance d'accommode- »re les dieux , 1, . , _ pams. menr erant évanouie de lun 6c de l'autre côré , les deux armées fe mirent en marche pour combattre dans la vallée de Chupas. Celle de Caffro éroit compofée de fept cents Efpagnols, avec beaucoup d'Indiens, des Européens, & celle d'Almagro n'étoit que de p1ZARREr cinq cents Européens: mais ilsavoient chap.vin. Favantage d'occuper un terrein élevé, An for lequel il plaça fon artillerie, qui *' ^ commandoit toute la plaine. Pour éviter les effets de cette difpofition,. Carvajal Major-Général de Caftro trouva le moyen d'approcher afTés près des ennemis fous le couvert d'une petite éminence : mais quand cet abri lui manqua il fe trouva entièrement découvert, ôc expofé au* feu de l'artillerie. Almagro remarquant alors que tous les boulets paf-foient par-deims les tctes des troupes de Caftro, fans leur faire aucun mal y s'avança fur Pierre de Candie,la fureur dans les yeux : le frappa de fon épée,, en le nommant traître : defcendit de cheval ; fe jetta fur un des canons : le fit pencher vers l'ennemi avec le poids ' de fon corps , ordonna d'y mettre le feu & renverfa dix-fept Efpagnols de ce coup, qui fut le premier qui fit quelque effet. La vivacité de la jeunefTe & le défaut d'attention lui firent faire une faute qui occafionna fa ruine, dans le temps où il paroiffoit près d'avoir le plus heureux fuccès. Lorfque de ïlóDÉCOt/VERTES Pizarre Caftro s'avançoir, quelques-uns des Chap. viu.'gens d'Almagro Ie prelTerent impru-. demment de les mener k fa rencon- î4"' tre ; il y confenrit & paifa entre les ennemis & fon artillerie, ce qui la rendit abfolument inutile. Le Major-Général Suarez voyant cette faute irréparable dit à Almagro : « Si vous » aviez gardé votre pofte , ainfi que » je vous l'avois confeillé, de Caftro » étoit immanquablement ruiné : mais » vous avez perdu tout l'avantage que »la fortune vous avoit donné, & je » ne veux pas avoir part à une dé-» faite, qui vient de votre impru-» dence. » Après avoir dit ces mots il piqua fon cheval vers l'armée de Caftro, où il fut fuivi de plufieurs autres. i« troupe* Holguin fut rué d'une balle de mou£. font défaites, quet au commencement du combat,ôc Cuzco ret^' Alonze de Alvarado auroit été renver-fé par Almagro, fi de Caftro, qui par le Confeil de fes Officiers les plus expérimentés s'étoit tenu à l'écart avec un Corps de trente hommes, pour fe porter où la nécefîité le demanderoir, n'eût volé à fon fecours. Il fir bien voir alors qu'il avoir autant de génie pour la guerre, que pour les affaires civiles, des Européens. 117_ & jamais il ne fut donné de fecoursPlZARRE ? plus à propos.Ses Troupes s'animèrent chap. vnu d'une nouvelle ardeur : elles combatti- ^ : rent avec des efforts prodigieux de valeur, & chaffercnt bien-tôt les ennemis du champ de bataille. Almagro , qui avoit marqué autant de courage que de réfolution , voyant fon armée totalement difperfée, fe retira accompagné feulement de fix Cavaliers, tk prit la route de Cuzco : mais les mêmes Magiftrats auxquels il avoit donné l'autorité, l'arrêtèrent aufïi-tôt qu'ils furent inftruits de fa défaite , &: le mirent en prifon. La bataille de Chupas fut livrée le de Septembre 1541 : cinq cents Elpa-&cxécuté. gnols y furent tués des deux côtés, les An> IHfc partifans d'Almagro y furent entièrement mis en déroute, &: leurs chefs furent faits prifonniers. De Caftro ne négligea pas d'honorer & de récom-penfer la conduite intrépide de fes Troupes : il fit prendre le plus grand foin des bleffés, donna fes ordres pour que les morts fuifent enterrés avec décence, & fe rendit enfuite à Cuzco, où l'on érigea un Tribunal pour faire le procès à Almagro. Il fut déclaré convaincu de haute trahifon, Il8 DÉCOUVERTES Pit i d u r condamné 6c exécuté au commence-Üup. vin ment de 1 an i 543. On 1 enterra dans le tombeau de fon pere, avec aufîi An. ijfj. 1 ' 1 • 1 peu de cérémonial. Sa tére ne fur pas regardée comme une expiation furfifante pour les crimes ; la plûparr de fes principaux Conseillers , particulièrement ceux qui avoient trempé dans l'alfaifinat du Marquis Pizarre furent jugés 6c exécutés fans aucune faveur , 6c fans aucune grâce. Par cette conduite, non-feulement de Caftro éteignit la rébellion , mais il en arracha même jufqu'aux racines : 6c la droiture de -fes intentions fut généralement reconnue , ainli que fon amour défin-léreffé pour la juflice. Des Européens. 119 Pizarre , Chap. IX. An. ij-tî. CHAPITRE IX. De Caflrofait d'excellents Règlements après la rébellion : Il ejl j'upplantè par Blaife Nune^ qui prend le titre de Viceroi , & Je conduit avec beau-coup d'imprudence : Nun?{ trouve de Coppofition de la part de Gon^ale? Pizarre , dont C autorité obtient la jonction des Juges : Le Viceroi ejl tmprifonnè, mais il s'échappe, & après de grandes frigues il efl tué dans une bataille. Pedro de la Gaf-ca arrive avec Le titre de Prêjîdent, & une grande autorité : Pizarre rejette tes offres de Pedro, & perd beaucoup de pays : mais il combat Cen-teno & remporte la victoire. DE CanVo, ayant rinfi appaifé Sage con« tous les mouvements qui agi- ™* toieat depuis fi lonc temps le Pérou, frment de 1* 1 v r • ° i r i»i Religion s appliqua entièrement à régler 1 état chrétienne civil du pays, & à le faire jouir desluPérou* fruits de la paix. Il établit des Cours de JufKce , où le bon droit étoit fou-tenu avec la plus grande impartialité : 110 découverte s Pizarre" ^ affermit les anciennes Colonies j chj;.. ix. & donna des encouragements pour . en établir de nouvelles : il récompen- An- 154$, r . , vi r la les découvertes autant qu il tut en fon pouvoir, & par cette fage conduite il appaifa les clameurs Se les cris d'un peuple imbécile. Sous fon Gouvernement les mines furent exploitées avec un grand profit pour les Propriétaires : il établit des Ecoles Se des Colléges dans toutes les grandes Villes, Se fît choix de plufieurs hommes favants , bien inf-truits dans les langues Indiennes pour prêcher l'Evangile au Peuple. Lui-même réufîit à convertir Paullu frère de l'Inca, dont nous avons eu plufieurs fois occafion de parler, Se qui fut baptifé fous le nom de Chriflophe : cer homme avoir un excellenr juge-menr, Se fur rrès arraché aux inrérêts des Efpagnols, envers lefquels il fe conduilit fuivant les principes les plus exa&s de l'honneur Se de la droiture. De Caftro partagea auffi les Terres en Jurisdiclions Eccléfiaffiques, Se érablit des Evêques Se des Minif-tres fubordonnés, ayant été revêtu à cet effet de l'aurorité nécefTaire, tant de la part du Pape, que de celle de des Européens, ni de l'Empereur. Si le Gouvernement pI2ARRE J-étoit demeuré entre fes mains, le Pé- chaP. ix. rou en peu d'années feroit devenu l'un des Royaumes les mieux réglés de tout l'Univers, & il auroit rapporté plus de profit à l'Efpagne que tous fes autres Etats: mais les cabales des Minières qui ne retiroient aucun profit d'un homme dont la conduite n'a voit jamais befoin de défenfe, & qui ne favoit pas acheter la faveur par des préfents, troublèrent bientôt ce calme. Ils nommèrent d'abord des Juges auxquels ils donnèrent une autorité très étendue, pour prendre connoilTance des affaires publiques, & qui s'oppoferent fouvent aux me-iiires du Gouverneur , uniquement pour la fatisfaclion de contredire : enfuite on envoya Blaife Nunez avec le titre de Viceroi, pour le fupplan-ter, & pour donner force à des Loix absolument contraires à l'avantage tk. à la paix du Royaume. Quand ce nouvel Officier arriva à 7 On envoie Lima, en 1544, les habitants offrirent viceroi. {son unanimement de foutenir de Cafiro ™J£u?ence dans fon adminiflration , & de fup- veaux ttoîil plier l'Empereur de le continuer : bles-mais il refiifa abfolument de pro- An. 1544. Tom. IlL f 'izarre ^tcr ^e ^eur amn^'- 0 fe fournit à tbap. ix/l'autorité de Nunez ,v qui conçut de la jaloulie du grand crédit qu'il avoit An. 1544. aCqUjs parmi le peuple : le fit bientôt mettre aux arrêts fous quelque prétexte , &c fe conduifit d'une manière fi arbitraire & fi imprudente qu'elle lui attira un grand nombre d'ennemis. Ils encouragèrent Gonzalez Pizarre à lever des troupes contre lui : & promirent de le foutenir dans fa place de Procurateur - Général, qni lui don-noit le pouvoir d'engager des troupes pour la défenfe de fa perfonne. Les Juges donr nous avons déjà parlé confirmerez fon titre par oppofition contre Nunez, & difpoferent fi bien toutes choies en fa faveur qu'il fut reconnu Gouverneur du Pérou dans la ville de Cuzco. Herréra & Garcilaffo de la Véga parlent différemment de l'adminiflra-tion de Nunez; mais nous avons préféré de nous attacher au récit du dernier, qui paroît'Je plus modéré, qui ne marque de pafîion contre aucun parti, &c qui n'entreprend point de juftifîer les actions condamnables de quelque côté qu'elles fe trouvent. Au contraire Herréra fait paroître une animofué des Européens. 123_ Continuelle contre la famille de Pi-pIZARRE, zarre ; mais ce qui nous détermine chaj». ix. encore plus à nous attacher à la Véga, ^n eft qu'il vivoit dans le pays, & dans le temps où font arrivés les faits qu'il rapporte. La conduite de Nunez étoit fi arbitraire & fi odieufe que fes troupes palToient de jour en jour à Pizarre. Son caraftere éroit fi violent qu'il fit affaffiner en fa préfence Suarez, l'un de fes meilleurs amis, parce qu'il le foupçonna d'avoir deffein dedéferter: mais il fe repentit bientôt de cette cruauté, ayant eu des preuves iricon-teftabies de fa fidélité. Une conduite aufîi defpotique, Les Juçrci _r r 1 t \ r • xt le font arre- obhgea les Juges à faire mettre Nunez iCr.Goraal« en prifon, &: à l'envoyer fous bonne Pierre eft re- J v 1 1 11 ' rr ' ' 1 conru' Pour garde a bord d un vauieau. C etoit le Gouverneur, feul moyen de le garantir des infultes d'une populace irritée , & de le fau-ver de la vengeance de Benoit de Car-vajal, frère de Suarez , qui avoit fervi fous Gonzalez. Quelque temps après il fut mis en liberté & tranf-porté comme il le défiroit à Truxillo, fous les ordres d'Alvarez l'un des Juges qui rut chargé par les autres de le mener en Efpagne, ôc de préfenter 124 DÉCOUVERTES Pizarre 'l l'Empereur le détail de fa conduite; ciup. lx. Cependant Gonzalez, en partie par An. is4|. des moyens légitimes, en partie par des moyens honteux, réuflit à fe faire reconnoître généralement pour Gouverneur du Pérou : mais il eut la prudence de laiffer toute l'adminiftration des affaires civiles aux Juges, pour s'appliquer entièrement à ce qui concern oit le règlement &c la conduite de l'armée. Vaca c2e Après que Pizarre eut fi bien établi k K-ro?!mte folî autorité que perf onne ne paroiffoit avoir ni la force ni la volonté de la lui difputer, il réfolut d'envoyer deux de fes partifans en Efpigne dans le même vaiffeau qui devoit y tranfporter Vaca de Caftro. Ils etoient chargés de faire l'apologie de fa conduite : mais de Caftro, qui en craignit quelques mauvais ohices, engagea l'équipage à fortir du port, & à faire voile pour Panama , avant que les dépêches de Pizarre fufTent en état. Mauvaife Cette retraite irrita excefîivement l'iiarrc Pizarre, &C il accufa diveries perfonnes qui lui avoient rendu de très grands fervices, d'avoir eu part à Péva- «. fion de Caftro. Non-feulement il en ût emprifonner plufieurs de fon auto- des Européens. '115 rité arbitraire , mais il en fit même pItARItE * mourir guelques-uns cruellement. Il chap. ix. fit tous les efforts pour faire tomber An l'horreur de cette conduite fur Carva-jalrmais comme il ne fit aucune de-marche pour l'en punir par la fuite, on jugea qu'il n'avoit cherché qu'à fe dif-culper lui-même. AufTi-tôt que le Viceroi & le Juge An- r"j; Alvarez furent arrivés à Tumbez, ils publierent un Manifeffe, qui contenoit le récit de la révolte de Pizarre, & requirent l'affiftance de tous les fidèles fujets contre lui. Nunez fit paroître en cette occaficn beaucoup plus d'habileté qu'on ne lui en avoit jugé dans le temps où-la fortune lui avoit été le plus favorable : mais la mauvaife réputation qu'il s'étoit aequife avoit tellement pris le demis, que les ennemis mêmes de Pizarre craginirent de fe joindre à lui, & il fut obligé de fe retirer à fon approche. Pizarre le chaffa & le pourfuivit jufques dans les montagnes efearpées de Quito, où il fe trouva fouvent réduit à la plus grande difette, obligé de fe nourrir de la chair de fes chevaux, ou des herbes fauva-ges & des végétaux qu'il pût trouver dans cette terre inculte. F iij Il6 DÉCOUVERTES Pizarre ' Nunez demeura erranr pendant plus Chap. ix.' d'une année, durant laquelle on commit de grandes cruautés de part &c Î4J" d'autre. Enfin il fut attiré au combat Nuner eft le 19 de Janvier 1546 près de Quito : défait & tué. -fon ^art\ fllt totalemenrmis en déroute, An. [e Chef fut tué en combattant vail- lamment. Sa tète fut coupée & mife au bout d'une lance par les ordres du vindicatif Suarez : mais Pizarre vivement touché de cette indignité, la fit ôter aufîitôt qu'il en eut connoiffance, & ordonna qu'elle fut enterrée honorablement avec le corps. Fierté Le récit de ces dangereufes divi-.^WrouïvÂps affligea beaucoup la Cour d'Ef-letitredïPró.pagne, & elles déterminèrent l'Empereur à envoyer Pierre de la Gafca avec le titre de Prélîdent de la Cour royale du Pérou, & avec un pouvoir égal à celui d'un Prince Souverain. Par fes inftru&ions il fut autorifé à faire de nouvelles loix ou à abroger les anciennes, à pardonner ou punir la trahifon, comme il le jugeroir le plus à propos pour l'honneur de Dieu & pour le fervice du Prince : enfin il lui fur permis d'exercer la même aurorité fur les perfonnes & fur les chofes que s'il avoit été le Roi lui-même. des Européens. 127_^_ Pierre delà Gafca, Prêtre, & Mem-PlzARRE j bre de l'Inquifition, étoit un homme UiaP. îx. d'une réfolution & d'une droiture à An< IM& toute épreuve, d'un courage inébranlable, doux, affable, pénétrant,fub- Sa conduite til : & qui fe conduifoit par les prin-Jjs^* rru' cipes les plus défintéreffés. Sa Commiflion fut dattée de Vienne, au commencement de 1546, & il arriva à Panama au milieu de Juin de la même année. Il y fut reçu avec un grand refpeft : fon air agréable & fa conduite judicieufe lui procurèrent quantité d'amis, ls aux mines, ou fulfenr employés à la pêche des perles, & par cette douceur mal entendue il empêcha de retirer le produit de ces tréfors, qui rendoient le Pérou une acquisition fi imporranre. Il défendir aum* qu'aucun des Officiers ne rerint de ferviteur Indien, fous quelque prétexte que ce pût être ,& plufieurs de cette narion, qui éroient tombés entre les mains de maîtres tendres & humains, eurent autant de douleur d'être obligés de les quitter, que fi on les avoit arrachés d'entre les bras de leurs parents les plus chers. Il ordonna par une nouvelle loi, que les biens de tous les fui ets retourneroient après leur mort à la Couronne qui pourroit accorder ce qu'elle jugeroit à propos pour l'entretien de leurs femmes & de leurs enfants. Il en fit encore plufieurs autres , au nombre de quarante-quatre , également contraires à la politique, à la prudence, & aux véritables intérêts du pays. L'armée de Centeno, renforcée par Retraite les troupes qui l'avoient jointe d'Are-Pl""e* F v; 'izarre clmPa > ae ^a P^ata j & d'autres en-ch. ix. droits, montoit alors à mille hom- Un. iW. mes, & le Préiîdent dont les forces augmentoient continuellement, réfo-lut de marcher vers Lima, qui fe déclara en fa faveur deux ou trois jours, après le départ de Pizarre. Ce Commandant avoit dirigé fa marche du côté d'Arécjuipa : mais voyant que tous les événements lui etoient contraires , & qn il n'avoit plus qu'environ quatre cents hommes, quoiqu'il eût été joint par Acofta avec cinquante chevaux ; il tourna du côté du Midi a dans l'intention d'établir une Colonie dans la partie orientale des montagnes du Potofi, dont les mines d'argent avoient été découvertes depuis peu. Il avoit aufîi formé le def-fein,s'il trouvoit quelque oppolition, de fe retirer encore plus au Midi, pour former un Etabliffement dans le Chili : mais Centeno lui en coupa le chemin,. 6v Pizarre après avoir eifayé inutilement de l'attirer dans fon parti par de belles promelfes , fe détermina à s ouvrir un paflage au travers de fon camp. Acofta y fit une attaque la nuit qui précéda la bataille, dans l'efpé-- lance de furprendre Centeno : mais des Européens, rrj_ il fut découvert, & fe retira fans au- p1ZARRE y cune perte. chap. îx. Les forces de Centeno etoient corn- An> IJ47<> pofées d'environ mille à douze cents hommes, & celles de Pizarre n'étoient "Xï pas de plus de cinq cents. Le 20 d'Oc- ûir Ceütcn©» tobre les deux armées fe rangerent en bataille vis-à-vis l'une de l'autre : mais le courage & la conduite de Carvajal fuppléa au nombre des troupes. Il ordonna à fes gens de ne pas quitter le polie où il les avoit placés,. & de conferver leur feu jufqu'à ce que les ennemis fiüTent près d'eux. Il donna à chaque homme deux moufquets, parce que le plus grand nombre des déferteurs n'avoientpas emporté leurs armes, & fes ordres furent fi bien exécutés,que Centeno fut entièrement mis en déroute, quoique la cavalerie de Pizarre eut d'abord étépouffée vivement , & que lui-même eût été forcé de fe mettre à couvert fous fon infanterie. Centeno, qui s'étoit fait porter au combat dans une litière, fut par fa défaite entièrement guéri de fa maladie : il monta à cheval, pour perfua-der à fes gens de fe rallier : mais tous fes efforts furent inutiles. Cet efprit de 134 DÉCOUVERTES 'izarre ^mérité, qui les avoit pouuesà mar-chap.ix.'cher au combat, fans attendre les . i ordres de leur Général, 6c fans gar-H7' der leurs rangs , fe changea tout-à-coup en crainte 6c en continion : ils jae firent aucune attention à fes remontrances, 6c réduit prefque au défef-poir ,il fut obligé de pagner Lima par les routes les plus détournées. bes Européens. 135 ^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^ Pizarre 9 m "IIWIIIIIUBB—Ba^m. chap. x. A». IS4T. CHAPITRE X. Gonçale^ entre dans Cuçco : Le Préji-dent eji vifité par Valdivia , & par plufieurs autres Officiers : Pizarre court à fa perte en rejettant lescon/eils deCarvajal : Il eft abandonné de toutes fes troupes à la rencontre des deux armées : Il eft obligé de fe rendre, & fe conduit avec beaucoup d» fermeté en préfence du Préfident : Il eft condamné comme rebelle à C Empereur y & décapité: On fait mourir plufieurs de fes Officiers : Le Préfident emba-raffé pour le partage du terrein fe retire en Ejpagne. CEtte vi&oire renforça con- Suites del» fidérabkment les troupes de^e1.1^1* Pizarre , qui furent jointes par un grand nombre de ceux qu'elles avoient vaincus» Elles fe mirent en marche pour prendre poffefîion de Cuzco, après quoi l'on en détacha plufieurs partis pour nettoyer le pays: mais dans cette expédition,, leurs Commandans fe rendirent cou- 136 DÉCOUVERTES Pizarre Pakles d'un j*rand nombre de cruau-Chap. x. 'tés. Cette défaite ne fît aucun tort k An. ii47. Parmée du Préfident, au contraire elle s'augmenta de jour en jour. Centeno trouva moyen de le joindre, oc" il fut aufîi joint par Belalcazar, 6c par plufieurs autres bons Officiers, ainfi que par Pedro de Valdivia avec environ douze chevaux. Valdivia Ce dernier Gentilhomme avoit été £d"nt!e 1 re nommé Gouverneur du Chili : mais jugeant que fes forces n'étoient pas An. 15+8. fuffifantes pour fe maintenir dans ce pofte, il s'étoit embarqué à faint Ja-go pour Lima, avec des tréfors très confidérables, dans l'intention de s'en fervir à lever des recrues. Quand il vit la fituation des affaires, il préféra de fe joindre au Préfident, qui eut la plus grande joye de recevoir un fécond d'une aufïî grande importance. Il ne pouvoit manquer d'en retirer de très grands avantages : Valdivia étoit le plus vaillant guerrier qu'il y eut alors dans toute l'Amérique , & pour l'intrépidité & la prévoyance , il n'y avoit que Carvajal qui put lui être compare. Gafca fe trouvoit alors à la tête de quinze cents hommes, & il réfolui des Européens. 137 de s avancer contre Pizarre, cjiii enfle pjzarre par le fuccès fe détermina à marcher chap. x. à fa rencontre. Cette démarche étoit Allt IJ4^ abfolument contraire aux avis de Car-vajal, OfHcier très expérimenté, qui PafTura qu'elle le conduiroit infailliblement à fa perte. Il lui repréfenta que l'armée du Préfident étoit de beaucoup fupérieure à la fienne: qu'il étoit très certain de la fidélité de fes gens, au lieu que Pizarre devoit être afTuré que les trois cents hommes qui avoient déferté de l'armée de Centeno après le combat précédent, re-tourneroient à leur premier maître fur l'apparence du plus léger avantage. Il lui dit auïli que la conduite la plus prudente qu'il pouvoit tenir,. étoit de haralTer l'armée du Préfident , en fe retirant devant lui du côté du midi, & de l'affamer, en enlevant toutes les provifions des endroits par où il pafTeroit, ce qui le jetteroit dans de très grands embarras s'il entreprenoit de le fuivre : enfin il promit de lui faire connoître un endroit où il feroit impofîible de le forcer , en même temps qu'il tien-droit tout le pays en refpeft, & qu'il réduiroit fon ennemi à la plus grande difette de.vivres, 138 DÉCOUVERTES Pizarre Pizarre avoit conçu contre Car-chap. x.'vajal les foupçons les plus mal fon-An 1548 ^s ? comme G cet Officier eût eu def-fein de le faire périr, & il ferma l'o-' Pizarre rui-teille à tous fes avis ; Carvajal lui of-ne fesatrau^fi-jt d'empêcher avec deux cents hom-conirnanHe- mes d'Infanterie & cinquante Che-vajïi * Car"vaux» <ïu€ ^es ennemis ne paffaffent la rivière à Apurimac, ou de les mettre en déroute après qu'ils l'auroient traverfée : mais ces offres furent mé-prifées, & Pizarre donna le commandement à Acofta, qui manquoit également de prévoyance & de diligence, & qui laifla les ennemis s'emparer du paflage, fans leur oppofer la plus légere réfiftance. Sur le haut d'une colline près d'A-purimac eft' une fontaine d'eau fraîche , la feule qui fe trouve dans l'étendue de plufieurs milies, & le projet de Carvajal étoit d'y placer une embufcade. Il jugeoit que les foldats, ne foupçonnant pas le voifinage des ennemis, y viendroient boire en dc-. fordre après avoir traverfé la rivière , & penfoit qu'il lui feroit aifé de tomber fur eux, & de les mettre en derouredans la confufion où les jette» roit cette attaque imprévue. d es Européens. 139 Si Pizarre s'étoit prêté à quelqu'un pIzAR RE de ces projets, il auroit rétabli fes af- chap. x. faires, & renverfé tous les deffeins An u de Gafca : mais Carvajal les lui pro-pofa inutilement, & il perdit toutes les occafions de nuire au Préfident. Le 9 d'Avril 15 48 les deux armées furent rangées en bataille vis - à - vis l'une de l'autre, & lorfque Carvajal eut obfervé l'ordre de celle de Gafca, il dit que Valdivia l'avoir certainement joint, parce qu'il n'y avoir aucun autre dans le Pérou qui fïit en étar de difpofer cette arméeaufîi avan-tageufement qu'elle l'étoit. La victoire ne fut pas long temps r r * , r»> r abandonné de en iulpens : les troupes de Pizarre pal- fes troupes ferenr en foule à l'ennemi : GarcilafTo *>tprif#* de la Vega, pere de l'Hiftorien, fut le premier à leur en montrer l'exemple: toute l'aile droite le fuivit, & plufieurs efcadrons de Cavalerie en firent de même. Carvajal, qui dégoûté par l'entêtement de Pizarre, avoit refùfé rout commandement, ÔC qui n'agifToir plus que comme volontaire , commença alors à chanter quelques couplets d'une ancienne ballade , qui avort afles de rapport à ce qui fe pafloit. Pizarre ^e re^e ûes Troupes, fe voyant chap. x. ' ainfi abandonnées j etterent leurs ar-An. 1548, mes & prirent la fuite, enforte qu'en très peu de temps Pizarre fe trouva feul avec un petit nombre d'Officiers. Il fe tourna tranquillement du côté d'Acolf a, & lui dit : » Eh bien ! frère » Jean, que devons nous êlire ? Mou-» rir comme des Romains , répondit » d'Acofta : non , répliqua Pizarre , » li nous périffons, que ce foit plutôt » en Chrétiens. » Après avoir dit ces mots, ils s'avancèrent du côté de l'armée de Gafca , & Pizarre fe rendit à Pedro de Villavincenfio , qui le remercia de l'honneur qu'il lui faifoit, & avec la plus grande politeffe refiifa l'épée &c le poignard que lui préfentoit Pizarre , & qui etoient fes feules armes. Centeno alla au-devant de lui, lorf-qu'il fe rendit auprès du Préfident, Se parut fort touché de cet événement : mais Pizarre lui répondit d'un air ouvert : » cette journée Centeno a com-» pletté ma ruine : vous aurez peut-» être fujet demain d'en être vous » même affligés ? » Il répond Gafca, l'accufa de s'être révolté Jvec fermeté „_ 0 , . au Préfident, contre 1 Empereur, & d avoir ete Le des Européens. 141 meurtrier de Nunez. Pizarre lui ré-pIZARR£ pondir avec fermeté : qu'il n'avoit ciup. x. pris le Gouvernement que lorfqu'il An> JJ4g lui avoit été conféré par les Juges qui en avoient le pouvoir, quoiqu'il eût pu le faire en vertu de la commif-fion accordée par l'Empereur à fon frère & à fes héritiers : que Nunez avoit été tué dans une bataille, & qu'il avoit été forcé de s'oppofer à lui pour le maintien de la paix pu-blique. Le Préfident l'accufa d'ingratitude envers l'Empereur, qui l'avoit élevé du néant, à quoi Pizarre répondit : que perfonne n'ignoroit qu'il étoit homme de naifîance , & que fes ancêtres avoient dû leur élévation uniquement à leur courage : que quand même les Pizarres auroient manqué dans leur conduite, ce qui n'étoit pas, il s'imaginoit que les fervices qu'ils avoient rendus à la Couronne, dévoient militer en leur faveur. Il conclut en difant au Gouverneur, de regarder autour de lui, à quoi il ajouta : » vous devez vous » reflbuvenir que tout ce pays a été » annexé à la Couronne d'Efpagne » par la valeur de mon frère; 6c que 142 DÉCOUVERTES ^zarre " j'y a* ^S&s contribue. Je fuis fon Chap. x. » feul représentant, & je n'ai jamais An » quitté le pays , aulTi je crois ne n. 1548. ^ ^n demander que de très raifon-» nable quand j'infilfe à en être le » Gouverneur : je fuis bien éloigné » de taxer l'Empereur d'aucune in-» juftke : mais je ne puis m'empê-» cher de dire que s'il avoit connoif-» fance de ma Situation, & s'il pou-» voit la voir d'un œil impartial,bien » loin de me retenir clans la captivi-» té, Se de me flétrir du nom de ré-v belle , il m'accorderoit des récom-» penfes beaucoup plus comidéra-» bles que celles dont j'ai été forcé » de me contenter. » Cette hardie défenfe ne fut nullement agréable à Gafca ; il donna ordre de remettre Pizarre à la garde de Centeno, qui le traita avec autant de refpect, que s'il avoit été en poffef-fion du pouvoir le plus abfolu. Carvajal avoit fait fes efforts pour fe fauver dans la campagne : mais il fut pris par quelques gens qui le virent tomber de cheval , comme il vouloit traverfer un miffeau, & fi Valdivia 8c Centeno ne fuffent arrivés affés à temps , fa vie auroit pu des Européens. 143 être en danger: mais le dernier lepIZARRE ' prit fous la garde. chap. x. Le Préfident tint aufti-tôt un Con- a.n. 1548. feil de guerre pour délibérer fur la fi- % , ... • & o 11 1 rr - o » °n établit tuation actuelle des anaires, oc après une rornmil-de grands débats Alonzo de Alvara-f=°" Pour le do & Chianca furent choifis pour juger Pizarre & fes partifans. On penfa que le parri le plus fage étoit de décider leur fort le plus promptement qu'il feroit poïfible, crainte qu'il ne mrvint en leur faveur quelque changement qui donnât une autre face aux aifaires. En conféquence de cette réfolu- ïieftdéca-tion , Pizarre, le vieux Carvajal/' Acofta & Guevara furent jugés , déclarés convaincus, & condamnés à être pendus. La fentence fut aurïï-tôt exécutée fur tous, à l'exception de Pizarre, dont la peine fut commuée en celle d'être décapité, à caufe du titre éminent de fon frère, & le lendemain fa tête fut tranchée fur le billot, dans la quarante - deuxième année de fon âge. Ainfi périt Gonzalez Pizarre , qui mériroit cerrainemenr un meilleur fort. Il rempliffoit dignemenr la place , pour la défenfe de laquelle il per- 144 Découvertes Pizarre ^ v*e> ^ e^e étOÎtégalement Chap, x. ' due en vertu des droits de Ta famille, . de fes vertus particulières, & de fes An 154s. r ' - r\ • r » talens luperieurs. Un raza jufquaux fondements la maifon de Pizarre , tant h Cuzco qu'à Lima : on fcma du fel fur leur terrein : on y éleva un pilier de marbre, fur lequel fes crimes furent infcrirs, & l'on expofa fa tête avec celle de Carvajal dans la place du marché de Lima. Plufieurs de fes officiers &C de fes partifans furent exécutés en divers endroits, & après avoir facrifié ces victimes, le Préfidenr fe retira à Cuzco, où il paffa quelque temps dans les réjouif-fances avec fes amis. Il penfoir que tous les troubles dévoient être finis par la mort des révoltés : mais il vit bien-tôt qu'il n'étoit encore qu'au commencement. Quand il voulut faire la diffribiition des Terres, il ne lui fur pas poffible de fatisfaire aux demandes de chacun, & jufqu'aùx moindres foldats vouloient devenir Seigneurs de quelque portion de ter-rein. Le Prcfi- Fatigué de toutes leurs follicita- uitte le tjons ? Ga(-ca réfolut de s,en éloi_ . gner : il fe retira fecrettement à Li- Aq. ijjo. ° ma , d f. s Euro pi' r. d s. i£{ ■ ma, & enfuite à Panama dans rin-pr/ARREs '-tention de s'y embarquer pour FEl- chap. x. l>agne, & d'emporter avec lui près AtXtJsr4-de deux millions au profit de l'Empereur , (ans s'approprier un feul ducat pour lui-même: Je'crois qu'il feroit très difficile de trouver des hommes femblables à Gafca & à Vafca de Caftro, qui fe conduifirent l'un & l'autre jÇuivant des principes bien différents de ceux du plus grand nombre , ne cherchant que le bonheur du Peuple, & à augmenter les revenus de la Couronne, fans aucun égard à leurs intérêts particuliers : aufïï doit-on remarquer qu'ils n'étoient ni çour-tifans, ni même.de naifiàncé.'illuftre. A Panama, Gafca fut pres de perdre tout le tréfor qu'il" avoit amaffé pour l'Empereur, &c même fa propre vie fut très expofée, par un foule-vement imprévu, qu'il appaifa par fa valeur & par fa prudence. Il s'embarqua pour PEfpagne à Nombre de Dios en l'année 1550, & l'Empereur fut fi fatisfait de fa conduite, qu'il lui donna l'Evêché de Siguença, ville très peuplée dans la vieille Caf-tille, dont le revenu annuel eft actuellement eftimé quatre cents mille 7om. UL G 'i7.ar.re ducats. Il y mourut en 1567, & fut chap. x. ' enterré dans la Chapelle Paroiiïïale ^ de la Magdelalne de Valladolid, ' 15i0' qu'il avoit fait bâtir Ôc dottée. Fin de la Découverte du Pérou. M7 HISTOIRE DES DÉCOUVERTES Faites parles Européens dans les différentes parties du monde. Découverte de la Floride par plufieurs Avanturiers, & parriculiérement par Ferdinand de Soto, en 1539. CHAPITRE PREMIER. Découverte de la Floride par Sebajlien Cabot : Jean de Ponce y fait une expédition avec trois vaiffeaux : Origine du nom de Floride : Les gens de Ponce font attaqués & battus deux fois par les habitants: Recherches qu'il fait pour la Fon» taiae de Santé : Entreprife infruc- G i j 14$ DÉCOUVERTES tucufc de François de Cordoue dans le même pays: l'amphile de Nar-'yac^ y pafje avec des forces plus conf/dérab/cs : Il prend quatre prifonniers , & fe proeufe des provi-f:onr: Il va à la recherche d'une contrée imaginaire toute remplie d'or: Un de fes hommes eft noyé: Il arrive avec f s gens à A'palachen , ou il trouve quelque oppofltion. ixcouverr; L À Floride , firuée dans le conti-l>ar CuboirC nent ('c l'Amérique, fut d'abord découverte par Sebaftien Cabot, vers le commencement du feizieme fiéclc : maïs if.ne lui donna pas de nom. On ne"'trouve point qu'il en (bit parlé-dans les voyageurs des différentes nations, qui s'étendoient alors de toutes parts, jufqu'au temps de l'expédition de Jean Ponce de Léon. Lorfqu'il eut été fupplanté dans fon Gouvernement de Porto-Rico, où il avoit fait une très grande fortune, il -forma une Efcadre de trois vaiffeaux bien équipés, & montés de braves gens ^ dans l'intention de fai-re-.de nouvelles découvertes qui puf-fenfc fejrvk à augmenter fes richefTes, ô^à étendre fa réputation, des Europee n s. 149 nom de Floride en l'honneur du £j£ Printemps , nommé par les Efpagnols Palcua florida , parce qu'on étoit alors dans la belle faifon des fleurs; la découverte en ayant été faite le jour de Pâques de Tannée 1512. Ponce de Léon fuivit affés long unn « temps la côte, pour trouver un port «^iraccommode , & il aborda le rivage le 8 d'Avril. Son delTein étoit de faire quelque liaifon avec les habitans , & il en vit Un àffés grand nombre, qui s'étoient rangés en bataille à quelque diftance, dans l'intention de chaflèr les Efpagnols de leur chaloupe. Un des Chrétiens reçut un coup violent à la tête : le combat s'anima, & il y en eut deux autres dangereuv lement bleffés : mais les naturels du pays ne reçurent aucun dommage. Le Commandant ayant eu un peu de peine à raffembler fes gens, nt voile vers une rivière , qu'il nomma ijo Découvertes d«ouvmc Rio-de-Ia-Cniz, ou rivière de fainte «VJ* Floride. Croix: il y fît du bois & de l'eau ; ciup. i. mais étant continuellement haraïTé An. i5u. par les Indiens, il jugea que ce fe- roit en vain qu'il entreprendroit de former quelque établiffement dans ce pays: cependant avec la moitié du nombre d'hommes qui i'accom- leté de Cortez auroit été en état dt foumettre la plus grande partie de l'Amérique. Ce qui contribua le plus à empêcher Ponce de parvenir à former un établiffement dans ce pays, fut l'idée ridicule çlont il s'étoit rempli l'efprit, qu'en quelque endroit voifïn de ces Cantons on trouvoit une fontaine, dont les eaux avoient la vertu de la chaudière de Médée, où ceux qui etoient plongés reve-noient de l'âge décrépit à la vigueur de la plus brillante Jeuneffe. Après avoir paffé beaucoup de temps en ce lieu, & eatre les Illes de Bahama, pour y chercher cette curiofité imaginaire , il retourna en Efpagne, où il éleva beaucoup le mérite de cette expédition, & il fut récompenfé gé-néreufement par le Gouvernement, quoique fon induitrie n'eût procuré avanturier de l'habi- des Européens, rjft Vautre avantage que celui d'avoir découverte trouvé un chemin plus court par le delà Fétide, golphe du Mexique pour fe rendre chap. i. en Efpapne, fans faire le tour de l'Ifle i. l ^ t & ' . , . , r - An. IJI2. rîde. 6 pêtes, oii ils perdirent plus de deux Po»r i'fcfpa-cents hommes, 6c la moitié de leurs gllC. nombre fur le navire. Vafquez eut lai mau-vaife foi de s'en rendre maure, & de les envoyer à Saint-Domingue : mais le plus grand nombre de ceux qui y parlèrent moururent de chagrin. Vafquez vint enfuite en Efpagne, & obtint de Charles-Quint des provifions de Gouverneur de Chicora, & s'il périt dans la Floride, ce ne fut que dans la féconde expédition. des Européens. 153 chevaux, ils arrivèrent fur la côte r^cof.verte1 de la Floride le 12 d'Avril i^;*la'Fferi*. L'Auditeur defeendit dans une petite dhap. I. Me, dont les habitants lui donne- An. rfè rent quelques peaux de Daims, &: quelques petits poiffons. Le lendemain, Narvaez prit autant d'hommes que les chaloupes en pouvoient contenir, & defeendit avec eux dans la terre-ferme de la Floride, vers un petit village que les habitants avoient abandonné. Les maifons en etoient de différentes grandeurs : il y en avoit de fort petites , & d'autres affés va A tes pour contenir plus de trois cents perfonnes. Il fut le premier qui prit formellement poffeffion de ce pays au nom du Roi d'Efpagne : enfuite il envoya un brigantin chercher un Port où les vaiffeaux puffent être en fureté: fît débarquer le reffe de fes chevaux, & marcha du côté du Nord avec quarante hommes de pied tk. nx Cavaliers. Après avoir parcouru » environ quatre lieues, ils firent prisonniers quatre Indiens, qui leur promirent par fignes de leur enfeigner ©il ils trouveraient du Maïs , ce qu'ils avoient cherché inutilement dans le pays. En effet, ils conduifirent les E& _ï)4 Découvertes Découverte pagnols à un village, dans le voûi-**Ja Flo,ide- nage duquel ils en virent, mais il n'é-c^ap. i. toit pas encore mur. Ils les menèrent An. mu enfuite à un autre , où ils trouvèrent quelques pièces d'étoffes du pays, 8t une petite quantité d'or. On leur fit entendre qu'il venoit d'une contrée nommée Apalachen, au Nord-Oueit de celle où ils étolent. Un peu plus loin ils trouvèrent un grand champ de Maïs en état cPeüje coupé, & ils réitèrent deux jours en cet endroit. Narvaez, déterminé à chercher par terre le pays d'Apalachen, d'où venoit For qu'ils avoient vu, fit choix pour cette expédition de trois cents hommes, dont quarante etoient bien montés. Il leur donna à chacun deux livres de bifcuit, & une demi livre de porc, dont ils vécurent pendant quinze jours , ne trouvant ni maifon, ni habitants, ni rien de bon à manger, à l'exception de quelques •dattes qui etoient excellentes. Ils furent arrêtés dans leur voyage par -une Tiviere qui couloit avec une rapidité excemve^ mais après être demeurés environ un jour fur le rivage , ;k violence des eaux diminua, &Hs la payèrent fur des ra4eaux, des Européens. 155 avec autant de difficulté que de péril. Découverte. Es trouvèrent enfuite deux cents In- du Midi on trouvoit la mer, & fur fes bords une nation appellée Aute, dont les peuples etoient de fes amis , •& où il y avoit du bled tTïnde ea grande abondance. Découverte t de la Floride. Chap. II. CHAPITRE IL a*, ttm Narvae^ perd Cefpérance de trouver de Pot & eft réduit à une grande misère. Il ccnftmit cinq batteaux dans lefquels il s'embarque fur la rivière de la Magdelaine : Il dtfcenâ dans une Ifte : Les habitants attaquent les Efpagnols & Narvae^ eft -kleffe : So-n vaijfeau eji écarté & perdit par un coup de vent furieux : Alvarê gagne la terre , & ejl bien reçu des habitants , dont on dit qu'il guéri* les maladies : Dtfcription de ce peuple 7 Les Efpagnols paftent pour les enfants du Soleil • Ils rencontrent des Chrétiens qui fe conduifent mal avec eux., LEs Espagnols n'ayant rien trouvé l" dans ce pays qui répondit a leur Trompés d«« «attente, ni vu aucune apparence cTor, ^s efp««^ ïéfolurent de marcher à Aute, ce qu'ils exécutèrent aufîitôt. Après un "voyage très fatiguant, pendant lequel ils furent continuellement haraf-jéspar les naturels du pays, ilsani- . l6ö DÉCOUVERTE* Découverte verent en neuf jours à Aute, dont fa$ 4e la Floride, habitants avoient brûlé les maifonfc chap. il. Se pris la fuite : mais ils y trouvèrent An. 1528. du maiz, des citrouilles, & d'autres végétaux, qui leur fournirent de bons ratraichùTements. Us confiai I- Cet endroit ne répondant encore feutres bai~nu||ement ^ j^ùgg efpérances, ils fe déterminèrent à effayer de conflruire quelques bateaux pour s'embarquer fur une rivière qu'ils nommèrent de la Madelaine. Elle étoit très large, & ils comptoient qu'elle pourroit les conduire fur la côte de la Floride, qui eft voifine du Golphe du Mexique. Après beaucoup de difficultés, ils réunirent à fe oonftruire cinq grands bateaux, chacun de trente-trois pieds de long. Un de leurs hommes , qui avoit le génie d'invention, fît une forgeait il ajufta une efpece de foufflet de peaux de bêtes,avec un tuyau de bois, ce qui leur fervit à former les ouvrages de fer qui leur etoient néceffaires, en y employant leurs arbalêtres, leurs éperons, ôc quelques-unes de leurs armes. Ils garnirent les fentes de feuilles & d'écorces de palmier : firent des cordages de crin de cheval, & prirent leurs chemifes pour fervir © E s Européens, i 61 de voile. Ils formèrent des rames ojc6»vene avec du fapin, 6c au lieu de goudron de ^ Floride, ils employèrent la gomme qui diiti- Chap. n. loit des pins. Ils avoient confervé les a», i^s. peaux des cuiffes des chevaux qui leur croient morts , les plus entières qu'il leur avoit été pomble , 6c quand ils les eurent coufues, elles leurs fçr-virent de boucs pour garder leur eau. Le 22 de. Septembre ils s'embar- Narra» eft 1 or5i attaque & querent fur ces bateaux, oc s afean- bieflé par i<* donnèrent à la merci des flots, aucunIadltns* d'eux n'ayant de connohTance dans l'art de la navigation. Ils avoient perdu quarante hommes en vingt jours, tant par la maladie que par la fatigue, outre dix que les Indiens avoient tués à la vue de leurs camarades, fans qu'ils piment leur donner aucun fe- - cours, dans l'état de foibleffe où ils etoient réduits. Après fept jours de . navigation, ils découvrirent cinq canots remplis d'lndiens,qui abordèrent dans une Iile, où Narvaez 6c fes gens les fuivirent : ils y trouvèrent quelques œufs 6c plufieurs rayes qui leur furent d'un grand fecours. Ils emmenèrent les canots avec eux, & remirent à la voile : mais l'eau venant à leur manquer, ils furent réduits à la Découverte P^us grande peine, & plufieurs ayant JUfc Floride, bu de celle de la mer, il y en eut cinq chap. ii. qui moururent. Voyant quelques ha-An. i5i$. bitants fur une pointe de terre qu'ils doubloient ils fe hazarderent à defcendre , 6c trouvèrent de petites mai-fons bien bâties 6c tapiffées de nates , avec de l'eau fraîche dans des pots aux portes de ces maifons, 6c des poif. fons tout cuits, ce qui leur fit un repas délicieux. Le Cacique leur marqua beaucoup de bonté, maislefoir les Indiens étant tombé fur eux, les Efpagnols emmenèrent ce Cacique , que fes gens réunirent à reprendre , éc Narvaez y fut bleffi d'un coup de pierre à la tête. Après cet accident, ils trouvèrent d'autres Indiens, qui offrirent de leur -montrer de l'eau fraîche, leur IaifTe-rent des otages, 6l emmenèrent fous ce prétexte trois Chrétiens dont on n'eût depuis aucunes nouvelles. Les otages firent leurs efforts pours'écha-per, & leurs compatriotes eflayerent inutilement de les enlever par force : Enfin les Efpagnols trouvèrent une rivière dont l'eau étoit douce, ce qui leur caufa une grande joie : mais n'ayant point de bois, ils «'abandon- bes Européens. 163 ïlerent encore au courant, chaque "Découverte homme étant réduit à une poignée «te 1» Floride; de mauvais maiz par jour. chap. n. Ils furent furpris par une violente An. 151», tempête : leur petite flotte fut difper- , lee , oj 1 on ji;^e que ce fut alors que rieur* : Pc.re périt Pan.phile de Narvaez, q^O^^SSS ne revit jamais depuis. Le bateau quiiecomma«dew portoit Alvaro Nunez fut jette dans™*1* une Ifle , dont les habitants, qui etoient de plus haute taille que le commun des hommes, le reçurent 6c le traitèrent avec la plus grande humanité. Les Efpagnols y recouvrèrent leurs forces, y firent provificn de poiffon, de bois, d'eau, 6c de quelques végétaux : enfuite ils fe dépouillèrent tout nuds, pour remettre leur barque à l'eau, y tranfporterent tous leurs effets , & y montèrent eux-mêmes. Une vague la renverfa tout-à-coup , 6c trois hommes qui en furent frappés tombèrent au fond, Se furent noyés, pendant qu'Alvaro 6c le refte de fes gens firent leurs efforts pour gagner la rerre; ils y réunirent, mais entièrement nuds,ayant perdu leurs habits 6c tout ce qu'ils poffé-doient dans ce dernier accident, qui les réduifir à la mifere la plus excef-five. 164 DÉCOUVERTES D.couvcnc Dô etoient dans un érat fi affreux que ie la fi >rid«! les Indiens eurent de la peine à les re-Chap. il connoître : mais ils leur apportèrent An. 152s. bientôt de la nouriture, & le vinrent affeoir auprès d'eux, en faifant des ta-11 perf fa menrations fur leur infortune. Ils les *^niere bar tranfporterentfurleursépaules aulieu de leur demeure,s'arrêtaritfouvent en chemin pour les chauffer h de grands feux qu'ils avoienr eu la précaution d'allumer de difrance en diftance. Les Efpagnols y trouvèrent les gens d'une de leurs barques, ce qui leur caufa la plus grande joie , & comme elle étoit en bon état, ils fe préparerenr à continuer leur voyage : mais quand ils furent prêts à s'embarquer, cette barque fur fubmergée par un coup de vent furieux, & leur nombre fe trouva alors réduit à quinze hommes , au lieu de quatre-vingt, le refte ayant péri par la faim & par la fatigue. Les hommes de*cette nation fe percent l'une des mamelles , Se quelquefois les deux, pour y attacher un petit rofeau d'environ trois palmes de long. Ils en portent auffi à la levre inférieure, qui eft également percée. Les femmes en général y font traitées en efclaves. Les Indiens habitent cette des Européens. 165 Tf.e depuis le mois d'Octobre juf qu'à Découverte la fin de Février : fe nouriffent de ik Ja Flotic,ft» poiffon, & d'une racine fort agréable chap. 11. cu'on rrouve environ à un pied de Ao. 152». profondeur fous les eaux : mais après ce temps, ces fortes de racines leur manquent, & ils fe retirent autre parr. vAlvaro demeura avec certe nation Guérifonc • r 'ri \ it__rr miraculeufes pacifique juiqu au temps ou elle pafia sll>on lui ^ au Continent les Efpagnols y fu-rent aufîi tranfportés. Si nous vouions croire le récit d'Herréra & de Ra-mufio , les Indiens les traitèrent fi bien parce qu'Alvaro avoit guéri plufieurs de leurs malades avec le figne de la Croix. Si le fait eft vrai, il faut fuppofer que ces Indiens quoique payens avoient plus de foi que les Efpagnols Chrétiens, puifque ce remède leur fut plus efficace. Il eft certain qu'Alvaro & deux de fes compagnons firent ferment depuis à Saint-Michel près de la Mer du Sud, de la manière la plus folemnelle que pendant fix ans, qu'ils voyagèrent au milieu des nations fauvages d'Indiens, ils y furent toujours bien traités à ca.ufe des guérifons qu'ils y opère- Découve.ce rent> Par le moyen du figne de la 4c la Floride. Croix. ( b ) Chap. il. Suivant le récit d'Alvaro Se de fes à». 1528. deux compagnons, ils furent récompensés des cures qu'ils avoient faites par des préfentsd'un fruit,qui fert particulièrement de nouriture à ces peuples. On le nomme Tune : il eft à peu-près de la grofleur d'un œuf : le goût en eft très bon,& la couleur en eft mêlée de rouge Se de noir. Non-feulement on le mange frais, Se Ton en tire une liqueur qui fait une boilîbn (b) Perfonne n'ignore combien les Efpagnols aiment à mettre dû merveilleux dans toute» les relations : ma £ 3 # » amis difperfés, à qui je dois la vie, chap. m. » & dont les intentions font très An, 1535,. » pacifiques. » Ce difcours prononcé par un homme , qui en apparence diiféroit fi peu des Indiens, arrêta Gallegos, qui le reconnut pour un des compagnons de Narvaez, nommé Jean Or-tiz. Il modéra l'ardeur trop impé-tueufe de fes gens : encouragea les Indiens à revenir, oc" les ramena tous en fureté au camp, ce qui caufa une grande joye à Soto , qui fut très content en particulier de l'acquifition d'Ortiz, d'autant qu'il efpéra trouver en lui un Interprête, d\in grand fer-vice pour la fuite de fon entreprife. Pourquoi il jean Ortiz étoit d'une bonne fa- ta£u avCC mille de Seville, & après avoir fuivi la fortune de Narvaez, ce Commandant l'avoit envoyé de la Floride avec des lettres pour fa femme qui étoit à Cuba: mais à fon retour il étoit tombé entre les mains des Indiens, avec un autre Efpagnol qid avoit été taillé en pièces , parce qu'il s'étoit mis en défenfe. On avoit conduit Ortiz au Cacique Ucita , qui d'à-* bord avoit ordonné de le fufpendre des Européens. 179 fur un petit feu pour le faire rôtir Découverte vivant: mais fur les initances de ladelaFlorîdei fille du Cacique, on avoit épargné chap. m. fa vie, & il avoit été chargé du foin An. 1539, de garder les corps morts près du Temple , pour qu'ils ne fuffent pas emportés par les loups, qui venoient fouvent les dévorer pendant la nuit. Il fut encore près de perdre la vie, parce qu'un loup avoit entraîné l'enfant d'un chef des Indiens : mais il fut épargné , fur ce qu'on trouva cet animal mort, percé d'un dard qu'Or-tiz lui avoit enfoncé dans le corps, & l'enfant près de lui fans être endommagé. Quelque temps après, Ucita ayant été chaffé de cet endroit par un Cacique voifin , Ortiz perdit fon pofte & fa faveur , & l'on étoit réfolu de le facrifier au Diable ; mais celle qui lui avoit déjà fauve la vie, l'informa du danger auquel il étoit expofé : lui enfeigna comment, & de quel côté il pourroit s'échaper, & même le conduifit une partie du chemin. Il tomba alors entre les mains de Mu-eozo, auquel il promit fidélité, & ce chef par récompenfe TalTura qu'il lui procureroit les moyens de rejoins doloii ene dre ia nation le plutôt qu'il lui feroit iihFloride,ppfîible, lui permettant, fans aucu-Chap. m. ne reflri ci ion , de fe retirer auprès An. 1539. des premiers Chrétiens qu'il appren-droit être débarqués fur la côte. Quand les Efpagnols arrivèrent il n'en avóit plus aucune efpérance,, après avoir paffe trois ans avec. Ucita, & neuf auprès de Mucozo , qui le rraita toujours avec grande hofpitalité. Il l'envoya alors chargé d'offres, de paix & de fecours au devant de Soto, accompagné de quelques-uns des principaux de fes Sujets. Soro reçoit Le Gouverneur reçut très biem «JiS Mu-qui vinrent avec Ortiz : il leur dit d'afTurer leur Cacique qu'il n'ou-blieroit jamais l'humanité dont il avoit ufé envers un Chrétien, &C. qu'il la reconnoîtroit par tous les moyens pofiibles. II les. renvoya, après avoir appris d'eux qu'à, trente-, lieues plus avant dans les terres, il y avoir un Canton , appartenant à un Cacique nommé Paracofjï, auquel Ucita & Mucozo payoient tribut &; dont les pofTefïïons etoient beaucoup plus riches que celles du voi-> image de la mer.. Peu de temps après des Européens. i$î Soto fut vifité par MuCOZO en per- Découverte fonne : il le reçut avec la plus gran- de 13 Floride, de affabilité , tk le trouva non-feule- chap. IIU ment un homme de très bon fens, An. iswi mais il remarqua de plus que fa parole étoit toujours d'accord avec fa penlée , cualité très rare chez les Améric uains, tk qu'on ne trouve pas même bien communément entre les nations les plus civilifées de l'Europe. Quelcue temps après cette entre- n renvoyé vue, Soto, parune conduite fembïa- J^tiTfï ble à celle de Cortez, dans des cir- vaifl'cau* confiances à peu près pareilles , renvoya fes vaiffeaux à Cuba, à l'exception de trois ou quatre qu'il garda pour parcourir la côte : mais il. donna ordre aux autres de revenir chargés de provifions après un temps qu'il leur marqua. L'un de ces vaiffeaux étoit monté par Porcallo de Figueira, qui avoit déjà eu quelque different avec le Gouverneur, tk qui d'un autre côté étoit très mécontent de trouver tant de marais, 6c tant de bois que leur épaiffeur rendoit impénétrables, fans aucune apparence de tréfors , qui pufîènr dédommager les Efpagnols de leurs fatigues, 6c Découverte ^ans Qu'on put réduire les Indiens delà Floride, en efclavage pour les faire travailler chap. m. aux mines de Cuba , où l'on en avoir-An. i53j. le plus grand befoin. En effet, cet objet avoit été l'un des premiers morifs de cerre expédition, dans laquelle Porcallo avoir eu un des principaux commandemenrs. Quoique Soto fe conduifit avec la plus grande douceur envers tous les Indiens qu'il rencontroit, & quoiqu'il fit tous fes efforts pour entre-- tenir la difcipline, ils marquoient fort peu d'égards pour les Efpagnols. Ils furprirenr un parti au fourage : firent un Chrétien prifonnier: le dépouillèrent entièrement nud, & quand ils fe crurenr hors de danger, ils s'ar-rêrerenr pour manger, boire &c fe diverrir avec leurs femmes : mais ils les abandonnerenr avec leur captif à quelques Efpagnols qui les pour-fuivoient: on amena les femmes à Soto : il les traita avec douceur , & les renvoya enfuite à leurs maris. Les ETpa- Gallegos s'étant mis en marche gnoJs ara- r> f _ venr à Para-vers les Etats de Paracofii, trouva dans toute la route un pavs très fertile & abondant en vignes, en noyers, en pins, en pmniers, ea des Européens. 18$ chênes, en mûriers Se en divers au- recouverte tres arbres. Il fut informé que dans de la Floride, un endroit nommé Cale, le peuple chaP*1U* jouifibit de beaucoup de provifions, An. u»» & poffédoit de l'or en fi grande abondance qu'on en faifoit des boucliers Se des armures de tête. Il fit part de ces nouvelles au Gouverneur , qui fe prépara à le fuivre , laiffant le foin des vailTeaux à Cal-deron, auquel il donna quatre chevaux , le recommanda à Mucozo, Se le chargea expreflément d'avoir attention à ce qu'on ne fit aucune in-fulte aux habitans. Gallegos avoit demandé à Paracofii une conférence fans avoir pu l'obtenir, Se ce Prince avoit envoyé trente de fes gens faire de frivoles exeufes : mais Gallepios les avoit re-tenus. Quand il eut ete joint par Soto , Se par tout fon monde, ils fe mirent en marche pour Cale, le Gouverneur conduilant lui - même un parti avancé de trente chevaux Se de foixante Se dix fanrallins. Ils tra-verferent une ville que les habitants avoient abandonnée , Se arrivèrent fur les bords d'une rivière très rapide , qui emporta un de leurs che- r§4 Découverte? ^Dccmiverte vaux- Les autres la pafférent par le dek Floride fecours des Hauffieres, Sc les hom-Chap. m. mes fe firent un pont de vieux ar-An. i)39. bres qu'ils trouvèrent près de l'eau. Les Efpagnols fournirent beaucoup dans cette marche, parce que le pays étanr défert, ils ne trouvoient d'autres fubfifrances que des racines de poirée qu'ils mangeoient avec du fel Sc de l'eau. Ils faifoient aufîi ufage des tiges tendres du maïs, dont le grain n'étoit pas encore mur, ayant eu bien-tôt confommé toutes les provifions qu'ils avoient apportées. Ils arrivent A Cale ils trouvèrent ailés de maïs ■ Cale» 5 i • pour s en nourrir pendant trois mois mais chacun étoit obligé de piler fa portion dans un mortier de bois. Ils en cribloient la farine dans leurs côtes de maille, ce qui étoit fi em-barraffant que plufieurs préférèrent de le manger defféché t aufîi ne s'en nourriffoient-ils que lorfqu'ils y etoient conrrainrs par la nécefîiré. Les Indiens avoient abandonné cette ville aux approches des Chrériens : mais ils avoienr laiffé une embufcade près d'un lac voifm, d'oii ils firent une fortie, Se nièrent trois Efpagnols qui ramaffoient du mais. des Européens. 185 Découverte de la Floride, Chap. IV, An. 15»» CHAPITRE IV. Les Efpagnols font vingt-huit prifonniers , dont le principal cherche à les tromper & a s*échaper ; mais il eft arrêté par un chien dans fa fuite ; Les Efpagnols entrent dans un Territoire appartenant à trois frères 9 dont un fe fait connoître pour leur implacable ennemi : Il veut furpren* dre les Efpagnols par une tu%e, dont il ejl lui - même la viclime : Exemple remarquable de la refolu-tion & de la perfèvèrance des Indiens , ainfl que de la gérJrofïtè des Efpagnols , qui en font mal rècom-pcnfès* LE 11 d'Août 1539, Soto quitta un ïndie* la ville de Cale : fut attaqué lecft *Vè" même jour par un parti d Indiens : les mit en fuite , & en fît vingt-huit prifonniers. Peu de temps après le combat, un homme fe préfenta en fe difant le Cacique, & vint demander leur liberté , fous promeffe d'une grande quantité de provifions, &: de Découverte fournir un bon guide pour l'armée. ieia Fiori.ie Le Gouverneur lui accorda fa de- Chap. iv. mande, mais il donna ordre de le An. i5jj>. tenir fous bonne garde, jufqu'à ce qu'il eût rempli fon engagement Sous prétexte d'accomplir fa parole le Cacique demanda qu'on le conduifit dans un endroit près duquel il favoit qu'un parti d'Indiens étoit caché dans un bois. Auîîi-tôt qu'il fut à leur vue, il s'échapa de ceux qui le gardoienr, & prir fa courfe fi légèrement, qu'il n'étoit pas pofïible à un Chrétien de fonger à le pourfuivre: mais Soto, qui avoit été rémoin de fa fuite , envoya après lui un chien bien dreffé. Cet animal palTa plufieurs autres Indiens , attrapa le fuyard par la hanche , & le retint jufqu'à ce que les Efpagnols fuffenr auprès de lui. Cet homme en fut tellement effrayé, que non-feulemenr il leur fournit des provifions , mais il leur donna un fi bon guide qu'il les fît paffer par une route meilleure qu'aucune de celles qu'ils euffent fui vies jufqu'alors. ils font bien Les natureis du pays les attaque- iraites par un i i 10 aes Caciques rent louvent dans leur marche, oc ^Vitacu- flirent toujours repouffés avec perte. Les Efpagnols pafferent un marais des Européens. 187 avec allés de difficulté, 6c entrèrent Découverte dans la Province d'Acuera , où ils couragea fortement contre les Efpagnols une nouvelle confpiration , dont les fuites pouvoient être très funeftes pour Soto & pour fes gens, tant il eu vrai qui! y a des hommes chez lefquels le vice eft. tellement enraciné , qu'il ne peut être détruit qu'avec leur vie. Tel étoit l'efprit de trahifon dans Vitacucho, & cer exemple nous force à convenir que l'expérience juftihe quelquefois la fé-vérité de certaines mefures, qu'on pourroit autrement regarder, comme des effets de la cruauté. Le feptieme jour après la bataille, 11 eft mée» Vitacucho dînant à l'ordinaire avecJ^J^ Soto , fe leva tout-à-coup en jettant un grand cri. En même-temps il , frappa le Gouverneur d'un coup de * poing , le prit à la gorge , & fit fes efforts pour l'étrangler, après être tombé avec lui fur le plancher : mais il fut bien-tôt tué par les Officiers Efpagnols, ce qui debarraffa le Gouverneur. Dans le même infiant, plufieurs autres Indiens faifinant toutes Tom. UI. I 194 Découvertes Découverte *es armes qu'ils trouvèrent fous leurs ici»Floride, mains, comme pots, tifons enflam-Chap. iv. més, & pièces de bois : tombèrent An» ij*o. fur ceux qui faifoient le fervice. On eut beaucoup de peine à les dif-fiper ; mais après en avoir taillé en pièces la plus grande partie, les autres furent attachés à des poteaux, & maflacrés par les Indiens de Pa-racofîi, qu'on avoit mis en liberté depuis quelque temps, & qui fervi-rent très-fidellement les Efpagnols. Les frères de Vitacucho perfiftant toujours dans leurs difpolitions pacifiques , le Gouverneur fortit de leurs Etats, prit la route du Nord-Ouelt du côté d'Apalachen , Province dont on lui avoit parlé très avan-tageufement, & y arriva en très peu de temps fans aucun événement remarquable. Il trouva que le Cacique nommé Capaci avoit quitté la ville , 9 & s'étoit fortifié dans un bois , éloigné d'environ huit lieues. Soto y marcha aufîi-tôt,l'attaqua dans fes retranchements , le fit priformier après une très vive rénftance , le mit dans imc iitiere parce qu'il étoit très infirme, & difperfa toute fon armée. Cependant les Indiens infeftoienr des Européens. 195 fouvent le camp, furprenoient les Découverte petits partis d'EÎpagnols, & les in- delà Floride, commodoient beaucoup : mak le Ca- chap iv. cique promit de les en empêcher, fi An. jjj». on vouloit lui permettre d'aller leur parler un peu avant dans le pays. On lui accorda cette permiffion, & On l'envoya avec une bonne garde : mais on ne veilla pas fur lui aufîi exactement qu'on auroit dû le faire; il eut l'adreue de s'échaper, & fut emmené par quelques-uns des fiens, fans que les gardes s'en apperçulfent. Lorfque ceux-ci furent de retour auprès de Soto , ils lui dirent pour ex-cufer leur négligence, que certainement Capaci s'étoit envolé dans les airs, & il leur répondit tranquillement: » que cela étoit affés vrai-» femblable, parce que les Indiens » etoient furement des forciers. » Ce n'eft pas que le Gouverneur fut affés crédule pour le penfer : mais, il le difoit feulement pour railler ceux qui lui tenoient un difcours auffi dépourvu de fens. On étoit alors au mois d'Octobre, f Soto met comme l'hyver s'approchoit, Soto «juajtîefd'bi» réfolut de paifer cette faifon dans le vçr* même endroit. Il donna ordre à Louis lij 106 DÉCOUVERTES Découverte Mofcofo , fon Major Général, dé de la Floride, mettre fes troupes en quartier à une Chap. v. lieue ou une lieue & demie de la ville, An t dont tous les environs etoient remplis de haricots & de pruniers, meilleurs que tous ceux d'Efpagne, outre une grande abondance de maïs. chapitre v. Les brigantins de Soto font conduits à Apalachen ; Maldonado en prend un pour aller en courfe : Soto en" voye quelques préfents à la Havane; Il ejl informé d'un pays très riche , gouverné par une femme : Il fe met en route pour y aller : Defcription des bâtiments & des habillements de Toalli : Soto élevé une Croix a Achêfe, il reçoit des fecours du Cacique a*Ocute : Les c kiens plus efli-, més que les moutons 6" les meilleurs alimens ; Les Efpagnols font traités avec grande humanité: Rêve fin-gui ter d'un Indien , qui Vengage à Je faire Chrétien, ■ Soto ftît j e Gouverneur n'ayant pas def- •ondiun le» I r . , J. A , Taiffetux à *_' *em de retourner dans la baye *cute- du Saint Efprit, envoya Jean Danu- des Européens. 197_ fco avec trente chevaux , pour faire Découverte conduire au port de Aute, qui n'effAla Fk>ride-pas éloigné d'Apalachen, les brigan- cba*. v. tins qu'il avoit laines dans cette baye, Ari> 1539< & pour donner ordre en même-temps à Calderon qu'il avoit laine à la garde de ce pays, de fe mettre en marche pour le venir joindre par terre. Jean Danufcô exécuta fa commif-fion avec la plus grande diligence : eut quelques efearmouches avec les Indiens, où il fit des pertes légères : s'embarqua fur un des brigantins, 6c arriva promptement à Apalachen. Calderon le fuivit de près ayant tra-verfé le pays, à la grande fatisfaftion de Soto, qui envoya Maldonado pour croifer pendant deux mois le long de la côte Occidentale, avec ordre de tenir une notice exacte de tous les ports , bayes , havres 6c caps qu'il pourroit remarquer dans fa courfe. Maldonado remplit fes ordres très H envoyé exactement, 6c rapporta à Soto qu'il cïb». e"c*' avoit trouvé un très beau port, nomme Ochus. Le Gouverneur l'envoya enfuite à la Havane, avec un préfent de vingt femmes ou filles efclaves mi _ 198 DÉCOUVERTES Découverte pour fa femme, dont il défiroit fa* de la piomie. von- des nouvelles. Il lui donna or-Chip. v. dre de fe charger au retour de diver-An. ij39. fes proviiions, & de venir le joindre au port d'Ochus, nouvellement découvert , où il avoit defièin de fe rendre par terre : mais il l'avertit en même-temps que s'il ne l'y trouvoit pas l'Eté fuivant, il devoit retourner avec le vaifTeau à la Havane, y demeurer une année entière , 154». CHAPITRE VI. Soto marche avec fon armée vers Cofachiqui : II perd fa route dans un défert : Il découvre un pays très abondant: Il renvoyé fes nouveaux alliés à caufe de leur cruauté: Il arrive enfin à Cofachiqui, où il a unj^confêrence avec la Reine, qui lut donne un riche collier : Déli-cateffc d'un Seigneur Indien qui fc coupe la gorge : Les Efpagnols perdent Cefpérance de trouver de for dans ce pays. le$ Ffpa- nrjTO fît marcher les premiers fnolsperdtnt ^ t J- ' leur roure kjr les quatre mille Indiens armes ; dânS «« dé- mir je bagage â leur fuite , & demeura à l'arriere-garde avec fes Efpagnols. Il prit ainfi la route de Cofachiqui , avec l'attention de tenir toutes les nuits fes quartiers féparés, & de faire toujous monter la garde avec la plus grande exactitude, à caufe du grand nombre d'Indiens qu'il avoit dans fon armée. Le troisième jour après leur départ de Co- bes Européens. 207 fachi, ils entrèrent dans un défert, Découverte où ils marchèrent pendant fix jours : de la Floride, mais le feptieme ils perdirent leur ckap. VI. route, & les Indiens ne furent plus par où les conduire ; le Cacique avouant alors naturellement que perfonne de fes gens n'a voit jamais été à Cofachiqui : mais qu'ils avoient fouvent rencontré des habitants de ce pays fur les bords d'une rivière voifine, où ils avoient eu quelques difputes au fujet de la pèche. Il parut tant de fimplicité, & de droiture dans la façon dont il rapporta cette circonftance , que Soto , qui avoit conçu des foupçons fur fa bonne foi aufîi - tôt qu'il s'étoit vu égaré, changea alors entièrement d'opinion. Le Gouverneur encouragea fes Cruauté far gens le mieux qu'il lui fut poffible,,]} \^ cft09j|Ü 6k ils continuèrent leur marche juf-aie' qu'à ce qu'ils fuiTent arrivés fur les bords d'une rivière, qui n'étoit pas guéable. Les provifions ne pouvant iuffire jufqu'à ce qu'on eût conftruit des radeaux; il envoya quatre partis de fes troupes, chacun avec mille Indiens pour aller à la découverte. Celui qid étoit commandé par Jean _ loS DÉCOUVERTES DécÔuvcne* Danufco trouva une ville très peûfc de la Floride plèe, où il y avoit une grande abon-chap. vi. dance de provifions ; il envoya aufîi-^ „ tôt un exprès en donner avis à Soto, qui s y rendit avec les gens en grande diligence : maïs avant qu'il y arrivât , fes Indiens tombèrent fur les habitants, qu'ils maffacrerent pendant la uuit, & ils pillèrent un Temple deftiné aux fépultures. * Cette conduite irrita tellement Soto, qu'il refufa d'être fécondé par eux à l'avenir , & il voulut abfolument qu'ils retournaffent dans leur Province. Le Cacique après quelques difficultés céda enfin a la volonté de Soto, & fes gens en furent fatisfaits, d'autant qu'ils partirent avec des provifions en abondance, & quelques préfents de bagatelles, qui furent partagées entre leurs principaux Officiers. ^ ibarrrvent Soto côtoya la rivière, parcou-?Co&chjrjui.ranî: im p3yS rr^5 agréable, que les habitants avoient abandonné à caufe de la cruauté de ceux de Cofachi. ( c ) On trouve dan* Laër que ces Indiens après avoir tué tous les habitants & ruiné leurs cimetières , emportèrent pour butin tes crânes des têtes de morts qu'ils y trou-;ïerem, * bes Européens. 209 L'avant-garde, compofée de trente Découvert* Cavaliers, étoit commandée par Jeande la Floride, Danufco, qui avoit ordre de cher- chap. vi. cher un gué. Dans la nuit il décou- An. i»4o> vrit une lumière , & entendit un chien aboyer : mais en examinant plus attentivement, il reconnut que l'un &: l'autre etoient de l'autre côté de la rivier-e où il y avoit une ville. Le lendemain Soto envoya cent hommes avec un Indien Chrétien nommé Marc, 6c le nouveau converti Pierre pourreconnoître. Quand ils furent vis-à-vis de cette place, où Pierre étoit né , il appella plufieurs perfonnes qu'il vit fur le rivage voifm de la ville. Peu de temps après fix des habitants traverferent la rivière dans un canot, & furent reçus par le Gouverneur afiis dans un fauteuil, qu'on portoit avec le bagage pour les occafions extraordinaires. Quand ils furent en fa préfence, Dépuration ♦ 1 r , 1 , r de la part de ils commencèrent par laluer le So-ia Keint. leil & la Lune, après quoi ils firent une profonde révérence à Soto , & lui demandèrent » s'il venoit pour la » paix ou pour la guerre. » Il leur répondit : » qu'il ne Youloit que la paix3 3HO DÉCOUVERTES "Découvïia » & qu'il avoit befoin de provifions.*» de la blonde. Sur cette réponfe ils lui dirent : » qu'il chap. vi. » étoit le bien venu : qu'ils défiroient An. 1540. » également la paix, mais que la pef-»te avoit fait depuis peu de grands » ravages dans leur pays , ce qui » avoit rendu les provifions très ra-» res : que cependant ils communi->♦ queroient fa demande à leur Sou-» veraine, qui étoit Fille, & Reine de » tout le Cofachiqui. » eUcimcme" ^ P"rent enfuite congé de Soto, Soto. & rentrèrent dans leur canot: mais quelques heures après on en vit deux autres beaucoup plus grands fur la rivière. Le premier contenoit les fix Ambafladeurs ; & dans le fécond, qui étoit magnifiquement orné, il y avoit un très beau dais, avec une natte deflbus & deux couffins, fur lefquels fe repofoit la Princeffe elle-même , accompagnée de fix femmes. Lorsqu'elle fut defeendue à terre, le Général s'avança pour lafaluer, & après qu'ils fe furent affis, elle lui dit avec politefTe : >♦ qu'elle étoit » très fâchée, tant pour lui que pour » fes gens , de ce que les provifions » etoient devenues fi rares : que ce-» pendant elle avoit deux magafinfi des Européens, ui » deitinés pour les pauvres, & qu'el- D^couvertc' » le en remettroit un à fa difpofi-iiel» Floride. » tion : mais qu'elle le prioit de chap. vi. » permettre qu'elle confervât l'autre Alu iHOt » pour les befoins de fes Sujets. Elle lui dit encore : » qu'elle avoit deux » mille mefures de farine dans une » ville voifine, où il pouvoit com-» mander, & que s'il le jugeoit né-» ceffaire, elle quitteroit la propre » maifon & la ville où elle faifoit fon » féjour, pour y loger les Efpagnols.» Le Général, dcja captivé par les manières affables & ^enéreufes de cette PrinceiTe , lui repondit : qu'il étoit très éloigné de penfer à lui faire changer de demeure : qu'une partie de la ville fuffiroit pour lui & pour fes gens : qu'il auroit une reconnoif-fance éternelle des bontés qu'elle lui marquoit, & qu'il efpéroit l'en convaincre en faifant de telles difpofi-tions, que ni elle, ni aucun de fes Sujets n'auroient lieu de fe plaindre du plus léger manque de conduite, Tant de fa part, que de celle des Efpagnols qui faccompagnoient. La Reine ôta un collier de perles qu'elle avoit au col, & par les mains de l'Interprète, le donna au GouYer* Découverte neur > en Ie priant de ne pas trouver*' delà Floride, mauvais qu'elle rte le lid préfentât pas chap. vi. elle même : & ajouta , que la feule ' A raifon qui l'en empéchoit, étoit la An. 1540. ' . » A crainte que cette action ne fut une faute contre la modeftie. Le Gouverneur fe leva, reçut le collier, le baifa pour marque de fon refpeft, & en même-temps tira de fon doigt un très beau rubi, qu'il préfenta à la Princeffe. Après ces préfents réciproques elle fe retira , laiffant aux Efpagnols ridée la plus avantageufe de fa Perfonne. Peu de temps après qu'elle eut débarqué fur l'autre rivage , elle envoya des canots & des radeaux pour paffer l'armée, qui tra-verfa la rivière, & fut mife en quartier dans la ville, ïamerede Cette Princeffe avoit encore fa IppoféTauxmère, qui étoit veuve, & demeu-îEfpagnois. roit dans une ville éloignée de douze lieues de la Capitale ; elle fut invitée à voir les Efpagnols : & non-feulement elle refufa de venir, mais elle fit faire de très févéres réprimandes à fa fille fur ce qu'elle avoit fi bien reçu des gens , avec lefquels elle n'avoit eu jufqu'alors aucune liaifon. Soto, dans l'efpérançe d'adoucir l'ef- des* Européen s. 213 prit de cette vieille, envoya Jean Découverte" Danufco, avec un noble Indien, & ^ la Floride, une fuite de trente chevaux riche- c^p. vi, ment harnachés, pour renouveller A ' r , , -, An. 1540» cette invitation avec plus de torce. Pendant le voyage ils mirent tous pied à terre, & s'alïïrent pour prendre quelque rarTraîchilTement à l'ombre d'un gros arbre: mais l'Indien qui paroiffoit très rêveur, jetta fon manteau , tira de fon carquois l'une après l'autre toutes fes flèches, dont il y en avoit quelques - unes d'un très beau travail : & pendant que les Efpagnols l'examinoient, pour con-* noître quel étoit fon deffein, il en prit une, dont l'extrémité étoit garnie d'une pierre aufïï aiguë que la pointe d'une épée, & fe la plongea dans la gorge avec tant de fuccès qu'il en mourut à l'inflant. La feule raifon qu'on jugea qu'il pouvoit avoir eue, de commettre contre lui-même cet afte de cruauté, qui frappa les Efpagnols du plus grand éton-nement, fin qu'il avoit préféré la mort au danger de faire un meffage défagréable à la vieille Princeffe. Jean Danufco apprit qu'elle étoit fortie de fa ville, &c qu'on ignoroit en quel Découverte endroit elle s'étoit retirée, ce qui le la blonde, détermina à retourner aufîi-tôt au-Chap. vi. près du Général. .An. iS4o. Dans ce pays de Cofachiqui, les Efpagnols trouvèrent une efpece de çnoîs fcnr'^-üvre brillant, que fa couleur écla-trompés dans tante pouvoir faire paffer pour de leur attente i» \ j 1 •le rrouver de} or a des yeux peu conno-iiteurs : ce l'or* qui avoit jette Pierre dans Terreur de croire que fon pays étoit plein de ce métal précieux. Cependant ils y trouvèrent une grande quantité de perles, ayant obtenu la permifïion de fouiller dans les tombeaux des nobles, d'où ils en retirèrent de très belles qu'on avoit enterrées avec eux. Il y en avoit d'aufîi groffes que des pois, & la cinquième partie qui fut mife à part pour le Roi d'Efpagne, pefoit plus de cinq cents livres: * Cette dernière circonstance , le rêve de l'Indien, & quelques autres faits rapportes par Herréra paroiiîent afles peu vraiiem-blables : mais il avertit qu'ils viennent originairement d'un Cordelier, & comme le remarque très-bien Laët : » Nous trouvons w plufieurs chofes là & aüleurs contées par » de tels frères, qu'on ne croit que difncUo* « ment », des Européens. 215 Découvert? *MI******M"*'*ll|*IIMII1|,ltB 1S¥)m diens avoient un air fombre qui fit foupçonner à Soto qu'ils fomentoient quelque mauvais deiTein; & les ré-ponfesbrufquesqu'ilsfirentaufujetde deux Efpagnols perdus, confirmèrent fes foupçons.Il donna ordre à un parti de Cavalerie de marcher en avant, & de vifiter le lieu oii ils dévoient paffer la nuit, éloigné feulement de cinq milles. Ils rapporterent qu'ils n'avoient trouvé aucune oppofition: mais que la ville étoit beaucoup mieux fortifiée qu'aucune autre qu'ils euffent encore vue dans cette partie du monde, & qu'il s'y étoit afTem-blé un grand nombre d'Indiens, fous prétexte d'accompagner les troupes Efpagnoles. Sur cette nouvelle, Soto s'avança à la tête de fon armée, conduifant l'avant-garde compofée de cent Cavaliers, & de cent cinquante hommes d'Infanterie, avec lefquels il arriva vers huit heures du matin dans la ville, nommée Mavilla. Elle con-tenoit environ quatre-vingt maifons. Kiy ii4 Découvertes Découverte dont chacune étoit affez grande pou? de la Floride, loger un Régiment. Le tout étoit en-chap. vu. toavé de fortes pièces de bois, enfoncées très profondement dans la An, i«o. terre, & les efpaces entre ces pièces etoient remplis d'un ciment très dur quoiqu'il ne fut que de terre & de paille ; enfin de diftance en diftance il y avoit des tours avec de petites ouvertures pour voir au dehors-Dans une grande place, au milieu de la ville on avoit préparé une mai-fon, & le Cacique dit qu'elle étoit deftinée pour Soto & pour quelques-uns de fes gens : mais que les autres logeroient dans des huttes élevées hors de la ville. Le Gouverneur répondit qu'il difpoferoit fes troupes quand fon Major Général Louis Mo-fcofo feroit arrivé. Le Cacique fe retira alors dans une maifon voifine, où il avoit affemblé les principaux» chefs Indiens, & où l'on avoit prémédité la ruine des Efpagnols , comme on l'apprit quelque temps après» bes Européens. 225 Découverte ee la Floride. Chap. VIII. An, IJ40, CHAPITRE VIII. Grande bataille entre les Indiens & les Efpagnols : Les derniers remportent la victoire : Soto s'avance vers les bords de la mer ; mais il s'en éloi* gne crainte de la défertion : Il paffe avec afjer^ de difficulté une rivière près de Chicoça : On met le feu à la ville avec des flèches enflammées ; ■ Les Efpagnols perdent tous leurs tréfors & leur butin : Il défont un gros corps ^Indiens : Ils arrivent à la rivière de Miffîffipi : Les habitants les reçoivent avec la plus grande vénération. UOIQUE SotO ne fut pas inf- Commence* truit de leur projet, il fe tint^^ iur là méfiance, & donna ordre que les , chevaux demeuraffent fellés & bridés jufqu'à ce que toutes fes troupes fufîènt arrivées. En même-temps il envoya un homme au Cacique pour lui parler de fa part : ce Prince refiifa de le recevoir, & l'Européen periflant à demander audience, l'In- Ky Découverte dien qui s'oppofoit à lui,commenca £ de la Fionde. parler d'un ton très aigre contre le Chap. vin meffager?& contre tous les Efpagnols. 'En tenant ce difcours il leva fon arc, An. 1540. comme pour tirer fur deux ou trois qui paffoient par le même endroit : mais il fut prévenu par Gallegos qui arriva dans le même inftant, & qui le fendit d'un coup de fabre depuis le col jufqu'au milieu du corps, en-forte qu'il tomba fans prononcer une parole. Bataille On ne vit plus de toutes parts qu-»aEeCdwn<>Ailités & que confufion: Soto & Indiens. fes compagnons montèrent à cheval,, & fe retirèrent en bon ordre hors de la ville pour joindre le refte des troupes : mais le Cacique les pour-fuivit à la tête de fept cents hommes qui furent affemblés prefque en un inftant. Les Indiens furent bien-tôt repoiuTés & chaffés dans leurs murs par une troupe de Cavalerie, foute-nue d'un corps de Moufquetaires, qui les fuivirent de très près, & firent leurs efforts pour entrer avec eux dans la place : mais ils en furent empêchés par une grêle de flèches &C de pierres qui les obligèrent de ^arrêter. Quelques minutes après % des Européens. 227 îes Indiens firent une vigoureufe for- Découveire tie fur les Efpagnols : & ceux-ci les de la dioxide. repoufferent fans rompre leurs rangs, chap. vin. Ils continuèrent ainfi à efcarmou-cher pendant quelque temps , jul-qu'à ce que toute l'armée fut arrivée : alors le Général ayant mis pied à terre s'avança à la tête de deux cents hommes armés de haches d'armes , & ils commencèrent à couper les portes & les pieux. Ils ne travaillèrent pas long-temps fans avoir fait une brèche affez confidérable, par laquelle ils montèrent, &c Soto rentra dans la ville à la tête d'un corps de Cavalerie. Les Efpagnols foulèrent aux pieds un grand nombre d'Indiens, qui combattoient très courageufement, mais fans obferver aucun ordre. Ce qui fatigua le plus les Chrétiens dans ce combat, furent les femmes Indiennes foutenues d'ef-pace en efpace par quelques hommes , & montées fur les galleries & fur les toits des maifons d'où elles ti-roient des flèches & jettoient des pierres, ce qui obligea d'y mettre le feu, & il en périt un grand nombre dans les flammes. Il y en eut qui firent leurs efforts pour fe fauver; Kvi _ 2l8 DÉCOUVERTES JDécouvcrie~ mais elles tombèrent fur les épées de h Floride. des Efpagnols, & le mafTacre devint Chap. vin. horrible. Cette bataille qui fe livra le jour An, ij4o. de faint Luc 18 d'Octobre de l'année 1540 , dura neuf heures , &c vers le coucher du Soleil, les Indiens furent totalement défaits. Il y en eut onze cents de tués., du nombre defquels fut le hls du Cacique, & l'on croit que ce Prince môme périt dans les flammes. Quelques femmes qu'on fit prifonnieres, déclarèrent qu'on avoit fait venir leurs maris en cet endroit pour partager les dépouilles des Efpagnols , qu'on regardoit comme un butin afTuré, & que toutes les femmes des environs avoient été invitées d'afiifter A un magnifique feffin qu'on devoit faire en l'honneur dit Soleil, après la deftmftion de leurs ennemis. Il y eut quarante-huit Efpagnols tués fur le champ de bataille , trente - cinq moururent de leurs bleffures, & l'on perdit quarante-cinq chevaux. Sot? S/-'*!I* Après cette bataille, Soto demeura jjne de la mer , r — 7 «rainre que quinze jours à Ma villa, pour obfer-l'abandon-ne ver ^a contenance des Indiens : mais •««Ci ks principaux ayant péri dans, le des Européens. 219 combat, les autres ne firent aucune Découverte' tentative pour venger leur mort, & dcla W«id* ils lui apportèrent des provifions chap. v 11 r; avec autant de foumifïïon que d'à- a,b. 1540* bondance. Peu de temps après, un parti que le Gouverneur avoit envoyé reconnoître les pays aux environs de la mer, rapporta que Maldonado étoit occupé à faire des découvertes fur fa côte. Cette nouvelle détermina Soto à fe mettre en marche jufqu'à l'embouchure de la rivière Alibamous, ayant un grand dé-fir d'établir une Colonie à Anchufi: mais ii quitta bien-tôt la côte, craignant que fes gens, qui parofflbient affez peu fatisfaits de cette expédition , n'en priffent occafion de le quitter, & de retourner à Cuba. Il prit fa route au Nord-Oueff., du côté de Chicoza, dans un pays très peuplé , &c qui produifoit du maïs en abondance. Pendant ce voyage les naturels s'oppoferent plufieurs fois à fon paffage, &£ ils lui difputerent particulièrement celui d'une rivière : mais il fit conftruire deux grandes barques en douze jours, fans que les Indiens en enflent aucune connoif-fance, & les fit lancer à l'eau faas Découverte qu'ils s'en méfiaffent, parce quelle la Floride les y furent conduites fur des roui» chap. viu.Ieaiix. * Il mit fur chacune de ces barques An. IC40. r • o quarante Moufquetaires & autant gno"pe^den"td'Arbalétriers, avec quelques che-«out.ieur bu-vaux. Ils gagnèrent le rivage oppofé après beaucoup de fang répandu , & conferverent leur terrein jufqu'à l'arrivée du fécond embarquement. Alors ils chalferent les Indiens de leurs portes, & firent enfuite leurs efforts pour gagner l'amitié de ces fauvages, en leur donnant diverfes bagatelles , mais ils ne purent jamais y réufïir. Les Indiens les attaquèrent de trois côtés différents pendant la nuit, tuèrent quarante Chrétiens, &C mirent le feu à la ville 011 ils etoient en quartier, par des flèches enflammées , qui brûlèrent tout ce qu'elles rencontrèrent avec une fureur étonnante. Soto les chargea avec fon courage ordinaire, les mit prompte-ment en déroute, & en fit un furieux carnage : mais toute fa valeur &C toutes fes précautions ne purent empêcher que les deux tiers de la viïïe ne fuffent confommés par les flammes. Les Efpagnols y perdirent des Européens. f$t toutes les perles , les prOViflOnS , & Découverte en général tous les tréfors & le bu-delaFloride* tin qu'ils avoient gagné dans cette chaP- vlIr» longue & ennuyeufe marche. An. w La définition de cette ville les jetta m s,cm?^ dans de grands inconvénients pen-rentdeiavii-dantle reffe de l'hyver, qui fut trèslc(fAlibm0fc rude : enfin le 25 d'Avril 1541, ils fortirent de Chicoza, & fe mirent en marche vers Alibamo , où ils avoient appris que le fort étoit muni d'une garnifon de quatre mille Indiens de leurs ennemis. Soto les attaqua avec fon infanterie, &C laiffa à quelque diftance fa cavalerie qui ne pouvoit entrer dans les bâtiments. Les afîiégés firent un vigoureufe fortie : mais ils furent repouffés, & les Efpagnols profitèrent fi bien de leurs avantages , qu'ils entrèrent pêle-mêle dans la place avec les Indiens, & en firent un horrible carnage. Ceux qui voulurent échapper aux tranchants des épées furent foulés aux pieds, par les chevaux ; on en fit d'autres prifonniers , mais en petit nombre, & l'on jugea que les ennemis avoient perdu plus de deux mille hommes dans cette action. D'Alibamo, les Efpagnols allèrent H» -tnvei». fcm lefleti#c d» Mifiliin.;. 132 Découvertes Découveitc a Chifca, fur les bords de la rivière de la Fi.ride. connue depuis fous le nom de Mifîi£ Chap. vin.fipi f qui eft le plus grand fleuve qu'on Aa, i54i. ait encore vu dans, l'Amérique fep-tentrionale. Ils furprirent &c firent prifonniers quelques-uns des naturels du pays : mais ils les remirent en liberté fur la promeffe que fît le Cacique de fournir des provifions aux Chrétiens, & de vivre en paix avec eux. Il habr.oit au femmet d'une montagne efcarpée, & il y avoit des dégrés pour arriver à fa maifon. Soto demeura ferze jours en cet endroit à rafraîchir fes troupes , & à prendre foin des malades, enfuite il côtoya la rivière en remontant, pour chercher un paffage où elle fut moins rapide : il le trouva après quatre jours de marche, & fît conftruire deux barques dans lefquelles il la traverfa avec les gens, & ils entrèrent dans la belle province de Cafquin , oii ils furent très bien reçus. Le Cacique invita le Gouverneur à venir dans fa maifon , accompagné de fes principaux Officiers , & il les y traita très généreu-fement. Cafquin eft une grande plaine élevée, & qui produit en abondance des noix, des mûres, des prunes des Européens. 133 rouges & vertes, une grande varié- Découverte té de différents fruits , on y trouve de la Floride, auffi beaucoup de peaux & de très chap. vin. bons poiffons. An • La laifon étoit alors très chaude, & Soto fit camper fes gens dans une des indîeM* belle plaine, où des arbres touffusfourSoto, répandus de côté & d'autre, leur fournirent un couvert délicieux. Le Cacique y fit une vifite de cérémonie à Soto, précédé de plufieurs de fes gens qui chantoknt devant lui : il amena à fa fuite deux aveugles , & pria le Gouverneur d'intercéder en leur faveur auprès de l'iUüflré & puif-fant auteur da fes jours le Soleil, parce qu'il croyoit que Soto étoit defeendu de cet aftre. Le Gouverneur s'exeufa de lui rendre ce fervice, & il en prit occafion de lui faire un court fermon , dans lequel il lui expliqua les principaux articles de la Foi chrétienne. Il conclut en l'exhortant à mettre fa confiance au Sauveur du monde , qui •avoit non-feulement le pouvoir de rendre la vue, mais encore celui de faire jouir de toutes fortes de bonheurs. Malgré tout ce que Soto pût dire, les Indiens avoient conçu pour lui une fi grande vénération, que fa 4 y 2-34 DÉCOUVERTES Découverte réponfe ne pût les détromper : ils ju-de la Floride, gerent que le refus qu'il faifoitde les Chap. lx. guérir , venoit de quelque orfenfe A». U41. qu'ils lui avoient faite, & il ne fut pas poflible/ieleur perfuader le contraire.- CHAPITRE IX. Soto marche À Capaha : Ses ailles Indiens commettent de grands défordresi Ils prennent la fuite quand leurs ennemis les menacent : Le Cacique de Capaha traite avec Soto , & lui fait préfent de deux femmes : Manière Jinguliere de prendre le poiffon : On trouve du fel à Cayar : Manière dont les habitants le purifient : Contrariété dans les Hifloriens : Efcar-mouche entre les Efpagnols & les naturels du pays : Bravoure d'un Indien , qui efl tué par Silvefire. Défordres O t o avoit deffein de fe rendre à «hapaASx ^ Capaha, dont les habitants etoient de Cafquin. ennemis de ceux de Cafquin, & le Cacique , qui fouhaitoit profiter de cette occafion pour fatisfaire fa vengeance , infifta à efeorter les Efpa- des Européens. 135 *gnols, auxquels il cacha fes véritables Découverte intentions. Il prit avec lui un corps àc la Mw**. de cinq cents nommes armés, & en- Chap. rx. voya quelques-uns de fes gens en An. «m* avant pour jetter un pont fur une rivière qu'il falloit néceffairement paf-fer, ce qu'ils exécutèrent avec autant d'adreffe que de diligence. Lorsqu'ils approchoient deCapaha, le Cacique de Cafquin, qui conduifoit l'avant-garde avec fes Indiens, comme pour fervir de guide aux Efpagnols, envoya un fort parti dans la ville, où fes gens firent quelques prifonniers, entr'autres deux femmes très belles, qui appartenoient au Souverain. Ils y commirent divers outrages, & auroient certainement mis le feu aux maifons, fi les Efpagnols ne fuffent arrivés à temps, & ne les euffent empêché de continuer leurs hofhlités. AufTi-tôt que Soto fut arrivé , il Soto fait la reprit féverement Cafquin de la con- £ÏÏpaka«oiiverte Cayas leur parut très fertile. Dans la Floride, plufieurs endroits où ils parlèrent on Chap. ix. avoit étendu de femblablcs peaux en An. 1541. fignes de paix luivant la coutume du Contrariété P**)^* n . des Hiito- Ils réitèrent un mois a Cayas, ovt tiens. j| y avoit d'excellent maïz, & de très bon fel, ce qui leur avoit fouvent manqué juiqu'alors. Il eft formé par lus eaux d'une rivière qui le dépofe fur fes bords, où il eft mêlé avec le fable. Les gens du pays le mettent dans une efpece de palïoire, où ils le lavent bien, ce qui le fait fondre : il tombe avec l'eau dans un vafe qu'ils pofent deffous, & tout le fable & l'ordure refte dans la paffoire : après quoi ils mettent le vafe fur un feu modéré , l'eau s'évapore, & le fel y refte net. De cet endroit les Efpagnols, après une marche ennuyeufe, fe rendirent à Tulla, où fuivant Ra-mufio dans le troifieme Tome de fa collection de voyages , le Cacique alla les recevoir avec quatre-vingt de iès gens & les traita très amicalement: mais félon Herréra dans fon Hiftoire de l'Amérique, les habitants de Tulla s'oppoferent à eux, & furent tous panes au fil de l'épée. Ces deux récits des Européens. • 2-4-1 cits font directement contraires, 6c Découverte ce feroit inutilement qu'on cffayeroitdeiaFio.ide. de les concilier : cependant nous pré- chap. ix. ferons de nous attacher à Herréra, An§ lf~ qui paroît beaucoup mieux inflruit dans les affaires de l'Amérique, 6c quoique ces deux Hiftoriens foient très véridiques, ce dernier en général efl le plus exact. Peu de temps après cette action, J^J^Çj** les Efpagnols furent attaqués dans indien, leurs quartiers avec fureur pendant la nuit, 6c ils eurent affés de peine à les défendre : mais aux approches du jour ils reprirent une nouvelle vigueur, 6c changèrent les ennemis, qui cependant Méfièrent un grand nombre de Chrétiens 6c en tuèrent plufieurs. A près leur retraite un Indien, qui fans doute avoit feulement été étourdi d'un coup qu'il avoit reçu, fe leva du milieu des morts , 6c fe faifit d'une hache d'armes, dans l'intention de s'en fervir pour fa propre défenfe 6c de s'échaper. Il en donna un coup fi furieux à un Efpagnol nommé Ca-rawza qui le vouloir arrêter, qu'il coupa fon bouclier, 6c lui fit une profonde bleffure au bras : il mit en-, fuite hors de combat un fécond Efpa-Tom, II h h Découverte Sn°l nommé Godoy, qui couroit au delà Floride, fecours de fon compagnon, & fe jet- chap. ix. tant fur Salazar, qui venoit à cheval, il le frappa fi fortement au col qu'il le 'I5iU jerra par terre fans aucun fentiment. Enfin Gonzalez Silveftre ayant paré un coup que l'Indien lui portoit, lui fendit le front d'un coup de revers, & l'épée tombant fur fa poitrine, lui coupa la main gauche près du poignet: alors l'Indien rappellant toutes fes forces voulut encore s'élancer fur l'Efpagnol : mais Silveffre jugeant de fondeffein, l'acheva d'un coup dont il le perça au travers du corps. Soto refta vingt jours dans le voi-finage de Tulla, fe rendit enfuite à Vitangue, oii les Efpagnols trouvèrent un pays très fain , & une grande abondance de provifions, ce qui les détermina à y paffer l'hyver. A». 1542. ^s fortirent de cette ville au mois d'Avril 1542 , & après une marche agréable de fept jours par une belle route, ils arrivèrent à Nagauten, où ils furent reçus par quatre nobles Indiens, accompagnés de cinq cents domeftiques. Ils dirent qu'ils etoient envoyés par le Gacique, qui leur feroit dans peu une^-vifite en-perfonne, des Européens. 143 pour les complimenter fur leur arri- Découverte vée : mais quoique les Chrétiens y Ae la Flo»^* demeurafTent dix-fept jours, le Ca- Chap. x. cique ne jugea pas à propos de tenir An. u+a, fa parole. CHAPITRE X. Jean Gufman déferre, & paffe du côté des Indiens : Suites fdcheufes du jeu, & force de t amour prouvés par des exemples : Le Cacique de Nagauten marque de grands fentiments dhon-neur : Soto marche contre les habitants a" Anilco : Il ejl très dégoûté par les déprédations de ceux de Gua-cachoia : Rêponfe hardie & jufte aux invitations de Soto : Ce Gouverneur meurt de chagrin , & a pourfuccejjeur dans le commandement Louis de Mofcofo, qui tient fa mort fecrette. AVa nt de quitter cet endroit, iwfcn«» Soto fut abandonné par un Ef- gnoî awTîk pagnol nommé Jean Guzman , qui Cl3c8 étoit venu de Seville dans la Nou- * Katy velle-Efpafrne. Avant appris qu'il étoit paffe au fervice du Cacique, le Gou- Lij 244 DÉCOUVERTES Découverte verneur menaça de retenir les quatre de la FJoride. Nobles en captivité fi on ne lui re-chap. x. mettoit Guzman. Il reçut pour répon-Ah. 1542 ^e cIue l'Efpagnol lui-même refufoit de retourner avec fes compatriotes : alors il envoya un des Indiens pour s'informer des caufes de ce refus, & en même temps le Gouverneur le chargea d'une lettre pour ce défer-teur, L'Indien revint exactement, &c rapporta la lettre, en tête de laquelle Sot© trouva écrit avec du charbon : » Je ne retournerai point, Jean Guz-» man. » Il reçut en même temps un meffage du Cacique, portant, qu'il croyoit contre l'honneur & la jufhce de livrer un homme qui s'étoit retiré auprès de lui, fans y avoir été engagé ni par force, ni par perfuafion : qu'il le regardoit comme une acquifition importante, & qu'il feroit très content d'avoir un grand nombre de pareils fujets : enfin il ajoutoit que fi le Gouverneur vouîoit mettre à mort les quatre Indiens & ravager fon pays pour ce fujet, tout étoit en fon pouvoir, & qu'il l'en laiffoit le maître. Soto trouva cette réponfe très rai-fonable , renvoya les quatre Indiens avec quelques préfents ? & quitta le des Européens. 245_ pays fans y commettre aucune ho- Découverte itmtè ik la Floride. La raifon de la défertion de cet Chap. x. Efpagnol étoit qu'il avoit perdu au An 1J42# jeu fon cheval, fes armes, & tout ce qu'il poffédoit : mais ilfi.it encore at- L'amour& tiré plus fortement par l'amour vio-c*llfj.™ef!lfJJ' lent qu'il conçut pour une femme qui îertion. lui étoit tombée en partage, & qui fe trouva être la fille du Cacique auprès duquel il fe retira. Il eft difficile à caufe des changements de noms qu'il y a eu dans ce pays defuivre avec exactitude la marche de Soto dans les temps dont nous parlons : mais il eft probable que ces événements fe pafierent à l'Oueft de la rivière de MiffifTipi. L'intention du Gouverneur étoit de fe rendre par le plus court chemin fur les bords de la mer, & il traverfa diverfes provinces fans qu'il lui arrivât aucun accident jufqu'à ce qu'il eût gagné la ville d'A-nilco. Le Cacique l'attendit pour s'oppofer à fon paffage à la tête de quinze cents hommes : mais ils,prirent tous la fuite auffi-tôt qu'ils virent les Efpagnols, & fe jetterent dans leurs canots pour repaffer la rivière. De cette ville les Chrétiens continuèrent L iij 146 DÉCOUVERTES Découverte ^eur marche en faifant de temps en delà Fionde. temps de petites haltes jufqu'à Gua-chip. x. cachoia, dont le Cacique étoit en-i An. 154J. nemi de celui d'Anilco. Il rechercha l'amitié de Soto par une ambaffade de quelques-uns de fes principaux fu-jets richement ornés, & accompagnés de gens qui portoient des fruits & des provifions. Le Cacique vint enfuite lui-même avec dix Nobles habillés affés élégamment & armés à la manière du pays. Il offrit fes fervices au Gouverneur, en l'affurant que s'il vouioit les accepter, il le feconderoit avec une bonne armée, & quatre-vingt canots, qu'il envoyeroit contre le Cacique d'Anilco. Cruauté des $oro accepta cette offre, & mar- aLiésdeSoto. . , s ,1 ,,. r cha du cote dAnilco avec prelque tous fes gens & deux mille Indiens conduits par le Cacique, outre un autre corps de quatre mille, qu'on fit defcendre la rivière dans des canots, fous les ordres d'un Officier Efpa-gnol. Toutes ces forces fe raffem-blerent à la fin du troiiieme jour , & les habitants d'Anilco , hors d'état de tenir contre de tels ennemis abandonnèrent leur ville fans efîayer de faire aucune défenfe. Ceux de Guacachoia des Européens. 247_ s*y j etterent précipitamment, & y Dci ouverte commirent de très grands défordres, «la Florlde* fans qu'il fut poffible à Soto d'arrêter Chap. x. le torrent de leur fureur, & de les Au. I54Z. empêcher de mettre le feu à la ville, quoiqu'il y employât toute fon éloquence & toute fa prudence. Il en eut un véritable chagrin, d'autant que la cruauté étoit éloignée de fon caractère , particulièrement quand il la voyoit contraire à la bonne politique. Il réufiït enfin à faire fortir les Indiens de cette ville, mais ce ne fut qu'après y avoir commis de nouveaux ravages, qu'il lui fut impoffible d'empêcher, & il retourna très mécontent à Gua-eachoia. Auffi-tôt qu'il y fut arrivé il em- JlcJ^ ploya la plus grande diligence à faire tms & veut abbattre &C préparer des bois, pour gi;0^;^ conffruire des brigantins , afin de s'en fervir à conduire fes gens jufqu'à la mer, fon intention étant de partir aufîi-tôt qu'ils feroient en état. Pendant qu'il étoit occupé de cette conf-truôion, il envoya une ambaffade à un Cacique voifin pour lui demander fon amitié, & pour l'inviter à lui faire une vifite en qualité d'enfant du Soleil, titre qu'il avoit enfin réfolu de L iv Dtcoriverie" pendre, afin d'imprimer plus de ref-*tcb Fionde p€ft aux Indiens, parce qu'il voyoit ciiap. x. que ces peuples révéroient particu- An. i542. liérement cet afïre. Le Cacique répondit avec fierté à fa dépuration : « Que s'il étoit le fils » du Soleil, il le croiroit quand il au-» roit delTéché la rivière voifîne, ou » qu'il auroit fait quelque grand pro-» dige pour prouver fa qualité & fa » puiffance : que pour ce qui étoit de » lui faire une vifite, il ne la devoit » jamais attendre : qu'il penferoit lui y* faire affés d'honneur en lui accor->» dant une audience dans fa propre » ville oii il le trouveroit également » difpofé à la paix & à la guerre : >> fans craindre l'une & fans défirer » l'autre. » MortcVpor- Cette réponfe & plufieurs autres m« de soto. de fagfa aidèrent tellement Soto, qu'il tomba malade d'une fièvre violente : il fenrit bientôt qu'elle le conduiroit au tombeau : fît affembler fes principaux Officiers dans fa tente; nomma Louis de Mofcofo de Alvarado pour lui fuccéder dans le commandement, & les engagea à lui obéir jufqu'à ce que l'autorité de ce nouveau chef fut abrogée ou confîr- rBÉs Européens. 249 mée par le Roi. II mourut enfin le 21 Découverte de Mai 1542, & rut généralementd-la Florid«* regretté de tous ceux qui le con- chap. :x. noilToient. Soto étoit un bel homme, , / , , . j, An. 1542» genereux,humain,courageux, d un air ouvert & chéri de tous les foldats, avec lefquels il ne craignit jamais d'ex-pofer fa perfonne. Il n'avoit que quarante-deux ans quand il périt dans cette expédition, pour laquelle il avoit dépenfé la plus grande partie d'une très belle fortune, amaffée en combattant fous Pizarre, & en fe faifant chérir de ce Commandant par la douceur de fon caractère. Louis de Mofcofo employa tous Mofeofo fes foins à cacher la mort du Gou- ^oiu* verneur, parce oue les Indiens des"°ireai;x,lnâ 7 * . .\ . . . , / diens qu il ett environs avoient la plus haute idee auéauc>ti. de fa perfonne, & qu'il leur avoit infinué que les Chrétiens etoient immortels. Il leur avoit aufîi per-fuadé qu'il connoiffoit l'avenir, & que l'image qu'il leur montroit dans un miroir étoit un efprit, qui voya-geoit de tous côtés pour s'inffruire de ce qui étoit le plus fecret, afin de l'en informer, étant absolument fournis à fes ordres. Son fuccefieur ne voulant pas les détromper, le Lv Découverte "l enterrer au milieu de la nuit hors de k Floride, de la ville : mais comme on vit que Chap. x. les Indiens avoient remarqué l'endroit An. 154a. où le terrein étoit nouvellement remué, Mofcofo le fit tirer de terre aufîi fecrettement qu'il y avoit été mis : on le renferma dans une pièce de chêne creufée exprès, on la chargea de poids, 6c elle fut jettée au milieu de la rivière dans un endroit où il y avoit dix-neuf braffes de profondeur, à un mille de diftance de la ville. Le Cacique de Guacachoia , & quelques autres qui avoient eu con-noiffance de la maladie de Soto,foup-çonnerent la vérité , 6c infifterent pour le voir. Mofcofo leur dit qu'il étoit parti pour le Ciel, comme cela lui arrivoit fouvent pour des raifons qui le regardoient perfonnellement , 6c qu'il l'avoit laiffé pour être fon repréfentant. Cetre réponfene fatisfit pas le Cacique, 6c il envoya deux Indiens liés à Mofcofo, en le priant de leur faire trancher la tête pour qu'ils accompagnaffent le Gouverneur dans fon voyage celefte : mais Mofcofo les fit mettre en liberté, 6c répondit avec colère au Cacique que Soto n'avoit pas befoin de leur compa- Des Européens. 251 gnie : qu'il n'étpit pas mort, & qu'il Découverte avoit plufieurs foldats Chrétiens pour & * rion.ie. l'accompagner dans fon voyage. chap. xi. An, ij42. CHAPITRE XI. Mofcofo prend la réfolulon de retour-ner à Cuba : La mauvaife conduite & la trahifon le jettent dans de grands dangers : Il prend le parti de conflruire des bâtiments de tranf-port pour fes gens, qui marquent la plus grande confance : Confpira-tion contre lui : Veffet en ejl arrêté par des pluyes abondantes : Les Efpagnols font attaqués dans leurs bar- ' ques, & font incommodés par les ennemis : Ils arrivent enfin à la mer, & après bien des fatigues gagnent la côte du Mexique. LA première réfoliition que prit imprudence Mofcofo quand il fut revêtu du c 9 co °* commandement fut de quitter la Floride : mais par une imprudence impardonnable , il fe laiffa perfuader de prendre fa route du côté de l'Ouefl. Il fit: une marche de plus de cent lieues 2 5 2 DÉCOUVERTES' Découverte ûar*s un pays ftérile Se défert où il ne de la Fionde. trouva aucun fecours ni aucunes pro-chap. xi. vifions. Il tomba aufîi dans diverfes An. 1542. embufeades, où il perdit plufieurs de fes gens, ce qui lui donna lieu de foupçonner que fes guides le trom-poient. On en mit un aux fers pour découvrir la vérité : il avoua le tout : mais -en rejettant le blâme fur fon Cacique, auquel il dit qu'il étoit obligé d'obéir. la!ïiv7lreSde ■ APrès avoir ainfi marché pendant Wjffiflipi. plus de trois mois, les Efpagnols changèrent de route, Retournèrent du côté de l'Eft, dans l'intention de regagner la rivière de Mifîiflipi s'il leur étoit polîible, parce qu'ils n'avoient aucune connoiffance de la latitude où ils fe trou voient, non plus que de leur éloignement du Golphe du Mexique. En tournant quelquefois du côté du Nord, ils retrouvèrent enfin ce fleuve vers la fin de Novembre , .entre Anilco 6c Guacachoia, après avoir parcouru plus de trois cents lieues : réduits à trois cents vingt hommes de pied 6c à foixante 6c dix chevaux, qui tous etoient en très jnauvais état. i,ês deux Caciques d'Anilco 6c de des Européens. 153 Guacachoia etoient alors en guerre Découvcne l'un contre l'autre, ce qui pouvoit dc la Floride, être très avantageux pour les Efpa- <-baP- xi-gnols, parce que chacun les invitoit à An. mz. fe rendre dans fa ville. Ils refuferent également de prendre aucun parti, & fe mirent en quartier à quelque diftance des deux fur les bords de la rivière, dans un lieu nommé Aminoia, où les Indiens agirent envers eux avec le plus grand refpett. Ils y refterent pour fe remettre des fatigues de leur voyage infructueux jufqu'au milieu de Janvier 1543 ; alors étant bien rétablis, An. 154*» ils commencèrent à couper du bois, préparer les pièces néceffaires p our les nouveaux bâtiments qu'ils avoient deffein de conftruire, afin de s'en fervir à defcendre la rivière. Les mois de Février, Mars & Avril lis conftnri-forent employés à la conftruftion des g££ bli" brigantins, fous l'infpettion d'un Génois , Charpentier de vaiffeaux. Pour voiles ils prirent des manteaux ou couvertures, dont nous avons déjà parlé: qui etoient faits d'une plante affés Semblable à la mauve. Elle fe filoit très bien, & ils s'en fervirent aufîi pour fe faire des cordes de diverfes groneurs. Toutes ces chofes, ainfi que 5-54 DÉCOUVERTES Découverte ^es autres dont ils eurent befoin leur delà Floride. furent fournies par les habitants d'A-chap. xi. nilco, ce qui caufa une jaloufie ex-An. i543. cefïive à ceux de Guacachoia. Un Cacique dont les Etats etoient aefinfi fur le bord oriental du fleuve, & contre les Ef-qui regardoit les Efpagnols comme pagneJj. ^ efpeces ^e pyrates ? forma une confpiration pour les détruire. Le Cacique d'Anilco fut invité à entrer dans cette ligue, avec plufieurs autres des provinces voifines : mais il la découvrit à Mofcofo, ce cpii l'obligea à fe tenir foigneufement lur fes gardes. Il fut aufîi averti qu'on le devoit attaquer pendant la mut ; & ne voulant pas faire connoître à tous les Caciques des environs qu'il étoit informé de leurs deffeins, il fe contenta de' leur faire dire "qu'il avoit donné des ordres très féveres à fes foldats, pour qu'ils ne reçuffent perfonne dans leurs quartiers aufîi-tôt que le foir feroit venu, fous quelque prétexte que ce pût être : mais que la communication feroit toujours ouverte de jour comme par le paffe. Malgré cette déclaration-, deux Indiens eflayerent de paffer le foffé fur un arbre qu'ils avoient jette en travers à cette in* des Européens. 155 tention : mais ils furent arrêtés par Découverte Silveff re, qui étoit alors de garde, & de la f1™^-qui coupa le vifage de l'un d'eux d'une Chap. xi. manière terrible , dans le moment où An. mu il s'avançoit pour le frapper, l'autre Indien prit aufîi-tôt la fuite. Le lendemain il vint un ménage à Mofcofo de la part du Cacique qui étoit à la tête de la confpiration , pour demander qu'on mit à mort la fentinelle qui avoit bleffé un noble Indien en temps de paix. Cette demande fut bientôt fuivie d'une féconde députation, par laquelle on apprit que l'Indien étoit mort. La feule réponfe que fît le Général fut que l'Indien avoit mérité ce qui lui étoit arrivé, puifqu'il avoit voulu femer la difcorde , en contrevenant à un ordre public, & que PEfpagnol avoit fait fon devoir. Le Cacique n'infifta plus, mais il perfiffa dans la réfolution de tirer une prompte vengeance. L'effet de la confpiration fut re- iteft retardé tardé par le débordement de la ri-yiere, qui inonda le pays à vingt lieues à la ronde , ce qui obligea les Indiens d'abandonner leurs habitations , & de fe retirer dans les terres. Les Efpagnols tranfporterent leurs i)6 Découvertes Découverte kfigantmS üanS ^ PUlS naute Partîe delà Fioride.de la ville , Se continuèrent leur ou-Chap. xi. vrage,fe trouvant abfolument hors A». iH3. du Ranger des eaux. Cependant ils manquoient de provifions, & pour en avoir ils attachèrent deux à deux des canots qu'ils envoyèrent à Anil-co : mais ils trouvèrent cette ville to-talementfubmergée.LeCaciquelesap-perçut d'une hauteur où il s'étoit retiré avec fes gens ; envoya un Indien pour favoir qui ils etoient, & après avoir appris que c'étaient les Efpagnols, non-feulement il chargea leur canots de rafraichiffements : mais il leur joignit encore plufieurs de fes propres .barques, Süveftre commandoit ce détachement, & menoit avec lui le fils du Cacique, qui étoit inffruit dans la langue efpagnole. Il avoit accompagné les Chrétiens dans leur voyage inutile, & auroit volontiers demeuré avec eux & partagé leur fortune, ü fon père eût voulu confentir qu'il fe féparât de lui. Mofcofo Les pluyes avoient continué à tom-ftT^fcUffi-ke1* depuis le commencement de Mars ftp»« jufqu'à la fin d'Avril, & elles commencèrent alors à diminuer : mais il où on leur fournit tout ce des Européens. 263 qui leur étoit néceflaire ; & l'un d'en- découverte tr'eux qui étoit d'un caractère mé-dela Floride, lancholique y prit l'habit religieux, chap. xi. Les vues des Efpagnols n'étant alors An. 1543. tournées que du côté de l'or, on ne penfa plus à la Floride jufqu'en '1549, que quelques Religieux Dominicains y panèrent, dans l'intention d'y établir le Chriftianifme : mais les Indiens les détruifirent tous , vingt-quatre heures après leur débarquement. Découverte %$g6^Sflgafeg$g^feftK de la Floride. «-*--*-+-*--é--*-» Chap. XII. a„.,!4, SUPPLÉMENT Pourla Découverte de la Floride, CHAPITRE XII. Premier établiffement des François à la Floride fous Jean Ribaut : Ils y bâdffent un petit fort : Retour de Ribaut en France : Les François quittent la Floride , & font pres de périr en mer par le défaut de vivres : . Ils font reçus dans un vaif-feau Anglais : S econde expédition fous les ordres de Laudonniere. Les Francs J[ A NT d'entreprifes infru&ueufes prennent la * -if / 1 réfoiution de parurent avoir dégoûte totalement î.éFLoiuied.ansles Efpagnols de continuer à découvrir la Floride: attirés uniquement dans le nouveau monde par Pappas de l'or, tout pays où ils ne trou-voient pas ce précieux métal ea abondance, leur paroiffoit indigne de leurs recherches. Ils n'y avoient formé des Européens» 265_ forme aucun établiffement lorfque Découverte: les François , fans être découragés de la Flonde« par le peu de fuccès de leurs voifins, chaP-xlu -réfolurent d'y établir une ou plu- An« fieurs Colonies : ils y auroient réufîi fans doute, fi moins attachés aux richeflès ficlices , ils avoient eu principalement en vue de profiter des richeffçs naturelles d'un pays fertile, c< couvert d'une multitude d'animaux , dont les fourures précieufes pouvoient former une branche con-ildérable de commerce. Outre le dé-fir de trouver de l'or, qui fut toujours le premier motif des avantu-riers qui allèrent dans le nouveau monde, ii paroît que d'autres vues contribuèrent à déterminer le Monarque &c le Miniflére François à envoyer une Colonie à la Floride. Sous le régne tumultueux de Charles IX, & avant l'affreufe journée de la faint Barthelemi, les Proteftants s'étoient exceiïivement multipliés en France, &c la Couronne ne pouvoit. que redouter des gens, qui par leurs principes religieux, font portés naturellement à l'indépendance. L'Amiral de Coligni, l'un de leurs principaux chefs, fans qu'on ait nu pè-Tom. III. M "dócouverte riétrer fes motifs, projetta de for-ieh Fionde mer dans le nouveau monde une Co-€hap xii. lonie uniquement compofée de Pro-An. 1562. reliants, & foit que le Monarque crut cet établiffement utile pour toute la nation en général, foit qu'il jugeât qu'il lui étoit avantageux d'éloigner des ennemis domeftiques, il confentit volontiers au projet. Expédition L'Amiral ne perdit point de temps : «le Jean Ri-., r n » i • tr • kaur, il fit conftruire deux vauleaux, qui furent mis fous les ordres du Capitaine Jean Ribaut , avec un affez grand nombre de matelots, de fol-dats, & de volontaires, dont la pluf-part etoient Gentilshommes. Ils partirent de Dieppe le 18 de Février 1562, & après une heureufe tra-verfée, ils reconnurent la côte de la Floride vers la fin du mois d'Avril. La première terre qu'ils découvrirent fut nommée le Cap - françois , vers le trente & unième degré de latitude feptentrionale ; ils fuivirent la côte qui s'étend au Nord-Oueft, virent plufieurs belles rivières, entre autres celle qu'ils nommèrent des Dauphins , à caufe de la quantité de ces animaux qui parurent à fon embouchure , &: entrèrent dans. une des Européens. 267 qu'ils appellerent rivière de Mai, en DéCOilvcrte l'honneur du mois qui commençoitBonde, le jour même qu'ils en firent la dé- chap. xil. couverte. An. jsoî. Quoique les bords de cette rivière fiiflènt couverts d'Indiens, les François ne virent en eux aucune marque d'hoftilité : au contraire ils furent reçus très humainement, tk le pays ayant paru aum* fertile qu'agréable , Ribaut en prit poffefîion au nom du Roi de France, en faifant élever fur le rivage une colomne de pierre , ou etoient gravées les armes de cette Monarchie. Il remarqua que cette contrée abondoit particulièrement en mûriers noirs & blancs , fur lefquels les vers à foye fe multi-plioient naturellement, & faifoient leur travail fans aucun fecours de l'indiiflrie humaine. Après être forti de cette rivière, î! b3,it cl &A • „ \ t- • 1 a • petit foit. en continuant a luivre la cote, Ribaut en rencontra plufieurs, auxquelles il donna les noms de Seine, de Loire, tk de quelques autres rivières de France. Au trente-deuxième degré de latitude, il en trouva une plus confidérable qu'il nomma Port-royal : jetta l'ancre à fon em- Mij "Découverte bouchure, la remonta de quelques delàFionde.litues ? toujours dans un pays fertile Chap xTi. &C au milieu des fauvages, qui d'a-An. tuai bord avoient pris la fuite, & qui revinrent enfuite avec quelques présents de perles & de curiolités du pays. Les François y remarquèrent quantité de bêtes fauves, de volailles , .& beaucoup de poiflons : mais ne voulant pas encore former d'éta-b line ment en cet endroit, ils reprirent la côte maritime, dans l'intention de trouver la rivière que les Efpagnols avoient nommée le Jourdain. Le peu de connoiffance du pays leur èn fît prendre une autre pour celle qu'ils cherchoient; & après l'avoir remontée quelques lieues, Ribaut réfolut de bâtir un fort dans une ifle environnée de deux bras de cette rivière , pour y laiffer vingt-fix de fes gens , qui fe déterminèrent à y paf-fer l'Hyver, fur la promeffe qu'il leur fit de leur donner de prompts fecours. Ribaut re- 1 Ce fort avoit fi peu d'étendue, que vient en Fran- •■. . v i». chacun mettant la main a l ouvrage il fut coriftruit très promptement. On lui donna le nom du Roi Charles 3 & Ribaut nomma pour Gouver- des Européens* i6, après, quoi il fit élever pour ce Prince une efpece de tente, formée de branches de palmier, de laurier-, 6c. d'autres arbres odoriférants, m hntvh, Laudonniere ayant remarqué que; ftés, pat Sa» des Européens. 277_ de cet endroit qui étoit élevé, Sa- ' Découverte turiova pourroit voir tout ce qui aek'Florrde* fe pafîeroiï dans les retranchements chap. xin, des François, fit les difpofitions né- An. 156* cefTaifes pour combattre avec fuccès, s'il étoit attaqué par les Indiens : mais ils ne venoient que dans des vues pacifiques. Le Roi arriva précédé de huit cents hommes, bienfaits, robufles-, exercés à la courfe & tous armés en guerre. Ils etoient ■ fui vis de cinquante jeunes gensT qui. „ lui fervoient de gardes du Corps, &c - qui portoient des traits & des- javelots. Le Prince avoit à fa droite fon Négromancien, & à fa gauche fort premier Confeiller d'Etat, qui i'ae-compagnoient toujours dans les cc- • calions importantes : tk à quelque • diitance etoient vingt joueurs-de ûn- ■ tes., dont les inflruments compofés; de rofeaux percés de deux trous ?. rendoient un l'on fi baroque & fi dilcordant, qu'on pouvoir les.regarder comme une muiique infernale.. - Sattiriova entra feul dans le lieu qui ■ lui étoit préparé : s'y affit à- platte - terre , comme nous voyons affeoir les finges,,.&: regarda quelque temps; les François qui etoient rangés- en. Découverte ordre de bataille. Il manda enfuite delà Floride. Laudonniere, qui fe rendit dans fa Chap. xiu. tente avec fon premier Capitaine An. ij&j. Ottigni, un de ceux qui entendoit un peu la langue ; & le Prince leur fit un très long difcours, qu'ils ne comprirent qu'en partiercependant ils en entendirent affez pour connoître qu'il leur demandoit qui ils etoient : pourquoi ils etoient venus plutôt dans fes Etats, que dans ceux de tout autre: & quelle étoit leur intention. Le Commandant répondit par le Capitaine la Caille , qui pou-voit fe faire entendre du Prince : qu'il étoit envoyé par un Monarque très Puiffant, nommé le Roi de France, lequel défiroit faire alliance avec lui, être l'ami de fes amis , & l'ennemi de fes ennemis. Cette réponfe parut très agréable à Sa-turiova : on fe fît réciproquement des préfents en figne d'amitié, & il fortit de fa tente pour voir de plus près les travaux des Européens. Il regarda leurs armes avec admira-lion , particulièrement l'artillerie : examina les retranchements en dedans & en dehors, ôc demanda quel en étoit l'ufage. On lui dit qu'ils bes Européens. 279 etoient deftinés à renfermer un grand Découverte édifice, capable de contenir tous iesdcla Florid*» hommes qu'il voyoit, & qu'on al- Chap. xni. loit y conftruire des cabanes. Ce tra- An. iss*. vail l«i plut beaucoup, & il marqua le plus grand défir de le voir avancer en peu de temps ; ce qui donna occafion à Laudonniere de lui demander quelques - uns de fes gens pour aider les Européens. Il y confentit avec joie, & envoya quatre-vingts hommes accoutumés à porter de lourds fardeaux, ce qui fou-lagea beaucoup les François, & avança confidérablement Fouvrage* Animés par le défir de fe garantir ^«"^ de toutes fortes d'ennemis, & de fe iin. mettre à couvert contre les injures de l'air, Gentilshommes, Officiers, Soldats, Ouvriers & Matelots tra-vailloient avec une ardeur égale pour le conduire a fa perfection. Us etoient encore excités par l'envie de fe faire une retraite, où ils puffent dépofer les richeffes immenfes qu'ils efpé-roient acquérir dans peu : mais bien loin de voir leur attente remplie, ils tombèrent bien-tôt dans une fi grande difette de boiffon & de vivres v joue chacun fut réduit par jour à ua Découverte*verre û'une efpeee de cidre coupé de la Floride, avec moitié d'eau, & que fi l'on n'a-Chap. xiii. voit reçu quelques fecours des habi-An ^ tants, toute la Colonie auroit péri "* 15<î+' de mifére. Pour remédier à cette di-fette, Laudonniere fit construire deux barques de trente à quarante pieds de longueur, afin de s'en fervir à remonter la rivière, & à parcourir la côte, dans l'intention de chercher de toutes parts les provifions nécef-faires. Mécontente- Entre les compagnons de Laudon-Sooieanslan*ere etoient, comme nous l'avons déjà remarqué, un affez grand nombre de Gentilshommes, élevés dans la délicateffe trop ordinaire à la no-bleffe Françoife. Semblables à tous les autres avanturiers, ils n'avoient envifagé que la fortune brillante, à laquelle ils comptoient parvenir, &C croyoient que la fatigue du voyage étoit l'unique peine qu'ils duffent ep-prouver. Quand ils fe virent au contraire réduits à la difette , obligés de partager les .travaux les plus rudes, dans un pays oii ils ne voyoient aucune apparence d'or, ils commencèrent à fatiguer Laudonniere de leurs plaintes. Le Commandant y fit peu d'aw des Européens, 281 tention , tk fon caractère trop facile, Découverte le livrant à trois ou quatre flatteurs <*e la Fi°"de. qui s'étoient emparés de fon efprit, chaf' XJIL d ne marqua que du mépris pour An. 15*4. les militaires qu'il auroit du particulièrement ménager, & l'enthouziaf-me de leur Scdfe fe joignant à leurs plaintes , ils lui reprochèrent avec amertume , de n'avoir eu aucune attention au falut des ames, tk de n'avoir amené avec lui aucuns Minif-ires. En effet Laudonniere avoit commis cette faute contre les ordres exprès de l'Amiral, & contre les régies de la bonne politique qui enfei-gne à tous les chefs d'avoir des gens affidés , qui fâchent gagner les ef-prits du peuple, & le plier aux volontés du Commandant. Les barques des François n'étoient Découvertei pas demeurées inutiles : Laudonniere des ^"S0"1» avoit envoyé fon Lieutenant Ottigni à la découverte, & après être remonté environ vingt lieues, il trouva les Timagoas, avec lefquels Sa-turiova étoit en guerre. Ils reçurent très bien les Européens, tk leur dirent qu'ils n'avoient point d'or, mais qu'ils pouvoient les conduire dans un lieu où ils en trouveroient. Ot- _iSl DÉCOUVERTES Découverte tignï envoya un de fes hommes avec u Floride. eux ^ & voyant qu'après l'avoir at- Cbap. xiii.rendu quelque temps, il n'en avoit A». i564. aucunes nouvelles, il remonta encore dix lieues pour le chercher. Le François le rejoignit chargé d'un peu d'or, & lui dit que les habitants pro-mettoient de lui en faire trouver davantage dans le pays du Roi Maie-ra : il fe confia encore à leur conduite , & d'Ottigni revint à la fortereffe. Quinze jours après, le François ne revenant point, Laudonniere fît partir le Capitaine Vaffeur avec quelques troupes pour le chercher. Ils remontèrent la rivière pendant deux jours, & apprirent qu'il étoit paffé dans le pays du Roi Mollava, l'un des vaffaux du grand Roi Outina. S'étant rendus auprès de Mollava, qui les traita avec bonté, ils y retrouvèrent leur homme chargé de dix marcs d'argent: apprirent qu'Ou-tina commandoit à quarante Rois, & qu'il étoit le plus puiffant ennemi de Saturiova, qui en comptoit trente entre fes Vaffaux. Laudonniere Cependant Saturiova envoya à rcfufe du fe- T .r , , . J . . cours à satu-Laudonniere une deputation pour lui nor». demander de fe mettre en marche des Européens. 283 avec lui contre d'autres Indiens, avec Découverte lefquels il étoit en guerre, confor- *e la Floride, mément à la promené qu'il lui avoit chap. xui. faite, de fe déclarer ami de fes amis, An. 15*4. &: ennemi de fes ennemis. Le Commandant , qui par les différents voyages de fes gens avoit appris qu'il ne pouvoit efpérer de trouver de l'or, que dans les monts Apalaches, & que pour y parvenir il falloit paf-fer par des pays fous la domination des ennemis de Saturiova, avoit ré-folu de faire alliance avec eux, particulièrement avec Outina, qui etoit le plus puifTant. Il fit une réponfe ambigue au député, ce qui détermina le Roi à fe rendre en perfonne au Fort. Il reconnut bien-tôt que cet ouvrage n'étoit pas un finaple logement pour les Européens, étant environné d'un rempart & d'un foffé affez large & profond, avec une pa-lifTade du côté de la rivière, fans autre iffue qu'une entrée étroite & d'un accès difficile. Il avoit amené douze ou quinze cents hommes : mais le Capitaine la Caille lui dit au nom du Commandant, qu'il ne pouvoit être admis dans le Fort, auquel on avoit donné le nom de CaroHn, qu'après _284 DÉCOUVERTES Dc.-oùvrru- avoir renvoyé ion monde, ou (e\u tîe h Floride. l(oment avec vingt hommes de fa ctap. xiii.fuite. Frappé de ce menage, Satu-An. 1564. riova prit le parti de diilimuler, &c entra avec le nombre prefcrit : mais à peine eut-il mis le pied dans le Fort, que fous prétexte de lui faire honneur, les tambours & les trompettes commencèrent à fe faire entendre , & ce bruit fut fuivi d'une décharge d'artillerie , qui lui caufa la frayeur la plus excefîïve. On lui dit en même - temps que fes gens épouvantés prenoient la fuite de toutes parts, & il en fut d'autant moins furpris, qu'il leur en auroit montré l'exemple, s'il n'eut pas été dans le Fort. Cependant il fomma Laudonniere de fa parole, lui dit que fon armée étoit prête à partir : que les Rois fes Vaffaux etoient nffemblés, & qu'il avoit fait toutes les provifions néceffaircs. Le Commandant François s'excufa de l'accompagner, & il partit feul pour fon expédition. ilfefaitre- La ffayeur de Saturiova & de fes mettre les iet. J r tres desFran-gens, ayant rendu le nom François coi$. célèbre dans tout le pays, Laudonniere réfolut de renvoyer un des Européens. 285 vaiffeau en Europe, fous les ordres ^éc( uv.rte du Capitaine Pierre. Un grand nom-de la Floriae* bre de ceux qui l'accompagnoient chap. xm. défiroient ardemment profiter de An. 1564. cette occafion pour retourner dans leur patrie ; entre ceux qui le lui demandèrent avec le plus d'inftances, fiit un jeune- homme nommé Moril-lac, & le Commandant le lui promit , à condition qu'il lui remettroit toutes les dépêches dont on le char-geroit pour l'Europe, promettant de ne les ouvrir que lorfque le vaiffeau feroit en mer. Parmi les lettres qui furent ainfi remilès à Laudonniere, il en trouva quelques-unes d'un jeune François de famille honnête, nommé de Giè-vre , par lesquelles il marquoit que le Commandant bien loin de faire l'u-fage convenable des cinquante mille écus qu'il avoit reçus du Roi pour la Colonie, n'y avoit conduit aucunes des provifions néceffaires ; qu'il donnoit toute fa confiance à des flatteurs : méprifoit les gens de bien , & avoit totalement .négligé de leur donner les fecours fpiriftiels, n'ayant amené aucun Miniflre. Ces lettres auroient pu être fatales à de Gièvre : Découverte ma*s comme il étoit fort aimé, il fur de la Floride, averti de la trahifon de Morillaç , &c chap. xiv. eut le temps de fe fauver dans les a«i. ij64. bois pour éviter la colère du Commandant. CHAPITRE XIV. Révolte d'une partie des gens de Laudonniere : Ils le mettent aux fers ; Ils s'emparent d'une barque, & paf fent dans la nouvelle Efpagne. Laudonniere refufe de prendre part aux affaires des Indiens. Les révoltés font quelques prifes : Ils font furpris & je fauvent : Leur retour à la Floride. Laudonniere fait punir les chefs & la tranquillité efl rétablie. Révolte ou T ^ conduite que Laudonniere -verte dans la L> avoit tenue pour fe rendre «oiome. maître Qes feCrets des François, ne fervit qu'à irriter de plus en plus les efprits. Tous faifoient les mêmes plaintes que de Gièvre avoit écrites , & ne doutant pas que le Commandant n'en fut également instruit, ils réfolurent de ne plus rien ménager, des Européens. 187 avec un homme qui avoit droit de Décollvert£ regarder chacun d'eux comme fon fie h Floride.1 ennemi. Ils formèrent un complot, chap. xiv. qui commença d'abord par cinq ou An. ijö* nx & dans lequel ils fe trouvèrent en peu de temps au nombre de trente : ils connoiffoient trop la probité & l'attachement de la Caille au Commandant , pour lui propofer d'y entrer : mais il s'adrefferent à lui pour qu'il portât leurs plaintes à Laudonniere , & lui exposât le projet qu'ils avoient formé. En confequence il le pria de fe rendre au lieu d'affemblée &C en préfence des mutins il lui fit un difeours, où en lui déclarant qu'ils le reconnoiffoient toujours pour le Lieutenant du Monarque François, il lui repréfenta que ceux, au nom defquels il parloit, etoient pour la plufpart des Gentilshommes aifés, qui avoient quitté volontairement, pour le fuivre, les douceurs de leur patrie : qu'ils etoient expofés au danger de périr, faute de vivres au milieu des fauvages, dont on ne pouvoit en efpérer que par des échanges, & qu'il ne reftoit rien à leur donner pour en obtenir : que pour prévenir l'extrême difette où ils al-. D5t0.; crte loient; tomber, ils demandoient que delà Flonde. fans perdre de temps il fît radouber Chap. xiv. le vaiffeau qui lui refîoit, afin de les An. tranfporter dans la nouvelle Efpa-gne dont il etoient voifins, où ils ob-tiendröient des vivres, foit à prix d'argent, foit par quelque autre voie, 6c il finit en ajoutant que fi l'on con-noiffoit quelque moyen plus facile pour s'en procurer, ils etoient également difpofés à le prendre. Laudonniere répondit en peu de mots, qu'il n'étoit pas tenu de leur rendre compte de fa conduite : qu'il avoit plufieurs tonneaux remplis d'ef-fçh , avec lefquels ou auroit des vivres des menens : qu'il ne permettroit jamais qu'on allât dans la nouvelle Efpagne, mais qu'on pourroit monter furies deux barques pour côtoyer le rivage de la mer jufqu'à trente ou quarante lieues, ce qui leur donne-' roit plus de provifions qu'on n'en auroit befoin. Laudonniere La crainte de manquer de vivres fis par ie"x n'étouffoit pas l'amour de Tor. Lau-muBni. donniere envoya quelques gens dont il étoit fur dans les Etats du Roi Outina : ils en apportèrent une petite quantité, ôc il fut mis dans le tréfor , " des Européens. 289 tréfor, contre la promeffe qu'il avoit Découverte faite de partager tout en commun. Je la Floride. Ce manque de foi augmenta encore chap. xiv, les murmures, & enfin les conjurés réfolurent d'obtenir par force la per- ' ' million de paffer dans la nouvelle Ef-pagne. Ils attirèrent dans leur parti le plus grand nombre des foldats. Un infigne hypocrite nommé Desfourneaux fe mit à leur tête avec un Genevois nommé Etienne , tk deux . autres François la Croix & Seigneur. Desfourneaux avec vingt hommes armés fe rendit au milieu de la nuit chez Laudonniere : s'empara des clefs-du tréfor & des magazins : lui mit les fers aux pieds, & le fit conduire fur le vaiffeau, oii il le laifla à la garde de deux foldats. Les autres conjurés allèrent en même-temps chez le Lieutenant d'Ottigni, & chez l'Enfeigne d'Erlac pour les défarmer, tk leur firent jurer, fous peine de mon, de ne point fortir de leurs maifons avant le jour. Leur projet étoit de tuer la caille,ôi ils fe rendirent chez lui à cette intention : mais il avoit été averti, tk s'étoit fauve dans les bois, oii il demeura caché jufqu'à leur départ.- Pour donner quelque fanöion au us pa. e Tom. III. N rDécouverte voyage qu'ils avoient réfolu de faire, de la Floride. & p0ur qlie les Efpagnols ne fùffent Chap. xiv. pas en droit de les regarder comme An. 1554. des Pirates fans aveu: Desfourneaux drefTa une commiflion qu'ils force- poi.r la nou- T , , ~ 1 , veile jbfpa-rent Laudonniere de ligner, par la-$ne'- quelle en fa qualité de Lieutenant pour le Roi, il leur accord oit la per-mifîion, attendu la difette de vivres, de pafîer dans la nouvelle Efpagne pour s'en procurer, & prioit les Commandants , Magilfrats & autres Sujets du Monarque Efpagnol de leur accorder les fecours dont ils auroient befoin. Ils mirent fur les deux grandes barques tout ce qu'ils purent trouver de munitions ' &c de provifions dans les magazins : choifirent deux pilottes LevafTeur & Tren-char, &c partirent du Fort le 8 de Décembre, en traitant de lâches & d'efclaves tous ceux qui n'avoient pas voulu fe joindre à eux, & en menaçant de les écrafer, fi on refufoit de les recevoir quand ils reviendroient comblés de richeffes. Oa apporte Lorfque les mutins furent partis, au forr quel- .. 1. . i-, ' 22 sucsricheiiès. Laudonniere remis en liberté, ht revenir auprès de lui la Caille, & après avoir fait la revue des François qui des Européens. 291 lui etoient demeurés attachés, il leur i^COUVerte fit prêter un nouveau ferment d'être delaFlolide' toujours fidèles au Pvoi, & de réfifter chap.xiv. à tous fes ennemis, au nombre def- An< J$6u quels on mit ceux qui venaient d'abandonner la Colonie. Cependant la Rocheferiere que le Commandant avoit envoyé vers les montagnes, fît remettre au Fort plufieurs préfents qu'il avoit reçus des trois Souverains çnnemis d'Outina. Ils etoient compo-fés de plaques rondes d'or & d'argent, de boucliers aufîi d'argent, mais non purifié, tk. mêlé de beaucoup de cuivre: decarquois couverts de très belles fourures, & dont toutes les flèches etoient garnies de pointes d'or ; de plufieurs tapis de plumes : de joncs travaillés avec beaucoup d'art, &: de pierres vertes & rouges en forme de coin, qui fervoient à mettre au tranchant des haches. Laudonniere par reconnoiffance leur envoya quelques pièces de grofles étoffes frifées, des haches, des feies tk quelques quincailleries de celles qui fe vendent au plus bas prix dans les boutiques de Paris , dont ils parurent très fatis-faits. Ce commerce caufa beaucoup de Les ind:c«# Nij \ "Découverte jaloune à Outina & à fes fujets , qui de h Floride, ne parloient plus des François que Chap. xiv. fous le nom d'ennemis : mais la Ro-An. is64 cheferiere avoit trouvé un autre che-.... . , min pour revenir au fort, en defeen- lolhcitent le . r . . . . . r fecours des dant quelques petites rivières qui le funcois. déchargeoicnt dans la mer, fans paf-fer par les Etats de ce Prince. Il envoya à Laudonniere un Gentilhomme Poitevin nommé Groutaut, qui l'a-voit toujours accompagné dans fes voyages auprès des trois Princes. Il dir au Commandant, que l'un d'eux étoit difpofé à entrer en guerre avec fes ennemis : qu'il demandoit à Ro-cheferieres de contraöeralliance avec les François ; & que fi on vouloir lui fournir cent hommes armés de mouiquets , il remporteroit certainement la victoire, ce qui les rendroit maîtres des monts Apalaches. Roche-ferieres qui ignoroit les troubles du fort, & la défertion d'une partie des François, n'avoit fait aucune difficulté de promettre du fecours à ce Prince : mais Laudonniere affoibli, jugea que s'il envoyoit autant d'hommes dans les montagnes, il ne lui en refleroit pas ailés pour défendre la fortereffe, ce qui le détermina à re- des Européens. . 293 noncer à d?aufÏÏ grands avantages , Découverte jufqu'à ce qu'il eut reçu des fecours de dela ^oùde. France. chap. xiv. Les Indiens continuoient toujours An a faire des échanges avec les François; il en vint deux au nom du Roi Mar- deuxn a£fp". racou, qui habitoit à dix ou douze |n°is Laudonniere leur fît donner des Chap. xiv. habits : ils coupèrent leurs cheveux An. ij64. qu'ils voulurent conferver, tk l'on trouva que l'un d'eux avoit caché dedans une petite quantité d'or, qui valoit environ vingt-cinq écus. On apprit qu'ils s'étoient fauves quinze ans auparavant d'un naurîrage près de Caîos où leur vaifTeau avoit été brifé furies rochers qu'on appelle des Martyrs : que le Roi du pays s'étoit emparé de toutes les richefîes qu'on avoit pu retirer tant de ce vaiffeau que de deux autres qui avoient péri en même temps: qu'il avoit donné tous fes foins à fauver la vie à un grand nombre d'Eipagnoîs , entre lelquels etoient plufieurs femmes mariées, & que depuis ce temps elles vivoient avec leurs enfants auprès de ce Prince , qui étoit le plus bel homme tk le plus grand Roi de toutes les Indes, très vaillant, très puiflant tk très riche, tant par le commerce qu'il faifoit avec fes voi-fins, que par les dépouilles desvaif-feaux Européens qui périffoient fou-vent fur fes côtes. Ils ajoutèrent qu'il avoit amaffé un tréfor en or tk en argent de la hauteur d'un homme tk des Européens. 295 «3e la groflèur d'un tonneau : que les Découverte femmes qui danfoient dans les joursdc la Flotide-de rejouiiïarices etoient fi chargées de chap. xiv. plaques d'or pendues à leurs ceintu- An. 15*4» res, qu'elles avoient peine à faire leurs fauts, & que les nommes en por-toient de même : que les Sujets du Monarque avoient pour lui la plus grande vénération , parce qu'ils ; croyoient que par des cérémonies magiques il procuroit la fertilité à leurs terres: que pour les entretenir dans cette fuperftition,il fe renfermoit fouvent avec quelques confidents dans un lieu deftiné à faire fes conjurations, & qu'on mettoit à mort tous ceux qu'une curiofité indifcrete faifoit approcher trop près de ce lieu facré : que dans le temps de la moiffon ce Roi barbare faifoit facrifier un homme, & qu'on réfervoit particulièrement les Efpagnols pour fervir de victimes : enfin ils afïïirerenr qu'avec cent Moufque-taires il feroit aifé de s'emparer de toutes fes richeffes, le pays n'étant pas fort éloigné, puifque fa diftance au promontoire le plus méridional n'étoit que de quinze à dix-huit lieues. Pendant qu'on tiroit tous ces éclair- Laudonniere Niv _î<)6 DÉCOUVERTES Découverte ciffements des deux Efpagnols, Satii-la Fionde. riova envoya une députation pouf Chap. xiv. demander avec de nouvelles inftanccs An. 1564. que les François lui fourniffent des troupes contre Outina, & Laudon-prendre part1**8*6 reçut un grand nombre d'autres aux affaires députés des Princes alliés de Saturiova, des Indiens. 1 rr ^ r ■ -i \ *ï pour le preiler de le joindre à eux. Il étoit de l'intérêt des François de ménager Outina, & de fe conferver l'amitié des Caciques voifins : aufîi Laudonniere , bien loin de vouloir entrer clans leurs démêlés, ne fongea qu'à les reconcilier. Ils y parurent difpofés, & promirent même de le laiffer le maître des conditions : mais il fe tint toujours fur la referve , fa-chant par lui-même, & par les Efpagnols qui connoiffoient à fond les mœurs des Indiens, que ces nations etoient d'autant plus à craindre qu'elles marquoient plus de condefeen-dance & d'amitié. Le Commandant François avoit fait conftruire deux nouvelles barques , fur l'une defquelles il envoya quelques-uns de fes gens fuivre la côte feptentrionale vers l'endroit où Ribaut avoit débarqué en 1562. Ils y trouvèrent le -Roi Adufta qui en- des Européens. 297_ voya des préfents de maïz, de fèves, Découverte de Cerfs, de peaux de bêtes , & &"h Floride-d'autres effets du pays, en le priant chap. xiv. de venir s'établir dans fon canton, où An- 156s, il promettoit de lui fournir tout ce qui lui feroit néceffaire , & des vivres en abondance. Laudonniere ne crut pas devoir changer le lieu où il avoit établi fa Colonie, & il y eût alors une fi prodigieufe quantité de pigeons de paffage que pendant fept femaines les François en tuèrent chaque jour plus de deux cents. Il envoya au/fi une députation à la Reine Hiovacara, qui étoit veuve, & la plus belle perfonne du pays ; fes fujets avoient pour elle une fi grande vénération, que jamais ils ne permettoient que fes pieds pofaflènt fur la terre, ils k portoient toujours fur leurs épaules: elle fournit auffi beaucoup de vivres, aux François, qui par le fecours des Indiens fe trouvèrent ainli dans l'abondance : mais elle ne pouvoit être que paffagere tant qu'ils négligeoient la culture des terres, à laquelle ils parurent ne faire jamais aucune attention. Nous n'entrerons pas dans le détail de tous les endroits que parcoururent les gens envoyés par Laudonniere, N v 2Q IJÖJ} autres réitèrent à l'ancre vers l'embouchure. La fatisfa£fion fut égale de part tk d'autre : Ribaut vit avec le plus grand plaifir que tout ce qu'on avoit publié en France contre Laudonniere n'avoit aucun fondement, & que fa conduite étoit fans reproche. Bien loin de fonger à embarquer les troupes du fort, on ne s'occupa plus que du foin de le rétablir, & de prendre les moyens de former un « établiffement plus folide. Sept ou huit jours après l'arrivée Arrivée de de Ribaut, les Gentilshommes, les foldats, tk prefque tous les matelots étant defeendus à terre , à l'exception d'un petit nombre deftiné ;\ la garde des quatre vaiffeaux reliés à l'embouchure de la rivière, on apperçut vers quatre heures du foir fix gros navires, qui venoient fur les François , tk on les reconnut bientôt pour Efpagnols. • Ceux qui etoient demeurés dans les bâtiments de Ribaut n'eurent que le temps de couper leurs cables, & de gagner la mer : les Efpagnols voulu- 306 DÉCOUVERTES Découverte rent leur donner la chalTe, mais les Je la Horide. François plus fins voiliers leur écha-Chap. xv. perent aifément. Auiïi-tôt que Ribaut fut inlfruit de cet événement par des An. ijs;, foldats qui fe promenoient fur le rivage , il fît mettre fes troupes fous les armes, au nombre de cinq à fix cents hommes , armés de moufquets, & ils fe tinrent fur la côte, prêts à monter dans les vahTeaux fi les matelots les y ramenoient. On paffa la nuit au bivouac , 6c le matin pn revit l'un après l'autre les quatre vahTeaüx, qui fai-foient des fignaux pour avoir du # monde. Ribaut craignit d'abord que les Efpagnols ne s'en fuffent emparés, 6c que ces fignaux ne fuffent une rufe pour furprendre les François. Cependant ils montèrent dans les barques, 6c dans les autres navires, difpofés à tout événement. Le vent contraire empêchoit les quatre de gagner la côte, mais un matelot fut affés hardi pour fe j etter en mer au péril de fa vie ; on le reçut dans une chaloupe , 6c il remit à Ribaut une lettre du Capitaine Coffet qui lui marquoit que . les Efpagnols au nombre de huit vaif-feaux après avoir manqué de s'en rendre maîtres, 6c tiré plufieurs volées de des Européens. 307 canon, avoient fait une defcente àfix Dl5COllveite milles des François, &c débarqué uneJc]a HotMw grande quantité de Nègres, chargés Chip. XV. de pelles & de hoyaux, ce qui fit juger An. uien proportionné : il avoit le vifage p1"' large & peint de diverfes couleurs, mais principalement de jaune : des cercles rouges autour des yeux, &c une efpece de figure de cerf fur cha- ( ƒ) De même qu'on trouve des hommes "beaucoup plus petits que le commun des Européens dans quelques contrées fepten-trionales, il peut aufli y en avoir au-deflus delà taille ordinaire en d'autres pays, mais on n'en a pas encore eu de preuves afles corn-plettes, & en les attendant, on eft difpenfê-d'ajouter foi à tout ce que notre Auteur en rapporte. Le refte de fon récit eft confirmé par le rapport des autres voyageurs : Il eft fouvent necefiaire de comparer les relations de plufieurs pour ne pas croire légèrement ce que quelques-uns ont cru eux-mêmes fur la foi des habitants, ou ce qu'ils ont voulu nous faire croire pour rendre leurs récits plus étonnants. Dans les pays où, l'ignorance eft fouvent mife au nombre des vertus; Hiftoriens, Voyageurs & Myfti-ques, tout fe relient du terroir. Moins crédules en France, nous mettons toutes ces relations au crCufet d'une faine critique pour en tirer l'or pur de la vérité» des Européens. 313 crue joue. Ses cheveux etoient teints MACB1I de blanc , & il portoit pour habille- Chap nient la peau de quelque bête, dont Aiu , il paroiffoit que la tête étoit très grofTe, les oreilles comme celles d'un mulet, le corps femblable à un chameau, & la queue pareille à celle d'un cheval : le Géant avoit à fes pieds des efpeces de fouliers couverts de la même peau. Il portoit à la main un arc très fon & très court, avec un paquet de flèches , faites de rofeaux , à l'extrémité desquelles etoient ajuffées des pierres pointues : mais les plumes etoient affez fembla-bles aux nôtres. L'Amiral lui donna à boire & à manger, après quoi il lui fit préfent de grelots d'oifeaux de proye, d'un peigne, de quelques grains de verre, & d'autres bagatelles. On lui préfenta aufîi un miroir : mais quand il y eut vu fon horrible figure , il recida en arrière tout effrayé, avec tant de vivacité, qu'il renverfa une femme qui étoit près de lui : on le reconduifit à terre avec quatre hommes bien armés, (g) {g) Si cet homme eût été feul de fon efpece, il auroit pu être aufli épouvanté de fa figure que le rapporte notre Auteur : mais O v j 3 M DÉCOUVERTES MAcriiAN, H fut bientôt fuivi d'un autre chap. i. Géant encore plus grand, 6c armé An. 15:0 Qe même. L'Amiral envoya quelques-uns de fes gens pour lui faire compliment comme au premier, & il ne fit aucune difficulté de venir dans Kfle, paroiflant d'un caractère très, gai, chantant, danfant, tk marquant une humeur très affable. Il demeura quelque temps avec les Chrétiens , 6c ils lui donnèrent le nom de Jean : fa voix étoit fonore, mais plus forte que celle des hommes or-, dinaires, 6c on lui apprit à prononcer très cUflinctement le nom de Je-fus, celui de Jean, 6c l'Ave Maria. il avoit des confrères femblables à lui, auxquels il devoit être accoutumé. Je crois que cette feule circonftance fuffie pour fonder des doutes très raisonnables fur tout ce qui eft dit de ces hommes monftrueux. Leur appétit prodigieux parok tenir également de la fable. Comment les Efpagnols dans une navigation longue & douteufe, où ils dévoient craindre de manquer de vivres , purent-ils fe déterminer à en emmener deux? Ne couroient-iis pas auili de grands rif-ques fi ces Géants avoient réufli à fe détacher ? Je le répète, la nature pouvoit leur avoir donné une ftature au-deiïus du commun des hommes, & l'imagination ou l'a,-mour du merveilleux a fait le refte. Des Européens. 325 L'Amiral lui donna une chemife de magbilan toile , un habit blanc , un miroir, un ChaP. !• chapeau , un peigne, avec plufieurs An. 152». bagatelles, tk le renvoya à terre. Il revint le lendemain trouver les Efpagnols , tk fît préfent à l'Amiral d'une des bêtes dont il portoit la peau: mais il eff vraifemblable que fes compatriotes le tuèrent à caufe de cette liaifon avec des étrangers, car on ne le vit plus par la fuite. Environ cjuinze jours après, quatre autres Géants vinrent fur le bord de la mer, fans armes, ayant caché leurs arcs & leurs flèches dans des buiffons. On fe rendit maître par adreffe des deux qui etoient les plus jeunes tk les plus actifs : on leur donna des grains de criftal, des fonne-tes, tk d'autres bagatelles, jufqu'à ce que leurs mains en fuffent entièrement remplies : enfuite on leur mit des fers très brillants tk bien polis autour des jambes, comme pour leur faire un nouveau préfent, tk ils en parurent très contents à caufe de leur éclat. Les deux autres avoient voulu les aider à porter ce qui leur avoit été donné ; mais les Efpagnols 3*6 DÉCOUVERTES MAGK.LAN,s'y etoient oppofés: enfin les jeunes chap. i. fentant leurs jambes attachées, com-An. i5zo. mencerent à foupçonner quelque tromperie, fe mirent à crier comme des taureaux rugifTants, & à implorer le fecours du grand diable Sete-bos. On les mit à bord de deux vaiffeaux différents : mais il fut impofli-ble de fe faifir de leurs compagnons. Neuf matelots en renverferent un avec beaucoup de peine, tk lui attachèrent les mains: mais il rompit bien-tôt fes liens, fe leva & prit la fuite. L'autre le fuivit de près ; on les pourfuivit, tk l'un des hommes de Magellan fut tué par une de leurs flèches. ftltionSfuper" ^es §ens crovent <ïlie quand quelqu'un d'eux vient à mourir, dix ou douze diables danfent autour de fon corps : que ces diables font de différentes couleurs, & qu'il y en a un beaucoup plus grand que les autres , qui paroît fort joyeux dans ces fortes d'occafions. Par les geifes de l'un des prifonniers il fit entendre qu'il avoit vu quelques-uns de ces diables , qui portoit deux cornes , avec une longue queue , qui defeendoit des Européens. 327 jufqu'à fes pieds, & qui jettoit du MAr,llUN| feu de tous côtés. ( h ) chaP-L Magellan donna à ces peuples le An. ija», nom de Patagons. Ils etoient pour la plus grande partie habillés de ces peaux dont nous avons déjà parlé, ils n'avoient point d'endroits fixes pour leur habitation : mais ils tranf-portoient partout avec eux leurs cabanes , qui etoient auffi couvertes des mêmes peaux. Leur principale nourriture étoit la chair crue, tk • des racines d'une odeur agréable, nommées capax. Ils etoient très jaloux de leurs femmes : quand ils avoient quelque douleur d'eftomach ils s'enfonçoient dans le gofier la tête d'une flèche pour exciter le vo-niiffement, fouvent même jufqu'au fang : pour les maux de tête , ils fe faifoient une incifion en croix au front, tk ils fe guériffoient de même quand ils avoient quelque incom- (A") Nous avons déjà vu des fraudes pieufes, qui etoient des effets de l'adrefle des Prêtres idolâtres de Fille Efpagnole , ck l'on auroit fans doute découvert des ru-fes femblables chez les Patagons fi Ton y avoit pénétré. On trouvera des Diables Sé-tébos dans tous les pays où une faine Phi-' lofophie n'aura pas porté la lumière. Magellan, modité » foit aux bras, foit aux jam-ehap. 1. bes, foit en toutes autres parties. Ils Ah i -o coupoient leurs cheveux à peu près comme les Moines Européens, ou les attachoient avec un lacet de coton. Ils fe ferroient û fort pour fe garentir du froid , que quelquefois les parties de la génération etoient cachées dans leurs corps. Un de ces gens à bord des vaiffeaux mangea une corbeille de bifcuit à un feul ré-pas, & but plein un petit baquet d'eau d'un feul trait. Confpiration II fe forma dans ce lieu une con-Sdccotfp^ation contre la vie de l'Amiral, verte. elle fut découverte , & il y eut plufieurs bas Officiers de pendus & mis en quartiers, entre autres Louis de Mendoza. Un Prêtre nommé Jean de Carthagène, &£ quelques autres qui avoient eu part au complot furent laiffés dans le pays des Patagons , 011 l'on éleva une Croix pour marquer la prife de poffeffion. j" dËST Les Efpagnols firent voile enfuite 5ui posent îufqu'au cinquante - deuxième degré Ion nom. 1 1 • 1 * t . 1. 1 i m . de latitude meridionale ou ils trouvèrent une rivière d'eau fraîche, & d'excellent poiffon. Ils furent expo-fés en ce lieu à quelques dangers, ce- des Européens. 329 pendant les vaiffeaux entrèrent dans MAGlllAN) iui port, où ils demeurèrent environ chap. 1, deux mois à fe fournir de poiffon, An. 1510. de bois tk de bonne eau : dans le même lieu l'Amiral obligea tous fes gens à fe confeffer. Ce fut vers cet endroit qu'ils trouvèrent les détroits auxquels Magellan donna fon nom , ils ont cent dix lieues de long; font fort larges en quelques parties, & n'ont pas plus d'une demi lieue en quelques autres. Ils font environnés de hautes montagnes couvertes de neiges, au-delàdefquelles commence la mer du Sud, que Magellan nomma l'Océan pacifique. Un des Géants qu'ils avoient amené mourut en cet endroit, tk ce fut auffi vers le même lieu que le Saint Antoine fe fépara de l'Efcadre & retourna en Efpagne. Lorfque Magellan eut paffé ces détroits, tk qu'il vit un chemin ouvert pour entrer dans une autre mer, les larmes de joye tombèrent de fes yeux, & il donna le nom de Cap défiré à la pointe de terre d'où il découvrit la première fois la mer du Sud. Sur le fommet d'une hauteur voifine, il fit élever une Croix pour diriger le Saint Antoine, s'il venoit 33o Découvertes Magellan, dans cet endroit, parce qu'il crut Chap. i. qUe ce vaifTeau avoit perdu fa route. An. 152e. Dans ce détroit ils trouvèrent plufieurs bons ports, quantité d'eau fraîche , de bois, de poifîbn, & de plantes très falutaires : ils remarquèrent auffi qtie dans le mois d'Octobre la nuit n'y étoit pas de plus de quatre heures. Le Géant qui étoit reflé vivant pa-roiffoit d'abord très mécontent quand il voyoit faire le figne de la Croix devant lui, & il marquoit par fes geftes qu'il craignoit que cette action ne fît venir le diable Sétebos, qui entreroit dans fon corps & le tueroit. Quand il vit que fes craintes etoient vaines, il embraffa la Croix: avec beaucoup de dévotion, &C demanda à être fait Chrétien, ce qui lui fut accordé, & on le baptifa fous le nom de Paul. Il parloit beaucoup de la gorge , & entre autres chofes il apprit à nommer du pain , de l'eau, de l'huile, des habits rouges, la couleur rouge, la couleur blanche, de l'émail, 6c plufieurs autres mots Efpagnols. Il entre «Uns Le 28 de Novembre r 5 20, les vaif-UmerduSuri.' féaux entrèrent dans la mer pacifv- des Européens. 331 que , où ils naviguèrent plus de trois Ma( lLXAN mois fans voir la terre. Pendant ce chaP« *■ temps toutes leurs provifions 6c leur An. «20. eau fraîche furent confommées ; les hommes furent réduits à la néceffité' de manger de vieux cuirs, qu'on trempoit dans l'eau quatre ou cinq jours pour les amollir, 6c déboire leur propre urine : leurs gencives s'enflèrent de façon qu'elles leur couvroient prefque les dents ; 6c dix-neuf de leurs gens périrent miférablement, ainfi que le Géant, 6c un Brazilien qui étoit avec eux. Le plus grand nombre etoient devenus fi foibles , que leurs bras fe refufoient absolument au travail ; 6c il n'y en avoit aucun qui ne fût attaqué de quelque incommodité douloureufe. Cet Océan dans lequel ils vogue- An. 1*2* rent environ quatre mille lieues , eil nommé avec raifon Océan pacifique , puifque durant tout ce temps ils n'éprouvèrent aucunes tempêtes, 6c ne remarquèrent aucun trouble , ni aucune agitation dans la mer. Ils y découvrirent deux Ifles inhabitées, dont chacune pouvoit avoir deux cents lieues, la première au quatorzième degré de latitude méridionale , 6c la 33?' DÉCOUVERTES Mao l Lan, féconde au cinquième. L'une & l'autre Chap. i. rie produifoient que quelques arbres An. ij2i. d'un bois inutile, & un petit nombre d'oifeaux ; c'efî pourquoi ils les nommèrent les Ifles infortunées, ils obfcr- Dans leur cours ils obferverent deux uTà? pôleamas d'étoiles peu éloignés l'un de méridional, l'autre, qui paroiffoient comme de petits nuages , plus brillants dans le milieu. Entre ces amas , font dewx étoiles qui n'ont rien de remarquable , ni pour la grandeur, ni pour l'éclat ; mais elles font d'un grand ufage pour reconnoîrre le pôle antarctique , ou pôle méridional, qui n'a pas d'étoiles qui fervent à le diffinguer , comme celles que nous voyons au pôle feptentrional. \ L'aiguille aimantée eut des variations confidérables ; & quoiqu'elle tournât toujours du côté du pôle feptentrional , elle perdit beaucoup de fa vigueur ; ce qui les obligea de la retoucher à la pierre d'aimant. Ils découvrirent aufîi une croix de cinq belles étoiles du côté de l'Oueft à égales diftances les unes des autres. Ils pafferent enfuite près de deux terres fort élevées, d'ont l'une nommée Cipanghu elf. à vingt degrés de des Européens. 333 latitude méridionale, & l'autre qu'on MAOtLLAN> appelle Sumbdit, eft fituée fous le Chap. 1. quinzième. Ils repafferent l'Equateur An. 1*21. & dirigèrent leur cours de l'Oueil au Sud-Oueft, mais particulièrement fuivant cette dernière direction l'ef-pace d'environ cent lieues, jufqu'à ce qu'ils fiuTent arrivés au treizième degré de latitude feptentrionale , cherchant le Cap nommé Cattigara par les anciens Auteurs ; mais il n'eff pas fitué à la hauteur oii ils croyoient le trouver. 334 DÉ COUVERTES Mage] Lan,__ Chap. II. ItLtiMWMJIHWHM'IBIWliJIJIBBIMM An, 1521. CHAPITRE II. Les Efpagnols arrivent aux ifles des Larons: Simplicité des habitants : Leur figure & leurs habillements : Grand ufage du Cocotier : Defcrip-tion d'un peuple dont les oreilles font d'une grandeur exceffive : Magellan efl très bien reçu par le Roi de Bethuan & par fon Fils : Leur furprife à la vue d'un homme armé : Il ejl vifité par le Roi de Mefiana : Les Efpagnols gagnent Zubut, & convertifient toute 1*1 fie à la Foi Chrétienne : on abolit les cérémonies funèbres & les fie rif ces du peuple de Mathuan : Magellan ejl tué. Magellan y E fîx de Mars, les Efpagnols ïnêJ-deSULa- étant à douze degrés de latitude rons." feptentrionale , & environ à cent foixante-fix degrés de longitude, découvrirent une Ifle au Nord-Oueft, & deùxauSud-Oueft, d'inégale grandeur. L'Amiral avoit formé le deffein . de s'y rafraîchir quelque temps ; mais les habitants avoient tant 'd'inclina- des Européens. 335 tion à voler , qu'il lui fut impoilîble MA'(U1UNi d'y refter. Ils emportoient toujours chap. 11. quelque chofe des vaiffeaux, où ils An. 1521. venoient régulièrement avec leurs canots ; & ces vols irritoient tellement les mariniers , qu'on eut beaucoup de peine à les empêcher d'amener les voiles, & de côtoyer la terre pour en prendre vengeance. L'Amiral defeendit fur le rivage avec quarante hommes bien armés, tua fept des In-fulaires, brida environ cinquante maifons & plufieurs canots, reprit la chaloupe d'un des vaiiTeaux qu'ils avoient amenée , & revint à bord pour fuivre fon voyage, après avoir donné à ces Ifles le nom d'Inès des Larrons. Quelques-uns de ceux qui etoient blelTés arrachèrent de leurs corps les flèches que leur avoient iirées les Efpagnols , & les regardèrent avec unaird'étonnement jufqu'à ce qu'ils tombaffent morts. Lorfque la flotte partit,elle fut fuivie allez loin par plus de deux cents canots, d'où on préfentoit aux Européens du poifTon comme pour le leur donner ; & 1 on remarqua particulièrement plufieurs femmes qui s'arrachoient les cheveux, ôc faifoient paroître d'autres fignes Magellan,üe douleur, comme li elles avoient Chap. il. perdu leurs maris. au. 1521. Ces peuples font de moyenne taille, _ . . . de couleur olive, portant des bar- LJefcripuon, . 011 • 1 de ces Fc"-Des noires g: des cheveux qui leur pies. tombent jufqu'à la ceinture. Ils vont nuds, 6c il ne paroît pas qu'il* obéilfent à aucun chef particulier. Les femmes font plus blanches que les hommes , ont des traits alfez réguliers, & portent leurs cheveux noirs ii longs, qu'ils descendent prefque jufqu'à tertre. Elles fe couvrent pour la pudeur avec l'écorce inférieure du palmier , 6c fortent rarement de leurs cabanes, où elles s'occupent à faire des nattes & des filets du même arbre, ainii qu'à d'autres ouvrages domeftiques. Les hommes portent des bonnets de feuilles de palmier, 6c penfent qu'il eft elTentiel à la beauté de teindre leurs dents de rouge ou de noir, 6c de fe frotter le corps 6c la tête d'huile de coco. Leur nourriture eft le coco, l'ananas, les oifeaux, les figues , les canes de fucre , 6c les poillbns volants. Leurs barques font de différentes couleurs ; pour voile ils fe fervent des feuilles les plus larges du Datier courues des Européens. 337_ fues enfemble , 6c leur gouvernail eft magilian, une planche avec un bâton , enforte chap- 1l que , félon qu'il leur eft plus com- An. ïs«. mode , l'une ou l'autre extrémité de leur petit bâtiment en devient la poupe. Ils voguent avec beaucoup de légèreté ; & quand on les voit de loin, il femble que ce foient des dauphins qui courent fur la furface de la mer. Leurs maifons font de bois, couvertes de planches 6c de feuilles de figuier, qui dans ce pays ont jufqu'à trois pieds de longueur : ces maifons font partagées en une falle 6c en plufieurs chambres avec des fenêtres. Les habitants couchent fur des feuilles de palmier, qui font très molles, avec des nattes aiuTi de palmier pour couvertures : leurs armes font des maffues ou bâtons dont l'exttêmité eft garnie d'épines. Le 10 de Mars 1 ? 21 , les Efpagnols defcendirent dans une petite Ifle nommée Zamal , éloignée de trente lieues des Ifles des Larrons. Le lendemain ils arrivèrent à une autre, appellée Humuna, oit ils trouvèrent de très bonne eau, beaucoup d'arbres fruitiers, avec un peu d'or , 6c du Corail blanc. L'Amiral y fit Tom. III. P 338 D É CO U V E R T E s ma(jE1I.an élever une tente pour les malades chap. u. des vaiiTeaux, & on y tua un cochon. An. ij2i. Le 18 du même mois , ils furent vifités par neuf hommes dans un canot , qui parurent d'un caractère très doux tk très humain : ils apportèrent du vin tiré des Cocotiers, & d'autres préfents pour l'Amiral, & ils firent entendre par leurs fignes que dans quatre jours ils apporteroient de la chair, des oifeaux & du ris, ce qu'ils firent exactement. Defcription Le Cocotier fournit une efpèce de du Cocotier. pain ? ^ ^. de pnuile & Ju VJ. naigre. On fait une incifion dans l'arbre , à laquelle on ajufte un gros rozeau , par où diftille une liqueur agréable, un peu verte, dont le goût eft allez femblable à celui du vin blanc, & qu'on boit de même. Le fruit du Coco elt aufîi large que la main d'un homme, l'écorce intérieure en elt verte , d'environ deux doigts d'épailfeur; on le partage aifément en fils, dont on fait des cordages pour les barques : fous cette peau, on trouve une coque épaiffe qu'on brûle pour la réduire en poudre, &c les naturels du pays en font un grand ufage en diverfes maUdies, Cette des Européens. 339 coque renferme une fubiîance blan- MAOhIi che 6c épaiffe , qui reffemble affez à char« la noix , 6c ils s'en fervent au lieu An j de pain pour manger avec la chair & le poiffon. Le goût approche beaucoup de celui de l'amande, 6c elle demeure toujours féche. Au milieu de ce fruit, on trouve une liqueur très bonne , très douce 6c fort claire, qui quelquefois s'épaifîit 6c devient comme du blanc d'œuf: quand ils veulent en faire de l'huile , ils la mettent fermenter dans l'eau , 6c la font bouillir jufqu'à ce qu'elle pa-roiffe comme de l'huile ou du beurre fondu. Pour faire du vinaigre, ils prennent cette même eau, 6c l'ex-pofent au Soleil, où en peu de temps elle acquiert toute l'aigreur du meilleur vinaigre blanc. Enfin fi l'on broyé enfemble la noix 6c la liqueur , 6c qu'on les pane an travers d'une étoffe, on en tite du lait qui reffemble beaucoup à celui d'une chèvre. Ces arbres fleuriflènt pendant cent ans , 6c deux Cocotiers peuvent fournir de la liqueur pendant foixante jours à une famille de dix perfonnes : mais on ne peut la conferver plus longtemps. pij 340 DÉCOUVERTES MAGKUN, Ceux qui vifiterent les Efpagnols chap. u. venoieiit d'une petite Ifle yoifine , An. ij2i. nommée Zulvan ; ils invitèrent l'Ami-ilarrive aux ral à defcendre dansleursbarquespour mes Phiîip-voir leurs marchandifes, qui con-fiftoient en clous de girofle , canelle, mufcade, poivre , macis , & en plufieurs bijous d'or. Magellan les traita aufîi à bord, & ils furent fi épouvantés d'entendre le bruit du canon , qu'ils fe feroient jettes dans la mer, fî l'Amiral ne les avoit raffinés par des careffes & par des préfents. Les hommes etoient nuds, portoient des boucles aux oreilles & des bracelets aux bras ; leurs armes etoient des poignards, des couteaux & des lances ornées d'or. Ils parlèrent aux Ef pagnols d'une nation qui habitoit dans des Ifles voifines& dont ils difoient que les oreilles tomboient jufques fur les bras. Le 22 Mars ils apportèrent des oranges, du vin de Palme & des cocos, ce qui fut un grand rafraîchilTement pour les malades, Il y avoit un grand nombre d'Ifles voifines les unes des autres , & les Efpagnols leur donnèrent le nom d'Archipélague de Saint Lazare. L,es des Européens. 34* habitants etoient idolâtres : en géné- mac.ulan, ral fort gras , de groile taille , & de ch'p- n* couleur olive : ils fe frottoient le An. mu corps d'huile de Coco pour fe garantir de l'ardeur du foleil & des vents brûlants. Prefque tous etoient nuds à l'exception d'une Ceinture d'écorces d'arbres, & leur tête étoit couverte d'un bonnet de foie, orné de quelques ouvrages faits à l'éguille. Les Efpagnols quittèrent cette Ifle le 2 5 de Mars, firent cours entre l'oueit, &: le fud-ouefi , & le 28 ils j etterent l'ancre à l'Ifle de Buthuan , oii ils furent très bien reçus par le Roi & par fon fils. L'Amiral fit préfent au Roi d'un habillement rouge, & d'un jaune fait à la manière des Turcs avec urt bonnet rouge , & il diftribua des Couteaux & des grains de verre à Ceux qui accompagnoient le Souverain. Ce Prince vifita le vaifTeau & les marchandifes : mais il fut excefîi-vement effrayé quand on tira une pièce de canon : cependant il fe ràf* îwra quand il vit qu'il n'étoit arrivé aucun accident. Le Roi marqua la plus grande furprife de voir que plufieurs perfonnes frappoient un matelot qu'on avoit exprès armé de pied- iA<,n.LAN, en-cap, fans qu'il en fut bleffé, ni que Chap. u. cela fjt la plus légere impreiîion fur An „„ lui, 6e il déclara par fon interprète, quietoit un elclave natif des Moluc-ques, qu'un tel homme étoit lui feul aufli fort que cent de fes foldats. Antonio Pigafatta, 6c un autre Efpa-gnol, eurent ordre d'accompagner ce Prince jufques fur le rivage : auïîi-tôt qu'il y fut clefcendu, il leva les mains au Ciel, 6e les étendit enfidte vers les Chrétiens, en quoi il fut imité par toute fa fuite : Antonio Se fon compagnon en firent de même, Se ils burent réciproquement à la fanté les uns des autres. Ils montèrent par des échelles au palais du Roi, qui étoit élevé fur des pièces de bois, Se pa-roilToit de loin comme un grenier à foin couvert de feuilles de palmier Se de figuier. Ces peuples s'aiîèyent les jambes croifées pour manger , 6c au lieu de chandelle pendant la nuit ils fe fervent d'une efpèce de gomme qu'on met dans des feuilles de palmier pliées 6e tortillées pour cet ufa-ge. Sa Majefté fut très furprife de voir qu'Antonio écrivoit les noms de chaque chofe, qu'il répétoit plufieurs fois, 6e il le renvoya ainû quej des Européens. 343 fon compagnon avec plufieurs pré-MAGtLLANj fents. Le jeune Prince en fît de même chap. 11. après les avoir traités magnifiquement An. u»/, dans une Ifle voifine nommée Cale-ghan , où il avoit fon palais. Les Efpagnols trouvèrent dans cette R«*effè* & T/1 1 ö „, coutumes de Ifle plufieurs morceaux d or afies gros rifle de Bu-mêlés avec de la terre , & ils virentthuan* plufieurs vafes du même métal dans la maifon du Roi, qui étoit très bien ornée. Ce Prince étoit d'une belle figure : fes cheveux noirs tomboient fur fes épaules : il portoit fur la tête une efpèce de turban de foie, des anneaux d'or à fes oreilles, & trois autres à chaque doigt. Il avoit au côté une efpèce d'épée dans un fourreau de bois cifelé, avec une poignée d'or, & autour de fa ceinture , il portoit une pièce d'étoffe de coton & foie qui lui tomboit jufqu'aux pieds. Son corps étoit peint de diverfes couleurs, & oingt d'huile de Benjamin & de Storax. Son vifage étoit couleur d'olive ; on le nommoitRaja Columbu , &C le Prince , Raja Siagu. L'Amiral ne voulut pas permettre à un de fes gens de prendre un collier & une couronne d'or en échange de quelques grains de verre, crainte que. P iv 344 DÉCOUVERTES iagvLi.an, les habitants n'en tiraffent la confé-Chap. il. quence que leur or avoit plus de A» j5zi. valeur °lue les marchandifes des Efpagnols. Les naturels du pays etoient très agiles : avoient le corps peint & allouent entièrement nuds. Les femmes etoient en grande partie couvertes de leurs cheveux qui tomboient prefque jufques à terre. Tous portoient des anneaux d'or, & mâchoient un fruit qu'on nomme Arréca, & qui - reffemble affés à la poire : ils le coupent en quartiers & l'enveloppent dans des feuilles de poirée. Us prétendent que ce fruit fortifie l'efto-mach , rend la bouche vermeille , &c quand ils l'ont mâché fuffifamment, ils le jettent pour en prendre d'autres : mais ils y font tellement accoutumés qu'ils auroient beaucoup de peine à s'en paffer. L'Amiral leur donna une croix avec une couronne d'épines, 6c en même temps lui 6c tous fes gens firent une profonde révérence à ces initruments de la pafiion : il ht dire aux habitants par fon interprète qu'il leur faifoit ces préfents comme une marque de la bienveillance de l'Empereur fon dès Européens. 345_ Maître. Il leur recommanda de lesMAGE11AN7 mettre fur la plus haute de leurs mon- cliaP- u' tagnes , & les affura que s'ils fe prof- Ad. tj% ternoient devant, ils feroient préfer-vés de tous les danger* qui peuvent arriver des tempêtes, des foudres tk des tonnères : que fi quelques Chrétiens venoient dans cet endroit, ils jugeroient en voyant cette croix que ceux qui l'avoient donnée avoient été bien reçus, tk qu'alors ils les f e-coureroient & leur don'neroient toute forte d'aide , bien loin de leur caufer aucun dommage. La feule forme de leur cidte étoit de lever les mains tk les yeux vers le ciel, en appellant leur Dieu Abbas, ce qui fit plaifir à Magellan , parce qu'il favoit que les Gentils fe convertiffent plus-aifément à la religion Chrétienne que ne font les Mahoméfans. Le Roi de Buthuan fournit aux Efpagnols des Pilotes , qui les con--duifirent à Zailon , Zubut, Meflbna & Caleghan. La meilleure de toutes ces Ifles eft celle de Zubut, au moins pour le commerce. Dans celle de Meffana, qui eft à neuf dégrés de latitude feptentrionale, ris trouvèrent des chiens, des chats , des cochons ^ P v 3 46 DÉCOUVERTES Maghlan, aes poules , des chèvres, du ris , dtt chap. u. gingembre, du coco , de l'orge , des An i «gues , des oranges , & de la cire , outre line grande quantité d'or. Ils firent enfuite voile au Nord-oueiî r tk pafferent entre Zeiion, Bohol % Canghu , Barbai tk Caleghan. Dans cette dernière Ifle , ils virent des Chauves-fouris aufîi grandes que des aigles, tk dont le goût reffembloit affés à celui des poides. Ils y trouvèrent aufîi des bifets, des tourterelles , des efpèces de péroquets, 5c des poules qui avoient de petites cornes : elles font de pros œufs qu'elles enterrent profondement dans le fable , oii la chaleur du foleil les fait éclorre, tk les petits poulets en for-tent d'eux-mêmes. Ils prirent à bord le Roi de Meflâ-na, & allèrent avec lui à Zubut, qui efl éloigné de cinquante lieues de Catighan & de foixante & dix de MefTana. il arrive à Le fept d'Avril vers midi, ils en- Aubut 1 une r , % rr i o r des ides Phi- trerent dans le port de Zubut, de plufieurs des principaux de fa cour, qui etoient en chemin pour venir aux vaifîèaux. Ce Prince demanda s'il y avoit plus d'un Commandant, fur la flotte : dit qu'il étoit difpofé à trafiquer , marchandife pour mar-chandife , avec les Efpagnols de la façon qui leur conviendroit, & qu'il leur accorderok telles immunités, qu'ils pourroient defirer : mais il demanda pour preuve d'amitié une: goûte de fang du bras droit de l'Amiral , promettant de lui en remetttre autant du fien. Alors le Roi de Mefiana & le neveu de celui de Zubut avec plufieurs des principaux de la nation, vifiterent l'Amiral à bord &: lui apportèrent plufieurs beaux préfents , pour gagner fa confiance & fon amitié. L'Amiral leur prêcha alors la re~deCo1",J1erGc!ft ligion Chrétienne, qu'ils embrafferentizAau avec fatisfaftion ; ils., écoutèrent le iymbole avec tant de plaifir qu'ils en. verferent des larmes de joie , & peu de jours après cette vifite, toute rifle» fut convertie & baptiféc découvertes Magellan, Quand les Efpagnols vifiterent le chap. u. R0i dans fon palais 9 u étoit afîisfur An. ijir. *e plancher , couvert d'une fort belle natte de feuilles de dattier. Ce Prince étoit petit & gros : il portoit fur fa tête une efpèce de bonnet travaillé à l'aiguille, avoit une chaîne très riche au col, & un anneau d'or, orné de pierres précieufes à chaque oreille. Il étoit caché par une ceinture de bafin , & le refte de fon corps étoit entièrement nud : mais couvert de peintures qui repréfentoient des flammes & d'autres figures extraordinaires de diverfes couleurs. Il avoit à côté de lui trois vafes de belle porcelaine , avec des œufs cuits , & quatre autres vafes qui contenoient du vin & etoient couverts d'herbes odo-riférentes. Ce Prince traita l'Amiral avec toute fa fuite dans fon palais , • où quatre de fes filles , qui etoient blanches & avoient de fort beaux traits, danferent toutes nues , jouant • en même temps d'une efpèce de tambour debafque de métal, & chantant affés agréablement. Le Roi accorda avec plaifir aux Efpagnols la permifîion d'enterrer un des hommes qui étoit mort à bord ; des Européens. 3*1 il marqua autant de fatisfaction que MAetLLAN^ de furprife à la vue des cérémonies chap. Ii. que les Chrétiens obfervent dans leurs An. ijau funérailles, & du refpect qu'ils portent à la Croix ; on en plaça une à la tête & l'autre aux pieds de la foffe. ■ Les peuples de ces Ifles eftïment par- dec™tu^ ticulièrement les verres à boire, lorf-pi«. qu'ils font d'un beaucriftal: ils fe fervent de poids & de mefures, & ont un grand amour pour la juffice. Leurs-maifons font de bois élevées fur des pieux : ils y montent par des dégrés & le deffous fert à loger leurs porcs , leurs poules & leurs chèvres. Ils ont un oifeau très délicat dont la peau eft noire, à peu près de la groffeur d'un Corbeau : on dit qu'il fe met fur la furface de l'eau pour être dévoré par la baleine , dont il perce & mange le cœur, après quoi il fe fait un partage au travers de fon corps. On affure qu'on en a trouvé fouvent de vivants dans celles que la marée a jette mortes fur le fable. Ces peuples donnèrent de l'or du ris , des cochons , des poules , & plufieurs effets de grand prix pour des bagatelles de très peu de valeur , & ils payèrent quinze ducats pour DÉCOUVERTES" MActiLAN, le poids de quatorze livres de fer» Chap. u. L'Amiral avertit le Roi de ne pas-An. ijgg être enrayé du bruit du canon qu'on devoit tirer pour le baptême de ce ■iSf&Te ft Prince : 11 fut inftruit dans la religion Ikmiile. Chrétienne; on l'engagea à détruire les idoles , à élever des croix en plufieurs endroits , à fléchir le genou devant elles , tk à les faluer les mains jointes. On donna au Roi le nom de Charles à caufe de l'Empereur, & au Prince celui de Ferdinand parce que le frère de Sa Majefté Impériale portoit le même nom. Le Roi de Meffana fut appelle Jean au baptême , tk le Maure dont nous avons parlé fut nommé Chriftophe. Il y eut le même jour plus de cinq cents hommes de baptifés avant la meffe, tk on leur donna différents noms Chrétiens. En-fuite le Roi & ceux qui l'accompa-gnoient dînèrent à bord du vaiffeau Amiral, où ils furent reçus par une décharge générale de canon. La Reine qui étoit jeune & belle fut aufîi baptifée, de même que la femme du Prince, tk plus de quatre cents autres femmes. La Reine vint, entendre la Meffe en grand appareil 5 ayec une pièce d'étoffe blanche auç des Européens. 353 tour de Ton corps, 6c fur la tête une MAGlLLAN triple couronne affés femblable à la chap. ji. tiarre du Pape, d'où tomboit un An. 154* voile de foie brodé d'or qui lui cou-vroit les épaules. Elle étoit précédée de trois jeunes femmes 6c de trois hommes également nuds, 6c fuivie d'une troupe d'autres femmes, qui ne portoient aucune chauflure, Se avoient feulement la tête 6c la ceinture couvertes de voiles de foie : leurs cheveux etoient aufîi épars fur leur col 6c fur leurs épaules. Prefque toute l'ifle étoit alors convertie , à l'exception d'un village qui refiifa d'obéir aux ordres du Roi : L'Amiral le fit brûler, 6c l'on éleva une Croix de bois à la place oii il avoit été ; on choifit cette matière parce que le peuple en étoit idolâtre: s'il avoit été Mahométan, on auroit mis une Croix de pierre, par allufion à la dureté du cœur des gens de cette Religion. Le frère du Roi n'étoit pas encore converti, 6c l'on cominuoit à offrir des facrificcs à quelques Idoles qui fubfiftoien: toujours , pour la fanté de ce Prince qui étoit afïés mauvai-fe. L'Amiral en tut informé, fut ex- 354 Découvertes 4ageu.an, ^reniement touché de cette circonf* Chap. u. tance, &c s'engagea à perdre la tête, An. uzi. u *e Prmce ne recouvrait pas la fan-té , après avoir embraffé la foi Chrétienne. Sur cette affurance, & fur quelques autres arguments, le Prince qui étoit un homme d'excellent jugement & d\in bon efprit, con-fentit à être baptifé, après quoi il fut réellement guéri, à la joie & au grand étonnement de toute la nation. JJfjJJJJ jj A quelque diftance de Zubut eft eue Ifle. de Mathan , dont les habitants ne couvrent aucune partie de leur corps, excepté celles qui doivent être néceffairement cachées. Les mâles y portent un petit anneau d'or, & ils ont autant de femmes qu'il leur plaît d'en choifir: mais il y en a toujours une qui eft confîdérée comme la première. Ce qu'ils ont de plus remarquables font leurs funérailles & le facrifice qu'il font d'un cochon au Soleil. Les femmes font leurs principaux Prêtres, & ce font elles aufîi qui fe chargent du foin de pleurer les morts : elles vont à la maifon du défunt , entourent le corps de branches des Européens. 355 d'arbres, & forment au-demis une MAGflUNf efpèce de tente de pièces de coton : chap. il. enfuite la principale femme s'étend An. um fur .lui, en pofant chacune des parties de fon corps fur celle de fon mari ; elle pleure de concert avec une autre qui coupe fes,cheveux peu à peu : quand l'une ceffe de couper, l'autre ceffe fes pleurs, & commence à chanter : en même-temps on brûle autour du corps de la myrrhe, du ftorax & d'autres parfums. Ces cérémonies durent cinq jours, durant lefquels fi on veut les en croire, pendant cinq heures à commencer depuis minuit les corbeaux viennent fe percher fur le toit de la maifon, & croaffent de concert avec les heurle-ments des chiens du voifinage. Après toutes ces cérémonies elles enferment le corps dans un coffre de bois. Pour les facrifices qui fe font en fic^urs Sâfti* l'honneur du Soleil, on commence par fonner quelques cloches, enfuite on apporte trois plats de bois, dont le premier contient du ris & du miel bouilli & roulé dans des feuilles : le fécond eft plein de poiffon rôti : & le troifieme contient un morceau d'é- 356 Découvertes Magellan, t0^e» avec ^euX îre^es de cheveux Chap. u. qu'on étend fur le plancher. Deux An, 1521. vieilles femmes , dont chacune porte une trompette de rofeau fe mettent' fur la pièce d'étoffe : la première applique une de ces trèfles fur fort front, auquel il y à deux cornes attachées , en fonnant de la trompette & en danfant : après différents gef-tes, elle fait une efpèce d'invocation barbare au Soleil, ce qui eft précédé d'une profonde révérence, & la féconde femme répond à toutes ces cérémonies qu'elle imite : on apporte du vin, elle en met dans fa bouche , & le jette fur le cochon, qui eft lié au milieu de la pièce d'étoffe. Elle tue enfuite cet animal avec une lance deffinée à cet ufaçe : mais ce n'efl qu'après plufieurs ceremonies ridicules : elle met une lumière dans la gueulle du cochon, & l'autre vieille lave le bout de fa trompette dans le fang, y trempe fes doigts, & en fait des lignes fur le front de fon mari, de même que fur celui de tous les autres hommes qui fe trouvent pré-fents : enfin elles quittent les habillements facerdotaux & mangent le ris : mais iln'eft pas permis à aucun hom- des Européens. 357_ me de le partager avec elles : cepen- MAGtlLAN| dant il ne leur elt pas alors défendu Chap.Ii. de manger de la chair du cochon , An. dont ils ne feroienr aucun ufage dans telle occafion que ce pût être, s'il n'avoit été ainfi confacré, & fi l'homme n'avoit été figné par ces vieilles forcieres. Le Gouvernement de l'ifle de Ma- MS£? , . , , , 1 Magellan, than avoit ete partage entre deux Princes, nommés Zula & Cilapula-pu : le dernier ayant refiifé de payer tribut au Roi d'Efpagne, l'Amiral marcha à la tête de foixante hommes , couverts de cafques & de côtes de mailles pour le combattre : mais Magellan fut tué dans la bataille par une flèche empoifonnée, & par un coup d'une lance de rofeau qu'il reçut dans le vifage. Il y eut aufîi huit ou neuf autres hommes de tués du côté des Efpagnols, & quinze de celui des barbares : mais le nombre des bleffés hit beaucoup plus grand entre les derniers. Cilapulapu avoit levé contre les Chrétiens trois armées, dont chacune contenoit plus de deux mille hommes bien équip-pés de flèches, de dards & de javelines : il- ne voulut point rendre le 358 DÉCOUVERTES corps de Magellan quelque rançon qu'on lui offrit pour le retirer. CHAPITRE III. Barbofa & Serra.no fuccédent dans le commandement à Magellan : Ils brûlent un de leurs vaijfeaux-: Defcrip-tion de la Cour de Bornéo : Ils prennent un cheval marin, & trouvent un arbre qui paroijfoit animé: Cannibale qui pref oit des oranges fur les couJrs humains, comme fur des morceaux délicats : Les Efpagnols découvrent les ifles Molucques, c>, entrent dans Tidore : Ils approchent de rijfe de Eude , doublent le Cap de bonne Efpérance: Sont réduits à une grande détreffe, & font opprimés par le Gouverneur d'une des ifles du Cap-verd : Ils arrivent dans le Port de San-Lucar : Récit abrégé du voyage du vaiffeau qu'ils avoient laiffé en route. Barbosa, V Ç °v A * D Barbo/a Portugais, .chap. ni. JLj oc Jean Serrano turent choifis Barbofa fuc pour commander à la place de Ma* cède au corn-mandement. des Européens 359 gellan : mais peu de temps après le rarbosa dernier fut livré par fon Interprête Chap. lu* entre les mains des infulaires. An. is«. Quelques jours avant la mort de l'Amiral, les Efpagnols avoient reçu diverfes informations fur ce qui con-cernoit les ifles Molucques. De Ma-than ils firent voile à une autre ifle fort éloignée, qu'on nommoit Bo-hol. Dans ce voyage ils convinrent de partager entre les autres vaiffeaux la charge du navire la Conception & de le brûler, parce que leur nombre étoit confidérablement diminué. Enfuite ils firent voile au Sud-oueft vers Paviloghon qui étoit habité par des Noirs. De là ils pafferent à Chippit, fi-tué au huitième degré de latitude Septentrionale ; ils y furent reçus avec beaucoup d'amitié, & on leur fournit en abondance du ris, du gingembre, des cochons, des chèvres ck des poules. Le Roi de cette ifle, quand il les reçut tira du fang de fa main gauche, en mit à fon corps, à fon vifage, ôc à l'extrémité de fa langue ; & les Efpagnols en firent de même, parce qu'en ce pays cette cérémonie étoit une marque d'amitié. 360 Découvertes Barbosa ^ cîliaranl:e lieues de Chippit efï chap. m. 'une iile nommée Caghaian, qui n'eft habitée que par les exilés de Tille de An. i5zr. jgorneo . on y trouve beaucoup d'or, êk. les habitants fe fervent de flèches empoifonnées. A trente lieues de Caghaian, entre l'Oueft &ç le Nord-Oueft, on trouve l'ifle de Pulaon à neuf dégrés vingt minutes de latitude Septentrionale. Le terrein en eft très fertile, & l'on y voit en abondance du ris, d* gingembre, des cochons, des chèvres , des poules , des cocotiers, des ananas, des cannes de lucre , des û-x gués d'une grofleur extraordinaire , & plufieurs racines très faines. Les habitants vont nuds, fe fervent de flèches empoifonnées; ont une paf-fion exceffive pour les combats de coqs, & boivent d'un vin ou eau de vie de ris, beaucoup plus fort que celui de palmier, ce qui les jette bien* tôt dans l'ywefte. Lei Efp«- A dix lieues au Sud-oueft de Pu-?ent 4 l'ifle laon, à cinq dégrés cinq minutes de ie Bornéo, latitude Septentrionale, ck à environ cent trente dégrés de longitude eft fttuée l'ifle de Bornéo, qui eft très grande ôc fort riche : la ville Capi- talrç des Européens. 361 laie ayant plus de vingt-cinq mille Barbosa: maifons. Elle eft à vingt-cinq lieues chap. m, de l'embouchure du port: c'eft le Ab> IJ2t| féjour ordinaire du Roi, dont la Puiffance eft très étendue, & qui a fous lui plufieurs petits Souverains. Ce Prince entretient plufieurs Concubines, & occupe dix Secrétaires, qui écrivent fur des écorces d'arbres, parce qu'ils ne connoiffent pas l'ufa-ge du papier. Ce font les femmes qui règlent fa maifon : on le falue les mains jointes, en les portant trois fois au-deffus de fa tête : fa Cour eft magnifique, & fa garde très nom-breufe. Il envoya plufieurs préfents aux Chrétiens, avec deux Eléphants harnachés de foye, pour conduire leurs chefs à fa Cour, & il les reçut avec de grandes marques d'amitié. Il poffédoit deux perles rondes très unies, dont chacune étoit aufîi grof-fe qu'un œuf de poule. Le 29 de Juillet les Efpagnols furent attaqués par plus de cent junques ou barques du pays qu'ils repoufferent, & en prirent quatre avec leur charge, dans l'une desquelles ils trouvèrent le Capitaine Général du Roi de Bornéo. Il revenoit de faccager une ville, Tom. Ilh Q 3irbosa nommée Lao, tk fi le Pilote aux foins Chap. 111.'duquel il avoit été confié, ne Peut Aa, i5*i. laine échapper, on auroit eu pour fa rançon une fomme confidérable. On trouve dans cette ifle du camphre, qui eft une efpèce de gomme, du gingembre, de la canelle, des limons, des oranges, des pourceaux, des chèvres , des éléphants, des chevaux, & diverfes autres fortes d'animaux. Ils pafferent enfuite à Cimbubon, fitué à huit dégrés fept minutes de latitude Septentrionale : ils s y arrêtèrent pour radouber leurs vaiffeaux, & pour fe munir de bois & d'eau fraîche : ils ne purent en avoir qu'avec beaucoup de fatigue, parce que leurs fouliers etoient ufés, ainfi que le refte de leurs habillements. Il y a dans cette ifle des crocodiles, des autruches, & des cochons fauvages : on y pêche des poiffons qui portent deux cornes, & dont tout le corps n'a qu'un feul os , qui forme une ef^ pece de felle fur le dos de l'animal. Antonio Pigafetta rapporte qu'il y vit un arbre, aflés femhlable à un mûrier , dont les feuilles paroiffent avoir de la fenûbilité, tk une efpèce de mouvement volontaire quand el- des Européens. 363 les tombent de l'arbre. Il s'en1 imagi- Barboja né que cet arbriffeau vivoit d'air, 6c chap. hl dit que pendant huit jours il en con- An. im» ferva dans une taffe deux feuilles qui s'éloignoient de fon doigt quand il les touchoit. (i) Les Chrétiens firent enfuite route au Sud-eft, pour chercher les ifles Molucques. La mer en ce parage elf toute couverte d'herbes, 6c ils virent à côté d'eux de très hautes montagnes, en paffant par Zolo, & Ta-ghima fameufe pour fes perles : c'efl de cetre dernière ifle que font venues les deux greffes que conferve le Roi de Bornéo. En tournant au Nord-efl ils prirent un canot de la grande ville de Mangdando, fituée a fix dégrés fept minutes de latitude Seprentrionale, & ils reçurent, des hommes qui le montoient, de nouvelles inftruclions au fujet des iiles Molucques. Sur les bords d'une rivière voiiine, on leur dit qu'il y avoit un Cannibale très robufle 6c ( i) Sans doute que cet arbre ou arbriffeau étoit la plante nommée Senfttive » commune à préfent dans les ferres des curieux en Europe, ou quelque autre doué»} de la même fenfibilité. Qij Bar bosa veRl cïlu manëeolt cruas les cœurs Chap. ni,'des hommes, avec du jus d'oran-An i 1 ge & de limon. En cet endroit ils échangèrent vingt-fept livres de ca-neile pour deux couteaux. Ils reprirent leur route au Sud-eft,y& paf-ferent par les ifles de Citoco, Bi-zamboia, Sarangani tk Candingar. Tisarrivent Après une tempête très violente fccquefc °"îls relâchèrent dans l'ifle de Sarangani, d'où ils forcèrent deux Pilotes de les conduire aux Molucques, inûn le 6 de Novembre, le vingt-léptieme mois depuis leur départ a'Efpagne, après avoir paffe un grand nombre d'autres ifles , dont nous avons omis de parler pour abréger la narration, ils arrivèrent à la vue des Molucques, rendirent à Dieu des actions de grâces, tk firent une décharge générale de leur artillerie. La fonde dans ces mers defcend toujours à cinquante Molucques : & le Sultan Raja Mau-zor les y reçut en frères. Il étoit de nation Maure ; jura fur l'Alcoran de vivre toujours en amitié avec le Roi d'Efpagne, & par refpect pour ce Monarque , il changea le nom de l'ifle de Tidore en celui de Caftille. Le 12 de Novembre, le Roi donna aux Efpagnols un magafin pour mettre leurs marchandifes, & en échange de huit aunes & demie d'étoffe , ils reçurent quatre cents fix livres de clous de girofle : pour environ quinze aunes d'une autre efpèce plus grofliere, ils eurent la même quantité de camphre : on leur en donna autant pour trente-cinq verres à boire, & pareille quantité pour un peu de vif argent. Les vaiffeaux furent munis abondamment de chèvres, de poules, de figues aufîi grandes que la main , 6c de toutes autres fortes de provifions. Us fe fournirent aufîi d'eau fraîche qui venoit d'une fontaine chaude, qui coule dans les montagnes d'où croît le girofle, dont l'o- _"$66 DÉCOUVERTES Barbosa" deur fe répandoit fur eux comme chap. ni. un nuage : mais cette eau fe refroi-An. 1521. dit quand elle eft répofée quelque temps. Ils emportèrent aufîi des muscades de la même ifle. Defcription Les îiles Moluccfiies font au nom-as ces ifles. , 1 T1 r 1 \ bre de cinq : 1 arenate , fituee a vingt - fept minutes de latitude Septentrionale, &c dont le Roi efl en même - temps Souverain de toutes: Tidore , dont nous avons déjà parlé , & qui efl à quatre minutes de latitude Méridionale : Mutir précifé-ment fous la ligne: & Macchian à quinze minutes de latitude Méridionale , l'une & l'autre gouvernée par le peuple, comme les Républiques : enfin Bacchian, fituée à un degré de latitude Méridionale, eit la plus grande des cinq, & efl foumife à un Roi. Le Roi de Bacchian envoya en préfent au Roi d'Efpagne deux oi-feaux de paradis morts, de la grof-feur d'une tourterelle, avec de petites têtes, de longs becs, de longues cuhTe$ terminées en pointe, & des queues pareilles à celles des tourterelles. Ces oifeaux n'ont point d'aî-les, mais feulement de grandes plumes de diverfes couleurs, qui leur bès Européens. 367_ en tiennent lieu, & ils ne peuvent rarbosa, voler que lorfqu'il fouffle un peu de cb*p. ni. Vent. ^ An, 15». Il n'y avoit pas plus de cinquante ans que ces ifles etoient peuplées par des Maures ; les anciens habitants etoient Idolâtres , & fort brutes , particulièrement les femmes, qui alloient nues, à l'exception dê ce qu'elles couvroient avec des écor-ces d'arbres, & ces mômes écorces quand on les trempoit dans l'eau, pouvoient enfuite être battues & amincies, au point d'avoir une con-fiftance affés femblable à la foie. Ces ifles produifent des cannes de fucre, du coco , des melons , des citrouilles, des amandes, des grenades , des oranges , des limons, du miel fait par des abeilles plus peti-. tes que des fourmis, & une grande quantité de fruits de diverfes efpe-ces, particulièrement de ceux qu'on appelle Camulicai, dont la nature eft très froide. On y trouve aufîi des chèvres, des brebis, des poules, & des perroquets rouges & blancs avec d'autres de diverfes couleurs. Le pays produit encore du ris, du fagu , arbre dont on fait du pain, du gingem- Sarbosa ^re' aes mufcades, & des clous dé chap. 111.'girofle : ces derniers font d'abord blancs, ils deviennent rouges en An. 1521. ? . & murmant, oc lont noirs quand on les cueille. On en fait la récolte deux fois par an, aux mois de Juin & de Décembre: ils forment comme des grappes de vingt ou trente clous à l'extrémité d'une branche, qui eft très grofTe dans fon milieu. L'arbrif-feau qui les porte eft à peu près de la hauteur & de la grofleur d'un homme, les feuilles différent peu de celles du laurier, l'écorce eft de couleur olive, l'écorce, la feuille & le bois, quand ils font verds ont une odeur aufîi forte que celle du clou. .L'ifle de Gilolo eft vis-à-vis celle de Tidore : il y avoit alors deux Rois , dont l'un avoit fix cents enfants &: l'autre flx cents cinquante. Les habitants font mêlés de Maures & de Gentils : ces derniers changent de Dieu tous les jours, parce qu'ils adorent le premier objet qu'ils rencontrent le matin. On prétend que leur Roi eft très riche. Les Souverains de cette Ifle eurent beaucoup de peine à laifler partir les Efpagnols : enfin le jour qu'ils les quit- des Européens. 369 terent ils les embrafferent les larmes nARB aux yeux : envoyèrent plufieurs pré- Cbap fents pour l'Empereur, & les con- An. 1 duifirent dans leurs canots à une Ifle nommée Mare, où ils firent du bois & de I 'eau. Un de leurs vaifîèaux ayant une voye d'eau qu'on ne pût étancher, ils furent obligés de Ielaif-fer aux foins de quelques mariniers , qui eurent ordre de le conduire en Efpagne fi cela étoit pofïïble. Réduits à quarante-fix Européens & à treize Indiens, les Efpagnolsv firent cours au Sud-oueft en partant de l'ifle de Mare : pafferent par celles de Chacuan, Lagoma, Sico, Goghi, Caphi, Sulacho, Lumatolo, Tene-tum , Buru , Ambon , Budia , Cela-niri, Benaia, Ambalao , Bandon, Zo-robua , Zolot, Nocevamor, Galian, & par plufieurs autres jufqu'à ce qu'ils arrivèrent à Mallua fituée à huit dégrés trente minutes de latitude méridionale. Ilsy demeurèrent quinze jours pour le radoub, & y trouvèrent une grande quantité de poivre, dont les feuilles font affés femblables à celles des mûriers. Les habitants etoient Antrepophages ; les femmes y por-toient des arcs ©C des flèches , ci les üarbosa nomm<^s avoient les cheveux & la chap. ni. barbe roulésfur des rofeaux. An. 1522. Leurs Pilotes des Ifles Molucques leur dirent que dans une Ifle voifine , nommée Arucetto, il y avoit des hommes dont la hauteur n'étoit que d'une coudée, avec des oreilles li longues qu'ils fe couchoient fur l'une & que l'autre leur fervoit de couverture. Les Efpagnols n'y ajoutèrent aucune foi, & comme le vent & la marée leur étoit contraire, ils ne voulurent pas aller vérifier la vérité ou la faufleté de ee récit, ils«juiwent Le 25 de Janvier 1522 , ils aban- [Ls. * ° lC" donnèrent les Moiucques , & le lendemain ils arrivèrent à Hfle de Timor, où il y a beaucoup d'or t une grande abondance1 de toutes fortes de provifions , du Gimgembre & de plufieurs e^eces de fruits : lés maladies vénériennes font plus communes en cette ïfle que dans aucune autre partie àj\i monde. De Timor après un long cours à rOueft-nord-oueft, ils vinrent à l'ifle d'Eude, où ils trouvèrent une grande quantité de canelle : il y a dans toute cette partie beaucoup d'autres Ifles, qui s'étendent jufqu'à la grande Guia- des Européens. 37Î va & jufqu'au Cap de Malacha dans barbosa les Indes orientales. La petite Guiava chap. in. eff aufli étendue que l'ifle de Madère, An, IJ2Î# Se n'efl qu'à une lieue de diftance de la grande Guiava. Etant partis de l'ifle de Timor le 11 de Février 1522 : les Européens laif-ferent à droite les côtes feptentriona-les, pafferent au-deffous de Sumatra , évitèrent la terre ferme à caufe des Portugais, Se furent fept femaines fans pouvoir doubler le Cap de Bon-ne-Efpérance parce qu'ils avoient toujours le vent contraire. Lorfqu'ils eurent enfin doublé ce ils doublera Cap, quelques-uns furent d'avis de Bonne.E^-relacher à Mozambique , quoique «nce. cette place fut aux Portugais, parce que les vivres etoient en petite quantité , & que plufieurs hommes etoient malades : mais les autres s'y oppofe-rent fortement : ils refterent encore deux mois en mer, fans relâcher à aucun endroit & faifant toujours route au Sud-oueft. Ils perdirent vingt Se un hommes, qui eurent les eaux pour fépulture, Se peu s'en fallut que la di-fette ne les fît tous périr. Ainfi affoiblis Se dans l'état le plus fâcheux, ils furent enfin obligés de _372 DÉCOUVERTES B arbos a s'arrêter à Saint-Jago, l'une des Ifles du chap. 111. Cap-verd,quiappartientauxPortugais. Ils envoyèrent desdéputés à terre pour An. 1*22. \ J. c ^ r expoler leur lituation. , oc pour demander du fecours & des provifions. On leur accorda quelques mefures de ris, & quand elles Rirent confom-mées treize hommes qui etoient débarqués pour en obtenir davantage, ou pour avoir quelqu'autres denrées, titrent jettes en prifon, ce qui frappa leurs compagnons d'une fi grande tereur, qu'ils levèrent la voile, & partirent de cet endroit le plus promp-tement qu'il leur fut poiïiblè. leur arrl- Le 7 de Septembre ils j etterent vée en EQ?3-l'ancre dansle port de San-Lucarprès de Seville ; après avoir fait une décharge générale de leur artillerie en figne de rejouiflance, ils fe rendirent pieds nuds & en chemife à l'Eglife Cathédrale pour y rendre grâces à Dieu de leur confervatïon. Les Détroits qu'ils avoient découverts furent d'abord nommés Détroits de Sainte-Vicloire à caufe du vaiffeau qui y étoit entré le premier : mais depuis on leur a donné avec plus de juf-tice le nom du grand Magellan. L'autre vaiffeau qu'ils avoient laiûe à l'ifle» des Européens. 373 de Mare , retourna quelque ternps gARBOSA après par la grande mer aux Indes char. m. occidentales, 6c arriva à Darien, où An. lsiU îl n'y a qu'un petit Ifthme qui fépare la mer du Sud de l'Océan occidental. C'eft dans cette partie que fontfituées Hifpaniola, Cuba, 6c plufieurs autres Ifles qui appartiennent aux Efpagnols. Fin des Découvertes de Magellan» \**<>* x* as«[ *x ***** * n *********j £>******» ^4 5 R É G É De la Vie , des Expéditions ± &: des Découvertes Z>£ FRANÇOIS D RAKE» chapitre premier. Hifoire du père de François Drake t Le fils fe met en mer : Les Efpagnols en agiffent mal avec lui ; mais il sféchapc & fe trouve dans un grand embarras : Il fert la Reine Eiîfabeth pendant quelque temps, & fait voile contre les Efpagnols avec trois vaiffeaux : Il confirait une pinaffe au port Phaifan, & ejl joint par le Capitaine Rawfe: Ils prennent deux petits vaiffeaux: Defcription de la nation des Symerons. Drake s'avance dans le pays avec fes Pinaf fes : Il attaque Nombre de Dios , <5» tjl bleffé. Rawfe U quitte ; Drake ©ES EUROPÉENS. 375 s empare de trois vaijfeaux dans la route de Carthagêne : Il fait couler a fond un des Jiens, & radoube les autres dans la Baye de Darien : Il defcend fur la côte de Rio Grande 9 & efi bien traité par les Efpagnols ; Une tempête le met en danger : Il aborde plufieurs vaiffeaux 9 & fe munit abondamment de provifons; Un de fes frères fait une ligue avec les Symerons : Mort d'un autre frère : Il fe met en marche pour gagner Panama par terre : Il découvre la mer du Sud pour la première fois: On lui parle d'un grand tréfor : Il le manque par la folie d'un de fes hommes : Pillage de Santa Crwi : Politeffe de Drake envers les Dames: Hifoire a"un riche malheureux.F^rake reçoit des lumières plus étendues^ & ef joint par un vaiffeau François. T o w E t\t Camden ne font point £> r akEj d'accord fur ce qui concerne le père chap. I. de François Drake : le premier de ces ©riçine de Auteurs affijre qu'if fut homme de £a/î01sDl* mer : le fécond prétend qu'il avoit embraffé l'état eccléfiaftique, & qu'il étoit pourvu au. bénéfice de Upnore » 37^ DÉCOUVERTES rTTTTT" fur les bords de la rivière MedwayS Chap.i. Nous lommes plus portes a luivre le An. 1555. dernier fentimcnt, malgré l'exactitude * fuiv. & les recherches de Stowe, parce que Camden affure qu'il en fût inftruit par Drake même. Quoiqu'il en foit on efl prefque j^uré qu'il naquit àTaviftock dans le Comté de Devon : ou au moins près de cet endroit, vers l'an 1540 : que fon père étoit un homme très ardent pour la religion protestante , tk. qu'il fe retira dans la province de Kent pendant que le hls étoit encore dans l'enfance. S« premier» On ne peut douter que le père de far merfn" Drake ne fut un homme eftimé, puif-que le Comte François de Bedford lui fit l'honneur d'être le Parain de notre illuflre Avanturier, & qu'il lui donna fon nom : mais il paroît que ce fut le feul avantage qu'il retira de la eoa-noiffance de ce Seigneur, au moins pendant fes jeunes années. Il fut mis pour apprendre la marine fous le maître d'un bâtiment qui faifoit le commerce en France & en Hollande, & le jeune Drake gagna tellement l'amitié de cet homme, qu'il lui légua fon vaiffeau en mourant, n'ayant pas été marié & ne iaifîant point d'héri- des Européens. 377 tiers connus. Drake fît encore quel- DrTkT ques petits voyages fur ce navire: chap. 1. * mais il le vendit enfuite, pour être An is«u munitionaire fur un vaiffeau qui al-loit à la baye de Bifcaye, & après cette expédition il fît un voyage à la côte de Guinée, n'ayant encore que vingt ans. En 1565 il fît voile avec le Capitaine Lovel aux Indes occidentales, ou il eut quelque rai-fon de fe plaindre des Efpagnols. En 1 567 Jl vendit tout ce qu'il poffédoit pour fe joindre à Sir Jean Hawkins dans fon expédition fur la côte de Guinée, oii ils chargèrent des Nègres, & fe déterminèrent à fe rendre dans les Ifles Caraïbes , qui étoit l'endroit le plus favorable pour la vente : mais le fort temps les contraignit de relâcher à Saint-Jean de Ulua, Etabliffement efpagnol dans le Golphe du Mexique. S'ils s'étoient conduits par des vues intéreffées, ils auroient pu y faire un butin confidérable , en fe rendant maîtres comme il leur étoit facile de quelques vaiffeaux richement chargés qu'ils trouvèrent dans ce port: mais ils rejetterent toute penfee de tenir une conduite aufîi peu honorable. Il n'en fut pas de même des Efpa- 37^ DÉCOUVERTES } r a k e §no^s ? & pour récompenfe de cette) Chap. i. * générofité ils faifirent la première oc-An. ij«5. cafion d'attaquer la flotte angloife : elle fut prefque entièrement détruite, & ils traitèrent les matelots qui leur tombèrent entre les mains avec toute la cruauté imaginable. La Judith que commandoit Drake, & un autre vaiffeau, furent les feuls qui échaperent des fix qui compo-foient l'efcadre de Hawkins. Ils fe remirent en mer , où ils fouffrirent ex-cefîivement faute de provifions, ÔC ce ne fut qu'avec d'extrêmes difficultés que Drake regagna fon pays natal, bien réfolu de fe venger s'il lui étoit pofîible de la perfidie des Efpagnols. On voit par les événements glorieux de toute la fuite de fa vie combien il fut confiant dans cette réfolu-lion. (£) (A) Les Auteurs Anglois n'épargnent pas ordinairement les termes injurieux quand ils parlent des Nations qui font leurs émules , ou qu'ils regardent comme leurs ennemies. Il n'eft pas de mon objet dans cette Traduction d'entrer dans des difcufTion« qui appartiennent aux ouvrages hiftoriques ou politiques, & il me fuffit de déclarer qu'en rendant les exprefîïons dans notre Langue, je défaprouve & condamne géné^ des Européens. 379 Il fervit la Couronne pendant quel- p rake que temps , à bord d'un des vaiffeaux chap. j. de la Reine Elifabeth , ce qui contri- ^ bua beaucoup à rétablir fa fortune ' IJ65< dérangée. Il fit un nouveau voyage aux Indes occidentales efpagnoles en l'année 1570 avec le Dragon & le Cygne, & en 1571 il en fit un autre avec le Cygne feulement, fans autre deffein que celui de bien connoître les côtes , & d'examiner plus particulièrement les forces 6k les richeffes des Etabliffements efpagnols, pour être en état de frapper quand il en feroit temps un coup qui pût contribuer à fa gloire & à fon avantage, en même temps qu'il abaifferoit la hauteur de cette avide nation. La réputation d'homme d'honneur Expédjtjoll que Drake s'étoit acquife , avec celle contre 1» fife d'habile marin & d'Officier prudent Pasnols* l'avoientmis dans une fi haute efHme, qu'auffi-tôt qu'il eût déclaré publiquement fon intention de paffer aux Etabliffements des Efpagnols en Amérique pour ufer de répréfailles, il .fut joint par un nombre fufHfant de vo- ralement toutes celles qui peuvent attaquer les Princes ou les Nations qu'un Écrivain doit toujours refpecfer. 'rake l°ntau*es' Le 24 de Mai 1572, il mit Chap. I. 'àla voile de Plymouth, dans le Paf-. cha, du port de foixante & dix ton- neaux, accompagne par le Cygne de deux cents cinquante tonneaux, que commandoit fon frère Jean Drake. Ces navires etoient montés de foixante & treize hommes, y compris les moufles ; ils avoient des provifions pour un an, etoient bien fournis de munitions, & il prit de plus trois pi'nafles qu'on mit démontées fur les vaiffeaux, afin de pouvoir les appareiller & les mettre en mer s'il étoit néceffaire. Le 2 de Juin ils arrivèrent aux Ifles Canaries, ck le 29 du même mois ils palferent entre la Guadeloupe & la Dominique. Ils j etterent l'ancre fur la côte méridionale de cette dernière Ifle , & y demeurèrent trois jours pour fe rafraîchir. Ils y trouvèrent plufieurs cabanes faites de branches de palmier : mais ils ne virent aucuns habitants, d'où ils jugèrent que ces cabanes fervoient feulement de retraite à des pêcheurs qui y venoient fuivant les occafions. Ils quittèrent cet ancrage le premier de Juillet, dirigèrent leur cours vers le Continent dés Européens. 381 de l'Amérique , & gagnèrent leportDRAKEf Inaifan, auquel Drake avoit donne chap. 1. ce nom dans fon premier voyage, à An. 157a, caufe de la grande quantité des oi-feaux de cette efpèce qu'il y avoit vus. Trouvant que ce port étoit propre H_eft pour fon deffein, il s'y arrêta afin de Rawfe?"" mettre en mer fes pinaffes, voyant que tout le rivage étoit couvert de bois convenable à cet ufage. Quelques jours après Jacques Ravfe qui montoit une barque de l'ifle de "V7ight avec trente hommes arriva dans le même port, où il fut informé du deffein conçu par Drake pour furpren-dre Nombre-de-Dios, 6k il fe détermina à fe joindre à lui. " Ils partirent de ce port le 22 de Q"el? foat Juillet, oc trois jours après ils prirent deux petits vaiffeaux chargés de planches, qui venoient de Nombre-de-Dios. Ils furent informés par les gens d'équipage qu'on attendoit de jour en jour dans cette ville quelques foldats envoyés par le Gouverneur de Panama , pour la garantir des in-fidtes des Symerons. Ces peuples qui habitoient le pays entre Nombre-de-Dios & Panama etoient original- 3§2 DÉCOUVERTES Drake rement aes efclaves, qui quatre-vingt Chap. ï. ' ans avant le temps dont nous parlons 'An, 1572. avoient pris la fuite pour échaper aux cruautés des Efpagnols, & qui peu-à-peu avoient forme une nation. Drake traita avec bonté tous ceux de ce peuple qui lui tombèrent entre les mains, & les fît remettre à terre, dans l'efpérance que le récit 'qu'ils feroient de ce traitement favorable lui gagneroit Famjtió de leurs compatriotes , n'ayant pas lieu de craindre qu'ils donnafTent aucune nouvelle de ce qui le concernoit à Nombre-de-Dios, parce que le chemin par terre en étoit très long. Ayant pris avec lui cinquante-troîs hommes, les tambours, les trompettes, & les munitions de guerre, Drake fe mit dans les pinaffes, & laiffa le refte de fes gens avec les vaiffeaux fous les ordres du Capitaine Rawfe dans un pofte aufîi fur que caché, Il atwque II fuivit le rivage pendant tout le ïhojT dc iom » a^ant à f°rce de rames jufqu'à la nuit où il entra dans le port. Ses pinaffes panèrent entre la ville, & un petit vaiffeau qui arrivoit de l'ancienne Efpagne, chargé de vin de Ca-iiarie & d'autres effets. Il le força dç des Européens. 383 fe retirer dans la partie oppofée de la ^ baye, ce qui l'empêcha de répandre cbaD l'allarme : débarqua fans aucune ré-fiff ance, & marcha au fort où il trouva feulement fix canons de bronze ck quelques coulevrines qu'il fît démonter. 11 n'y avoit alors en cet endroit qu'un feul homme, qui prit aufli-tôt la fuite 6k répanditl'allarme dans la ville. Drake laiffa quelques-uns de fes gens pour garder les pinaffes, quel-qu'autres demeurèrent dans le fort, dont ils prirent poffefîion, & il fe mit en marche lui-même pour reconnoî-tre un terrein élevé, où il remarqua qu'on avoit eu deffein de placer quelques pièces de canons, ce qui n'avoit pas été encore exécuté. ïl partagea alors les gens qui l'accompagnoient en deux partis , de feize hommes chacun, le premier commandé par Jean Oxenham eut ordre d'entrer dans la ville par la partie orientale, du côté de la place du marché, pendant que Drake lui - même conduifit le refte par la principale rue, tambours battant* 6k enfeignes déployées. Son frère Jean Drake parut en même-temps , ce qui caufa tant de confferna-tion parmi le petit nombre des habi- 384 DÉCOUVERTES pR AKE tants de cette ville, qui s'étoient ran-Chap. i. gés près de la maifon du Gouverneur, Aa. 1572. pour couvrir la porte qui conduit à Panama Se pour s'affurer une retraite, qu'ils s'imaginèrent que les Anglois etoient beaucoup plus nombreux : jetterent bas leurs armes, Se prirent la fuite précipitamment, après avoir tiré deux ou trois coups. La cloche fonnoit toujours l'allarme : mais Drake donna ordre de la faire ceffer, 6c il marcha au tréfor royal, qui étoit d'une richeffe immenfe. En palTant par la maifon du Gouverneur , il y vit un cheval prêt à feller, 6c qui paroiffoit être pour quelque perfonne d'importance. Dans un magafin, dont on avoit laiffé la porte ouverte par hazard , ou par une fuite de la confufion où l'on étoit ,il trouva une quantité immenfe d'argent en gros lingots: mais il ne voulut pas permettre à fes gens d'y toucher, parce qu'il avoit deffein de s'emparer d'effets de bien plus grande valeur, remôêckfde 4 iurvint alors un violent orage de réuffir. 11 eit tonnerre , d'éclairs 6c de pluye, ce Jambe, * b q1" e]ft tr^s ordinaire à ce climat : les armes des Anglois en furent endommagées , Se les hommes tombèrent dans des Européens. 385 dans le découragement, qui fut aug- Dr akej mente parla crainte que leurs pinafies chap. 1. ne fuffent en danger. Cette réflexion An. i$7u les jetta dans la confufion : mais l'intrépide Àvanturier perfiffoit toujours pour qu'ils continuaffent à marcher , & il auroit certainement exécuté fon projet de piller le tréfor, s'il ne fut alors tombé en foibleffe par la perte de fon fang , qui couloit d'une blef-fure qu'il avoit reçue à la jambe, & qu'il avoit cachée jufqu'à ce moment. On eut beaucoup de peine à lui per-fuader de la laiffer bander & de fe laiffer emporter dan's fa pinaffe ; mais cet accident obligea les Anglois de retourner à leurs bâtiments après . avoir perdu un feid homme qui étoit .leur trompette. Ils fe retirèrent dans une petite Ifle, fertile : environ à deux lieues de la ville. Ils y prirent du rafraichiffement, & furent très chagrins d'apprendre combien de richeflès ils avoient abandonnées. Ils en furent inffruits non-feulement par un Nègre, qui avoit paffé à leur fervice en défert? nt de celui des Efpagnols: mais encore par la bouche d'un Gentilhomme, qui vint les trouver avec beaucoup de Tom. III. r DÉCOUVERTES Drake pofitefle de la part rlu Gouverneur y chap. î. 'qui craignoit une féconde vifite des Àn.ij;*. Artois. ^ le Caoitaine ^s defcendirent la rivière jufquau Rawfe le port Plenty dans Pille de Pines, oh quitte, -js avoient laïiîe leurs vaiffeaux. Ils les rejoignirent le premier d'Août, & I même jour le Capitaine Rawfe les quitta, après avoir déclaré qu'il n'avoit plus aucune efpérance de réunir, puifqu'ils etoient découverts fur toute cette côte. Drake demeura fix jours dans cet endroit, & mit enfiute à la voile pour Carthagene ;mais le feu du canon & le fon des cloches lui firent connoître qu'on étoit préparé à le recevoir. Cependant il fe rendit maître d'un vaiffeau de deux cents quarante tonneaux , qui étoit dans la rade , trop éloigné pour être fecouru de la place. II prit aufli deux autre s petits bâtiments, envoyés de Nombre-de-Dios, pour avertir qu'il étoit fur cette côte. Il traita très bien les gens d'équipage du dernier, & les mit à terre fur la prière qu'ils lui en firent. Drake fait De concert avec le Charpentier du ftf!5££ typ^, u réfolut de couler à fond ce bâtiment dans le deffein de pouvoir des Européens. 387 mettre plus de forces fur fes pinaffes. ^ R A K K H favoit que fi les mariniers, qui en chap. 1. * général font très opiniâtres , en An. avoient connoiflance, ils ne permet-troient jamais que ce deflein fut mis à exécution : mais il fe conduisit avec tant de précaution que le fonds de cale fut plein d'eau, avant qu'on eût aucun foupçon, au moyen de trois ouvertures que le Charpentier y avoit faites. On mit la charge en fureté avec toute la diligence pomble, & comme on ne put trouver affés promptement la voye d'eau, on mit le feu au bâtiment par l'avis de Drake , crainte qu'il ne tombât entre les mains des ennemis. Il donna à fon frère le commandement de fon vaiffeau, & monta à bord d'une pinaffe, parce qu'il favoit tirer un très grand parti de ces fortes de bâtiments. Il étoit déterminé à ne pas quitter cette côte fans en remporter du butin, & il trouva un endroit très convenable dans le détroit de rien, où il fit dreffer des tentes pour fes gens , & préparer toutes les umnition;. de guerre dont il avoit be-foin. Ils etoient entièrement hors de vuî ; il cacha fon vaiffeau dans une Rij Drake an^e vomne > & Jllgea qu'avec ce& Chap. i. 'précautions on penferoit qu'il avoit quitté cette côte. n' Iî72' Il laiffa ion frère en cet endroit pour" avoir foin du vaifTeau , & du refte des hommes, tk partit pour Rio-gran-de avec deux pinaffes, fe tenant hors de la vue le plus qu'il lui étoit pofîible. Il débarqua environ deux lieues à l'Oueft de Carthagene ; les Indiens , qu'il traita avec la plus grande cordialité , lui fournirent des provifions fraîches, pour quelques jolies bagatelles qu'il leur donna en échange, & ils promirent de continuer à lui en apporter. il fc remet Le lendemain les Anglois gagne- en rourlc v ci s ^ ♦ • Canhagène. rent l'embouchure de la rivière, où ils furent affaillis d'une horrible tempête , tk fe trouvèrent excefïïvement incommodés des coufins : mais ils fe garantirent de leurs attaques en fe frottant le corps de jus de limon. Le canal en cet endroit a vingt-trois braffes de profondeur, tk eftii large qu'il faut avoir la vue très bonne pour découvrir un rivage de l'autre. Ils y virent plufieurs maifons , tk un Efpagnol leur ayant fait un fignal, ils approchèrent du rivage : mais quand il des Européens. 389 reconnut qu'ils n'étbient pas de fes p R A K E compatriotes, comme il l'avoit cm chap. 1. d'abord , il pritaulîi-tôt la fuite. Les An. 1571, Anglois débarquèrent tk trouvèrent en cet endroit de bon lard, du fromage , de gros pain blanc , avec diverfes fortes de confitures tk de con-ferves , outre une grande quantité de fucre , ce qui fervit à fournir leurs bâtiments de plufieurs chofes qui leur etoient fort utiles. Dans leur courfe, ils abordèrent plufieurs vaifîèaux, dans l'efpérance d'y trouver de l'or : mais elle fut toujours trompée , tk ils n'étoient chargés que de provifions tk d'autres denrées. Cependant ils apprirent par ces prifes les grands préparatifs que faifoient contr'eux les Efpagnols. Le 13 de Septembre , ils retournèrent au port Plenty, avec des provifions qui auroient pu fuffire pour une nom-breufe armée, & ils les diftribuerent de façon que quand les Efpagnols auroient furpris une partie de l'ifle , & qu'ils en auroient enlevé les vivres, il en feroit refté fuffifamment pour les autres parties. Pendant l'abfence de Drake, fon Les Anglois frère Jean avoit formé une licite d'a-font1al!l2ncc _ 39° DÉCOUVERTES Drake m*àé av€C les Symmerons : il pro-« chap. i. 'mit de leur donner tout le fecours au. is7z. poffibie contre les Efpagnols, auxquels ces peuples avoient enlevé depuis peu une grande quantité d'or & d'argent, qu'ils avoient jette dans la rivière : mais elle étoit fi profonde qu'il ne fut pas poflible d'en rien retirer. Cette nation ne faifoit aucun cas de ces métaux, & ils ne les avoient pris aux Efpagnols que parce qu'ils voyoient l'extrême paflion dont ils etoient animés pour ces richeffes. Les Efpagnols craignoient toujours de tranf jorter leurs tréfors dans la faifon pluvieufe , qui s'approchoit , & Drake réfolut d'attendre , & de croiler dans ces mers jufqu'au temps où ils avoient coutume d'arriver, afin de piller un grand nombre de vaiffeaux. Durant cet intervale, plufieurs de fes gens, entr'autres fon frère Jofeph Drake ; moururent de fièvres chaudes , & peu de temps avant ion autre frère Jean Drake fut tué en abord?.nt vaillamment une frégate qui lui échapa. Après cet accident François amarra fon vaiffeau , dans la réfolution de ne plus paroître, jufqu'à ce qu'il fut affurç des Européens. 391 que le tréfor Efpagnol étoit arrivé ÔrTkT* à Nombre-de-Dios. Il en fut inftruit chap. i. * non-feulement par les Symmerons, Aru 1J72, qui l'avertiffoient exactement der out ce qui venoit à leur connoiffance : mais encore par quelques paûagers qu'il prit dans une frégate qui pana près de l'endroit oii il étoit retiré , & qu'il eut beaucoup de peine à fauver de la vengeance des Symmerons. Encouragé par ceux de cette nation , & ayant des preuves convaincantes de leur fidélité, il fe détermina à fe rendre par terre à Panama;les Symmerons fe chargèrent de lui fer-vir de guides, & de porter une grande quantité de provifions, & lorf-qu'elles manquèrent, ils y fuppléerent par le fecours de leurs arcs & de leurs flèches. Ce voyage commença le trois de Hfemetcr» r i • r\ 1 ' • / marche pour Février; Drake etoit accompagnepanaaia/ de quarante - huit hommes, dont il An. 1*73% y en avoit dix-huit d'Anglois, qui n'é-toient chargés que de leurs armes. Le t roifiéme jour ils trouvèrent une ville des Symmerons ,fituée fur le penchant d'une montagne, affés près d'une belle rivière, & enclofe de murs de terre. Les habitants etoient très propres , Il iv 3?1 DÉCOUVERTES )R AKE différoient peu des Efpagnols par les chap. i. habillements, & agiffoient avec la A». i57> plus grandefincérité. Les compagnons des .Anglois, ou plutôt leurs guides, fe baignèrent en cet endroit & y changèrent d'habits : toutes fortes de provifions s'y trouvoient en abondance , & les habitants marquoient du refpect pour la croix, quoiqu'ils ne paruffent pas avoir grande notion de religion : mais Drake fît apprendre à quelques-uns l'Oraifon Dominicale , & les fît inftruire dans la doctrine des Protestants. il découvre Cette ville eff fituée à trente-cinq IBKdrtSud" lieues de Nombre-de-Dios, & à cinquante-cinq de Panama. On la garde foigneufement des entreprifes des Efpagnols , contre lefquels ces peuples ont conçu une haine implacable : ils les furprennent quelquefois & les taillent en pièces quand ils peuvent en rencontrer dans les bois. Drake en fortit le 7 de Février, après y avoir feulement paffé une nuit ; le 17 du même mois, il gagna le fom-met d'une montagne tres élevée, oîi d'un arbre que lui montrèrent les Symmerons, il vit d'un côté la mer du Nord, qu'il avoit quittée, öc de bes Européens. 393 l'autre la mer du Sud. Il prit de cerjR AKE moment la réfolution de paffer dans chap. 1. cette dernière avec un vaifTeau An- ^n. ij7î. glois , projet qu'il paroît que perfonne n'avoit encore formé avant ce temps. (/) Pans une plaine qu'il trouva deux journées plus loin , le terroir eft fi fertile que l'herbe y croît au-deffus de la portée des troupeaux, ce qiü oblige à la couper cinq ou fix fois chaque année : mais elle repouffe en trois jours, ck l'on attribue cette abondance excefhve aux rofées journalières qui tombent dans ce délicieux climat. • Les Anglois découvroîent alors fréquemment la ville de Panama, ce qui les obligeoit de fe tenir cachés le plus qu'il leur étoit poffible. Ils ne fuivirent pas la grande route , & enfin après toutes ces précautions , ils arrivèrent dans un bois qui eft fur le chemin de Nombre-de-Dios, à peu de diftance de Panama. Ils envoyèrent dans cette ville unSymmeron dé- ( / ) C'eft-à-dire , perfonne des Anglois , puifque,, Magellan étoit entré dans cette mer , où il avoit fait un long cours , après avoir découvert les détroits qui portent fon nom, Rv 394 DÉCOUVERTES Dr a k e g11^ pour leur fervir d'efpion , & il chap. i. ' revint bien-tôt leur dire que le Tré-An. u7î. forier de Lima devoir partir la nuit fuivante avec fa famille pour Nombre de Dios , d'où il avoit deffein de s'embarquer afin de retourner en Ef-pagne : qu'il devoit avoir à fa fuite quatorze mules , dont plufieurs fe-roient chargées d'or , d'autres d'argent , & une de joyaux de prix : enfin que la même nuit il devoit aufîi paûer par ce chemin deux Caravanes, chacune de cinquante mulets , chargés de provifions , & d'une petite quantité d'argent. ti me peu Auffi-tôt qu'on eut reçu ces nou-eè«vea"xpédï veues > on furprit une fentinelle qui uçn. en confirma le récit. Drake fe cacha avec la moitié de fes gens à cinquante pas du grand chemin, & Jean Oxenham, accompagné d'un chef des Symmerons, prit pofte du côté oppo-feavec l'autre moitié. Tout étoit ainii difpofé de la façon la plus avanta-geufe, quand un des hommes , qui avoir bu avec excès, s'avança pour voir ce qui approchoit, dans le temps où paffoient les mulets chargés de provifions, quoique Drake eut pris toutes fes mefures pour qu'on les des Européens. 395 laiffât continuer leur route fans pa-n_ A v a , ^ rurake. roitre. Cet homme rut vu par un El- chap, i. pagnol, qui foupçonna aufli-tôt quel- &a, 1573. que choie d'extraordinaire , parce que l'Anglois avoit une efpèce de fur-tout de toile blanche par-deffus fes habits , comme on en avoit fait mettre à tous pour les diffinguer. L'Efpa-gnol retourna flir fes pas en toute diligence , & répandit l'allarme , ce qui fut caufe que le Tréforier détourna fon bagage de la route ; il c'y eut que les mulets de provifions qui continuèrent leur chemin : on en prit quelques-uns, mais au grand chagrin des A nglois, ils ne trouvèrent d'argent que la charge de deux chevaux,: & ce fut alors qu'ils apparent par le mul-letier qu'ils avoient été découverts. Après avoir pris du rafraîchiffe- .11 f^Pre,mI r r . . la ville rte ment , les Anglois marchèrent a sama-crur, Santa - Cruz, & fe fervirent des mulets pour les y tranfporter: mais ils les renvoyèrent quand ils furent près fie la ville. Ils rencontrèrent un parti de foldats, qui les fommerent de fe rendre , en leur promettant bonne composition. Ils firent peu d'attention à cette offre : s'arrêtèrent pour recevoir le feu des Efpagnols, & le leur 396 DÉCOUVERTES D rake rendirent avec tant d'avantage qu'ils Chap, i. ' les mirent bien :ôr en fuite. Ils les fiiivi-i rentdefiprèsqu'ilsentrerentpêle-mêle . " 1S7i' avec eux dans la ville, foutenus vi-goureufement par les Symmerons, qui dans toute 1'acüon fe comportèrent avec la plus grande intrépidité. Modération Santa-Cruz eft corapofé d'environ «Je Drake. . Kr 0 ., cinquante petites mailons, & il y a un Gouverneur avec plufieurs Officiers. Les Efpagnpls y ont de forts jnagafins pour recevoir les richefîès qui viennent de Nombre-de-Dios par la rivière de Chagra , &; font enfuite tranfportées fur des mulets de Santa-Cruz à Panama. Drake y fit quelque butin , qui fut partagé également entre les Symmerons & fes gens. Il y avoit alors trois Dames qui y etoient venues paffer quelque temps , parce que l'air y eft beaucoup meilleur qu'à Nombre-de-Dios , où elles de-meuroient ordinairement. Quand le Capitaine en fut informé, il les prit fous fa protection immédiate, & lettr fit une vifite le plutôt qu'il lui fut pofîible, pour qu'elles ne fuffent point troublées par une frayeur hors de faifon. L'une des principales régies de Drake en tente occafion étoit de des Européens. 397 fe comporter avec toute l'humanité n D t " la politeffe que les arconftances chap. 1. pouvoient permettre : conduite qui ah. ists, contribua non-feulement à augmenter fa réputation , mais qui fervit même fouvent à affurer le fuccès de fes expéditions. Quoiqu'il fût déterminé à demeurer encore quelque temps fur cette côte , il étoit inquiet de fon vaifTeau, qu'il avoit quitté depuis environ quinze jours. Il retourna avec la plus grande diligence par le même chemin qu'il étoit venu , & trouva tout en aufîi bon état qu'il l'avoit laiffé, ce qui lui donna quelque fatisfacTion. Il tint un confeil général, dans lequel on difcuta fur ce qu'on devoit entreprendre , & quelques Symmerons furent d'avis qu'on attaquât la maifon de Pezoro, homme riche & malheureux , qui avoit un intérêt dans les mines, lequel lui rapportoit par jour plus de deux cents livres flerlings, qu'on trani portoit chez lui dans de grandes caiifes. Il demeuroit près de Veragua , ville à l'Ouefl de Nombre de Dios, & fa maifon qui étoit de pierre ne couroit aucun rifque d'être confumée par les flammes. Cependant 39$ DÉ couvertes Drake e mmeron ? °,in avoit été ancienne* chap. i. 'ment à fon fervice, promit de con- a«. U7J. duire les Anglois jufqu'à fes tréfors fans beaucoup de difficultés: mais quelques-uns des gens de Drake firent obferver qu'avant toutes chofes il falloit pourvoir au foin de leur fan-té , en fe fourniffant de nouvelles provifions, parce qu'il n'en reftoit plus qu'une petite quantité des anciennes. Le Commandant ayant auffi jugé que cette précaution étoit la plus importante , envoya la frégate l'Ours , dont il donna le commandement à Jean Oxenham , du côté de Toulon, avec ordre d'apporter toutes les provifions qu'il pourroit trouver, pendant que lui-même à bord du Cabe-zas fe mit en croifière , dans l'efpé-rance d'enlever quelques barques des tréfors qui paflent & repaffent entre Veragua &: Nicaragua. Il jugea avec raifon que l'expédition contre Pe-zoro étoit trop fatiguante pour fes gens, d'autant qu'il auroit fallu faire un chemin très long par terre & au travers des bois, au lieu qu'il défiroir conferver leurs forces pour une autre expédition moins laborieufe ôc aufli lucrative, des Européens. 399 Oxenham prit feulement une fré-^R AKE gare chargée d'environ huit cents chap. 1. ! poides, de vingt-huit cochons, & d'une affés grande quantité de maïz. Drake lui-même fut obligé de fe retirer ayant reconnu qu'il étoit découvert par le feu de plufieurs canons qu'on tira fur la côte. Il ne prit dans cette courfe qu'un petit vaiffeau, où il y avoit un peu d'or : le Pilote , Génois de naiffance, lui dit que la terreur des Anglois étoit généralement répandue fur toute cette côte , & que Pezoro s'étoit retiré du côté de la mer du Sud avec toutes fes richeffes , crainte de tomber entre leurs mains. On apprit aufli par les prifonniers d'Oxenham qu'on avoit construit à Nombre-de-Dios deux galères qui n'étoient pas encore lancées à l'eau, pour efcorter la flotte fur la Chagra. Les tréfors qu'elle de-veit porter excitoient particulièrement l'attention de notre Avanturier, qui pour encourager fes gens, leur donna à tous un feffin fomptueux le 20 de Mars qui étoit le jour de Pâques. Les Anglois furent aîîarmés le UnvaîiTêan lendemain à la vue d'un vaiffeau qui iS!?ÎV£ * r a k e vcnou" vers eux * pl^inos voiles : maïs Chap. [. 'ils furent raffinés quand ils ie recon-, mirent pour un bâtiment François. dont 1 equipage etoit réduit a une grande peine faute d'eau. Drake luien fournit, & lorfque les François furent inftruits de fon deffein , ils offrirent de fe joindre à lui. Après quelque délibération, cette offre fut acceptée , parce que ce vaiffeau étoit du port de quatre-vingt tonneaux, au lieu que celui des Anglois n'étoit que de vingt, 6c la pinaffe feuler ment de dix. des Européens. 401 Chap. II. An. 1573* CHAPITRE II. Drake fe rend à Rio Francifco, où il laiffe fa frégate & va en avant avec fes Pinaffes : Il s'empare de plufieurs mulets chargés d'or & d*argent : Il perd deux François : Il fait une entreprife dangereufe pour fauver fes pinaffes , fur lefquelles il a quelques craintes : mais enfin il réuffit à les faire avancer : Le vaiffeau François le quitte : Drake récom-penfe les Symmerons & les renvoyé : Preuve de fa bonne foi : Il trouve fort à propos une grande abondance d'eau fraîche : Coutumes des Symmerons : Humanité de Drake dans cette expédition : // arrive à Ply-mouth : Sert contre les rebelles d'Irlande : // efl enfuite protégé par U Lord Chancelier Hatton. DRake laiffa les deux vaifTeaux Drateremet t dans un port fur; partit avec la frégate & les deux pinaffes, mon- ver un ruhe tées de vingt François, de quinze convoj« Anglois, & de plufieurs Symmerons, D_ * _' ôc dirigea fon cours vers Rio Francî-rake, ~ e * chjp. ii. ico. Voyant que 1 eau avoit tres peu au. iffa de profondeur, ils laifferent le foin de la frégate à un nommé Dubble, qui eut ordre de fe tenir caché jufqu'à ce qu'ils fufTcnt de retour avec les pinaffes. Ils s'avancèrent enfuite autant qu'ils le jugèrent convenable, débarquèrent & firent donner de nouveaux ordres à Dubble, pour qu'il les joignit trois ou quatre jours après. Ils fe mirent en marche avec autant d'ordre que de filence, guidés parles Symmerons, au grand étonne-ment des François, qui n'étoient pas fort amis de cette nation ; & ils firent halte à un mile du grand chemin, par lequel les mulets dévoient nécefîai-rement pafTer, fe répoferent & fe rafraîchirent en les attendant, il en enlevé Le lendemain i d'Avril 1573, arcie*randC ^s furent agréablement éveillés par le bruit des fonnettes qu'on pend au col des mulets, & ils tombèrent fur les trois caravannes, dont l'une étoit compofée de cinquante mulets , ÔC les autres chacune de foi-xante & dix, richement chargés d'or & d'argent. L'efcorte étoit de quarante-cinq foldats, ils firent une dé- des Européens. 403 charge, quiblelTa dangereufement le^rTÎTe* Capitaine François, & tua un des chap 11/ Symmerons : après quoi ils fe retire- An. 1571, rent en bon ordre pour aller chercher du fecours. Les avanturiers employèrent leur temps le mieux qu'il leur fut pofïïble: fe chargèrent d'autant de lingots d'or qu'ils en purent emporter, & enterrèrent le refle du tréfor dans le fable, pour le venir réprendre aufli-tôt qu'ils auroient mis en fureté ce qu'ils jugeoient le plus précieux. Ils fe retirèrent enfuite vers Rio-Francifco, IaifTant dans le bois le Capitaine François, tombé en foibleffe par la perte de fon lang, & un matelot de la même nation, ui s'étoit furchargé d'or. Ce dernier it pris par les Efpagnols, qm le mirent à la torture, & il leur découvrit l'endroit où l'on avoit enterré ce qu'on n'avoit pu emporter du tréfor. Le 3 du même mois, les Anglois ncroitaroï« gagnèrent Rio-Francifco, mais ne g£ƒ« ? * voyant plus les pinaffes, ils commencèrent à craindre qu'elles ne fuffent perdues, & ils eurent d'autant plus lieu de le croire qu'ils découvrirent à quelque diftance fept pi-. 404 DÉCOUVERTES ) a a k £ na^es Elpagnoles : mais heureufe-Chap. 11.'ment un orage de vent &z de pluye les força de s'éloigner. An. ij73. prake craignit encore, que fi fes pinaffes etoient prifes, on ne mit fes gens à la qucftion pour les forcer de déclarer où etoient la frégate & les vaiffeaux. Cependant il fît réflexion que fi ce malheur étoit arrivé, les Efpagnols pafferoient quelque temps avant de pouvoir gagner l'endroit où etoient fes vaiffeaux : il encouragea & aida fes «;ens à faire un radeau, qui les pût conduire promptement à leurs navires, dans l'efpérance d'y arriver avant les ennemis. Il fut accompagné dans cette entreprife par un Anglois nommé Jean Smith, deux braves François, & un Symmeron , qui fît fes efforts pour lui perfuader de paffer fa vie au milieu de fa nation , fi fes vaiffeaux etoient détruits, l'affurant que fes compatriotes lui rendroient toutes fortes de fervices. iiksretrou- Après avoir conftruit leur radeau VG' le plus folidement qu'il fut pofîible , ils y mirent une voile faite d'un fac à bifcuit, y ajoutèrent une efpèce de gouvernail, 6c fe livrèrent à la merci des Européens. 40? des flots, étant dans l'eau jufqu'à laDR AKE ceinture, 6c fouvent jufqu'aux aif- chap. 11. felles. Après un voyage très fjtiguant An. i$73« d'environ fix heures, ils découvrirent les pinaffes deriere une pointe de terre, où Drake jugea qu'elles etoient à l'ancre. Il fît aborder aufïï-tôt fon radeau au rivage qui en étoit le plus proche, fe rendit par terre aux pinaffes, 6c après avoir tenu fes gens quelque temps en fufpens , il leur fît part de fes fuccès, & déclara aux François la perte de leurs deux compatriotes , dont jl promit de les dédommager. Il apprit alors qu'un vent d'Ouelt violent, avoit empêché les pinaffes de gagner Rio-Francifco au temps marqué : cependant les mariniers firent un effort pour y arriver la nuit fuivante: ils y prirent leurs compagnons 6c leurs tréfors, 6c réjoignirent la frégate 6c les vaiffeaux , après quoi le Capitaine partagea également l'or 6c l'argent entre les Anglois 6c les François à leur fatisfadion mutuelle. Quelques jours après ce partage, 6c lorfque tout eut été réglé , Drake envoya un détachement de douze Anglois 6c de feize Symmerons, poLu; 406 DÉCOUVERTES DfcAKE apporter le refte du tréfor : mais ils -chap. u.' ne trouvèrent que treize lingots d'ar-An. 1573. gent » fi* quelques petits lingots d'or. Le refte avoit été découvert & emporté : on avoit même remué le ter-rein un mile à la ronde. Ils recueillirent toujours ce qui étoit refté, &C emmenèrent avec eux un François , qui n'avoit pu fuivre, mais qui avoit eu le bonheur d'échaper des mains des Efpagnols. h fcféjiire Les Anglois commencèrent à pente Foncoii. fer {erieufement à leur retour en Europe : mais ils jugèrent qu'une vifite à Rio-Grande ne feroit pas infruc-tneufe, parce qu'ils pourroient rencontrer quelques petits bâtiments chargés de provifions, dont il leur feroit très utile de s'emparer, & qui leur ferviroient pour le voyage. Le vaifTeau François fut congédié, & les quitta à la hauteur de Çarthagene : Drake pana à deux lieues de cette ville avec le pavillon de Saint Georges à fon grand mât, & le même loir il s'empara d'une frégate de Rio-Grande , chargée de maïs, de poules , de cochons, & de miel qui leur fut d'un grand fecours pour les malades. des Européens. 407 Cinq jours après ils arrivèrent à £>RxKX Cabezas, où ils demeurèrent fept chaP. n. jours : ils y démembrèrent leurs pi- An. «71. lianes, & permirent aux Symmerons d'en prendre tout le fer, ainfi que celui des frégates, parce qu'ils fa-voient que cette nation chériffoit beaucoup ce métal. Les Anglois leur firent auffi des préfents d'autres effets qu'ils jugèrent leur être agréables, & le Capitaine y ajouta quelques pièces de toile & de foie pour leurs femmes & pour leurs parentes. Un Symmeron donna à Drake quatre lingots d'or par reconnoiffance d'un très beau coutelas qu'il avoit reçu de lui, & Drake marqua tant de défintéreffement qu'il les mit à la maffe commune, déclarant qu'il croi-roit in juif e de ne pas les partager avec fes affociés, puifqu'ils avoient payé le prix du coutelas, dont ces lingots etoient l'échange. A la hauteur de la Havane, ils prirent une barque chargée de cuirs, & ils la renvoyèrent, après lui avoir ôté fa cargaiion, qui ieur fut d'un très grand ufage pour raccommoder leurs pompes. Au Cap Saint Antoine, ils firent CD î „ _ amas de tourterelles & d'ceufs, qui / K A K. e , . . . . i Chap. il. leur fervirent beaucoup dans le voya-*n, 1573. ge : etoient dans une grande di-fette d'eau : mais il tomba alors une quantité de pluye ii prodigieufe, qu'elle leur en fournit fuffifamment, ians qu'ils fuffent obligés de relâcher, comme ils Favoicnt projette à Ter* re-neuve. Ils eurent certainement les plus grandes obligations aux Symmerons pour le fuccès de cette expédition. Ces peuples animés, non-feulement par leur courage naturel, mais encore par leur juffe haine contre les Efpagnols, donnèrent aux Anglois tous les fecours imaginables. Ils leur fervirent de guides dans les paifages les plus difficiles ; leur fournirent des vivres ; travaillèrent à la conffruefion de leurs bâtiments , 6c portèrent leurs fardeaux. Outre les provifions qu'ils leur procurèrent, ils leur firent des cabanes de"branches de palmier, fe chargèrent de leur bagage le plus péfant: 6c. même quand quelques mariniers fe trouvèrent malades ou trop fatigués de la route, les Symmerons fe joignirent deux enfemble pour les tranlporter avec plus de facilité, des Européens. 409 cilité. Enfin en plufieurs occafions , ry R A KE 1 ils marquèrent autant de jugement, Chap. it. que de pénétration: donnèrent des An, 1573, preuves de la fidélité la plus intégre, & fe conduifirent dans toutes les actions avec le plus grand courage. De deux cents frégates, dont la moitié étoit du port de dix tonneaux, qui naviguoient entre Car-thagène tk Nombre de Dios, appartenantes à différents ports contigus , à peine y en eut-il une feule, qui dans un temps, ou dans un autre, ne tombât entre les mains des Anglois durant cette expédition. Ils les rendirent prefque toutes à leurs maîtres quand ils le jugèrent à propos : traitèrent les prifonniers qui tombèrent entre leurs mains avec la plus grande humanité ; les garantirent de la fureur des Symmerons leurs ennemis mortels, tk leur donnèrent la liberté en temps convenable. On ne peut leur reprocher d'avoir détruit aucun vaiffeau, ni d'avoir fait périr aucun des prifonniers qui tombèrent entre leurs mains, à moins qu'il n'ait voulu leur nuire par trahifon, ou à force ouverte. Ils pafferent du Cap de la Floride Son retour foin. III, g cnAnglctewe* 410 DÉCOUVERTES r~ "7"T aux ifles Sorlingues en vingt - trois 'rake,. ... ° „ o , chap. lu jours, oc jetterent 1 ancre dans le ^ i port dePlymouth le 9 d'Août 1 573 , 'l*7*' pendant le temps du Sermon. Tout le peuple quitta la Prédication à la nouvelle de leur arrivée, & courut fur le rivage pour les recevoir, avec les acclamations que méritoit une ex« pédition aufli glorieufe. Animé par l'efprit patriotique ^ Drake quelque temps après équipa à fes propres dépens, trois frégates, qu'il employa contre les rébelles d'Irlande, fous les ordres de fon il-luftre patron Walter, Comte d'Eflex, &c il rendit de grands fervices à la Couronne. Après la mort de ce Seigneur , il fut protégé par Chriftophe Hatton, Vice-Chambellan, & depuis Lord-Chancellier. Ce fut par fon crédit que Drake obtint de la Reine une Commiflion pour faire un voyage dans la mer du Sud ; {es premiers fuccès lui attirèrent un grand nombre de volontaires, & tous ceux qui connoiflbient fa perfonne ou fes talents, contribuèrent aux préparatifs de cette expédition. des Européens. 411 CHAPITRE III. Drake met à la voile de Plymouth : fes vaijfeaux font battus par une tempête : Il arrive à Mogadore; Les habitants lui offrent du fecours, mais ils le trah'îjfent & lui enlèvent un de fes hommes, qui efi renvoyé en Angleterre par le Roi de Fe^ Drake prend quelques barques de pêcheurs , & s'empare d'un gros vaif feau au Cap blanc, où les habitants vendent leurs femmes & leurs enfants : Il va à Ci fie de Mai: Cau-fes de la température de Vair dans ce climat : L'ifie de Suint Jagofert d'afy'e aux efclaves fugitifs: On découvre un volcan : Il approche des if es du Cap-verd, paffe la ligne & ejl jcparé du Chrifiophc : Draktt efi pres de périr danj> la rivière de la Plat a: les habitants fe familia-rifent, & lui volent fon chapeau : Confpiration contre l'Amiral au port Saint Jullien : Le Capitaine Doughty efi pendu. Si) Chap. ai.' T E quinze de Novembre 1577; An, IJ77, ■ ' Drake mit à la voile du port Dé art de ^e r'tymouth, avec cinq vaiffeaux : Drake pour- le Pélican, nommé depuis la Biche, du" tour 3dS GU Port ^e cent tonr*caux, qu'il com-mpnde. mandoit lui - même : l'Elifabeth de quatre-vingt tonneaux, fous le Capitaine Jean Winter: le Marigold, barque de trente tonneaux, commandée par Jean Thomas : le Cigne, Flibot, de cinquante tonneaux, aux ordres de Jean Cheffer; & une Pi-naffe de quinze tonneaux, commandée par Thomas Moon. Les vents contraires les obligèrent de relâcher à Falmouth : mais ayant été affaillis d'un violent ouragan, qui rompit le grand mât du Pélican, & jetta le Ma-rigold fur le rivage, ils retournèrent à Plymouth pour fe radouber, & après avoir réparé tout leur dommage , ils remirent à la voile en bon état le 13 de Décembre, avec un vent beaucoup plus favorable que celui qu'ils avoient eu en partant la première fois. Il arrive à Le 25 du même mois, ils décou-fclogadore. vrirent \e Cantin fur la côte de garbarie, fitué à trenterdeux dégrés des Européens. 413 treize minuttes de latitude Septen-j)R AKE ; «trionale, & le 27 ils arrivèrent à chap. m.* Mogadore, dix - huit lieues plus au An. 1577. Sud, oii ils avoient indiqué le rendez-vous , fi les vaiffeaux avoient été féparés par quelque accident. Cette ifle efl environ à un mile du Continent, fous la domination du Roi de Fez, & quoique les habitants profeffent la religion de Mahomet, ils boivent en fecret autant de vin qu'ils en peuvent avoir. Il y a un très bon port, avec une grande abondance de toutes fortes d'oifeaux, particulièrement de pigeons : on y trouve aufli d'excellent poiffon. Les Anglois y demeurèrent quatre jours , pour achever de mettre à flot une de leurs Pinaffes; quelques gens du pays approchèrent du rivage, faifant des fignes de paix, & deux d'entre eux montèrent fur la chaloupe de l'Amiral, qui l'envoya à terre pour les recevoir; & fit laiffer un homme en otage jufqu'à leur retour. Ils déclarèrent qu'ils venoient lui offrir leur amitié , & s'informer s'il avoit befoin de provifions , étant difpofés à lui en fournir. Ils promirent d'en apporter le lendemain, S iij 414 Découvertes D r a k e ^ l'Amiral leur fît préfent de jave-Chap. ui.'lots, de fouliers, de toiles, & d'autres eiFets, après quoi il les renvoya ; n. 1577- g^. ceux qUi etoient fur le rivage, rendirent l'otage aufTi-tôt que leurs compagnons furent de retour. Le lendemain , on vit un gros corps de Maures fur les bords de la mer, où ils paroiffoient chargés de provifions : on envoya la barque pour les recevoir, & l'un des hommes fauta promptement à terre, croyant être avec des amis : mais ils fe faifirent de lui aufïï-tôt, & plufieurs qui s'étoient mis en embufeade ayant paru dans le même infiant, les matelots furent très heureux de pouvoir fau-ver leur barque, en fe retirant précipitamment. Cette trahifon irrita excefîîvement l'Amiral : il fit débarquer un corps de rroupes, 6v s'avança affez loin dans le pays; mais il n'en retira aucun avantage : les Maures furent fe garantir de fa pourfuite : & le 30 de Décembre il leva l'ancre après que fa Pinaffe eût éré achevée. Celui qu'on avoit fait prifonnier fe nommoit Jean Fry : on le con-duiiit devant le Roi de Fez, qui fin- dès Européens. 41? terrogea fur fon pays tk fur la def-fjRA K£-tination de la flotte. Il répondit qu'il chap. ni. étoit Anglois de la flotte de l'Amiral An. U77. Drake, chargée pour les détroits , ce que le Commandant avoit fait publier pour cacher fon véritable projet. Alors le Roi de Fez renvoya r ry avec des affurances d'amitié , quelque préfent pour l'Amiral : mais les vaiiTeaux etoient partis avant qu'on le remit en liberté, &: le Roi eut foin de le faire paffer en Angleterre fur un vaifTeau Marchand. Le 3 de Janvier, les Anglois tom- An. ijt*. herent fur quelques barques de pêcheurs Efpagnols, & en prirent trois : le 17 , ils jetterent l'ancre au Cap Blanc, où ils trouvèrent un vaiffeau amarré, avec deux hommes feulement pour le garder, & ils s'en emparèrent. Ils demeurèrent quelques jours en cet endroit pour fe renou-veller de provifions , qu'ils y trouvèrent en grande abondance, tk l'Amiral exerça fes gens pour les rendre aufîi propres au fervice de terre qu'à celui de mer. Les habitants etoient difpofés à leur vendre quelques enclaves , & ils amenèrent une femme avec un enfant pendant à fa mamelle : S iv '416 DÉCOUVERTES 3 r a k e m£us *es Anglois ne voulurent pas* chap. i ii.'s'en charger. Ces gens etoient en Au. 1578. grande difette d'eau fraîche, l'Amiral leur en fit donner par compafïïon , & par reconnoiffance ils lui firent préfent d'ambre gris, & de quelques autres gommes précieufes. Après s'être fournis de toutes les productions de l'ifle qui pouvoient leur être néceffaires, les Anglois fe débaraflèrent de toutes leurs prifes, ' dont ils ne conferverent qu'une barque de quarante tonneaux, à la place d'une de leurs plus petites qu'ifs laifferent derrière, & ils quittèrent le Cap-Elanc le 22 de Janvier, emmenant avec eux un petit vaiffeau Portugais qui alloit charger du fel aux Ifles du Cap-Verd. les Anglois Le 27 , ils arrivèrent dans rifle de SS"*?* J« ; Mai qui eft fort élevée, & ils y trou-verent quelques Portugais : ils virent que tous les villages de la côte avoient été abandonnés , & qu'on avoit aufîi eu la précaution de cacher tous les endroits où il y avoit de l'eau fraîche. Drake envoya un corps de troupes commandées par le Capitaine Winter & par M. Doughty, avec ordre de s'avancer dans le pays pour le des Européens. 417_ reconnouTe. Ils trouvèrent le terroir D R A K E ^ très fertile, avec une grande abon- chap. 111. dance de fruits, particulièrement de Am JJ7?< %ues, de beaux cocos, &des rai-fins délicieux. L'air y étoit tempéré fain tk agréable , quoiqu'on fût au milieu de l'hyver, ce qui n'eft pas étonnant , puifque le voifinage de l'Equateur fait que cette Ifle eft tou-joirrs échauifée par l'ardeur du foleil. Ils y virent beaucoup de chèvres tk de chevreaux : mais trop légers à la courfe pour qu'il fût poflîble d'en prendre. Cependant on avoit mis fur le chemin plufieurs de ces animaux morts, tk quelques vieilles carcaffes comme pour fe mocquer des Anglois, ce qui leur fît juger avecraifon qu'on avoit défendu aux habitants de faire aucun commerce avec eux. Ils découvrirent à la fin une grande quantité d'eaux fraîches, mais trop éloignées des vaiffeaux pour qu'il fût pofîible d'y en porter. Ils virent aufîi beaucoup de poules fauvages , & du fel que l'activité du foleil formoit fur le rivage en y defféchant l'eau de la mer : les habitants en font un affés bon commerce avec les Ifles voifines. Le 31 de Janvier ils arrivèrent à Ils arrivfn>* ç- tj Saint-Jago, 4t8 Découvertes Drake ^amt ^ag° ? *ue ^ont les vallées font Chat». hl habitées entièrement par les Portu-Aji. j578. gais- ^es montagnes fervent d'afyle aux malheureux efclaves qui peuvent échaper à la tyrannie de leurs maîtres ,. & ils s'y font tellement multipliés qu'ils les tiennent toujours, dans, la terreur. Près de cette Ifle, les Anglois prirent un vaiffeau Portugais-chargé de vins ; l'Amiral mit en liberté le maître & tout l'équipage, à l'exception du pilote. Il leur donna une de fes pinaffes, & leur rendit leurs habits avec un tonneau de vin. Il vit un autre vaiffeau de la même nation, auquel il donna la chaffe : mais il ne fi t pas poffible de le joindre. On doit remarquer que le Portugal étoit alors une province d'Efpagne, ce qui engageoit les Anglois à pourfuivre-ainfi ceux de cette nation.. Quand ils partirent de cette Ifle r deux ou trois petites villes, qu'ils avoient en vue tirèrent quelques volées de canon, foit pour marquer leur joie d'être délivrées de ces hôtes, .incommodes, foit pour leur faire connoùre qu'on étoit préparé à les J)ien. recevoir.. A douze lieues au Sud-oueft de des Européens. 419' Saint-Jago , dans la partie fepten- e>rake trionale d'une autre Ifle, qu'on ap- chaP. 111.' pelle Ifle-de-Feu, eft un volcan, dont An. 157». les flammes qui s'élèvent fouvent jufqu'à deux & trois fois en une heure, répandent à ime très grande diftance «ne lumière aufîi éclatante que celle de la lune. Il jette aufîi des pierres de ponce & d'autres fubftances calcinées très loin en mer ; cependant il faut que la fituation de cette Me ait quelque chofe d'agréable , puifque plufieurs Portugais y ont formé des etabliffements. Dans une autre Ifle fituée 'dec$ &Jgn^ lieues plus au Midi, dont l'afpeû eff ta. €lC -fi charmant qu'il feroit difficile de trouver un lieu plus délicieux, on voit wne grande quantité d'orangers , de limoniers , de cocotiers, & un nombre infini d'autres végétaux aufîi utiles qu'excellents. Les ruiffeaux rafraî-chinants dont elle eff arrofée attg-ment la beatité du payfage , dont ils entretiennent la verdure & contribuent à fa fertilité. Les Portugais lui ont donné le nom de Brava ; mais comme la profondeur de la mer qui l'environne y rend l'ancrage impraticable , les vaiffeaux évitent d'en ap- 410 DÉCOUVERTES Drake Procner5ce qtu eftvraifemblablement chap. m.'la caufe de ce que cette Iflle n'eft An, 1578. pas peuplée. Quelques-uns des gens de l'Amiral la traverferent en entier, fans trouver aucune créature humaine , excepté un pauvre Hermite qui fe fauva avec affés de légèreté : ils ne virent autre chofe dans fa cellule qu'un autel mal confirait, avec un crucifix , tk quelques images d'un travail groflier. Après avoir fait une provifion d'eau fuffifante , les Anglois quitte-rent les Mes du Cap-Verd tk s'avancèrent vers la ligne. A mefure qu'ils en approcheient, ils trouvèrent le temps plus inconftant, quelquefois abfolument calme, mais fouvent très orageux. Ils virent une grande quantité de Dauphins, de Bonites, tk d'autres poiffons de toutes efpèces, particulièrement de volants. Lorfque ces ■animaux font pourfuivis par les goulus de mer tk par les poiffons vora-ces, ils fe fervent de leurs nageoires comme les oifeaux le font de leurs ailes, tk par ce moyen ils s'élèvent à ime grande hauteur au-deffus des eaux ; mais ils retombent quand elles font féchesj & l'on en prend fouvent ..des Européens. 421 fur le pont des vaiffeaux ; le goût q r a k e -en eft affés agréable. chap. ni. Le 17 de Février , les Anglois An j g parlèrent la -ligne , & le 5 d'Avril *' Iî7*' ils découvrirent la terre pour la pre- ^arriva* miere fois après une navigation de au Bieûi. plus de foixante jours. Cette terre étoit le Brefil, 6c aufli-tôt qu'ils furent à la vue de la côte , ils remarquèrent qu'on allumoit de grands feux en différents endroits, ce qui leur fît juger cjue les habitants du pays épouvantes par la vue des vaiffeaux faifoient leurs facrifîces ordinaires aux Diables. Ils etoient accompagnés d'invocations 6c de cérémonies infernales , par lefquelles ils ef-péroient exciter les tempêtes 6c les faire périr : mais ils furent trompés pour cette fois dans leur attente. Le 7 d'Avril, les Anglois furent féparés du Chriffophe par un orage accompagné detonnères, d'éclairs 6c depluye: mais ils le rejoignirent le 11 au Cap-Joy où ils relâchèrent pour faire de l'eau. Ils y trouvèrent ma pe-' tit havre ,où les vaiffeaux etoient en fureté, parce que la force du vent étoit brifée par un large rocher, fur lequel il y avoit un grand nombre de Al?. DÉCOUVERTES nn 4rc veaux marins : ils en tuèrent quel* U KAKI., « chap. ni. ques-uns qu ils garderent pour leur . fervir de nourriture, & en effet cette * I57*' viande eft très faine, mais le goût en eft peu agréable. Ils ne rencontrèrent aucunes traces d'habitants , quoique l'air y fut très doux, le terroir fertile , le pays agréable& qu'il y eût beaucoup de Daims fauvages: cependant quelques mariniers affu-rerent qu'ils avoient vu des traces-d'une créature humaine , qui paroif-foit au-deffus des proportions ordinaires. Draleperd Hs continuèrent leur cours vers * retrouve la rivière de la Plata, où ils trou- deux de les . . . jajflëaux. verent cinquante-trois ou cinquante-quatre braffes d'eau : mais comme il n'y avoit pas de rade fure pour les-vaiffeaux , ils fe remirent en mer. La nuit du 27 , le Cigne & un autre petit bâtiment furent féparés de ta flotte , qui trouva enfin une baye dans une utuationfavorable.L'Amiral,, dont la vigilance étoit très grande y & qui ne croyoit, autant qu'il luli étoit ponible, à aucun rapport, à moin» qu'il ne lui fut confirmé par fon propre jugement , defeendit dans fa chaloupe pour aborder au rivage ôc" pour. des Européens. 41?_ jreconnoitre la côte : mais il fut arrêté d r a k e ' par un brouillard fi épais qu'il jugea chap. nu à propos de retourner à fon vaiffeau. An- is?«* Il auroit eu de la peine à le retrouver fi le Capitaine Thomas, voyant ce temps fâcheux , n'eût fait un mouvement dans l'intention de lui donner la facilité de rejoindre II defeendit cependant quelque temps après , & trouva en abondance de l'eau & des provifions :' les habitants etoient bien faits , forts & agiles, danfant & fautant avec des fignes de joie & de bonne humeur. Ils n'avoient pas d'éloi-gnement pour le trafic : mais ils ne voulurent rien prendre de la main à la main , & on leur mit fur le rivage ce qu'on voulut leur donner, afin qu'il euffent la liberté de l'examiner-Le lendemain le Cigne rejoignit la flotte, & le Marigold qui avoit été à fa recherche ainfi que le Chriftopher revinrent avec la nouvelle agréable qu'ils avoient trouvé un pon fur. Ils y conduifirent toute la flotte ,.& l'Amiral donna ordre de brûler le Cigne,, comme un bâtiment inutile r ce qu'on* exécuta , après en avoir partagé les. provifions &: tous les fers entre les autres vaiffeaux* "414 Découvertes v JR"AKE ' Les habitants de ce canton peignent chap. m. ' leurs vifages de diverfes couleurs : ils An font de belle figure , forts & bien pro- An. 1578, . / m r \ portionnes : ils portent une elpece de bandage autour de la tête, & mettent autour de leur ceinture la peau d'une bête , dont ils tournent le poil du côté de leur corps. Ils ont une forte de difcipline militaire , & portent deux flèches, avec un arc d'environ une aune de long. Ils parurent d'abord affés peu difpofés à venir près des Anglois : mais l'Amiral donna ordre d'attacher quelques bagatelles à un baton qu'on ficha en terre fur le rivage, &c on les leur laiffa pour qu'ils priffent tout ce qui leur feroit plaifir ; ils y vinrent quelque temps après, l'emportèrent, & mirent à la place des plumes d'Autruches, & d'autres effets en échange. L'Amiral, & quelques-uns de fes gens approchèrent d'une hauteur où les Indiens s'étoient rangés : mais les Anglois "s'éloignèrent quand ils virent que les habitants donnoient quelques fignes de frayeur, & paroiffoient difpofés à fe retirer. Cette conduite faifant connoître aux Indiens, qu'on n'avoit aucun mauvais deflein contr'eux, ils. des Européens. 415 öevinrent plus familiers, & s'apprivoi- D R A K E . ferent de façon que deux d'entr'eux, chap. ni. attirés par l'éclat d'un point d'Efpa- a.n. j57», gne qui étoit autour du chapeau de l'Amiral, pr.fferent adroitement derrière lui, & le lui enlevèrent de la tète, après quoi ils s'enfuirent, & partagèrent leur butin, l'un gardant le bord & l'autre le chapeau. Quelques-uns fe teignent tout le corps de noir, à l'exception du col qu'ils peignent de blanc : d'autres ont une épaule blanche & une noire : il y en a qui après s'être noircis les jambes, peignent deflus des lunes blanches, 6c fe couvrent le corps de diverfes figures bizarres. En fe barbouillant ainfi continuellement, ils bouchent fi bien les pores de la peau, qu'ils deviennent infenfibles au froid : ils mangent la chair crue , & la déchirent avec les dents comme les chiens. L'Amiral donna à cet endroit le n©m de Baye des Veaux marins, à caufe de la quantité étonnante de ces animaux qu'on y trouve ; on en tue deux cents en une heure. On y voit une efpèce d'oifeau fi ffupide, qu'il attend qu'on le frappe fur la tête, outre beaucoup d'Autruches, dont 4l6 DÉCOUVERTES Drake ^es ciuufes *°nt de la groffeur dé chap. m.' celles des brebis de taille moyenne» An. iJ78. eu^s ne peuvent voler , cependant il n'en1 pas facile de les prendre, parce quelles font très agiles , courent fort vite , & lancent très juffe des pierres en arrière contre ceux qui les pour-fuivent, ayant la facilité de faifir tout ce qu'elles veulent avec leurs talons. Le Capitaine Les Anglois jetterent enfuite l'an-punï aï mott cre dans un endroit que Magellan pour avoir avoit nommé Port-Saint-Jullien, & uTrAmiraU l'Amiral y débarqua fuivant fon ufage dans fa chaloupe avec fix de fes gens. II y fut expofé à quelque danger par la trahi fon des naturels du pays, qui tuèrent fon canonier, homme qu'il chérifToit beaucoup ; aufîi vengea-t-il fa mort en tuant le meurtrier de fa propre main. Le lendemain le corps fût enterré dans le lieu même avec grande folemnité. Il y trouva un gibet, où quelques années avant, Magellan avoit fait exécuter plufieurs de fes gens, pour avoir confpiré fa mort. La jufHce exigeoit encore un fem-blable facrifice de la part de Drake , furie CapitaineDoughti, qui malgré les attentions particulières que l'Amiral marquoit pour lui, avoit formé des Européens. 417 une femblable confpiration. Ce per-pR AKEl nicieux projet fiit découvert à temps, chap. 111.' & après des preuves convaincantes, Doughti fut pendu dans le même Aa* lsl%% endroit. Quelques-uns ont voulu regarder cette exécution comme une tache fur la mémoire de Drake ; mais on doit convenir au contraire qu'il fe conduilit avec toute la douceur poliible. Doughti fut enterré dans le même endroit, on mit une groffe pierre à la tête & une aux pieds de fa tombe, où fon nom fut gravé en Latin. CHAPITRE IV. Drake arrive aux dit rr oit s de Magellani Dejcription de la côte & de courants : Il entre dans la Mer du Sud ; mais il ejl repouffé en arrière par une tempête : Il perd Jes ancres , & ejl fêparèdefon Vice-Amiral: Il arrive à la Mocha : Us habitants tuent deux de fes gens : Il s'empare d'un riche vaiffeau à Saint-Jago, & pille la ville : Il manque d'eau , & on l'empêche d'en faire à Coquimbo: Il prend une grande quantité d'argent à un EJ-pagnol, qui s'étoit endormi en route . & fe rend maître de quelques brebis du Pérou richement chargées ; Il entre dans le port de Lima , & le quitte pourpourfuivre le Cacafuego : H le joint & s'en empare : Son vaiffeau efi chargé de richejfes immenfes : Il prend la ville de Guatulco , rake perd Le lendemain ils furent chaffés à Sux/unau- PUIS ^e üeux cents lieues en longitu-tre revient en de, Se à un degré au Sud des détroits Angleterre. ung temp£te qUJ dura tr£s long. temps : le 15 il y eut une éclipfe de Lune, qui leur fît efpérer quelque changement favorable : mais ils n'en éprouvèrent aucun , & ni le vent, ni les vagues ne ralentirent leur fureur. Us perdirent alors le Marigold , commandé par Jean Thomas, dont ils n'eurent depuis aucunes nouvelles. La première terre qu'ils purent gagner, Rit un port au Nord du Cap d'Amérique : mais ils en furent encore chaffés par la continuation de la rempête, furent obligés d'abandonner une ancre, & furent féparés du Vxce-Amiral PElifabeth, qui retour* »a feul en Angleterre» des Européens. 431 Ayant regagné l'embouchure des nRAKE ■ détroits , ils jetterent l'ancre entre Ghap. îv. les ifles, au cinquante-quatrième dé- An r r gré de latitude Méridionale, où ils n*17 * trouvèrent de l'eau excellente, &c beaucoup de plantes très falutaires, qui leur furent d'un grand ufage pour les malades. Après s'être un peu re-pofés, & s'être remis de leurs fatigues , ils gagnèrent la côte du Chili, qui décline du Nord-eft à l'Efl, quoique dans les cartes ordinaires on la marque différemment, fans doute parce que cette côte n'eft pas encore bien connue. Le 29 de Novembre, ils jetterent ils arrivent l'ancre dans l'ifle de la Moka; l'Ami-^hifonlï ral & dix de fes gens defcendirenr à Mbûwus. terre, où ils furent reçus par quelques-uns des habitants, qui leur donnèrent des pommes de terre, & deux moutons très gras, en échange pour quelques bagatelles: mais le lendemain ils furprirent en trahifon, & tuèrent deux hommes qui etoient débarqués pour faire de l'eau. Cette hofhlité fut occafionnée parce qu'ils les prirent pour des Efpagnols, qui avoient commis dans ce pays de grandes cruautés, dont les habitants 431 DÉCOUVERTES £^-■ fe vangeoient toutes les fois qu'ils en chap rvE,trouvoient quelque occafion favora-' ble. An. ij78. j^es anglois continuèrent leurs Les Anglois cours vers le Chili : un Indien qui. pillent: saint- pêchoit fur la côte , les prenant aufîi Jago dans lel » r g Chili, pour des Efpagnols, leur apprit qu il y avoit alors à Saint Jago un gros vaifTeau chargé pour le Pérou, &: il entreprit de les y conduire pour une légere récompenfe. L'équipage étoit compofé de huit Efpagnols & de trois Nègres, qui les crurent leurs amis, & les invitèrent à venir à bord pour boire avec eux. Les Anglois répondirent à cette invitation, en montant à l'abordage, & en mettant l'équipage fous les écoutilles. Cependant un Efpagnol fe jetta hardiment dans la mer, & gagna à la nage le rivage, où il répandit l'allarme , & aufîi - tôt tous les habitants abandonnèrent la ville. Lorfque l'Amiral eut mis en fureté fa prife, où il trouva pour la valeur de trente-fept mille piflolles de pur or de Bal-divia, il fe fervit de la chaloupe des Efpagnols & de la fienne pour defcendre à terre. Il pilla la ville , ainfi qu'une petite chapelle ? d'où il enleva m d es Européens. 435 un Calice d'argent, deux burettes,DRAK51 &c l'ornement d'Autel, dont il fit chap. iv.' préfent à fon Chapelain. Il fit char- 1 1 • / i An. «78. ger a bord une bonne quantité de vin du Chili, tk plufieurs pièces de très beau cèdre qu'il trouva en cette ville : enfuite il mit fes prifonniers à terre, & dirigea fon cours vers Lima , Capitale du Pérou. Après avoir defcendu quatorze hommes dans le port de Coquimbo pour faire de l'eau, dont ils avoient befoin , ils Rirent découverts de la ville, & l'on envoya contre eux un corps de trois cents chevaux, & de deux cents hommes d'Infanterie qui les attaquèrent avec intrépidité. Les Anglois firent leur retraite, & ne perdirent qu'un feul homme, que les Efpagnols décapitèrent aufli-tôt qu'ils l'eurent vu tomber, & les Indiens percèrent fon corps de leurs flèches. Cependant l'Amiral envoya le lendemain un parti à terre pour l'enterrer, & les Efpagnols déployèrent le drapeau de trêve, comme pour demander une entrevue : mais on n'y eut aucun égard. Le 22 de Janvier 1579, les An- ïlsVemp», glois ayant befoin d'eau, quelquesSLdSh Tom. UI4 T 77T~~Z~7~ Indiens de la côte offrirent de les drake, . . . . chap. i\. conduire a un endroit ou ils en trou-veroient. Il y en avoit réellement, An 1579. ma-s en çx petjte quantité qu'à peine purent-ils en retirer aucun avantage, cependant Drake rccompenfa libéralement fes conducteurs. A un autre endroit nommé Terapara , ils trouvèrent un Efpagnol endormi, ôc ils lui ôterent, fans troubler fon repos , dix - huit lingots d'argent, &c environ quatre cents ducats, qu'il avoit pofés à côté de lui. Un peu plus loin, ils s'emparèrent de huit moutons du Pérou, dont chacun étoit chargé d'environ deux cents marcs d'argent pur dans des facs de cuir; ils emportèrent l'argent aux vaiffeaux, & rendirent les moutons qu'ils avoient ainfi déchargés, à l'Indien & à l'Efpagnol qui les condui-foient. Les moutons du Pérou font à peu près de la taille de nos mulets : leur laine eft de la plus grande •fineffe, & la chair en eft excellente. Les Efpagnols en retirent un fervice étonnant; ils portent des fardeaux très pefants, & paffent par des endroits oïi les autres animaux trou-veroient à peine à mettre le pied. des Européens. 435 Lés Anglois firent voile pour un jjr ~ ke port nommé Arica, où ils prirent ch^p. iv. trois petites barques, dont les hom- . 15/ . i . t r j v An. 157»» mes d equipage etoient defcendus a terre, ne ibupçonnant aucun danger. Ils y trouvèrent quarante - fept lingots d'argent, qui pefoient près de deux mille quatre cents marcs. N'étant pas affés forts pour attaquer la ville, ils fe remirent en mer, & prirent une petite barque, dans laquelle ils ne trouvèrent prefque rien dont ils euffent befoin, aufîi l'Amiral la remit en liberté, ayant pour régie de ne caufer aucun dommage, lorfque lui ou fes gens n'en pou-voient retirer de profit. Le 13 de Février ils entrèrent dans , Ut 1 1 t • \ m • des vaiflemï le port de Lima, ou il y avoit une dans le port flotte de douze vaiffeaux, fans qu'on liJ9m une fuite nombreufe, qui marquoit une dignité ruftique, mais refpecfa-ble : tout le peuple pouffant de grands cris autour de lui tout le temps qu'il fut en chemin. Le Roi étoit un très bel homme, d'un afpect noble, & d'une figure majeffueufe. Il étoit précédé d'un de fes fujets de bonne mine, qui portoit fon fceptre, auquel pendoient deux couronnes d'une efpèce de réseau, très bien travaillé avec des plumes ; il portoit aufîi trois chaînes d'or, qui font des marques d'honneur, fervant à diftinguer un petit nombre de perfonnes de mérite. Le Roi étoit environné d'une garde de grands hommes bien faits, & couverts de peaux de lapins, dont il y a une quantité prodigieufe en ce pays. Enfin venoit le commun peuple en foule, & fans aucun ordre : quelques-uns avoient le vifage peint de noir, d'autres de-blanc, ou de diverfes couleurs, & tous jufqu'aux enfants portoient quelque chofe par forme de préfent. Tvj 444 DÉCOUVERTES r. _ . Tr t L'Amiral rangea tout fon monde Drake, ö ch.:p. iV en ordre de bataille pour recevoir le Prince, & les troupes An|jlóifés ân* 1579 demeurèrent au-dedans des retranchements qui renfermaient les tentes. Les Indiens s'arrêtèrent à quelque diftance, en obfervant un profond filence ; celui qui portoit le fceptre fit une harangue d'une demi-heure, qu'il termina par une danfe, Se en même-temps il commença une efpcce de chardon, en quoi il fut imité par le Roi, les Nobles, Se le Peuple, Après différents geftes le Roi fît lui-même plufieurs difcours à l'Amiral, & celui - ci étant bien con- i vaincu que le Prince n'avoit aucunes mauvaifes intentions, lui permit enfin d'entrer dans l'intérieur du rempart qu'on avoit élevé pour fe ga-rentir de toute trahifon. n toi met Dans cette entrevue le Roi fe dé- LTtêtT mit de fes Etats en faveiir de Drake > avec le confentement unanime de fes fujets: il lui mit fa propre couronne fur la tête, Se le revêtit des autres marques de la Royauté, ce que l'Amiral accepta, dans l'efpê-rance que cette preuve de foumif-ûon tourneroit un jour à la gloire des Européens. 445 defon fouverain, & à l'honneur den„ - l'A 1 > 1 Angleterre. Chapyiv. On fut également furpris des ref-pecrs que cette nation rendit même aux gens de Drake, & ils allèrent jufqu'à leur offrir des facrifices, particulièrement aux plus jeunes. On eut beaucoup de peine à empêcher cette profanation, & à leur faire entendre qu'il y avoit un Etre tout-puiffant, auquel feul etoient dûs de tels honneurs. L'Amiral oc quelques-.uns de fes gens pénétrèrent affés avant dans le pays, où ils trouvèrent de grands daims, & de ces lapins dont nous avons déjà parlé, dont les peaux fervent à faire des habillements , & dont la chair eft une nourriture excellente. Ils ne font pas plus gros que ceux de Barbarie : leurs pieds reffemblent à ceux des taupes; ils ont des queues comme les:rats, & une efpèce de fac de chaque côté de leurs mâchoires , où ils confer-vent çe qu'ils ne peuvent manger immédiatement, jufqu'à ce qu'ils én aient befoin. Les Efpagnols n'avoient jamais été Drafcepre»! lur ce rivage, oc ils navoient iajtpourl'Ange «CMC 44<> DÉCOUVERTES Drake aucunes découvertes au Sud de ce chap. tv.'pays. L'Amiral avant de partir y fit An. ij79. élever un pilier, avec une plaque qu'on y attacha, fur laquelle furent gravés le nom 6c les armes de la Reine, ainfi que la date de l'année & du jour, ou l'Amiral, dont le nom fut aufîi inferit, y étoit arrivé: on y ajouta le don volontaire que le Roi avoit fait de fa couronne &C de fes Etats au Souverain d'Angleterre. Drake munit fon vaiffeau de provifions limitantes pour fubfifter pendant un efpace de temps affés confi-dérable, Se enfuite il mit à la voile le 23 de Juillet. Tout le peuple fit des lamentations à fon départ, & Ton alluma des feux fur les montagnes , fans doute par forme de facri-nce, jufqu'à ce qu'on eût perdu de vue le navire Anglois. > lit arrivent L'Amiral voyant que le froid aug-iuron" d"ntentoit: que le vent de Nord deve-noit plus violent, 6c que le Soleil perdoit beaucoup de fon acüvité, défefpera de trouver un paffage pour gagner les mers du Nord, & il prit la route des ifles Molucques. Le 13 d'Octobre il arriva à celles desLa-rons, d'où il vint plufieurs canots des Européens. 447 qui apportèrent des cocos, des fruits, Dra" du poiffon, & diverfes autres provi- chap. fions pour les vendre aux Anglois. Ils An. parurent d'abord difpofés à trafiquer honnêtement : mais quand ils eurent commencé à fe familiarifer avec les Européens, ils volèrent tout ce qui leur tomba fous la main, fans qu'il fut poffible de leur faire abandonner les effets dont ils s'étoient une fois emparés. Les Anglois voyant qu'ils perfiftoient dans la même conduite, refuferent de commercer avec eux, & les empêchèrent de venir à bord du vaiffeau. Ils en furent tellement irrités, qu'ils commencèrent à lancer des pierres contre le navire : mais on tira un coup de canon, qui fuffit pour les intimider, car ils fe jetterent dans l'eau pour fe mettre à couvert , & fe cachèrent fous leurs canots , jufqu'à ce qu'ils viffent le vaiffeau à quelque diftance : alors ils rentrèrent légèrement dans leurs petites barques, & gagnèrent le rivage, en regardant fouvent deriere eux. Ces peuples coupent en rond le bas de leur* oreilles, & les étendent fur leurs joues, en y mettant des poids confidérables: leurs dents font 448 DÉcouv. des Eürop. Dra k "e ain^ noires que du jay : ils portent chap. iv. tous une certaine herbe &c une pou-An. 157p. dre qu'ils mâchent continuellement, ce qui contribue à leur conferver cette couleur. On pourroit croire qu'ils voudroient fe fervir de leurs ongles pour armes défenfives, puif-qu'ils les laiffent croître au moins d'un pouce au-delà de leurs doigts. Leurs canots en général font conf-truits d'une groffe pièce de bois, creufée avec art, &c bien rabotée, l'avant &: l'arriére font bien travaillés & ornés de coquilles blanches, avec une forte pièce de bois de chaque côté, & une longue canne de rozeau qui y eft attachée pour empêcher le canot de renverfer. Vers.le 6 d'Octobre l'Amiral paffa plufieurs ifles, dont quelques-unes lui parurent très peuplées, entre autres Tagulada & Zeilon, dans la première defquelles il trouva de très bonne canelle, & il remarqua que les. habitants de la plus grande partie de ces ifles etoient amis des Por-'tugais. Fin du Tome troijîcmt. TABLE Z>£S AM TI E RES Contenues dans ce troifieme Volume. A Lbert eft laiiïe Gouverneur du fort Charles par Ribaut. Sa mauvaife conduite, 269. Il eft tué par fes gens, 270. Alcon Efpagnol, à qui l'amour fait perdre l'ef- pnt 19. I 7 - j ' Almagro ( Diego de ) s'a(-focie avec Pizarre pour faire des découvertes, 4. Son origine, 5. Il joint Pizarre, & perd un œil, 8. Il fait des recrues à Panama, 9. Il eft nommé Gouverneur de Tumbez, 22. Son mécontentement. Pizarre lui cède le titre d'A-delantade , 24. Il le re- Ioint à Caxamalca, si. 1 eft joint par Alvarado , 67. Il eft nommé Maréchal du Pérou, 71, Tom, M. U fe met en route pou^ le Chili, 74. Fatigues qu'il éprouve , 77. 11 revient au Pérou, 80. Il s'empare de Cuzco , & fait prifonniers Ferdi-, nand & Gonzales Pi-; zarre, 85. Ses fuccès," fc>6. Il refufe de les faire mourir. Ibid. Il eft trom- fié par le Marquis , 89. 1 eft fait prifonnier , 91. Il eft étranglé , 93^ Almagro, fils du précédent , eft reconnu pour Gouverneur du Pérou après la mort du Marquis, 104. Sa conduite imprudente, 111. Il fait tuer un de fes Généraux, 113. 11 livre bataille à de Caftro ,114. Son imprudence caufe fa perle, 115. Il eft arrêté ; 117. Il eft condamné k *5° , , TA mort, & exécuté , 118. Alvarado (Pedro de)com-pagnon de Cortez pafte au Pérou, 65. Avantages qu'il en retire , 66. Il joint fes troupes à celles d'Almagro , 67. Il retourne dans fon Gouvernement, 71. Atabaliba , Roi de Quito à l'arrivée de Pizarre, 30. Il eft pris dans une bataille & fe fauve, 31. 11 prend fon frère prisonnier, 31.Il reçoit les Efpagnols , 38. Sa modération, 41. Il eft fait prifonnier par Pizarre, 42. H eft mis aux fers , 46. Tréfors prodigieux qu'il offre pour fa rançon , 46. Il fait mourir fon frère Huefcar, 50. Son chagrin au départ de Ferdinand Pizarre, ^3. Il méprife François Pizarre, 55. Il eft bap-tifé & étranglé, %6. Atauchi, frère d'Atabaliba, défait les Efpagnols, éi. Il fait étrangler celui qui avoit fait périr fon frère, 63. {iyïióh ( Luc Vafques d') fait une expédition in-{ru&ueufe à la Floride, 151. ,4 -ji • 1 BLE B Barbosa ( Edouard ) fuccéde au commandement après la mort de Magellan, 358. Il arrive à Bornéo , 360. Il pafte aux Molucques, 364. Son retour en Europe, 370. U arrive ert Ef pagne, 37i# Barré, Commandant François à la Floride, 270.' Il fe met en mer pour revenir en France. Jbid» Un des François eft tué & mangé par fes compatriotes , 271. Bornéo. Defcription de cette ifle, ck mœurs des habitants, 360. Bathuan , ifle découverte par Magellan, 341. Palais du Roi, où l'on monte par une écheUe, 342: c Cabot (Sebaftien) découvre le premier la Floride, 148; Californie (la) eft découverte par Drake, 440. Il en prend pofleflion , 44? J Candie ( Pierre de ) fait yn voyage dans les ter- DES MA' res, qui encourage Pizarre, i<;. 11 eft gagné par de Caftro , 114. CapUlana , Dame Péruvienne , qui fait une vifite à Pizarre, 17. Carolin,îoxt élevé par Laudonniere dans la Floride , 276. Les Efpagnols s'en emparent, 310. Cajlro (Vaca de) CommiiTaire d'Efpagne envoyé au Pérou , 107. Ses grandes qualités, 108. Il eft reconnu par Gonzalez Pizarre, 110. Il remporte une victoire fur Almagro , 117- Sages règlements qu'il fait au Pérou, 120. Il fe foumet à Nunez, ni. Il eft arrêté, 122. 11 re-paiTe en Efpa?,ne, 124. Caxamalca, ville où Atabaliba reçoit les Efpagnols , 38. Maflacre qu'on y fait des Péruviens, 42. Centeno , Officier Efpa-gnol furprend Cuzco, 129. Il eft mis en déroute, 133. Charles - quint encourage Pizarre p®ur la découverte du Pérou, 22. Chavts ( François de ) fait un traité avec les Péruviens, 63. II eft tué par r l E R E S. 451 les partifans d'Almagro ; 105. Chili, pays découvert par Almagro, 76. Cocotier, defcription de cet arbre &. de fon fruit, 338. Cofachiqui, ville de la Floride . dont la Reine vifite Soto, a 10. Coligni, Amiral de France envoyé une Colonie de Proteftants à la Floride , 266. 11 en envoyé une féconde, 272. Cordoue ( François de ) mouille à la Floride , & eft bleffé à mort, ici. D Drake ( François) fes commencements, 37Ç. Ses premiers voyages en mer, 376. Il entreprend une expédition contre les Efpagnols, 379. Il eft joint par Jacques Rawfe ,381. Il attaque Nombre de Dios, 383. Cette entreprife a peu de fuccès , 385. Il s'empare de quelques vaiffeaux, 386. Il fait alliance avec-les Symmerons , 390. Il perd fes deux frères. Ibid, Il marche à Panama ,391. Il manque à s'emparer du tréfor, 395. Il pille Santa Cruz , 396. 11 eft joint par un vaiffeau François , 400. 11 pille un riche convoi , 402. Il regagne fes Pinaffes fur un radeau, 404. Il quitte les François, 406. Ses fuccès , 409. Son retour en Angleterre, 410. 11 part pour faire le tour du monde, 41 2. 11 arrive à Mogadore ,413. Il aborde au Cap - blanc , 4ïf. Il mouille à Brava, 415). Il découvre le Bre-fil , 421. Confpiration contre lui. 11 fait pendre un Capitaine , 427. U paffe le détroit de Magellan, 429. Il perd un vaifTeau , 430. 11 arrive à la Mocha , 431. Il prend un bâtiment Espagnol, 432. 11 pille douze vaiffeaux. dans le port de Lima, 43";. Il prend le Cacafuego richement chargé, 436. Il emmené les Juges de Guatulco , 438. Il découvre la Californie , qu'il nomme Nouvel Albion , 440. Un Roi lui met la Couronne fur la tête, 444. Il arrive aux ifles des Larrons, 447. 3 L E F Ferdinand de Lucques fait fociété avec Pizarre , 4. Il eft nommé Protecteur général des Péruviens, 22. Floride ( la ) pays découvert par Cabot, 148. Origine de ce nom, 149. Voyez Narvaeç & Nu-ne^. Mœurs des habitants, 167. Voyez Soto. Les François y abordent. Voyez Ribaut & Laudonniere. G Gasca (Pierre delà) eft envoyé au Pérou en qualité de Préfident, 126. Sa conduite prudente, 127. 11 fait de nouvelles loix défavan-tageufes au pays, 130. Ses forces augmentent de jour en jour, 136. Il fe retire en Elpagne. Sa mort , 145* Guayanacapa , Inca du Pérou avant l'arrivée de Pizarre, 30. Guzmj?: ( Jean ) quitte les Efpagnols pour vi-, vre avec les Indiens, 243* DES H Holguin , Commandant Eipagnol prend les armes pour s'oppofer au jeune Almagro , '06. Il joint Vaca de Caftro , 107. Il efi tué à la bataille de Chupas, 116. Huefcar fuccéde au trône du Pérou, fes divifions avec Atabaliba , 30. Il eft fait prifonnier, 33. Son frère le fait tuer, 50. Inca, nom des Empereurs du Pérou, 29 Larrons .( ifles des ) découvertes par Magellan , 3^5. Defcription des habitants 336. Leurs barques, 448. Laudonniere (René de) commande une Efcadre pour la Floride, 272. Il met à la voile, 273. Il eft bien reçu des Indiens, 274. 11 élevé le fort Carolin dans les Etats de Saturiova, 276. Mécontentement de fes gens, a8o. Il refufe de MATIERES. 45$ fournir des troupes à Saturiova, 284. Il intercepte les lettres des François, 286. Une partie fe révolte, 287. Il eft mis aux fers , 288, Il recouvre la liberté après le départ des Mutins, 290. Il trouve deux Efpagnols chez les Indiens, 293. On découvre des traces d'or dans les montagnes , 298. Vcya'ge des révoltés. Ibid. Ils reviennent à la Floride. Laudonniere fait punir leurs chefs , 30r. Mifére où il fe trouve 302. Il reçoit dur fecours des Anglois , 303. Il fe prépare à revenir en France, 304. Il eft joint par Ribaut, 305. Il s'oppofe au projet d'attaquer les Efpagnols, 308. Il fe fauve du fort Carolin, 310. Son retour en France , L'ima , ville du Pérou, fondée par Pizarre, 71», M Magellan (Ferdinand) fes commencements , 318. On lui donne le commandement d'urçe, 454 T A Efcadre , 319. 11 arrive dans le pays des Patagons, 322. 11 fait punir Suelque» Mutins, 328. découvre le détroit qui porte fon nom, 3 29. Il entre dans la mer du Sud , 330. Il obferve les étoiles du pôle Méridional , 332. H découvre les ifles des Larrons, • 33 Il arrive aux ifles Philippines, 340. Il e& vifité pat les Rois de Meflana & de £ubut, 349. Il fait baptifer ces Princes, & un grand nombre d'habitants,3 5 2. II eft tué dans l'ifle de Mathan, 357. Mango-Capac eft reconnu Inca après la mort d'Atabaliba, 61. Il s'écha-pe de Cuzco, & fe dif-pofe à attaquer les Efpagnols, 81. Il affiege Cuzco , 82. Il fe retire dans les montagnes, 83. II arrête les progrès des Efpagnols, " 96. Mathan, ifle des Philippines. Mœurs des habitants, 354. Miffijfipi, fleuve découvert par Soto, 232. Molucaues. Defcription de ces ifles, 366. Mzfcofo* ( Louis de ) fuc- L E cède à Soto dans le commandement à la Floride, 24p. Il veut faire croire que fon Préde-ceffeur eft allé au Ciel, 250. Il prend une mau-vaife route, 251. Il retrouve le Miffifïipi ,252. Il fait conftruire des brigantins, 253.Il eft averti d'uu complot des Indiens , 254. Il s'embarque fur le fleuve, 257. Il perd trente-fix hommes , 259. Il arrive au Mexique, 26 r. Mucofo , Cacique de la Floride vifite les Efpagnols, 180. N Narvaez ( Pamphïle de ) fait une defcente à la Floride, 152. Il en prend poffefïion pour le Roi d'Efpagne, 153. Il fe met en route pour Apalachen, 154, Il fe rend à Aute, 160. 11 fait conftruire des batteaux fur la rivière de la Mag-delaine, 160. Il perd une partie de fes gens, 161. Il eft bleffé à la tête, 162. Il périt dans une tempête, 163. Nune^ ( Àlvaro } prend DES MA le commandement aptes la perte de Narvaez, 163. II perd fa dernière barque, 164. Miracles qu'on lui attribue, 1^5. Il fe trouve réduit à deux hommes, 168. Il trouve des Efpagnols qui en agiiTent mal avec lui , 170. Son retour au Mexique , 172. Nunei (Blaife) eft nommé Viceroi du Pérou , 12r. Il fait arrêter de Caftro, i22. Ses violences & fa cruauté , 123. Les Juges le font arrêter. Ibidem. Il fe retire dans les montagnes de Quito, 115. IJ eft tué, 116. O Ortiz (Jean ) Efpagnol que Soto trouve avec les Indiens de la Floride , _ 178. Ott'uni , Lieutenant de Laudonniere dans la Floride, découvre les Timagoas, 281. P.A r A cos si, Cacique de la Floride, quirefufe une entrevue avec Soto , 182. T I E R E S. 455 Patagons , peuples découverts par Magellan, 3 22. Portrait des habitants , 323. Leur fuperftition, 326. Paullu , frère d'Atabaliba refufe de monter fur le trône, 60. Il joint Pizarre, 61. Il fe joint à Almagro pour la conquête du Chili, 74. Intégrité de fa conduite , 82. Il embraffe la religion Chrétienne, 120. Payta , port du Pérou que Pi/arre nomma Santa-Cruz, 16» Pérou , découvert par François Pizarre, 16. Premier fort qu'on y bâtit, 28. Troubles dans cet Empire à l'arrivée des Efpagnols, 29. Traditions & prophéties qui leur font favorables, 37. Simplicité des Péruviens , 78. Defcription des moutons du Pérou, Philippillo, Interprête d ;s Efpagnols au Pérou. Son fteu d'intelligence , 39. I eft caufe de la mort d'Atabaliba, ç6. Il ac-« cufe Paullu, & eft mis lui-même à mort, 82. Philippines, ifles où aborde Magellan. Mœurs des TAB habitants, 34t. Pizarre ( François ) Son origine, 2. Commencement de Ta fortune, 3. U forme une fociété pour foire des découvertes, 4. Il fe met en mer, 7. 11 aborde au Port de Pires, 8. Plaintes de fes gens , 10. Il refte avec quatorze hommes, 14. . Il eft encouragé par le récit de Pierre de Candie, t v II arrive à Pay-ta, 16. Il reçoit & rend une vifite à u e Dame Péruviene, 17. Il paffe en Efpagne, 20. Il eft nommé Capitaine Général du Pérou, 22. On lui donne des Miflîonai-res , 23. Commencement de fes divifions avec Almagro, 24. Il pille une ville fans fujet, a?. Suites facheufes de fa mauvaife conduite , 26. Il s'empare de Tumbez , 27. Il conftruit un fort, 28. U partage fes tréfors avec fes gens, 29. Il va à Caxamalca voir Atabaliba, 35. Il fait ce Prince prifonnier, 42. Richeffes étonnantes qu'il en tire , 52. Il le fait mourir, <^6. Il fe joint à Mango-Capac, L E 6t. Il le reconnoîtpouT Inca , 65. Il joint Almagro & Alvarado, 69. Il fonde la ville de Lima , 71. Et celle de Truxillo, 72. Il eft nommé Marquis ,73. Il fe rend à Cuzco. Ibid. Sa conduite perfide envers Almagro , 89. Sa cruauté envers les partifans de ce Commandant, 98; Confpiration contre lui à Lima , 100. U eft ui= par les amis d'Almagro , 102. Pierre ( Ferdinand ) fe joint à fon frère , 24. Son ambaffade auprès d'Atabaliba , 38. U part pour TEfpagne , 52. Réuffice de fon voyage , 73. Il eft fait prifonnier par Almagro , 86. Il Paccufe de haute trahi fon , 92. Sa dureté envers ce Commandant, 513. Il le fait mettre à mort. Ibid. Se retire en Efpagne, 96. Il eft mis en prifon , 97- Pi^arre ( Gonzalez ) fe joint à fon frère, 24. Il eft fait prifonnier par Almagro, 86. Il devient Gouverneur de Quito, 97. Il reconnoît l'auto- tité de Caftro, 110. 1} DES MA fe fouleve contre Nunez, 122. 11 eft reconnu pour Gouverneur du Pérou , 124. Ses fuccès contre Nunez, 125. 11 refufe un accommodement,, 128. 11 remporte une victoire fur Centeno , 133. Il refufe de fuivre de bons confeils , 137. Ses troupes l'abandonnent, r 3 5?. 11 fe rend à Centeno, 140. Sa fermeté, 14:. 11 eft jugé & exécuté avec plufieurs de fes OfHciers, - -,43; Pizarre ( Jean ) fe joint à fon frer-e , 24. Il eft tué à Cuzco, 83. Plata ( la ) ville fondée par Pizarre, 07. Ponce. ( Jean ) de Léon fait une expédition à la Floride, 148. Pot 0^1, pays abondant en argent , découvert par Almagro, 75. Q Quispis , Général Péruvien s'empare de la Province de Cuzco , 59. Il eft attaqué par les Efpagnols , 68. Ceffation des hoftilités, 69. MERES. 457 R Ribaut (Jean) eft envoyé à la Floride par l'Amiral de Coligni , 266. Il entre dans la rivière de Mai, 267. Il prend poffeffion du pays pour la France. Ibid. Il y bâtit un fort, & revient en Europe, 268. Son retour à la Floride, 305. Les Efpagnols y débarquent, 307. Une partie des vaiffeaux François périt par une tempête, 309. Son Fils périt en mer, 312. Le pere revient au fort qu'il trouve pris par les Efpagnols, 3 13. II eft ma£ facré avec fes gens, 3 14. Rumnavi, Général Péruvien , s'empare de la Province de Quito, 59. Il brûle le palais & les riche/les deslncas, 65. S Saturiova , Cacique de la Floride, vifîreles ouvrages des François , 276. 11 leur fournit des travailleurs, 27p. Sétekos , nom d'un Diabfç des Patagons, 3 27. '4tf TAB Soto ( Ferdinand de ) entreprend une expédition à la Floride , 173. Il eft nommé Gouverneur de •Cuba , Préfident de la Floride , & Marquis, 174. Il débarque dans la Floride , & entre dans la Ville d'Ucita , 176. Il trouve un Efpagnol avec les Indiens, 177. Il reçoit la vifite du Cacique Mucozo, 180. Il marche à Paracoffi, 183. Il eft bien reçu à Vitacucho , 187. Il évite les embûches d'un Cacique, 190. Il envoyé des Efclaves en préfent à Cuba, 197. Ille met en route pour Cofachiqui, 199. Il élevé une Croix à Achefe, 202. Le Cacique de Cofachi joint fes troupes aux Efpagnols , 204. Soto perd fa route dans un défert, 107. Il renvoyé les Indiens à caufe de leur cruauté, 208. Il eft vifite par la Reine de Cofachiqui, 210. Suite de fon voyage , 2 r 6. Il ne trouve que du cuivre au lieu d'or , 218. Il châtie l'infolence de fes gens, 220• Le Cacique de JTafcalufa veut le faire L E érir, 213. Il livre unel auille , & défait les Indiens, 226. Il perd tout fon butin, 230. Il découvre le fleuve de Mif-fiiUpi ,211. On lui amené des aveugles pour les guérir , 23 $ Il reçoit deux femmes du Cacique de Capaha, 238 II arrive à Ânilco, 245. Ses alliés.y mettent le feu, 247. 11 veut qu'on le croye fils du Soleil. Ibid. Sa mort, 249. Symmerons , peuple de l'Amérique , ennemis des Efpagnols , 381. Leur origine, 382. Ils* font alliance avec Drake , 390- Avantages qu'il en retire , 408, T To allo , ville Indienne de la Floride. Mœurs des habitans, 200. Truxillo, ville du Pérou , fondée par Pizarre, 72. Tumbei, ville du Pérou, découverte & prife par Pizarre, qui y trouve de grandes richeffes, 27, V Valve rd ^(Vincent de) DES MA Moine Efpagnol : fon difcours à Atabaliba, 40.11 eft caufe du maf-facre des Péruviens ,41. Sa conduite criminelle envers l'Inca, 58. XJc'ita , Cacique de la Floride, attaque les Efpagnols , 176. Il fe retire aux Montagnes, 177- Viracocha , Divinité des Péruviens, 36. "Vitacucho , Cacique de la T I E R E S. 459 Floride, veut faire périr les Efpagnols, 188. Ses gens font maffacrés, 190. Sa perfidie, 192. 11 eft tué par les Efpagnols, 193, Z Zubut, ifle des Philippines , dont les habitants fe convertiffent 349. Mœurs des Indiens de cette ifle, 351, Fin de la Table des Matières,