S ..A ■ * / VOYAG E j4 L A. NOUVELLE GUINÉE. VOYAGE A LA NOUVELLE GUINÉE, Dans lequel on trouve la defcription des Lieux , des Obfervations phyfiques & morales,, & des détails relatifs à lTliftoire Naturelle dans le Règne Animal & le Règne Végétal. Par M. SONNER AT, Sous - Commijfaire de la Marine , Naturalise, Penfionnaire du Roi , Correfpondant de fon Cabinet & de CAc.demie Royale des Sciences de Paris, Ajjociè à celles des Sciences , Beaux-Arcs £* Belles-Lettres de Lyon, A PARIS, Chez RUAULT, Libraire, rue de la Harpe. MDCCLXXVI. JE EDïCÂTOïlE A MADAME P*\ 0 AD AME» fuàL- ^uvotaêfetueut.- di voué ft^ te^au)c^D <]uc* comme un foiïuu tna zecottuoi&ancz,, fut-meutt^; taaij voué Ju <)a'0 jeutitueucx^ aut^ tutùîpttt* fej) êoti-fieur^ vouâc^ appattenir' pair* ùé ùettùL-Jaucj. £Z)éX^ tuoti^âi— Ji juJteX^- voué tetîètouuS luèitùeutL' jur" feX^ ^e^auttx^ uîotu Guvta^ , cS^p vo/xc apptoêatioro fut gagitetcu m attacrier* eu oêjctver^ feX^ e^tiucipauoçS) haittL-cjui catactetijeut- féX~> tuœuzCL- ^eX^ foiumcX^ eru> cjeneta£$*ai tecouuu aut* f^ejpttt &^ fa feaute, aui voiu ^i^tiu^ueui^ di ^açotaffemeHi^ t exetccitpJ) juV toute^ fa tette* uro cj^ouvoir' jouvetairo3 ^ijpojciiî-. cJ^>cit-tout àeX~> optuLOud. 3'ai t fiopiueur' eftttz* avec un c^to^ouù tedpect^ MA DA M E9 Va Setviteur*, $ONN. PRÉFACE, on sieur Poivre , Intendant des Iiles de France & de Bourbon, Magiftrat aufli zélé quinftruit, defiroit depuis longtemps procurer aux Colonies, dont le foin lui étoit confié dans les circonftances d'une guerre prochaine , des fecours en vivres, en effets de marine, &c. 11 expédia pour cet objet, en l'année 1769, la Flûte du Roi l'ifle de brance, commandée par M. le Chevalier de Coëtivi, Enfeigne des Vaiffeaux du Roi, & fous fes ordres la Corvette le Nécejjaire, commandée par M. Cordé > ancien Officier de la Compagnie des Indes. M. Provoft, CommifTaire de la Marine, fut chargé d'examiner les productions végétales des Ifles que nous allions parcourir. L'objet principal du Voyage étoit la recherche d'un tréfor qu'aucune Nation n'avoit encore entrepris de déterrer. Son terme étoit les Ifles Philippines & les Terres des Papoux. Je fou-haitai & j'obtins d'être de cette expédition. Le defir de concourir autant qu'il feroit en moi à une entreprife utile, celui de voyager en des Pays où l'on aborde rarement ; où l'homme, les animaux, les plantes, la nature entière offre à l'Obfervateur un fpedacle nouveau, a été le feul motif qui m'ait engagé à faire ce Voyage. Aujourd'hui j'offre au Le&eur la peinture PRÉFACE, ix & l'exprefïion naïve des fentimens qui m'ont animé, en lui préfentant le Journal de mon Voyage. Mon but eft de le recommencer avec lui> d'en partager les fatigues & les délaffe-mens, les dégoûts & les plaifirs; de revoir une féconde fois lesTerres que j'ai parcourues, -les Mers que j'ai traverfées , les Ifles où je fuis defcendu; d'en fixer de nouveau la pofi-tion ; d'obferver les mœurs des Habitans, la nature & la fertilité du fol, la variété des Animaux & des Plantes ; enfin le Moral & le Phyfique, autant que les circonftances & le temps le permettent à des Voyageurs. Si je ne puis me flatter d'offrir un Ouvrage agréable, j'aurai du moins l'avantage de pré- fenter des objets nouveaux, & qui auront fouvent le droit d'étonner &de furprendre. b C'eft ce que Ton éprouvera fans doute, lorf-que je parlerai des Habitans des llles Philippines, fournis aux Ifpagnols depuis deux Cents ans, plongés encore, après deux fiecles de communication avec les Européens, dans Tignorance la plus profonde ; aveuglés par des erreurs fans nombre , gouvernés par la fuperftition la plus abfurde , & qui annonce une Nation au berceau, reliée au point d'où elle éroit partie quand elle a commencé à fe ralTembler en corps de Peuple. Mais on verra ces hommes grofïîers, auxquels l'Efpa-gnol n'a pu donner de loix, inftruits par la Nature, aigris, foulevés intérieurement contre le joug qu'on voudroit leur impofer; ennemis implacables de ceux qui ont fait fouf-frir tant de maux à leurs ancêtres, pour les forcer d'adorer la Croix, & toujours prêts à venger les cendres de leurs pères : ce qui prouve certainement que, dans tous Pays , l'amour de la liberté & l'horreur de l'oppref-fion font imprimés dans le cœur de tous les hommes. On verra aufïï cette même Terre abandonnée à des Sauvages ftupides, couverte des végétaux les plus précieux, des animaux les plus rares, & feule en poffeffion des tréfors que recherchent toutes les Nations. Le Leâeur indulgent n'exigera pas de moi des détails approfondis & minutieux; il fe rappellera, en lifant cet Ouvrage, que dans un Voyage où les objets font auffi. multipliés que nouveaux, l'Obfervateur ne peut remarquer que les maffes, & faifir les traits les plus frappans ; & que dans un Pays b % dénué de fecours néceffaires à la fpéculation & à la pratique , il eft prefque impofTible de rapporter des descriptions détaillées & nom-breufes. TABLE DES CHAPITRES. Chap. I. Départ des deux Vaiffeaux ; Navigation depuis l'IJle de France jufquaux JJlcs S échelles ; Dejcription du grand Palmier de l'fjle Prrflln, vulgairement appelle Cocotier de Mer, pag. i Chap. II. Navigation depuis les TJles Séchelles jufiuh l'ifie de I uçvn ; Remarques Jur Pulo-Para & fur Pulo-Piffang y Dejcripùon de cette dernière Jjle, il Chap. III. Defcription de Câvhe & de [on Port; Particularités fur deux Inje&es , 19 Chap. IV. Séjour à Manille; Mœurs des Manillois; Dejcription des G allions ; Manière dont on les équipe pour le voyage dAcapulco ; Productions de tlfle de Luçon , 25 Chap. V. Voyage dans Vintérieur des Terres; Moeurs des Habitans ; Dejcription de quelques Plantes, que les Indiens emploient dans leurs remèdes , 31 Chap. VI. Defcription de quelques nouveaux Oifeaux, obfervés à l'IJle de Luçon, 51 Chap. VIL Continuation du Voyage dans 1*intérieur des Terres ; Defcription de quelques fruits inconnus, qui fe trouvent à Tlfle de Luçon, 93 Chap. VIII. Départ de Cavité ; Navigation jufqua Antigue; Defcription de quelques Qifeaux obfervés à Antigua^ 104 Chap. IX. Navigation jufqua Sambouangue ; Defcrip* tion de 1 IJle Mindanao , I2J Chap.X. Defcription de Tlfle dYolo y Digrcffon fur le Roi régnant de cette IJle, 136 Chap. XI. Navigation depuis Sambouangue juf* qu'à * * * (§) y Séjour à Pulo 0 y Remarque fur lesPapoux, 146 Chap. XII. Defcription de quelques O if aux de la nouvelle Guinée, 155 Chap. XIII. Continuation de notre Jéjou* h Pulo * **y Remarque fur les Habitans des Moluques, 182, Chap. XIV. Continuation de notre féjour à Pulo ***/ Defcription des différentes fortes d Epiceries que nous procurèrent les P a poux, 191 (§) Des raifons particuliers ont empêché l'Auteur de nommer cet endroit. TABLE DES CHAPITRES. Chap.XV. Départ de Pulo***; Retour à l'Ife de France y aoi VOYAGE VOYAGE NOUVELLE GUINÉE. «%=====^ ^gjg^1------- CHAPITRE PREMIER. Départ des deux Valjfeaux ; Navigation depuis Tlfle de France jufquaux Ijles Séchelles ; Dejcription du grand Palmier de l'IJle Prajlin ? vulgairement appelle Cocotier de Mer. ES apprêts néceflaires pour le voyage que nous allions entreprendre étant achevés , nous partîmes du Port Louis de llfle de France, A V O Y A G E le 29 Juin 1771. Le bâtiment fur lequel j'étois embarqué , portoit cent quatre - vingt - dix hommes d'équipage, vingt-quatre pièces de canon, & huit pierriers. Il devoit faire route de conferve avec la Corvette du Roi le Nècejfaire , montée de fix pièces de canon , & quatre pierriers. Les deux bâtimens ayant appareillé le matin, perdirent la terre de vue le foir, & avec un petit frais du fud-eft, nous mîmes la cap au nord. Le 3 Juillet, nous vîmes une Me; nous cherchâmes à en pafler au vent : mais ayant apperçu une chaîne de refcifs ou rochers, qui fe prolongeoit environ à deux lieues & demie à fouefl-quart-nord-oueft, nous laifsâmes arriver, & prîmes la bordée de Teft. Nous confultâmes nos cartes & nos Journaux ; nous y cherchâmes inutilement llfle qui étoit devant nous ; jugeant qu'elle n'avoit pas encore été reconnue, nous la nommâmes Yljle Cottivy. Sa latitude fud fut déterminée à 7 deg. 7 min. & fa longitude orientale à jo deg, £9 min. Nous approchâmes très-près de terre. Lifte nous parut afTez bien Pl. IL J>m 3. J3. Sonnerai del ■ ûvrzl Jculp Vite cles Isles Sec/ielle^ J* boifée , & fur-tout fertile en palmiers. Nous apper-çûmes à l'ed une chaîne de monticules continues, jointes les unes aux autres ; les terres qui font à l'ouefl: nous parurent baffes ,& vers leur milieu, nous remarquâmes un arbre plus grand que les autres, qui reffemble aflez à Un vaiffeau prêt à mettre à la voile. Cette remaraue, & la vue que j'en donne pourront PIanne J . rr Vue de ride dans la fuite la faire reconnaître par les vaifleaux co™VY,& 1 desIflesSé- qui fréquenteront ces parages chelles* Le lendemain, nous eûmes connoiffance des Ifles Séchelles, dont on trouve la vue dans la IIe. Planche. Parmi les Ifles de cet Archipel, il y en a une que M, de la Bourdonnais défigna fous le nom de Yljledes Palmes, lorfqu il en fit la découverte en 1743 ou 1744, Cette Me, examinée de plus près en 1767, a été nommée Yljle Prajlin, nom que l'ufage, qui prévaut en tout,a changé depuis en celui iïljledes Palmiers. C'eft fur cette Me qu'on trouva le palmier qui produit ce fruit fi recherché , qu'on navoit connu jufqu alors que fous les noms de coco de Mer, coco A2 de Salomon , coco des Maldives. Llfle Praflin ou llfle des Palmiers , eft; jufqu'à préfent le feul endroit ou Ton ait trouvé l'arbre qui produit ce coco (*). Ce fruit étant allez rare, fa forme bizarre, fon origine inconnue, tout avoit contribué à lui accorder de grandes propriétés , & à faire imaginer des fables fur fon exiftence, comme c'eft la coutume dans4 tous les pays à l'égard de ce qui eft inconnu & fingulier. L'arbre qui produit le coco de mer, s'élevant en beaucoup d'endroits de llfle fur le rivage de la mer, la plus grande partie de ces fruits tombe dans les eaux, fe foutient à leur furface; le vent les pouffe, pi. ni; les ccurans, dont la direction eft dans ces parages à IV, V, VI & VI1' reft-nord - eft, les portent jufques fur le rivage des Maldives 9 feule partie du monde où l'on avoit trouvé ce fruit avant la découverte de llfle Praflin : ce qui lui fit donner le nom de coco des Maldives par les C*) La defcription de ce palmier a été lue à la Séance de l'Académie, le 13 Décembre 1773, 80224683^^^488483137 Européens , & celui de travarcarné par les Maldivois^ ( qui veut dire tréfor ). Il fut enfuite appelle coco de Salomon, pour lui donner apparemment un nom qui répondît au merveilleux qu'on attachoit à fon origine. Ne connoiflant point l'arbre qui le produisit, ne le pouvant découvrir, on avoit imaginé que c'étoit le fruit d'une plante qui croiifoit au fond de la mer, qui fe détachoit quand il étoit mûr , & que fa légèreté faifoit furnager au-defliis des flots. Il ref-toit, pour achever la fable, à prêter à ce fruit fi extraordinaire les plus grandes & les plus rares propriétés. C'eft ce qui ne manqua pas d'arriver. On débita, on crut, & l'on croit encore, non-feulemenc aux Indes, mais dans toute TAne, que i amande du coco de . 1er a toutes les propriétés que nous attribuons à la thériaque , & que nous exagérons peut-être ; que fa coque eft un antidote allure contre toute forte de poifon. Les grands Seigneurs de flndoftan achètent encore ce fruit à très - haut prix ; ils font faire de fa coque des tafles, qu'ils enrichiiTent d'or & de diamans J ils ne boivent jamais que dans ces tafTes,perfuadés que lepoifon, qu'ils craignent beaucoup , parce qu'ils s'en fervent trop eux-mêmes, ne fauroit leur nuire, quelqu'aclif qu'il foit, quand leur boiffon a été verfée, & s'eft purifiée dans ces coupes falutaires. Le Souverain des Ifles Maldives met à profit l'erreur générale ; fes prédécelTeurs fe font attribué, & il fe conferve la propriété exclufive d'un fruit j qui , porté fur les eaux , poufle fur les côtes par le vent, devroit appartenir à celui qui le ramalTe; il le vend à très-haut prix, ou l'envoie aux diffërens Souverains de l'Afie, comme le plus précieux don cm 'ils puifTent recevoir. Mais le coco de mer devant bientôt n'être plus rare, ne paroiflant plus un être fingulier, perdra bientôt fans doute fa valeur, fes propriétés ; & le Souverain des Maldives, le tribut que lui payoient l'ignorance Se Terreur. L'Ifle Praflin ou llfle des Palmiers a tout au plus fix à fept lieues de tour ; elle fait partie de l'Archipel, connu autrefois fous le nom des Trois-Freres, puis fous celui de Mahé , & enfin aujourd'hui fous celui de Séchelles. C'eft dans cette Ifle, d'une étendue fi bornée , & dans cetie Iflè feule, qu'on a découvert jufqua préfent ce coco, fi précieux dans l'Inde* Comment ne s'eft-il point trouvé dans les Ides adjacentes ? Comment l'arbre qui le produit n'y croît-il pas \ Pourquoi étoit - il borné à la feule étendue de llfle Praflin , quand cet Archipel fut féparé du continent, & que l'irruption des mers changea cette portion du globe en un amas dlfles l Je laiiTe cet objet, d'une longue & trop difficile difcuflion , aux Phyficiens & aux Naturaliftes, pour parler de l'arbre qui produit ce fruit fingulier. Cet arbre, obfervé attentivement, a été reconnu pour une efpece de latanier ou de lontard des Indes ; il s'élève jufqu'à quarante-deux pieds de hauteur; fa tête fe couronne de dix ou douze feuilles en éventail, de vingt-deux pieds de haut fur quinze pieds de large, portées fur des pédicules longs de fix ou fept pieds ; elles font échancrées allez profondément dans leur contour, & chaque lobe eft lui-mêsae fubdivifé en deux portions par le haut; leur confiftance eft ferme & coriace : ce qui les rend préférables aux feuilles des cocotiers ordinaires, pour faire des couvertures de maifon à la façon indienne. De l'aifTelle des feuilles s'élève un pannicule con-fidérable, & très-ramifié, de fix pieds de longueur; fa bafe eft charnue, épaifTe ; fes rameaux font terminés par des amas de fleurs femelles, qui paroilTent avoir toutes un calice, compofé de plufieurs pièces, à cinq, fix & quelquefois fept divifions ; leur piftil, en mûriffànt, devient un fruit fphérique d'un pied & demi de diamètre, dont l'enveloppe eft très-épaiiïe & fibreufe, comme celle du coco; elle renferme trois coques, dont une avorte le plus fouvent. Ces coques font très-grofles, prefque fphcriques, comprimées fur un de leur côté, & diviféesjufquesdans le milieu de leur longueur en deux portions : ce qui leur donne une figure très - bizarre , comme on peut voir par le deflîn que j'ai ajouté ici, qui en donnera une meilleure idée que la defcription. Leur intérieur fe remplit d'abord d'une eau blanche d'un goût amer & aflez défagréable ; à mefure que le fruit mûrit, mûrie, cette eau fe change , comme dans les cocos ordinaires , en une fubftance folide, blanche , hui-leufe , qui s'attache au parois intérieur du. fruit. Ou-Cus donne une légère defcription de ce coco, fous le nom de nux medica. Il feroic à fouhaiter qu'on pût favoir par diffe-rens effais, fi l'opinion des Indiens fur les propriétés de cette noix eft fondée. Ces fruits ont chacun à leur bafe le calice dont j'ai parlé ci-deflus, qui ne les quitte point, même après leur parfaite maturité. Le tronc de l'arbre, femblable à celui du cocotier pour la forme , eft en général plus gros, plus dur, Se d'une couleur plus noire. On a tranfporté à llfle de France des plans & des noix de cet arbre, qui ont très-bien réufli. L'arbre que je viens de décrire, eft, à ce qu'il paroît, un individu femelle. Je n'en ai point rencontré d'autres, ainfi que ceux qui ont voyagé comme moi dans ces Ifles , où j'étois en Juillet, qui étoit fans doute le temps de }a paxfaite maturité de leur fruit ; mais de- 13 puis j'ai reçu de M. Cofdé, qui avoit relâché dans cet Archipel en Octobre,une portion d'un régime de fleurs mâles de cet arbre : ce qui femble fixer le temps de fa floraifon au mois de Septembre, qui répond au printemps de l'Europe, & le temps de fa maturité aux mois de Juin & Juillet, qui répondent à notre hiver. Cette portion de régime avoit environ deux pieds & demi de longueur, fans aucune ramification ; elle étoit d'une forme cylindrique, de quatre pouces de diamètre, couverte entièrement d'un nombre infini de fleurs mâles, compofées d'un calice à fix di vifions, & de fix étamines oppofées à chacune de ces divifions. Les régimes de fleurs mâles n'ayant point encore été rencontrés fur les pieds qui produifent les fruits, il eft probable que cet arbre les porte fur des individus différens ; de forte que Ton peut regarder ce palmier comme une efpece de latanier, ainfi qu'il a déjà été dit, c'eft-à-dire , de lontard des Indes,auquel il reifemble d'ailleurs par toutes fes autres parties, comme on peut en juger par la comparaifon des figures ci-jointes. CHAPITRE IL ngation depuis fes Ijles Séchelles jufquù Pl/k Luçon ; Remarques far Pulo - Para & fur Pulo-Piffang ; Dejcription de cette dernière Ifle. Quelques jours après avoir perdu de vue les Ifles Séchelles , nous vîmes paiïer le long du bord des crabes rouges & des ferpens, indices certains de lapproche de la côte de Malabar; nous napperçûmes cependant la terre que trois jours après : nous la reconnûmes pour Ceilan, fort embrumée ; à toute vue, elle nous reftoit du nord-quart-nord-eft au nord-nord-oueft. Nous côtoyâmes toute la partie du fud , & dirigeâmes notre route vers les Ifles Nicobard, fituées au nord-quart-nord-eft de llfle Sumatra, Le 30 Juillet, nous vîmes la montagne de la Reine: nous mîmes aufli-tôt la cape à l'eft-quart-fud-eft ,pour reconnoîtrePulo-Para (*).Ceneftquunrocher aride, C) Pulo, çn termes Malais, veut dire Ifle, fans arbres, fans verdure , qui fert de retraite aux oifeaux pêcheurs du Détroit de Malac. C'eft fans doute d'après des Journaux infidèles, que M. d'Après a écrit dans fon Routier des Indes, que cette Ifle eft couverte d'arbres. Nous avons reconnu le contraire à la ftérilité de Pulo-Para. Nous employâmes dix - neuf jours à pafTer le Détroit : nous mouillions dès que la marée étoit contraire , Se nous nous laiflions fouvent aller fans voile , quand les courans nous paroiiToient favorables. Une pirogue de Malac vint à notre bord , montée par trois habitans du pays; ils troquèrent avec nous quelques joncs en échange d'un coco de mer, & nous apprirent qu'ils avoient trafiqué de plufieurs de ces fruits avec l'équipage d'un fenau François, appelle Y Heureux > qui venoit de Maurice. Nous trouvant par le travers de Pulo-PifTang , nous mîmes notre chaloupe à la mer, pour y aller faire quelques barriques d'eau. Les inftruclions de M. d'Après portant qu'il étoit très-facile d'en faire dans cette Ifle en peu de temps, j'y defeends avec l'Offi- r cier chargé de la ccmivndcr. Après avoir embarqué quelques proviiions, nous partîmes à quatre heures du matin. Les vents contraires, la mer grolTe , les courans , tout nous eft oppofé ; les efforts de nos rameurs fontprefque inutiles: à peine à neuf heures avons-nous dépafle le bâtiment que nous quittions; nous perdions l'efpérance de pouvoir attérir. Cependant les vents nous adonnent, nous mettons à la voile : mais lèvent change prefque aufli - tôt. La perfévérance dans notre entreprife , les efforts des rameurs , l'encouragement que nous leur donnons, nous font furmonter les obftacles : nous gagnons la terre à deux heures. Nous marchons en hâteàlafource ; mais nous la trouvons ii foible, que nous avons peine à faire trois barriques d'eau. Cependant nous faifions réflexion que M. d'Après a probablement vifité Pulo-Piffang dans la faifon des pluies ; que nous y touchons apparemment après une longue fécherefle, & nous concluons que cette aiguade ne peut être une reflburce pour les vaifleaux qui fréquenteront ces parages, qu'autant qu'ils auroient extrêmement befoin d'eau. Le vailTeau que nous avions quitté paffa la journée à louvoyer , pour ne pas nous perdre de vue. Un coup de canon , tiré à cinq heures du foir , & le pavillon en berne, nous avertiiTent de retourner à bord. La vue feule de Tlfle que nous quittions avoit pu nous dédommager de nos fatigues & des contradictions que nous avions efTuyées. Elle eft couverte d'arbres de haute futaie , ornés d'un feuillage toujours verd. Le payfage en eft agréable ; on y trouve plufieurs plantes intéreffantes, telles que le bonnet quarré ou la commerçona , la pagapate , l'huile de bois , &c. Je n'y apperçus que peu d'oifeaux & d'infeéles ; je ne vis point de coquilles fur la côte, & nul indice qui me fît préfumer qu'il y en a. Cette Ifle eft fréquentée par les Malais de la grande Terre ; ils y viennent recueillir l'huile de bois , qui s'y trouve abondamment. 1 La Commerçona, que l'on nomme aufli bonnet quarré, paroît être le butonlca Malabarlca, décrit par Rumh , dans fon Herbarlum Amboinenfè y vol. III, p. 114* 41 ^6+C A LA NOUVELLE GUINÉE. Ceft un arbre allez élevé; fes feuilles font ovales & oppofées deux à deux fur les branches, à l'extrémité defquelles fe trouvent des fleurs éparfes ; leur calice efl; d'une feule pièce à deux divifions ; la corolle eft compofée de deux ou trois pétales blancs , arrondis par le haut, & concaves , attachés au calice ainfî que les étamines, qui font en grand nombre, & portées fur de longs filets. Le piftil, renfermé dans le fond du calice , eft furmonté d'un ftyle , terminé par un ftigmate ; il devient, en mûrilTant , un fruit très-gros, de la forme d'un bonnet quarré, à qui les deux divifions du calice , qui fubfiftent, tiennent lieu de houppe ; il eft d'une fubftance fibreufe, analogue à celle du coco, & n'a qu une loge qui renferme pour l'ordinaire deux amandes farineufes. Cet arbre fe plaît fur le rivage ; les courans entraînent quelquefois fon fruit en pleine mer. M. de Bougainville , dans fon Voyage autour du Monde , en trouva loin de la terre ; le fruit lui parut fi fin-gulier & fi reflemblant à un bonnet de Docteur , qu'il lui donna le nom de M. de Commerçon, Médecin Naturalifte du Roi, qui faifoit le voyage avec lui, Pi.x&xj. LaPagapate eft un arbre qui croît dans les lieux humides; fes feuilles font oppofées comme celles de laÇommerçona,& de forme ovale ; les fleurs croiflent folitaires aux extrémités de chaque rameau ; leur calice eft d'une feule pièce, à fix divifions fermes Se aiguës ; elles s'écartent à la maturité du fruit, Se pré-fentent, par leur difpofition, la forme d'une étoile. Les pétales, au nombre de fix , font d'un beau rouge de carmin, étroits dans toute leur longueur, aigus au fommet, Se attachés au calice , de même qu'un grand nombre d'étamines. Le piftil, qui occupe le centre, eft furmonté d'un ftyle, terminé par un ftig-mate; il devient, en mûriflant, une efpece de baie prefque fphérique, adhérente par fon fond au calice, Se dont Tin teneur eft partagé en vingt-fix loges par des membranes très-fines; chaque loge a un tiflu véfi-culeux , rempli d'un fuc acide, Se dans lequel fonç répandus quelques pépins. Pendant que nous étions occupés à faire de l'eau, notre 3007 notre corvette fit route ; nous la rejoignîmes le lendemain , & nous doublâmes enfemble la Pierre-blanche le même jour. Le vingt - deux Août, nous eûmes connoiflance de Pulo-Timon ; nous fîmes pendant le jour tous les efforts poifibles pour en approcher ; nous voulions y relâcher pour prendre des rafraîchiffemens. Nous mouillâmes le foir à une lieue de terre, notre corvette n'étant qu'à un câble de dillance de notre bord. Avant de faire la defcente que nous projetions, nous confultâmes nos journaux ; ils nous peignirent les habitans de cette Ifle comme des gens cruels, de mauvaife foi, avec lefquels il n'y avoit point de fureté. Nous connûmes que cette relâche avoit été funefle à tous ceux qui Tavoient tentée. Nous appareillâmes en conféquence fur les dix heures du foir, & fîmes fignal à notre corvette de lever l'ancre. Le 2.6 Août, après avoir vu Pulocondor , nous dirigeâmes notre route fur Pulofapatte, que nous découvrîmes le lendemain dans le lointain. Le 3 Septembre, nous reconnûmes Tlfle de Lu-çon, une des plus grandes des Ifles Philippines, appartenante aux Efpagnols , qui en ont fait la Capitale de cet Archipel. Sapofition avantageufepour le commerce de la Chine , & celui de plufieurs parties de Tlnde, y attire , depuis quelques années, des vaif-feaux de toutes les Nations orientales. Après avoir travcrfé une multitude de petites Ifles qui défendent l'entrée de la Baie de Manille, poufles par un vent qui ne ceiïa de nous être favorable, nous mouillâmes le même jour entre Corrégidor & Mirabelle. Le lendemain nous entrâmes dans le Port de Cavité. Nous y trouvâmes le fenau François Y Heureux y dont j'ai parlé, la frégate la Pallas, venant de Cadix, trois fenaux, fix galères & le Saint-Jofeph , gallion d'Ef-pagne. CHAPITRE III- Defcription de Cavité & de fon Port; Particularités fur deux Infectes. Cavité, fitué dans le fond de la Baie, au fud-ouefl &. à trois lieues de Manille , fur une langue de terre baffe, que la mer menace de fubmerger, eft un endroit ifolé, qui n eft connu & ne mérite de l'être que parce que fon Port eft la retraite des gallions & des vaiffeaux qui commercent avec les Manillois. Ce Port, qui fait tout l'avantage de Cavité , n'eft point à l'abri des vents de nord Se nord-nord-oueft ; il eft infecté dune efpece de vers qui s'attachent aux vaiffeaux, & les mettent en peu de temps hors d'état de tenir la mer ; enfin , pour dernière incommodité, on eft obligé daller faire de l'eau fort loin, & d'expédier, pour en ramaffer , des bateaux plats du pays, qui entrent fort avant dans la rivière. C2 Les trois quarts de la Ville , peu confidérabie par elle-même, font occupés par des Couvents. On en appelle les dehors le Fauxbourg Saint - Roch. C'eft un amas de quelques maifons couvertes de feuilles de bananiers. Cependant on voit dans ce Fauxbourg les reftes d'une Eglife qui paroît avoir été alTez belle. Les Maures, qui fe réunirent aux Angloi? en 1762 , la détruifirent ; & ce lieu faint, autrefois refpecté, eft devenu le repaire d'animaux de toute efpece. Parmi ceux que j'y obfervai, deux infectes attirèrent fur - tout mon attention. Ces deux infectes , connus dans nos Colonies fous le nom de Kakkerlac & de Mouche bleue, communs dans tous les pays que j'ai parcourus , mais plus nombreux dans l'endroit où mon voyage & ma narration m'ont conduit en ce moment, que par - tout ailleurs, font l'un du genre des blattes , & l'autre de celui des ichneu-mons , fuivant les fyftêmes de MM. Linné & Geoffroy. Le premier eft infiniment plus gros que le fécond, dont il femble qu'il devroit n'avoir rien à craindre. Le dernier eft plus actif, plus hardi, mieux armé; fon courage , fa vivacité , les armes fur-tout que la nature lui a données, le font triompher d'un ennemi lent, fans défenfe, que fa mafTe gêne peut-être , plutôt qu'elle ne lui fert. Le Kakkerlac a quatorze lignes de long, fix de large, fix pattes très-longues, hériflees de pointes ou d'épines dans toute leur longueur , excepté la cuifTe , qui eft lifle. Il a quatre aîles, qu'il porte croifées fur le dos dans le temps du repos. Les deux pl-XI1' fupérieures ont, fur-tout vers le haut, uneconfif-tance afTez forte * & reflemblent à du parchemin. Le corfelet eft lifle, un peu concave ; il déborde la tête des deux côtés, & la cache ; elle eft fituée en deflcus, recourbée, armée de quatre antennules ou barbillons, & de deux mâchoires qui font très-fortes. Les antennes naiflent de chaque côté de la tête en deffbus ; elles fe dirigent en avant tout droit, en s'écartant un peu , & forment deux rayons divergents ; elles font filiformes ou femblables à un fil, ont à leur bafe la groifeur d'un crin, & vont toujours en diminuant vers la pointe ; elles ont le double de la longueur du corps. Le ventre eft arme de deux longs filets, un de chaque côté. Tout ranimai eft d'un brun lavé. Tel eft l'infecte le plus commun dans les pays chauds , où il fe répand, où il pénètre par-tout, 8c attaque toute forte de fubftance : auifi incommode par l'odeur infupportable qu'il répand, que par le dégât qu'il fait. La nature, pour s'oppofer à fa trop grande fécondité , lui a donné pour ennemi un autre infecte, qu'elle a peint de riches couleurs, qu'elle a muni d'une arme redoutable , qu'elle a rendu actif, & qui fe multiplie en détruifant le Kakkerlac. Cet infecte eft notre Mouche bleue; elle a fept lignes de long, une & demie de large , quatre aîles tranfparentes à réfeau. Les antennes font noires, vertes à leur bafe; elles ont près de fix lignes de long. La tête eft d'un bleu brillant, relevé d'une teinte de verd, armée de deux mâchoires faillantes , très-fortes. Les yeux font noirs , & fort gros. Le corfelet tient à la tête par un étranglement bien marqué; il a trois lignes de long ; il eft lifle & applati en deflous, fillonné légèrement, & anguleux en-deflus: il eft du même bleu que la tête. Le ventre tient au corfelet par un filet ; il eft compofé de trois anneaux , deux fort petits, & un gros au milieu ; fa couleur eft aufli la même que celle de la tête. Les femelles ont à l'anus un aiguillon ou tarière, qui fert à dépofer leurs œufs. Les pattes font fort longues , d'un bleu verd ; les cuiffes font brunes, & renflées dans leur milieu. Aufli-tôt qu'une Mouche bleue , prefTée du befoin de dépofer fes œufs, apperçoit un Kakkerlac , elle Vole autour de lui, comme l'oifeau qui plane au-defTus de fa proie; bientôt elle fond deflus, faifit le Kakkerlac par une antenne, & lui perce le ventre de mille coups d'aiguillon. Le ftupide animal ne fait ni fuir ni fe défendre; peut-être fon ennemi lui en a-t>il ôté les moyens, en le perçant de fes coups ; 11 le fuit tandis qu'il marche à reculons, obligé de céder à la force qui l'entraîne par une partie aufli fenfible que l'antenne. Cependant la Mouche, qui fait apparemment que fes coups ont fuffifamment affbibli fa victime, qu'elle eft hors d'état de fuir, la quitte pour quelques inftans ; elle les emploie à parcourir en volant tous les lieux circonvoifins ; elle les obferve , Se aufli-tôt qu'elle a découvert un trou qui convient à fes deffeins, elle revole à fa proie , lafaifit de nouveau par une antenne, la hâte à coups d'aiguillon, l'entraîne, Se la fait entrer dans le trou qu'elle préfère, achevé d'ôter à fon ennemi les forces & la vie, dépofe fes œufs dans fon fein, fort du trou, vole ramafferdela terre, qu'elle fait détremper, la travaille avec fes mâchoires, l'emporte, en bouche & en ferme entièrement le trou ou elle a laiffe le Kak-kerlac, à qui ce trou fert de tombeau , Se en même temps de berceau aux vers qui naiflent des œufs dé-pofés dans fes vifeeres ; les vers fe nourriflent de la fubftance du Kakkerlac , Se deviennent des mouches femblables à leur mere. CHAPITRE CHAPITRE IV. Séjour à Manille ; Mœurs des Manillois ; Defcription des G allions ; Manière dont on les équipe pour le voyage dAcapulco ; Production de llfle de Luc on. M anille, Capitale de tous les EtablilTemens que les Efpagnols ont dans les Philippines , eft une aflez grande Ville. Elle eft bien bâtie; les maifons 7 font belles ; il y a de fuperbes Eglifes. La Ville eft fortifiée ; elle eft fituée dans la pofition la plus avantageufe , fur le bord d'une rivière confidérable qui lave fes murs, & dont les bras divifés traver-verfent en tous fens llfle de Luçon. Le terrein qui l'environne eft un des plus fertiles, & propre à toute forte de culture. Mais un tel tréfor eft inutile entre des mains qui n'en font point d'ufage. Les habitans n'ont profité ni de la pofition de la Ville , ni de la D fercilité des terres qui l'environnent. L'entrée de la rivière eft fermée par une barre , qui devient dan-gereufe auiffi-tôt que la mer eft agitée. On avoit conçu l'idée d'un travail facile , qui auroit changé cette barre en un bafîin commode , calme & afîuré. On a mis la main à l'ouvrage, & fatigué de l'avoir commencé , on l'a abandonné. En vain la terre ofFre-t-elle fes richeffes ; on n'ouvre point fon fein ; on la laifle s'épuifer fans culture , & porter d'elle-même des moiffons qu'on ne récolte pas. La loi elle-même, qui devroit lui prêter fon appui, & ordonner de la féconder, s'oppofe à Manille au bien qu'elle s'efforce de fiire aux hommes. L'exportation y eft défendue : les tréfors d'une terre trop fertile pour le petit nombre d'habitans qu'elle nourrit, périffent fur le fol qui les a produits. Mais s'il arrive une année où les variations de Tathmofphere , où les ouragans , les pluies ou la fécherelTe rendent inutile la fécondité de la terre ,1a famine la plusaffreufe défoie un pays qui n'en devroit jamais relfentir les atteintes. On n'y cultive, on n'y récolte que pour le befoin , que pour une année , & la plus horrible mifere y devient quelquefois la fuite dune fécurité toujours dange-reufe. L'habitant, fans émulation, fans motif pour en avoir , & pourtant prefTé de cedefir que l'homme ne celle jamais d'éprouver, de celui de s'enrichir, tourne toutes fes vues & fes efpérances du côté d'un gallion, qui part tous les ans pour Acapulco. Ce vaifTeau vafte, lourd dans fa marche, qui jamais ne fait d'autre route que celle à laquelle il eft deftiné , percé pour trente-fix canons > fans troupe, mal pourvu de munitions pour la nourriture de l'équipage, part chargé de marchandifes pour la Valeur de quatre millions de piaftres ; expofé aux dangers d'une longue route , fans défenfe s'il eft attaqué , fouvent furpris en mer par des ennemis , parce qu'il part fans que ceux qui l'expédient foient informés fi leur Nation n'a point la guerre en Europe ; il eft fi mal pourvu deschofes nécelTaires, qu il allonge fon chemin pour pafTer dans des parages ou il tombe de la pluie, que l'équipage reçoit fur des pavillons étendus, & dont il remplit fes jarres. D 2 Ce bâtiment court fouvent les plus grands rif-ques, éprouvant toutes les fuites de la négligence avec laquelle en fa pourvu, manque fon voyage, eft enlevé ou périt en chemin. A fon départ, on fent fi bien les rifques auxquels il eft expofé, Se auxquels cependant on ne cherche pas à remédier, qu'on fait des prières publiques pour qu'il arrive fans accident ; s'il revient, la nouvelle de fon retour répand l'allégrelfe dans toute llfle; mais s'il tarde, la crainte, la confternation s'emparent de tous les ef-prits, Se la nouvelle de fa perte eft la nouvelle d'une calamité publique, qui répand dans tous les cœurs l'abattement 8e la défolation. Le retour du gallionvaut tous les ans à Manille trois millions de piaftres, qui font aufli-tôt dépen-fées en marchandifes qu'on acheté d'un vaiileau An-glois , portant pavillon Arménien. Ce trafic eft une perte réelle pour les habitans. Ils achètent d'un côté les marchandifes très-cher, & d'un autre côté ils fe dépouillent du feul argent qui entre dans leur Ifle, La force de l'habitude, la commodité de tro- Paà P.SonntraL 2il.. j T,c Rocow. KJel'rïiù tel yuilsc ftvu/ naàéreàkmént. B . Couve /ionzotita/<> du Frui/. vJeFruù cm^iyHyevidt'cii/mrmieTd c/mui /c seru con/nurc où îlje fenXnœtUf? quer pour de l'or au lieu de marchandifes, dont le trafic eft nécelTairement accompagné de quelque travail , leur fait préférer le commerce en argent avec les bâtimens Anglois, à celui qu'ils pourroient faire avec les vaiffeaux de ITfle de France, qui prendroienc en échange les productions de leur pays, des cordages , de la brnye, du goudron , des toiles, du fucre, de f huile de bois, des joncs, du rottin , de l'indigo, du rocou , &c. ce qui deviendroit pour les deux Nations un commerce également avantageux. - Le rocou , nommé par les Manillois atckioté, eft pi.xin. un arbriffeau qui porte des feuilles alternes en cœur allongé. Les fleurs viennent en bouquets aux extrémités des branches; leur calice eft à cinq divifions; il y a cinq pétales blancs attachés, de même qu un grand nombre d ctamines, fous le piftil ; il eft fur-monté d'un ftyle terminé par un ftigmate , & devient en mûri (Tant une capfule hériflee de pointes molles, large & arrondie à la bafe , rétrécie Se aiguë à fon fommet; elle eft d'un rouge brun, Se s'ouvre dans la longueur en deux valves, garnies chacune à leur intérieur d'un placenta longitudinal , couvert de graines ; ces graines font enduites d'une matière rouge, qui donne la teinture de rocou , eftimée dans les Indes. Les habitans de llfle de Luçon mêlent ces graines avec leurs viandes pour leur donner une belle couleur rouge. L'indigo croît dans tous les pays chauds ; on en trouve la defcription dans la plupart des Voyageurs qui ont parlé des productions de l'Amérique. CHAPITRE V. Voyage dans l'Intérieur des Terres ; Mœurs des Ha-titans ; Dejcription de quelques Plantes , que les Indiens emploient dans leurs remèdes. J E profitai du féjour que nous devions encore faire à Manille , pour voir les différens Ecabliffemens que le* Efpagnols ont dans l'intérieur des terres. J'étois prévenu que ce voyage eft difficile; je favois qu'une partie des Peuples, courbés fous le joug Efpagnol, avoit quelques traits d'une Nation à demi policée ; l'autre , fiere & indépendante , étoit abfolument Wage ; que la première languiffoit dans l'inaéti-v"é, fans énergie pour embrafier la vertu, ou commettre des forfaits; que la parefle, l'abandon de fon «re , la timidité conftituoient fon caraftere, & « mifere fon état habituel ; que la féconde partie des Peuples indomptée, altiere , ne pouvant fupporter de joug , révoltée par la feule idée de la gêne & de la contrainte , vivoit aux dépens de la première ; qu'elle lui enlevoit, lui arrachoit le foutien d'une vie miférable, que celle-ci n'a ni la force, ni l'in-duflrie, ni le courage de défendre ; que la mau-vaife foi , l'audace , la barbarie , f avidité formoient le caractère de cette partie de la Nation ; & qu'enfin la terre fertile & malheureufe que j'allois parcourir, fins ceiTe le théâtre d'une guerre civile , fournifToit à fes habitans des fruits qu'ils fe difputoient & qu'ils s'arrachoient, en les arrofant de larmes Se de fing. J'avois donc des précautions à prendre contre la foibleife Se l'audace dans un pays où la moitié des Peuples ne fe défend pas, Se où l'autre eft toujours fur le point d'attaquer. Je-partis de Manille le 2 y d'Octobre , accompagné de fix Indiens & d'un Interprête. J'avois choifi les hommes qui m'avoient paru les plus déterminés , & ceux fur lefquels je je croyois pouvoir compter davantage. Nous étions huit ; nous marchions à cheval, bien montés, Se armés autant que nous pouvions l'être. J etois à peine éloigné Soigné dune journée de la Capitale , que j etois déjà enfoncé dans les bois ; nulle habitatïo^| nulle marque de culture ne s y préfentoit à ma vue ; la nature s'y peignoir dans tout fon filence , & rudcflc & fon caradere impofant. Quelques Indiens épars, fes épaules couvertes d'une peau de chèvre fauvage, fe refle du corps nu , un arc dans la main, & des flèches fur le dos , en troubloient le filence. Ces Sommes ont les yeux hagards, la contenance mal affurée. Leur état habituel eft celui d'une crainte continuelle ; ils vivent indépendans , & quoiqu'ils ne pofTedent rien , ils paroilTent craindre ; peut-êï*e ont - ils confervé l'idée du joug qu'on a voulu feur impofer, & que d'autres ont fubi. Ils fuient à fctfpça de l'homme ; ils fe fuient entr eux ; ils n'ont aucune fociété ; ils errent feuls ; ils s'arrêtent où fe nuit les furprend ; ils couchent dans les creux des arbres ; il n'y a point entr'eux même de famille. L'invincible force de la nature feule plie leur caractère intraitable , & contraint les hommes à rechercher les femmes que le hafard leur offre, & E vers qui le befoin les entraîne. Ainfi l'amour n'anime point cette contrée malheureufe , fes charmes y font inconnus, & fes plaifirs un joug impofé par la nature. Eft-ce donc là cet état fi vanté, celui pour lequel l'homme étoit né \ O vous qui l'avez dit ! croyez - vous que la main fage qui le forma , prit un foin fi particulier de fa conftitution , raf-fembla dans fon cerveau , arrangea dans fon cœur les reiforts qui doivent produire en lui tant de pen-fées & d'affections différentes, pour qu'il menât la vie des animaux \ Le bois que je traverfois me conduifit à un lac , réfervoir d'une immenfe quantité d'eau ; au milieu de ce lac eft une Ifle, qui fert de refuge à des familles d'Indiens ; elles y vivent de la pèche , & y confer-vent leur liberté, en ne fouffrant pas qu'on aborde vers la terre qui leur fert d'afyle. Le lac eft bordé à l'eft-fud-eft par de hautes montagnes ; le terrein en eft fertile, il porte fur-tout beaucoup d'arbres à fruit : Se c'eftde ces montagnes que font tranfportés ceux qu'on confomme à Manille, Un Peuple doux habite ces montagnes ; il s'occupe à frire des nattes, des toiles , & différens ouvrages avec l'abacca, ef-Pece de bananier qui ne porte point de fruit ,& dont les filamens font très-forts. Ce Peuple a des loix , il févit contre les crimes ; le plus grand à fes yeux eft ladulteie, c'eft le feul qu'ilpuniffe de mort. Quelle différence entre des hommes qui habitent * f» peu de diftance les uns des autres ! De l'autre côté des montagnes qui bordent le kc à l'eft-fud-eft , s'étendent des plaines immenfes ; y fleurir, & y donner du fruit l Ce phénomène mefite la plus grande attention. On araifon, dans ^e fiecle où nous fommes, de ne pas accorder une troP facile croyance à des faits qui ne fe parlent pas °us nos yeux ; & comme je me fouviens du proche qui a lieu pour les faits rapportés par les ^°yageurs , j'ai voulu donner à celui - ci la plus 8rande authenticité ;& la lettre que m'écrivit M. Pro-v°ft 9 CommilTaire $q la Marine, qui a parcouru avec moi l'intérieur de l'Ifle de Luçon, confirme ce 1Ue j ai avancé (*). C*) Vous avez eu raifon , Monficur , de faire part à l'illuftre M- de BufFon des obfervations que vous avez Semblées dans le v°yage que nous avons fait enfemble. Vous defirez que je confirme écrit celle qui nous a fi fortfurpris dans le Village de Bally, tae fur le bord de la Laguna de Manille, à los Bagnos. Je fuis fâche Savoir point ici la note de nos obfervations faites avec le thermomètre d* M. de Réaumur; mais je me rappelle très-bien que l'eau du petit E Il exifte encore dans l'intérieur des terres d'autres Nations chez lefquelles je n'ai point pénétré. En vain les Efpagnols ont-ils tenté de les foumettre ; en vain ont-ils employé la force, la rigueur & les fupplices , pour les fubjuguer & les convertir à la Religion ; ces Peuples révoltés fe font fouflraits au joug, en s'éloignant. Ils ont emporté dans le féjour qu'ils ont choifi, le fouvenir des maux qu'on leur a faits, & de ceux dont ils étoient menacés. Ils nour- ruifleau qui pafle dans le Village pour fe jeter dans le lac, fit monter le mercure à 66 ou 67 degrés, quoiqu'il n'eût été plongé qu'à une lieue de la fource ; les bords de ce ruiffeau font garnis d'un gazon toujours verd. Vous n'aurez certainement pas oublié cet agnus cajîus, que nous avons vu en fleur, dont les racines étoient mouillées de l'eau du ruifïèau, & la tige continuellement enveloppée de la fumée qui en fortoit. Le Pere Francifcain, Curé de la ParoilTe de ce Village, m'a afluré avoir vu des poiflbns dans ce même ruiffeau ; quant à moi, je ne puis le certifier ; mais j'en ai vus dans l'un des bains, dont la chaleur faifoit monter le mercure à 4.8 & ro degrés. Voilà ce que vous pouvez certifier avec aflurance ; c efl un fait connu de tout le monde à Manille. Je vous cmbraffe, & fuis de tout mon cœur votre ferviteur & votre ami, Signé P Rorosr. riffenç au fond de leur afyle, & jurent une haine implacable à des hommes qu'ils regardent comme les opprefleurs de la terre où ils étoient nés ; ils y méditent, & ils y préparent des moyens de fe venger. Ils en fortent fur des bateaux mal conftruits ; ^ais fortifiés par leur courage , animés par la haine , ils ofent approcher jufqu'aux portes de la Capitale. Leur courfe eft une fuite de pillages, de meurtres, de ravages & d'enlevemens. Leurs fiers ennemis, étonnés de la hardiefle de leurs entreprifes, de leur promptitude, de l'excès de leur animofité, effaient envain de les repouifer. L'intelligence européenne eft vaincue par la haine des barbares, fendant le féjour que nous fîmes à Manille , les Espagnols tentèrent une expédition contre la Nation, qui eft leur plus redoutable ennemi : deux fenaux, quatre galères, deux champans & deux grands canots, tous armés en guerre, en partirent pour fe rendre au Port de Mirabelle , fitué à l'entrée de la Baie , que les Maures ou Sauvages, dont je viens de parler, pilloient depuis trois jours. A la vue des Efpagnols, les Maures s'avancent à leur rencontre , leur livrent le combat ; Se foutenus par leur fureur Se le feu de, leur artillerie, dont ils fe fervent toujours avec avantage, ils obligent les Efpagnols à regagner le Port dont ils étoient fortis. En fortant du Village que traverfe le ruiffeau d'eau chaude , dont j'ai parlé plus haut, je dirigeai ma route à l'eu:. Au bout de trois heures de marche , je me trouvai dans une plaine immenfe. Un Village de peu d'étendue étoit la feule habitation que j'y vis. Un ruiffeau d'une eau claire, légère & très - bonne à boire, defeendoit du fommet d'une montagne voifine , traverfoit le Village , fe répan-doit dans la plaine, Se en augmentoit la fertilité. De vaftes prairies étoient émaillées de fleurs, dont les couleurs variées & le parfum charmoient également la vue Se l'odorat. L'imagination peindroit difficilement ce féjour délicieux ; les habitans me témoignèrent de l'amitié , & me firent beaucoup de carelfes. La /implicite de leurs mœurs m'attacha à eux ; je m'arrêtai quelque temps dans ce lieu Fnais de la Sapoile Rccpv. A. Le Fruit -vw par dessous, B . IjC Fruit vwpar a^ant.—J. de délices. J'y confidérai les productions de cette terre fertile ; j'y ramalTai quelques plantes. Il n'en fallut pas davantage pour que les habitans me cruf-fent Médecin. Auffi-tôt, attachés à la vie comme le font tous les hommes, & crédules comme on l'eft par - tout fur les moyens de la conferver , ils me préfentent des malades , & me demandent des recèdes. Je leur en ordonnai peu ; mais je voulus con-noître ceux qu'ils ont coutume d'employer. Le nombre n'en eft pas grand ; leur Pharmacie confifte dans des graines de jambouk medica (*) , de l'huile tirée du même fruit, & du fapotte - negro. Ils broient les graines & le fruit du fapotte , les mêlent avec l'huile, en forment une forte de liniment, dont ils frottent les plaies ou la partie qui eft le fiege de la douleur. Le Japotte negro eft un arbre qui s'élève peu ; fes ^ £iv, C * ) La jambouk medica eft le tacamaka de Tlfle de France ; il eft commun à Madagafcar. Les Madecalles l'appellent le foura, & l'emploient ^ffi dans la plupart de leurs remèdes, feuilles font alternes & en forme ovale allongée; elles huilent échapper de leur ailfelle des fleurs foli-taires, dont le calice eft épais, charnu, & à cinq divifions ; la corolle , aufli charnue , Se de couleur blanche, paroîtêtre d'une feule pièce, découpée par le haut en cinq lobes aigus. J'ai compté dans la fleur quatorze étamines, au milieu defquelles efl: placé iepiftil, qui devient un fruit très-gros, prefque fphérique , couvert d'une peau lifle & verte , accompagné à fa bafe des divifions du calice qui fub-flftent;la fubftance en eftpâteufe, noire, femblable, pour le goût Se la couleur, à la thériaque. Ce fruit eft à quatre loges remplies chacune d'une amande ferme Se peu huileufe.^ Les Indiens le mangent avec délices. Quelques-uns emploient préférablement dans leurs remèdes du lait pur de lapandacakl Les Indiens nomment ainfideux efpeces de plantes qu'ilsnediftinguent que par les dénominations de grande & petite pandacakl \ elles ne fe relfemblent cependant ni par la forme ni par la couleur, Se, n ont d'analogue que l'odeur qui eft plus forte dans la première. Cette efpece paroît avoir beaucoup dégénéré : je ne la crois pas naturelle à llfle de Luçon. On la connoît au Cap de Bonne-Efpérance fous le nom de caquepire fauvage, parce Qu'elle a quelque rapport avec le gardénia florida des Botaniftes, appelle dans ce pays caquepire. Elle en diffère d'ailleurs par fon odeur agréable > ainfi que Par d'autres caractères, qui en font un genre nouveau. Je fai dédiée à M. Bergk, Secrétaire du Confeil au Cap deBonne-Efpérance : je la décrirai fous le nom de &er§kias. Pouvois-je mieux témoigner ma reconnoif-fance à ce Magiftrat obligeant, qu'en lui faifant hommage d'une des plus belles plantes de fon pays. Son goût Pour l'Hiftoire naturelle, les facrifices qu'il fait tous les jours des plus beaux morceaux de fon Cabinet en faveur des étrangers connoiffeurs, & fon zele pour leur procurer ce que la nature a pris plaifir à prodiguer dans cette belle partie du globe, méritent les plus grands éloges & le jufte tribut de ma re-connoiffance. Jxvuï1 ^a ^ergkias * ou grande efpece de pandacaki, efl: un arbufte qui ne s'élève qu'à la hauteur de fix ou fept pieds ; fes feuilles font oppofées, l'extrémité de chaque rameau eft terminée par une feule fleur ; le calice en eft allongé, découpé au fommet en placeurs petits feuillets ; il eft un peu renflé à la bafe , & accompagné de quelques écailles très-petites , qui paroilTent former un fécond calice extérieur. La corolle eft blanche, d'une feule pièce , attachée fur le fruit ; fon tube eft très-long , cylindrique par le bas, légèrement évafépar le haut, & divifé en neuf grands lobes arrondis. Les étamines, placées à l'ouverture du tube , font de même au nombre de neuf ; elles n'ont point de filets ; leurs antennes font allongées, partagées en deux portions fermes, aiguës, & auffi acérées que la pointe d'une aiguille. Le piftil, caché dans le fond du calice, eft furmonté d'un long ftyle, terminé par plufieurs ftigmates. Lorfqu'il commence à mûrir, la corolle tombe avec la partie fu-périeure du calice ; fa partie inférieure fubfifte, & fait corps avec le fruit, qui eft ovoide, charnu, garni dans Las J^ancla -A. la J?/ei/r, apanÊ d être eparunae- fendu & en- ate/ssr dans fon intérieur de cinq placenta, auxquels font attachées une infinité de femences noires, renfermées chacune dans une enveloppe membraneufe, Se parfemées dans une pulpe, qui remplit toute la cavité du fruit. La petite efpece de pandacaki pourroit fe rap- p1.XIX4 procher de Tordre des apocins ; elle s'élève moins que la précédente , & a les feuilles oppofées ; de leur aifTelle partent des bouquets de fleurs blanches. Leur calice eft: très-petit, à cinq divifions ; la corolle eft un tube court, découpé en cinq lobes à fon fommet , & renfermant cinq étamines ; le piftil eft furmonté d'un feul ftyle , terminé par deux ou trois ftigmates. Je n'ai pas vu le fruit. Toute la plante donne , lorfqu'on la bleffe , un lait, que les Indiens appliquent fur leurs plaies. Leur art ne va pas plus loin ; fi les remèdes connus de tous les habitans, ou plutôt , fi la nature ne furmonte pas le mal après quelque temps, on a recours à un homme qui paffe dans le Village pour Médecin -, il en porte le nom , parce qu'il fait tirer G quelques gouttes de fang, non pas à notre manière, en ouvrant une veine du bras ou du pied , mais en faifant quelques fcarifications entre les doigts des mains ou des pieds. Ce n eft que dans les cas extrêmes & défefpérés qu'on a recours à ce remède bizarre. Celui qui eft en poffeflion de le pratiquer dans le Village, me fuivit dans mon herborifation ; il me confulta fouvent fur les propriétés des plantes , & me fit demander par mon Interprête fi quelques-unes de celles que je recueillois pourroient exempter de la faignée. J'acquis peu de lumières fur la Médecine dans la fociété de l'Efculape Indien ; mais il me rendit un autre fervice , & m'aida dans une chalfe , où je tuai des oifeaux très-rares, dont la defcription terminera cet article. Je fuivrai dans cette occafion, &dans toutes celles où je parlerai d'oifeaux, lesprmcipes de M. Briffon,dont l'Ornithologie paflè pour la plus complette & la plus étendue qui ait encore été publiée. CHAPITRE VI. Defcription de quelques nouveaux Oiféaux, obfervés a Fljle de Luçon. JE ne décrirai que les oifeaux qui ne font pas encore été , & ceux que leur forme ou leur plumage rendent les plus intéreffans. Je commencerai par trois efpeces de Tourterelles ; j'en nommerai deux les Tourterelles enfanglantées , & la troifieme la Tourterelle cendrée de Tlfle de Luçon. La Tourterelle blanche enfanglantée efl: à-peu-près de la grofleur de la Tourterelle blanche , qu'on Voit en France dans les volières & chez les Oife-leurs ; tout fon plumage eft d'un blanc éclatant : mais elle a fur la poitrine, au bas du col, des plu-rues rouges, qui forment une large tache, couleur de fang. Il femble que ce bel oifeau ait reçu un coup de poignard, & que fon propre fang ait teint G 2 PL XXi fes plumes autour de l'endroit où il a été frappé ; les pieds & le bec font rouges ; l'iris efl: d'un violet rougeâtre. La Tourterelle grife enfanglantée efl un peu moins grofle que la précédente ; le deifus de la tête ri.xxi. efl: d'un gris tirant fur le blanc; le derrière du coi efl; d'un violet changeant en verdâtre ; le col en devant efl blanc. On voit fur la poitrine une tache rouge, couleur de fang, très-vive dans fon milieu , & moins foncée fur fes bords, qui font lavés ; le ventre efl d'un gris nuancé de rougeâtre; le dos, les grandes plumes des ailes & l'extrémité de la queue font noirs. Il y a fur chaque aile trois bandes tranfverfales grifes, qui la coupent dans toute fa largeur, & deux bandes noires ; la queue efl grisâtre à fon origine ; le bec eft noir; les pieds font d'un violet rougeâtre , & l'iris eft couleur de rouille. La Tourterelle cendrée eft aufîî grofle que la précédente; la tête & le col font d'un gris cendré clair ; cinq ou fix plumes de chaque côté du col font terminées par une bande noire ; la poitrine & le ventre font 73 71 d'un gris vineux; les grandes plumes de l'aîle font pi.xxii. noires; les petites font aufli de cette même couleur, mais terminées par une teinte d'un jaune brunâtre ; les plumes du deffus de la queue font noires, & celles de deflbus blanches ; le bec & l'iris font d'un rouge de carmin , & les pieds d'un rouge vineux. " Après avoir parlé des trois Tourterelles, je décrirai deux efpeces de Cailles. Je nommerai la première la Caille à trois doigts, & la féconde la petite Caille de l'Ifle de Luçon. On m'objectera peut-être que la première n'ayant que trois doigts en avant, & point de doigts dirigés en arrière, n'elt pas une Caille. Mais cette différence doit-elle faire placer dans une clalfe féparée un oifeau qui a d'ailleurs la forme , l'extérieur, tout lenfemble qui ca-ractérife les Cailles. Les caractères ne font au fond que des marques, que des fignes de convention ; ils font purement d'inftitution humaine ; & ce feroit mal juger de la nature , que de croire qu'elle fe foit renfermée dans leur cercle étroit, pi. xxin. La Caille à trois doigts eft d'un tiers à-peu-près moins grofTe que la Caille d'Europe. La tête & le haut du col en arrière & de la gorge en devant, font couverts de plumes noires &de plumes blanches, les plumes noires font cependant en plus grand nombre ; le bas de la gorge & la poitrine font mordorés ; le ventre eft d'un jaune clair Se lavé ; le dos eft gris, tirant fur le noir ; c'eft à-peu-près la couleur du poil des rats communs ; les grandes plumes des ailes font grisâtres ; mais les petites font terminées par une tache jaune , au milieu de laquelle eft un point noir , rond , à demi entouré par un demi-cercle mordoré ; les pieds & le bec font grisâtres. pi. xxiv. La petite Caille de l'Ifle de Luçon n'a pas quatre pouces de l'extrémité du bec à celle de la queue ; fa taille eft moindre que celle d'un moineau-franc, Se fa forme eft beaucoup plus raccourcie; le deffus, le derrière de la tête font noirs ; les côtés font roux , tachetés de noir ; le dos & les ailes font noirs, avec quelques lignes oblongues, grisâtres fur les ailes ; -C la gorge eft blanchâtre , les côtes fo nt teints de r°ux ; la poitrine eft grisâtre, tachetée de noir tranfverfalement ; le ventre eft d'un jaunâtre fale , feiné de bandes noires tranfverfales ; les pieds & le bec font noirâtres. Je ne parlerai que d une efpece de Piegriefche , qui même n eft pas fort remarquable par fon plumage , mais qui mérite d être obfervée par rapport ^ fes mœurs; elle eft décrite dans THiftoire des Oiseaux de M. de Buffonfousle nom de Piegriefche des PLXXVj Philippines. Je la nommerai la Pigriefche Dominicaine des Philippines. Elle eft un peu plus grofle ^un moineau-franc, & beaucoup plus allongée ; k tête , le col , la poitrine , le dos, les ailes , la queue font noirs ; le ventre & le dcfïus du croupion font blancs, le deflbus des ailes eft gris ; elles font très-longues, & débordent la queue d'un pouce au moins ; le bec eft grisâtre, conique & très-f°rt, un peu courbé à fon extrémité;' la bafe en eft entourée de poils roides, dirigés en avant : les jam-bes font noires. Cet oifeau vole avec rapidité, & en fe balançant en l'air , comme les hirondelles. Il eft ennemi du corbeau ; & quoique beaucoup plus petit, il ofe non-feulement fe mefurer avec lui, mais même il le provoque. Le combat eft long, opiniâtre , dure quelquefois une demi-heure, & finit par la retraite du corbeau ; peut-être méprife - t - il cet ennemi trop foible , qui ne fait que le harceler , Se n'échappe à fes coups que par la facilité qu'il a à les efquiver, à s'éloigner Se à revenir en prenant fon avantage. Les Gobe-mouches font en général des oifeauX communs dans les pays chauds ; leurs efpeces y font beaucoup plus multipliées, &plus grandes que dans les pays tempérés & dans les pays froids, où l'on en trouve fort peu. La raifon de cette différence entre les climats , par rapport aux oifeaux dont j£ parle , eft fimple Se très-fenfible. Les Gobe - mouches ne fe nourrifient que d'infectes ; ce font des êtres deftructeurs, que la nature a oppofés dans des climats chauds, Se fur-tout dans ceux qui font en même temps humides, à la trop grande fécondité des infectes. On ne fera donc pas étonné que parmi le nombre fort borné d'oifeaux que j'ai obfervés dans ftfle de Luçcn , j'y aie rencontré cinq nouvelles efpeces de Gobe-mouches. Je nommerai le premier le Gobe - mouche à tête bleuâtre de llfle de Lu-ǰn. Il efl de la groffeur de la linotte commune ; fa tÊte eft d'un bleu foncé, prefque noir ; la gorge , le dos , les couvertures des ailes, la queue dans prefque toute fa longueur, font d'un rouge foncé ; la poitrine , le ventre , le deffous de la queue font d'un brun clair & lavé ; la queue eft fourchue , & fon extrémité eft noire; les pieds & le bec font bruns. La féconde efpece ou le Gobe-mouche à gorge PI. xxyi, jaune de l'Ifle de Luçon , eft un peu plus fort que le précédent. Il a le fommet & les côtés de la tête noirs; le derrière de la tête eft gris, le bas en eft noir. Il y a fur les joues deux raies tranfverfales blanches; la gorge eft jaune, la poitrine rougeâtre; le ventre d'un jaune clair dans fon milieu; les cotes & le deffous de la queue font blancs ; le fommet H du dos eft gris, le milieu marron. Cette dernière couleur s'étend fur les ailes ; elles font traverfées par une raie blanche ; les grandes plumes font noires ; au-deflbus de la raie blanche , font des plumes noires dans leur milieu, entourées d'une teinte brunâtre ; la queue eft noire dans le milieu , & blanchâtre fur les côtés ; le bec 8c les pieds font bruns. La troifieme efpece ou le Gobe - mouche à tête bleue de Tlfle de Luçon, eft plus petit que les deux précédens. Il eft de la taille & de la forme de la Méfange à longue queue d'Europe; il eft effilé comme elle , & a; comme elle, la queue longue ; la tête r la gorge, le haut du col en arrière, font d'un bleu foncé ou bleu de Prufle ; le col, le dos, la poitrine , le ventre, font d'un gris ardoifé ; les grandes plumes des ailes , la queue, font noires; les petites plumes des ailes ou les couvertures font brunes : ce qui forme fur chaque aile une tache qui eft de la moitié de l'étendue de l'aile ; il y a au milieu de la queue deux plumes de moitié plus longues que les autres ; le bec & les pieds font noirâtres , l'iris rougeâtre. La quatrième efpece ou le Gobe-mouche noir , Pl.XXVll. eft un peu plus gros que les précédens ; il eft aufli d'une forme plus courte & plus ramaflee ; on le ^ouve à Madagascar , ainfi qu'aux Philippines ; les MadegalTes le nomment le Teflacourbé ; la tête, la gorge, le col en arrière, le des , les ailes & la queue, font d'un noir changeant en violet ; la poitrine , le ventre & les côtés font d'un gris noirâtre ; il y a fur chaque aile, dans fon milieu, une tache blanche; le bec & les pieds font noirs ; l'iris tire fur le brun. On appelle à Manille la cinquième efpece de Gobe-mouche, la dernière dont il me refte à parler, le petit Goiavier ; il eft un peu moins gros qu'un moineau ; le fommet de la tête eft noir ; il naît de l'angle fûpérieur du bec une ligne blanche P*^cjg tranfverfale , qui pafle au-deflus de l'œil ,& s'étend prefque jufqu'au derrière de la tête; au-deflbus de cette raie blanche, il y en a une autre qui eft H 2 noire, Se qui ne s'étend que de la bafe de la men-dibule inférieure jufqu'à l'œil ; tout le deffus du corps & la queue font d'un brun terne, de la couleur de la terre , que les Peintres appellent terre d'ambre ; les grandes plumes des ailes & la queue font un peu plus foncées, Se lavées de noir ; la gorge , la poitrine, le ventre, les côtés, font d'un blanc fale ; le deflbus de la queue eft d'un jaune clair ; l'iris eft de la même couleur ; les pieds Se le bec font noirs. Cet oifeau habite aux environs des mai-fons, & fe perche fréquemment fur les goyaviers ; il palfe pour en manger le fruit, d'où lui eft venu le nom qu'on lui a donné; mais plus'probablement ifcherche fur ces arbres les infectes que leurs fruits y attirent, Se dont il fait fa pâture. C'eft ce que me font préfumer la forme de fon bec & fa conformité dans toutes fes parties avec les autres efpeces de Gobe-mouches , qui ne vivent que d'infectes. L'oifeau dont je place la defcription après celle des Gobe- mouches, vit comme eux d'infectes ; mais les premiers les pourfuivent fur les arbres, & celui - ci plus communément à terre , dans les prairies, fur les plantes & le long des ruiffeaux ou au bord des rivières & des étangs. C'eft une Berge- pi.xxix. fonette ; elle diffère très - peu de la bergeronette grife d'Europe ; elle efl: de la même grofTeur, & a à - peu - près le même plumage & abfolument les mêmes habitudes ; le deflus de la tête ou la partie qui répond au front, le tour du bec, la gorge & les joues, font blancs; le derrière de la tête, tout le col en arrière , le bas du col en devant, & le haut de la poitrine, font noirs ; le dos efl: gris de cendre, le ventre efl: blanc. Il y a fur chaque aile une large tache blanche longitudinale , qui s'étend depuis le pli de l'aîle, ou l'aîle bâtarde , jufques par-de-là de Eaîle entière ; les grandes plumes font noires, liferées d'un filet blanc tout autour, excepté la plume la plus extérieure , qui efl: toute noire ; la queue eft noire en-deflus, blanchâtre en-deflous ; les deux plumes extérieures de chaque côté font blanches ; le bec & les pieds font noirs, l'iris eft couleur de noifette. Cet oifeau, fi femblable à celui de la même efpece, qu'on trouve en Europe , comme on peut s'en aflurer par la comparaifon de la Bergeronette de llfle de Luçon , avec celle de la Bergeronette grife dont parle M. Briflbn, efl: - il une variété de l'efpece qui habite en Europe ; ou eft-ce la même efpece qui voyage , & qui éprouve quelques changemens dans fon plumage, par l'influence des climats î La Bergeronette ne vit en Eu-rope que pendant l'été ; elle y arrive à la fin du printemps ; elle en difparoît au commencement de l'automne. Les Grimpereaux font de petits oifeaux, dont le bec eft effilé Se courbe ; ils fe nourriiTent d'infectes , Se fur-tout de leurs cryfalides , qu'ils cherchent entre les gerfures Se les inégalités de l'écorce où elles ont coutume d'être en plus grand nombre Pl.XXX. ^ . que par-tout ailleurs. C'eft par cette raifon qu'on voit les Grimpereaux gravir le long du tronc #;des branches des arbres, d'où eft venu à ces oifeaux le nom qu'ils portent ; c'eft auflî parce qu'ils fe nourriffent d'infectes, que leurs efpeces font plus va- fiées, & les individus plus multipliés dans les climats chauds , que dans ceux qui font tempérés ou froids. J obfervai trois efpeces de Grimpereaux à l'Ifle de Luçon. Le premier , marqué A dans la Planche, a le def-fus du corps olivâtre ; la gorge & le haut de la poi-trine d'un bleu d'outre-mer éclatant ; le ventre d'un jaune brillant, & le bec & les pieds font noirs. Le fécond ,B, dans la même Planche , qui peut-être n eft que la femelle du premier, a la même couleur en deffus de fon corps, mais la nuance en eft moins foncée ; la gorge > la poitrine & le ventre font jaunes ; les pieds & le bec noirs. Le troifieme Grimpereau, D, auffi dans la même planche, a les plumes de la tête d'un verd pâle ; fa gorge eft d'un violet luftré , fa poitrine eft d'un rouge qui tient le milieu entre le vermillon & le carmin; le dos eft mordoré; cette couleur eft aufli celle des petites plumes des ailes ; les grandes font boires ; les plumes qui couvrent l'uropigium ou le croupion «Scia queue, font couleur d'acier poli, tirant fur le verdâtre*, les couvertures du deffous de la queue font d'un verd terne. On ne connoît, je crois, qu'une efpece de Martin-pêcheur en Europe. Il n en efl pas de même aux Indes , où les efpeces de ce genre font très-variées; toutes vivent de poiffons , qu'elles attrap-pent en plongeant rapidement de deifus les branches où elles font en embufcade , & où elles at* tendent que quelques poiffons paroiffent à la fur-face de l'eau ; alors le Martin-pêcheur fond préci* pitamment fur fa proie , la faille avec fon bec , fans toucher l'eau avec aucune autre partie de fon corps ; il prend communément le poiiTbn en travers , & l'emporte du même vol dont il l'a faifî, aflèz loin du rivage , fur quelqu'arbre ; alors il le retourne adroitement; il fait le lâcher de façon qu'il retombe dans l'ouverture de fon bec la tête la première , Se le Martin-pêcheur l'avale; de cette façon, les nageoires fe couchent fuivantleur fens, & nefont point d'obf-ftacle;cequiarriveroit, fi le poiffbn étoit faifi de toute autre manière. Si quelquefois un Martin - pêcheur manque manque fon coup , & lailTe tomber un poiflbn de la branche où il eft perché, il eft fi vif dans fes mou-vemens, qu'il a refaifi fa proie avant qu'elle foie fort avancée dans fa chute. Il n'y a peut-être point d'oi-feaux qui aient le vol fi rapide , les mouvemens aufli prompts, le coup d œil aufîi jufte. Cependant la plupart , loin d'avoir d'amples ailes , n'en ont que de fort petites , par proportion à leur grofleur. On peut juger par conséquent de la force des muf-cles qui les meuvent, & qui fuppléent à leur étendue. Le bleu eft la couleur dominante dans l'efpece du Martin-pêcheur ; il y en a très-peu dont le plumage n'en foit pas plus ou moins nué. Je ne crois pas que les trois efpeces fuivantes, dont deux font de llfle de Luçon, Se la troifieme des Philippines en général, aient encore été décrites. La première n'eft pas moins grofle qu'un merle ; le deffus de la tête, & le haut du col en arrière , font bruns. Cette couleur entoure l'œil, Se traverfe le point où il eft fixé ; mais il y a au-deflus, depuis la racine du bec jufqua l'œil, une raie blanchâtre PtXXXL longitudinale ; les petites plumes des ailes en def-fus font de la même couleur que la tête & le haut du col ; les grandes plumes font dans leur milieu bleuâtres & noires , & d'un noir lavé à leur extrémité. Le deflus & le milieu du dos font bruns ; l'uropi-gium & les couvertures de la queue en defïus, font d'un bleu de ciel brillant ; la queue efl en def-fus d un bleu foncé ; les petites plumes des ailes font chamois en deffous ; & les grandes de même en deffous, font cendrées; la gorge, le col en devant, la poitrine, le ventre & les couvertures de la queue en deffous, font blancs ; il y a fur le milieu de chaque plume un trait longitudinal brun. Entre le bas du col en arrière, & le haut du dos, s'étendent des plumes femblables à celles du ventre : ce qui forme en cet endroit un collier; le bec efl très-gros , & les pieds font petits, comme dans tous les Martin-pêcheurs. La féconde efpece, beaucoup plus petite que la précédente, moins groffe d'un tiers environ que le Martin - pêcheur d'Europe, efl un des plus bril- lans oifeaux qu'on puiffe obferver ; la tête entière, le col en arrière , les côtés du col, le dos, le croupion , la queue , font de couleur de lilas foncé ; les ailes font d'un bleu d'indigo , tirant fur le noir, mais un limbe d'un bleu vif & éclatant, qui entoure chaque plume , en relevé 1 éclat ; la gorge , Pi-xxxiî; le col, le ventre & le deffous de la queue, font blancs ; le bec efl: très-long, d'un rouge de carmin, dont la nuance eft foible ; les pieds font rougeâ-tres. Ce qui caraélérife fur - tout cette efpece , c'eft qu'elle n'a que trois doigts à chaque pied, deux en avant & un en arrière. Cependant la forme de toutes les autres parties du corps ne permet pas de faire de cet oifeau une efpece à part: & ce n'eft qu'une preuve de plus de l'infuffifance de tous les fyftêmes, quelque bien combinés qu'ils foient, & quelque généraux qu'on les croie. La troifieme efpece, beaucoup plus grande que la féconde, & un peu moins que la première, a la tête , en deflus , en arrière , fur les côtés, le haut du col en arrière, le deflus du dos en entier , la queue & les ailes, d'un bleu nuancé de verd* La gorge , le col en devant, la poitrine & tout le ventre , ainfi que les couvertures de la queue en deffous • font blancs : la couleur blanche de la gorge Planche * xxxijt. détend en arrière , & forme entre le haut du col & le derrière de la tête, une raie tranfverfale circulaire ou un collier blanc ; les pieds , ainfi que la partie fupérieure du bec, font d'un noir pâle ; la mendibule inférieure efl: jaunâtre à fa bafe. Les Barbues font des oifeaux dont le bec eft très-gros par proportion aux autres parties, convexe, & déprimé fur les côtés ; la partie fupérieure a une échancrure bien marquée vers fon extrémité : des Planche poils roides, dirigés en avant, entourent la bafe du xxxiv. r . bec. Les Barbues ont quatre doigts à chaque pied, deux dirigés en avant, & deux en arrière. Si l'on excepte ce dernier caractère , les Barbues ont beaucoup de rapport avec les Piegriefches, à en juger par leur conformation, façon de voir qui trompe rarement. Les Barbues vivent de la même manière que les Piegriefches, c'eft-à-dire, d'infectes & de petits oi- féaux. On ne trouve point ce genre en Europe ; mais il efl commun aux deux autres parties de l'ancien Continent, dans les climats méridionaux, & au nouveau , dans les parties qui font au midi. La Barbue, dont je vais donner la defcription , habite f Ifle de Luçon. Elle efl un peu plus groffe & fur - tout plus allongée que le Gros-bec d'Europe. Le front eu la Partie antérieure de la tête, eft d'un beau rouge ; Je fommet, le derrière de la tête, la gorge & le col, font noirs ; il y a au - defTus de l'œil une raie demi-circulaire jaune ; cette raie eft continuée par une autre raie toute droite & blanche, qui def-cend jufques vers le bas du col, fur le côté ; au-delTous de la raie jaune, & de la raie blanche qui fe continue, il y a une raie verticale noire, & entre celle-ci & la gorge eft une raie longitudinale blanche qui fe continue & fe confond à fa bafe aVec la poitrine , qui, ainfi que le ventre , les co-tés , les cuiffes & le deffous de la queue , eft blan-cbe ; le milieu du dos eft noir ; mais les plumes de côté entre le col & le dos , font noires, mouchetées chacune d'une tache ou point jaune ; les plumes qui recouvrent l'aîle, font noires; les quatre premières , en comptant du moignon , font frangées à leur extrémité en blanc, & la cinquième en jaune : ce qui forme une raie tranfverfale au haut de l'aîle ; au deffous de cette raie font des plumes noires , mouchetées chacune par un point jaune ; les dernières plumes enfin qui recouvrent les grandes plumes de l'aîle, font noires, terminées par un liferé jaune. Les plus grandes plumes de l'aîle font aufli tout - à - fait noires ; mais les autres ont dans toute leur longueur , du côté où les barbes font moins longues, un liferé jaune ; la queue efl: noire dans fon milieu, teinte en jaune fur les côtés ; le bec & les pieds font noirâtres. Les Pics ont le bec conique, très - fort & très-long; ils ont quatre doigts aux pieds, deux dirigés en avant, & deux dirigés en arrière ; leur langue efl: un mufcle très-long, arrondi, femblable à un ver, terminée par une fubftance dure, cartilagi- / neufe, aiguifée en pointe, foutenue à fa bafe par u« mufcle qui a la forme d'une fpirale, que l'animal refferre & déploie à volonté; ce mufcle par fon a&ion élance la langue hors du bec, & l'en fait Sortir très-avant, ou la retire à fon intérieur. Les Pics fe nourrirent de larves ou de vers d'il* feaes qu'ils piquent en dardant leur langue ; ils fe nourri{Tent aufli de fourmis, de mouches, de mourrons , de pucerons ; l'oifeau darde fa langue au milieu d'une fourmilliere ou d'un grouppe de puce-r°nsou de moucherons ; quand elle eft chargée d'in-fe6*es, que fa vifcofité empâte & englue , il la re-tire fubitement, & avale ainfi fa proie. Le rouge eft une couleur commune à prefque toutes les efpeces de Pics, vers la tête & aux plumes qui f°nt en deflbus de la queue. Les femelles différent fouvent des mâles, en ce Celles n'ont pas, comme ceux-ci , de rouge à la ou en ont moins. C'eft un genre dont les ef-Peces font très-multipliées, plus abondantes à proportion que les pays font plus chauds, & dont il y en a d'exceflîvement difproportionnées parla taille* Je décrirai crois Pics, que j'ai obfervés à llfle de Luçon. p.xxxv. Le premier eft de la taille du Pic vert. Les plumes qui entourent la bafe du bec en - def fus font d'un gris nuancé de verd; le fommet Se le derrière de la tête font d'un rouge vif ; de chaque côté , depuis l'œil jufqu'un peu au - deflus de l'aîle, s'étend une raie blanche; le dos , les couvertures des ailes font noirs : mais les plumes du bas du col & du haut du dos, font bordées de blanc * les couvertures des ailes font piquetées de points de la même couleur ; les grandes plumes des ailes font noires, ainfi que la queue: mais le tuyau deS plumes eft jaune ; il y a aufli des taches jaunâtres * fur les grandes plumes des aîles; les petites , qul font noires, font tranfverfalement rayées de blanc? la gorge , la poitrine & le ventre font blancs, rayes de taches longitudinales noires ; le bec & les pied5 font noirâtres. On pourroit nommer cette premiers efpece le Pic cardinal de l'Ifle de Luçon, > *M Planche La féconde efpece, à qui conviendrait bien le ....... nom de Pic-vert de llfle de Luçon, eft un peu XXXVL moins grande que la précédente. Tout le corps eft entier d'un verd un peu fali ; le deflus de la tête e& un peu taché de gris; les grandes plumes des ailes & la queue font noirâtres ; les couvertures de la queue en-deflus font d'un rouge de carmin très-vif, forme en cet endroit une large plaque; les pieds * le bec font noirâtres. ■^ La troifieme efpece, ou le Pic grivelé de llfle xSvu. de Luçon , eft de la taille du Pic-vert d'Europe. Le deffus, les côtés, le derrière de la tête, le derrière du col, le dos & les aîles, font d'un brun luftré, mêlé de verdâtre. Les plumes du fommet de la tête font plus longues que les autres, & forment u« commencement de huppe ; la gorge, le devant du col, la poitrine & le ventre, font blancs ; mais chaque plume eft entourée d'un cercle noir : ce I"! fait que l'oifeau paraît en-deffous abfolument Nivelé en noir & blanc ; les plumes de la queue f°nt d'un noir brun. Il y a fur chaque plume deux K taches blanches > dont l'enfemble forme une raie tranfverfale ; les couvertures de la queue en - deifus font d'un rouge de carmin; l'iris efl rouge; les pieds & le bec font noirs. Les Perroquets font des oifeaux communs à l'ancien & au nouveau Continent : mais on ne les y trouve que dans les parties chaudes. Il n'y en a point en Europe. L'Afie n'en nourrit que dans les contrées qui font au Midi. La Louifiane paroît être en Amérique le point le plus avancé vers le nord 9 où l'on trouve des Perroquets ; encore cette vafte* terre n'en nourrit - elle qu'une efpece. Ce genre1 d'oifeaux efl: peut - être le plus varié. Une obfer-vation très - digne de remarque , & bien difficile à expliquer, c'eft que tandis qu'on trouve dans le Continent les mêmes efpeces de Perroquets * de grandes diftances , tandis qu'elles s'y étendent très-loin , & y occupent beaucoup d'efpace , chacune des Ifles, où Ton trouve des Perroquets, nourrit une ou plufîeurs efpeces de ce genre , qui lu* font propres, & qu'on ne trouve point dans Ie5 autres Ifles du même Archipel, quelque peu de diftancc qu'il y ait des unes aux autres. Ce n'eft ce-pendant pas que ces oifeaux foient lourds, & n'aient qu'un vol court. On fait que dans le Continent, ils f°nt de longs trajets ; qu'ils volent très-haut, longtemps de fuite , en bandes nombreufes ; qu'ils viennent de fort loin, en certaines faifons, pour chercher des fruits qui leur conviennent. Comment d'ailleurs, quand les Archipels , qui ne peuvent être que des portions du Continent arrachées & féparées par des évolutions, fe font formées, quand les Ifles , dont font compofés,ont été féparées, comment à finf-tar*t de la révolution, ne s'eft-il pas trouvé des indi-vidus de la même efpece, épars dans les portions qui °nt formé différentes Ifles ? Dira-t-on que ces efpeces Wit péri dans les unes, & fe font confervées dans fes autres l Mais de quelle raifon plaufible pourra-appuyer cette aflertion ? S'en prendra-t-on à ^'influence du climat, à la nourriture l Ces deux conditions ne font, & ne peuvent pas être aifez différentes dans des lieux fi yoifins, qui font fous K 2 le même ciel, où Ton trouve les mêmes fruits , pour produire les changemens & les altérations qu'on voudroit leur attribuer. Il faut chercher une autre explication , & je l'abandonne aux difcuf-fionf des Naturaliftes, me bornant à décrire huit efpeces de Perruches, que j'ai obfervées à l'Ide de Luçon. La première efl: plus petite d'un tiers que la Perruche , nommée par les Oifeleurs de France * Moineau du Bréfil. Elle n'a pas la groffeur d'un Serin. Le fommet de fa tête efl bleu ; le derrière eft verd , ainfi que le col ; la gorge , & tout le deffous du corps, eft d'un verd clair, excepté une ta-^ che rouge , ovale j qui eft au bas du col ou au haut de la poitrine. Il y a entre le col en arrière & le dos} une raie tranfverfale jaune ; le dos, les ailes & la queue font d'un verd foncé ; les couvertures de la queue en-deffus font rouges ; les pieds & le bec font gris. _ Î|0É^3 3 • . La féconde efpece un peu plus grofle que la première, eft tpute verte, d'un verd foncé en-deifus 2638 SO 05 A LA NOUVELLE GUINÉE. 77 -----.-, & d un verd clair en-deffous ; les pieds Se le bec font Slls> & l'iris eft d'un jaune très-clair : Tune & l'autre efpece ont la queue courte. La troifieme efpece eft de la taille du Moineau du xxxvnî, Bréfil ; tout je corpS eft ^un verd gai Se agréable, xl.x1x& p!us foncé fur le dos, éclairci fous le ventre, Se ^ancé de jaune. Il y a derrière le col, au bas de la tete> un large collier ; ce collier eft compofé, dans le ^le, de plumes d'un jaune clair , dans la femelle, de Prîmes d'un bleu de ciel ; mais dans l'un & l'autre ^exe, les plumes du collier font variées tranfverfa-fe^ent de noir ; la queue eft courte, de la longueur ^es ailes, Se terminée en pointe; le bec, les pieds, lris> font d'un gris noirâtre. Cette efpece n'a pour e^e que fa forme Se fon coloris ; elle eft d'ailleurs ^ans agrément ,& n'apprend point à parler. ^a quatrième efpece, un peu plus petite que la tr°ifieme, a le col en arrière, le dos, les petites plu-^es desaîles , la queue, d'un verd foncé, le ventre ^Ur* verd clair Se jaunâtre; le fommet de la tète ^u mâle, les plumes qui entourent le bec en-deffus dans la femelle, font d'un rouge très - vif. Il y a dans la femelle une tache jaune au milieu du col , en arrière ; le mâle a la gorge bleue , la femelle fa rouge* L'un & l'autre fexe a les grandes plumes des ailes noires ; celles qui recouvrent la queue en-deffus font rouges ; le bec, les pieds Se l'iris font jaunes. Je donne ces deux Perruches comme mâles & femelles, parce qu'elles me femblent différer très-peu , fe convenir par la taille, par la forme , par les couleurs, parce qu'elles habitent le même climat. Je n'oferois cependant affirmer que ce ne foient pas deux efpeces diftinéles. L'une Se l'autre ont encore de commun de dormir fufpendues aux branches, la tête en bas; d'être friandes du fuc qui coule du régime des cocotiers fraîchement coupés. pi xn ^a c*ncîuieme efpece efl: du double plus grofle que la précédente ; elle a la tête, le col Se le ventre d'un verd clair & jaunâtre. Il y a une bande furies ailes? de cette même couleur : mais chaque plume qu* forme cette bande, efl bordée extérieurement de bleu ; les peciecs plumes des aîles font d'un noir vef" dâtre; les grandes font d'un beau noir velouté ; la queue eftlilas clair. Près de fon extrémité, il y a une bande noire très-étroite ; les pieds font gris ; le bec & f iris font d'un jaune rougeâtre. Les Perruches que je viens de décrire ont toutes ^a queue courte. Les trois efpeces dont il me relie à parler, l'ont au contraire, les deux premières, très-longue , & l'autre de longueur médiocre. PI XLlï La fixieme efpece , ou la Perruche à tête rouge , cft de la grandeur de la Perruche commune ; le deffus de la tête & les côtés font d'un rouge vif, qui fe termine vers le bas de la tête en violet ; la g°rge eft noire ; & cette couleur, fe prolongeant en arrière , forme un collier étroit au haut du col ; tout le deflus du corps & les ailes font d'un verd vif ; le deffous eft d'un verd jaunâtre ; la queue eft longue & verte, mêlée de quelques plumes bleuâtres. Il y a fur l'aîle, un peu au-deflbus du moignon, u*e tache tranfverfale d'un rouge éclatant ; la partie fupérieure du bec eft jaunâtre , l'inférieure eft n°ire ; les pieds font gris, l'iris eft jaune. 8o pi.xliii. La feptieme efpece , ou la Perruche à collier Je Tlfle de Luçon , efl: aufli groffe que celle que je viens de décrire ; elle a la tête, le col & le ventre d'un verd grisâtre. Il y a fur le col une bande d'un lilas clair , qui forme un collier ; l'aîle & le dos font d'un verd de pré. Il y a fur le commencement de l'aîle une tache alfez large d'un rouge foncé ; la queue eft étagée ; les plumes du milieu font les plus longues, & font d'un verd de pré : les autres font d'un verd grisâtre ; le bec & l'iris font rouges, les pieds font d'un gris noirâtre. pi. [xliv. La dernière efpece , ou la huitième, eft du double plus groife que la précédente ; mais elle a la queue moins longue, & étagée, les plumes du mi-lieu étant les plus longues ; les plumes qui entourent le bec font d'un verd vif; le fommet de la tête eft bleu ; le defliis du corps, les grandes plumes des ailes , la queue en-deflus, font d'un verd de pré î tout le deffous du corps eft d'un verd jaunâtre ; 1* queue eft en-deffous d'un verd gris ; les petites plu" mes des ailes, ou celles qui recouvrent les grandes, font ■L as_Perr*iuJi& a, collier do/'[sic c/cJLuco/t, font noires, bordées de brun jaunâtre ; les dernières de ces plumes font également noires : mais le noir e[t entouré de bleu ; & le bleu feu: de brun jaunâtre. Ce mélange forme fur les ailes une large ta-cne très-belle ; le bec eft très - gros , & couleur de chair-vive ; les yeux font très-petits, & l'iris en eft Planche ; les pieds font noirâtres. Les Voyageurs & les Colons ont donné le nom de Chirurgien à un genre d'oifeau, qui fréquente Ies lieux bas & humides , le bord de la mer, des fecs & des rivières. Il a le bec droit, renflé vers f°n extrémité ; les jambes dégarnies de plumes juf-ques bien au-deffus du genou ; les doigts grêles & très-longs ; les ongles menus, d'une longueur ex-ceffive. Ses aîles font armées d'une épine ou protubérance , de fubftance cornée , qu'on a apparemment comparée à une lancette, à caufe de l'effet qu'on fuppofe qu'elle produit dans les combats que Uvre cet oifeau ; d'où eft venu le nom qu'on a donné à ce genre, Il ne fe trouve point en Europe, mais L dans les climats chauds de l'ancien & du nouveau monde. Pi-XLv. Le Chirurgien que je décris , ou celui de l'lfle de Luçon, eft un peu moins gros que le Vaneau commun d'Europe. Le deflus de fa tête eft d'un brun foncé. Il y a au-deflus de fœil une raie longitudinale blanche, qui finit à l'œil*, cette raîe fe continue enfuite , & defcend le long du col jufqu'à l'aîle : mais au lieu de continuer à être blanche depuis l'œil jufqu'à l'aîle, elle eft jaune , couleur de citron ; à l'angle des deux mâchoires, prend naiflance une autre raie longitudinale brune, qui 9 étant coupée par l'œil, fe prolonge le long de la première jufqu'un peu au-deffus de l'aîle; tout Ie dos eft d'un brun clair ; la gorge & le ventre font blancs : mais il y a fur le haut de la poitrine une large tache brune ; les petites plumes qui recouvrent les aîles, font blanches ; les plumes qui fui" vent , ou les moyennes, font d'un brun clair , ondées par des raies tranfverfules noires ; les moins r longues des grandes plumes des ailes, font tyam Cnes; les plus longues enfin font noires. Mais ce ^i caraaérife fur-tout cet oifeau , ce font trois aPpendices , qui naiflent des trois dernières grandes plumes de chaque aile ; ces appendices font Un filet cartilagineux, qui d'abord eft étroit, & qui fe termine enfuite en une petite plume figurée en fer de lance allongé. Ces appendices font noirs ; ils ont environ deux pouces de long, Se prennent leur origine au milieu de chaque plume où ils font ^tachés, n'étant qu'un prolongement ou une branle féparée du tuyau de la plume ; le bec eft grisâtre, ®É les pieds d'un noir lavé. On trouve dans les lieux bas Se humides de llfle de Luçon , fur-tout dans les endroits engrailTés par les troupeaux qui y paiffent, & y laifient des excré-mens, qui fervent de pâture aux vers & à un grand Nombre d'infettes, un Pluvier, peu différent de celui que M. Briflbn a nommé le petit Pluvier à collier. Ce dernier fe trouve en Europe ; il eft le La même , à bien peu de chofe près, en Sibérie , à la Louifiane , à Cayenne 9 prefque dans tous les climats. Celui que j'ai à décrire diffère peu de ceux dont j'ai fait mention. Ne feroit-ce qu'une efpece , mais peut-être la plus étendue de toutes, altérée légèrement Se foiblement changée par l'influence des climats ? Le petit Pluvier de llfle de Luçon a la groffeur & la forme de celui d'Europe. Le fommet de fon front porte une tache blanche; le refle de la tête en-deffus jufques par-delà l'œil * Se les côtés , font noirs ; le noir en- deflus eft terminé paf une raie tranfverfale brune , qui s'étend d'un œil à l'autre , en partant fur la tête ; le bas de la tête eft " brun , couleur de terre d'ombre , & cette couleur eft celle du dos Se des aîles ; la queue eft noire > terminée de blanc ; la gorge, le col en-devant, & le ventre, font blancs: mais il y a au bas du col une bande noire, qui s'étend en arrière , qui em~ braffe tout le col, Se forme un vrai collier ; Ie blanc de la gorge s'étend en arrière entre le brun de la tête Se le noir du collier ; il forme en cet en- droit un demi - cercle blanc , & étroit ; le bec Se *es pieds font noirâtres ; l'iris eft jaune. Je n'ai obfervé à l'Ifle de Luçon que deux ef- • 11 J ALVII» pecesde Courlis. Le premier eft de la taille du L,our-lieu d'Europe , ou à-peu-près le double d une Bé-CafTe; tout fon plumage eft d'un brun roux ; fes Veux font entourés d'une peau nue, verdâtre ; c'eft auffi la couleur de fon bec ; fes pieds font rouges, de couleur de laque, & l'iris eft d'un rouge vif. Le fécond , ou le Courlis tacheté de l'Ifle de Lu- Phw&e ǰn, eft du tiers moins gros que le précédent ; il a le deifus de la tète noir ; la tête , le col, la poi-lruie, font blancs, avec des bandes noires longitudinales très-étroites ; le ventre eft aufli coupé par des bandes tranfverfales & demi - circulaires, qui font noires ; les petites plumes des ailes & le dos, f°nt couleur de terre d'ombre, & ont fur leur bord deux, quatre ou fix taches blanches ; les grandes Plumes des ailes font entièrement noires ; la queue eft d'un gris vineux, coupé par des lignes tranfverfales , qui font noires. Il ne me refte plus à parler dans ce Chapitre que de fept oifeaux : ils fe trouvent dans toutes les Philippines. On y nomme le premier, le Paon fau-vage ; le fécond , le Secrétaire ; le troifiéme & Ie quatrième font deux Spatules ; le cinquième Se 1e fixieme, deux Pélicans ; & le feptieme , une Sarcelle. fi. xlix. Le Paon ^auvaëe a tr0's Piec^ de l'extrémité du bec à celle de la queue ; il n'a que trois doigts à chaque pied, tous trois dirigés en avant, Se réunis jufqu'à la première articulation par une membrane? fes jambes font dégarnies de plumes jufques affeZ haut au-deffus du genou ; fon bec eft long , très-» pointu, droit, Se un peu renflé vers fon extrémité. Les caractères que je viens de détailler,, indiquent alfez que le nom qu'on a donné à cet oi" feau , ne fauroic lui avoir été impofé en confidé-ration de ceux qui font propres au Paon ; qu'il eft d'un genre très-différent ; que celui dont il fe rapproche le plus, eft celui du Pluvier : peut-être le nom qu'il porte eft-il dû à quelqu'attitude, quelque 4857 pofition qui lui ëft ordinaire, femblables à celles °lu affecte le Paon : c'eft ce que j'ignore. Quant aux couleurs, la tête , le col, la poitrine, font cou-Verts de plumes d'un gris clair , coupées par des faies tranfverfales , demi-circulaires , qui font noi-res* H y a fur la tête une longue aigrette, que l'oifeau porte couchée en arrière , horizontale & pa-raUele au plan du corps. Cette aigrette eft terminée en pointe. Les plumes fupérieures en font toutes boires , & les inférieures grifes, traverfées de bandes boires ; le dos , les ailes & la queue font de couleur brune ; les plumes qui recouvrent l'aîle à fon pli > ou l'aîle bâtarde, font blanches, terminées Par un cercle gris ; le ventre eft blanc ; le bec eft a un noir lavé. Cet oifeau fe trouve aufli au Cap de °°nne - Efperance. Il porte , dans cet endroit, le Sertie nom que je lui ai donné dans ma defcription. Le Secrétaire ne fe trouve pas feulement aux Philippines , il habite encore l'Afrique. On le conçoit au Çap de Bonne - Efperance, C'eft un oifeau Pi, L. r 88 V O Y A G E de la taille du Coq-d'Inde ; il a le bec des Gallinacés; il en a les pieds: mais les jambes font dégar-nies de plumes jufqu au-deffus du genou. Cet oifeau a cela de particulier , qu'il eft exceflivement haut monté. Cependant fa cuilfe n eft pas très-longue ; mais fos de fa jambe femble avoir une longueur démefurée. Le deffus du corps, le col, le ventre, les petites plumes des ailes, font d'un gris bleuâtre, plus clair en - deffous qu'en-deffus 5 les grandes plumes des ailes, & celles qui revêtif fent le bas de la cuiffe, font noires ; la queue déborde peu les ailes ; mais de chaque côté de % queue naiffent deux plumes étroites, cendrées, au# longues que le corps entier de l'animal. Du fo&' met de la tête, en arrière, jufqu'au bas du col9 naiffent de diftance en diftance, à intervalles inégaux, deux plumes parallèles, qui deviennent pluS longues, à mefure qu'elles prennent leur origi*15 plus bas. Ces plumes font noires, leur tige eft ferme , aplatie, élaftique, courbée dans fon t$ lieu du côté du corps ; les barbes en font étroites* égale* %fles des deux côtés & frifées. Ces plumes forment toutes enfemble une huppe, qui s'élève & fe baiffe à la volonté de l'animal. Quant à fes mœurs, il eft fociable, & vit en domefticité ; il donne la chafTe aux rats, & pourroit, fous ce point de vue , deve-nir utile dans nos Colonies, où probablement il ne *eroic pas difficile de le multiplier. Il fe nourrie de chair , & doit par conféquent être mis au rang des °ifeaux de proie, parmi lefquels il forme un genre tout-à-fait ifolé. Son œil eft entouré d'une peau nue d'un rouge foncé, & recouvert par des poils, qui forment un véritable fourcil; l'iris eft grife, ainfi ^ue le bec & les pieds. Je nommerai les deux Spatules, l'une la Spatule blanche de l'Ifle de Luçon , Se l'autre la Spatule huppée. Elles font toutes deux aufli groifes que les Spatules rofes de Cayenne. La première eft prefque toute blanche ; les deux pi.li plus grandes plumes de l'aîle feulement font en partie blanches, & en partie noires; le bec eft d'un M brun rougeâtre ; les pieds font d'un jaune tirant fur le rouge. Pi. lu. La féconde Spatule eft entièrement blanche ; elle a fur la tète une huppe qu'elle peut lever à volonté ; les plumes en font très-longues, & les barbes féparées les unes des autres ; le bec eft d'un gris roux , mais les bords en font rouges ; les pieds font d'un rouge clair & terne. Les Pélicans font des oifeaux pêcheurs ; ils font leur nid à terre ; quoiqu'ils paroiffent extrêmement pefans au vol, ils s'élèvent très-haut. Leur chair eft dure 8c huileufe. Ils ont au col une poche ou membrane épaiife, charnue, fouple, & qui s'étend comme un cuir , dont l'orifice eft attaché au vuide que les deux parties de la mâchoire inférieure laiffent entr'elles. Cette poche tombe fur l'eftomac de l'oifeau , où elle eft aufîî attachée , ainfi que le long du col. Lorfque l'oifeau va â la pêche, il engloutit go u-lument la proie qu'il rencontre , la conferve quelque temps dans la poche qu'il porte fous le col, & 15 -M y Sonrir/'iif f'i/Li Le Pe'/tcan hrtai de ZTsle Je JLuçon , -an rose d& LXsle de Lztçon , Navale enfuite à loifir. Les Pélicans ont quatre doigts à chaque pied unis enfemble par une membrane qui s'étend jufqu' au bout des doigts. Les deux Pélicans que j'ai à décrire , font gros comme nos plus grofles Oies domefliques ; ils ne quittent jamais les pêcheries que les Indiens établif-fent fur le bord du grand Lac de Manille. Le premier Pélican ou le Pélican brun de rifle pi. mu de Luçon, eft entièrement brun ; le tour des yeux e& dénué de plumes, & de couleur jaune. La poche de cette même couleur ; le bec & les pieds font Uoirs. Le fécond ne diffère du premier que par les cou- PI- LIV< leurs; il a de même le tour des yeux dénué de plu-' ^es, & de couleur jaune , ainfi que la poche , mais f°n plumage eft en entier d'un rofe vif. Le bec & les pieds font noirs: peut-être eft-ce la même efpece ^e la première, &que l'oifeau change de couleur en vieilliffant. La Sarcelle de l'Ifle de Luçon eft plus petite que la petite Sarcelle d'Europe. Le deffus & les côtés de la tête, ainfi que la gorge , font blancs ; le col, la poitrine & les premières ou les petites couvertures des ailes, font dun brun rougeâtre; les grandes plumes des ailes & la queue font d un noir ardoifé : Ie dos eft couvert de plumes jaunes, terminées par un cercle noir; les plumes du ventre font blanches, encadrées d'un cercle noir ; les pieds & le bec fon* noirâtres. CHAPITRE VII. continuation du Voyage dans l'intérieur des Terres ; defcription de quelques fruits inconnus , qui Je trouvent à llfle de Luçon. T * E quittai, au bout de quatre jours, les lieux où J aVois tué les oifeaux dont je viens de donner les ^elcriptions. Je continuai ma route du côté de f eft. ^e n'étois pas éloigné des bords de la mer, quand Un de mes gens me donna l'alarme. Nous allons, ^ dit-il, être attaqués par les Maures. Je me retourne à fa voix , Se j'apperçois quarante à cinquante Brigands, qui defeendoient en hâte d'une hauteur: ils paroiffoient venir à nous. Nous n'étions Sue huit. L'inégalité de nombre me détermina fur k champ. Je cherchai notre falut dans la retraite. ^°us prefsâmes nos chevaux. J'apperçus un Village, après une heure de marche , je redoublai d'efforts pour y encrer , efpérant y rencontrer du fecours ; mais j'en trouvai toutes les cafés fermées, & le$ échelles qui fervent à y monter, enlevées (*). Une cafe , qui me parut plus propre que les autres, attira mon attention. Je la crus la demeure de l'Alcade ou du Chef du canton. J'y courus ; Ie maître avoit fuivi l'exemple des autres habitans > & tous enfemble s'étoient retirés dans les bois > ayant apperçu les Maures qui defcendoient 1* montagne. Je pris aufli-tôt le parti d'enfoncer la porte 9 & ne trouvai dans la cafe qu'une femme très-âgée y qui n'avoit pas fui , parce qu'elle penfoit bien que les Maures la regarderoient comme une mauvais prife. Elle me parla beaucoup , mais je n'en puS (*) Dans les Philippines, les Moluques ou que notre contenance changeât celle °u ils avoient peut - être été d'abord, ils ne paru-îent point à l'endroit où nous étions retirés. Je les Vls entrer dans les différentes cafés , qui composent le Village , en fortir chargés de butin , & ainans après eux trois ou quatre femmes, & quel-enfans. Les cris, l'état de défefpoir des malheureux jju As cnlevoient, me pénétrèrent d'horreur. Ou-lant le nombre auquel j'aurois eu affaire ? & le peu de gens que j'aurois eu à oppofer, je pro-pofai à ma troupe de nous jeter hors de la cafe , d'attaquer les Maures, & de leur ravir leur proie. Je m'avançai ; mais n'étant fécondé que par des gens dont la contenance timide me fit connoître que je ne devois compter que fur moi, qu'aurons-je pu faire ? Je m'arrêtai, également indigné de la férocité des Maures, & de la lâcheté d'un Peuple à qui la vue de ces Brigands n avoit infpiré d'autre fentiment que celui de la crainte. Les Maures, chargés des dépouilles qu'ils aVoienC enlevées, & las d'en ravir , ou n'en trouvant plaS dont ils pufferit fe charger, s'éloignèrent enfin, # prirent leur route du coté de la mer. Je fortis aprè5 eux du malheureux Village qu'ils avoient pillé , * je me rendis à celui de Sai.nte-Rofe , à quatre lieue5 de Calamba. J'y trouvai un homme intelligent utile à fes concitoyens ; c'étoit le Pafteur du lieU# Il me reçut avec honnêteté, me fit remarquer deu* machines en ufage dans le pays. L'une qu'on pelle chapelet, fert .à faire monter l'eau dans les charflp5 87 GO °ù l'on cultive le riz, & l'autre fert à la pêche. La Première efl connue, & l'on en peut voir la def-Cription dans les Récréations Mathématiques. La feconde mérite d'être décrite. Le deflîn que j'ajoute a la defcription , en peut donner une idée jufte. A eft un Radeau de Bambouc , fur lequel le pllvi. ^cheur a toujours foin de conftruirè une petite cafe pour fe mettre à l'abri du mauvais temps. B eft Un treuil ou barre mouvante , tenu dans les deux hampes C ; les deux leviers D font liés à leur bafe fur le milieu du treuil, & forment un angle ob-tus 5 les deux leviers fe foutiennent par un cor-dage, qui traverfe de l'un à l'autre , lié d'un côté au point de feétion des fourches, qui apportent un file* beaucoup plus grand que les nôtres , & de l>a«re un contre-poids Q. On comprend aifémenc 1ue le contre-poids, égalant à peu-près la pefanteur du filet plein d'eau , le Pêcheur n'a que peu d'efforts a faire pour obliger fon filet de s'élever fur la furface de l'eau. Sainte-Rofe fut le dernier Village que je vifitai; N & les objets dont j'ai traité font les feuls que j'eus le temps d'obferver par moi-même à l'Ifle de Lu-çon. Mais j'appris de ceux avec qui je converfai y que cette Ifle eft fujette à de fréquens tremblement de terre; qu'il y a plufieurs volcans dans Tlfle, 0Ll plus vraifemblablement plufieurs bouches d'un même volcan. Que la partie policée des habitans, f°u-mife aux Efpagnols , eft fous la direction d'un Gouverneur général, d'un .Archevêque.& trois Evêques. Il y a dans toute llfle vingt Couvens , quinze d'hommes, & cinq de filles. On compte à Man ille feule environ douze mille Chrétiens. Tout le pays en général étoit autrefois beaucoup plus peuplé* lorfqu'il étoit fréquenté parles Chinois; plufieurs s'y étoient établis , d'autres y faifoient le commerce* Mais M. Auda , Gouverneur général, les bannit* par l'effet d'une mauvaife politique , & les chafla abfolument de toute Tlfle. Le commerce & leS arts, qu'ils faifoient fleurir , déchurent , tombèrent , & ne fe font pas relevés depuis. La mifere# Le Rim le Rima , 0u fruit à pain, le Cacao, la Sapbaille, leMangouftan, $ le petit Citron doux. Le Rima , plus connu fous le nom de fruit à £j*f* Pain, eft un arbre très-élevé , & d'une belle forme, lix&lx. S[ui fe ramifie beaucoup. Ses feuilles naiffent aux extrémités des branches ; elles font alternes, très-grandes , longues de deux pieds fur un & demi de krgeur > & finuées allez profondément fur les bords Wraux. Cet arbre porte des fleurs mâles & des fleurs femelles fur le même pied. Les fleurs mâles N 2 font compofées d'un nombre infini d'étamines, dif-pofées en chatons, & portées fur uncorps fpo gieux affez allongé. Je n'ai pas vu la fleur femelle , qui étoit défi tombée ; le piftil qu'elle renferme devient un fruit très - gros & fphérique , d'un pied de diamètre , dont la peau raboteufe & inégale paroît compofée d'écaillés régulières à cinq, fix ou huit pans. Ce fruit renferme une grande quantité d'amandes aflez grofTes, attachées à un placenta charnu Se très-con-fidérable, qui occupe1 le centre; les amandes , recouvertes chacune par plufieurs membranes, fonC farineufes comme la châtaigne. Ce fruit feroit d'un grand fecours dans nos Colonies ; on le coupe par tranches, Se après l'avoir fait fécher, on le mange comme du pain : il en a un peu le goût, Se fe conferve , étant féché, plus de deux ans fans M gâter. J'en ai rapporté quelques plans à l'Ifle de France. Il y a lieu d'efpérer qu'ils y réufliront, par les foins qu'a pris M. Poivre pour les accoutumer au cli* mat , moins chaud que celui des pays où croît naturellement l'arbre à pain. L'Amiral Anfon , dans fon Voyage autour du Monde, au dépourvu de vivres , trouva heureufement ce fruit dans une Ifle déferte; il en ramafTa en quantité , Se il déclare qu'il lui fut d'une grande refTource. Le Cacao eu1 un arbufte qui porte des feuilles al- ^ PI. lx ternes , ovales , feches, marquées de nervures très- & lxu. aillantes, & portées fur des pédicules d'un pouce & demi de longueur; les fleurs font petites, Se naiffent par paquet le long des branches; leur calice' efl: à cinq divifions ; les pétales de couleur blanche, ati nombre de cinq, font concaves à leur bafe, Se repliées dans leur milieu. Lesétamines, en même nombre , ont leurs filets recourbés en dehors , Se leurs antennes cachées dans la cavité des pétales : ces filets, en fe réunifiant par le bas, forment une gaine, qui Produit par fon prolongement cinq languettes longues , étroites , aiguës Se relevées. Le piftil, qui occupe le centre , efl: furmonté d'un flyle , terminé Par un ftigmate ; il devient un fruit allez gros, ovoïde, divifépar côtes, garni à fa bafe de cinq languettes, & couvert de tubercules inégaux, d'un beau rouge de fang dans une efpece, & d'un jaune pâle dans l'autre ; c'eft une coque ferme, & prefque ligneufe, remplie intérieurement d'une pulpe blanche , dans laquelle font éparfes beaucoup de femences. L'ufage de ces femences eft connu : on en fait le chocolat. La manière de le préparer, & les avantages de cette boiffon, font confignés dans une Differtation fa-vante de M. Linnœus ,que l'on peut confulter, ainfi qu'un Poème latin fur l'Hygiène, par M. Geoffroy* Médecin de la Faculté de Paris. Le petit Citron doux a beaucoup de rapport avec le Limonia Trïfoliata , décrit par M. Linnœus. C'eft un arbriifeau touffu, qui s'élève peu ; fes feuille* font alternes, & portées trois à trois fur un même pédicule , garni à fa bafe d'une épine très - forte ; elles font ovales, pointillées en-deffous ; l'intermédiaire eft ordinairement plus allongée & échancrée à. fon fommet. Les fleurs naiffent folitaires aux aif-felles des feuilles ; leur calice eft petit, à trois divifions ; la corolle eft à trois pétales, rapproché* A LA NOUVELLE GUINÉE. 103 par le bas. Je n'ai compté que fix étamines, au mi- 11 3 pj. lxiii. l*eu defquelles eft le piftil, furmonté d'un ftyle > terminé par un ftigmate; il devient une petite baie d'un beau rouge ; cette baie n'a qu'une loge , remplie par deux femences : la pulpe , qui eft légèrement acide, eft très-agréable au goût. Le petit Citron diffère peu de l'Orangine des Chinois. CHAPITRE VIII. Départ de Cavité ; Navigation jufqua Antigue f Defcription de quelques Oifeaux obfervés à Antigue. ]N[oUS fortîmes le 29 Décembre de la baie de Manille ; nous côcoyâmes les Ifles Mindoro & Pa-nay. La dernière nous parut remplie de Villages : les habitans font Chrétiens , & reconnoiffent l'autorité des Efpagnols. Il y a dans chaque Village un Alcade & un Padre ou Curé. Les principaux Eta-bliffemens des Efpagnols, dans cette Ifle, font dans la Province d'Yloifo & Antigue. Il n'y a de bon mouillage fur la côte de llfle Panay que dans ce dernier endroit. Nous apperçûmes, le 7 Janvier, à la pointe du jour , un grand champan , qui pafla fort près de nous : nous le jugeâmes un corfaire, monté par des Maures. Maures. Nous eûmes en conféquence attention de lui donner la chafle ; mais ayant rallié la terre, il y trouva une petite fraîcheur, à la faveur de laquelle 11 nous échappa. Quelques heures après, nous fûmes abordés par un Soldat Efpagnol de la garnifon d'Antigue : il étoit envoyé par l'Alcade , qui avoit été prévenu par des lettres du Gouverneur de Manille de notre route dans ces parages. Ce Soldat nous félicita de la part de fon Commandant fur notre arrivée , & nous fit beaucoup d'offres de fervice ; il nous confirma dans notre opinion à l'égard du cham-Pan que nous avions vu ; il nous apprit qu'il étoit monté par quatre-vingt Maures, armés de flèches , ayant à bord des pierriers & quelques petits canons; qu'ils avoient enlevé plufieurs petits bateaux de pécheurs ; qu'ils croifoient depuis quinze jours devant *a rade; Se que lorfque le champan paroiiioit à la pointe du nord , il jetoit l'alarme dans Antigue , ks Chrétiens ne fe fentant pas en état de réfifter à une defeente, fi les Maures l'entreprenoient. Le même jour, nous mouillâmes à Antigue par i O io6 V O Y A G E_____ vingt-cinq braiTes , fond de vafe. Les habitans de cette Ifle ont de i'induftrie; ils fabriquent, avec les fibres d'une plante que fournit leur pays, des mouchoirs & des toiles ; les plus grofles leur fervent de vêtement : ils trafiquent des autres avec les habitans des Ifles voifines. Antigue reiîèmble d'ailleurs à toutes les Ifles Philippines. La nature féconde y prodi-gue fes dons ; l'homme n'en fait pas profiter : Ie Gouvernement ne fait aucun effort pour fe mettre a l'abri du ravage & de la cupidité des Maures. Le Gouverneur de Manille donne tous les deux ans des Patentes d'Alcade ou de Gouverneur à un habitant d'Antigue , qui fe trouve auflî-tôt revêtu de la plus grande autorité ; il l'emploie communément à s'enrichir & à f e dédommager des frais que lui ont coûté fes Patentes. Celui qui étoit en place lors de notre arrivée, défendit tout commerce avec nous ; fon intention étoit de nous fournir lui-même les chofes dont nous pourrions avoir befoin. Mais le Pafteur , homme équitable , zélé pour le bien de fon Troupeau, traverfa fes vues , & le força de laiiTcr partager aux habitans le gain qu'il fe promet-toit à lui feul. L'Alcade fe voyant fruftré d'un bien qu'il croyoit s'attribuer, fe déclara publiquement f ennemi irréconciliable du Pafteur. Cetoit unMoine, Auguftin , qui nous combla d'honnêteté ; il fait ce qui eft en lui pour rendre les Alcades d'Antigue honnêtes gens , & pour les convertir ; mais il a toujours trouvé plus d'obftacles à en faire des profélytes, qu'à gagner les Maures mêmes. Antigue eft par la latitude de 10 degrés 42 min, M. Salaberia en a donné la pofition dans fa Carte, en 1768, d'une manière très-jufte. Le mouillage eft: par dix braflfes, à une bonne diftance de terre; les Vaiffeaux ne peuvent y mouiller en Novembre , Décembre & Janvier , fans courir de grands rifques. Il regne alors des vents de fud-oueft & d'oueft, qui battent en côte, & rendent la mer très-groffe. On fe pourvoit d'eau pour les bâtimens à un petit ruiffeau fitué au nord. Il y a une rivière en face du fort, plus considérable, & dans laquelle les bateaux entrent très-avant ; mais l'eau en eft faumâtre, O2 même pendant les plus bafTes marées. Quant à la terre, elle fournit beaucoup de gibier, mais peU de fruit : les cocos & des bananes de très-mauvaife qualité, font les feuls que les habitans aient cherché à fe procurer. La pêche efl: abondante fur les côtes ; les buffles , les bœufs, les chevaux font fi communs, qu'on n'en prend aucun foin, foit pour les garder , foit pour aider à leur multiplication ! les chevaux errent où ils veulent, ils appartiennent à tout le monde, fans avoir de maître particulier; quand on en a befoin , on met la main fur le premier qu'on rencontre, & on le laifle aller, quand on en a tiré le fervice qu'on en attendoit. L'air de toute llfle efl: mal fain , parce qu'elle efl: inculte, & couverte de marais. Elle pourroit fournir de l'or, des perles & de la cire. Il y a un grand nombre de cerfs, de fangliers , de Cochons marrons , de Plu-* yiers, de Perruches, de Becaflines, & d'autres oifeaux rares & curieux , tels que des Kakatoès , des Calaos, &c, dont la defcription terminera ce Chapitre. Les Pigeons font en général des oifeaux qui appartiennent à l'ancien & au nouveau Continent ; ils Vivent dans les climats les plus chauds , dans ceux qui font tempérés, & ils s'étendent fort avant vers le Nord. On trouve , dans l'ancien Continent, des Ramiers en Sybérie ; & dans le nouveau, plufieurs efpeces de Pigeons dans le Canada. Les climats chauds femblent mieux convenir à leur efpece ; elle y eft plus nombreufe & plus variée ; quoique ces oifeaux ne pondent que deux œufs à la fois , quoiqu'ils foient expofés à la voracité des oifeaux de proie , auxquels Us fervent de pâture la plus ordinaire, les individus dans chaque efpece font cependant très-multipliés , & fouvent leur nombre eft prodigieux : ce qui vient ^ns doute de ce que ces oifeaux font plufieurs pontes par an, de ce que leur conftitution eft robufte, qu'ils peuvent s'habituer par-tout, y trouver un climat & une nourriture convenables à leur multiplication. C'eft cette force de leur conftitution , & l'ardeur de leur tempérament, qui fait que les Pigeons font de tous les oifeaux, après la Poule & quelques autres Gallinacés, les oifeaux qu'il eft le plus aifé de tranfporter , d'habituer à un nouveau climat, Se d'y faire multiplier. Ils ont généralement une forme élégante, un plumage bien nué, & les moeurs douces Se fociables ; ils font d'une grande utilité pour la nourriture de l'homme Se celle d'un grand nombre d'animaux, & dans l'entretien général 9 d$ rendent beaucoup plus qu'ils ne coûtent. La couleur dominante de leur plumage, dans les pays froids Se ceux qui font tempérés , efl: le brun ou le gris* Se dans les pays chauds, le verd ou le violet. Ceu* dont j'ai à rendre compte font de ces deux dernières couleurs. J'appellerai la première efpece le Pigeon verd des Ifles de Luçon Se d'Antigue ; la féconde/ le Pigeon verd à tête grife d'Antigue ou de ïl^G Panay ; & la troifieme, le Pigeon violet à tête rougc d'Antigue. Le Pigeon verd des Ifles de Luçon & d'Antigua efl: à-peu-près de la taille du Ramier d'Europe. plumage de fa tête efl: d'un gris de charbon pâlei le col efl: d'un lilas clair. Il y a fur la poitrine une 4 large tache couleur d'orpin ; les plumes de recou- Pi-LXiv. Vrement & les petites plumes des ailes font verd de pomme, bordées en dehors par une raie longitudinale jaune ; les grandes plumes des ailes & la queue font noires ; les recouvremens de la queue en-deifous font d'un brun rouge clair; le ventre efl d'un verd jaunâtre ; le bec eft fort court, & grisâtre ; les pieds font de couleur de laque obfcure. Il y a deux cercles à l'iris, dont le plus grand ou l'extérieur eft rouge , & le plus petit eft d'un bleu d'azur. L'individu que je viens de décrire eft le mâle ; Pl LXV" la femelle a la tête , le col & le deflus du corps couleur de verd - de - gris ; la poitrine & le ventre font d'un verd jaunâtre ; les ailes font noires : mais Ces petites plumes ont des reflets rougeâcres , & les grandes, ou celles qu'on nomme en latin rémiges, & celles des petites qui en font le plus près , font bordées extérieurement de jaune -, la queue eft n°ire , le bec eft plus long que dans le mâle. Sa couleur, ainfi que celle des pieds, eft cendrée ; l'iris eft couleur de verd pomme clair. lies - lxvi. Le Pigeon verd à tête grife d'Antigue , eft la groiTeur du Bifet d'Europe ; la partie fupérieur0 de fa tête eft d'un gris blanc ; le derrière de la tête* les côtés & le col font d'un brun rougeâtre, & r tentdes reflets comme le cuivre rofette ; lapoitrme> le ventre & les côtés font d'un gris obfcur ; les p tites plumes des ailes font d'un verd brillant : e ont le poli & le reflet métalliques ; elles font chat1 géantes, & leur couleur varie fuivant lesafpe$s' les grandes plumes des ailes & la queue font noireS> vers le pli de l'aîle en-deffus, entre le pli même # le corps , il y a fur chaque aile une tache dem1 circulaire, formée par des plumes moitié vertes $ moitié grifes; le bec & les pieds font d'un rouge fombre ; l'iris eft jaune. de Le Pigeon violet à tête rouge d'Antigue, elt la grofleur du Pigeon qu'on nomme en France Jacobin; une membrane charnue, d'un rouge afl^ vif, s'étend de chaque côté depuis l'origine de PI partie fupérieure du bec jufques pa rdclà les yeu> Lxm qu elle entoure ; le fommec de la tête eft toUV ^ XC de plumes fines, qui forment une calotte d'un rouge Vif; le col, le haut du dos & le haut de la poitrine font d'un gris bleuâtre , plus clair fur la poitrine ; le refle du corps, favoir le dos, le ventre , les ailes, la queue, eft d'un noir velouté , changeant en violet, & renvoyant quelques reflets bleuâtres. Les pieds & le bec font gris ; l'iris eft compofée d'un large cercle rouge , & d'un plus étroit, qui eft gris. . Le Troupiale rouge d'Antigue eft de la taille de jgjjgj notre Merle d'Europe. La tête , le col, le dos & les, jambes font d'un rouge de vermillon. Les grandes plumes des ailes, le ventre & la queue font d'un noir Velouté ; le bec & les pieds font noirâtres ; l'iris eft couleur de feu. Le Troupiale jaune d'Antigue eft de la même "pu lxïx. grofleur que le précédent. La tête , le devant du col, la poitrine & le ventre font d'un jaune d'orpiment; le derrière du col, les ailes & la queue font d'un noir velouté : le bec & les pieds font noirâtres: l'iris eft rouge. Ces deux Troupiales fe trouvent auffi dans le nouveau Continent. Le dernier efl connu à la rivière delà Plata, fous le nom de Ventre coloré. ruxx. La Pigriefche d'Antigue efl de la taille de la Pi-griefche variée d'Europe. Sa tête eft noire; fondes eft d'un roux jaunâtre ; la gorge & le haut de la poitrine font blancs ; le ventre eft d'un blanc fale ; les grandes plumes des ailes & celles qui recouvrent l'aîle bâtarde , font noires. Les ailes ne viennent que jufqu'àl'origine de la queue. Elle eft très-longue, & étagée. Les plumes du milieu font plus longues, & toutes noires ; les autres font noires en-deffus, rougeâtres en-deffous, terminées par une tache rouf" sâtre; le bec eft noir, & très-gros. La partie fupérieure en eft très-longue, & fa courbure paroîtfiex-ceflive, qu'on pourroit croire que c'eft-un défaut de conformation dans l'individu , qui a fervi pour la defcription. Les pieds font d'un noir lavé l'iris eft de même couleur. pi. lxxi. La Pigriefche rouge de llile Panay eft de la taille de celle que je viens de décrire ; elle a la tête, Ie devant du col & le ventre rouges ; le derrière du col, les ailes & la queue font bruns ; les pieds & le bec font noirs ; l'iris eft couleur de feu. La Pigriefche blanche de llfle Panay eft du pllxxiî. double plus grofle que la précédente. Elle a la tête, fe col, le dos, le ventre & le commencement des ailes blancs ; le refte des aîles&la queue font noirs. H y a fur les plus grandes plumes des ailes une bande blanche ; le bec & les pieds font noirs. Le petit Merle de llfle Panay fe trouve dans pref- Lxxïn." que toutes les Philippines. Son gofier eft fi fort, & fon chant fi agréable, que les Indiens ne le con-ftoifTent que fous le nom de Muficien. Les oifeaux de cette efpece vivent par milliers en fociété , habitent les pigeonniers , & y font leur nid. Ce Muficien, ou petit Merle de llfle Panay , neft pas plus gros que notre Becfigue d'Europe. Il a la tête , le col, le dos^ les petites plumes des ailes & fe ventre, d'un verd noir, chatoyant & changeant en bleu ou en violet foncé. Les plumes de la tête & du col font d'une nature différente de celle du V z refte du corps; elles font plus étroites & plus longues ; les grandes plumes des ailes <& la queue font noires : l'iris efl rouge. On connoît cet oifeau à Manille fous le nom d'Etourneau : efpece avec laquelle il n'a cependant aucun rapport. lxxiv ^e Ccliou efl; un genre dont les caracleres font d'avoir le bec en cône raccourci , convexe en-deffus* $ f applati en-deifous j, le bout de la mandibule fupérieure un peu courbé en-deflbus , les jambes dégarnies de plumes jufqu'au genou, quatre doigts à chaque pied, dont trois dirigés en avant & un en arrière. Ce genre n'a point été obfervé jufqu'à pré" fent dans le nouveau Continent, & paroît n'appar* tenir qu'à l'ancien. On ne le trouve pas en Europe > mais il efl commun en Aile 8c en Afrique. Le Coliou de l'Ifle Panay efl de la taille du Gros-bec d'Europe. La tête, le col, le dos, les ailes & la queue font d'un gris cendré, avec une teinte jaune; la poitrine efl de la même couleur, traverfée dQ raies noires ; le bas du ventre & le deffus de la queue font roufsâtres ; les aîles s'étendent un peu au - delà P Tonnera t Pince La T cuve de Zlifle Panai/. de l'origine de la queue , qui eft extrêmement longue, compofée de douze plumes d'inégale longueur ; les deux premières font très-courtes ; les deux fui-vantes de chaque côté font plus longues, & ainfi de paire en paire jufqu'aux deux dernières plumes qui excédent toutes les autres. La quatrième le col & le dos font d'un noir velouté ; les petites couvertures des ailes font d'un Planche noir violet changeant ; les grandes Se les rémiges 9 ou grandes plumes de l'aîle , Se la queue , qui &t bifurquée, font d'un noir de charbon; les ailes foflt de la longueur de la queue. A la bafe du bec, en-deffus y on voit une tache d'un jaune rouillé ; la gorge eft de la même couleur, terminée par une raie oa collier noir étroit ; le bas de la gorge, la poitrine Se le ventre font blancs ; les pieds Se le bec fonC noirs. Le Pic , que j'ai obfervé à Antigue , eft de la grof* feur du petit Pic varié d'Europe. Il n'a point de rouge , contre l'ordinaire de ces oifeaux : mais peut' être n'ai-je vu que la femelle. Le deffus de fa tête eft d'un noir grisâtre ; le col eft, en arrière, de la mêm6 4 couleur. De chaque côté s étend , depuis un peu au-deffus de l'œil jufqu aux deux tiers du col, une raie d'un blanc jaunâtre. Au-deffus de cette raie, il y en a une autre un peu plus large , Se noire , qui va de l'œil à 1 épaule. Les plumes du dos font noires , terminées par une raie tranfverfale blanche. Les couvertures des ailes font rayées de noir. Les grandes Lxxvij! plumes en font noires, mouchetées de blanc ; la gorge, la poitrine , le ventre font d'un jaune pâle , & mouchetés d'un, noir lavé. La queue, qui eft noire en-deffus , déborde de très-peu les aîles ; elle eft rayée , en-deffbus & en travers, de blanc fale & de jaunâtre ; les plumes en font étagées, & les plus longues font un peu roides ; Jes pieds & le bec font noirâtres. J'ai obfervé à Antigue quatre efpeces de Coucous. Je nommerai le premier le Coucou tacheté de fille ^*nay. Le fécond , le Coucou à ventre rayé de 1 Ifle Panay. Le troifieme, le Coucou verd d'Antigue ; & le quatrième, le petit Coucou de l'Ifle ^ anay. Le premier eft des deux tiers plus gros que le Coucou d Europe. Tout le deflus du corps & des ailes pimene font tfun brun foncé prefque noir, moucheté par des points d'un jaune roux. Ces points font oblongs fur la tête ; ils font ronds fur le col, le dos 8c les petites plumes qui couvrent les ailes ; leurs grandes plumes font traverfées par des raies jaunâtres, entremêlées de quelques points noirs. La gorge eft noire, 8c tachetée comme le dos ; la poitrine 8c Ie ventre font d'une couleur roufsâtre claire , travef" fés par des raies noires ; la queue eft longue ; leS plumes en font d'égale longueur ; leur couleur eft un roux fauve, coupé par des bandes tranfverfak5 noires. L'iris eft jaune roux ; le bec eft noir , 8c leS pieds font plombés. Le fécond Coucou eft un peu moins grand que Phnche celui d'Europe. Le deftlis de fa tête eft d'un gris n-o1* râtre ; les côtés & la gorge tirent fur la couleur ne de vin. La poitrine eft d'un jaune d'orpin terne ; & ventre eft d'un jaune pâle & clair, mais la poitrine ôc le ventre font rayés par des bandes tranfverfale5 noires 5 de ceux que j'ai obfervés dans cette Ifle, eft de la. lxxxÏc taille d'un Merle , mais moins corfé, Se beaucoup plus allongé. Le deflus de fa tête eft d'un gris clair; le col en arrière , le dos Se les ailes font de couleur de terre d'embre. La gorge eft d'un gris clair ; le ventre eft d'un jaune roux clair ; la queue eft étagée, noire cn-deffus, Se rayée tranfverfalement en-def-fous de noir & de blanc. Les pieds font d'un jaune clair. C'eft aufli la couleur du bec, fi ce n'eft vers l'extrémité , ou il tire fur le noir. Il ne me refte plus, pour terminer ce que j'avois à dire fur les Oifeaux que j'ai obfervés à Antigue , que d'en décrire quatre. Deux font du genre du Calao : le troifieme eft une Hirondelle de Mer ; le quatrième, le petit Fouquet des Philippines. Le genre du Calao paroît appartenir aux climats chauds de l'ancien Continent. 11 n'a point jufqu'à pré-fent été obfervé dans le nouveau Monde , ni dans les parties froides, ni même dans les parties tempérées de l'ancien. Je nommerai l'efpece que j'ai à décrire le Calao à bec cifeléde l'Ifle Panay ,& j'en décrirai 05 le mâle & la femelle. Ils font l'un Se l'autre de même groffeur, Se à-peu-près de la taille du gros Corbeau d'Europe, un peu moins corfés Se plus allongés. Leur bec efl: très-long, courbé en arc, ou re-préfentant le fer d'une faux , dentelé le long de fes bords en-deffus Se en-deffous, terminé par une pointe lxxx aigiïe, Se déprimé fur les côtés. Il efl fillonné de haut en bas ou en travers dans les deux tiers de fa longueur. La partie convexe des filions efl brune , Se les cifelures ou enfoncemens font couleur d'or-pin. Le refle du bec, ou fa pointe, efl lifle Se brune ; à la racine du bec en-deffus s'élève une ex-croiffance de même fubflance que le bec , applatie fur les côtés , tranchante en-deffus, coupée en angle droit en-devant. Cette excroiflance s'étend le long du bec jufques vers fa moitié où elle finit, & efl de moitié aufli haute dans fa longueur que le bec efl large. L'œil efl entouré d'une membrane brune, dénuée de plumes. La paupière foutient un cercle de poils ou crins durs , courts & roides, qui forment de véritables cils. L'iris efl blanchâtre. Le mâle a la tête , le col, le dos & les ailes d'un noir verdâtre , changeant en bleuâtre, fuivant les afpecls* La femelle a la tête & le col blancs, excepté une large tache triangulaire, qui s'étend de la bafe du bec en-deffous , & derrière l'oeil jufqu'au milieu du col en travers fur les côtés. Cette tache eft d'un verd noir changeant comme le col & le dos du mâle. La femelle a le dos & les ailes de la même couleur que le mâle. Le haut de la poitrine dans les deux fexes eft d'un rouge brun clair ; le ventre dans les deux fexes, les cuiffes&le croupion ou l'uropigium , font d'un rouge brun foncé. Le mâle & la femelle ont LXXXffl. dix plumes à la queue, dont les deux tiers fupé-rieurs font d'un jaune roufsâtre, & le tiers inférieur eft une bande tranfverfale noire. Les pieds font plombés : ils font compofés de quatre doigts , dont un dirigé en arrière , Se trois dirigés en avant : celui du milieu eft uni au doigt extérieur jufqu'à la troilîeme articulation , & au doigt intérieur jufqu'à la première feulement. Quoique les pieds des Toucans foient tournés 190205 99999999 différemment que ceux des Calaos , ils paroifTenc par la groffeur de leur bec , par les dentelures, qui font le lonp- de fes bords, & fur-tout par leur ma-niere de fe nourrir 9 qui efl: la même que celle des Calaos, être leurs repréfentans dans le nouveau Monde. L'Hirondelle de mer de llfle Panay eft de la taille de notre grande Hirondelle de mer. Elle a le deflus Vbnchc de la tête, tacheté de noir. Le devant du col, la poi- LXXXIV# Wne & le ventre font blancs ; le derrière du col eft d'un noir grisâtre ; les ailes font couleur de terre d'ombre en-defllis, & grisâtres en-deflbus. La queue eft aufli de cette même couleur ; le bec & les pieds font noirs. Le petit Fouquet des Philippines fe trouve fou-Vent fort éloigné de terre. Il a le bec courbé , les jambes couvertes de plumes jufqu'au talon , quatre lxxxVV doigts à chaque pied, dont trois dirigés en avant, & unis enfemble par une membrane qui s'étend juf-qu'au bout des doigts : le quatrième eft féparé 8c dirigé en arrière. Cet oifeau eft du double plus gros que l'Hirondelle de mer, que je viens de décrire. Le deffus de la tête eft blanc , le col, la poitrine dC le ventre font d un gris vineux clair. Il y a à la racine du bec une petite bande noire, qui fe termine vers un point rond qui entoure l'œil : ce rond eft formé de petites plumes blanches , dont on ne peut distinguer les barbes qu'avec la loupe. Les petites plumes des ailes font d'un gris vineux, & plus foncées que celles du col ; les grandes plumes des ailes & la queue font noires : le bec & les pieds font auffi do cette même couleur. I ne i/e la L aidera , J A UnFwten bois entoure A> Pallissadc on il y a huit fneces de Canons B Z<2 tîl on ta a ne des 171 ira cles . C Ijc Commencement de la plaine de Samhouanaite 7360829539^7 ^020^71367^32292 -R 45 CHAPITRE IX. Navigation jufqu'à Sambouangue ; Defcription de llfle Mindanao. . N*ous quittâmes Antigue le 14 Janvier. Nous côtoyâmcs llfle des Nègres. Les Efpagnols n ont aucun EtablifTement dans cette Ifle. C eft le repaire d'une Peuplade de Maures, qui ne fubfiftent que de brigandage. Le lendemain nous accoftâmes llfle de Mindanao. ^°Us mouillâmes au foleil couchant dans le Port de la Caldera par quinze bralTes , fond de petites roches de différentes couleurs. Ce Port n'eft protégé que par un Fort en bois, Phnch gardé par des gens bannis des Etats Efpagnols, aufli Pr^s fans doute à le livrer qu'à le défendre, fuient l'avantage qu'ils croiroient y trouver. ^18 Janvier, la brife nous paroiffant alTez forte LXXXVL pour refouler le courant, nous virâmes & perdîmes notre ancre , la chaîne qui le retenoit s étant rompue. Nous mouillâmes le même jour à Sambouan-gue par trente-cinq brafTes , fond de fable gris, mêlé de corail. Sambouangue eft le principal Etabliiîement des Efpagnols dans llfle de Mindanao. Sa pofition eft par 6 deg. 54 min. de latitude , & par 120 deg» 13 min. de longitude. Les habitans fe retirent dans des cafés placées au milieu d'une paliffade qui leS entoure; quoiquJils y foient affez forts pour & garantir des pillages continuels qu'entreprennent l& Maures , ils mènent cependant une vie très-pauvre Le riz leur fert de nourriture, & le lait de coco de boiffon. Ils n'ofent s'écarter de leurs demeures î ils ne cultivent les campagnes qu'à l'abri du canon , dont on traîne quelques pièces dans les champs qu °n veut labourer. Les Efpagnols ont conftruit un Fort en état de défendre la rade ; il eft fitué à l'extrémité d'une plai^ immenfe, & caché à la vue de ceux qui viennent Ie long Vue de Scarii ouUXTtdue Sonner ett del. avril Scidf a\ Le CernmeTie&nent de la plnne de Cocoder B J/n fort en houe de'.huit pièces de Canons C Jja Porte pour sortir du Villa a e D Talisoado fin entoure tout le Village E Le Ridjleau oui remplit les Citernes d&la CvtadetU> F Hôpital des Chinois long de la côte , par une plantation de cocotiers. On peut dire à la louange de ceux qui ont bâti ce fort, qu'ils n'ont rien épargné pour tirer tout l'avantage pofîible de fa pofition. Un autre Fort de quatorze pièces de huit, qui commande les environs, empêche l'incurfiondes Maur es. Au bout de la plaine , où font fituées les fortifications dont je viens de parler, eft une autre plaine féparée de la première par une chaîne de montagnes. Les Efpagnols ont jeté dans cette dernière plaine des chevaux Se des buflcs qui s'y font prodigieufe-ment multipliés. Les deux plaines font bordées d'un bois clair-femé, rempli de cerfs & de cochons marrons : la nature dans cette parti^ de l'Ifle fembie s'être plu à y prodiguer fes riche/Tes. Un canal d'eau vive , qui defcend des monta- fa fc gnes> arrofe les campagnes: & après avoir traverfé 1 le Village & le Fort, il fe jette dans la mer. Ce canal a été creufé parle Roi d'Yolo : c'eft un gage de fa reconnoiffance envers les habitans, Se le prix de ce qu'ils l'ont reconnu pour Roi de Mindanao. Le R Lecteur , à laide des planches , pourra fe fermer une idée exacte de tout l'Etabli (Ternent. Le bâtiment Lxxxvin ciuon a repréfenté mouillé entre les deux vaiffeaux françois, efl: une fomme chinoife, qui, par fa conf-trudion finguliere, mérite une defcription & une Planche particulière. Planche _ f lxxxix. Le devant eft plat, le derrière forme deux angles pour couper la lame; le gouvernail reffemb le à une rame, & n'eft point attaché à letambot. Ce bâtiment eft du port de deux cents tonneaux, armé de quatre canons & de quelques pierriers ; la dunette eft couverte de feuilles de bananiers ; les voiles font faites de plufieurs nattes, foutenues dans leur largeur par des bandes de bambouc , & liées enfemble par des cordages entrelacés, ce qui forme une efpece de charnière entre chaque féparation des nattes. Lorfqu'on amené les voiles, elles fe plient d'elles-mêmes ; les cables font de rotins entrelacés, & leS ancres d'un bois très-dur & très-lourd. Les Efpagnols ne fe foutiennent à Mindanao que dans un état de guerre continuelle contre les Rois \ V^îœ du Fort Je Scnnhouanqne . (Zirrl7 Sculp A La Jfâcaaon, dio Gouverneur F B Z$2Z0&re qui est dans la Citadelle- G C 7W pour les Découvertes H D Tour de, l'Hôpital K E Le Kz as s eau epuz sujette d U Hier M l)iffrgr quatuor e La Ùrvette U nécessaire l 'ne Galère Espagnole 77JL Somme Cliincise "once 742537763649 75 24 ttès-nombreux qui régnent dans cette Ifle. Aucun, deux n'a voulu reconnoitre les Efpagnols. Il ne faut donc pas en approcher , dans la vue de faire le commerce. Mais s'il y a peu de chofe à y efpérer pour ceux dont le profit efl: l'unique but, il y au-roit de grandes richeflTes à acquérir pour un Natu-ralifte ; il y trouveroit fur - tout un grand nombre de coquilles différentes, des Coeurs de Vénus , la Scalata , le Marteau , &c. Cette dernière Coquille efl: fi commune fur la côte, qu'un canot nous en apporta un jour deux paniers tout pleins : les Matelots les avoient ramalTées fans les connoître, à deffein d'en manger le poiflon. Les Indiens nomment cette Coquille Crifle, parce qu'ils lui ont trouvé beaucoup de refTemblance avec le Crifle ou Couteau à deux tranchans, dont fe fervent les Maures. Quant aux fruits, la ManlTanas ou Maflbn , la Menichea Rofata, la Mangue & la Goyave, font les meilleurs qui croiffent dans l'Ifle. La Houette y R2 Pi. xc. xcr. 13* » VQ Y AGE eft naturelle, & y feroit très-commune , fi on donnoit quelque foin pour la cultiver. La Houette eft un arbre très - élevé , dont les feuilles font alternes , compcfées de cinq ou fepc folioles, oblongues ovales , quelquefois dentées par le haut, Se difpofées en forme de main ouverte, fur le pédicule qui les fupporte, & qui laiife ap-percevoir à fa bafe fimpreflion de deux ftipules déjà tombées. Les fleurs naiflènt par bouquets fur le$ branches ; leur calice A eft charnu, à cinq divifions ; les pétales B, au nombre de cinq, font blancs, veloutés Se attachés au réceptacle du fruit, ainfi que cinq étamines C, dont les anthères font à trois lobes, Se les filets D réunis par le bas. La gaine qui en ré-fuite E renferme le piftil F, furmonté d'un long ftyle, terminé par deux ftigmates. Ce piftil devient une coque mince & caftante G, longue de quatre pouces ou plus, de forme ovale, qui s'ouvre par le bas en plufieurs valves, & contient un grand nombre H de femences arrondies I, difpofées régulièrement, recour Vertes chacune d'un duvet foyeux K, dont les poils font Ion ers & frîfés. La Meniehea Rofata eft une féconde efpece de p[™r_j Jambouk Rofade , que nous connoilfons dans fios Colonies fous le nom de Jam Rofade. C'eft un arbre qui croît dans les endroits humides. Ses feuilles font alternes , ovales, & naiffent aux extrémités des branches. Les fleurs font portées & placées alternativement fur un pédicule commun, qui eft quelquefois attaché aux branches , & quelquefois au tronc de l'arbre : leur calice eft à trois divifions, & fait corps avec le fruit. Il y a quatre pétales blancs, arrondis par le haut, & concaves , attachés au calice, ainfi que les étamines^ qui font en grand nombre , portées fur de longs filets. Le piftil, renfermé dans le fond du calice, eft fur-ttionté d'un ftyle terminé par un ftigmate ; il devient un fruit de la groifeur de la Jambouk Rofade, charnu, prefque ovoïde, & divifé par côtes : il n'a Qu'une loge, dans laquelle eft renfermée une grofTe amande très - huileufe , divifée par cotes. p.xciv. r La Manflanas eft un arbre qui paroît congénère à notre Jujubier. Ses feuilles font alternes, ovales, très-vertes en-deffus, blanches en-deflbus, dentelées dans leur contour, marquées de trois nervures Ion* gitudinales, & accompagnées à leur bafe d'une épine recourbée ; les fleurs font blanches , & naiffent par bouquets dans les ailfelles des feuilles ; leur calice eft d'une feule pièce , à fix découpures , entre lefquelles font placés autant de pétales très-petits , & concaves. Les étamines , au nombre de fix, font aufli attachées au calice au-deflbus de chaque pétale qui les recouvre. Le piftil eft furmonté de deux ftyles, terminés chacun par un ftigmate ; $ adhère par le bas au calice , & devient une baie qu* renferme un noyau offeux , inégal à fa furface , & rempli de deux amandes de couleur verte. Les deU* autres fruits que j'ai nommés font communs dans nos Ifles, & décrits dans la plupart des Ouvrages de Botanique. Le 23 Janvier, nos deux bâtimens fe féparerent. La corvette , fur laquelle palTa M. Provoft, fit voile pour Yolo. Cet Officier étoit chargé d'une lettre du Roi de France , Se de quelques préfens pour le Souverain de cette Ifle. M. de Coëtivy convînt , avec M. Provoft, del'attendreàSambouanguejufquau 1$ Février : Se le point de ralliement, pafle ce terme, fut pour* **. CHAPITRE X. 'Defcription de FIJk dYolo ; Digreffion fur le Roi régnant de cette Ifle. Yolo eft à foixante lieues de Sambouangue î c'eft une Ifle qui n'a pas beaucoup d étendue, mais qui eft forte, dont les habitans font heureux, par la conduite du Prince qui les gouverne , & rattachement qu'ils ont pour lui. Ce Prince s'eft rendu formidable à fes voifins y il s'eft affujetti les Peuple qui font fur les côtes del'Ifledc Borneo.Tousles Rois des Ifles voifines font fes tributaires. Celle de B*-cittan , fituée entre Yolo & Mindanao , lui appai" tient; il en a donné la fouveraineté à un de feS fils. Il n'a manqué peut-être au Roi d'Yolo que des Etars à gouverner, & affez de puLCfance pour renouveler dans l'Inde le fpeéhcle que le Czar Pierre I a donné dans l'Europe. Ces deux hommes, nés l'a* & l'autre Chefs d'une Nation groifiere, fans éducation j tion , fans exemple qu'ils puffent fuivre , infpirés par la Nature , & guidés par leur propre génie, ont, dans les mêmes circonflances, mais avec un pouvoir inégal, conçu les mêmes idées. Le Roi d'Yolo def-cendit de fon trône pour apprendre à gouverner. Il palfa les premières années de fon règne à voyager. Il fe rendit d'abord à Batavia : il y cacha fon flom& fon rang. Il s'afTocia aux Matelots pour apprendre le pilotage, & enfuite aux Charpentiers , pour s'inflruire de leur art. Il acheta les inftrumens qu'on y emploie , ainfi que ceux qui fervent à l'agriculture, & reporta dans fon Pays ces tréfors précieux dont il avoit appris, & dont il enfeigna l'ufage. Quand il eut pourvu aux premiers befoins de fes Sujets, il fongea aux moyens de les éclairer. Il palfa à la Mecque; il y étudia la loi de Mahomet; il y apprit l'Arabe ; & de retour dans fes Etats, il y fit connoître , pour la première fois, les chiffres & les caractères qui fervent à l'écriture , & y introduite l'ufage de la monnoie, inconnu même aujourd'hui dans le refte des Philippines. S Ainfi la nature fait naître , où, & quand il lui plaît, de ces génies rares qu'elle place hors de la fphere , qui entraîne dans fon tourbillon le commun des hommes. Un Prince dans le nord de l'Europe , un autre Prince, dans une des Ifles Philippines, conçoivent tous deux le projet de changer leur Nation ; tous deux font grands dans leurs idées ; tous deux font ambitieux, & tous deux font traverfés par des voi-fins jaloux de la grandeur qu'ils ont atteinte, & de celle où ils menacent de parvenir. C'eft ce dont le Lecteur eft informé par rapport au Prince Européen , & que la fuite de mon récit lui fera connoître relativement au Prince Indien. Il y a dans l'Ifle de Bornéo une mine de diamans très-anciennement connue. Les Hollandois, fous le nom de Protecteurs du Prince à qui cette mine appartenoit, s'étoient rendus maîtres de fon autorité & de lamine qu'ils lui envioient. Le Roi d'Yolo, de retour de fes voyages, puiffant chez lui * vainqueur chez fes voifins, maître d'une partie des bords de l'Ifle de Bornéo, forme le projet des'emparer de la niinede diamans, qui a en effet pufle fous le pouvoir des Hollandois, quoiqu'en apparence elle appartienne toujours à fon maître légitime: dans ce deffein, il déclare la guerre au Roi de Bornéo; mais il efl: repoulfé parles Hollandois, qui femblent n'être qu'auxiliaires, & qui combattent en effet pour eux-mêmes. Le Roi d'Yolo , fans arme à feu , fans canons, comprend l'impolfibilité de réuflir contre des gens qui en font bien pourvus. Il fufpend fon projet, retourne dans fa Patrie, alTemble fon Confeil, & propofe d'aller acheter des armes à feu chez les Efpagnols, avec qui il avoit depuis peu conclu un traité de paix. Son deffein efl: applaudi. Il part pour Manille avec fa femme , fes enfans encore en bas-âge, le Chef de fes Gardes, & fix Guerriers, & tranfporte avec lui un grand nombre d'objets d'échange. Il ne préfume pas que ce cortège le rende redoutable ou fufpecl. Cependant à peine a-t-il débarqué fur les terres des Efpagnols, qu'il efl: invefti, arrêté, ac- Sz Cufé d'avoir voulu furprendte Manille, jugé, condamné à la prifon, & fes richeffes, qui font fon crime , font failles & pillées. Voilà comme les hommes fe traitent ; Se des Rois, parce qu'ils régnent à quatre mille lieues de nous , ne paroiiTent rien conferver de ce caractère qui les rend refpectables , quand nous les voyons de près. En vain celui d'Yolo réclama fes droits , ceux de l'hu-manité, ceux que lui donnoit le traité qu'il avoit conclu ; en vain il infifta fur l'état dans lequel il étoit arrivé , non pas en Guerrier , en Roi, mais en fimple Voyageur. Il étoit Indien ; il apportoit de grandes richefTes, il fut coupable; il le fut même aux yeux des Minières de paix , que les Rois Européens autorifoient alors à parcourir le monde pour y prêcher la Religion Chrétienne. Les Jéfuites fuient fes plus cruels ennemis. Un fimple Particulier, un homme qui n'avoit point de caractère facré, un François, ofa feul le trouver innocent. M. Poivre lui donna de l'argent, le vifita , & lui fournit dans fa prifon tous les fecours qu'il put lui procurer. Il faut dire , à l'honneur du cœur humain , que l'infortuné Prince en a toujours confervé le fouvenir Se la plus Vive reconnoiiTàncc. Le Miniftere Efpagnol, înftruit en Europe, au bout de deux ans, du traitement injufle qu'on fai* foit fouffrir au Roi d'Yolo, envoya enfin des ordres de le remettre en liberté, de lui rendre les honneurs qui lui étoient dûs, & de lui permettre de retourner dans fa Patrie. Le Prince fortit de prifon, mais 1 avarice trouva des prétextes pour le retenir à Manille. Cependant fes Sujets, pour qui fon abfence devenoit plus douloureufe, à mefure qu'elle étoit plus longue, prennent d'eux-mêmes les armes ; ils s'avancent aux environs de Manille; ils y pillent, ils y ravagent tout ce qui fe trouve fur leur paffage , les Ifles voifînes font le théâtre de leur vengeance , &. les habitans expient les attentats de la Capitale. Le Gouverneur de Manille, effrayé dans faforterefle, °fe faire des plaintes au Roi qu'il outrage > Se que Vengent fes Sujets. Ce Prince, généreux Se fier dans 1 adverfîté , répond par une comparaifon dans le goût des Nations orientales, & menace celui qui l'outrage. Il compare Manille à un Crabe , dont fes Sujets font prêts de brifer le corps, après en avoir rompu & arraché les pattes. Le Gouverneur fe rend enfin ; & pour condition de paix, il propofe au Prince d'emmener avec lui dans fes Etats, & d'y établir des Mijflîonnaires Jéfuites. Mais le Roi d'Yolo, qui ne les avoit connus que chez fes voifins, les regardoit déjà du même œil qu'on les voyoit alors en Europe ; il rejeta la proposition, & appuya fon refus d'une comparaifon. «Tu penfes, dit-il»*1 a Gouverneur, que mon Pays eft un arbre vigoureux » toujours chargé de fleurs & de fruits : & tu me »propofes, pour qu'il étouffe dans mes bras, d'y » planter leBatetae* qui l'aura bientôt épuifé en e*1 » pompant tout le fuc ! Les Jéfuites, irrités du refus & fur-tout de la comparaifon , obtinrent la permiffion d'armer fix galères Ci) Batet*, Plante parafyte. & deux champans. Cet armement, difoienc - ih^ étoit deftiné à reconduire le Prince dans fes Etats ; mais il avoit e?. effet pour but la vengeance & l'ef-pric de conquête. Le Roi fut mis fur l'efcadre ; on le débarqua à Sambouangue , & l'on fit auffi - tôt Voile pour Yolo. Les habitans , effrayés du nombre & des préparatifs des affaillans, fe retirèrent dans un fort, qui étoit leur feule place d'armes, & dont les murs n'étoient conflruits que de terre. Les Efpagnols battirent ce fort de leur artillerie, fans pouvoir le renverfer. Les afliégeans eurent alors recours à une defcente ; ils la firent fans oppofition. Ils s'avancèrent vers le fort fans trouver de réfiflance ; mais ils tombèrent en chemin dans une embufcade , où les attendoient les Guerriers d'Yolo : ils y furent Vivement reçus, repouffés& chaffés jufqu'à leurs bateaux , & regagnèrent leurs bâtimens avec autant de précipitation que de défordre. Cependant le Roi, captif à Sambouangue, trompa la vigilance de fes Gardes; il fe rendit de nuit à bord d'un vaiffeau Anglois ; il en gagna le Capi- taine , l'engagea dans fes intérêts, le détermina à mettre*à la voile, Se parvint en peu de temps dans fes Etats. Auffî-tôt que le vaiifeau fut entré dans le Port d'Yolo , il arbora le pavillon du Roi. Le Prince fe montra, fes Sujets accoururent, la joie fut uni-verfelle dans toute l'Ifle, Se le Roi remonta fur fon trône. Le defir de venger une injuftice qu'il n avoit pas méritée , ne l'abufa point fur fes forces ; il ne prit point les armes contre les Efpagnols : mais voulant à la fois s'acquitter envers fes bienfaiteurs, Se fe venger de ceux qui i'avoient outragé, il céda aux Anglois une petite Ifle à l'ouefl: d'Yolo, Se déclara que fes Ports feroient à l'avenir un afyle affuré pour les Maures., qui parcourent ces mers en Pirates, troublent les Efpagnols dans leurs navigations, & enlèvent dans leurs incurfxons les Peuples de leurs Colonies. Quelques avantages que le Roi d'Yolo ait procurés à fes Sujets, quelque réforme qu'il ait mife dans les loix Se la manière de gouverner, il n'a pu encore core effacer les traces de l'ancienne barbarie, & il lui refte beaucoup à détruire Se à créer. L'efclavage efl: autorifé dans fes Etats, & les peines y font atroces contre les malheureux, qui en fuient le joug , après y avoir été fournis. Le Maître qui reprend un Efclave , lui tranche la tête , fi c'eft un homme ; fi c'eft une femme, on l'attache à un poteau enfoncé en terre , on lui fixe le vifage en face du foleil, & l'infortunée expire dans ce long & barbare fup-plice. 146_v o y a g e «E?--■---1—^^^=^=^=^==^3* CHAPITRE XI. 'Navigation depuis Sambouangue jufqua ***V &y; la crainte glaçoit les efprits, & (a) Une des Ifles habitées par les Papoux, snchaînoit les bras ; en vain les Officiers donnoient-Us des ordres ; les Matelots n étoient fenfibles qu'à la préfence & à la grandeur du danger. Nos canons étoient dans l'eau , Se notre grande vergue fe bai-gnoit dans les lames. Cependant la tempête aug~ ttientoit, les courans nous entraînoient ; & hors d'état de gouverner, nous ne nous eftimions pas à plus d'une lieue de terre. Ainfi à l'afïreufe perplexité du naufrage, fe joignoit encore l'idée de périr à Tinftant où nous étions prêts à recueillir le fruit des travaux que nous avions fupportés. Nous avions perdu toute efpérance , quand les vents changèrent tout-à-coup, &foufflerent de la partie du nord-eft: la mer fe calma, & le vaiffeau fe releva. Nous virâmes aufîi-tôt vent arrière, Se pafsâmes la nuit à louvoyer, en ne perdant point de vue un feu que les gens de la côte y entretenoient pour nous fervir de renfeignement. Nous mouillâmes le lendemain matin fur un fond de corail pourri. A notre arrivée le Gouverneur de l'Ifle Se le Chef de la Loi vinrent à notre bord J ils nous firent uni accueil favorable, & nous promirent tous les ra-fraîchiffemens dont nous pourrions avoir befoin. Tandis que les Chefs des Papoux & notre Commandant s'entretenoient, les Habitans & nos Matelots trafiquoient entr'eux. Les premiers offroient des lorys , efpeces de très-beaux Perroquets rouges, des chapeaux & des boëtes faites avec des feuilles de latanier. On leur donnoit en échange quelques clou* ou quelques mauvais couteaux. Nous voyant bien reçus par les Peuples chez qui nous abordions, &-tigués par la longueur de notre voyage, & nos bâ> timens, que la tempête avoit endommagés, ayant befoin de quelques radoubs, nous réfolûmes de profiter pendant quelques jours des avantages qui nous étoient offerts. En conféquence nous débarquâmes une partie de notre équipage, & nous formâmes, &r le bord de la mer, à 1 embouchure d une rivière i unEtabiifTement, tel qu'il convenoit à des gens ne dévoient faire qu'un féjour paffager. Remarque fur les Papoux. Les Papoux font les Peuples qui habitent les Ifles Voifines delà nouvelle Guinée, & la nouvelle Guinée même. Ils font très-peu connus, Se leur terre efl: rarement fréquentée. Leur afpect a quelque chofe d'hideux & deffra yant. Qu'on fe repréfente des hommes robuftes, d'un noir luifant, dont la peau eft cependant âpre & rude , la plupart défigurés par des taches à la peau, femblables à celles qu'occafionne l'éléphantiafis ; qu'on fe les peigne avec des yeux fort grands, un nez écrafé , une bouche exceflivement fendue , les lèvres 9 fur - tout la fupérieure > très-renflées , les cheveux crépus, d'un noir brillant ou d'un foux ardent. Le caractère de ces Sauvages répond à leur extérieur ; ils font braves, ils aiment la guerre, ^s font cruels, méfiants, de mauvaife foi. C'eft cependant fur la terre habitée par ces hommes greffiers que la nature a placé fes productions les plus fares , les plus précieufes , les plus fingulieres, les plus brillantes , à en juger par le petit nombre de celles que ces mêmes hommes nous offrirent, Ils V nous préfenterent plufieurs efpeces d'oifeaux aufli élégants par leur forme , que brillants par l'éclat de leurs couleurs, & plufieurs efpeces de ces arbres précieux qui fourniflent les épiceries. La dépouille des oifeaux fert à la parure des Chefs, qui la portent attachée à leurs bonnets en forme d'aigrettes. Mais en préparant les peaux , ils coupent les pieds. Les Hollandois, qui trafiquent fur ces côtes, y achètent de ces peaux ainfi préparées, les tranfportent en Perfe , à Surate, dans les Indes , où ils les vendent fort cher aux habitans riches qui en font des aigrettes pour leurs turbans ,& pour le cafque des guerriers, &qui en parent leurs chevaux.C'eft delà qu'eft venue l'opinion qu'une de ces efpeces d'oi-feaux ( l'oifeau de Paradis) n'a point de pattes ; qu'il fe repofe en fe fufpendant par deux longs crins qui ornent fa queue, & qu'enfin il couve fes oeufs , en les portant fous fes ailes. Les Hollandois ont accrédité ces fables, qui, en jetant du merveilleux fur Pobjet dont ils trafiquoient, étoient propres à le rendre plus précieux , & à en rehaulfer la valeur. CHAPITRE XII. Defcription de quelques Oifeaux de la nouvelle Guinée. Les plus beaux oifeaux que me procurèrent les Papoux , étoient fix efpeces d'oifeaux de Paradis, & deux efpeces de Promerops. Des fix efpeces d'oifeaux de Paradis, deux font anciennement connues ; une l'eft depuis fort peu de temps, les trois autres ne le font pas encore , ainfi que les deux efpeces de Promerops. La première efpece, connue fous le nom d'oifeaux de Paradis, a donné fon nom au genre entier ; elle a été fi fouvent décrite, qu'il me paroît inutile de répéter ce qu'on en a dit. La féconde efpece eft celle qu'on a nommée le Roi des Oifeaux de Paradis. Cette efpece eft connue ; elle a été décrite , on en a publié des figures gravées & d'autres colorées : mais le tout ne donne de fin- V2 dividu qu'une idée imparfaite , parce qu'on a fans doute copié des modèles défectueux. Le Roi des Oifeaux de Paradis eft de la grofTeur du Merle commun d'Europe. Il diffère des autres efpeces d'oifeaux de Paradis connues, par la longueur de fes ailes qui débordent les plumes de fa queue» Sa tête, fon col, fa gorge, fon dos, fa queue , fes ailes, font d'un rouge éclatant, auffi vif & auffi animé que le rouge du carmin, Se dont le coloris eft moelleux Se fatiné. Le milieu du ventre eft blanc ; il eft terminé en haut par une raie tranfverfale verte au bas du col. Les plumes qui forment cette raie font courtes , larges , Se ont l'éclat & le poli d'un métal. De chaque côté du ventre naiffent, en-deffous des ailes, de longues plumes grifes à leur origine Se dans une partie de leur longueur, mais terminées chacune par une tache verte , qui eft du même ton Se qui a le même éclat que les plumes vertes qui forment un collier au bas de la gorge. Du milieu de la queue naiffent deux longs filets, ou deux tuyaux déplumes noirâtres fans barbes ; ils fe prolongent très- loin au-delà de la queue & des ailes; ils fe replient fur eux-mêmes en-dedans, s'épanouiffent, & font ornés à leur extrémité , d'un côté feulement, de barbes afTez longues. Ces plumes, en s'épanouiiTant, & en fe contournant, forment un cercle dont la circonférence efl: très-large, Se le centre un trou rond , qui efl: vuide. Ce cercle eft de la couleur de Terne-raude : il en a l'éclat Se le jeu. Le bec Se les pieds font jaunes: TirisTeft aufli. Il y a à l'angle interne & fupérieur de Tœil, au-deffus du globe , une tache noire. J'appellerai la troilieme efpece, l'oifeau de Paradis à gorge violette. Il eft un peu plus gros que le précédent. Il a à la racine du bec, en-deflus , une huppe noire , compofée de plumes fines , droites , Se qui n'ont que peu de longueur ; fa tête, fon col en-deffus , fon dos, font revêtus de plumes d'un verd doré. Ces plumes font larges, leur tiffu eft bien fourni, leurs barbes font épaiffes. Ces plumes ont à Tœil Se au toucher l'éclat Se le moelleux du velours; elles font couchées les unes fur les autres de façon qu'en les regardant, il efl impoflible de ne pas comparer la manière dont elles font difpofées, à Tordre dans lequel font arrangées les écailles des poiffons. Les ailes font d'un noir foncé , mais matte;la queue au contraire, quoique toute noire aufli, paroît veloutée & légèrement nuancée de bleuâtre. La gorge efl; d'un violet changeant ; les plumes qui la couvrent ont Tafpeéï du velours ; le ventre efl d'un verd brillant; de chacun des côtés naiffent, en-deffous des ailes, des touffes de plumes noires veloutées, dirigées en bas, aufli longues que les ailes ; le bec eft noir, les pieds font bruns. Le quatrième oifeau de Paradis , ou celui que je nomme oifeau de Paradis à gorge d'or, eft à-peu-près de la groffeur d'une Tourterelle commune ; à la racine du bec, en defïus, prend naiffance une huppe que Toifeau relevé peu, & qui ne s'étend pas beaucoup au-delà des yeux. Cette huppe eft compofée pi.xcvn. 1 \ k r r de plumes fines, mais fortes, peu fournies de barbes. D'abord la huppe eft toute noire ; les plumes qui la compofent, deviennent enfuite chacune moitié noires Se moitié blanches. De ce mélange , il ré-fuite un ton gris-perlé , qui imite parfaitement le ton Se le mat de l'argent fondu, qui n'a pas encore été peli. Le deffus de la tête, les joues , le haut de la gorge, font d'un noir violet changeant. Derrière la tête efl un collier de même couleur que la gorge, Se formé par des plumes de la même efpece que celles qui recouvrent cette partie. Ces plumes font longues , étroites , & très - ferrées les unes contre les autres; elles font noires à leur origine; on y voit enfuite des reflets rougeâtres , & elles fe terminent par une tache dorée : les plumes font arrangées de façon qu'il n'y a que la tache couleur d'or qui pa-roifle. Il réfulte de l'ordre de ces plumes, que la gorge Se le collier qui efl: au haut du col, en arrière, paroiffent dorés ; mais la couleur de ces mêmes plumes efl: changeante, fuivant que la lumière les frappe: & l'on peut dire qu'elles imitent, fuivant les diffé-rens afpecls j les diverfes efpeces d'or colorées. La gorge Se le collier paroiffent donc tantôt d'un or pur, tantôt d'un or verd, tantôt dun or rouge ou d'un or violet, & quelquefois de toutes ces couleurs à la fois : le métal n'a ni plus d'éclat ni ne jette plus de feu. Le dos eft d'un noir foncé, changeant en violet ; la queue & les ailes font noires, & refTemblent à du velours à l'œil & au toucher. De deflbus les ailes naifTent de chaque côté de longues plumes noires, fines, dirigées en haut, qui recouvrent & embralTent les ailes dans l'état de repos. Les barbes de ces plumes ne font point unies les unes aux autres, mais féparées comme on le voit dans les plumes d'Autruche. Ce qui caractérife & diftingue fur-tout l'oifeau que je décris , ce font trois longues plumes qui naiffent de chaque côté cfë fa tête un peu au-deffus Se en arrière des yeux , ces plumes font très - longues ; elles font couchées le long du corps , & s'étendent jufqu'au quart de la longueur de la queue; elles paroiffent dans leur trajet femblables à un fort écrin, Se fe terminent par quelques barbes, qui forment un épanouiffement ovale: le tuyau & les barbes font noirs. Ces plumes, regardées gardées à la loupe, paroiffent armées de barbes dans toute leur longueur d'un côté feulement. A leur Infertion , elles font affez près les unes des autres : mais elles s'étendent en lignes droites & divergentes. Je ne puis, n'ayant pas vu l'animal vivant , décider s'il porte fes plumes couchées le long du corps, ou dans une ligne qui lui foit tranverfale. Qu'on me permette une réflexion. Ces plumes naiffent au-deffus du méat auditif ; dans tous les oifeaux , ce conduit eft couvert de plumes fines, roides, longues & étroites. Leur ufage eft de raffembler les fons, & elles tiennent lieu aux oifeaux de la conque qu'ont les quadrupèdes. Il me femble que les trois plumes que j'ai décrites ne font que la charge & l'excès des plumes, qui, dans tous les autres oifeaux , environnent le méat auditif; les pieds enfin & le bec de notre oifeau font d'un noir lavé : l'iris eft jaune. M. Marvi , Artifte diftingué , a publié une Ef-tampe enluminée , qui repréfente un oifeau fi fem-blable à celui que je viens de décrire, qu'il n'eft guère poflible de ne pas préfumer que ce foit la X même efpece.Cependant il y a quelque différence entre l'oifeau dont M. Marvi a donné la figure, & celui que je décris. L'oifeau de M. Marvi n'a pas les plumes frifées , femblables à celles d'Autruche, dont j'ai parlé ; fa figure ne fait point voir de huppe: enfin on donne l'oifeau comme ayant écé apportédu Japon, & celui que je décris a été apporté de la nouvelle Guinée. Quant aux plumes qui manquent dans la figure qu'a donné M. Marvi, comme cette Eflampe a été faite fur un modèle mutilé , il y a lieu de croire que ces plumes avoient été arrachées. L'Artifte n'a pas repréfenté de huppe , parce que les plumes qui la compofent, & qui ne font pas fort longues 9 avoient été couchées en préparant l'individu qui a fervi de modèle; enfin on a cru que cet oifeau venoit du Japon, parce que celui qui Ta rapporté en France le tenoit d'un Hollandois, qui le lui avoit cédé au retour d'un voyage au Japon ; mais il y a lieu de croire que cet Hollandois avoit porté au Japon l'oifeau qu'il a donné , & qu'il l'avoit eu, ainfi que j'ai eu le mien, à la nouvelle Guinée, où il m'a été remis par les naturels du pays. Quoi qu'il en foit, je laiffe au Lecteur à décider fi c'eft la forme ou l'éclat des couleurs qui eft le plus à admirer dans f oifeau de Paradis à gorge d'or. Le cinquième oifeau de Paradis, ou celui que je nommerai le Magnifique, eft d'un tiers moins gros que le précédent. Il a le deflus de la tête d'un rouge mordoré, & la gorge d'un brun noirâtre; fon col , en-deffus, eft garni de longues plumes jaunes, qui Phnçhç ont le brillant Se le poli de l'or ; fon dos eft mordoré ; le col, en - deffous, Se le ventre , font d'un Verd bleuâtre foyeux. Les petites couvertures des ailes font d'un noir brunâtre , mêlé de jaune ; les grandes plumes des ailes font d'un jaune orpin; celles qui bordent l'aîle ont leur extrémité d'un noir brun. L'uropigium ou croupion & la queue font brunâtres ; les pieds Se le bec font jaunes. Du milieu de la queue naiffent deux filets, qui font d'un tiers plus longs que l'oifeau, garnis, du côté extérieur feulement, de petites barbes fines prefqu'impercep- X 2 tibles, qui ont une couleur verdâtre, & l'éclat de l'acier bruni. La dernière ou fixieme efpece efl l'oifeau de Paradis verd ; il a les mêmes caractères que tous les oifeaux de fon genre, excepté les appendices ou longues plumes frifées qui forcent de deffous les ailes. Il efl un peu plus gros & plus allongé que le Roi des oifeaux de Paradis ; il efl en entier d'un beau verd , qui a le brillant & le poli de l'acier bruni : les plumes de fa tête, de fon col & de fon corps font petites , & rangées comme par écailles les unes fur les autres. Il paroît à différens afpects, fuivant le jour où on le regarde , tantôt verd, tantôt bleu. Il a les pieds & le bec noirâtres, & l'iris rouge. Les deux oifeaux fui van s font tous deux du genre du Promerops. Je défignerai l'un par le nom de Promerops brun de la nouvelle Guinée, & j'appellerai l'autre le grand Promerops de la nouvelle Guinée. Le premier a vingt-deux pouces de l'extrémité du bec à celle de la queue; le bec eft noir, luifant, 0781 étroit, arrondi & fort arqué. Il a deux pouces Se demi de long ; la queue a treize pouces de fon origine à fon extrémité ; elle eft compofée de douze plumes, dont les deux du milieu , qui recouvrent les autres plumes, quand la queue eft reflerrée , font les plus longues ; chaque paire de plumes latérales va toujours en diminuant, Se la première plume de chaque coté de la queue , ou la plus extérieure, n'a que quatre pouces de long. Le fommet de la tête &les côtés, dans le mâle , font couleur d'acier poli; le col&lagorge , aufli dans le mâle , font d'un beau noir. Ces mêmes parties fo nt brunes dans la femelle: les deux fexes fe reftemblent parfaitement d'ailleurs. Le col en arrière, le dos, les ailes, les plumes fea-pulaires, la queue, en deffus, font bruns; le col, le dos, les aîles font lavés de verd-brun : le brun de la queue eft plus uniforme Se plus clair ; le ventre eft rayé tranfverfalement de noir Se de blanc. Les plumes font grisâtres à leur origine ; elles deviennent enfuite noires, font coupées par une raie blanche, enfuite par une noire, & terminées par une blanche. Ainfi il y a fur chaque plume du ventre quatre raies, deux noires & deux blanches. La queue efl en-delTous d'un brun clair ; mais les deux plumes les plus extérieures font noires dans toute leur longueur du côté intérieur : cette même couleur paroît en-deffus aux mêmes plumes, quand la queue efl: épanouie. Les pieds & l'iris font noirs; les ailes pliées s'étendent quatre pouces au-delà de l'orir gine de la queue. Il n'exifte peut - être pas d'oifeau pluS extraordinaire & plus éloigné de l'idée, d'après laquelle la Nature a travaillé en ce genre , que le grand Promerops de la nouvelle Guinée. Il a quatre pieds de long, aie mefurer de l'extrémité du bec à celle de la queue. Son corps efl: mince , effilé ; & quoique d'une forme allongée , il paroît court 8c exceflive-ment petit, en comparaifon de la queue. Pour ajouter au fingulier de cet oifeau , la Nature a placé au-deflus Ôc en-deflbus de fes ailes des plumes d'une forme extraordinaire , & telles qu'on n'en voit point aux autres oifeaux : elle femble encore s'être plu à peindre de fes couleurs les plus brillances cec être déjà fi fingulier. La tête , le col 8c le ventre font d un Verd brillant ; les plumes qui les recouvrent ont l'éclat Se le moelleux du velours à l'œil 6c au toucher ; le dos eft d'un violet changeant ; les ailes ont la même couleur , & paroiffent , fuivant les afpeéts, bleues, violettes ou d'un noir foncé , fans ceffer jamais d'imiter le velours. La queue eft com-pofée de douze plumes , dont les deux du milieu font les plus longues, Se les latérales vont toujours en diminuant ; elle eft d'un violet ou d'un bleu changeant en-deffus, noir en-deffous. Les plumes qui la compofent font auffi larges à proportion qu'elles font longues, & ont, foit en-deffus, foit en-deffous, l'éclat d'un métal poli. Au-deffus des ailes, les plumes fcapulaires font très-longues & fingulié-rement formées ; leurs barbes font courtes d'un coté, & très-longues de l'autre. Ces plumes font couleur d'acier poli, changeantes en bleu , terminées par une large tache d'un verd éclatant, & forment une efpece de touffe ou d'appendice à l'origine des ailes. De deffous les ailes naiffent des plumes longues, arquées, dirigées en haut. Ces plumes font noires du côté intérieur, & d'un verd brillant du côté extérieur ; le bec & les pieds font noirs. Je finirai cet article par la defcription de treize autres oifeaux que j'ai obfervés à la nouvelle Guinée ; deux efpeces de Pigeons, une caille , deux efpeces de Martin-Pêcheurs , cinq efpeces de Perroquets, & trois efpeces de Manchots. Les deux Pigeons dont j'ai à parler, font tous deux de l'efpece du Ramier; tous deux vivent de mufeades : mais probablement l'enveloppe feule de ce fruit fert à les nourrir; car pour la noix, ils la rendent toute entière, & fi peu altérée , qu'après avoir traverfé les organes digeftifs de ces animaux, elle n'en eft pas moins propre à la végétation. Delà vient que ces oifeaux , en volant de côté & d'autre, en paffànt d'ifles en ifles, fement & répandent l'efpece du mufeadier fur toutes les terres qu'ils fréquentent. Je nommerai le premier le Ramier cuivré mangeur de mufeades, &le fécond le Ramier blanc Le (ioura, de la nouvelle Ciiunee , blanc mangeur de mufeades. Le premier efl au moins une fois auffi gros que le Ramier d'Europe ; H a la tête d'un gris bleuâtre , le col, la gorge 8c le ventre d'un gris de lin clair; les plumes du deffous de la queue font d'un blanc jaunâtre ; les petites plumes des ailes d'un verd brillant luftré, & pi. en. changeant en couleur de cuivre rofette ; les grandes Jiiumes des aîles & la queue font noires ; le bec efl gris, & porte à fa bafe en-deffus une carnofité cou-Verte d'une peau noirâtre ; les pieds & l'iris font d'un rouçe de carmin affoibli. Le fécond , d'un quart moins gros que le premier , a la tête, le col, la poitrine, les cuiffes, le 1 ventre , la moitié antérieure des aîles & les trois quarts de la queue blancs ; la moitié poflérieure de l'aîle & l'extrémité delà queue font noires; les pieds «Se le bec font d'un gris clair ; l'iris efl teinte de jaune. C'efl dans le même climat qu'habitent les deux Pigeons dont je viens de parler, que vit auffi le Pigeon couronné , que M. Briffon a nommé le Fai- PL CIV" fan couronné de Banda, & que M, de Buffon a rangé, avecraifon , dans la famille des Pigeons. On avoit cru que cet oifeau, qui a été apporté en Europe par les Hollandois, venoit de Banda, une des Ifles Moluques, qui leur appartient. Mais fi les Hollandois l'ont en effet apporté de Banda en Europe , ce n eft qu'après l'avoir auparavant tranfporté de la nouvelle Guinée, qui eft le feul pays où il fe trouve, 8c le feul où il fe multiplie. Cet oifeau eft très-connu, c'eft pourquoi je n'en donnerai que la figure fans en faire la defcription. ^ . ^tf La Caille de la nouvelle Guinée, eft d'un tiers, vi Cy. moins groffe que celle d'Europe ; tout fon plumage eft brun, mais plus foncé fur le dos & les aîles que fous le ventre 8c à la tète. Les petites plumes des aîles font entourées d'un rebord jaune, terni 8c obf-cur ; les grandes plumes en font entièrement noi-res; l'iris & les pieds font de couleur grisâtre. Les deux Martin-Pêcheurs que j'ai obfervés à la. nouvelle Guinée, font beaucoup plus gros que les plus groffes efpeces de ce genre, connues jufqu a ( 43 préfent. Le premier eft de la taille de la Corneille mantelée d'Europe. Le fommet de fa tête, le derrière, le col, le dos & les aîles font d'un brun terne; une tache de la même couleur s'étend fur les joues affez loin pardelà l'œil , & fe termine en pointe ; les côtés & le devant du col, la poitrine Se le ven- R tre font d'un blanc fale , traverfé par des ondes eu raies noirâtres; la queue, beaucoup plus longue que les aîles , eft compofée de douze plumes brunes , traverfees par des ondes ou raies noires, & ces plumes font terminées de blanc fale. La partie fupérieure du bec eft noirâtre , un peu crçchue, & échanefée fur les côtés à fon extrémité. La partie inférieure eft jaunâtre , les pieds font gris. Le fécond Martin-Pêcheur eft aufli gfos que le précédent ; tout fon plumage eft noir, tacheté ou rayé de blanc. La tête eft piquetée de points blancs fort petits, ainfi que le font le dos & les couvertures des aîles ; les grandes plumes des aîles Si la queue font mouchetées de larges points, blancs & ' * i i Pi *onds : le col & le ventre font varies de lignes ' Y a longitudinales blanches ,, chaque plume ayant une raie dans fon milieu. Il y a fur les côtés du col deux larges taches blanches au-deiïus Tune de l'autre, féparées par un intervalle étroit, noir Se moucheté de blanc. La fupérieure de ces deux taches a la forme d'une larme,& la pointeèiieft dirigée en haut. L'inférieure eft ronde; les pieds, le bec & l'iris font noirâtres. Les cinq efpeces de Perroquets dont j'ai à parler font le grand Perroquet verd de la nouvelle Guinée, le petit Lori de Guéby, le Lori de la nouvelle Guinée, celui des Papoux , & le Lori de Gif lolo. Les Ornithologiftes ont donné le nom de Lori aux Perroquets dans le plumage defquels le rouge eft dominant, Se qui ont en même temps la queue courte, & compofée de plumes d'une longueur égale. Ces caractères me paroiifent infuffifans, parce qu'il y a des Perroquets, qui d'ailleurs ont les moeurs Se la forme des Loris, Se cependant n'ont pas ou n'ont que peu de rouge dans leur plumage. Je crois qu'on pourroit en général luilTer le nom de Perro-, quet aux oifeaux de ce genre , qui ont le bec très-gros, &qui en même temps font d'un tempérament trille, fe donnent peu de mouvement, Se font rarement entendre le fon de leur voix. Le nom de Aras conviendroit aux oifeaux du nvme genre , qui ont la queue très-longue & éragée. Je donnerois celui de Kakatoès aux Perroquets qui ont deffus la tète une huppe qu'ils élèvent & baiffent à volonté. Le nom de Perruche défigneroit les efpeces quiontle bec plus effilé ,1a partie fupérieure fur-tout plus allongée , plus aiguë & plus courte , & qui crient fouvent. Les Loris enfin feroient les efpeces dont le bec efl plus périt dans toutes ces proportions , le moins courbe , le plus aigu , dont le regard efl vif, les mouvemens prompts, la voix perçante, & donr les fons approchent de l'articulation du mot Lori. Il faut encore obferver que c'eft improprement que les Ornithologiftes ont défigné les Loris par les noms de Loris des Philippines, des Indes Orientales, de la Chine , &c. Les oifeaux de cette efpece ne fe trouvent qu'aux Moluques & à la nouvelle Guinée. Ceux qu'on voie ailleurs en ont tous été tranfportés. Les Loris font en général délicats, fujets à des crampes dont ils périlTent, & très-difficiles à tranf-porter vivans. J'en ai trouvé les efpeces conftamment différentes d'une Ifle aune autre, quoiqu'à peu de diflance. Le grand Perroquet verd de la nouvelle Guinée efl; de la taille du Perroquet Amazone commun. Sa tête, fon col, le devant de fa poitrine, les petites plumes des aîles & la queue, font d'un verd de pré clair. Les grandes plumes des aîles font d'un bleu d'indigo ; les petites font en-deffous d'un rouge de carmin. La partie fupérieure du bec efl: couleur d'orpiment ; l'inférieure eft noire y l'iris eft couleur de feu. Le petit Lori de Guéby eft de la moitié moins gros que le Perroquet que je viens de décrire. Sa tête, fa gorge, fon dos, fon ventre , & les petites plumes de fes aîles, font d'un rouge vif carminé. Les grandes plumes des aîles font noires, coupées tranfverfalemcnc dans toute leur largeur par une bande rouge ; la queue efl d'un rouge brun ; le bec ôc l'iris font couleur de feu. Le Lori de la nouvelle Guinée efl de la taille de la Perruche ordinaire. Son plumage , qui efl d'un noir changeant en bleu, a tout à la fois le brillant métallique & le moelleux du velours. Les pieds & le bec font noirâtres ; l'œil efl entouré d'une peau brune ; l'iris efl compofée de deux cercles , dont le plus grand efl bleu, & le plus petit efl rouge-brun. Les plumes de la queue font noires en-deffus, & d'un rouge terne en-delTous. Le Lori Papou doit être mis au nombre des Perruches, fi l'on a égard aux caractères qu'emploient les Ornithologifles ; mais on le rangera parmi les Loris, fi l'on confidere la finefle de fon bec, la promptitude de fes mouvemens, la vivacité de fon re- '■ *r r ' j 'i ■ iio> ■ ' gard, & le ton aigu de fa voix. Cet oifeau efl moitié moins gros que la Perruche commune. Sa tête, fon col, fa poitrine font d'un rouge très - vif, couleur de carmin. Au fommet de la tête, en ar- riere, eft une tache de deux couleurs , oblongue & tranfverfale; la partie fupérieure de cette tache eft d'un bleu très-éclatant, & la partie inférieure d'un noir violet. Au milieu du col, en arrière, on voit une tache tranfverfale , qui eft d'un noir violet ; les aîles font courtes 8c d'un verd gai. Cette même couleur s'étend furie milieu du dos , entre l'origine des deux aîles , 8c forme en cet endroit une large tache verte. Le refte du dos, jufqu'à la queue, eft dans fon milieu d'un bleu éclatant, 8c fur les côtés d'un rouge vif ; au bas des aîles, un peu au - deffous de leur moignon , il y a fur les côtés du ventre une tache jaune , de forme oblongue. Le haut du ventre eft rouge , le milieu eft bleu ; les côtés, au - deflus des cuiftes, font marqués par une tache jaune aflez large ; le bas-ventre 8c les couvertures de 1a queue en-delTous font rouges. La queue eft compofée de douze plumes étagées, vertes dans les deux premiers tiers de leur longueur , & jaunes dans le refte. Les deux plumes du milieu font les plus longues ; elles excédent de beaucoup les autres, & ont plus de longueur longueur que n'en a le corps , à le mefurer du bec à l'origine de la queue. Les plumes latérales vont en diminuant, & les deux plus extérieures , qui font les moins longues , n'ont que trois pouces de long ; le bec & les pieds font animés d'une teinte rouge alTez vive. Le Lori de Gilolo n'eft pas tout-à-fait fi gros que le Lori commun des Ornithologiftes, ou le premier lori de M. BriiTon. Sa tête , fon col, fa poitrine, H.Cxii. fon dos, fon ventre, les trois quarts de fa queue, font d'un très-beau rouge de carmin, L'œil eft entouré d'un cercle noir ovale , dont une des pointes vient jufqu'à l'angle du bec, & l'autre s'étend par-delà l'œil, en arrière. Il y a furie milieu de chaque aîle, à la partie fupérieure, une tache de bleu d'outremer. Les couvertures de la queue, en deffous, font de la même couleur ; les grandes plumes des aîles font noires ; le bout de la queue eft marron ; les pieds font de la même couleur ; le bec & l'iris font d'un jaune d'orpin. Il ne me refte plus à parler que de trois oifeaux, Z tous trois du genre du Manchot. Ce genre ne fournit que des oifeaux de mer ; les efpeces qu'il contient font toutes privées de la faculté de vcler; elles marchent mal, & portent j en marchant, le corps droit & perpendicul; ire ; leurs pieds font tout-à-fait en arrière , & fi courts, que f oifeau ne peut faire que des pas fort petits. Les aîles ne font que des appendices attachées à la place où devroient tenir les véritables aîles ; leur ufage ne fauroit être que d'aider à foutenir l'oifeau chancelant, Se de lui fervir comme d'un balancier , dans fa marche vacillante. La mer efl: l'élément des Manchots. Les Voyageurs les confondent fouventavec les Pingoins; ils en différent cependant par deux caractères bien fenfibles , par la forme des aîles , qui, quoique très-courtes Se très-étroites dans les pingoins, leur permettent cependant de s'élever & de voler à quelque diftance; par la configuration du bec , qui, dans les pingoins, eft large Se applati fur les côtés, Se dans les Manchots, eft effilé, arrondi Se cylindrique. Les Manchots habitent les Ifles défertes des mers de l'Inde & de l'Amérique ; ils vont à terre pour y paffer la nuit, & y faire leurs pontes. L'im-pofEbilité oi font ces oifêauxde voler, h difficulté qu'ils ont à courir j les met à la merci de ceux qu'un nafard fait defcendre fur les terres qui leur fervent de retraite. On les prend à la courfe, on les affbmme à coups de pierre ou de bâton : & le défaut de leur conformation , qui les met horsd'état d'éviter leur ennemi , les fait regarder comme des êtres ftupides , qui ne s'occupent pas même du foin de veiller à leur confervation. On n'en trouve point dans les lieux habités, & jamais il n'y en aura. C'eft une race, qui, hors d'état de fe défendre & de fuir, difparoîtra toujours par-tout où fe fixera l'homme deftructeur, qui ne Enfle rien fubfifter de ce qu'il peut anéantir. Je nommerai les trois Manchots que j'ai obfervés , l'un le Manchot de la nouvelle Guinée , l'autre le Manchot à collier de la nouvelle Guinée , & le troifieme le Manchot Papou. Le premier a trois pieds de long ; il reflemble au Z2 Manchot des Terres Auftrales & des Terres Magel-Janiques : il n'en diffère que par quelques taches. Sa tête, fon col, en-devant, & le haut de fa poitrine font noirs ; fon dos eft d'un gris bleuâtre ; fon ventre & fes cuiffes font couverts de plumes blanches ; les aîles font rayées de lignes longitudinales noires & de lignes longitudinales d'un gris blanc'; les plumes qui les couvrent font courtes , ferrées, arrangées comme des écailles, ainfi qu'elles le font fur les aîles de tous les Manchots. De chaque côté de la tête , en arrière , defeend, en gagnant vers le devant, une raie , d'abord large & d'un jaune foncé, enfuite étroite, & foibliffant de couleur ; cette raie s'élargit en approchant de la poitrine & s'étend fur toute la furface fupérieure de cette partie. Le jaune, en cet endroit, eft pâle & délayé ; les pieds font noirs , & comme couverts d'écaillés. Le bec eft long, arrondi , droit, renflé& courbé à fon extrémité , noir de la bafe jufqu'aux deux tiers de fa longueur ,& jaunâtre dans le refte jufqu'à fa pointe. Le fécond Manchot eft de moitié plus petit que Les Jtfanchot papou/. A5^%%$+7 le précédent. Sa tête, fa gorge , fon col, en ar- cxiy riere & fur les côtés, fon dos, fes aîles, fa queue, font noirs ; fon col, en devant, fa poitrine , fon ventre, fes cuiffes, font blancs ; des plumes de la même couleur s'étendent de chaque côté en demi-cercle au haut de fon col, & forment entre les plumes noires un demi-cellier blanc. L'œil efl entouré d'une membrane nuée d'un rouge de fang; le bec, les pieds, l'iris font noirs. Le Manchot Papou a deux pieds de long. Sa tête & fon col font grisâtres, tirant fur le noir. Il y a fur le fommet de fa tête, en arrière, une raie demi- Pl. CXV. circulaire blanche; le dos & la queue font noirs; les aîles font noires dans leur milieu ; le bord exté-térieur en efl gris, & le bord intérieur blanc. Cette dernière couleur efl celle de la poitrine, du ventre & des cuiffes ; l'iris eft jaune, les pieds & le bec font d'une couleur roufsâtre. l82 V O Y A G E «fg---^x^^msfâp»*--;-sa. CHAPITRE XIII. Continuation de notre féjour a Pulo ***^ Remarque Jur les Habitans des Moluques. ]N[ous reçûmes pendant notre féjour la vifite de plufieurs Chefs ou Princes des Ifles voifines. De ce nombre étoient le Sultan de Tidor, & le Roi de Patanie , accompagné de fon fils. M. Provoft reçut les trois Princes, & les traita dans fon habitation. Ils vinrent à notre bord incognito, & repartirent le même foir. Le Roi de Patanie, fatisfait & re-connoiiTant du traitement qu'il avoit reçu de M. Provoft, l'avertit de fe tenir fur fes gardes ; que quelques habitans des Moluques avoient été gagnés pour attenter ce jour-là même à fa vie. M. Provoft , fur l'avis qui lui fut donné, expédia un bateau pour nous demander du fecours. On lui en envoya auffi-tôt. Le* troupes qu'il reçut fe tinrent fous les ar- mes toute la nuit ; Se nos ennemis prévenus, ne voyant pas de moyen d'exécuter leur complot, mirent à la voile avant le jour. Le 20 Mats, nous reçûmes un AmbalTadeur de la part de l'Empereur de Salvati. L'objet de fa million étoit de nous donner avis d'un armement qui fe préparoit contre nous. Il nous en fit le détail, & nous offrit trois mille hommes de la part de fon Maître s fi nous étions dans l'intention de réfifter. L'Ambaffadeur étoit un perfonnage confidérable; il étoit magnifiquement vétu , Se fuivi d'une fuite nombreufe. C'étoit un homme de mérite; il parloit plufieurs langues, & ce qui mérite d'être remarqué dans rAmbaffadeur d'un Souverain des Moluques , il jouoit agréablement du violon. Il étoit fort verfé dans la Géographie; il nous nomma toutes les lijes qui compofent l'Archipel des Moluques, nous en indiqua la pofition , Se nous défigna plufieurs Ifles, qui ne fe trou voient pas fur nos Cartes. Il nous af-fura encore qu'il y avoit au nord de la nouvelle Guinée un Pays fort étendu, abfolument inconnu aux Européens , qui n'y avoient jamais pénétré. Notre Commandant lui marqua fa reconnoilfance par les remercimens qu'il lui fit , & fur - tout par un préfent pour lui, & un autre pour le Prince dont il étoit l'AmbalTadeur ***. Ce généreux Envoyé n'oublia rien pour nous engager à nous rendre dans fa Patrie, nous en vanta les avantages, la fureté de la rade où, mouilleroient nos vaiffeaux, la richeffe du Pays , où nous trouverions de l'or, des perles à trafiquer , & des tortues en abondance pour nous ap-provifionner. H nous entretint de la bonne foi, de la droiture & des mœurs des habitans, dont il nous fit un portrait tout-à-fait différent de celui des Peu^ pies voifins. Remarque fur les Habitans des Moluques* Les Moluquois font en général très-bafanés ; leur teint tire fur le noir lavé de jaune; ils font peu vigoureux, & cependant, cruels & féroces. Peut-être la dureté de leurs mœurs efl-elle une fuite de la vie errante & folitaire qu'ils mènent dans les botf. Le Le terrein qu'ils habitent paroît: fertile, mais ils ne le cultivent pas, & ne vivent que de fagou ; ils le recueillent dans deux Ifles de leur Archipel, dans lefqueiles l'arbre dont ils le tirent croît en grande quantité, & fans culture. Je rapporterai à la fin de cet article la defcription de l'arbre du Sagou , telle que M. Poivre Ta publiée *. La Religion des Moluquois eft un mélange de Ma-hométifme & de la Loi des Brachmanes. On n'y mange point de porc , ni en général rien de ce qui eft animé. Les habitans n'élèvent d'animaux que pour leurs amufemens, & n'en ont que fort peu de domeftiques. Ils nous préfentoient une poule comme un objet rare auquel ils mettoient un grand prix. Il n'y a que les femmes & les Prêtres qui portent des vêtemens. Les hommes ne fe couvrent que la tête avec un chapeau peint de diverfes couleurs, & fait de feuilles de latanier ; ils ont d'ailleurs tout * Voyage d'un Philofophe. Aa le corps nu ; ils portent cependant une pagne étroite, par pudeur j & des manilles aux bras pour ornemens. Les femmes font couvertes d'une longue robe ou d'une efpece de fac fans plis, fermé par devant ; elles portent des chapeaux d'une grandeur énorme, & qui ont fept à huit pieds de circonférence. Ces chapeaux font plats en - delTus , & chargés de coquillages & de nacre de perles ; en-delfous un cercle haut de trois pouces, fert de forme, & les fait tenir fur la tête. Ces femmes ne fortent jamais ; elles vivent renfermées dans leur cafe. Il feroit difficile de trouver des hommes auffi jaloux qu'un Moluquois. Il iroit de la vie pour un Etranger, de fixer inconfidé-rément une femme en préfence de fon mari. Les Prêtres font vêtus de longues robes comme celles des femmes ; mais on les reconnoît à leurs bonnets, qui s'élèvent en pointe. Les deux fexes portent aux bras des manilles d'une efpece de porcelaine , qu'ils taillent en l'ufant fur une pierre. Leurs armes font l'arc & les flèches, le carquois & le bouclier. L'arc eft d'un bois élaftique très-léger & ligneux ; ils l'ornent d'anneaux faits avec du rotin : la corde eft aufli de rotin. Les flèches font d'un rofeau élaftique & léger, 8e la pointe eft d'un bois barbé très-dur. Les carquois font d'écorce d'arbre , les boucliers d'un bois noir très-dur; ils font couverts de deffins en reliefs, faits avec des coquilles d'un très - beau blanc. Ces boucliers font longs, plus étroits au milieu qu'aux deux bouts. Ces Peuples, auxquels la navigation eft un art fi nécelTaire , placés comme ils font dans un Archipel, ont des bateaux d'une ftruclure ingénieufc Se finguliere. Ces bateaux ont jufqu'à foixante-dix Se quatre-vingt pieds de long ; les deux bouts extrêmement exhauffés, s'élèvent jufqu'à vingt pieds au-deffus de l'eau; le gouvernail n'eft qu'une longue rame, placée en dehors, & foutenue fur un écha-faud ; le corps du bateau eft un affemblage de planches , non pas jointes ni clouées, mais fimplement alfemblées Se retenues par des cordages faits avec du A a 2 rotin. Aux deux côtés du bateau font attachées deux aîles horizontales, qui fervent à le foutenir , quand la mer eft groffe. Dix hommes aflis en travers fur ces aîles , donnent le mouvement à la machine, & la font voguer à coups de pagaie, d'une vîteffe incroyable pour ceux qui n'en ont pas été témoins. L'art des rameurs confifte à frapper l'eau tous en même temps dans une parfaite égalité ; c'eft fans doute pour cette raifon que pendant tout le temps qu'ils rament, ils s'excitent par des chanfons , ou fe fou-tiennent par le bruit du timptanée, efpece de tambour. Lamefure entretient la précifion de leurs mou-vemens; mais leurs chants & les airs exécutés fur les timptanées , nous paroîtroient fort trilles : ils en jugent fans doute autrement. Les voiles font faites de plufieurs nattes déforme oblongue, & elles fontmifes en travers fur le mât. Je terminerai ce Chapitre par la defcription du Sa-gou. L'arbre du Sagou fupplée en partie au défaut des graines. Cet arbre admirable eft un préfent de la Na- ture, bien fait pour des hommes incapables de travail ; il ne demande aucune culture ; c'eft un Palmier qui croît naturellement dans les forêts; il s'élève jufqu'à trente pieds de hauteur, & devient quelquefois fi gros y qu'un homme a de la peine à i'embraffer. Il fe multiplie lui-même par fes graines & fes rejetons; fon écorce ligneufe a environ un pouce d'épaiffeur, Se couvre une multitude de fibres allongées, qui s'en-trelaçant les unes dans les autres, enveloppent une maffe de farine gommeufe. Dès que cet arbre eft mûr, & prêt à donner fa fubftance, il l'annonce en fe couvrant à l'extrémité de fes palmes d'une poufliere blanche qui tranfpire à travers les pores de la feuille; alors le Malais l'abat par le pied, Se le coupe en plufieurs tronçons, qu'il fend par quartiers ; il en tire la maffe de farine qui y eft renfermée, & qui eft adhérente aux fibres qui l'enveloppent ; il la délaie dans l'eau commune, qu'il paffe enfuite au travers d'une chauffe de toile fine,pour en féparer toutes les fibres. Lorfque cette pâte a perdu une partie de fon humidité par l'évaporation , le Malais la jette dans des moules de terre de différentes formes, & l'y laiffe fécher & durcir. Cette pâte eft une nourriture faine : ellefecon-ferve pendant plufieurs années. Pour manger le Sagou, les Indiens fe contentent de le délayer dans de l'eau , quelquefois ils le font cuire; ils ont l'art de féparer la fleur de cette farine, & de la réduire en petits grains , de la forme à-peu-près des grains de riz. Ce Sagou ainfi préparé, eft préféré à l'autre pour le vieillard & pour les infirmes; il eft un excellent remède pour les poitrinaires. Lorf-qu'il eft cuit dans l'eau pure ou dans le bouillon , il fe réduit en une gelée blanche très - agréable au goût. Les Hollandois le nomment l'Arbre de Pain. Il vient d'être trouvé, il y a deux ans, à Madagafcar : les Madecaffes l'appellent le Raphia. <__=^m^=----^> CHAPITRE XIV. Continuation de notre féjour àPu/o**; Defcription des différentes fortes d*Epiceries que nous procurèrent les Papoux* L E r 9 Mars, nous vîmes paroître une efcadre ; elle fe lailfoic dériver au courant, & s'avançoit fur deux lignes , au fon d'une brillante mufique ; le convoi étoit commandé par le Roi de***. Il mouilla le foir à une lieue de terre pour fe rallier, & s'avança le lendemain à la pointe du jour, en bon ordre , vers la partie de l'Ifle où nous avions planté le pavillon François. M. Provoft reçut l'efcadre au bruit de r artillerie, que nous avions defcendue à terre. Le Roi de * ** y répondit coup pour coup; il avoit fous fes ordres quarante-fept bateaux ou pros, dont la plupart étoient de foixante pieds de long , à trois rangs de rames de chaque côté. L'efcadre fie le tour de nos deux vaiffeaux au bruit d'une aigre & fombre mufique. Le bateau que le Roi montoit étoit pavoifé , & portoit un fort grand pavillon Hollandois. Le Prince , vétu d'un habit d'écarlate , & d'une vefte de fatin broché en or, mais les cuiffes & les jambes nues , étoit placé fu? un pont faillant en dehors du bateau : huit Gardes l'entouroient, le fabre à la main. En approchant de terre , il fit faire plufieurs décharges de pierriers. On lui rendit le falut par des décharges réitérées de moufqueteries : les troupes que nous avions à terre fe mirent fous les armes. Le Prince débarqua, & après avoir fait un compliment à notre Commandant & à M. Provoft, il leur offrit en préfent des fruits les plus recherchés dans le pays. Il féjourna quelques jours avec nous , pour trafiquer de diffé-rens effets qu'il avoit apportés ; il nous fit avoir quelques tortues, & repartit après avoir réglé avec nous. Le refte du temps que nous féjournâmes à Pulo***, fut employé à embarquer les provifions que nous avoient procuré les Indiens. Pour moi, je me trou- vois affez occupé à mettre en ordre, à ferrer, à garantir garantir des rifques qu on court en voyage , une très-nombreufe collection d'Hiftoire Naturelle , que j'avois recueillie depuis que nous étions en route» Elle me paroifïbit d'autant plus précieufe, qu'elle avoit été formée dans des Pays peu connus , & que notre Nation ne fréquente que très-rarement. Heu-reufement mes foins n'ont point été infructueux. Ma collection s'eft très-bien confervée & j'ai eu le plaifir, à mon arrivée à Paris, de voir qu'on y mettoit autantde prix que j'y en attachois moi-même. J'ai cru que le meilleur ufage que j'en pou-vois faire, étoit de la dépofer au Cabinet d'Hiftoire Naturelle du Roi ; il m'a paru que c'étoit en faire part à la Nation ; que c'étoit le moyen le plus fur de conferver ma collection auffi longtemps qu'il eft poflîble, & que c'étoit enfin la placer dans le lieu où elle feroit difpofée de la manière la plus utile & la plus agréable. C'eft dans cette immenfe collection , dont la mienne fait partie à préfent, qu'on peut voir les différens objets que j'ai recueillis en tout genre autant qu'il m'a été poffible* Bb Je finirai cet article par la defcription des différentes efpeces d'Epiceries que me procurèrent les Papoux. Parmi ces différentes efpeces, j'en trouvai trois de Mufeades, dont une n'étoit point aromatique, Se trois efpeces de Gerofliers , qui ne l'étoicnt pas non plus. A , dans la Planche ci à côté , repréfente la Mufcade mâle, & B la Mufcade femelle. La première efl plus eftimée en Europe, & la féconde efl: préférée dans l'Inde. Les Indiens l'appellent Ki-laki. Indépendamment de ces deux variétés de Mufeades , il y en a une troifieme qui fe trouve à Sal-vaty, qui eft beaucoup plus longue Se plus aromatique que la Mufcade appellée Kilaki : c'eft cette dernière efpece fur-tout qui eft tranfportée par les MacafTards à la prefqu'Ifle Malaye; d'où elle fe ré-^pand à la Chine , à la côte de Coromandel, dans le Bengale, &c. Le Mufcadier s'élève jufqu'à trente pieds de haut ; cxvh&1, ^es Quilles font alternes, vertes Se liffées en-deffus, cxvni. yancji|Cfes en . deffous, attachées à un pédicule d'un pouce de long; elles ont une forme ovale , & fe terminent en pointe. Les fleurs naiffent dans les aiffelJes des branches ; il n'y a qu'un piftil entouré d'une infinité detamines; les pétales font au nombre de cinq , leur couleur efl jaunâtre. Le fruit de* la première efpece efl charnu, fphérique, & reffem-ble affez à une pomme ; il ne contient qu'une loge, qui renferme la noix; elle efl enveloppée d'une peau rouge , qu'on nomme maflîs , & fouvent, mais improprement , fleur de mufcade. Ce maflîs ne couvre la noix qu'en partie ; lorfque le fruit efl mûr , la coque s'ouvre d'abord par le côté , & laiffe voir la noix couverte de fon maflîs; le bas du fruit fe fend enfuite, & la noix tombe par cette ouverture. Le maflîs efl beaucoup plus eflimé que la noix même , parce qu'il efl plus aromatique. Ce parenchyme de la coque a un goût aigrelet, qui m'a paru défagréa-ble. Les Indiens en jugent autrement, & le mangent avec plaifir. Le fruit de la féconde efpece ne diffère de celui B b 2 de la première que par la forme , qui , dans le dernier, approche beaucoup de celle d'une poire; la noix efl: auffi plus allongée : la coque ne fe fend que par le bas. Le fruit de la troifieme efpece efl: ridé, 8c ne devient jamais plus gros qu'un œuf de poule. La noix qu'il contient efl: ovoïde , 8c plus petite que les noix des deux premières efpeces ; elle efl: fans aromate, & fon goût reflemble à celui de nos noifettes , 8c le maffis qui l'enveloppe efl: d'un rouge terne ; les feuilles de l'arbre qui la produit, ont communément un pied de long. Je crois que cette efpece de fauffe Mufcade ( car elle ne mérite que ce nom ) eft la même que M. Provoft apporta des Philippines en 1768 à l'Ifle de France, par curiofité. Le Geroflier eft un arbufte qui prend en croilTant une forme pyramidale. Ses feuilles font oppofées, pointues des deux côtés , liiTées 8c ondées fur les bords; elles font attachées par un pédicule d'un çouce de long de couleur rouge. Ce pédicule eft la partie la plus aromatique de tout l'arbre , fans excepter même le clou. Les fleurs naiffent par bouquet à l'extrémité des branches, foutenues par un calice à quatre divifions ; elles font compofées de quatre pétales de couleur bleuâtre , veinés de blanc , arrondis par en haut & concaves. Ces pétales font attachés au calice, ainfi que les étamineà qui font en grand nombre. Le piftil, furmonté d'un ftyle , terminé par un ftigmate, eft caché au fond du calice , & devient un fruit ovoïde, de couleur rougeâtre, qui n'a qu'une loge , & ne renferme ordinairement que deux amandes. L'écorce, le fruit, les racines, les feuilles, tout PK CXIX & cxx eft aromatique dans le Geroflier. Il ne fe plaît & ne réuflît que dans les endroits humides. La première efpece de faux Geroflier ou de Geroflier fans aromate , ne diffère delà précédente que par les feuilles ; elles font, dans cette dernière efpece , portées fur de longs pédicules , arrondies à leur fommet, & d'un verd pâle ; la fleur & les fruits font les mêmes que dans l'efpece qui eft aromatique ; mais dans la dernière, toutes les parties de l'arbre font inodores , Se le clou eft d'un goût très-amer. Le clou eft également amer dans la féconde efpece de faux Geroflier ; toutes les parties de l'arbre font de même dépourvues d'aromates, & il n'y a de différence entre ces deux efpeces que par rapport au calice, qui, dans la dernière efpece, eft à quatre divifions , extrêmement long & pointu à fa bafe. On voit, d'après la defcription que je viens de donner des différentes efpeces d'Epiceries que nous procurèrent les Habitans de Pulo * * *} que c'eft inutilement que les Hollandois ont des Forts & des garnifons fi confidérables à Banda & à Am-boine ; que ces deux ifles ne font pas les feuls lieux où croiffent les productions précieufes qu'ils penfent y pofféder , à l'exclufion des autres Nations ; mais qu'on les trouve en beaucoup d'autres endroits. Toutes Les Moluques , les Terres des Pa- poux, &même la plupart des Ifles de la mer du Sud, en font couvertes. Nous ne prétendons cependant parler de ces dernières Ifles que d'après le rapport du Taïtitien Poutavery , que M. de Bougainville amena en Europe en 1768. Dans fa relâche à l'Ifle de France, on ouvrit par hafard devant lui une Mufcade fraîche qu'on avoit confervée dans de la cire ; l'Indien fut furpris de trouver, fi loin de fon Pays, une production qu'il croyoit particulière à fa Patrie, &affura que l'Ifle de Taïti étoit remplie d'arbres qui portoient un fruit pareil à celui qu'on lui montroit. On peut aufli regarder comme certain que toutes les Ifles adjacentes à la nouvelle Guinée font couvertes des arbres qui produifent les Epiceries : le fait fuivant eft la preuve de cette afler-tion. Un vaiffeau Portugais étant venu faire un chargement dans i'oueft de Timor , reçut un coup de vent, qui l'obligea de lever l'ancre pour prendre le large. Ce vaiffeau fut poulfé par la tempête jufqu'à la nouvelle Guinée ; il y mouilla pour réparer les dommages qu'il avoir eifuyés ; & pendant fa relâche , le Capitaine trouva de quoi faire un chargement en Gerofles & en Mufeades , qu'il alla vendre à Macao, fans revenir à fa première relâche. i* **** - " | CHAPITRE CHAPITRE XV. Départ de Pulo * * * ; Retour h l'Ifle de France. L E 6 Avril, nous levâmes l'ancre ; mais les vents étant trop foibles pour nous faire fortir du canal, nous fûmes obligés de mouiller & de refier à l'ancre le lendemain toute la journée. Le 8, nous appareillâmes par une petite fraîcheur qui varioit du fud au fud-oueft. Les courans qui femportoient fur la force du vent, nous jetèrent, malgré tous nos efforts, fur un banc de fable, mêlé de corail pouri. On mouilla plufieurs ancres à delîèin de touer le vaiffeau ; mais les grelins rompirent, & le bâtiment s'enfonça d'un pied dans le fable ; heu-^reufement la marée fut haute le même foir, & nous remit à flot. Nous dirigeâmes notre route le lendemain pour regagner l'Ifle de France le plutôt qu'il nous feroit poflible. Nous fûmes contrariés par quelques calmes. C c ac2 VOYAGE, &c. Le a8 Avril, nous entrâmes dans le Détroit de l'Ifle de Timor. Dès ce moment, l'équipage regarda le voyage comme achevé, & fe crut au-deflus de tous les dangers de différentes efpeces auxquels nous avions pu être expofés. La joie, le plaifir du retour & l'envie de l'accélérer , animèrent tous les efprits. Nous forçâmes de voiles , & prîmes le parti de laif-fer derrière nous la corvette, notre compagne, dont la marche trop lente ne répondoit pas à notre impatience. Nous eûmes connoiflance de l'Ifle Rodrigue le premier Juin, & le 4 du même mois, nous mouillâmes à Tlfle de France. Nous y terminions un voyage long, dangereux, dans lequel nous avions couru des rifques multipliés & de toute efpece; tous les périls étoient pafles, nous avions eu tout le fuccès que nous avions pu efpérer. Nous rapportions des tréfors dont nous allions enrichir notre Patrie. Je laifle au Lecteur à fe peindre les fentimens que nous éprouvions en ce moment délicieux, F I N. TABLE ALPHABETIQUE DES MATIERES, A. ntigue, (Ifle ) fes productions, commerce de fes Habitans, &x. pag. 10$ & fuiv. Barbue de l'Ifle de Luçon; fa defcription, p. 69 Bergeronette ( la) de l'Ifle de Luçon, p, 61 Bergkias , voyez Pandacaki , Plante. Cacao , Arbufte ; fa defcription, pt 101 &fuiv. Caille de la nouvelle Guinée; fa defcription , p. 170 Caille à trois doigts, de l'Ifle de Luçon; fa defcription, p. 54. Caille , ( la petite ) de f Ifle de Luçon, ibid. Calao à bec ciselé, de l'Ifle Panay,p. 122; fa femelle, p. 124, Caldera, Port de l'Ifle de Mindanao, gardé par des Efpagnols bannis , p.127 Cavité : defcription de fon Port & de la Ville, p. 15? & fuiv. Chirurgien, (le) de l'Ifle de Luçon, p. 81 ; fa defcription , 82 Citron doux, ( le petit) Arbufte qui diffère peu de l'Orangine des Chinois, p, 102 Coco de mer ; fa defcription, fes propriétés tp. 4.5c fuiv, tranfporté à l'Ifle de France, p.9 Coetivy, (Ifle de ) fa latitude & longitude, pag. 2, fertile en palmiers. Coliou, (le) de Tlfle Panay; fa defcription, p, 116 CoMMERçoNA(la)ou Bonnet quarré, Arbre ainfi appelle du nom âe M. de Commerçons fa defcription , p, 14. & fuiv. Coucou d'Antigue; de quatre efpeces; leur defcription ,p. 119 & fuiv. Courlis, de l'Ifle de Luçon, deux efpeces , leur defcription, p. 8j & fuiv. Fouquet, ( le petit ) des Philippines ; fa defcription, p. 125" Geroflier & faux Geroflier ; leur defcription , p. 197 Ce 2 2o4 TABLE ALPHABÉTIQUE Gobe-Mouches, de Tlfle de Luçon, cinq nouvelles efpeces, pag. fjï leur defcription, ^8; la cinquième efpece nommée petit Goavier, Grimpereaux de Tlfle de Luçon ;trois efpeces, p.Ci&fuiv. HrR§NÏbfLLE d'Antigue; fa defcription, p. 118 Hirondelle de'mer, de Tlfle Panay ; fa defcription, p* 12$ HctUET^e; (Arbre) fa defcription, p. 132 Jesuïtes, leur perfidie envers le Roi d'Yolo, p. 142 & fuiv. Ka^keflac, infecte,/?. 20j fon combat avec la Mouche bleue, 21 & Loris , de Guéby & de la nouvelle Guinée, p. 174 & fuiv. Luçon . (Ifle) une des plus grandes des Philippines, p. 18; brigandages des Maures, 93 ; fujette à des tremblemens de terre, p8 ; on y trouve plufieurs Volcans , ibid. fon gouvernement, fa police, fa population, p. 99 Manille ; defcription de cette Capitale ; des EtablifTemens Efpagnols , p. 2y; Moeurs des Manillois, 26 & fuiv. Mœurs des Habitans de l'intérieur des Terres, ?• 31 & /llv* Manchots , de la nouvelle Guinée ; leur defcription, p. 178 & fuiv. Manssanas; ( Arbre ) fa defcription, p* 134 Martin-Pescheur; trois efpeces, deux de Tlfle de Luçon, & une des Philippines,/?. 6y; leur defcription, ibid.8cfuiv.de la nouvelle Guinée , />. 170 & fuiv. Menichça rofata, (Arbre) efpece de Jambouck rofade; fa defcription, p. 135 Moluques, ( Habitans des Ifles) leurs Moeurs, leurs Ufages, &c. p. 182 & fuiv. Muscades , de trois efpeces; leur- defcription, p. 194 Musicien ( le) ou Petit Merle de Tlfle Panay, ainfi nommé par les Indiens, IIS Pagapate , (la) Arbre i croît dans les lieux humides ,p. i6;fesfeuilles, fes fleurs, &ç„ DES MATIERES. Pandacaki, Plante ; ufage que les Indiens en font, p. 46", connue au Cap de Bonne-Efpe'rance, fous le nom de Caquepire fauvage , 4.7, décrite fous le nom de Bergkias, ib. & fuiv. petite efpece de Pandacaki , 49, Paon (le) fauvage; fa defcription, , , p. 85 ; Papoux , Habitans des Ifles de la nouvelle Guinée : leur caractère, leurs « mœurs, leurs ufages , p* l$J Pakadis, (Oifeaux de ) de fix efpeces; leur defcription,/?, ijj èefuiv. Pélicans, de l'Ifle de Luçon ; leur defcription, p. 91 Perroquets, de cinq efpeces, p, 172 Perruches obfervées à llfle de Luçon, huit efpeces,p, 75*; leur def- , cription , 76 & fuiv. Pic d'Antigue ; fa defcription, p. 118 Pics , de l'Ifle de Luçon, de trois efpeces, p. 70 & fuiv, Piegriesche d'Antigue, Pigriefche rouge de l'Ifle Panay, p. 114; Pigriefche blanche, nj. Piegriesche Dominiquaine des Philippines, P>5S Pigeon (le ) verd des Ifles de Luçon & d'Antigue, de trois efpeces ; leur defcription , p, iio & fuiv. Pigeon blanc, mangeur de Mufades j fa defcription, p. 169 Pluvier, de Tlfle de Luçon , p. 83 & fuiv. Praslin ; ( Ifle ) fa defcription , fes productions, p, 6 & fuiv. Pulo-Para; (Ifle) fa defcription , p. n Pulo-Pissang ; (Ifle ) fes productions, p. 12 & fuiv. Pulo-Timon;( Ifle) fes Habitans cruels & de mauvaife foi, p. 17 Radeau de Bambouc , Machine qui fert pour pécher 97; fa def- ■ \ cription, ïbid. RrMA (le) ou Fruit à Pain j fa defcription, fon ufage, p. 09 , tranfr,. 29 Ruisseau , à deux lieues de Calamba à Manille, dont Teau eft bouillante » j p, 38. La liqueur du thermomètre de Réaumur y monte hfg degrés^ 206 TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIERES. quoiqu'à une lieue delà fource, ib. les arbriffeaux qui ycroiflènt, p. 30. On y trouve des poiffons, ib. Sagou, Arbre des Moluques; fa defcription, ufage qu'en font les Mo- luquois, . p. 188 & fuir. Sambouangue, EtablifTement des Efpagnols dans Tlfle de Mindanao; fa pofition, fes Habitans, p. 128; fes fortifications, 130. Sapotte Negro ; ( Arbre ) fon ufage, fa defcription , p. 45* & fuiv. Sarcelle , de Tlfle de Luçon ; fa defcription , p. 01 & fuiv. Séchelles, (Ifles) p. 3. U y en a une défignée fous le nom à'IJledes Palmes ou des Palmiers, & précédemment Ifle Praflin. On y trouve le fruit du Palmier , connu autrefois fous le nom de coco de mer ou coco de Salomon. Secrétaire, ( le) p.S6 ; fe trouve aux Philippines & en Afrique, 87: fa defcription, 88. Somme ,Vaiffeau Chinois ; fa conftruction, fon ufage, p, 130 Spatule blanche, de Tlfle de Luçon; Spatule huppée j leur defcription, p. 8p Tourterelle blanche enfanglantée 9 de Tlfle de Luçon, p. yi Tourterellegrife enfanglantécy p. 52 Tourterelle cendrée, ib. & fuiv. Troupiale (le) rouge d'Antigue; Troupiale (le) jaune, idem. p. 113, Veuve , ( la ) de Tlfle Panay ; fa defcription ; fe trouve aufli au Cap de Bonne-Efpérance, P IJ7 Yolo , ( Ifle ) voifine de Sambouangue ; digreflion fur le Roi régnant de cette Ifle, p. 136; mauvais traitement qu'il reçoit des Efpagnols, 130. t hit*': j Fin de la Tabk des Matières, APPROBATION DU CENSEUR, J'ai lu par Tordre de Monfeigneur le Chancelier un Manufcrit intitulé, Voyage [à la nouvelle Guinée, auquel on a joint la {defcription des lieux, les obfervations phyfqv.es & morales, les détails relatifs à VHifloire Naturelle dans le règne animal & le règne végétal ; je n'y ai rien trouvé qui m'ait paru devoir en empêcher Timpreflion. Fait à Paris le 24 Décembre 1773. Signé Ameilhon, PRIVILEGE DU R O L LOUIS, par la grâce de Dieu, Roi de France & de Navarre : A nos amés & féaux Confeillers, les Gens tenans nos Cours de Parlement, Maîtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel, Grand Confeil, Prévôt de Paris, Baillifs, Sénéchaux, leurs Lieutenans Civils, & autres nos JufViciers qu'il appartiendra ; Salut. Notre amé le Sr. Ruault, Libraire, Nous a fait expofer qu'il defireroit faire imprimer & donner au Public un Ouvrage intitulé , Voyage à la nouvelle Guinée, &c. s'il Nous plaifoit lui accorder nos Lettres de Permifïïon pour ce néceflaires. A ces caufes, voulant favorablement traiter l'Expofant, Nous lui avons permis & permettons par ces Préfentes, de faire imprimer ledit Ouvrage autant de fois que bon lui femblera & de le faire vendre & débiter partout notre Royaume pendant le temps de trois années confécutives, à compter du jour de la date des Préfentes. Faifons defenfes à tous Imprimeurs , Libraires , & autres perfonnes , de quelque qualité & condition qu'elles foient, d'en introduire d'imprefTïon étrangère dans aucun lieu de notre obéiiïance; à la charge que ces Préfentes feront enregistrées tout au long fur le regiftre de la Communauté des Imprimeurs 6c Libraires de Paris , dans trois mois de la date d'icelles; que Timpreflion dudit Ouvrage fera faite dans notre Royaume, & non ailleurs, en bon papier & beaux caractères ; que l'Impétrant fe conformera en tout aux Réglemens de la Librairie, & notamment à celui du 10 Avril 1725 , à peine de déchéance de la préfente Permifîion; qu'avant de l'expofer en vente , le manuferit qui aura fervi de copie à l'impreffion dudit Ouvrage, fera remis dans le même état où l'Approbation y aura été donnée , ès mains de notre très-cher 8c féal Chevalier, Garde des Sceaux de France, le Sieur Hue de Miromesnil ; qu'il en fera enfuite remis deux Exemplaires dans notre Bibliothèque publique, un dans celle de notre Château du Louvre, un dens celle de notre très-cher &féal Chevalier, Chancelier de France le Sr. de Maupeou , & un dans celle dudit Sr. Hue de Miromesnil; le tout à peine de nullité desPréfentes. Du contenu def-quellesvous mandons 8c enjoignons de faire jouir ledit Expofant Ôc fes ajans caufe, pleinement 8c paifîblement, fans fouffrir qu'il leur foit fait aucun trouble ou empêchement. Voulons qu'à la copie des Préfentes , qui fera imprimée tout au Long au commencement ou à la fin dudit Ouvrage , foi foit ajoutée comme à l'original. Commandons au premier notre Huillier ou Sergent fur ce requis, de faire pour l'exécution d'icelles, tous Actes requis 8c néceflaires, fans demander autre permifïïon, & nonobstant clameur de Haro, Charte Normande, & Lettres à ce contraires ; Car tel efl notre plaifîr. Donné à Paris le cinquième jour du mois de Juillet, l'an mil fept cent foixante-quinze, & de notre Règne le deuxième. Par le Roi en fon Confeil. LE BEGUE. Regiftrè fur le Regiflre XIX. de la Chambre Royale & Syndicale des Libraires & Imprimeurs de Paris, n*. 2842, folio , conformément au Règlement de ijz$% a Paris ce 2.1 Juillet iyyS, SAILLANT, Syadic. De l'Imprimerie de Demonville, Imp. Lib. rue S. Severia. 1776.