EXTRAITS DESVOYAGES AU NORD. E X T R A I T S RAISONNÉS DES VOYAGES faits dans les parties feptentriouales DE L'ASIE ET DE L'AMERIQUE, OU NOUVELLES PRÉUVES de la pojfibilité dun paffage aux Indes par le Nord; DÉ MONTRE ES PAR Mk. ENGEL, AVEC DEUX GRANDES CARTES G EO G RAP HIQ^XJ ES, A LAUSANNE, Chez JULES HENRI POTTetComp. M. D, C C, L X X I X, A SA MAJ ESTE FREDERIC V. ROI DE DANEMARC ET DE NORVEGUE, DES VANDALES ET DES GOTS, DUC DE HOLSTEIN, DE SLESWIG ET DE STORMARN, COMTE d'OLDENBOURG ET DE DELMENHORST, &c. &c. &c. C/« tør» Gctø? «0/ jour f a dit, Rcndrc heurcuxqui nous aimc, eft un fi doux deyoir, rour tc faire adorer, cu nas qua lc vouloir. Si qudquun ofoit revoquer en doute E P I T R E. cette vérité, VOTRE MAJESTE' en firoit la preuve. Que ceux qui fe pajfionnent pour les Cesars & ler Alexandres, ces ennemis du genre humain, qui ont cher-che kur gloire dans la dévaflation de lU-nivers, &* dans les malbeurs irreparables des nations, viennent abjurer leur erreur aupied du Tbronedu Sage Couronne'. jQuils apprennent, queJi ces grands noms pajfent a la poJUrité la plus reculie, celui dun Hl er o n , petit par les limit es de fon Etat, mais grand par le déjir ar-dent de rendre fon peuple heureux, ne fer a jamais dans toubli. Les noms des Ti-tes, desTrajans, des Anto- f * i E P I T R E. ni ns, fer ont lefujet de fadmiration uni* verfelle, tandis que les anus des hommes détejler ont ceux qui les détrui fent. Le beau titre de Pere de la Patriefuttou-jours fupérieur a celui de Conqjje-rant; celui-ci court aprés une fumée de gloire, au Ueu que la gloire elle-méme 9 la gloire la plus brillante, la plus folide cherche ceux qui font les délices de thu-manité. Comment cettefélicité ne feroit-elle pas durable ? des que la fource du bonheur quils goåtenty & de celui qu ils font gouter aux autres, e/l dans leur cæur ! Jofe efperer, SIRE, que, dans un terns marqué par la Providence, les peu-pies des terres les moins connues front EPITRE. éclairis& humaniséspar les Danois. jP^isfris. * *l ^ •• '\f t * * C- * ' \^*\ 'N •^i\*v*">-\ ^ f%\ DE VOTRE MAJESTE' Le trés-humble, tres-obéififant <& tres relpeåueutement dévoué lerviteur, AVERTISSEMENT. T'Ai, tonte raa vie , fait mon amufement de la Geogra-J phie » 6c de Ia leclure des relations diverfes des voya-genrs : les de'couvertes des terres inconnues au Kord ont lur tout pique' rna curiofite'. J'ai lu 6c comparé les voyages > les mémoires 6c les cartes qui ont pu me fournir quelques lumieres la-delTus. Des que les ouvrages de MM. Delislk 6c Buache me furent connus, je les parcourus avec toute Favidite d'un homme curieux , 6c les examinai avec toute Fexa&itude d'un homme qui cherche a s'inftruire. Jeus le plaifir d'y trouver un grand nombre de faits nouveaux 6c intéreffans. Mais en comparant fcrupuleufement leurs rela-tions avec d'autres plus aneiennes , je me convainquis qu'ils e'toient tombes dans quelques erreurs confidérables „ qui méme pouvoient porter un tres grand prejudice aux progrés de la Ge'ographie. Souverit cette matiere a fait le Hi jet de mes con verf ari ons avec mes amis, qui, frapes de mes raiions , m'ont enfm, par leurs fol licitations re'iterees , determiné a pub lier mest idees. Je ne fnis pas affez prcVenu en faveur de mon fyfté-me, pour pre'tendre n'étre tombe moi - méme dans aucune erreur *, mais j'cfpére qu'on voudra bien les excufer, il Fon coniidére qu'il eft impoffible de ne pas s'e'garer quelquefois fur une mer ii pleine d'ecueils, ii difficile, 6c ii peu comme. Par Fouvrage méme , on verra que j'ai examine toutes les relations venues a rna connoiflance , 6c jufques a quel point j'ai fuivi les Axiomes 6c les principes inconteftables que j'ai place's au commencement de la premiere partie. Je donne enfuite Pextrait de la relation du voyage de M. le Profeffeur Gmelin , 6c je parle ibuvent de Fouvrage de M- Muller, qui preYente un grand nombre de faits au-thcntiques, abfolunient inconnus en France. * * On On s'appercevra au premier coup d'æil que je me fuis for tout attache' a concilier les aneiennes relations avec les Jlus re'centes 5 & a e'Ioigner tout ce qui paroit fabuleux. e ne me fuis d'ailleurs permis de conjecrures que lorlque les Me'moires authentiques 6c les preuves m'ont manque'. Je ne les donne méme que pour ce qu'elles font, pour des probabilites, 6c non pour des faits ave're's. Ce font-la les principes que j'ai fidélement fuivis , foit dans le me'moire , foit dans les cartes, ne m'e'tant propofe' dans ce travail que d'exciter le zéle des favans Ge'ographes, 6c de les engager a faire d'ulte'rieures recherches, qui puillent conduire å une multitude de connoiiTances qui nous manquent fur la poh> tion des principales regions du Nord. * * * * ***** * * * * Depuis quelques mois j'avois regret que divers obftacles impreVus retardafTent la publication de eet ouvrage , mais j'ai été un peu confble de ce retard 5 lorfque j'ai recu la gazette de Leyde, ou j'ai lu l'article fuivant, qui me donne occafion de faire quelques obfervations tres propres a con-firmer mon fyftéme. Du Z6. Février 176$- ii De PÅersbourg le 29. Janvier. Il y a environ dbc mois , que les deux depute's des deux Compagnies de ,3 marchands Ruffes établies, l'une a Kamtschatka, 6c l'au->, tre a l'embouchure de la rivie're du Kowima vinrent w faire part a la Cour de leurs de'couvertes. » Ceux de Kowima etant partis de cette rivie're > avoient « eu le bonheur de doubler le cap des Tichuktfchi a 74*. „ de latitude; 6c deicendant vers le Sud par le de'troit, 9» qui fépare la Sibérie de f Amerique , ils avoient decou- 93 vert aver Tisse ment. ™ „ vert des isles habitees au 0*4*. de latitude. Ils y avoient „ de'barqué 6c etabli un commerce des plus belles pc'le'teries „ avec les habitans; effe&ivement ils ont aporté h ITmpe-„ ratrice quelques peaux de renards noirs les plus belles „ qu'on ait encore vues. Ils ont nommé ces isles Alcyut» „ 6c ils croyent que quelques unes de ces terres tiennent a „ FAme'rique. „ Ceux de Kamtfchatka allerent vers le Nord , 6c ils ren- contre'rent leurs camarades dans ces isles *, de facon que» „ pour la commodite' de leur commerce, ils ont e'tabli un „ entrepot a Fisle de Be'ering. „ Aprés ce raport la Cour a pris la refblution de pouffer „ ces de'couvertes, 6c elle a envoyé le Lieutenant Colonel „ Blenmer avec des Géographes» pour qu'en fortant de la „ rivie're d'Anadir, il fatte une expe'dition vers les mémes |e parages 6c au-dela. „ La diftance de trois mille lieues, qu'il y a entre Pé-1, tersbourg 6c Kamtschatka r endr a cependant ces e'tablifte- mens tres peu utiles pour le commerce ; mais ii pourra f, en réfulter des connoillances tres intereft antes pour la per-„ feclion de la géographie. Si entre ces isles , dont il eft M queftion, eft comprife celle qui fut de'couverte par ley s, Ruiuens en 1731. comme il eft tres aparent , on a lieu „ d'efperer qu'on parviendra a de'terminer la Jargeur du 9# de'troit, qui fe'pare le Nord de FAfie d'avec le Continent „ de FAme'rique *, diftance qui a enrichi la ge'ographie de „ plufieurs dilfertations tres favantes , 6c qui a e'te exami-„ ne'e en dernier lieu , avec tant de fagefte par Monfieur „ Bu a che w. Faifons ici quelques remarques en fuivant pied a pied cette relation. i°. On y parle du cap des Tfchuktfchi: c'eft le cap Ie plus feptentrional 6c oriental de FAfie; nous le nommons dans ce memoire cap Schalaginskoi. Je fais cette remarque, pour empécher qu'cn ne le confonde , comme on ne Fa fait que trop fouvent avec celui que quelques uns appellent cap Ånadirskoi. Z°- Ces marchands, dit la relation, ont dépaffe ce cap des Tfchuktfchi a 740. latitude. Je dis qu'ils Tont depaflé peut-étre h moins. Quoiqu'il en foit, il faut avouer que voiia un fait tres frapant. Jufques a préfént tous les Ruffiens fans aucune exception» ont aflure', re'pé^é cX foutenu que ce cap e':oit abfolument indépaffable Tous les Géographes Tans en excepter un feul ont adopté cette opinion : & ce pendant, fuivant cette re'ia-tlon , ce cap vient d'étre dépaffe. Ne fuis je done pas en droit de conclure , qu'on ri f que beaucoup de debiter des erreurs, lorfqu'on fuit & qu'on copie fans examen ca que d*autres affirnient; que par conféquent j'ai eu raifon d oler feul m'e'carter de la route ■ battue ,* & de cornbattre cette opinion , puifque , par ces faits , il eft inconteftable que de-puis le Kowima, ou Kolima , ce cap a éié de'pafle, fans qu'il foit fait aucune mention de dangers courus par ces glaces fermes fupofe'es ii libe'ralement & fi gratuitement 30. Ces isles de'couvertes au ^4° de latitude font fans doute mrtie de celles qu'on comioiffoit déja entre les terres des Tzfutzki & l'Ame'rique. Les de'couvertes faites depuis Be'ering nous annoncoient que dans les isles voifines 011 pou-voit e mpléter les pe'léteries les plus pre'cieufes. 4". Ces navigateurs apellent ces isles Aleyut. Ce mot me pa^oit un peu de'figuré. Muller dit que Pisle a demi journée de Tfchutzki eft habitée par un peuple nommé Achjuch - Aliat, & il femble que ces marchands ont en effet abordé a eet isle & peut-étre a un autre dans ces parages & a ia méme latitude dont Muller nomme les habitans Pe%keli. 11 parle aufli d'une grande contrée plus a l'Hft qu'il apelle Kitichin-Aeliat. Je iupofc done que eet Aleyut n'eft autre chofe que Aliat > ou Aeliat qui fait la terminaifon de ces deux mots. $\ Ce que la relation dit de l'entrep&t établi dans fisle de de Béering , a environ $6°. latitude eft encore tres remar-quable. 11 doit lervir pour les deux Compagnies. Celle du Kolvma doit s'y rendre depuis la rivie're de ce nom 6c celle du Kamtschatka doit aller a fa rencontre. Les vins 6c les autres doivent enfuite retourner a leur habitation. Il n'y a done plus a craindre de glaces dans ce trajet. On y peut aller 6c venir tans obftacle 6c on doit délbrmais regarder le paftage au Mord du cap Schalaginskoi non feulement pomme tres uoflible ? mais encore tres facile. 6°. Le Lieutenant Colonel Blenmer, doit, par ordrede la Cour , faire une expédition vers les mémes parages 6c au defa » pour examiner fans doute ce paftage depuis l'A-nadir vers le Kowima. Je vois d'ailleurs ici le méme air de myftéres , qui m'a toujours frapé dans les di vers profets , que la Cour de Ruffie a juiques ici formes pour toutes ces recherches. S'il ne s'agilToit que de la découverte de ces isles, cette expédition, qui cauiera des ir aix immeivJes, feroit fort i nu-tile. Il y a long - terns qu'on les connoit, de raeme que leur proximité de fAmérique. Pourquoi encore commencer la navigation depuis l'Anadyr ? il feroit plus a propos de par-tir depuis Avarcha. On y feroit inieux pourvu de tout ce qui feroit neVei faire pour équiper des navires. Lisle de Béering en eft fort peu éloignée, 6c fe trouve a la méme latitude que le Kanitschatskoi - Oftrog. On aborderoit done depuis la plus facil em ent a ces isles au 640. que depuis l'A-nadir , dont l'embouchure eft, iuivant les cartes, éioignée du veritable cap des Tzfchutzki, foit des Mes de St. Dio-méde , 6c de St Laurent, de plus de quinze degrés. La navigation y eft d'ailleurs fort dangereule, puifqu il faut paffer par un détroit, des bayes, des bas fonds 6cc. Au ku que depuis fisle de Béering la mer eft entierement ltbre, 6c on tire droit vers ie Nord. li me paroit done evident que ces navires, que la Cour de Kulfie faji équiper ,ur i'A-nadir , lont deftinés a s'emparer de toutes Ces isles cv des * * I pays pays voifins juiques au Kowima, 6c a prévenir, s'il eft pof-fible > les autres nations. Voila le but de ce grand myftére d'Etat que la Cour craint qui ne foit eVenté. 7-. Il y a dans cette relation une erreur e'norme, en met-tant trois mille lieues de diftance entre Pétersbourg 6c le Kamtfchatka. Cet article de Ia gazette de Leyden a ete' tire' de celle de Londres, qui paroit fbus le nom de Lon-don chronicle , 6c je fus furpris de voir que le gazetier d'Hol-lande eut jugé a propos de doubler cette diftance , qui n'eft rnarquée dans>cette chronique de Londres, que de quinze cent lieues: ce qui méme eft dej a trop. En effet on verra dans le corps de ce memoire, que M. K i r i l o w , qui doit avoir eu la connoiffance la moins imparfaite de TEmpire Ruinen , ne lui donne que 130. degrés de longueur, depuis les isles Dago 6c Oefel a 40*. longitude. A Forient 011 met fon extrémité au zof ou zo<5. degre's, 6c les cotes les plus orientales du Kamtfchatka proprement dit, au 180*. Si done on réduifoit aux 130 degre's de M. Ki ri l o w toute la longeur de FEmpire Ruinen , qui felon les cartes eft de i5j0. 6c qu'on réduifit a proportion la longueur jufques aux cotes orientales du Kamtfchatka : queile diminution enorme n'y auroit-il pas a faire fur ces quinze cent lieues. Gar dons cependant cette longitude, quoi qu'elle foit évidein-ment erronée , 6c il fe trouvera qu'en comptant quinze cent lieues, fiiivant la relation, on mettroit encore deux cent lieues de trop : puifqu'au foixantieme degré de latitude» qui eft celle de Pétersbourg, 6c celle des cotes les plus orientales du veritable Kamtfchatka, le degré de longitude n'eft plus que de dix lieues; ce qui donne pour la totalité feulement treize cent lieues. C'eft ainfi que contre les premiers principes de la géographie on continue d'al'onger outre mefure les diftances vers le Nord. Enfin, pour finir mes obfervations fur rarticle de la gazette de Leyden, je dirai que dans le memoire méme , 011 trouvera le jugement que fe porte des recherches de M. Buache , & la grande aiF- féVence qu'il y a entre fon fyftéme 6c le mien. Geft aux Ge'ograplies a decider. On trouve, dans un autre article de cette chronique de Londres , que l'IUuftre Acade'mie de Berlin fe propofé d'en-voyer deux de fes membres, pour accompagner M. Blen-mer lorfqu'il ira examiner le de'troit en queftion. Je ne fuis pas aftes pre'venu en faveur de mon ouvrage pour croire qu'il puiffe diriger ces Savans , j'efpe're cependant que les faits, les raifons , les doutes , les conjedtures que je propofé pourront leur faire naitre des ide'es ou des vues nou-velles 6c des queftions qu'ils tacheront d'e'claircir * 6c qu'ainfi peu a peu on parviendra a acquérir des comioiffances plus dévelopées 6c certaines de ces parages. Je ne fai méme fi je me trompe *, il me paroit que toute l'Europe s'attend a voir s'ouvrir cette nouvelle route. Depuis quelque terns, dans les diverfes gazettes , on ne parle que d'eiitreprifes faites ou a faire vers^ le Nord - Ouelt 6c vers le Nord-Eft. J'ai fait mention de quelques articles dans les notes, mais il en eft plufieurs autres qui me'ritent auffi quelques obfervations. „ De Pe'tersbourg le 2. Avril 1765. Il eft dit qu'on y „ parle beaucoup d'une expe'dition navale pour trouver un „ paftage aux Indes par le Nord-Eft, & on afture que „ i'Impératrice a réfblu d'en confier le commandement au „ Sr Tomkin Anglois, ancien armateur de Briftol. ., Nos mariniers, difent encore les avis dé Pe'tersbourg „ du 29. Juin , veulent auffi tenter de trouver le paftage „ par le Nord-Eft de la Ruffie, vers les Indes, qui a été „ cherche' depuis fi long-terns, mais inutilement, par tant 5, de nations Européennes 6cc. Tout cela n'épouvante ni 99 ne de'tourne nos mariniers, qui pretendent attirer par - la 3, fur eux les yeux de toute l'Europe 6c i'attention du pu-33 blic fur leur vovage. Ces nouveiles pubfiques fi pofitives ne prouvent - elles pas que les navigateurs Ruffiens ne fe fient point a Mrs, M u l- ler 6c Gmelin, ni a tous ces voyageurs qui ont jufques ici reprélénté ce paftage comme abiolument impoiTible? Je me periuaderois méme volontiers que fi la poffibilité du paf-lage a été connue depuis long-terns a la Cour de Ruffie, on eft aujourd'hui convaincu de få facilité, depuis le voya* ge des marchands du Kowima a fisle de Béering , 6c que meme l'Imperatrice voyant que le fait ne peut plus fe nier, depuis la deputation de ces marchands, ii ne lui refte d'au-tre parti a prendre que de prévenir d'autres nations. C'eft & cela que j'attribue les nouveaux mouvemens que i'on re-marque en Ruffie pour cette découverte. Un article de Londres du p. Avrii ne part pas affurément de la main d'un fort habile Géographe. « Il porte que le „ General Murray fait preparer plulieurs petits båtimens „ qui doivent fe rendre ce printenis au iac fupérieur , 6c „ prendre a bord deux Savans, pour examiner ce lac exac-„ tetnent, 6c principalemeut, fi de-la , on ne pourra pas i, découvrir un paftage au Sud-Oueft vers la mer du Sud. iy Les Indiens pretendent que de ce lac fort un fleuve aufli „ grand que le Miffiffipi, 6c qui a fon cours vers f Oueft, „ pendant pluneurs centaines de lieues. Il y a la diverfes fautes tres manifeftes a tous ceux qui ont lu les diveries relations de ces contrées-la. En effet, le Miffiffipi vient du Nord ou de i'Oueft. S'il vient du Nord » comment veut - on que du lac fupérieur il forte une riviére qui coure plulieurs centaines de lieues vers TOueft. Le Mit iiffipi ne lui barreroit - il pas le paftage ? S'il venoit depuis i'Oueft, il faudroit effacer tous les lacs 6c toutes les riviéres qui dans toutes les nouvelles cartes iont tracées a I'Oueft 6c au Nord - Oueft du lac fupérieur \ quant a la prétendue mer de f Oueft il en feroit auffi peu queftion que dans ma carte. Je me flatte toujours que cette riviére de mille lieues devers I'Oueft fe trouvé aftes bien expiiquée dans ce memoire. Il y a encore plus d'abiurdite, s'il eft poffible, dans un article AVER ItlSSEMENi:. xvii årticle de Paris du 6*. A out, 6c enfuite encore du 6* Sep-tembre. Il y eft dit " que le Baron de Bougainville étoit de retour de fon isle nouvellernent découverte , qu'on „ croyoit étre fur la cote des Patagons *, dans une autre ga~ „ zette , on la liipofe une des isles Malouines, 6c qu'on ert „ efpéroit beaucoup d'avantage pour lés vaidaiix qui vou-„ droient chercher le paftage par le Nord. Ne voila-t-il pas une efpérance bien fondée, de préten« dre que les cotes des Patagons ou les isles Malouines iitué'es k cinquante ou cinquante trois degre's de latitude méridio-nale, puiftent étre d'un grand avantåge pour les vaiffaux qui cherchent le paftage vers le foixante 6c dixieme degré* de latitude feptentrionale ? ce qui fait un éloignément, nor* felon le cours des vaifteaux, mais en ligne droite, d'environ deux mille quatre cent lieues. Mais fi je n'ai pu lire qu'avec mépris ces deux derniers articles, j'ai été bien dédomagé par celui de la gazette de Londres du ZZ. Juin , fous l'avis de Pétersbourg du *i. May. 11 eft concu en ces termes „ On a découvert que la mer cjui fépare le Kamtfchatka eft remplie de petites isles, & que la pointe de cette pref-„ qu'isle n'eft éloignée de la cbte de l'Amérique que de 9> deux degrés 6c demi, d'oh fe forment les plus fortes con-„ jecSfcures, qu'autrefois l'Ane a été jointe a 1' Amérique, d'au-j, tant plus, qu'il réfulte de cette découverte , que les habits tans de cette partie de l'Amérique reflemblent a ceux du 9, Kamtfchatka, pour la taille , les habillemens, le langage », 6c les coutumes ( a ) Toute perfonne qui lira mon memoire ne pourra qu'é-tre frapé, que imiquement par des conje&ures fondées fur, la combinaifon des diverfes relations, je fois parvenu, contre tous les voyageurs, les Géographes 6c les cartes» a décou- * * * vrir ( a ) La rektion authentique de W tflli i COnttedit C« fait, les habitaas (I cOlsmbknt par le lsw|»ge. xviii AVERTISSEMENT. vrir que vis a vis du Kamtfchatka il falloit mettre des isles a la place de la terre ferme ou d'une prefqu'isle. A la vé-rité je les ai fupofées plus grandes que eet article ne le fait, mais ce font toujours des isles. On trouvera dans le memoire les raifbns de mon opinion («), auxquelles je pourrois encore ajouter celle des tremblemens de terre qui font fi fré-quens 6c fi terribles dans le Japon 6c celle des volcans qui s'y trouvent > de méme que dans les isles Kurilis 6c dans celles å I'Oueft du Kamtfchatka , car j'ai conjedturé ( b ) que les deux Continens avoient éte' joints autrefois. Puis done que la poflibilité du paftage 6c l'exiftence de ces isles fe trouvent aujourd'hui fixées , ne fera-t-on pas pre'venu favorablement fur tout le refte du fyftéme que j'ex-pofe dans ce.Mémoire ? ( a ) Voycz page 76. 77. 184. ( b ) Page 58. Fin de FAvertiJfement. ■_;___ I N D I C E DES PARTIES £ T A R TICLES CONTENUS DANS CE VOLUM E. PREMIERE PARTI E. Parties fepientrionaks de PAfic, 5. I. A Xhmes. 1 Pag. 1 II. Extrait de la rttation de Mr. te Profejfeur Gmelitt. 4 III. Obfervations fur les changement faits aux; cartes orJinairef. l<5 IV. jQm*;/ faut retrécir la cbte :ntrt le Piafiga & le cap. 17 V. // faut donner a PAfie moin; de largeur* qu'on ne lui donne 19 V I, Obfervations de Mr. Muller fur let cartes. 22 VII. Obfervations fur tes longitude* & tes latitndøs, a£ $. V11 lo I N D I C E. xix §. VIII. Extrait du voyage rapporté far Mr. Muller, pour Aéterm'mer la pojition du Jejfo , du Kamtfchatkp &c. Pag. 3* IX. Sur la terre de Jejfo, & les diverfes pofitions, qtton lui donne. 48 X. Relations Aes plus celebres Voyageurs. . XI. Rglation de Mr. Ae Guignes fur le Jejfo examinée, S 9 XII. Examen de la relation du P. Ah Halde. 6'f II. P A R T I E. Parties feptentrionales de l'Amérique, L Diverfes relations aneiennes de PAmérique. 78 II. Du pays des Conibas & des pays voijins. 8* III. Nouvelle Grenade. 83 I V. Relation Ae Cabnllo. ibid. V. Conféquences qui découlent de ces relations* 83 V I. Syjiéme Ae Sanfon le pere , & autres, 8 ? VII. Voyage Ae Moncacht. Apé. 108 VIII. Des prétendue s découvertes Ae PAmiral Ae Vonte ♦ Ae Fuca. 11 f Nom Ae l'Amiral & Aes autres perfonnages de ce COnte, 116 Annies comptées par le regne du Roi Charles. 119 ExpéAition Aes Anglois inconnue en Angleterre* ibid. Diligence inouie Aes Efpagnols, MO Diverfité Aes langues. Douceur Aes habit ans, ibid. Objlacles phyjiques. 124 Shapley doit avoiY été mnjfacré par ces mimes peuplei 12 c Jjes vents Aoivent avoir été contraires n Shapley, mats non a' de Fonte. 126 Sur les glaces & fur la temperature Ae Pair Ae ces pays. ibid. Silenct de tous les Autheurs > rien Ae tout ceci Aans let Archives A'Efpagne. 12g Les Efpagnols ont toujours caché leurs Aécottvertes 129 Le Continent de l'Amérique s'étend jufques vers celui de VAfte. 131 Conclufion. 132 IX. Sur la mer de fOtteji. ibid. X On ne fcait ou placer cette mer Je POuefi, 137 XI. Relation Ae la Hontan, J41 XII. Calculs pour retlifier les pofitions. J47 XIII. La Californie n'ejt pas une ide, mais une prefq^isle* 17^ XIV. Exifience Au lac Aes Ajfmipoels, 1 go XV. Des Pigmies & des Efprits, i$J2 XVI. Réfnmé des changement faits aux ffltth rga IIL K. x I N D I C Ec III. P A R T I E. Sur la pojfibilité (tun paffage par les mers Septentrionaks. Avant propos. Pag. 188 $ I. Les glaces font fur tont å craindre dans le vofinage des terres. 192 II. Les glaces fe trouvent fur tout a l'embouchure des rivieres. 19 3 III. . Le froid n'augmente pas a proportion qu'on approche dn Vole. ibid. I V Pour determiner te froid relatif d'un pays d un autre , il faut faire attention å leurs produktions. 196 V. V I. L'Amérique efl plus froide que PEurope & ?Af\e au moins de dix degrés. ibid. VIL Le paffage du Nord- Ouefi ne fauroit avoir lieu. 197 VIII. Examen de la relation d'Ellis fur le paffage du Nord Ouefi. 20f I X. Preuves de la pojjibilité du paffage au Nord • Eji % tirées de la relation de Mr. Gmelin Cf? de Mr. Mutler. 224 Obje&ions levées. 251 IV, P A R T I E. Sur Putilité d'un établiffement dans une des regions au Nord de la mer du Sud, 26f Fin de l'Indice. E R R A T A. Page 4. Ia note a devoit-étre inferée j Page dans le texte , comme faifant partie de l'cxtrait, par contre gI» ce qui eft inclus dans les ( > ligne penultieme devoit fe trouver en note. I2> ligne 4. Nord-Eji, lifez Nord-QucCi. %% Hg. 4. 6*. lif. e. Sfi lig, <4- on fait , lif. ont fait «8 lig *7« Nord, lif Nord - £fl 38. lig • Antifborvw, Uf, Ah-»ipborort. Hg. 4. 90 lif. 9. degrés, ' T 44» Kg i a. uns, lif. un. On efpére que le le&eur fuppléera lo? méme tøluTées 4ans eet ouvrage pour les poims » virgtles 4f lig-9« $$qtt<**% effacés-le £fc. note i f000. lif 5f00. 7?. lig. iz.AE/r, lif l'Ouefi. tao. Hg. 18. l^r en fut 1 lif #« 14^. lig. 19. Patine, fif. Parime. 167. lig. 6. Tecmmioutn, lif. I>ra« mamioutH »7». lig. «4- /«r tes bords, lif. J«r 7« frorir. 18 J. lig. tv. fai fnis* lif fai fait. 191. lig 14. méme faute 196 § I. plus froide que FAJfe f lif. que fEurope & tAJie. Z\t. note, colomne feconde» lig« *. 7M» lif. en. %\x. lig 8. - et, lif. rf excepté la réalité. ...... 7, lig. 13. Nord-Eft, lifez, Nord-Oueft. ......• 2o. lig. 16. 108» lif 208. ...... 22. derniere, aprés dit, ajoutez, dans l'édition originale. ...... 23- Hg. 4- au lieu de 6°. lif. C o. ...... 25. lig. ii. 600. ou de 640. /i/: 60. å 6*4. ...... 27. //£. 24. au Sud, lif. a l'Eft. , . ...... 27. lig. 30. pas vu, lif. pas encore vu. ...... 38. lig> r2. lif. Anziphorow & Kofirewskt ...... 43. lig. 9. Mais ceci méme, lif. Quand, ceci meme, feroit vrai. ...... 4f, Note pour la Aite page. On voit, que malgré que nous avons re-, culé les cotes de la mer d'Amur vers POueft, elles ne le font pas å beaucoup pres autant qu'ellcs doivent l'étre puifque nous avons été obligés de mettre entre Jakoutsk & Ochotsk une diftance de 17 degrés, foit å cette latitude, de 170 lieues % au lieu de 160, ou plus jufte, 55 lieues, le tout d'aprés Gmelin ; il y auroit done encore beaucoup å retrancher de cette largeur de l'Afie. . . 47. lig. 4. ces cåtes, ajoutez, & Pembouchure de lAmur. ...... 47. 8- Nord, lif. Nord Eft .. .. ...... 54. Hg. 7. fix cent, Uf. fix mille. ...... 57- ^. 8- eft, lif. & ...... 64. tig. 24. fifle de Jeflb foit grande, longue lif pays de Jeffo foit grand, long. M..., 6$. Ajoutez a la note (a). J'avoue méme , que j'ai été fort embarafle å placer ces iflesj en ne comptant au lieu de 30 que les 22, * * * * nombre conForme å celui de la relation de Kofirewskoi, qui en compte if, dans une file du Nord au Sud, & 7 hors de la file, & en les repréfentant de la grandeur & å Ja diftance, que la dite relation paroit Pexiger, il auroit fallu rapprocher infiniment plus 'e Kamtfchatka du Japon , qu'on ne fa Fait: raais j'ai été obligé d'accorder quelque chofe a la prévention générale en faveur de eet cloignement i on n'en fera que plus convaincuj combien j'ai eu raifon de réduire la iargeur de l'A ie. Page 97- &f ii". contraire , tifez contrair« ...... 102 lig. 2. Oueft, lif. Eft. ...... 103. lig 2 Nord Eil, lif. Nord & ...... 104. lig. i. la Hor&ari, Hf. la Homan ...... (10 ligt. penult. dernieres , lif. premieres ...... i 18. lig. 15. le, lif. les ...... 127. % S- foixante-fept, lif. cinquante-fept. ...... 13?- Hg- l$ depuis, lif entre ...... 14^. lig. 16. Gnaelnures, lif. Gnacfitares ...... 1-9. Hg- penult. de Cokoros, lif. des Eokoros. ...... i s 2. Ug. i diftances, ajoutez, dounées par la Hontan ..... 153. lig. 27. ajoutez, indiqués par les Moofemleks. ...... 153- Hg- 34- fais, Hf fait voir le contraire. Dans la carte d'Acofta comme &c. ...... 1^4. lig- 2. pourrant, lif. pourtant ...... 1^4. lig, 2$ eft, lif. feroit. ...... 154. Ug 51 gran c , lif. grand. ...... lig. 6. ou Hf. au. ...... 1 ^7. lig. 4. NadoucfJis, lif. Nadoueffis. ;.„„ 162. lig. 8- fais lif. fait. ...... i£4. //g*. 4. fi proche , ajoutez, dit-on. ,..... 167. /*g. ^. de la, lif. de cette. 170. % 16. Nous avons indiqués, lif. nous connohTons. ...... 170. 23. peuples civilifés , ajoutez, plus que leurs voifins. ...... 18 r. l'g. 29. il, tø ils. ...... 186'. %. ir. fon, lif. font. ...... 192. % 14. que PAfie, ajoutez, & PEurope. ...... 193. lig. 16. groffes ri vieres, effacez grolfes. ...... 195. lig. 27. méridionaux, lif. vers PEft & le Sud Eft. ...... 198. lig. 9. fais, lif. fait. ...... 211, Ug, 32. uoncluant, tø concluante. ...... 214 f penult. di, tø ni. ...... 217. /. 22. Groenlande, tø'la mer'glaciale, "*"* ...... 210. %. 3I. de, ajoutez, peut-étre. Tage 11^. Ug. 3- feptante degrés, lif. feptante-quatre. ...... 227. Ug. !• le deffous, lif. les gliflbires. ...... 228- Ug. 7. contraint, ajoutez, Chappe en dit la méme chofe. ...... 220. lig. 22. Kotfches, ajoutez, ou Dotfchennicks. ...... 231. Ug- 13. Bercnz, lif. Barenz. ...... 232. lig. 4. n'ont, lif. n'ayent. ............ lig. Société Royale, ajoutez i de Londres. ............ lig. 19. étants, lif ayant. ...... 235. lig. 31. Steglin , lif Stehlin. ...... 239. lig. 24. aller, ajoutez, en fi peu de terns. ...... 241. Ug- 8- eft-ce, lif. & de ce. ...... 248. S faut ajouter å la note. Il eft tres remarquable, que ce Barénz & fes compagnons ayent tant foufFert, avec de teis fecours, & que par contre , (voyez page 12.) Chariton Laptieuw, fous de chétives cabanes, fur les bords de la mer, å 74 degrés 9 minutes, vers le Chatanga, fe foit fi peu reffenti de ce grand froid pen* dant tout fhyver , qtfil ait pu continuer fa tentative l'été fuivant. Je n'en fuis pas furpris > l'hyvernation de Barenz a été vers la iburce de toutes les glaces, de la petitc mer d'eau douce, de la ?uantité immenfe que l'Obi, le Jénifea, le Piafiga &c., y ver-ent, & dont les glaces y font enfermées jufqu'en Ju'in j mais ceci méme prouve, que vers le Chatanga il n'y a aucune de ces fources de glace , & que par conféquent, ce qu'on alfure, que la mer å fon Nord eft libre, doit étre fonde inconteftable-ment. Depuis peu un celebre favant ayant vu eet ouvrage fortant de la preife, s'eft rendu å mon opinion, quant a la poifibi-lité de doubler le Cap Schalaginskoi; par contre il forma encore des doutes & objeclions contre celle de dépalfer le Cap de glace, entre le Piafiga & le Taim ur, par des raifons tres fenfées j il foutint, comme moi, que les glaces provenoient de la grande quantité d'eau douce, & qu'on pouvott naviguer fort librement dans la baye de BarTin, parce qu'il n'y avoit aucune riviére dans toutes les contrées voifines; qu'ici par contre fe jettoient d'un coté & d'autre nombre de rivieres dans la mer, qui pouvoient y former des glaces fort au-dela. de ce Cap. On voit que cette théfe confirme mon raifonne-ment: mais je lui ai oppofé a mon tour contre la conféquen-ce, que les rivieres entre ce Cap & le Lena, & celles depuis cette riviére au Kowima, étoient fi petites, fi banes, qu'au-cun de ces petits båtimens Ruffiens méme, n'y pouvoit en- trer, & que la quantité d'eau petite mer; que celle de toutes objet en comparatfon de cette bergue jufques vers l'Amérique, pouvoit étre comptée pour rien, voit fortifié. Page 2?i. %' G- lefquels, lif lequel. ............. Ug 7. lefquels, lif. qui. n'étoit appticable que pour la les autres faifoit un fi petit mer fi vafle , depuis Spitz-& peut-étre plus loin, qu'elle & que mon fyftéme s'en trou- 4 -V' ...... MEMOI- MEMOIRES E O G R'A PHiaUES. PREMIERE PAR TIE.. De la fituaiion des pays Septentrionaux de tAjle. Jfc^^^k Out ouvrage dans lequel on fe propofe d'étre utile aux i T hommes Gevant avoir pour BoulTole des principesi dent ^ on ne puilTe contefter la vérité, je crois effen tiel k ce-^e^jv^fø lui - ci de commencer par les proportions luivantes, qut ferviront d'Axionies« S. L i*, On ne peut fixer la pofition d'un pays que fur le rapport de perfonnes, qui Payant vu, en ont donné une relation circonftaneiée, 2°. Les relations font plus ou moins authentiques , felon les per-fonnes & les circonftances, Les andens n'ont donné des legions éloignées que des connoilTances vagues, fur lefquelles on a dreffé des cartes auffi bien qu'il a été poffible, en attendant des témoignagei plus surs, & mieux circonftanciés. 3*. Quant aux perfonnes , il y a une grande difference dans le degré de crédibilité qu'elles méritent C'eft ce qu'il faut examiner avec attention & pefer foigneufement. Souvent on donne une relation ftaonyme; tantot on la préfente fous le nom d'une perlauac, dont Å Vexik j'exiftence n'eft pas conftatée i d'autres fois fous celui d un voyageLT plus ou moins reconnu véridiqoe; il y en a qui ont pour garant tout un équipage de vaiffeau , ou méme plufieurp. Entiti d'autrts ont été pubHées enfuite de voyages entrepris par ordre d'un Souvc-rain , ou d'une Compagnie , auxquels , ceux qui ont été a la découverte, ont fait leur rapport. De ces relations, quelques unes ont été imprimées & connues dans le tems que les découvertes ont été f lites, ou peu de tems aprés; d'autres n'ont été produites que tres long-tems aprés cette époque. Les unes ont été contredites par d'autres , & quelques autres ont été regles comme avérées dans le tems qu'on en auroit pu prouver la faufleté, s'ii y avoit eu lieu au moiru dre foupcon. Toutes ces circonftances dolvent étre murement exa-niinées, & en general il ne faut point ajouter foi a celles qui péchent contre la vrai- femblance, a moins qu'elles ne foient appuyees par d'autres marques caraflériftiques d'autenticité. 4°. Si Ie caractére d'authenticité s'y trouve, qu'elles foient de deux cent, de cent, ou de dix ans feulement, ces relations doivent tou-jours étre tenues pour inconteftables, quand méme depuis ce tems-ia , on n'en auroit point eu d'autres de ces pays & de leur iituation; puiique ia verke reite conftamment telle , quelque ancienne qu'elle feft. Mais fi de nouvelles relations données par des voyågeurs dignes de foi, qui auroient été fur les lieux , contredifoient & corrigeoient Jes aneiennes, il eft manifefte , que les témoins plus récens mérite-roient p!us de créance. S0 Si des relations d'une authenticité éerale fe contredifent, il faut comparer les degrés de 1'authenticité , les circonftances, la prcbahiiité, la poffi-bilité méme de tout, & fe décider fa - deflus, fans cependant dans ces cas, donner le"fyftéme adopté pour indubitable, mais feulement pour probable , en attendant de nouvelles lumiéres plus certaines, 6". Si les plus aneiennes & les p;us nouvelles découvertes s'sq. cGratent entr'eiles en tout, ou en partie, il ne faut pas héiiter un moment, de les preferer å tout ce que les plus favans méme auroient écrit de contraire. 7C. Si un voyagcur donne un« relation, dont on doute, parce qu'il DE L' A S I E. qu'il eft le premier qui en ait parle, & que cependant elle ait été publiée fans qu'on l'ait contredite , ou qu'une partie en ait enfuitc peu å peu été confirmée par des relations plus modernes, je penle qu'on doit la recevoir toute entiere comme telle» jufqu'a-ce que )e témoignage d'autres voyageurs aufli véridiques , conftate la fiuffeté des autres faits, qui n'ont pas encore été pleinement confumés. $°. Lorfqu'il n'y a abfolument point de relation fur un pays , il eft permis de recourir aux conjeclures, en rappcochant & eu combi-nant les relations des pays voifins, leur ficuation , & toutes les circonftances qui peuvent contribuer a former un fyftéme raifonnable, en attendant que des faits certains puiffent mieux nous inftuire. 9°. On ne doit point conclure qu'une premiere relation eft fabn« Ieufe , parce que les noms que les andens voyageurs ont donné å certams pays & a certains peuples different de ceux qui leur ont été donnés enfuite. Je ne parle pat* feulement des noms que les Eu-ropéens ont impofé aux p ;ys , caps , bayes, rivieres &e. CUacun fait que chaque n3tion en a impofé fuivant les circonftances, & que Jes Efpagnols méme les ont chingé une infinité de fois. Si fon prend la peine de confulter les cartes des cotes de la Californie , par exemple, on y trouvera prefque par tout de differens nom« *, il en eft de méme des rivieres qui font au fond de ce Golph'e , de fes c6-tes, & des endroits fitués dans Fintér'ieur du pays. Tout a changé par rapport aux noms, comme il c'étoit des pays entierement differens.; je. parle méme des noms que les peuples yoifins leur donnent, Nous favons que tous ces noms font fignificatifs , & qu'il y a uric infinité de langues diverfes & de dialecles chez les nations Américai-nes. Si done dix nations differentes indiquent le nom de leurs voi-fins, il eft poflible qu'il y aura dix noms differens. Ce qui eft nom-mé Teguajo, Apaches, Moqui, Xumanes &c. au N. Mexique, eft nommé tout autrement par les Miffouris, les Panis, les Padoucas, lej Criftinaux , les Sioux, les Affmipouels &c. fans que par-la il s'agifc d'autres nations, ou d'autres pays. Aprés ces remarques je devrois proceder a h defcriprion de me« cartes , & aux raifons qui m'ont porte a les dreffer d'une maniere differente de celles qui out été doimées par les plus faiaris Géogra* A 2 phe« phes modernes. Mais auparavartf, il eft a propos de commuoiquer im extrait tiré des relations de M, le Profelleur Gmelin, qui peuvent fer« vir å établir mon fyftéme. Monfieur Buache nous fait part de ce qu'il a tiré de la Flora Sibirica dc eet Auteur ; il paroit qu'il n'a pas connu la relation de fes voyages , apparemment parce qu'eile n'eft publiée qu'en Allemand i c'eft ce qui m'engage a en dormer ce qui peut fervir a mon but.. §. IL Extrait de la relation du voyage di M. le Frofeffeur Gmelin dam la Tartarie, en Alkmand 4 vol. %vo. avec jigures & cartes géographiques. Gecttingue 1751. 1752» ( O« La premiere route par la mer glaciale fut entreprife par deux vaiffeaux » qui fortoient du port d'Archangel par la mer blanche dans la glaciale: mais il arriva, comme autrefois , que l'un ne pou^ voit guéres avancer, & refta pris par les glaces; on n'eut point de aouvelles de l'autre, qui fans doute périt dans les glaces ( a ). Pour decider fi la route de la mer glaciale étoit poffible, ou non, on donna ordre a deux vaiiTeaux de fe rendre depuis Arcbangel juf-qu'a l'emboucbure de l'Oby; un autre devoit defcendre depuis To-bolsk, l'Irtifch & l'Oby, & de-la a ['embouchure du Jéniffei, de-puis Irkutsk; deux autres avoient ordre de defcendre le Lena, l'un devoit prendre fon cours å I'Oueft jufqu'a Ia méme embouchure; l'autre vers f Eft, le long des cotes de cette mer glaciale, dépaffer les rivieres de Jana, de I'Indigir, & de Kolyma, jufques dans lg granti { t) Tome I. Préfece, ( a ) L'Imperatrice Catherine voulnnt txécuter le projet de Pierre le Grand , qui avoit envoyé les Capitaines Bcering, Spangberg & Tfchhrikoq , pout faire des découvertes depuis le Kamtfchatka , la Compagnie y employa pres de cinq ans, & fut de retour au commencement de Tannee 17*0. On fortk, dans ce voyage , de la rivierc Kamtfchat, & on avan-tja vers ie nor4 en dépaflluit la riviére Ånaclyr: mais on ignore l'on a été jufqu'a l'lsle Dioméde, ou plus loin. La fai-fon étoit avancée , & les fréquens brouil«. lards empéchoient qu'on ne reconnut les cétes. L'Imperatriee Anne y renvoya 3e mé» me Béering, avec ordre de determiner la pofition de la Corée & du Japon » & de décrire exactement les cotes vers le Sud-Eft & Vflmur, de méme que les is* les voiiines, DE V A S I E. 5" grand Ocean i & faire cours vers Kamtschatka, en y ajoutant Por-dre, que fi 1'on ne réuffiflfoit pas la premiere année, il falloit faire une nouvelle tentative la feconde, ou la troifieme, jufqu'a ce qu'on cut réuffi, ou qu'on fut convaincu de 1'impoflibilité du fuecés. L*or-dre portoit qu'on éléveroit vers les embouchures des rivieres, des pyramides , ou gros tas de bois, de celui que la mer y jette, afin que depuis les vailleaux, on put les reconnoitre. On envoya en méme tems par terre au Kamtschatka une troifieme divifion , afia d'ob-fer ver tout ce qu'il y auroit d'intéreffant dans ces valtes pays, jufqu'ici inconnus, depuis la Sibérie. „ La maniere dont tous ces voyages ont été exécutés, dit 1'ÅU- teur , fera en fon tems le fujet du plus grand éronnement de tout „ le monde, lorfqu'on en aura la relation authentique: ce qui dé-„ pend uniquement de la haute volonté de Plmpératrice Elizabeth , ,t aftuellement régnante, fous le gouvernement de laquelle ce grand ouvrage a été achevé. Je n'en fais que Ia moindre partie , & je „ COmmettroi5 une imprudence tres puniffable ii je publiois , fans „ permiffion fupréme, le peu que je fais de ces voyages par mer" Le 14. May 1734. (2) la Chaloupe , qui devoit paffer par la mer glaciale au JénuTei, partit de Tobolsk^ avec quatre Dofchtfchea-nik, chargés de provifions, Toute la diftance entre le Lena 8c le Tougonnska ( O » qui fe jette an dellus de Tourouchan ( 6 ) p. 4:0, (4 ) F- H«. A 3 du Capita'ne Commandant a Jakutsk, en 173?. L'un des équipagei fut deftiné a chercher la route du Nord-Eft vers la mer de Kamtschatka; il confiftoit en cinquante-deux hommes, & il avot pour Officier Commandant le Lieutenant Laffénius, Danoia ; c'étoit un bon & expert marinier, qui s'étoit offert lui-méme, & avoit entrepris ce voyage par gout &c. 11 partit de J-ikoutsk , avec une cha-loupe , nommée Irkouttk , le 26. Juin , & on chargea les provi-fions & les matériaux fur deux Dofchtfchennik, qui joignirent la cha-Joupe le dixieme Juillet. Ils arrivérent a Schigani le 1?. & feulement h 4. Aouft , ils atteignirent la baye que le Lena forme å une petite diftance de fon embouchure. Le ils arrivérent å Bukovskoi Muis, a l'embouchure méme, ou ils dreflférent une pyramide de boit de la rnuteur de trente - fix pieds, atin de pouvoir la diftinguer de Ioin &c. Le 6. ils firent voile vers PEft - Nord - Eft , mais ils furent obligés, aprés deux heures de navigation, de jetter l'ancre, å caufe du vent contraire ; ils tentérent inutilement jufqu'au 9. d'avancer, mais le vent étoit fort variable , & lorfqu'il étoit favorable , il ne fouffloit que foiblement. Ils gouvernérent toujours entre Sud-Eft & Sud, & pour reconnoitre Peau , ou ils devoient paffer , ils envoyérent une chaloupe le 8- qui revint le 10. Le %. ils drefférent encore une pyramide de trente-fix pieds fur Usle Bukovskoi. Le 9. ils eurent un calnie & des brouillards; le vent donnant vers Eft-Sud - Eft , il« firent voile au Sud, mais ils furent pouffés au Sud-Eft, toujours vers le Sud, Sud-Eft, Eft-Sud-Eft &c. Le ii, ils virent des glaces vers l'Eft, ils jettérent Panere, & furent entourés de glace; aprés quelques heures elles difparurent 9 mais ils effuyérent un violent orage, qui leur brifa des cordages. Le 12. ils firent voile vers Eft-Nord-Eft, mais ils furent pouflTéi a PEft-Sud-Eft, enfuite Sud-Oueft å I'Oueft, Sud-Oueft & Sud-Eft. Ils furent encore entourés de beaucoup de glaces, & Pair fut «bfeurei par les neiges. De forte que des le 13. ils réfolurent de chercher un port pour y paffer Phyver. lis firent done fonder 1« profondeur des rivieres, pour voir dans laquelle ils pourroient entrer. Le i*, on réfolut unanimément de retourner au Karau'ach«, 1 DE V A S I E. 7 å 71*. ou ils conftruifirent des quartiers d'hyvcr. On fe fervit des cinq aneiennes habitations des Jukigres, qu'ils y truuvérent, & on y employa le bois que la mer avoit amene. L'Auteur ajoute qu'a 100. werfts des cotes, (c'eft a dire a trente-fept lieues «Sc demi) , il ne croit aucun bois , & que pourtant les cotes font toutes couvertes de celui que la mer y amene, & qui forme comme des montagnes , tout de fapins & dc melézes, ou de Jarix. Tout le refte de cette relation ne roule que fur la manierc, dont cet équipage palfa 1'hyver dans cet endroit-la, fans dire ce qu'il eft devenu. L'autre troupe qui defcendit la méme année le Lena (7 ) depuis J.ikoutsk, pour chercher Ia route au Nord-Eft vers 1'embouchure du JéniiTei , eut pour Commandeur un marinier tres expert & tres habile, c'étoit le Lieutenant Prontfchifchtschew. Il montoit une double ' chaloupe, fous le nom de Jakoutsk , qui avoit la reputation d'étre bonne voiliére, & de pouYoir étre revirée facilement Sec, Le 30. Juillet il arriva au ruiiTeau Agus Ajegos, qui fe jette dsns ie Lena , ou fe trouve une Isle de rocher å Ia latitude de 72°, 6,„ De-lå, le Lena fe partage en quatre bras, qui fe jettent tons par des embouchures particulieres dans la mer glaciale &c. 11 ne put fortir en mer å caufe des vents contraires , que le 13. Aouft, & il navigea toujours pendant deux cent milles d'Italie le long des Isles difperfées entre les embouchures; alors il fe trouva a 700. 4'. de latitude , vers le Nord & l'Eft. Il vit toujours des giaces , Sc n'a-Yoit que de cinquante a cent toifes d'eau ; de-la, il fit cours entre Sud & Oueft, & avawca cent milles, Sc il arriva le 2?. Aouft aTem-bouchure de 1'Oleneck, oia il trouva la hauteur de 72°. 30'. le froid i'étoit fort augmenté , & le båtiment étoit endommagé , de forte qu'on prit la refolution d'entrer dans 1'Olenek, ce qu'il fit le premi**-Septembre. Il trouva a 30. werfts de 1'embouchure douze families de Promyfchlenie , qui s:y étoient établies, & y avoient cenftruit des maifons ; il prit fon quartier chez eux, & fit faire encore quelques chambres. Le u. Novembre il envoya au quartier principal une rela- ( 7 ) p« 425- r relation de tout ce qu'il avoit obfervé. Dans ce tems tout Péquipa* ge fe trouvoit en par faite fante. Le Capitaine Commandant jugeant en été 1636. qu'il devoit con-tinuer la commiflicn, dont il étoit chargé, envoya au Lieutenant Por-dre de fortir de POlenek , & de continuer fa route. Il expédia de méme le Lieutenant Dmitri Laptieuw pour remplacer LaGTenius, qui étoit mort, auquel on joignit le Lieutenant Piantin , bon marimer & bon pilote, pour continuer le voyage vers PEft &c. On n'eut qu'au milieu de Mars de Pannée 1737. la relation de ce voyage ; & M. Gmelin la donne de cette maniere. Le Lieutenant Commandant & Plantin aimoient les bons Uvres, & ils avoient fans doute lu, que plufieurs de ceux, qui fe font trou-ves dans ces mers, ont confeillé de s'éloigncr des cotes & de chercher la haute mer, pour trouver le paftage a la mer orientale, lis prirent done la réfolution de chercher un paffage, qui abrégeroit la route , en leur faifant éviter les glaces, qui fe trouvent principale-ment fur les cotes. La fortune les fayorifa d'abord , & avec le vent le plus favorable qu'on put fouhaiter, ils purent naviger pendant deux ibis vingt-quatre heures fans interruption vers le Nord - Eft. Ils cru-rent deja toucher au but: mais bientot ils trouvérent une mer for-tement gelée, ou ils ne virent aucune iifué, ni du coté de PEft, ni du coté du Nord. Ils alTurérent, qu'ils s'en étoient convaincus pac le raport des chaloupes , qu'ils avoient envoyées å la découverte, & que des gens qui connoiftbient ces parages, leur ont donné une atteftation par écrit, que la mer y étoit gelée depuis un tems immémo-rial toute Pannée &c. On réfolut done unanimément de retourner å 1'embouchure du Lena; on y arriva le 23. Aouft. Le Lieutenant Prontfchitfchew fortit de POlenek au commence-øient du mois d'Aouft; il étoit fort malade du fcorbut: mais foit qu'il cfpcrat de fe rétablir par ce voyage , foit par zéle å s'acquiter de fon devoir, il partit. Il arriva le 3. Aouft å Pembouchure de PAnabara, fur 73*, i', de latitude. Les gens envoyés dans Pintérieur du pays, pour vifiter certaines mines, revinrent le 1 o. Aouft , & on pourfuivit fe voyage de Chatanga. Avant que d'y arriver , ils furent deja en-tomes detant degjaecs, qu'ils coururent beaucoup de rifques, en vou- lant DE L' A S I E. hnt les paffer. Depuis le Chatanga, la glace s'étendoit fort avant en mer: ce qui les obligea d'entrer dans cette riviére å 740. s'. Ils trouvérent fur fes bords occidentaux des cabanes vuides, & ils appri-rent, qu'elles fervoient a des gens, qui demeurent cent cinquante werfts plus haut, & qui s'y rendoient de tems a autre. Le vailfeau avanca le long des cotes prefque toujours ters le nord, jufqu'a 1'embouchure du Tamur, ou Taimar, ou il arrif a le 1 %. La rtvlete fe trouva avoir (i peu de profondeur, qu'ils ne purent s'y arréter. Ils continue'rent done å ranger la cote vers le Piaftda ; lå. ils trouvérent plulieurs grandes isles , entre Iefquelles & le rivage , ils trouvérent des glaces immobiles, qu'ils jugérent étre des redes de l'hiver précedent. Ils dirigérent done leurs cours au Nord pour tåchec de doubler & dépaffer ces isles. Au commencetnent ils efperérent de réuflir, ils eurent une mer alTez libre, excepté qu'ils y virent par-ci par-la beaucoup de glaces. Ils parvinrent enftn å la derniere isle, lorfqu'ils furent å la hauteur de 77°. lei toutes leurs efpérances s'évanouirent; le froid augmentoit. Entre la derniere isle & le rivage, de méme que depuis l'isle plus au Nord bien avant dans la mer , il y avoit des glaces immobiles. Ils tentérent pourtant d'avancer plus au Nord, & ils avancérent en effet environ fix milles: mais alors un brouiliard les empécha de diftjnguer ce qui les environnoit; & lorfqu'il fut diffipé , ils ne virent que des glaces devant eux & k leurs cotés. Les glaces en pleine mer, étoient a la vérité mobiles , mais fi ferre'es, qu'un canot de pécheur n'y auroit pu paffer ; & quot-qu'ils dirigeaffent leur cours vers le Nord, ils furent néanmoins toujours poufies vers le Nord-Eft par les glaces. Dans ces circonftances ils eurent peur d'en étre pris, & le Lieutenant, dont la maladie s'augmentoit journellement, tint confeil, & il fut refoiu de rebroulFer. Etant arrivés au Taimura, un calme furvint, & la mer commen-coit a geler. Ils eurent grand peur d'étre obligés d'hiverner a une i! mauvaife ftat'on , mais Dieu les en préferva. Au bout de vingt quatre heures le vent, non - feulement chaffa les glaces ftottantes, mais rom-pit celles qui couvroient la mer, & ainfi aprés avoir elTuyé bien des dangers ils arrivérent Je 29. Aouft å Pembouchurc de l'Olenek , 8c la fin de ce voyage fut auffi celle de la vie du digne Lieutenant B C om- Commandeur. Voila la relation que le pilote Semen Tfchelufchlah donna le 24, Septernbre 1736. Pour finir cette narration j'ajouterai dit l'Auteur ( 1 ), ce que j at appris enfuite de ces voyages par mer &c. Le Lieutenant Laptieuw ie rendit dans Phiver de 1737- a 173 S- a Pétersbourg pour rendre compte de fon dernier voyage. 11 revint en 1739. accompagné de ion coufin Chariton Laptieuw, qui fut envoyé a la place du défunt Lieutenant Prontfchitfchew , pour commander la double chaloupe, qui étoit reftée dans POlenek. Le premier avoit avec lui le Pilote .Schtfcherbinin, & Pautre celui qui avoit déja fervi fur cette chaloupe; Tfcheljufchkin. L'un & l'autre de ces Lieutenants avoient ordre de faire tout ce qui étoit poffible pour réuffir , & au cas qu'on ne put achever toute la route par eau, de la faire auffi loin que poffible t & le refte å pied par terre le long des cotes, aftn qu'on put en avoir une defcription exacle Et comme on avoit déja concu quelque doutc par le voyage précedent de Prontfchitfchew , qu'il fut poffible de réuffir de ce coté, On ordonna en méme tems un voyage depuis Mangafea fur le JéniiTei vers le Nord-Eit, pour étre mieux affuré de la poffibilité, ou de Pimpoffibilité de ce paffage &c, Cette chaloupe fortit en mer le 29. Juillet. Il eft d'ailleurs conftaté par les relations les plus modernes que AI. le Profeffeur Muller å tiré des Archives de J3k0ur.sk, que vers la fin du fiécle paffe on a fait des voyages prefque dtaque année, depuis le Lena jafqu'au Kolyma ; & ce fut feulement dans des Dofchtfcheniks & par des gens fort ignorans dans la navigation ( a). On fait encore par des relations modernes , que *non - feulement la cote méri-dionale (b) s'élargit de plus en plus, mais que dans les endroits méme ou il y a de Peau, elle devient toujours moins profonde, ainfi qu'elle peut avoir changé &c. La chaloupe Jakoutsk partie h 29. juillet, doubla le 15. un cap , qui ( t) pag & fuiv. Kamtfchatka. Nous en parierons dans un ( « ) 11 rapporte mcme le voyage d'oti autre endroit. homme qui feul dans un canot å dépaffé ( b ) Je ne fai s'il n'.\ pas voulu dire le cap SchalJginskoi , & s'eft rendu au feptentrionalc. D E V A S I E 7 it qei avance beaucoup dans la mer , & que le Lieutenant crut étre lé Swiatoi-nofs, nom qu'on donna autrefois å un cap , qui avance beaucoup dans la mer, & fe troove fitué au - delå & non-en déca de Pindigir. Depuis le Swiatoi-nofs jufqu'å Pindigir, la diftance étoit grande; ii y arriva fous jo,9, af. toujours patmi les glaces flottantési Il y trouva quatrc embouchures, mais les eaux dc toutes y étoierit li balles , qu'il ne put y entrer. 11 fut done obligé de refter en mer parmi ces glaces, jufqu'au 1. Septembrc, qu'il fut pris par le gel Bientåt aprés il s'éleva un oragc, qui brifa les glaces,'& poufla li chaloupe en mer. il erra parmi les g?aces jufqu'au 8. Sepftembre. Lé Jour fuivant le calme furvint, & la mer gela fi fort, que déja lé 10. & le 11. on pouvoit tranfporter Péquipage a terre par demjt les glace?. Le vaiflcau qui fe trouvoit k foixante werfts des embouchures , fut entierement pris par les glaces &c. On y laifta une gard--qu'on changeoit de tems en tems. ils ne pouvotent pas rnanquer de provifions, puifqu'il n'y a aucune riviére feptentrionale J tfontl« bords foient G bien peuplés. La mer méme pouvoit fourrur abondaat-ment å leur entretien. * Outre les chiens marins & les ours blånes, qui fe trouvoienf ert grand nombre parmi les glaces , on y voyoit des poiffons de fh. h 60. pieds de long, qui faifoient jaillir de l'eau comme les baleines.1 Ils nageoient par troupes , & leur chair étoit de fort bon gout. Les Rumens les nomment Beluga, a caufe de leur blancheur. ii fembkS que ce foient les vaehes mannes, ou Mana ti. On a obfervé que depuis le Swiatoi - nofs la mer eft fort bafTe \% long des cotes, & le pays plat & uni. On a aufli obfervé, que dc-puts le Swiatoi - nofs jufqu'au Kolyma, il n'y a aucune riviére, 012 Peau foit aiTez profonde , pour qu'un båtiment un peu confiderable puillé y entrer. Le printems fuivant on n'épargna aucune peine pour fauver tø chaloupe; on l'amena enfin fur le rivage, quoique fort endonirru-gée. Je ne faurois dire précifément cé qu'on en a fait : mais il eft certain que le Lieutenant a coutinuc fa route jufqu'au Kolima' J-;hf de petits båtimens ; (j'ignore ou ils les avoit pris ). De - la , partje pac tene, partic par eau, jufqu'a Anadirskoi Qftrog , il décxk toute b • ^ cote cote jufques-få; il finit fa navigation cn 1740. Il fut déja eri 1741. ou 1742. de retour å Oonlladt, ou pour récocipenfe de fes fatenes, il fut fait Capitaine de la flotte. Pour ee qui eft de l'autre voyage vers le Nord-Eft, je n'era puis rien dire d'intéreflant, finon que la double chaloupe de 1739. fous le commandement du Lieutenant Chariton Laptiew, n'eft point parvenue jufqu'a Pembouchure du'Jénifea, mais a hiverne au Qha-tanga: feulement il a paru i'année fuivante, tant par ce voyage, que par celui qui avoit été entrepris depuis Mangafea qu'entre les rivieres Piafiga ou Piafida 8c Tamur, s'avancoit une langue de terre au Nord dans la mer; qu'avant de parvenir å fa pointe , on trouvoit la mes gelée; que les vailfeaux de Mangafea & du Lena, n'avoient pu la doubler , & que, ou Pun ou l'autre , ou tous les deux avoient été briiés, mais de maniere que tout Péquipage s'étoit fauvé. L'Auteur fait enfuite une obfervation digne d'étre rapportée ( 2 ), Aux environs de Jakoutsk , nialgré les montagnes qui font dans cette contrée, on ne trouve point, ou peu de fources; apparemment parce que la terre y eft déja gelée a une certaine profondeur. Peu aprés la fondation de Jdkouttk, en 168S- & i6&é< on voulut y établir un pults; un Coiaque en ayant forme Pcntreprife , il commenca h travniller le 27. juillet 168?. 8c continuafans interruption jufqu'au j. Novembre. Pendant ce tems il avcit ceufé a huit toifes de profondeur , & il trouva par tout la ^terre également gelée. L'année fuivante il recommenca le 1. Avril, & ne trouva encore que de la terre gelée; il creufa encore cinq toifes plus bas jufqu'au 25. Juillet, alors iiaflura avoir rencoutré un roe, duquel s'exhaicit une mauvaife odeur, & qu>il étoit impoflible de continuer Pouvrage. Un Bojarskoi Ja-fcout kien &c. voulant s'affurer de la vérité de ce fait, defcendit dans ce creuK, & trouva en effet la terre gelée jufqu'au fond; il fentit la maoYaife odeur qui s'exhaloit de cette terre, mais il n'apperc,ut poin« de roe. Le voyage par terre de Jr.koutsk a Ochotøk ( 3 ) fut de deux cent quatre-vingt & dix werfts, & celui qu'il fit par eau fur les diver- ( 2 ) pag saa. ( J ) P Si«- diverfes rivieres de Cinq cent, des montagnesétonnantes entre deux (fl).-Vers le Piafida, le Tamura, le Chatanga ( 4 ), & du cété de Jon-rask, on trouve tres fréquemment de gros tas de bok La plupart font des plantes & de grolfes poutres entieres, de Meiézes , de Cedres & de Sapins. Parmi ce bois amoncelé on en trouve beaucoup de tout frais fur le bord aduél de la mer; d'autre eft fec & en p&rtie attaqué de pourriture. On le voit loin du rivage, dans des endroits ou l'eau de la mer ne parvient plus aujourd'hui. A PEft de 1'embouchure du Jenifea , & a quinze wetfts au Nord de Kitaflhouskoie Si-movie , il y a une place remarquable , qui furpufte en hauteur toute la contrée ; on y trouve une grande abondance de pareil bois. La mer ( b ) Louvre ( 5 ) en méme tems que Pembouchure du Jenifea, ce qui arrive ordinairement vers le 12. de Juin. Aprés ce tems-la elle eft libre , pourvu que les vents viennent de terre & chaflent les glaces. Dans la contrée de Retfchifchnoie Simoyie , fui-tant la relation d'un homme qui y a féjourné plufieurs années , la glice revient inct-fluniment fur les rivages , des que le vent du Nord, cu du Nord - Oueft fouffle feulement pendant vingt-quatre heures: ce qui eft un indice fur que la fource de ces glaces n'eft pas éioi-gnée, que ce foit une grande Isle, ou un contment, ou une mer gelée. Les navigations entreprifes plufieurs fois jufqu'au 78°- qui n'ont pu réuffir a caufe des glaces , dunnem lieu de fuppofer ce der nier fait. La mer s'ouvre tard & fe referme tres promptement ( 6 ). Si-t6t que le mois d'Aouft approche de fa fin , on n'eft pas aflure un feill jour qu'elle ne gele; il ne fnut pour cela qu'un fioid médiocre , & un calme, fouvent alors un quart d'heure f ffit. Mais auffi lorfque la mer fe ferme de fi bonne heure , il n'eft pas fur, qu'elle reftera gelée pendant tout Phiver. La glace eft pour Pordinaire nvnce dans les commencemens, & un grand orage la brife, comme on le fait par expérience. On peut adopter cemme une théfe certame que la B 3 met ( * ) CoriFer. psge 409. ( 4 Tome fil. p iz6> ( b) SVntcnd la peuie, ( <; ) pag- wj. i 6 ) j». 13g. mer glaciale ne gele jamaia plus tard que le i. O&obre, mais fou* tent plutot. L'Auteur recjut le 10. Janvier 1739. (7) une lettre de M. Dé-liile de la Croiére, qui lui mandoit que depuis Siktakskoic Simovie , douze cent werfts plus bas, au Nord, que Jafcdutslt, il avoit fait en Décembre un voyage en traineaux jufqu'a POlenek. 11 y étoit arrivé Ie 18. Janvier & en étoit repartit le f. Avri!. Quand Mr. Délisle ( 8 ) n'auroit fait que de determiner cértainfc-menfc par des obfervations aftronomtques Ia feule longitude de ce lieu, ou il a fait quelque féjour, il auroit fait une découverte impor-fcante , qui auroit étermfé fon nom: mais il pouvoit prévoir que ceU' n'arriveroit pas. Il n'avoit perfonne å qui il put feulement fe confier, pour compter exaåement les fscondes de la pendule. 11 n'avoit perfonne avec lui, qui fut en etat de faire la moindre obfervation aftro-Domique; fes inftrumens étoient tous endommagés , & perfonne ner pouvoit les rétablir. Tout rouloit fur lui feul &c. Ceft ce que remar-que Mr. Gmelin. li parle des oflemens des Mammonts, ( p ) des tetes, des cornes de cet animal qu'on a trouvé. 11 fuppofe que ce ne font que des oflemens d'élephans (io)9 mais qu'il y en a d'autres, qui reflcmblent plutdt k ceux d'un bosuf.-Que dans un grand changement arrivé å la terre (n), les élephans ayant voulu fe fauver, fe font retirés dans ce pays, ou le climat ne leur étant pas favorable , ils ont tous péri. 11 n'approuve ni "Wood-ward, ni Scheuehzcr, qui attribuent le tout å une inondation univer-lélie , ni ceux qui, par contre, n'en reconnoifTent que de particulieret. Il tå he de réfoudre l'obje&ion tirée de U grofleur de ces oflemens ( 12 ). On a trouvé, dit-il , des dcnts qui ont jufqu'a neuf pieds de longueur, & neuf pouces de Iargeur, qui péfent deux cent quarante'» & deux cent hmtante livres, poids de Rdlte , c'eft-a-dire environ deux cent livres, poids de mare & plus II aSTure, qju'btt »Toit ( 10 ) p. ( ii ) p. i%6r C it ) P- 'S8' ( 7 ) (8) C 9 ) Pag. M7„ P- '4f. P. *48. fcq. avoit déja trouvé des dents d'élephant de huit 2i dix pieds s & du poids de cent a cent foixante-huit livres. II trouve méme que le fqueléte de trente - fix aunes de long, trouvé fur les bords du lac Tfchana, n'étoit pas fi monftrueufement grand , que pour cela on dut fe fuire de la peine de l'attribuer a Pélephant. 11 ajoute qu'on peut regarder Pindigir & l'Anadir comme rivieres de la méme mer. II parle enfuite de la quantité de dents de chevaux marins (Os ou felon les Francois , de vaches mannes, qu'on trouve dans toutes les cotes des isles vers la nouvelle Zemble , jufqu'a l'Oby, quelques unes méme jufqu'au Jenifea &c. mai3 qu'il y en a fur tout en tres grand nombre aux environs du Cap Schalaginskoi, ou ils fe trouve des dents fi longues, que les Tzchutzki en font des deflbus de trai-neaux. 11 s'en trouve encore beaucoup de-la jufqu'a l'Anadir; on a aiTuré åPAuteur, qu'on en avoit vil une du poids de 35. livres; que celles de dix a treize livres ne font pas rares. 11 rapporte la relation du voyage au Nord ( 2 ) , que dans l'Isle de Cherri a 740. 4^'. on a trouvé de ces animaux en fi grande quantité, qu'ils étoient couchés les uns fur les autres en troupes, que la méme année 1706. les Anglois y en avoient tué plus de cent dans fix heures de tems; huit cent en 1708- en fept heures; plus de neuf cent en 171 o.; en un jour. huit cent; qu'un feul homme cn avoit tué d'un jour quarante. Ceux des environs de l'Anadir & de NoiT- Schalaginskoi ne fe ramaffent pas, en tuant ces animaux , nms on les trouve en grande quantité fur les rivsges bas. Ils y font en fi grand nombre, que felon la relation des Cofaques, Jakoutfes, les Tzchuktzchi en font des offrandes å leurs Dieux, en les accurnu-lant en grands monceaux. Que toutes ces dents ( 3 ), qu'on apporte de la Groenlande , d'Ar-changel, de Kola &c, font tres petites, en comparailcn de celles, qu'on envoye depuis Anadirskoi. Mr. Krafcheninnikow (4) marque, qu'il étoit arrivé depuis Ochotsfc en Kamtfchatka, aprés avoix couru le plus grand danger; que le *aifleau ( t ) pag. 164, feq. ( 2 ) 167. (Op. 170. C 4) p. 17*' vaiflfeau ayant pris une voye d'eau , on avoit été ob'igé de jetter \ la mer une grande partie du bagage, avec toutes les provifions atrnflfées pour leur fubfiftance pour deux ans ; qu'å la fin le vaiflfeau avoit •cdnué fur un bane de fable, avant qu'ils eulTent pu gagner Bolfche-rezkoi Oftrog , mais qu'heureufement ils ont pu parvenir å fauvcr leur vie & a fe rendre enfin a Oftrog, A deux cent quatre-vmgt werfts plus bas que Mangafea (? )» il y a encore une paroiflé Rullienne nommée Chantaiskoipogoft, å 63*. 30'. de latitude. § III. Obfervations fur les changemns faits aux Cartes ordinaires. Fenons aux Cartes drejfées felon mon fyftéme. La Carte premiere contient les pays, depuis la cote occidentale de Spitzberg, jufqu'au - dela du Lena, & de-lå jufqu'a Pextrémité orientale de PAfie , & jufqu'au Japon. Si Pon trouvoit dans la premiere partie quelque difference pour la longitude , on en devinera aifémenc les raifons par les remarques que je ferai fur la feconde partie. Je n'ai rien voulu changer quant au Spitzberg ; la difference qu'il y a entre les diverfes cartes eft tres petite, & n'eft pas de grande importance ; elle ne peut tout au plus influer, que fur la troifieme partie de ce memoire. Pour ce qui eft de la nouvelle Zemble, je Pai donnée a peu pres conformément aux découvertes de Barentz & de Hemskerk, qui en ont défigné exadtement toutes les cotes, bayes , caps &c. & qui leur ont impofé des noms. Ils font les feuls qui, avec leurs compagnons, ont abordé å la cote orientale de cette Isle, ou ils ont méme hyverné. Fondé fur une relation aufli authentique, je ne fais pas la moindre attention å ce que difent ceux, qui joignent la nouvelle Zemble W la Tartarie, par un Ifthme, ou par des glaces perpétuelles, qui mé-rne, contre la foi de ces illuftres voyageurs, la défignent ainfi fur les cartes; encore moins å ceux, qui la fuppofent contigue au Spitzberg , contre toute notorieté publique. J'ai ( 5 ) p. Zi6. J'ai cru devofr fuivre encore les découvertes des Rufliens, pour Pefpace qu'il y a entre la nouvelle Zemble & la Tartarie, par la méme raifon, parce que ce font eux, & eux feuls qui i'ont reconnu & décrit. Je n'ai done fait fur ce point que copier la carte que Mr. Gmeiin en a donne. S. IV. Il faut rétrécir la cote entre le Piafiga & le Cap. Cependant je foupconne beaucoup qu'il a voulu en impofer au public, en marquant comme indéterminée toute la cote entre le Piafiga 8c le Cap å I'Oueft de Pembouchure du Tamura , qu'il nous repréfente ii redoutable & impoflible a dépalTer. Voici les raifons qui fondent mes doutes , & qui m'ont engagé a rétrécir un peu -cette cote. i°. M. Gmeiin & l'Officier Ruflien paroiflent tres attentifs l nous cacher les particularités des voyages faits depuis PObi vers ce Cap. Je crois que ceci influe beaucoup fur la réflexion qué je ferai dans la troifieme partie de ce memoire , au fujet de la préface de M. Gmeiin. Ils difent que l'un, ou méme les deux vaifleaux fe perdi-xent dans les glaces., de maniere pourtant que tout l'équipage fe fau-va. fet équipage, le Commandant, le Pilote , n'ont-ils done tenu aucun journal ? Pourquoi ne le communique fon pas, t'il n'y avoit pas une grande raifon d'Etat, qui le fit cacher? C'eft, fans doute, parce que comme le dit M. Gmeiin t il feroit tres puniffabie, s'i! Je faifoit. 2°. Suppoforrs cependant que -le journal fe foit m effet perdu; Mais POfficier Ruflien aflure , qu'on a reconnu cette cote par terre„ on auroit done på la repréfenter fur ja carte, fi on l'eut jugé a propos, 3°. Quelques cartes marquent entre 1c Piafiga & la cote occident tales, fept Simovies, ou habitations d'hyver. Elles marquent au mé-ir,e endroit le monaftére de Turuchan. Les Samotedes ont aflure, déja du tems des premieres tentatives, que la petite mer d'eau douce, c'eft å dire , tout ce qui fe trouve entre !a nouvelle Zemble & le Continent, depuis lé Waeigaisj jufques vers I'extrémité de i'isle * ge- C ioit loft fouvent en Semptembre ou Oåobre: mais que la grande mer ne geloit Jamais; qu'on s'y rendoit depuis le Jenifea & le Piafiga pour la péche. Eft - il done croyable qu'on n'ait jamais pu reconnoitre cette cote par mer ? Je ne puis me le perfuader, & par conféquent j'ai de tres grands foupcons, que ce cap de la prétendue terre de Jei-mer ( a ), a été double. 4°. De Paveu de ces Auteurs méme , on a paffe par tout ce dé-troit jufqu'au Piafiga (b). Si done ce trajet a pu fe faire par un détroir peu large en eau douce , qui gele infinirnent plus prompte-ment & plus fort que l'eau de mer, & ou les glaces devoient s'a-maflTer, principalement vers PIsle nommée Bieloi, comment n'auroit-on pas pu paffer entre la pointe orientale de la nouvelle Zemble & ce cap, puifque fuivant leur carte il y a plus de vingt degrés de diftances entre ces deux terres ? 5 °. On voit manifeftement que l'Otlicier Ruflien a voulu cacher tout ce qui ne devoit pas étre divulgué, & il ne pouvoit faire au-trement, vu les peines févéres décernées contre ceux qui, en Mof-covie, révélent des myftéres d'Etat, parmi lefquels celui de ces découvertes tient un des premiers rangs. C'eft par cette raifon, qu'il a la hardieffe d'affurer, que les deux vaiffeaux envoyés depuis le Lena, Pun k I'Oueft, & l'autre a l'Eft, fe font perdus parmi les glaces. La relation de M. Gmeiin , avec quelque circonfpeftion qu'il ait écrit, nous apprend ie contraire. 6"°, J'ai vu en 17^2. un Officier Francois au feivice de la Cour de Pétersbourg, qui étant revenu dans fa patrie, pour vifiter fa famille , retourna peu apr£s en Rullie. Je m'entretins avec lui fur ce fujet, il me dit tju'a Pétersbourg on difoit généralement, que depuis Archangel méme on pouvoit paffer , & qu'en effet 011 avoit paffe au Kamtschatcha , & que perfonne n'en doutoit, fans cependant qu'on ofat le dire ouvertement. Le Prince S** Rumen, pendant fes voyages en Europe, fut aufli interrogé fur le méme fujet, & ( « ) Muller parle d'un grand Cap, (b) Les Hollandois ont déja pafle Jalmal, dans la pct\te Mer, fort å I'Oueft depuis le Petfchora , jufqu'a l'Obi, & de cette prétendue terre, qui , felon le Rufliens jufqu'au Piafiga. nom defigure, doit étre le méme. DE L' A S I E. *9 & il fit a peu pres la méme réponfe. De tout cela je fais en droit de conclure, que ce Cap formidable de la terre de Jelmer, qu'on ne peut dépalTer, eft un fantåme forgé , ou du moins exaggeré par Is politique Ruflienne. Nous aurons occafion d'en parler encore ailieurs avec plus d'étendué\ Venons å la feconde partie de cette carte. il faut dunner å tAjte moins de Iargeur qu'on ne lui en donne. Il y a ici beaucoup de faits a difcuter. PréHminairement, je fou~ . fcaiterois» qu'on voulut m'éclaircir une difficuké, que je n*ai jamais pil iréfoudrc. Les Aftronomes å la Chine & au Siam , aprés des obfervations fféxterées & exactes, ont trouvé, qu'il falloit retrancher cinq cent lieues de la largeur de l'Ar:e, d'autres difent vingt degrés. Car quelqu'habiles que foient les obfervateurs , quelqu'excellens que foient leurs inftnj mens, jamais leurs obfervations ne s'accordent parfaitement. Les R Milfionnaires l'avouent eux-mémes dans Phiftoire de la Chine du P. du Halde. Si ce font cinq cent lieues, comptons les k vingt lieues te degré , cela fera 2 5 °. Cependant a la latitude de Siam , ou de Judia, ou Odia fa Capitale , le degré auroit déja du diminuer de quelque chofe : mais ne mettons que vingt-cinq degrés. Autrefois on placoit l'extrémité orientale de PAfie å cent huitance degrés , & aujourd'hui on la raet å deux cent & cinq. Qu'on m'eKpTique une ii grande difference , & que Pon concslie, fiPonpeut, ces variations. On me dira peut-étre, que depuis ce terns-la l'on a découvert feous les pays du Kamtfchatka, ceux de Tzchutzchi, des Tzchalatzki, des Olutorski , & que c'eft par-la, qu'on eft venu a étendre PAtie jufqu'au 205, ou 207*. Fort bien: mais on avoit pourtant conv pris dans les aneiennes cartes les pays jufqu'au Kolyma, qu'on place aujourd'hui au cent feptante cinquiéme degré ; ainfi la difference n'eft que de cinq degrés, qu'on Pauroit trop étendu. Accordons plus , & difons que l'Amur, foit fon embouchure , a été placé trop loin : cependant. on ne trouvera pas, que la difference des aneiennes cartes ^ a au« aux nouvelles foit des vingt - cinq degrés que les obfervateurs mødernes ont trouvé (a), Ajoutons encore une réflexion. Si la iargeur n'étoit que de vingt - cinq degrés de trop, on pourroit également comprendre cefte Iargeur jufqu'au Serdzekamen , ou du moins julqu'h la v 6te entre Pembouchure de PAnaiir, & le Cap Olutorski; ce oui feroit, ou toute la Iargeur des dt ux cent & cinq , ou du mo ns jufqu'au cent nonantiéme degré; parce que les cotes Occidentales de l'Amérique ayant été reconnues par les Efpagnols, le continent de l'Afie , vis - a - vis, a par - lå méme été déterminé å cent hu f tante degrés & å cent nonante. On a feulement ignoré les particularités de ces dernieres, comme elles Pétoient des Ruffiens, il y a tout au plus trente å quarante an*. Ce qui n'influe point fur la Iargeur de PAiie, Si done érendre PAfie jufqu'au cent huitantieme degré, étoit lui don-ner une Lrgeur de vingt-cinq, de quinze, de dix méme, fi Pod veut , de trop , & qu'aujourd'hui on Pétende jufqu'au deux cent & cinquiéme, au 108. méme, ou a la fusdite cote, au cent nonantiéme degré, il faut qu'il y ait de Perreur , je ne veux pas dire de quarante , ni de trente degrés, mais bien une erreur conliderable qui, comme tout le refte, me paroit Ptffet de iapoliique Ruffienne, Je m'en tiendrai done a des longitudes moyennes, & je prens pour bafc de mes propofitions, celles des premieres rartes Ruifiennes, pu-bliées , foit par ordre du Senat & de PAcadémie, foit par des parti-culiers, dont les cartes ont été adoptées par ces illuftres Tribunaux, On objectera, qu'a mefure, que Pon fait des découvertes ultérieu-les 3 on peut & Pon doit corriger les aneiennes cartes fautives \ que c'eft ( a ) rø, Buache remarque lo? - méme p, 108. que 1YI. *Wirfen a cru la pointe Septe^trion;le > c'eft å dire , le Nofs Sch ifaginskoi å quarante degrés, plus pres de la Ruflie j qu*t>Ue t/e/t; il devroit dire, Wtfott ne k pfate uujour.Cbui. Cooliderons que ceci fe fit en ir5oz alors'comme nous le venons c*, aprés , les habiians du l.éna & do Kolym 1 faifoienjj un commerce pat mer au Kamtfc'i.uka. Les* trois vaiflVaux Rufliens y avoient Fait le voya-ie ea 1648, Oo aflure tres fautif, la terre voifine de J'Amérique y eft encore aflez bien „ repréfentée, ce qui n'a pourtant pu fe faire que par conjeåure?. §. 2. A lapage 8- il parle de la carte Suédoife drefTée par Adrien Veno Aurélius 5 gravée par JoiTe Hondius en 1632. 11 dit, que pour la contrée de la mer bianche, pour la Laponie RuiTienne & pour la pofition de PIsle Candenoes , cette carte doit étre préferée a nos cartes de la Ruifie les plus nouvelles. §. 3. Il loué beaucoup M. Witfen å la page 29. des foins & des peines infinies, qu'il a prifes dans le voyage, qu'il a fait en Mofcovie avec PAmbaflade des Holandois en 1666. 1667. 11a eu, dit-il, des relations authentiques des regions inconnues au Nord - Eft de l'A-fie, & il a tracé celles a PEft du Jéniflei beaucoup mieux que tous fes dévanciers, quoiqu'il n'y ait pas une patfaite certitude. A la page 30. il prétend que F. de "Witt & Vifcher Pont a peu pres copié. §. 4. A la page 32. il donne Witfen, comme PAuteurde la carte d'Everard Isbrand Ides, dans laqyelle fe trouve le nom de Kamtfchatka marqué pour une riviére fur la cote orientale a 720. latitude. II-brand avoit entendu parler obfeurement du Kamtfchatka dans fon voyage de Sibérie. §. 5. Il croit comme ille dit page 6?. que la carte, qui a pour titre, carte &c. de PEmpire de la grande RuiTie dans Pétat, ou elle f'eft trouvée a la mort de Pierre le Grand, a été faite par les OffiU ciers prifonniers Suédois , & a la page cTp. il dit, qu'il s'elt beaucoup fervi dans fon voyage de Sibérie de la carte de Strahlenberg, & qu'elle lui a paru exaéle , pour tous les lieux, ou il a lui - méme été, mais que pour les autres, il a été obligé de s'en tenir aux r&. ports, qu'on lui en a fait. §. 6. A la page 69. il parle de l'Atlas de M. Kirilow premier fé-cretaire du Senat. Ces cartes, de méme que la générale, ont été cem-pofées de celles que les Géométres ont envoyées. On n'y a point obfervé obfervé les liaifons, ni les graduations néceflTaires. II a été compofé depuis 1726", jufqu'en 1734 L'Auteur dit dans le titre, que toute Ja longueur de PEmpire Ruinen eft de 130. de ces degrés, dont toute la circonférence de la terre fait 360. §. 7. La carte des pays traverfés par 1e Capitaine Béering, depuis la ville deTobolsk, jafqu'au Kaintfchatki eft, dit-il, pag. 74. la premiere, qui a affigné a l'Afie Septentrionale fa veritable longueur. §. 8- Halli tabula Imperii Ruflici. Il dit pag. 84. que les cartes de Strahlenberg & de Kirilow lui ont fervi de bafe : mais qu'il s'eft fervi encore de nombre d'autres fecours, dont il rend compte dans le memoire qu'il y a joint. §. 9, L'Atlas Ruflien de 174?. a encore plufieurs crreurs. Il a été copié par Broukner dans fon Atlas marin; Tabula Imperii Rufllci, par l'Atlas de PAcadémie de Berlin , par Robert de Vaugondi, par Gmélin, & par d'Anville dans fa III. Partie de l'Afie de 1753. en-forte , que les mémes erreurs fe font gUITées dans leurs cartes. Cependant Gmélin en a découvert & corrigé plufieurs par la relation de ion voyage. C'eft ce que M. Muller obfervé page 87- 93- 96* §. 10. Il parle a la page 99. des découvertes faites par les vaiffeaux Rumens &c. 17*4. & 1758. fans nom d'Auteur. §. 11. Suivant la page 100. John Petyt & Francis Robotham don-jnérent une carte en hollandois. La latitude de l'Onega & des pays voifins y différe confidérablement de celle, qu'on trouve dans l'Atlas Ruffien. 11 eft done permis de douter de la latitude fixée dans cet Atlas a la mer blanche &c. §. i i. Il obfervé pag. 223. 224. que la tradition veut, quautrefois la navigation, depuis Archangel a l'Obi, étoit fréquente, & que déja anciennement il y eut des Rumens établis å Bercfow, qui y étoicnfi venus par mer. §. 13. A la page fo. &c. Tom. VIII. il eft dit, qu'en Juin & Juillet 1609. 1'embouchure du JénuTei étoit lermée par des glaces a caufe des vents du Nord, mais qu'un vent de Sud les diffipa vers la mer, enforte que les Promyfchleni purent continuer leur route vers le Piafida. A la page ?2. il dit, que la méme année un Francois établi a Tobolsk raportoit, que fept ans auparavant> desHollan- dois voulant établir une route par mer vers Mangafea & le JénitTei, & n'y ayant pas réufli a caufe des fréquens vents du Nord, qui avoient accumulés les glaces , étoient retournés dans leur patrie. L'Auteur ajoute ces mots, ce qui n'auroit pas été nécelfaire , fi feulement il* avoient attendu un vent de Sud. Tous ces articles valent bien la peine d'étre examinés. Nous voyons par art. i. qu'anciennement on n'avoit aucune idéo du Cap Schalaginskoi, ni qu'il y en eut un autre qui s'étendit fi fort v&rs le Nord. 11 paroit cependant que le Cap des Tfchutzki a été un peu connu , puilque , pour des regions prefque inconnues , la difference de 6o9. ou de 64°. nett pas regardée comme confiderable. Mais ce n'eft pas la ce que je trouve ici de plus remarquable. Ce que l'Auteur dit du voifinage de l'Amérique eft de toute autre importance. AL Muller prétend, que c'eft par conjeclure que ces con-trées ayent été ajoutées. Elles doivent done avoir quelque fondement & quelque occafion. On n'a pu les tirer de l'Afie, puilque les payt Onentaux de cette partie du monde nVtoient pas bien connus alors å peut- érre mille heues pres. Ce voifinage de l'Amérique n'a på étre conjecluré, que par les raifonncmens, qu'on a fait d'aprés les premieres découvertes, que les Efpagnols ont fait des parties occidentales de l'Amérique. Quclle force ne donne pas ceci aux raifons que j'ai alléguées en faveur des cartes & des relations des anciens navigateurs de cette nation ! Que doit-on efpercr des cartes Ruffiennes, lorfqu'eiles déterminent les latitudes & les longitudes pour des pays éloignés de Pétersbourg de ioo, å 130. degrés, ou 1300. lieues, lorfque M. Muller at. 2. rcconnoit, que les cartes compofées par des étrangers font préfe-rables aux meilleures Kufliennes , lorfqu'il ne s'agit, que de contrées éloignées feulement de f , a 8. degrés? 11 avouS que les latitudes font fautives, & que fera-ce des longitudes fur 130. degrés? Sur Particle 3. j'obferve que je ne prétend pas garantir l'entiere jufteflTe des cartes de Witfen : mais il a pris tant de foins,, pour les compo~ fer, qu'elles doivent du moins balancer fur plufieurs points celles, qu'on adopte fans héfiter. 11 pacoit done par Particle 4. cju'ajors on avoit oui parler d'une D riviére riviére nomme'e Kamtfchat, qui fe jettoit dans Ia mer orientale. M, Muller dit qu'Lbrand en a entendu parler, pendant fon voyage de Sibérie, Quelqu'un y aura done été ou en fera venu. Mais puifqu'ors re connoilToit point les peuples, qui habitoient entre la Sibérie 8c les bords de la mer, n'eft - il pas démontré, que la découverte du Kamtfchat avoit été faite par mer depuis le Kolyma , & non depuis Ochotsk. On en verra la confirmation dans divers endroits de ce mémoire, Ce que M. Muller dit a Particle f. de l'exaclitude de Strahienberg & de la jufteffe de fa carte pour les endroits, ou ce voyygeur a été , autorife å fupofer, qu'il a pris toutesies précautions requifes, & qu'il a agi avec toute la prudence poffible dans fes informations , afin de donner au refte de cette carte la perfeclibn défirable; & li encore d'autres Offi lers Suédois on fait de méme, il paroit, qu'on ne doit rejetter de ces cartes, que ce qui eft prouvé erronné par d'autres relations authentiques. On voit par le Sixieme article, que fuivant M, Muller, il refte encore des erreurs dans Pouvrage de M. Kirilow, malgré les foins & lo zéle qu'il y a aporté, & malgré les heureufes circonftances, ou il s'eft trouvé. Cenx qui exaggérent la puifiance & Pétendue de PEmpire Ruffien ch'fent comme Kirilow, que des 360. degrés de la circonférence de la terre, la Ruffie en pofféde J30. Mais ou eft-ce que cette étendué finit? N'eft ce pas fur les bords de la mer orientale? Les Ruffiens pofféderit Anadinkoi Oflrog & les pays jufqu'a Pembouchure de PA-Tradyr, Ils révendiquent Vk\e de St. Dioméde, enfrn toute cette ex-frérm'té orientale. Or St. Pétersbourg eft fous le 50*. de longitude, Il r;e ftmt pas étre habile'calculateur, pour trouver, qu'cn ajoutant ?30. on n'aura que i8cA qui reviendrofent a mon calcul. Il y a plu , K'rilcw <-ompte l'extrémité de cet Empire, depuis les isles de -l\n0 & de Oefel, qu'il place fous le 40", de longitude, qui ajoutés å r3o°. ne donnent que 170°. jufqu'aux bords de la mer orientale. Que deviendront done !es Jf; ou 38 degrés qui reftent, & qu'on trouve a propos d'ajouter dans les cartes? N'eft-ce pas lå une con-tradiclion, qui doit ou v rir les yeux des perfonnes les plus prévenués, & juftifier les doutes, que j'ofe elever contre cette étendue" imnienfc vers l'Ett ? L'Article 7. me fournit une rem a r que importante. Si M. Muller fe bornoit a dire, que la carte publiée fous le nom de Béering eft ia premiere, qui a dorme a l'Afie une longueur fi exceffive , ii n'y auroit rien å dire. Mais lorfqu'ii parle de fa veritable longueur, c'eft ce qu'il s'agiroit de prouver. Béering a-t-il done fait le voyage par terre depuis Tobohk, ou feulement depuis Jakoutsk marqué dan* les cartes nouvelles fous le 14S0. de longitude, jufqu'au 20?. & par conféquent de 6o°. en longeur? Point du tout 11 a paffe au Sud vers Ochotsk. Quelque autre a-t-il fait le voyage ? Nous n'en avons pas le moindre veftige. A-t-on fait quelques obfervations aftrono-miques dans cette vafte étendue" de pays? Aucune, & toutes celles, qu'on fupofe avoir été faites å Ochotsk , å BollLherezkoi $ å Avatcha font telles, qu'elles n'en méritent pas le nom. Comment done peut on fixer méme par conje&ure une teile longitude ? On le peut d'au-tant moins, que feion les Rufliens méme, on ne peut fe fonde? fut 1'eftime de Béering fur mer. Je ne dirai fur la carte de Hafius, dont il eft parlé & Particle huit» sutre chofe, finon, que c'eft peut étre la plus fautjve de toutes. Je D'entreprendrai pas d'en relever les erreurs , elles fautent aux yeux. C'eft un équivoquede dire, qu'il a eu beaucoup de fecours, outre ceux de Strahlenberg &c. Puifque fi cela eft vrai pour les parties les plus voifines de la Mofcovie, il ne Pell point pour celles au Nord & au Sud. L'article neufvieme confirme que le dernier Atlas Ruffien méme contient encore plufieurs erreurs. On peut aifément en conclure, que les cartes, qui repréfentent les pays les plus éloignés en contien-ment encore d'avantages & de plus groftié^es. La carte dont M. Muller fait mention §. 1 o. eft Ia fienne. Ii s'en explique fur ce pied Tom. UL p. 279. Je n'ai pas vu cette carte: mais je juge, que celles que Jefferi a jointes å fa traduction tirée de cc méme volume en font de fiiéles copies. Dans Particle 2. nous avons déji eu occafion de faire nos ré-Hexions fur la mer blanche, & PAtias Ruffien dont il eft parle §. 11. M. Muller ne veut rien croire de la tradition qu'il raporte §. is; Pourquoi cela ? Parce qu'il eft prévenu de l'idée , que la mer glaciale n'eft pas navigable. Mais tout prouve Ie contraire, & quand méme la petite mer ne le feroit pas , cela ne tireroit point a conféquence pour la grande mer, puifqu'il paroit évidemment par § 13, & der-nier, que ce font les vents du Nord, qui aménent les glaces , que ceux du Sud les diffipent, & qu'alors la petite mer méme devient Jibre , comme on le verra plus amplement en plulieurs endroits de ce memoire. § VIL Obfervations fur Iss longitudes & les latitudes, Pour donner quelque idée de mes changemens, & des raifons, qol in'ont engagé a les faire , rapportons le réfultat des longitudes & des latitudes de quelques cartes drelTées pour ces pays. M'is pour ne pas ennuyer le ieåeur , nous ne donnerons pas ici les extraits de chaque carte ; nous dirons feulement, qu'outre les deux, dont on a fait mention ci-deffus, nous avons confulté principalement , celles des deux Atlas Rufliens, de Strahlenberg, celle qui fut dreflee aprés le décés de Pierre le Grand, celles de Dånet., de Nolfn, le Rouge, Hafius, plufieurs de Danville, de Délisle, de Buache , la carte Japormoife, cellede Nurnberg , de Homan, de Moll, de Vaugon-di, de l'Académie de Berlin , des Sanions , pere & fils , de Bellin, de Biu-.kner, & plufieurs autres. Je di rai done limplement ; 3°, Que les plus aneiennes cartes publiées dans eefiéele, ne doD-nent pas å beaucoup pres une aufli grande étendue å PAfie vers le Noid, que les plus modernes, & que cependant les Aftronomes obfervateurs ont trouvé, que les Géographes lui en avoient donné beaucoup trop ( a ), %\ Que (O Le capn'ce des Ge'ograpfies , cu travaillent fut la Géographie, en ce qu'ils tin prereridu point d'honneur des nations, ne s'accordent point å placer le premier donne beaucoup de fiein* k ceux qui filéridien. Lej 2*. Que d'aprés les premieres de'couvertes on a placé les distances inriniment plus pres de l'Europe, que dans les fuivantes. 3*. Que les plus grandes diftances fe trouvent en longitude, (ce qui eft ici mon principal objet); Le Taimura de - - " - • - Le Chataoga..... L'Anabara - - - - - L'Olenek...... Le Lena - -.....131 entre 13? - ^ • HJ Le Jan i a ------ L'Indigir - - - - - Le Kowima -Le cap Schalaginskoi - - -Le cap Serdzekamen ou d'Anadir Voila ii5 a n8t ns - - 118i - - 125 - - i3i{. 1 31 entre »37 - 1 S 14T - - ichatcha , eft devenue imprattcable ; on accorde psr-la méme, qu'il n'y a point de nouvelles découvertes, par lef-quelles on puifle corriger les aneiennes. lleftvrai, qu'on avoue , parce qu'on ne peut le cacher, que plufieurs, entr'autres, Démé-trius Laptieuw , ont fait le voyage depuis le Lena jufqu'au KoW-ma: mais on ne fe fait pas de la peine d'éloigner ces rivieres beaucoup plus, que dans les aneiennes cartes, parce qu'on n'étoit pas å méme de determiner les longkudes par des obfervations aftronomi-ques; & pour étre maitre des diftances , on s'eft bien gudé de nou« donner un journal; on s'eft contenté d'une relation fu perfidt Ile. J'ai méme les plus forte* raifons, que je déduirai plus bas , de croire, que Laptieuw a dépsfté le cap Schalagimkoi. Les meines mo-•tifs, qui i'ont porte å le diifimuler, font caufe que lui, & tous ceux qui font penfionnés par la Cour de Pétersbourg , étendent il loirft Vers l'Orient toutes ces terres. Je puis done, je dois méme, fuivant mes Axiomes , me fonder fur les relations & les cartes faites fur les voyages exécutés, depuis le Lena jufqu'au Kamtsuhitka. Tous les Géographes font convumcus de la réalité de ces voyages; & ni M. Gmeiin , ni M. Muller , ne le nient pas. Il eft pourtant fingu-lier, que ce dernier foutienne , qu'il ne s'eft fait qu en 1648. par trois vaifieaux, dont l'un fut brifé, "& les deux autres arrivérent heu-reufement; que méme le Chef des Promifchleni, Fedot Akxeuw s'é-toit marié en Kamtschatka, avoit latlTé un fils, & qu'on y montroit encore les ruines de fon habitation. Par contre M. Gmeiin aflure ( 1 ), h que par les relations, que M. Muller eut des Archives de Jakutzk, =» H eft tres bien connu , que fur la fin du dernier fiecle , on a s» fait prefque toutes les années des voyages depuis rembouchure du „ Lena, jufqu'au Kolyma '\ Sans doute que ce fut alors, qu'on en fit auffi depuis cette derniere riviére, jufqu'en Kamtfchatlra, puifque OB \ x ) Tome 11, p. ^Jt DE VASI E. 43 ce n'eft que dans ce fiécle, que ce pays fut mieux connu, & que toutes les relations, excepté les dernieres, en parlent. Qn dka que c'eft par terre, que Laptieuw s'eft rendu a Anadifskoi-Oftrog. Voici des raifous, que j'ai a y oppofer. 11 eft vrai que M. Gmeiin dit (2): " Ce qu'il a de certain, eft ,} que M. le Lieutenant å continué fon voyage (depuis Pindigir)» „ dans de petits båtimens, jufqu'au Kolyma, & de-lå partie par „ terre , partie par eau, jufqu'a Anadirskoi - Oftrog , décrit les cotes „ jufqties- la, ftni fa navigation en 1740. ". Mais ceci méme ne prouve-t-il pas ma TJiéfe ? Qu'eft devenu le vaiffeau & I'équi-page ? Ginelin n'en dit pas le mot. 11 faut bien, qu'il ait fait Ie tour, puifqu'il a fini fa navigation (a) en 1740. AI. Gmeiin a été en chemin faifant, pour retourner a Tubingue , chez un de fes anciens åmis, qui eft auffi le mien, un des plus celebres favans de PEurope, qui m'avoit annonce, déja quelque tems auparavant, qu'il le verroit chez lui, & qui m'avoit communiqué de tems a autre les nouvelles, que Gmeiin lui donna de ces découvertes. J'en profitai, pour le prier de lui faire plufieurs queftions, entr'autres de ce voyage de Laptieuw. 11 s'en acquita , & me marqua, que Gmeiin lui avoit avoué, mais comme en tremblant, & fous le fceau du plus grand fecret , qu'en effet Laptieuw s'étoit rendu par eau å Pembouchure de l'Anadir, Si fon étoit tenfé de revoquer en doute ce fait, on n'auroit qu'h Jetter les yeux fur la carte, pour voir s'il y a de la pojjibilité méme a faire le voyage de Kovima , partie par eau, partie par terre h Anadirskoi- Oftrog , fi on ne double pas le cap Schnlagintkoi , qui commence d'abord a l'Eft du Kolyma; il n'y a aucune riviére navi-gable, par laquelle on puifle feulement s'approcher d'Anadirtkoi. 11 f a la méme impoflibilité de décrire les cotes, s'il a fait le voyage par terre. Qu'on jette les yeux fur la carte, on y verra la grande étendue , qu'on donne aux cotes, depuis le Kolyma jufqu'h l'Anadir. Qu'on refléchifle en méme tems, que les Tzutzkt & les Tzchalazki, qui habitent tout le nord depuis l'Anadir, font ennemis irréconcilia* F * bles ( 2 ) Ib. png. 440. ( a ) Si Gmeiin avoit fongé aux conféquences, il auroit dit fon voyage, bles des Rudiens , & les peuples les plus féroces; que les Rumens ne poiTédent, qu'une petite langue de terre , entre ceux - ci , & les Oloturski, qui ne le font pas moins ; & qu'on me dife slors, com-ment Laptieuw å pu reconnoitre les cotes par terre. Aufli n'cil-ce pas fans raifon , qu'il s'ett rendu en pofte , pour ainfi dire, å Pétersbourg, afin de ne faire part de fes découvertes qu'å la Cour, & qu'il a été avance au grade de Capitaine de vaifftau imperial; & pour-quoi l'auroit-on renvoyé å l'inftant, pour tenter de nouveau une entreprife impoffible, fi la relation, qu'il en a faite au Senat, eut été conforme a celle , que M Gmeiin a donnée au public ? B. Gmeiin dit encore : " il y a méme des veftiges, qu'un homme „ dans uns petit båteau, qui n'étoit guéres plus grand qu'un canot „ de pécheur, a double le cap Schalaginskoi, & a fait le voyage de-„ puis le Kolyma jufqu'en Kamtschatka ". Eit - il done poffible, qu'on puilie regarder les diftances des lieux , des caps , &c. dans les nouvelles cartes, comme fures & authentiques ? Muller marque la diftance entre le Kovima & le cap Schalaginskoi &c. de vingt-huit degrés en longitude. 11 ett vrai, qu'å cette latitude, on ne peut compte* le degré qu'å environ fix lieues, c'eft toujours - - Ueues 168 , De-lå au Serdzekamen dix degrés de longitude, & cinq & demi de latitude; en compenfant les deux, il y aura pour les foixante lieues en longitude, & les cent & dix de latitude, environ --------- - 133 De-lå au cap Tzthutzki, quatre degrés & demi de longitude, & trois & demi de latitude, feront pres de - ^ 50 Enfin, depuis la feulement, julqu'au fleuve Karaga, & non å l'Oftrog Kamtfchatka, fix degrés de latitude, fans compter la longitude.........-120 On peut facilement s'imaginer, qu'avec fon canot, il aura fait le voyage terre å terre; ainfi, qu'on pourroit y ajouter pour le moins - - - - - - - 80 voila done, lieues f90 a compter qu'il n'aura eu aucun accident a efluyer. Si on vouloit encore fuppofer, & avec vraifemblance, que fouvent il s'eft tenu å terre, pout pour s'appmvifionner , cela doubleroit le calcul. Il faut done étre convaincu , que jamais on n'a pu faire autant de chemin fur tous les rhumbs de vents avec un canot, fi Ton garde toutes les pofitions des cartes nouvelles. Par conféquent, il faut changer ces diftance* C. Muller rapporte, que fur une montagne de l'isthme, qui étoit peu large , on a pu diftinguer, que vers le Nord la mer étoit rem-plie de glaces, & que vers le Sud - Eft elle étoit libre ; la diftance n'étoit done pas grande; on devroit méme entendre par cette partie au Sud - Eft , & qu'on vouloit pirler de celle, qui eft au Sud du cap Tzchutzkt; puifque ces Meffieurs les Ruftiens foutiennent, que la mer au Nord du Serdzekimen eft prefque toujours gelée. D. On veut nous perfuader, que les Ruftiens dans leurs voyages font allés par mer, depuis l'embouchure de l'Anadir, jufq^a TOf-trog-Kamtschatka; y font-ils allés dans des Baidares de cuir? Cac il n'y a, ni d'alfez bon bois, ni autres matériaux pour des vaifleaux, ni tharpentiers, pour en conftruire å Anadits-koi. On a méme été obligé d'envoyer des charpentiers depuis l'Europe å Ocliotskoi, pour y conftruire les premiers vaifteaux. E. Gmeiin dit exprelfément, que le voyage de Jakout^k å Ochots« koi par terre eft de deux cent nonante werfts, ou environ cinquante cinq lieues. 11 dit, å la vérité ailleurs, celui par terre de huit cent Werfts ( a ): mais s'il y a erreur , ce n'eft pas dans le premier calcul , ou il compare ce voyage avec cdui par eau, en fuivant les dé-tours des rivieres, & les portages, qui tout enfemble font cinq cent verfts, ou moins de cent lienes. Il faut done s'y tenir; encore on peut juger, que par terre méme, ou l'on rencontre fouvent des montagnes , on ne fuuroit compter cette diftance en ligne dire&e. Cependant les cartes donnent cent, jufqu'a cent quarante lieues de diftance. Qu'on juge du reftc aprés un fait aufli avéré que celui- cu On ne fera done pas furpris , fi , en accordant la longitude du Lena entre cent trente, & cent trente-huit, ce qui eft déja trop, F 3 je ( a) Mr. Muller pnrle meme de 977. dans le méme but d'exagerer l'ccendue tnalgré tque dans fa carte, il n'y a que de ces pays vers l'Eft. Ho. on peut deviner, que c'eft toujours je retrecis encore plus le refte, placant le Jana ( a ) k - 144 L'indigir de 151. å - - - - - - - - - - 1 s 3 Le Kovima- (b), k - -- -- -- -- - 162 J Le cap iichalaginskoi a ----«----17a Le Serdzchamen, fi jamais il exifte å - - - - . 176- Et celui des Tzchutzki a- - - -- -- -- 174 Le cap Oskoi, nommé dans les plus nouvelles cartes , Kurilzkaja Lopatka, a - - -......16$ & ainfi du refte. Je crois méme en accorder trop, je doute tres-fort, que la difference en longitude, depuis Je cap des Tzchutzki, jufqu'a celui d'Ok koi, foit de neuf degrés; on n'en a pas la moindre connoiifance, que par la relation de Béering, qui n'a pas poulTé au- dela de 6*7°, & M. Gmeiin lui*méme doute de Pexa&itude de la relation, difant, qu'il a effbyé tres fouvent de forts brouillards, qui l'ont empéché de reeonnoitre les c6tes; comment done pouvoir les décrire telles, qu'elle« fe trouvent fur les cartes ? Sur tout, puifque dans les relations, qu'on donne de fon voyage, il eft dit le plus fouvent, qu'il a poufie au Nord j au lien que, fi la Carte étoit jufte , il auroit fallu dire au Kord - Eft. Je dois done croire, qu'on les a repréfentées telles par d'autres raifons, Ainfi il y auroit encore conftdérablement å rabattre for cette étendue. Reæarquons encore la carte de M. Guill. Déiisle; c'étoit un excellent Géographe , laborieux , qui ne regrettoit ni peines, ni fraix9 pour fe procurer les relations les plus nouvelles & les plus authenti-ques, Nous avons vu ci-deffus, que les cotes occidentales , foit les erientales de la Tartarie, vers la mer d'Amur, les fteuves d'Ochotskj d'Ud, d'Amur &c. étoient fort connus en 1721. & qu'on avoit déja connoiffance du Kamtschatka > je ne dirai pas du tems de Fedot Ale-*iew, mais du moins de "Wolodkner Atlailbw \ qui a fait faire les décou- ^")_ J'ai été frappé de vofr une fi Yani ( Jana), il y a »950. werfts; fe-forte difTonance entre ce que Air. Kras- Ion la carte • il y auroit environ 900. å bemnicof d«t, & tø carte de Muller- le quel but groflit-on de plus en plus les premier dit p. de h traduflion , diftances? depuis Jakoat&ls å 1'embouchure du ( b ) Chez" KrasbeninikoF C0™** découvertes dont parle Strahlenberg. Mr. Krasbenmmcof dit lui-méme ; " quoique la contrée nommce Kamtfchatka fut connue depui* tM long-tems anx Geographes des tems paffez" : cependant, M. Dé« lisle ne place ces cotes 5 qu'å cent foixante degrés de longitude, d'^u Ion foppofoit le trajet peu confidérable, jufqu'en Kamtfchatka ; au-jourdlhui on a étendu l'Afie, jufqu'au deux cent & feptieme degré. Ainfi on a ajouté depuis la longitude de cent quarante degrés don-née au Nord par M- Délisle, vers le Nord foixante - fept degrés , & depuis la derniere quarante fept Ce qui eft ii enorme, que l'qr-reur en doit fauter aux yeux, & qu'il faut, fans contredit, diminuec Cette diftance. Il faut encore obferver, que plufieurs Auteurs , entr'autres M. De V. dans fon hiftoire de la Ruflie, fur laquelle i\ affure avoir eu les mémoires les plus authentiques, parlant du voyage de Spangenberg, difent t qu'il pénétra au Japon par un détroit forme par une looguc futte d'isles. Or fi la diftance en longitude eft de quinze, $c en latitude de onze degrés, comme on trouve å propos de la repréfenter fur les cartes, Je ne vois pas, qu'on puiffé nommer ceci un détroit. On pourroit dire avec autant de raifon , qu'on paffe par un détroit. Horfqu'on dépaffe le cap de Bonne Efpérance, vu qu'il n'y a pas autant de diftance entre celui-ci & les terres auftrales, qu'on en mat-que entre le Japon & le Kamtschatka, Le nom de détroit dérive., je penfe, de étroit,, paffage ctroit. Si une pareiile expreflnn peut avoir lieu ici dans un paftage de quatre cent lieues de large , prefque auffi large que toute l'Efpagne & la France enfemble , c'eft ce que je remets au jugement des ledeurs. On voit méme par la, qu'on auroit raifon de douter beaucoup de la latitude du cap O*koi å cinquante & un degrés, & qu'il faudroit peut-étre le rapprocher plus du Japon, au Sud: mais je ne veux pas y contredire, parce que je dois toujours fuppofer, que ces pilotes qui l'ont indiqué tel, ont été å méme de prendre hauteur & de determiner la latiruie. Sils ont voulu nous induire en erreur de propos déliberé , ce fero.t une autre queftion. Les deux Japonnois, mentionnés ci-deftus , font partis de S^xuma a environ cent cinquante deux degrés de longitude, pour alier å Oiaka, qui qut n'en eft guéres éloigné. Peut-on comprendre , qu'une tempéte Jes ait chafles jufqu'au cent huitantiénie degré , dans une latitude depuis trente-cinq å cinquante-cinq; cela n'eft pas abfolument impoffible : mais fortifie pourtant ma conjeclure, fur l'erreur dans les diftances données fur les cartes nouvelles, Auffi M Muller dit, comme nous l'avons rapporté, & en parle , comme de faits remarquables & effentiels, qu'on a appris de ce Japonnois, que le Royaume (COfaku tf eft pas å une grande diftance du Sud de Kamtschatka 3 & que Pef-pace entre deux eft rempli Usles. Qu'on concilie ceci avec une diftance de quatre cent lieues & plus, & avec les cartes nouvelles i §. IX. Sur Ja terre de Jeffo, &f les diverfes pofitions, qu'on lui donne. J'avoue ingénument, que malgré mes recherches & mes réflexions depuis plus de vingt ans , je n'ofe encore determiner la fituation de la terre de Jeffo, Je ne veux point ici expofer en détail les diverfes pofitions, que lui donnent les Géographes. Je me contenterai de rapporter les principales. Les uns, pendant long-tems, comme chacun fait, ont marqué le Jeffo, comme contigu au Japon. Cette pofition eft reconnue aujour-d'hui pour erronée par tous les Géographes. D'autres ont joint le Jeffo en entier a la Tartarie. D'autres y ont attaché feulement l'Oku - Jefo , & ils ont repréfenté; comme une isle le Jefogafima, qu'ils ont placé entre le Japon & TO-ku - Jefo. Pour arranger ces pofitions, les uns & les autres ont été obligés de déplacer toutes les pofitions aneiennes , d'omettre des rivieres, qu'ils ne favoient ou marquer s & de tracer un autre cours a d'autres. Quelques Géographes ne pouvant nier la difference, qu'il y a entre le Jefogafima 8c l'Oku - Jefo, en ont fait deux isles de grandcur ^ peu pres egale, 8c les ont placées entre le Japon & l'isle d'Amur, foit Saghalien-oula-hata ; fans faire attention, que felon toutes les relations, VOku-Jefo étoit d'une étendiie infiniment plus grande, que Htte de Jefo, D'autres DE V A S I E. 4$ D'autres ont placé Ia petite isle de Matfumai, comme Jefogafima , & ont enfuite imaginé une grande isle, qui s'étendoit auffi loin, que celle d'Amur pouvoit le permettre. Cette opinion avoit quelque pro. babilité, parce que les hiftoires du Japon rapportent unanimément, qu'anciennement 1'Empereur avoit un Gouverneur, qui réfidoit a Matzumai , fituée dans l'isle de ce nom , au Nord de laquelle fe trou-voit 1'Oku Jefo. Mais cet Oku*Jefo étant aufli donné chez tous pour tin continent de grande étendue, on doutoit avec raifon, que cette repréfentation fut julte. Enfin , M. Bellin , qui a donné ur-e carte, que Charlevorx a inferée dans 1'Hiftoire du Japon; Strahlenberg, & 1'Anonyme, qui a drefle celle qui a été publiée aprés le décés de Pierre le Grand, ont re-préfenté le pays d'une maniere, qui paroifloit lever toute difficulté. Ils ont féparé le Japon d'avec le Kamtschatka, feulement par un détroit paifemé d'isles, & ils ont placé l'isle des Etats, & la terre de la Compagnie a l'Eft de 1'extrémité méridionale dc cette prefqu'isle , qu'ils ont nommée Oku-Jefo, au Nord du Japon. Tout paroilfant aflez bien répondre å toutes les autres relations, pendant long - tems j'ai adopté cette pofition : mais depuis plufieurs années, j'y vois des difficultés infurmontables. i°. J'ai indiqué ci-deflus la latitude, qu'on donne au cap OskoL Je n'en fuis pas bien convaincu: cependant, comme je ne puis prou-ver le contraire , & que je n'ofe taxer de mauvaife foi les naviga-teurs, qui ont ainfi déterminé cette latitude , malgré ce que j'ai dit du fentiment de 1'Illuftre Senat de Pétersbourg, qui paroifloit la re-jetter, je me vois obligé d'y foufcrire. Si avec le tems mes doutes ie trouvoient fondés, on pourroit bien découvrir ces isles des Etats & de la Compagnie , parmi le nombre de celles, qui font entre le Kamtschatka & le Japon , ou d'autres plus a l'Eft. 2°. Ces deux isles ont difparu fur les Cartes des lieux, ou Strahlenberg & les autres les avoient placécs. Puis done, que !e voyage depuis Bolscherez-koi a Avatcha, en doubJant le cap Oskoi, s'eft fait fouvent, fans avoir appercu d'isles fituées, comme le font re-préfentées ces deux, on ne peut plus fuppofer, qu'elles s'y trouvent Quel parti prendrai-je ici? Mes Axiomes ne peuvent plus mé G fen* fervfc de guide. Plufieurs relations a peu pres également authenti-ques, fe contredifent, ou du moins varient : ce qui m'empéche de me determiner fur la veritable pofition du Jeffo. Je fuis accoutumé å ne donner pour certain , que ce que je trouve tel, fur de bonnes raifons. • . Mais avant que d'examiner ces relations, je dois indiquer une fource de Terreur, ou l'on eft tombé , tant par rapport å la latitude, qu'on donne å Pembouchure du fleuve Amur , ou Saghalien - Oula - hata chez les Manfoures, Helong Kiang chez les Chinois, 8c Schilkar par les Tungufes, & de fon cours , qui dans les nouvelles cartes eft prefque en demi cercle ; qu'å Pégard de Péloignement du Kamtschatka, des cotes de la Tartarie, que baigne la mer d'Amur. A mon avis, on ne doit attribuer cette double erreur, qu'a Pem-barras, dans lequel les Géographes fe font trouvés, pour Pemplacemertt de la terre de Jeflb. Dans les aneiennes cartes, Pembouchure du fleuve d'Amur étoit entre le 40. & 45° Auffi les trois Auteurs ci-dellus citez, qui ne fe trouvoient pas dans le méme embarras, ont confer-vé l'ancienne latitude. Par contre tous ceux, qui ont joint le Jeflb, en tout, ou en partie, å la Tartarie; ceux qui ont fait du Jeflb une grande isle, ou qui Pont partagé en deux , & qui Pont diftinguée de celle du Saghalien - Oula, ont été obligés de reculer fon embouchure vers le Nord, & le Kamtschatka vers l'Eft; fans cela la place leur nian-quoit. Pour moi je crois, qu'on doit rétablir cette embouchure du fleuve Amur un peu plus vers le Sud, & on en verra b'entot la raifon. Auffi M. Danville ( a ) avoue, qu'il a été obligé a plufieurs chan-getnens, pour placer la terre de Jeflb. § X. Relations des plm celebres vojagews* Exammons préfentement les diverfes relations des yoyageurs 8c les pofitions des Géographes La ia) Lettre au V, Caftd p. **» & ailleors. La premiere connoilTance, que les Européens ont eu de la terre du Jeffo , eft venue des Japormois , dans le tems de la découverte de cet Empire par les Portugais en i ^ 42. Leur relation ne fauroit étre fufpecle , puifque leur premier Empereur Kubo-Sama (a) Jo-ritimo , qui commenca a regner en 1181. ayant fait la conquéte du Jeffo, en avoit donné le gouvernement au Prince de l'isle de Matzumai. Peu aprés les Jeffois fe foulevérent , & furent remis fous le joug. Des lors , le Prince de Matzumai entretient dans leur isle une forte garnifon, comme l'a(furent Kaempfer & Charlevoix. 11 y a toute apparence, que ce Prince dans la vue de contenir ces peuples inquiets & belliqueux dans leur devoir, fit conftruire & for-fcifier la ville de Matzumai dans leur isle, & qu'il lui donna le nom de celle, ou il réfidoit auparavant , & c'eft ce qui a caufé tant de confufion dans les idées des Géographes, dont les uns ne connoif-fent l'isle de Jeffo, que fous le nom de Matzumai. Les autres affu-rent, que c'eft une ville dans une Isle du méme nom, & on voit paria, que ces deux opinions peuvent fubfifter enfemble. Les Portugais ne purent jamais obtenir la permiffion de trafiquer dan$ ce pays. Le Capitairie Saris, Anglois, l'obtint en 1613. qui ménie n'en profita pas. — Le Pere de Angelis ayant eu quelque connoilTance de ce pays environ l'an 1620. eut ordre de s'y tranfporter, &- d'en prendre une connoiffance exade. Le P. Camille de Coftanzo y avoit envoyé déja en 161$. un médecin fur la relation duquel on le régla. Le P. de Angelis, qui s'y rendit en 1620. eut beaucoup å fouffrir, pour fe rendre depuis le port de Tzuga a la Capitale, les chemins y étant prefque impraticables. Il y trouva le peuple fort humain & labo-rieux. Le P, Carvailho s'y tendit, aprés que le Pere de Angelis en fut parti. Ce pays eft nommé par les naturels Ainomoxori, & le P. de An- G 2 gelis ( a ) On fait qu'il y a deux Empe- fancc. Le nom du premier eft Dniri, & reurs au Japon f, PEccléGaftiqutf, å qui ceiui du feeond Kubo-Sama. on rendte grands honneur», & le Sécu- . t ^CharlevoiK , Toaie 1. p, g. Edition her, qui eft en poifeiEon Uctoute la puif- in.quarto. gelis aflure, fur le rapport des habitans , que pour aller å la mer du cåte' de PEft, il falloit nonante jours, & du coté de I'Oueft foixante. Arrivé au Jeflb, il commenca å douter, fi ce n'étoit pas une isle, ayant trouvé qu'il étoit borne par la mer å l'Orient & au midi (tf); d'un autre c6té la terre de Teflbi, qui eft å l'extrémité occiden-M tale d'Yeflb eft bornée par une troifieme mer , ou les courans font „ fi violens, que des terres qui font a la vue, & ou fon diftingue M jufqu'aux chevaux, n'ont jamais pu étre abordées par les habitans „ du Yeflb, par la raifon, qu'ils ont remarqué , que des cannes fort „ grofles , qui font au milieu de ces courans , fe courbent jufques „ fous Peau , puis fe redreftent avec une force, qui mettroit leurs „ petites barques en danger de ren verfer, s'ils fe hazardoient de faire ce trajet" &c. il attribue ces courans å une mer, qui court au Nord du Yeflb de TOrient å l'Occident, & de POccident a l'Orient. On verra ci - aprés ce que je penfe å ce fpjer. Il coofirme (£), que ce pays n'eft pas dans le continent, parce-que les Yeflbis ,ne font foumis å aucun Souverain , qu'ils ne recon-noiflfent en rien le Cham des Tartares, & qu'ils n'ont pour Chef, ni Roi, niEmpereur; mais chaque famille, tout au plus chaque petit Canton a fon Chef particulier & indépendant de tout autre. D'ou il conclud, qu'ds font féparés par la mer de tous les Etats voifins, qui fe gouvernent de toute autre maniere. Il ne reiette pourtant pas Topimon , que ces courans peuvent étre produits par Pembouchure de quelque grande riviére, qui fe decharge dans cette mer; y en ayant, dont Pentrée eft fi large 8c fi profonde, qu'on y trouve des ba-leines. Il ajoute que les habttans font fi ignorans fur ce point de Géographie, qu'ils n'ont pu lui donner aucun éclaircilfement. 11 place la cote orientale de la Corée & de la Tartarie fous le méme méri-dien. Du moins M. Bellin, qui a tåché de rendre fa carte conforn å la relation, les repréfente ainfi. Charlevoix trouve, que le Million naire n'a point diftingue entre Pisle & Ie Continent de Jeflb, quoi-que felon Kaempfer , les Japonnois marquent dans leur carte une isle, & derricre cette isle un Continent, qu'ils font le double de la Chine, dont ils piacent un tiers au - dela du Cercle polaire. Char- (*) Chadevoi*, Tome 11, p. tft. ( b) Utm, Tome IL p »51* Charlevoix tåche de débrouiller ces obfcurités; il rapporte , ce qu'en difent Kaempfer & Scheuchzer. Le premier fuppofe deux isles, le fe-cond feulement une; il ajoute, que le Kamtschatka eft le Oku - Jefo; que les KuriHki font fujets de TEmpereur du Japon &c. 11 donne enfuite la relation des Hollandois: mais comme elle a déja paru dans plufieurs ouvrages, qui fe trouvent entre les mains de tout le mande , je me contenterai d'en extraire ce qui peut fervir a fixer la fitua-fcion de ce pays. Le Capitaine le découvrit å quarante deux degrés de latitude, rangea laedte, jufqu'au quarante troifieme, ou il trouva plufieurs bourgades. 11 aborda å quarante quatre degrés trente minutes; na~ vigea encore environ deux degrés au Nord ; il entra dans la baye aux Saumons, fous quarante huit degrés cinquante minutes, ou il vit de petites coilines. De Uries fit une autre découverte ; å quarante cinq degrés cinquante minutes, il fe trouva entre deux terre« féparces par un détroit de treize å quatorze lieues. 11 nornma la fcerre å fa gauche, isles- des Etats, & l'autre, terre de la Compagnie Ces découvertes furent faites avant celles du Capitaine, & ces tenes font fort éloignées de Matzumai. Les particularités de Pintérieur du Yeflb & de fes habitans, ont été données fur la relation d'un Japonnois, nommé Oeri, qui traft-quoit å Matzmai, & qui alTuroit, que Yeflb eft une isle. Charlevoix rapporte auffi Phiftoire du vaifleau Japonnois, qui fut jette fur le continent du Jeflb, dont les habitans portoient des étoffes de foye &c. En 1684. un autre båtiment Japonnois envoyé å la découverte, rapporta la méme chofe, Depuis ce tems, on en avoit envoyé un autre, qui effbya un violent orage vers le cinquantieme degré; & qui y apperqut un gr3nd Continent, ou il hyverna; le Capitaine difant, que ce pays s'étendoit fort loin vers le Nord-Oueft, Charlevoix juge avec raifon, qu'il devoit dire Nord-Eft; & U ajoute un fait inconteftable, que j'ai déja rapporté quelquefois, favoir, que les Japonnois ont peu de gout pour les voyages de long cours, & pour les découvertes. Charlevoix parle encore de la relation des Chinois , qui difent, que (Jans le voifinage du Niulhan, dans la Tartarie, il y a BUe terre ferme G 3 do de grande étendue, qu'ils noinmoient Yeco, dans laquelle il y a un grand lac, apellé Pé; il cite aufii Maffée, qui parle d'un pays d'u-ne tort grande étendue , peuplé de Sauvages, & qui touche au Japon par le Nord, éloigné de Meaco, de trois cent, felon d'autres de deux cent cinquante quatre lieues ; qu'ils ont la barbe & les mouftaches fort grandes &c. que par de-la le Léaotung , ii y a des terres au Nord-Eft, qui ont fix cent ftades , c'eft-å-dire vingt-quatre degrés ( a ). Nous n'avons aucunes relations qui foient pof-térieures a celles-lå: enforte que le P. du Halde croit méme ce pays de Jeflb fabuleux, par la raifon , comme M» Danville le dit aufli dans fa lettre, que dans un tel voifinage des terres, le Jeflb devroit étre connu aux Chinois , & aux Tartares, qui cependant n'en connoiflent pas méme le nom. Arrétons - nous un peu ici. Cette raifon me paroit tres foible. Les Chinois ne connoiflent point le nom d'Amur; ils lui donnent celui de Saghalien - Oula, ou plutot de Helong Kiang; le nom d'Amur eft inconnu chez eux, & chez toutes les nations Tartares des environs, Par conféquent cette riviére n'exifte pas. Nous avons vu ci-dellus,, que le pays eft nommé par les naturels Ainomoxori ; comment les voifins pourroient-ils y trouver le nom de JeJJb , qui ne lui eft donné que par les Japonnois ? Ajoutons, que ni les Tartares Mantcheoux , ni l'Empereur Chinois de cette race, n'avoient aucune connoiflance de l'isle a rembouchure de l'Amur, leur patrie primitive, avant la conquéte de la Chine, fe trouvoit pourtant tout pres, dans les cotes & pays placés a 1'oppofite , puifque l'Empereur fut obligé d'y envoyer des Mantcheoux, pour en prendre connoiflance ; comment veut-on done, que les Chinois connoiflent les pays fitués plus au Sud, eux qui n'ont, qu'une connoiflance tres imparfaite de la Corée leur tri bu ta ire ? Enfin, les cotes vers le Teflbi font mal peuplées, tres peu connues , avant que Canghi y eut envoyé des Tartares, pour les reconnoi- tre; Le Léaotung finit au cent quå- foixante«fix degrés, ce qui approcheroit rante > deuxiemc degré. En y ajoutant infiniment plus de ma longitude , que de vingt-quatre degttis, le tout feroit cent celles des nouvelles cartes* - £re ; on ne peut d'ailleurs paffer ce détroit. Il feroit done tres furpre-nant, que les Chinois connuflent ce pays. Les recherches du favant M. de Guignes , ayant en partie pour objet le méme pays, d'aprés ce qu'il croit avoir découvert dans les Auteurs Chinois, examinons ce qu'il en dit, quand méme tout ne fe rapporte pas a la terre de Jeflb. Ces recherches font intéreftantes , & font beaucoup d'honneuc k M. De Guignes. Cependant ce qu'il en dit n'étant fondé en partie, que fur des conje&ures, je crois, qu'il eft permis de propofer des doutes, fans aller auffi loin, que le P, Gau bil, qui écrivit, comme faffure M. Muller , au Préfident de 1'Académie de Pétersbourg en date du 23. Novembre 175 f. „ Nous avons vu ici les cartes de MelTieurs Délisle & Buache U fur les découvertes des Ruftiens en Amérique. Un Francois, nommé SiJ M. De Guignes, qui a étudié la langue Chinoife a Paris, croit, qu'il f,, a découvert dans les Livres Chinois un voyage des Chinois de Ia „ Chine jufqu'a la Californie en Amérique , Pan de Chrift 4^8. il a fy fait graver une carte de ce voyage, & a hila deffus divers m • ^ „ moires a PAcadémie des Infcriptions & des Beiles - lettres. Je crois \ s, que ce voyage eft une fable, & j'ai écfit å M. de Guignes mes »» raifons, en répondant a une de fes lettres, ou il me détailloit fa découverte ". Il s'en faut bien, que je croye toutes les parties de cette relation fabuleufe : mais je pen fe, que la vérité y eft envelopée de fables 8c d'erreurs, comme la mythologie des Grecs. Examinons ccci de plus pres. Il s»agit d'un voyage de la Chine au pays, nommé Fou-fang, 8c de la fituation, foit de ce pays, fok des autres nommés dans cette relation, comme des entrepots. 11 dit que Fou - fang eft éloigné de la Chine de quarante mille lis ( a ) vers POrient, ou quatre mille lieues. Il ( «) Ila mefure du lis n'eft pas bien gnes. Car fi on ne comptoit que huit lis determmee j les uns en comptent huit , pour la lieué , les 44000. feroient yooo, les autres dix pour la liecc commune. lieues. Mr. Danville trouve, qu'en divers Adoptons ce dernier fentiment, comme le tems, 193, j-j, jjg, [j5 ont fajt plus favorable au calcul de M, De Gvu k degre, II faut avouer que les Chinois étoient de chetifs marimers, pour employer a ce trajet å peu pres autant de tems, qu'il en faudroit depuis l'Europe, lorfque la difference en longitude, felon les cartes*, n'eft que de cent k cent & cinq degrés de la Cfrne au Foufang, celui-ci feulement de moins de feize lieues : c'eft ainfi environ feize cent lieues, & on verra par le détail du calcul, qu'il y met quatre mille quatre cent lieué?. Il feroit fort néceffaire, de favoir quel emplacement les Auteurs Chinois, que M. de Guignes a fuivis, donnent å tous ces pays. On voit par d'autres ouvrages, qu'ils les piacent tous å l'Eft; cependant ils fe trouveront en partie au Nord - Eft. Voici fon calcul. Du golfe de Leaotung au Japon, lis laooo. lieues 1200. De-lå au Venchin ------ 7000. - - 700. Du Venchin au Tahan ----- f 000. - - 500, Enfin de celui - ci au Foufang - - - 20000. - - 2000. 44000. - - 4400. Si nous examinons la fituation de ces pays d'aprés la carte méme de M. Buache, nous trouverons, que la diftance, entre le Leaotung & le Japon, n'eft en ligne direde, que de dix degrés. Il eft vrai, que depuis le fond du golfe, il faut faire route au Sud, jufques vers la cote la plus occidentale & méridionale de la Corée ; on ne fuppo-fera pas, que ces négocians foient fortis de la province de Leaotung9 qui eft hors de la muraille, & qui ne fait pas partie de la Chine a mais des Provinces conquifes. 11 feroit beaucoup plus naturel de fuppofer, que les Chinois font partis de Nanking, qui fut fort long-tems la Capitale de la Chine, & qui fe trouve plus au Sud, que les c6-tes méridionales de la Corée. Dans ce cas, on pourroit infifter fur cent foixante lieues. Donnons-en deux cent; mais qu'eft-ce en com-paraifon de douze cent ? M. de Guignes fuppofc, que le Venchin eft le Jeflb. Voyons, fi la diftance s'accorde mieux. Nous trouverons encore dix degrés en longitude, ou cent foixante Heuers. Mais puifqu'il faut aller vers le Nord - Eft, Sc qu'on doit ranger la c6te méridionale de Niphon, on peut compter deux cent Heuei. Donnons-en deux cent & vingt: DE L* A S I E. 57 ce qui n'approthe pas des fept cent lieues dont on parle. D'ou vient au contraire , que cet efpace étant plus grand que celui qu'il y a entre la Chine & le Japon, lui donne -1 - on cinq cent lieué's de moins ? Si l'on difoit, que la premiere diftance doit fe prendre depuis la Chine å la pointe feptentrionale du Japon , »on tomberoit de fievre en clnud mal, puifque ce paftage du Japon au Venchin ie réduiroit å une douzaine de Ikués, au lieu de fept cent. La diftance entre le Venchin eft le Tahan, ou felon M. de Gui« gnes, la pointe méridionale du Kamtfchatka doit étre de cinq cent lieues. J'avoue, que d'aprés le calcul fait ci-devant, de l'éloignement exceflif oii Ton met le Kamtfchatka du Japon , & que j'ai compté de quatre cent lieues, cette diftance de cinq cent feroit encore la plus approchante. Je ne dirai pas, que j'ai fait voir par des raifons fort probables que cette diftance eft pour le moins la moitié trop grande. Je la fuppole telle : mais alors on tombera dans le méme inconvé-riient que fur Tarticle précedent. Cette diftance dans les cartes eft d'environ quinze degrés en longitude , & de pres de dix en latitude ; par conféquent infinirnent plus confiderab'e que celie depuis la Chine au Japon, qu'on donne pourtant de douze cent lieues : comment concilier cela ? Je ferois plutot tenté de cioire que les Chinois , mariniers igno-rans , agilfoient comme ceux des auciens peupies; les Phéniciens méme , qui dans les commencemens n'alloient que terre å terre , ou d'une isle å l'autre > en fe rendant depuis le Japon au Kia-y-tao, qui peut - étre étoit le méme que le Venchin. M. Buache place Kia-y-taø lui-méme dans la carte Japonnoife au quarante - deux, ou quarante-troifieme degré , deux ou trois degrés de plus de latitude que la pointe feptentrionale du Japon. Ainfi, qu'aprés avoir cotoyé celui-ci, en navigeant a l'Eft, c'étoit la terre la plus voiline. C'étoit done natureilement la route qu'ils de-voient prendre, & de Kia-y-tao å une cote au continent de l'Amérique , a ncus inconnue, ou qui méme a difparu , & enfin de peu a peu au Foufang, qui ne fauroit étre fi éloigné , fi nous ré-duifons les deux mille lieues å la proportion des autres diftances ds beaucoup trop grandes. Il n'eft point croyable qu'ils ay?nt cherché II une une terre inconnue fi loin au Nord-Eft, telle que le Kamtfchatka felon les nouvelles cartes, pour reprendre au Sud-Eft, le tout par des mers les plus orageufes ; au lieu de faire leur poffible pour at-teindre l'isle, ou la terre la plus voiftne , & ainfi il« auront navlgé droit å l'Eft, fans fe porter dix degrés plus au Nord , pour avoir le plaifir de s'embarrafler, pendant plus de deux cent lieues en latitude , dans la quantité d'isles qui s'y trouvent , & rifquer plus que dans tout le refte de leur route. Peut-étre qu'on y trouvera une objeclion que voici. Les Auteurs Bomment Tahan , & il eft inconteftable que le Tahan eft la partie la plus orientale de l'Afie & de la Tartarie. Si done les Chinois le font rendus, depuis le Venchin au Tahan, on ne peut s'y méprendre, ils auront été å la cote de Kamtfchatka. On voit bien que je n'ai pas taché d'affbiblir cette objeclion, qui pourroit pourtant étre levée , fi on conlidére que tous les peupies , lorfqu'ils ont ignoré la fituation & les noms des pays un peu éloi-gnés, les ont nommés des noms de ceux qui étoient fitués vers la méme plage. Aux Juifs, tous les pays Occidentaux étoient Kittim y les Orientaux, Madai & Elam &c. Les Grecs méme nommoient Celtes, tous les autres peupies feptentrionaux de l'Europe ; Scytes ceux du Nord de l'Afie ; Indiens ceux du Sud; Ethiopiens ceux de / 1'Afrique &c. On peut done fuppofer avec beaucoup de probabilité, que les Chinois ont nommé Tahan, cette partie Septentrionale & Orientale de l'Afie , & la partie de l'Amérique qui en eft peu éloignée. On peut méme douter, fi alors , il y a treize cens ans , ces deux continens n'étoient pas joints. Bien des veftiges pourroient nous le faire croire. 11 y a des Auteurs qui alfurent que Tahan, ou Than eft le plus ancien nom de la Chine, qui ne défigne autre chofe qu'un gra id pay*. C'eft done dans ce fens qu'il faut le prendre ici, & non dans celui d'un nom propre. M. de Guignes parle encore du voyage des Chinois au Tahan par terre. J'avoue que j'y vois encore moins d'apparence, qu'a celui par mer, au moins de la maniere dont il en fait la defcription. Ils doivent avoir traverfé le défert de Xama ou de Kobi, pour alier »Iler au lac Baikal, quelquefoii le traverfer, & enfuite tourner a l'Eft pour fe rendre au Tahan. Isbrand Ides, qui a traverfé ce défert en qualité d'Ambafladeur , faifant fon poffible pour ne manquer de rien > y a employé deux mois, & ne peut aflfez exprimer coir.bien lui & fes gens ont fouf-fert dans cette route, Qu'arrivera«1- il a de pauvres gens qui ne pen-vent trainer aprés eux toutes les provifions néceflaires ? Mais qu'al-loient-ils faire dans les pays au-delå du défert? Etoit-ce pour tra-fiquer, qu'ils s'cxpofoient k des fatigues & a des incommodités in-fmies? Non , c'eft pour de-la faire un voyage de huit cent ou milles lieues , pour alier chez les Tzchutzki, les Tzchalatzki , les Koreiki, les Olutorski s qui font les nations les plus féroces , les plus pauvres, les plus miférables qui fe trouvent dans tout ce continent. Ceci a -1 - il la moindre vraifemblance ? Si les Chinois cher-choient des fourrures, pourquoi n'ont - ils pas d'abord palfé depuis la Province de Petcheli dans la Tartarie, puifque c'eft vers l'Amur, & a fon Nord qu'on trouve les plus précieufes en tres grande abon-dance ? Toutes ces rérlexion3 me rendent un peu incrédule. §. XL Relation de JIL de Guignes fur le jeffo examinée. Venons å ce que M. de Guignes dit du JefTo. Il croit que c'eft le méme pays, quanr å I'Oku-Jefo, que les Chinois nommoient Tahan. Je le crois comme lui par les raifons que j'ai alléguées; & nous voyons dans les cartes publiées dans le fiécle dernier, qu'on a nommé Terra Efonis incognita, tout ce qui remplilToit le vuide entre l'Afie & la Californie ? Je fuppofe bien plus. Je crois que les Japonnois ont nommé Jeftb, tout ce qui fe trouvoit au Nord & au Nord-Eft de leur Empire, avec cette difference, que toutes ces isles furent comprifes fous le nom general de Jefogafima, isles, & non isle de Jeffo; & tout ce qui étoit dans le continent, Oku - Jefo. Je vak rendre raifon de cette aifertion. i*. 11 n'eft pas douteux que les Japonnois, qui ont conquis le H % Jeftb JeflTo , en tout ou en partie , qui y ont un Gouverneur , doivent mieux favoir que tous les Européens, la fituation de ce pay^, 2°. Les Japonnois ont conftamment dit, que l'isle de Jeflb étoit au Nord du Japon, & l'Oku-Jeflb au Nord de cette isle. 3 *. Il eft inconteftable que l'isle de Matfumai, ou la ville de ce nom , qui Te trouve dans cette méme isle , ou dans une autre plus au Nord , doit porter le nom de Jeffo, puifque cette ville eft la G#-pitale de la partie du Jeflb, que les Japonnois polTéclent; qu'ils y tiennent une garnifon; que le Prince de Matfumai, tributaire du Japon , déja avant cette conquéte , et\~eft le Gouverneur, & qu'il eft nommé Matzumai - Sinnadone ( a ). 4*. Si la petite isle de Matfumai exifte, felon les cartes aneiennes, & méme felon les plus nouvelles, il eft indubitable, que, comme portent les relations des PP. de Angelis, Coftanzo, de Carvailho, des Hollandois &c. il y a au-dela un pays plus étendu , nomms Jeflb par les Japonnois , qui, s'il eft a fon Nord , ne fauroit étre ua continent; vu qu'n ne tient ala Tartarie, ni au couchant, en étant leparé par le détroit du Teffoi; ni au levant, y ayant un efpace coniidérable entre cette isle & le Kamtschatka ; ni au Nord, puifque risle, qu'on nomms Saghalien- Oula , quan.i méme elle feroit jointe au Jeffo , eft bornée par la mer å fon Nord ; ni au Sud , parce qu'il y a le détroit de Zungnar: & fi Matfumai eft une isle par-ticuliere, il y aura un autre détroit entre cette Isle & celle dont nous parions. S *. La relation exacte de la découverte des isles Kurilis, qui s'é-tendent depuis le Japon au Kamtschatka, nous aflure pofitivement, ljue ces isles & les peupies qui les habitent ( b ), font nommés Jefo par les Japonnois. c* Le Japonnois prifonnier difoit pofitivement, feion Strahlen-berg , que le Kamtfchatka étoit nommé Jeflb par fes compatriotes. Pour ( n ") M. Bellin dit chns VHiftoire du dignité, & non d'une ville; japon de Charlevoix, Tom. II. p. 49?- ( b ) Les Japonnois ont coutume dc que lu ville de Matfumai e(t aufll nommée donner lc méme nom å un pays, å fon Sinnadone • niais il n'a. Ians doute pas peupie , & au* Princes qui le gouver-yns gard* , M nom tft wiuj $UR9 ftenit^ Pour ce qui concerne l'Oku-Jtfo » ou Jeflb continent, nous avons dit que nous fuppoflons, que les Japonnois avoient défigné par ce nom general tout le continent vers le Nord & le Nord-Eft indiftinclement. Le Tradu&eur de Kaempfer dit dans fon difcours préiiminaire, qu'ils n'en connoiflent prefque rien ; tout ce qu'ils fa-vent , c'eft que ce pays exifte. Il eft tres poflible qu'ils ayent con-fondu le continent avec la partie feptentrionale de la grande isle de Jefo, & j'ai de grandes raifons pour le foupcpnner. \°. Le nom d'Oku-Jefo, ne veut pas dire précifémeut continent de Jeffo , mais fh entre les caps Sugaar ou Tznngar, & Taajafaki, un petie détroit entre deux. Ava An Nord de Matfumai, on peut placer une grande isle, le veritable Jeflb, conquis en partie autrefois par le premier Kubofama; Sc que cette isle eft jointe å celle du Saghalien - Oula. Voila un grand paradoxe Géographique. Je crois pourtant qu'on peut le foutenir, jufqu'a ce qu'on ait une relation tant foit peu authentique, qui le contredife. Tout ce que nous favons de cette terre de Jeflb , ne nous ap-prend point jufqu'ou elle s'étend vers le Nord. On nous dit qu'elle a trois cent milles de long ; & un Prétre Japonnois , dont parle Valentyn, avoit aflure de s'y étre avance a cette diftance, & avoit enfin trouvé des étoffes de foye & autres meubles, qui ne pouvoient venir du Japon. Quel fond peut-on faire fur les diftances itinéraires des Japonnois, lorfqu'ils parlent d'une largeur du Jeflb, qui exige cent cinquante jours de marche ? Ainfi on peut fans fcrupule dé-duire quelque chofe de cette étendue de trois cent lieues. On place dans les nouvelles cartes l'embouchure du Saghalien-Oula communément a 5 3*. latitude. Quand méme on le reculeroit au 50. & plus, on auroit toujours environ deux cent lieues jufqu'a la pointe feptentrionale de cette isle, qu'on place a 540. & au-delå. On voit que j'ai placé l'embouchure a environ 49°. & la pointe feptentrionale de l'isle a peu pres a cinquante un & demi. En réduilant done les trois cent lieues å deux cent, on n'en ra-battroit pas å beaucoup pres autant qu'il le faut faire aux cent cinquante journées, dont nous venons de parler, & aux diftances don-nées par M. de Guignes, de la Chine au Japon , au Venchin , au Tahan & au Fou-fang. Les Hollandois, felon la relation, ont vti a quarante-huit degrés cinquante minutes, la mer s'éiargir, & ils ont conclu, que c'étoit \k le détroit d'Anian. Si done nous reculons l'Amur plus au Sud, & que nous placions la pointe feptentrionale de l'isle, depuis le cinquante au cinquante-urnerne degré & demi , cela s'accordera partaitemeut avec cette relation. Ce grand golfe ou mer d'Amur s'élargira alors h l'endroit ou fisle commence a fe rétrécir. En reculant la cote Orientale, la plus au Sud de la Tartarie a cent cinquante trois degrés & demi, & le Kamtschatka au cent foi- foixante-cinq pour le cap Oskoi , il y aura encore onze degrés de largeur, qui fuffifent, & au - dela , pour placer fans empécheraent cette giande isle , & lui donner les caps, les bayes & les vues que les Hollandois ont indiqués , quoique je trouve fmgulier qu'ils rnar-quent des bayes de un , deux, ttois degrés de profondeur, & des caps a proportion, taudis que les relations n'annoncent rien de pa-reil, & parlent å peine d'autant de lieues. On ne peut objeder, que les Rufliens n'ont pas appercu cette isle d'Amur dans leurs voyages, foit d'Ochoukoi, a Bolfcheretskoi, foit du cap Oskoi au Japon. Ces premiers font route au Sud - Eft , & s'éloignent de notre pofition du Jeflb ; ils arrivent méme å Bolfchereskoi, å une latitude de cinquante-deux degrés & demi a cinquante- trois, & notre isle nc commence qu'å environ cinquante-un degrés & demi. Les feconds, comme toutes les relations en font foi, ont fuivt cette file continue d'isles placées fans xnterruption du cap Oskoi au Japon , depuis le cent foixante-cmquiémc au cent fofxantiéme degré de longitude. Qu'oii life la defcription tres circonftanciée de Kofirew.skoi, on verra qu'il rt'a pas poufte jufqu'a l'isle de Matfumai , & quoique Spangberg di fe y avoir touché , il n'en rapporte pas la moindre circonftance ; c'eft pourquoi on a conftamment foutenu a Pétersbourg, qu'il n'y a pas été. L'Officier RuiTién le dit aufli , quand méme la relation qu'il leur a faite, dut contenir mille particularités que nous ignoronf. II faut bien que l'isle de Jeflb foit grande, longue & vis - å- vis de la cote de la Tartarie, puifqu'on nous dit qu'il s'y trouve de fi grandes rivieres , ou les baleines entrent, & que ces rivieres fe jettent dans le détroit du TeiToi. Charlevoix a déja foupcohné que ces rivieres pou-voient tres bien caufer ces courans d'une violence fans exemple. Pour rnoi je n'en doute pas, & j'y joins les eaux du grand fleuve d'Amur, ou Saghalien - Oula. J'en fuis d'autant plus periuadé, qu'on trouve ces niernes grands rofeaux dans le détroit du Teflbi , qui font cn fi grande abondance vers le bas de ce fleuve ( a ), & qui empé-chent, a ce qu'aifurent les habitans, qu'il ne foit navigable vers fon ( « ) Ces lofcaux fontfi gros, qu'on aflure qu'un homme peut å pcine en cmbraflcr un, fon embouchure. Il faut done que ce foit la proprieté de fes eaux, qui produife ces rofeaux å l'un & a l'autre endroit, & que par con-féquent, les eaux de ce fleuve fe vuident par le détroit de Teflbi. C'eft l'unique moyen d'expliquer la force prodigieufe de ce cou-rant, & fa perpétuicé, vu qu'il n'y a pas de moment ou ce détroit foit navigable: ce qui n'arrive nulle part ailleurs, autant que je puis m'en fouvenir. Dans un détroit ouvert des deux c6tés , ordinatre-ment ces courans changent, & coulent alternativement d'un coté a l'autre , felon les marées: mais ici ou tant de rivieres fe jettent, & que l'Amur feul, bien loin de fon embouchure , proche celle de l'Urka, ait par les eaux hautes, 500. toifes de large, felon Muller, il faut quelles caufent en tout tems un courant extraordinaire vers le détroit de Teflbi. Examen de la relation du Fere du Halde. Aucune relation ne contredit l'hypothéfe que l'isle de Saghalicn-Oula fait partie de celle du Jeflb. Que dis - je ? toutes les circonf-tances qu'on en fait, fortifient plutot cette idée. Le Pere du Halde nous dk , a la vérité, que l'Empereur y a envoyé des Mantcheoux; que les habitans de la partie occidentale font en commerce avec les Tartares ; que les Mantcheoux n'ont pas parcouru fa partie auf. trale; qu'ils n'ont appris que le nom des villages par ou ils ont paiTé ; que le défaut de commodité les a obligés de revenir plutot qu'ils n'auroient fouhaité; qu'on n'y voit ni chevaux, ni autres bétes de charge; en quelques endroits ils ont des cerfs domeftiques qui tirent leurs trainaux; qu'ils n'ont point entendu parler du Jeflb; qu'au-dela du cinquante & uniéme degré au Sud on ne voit point de terre ferme étendue le long de la cote, ce qui toutefois devroit étre, ii l'isle étoit plus lengue. Examinons cette relation, en la fuivant pied a pied. L'Empereur y a envoyé des Mantcheoux. Étoient-ce Ih. des gens å faire des obfervations intéreflantes, telles qu'on puifle s'y fonder, excepté pour ce qui tombe fous les fens d'un chacun ? I Le* Les habitans font en commerce avec les Tartares. Voila ce qui s'accorde merveilleufement avec les diverfes relations, qui difent qu'a-prés avoir marché trois cent lieues, on trouve que quelques uns parmi les riches , ont des habits de foye de la Chine , ce qui a fait croire que le pays étoit contigu å la Tartarie Chinoife; ce commerce en rend raifon. Le grand Oku Jefo , je veux dire , le continent oriemal, n'eft pas dans le cas, on n'y voit rien de pareil, & que feroient d'étoftés de foye ces miférabies Sauvages qui vivent comme des brutes ? Mr. Muller dit dans fon recueil, qu'il y a des Tungufes qui ha-bitent les bords de la riviére Onuft , lefquels font commerce avec les Natkanj vers le bas de PAmur, qu'ils en tirent de l'argent, des chaudieres de cuivre, des corails de verre , des étoffes de foye & de laine, voila done des gens voifins de cette isle d'Amur , ou de l'Oku-Jefo , felon ce fyftéme , & alors il eft clair , d'ou ceux de J'Oku - Jefo, fuivant la relation du Prétre Japonnois , qui y a été, & fuivant celle-ci, tirent ces marchandifes. Les Mantcheoux n'ont pas parcouru la partie auflrale. Il n'y a done point de raifon de fuppofer que l'isle flnifle a l'endroit ou ils ont terminé leur courfe ; mais il eft dit plus bas. On ne voit point de terre au - dela du cinquante - unume ; done l'isle n'eft pas plus longue. La raifon n'eft point concluante. Les relations difent qu'on n'appercoit pas également en tout tems depuis ^embouchure de J'CJd , les isles de Schantar , qui font vis-a-vis, Qu'on examine les cartes , on verra que ces isles font le double , ou le triple plus proche des cotes , que la partie la plus méridionale de l'isle d'Amur n'y eft marquée. 11 eft méme probable, que fi ce fjYuve coule plutot Eft-Sud-Eft que Eft - Nord - Eft , comme je le fuppofe d'aprés les aneiennes cartes , il aura peu a peu emporté beaucoup du terrein de cette isle, & qu'il y aura forme une bayei qui fait la diftance entre fon fond & le continent encore plus grande que les yeux des Mnntchéoux n'ont pu atteindre, & qui aura fait croire qUc l'isle finit a cet endroit. Ajoutons qu'il eft furprenant, qu'on attnbue a ces Tartares l'art de determiner la latitude. Ils ne font, ni Aitronomes s ni mariniers; peut-étre méme n'ont-ils ja- DE L» A S I R £7 mais mis le pied fur mer, que pour fe rendre dans cette isle. je oe fais done abfolument aucune attention å la latitude qu'ils out donnée. Ils n'ont appris que le nom.des villages par ok Hs ont paffe', C'eft: fans doute peu de chofe : mais du moins on auroit du nous en faire part, c/auroit été toujours autant. Le défaut de conimodhé les a fait revenir plutot St des gen* tels que ces Tartares , accoutumés å une maniere de vivre dure > n'ont pu refiller aux incommodités du voyage, on en pourra con-clure, que celle de la piapart de ces In ful a ires eft bien plus ni i fé rable , & qu'on ne doit pas étre furpris de n'en avoir aucune connoilTance. Jls n'ont point de chivaux, mais des cerfs domcjliques é^fc. Leut manque de chevaux prouve qu'ils ont peu de commerce avec les habitans de la terre ferme ; & il faut que l'isle foit d'une vafte étendue, puifque les cerfs fe trouvent rarement ailleurs que dans des pays aflez vaftes. Ils n'ont point ente »du parler de Jeffo. La raifon en eft claire. Lorfqu'on viendra å découvrir le veritable Jeftb , les habitans feront furpris qu'on leur donne ce nom. Le premier Japonnois prifonnier a alTuré que Kamtfchatka étoit Jeftb pour les Japonnois; les habitans ne s'en doutérent point. On voit dans la relation des Hollandois quelques circonftances qut méritent attention. Us difent que les piaces les plus remarquables dm pays, font Matfmai, Sibarca, Tocapfie, Contchoury, Groen , Ac-quei's, Oubitz, Porobits, SobolTary , Croén , Outchoeira , Efan, «Sc Sirocani. Que les habitans de Contchoury nommoient les méme?. places , Matomey, Compfo , Pafcour , Hape , Tocaptfie , Abney > Sanpet, Oubits , Groen , Sitarca , Saro , Contchouri, & Acqueis, Rien, å mon avis , ne donne une plus grande certitude du fond d'une relation , que lorfque les autres relations s'accordent, quant aux faits principaux, tandis qu'elles varient un peu, quant aux circonftances. Enforte qu'on auroit plus de fujet å douter de Pexiftence d'un tel pays & de fes villes , fi les rapports s'accordoient jufques dans ks moindres circonftances, que s'il y a quelque petite variation. Nous i 2 ne ne pouvons done revoquer en doute I'exiftence de ce pays, & des lieux ou habitations que les Hollandois indiquent dans cette terre: mais ou font-ils ces lieux? Nous ne connoilTons que Mttfaiai. Ni les Japonnois, ni les Rumens ne parlent point de ces autres noms, ni de tout ce que les relations du P. de Angelis & celle des Hollandois nous racontent de la taille , de la figure, des mæurs, des ufa-ges, du gouvernement des habitans &c. Cependant ce pays , dont l'intérieur nous eft inconnu, eft au Nord du Japon. Il ne peut done étre fitué qu'au Nord de l'isle de Matfumai. Oli faut-il chercher les isles des Etats, & celle dela Compagnie? Je l'ignore. Si cependant ce fyftéme pouvoit fe vérifier & fe trouver fonde , ces isles fe trouveroient å la hauteur indiquée par les Hollandois, entre le 4f. & 47°. de latitude, & en méme tems, on con-cevroit aifément, pourquoi elles ont échappé aux recherches des navi-gateurs Kufliens & Japonnois. Les Kufliens, comme nous l'avons dit, ont fuivi la file des isles, & ne fe font jamais trouvé a la longitude de ces deux isles; & il eft défendu aux Japonnois fous pei-ne de mort de naviger dans ces parages. .11 eft done probable que ces caps, ces bayes, & ces montagnes défignées par les Hollandois, fe trouveront lorfqu'on aura cotoyé cette terre, en faifant voile depuis le cap Oskoi a I'Oueft, un peu Sud-Oueft, & alors Sud, jufqu'a l'isle de Matfumai, & jufqu'au Japon ; car il faut néceffaire-ment qu'il y ait encore nombre d'isles inconnues dans ces parages, Les Jeffois aflurérent qu'ils alloient pécher des Raccons vers trois isles voifines, dont les habitans n'avoient point de barbe, & un tout autre langage que le leur. ac. L'autre fyftéme fera, que les terres du Jeffo des Hollandois ne font peut - étre que ces isles entre le Kamtschatka & le Japon. M. Buache paroit affez porte pour cette opinion: mais deux circonftances l'empéchent de l'adopter. D'un coté , il trouve ces terres trop éloignées , foit du Kamsfchatka , foit de la plus grande partie de ces isles, & il a raifon aufii long - tems qu'on ne leur rend pas leur veritable pofition , fur laquelle je vais rapporter encore deux remar-ques que j>al réfervées pour cet article, Premiere remarque. Quelques Auteurs fe fondent fur des obfervations Aftronomiques faites par AL Délisle de la Croiére. Mais, comme nous Pavons vi*j, POfficier Ruflien les rejette par diverfes raifons, entr'flUtres , parce qu'elles n'ont été faites que fur des montres de poche , ce qui eft autant que rien ; & M. Gmeiin dit, que les inf. trumens & les pendules de Mr. Délisle furent gåtés a fon voyage vers le Lena, qu'il avoit demandé un Llorloger, ou un Mathémati-cien pour les reparer, & qu'on lui avoit envoyé un homme qui n'a-voit que quelques connoiffances fuperficielles dans les méchaniques ; que M. Krasbennimkof, qui avoit tranfporté des inftrumens d'O-chotskoi å Bolfcherezkoi, avoit å peine fauvé fa vie , & que beaucoup de fes bagages, de fes provifions &c. s'étoient perdu. 11 ne faut done faire aucun fond fur ces obfervations, puifqu'on ne fauroit trop recommander PexaCtitude des obfervations , la perfection des inftrumens, & l'expérience des Collégues, un homme feul ne pouvant y furhre. Enfin ils aflurent que malgré toutes ces précautions, on ne peut garantir une exaétitude parraite; Que peut-on done efpérer de celles-ci ou tout manquoit ? Seconde remarque. Tous ceux qui ont été envoyés å la découverte du Japon depuis le Kamtfchatka , aflurent unanimément, qu'il y a entre-deux une file d'isles non interrompue (a) , & Pon voit en effet par la fupputation des diftances données par Kofirew.-koi, que rien n'eft plus veritable. Cependant, M. Muller dans fa carte ajoute encore d'autres isles, fans faire aucune mention de leur découverte ( b ) , & il donne de grandes diftances aux dernieres, fans en allé-guer ni preuves, ni raifons. S'il s'étoit tenu aux diftances de Kofi-rewskoi ou Koforoskj, l'efpace fe relferreroit de lui-méme; fans parler, que nous avons accordé dans notre fupputation beaucoup plus I 3 de (O M. Danvill« dit 1 c. p. 29. qu'il pon , vingt-deux isles arrangées , pouf a appris qu'un habitant Ru(Te de Jakuts- ainfi dire, l'une aprés l'aucie , dont la koi, fort habile dans la connoiffance des derniere avoit le nom de Matfmai. Ceci pays du fond de la Tartarie, avoit drefle donneroit bien moins de diftance que je une efpece de carte, fur laqudle on voyoit n'en ai accordé. å la fuite du continent de Kamtfchatka , ( b ) Je n'ai j'amais pu déterrer la re« jufqu'a la pointe Septentrionale du Ja, lation «le kU« dj n$Je de Zitronnoj. de Iargeur a ces isles, qu'elles n'en ont réellement. Qu'on vove l'isle de Quelpaertz å laquelle les Hollandois donnent quatorze on quinze lieues de circuit ; fuppofons - lå circulaire , cela réra cinq Jieue^de largeur, & en jettant les yeux fur les cartes Rufliennes méme , ces isles des Kurilis, au moins toutes les feptentrionales , font a peine repréfentées le quart , ou le fixieme de celle- la: cependant nous leur avons donné quatre, dix, douze lieues de Iargeur. Si on ne leur donnoit de largeur qu'a proportion de Quelpaerts-, ou de la grande isle de Schantars , dont nous avons parlé ci - deffus , on pourroit facilement déduire encore foixante lieues & plus. En un mot, tout concourt a prouver que la diftance marquée dans les cartes eft infoutenable. L'autre difficulté que trouve M. Buache eft plus confiderable ; elle coniifte en ce que les Hollandois par lent du Jeflb , comme d'une terre qui continue jufques vers Ie quarante-neufvieme degré, & qu'ils nomment plufieurs caps & bayes; au-lieu que, fuivant les autres relations, ce font des isles. Ce Géographe tåche de réfou-dre cette difficulté, en fuppofant que les Kufliens font dans Terreur, & que n'ayant fait que cotoyer, ils ont pris pour des détroits, ce qui en effet n'étoit que des bayes. Je trouve quen ceci, M. Buache n'a pas fait attention a toutes les circonftances. Ce font les Hollandois , qui n'ont fait que cotoyer, & moins que cotoyer. Ecoutons ce que M. Danville, qui aflure avoir entre fes mains fOriginal de la carte Hollandoife , en dit ( a ) : " L'infpection particuliere de la carte „ originale Hollandoife, fur laquelle il ne paroit dans cet intervalle, qu'une trace de cdte fort imparfaite, & fans aucurie des circonf-„ tances qui font bien exprimées, & fe diflinguent dans les autres endroits de la méme carte , paroit laiffer toute liberté å cefte con-„ jecture &c. Il eft vifible que le navigateur Hollandois n'a point „ reconnu cette partie de cote; qu'il s'en eft tenu méme fort écarté, „ & abfolument hors de vue, ayant fait canal en droiture de la », cote du Pie Antoine vers le cap Aniwa & Portland. Ainfi on ne *> peut pas dire, qu'il y ait une continuité de cote fans interruption 9, entre ces lieux , qui foit donnée par cette navigation; & rien ne fl. gene ( * ) Lettre an p. Caflci, j». ay. „ gene nåtre déference pour des circonftances qui demandent le „ contraire. Dans une des cartes de Texeira &c. j'ai toujours fait „ attention a Ja maniere dont la terre de Jeep y eft fonciérement „ repréfentée par une trace pon&uée w. La relation y eft toute conforme. Voici comme ils parlent Sous la hauteur de quarante-trois degrés, ils virent les villes de Tocap-tie &c Nos gens mirent pié å terre fous la hauteur de quarante-quatre degrés trente minutes &c. A la hauteur de quarante-fix degrés trente minutes, il y a un grand golfe. Sous le quarante - huitie-me degrés cinquante minutes, il y a de petites collines couvertes d'une herbe courte. Sous la hauteur de quarante - cinq degrés cinquante minutes, eft une isle , isle des Etats, & plus avant, fans dire com-bien , une autre , terre de la Compagnie. Lorfqu'ils furent arrivés af la hauteur de quarante - cinq degrés dix minutes &c. 11 eft manifefte que les Hollandois n'ont pas cotoyé cette terre , & qu'ils ne font méme defcendus qu'aux endroits qu'ils indiquent. On ne peut, par coniéquent fe fonder fur cette relation, pour afturer que ce pays des Hollandois foit une feule isle, depuis environ le quarante - uniéme dégré jufqu'au quarante-neuf. 11 eft encore tres remarquable, que dans la carte, que M. Buache nous donne , on devroit trouver la cåte occidentale du Jeflb mar-quée conformément å la relation des Hollandois : mais je n'y trouve pas la moindre reflemblance avec leur relation remplie de confulion. D'ailleurs, il ne paroit point qu'ils ayent examiné en méme tems la c6te occidentale & l'orientale , & jufqu'a préfent, Ton n'a rnarqué leurs prétendues découvertes que fur la cote orientale. Je préfére done ici les aneiennes découvertes å celles qu'on préte gratuitemenc aux Hollandois, la maniere dont on les repréfente dans les cartes me les rend de plus en plus fufpectes. Remarquons entr'autres l'éten-due qu'on donne å ces pays, isles, bayes , caps &c. Dans i a relation , il eft dit felon M. Buache ( a ) , qu'ils trouvérent une large baye , qu'ils nommérent de bonne efpérance. Sur fa carte elle eft marquée d'un degré & demi de profondeur, foit trente* lieues» («) Confid, p, W* lieues, & dans fa plus grande Iargeur d'environ treize lieues. C'eft fans doute bien alTez. Ils fuivirent la cote avec beaucoup de brouillards, qui, probable-ment ne leur auront pas permis de la reconnoitre pendant foixante milles. Sur la carte , il y a cinq degrés jufqu'a l'isle des Etats, qui doit avoir trente milles de long. D'autres lui en donnent biens moins, difent qu'elle eft petite. 11 y en a qui ne lui donnent que fix lieues; ici elle eft de quatre degrés & demi. Trop long , dit Raton. A quarante-cinq , quarante* fix , quarante - fept degrés eft la terre de la Compagnie. Sans dire comment ils ont pafle de cette terre au Jeflb oppofé, on les y tranfporte a Aqueis, au fond d'un golfe , qui entre bien deux milles dans les terres. En effet, il y a bien deux milles, puif-qu'å le prendre feulement depuis le cap Aniwa, fa largeur eft repré-fentée de trois degrés. On croiroit que celui des Suumons eft un autre grand golfe; & cependant il n'eft repréfenté que comme une continuation du premier, Mais en effet, il doit étre grand , puifque du méme cap il entre vers le nord a peu pres un degré quarante minutes, de vingt lieues le degré. Ainfi fa profondeur feroit trente-trois a trente-quatre lieues. Enfin, ils parvinrent prefque fous le quarante- neufvieme degré, au cap Patience, ou de retour ; & de-lå on repréfenté encore un golfe, au Nord-Oueft, qui tient depuis ce cap prefque deux degrés de profondeur au Nord-Nord-Oueft , & pafle trois degrés de largeur , quoique les Hollandois n'ayent pas abordé a la partie oppo-lée au cap. De - la, puifque les Hollandois n'ont pas poufle plus loin, on coupe cette terre, pour donner place a un détroit entre le Jeflb & l'isle d'Amur, que perfonne n'a vu. Dans la carte Japonnoife ( a ), le pays au Nord - Eft eft repréfenté comme s'étendant cent cinquante, ou cent foixante milles. On Q,y marque pas le détroit que les Hollandois ont pafle; & la cote de l'Amérique y eft fort proche de celle de l'Afie. Les Ruftes, dit - il, encore (b }, font plus å portée de reconnoitre le i*) P«* 9J. f» C* ) p. ior. le Jeflb fupérieur que les Japonnois. Je ne vois pas pourquoi. La Capitale de la Ruffie eft éloignée de l'extrémité orientale de 1'Afie , felon les nouvelles cartes, d'environ cent cinquante-cinq degrés, Pétersbourg étant au cinquanticme degré de longitude; au lieu que l'extrémité orientale du Japon eft a cent foixante , ainfi de cent & dix degrés plus pré?. Il n'en eft pas de méme de la relation des Ruiliens, comme år celle des Hollandois; ceux-lå donnent une relation cireonttanciée d'un voyage qu'ils ont fait; ils indiquent les isles, avec leurs noms; ils parlent des détroits & des habitans, le tout fuccinclement, å la vérité, mais d'une maniere claire, précife, qui ne fauroifc iaifler le moindre doute fur l'autcnticité de leur recit lis parlent des courans violens, qui fe font fendr dans les détroits qui féparent ces isles. Lis nomment les isles qui fe fuivent, & celles qui font å l'Eft & å I'Oueft; sl faut done qu'ils les connoilfent, & qu'ils les connohTcnt pour isles. Il ne s'agit pas de découvertes faites une feule fois, comme celle des Hollandois , mais de découvertes confirmées par plufieurs voyages fubféquens. Qui pourroit done refufer d'y ajouter foi ? Mais alors, ou doit-on placer l'isle des Etats & la terre de la Compagnie? J'en fuis aufii embarraffé qUe les autres Géographes, qui font obligés d'avoir recours au hazard, & méme les plus récens les omet-tent entierement. On en trouveroit encore le moyen , fi la latitude y répondoit. Les Hollandois les piacent vers Ie quarante-fixieme degré , un peu moins & un peu plus. Dans la carte de Muller fe trouvent celles de Kunafchir & d'Urup de quarante-trois & quarante-qua-tre; celles de Tzitronoi & des trois fceurs, entre quarante-quatre & quarante - cinq. Ceci commenceroit å approcher de cette latitude. A quarante-fix, il y a cellede Nadefchda, qui devroit en avoir une plus petite å fon occident, au lieu qu'ici il y en a une a I'orient. Cependant nous voyons que les Ruftiens ont toujours pris la méme route le long de ces isles , & que peut-étre cette isle des Etats å l'Eft, marquée chez les uns comme fort petite & compofée de roeners , leur a échapé. On objecfera que j'ai moi - méme fuppofé que la terre de Jeffo eft K d'usf d'une grande étendue, & que la relation des Hollandois confirmée par celle du Japonnois Oeri, infinue la méme chofe. Je réponds, qu'il ne s'agit pas tant ici du Jeffo en lui-méme; que de favoir ou trouver les terres découvertes par les Hollandois. Quand méme celle au Nord de Matfumai auroit environ dix degrés de long, comme je le fnppofe, il ne feroit pas encore prouvé que ce fut celle des Hollandois, & la relation du Japonnois Oeri, qui étoit peut - étre un ignorant, ou qui vouloit en impofer å des étran-gers, ou qu'on comprenoit mal, peut fonder des probabilités, mais non des preuves authentiques. M. Muller donne une autre folution, qui mérite quelqu'attention. 11 dit que les tremblemens de terre font tres fréquens dans ces parages , & tres violens; qu'il eft poffible que ces diverfes isles , ou toutes, ou une partie, n'en formaffent qu'une dans le tems du voyage des Hollandois, & qu'elles ont été féparées du depuis. Cette con-jeclure eft affez vrai-femblable. Nous avons déja remarque qu'il n'eft point fur que toutes les terres vues par les Hollandois en partie de loin, ayent fait une méme terre continué. 11 eft poffible que déja alors c'étoient quatre å cinq isles ou plus. J'ai ajouté ici que des ter-res qui ont des caps auffi avances, & des bayes aufli profondes, peu-vent aifément par des tremblemens de terre, fe dmfer de plus en plus & former des isles. Je conjeåure méme qu'autrefois le Kamtfchatka, les isles Kurilis, le Jeffo & le Japon, & méme la Corée, n'ont fait qu'un méme continent , vu la proximité de ces isles au Japon & au Kamtschatka, & entr'elles , & un cap fort bas h la pointe de celui - ci qui s'étend å environ trois ou quatre lieues dans la mer , n'a pas plus de quatre cent toifes de largeur , & n'eft éloigné que de deux å trois lieues de la premiere isle. Et alors on pourroit rendre raifon de ce grand 3ac Pé que les anciens Auteurs Chinois piacent a peu pres dans Pen-droit ou fe trouve la mer d'Amur. Je fuppoferois done que le premier changement a été celui du Japon en isle, & que depuis ce tems, ies Japonnois n'eurent aucune connoiflance du Jeffo jufqu'au douzieme fiécle; au lieu que les Jeifois confervoient encore quelque rela- DE V A S I E. 7f relation avec les Coréens; & Kaempfer dit que le Iangage de ces deux peupies a quelque rapport enfemble. Les tremblemens de terre font en effet tres frequens & tres violens au Japon , aux isles des Kurilis , & au Sud du Kamtfchatka. Voici ce que Charlevoix (a ) dit du Japon : " Nous connoillons „ aflez peu de pays auffi fujets aux tremblemens de terre que celui-„ ci; ils y font fi frequens que le peuple ne s'en allarme prefque „ plus. Ils ne lauTent pas d'y étre quelquefois fi violens, que les „ villes entieres en font renverfées, & la plupart des habitans enfé-„ velis fous leurs ruines Notre Auteur parl-e de paretiles mines des deux villes Capitales, de Meaco & de Jedo. Ailleurs il dit „ qu'il feroit fort furprenant que le Japon ne fut pas fujet aux tremblemens de terre, vå le grand nombre de volcans qu'on y voit w. Il en nomme méme plufieurs, & il parle auffi de la grande quantité de fouphre qu'on trouve dans ce pays. Dans le Tome fecond ( c ), il rapporte encore des tremblemens de terre , qui cauférent quantité de crevalfes , & des inondations inoui'es. Mais voyons ce que M« Gmeiin dit d'un tremblement arrivé pendant qu'il étoit en Sibérie. M A mon retour de Krafnoiark, je trou-„ vais une lettre &c. du Major General Skorniakow Pifarew, datée „ d'Ochotsk du 28. Novembre 1738. qui parle d'un terrible trem-„ blement de terre arrivé le 7. Novembre 1737. dans le pays des „ Kurilis & des isles voifines. La relation marque qu'un grand nom-„ bre de rochers efcarpés, fitués fur le bord de la mer, s'étoient „ rompus, & avoient été brifes en plufieurs pieces; qu'on avoit aufli „ fenti ce tremblement dans la mer , & vu plufieurs phénomenes „ de feu, qui s'étoient étendus plus loin ". 11 ajoute plufieurs autres particularités que nous omettons. 11 me fuffit de pouvoir con-clurre de ces faits, que l'hypothéfe de M. Muller nett rien moins qu'im poffible. On pourroit donner une troifieme conjeclure, qui anéantiroit prefque , å la vérité, le premier des deux fyftémes mentionnés, mais qui K % pour- ( a ) Tome 1. pag, ir. ( b ) p. 1%, {c) p. 9, 10. it. pourroit fe concilier avec le fecond; je le fonde fur la relation du vaifTeau, le Breskens, que M. Muller nous donne par extrait tiré de l'ouvrage rare de "Witfem que je n'ai pu me procurer. Je n'en rapportera* que ce qui fait å la queftion. Il paffa le détroit entre le Japon & le Jefo å la latitude de 410. to'. & de longitude de 16*4*. 48'. Voila déja prefque j *■ plus å l'Eft que la pointe orientale du Japon. De-lå, le vaifTeau fit voile vers l'Eft, & virent de nouveau la terre, a 43* 4'. a 44*. 4'. vinrent des båtimens vers leur vaiifeau, quelques uns de ces gens étoient habillés a ia Japonnoife ; des fabres garnis de petites pieces d'or, la lame d'une bordure d'argent, & le fourreau avec des feuillages , les ceinturons ou baudriers brodés en argent. On voit par-lå que ceux-ci devoient étre des Officiers Japonnois , ce qui eft d'autant plus probable. que ce pays ou isle n'en étoit éloigné que de 4". å 44*- latitnde, & 1679. 21'. longitude, encore une terre haute; a 45*. 12'. latitude, 169°. 36', longitude . la terre paroifloit étre des isles : mais en approchant ils la trouvérent terre ferme, å 46*. i^'. latitude, 172*. \6'. longitude, des bautes montagnes; å 47°- 8'. latitude, 173". 53'. encore des terres, oii on n'a pas abordé. Somme de la difference entre ce pays, & la pointe orientale du Japon, que l'Auteur place å 38*. 4*. latitude, en tout 12J. en longitude, 90. 38/. latitude. De tout ceci, nous croyons pouvoir conjeclurer; 2 Que la terre de la Compagnie pourra étre la méme que celle de Gama, dont on n'a pas la rnoindre connoiflance ni relation. 2*. Que, feion la relation tres tirconftanciée , & point équivo que, la file d'isles depuis le Kamtschatka au Japon , étant toujours droic au Sud j au moins point Sud-Oueft, å I'Oueft, quant aux der-nieres isles, comme les cartes les marquent, cette terre de Jefo, qu'on peut par cette relation , plutot fuppofer confifter en diverfes isles, que 4>en fajre un grand pays, n'eft autre chofe qu'un Archi-pel, dont une partie confifte en des isles plus å l'Eft que celles qu'on connoit entre le Kamtschatka & le Japon; & que la derniere de celles qui out été découvertes par le Breskens, la terre de la Compagnie, eft celle de Gama, comme on l'a dit, éloignéc å peu pres de 12*. vers PEft du Japon, & å 9*. en latitude ainfi, å fon Nord - Eft. 3°. Si l'on rtflédiit, que les 2. vaifleaux, ( fur tout le Caftri-com ), ont vu toutes leurs terres a I'Oueft; que le Breskens a poufle a prefque 174*. longitude; que celle qu'on donne au Kamtschatka & aux isles fur les cartes fe trouve évidemment trop forte, comme nous croyons l'avoir prouvé; on en doit conclure, fur ceci, & fur ce que nous ne nous* lauerons pas de repeter, de la pofition déter-minée des isles par Kofirewskoj , que nous avons encore accordé trop pour Ia longitude; & que fi alors la grande terre de Jefo dif-paroit fur notre carte, qu'on n'y place que Matfumay , l'isle d'Amur, celles de Schantar , & ce qu'on découvrira encore , on n'aura pas befoin de repréfenter la mer d'Amur fi large, comme on l'a fait pnn-cipalement dans le but de trouver place pour la terre de Jefo, En rapprochant le Kamtfchatka, & par conféquent aufii l'Amérique , fuivant nos idées , ces terres ou isles depuis 44. å 4.6°. latitude, & de 167. a 174. ou 17?. longitude feront , ou des mé-mes que les Rufliens ont vues en paflant, ou d'autres au Sud de celles de Sédu&ion , de St. Abraham, de St. Etienne & autres, puifqu'il paroit que ces parages font parfemées d'isles, comme on en fera perfuadé par Terreur dans laquelle eft tombé Béering & fon équipa-ge, qui, voyant des isles å I'Oueft, crurent que c'étoit let deux premieres des Kurilis. Enfin, ce font-la mes idées, jufques-å-ce que les Ruftiens ayent examiné tout l'efpace entre les trois cåtes de la Tartarie & le Japon, de méme que ce qui eft plus au Sud & au Sud - Eft du Kamtfchatka, & qu'il leur plaife de faire part au public de leurs découvertes fans en r;en cacher. Car auparavant, je ne vois pas qu'il foit poflible de decider avec certitude de la fituation & de l'étendue de ces terres de Jtflb ( a ). K 3 SECON. ( <* ) Au moment que j'examinols l'é- ,, de Kamtfatka rewplie de petites isles preuvcde cette feuille , je rc<,us les Ga- „ & que la c6te de 1'Amérique n'en étoit lettes de Londres du zz. Juin, & y vis „ étoignée que de deux & demi detrrcs un Article de Pétersbourg du 21. Mai, „ vers l'Eft". Tout ceci fortifie beaucuup qui annonce, " qu'on avoit trouve la mer tout ce que nous venons de dire d© ce* »> qui fépare l'Amérique de tø prefqu'isle isles, & tout udtre fyftéme, SECONDE PARTIK Sur les cotes les plus occidentales de t Amérique (a). Jft)fcUs)*ifTi^Jl LI" *''"O0 r •< SJT " .. ■' "_ip 1 l -" ." ^"J^flO" h-$>lCX §l§p;.$ O m JE me trouve ici dans le méme embarras que pour l'emplacemetit de la terre de Jeflb , & cela par les mémes raifons, å caufe des diverfes relations égatement authentiques, qui ne fauroient fe concilier. §. I. Diverfes relations aneiennes de lAmérique. On convient unanimément, que nous devons aux Efpagnols hi découverte de tout le nouveau Mexique , de ce qui eft au Nord & å I'Oueft de ce pays, & de la Californie. Rappelions ici fuccinåemeiit ce qu'ils en difent d'aprés les Faltes du P. Charlevoix. L'an i i? i. le Mexique fut conquis par Fernand Cortez. En if3f. le méme découvrit en propre perfonne la Californie. En 1539. il y envoya Francpis de Teilo pour achever cette découverte, lequel rangea prefque toute la cote occidentale, & fit enfuite plufieurs autres découvertes en ces quartiers. La méme année le P. Marc de Niza, Francifcain, découvrit 1© Royaume de Cibola. En i f 40. Francois Vafquez Cornero , ou Cornedo , ou Coronat, envoyé par D. Antoine de Mendoza , Viceroi du Mexique , pour continuer la découverte de la Californie, découvrit les Royaumes de Cibola & de Quivira. En (a) Il eft furprenant que Mr. Muller relation que celle de Francois Drake en iy7^ foutierme, comme une chofe avérée , que & celle de Martin d'Aquilar en «6e$. malgre de ce coté ( occidental ) de TAtncriquc ce nombre infini de relations ctrconftaB-on ne foit jamais allé aflfcz loin , qu'on ait ciées des Efpagnols, Sc de tant de cartes pu parvenu a acquerir une lumicre tant foit dreflees en conformité long-tems avant peu lui-nineufe, pour éclairer ces contréesté- les dits voyages allégués, comme on va ncbreufes, & qu'il TeJii|e ignorer toute autre le voir par ce que noss allons rapporter. En i f 42. EtablifTemens & découvertes dans le nouveau Royaume de Grenade par Ferdinand Perez de Quefada. En 1579. Francois Drak découvrit la nouvelle Albion, & afTura "k la Reine Elizabeth, qu'il étoit entré cette année dans le détroit d'A-nian, & qu'il y avoit pénétré vingt lieues. En i?82. le P. Auguftin Ruys, Francifcain, ayant fait en 1580. & 1581, plufieurs découvertes au Nord du Mexique, Antoine de Efpejo les continua en 1582. découvrit plus de quinze Provinces, & donna å tout ce grand pays le nom de nouveau Mexique. En is99- D- Jean d'Ognate rit de grandes conquétes dans le nouveau Mexique , båtit la ville de St Jean, 6c découvrit quantité de mines. En i6ii. le méme découvrit la riviére du Nord, nommée enfuite Rio Colorado, & le lac des Conibas, au deffus du nouveau Mexique. En 1617. 1636. i£7f. 1683. découvertes ultérieures de la Californie occidentale. En 1701. la Californie, Rio Azul, Rio de la Hila, Rio Colorado , de nouveau reconnus par le P. Eufébe Franqois Kino, Jéfuite, Expofons dans un plus grand détail ce que les Efpagnols rappor-tent de ces pays & de leur pofition. Je commence par le P. Jofeph d'Acofta , généralemcnt tres efti-mé , & å qui le P. Charlevoix donne de grands éloges. H étoit natif de Medina del Campo, & dans fordre des Jéfuites avec fes quatre freres. Il fut nommé Provincial & envoyé en Amérique , étant connu pour un homme favant, judicteux & de génie. 11 y précha l'Evangiie aux Payens pendant dix-fept ans» de forte qu'il ne man™ qua pas de tems pour s'informer å fond de toutes les découvertes faites par les Efpagnols , & pour fe mettre en etat de donner une defcription fidele de ces pays. Ses ouvrages font tres rares; Charlevoix en cite une edition de 1608. donnée a Madrid. S'il a cru que c'étoit l'unique , ou la premiere , il s'eft trompé. J'en poflede une tradu&ion allemande en petit folio, imprimée å Urfel Pan i6o*. 11 faut done qu'il ait paru une edition antérieure de cette relation, & méme de deux ouvrages, puif- puifque la traduclion porte dans le titre: Le nouveau monde décrit Par Jofepb de Acqfta en fept livres* partie en latin , partie en sfpagnol Je fais d'autant plus de cas de cette edition que les cartes Géo* graphiques s'y trouvent. Etles fe fentent a la vérité de fignorancs du fiécle & de l'imperfedion des arts. Elles font grofliéres & impar-faites, puifque les degrés y manquent; inais du moins on y peuc voir les idées que les Efpagnols avoient des pays qu'ils avoient dé-couverts. Il eft méme tres probable que les Géographes du XVII. fiécle les ont copiés, en y mettant plus de nettete, & en y joignant les degrés de longitude & de latitude. C'eft pourquoi, je crois devoir donner ici un extrait de celles qui fcrvent å mon but t & des explications qui les accompagnent ( a ). Dans l'explication qu'il donne fur la carte de Quivira & d'Anian , il dit: " Quivira & Anian s'étendent jufqu'a l'extrémité occidentale a, de l'Amérique, & font connus par leur climat dur & ftérile, 8c „ par la difette de toutes chofes. L'extrémité feptentrionale du Ro-m yaume d'Anian s'étend jufques fous le Cercle polaire Arclique; & „ li la mer ne l'en empéchoit, il fe trouveroit joint aux pays des „ Tartares & des Chinois. „ Le détroit d'Anian condutt par la plage feptentrionale fous le it Cercle polaire vers le Groenland , 1'Islande, l'Angleterre 3 & nos t, terres feptentrionales &c. „ Les cotes de Quivira font peu connues, & on n'y va pas avec „ des vaififeanx. Les foldats de Vafquez Coronat n'ayant trouvé au-„ cun indice d'or å Cevola, pour ne pas retourner h. mains vuidcs, „ prirent la refolution de poufler plus loin, & de chercher ailleurs „ la fortune. Ils concurent cette efpérance, lorfqu'ils vinrent de Ti* „ chuic a Tigueza 'i ou l'on faifoit courir un grand bruk de Quivira, ft & ou l'on perfuada aux foldats crédules, que Tataraxus étoit un „ Roi puiflant &c. Ils pourfuivirent done leur chemin, arrivérent .» a Cicuica, 8c enfuite å Quivira, qui eft éloignée de Cicuica de » deux cent & vingt mille pas. Tout le chemin eft couvert de fable , „ & ( a) Yoyez Testrait des principales de ces cartes , fur celle ojue je. donne de i'Afyt feptentrionale. DE L' AMERIQ.UR 8t & le pays maudit par fa ftériiité. Souvent pendant cent lieues, on ne trouve pas une feule pierre , ni une herbe, ni un arbre ; feulement une efpéce de vaches inconnues ailleurs, dont la quantité remedie å la faim. Aprés avoir efluyé une forte & grotre gréle &c. ils arrivérent a Quivira ou il trouvérent le vieillard dé-crépit Tataraxus, pour l'amour duquel ils avoient elfuyé tant de travaux , orné d'un colier de cuivre, qui faifoit tout fon tréfor« Ils virent done qu'on les avoit pris pour dupes, & ils ne vouiu-rent pas y hyverner, mais ils retournérent inceflamment å Ti« guexa. Quivira eft fitué fous la latitude de quarante degrés fur les bords de la mer , & a beaucoup de påturages dans fes environs. „ Franqois Drak marque dans la relation de fon voyage commenoé le 5. Novembre M77. qu'il arriva le Juin 1^78, au quarante-deuxieme dégré, & que ie froid y étoit fi grand que fes gens ne pouvoient le fupporter, & qu'ils trouvérent une plaine couverte de neige. Forces de chercher un autre pays ils abordérent au tren-p te-huitieme degré ou ils trouvérent un bon port &c. Les ha-, bitans voulurent que Drak fut leur Roi, & le couronnérent; , ils ornérent fon cou d'une chaine, & Je nommérent Hioch. Drak » nomma ce pays la nouvelle Albion , a eau fe de fes rochsrs blånes, , & parce qu'autrefois on donnoit le nom d'AIbion a J'Angleterre n. §. I I. Du pays des Cohibas Sø des pays voifins. „ Lorfqu'on marche du couchant au levant vers les frontieres de „ la nouvelle Frånce, on trouve le pays des Conibas, & plufieurs „ autres nations, qui font vers le Nord de la Floride & du MexÉ. h que ; le climat y eft le méme que dans les pays d'Anian &, de 1, Quivira ; ils n'en different que de noms. On les nomme Arans- res, Alabardcs , Calicui, Tagiles , Capafces & de fix cens autres „ noms. Ce font des peupies féroces & barbåres , qui vivent fans „ lot» & font dans une guerre perpétuelle entt'eux, &c. Chez ces L peu- peupies font venus AJvares Nmmez , Cabrzza de Vacca , André „ Dorante, Alphonfe Caftellan, & Erienne Azamoro , reftes infor- „ tunes des compagnons du malhemeux Pamphile Narvaez , qui fe „ virent obligés de parcourir nuds, & dans la derniere mifére , ces „ pays pendant neuf ans. A prefent on donne le nom de nouveau „ Mexique a cette vade contrée , en y comprenant méme Quivira, „ Aman , nouvelle Gr^nade & Californie, pays qu'Antoine Efpejo „ de Cordoue a de nouveau découvert, & fait connoitre en 15 *\ §. 11 L Nouvelle Grenade. „ Franc,ois Vafquez parle de la nouvelle Grenade de la maniere „ fuivante. Le peuple de ce pays me paroit bien fait, grand, & il 9i eft ingenieux & agile &c. Sa temperature eft å peu pres comme „ celle du Mexique, tantåt chaud, tantot pluvieux. Il y tombe aufii „ beaucoup deneige; c'eft pourquoi le peuple s'habille en hiver de „ pelléterie &c. on n'y voit point de montagnes, feulement des „ collines &c. Le Royaume d'Acus n'eft qu'une petite ville, les ha-9, bkans la nomment Acucu ; il croit dans fes environs du cotton, 35 11 y a encore d'autres villes, ou grands villages, qui ont leurs m Seigneurs particuliers; mais ils font tous pauvres. De ce genre », font ceux de Quicama & de Coama &c. &c. &ca §. IV. Relation de Cabrillo: Cabrillo a auffi donné une relation du voyage qu'il a fait pour la découverte des cotes au Nord-Oueft de la Californie 5 en voici un petit fxrrait, Juan Rodriguez de Cabrillo partit du port de la Navidad , & fe trouva le 18. Juin å la hauteur de trente-fix degrés trente minutes, ou le continent avancant en grek-col dans la mer, fait un cap, qu'il nomma a caule de fa figur c, Cabo della Galer a. Il ne parle plus plus enfuite. ni de la figure, ni de la céte, ni de Ia latitude, que lorfqu'il fait mentiori des montagnes de St Martin, découvertes le ir. Novembre, & qui avancent dans la mer a trenté-huit degrés, enfuite d'un cap couvert de hauts pins a quarante degrés & quelques minutes; ajoutant que depuis ce cap la cote de la terre-ferme court quelques Heués au Nord - Oueft , & que le rivage eft fort élevé & droit. Enfuite il dit exprefiement que la cåte court Nord-Oueft & Sud-Eft, depuis le trente-feptieme degré jufqu'au quarantiemc. Aprés cela , Cabrillo & fes compagnons retournérent au port de la potfeflion , au deffbus de l'isle de S. Lucas , un peu au deflfus du cap de Galere , & y reftérent jufqu'a la fin de Décembre. Le i Janvier if43- ils fe rendirent au port de Sardinas ; le 26. Fevrier au cap de Fortuna au quarante-unieme degrés ; au mois de Mars au quarantieme. Enfin le 4. Avhl ils furent de retour au port de la Navidad, Cabrillo étant mort peu de tems auparavant. Ils fe plaignirent d'un froid infuppottable entre les quarante- unieme , & quarante- quatrieme degrés, tout comme Drak enfuite, fut reconnue par les Portugais en l'année 1520. a la hauteur de „ foixante degrés , pour étre habitée de gens raifonnables & humains, „ & remplie de quantité d'animaux & de bons påturages. Ils n'aban-,, donnérent cette terre qu'a caufe de la trop grande navigation , qui >, contient quatre mille cinq cent nonante lieues, ( en y venant par »» la mer des Indes " &c. ) Je crois devoir ajouter que dans quelques - unes des plus aneiennes cartes, on repréfenté les terres de l'Amérique feptentrionale, comme une continuité de celles du Nord-Efi; de l'Afie; & elles y font jointes par un lfthmc afiez large, qui eft au Nord du Japon. L'Auteur des confidérations géographiques ( a ) parle encore ail-^urs d'une maniere conforme fur la Californie, ( « ) Buache p. $4, $5. a 71, Il eft étonnant, dit-il, qu'on ait encore fi peu de connoiflance de ce pays, quoique Fernand Cortes , Conquerant du Mexique, y ait fait lui-méme un voyage en if 3?- & WQ du depuis les Efpagnols y en ayent fait plufieurs autres, qui n'ont abouti qu'a en reconnoitre les cotes, auxquelles ils ont donné des noms avec beaucoup de diverfité. Ils jugérent ce pays dés 1584. étre tres bon Sc fort habité. lis fe font uniquement occupés å traverfer la mer du Sud pour leur commerce des Indes. Cependant il paroit que quelques vaifteaux , au moins dans les commencemens » ont poufle ait Nord , & ont reconnu la futte des cotes du Nord- Oueft de l'Améru que jufqu'au détroit. C'eft dequoi je vais donner une nouvelle preuve. Laet &c. fait une remarque &c. en 1633, On appelle, dit-il, communément Californie, tout ce qu'il y a de terre au devant de la nouvelle Efpagne & Galice vers I'Oueft t qui eft certes de fort grande étendue , & attouche les dernieres fins de l'Amérique feptentrionale & le détroit d'Anian. Ce font des Regions fort amples faifoient la Californie longue de douze cent lieues (b)t depuis le cap S. Lucas jufqu'a celui de Mendocino. Ce cap étoit different de celui que nous con* noiffons aujourdhui fous ce méme nom, & qui n'eft qu'a quatorze degrés , environ, du cap St. Lucas; mais l'autre devoit étre peu éloi-gné do port, ou les Rufles, commandés par M. Tfchirikow, ont abordés en i74r. puifqu'on mettoit ce cap vers l'entrée du détroit, que l'on croyoit féparer l'Amérique de l'Afie. &c. Il réfulte de - la clairement , que nos Ancicns, ou les premiers Géogra- ^ * ) tfpsgnoles å dix-fept & demi lieues, cu foixante-neuf degrés, non fø-»» degré tjnfi pBfré 1940. grandes lieues x ante, comme JYI. Buache die , qui nc / lr\n^ fait Pas attention q«e ce fønt des l^ue* { & ) lt« de mille troii cent huitante Efpagnol««. DE L' AMERIQ.UE. Géographes modernes, ont du étre déterminés dans les caries qu'ils ont UrelFées, par ie reut de queiqus navigaceurs Efpagnols ou Portugais, qui ont réelkment vu cette fuhe des cotes. La p'us ancienne carte que j'aye trouvée jufqu'a p-éfent, qui marque cette continuation de tenes jufquv-.u détroit d'Anian , eft une carte Italienne de i'Aménqt e feptentrionale, faite en 1566. Mais les cotes du Nord-Oueft de i'Ané ique y font tracées avec moins de précifion que dans la Japontiorle. &c. J'ai déja remarque que la pn lor gation de la Californie au Nord-Oueft jufqu'au vé> ituble détroit o'A ian, a été dan la fuite baitfée de huit a dix degrés; & qu'apiés cela, diverfes navigations ayant fait abandonner cette prétendue på fir føn , l'on a perdu entierement l'idée de la cote reelle que les Ruffes ont retrouvee au Nord de la grande mer. M. Green accufe de fmfleté , mais fans preuve , la relation du voyage que Cabrillo fit en 1^42. jufqu'au quarante - quatrieme dégré, Les prétentions Kufiiennes &c devroient ergager les Efpagnols a produire ce qu'ils ont de relation^ concernant leurs voyages au Nord de la Californie, & jufqu'au fameux détroit d'Anian, qui reprend au-jo urdbui fes droit s d'exiftence &c. A parler exa element, la Californie ne s'étend au Nord qu'un peu au-deSå du quarante-troifieme degré; & les pilotes les plus enten-dus, qui vont continuellement du Mexique aux Philippines , ou de ces isles au Mexique, ont trouvé qu'elle n'étoit que de cinq ou fix cent lieues depuis le cap S. Lucas jufqu'au cap Mendocin d'aujour-d'hui. Quand on eut ainfi réduit la Californie å fis jufies tårnes, & qu'on eut reconnu, fur tout en 1603. par la navigation de Sebaltien Bifcaien, & de Martin d'Aguilar , que la mer retoumoit en orient un peu au-dtla du quarunte-troifieme degré, plufieurs Efpagnols firent de la Californie une isle. Cependa t il y avoir long-tems que les premiers Géographes modernes, d'jiprés les navigations de Francois d'ulloa , & Hernand de Ålarcon dans la mer ver medie en 1^39- & ' ?4°- rePrpTentoient la Caiitornie tetle que nous la counoiilbns aujourd'hui , c'eft-å-dire M com- comme une prefqu'isle (a ). De Laet obfervé que dés Pan t s 3 9. il y a eu des Efpagnols, qui s'etoient imaginés que c'étoit une isle. Et il dit en 1633. avoir vu de vieilles cartes, qui la repréfentoient de cette ftcon. Les Hollandois ayant pris en 1620. fur un vaifleau Efpagnol une carte de rAmérique, ou la Californie étoit figurée comme une isle , & la mer vermeiile comme un détroit, on fuivit cette idée comme certaine dans les cartes que l'on iit enfuite en Hullande & en Angleterre (b). Malgré cela, Janfon donne a cette isle, non fur la carte, mais par la note ajoutée, dix - fept cent lieues de long fur cinq cent de large. Or, continue M. Buache, il eft impofilble de concilier ces diftances avec la Californie, que Janfon repréfentoit en méme tems comme terminée au cap Mendocin d'aujourd'hui, c'eft-å-dire, réduite a fes juftes bornes. 11 rapporte la relation du P. Kino de 1702. par laquelle il a dé-claré avoir trouvé que la Californie étoit une prefqu'isle > & l'a re-préfentée ainfi dans fa carte. Enfin, il dit que le Comte de Pignalofle, Vice-Roi du Mexique, difoit que le Royaume de Teguajo & la grande Quivira, avoit mille lieues détendue , ajoutant, dans Popinion, qu'elle alloit jufqu'au veritable détroit d'Anian du cdté de I'Oueft. Puifque nous fommes fur Particle de Quivira , dont la pofition dépend de celle de la Californie, rapportons en méme tems fuccinc-tement ce que M. Buache en dit. Ce Géographe obfervé que Herrera & Benavides piacent Quivira å POrient du nouveau Mexique, Gomara au Nord - Eft: mais qu'il ne faut pas s'arrétcr å la fituation de Quivira , que l'on voit fur quelques cartes å la partie feptentrio-aale & occidentale de la Californie. Auffi Purchas dit que ces cartes ne valent rien, & que Quivira y eft fort mal placé. Ce qui eft con-firmé par le Comte de Pignalofle, qui a pubiié que Qjiivira eft au Nord-Eft du nouveau Mexique. Il ( f. ) »l c«te Ortdius, Mercator, leurs des premiers Géographes moderoes. Hondiiis , Cluvier, Bercius, Laet, Blaeu ( b ) 11 fe refére å celle de Dankertz, &c Ea ua mot , dit. il , tous les meiU de Tavccnier, de J^nfon &c. II ajoute que Quivira eft fur une rner; que Wytfliet aflure que les coies de Quivira ne font connues qu'en quelques endroits, parce qu'elles font hors de toutesles routes des navigateurs; ce qui ne fe peut entendre des cotes de la Californie, parce que c'eft le chemin oidinaire des Philippines. Il rapporte plufieurs Auteurs qui piacent cette mer au Nord du nouveau Mexique. Je crois que ces citations peuvent fuffire pour fonder mon fyftéme , qui n'eft autre que celui qui a pour garant toutes les découvertes , les relations & les cartes des Efpagnols. M. Buache reconnoit done i °. que les Efpagnols & tous les andens Auteurs approehent la fin des pays fitués å l'Queft & Nord-Oueft de la Californie, vers les extrémités de l'Afie. 2°. Que les Efpagnols, Cortezméme, & enfuite plufieurs autres y ont fait le voyage, qu'ils ont reconnu les cotes, impofé des noms aux caps, rivieres, bayes, isles &c. qu'ils alfurérent en tout tems, méme encore en 1683. que ces rerres ont dix-fept cent Jieues Efpa-gnoks de longueur fur cinq cent de largeur. 3*. Que les premiers Géographes ont été déterminés par le recit des navigateurs Efpagnols ou Portugais, qui ont réellement vu cette fuite de cotes; & que I'erreur 012 font tombés Janionius & les Géographes qui l'ont fulvi, en repréfentant la Californie comme une isle, provient d'une carte Efpagnole trouvée par les Hollandois fur un vailTeau de cette nation, 4*, Que ce changement a été trouvé erroné , & les aneiennes relations veritables par le P. Kino, & que la dellus on a repréfenté la Californie comme une prefqu'isle. Enfin que le Vice-Roi du Mexique, Comte de PignalofTe, a parlé des pays de Tega'to & de Quivira, comme ayant mille lku€s d'étendue. Examinons ces raifons de Mr. Buache. Nous avons vu ci - de flus que Mr. Buache dit, que divers Ecri-vains celebres cherchérent les fondemens du détroit d'An.an fans M a ' que que leurs efforts ayent rien pu produire, & que lå-deftus on Ie fit peu a peu difparoitte des meilleures cartes. Ce pafiage mérite beaucoup d'attention. J'avoue aufii que j'ai moi-méme eu peine å trouver ces fondemens. Cependant ces Ecrivatns auroient pu étre éclaircis la delfus fans beaucoup de recherches , & cela en prenant connoiflance des pofitions de ces pays. Ils ont vu par les premieres relations, & par les plus aneiennes cartes, les noms que les premiers navigateurs ont impofé a ces pays , aux caps, aux bayes, aux rivieres, aux isles &c. Je ne faurois done comprendrte pourquoi, n'ayant pas d'autres relations que celles que les Efpagnols nous eint donné, on en a confervé une partie, comme la Californie , Quivira , la mer vermeille , le cap blanc, le cap Mendocin &c. &c. & qu'on en a omis plufieurs autres, fans en dire les raifons. J'ai parlé de mon Edition Allemande d'Acofta de 1609. dont, ftlon les ap-parences, l'Edition originale a paru fur Ia fin du XVI. fiécle. On voit dans fes cartes dont on trouve des extraits dans ma premiere t on voit, dis - je , au Nord , Bergi regio ; enfuite Aman regnum , qui eft baigné par la mer å l'endroit ou eft proprement le détroit, & le pafiage le moins large , ce qui fe trouveroit felon les nouvelles cartes , entre le foixante - quatrieme & le foixante - feptieme degré de latitude. Plus bas on voit Quivira regnum ; plus a l'Eft, 1 olm reg* num. Voila done ce détroit qui a les mémes fondemens que tout le refte de ces premieres découvertes, Seion ces aneiennes cartes, Ja riviére Grandes Corrientes, & Rio de los Eftrechos , viennent de Anian regnum. Ou a confervé dans la plupart des cartes, de celles méme qui ne font pas les plus aneiennes , les noms de ces rivieres. Pourquoi done rejetter ce nom d'Anian, & dire qu'on n'a pu décou-vrir les fondemens de ce détroit, en reconnoiflant ceux de la plus grande partie des autres ? Et comment peut-on nominer les meilleures cartes celles, ou ce détroit å difparu dans le tems qu'on n'a-v°Jt pas un ombre de raifon pour autoriter ce changement ? Les aneiennes cartes faifoient approeher, comme M. Buache l'avoué lui -méme , le continent de l'Amérique vers le cent huitantieme degré de longitude, elles le féparérent de l'Afie par un détroit; elles nom-métmt la partie de l'Amérique la plus proche de l'endroit ou il avoit DE L' A M ER I (1 'U E, 93 le moins de largeur, Anian , & donnérent le nom de détroit d'Anian å ce paftage. Y a-t-il rien de plus fimple & de plus clair ? Comment done peut-on nommer meiikures cartes celles ou l'on a omis tous ces noms, ou l'on a changé ce qui a été reconnu & décrit par un fi grand nombre de perfonnes pendant plus de cent foixante ans, qui, par conféquent ont remplacé les uns par une mer, & les autres par une terre de Jeflb , rcconnus l'un & l'autre faux de nos jours? Comment, en un mot, peut-on appeller meiUeures cartes celles qui fejettent ce que tous les andens navigateurs avoient dit ,; que l'Amérique s'étendoit jufques vers l'Afie, le détroit d'Anian entre deux? Il eft vrai que la longitude des nouvelles cartes ne répond pas a celles des aneiennes: mais ne voyons nous pas les erreurs groffieres qui fe font gliflees dans ces meiikures cartes , & ne fommes-nous pas convaincus que les aneiennes font fondées dans la vérité pour le principal ? N'eft - il done pas naturel de s'en tenir a ce qui eft reconnu vrai. jufqu'a-ce que Ie contraire foit prouvé invinciblement? D'autant plus que j'ai allégué des raifons qui méritent attention , ce me femble, contre ces longitudes nouvelles. Mr. Buache dit encore, qu'avant de retrancher entierement ce détroit, Texeira avoit commencé a le tranfporter du cent huitantieme degré au deux centieme, Dudlei å deux cent vingt, dVatres a deux cent quarante. On voit par - la, comment une erreur en produit une autre. Auffi - tot qu'on a méprifé les relations aneiennes , les joules qu'on eut , & qu'on les a remplacées par des pofitions purement ima-ginaires, tout eft tombé dans une confufion deplorable. C'eft - ce qui devroit engager Meflieurs les Géographes å fe fonder fur des tøs, & fur des faits authentiques, autant qu'on en peut avoir des telations indubitables, & ne pas mettre en leur place des imagina-tions creufes, ou des fables. Les conjecturcs ne font permifes que lotfqn'on manque de relations, ou lorfqu'il s'agit d'en concilier en-femblc plufieurs qui ne font pas bien éclaircieF. Je veux bien croire que les Italiens étant en grand commerce avec les Efpagnols leurs voifins par mer, ont été des premiers a avoir; communication de leurs découvertes, & a dreiTer des cartes: Mais h crois pourtant que d'Acofta ayant publié fes ouvrages, partie en M 3 La- latin» partie en Efpotgnul, & par conféquent en Efpagne méme, i! y aura ajouté les cartes telles qu'elles fe trouvent dans la tradu&ion Allemande; que d'autres Auteurs, qui ne nous font pas connus, auront fait de méme; que les Géographes Italiens auront travaiilé fur ces memoires, & ont marqué dans leur langue, Jiretto i?Aman i aii.fi que ces circonftances fortifient leur authenticité; car on n'apprend point que jamais un Italien ait été du nombre de ces premiers navigateurs, J'ai, par Ja libéralité d'un favant de mes amis , la carte, ou mappe-monde de Blaeuw de dix pieds de long fur fix & demi de largeur ou de hauteur , qui eft remarquable, en ce qu'il confervé une partie des pofitions aneiennes, quoique !e changement de la Californie en isie s'y trouve déja. L'isle de* Etats y eft å cent feptante-fix degrés, & la céte la plus occidentale & feptentrionale de cette isle prétendue de Californie å deux cent trente - cinq degrés de longitude, & quarante-fix degrés de latitude; la pointe orientale du Japon å cent feptante & demi de longitude {a ); l'embouchure des rivieres de Tifon & de Coral å deux cent cinquante. bi done on ré-tablit la longitude du J «pon a fa veritable pofition , & qu'on y con-forme le refte, la partie occidentale de l'Amérique viendra å deux cent vingt-cinq degrés. & méme pins a I'Oueft, ce qui n'appnxhe pas de celle qu'on lui donne dans les nouvelles cartes ; au lieu que celle de ces rivieres eft eonforme a la mienne. La cote de la Tartarie eft fur cette carte a cent feptante-quatre degré;, & la pointe de la Corée å cent cinquante- deux. Si done on a trouvé que les Géographes de fon tems ont donné vingt-a vingt-cinq degrés d'étendue vers l'Eft , plus que fa ficuation veritable ne le comporte, on fera convaincu que je ne la recule pas trop. N'eft - il done pas furprenant, dis - je , que tous les Géographes modernes, fans exception , confervent la pofition erronée de cette carte Efpagnole Hollandoife , å l'égard de fi figure & de fon étendue en largeur, lorfqu'on l'a trouvée faufle, en donnant la Californie pour ( a ) Ainfi i é+i. & non å 90. degrés de diftance, comme dans la plupart des »omelles cartes. DE V A M E R I a U E. pour isle, & lorfqu'on n'a pas le moindre veftige, Ia momdre ombre de raifon, ou de relation auchentique, qui juftifie cette pofition pour les longitudes & les latitudes ? Qu'on rafle attention a ce qui s'eft pafle å ce fujet. Les Hollandois trouvérent une carte de PAmérique fut un vaifteau Efpagnol en I620. Avant ce tems il n'y avoit aucune carte qui ne repréfentat la Californie en prefqu'isle , & le Continent y joint comme con-tinu vers TOueft & le Nord-Oueft jufques tout proche de l'Afie. On n'en pouvoit douter. Toutes les découvertes , faites avec tant de foins & de fraix , étoient unanimes fur cet article. On a de tout *ems été avide de Ia nouveauté, & on a cherché, par furabondance de penetration, du myftére ou il n'y en avoit point. On adopta done cette carte, & 1'ont fit deux changemens conftdérables dans ce °,ui concerne la Californie. On en fit une isle, & en la placant Nord - Nord - Oueft & Sud-Sud-Eft on recula le cap Mendocino du cent nonantieme ou deux centieme degré , ou les aneiennes cartes le piacent, au deux cent cmquantiemé , fans s'embarralTer de ce qu'on mettroit å la place de ces pays qu'on faifoit difparoitre. Je me trompe; on ne le négligea pas; le Géographe raifonnoit Au bout de ces pays fe trouve le détroit d'Anian , qu'on placa done auffi au deux cent cinquantieme degré. Enfuite, au - dela de ce détroit eft la terre de Jeftb. On créa done une nouvelle terre de Jeflb pour remplir ce vuide. Mais lorfque Ton apprit des Japonnois & des Hollandois, que cette terre de Jeftb finifloit vers le cent foixanttenie •ou cent foixante-cinquteme degré de longitude, on la détruifit de nouveau, mais en laiflant fubfifter le vuide. Enfin on crut la carte &fpagnole de ia derniere authenticité, jufqu'a - ce que ia relation du & Kino, dont la vérité ne pouvoit-étre revoquée en doute, en fit voir la faulTeté , & par contre Tauthenticité des aneiennes cartes kfpagnoles. De favoir pourquoi, malgré des preuves au deflus de toute exception, on conferve la méme pofition, les mémes longitudes & latitudes de cette carte Efpagnole, c'eft une énigme inexplica-kle pour mol Nous avons par des regles d'une faine critique fait voir ce qu'exige U!*e relation pour étre d'une authenticité parfaite. Or tous ces carac- téres réres fe trouvent réunis dans les aneiennes relations & les cartes des Efpagnols, fans que rien , abfolument rien , puifle les contrarier , ni découvertes , ni relations nouvelles. Voyons cependant les raifons que M. Buache peut avoir pour fuivre en ceci la mode , & pourquoi sl te fert de l'txpreflion , h Californie réduite å fes fifles bornes. II dit I*: que da-ns la carte Italienne de »s<56. les cdtes du Nord-Ouett de PAmérique font tracées avec mons de précifion que darre la Japonnoife. Comme je n'ai jamais vu cette carre I^benne , je nVn pu« juger par comparaifon : mais j'ai devant le« yeux la care JnponnoKe, dont M. Bua he a donné nne copie : Or je ti*f aper- te piédfin fort au hazard , que deux grands golfes, fans b-iyes, caps, rivieres, ni noub quelconques, & qui éluigne le plus l'Amérique de TAfie , précitémtnt å l'endroit, ou, felon ks découvertes Ruifiennes, elle en eft la plus proche. II ajoute 2*. qu'on a dans la fuite barlTé la prolongation de huit a dix degrés, & qu'ap'és cela diverles navigations ont f tit abandonner eerte prétendue pofition. Je vouJrois que M. Buache eut eu la compla fmce de nous donner les relation« de ces navigations; pour mor j'avoue de n'en avoir p>s vu une feule. S'il entend par - la celles dont il parle peu aprés : " Que Te<; Dr- lotes les plus entendus, qui vont (.ontmuellement du Mex.que „ aux Phi'ippines, ou de ces i-les au ALxique , le long de la <6te „ de Californie, ont trouvé qu'elle n'étoit que de cinq ou lix cent i, lieue> depuis le cap S. Lucas jufqu'au cap Mendocin ifaujourdhui*• S'il entend, dis-je, que ces pitotes ad<>ptent fon lyltéme , }e ne fei qu'en p nfer , il faodca juger que c'eft de fa put un défuit de niémoire. 11 fait mieux que moi que ceux qui traverfent la mer du -ud, depuis Acapulco ?ax Philippmes, n'avaneent pas plus lom qu'au cap S. Lucas, & qu'ils lé gardent bien de lottir d'entre les tropiques, pou? DE V A M E R i Q XJ E; pour ne pas perdrc l'avantage des vents alifés, qui les font avancer avec uue rapidité étonnante. De-la ils font route vers Oueft-Sud-Oueft jufqu'a la hauteur de onze å treize degrés » afin de gagner one des isles Mariannes, & enfuite å peu pres droit å 1'Oueft jak qu'aux Philippines. Par conféquent, ce ne font pas ces pilotes qui navigent le lung de la cote de Californie* comme il 1'afliire. 11 eft vrai que ceux qui font le trajet depuis les Philippines jufqu'au Mexique, en approchent bien plus; cependant on ne lit point qu'ils touchent aux cotes de la Californie, fi ce n'eft vers le cap de S. Lucas. Ils font obligés de patter le Tropique du Cancer , par la méme raifon des vents alifez, qui leur font fi contraire; & malgré cette précaution ils en efluyent toujours , & rifquent infiiiimenr. On fait alors cette route en fix mois, fl les vents ne font pas tout-a-fait contraires: mais Gemelli Carreri a cu une traverfée de deux cent & quatre jours, ou de prefque fept mois. Pour moins rifquer» Se vaiifeau eft monte jufques vers le trente -huitieme degré fans voir terre. Ils ont pourtant obfervé des fignes qui leur en ont prouvé la proximité. D'autres vaifleaux ne poulfent qu'au trente-deux, tout au plus au trente-quatrieme degré, & méme fcuutes les inftructions por-tent de ne monter que vers le trente - quatrieme degré au plus, ann d'cviter la terre. Si on marque fur toutes les nouvelles cartes le voyage de M. Frondat en 1709. dont je n'ai jamais vu la relation , & celui de l'Amiral Anfon , c'eft parce que depuis le comrneracement du (lécle il n'y a eu que ces deux étrangers qui ayent parcouru cette mer , & apparemment, parce que M. Frondat s'eft avancé plus au Mord qu'aucun autre. Suivant la carte de M. Delisle il a été jufqu'au quarante - cinquieme degré: mais fur la longitude de cent nonante-huit, & peut-étre å cent feptante - huit feion mon idée, ou , feion, les aneiennes cartes méme, il n'auroit pu voir le continent. Alors il a toujours avancé du coté du Sud, & depuis le deux cent trentieme degré il eft entré dans la route que tiennent les vaifleaux qui viennent depuis les Philippines , & ou eft tracée celle du galion en 1745. c'eft-å-dire entre le trentieme & le trente - cinquieme degré. Je ferois done tres curieux de voir les relations de ces pilotes , dont M. Buache parle, qui ont poufle jufqu'au cap Mendocino tfaujourctbui, qu'on place a environ qu a ante - deux degrés de latitude , & deux cents cinquante-un de longitude, aftn de (avoir de quei droit on Py a tranfporté * & fur queUe« raifonv on appuy? ce changement, cette prétendue rédufiion. de la Callfo/me a Jes juftes M. Buache a fort raifon de trouver une contradiftion manifefte en-tre la figure d'isle donnée å la Californie. ce Nord-Nord Oueft & Sud -Sud- Eft , ou du moins Nord-Oueft & Sud* Eft, & la longueur de dix-fept cent lieues Efpagnolcs, fur cinq cent de largeur. Je n'ai rien eornpns å ces dimeniions , ni å ces direclions. A la vé-rité j'ai vu la carte que M. De Fer a donnée en 1720. & dont Po-riginal doit avoir été envoyé peu d'années auparavant a Pilluftre Aca-démie Royale des Sciences de Paris par le Viceroi de la nouvelle Efpagne. Cette carte repréfenté aufli la Californie comme une isle p & entierement Nord - Oueft & Sud - Eft. Le Golfe de la mer ver-meille y forme un détroit, qui a plus d'étendue vers le Nord, depuis le Rio Colorado, y nommé Rio del Tifon, ou ce Golfe finit, que de-lå jufqu'au cap S. Lucas. Cependant pour la longitude de cette prétendue isle, cette carte approche plus des aneiennes que des nouvelles qui piacent le cap de Mendocin a deux cent cinquante P ou deux cent cinquante-un degrés, au lieu que celle-ci lui alfigne le deux cent trente-quatrieme. Pour la latitude ce cap fe trouve å quarante-un degrés & demi , & la cote la plus feptentrionale a environ quarante-fix, ou l'on a méme marqué Rio de PErbére, & dans la mer plufieurs isles, fans que nous ayons la moindre relation qu'aucun mortel ait reconnu ces cétes feptentrionales, ces isles & ce détroit. Lc grand Quivira eft placé au Nord de ce Rio del Tifon, ou Colorado, fur la rive orientale de ce prctendu détroit, & le grand Teguaio a l'Eft du Quivira. Les deux enfemble ne prennent que la largeur d'environ douze degrés de longitude, ce qui ne fait i cette latitude de trente-huit degrés, a prendre le milieu du pays que cent nonante lieues communes, le degré a cette hauteur réduit a quinze lieues & trois quarts. Comment concilier ce calcul avec la relation du Comte de Pignalofle , qui donne au méme pays mille lieues d'étendue ? Il étoit pouttant Viceroi du Mexique ; & on ne dok DE L A M E R I a UK. 59 doit pas douter qu'il n'ait fait plus de démarches poiif pfendre connoilTance de ce pays, puifqu'il a pu former un projet pour fa conquéte : On n'en forme gucres, pour peu qu'on ait le fens com* mun, qu'aprés avoir pris toutes les informations poffibles* Je fuis confirmé dans l'idée que j'ai de ce PenalolTa , par le nom qui eft donné dans quelques cartes å la ville de Santa Fé («i) vers le trente - feptieme degré a la partie la plus feptentrionale des pof-fefltons Efpagnoles dans le nouveau Mexique , & a i'Oueft du nem-veau Mexique proprement ainfi nommé, favoir Santa Fé de Pena« tofla. J'eu tire la conféquence que ce méme Penalofla en eft ie fon-dateur, ou le reftaurateur , & qui a mis cette ville dans un plus grand luftre. Or cette ville eft tres peu éloignée & å l'orient du pafs de Teguaio. Cette circonftance montre que Penalofla devoit en avoir une connoiflance plus exafte que tout autre, & que cette étendue de mille Heue's, fi conforme aux relations des premieres découvertes , ne l'eft pas moins a Texade vérité ; puifque depuis Santa Fé jufqu'a Quivira, felon ces aneiennes relations & eartes, il y a bien une étendue de pays de mille lieues. Teguaio ne fe trouve pas dans ces relations 9 mais bien Tichuica, & Tiguexa. Que Teguaio foit un de ces deux , efpagnolifé en Teguaio , ou bien le Royaume de Tolm, marqué å l'orient de Quivira , n'importe; le nom n'y fait den. Rio Colorado a pris la place du Totonteac, & Hochelaga n'eft plus connu dans le Canada. Le P. Charlevoix aflure pourtant que c'étoit une ville ou bourg dans l'isle nommée å préfent Montréal, Il ne faut done tirer aucune conféquence défavantageufe du changement des noms, contre les relations faites par ceux qui ont été envoyés aux découvertes. Puis done que ces découvertes ont été faites en divers tems, & par mer & par terre par le Viceroi du Mexique lui - méme, & par fes Officiers, & que Cabrillo entr'autres n'a pas employé moins de dix mois å parcourir toutes les cåtes & a les examiner; que lui en« fin, fes prédécefleurs & fes fuccefleurs ont impofé des noms å tous N * Jes i n ) Non eejle «yj eft conmje fous ce nom .chez tous ies Autcais , qui en eft .c'oignée au Sud - Eft. caps, aux bayes, aux ports, aux rivieres, å plufieurs montagnes; qu'on n'a pas manqué de donner par - ci par-la les latitudes du moins des piaces les plus remarquables; qu'on a dreffé lå dellus des cartes, & que les Efpagnols, & aprés eux toute l'Europe, ont regardé le tout d'une authenticité inconteftable & indubitable. 11 n'eft pas permis de traiter ces cartes, comme fi elles repréféntoient une Utopie. En effet, fi on veut douter de pareilles relations , qui ont non feulement un , ou plufieurs caractéres dauthenticité, mais tous; s'il eft permis de tout changer å fon gré, fans aucune preuve, & fans qu'il y ait aucune relation contraire; fi, dis-je, ceci eft permis, on reculera infailliblement dans les connoifiances géographiques, bien loin d'avancer, & on retombera dans les mémes erreurs , dans les mémes confufions ou l'on s'eft trouvé, lorfqu'on a adopté avec tant d'avidité cette carte Efpagnole, qui réduifoit la Californie en isle, & dont on fe reffent encore en gardant les longitudes indiquées, fans aucune raifon , dans cette carte. J'avoue que les longitudes des aneiennes cartes des Efpagnols aprés kurs découvertes réi'terées, ne peuvtnt pas étre regardées comme entierement prouvées & fures; peut-étre méme y a-t-il quelques latitudes & quelques pofitions, qui ne font pas parfaitement certaines & exa&es ; mais.aufit on doit m'accorder, que fi on rejette toutes celles qui ne font pas fondées fur des obfervations aftronomiques faites avec toutes les connoifiances & l'exaclitude qu'elles exigent, il fau-dra douter de prefque toutes les longitudes de l'Afie, de l'Afrique & de l'Amérique; puifque, pour les determiner, on s'eft contenté de mefures prifes par eftime, par les journaux des pilotes, par le nombre de lieues qu'ils ont faites, foit par des vents favorables , foit par des vents contraires; & on a tåché de concilier ces routiers lorfqu'on a trouvé entr'eux quelque difference notable. Mais ici toutes les relations font d'accord, 8c s'il y avoit quelque difference, il faudroit pefer les circonftances, examiner quel des voyageurs s'eft arrété le plus long-tems dans ces parages, qui a fait les recherches les plus exaftes, & fi d'autres l'ont contredit. Mais , je le répéte, tous les voyageurs font d'accord, ceux qui ont fait les voy tges par mer» comme ceux qui les ont fait par terre. Nous avons vu dans la relation DE L'AMERIdUE. i o i Vion éxs P. d'Acofta que les foldats de Vafquez Coronat ont compté dtux cent & vingt mille pas depuis Cicuica å Quivira, ce qui fu-pole tout au moins que Quivira eft fitué fort loin de Cicuica , & vers l'extiémité de la cote occidentale, un peu å l'Eft du cap Men-docino vémable, & non du faux d'aujourd'hui; par conféquent point au Noid Eft de la Californie. Nous avons fait voir la fource de l'erreur dans la pofition de la Ca'ifomie, lorfqu'on la place Nord-Oueft; & je me plains que tous les Géographes font fi cbftinés que de la conferver, lors méme qu'ils reconnoifient que le changement qu'on avoit fait de la Californie de prefqu'isle en isle, eft entierement contredit par les nouvelles découvertes. On a å la vérité redrefle une partie de l'erreur, en la réta-blilfant en prefqu'isle : mais on confervé avec foin toutes les autres, qui en font les fuites. Faifons encore quelques réflexions fur ce fujet. i°. On avoue que les Efpagnols ont reconnu ces cåtes en plulieurs voyages. On convient outre cela qu'eux feuls en ont donné des cartes qui montrent toutes les finuofités des cotes, qu'on voit tour-ner, tantet au Nord, tantet å I'Oueft, au Nord-Oueft, au Sud-Oueft , å I'Oueft; enfin tout eft exaftement marqué. On voit que Cabrillo, & enfuite Sebaftien Bifcaien, avec d'Aquilar, ont employé, le premier pour aller & revenir, malgré un vent de retour des plus forts & des plus favorables, pres de dix mois, & les autres environ huit mois, feulement pour aller d'Acapulco au quarante troifieme degré. Comment concilier cela avec les cartes nouvelles, qui ne donnent que cinq å fix cent lieues de longueur, fuivant M. Buache méme, a la Californie jufqu'au faux cap Mendocino ? Comment, fur - tout, concilier cela avec la navigation de Béering & de Tfchi-rikow, qui par des vents contraires, & par des orages inou'is, ont parcouru, å ce qu'on prétend, foixante-deux å foixante - fept degrés. Ainfi, a cette latitude comptant l'un dans l'autre å quarante - cinq degrés , plus de neuf cent lieues pour faire le voyage, & autant pour le retour. Je ne dirai rien du voyage fabuleux de TAmiral de Fonte, qui doit avoir fait dans des parages en partie inconnus s fix cent quatre-vingt lieues dans treize jours. Ne fera-t-on pas convaincu « % par- par-lå, que le cap Mendocin , Ie cap Blanc, la rivrere que trouva d'Aguiiar, font en effet auffi éloignés å l'Eft que toutes les aneiennes cartes les marquent ? & que M. Buache fuppofe lui-méme que la rivierc de Gramles Corrientes dans les aneiennes cartes exifte reel-lement å l'entrée du détroit entre l'Afie & l'Amérique. 2°. Je fais bien que M. Buache, en difant qu'il a rédtiit la Californie å fe: juftes bornes, veut parler de la Californie proprement ainfi nommée: mais il n'échappera pas par-lå. II garde toujours la pofition erronée de la Californie, Nord - Oueft & Sud - Eft ; & par conféquent les difficultés que je viens d'indiquer fubfiftent également. 11 confervé ce cap Mendocino d'aujourtfbui, fans dire qui l'a découvert , & qui lui a impofé ce nom, fans vouloir comprendre qu'il n'a eu ce nom que lorfqu'on a défiguré toute cette vafte partie de l'Amérique occidentale, & qu'on a changé la Californie en isle. Si-tot qu'on replace le cap Mendocino, non d'aujourd'hui, mais le veritable, å Tendroit ou tous les découvreurs Tont vu & trouvé, il faut néceffairement agir de méme avec le cap Blanc, le cap Fortune , & 3a prétendue entrée d'Aguilar ; d'autant plus qu'on voit que M lfc Profefteur Délisle, dont le fyftéme étoit le méme que celui de Mr. Buache, confervé les idées des nouveaux Géographes, lorfqu'il dit, que Tfchirikow eft parvenu å quatorze degrés å I'Oueft de la Ca-,, lifornie, & que c'eft un lieu ou l'on n'a pas fu que perfonne „ fut encore arrivé". Ne rejette-1-il pas par-lå toutes les relations aneiennes des Efpagnols, & leurs cartes les plus authentiques qu'on ait jamais eu ; puifque ceux - ci y font tous arrivés ? 3°. Nous avons vu ci-deflus, que la fource de Terreur fe trou-voit dans la carte Efpagnole, qui fit de la Californie une isle. Les Géographes qui faififtent tout ce qui eft nouveau, bien, ou mal fonde , adoptérent avidement cette idée: Mais ce premier pas en-traina aprés foi plufieurs autres changemens erronés de la plus grande importance. Le principal de ces changemens eft la fituation de Quivira & du TegUaio. Il étoit impoffible de conferver leur ancienne & veritable pofition , fi - t6t qu*on croyoit la Californie une isle. Les aneiennes cartes les placoient au Nord & å TOueft de la partie la plus feptentrionale de la Californie proprement ainfi nommée; celle- ci * DB L'AMERICLtfE ti, dans les cartes poftérieures, ifolée & entourrée de la mer, ne pouvoit plus p'imettre des p..ys å fon Nord eft a fon Oueft. Cet pays ex ftoient indub tab'ement; il falloit done les tranfporter as Nord & au Nord - Elt du nouveau Mexique. Ceci eft fi clair que perfonne ne pourra en former le moindre doute. Cependant Quivira étoit conftjmment placé dans les parties les plus occidentales de l'Amérique; & Teguaio, foit que ce foit le nom d'une ville , Ticui-ca, ou d'un pays, celui de Toim, ne l'étoit pas moins a i'Eft de Quivira, & au Nord - Oueft de la Californie. Auffi les Efpagnols en étoient fi conv<* ncus , que dans leur carte Efpagnole que De Fer nous a donnée en 1720. le Teguaio eft placé au Nord du Rio de los Apoftolos, Hila &c. å I'Oueft du nouveau Mexique proprement ainfi nommé, & Quivira å I'Oueft de Teguaio, ou l'on a ménagé Ja place pour cet emplacement. Si le Comte de Pignalofia a aflure que Quivira eft a l'Eft du nouveau Mexique, c?eft • ce que j'ignore : mais j'en doute abfolument Voyons, fuivant les cartes méme de Meflieurs Délisle & Buache, fi cela eft poffible. A l'Eft font les Padoucas, & les autres nations qui connoiflent moins Quivira que nous. Selon les cartes il n'y auroit que le Miflburi entre deux. Comment foutenir que des gens pour lefquels un voyage de deux å trois cent lieues n'eft qu'une promenade, ignoraffent un pays qui les confine ? Obfervons encore que le Comte de Pignalofia affuroit que ces deux pays avoient mille lieues d'étendue. Qu'on jette alors les yeux fur les nouvelles cartes, & on verra que malgré l'impoffibilité qu'il y a que Quivira foit dans le voifinage des Padoucas &c. malgré toute la place qu'on leur a mé-nagée, on trouvera a peine une étendue de cent lieues ; qu'on les jette par contre fur les aneiennes cartes, & on trouvera que les pays de Quivira & de Tolm s'accordent, pour Pétendue * parfaite-ment avec la relation du Comte de Pignalofla. Ces Meflieurs alléguent eux mémes la relation de D. Martin d'A» guilar. Que dit-elle? Que par Pentrée dela riviére qu'il a découverte , on peut aller å la grande ville de Quivira. Je foupeonne que cette riviére defcend du lac des Tahuglanks, & que cette ville eft celle au bord de leur lac* des fix villes qu'on yegardera comme une sft - ku*- feule, dont les Mofeemleks ont fait mention au B. de la Hordan: Quand méme je me tromperois dans mes conjedures, on voit pour-tant par - lå que cette entrée étant fort å I'Oueft, Quivira doit étre fitué du méme coté , & non å l'Eft du nouveau Mexique. Il y a d'autant moins fujet d'étre furpris de cette erreur & de ce changement, qu'on a confondu les noms. On voit dans l'extrait que j'ai donné d'Acofta, que déja alors, il y a pres de cent quatre-vingt ans, on a donné le nom de nouveau Mexique å tous les pays fitués au Nord, & au Nord-Oueft du nouveau Mexique ou nouvelle Efpagne; enfin å tout le refte du Continent feptentrional & occidental, que les Efpagnols tachoient par-lå de revendiquer, comme fi aduellement ils en auroient fait la conquéte. Enfuite on ne donna le plus fouvent le nom de nouveau Mexique qu'å la contrée peu large, la plus au Nord, ou fe trouve Santa Fé. Teguaio & Quivira font du nouveau Mexique , ou tres proches. Le nouveau Mexique, felon ces cartes , eft entre les deux cent foixante - fept & deux cent feptante - deuxieme degrés de longitude, entre trente-quatre & trente-neuf degrés de latitude. On ne pouvoit done man-quer de les placer dans ce voifinage ; & toutes les pofitions avérées par les Efpagnols cedoient å des conjedures qui n'étoient fondées fur aucune relation. On dit d'aprés "Wytfliet, que Quivira eft fituée fur une mer mais hors de la route des navigateurs, par conféquent fur la prétendue mer de I'Oueft: Je n'en vois pas la conféquence. Si Quivira étoit fituée å cété du cap Mendocino & å la méme latitude , fuivant les aneiennes cartes å quarante-deux degrés, elle feroit effedt-vement hors de la route de tous les navigateurs , comme nous l'a-vons fait voir ci - devant. Je conjedure qu'il y a eu un Qpivira å cet endroit, qui n'exifte plus: Nous en verrons la raifon ci-aprés » & qu'alors on a entendu parler du lac des Tahuglanks & de leurs villes. On I'aura d'autant plus fuppofé Quivira, qu'on avoit tout ren-verfé & tranfpofé tous les pays, villes, caps, rivieres &c. Je croi* rai d'autant plus qu'une ville autrefois nommée Quivira par quelques uns» étoit fituée fur un lac, & non fur l'Océan , ou fur une baye , que, fuivant Gomara, on y a vu des vaifleaux a proues argentées Sc vergues dorécs ; defquels on n'a jamais appercu dans les mers de cette partie du monde , & qui ne peuvent fe trouver que chez une nation civilifée, telie que l'eft -celle des Tahuglauks. On n'ofera fuppofer que ces vaifleaux ont été vus fur la mer de I'Oueft. Fuca, ou celui qui a inventé cette mer fous fon nom t n'en parle point, ni méme d'autres vaifleaux, ni des habitans, quoi-qu'il ait, dit-on, navigé pendant vingt jours, & encore au-deia, jufqu'a la mer du Nord , & qu'il foit revenu par la méme route. 40. Une autre fuite que la méme erreur du changement de la Californie en isle, å caufée, eft; que pendant long-tems on a entierement changé le cours des rivieres. D'Acofta, qui donne le Golfe & non le détroit, y fait decharger le Totooteac venant du Nord-Eft, qui bientåt aprés fut nommé Del Norte , enfuite d'Alarqon r de Coral, Colorado, de los Martyres &c. environ deux degrés plus au Nord de fon embouchure il marqué fa jonclion avec l'Axa , ve-mnt du Nord, & une branche qui s'y joint plus haut , du Nord-Oueft. 11 en indique encore une qui fe decharge dans le golfe au Sud-Eft du Totonteac, qu'il nomme Rio Hermofo, que la carte de Florence nommc R. Tigna, & dans les fuivantes, c'eft R. Azul, R. de Hila , R. de los Apoftolos, R. de buona Speranza, R, Sonara, R. Salado, dont d'autres font trois, quatre ou cinq rivieres dirféren-fces« A la transformation de la Californie en isle, il falloit aufli dépla-cer ces rivieres. La carte de Florence marque quatre rivieres, rnais qui fe jettent féparément dans le golfe, celle de Quivira venant du Nord - Oueft , del Ticon , du Nord-Nord-Oueft , d'Alarcon du Hord, & Tigna du Nord - Eft. Remarquons ici que l'Auteur de cette carte d'une authenticité refpectable, n'a pourtant pas eu de ft bons mémoires que d'Acofta dont Ja carte eft plus conforme å celle du P. Kino, qui a la riviére de Colorado & celle de los Apoftolos, quoique fans noms, qui fe joignent, a un degré au Nord du golfe. Si Kino n'a pas celle d'Axa , je n'en fuis pas furpris. 11 a marqué fur fa catte tous les noms polfibles des lieux , au Sud de cette derniere riviére: mais å fon Nord , & a celui de la jonåion avec ie Rio Colorado, il n'en marque pas un feul ; preuve qu'il n'a pas été plus Ipin au Nord, ni a 1'Oucft. 11 ne pouvoit done conaoitre cette ri- O viere viere d'Axa, moins encore la riviére qui s'y j-tte plus au Nord. La' carte de F'orence s'aceorde pir contre mieux avec d'Ajoifa , en ce que dans celle-lå la riviére Tigna, & dans celle-ci Kio Hermcfo 9 fc jettent féparément dans le golfe & viennent du Nord - Bit. 2* Qu'on remarque bien que la carte de Florence nomme R, de Quivira celle du Nord - Oueft ; c'elt comme on nomme dans les gnnjes villes, fouvent, por^e de telle villr, quoiqu'éloignée de cinquante , de cent lieues, parce qu'en venant de pareille ville, on; entre par cette porte. Åmli la rivere de Quivira venoit de la region vers laquelle étoit fituée Quivira ; pat conféquent celle - ci n'é-tok pas å TEft. 3°. On peut done concilier ces cartes. La riviére del Ticon eft celle d'Axa, & cellede Quivira celle qui s'y jette chez d'Acofta; celle d'A.'arcon la méme que le Totonteac, ou del norte , ou Colorado. Celle de Tigna chez Tun , & K. Hermofo chez l'autre , eft apparem-ment celle de fos Apoftolos, 11 fufifit que les cartes les plus aneiennes s'accordent en gros avec la plus nouvelle, qui eft celle du P, Kino, pour rétabhr Pauthenticité des aneiennes relations, & des cartes des Efpagnols. 4°„ Par contre dans les cartes ou la Californie eft repréfentéc en' isle, on étoit obligé de les faire venir toutes du Nord - Eft , puif-qn'on ne pouvoit les faire fortir de la mer. Ne fera-t-on done' pas force de convenir qu'il faut i'en tenir aux aneiennes cartes , jufqu'a-ce qu'on ait des relations nouvelles; mais auffi authemiques, qui les contred'iftnt ? Je devrois done adopter en plein & concilier enfemble les andennet ca'tes & les relations originale^ & nuthentiques des Efpagnols, qui ont toutes les marques d'authtnfeité quon peut défirer. Cependant je /ne trouve emharaiTé par le voyage de Bé-ting & de TfchirikoW, non pour leurs longitudes , åukquelles je ne fais pas la moindre attention. Ce n'eft pas feulement par le déhiut d'obfervat ions ( a \ Je me fuis exptiqué lå - dellus; mais å caule que leur eftime méme eft fi peu ( a ) M Muller dit cxprefTetnent , mique , que tooc- fc rVdoit fur celui du quu ny a tioint eu de calcul Altrono. vaiifeau, foit fcftime des pilenes. D E L\ A M E R I Q U E. 107 peu que rien , puifqu'ils ont été agités, battus, cliatTes & reclufFés de tous cotés par les orages les plus violens; qu'ils ont eUfuyé des brouiliards frequens & des plus forts. LOfTieier Kullien en parle , & M. Muller avec encore plus de détail en divers endroits de fa relation. Que faut-il done penfer des longitudes? L'Oificier ne veut pas méme admettre les latitudes. " Un intelligent eltimateur des operations „ de mer , dit-il, preferera fans héfiter les connoifiances qui vien- nent de cet habile- & mfatigablc marinier ( M; Spangenberg &.c. ) a celles des vaifleaux , dont les obfervations n'ont été que fortuires". Malgré ce doute de rOfficier, qui, ayant été du voyage, a pu parler par connoiflance de caufe, je ne puis entierement rejetter les latitudes qu'il donne, lorfqu'il aflure, que le 4. Novembre ils fe font trouvés fous le cinquante - fixieme degré quant å Pisle de Béering. Mais pour toutes les autres latitudes lur les cétes de l'Amérique , il n'en donne aucune. On devroit done conje&urer de ce filence, qu'il ne pouvoit les determiner ,avec cectitude. M. Muller donne celles de Tfehirikow; la premiere aprés leur départ d'Avatcha å quarante-fix .degrés; une autre avant la féparation des vaifleaux, å cinquante degrés. 11 parle encore des; courfes , lorfque Béering croifa pour re-joindre Tfehirikow entre les quarante - cinq & cinquante -urnerne degrés; enfuite au 1?. Juillet de cinquante-fix degrés, des isles en cinquante - cinq degrés vingt-fix minutes f une autre place å cinquante & un degrés vingt-fept minutes. 11 dit encore que fur un point a la montagne de St. Jean on differoit , les uns la placant k cinquante-deux degrés trente minutes, les autres å cinquante-un degrés douze minutes. Il parle aufli de diverfes longitudes, le tout, fåns doute d'aprés le rapport de M. Délisle de la Cfoiere. M-us fi ces latitudes font fi incertaines, comment pourroit-on å dix degrés pres , ou plus, compter fur les longitudes ? Si done ce voyages efl; l'unique qu'on ait fait en cotoyant depuis TAfle en Amérique. Si on rfote donner pour aflurées les latitudes;' fi par contre les aneiennes relations des hfpagnols ont des degrés de certitu^e infiniment fupé-rieurs en leur faveur , je le répéte , on devroit s'y tenir; n'ofant pourtant pas foutenir que Meflieurs Délisle' & Tfehirikow s fe foient trompes, de quinze, de dix-huit degrés méme pour la latitude, O % ou ou qu'ils en ayent voulu impofer dans leur relation; il ne reftc quTr> ne feule conjecture pour concilier ces aneiennes relations avec lea nouveliei. Déja on devroit étre convaincu par celle des Rumens , que les aneiennes carte* Efpagnoles, ou l'on voit les cétes de l'Amérique fi proches de l'Afie, font d'une vérité abfolue & inconteftable, Que le cap Mendocin doit done étre rétabli å l'extrémité occidentale de ces c6tes, & ne pat étre garde dans la ficuation ou on l'a-voit placé Ians aucune raifon 3 pour enfuite , par une adjonåioii monftrucufe, rétabur les terres occidentales des aneiennes cartes , tu Jes platjant d'une maniere manifefternene oppofée å ces cartes, å l'Occident de ce cap, ou il n'en a jamais exilté. Mais en tout tems ie détroit d'Anian, qui alloit vers le nord» y ctoit marqué. Voici doac cette conjecture. §. VIL Foyage de Moncacht - ApL M. le Page du Praz, dans fon hiftoire de la Lou'ifiane, rapport« la relation du voyage de Moncacht- Apé, dit qu'un homme Yafou de nation qu'il a vifité , lui avoit aflure, *' qu'étant jeune , il avoit 9, connu un homme tres vieux, qui avoit vu cette terre, avant que o, la grande eau Peut mangée, qui alloit bien loin, & que dans le „ tems que la grande eau étoit bafle, il paroit dans l'eau des ro-9, eners å la place ou étoit cette terre Si qoelqu'un révoquoit en doute cette relation , je ne faurois la certifier; cependant deux reflexions me la font regarder comme n'é-taut point de »'invention de M le Page. i*. M. Dumont, qui a donné une autrt relation de la Loulfia-nc, dans laqutlle lui, ou du moms fon éditeur, eft fouvent d'un avis contraire å celui de M. le Page , bien loin de contredire ce voyage de Moncacht-Apé , en a donné un exrrait dans fon ou vrage. Or M. Dumont a , dit - on , drmeuré vingt - deux ans dans ce pays; il n'autv.ic done pa* manqué de reprendre M. le Page, fi celui-ci n'avoit conté qu'une fable ( a J. 2e. J'ob- ( * > Nous ne ptrlom ici de ee voyage qu'auUnt qu'il a rapport å eettc queltion ; aous y revicndtons eafuitc. a*. J'obferve en fecond lieu que fi elle a été fabriquée par un Européen , il feut avouer qu'il s'eft furpafle foi-méme. On ne fauroit imiter mieux la fimplicité du recit d'un homme rouge, une narration auffi conforme å leur géme , & des circonftances mieux adaptées h la narration; circonftances peu convcnables pour un recit d'Européen, & qui le font parfaitement å un de ces hommes fenfés , que nous nommons Sauvages. Enfin, tout femble convaincre un le&eur non prévenu que c'eft Moncacht- Apé lui-méme qui en eft l'Auteur, & que M. le Page n'a pas therché å en impofer au public. 3*. M. le Page aflure, que ce Sauvage étoit connu chez ces nations fous le nom de Moncacht - Apé, qui fignifie, un bomme qui tue la peine , ou la fatigue, parce qu'il étoit infatigable pour les Voyages, ceux méme de plufieurs annéos. Les Francois avoient un pofte chez les Natchez , & cet homme n'en demeuroit qu'å quarante lieues. Si done ce recit étoit controuvé , il eft impoflible que perfonne n'en eut découvert la fautteté. Ce n'eft pas que je l'adopte en plein, faute de favoir les longitudes & les latitudes ; aufli c'eft uni-quement par conjeåurc que j'ai déterminé fa route fur ma carte. Je reviens done å ces terres mangées par la mer. Le Sauvage dit que dans fa jeunefle il avoit connu un vieillard qui avoit encore vu ces terres : Or les habitans des parties les plus orientales n'ont aucune connoilTance , pas méme par tradition, que ces deux parties du monde ayent jamais fait un méme Continent. Lorfqu'en 1648. on doubla le cap Schalaginskoi, ce n'étoit que par la certitude qu'on avoit qu'il s'y trouvoit de tout tems une mer å Porient de l'Afie. Aufli la carte Japonnoife , fort antérieure aux tems de ce vieillard , xepréfente un détroit plus large méme qu'il ne fe trouve réellement. J'en concluds done qu'il vouloit dire que la mer avoit mange des terres du coté du Sud. Je fuis enccre confirmé dans cette penfée par la confidération que pendant environ cent foixante ans perfonne n'a plus reconnu ces cotes, qui l'avoient été dam les premiers tems par let» Efpagnols ; & que, pendant un fi long intervalle , la mer a pu en effet mangel bien des terres , & s'avancer en un endroit, OU Béering a abordé, å fuppofer que la latitude donnée foit jufte, jufqu'au cinquante-huitieme O 3 degré. degré. Cette circonftance feule pourroit donner Ia folution de Ia queftion , pourquoi on a , pendant plus de cent ans , repréfenté ia cote occidentale de la Californie, Nord-Oueft & Sud-Eft, en op-pofition a toutes les aneiennes cartes & relations. Peut - étre que quelque vaifleau dont on n'a pas la relation, eft parvenu aux envi-rons du deux cent quarantieme degré , plus ou moins , jufqu'au cin-quantieme de latitude, & au delå, & qu'ayant trouvé fes obfervations peu conformes aux aneiennes relations & cartes , il les aura cru fautives, &, laiflant fubiifter les noms, il aura donné un autie pofition å la Californie, dont il aura fait une isle ( a ). Remarquons encore, que les foldats de Vafquez Coronat , ayant trouvé entre Ticuica & Quivira une vafte plaine de fable, fans pier-res, fans arbres, fans plantes, fans aucune elevation, la mer a pu facilenient manger cette terre j & en ce cas il ne feroit pas d Biede de comprendre pourquoi on a fi bien oubhé Quivira ; qu'on l'a tranfporté depuis le bout occidental de ces terres au Nord - Eft du nouveau Mexique, parce que des lors toute communication a cefie. Peut-étre que la bourgade de Quivira, fur les bords de la mer, & d'une riviére , a été détruite, & que les habitans fe font retirés plus au Nord & a l'Eft; ce qui a pu en partie caufer cette confufion dans 1'emplacement qu'on donne å ces peupies. Pour réduire en deux lignes mon fyftéme fur cet article, je dis que (i par des navigations ultérteures on trouvoit que Meflieurs Tfehirikow & Délisle ont accufé jufte fur la latitude de pres de cinquante« huit degrés ou Béering doit avoir abordé, quoique la relation ndi dife rien ; ou du moins des cinquante-fix degrés ou M. Tfehirikow s'eft trouvé, alors j'adopterois, fin la relation de Moncacht-Apé, ce dernier fyftéme : mais fi on découvroit que les cotes mé-tidionales n'alloient au plus qu'å quarante - deux degrés de latitude, & qu'enfuite elles baiflent de plus en plus jufqu'a la prefqu'isle de la Californie, je me tiendtois conftamment aux dernieres cartes & relations des Efpagnols. Pour [* > Mr. le Chevatier de G. favant ont afluré» qu'elles font r-refq«e 5ria0or" «Utieux ,^ qui 8'eit informe de p'uficur« d»bles ; qu'il y avoit quantité dc bas parttcularitcs å Pétersbourg , m'a raoporté , fonds , un pays noyé , ce qni fottific W* gue tous ceux qui ont etc vers ccs cfites conjecture & mente attenuon, D E' V A M'ft R I Cl V E. Ul Pour donner une idée de la Iargeur de la partie feptentrionale de TAmérique, ca'cnlonsUn peu la rou^e q¥e Moncacht- Apé a faite (a). ■ Le point de fon départ doit é e pris au Nord du confluent dur MiQouri avec le Miflifipi. M. le r*age , dans la carte, qu'on doit { a ) Je fuis toujours furons , lorfque je vois quo toes les plus grands Oecgu.vhes de nos j>>uts , les plus favans , les ;dus célébres, en réduifint les lieues cn degrés , y en mettent conftammtmt vmgt lienes, fans avoir aucun égird k la lati tude , & å la differens confirjerablé qu'elle apporte dans la mefure de få longitude; c'eft pourquoi je vais donner ur» cxrrait du Canonion Apyiuni , revu par le tele Degré - - - Lieues - - . Minut - - . - . 16 2; 36 ----- 16.....li. 37.....16 ----- . 38 ----- »5.....4S- 19 - - - - 40 - - . - 4* ... . 41 - . - - 4? - . . . 44 - • - ' - 45 - - - - 46 - - - - 47 - - - - 48 - - - - 49 . f 50 - - * - 51 ... . 52 - . - -5? - - - -H - - - - 55 - - - - 56 . - . - $7 - - - -|8 . , . . s9 - - - - «0 - • - - - 61 ... - «2 ... - bre & Savant "Weiget, réduit felon les lieues de France d'une heure de chemin, auquel ie me couformerai dans mcs caU cujs Je ne commencc ici que par le j?. degré Le- degrés de longitude reduits , å pro-porti n de Papproximation du Fole, en [lenes d'une heure de chemin , å cora-mencer au $5. de§ré de latitude. 15 - - 15 - . IS - - 14 - 4 14 - - 14 . - 14 - - i) - - 1} . - i? - - i) - - 12 11 11 I 1 IO IO 10 9 9 6 s 4. %6. 24. 8. S? 40. a o. 7-48 9 Degré 6* " 64 -6, - 66 - 67 - 68 - 69 " 70 - 71 -7* -7? * 7+ -7? -7« - 77 - 78 - 79 - 80 . 4 S« jo 10 5 4. J6. 17- 42. 2}. s* -8? . 84 . 8-; - 86 - 87 - 88 - 89 -s,o - Lieues 9 -8 -8 -8 - Suppofé qu'il y eut de Terreur dans cette rédu&ionelle quelques minutes. • 30, - 14» - S - *o. - 12. - SC* • jo., - 10* - SO- ■ ?<>• . 10, - 48. - 28. - 8. - 47-. 27, . 6. • 44-. 24. - 4. ■ 4*. ■ 42. O. ne fauroit étre que de Minut, - 4« * 4?. - tå. - 8-. 49. preferer a toutes les autres å l'égard de ces contrées , place ce point å deux cent huitante-quatre degrés, quinze minutes de longitude, & quarante de latitude. 11 ne faut pas oublier de prévenir le leåeur, qu'il défapprouve en divers endroiis de fon ouvrage la maniere dont les autres cartes repréfentent le cours de cette riviére. En effet, on la fait venir du Nord ■ Oueft , & quelques-unes lui donnent des fi-nuofités infinies. Pour lui, ce n'eft qu'au deux cent huitante-deu-xieme degré qu'il la fait defcendre du Nord-Elt au Sud : tout le refte de fon cours eft droit de I'Oueft å l'Eft , de méme que celui de la riviére de Canfez, qui s'y jette. Qui pouvoit le mieux favoir que lui , qui a parcouru le pays dans le tems que les Francois avoient fur le MiflTouri le Fort Orleans ; qui s'en eft informe des naturels du pays , dont la relation étoit conforme å une carte Efpagnole, dref-fée avec foin, pour fervir de guide å un corps qui y avoit été envoyé , & lorfque les Efpagnols en dcvoient étre mieux inftruits que touc autres ? Le cours du MiflTouri y eft done rmrqué généralement entre le quarante un & quarante-deuxieme degré de latitude (a). 11 paffa chez les Canfez, qui font entre le quarante & le quarante- unieme degré, qui lut confeillérent dc marcher une lune, & alors droit au Mord; & qu'aprés quelques jours de marche il trouveroit une autr« riviére, qui court du levant au couchant. 11 marcha done pendant une lune, toujours en rencontrant le MiiTouri; il vit des montagnei & craignit dc les paffer de peur de fe blelfer les pieds (b ). Enfia il rencontn des chdflcurs qui le firent remonter le M (fouri encore pendant neuf petites journées, & marcher enfuite cinq jours droit au Nord, au bout defquels il trouva une riviére d'une eau belle & clai-re , que les Naturels nommoient la belle riviére. Arrétons-nous id pour commcnccr nétrc calcul. Deux grands villages des Canfez font marqués fur la carte de M. le Page, J'un å deux cent huitante, & t-autre å deux cent huitante - deux degrés. Accordons ie point du départ { a > Le Pajte du Praz, relatiens de plus lom qupau mili?u du cours du Mif- 12M\r'ine Tom; 111 p *9 * fuiv louri avant de Pairer a ia bcdc livi"c* V » ) Il pwoit par. lå qu'il a araticé DE L' AMERIQ.UK. iij départ depuis le dernier. Moncacht-Ape' marcha pendant une lune, foit trenre jours. L'Auteur en fait un calcul tres moderé , difint que fidtre Anachaifis Arnéricain l'a voit affuré, qu'il marchoit plus vite qu'un homiue rouge ne marche ordinairement. D'ou il conclud que celui-ci ne faifant qu'environ fix lieues par jour, lorfqu'il eft chargé de deux cent livres au moins, Moncacht- Apé, qui n'en portoit pas plus de cent, quelquefois pas plus de foixante, devoit fouvent faire jufqu'a neuf ou dix lieues. 11 a raifon ; car le P. Charlevc.x alfure que les Aiouez a quarante trois degrés trente minutes, font vingt-cinq å trente lieues par jour (tf), lorfqu'ils n'ont pas leur famille avec eux: cependant il fe rabbat å fept lieues par jour. Nd-tre voyageur faifant route pendant trente jours å fept lieues par jour, qui font done deux cent & dix lieues, depuis les Canfez , qui fe trouvent, dis-je, au deux cent huitante-deuxieme degré, ces deur cent & dix lieues, a quatorze lieues & demie par degré, font qua-torze degrés & demi jufqu'au lieu qu'il rencontra les chilfeurs, qui fe trouvérent done * deux cent foixante - fept degrés & demi. On Voit bien que c'eft compter trop peu. Les Sauvages difent unanimé-tnent que le cours du MiflTouri eft de huit cent lieues, & qu'au milieu , ainft å quatre cent lieues on voyage vers le Nord pour trouver la riviére de I'Oueft. lei il n'a avancé vers i'Oueft que neuf petites journées avant que de tourner au Nord : ne comprons que troil degrés & demi , & cela nous condtiira feulement au deux cent foixante-quatrieme degré , & ne fera, depuis la jonclion du Miffouri au M flifipi que vingt degrés quinze minutes ; & å quatorze lieues & demi , qu'environ deux cent uonante-trois liettés, au lieu de quatre cent. Ainfi on voit qu'on accordé beaucoup (b ). De ( a > Ceci ne paroit r» pa« exagerc , lorfqu'on voudra confjderer , que les foldats Rotnains , charges du poids d.' foixante livres faifoient lix å fept lieues de chemin en cinq heures de tems ; eux qui frecoiettt pas accoutumés , comme les Ssanvages , des Jeur jenneffe , des leur enfance nierne , å vivre uniqucment de la chifo, & de faire det centaines de lieues , pour favoir abondante. (b ) J'avoué pourcant qu'on ne doit pas toujours infilter également fur les mé« fures i'ineraires des Sauvages ; je veux croire que depuis rembuuchure du Miffouri jufqu'a l'endroit ou l'on pafle ver«? ia belle riviére, il peut y avoir, y com- pi'i* De la nation de Loutres, fans compter le peu de chemin quril fit fur la belle riviére pour arriver chez eux , il la defcendit pendant dix-huit jours avec les Loutres chez une autre nation. 11 dit que cette riviére eft tres groffe & rapide. On pourroit done donner vingt lieues par jour , pour le moins: contentons - nous de quinze ; cela fera deux cent feptante lieues , ou environ vingt degrés ; nous nous trouverons alors au deux cent cinquantieme degré. 11 vint en aiTez peu de tems chez une petite nation , & enfuite acheva de defcendre la riviére, fans s'arréter plus d'un jour chez chaque nation: mais il ne dit point combien de tems il y a employé. La derniere des nations ou il s'arréta, fe trouve feulement å une journée de la grande eau, ou d'une mer. On peut bien mettre vingt degrés pour ce dernier voyage & plus; on le trouvera au deux cent trentieme degré 11 fe joignit alors å des hommes qui habitoient plus avant fur cette c6te vers le couchant, & ils fuivirent a peu prås la cote entre le couchant & le Nord. Etant arrivé chez la nation de fes cama-rades, il y trouva les jours beaucoup plus longs que chez lui, & les nuits tres courtes. Les vieillards le dilfuadérent de paffer plu3 outre; difant que la cote s'étendoit encore beaucoup entre le froid & le couchant ; qu'elle tournoit enfuite tout court au couchant &c. Si on ajoute done encore ce voyage, & les cåtes qui s'étendent encore beaucoup, on verra que cela approchera les deux cent degrés de longitude, ou méme les cent nonante, ou je place le commen-cement de l'Amérique, d'aprés les aneiennes cartes Efpagnoles. M. le Page du Pr?z fait un autre calcul, qui pouffe cette diftance plus loin que moi: & on ne fauroit pourtant fe piaindre qu'il cxagére dant ion calcul. 11 part d'aprés le principe que voici. Moncacht- ilpé a été abfent cinq pris les contonrs, quatre cent lieues: fourcc, que les Sioux n'ont peut-étre i»ais qu'il y en a moins de-lå jufqu'a fa jamais reconnue par eux - mémes. A ulli fource que les Sauvages doivent moins pour accorder plus qu'on ne peut deman-connoitre. |'en dis de méme du iYliffilipi, der, je fixe le paffage de Moncacht-* qu'il peut y avoir depuis la mer huit Apé feulement au deux cent feptanticm« cent lieues ^(qu'^u faut Saint Antoine : degré. man beaucoup moins de. lå jufqu'a fa DE L' AMÉRIQUE. cinq ans. Il dit que pendant ce tems il a marché, en reduifant le tout en journées de terre , trente-fix lunes, dont il fiiloit , dit l'Auteur, rabbattre Ia moitié pour fon retour. A fept lieués par jour feulement , cela feroit trois mille fept cent huitante lieues : il en rabbat encore la moitié pour les détours; ce fera, ce me femble , bien af. fez; reftent mille huit cent nonante lieues. Q^iand méme on compte-roit les vingt lieues par degré, elles en feront nonante-quatre & demi ; & alors il aura été au cent nonante - quatrieme degré. De quelle maniere que Pon compte, on verra que le Continent ne peut 9'étendre moins que je ne le marque. Nous voyons par ce recit nai'f de Moncacht. Apé, & par d'autres relations que Meflieurs Delisle 8c Buache citent eux - mémes , & dont nous allons parler bientåt, que tout en détrutt abfolument la fable fi mal imaginée des découvertes de FAmiral de Fonte, & h raet de f Oueft de Fuca. Ceft-ce que nous allons faire fentir. $. V 11 L Sur les prétendues découvertes de VAmiral de Fonte de Fuca. Pefons attentivement toutes les circonftances de ces deux relations. Les perfonnes qui s'intereflent pour les progrés de la Géographic doivent b'ettimer heureux de vivre dans un fiécle ou tant d'excellens Géographes s'empreflfent å Penvi Pun de Pautre de ne regretter ni foins , nipeines, ni dépenfes pour fe procurer de nouvelles connoifiances par des mémoires, par des relations & par des cartes dreffées avec foin. Tels fonten France Meflieurs Delisle, Danville , Robert de Vaugondi, & principalement M. Philippe Buache, qui employe toutes fes veilles pour nous enrichir de fes connoiflances : tels en Angleterre Meflieurs Green 8c Jefferi : å Pétersbourg , PAcadémie en general, Meflieurs les Profeifeurs Muller & Krafchenmmkof en particulier. Il feroit feulement å fouhaiter que plufieurs de cet favan* vouluC fent agtr avec plus de réflexion, bien pefer tous les mémoires , toutes les relations, & mefurer les degrés de leur authenticitc, aftn de • P 2 lei les adopter, ou deles rejetter. 11 faut avouer que M. Buache fc montre pour I'ordinaire tres judicieux , mais il m'a paru, auffi bien qu'a un grand nombre d'autres , qu'il s'étoit laiffé encrainer par la noo-veauté , par Tenvie qu'il avoit de fortifier fes conjeclures, & de rempSir la place immenfe de la partie inconnue de l*Amértque feptentrionale , en admettant trop légérernent la prétendue relation, d« Mmiral de Fonte, & cellede Fuca. *Je vais examiner Tun & l'autre e & propofer mes raifons de donte , telles, que M. Formey a bien voulu les i fércr dans la nouvelle Bibiiothéque Germaniqué Tome XVI, & XVlf. avec plufkuri changemens & additions occafionnéet par diverfes relations 8c cartes dont je n'ai eu connoilfance que depuis ce tems. Je commence par les découvertes fuppofées de l'Amiral de Fonte. Si on trouToit dans Ifes Archives de la Cour de Madrid, dan« celles du Perou, dam quelque hiftorien å peu pres contemporain „ ou méme poltérieur, je ne dis pas cette relation , mais feulement que la Cour eut envoyé l'Amiral en 1640. a pareille découverte, il ne feroit pas fur pr ena nt que cette relation, malgré fes abfurdités „ fes impofiibilités phyfiques méme , fes contradidions , eut trouvé des partifans: mais qu'un tel papier volant ait trouvé créance auprés des favans & des gens d'efprit, c'eft ce qua eft anconcevable. Examinons tout ceci Nom de tAmiral des autres perfomiages de ce Conte. T, Quel« noms nous préfente«t-on ? Un de Fonte, qui n'eft paj Efpagnol, mais Portugais. M. Buache en veUt donner la folmion, en difant, que le Portugal fe trouvant alors fous la dcmination de l'Efpagne, & les Portugais étant meilleurs mariniers que les Efpagnols, il étoit fort poffible, ou que ce de Fonte eut été Portugais a ou le nom changé par ceux - ci, de Fuente en Fonte. Ceci paroi-troit aiTe2 répondre å l'obje&ion, s'il ne reftoit d'autres doutes å ce fujet, 1#- Ce de Fonte doit avoir été envoyé par le Viceroi du Perou, & par ordre de la Cour de Madrid. Quand méme on fuppoferoit qu'il DE L* AMER I d U E, 117 qu'i! cut été Portugais, il auroit du compofer fa relation en Efpagnol: On ne 1'tuTure pas, au contraire, il femble qu'on voudroit faire croire qu'elle a été écrite en Portugais , puifqu'elie doit avoir été envoyée de Lisbonne å M. Petiver. 2*. L'Amiral ne peut étre fuppofé Portugal?. On fait aiTez psr l'hiftoire, combisn la Cour de Madrid a tenu éioignés les Portugais des gi ands emplois, méme en Portugal, bien plus dans les pays de l'ancienne Monarchie Efpagnole. On fait encore que Ia mai tb a de Velafco eft fort confiderée en Efpagne: comment auroit-on fou-mis un Velafco å un Portugais ? Patience, fi connoiffant Ih bileté des Portugais en fait de marine , on avoit pris un pilote de cette nation : mais un Poftugais Amhal du Perou , de la nouvelle Efpagne méme, ce fait eft auffi peu croyable , que s'il l'eut été dc l'Empereur de Maroc. 3*. M. Buache a lui-méme changé d'avis la - defTus; il dit que les Anglois ont aujourd'hui des preuves de l'ex ftencc de l'Amiral Efpagnol , qui ont été communiquées par M. Delisle a J'Academie. Lorfque ces preuves feront communiquées au public, on fera mieux å méme den juger : mais en attendant , il femble qu'on le rcgarde comme Efpagnol , & du nom de Fuente ; par conféquent, fa relation devoit étre dans cette langue. Celle qu'on a eue étoit done une tradudion Portugnfe, difons plutot de fabrique Angloife de quelque défoeuvré, qui vouloit fe divertir aux dépens des cmieux en fe-Veur defquels elle fut publiée en 1708. On nous parle auffi d'un Mr. Parmentiers, nom évidemment Francois, Dcu vient que depuis tant d'années on n'en a rien pu décou> vrir dans toute la France? Ii eft encore fait mention de deux PP. Jéfures, qui méme doivent avoir été pendant deux ans en million dans la ville de ConaflTef. Eft* il rien qui dut mieux convaincre tout le monde de )a flåion que Cette circonfbnce ? Les K. PP. Jéfuites ne nous ont-ils pas fait part de toutes leurs découvertes dans toutes les contrées de l'Amérique , des pays a I'Oueft du Canada, de la Californie, de fa jonction avec la terre ferme &c. Ntit-ce pas a eux qu'on doit tout ce que l'on fait dc plufieurs terres auparavant inconnue* ? Et ici pendant foixame- P 3 huit huit ans, & méme jufqu'a préfent on n'en découvre rien , qui puifle faire foupconner feulement qu'il ait eu une million dans ces pays. Bien plus, ces Million nai res devoient étre inftruits de la langue du pays: 11 ne le paroit pas. C'eft M. Parmentiers qui étoit l'inter-préte general pour tous ces pays. Suppofé qu'il eut demeuré long-tems ^ers les parties les plus occidentales du Canada ; qu'il y cut appris les langues Hurone , lroquoife t Algonquine &c. Tout ccli ne lui auroit fervi de rien parmi cette multitude de nations divctfes. qui habitent ces pjys immenfes. Toutes les relations en font foi ( a ). 11 ny a guéres de parties de la terre, ou la diverfitc des langues foit aufli grande qu'en Amérique; & pourtant on n'a point été dans la peine ou Béering, Tfehirikow, Gwofden &c. fe font trouvés en s'informant du pays auprés des habitans dans le vofiVage de Tzfchutz-chi par un de ceux-ci, qui pourtant ne pouvoit s'en faire enten-dre ; & qu'il eft dit que le Puchochowki , & autres leurs plus pro-ches voifins, ont des langues entierement différentes de la leur , de méme que de celle des Kamtichadaies, des Koreuki, & autres peupies de cette extrémité de l'Afie. Pour la réflexion , qu'un Francois n'eut pas été fouffert au Perou; bien loin d'y avoir eu de l'emploi, fur - tout dans un tems ou les deux Couronnes étoient fi fouvent en guerre enfcmble , chacun la fcra de foi-méme. Mais D. Diego dc Pcnnalofla qu'eft-il devenu ? Un neveu du premier Miiiftrc d'Efpagne n'eft pas un homme obfeut dont on put ignorer le fort. Si le nom de Shapley a pu étre découvert, il paroit que D. Pedro Bernardo , Ronquillo &c. n'auroient pis du étre ignorés. Les isles de Chamilli , nom Francois , aura fans doute été inv pofé par Parmentier« , qui étoit de la nation, malgré les tfpagnols. qui leur en auroient plutot donné un dans leur langue. 11 ne faut pour- ( a ^ Que difent «elles doit IV, Bua- font dei courfes fi lon^uri , qui entente lui.métne fdit mcnrioi ? Me parlmt- dcit les langues lej plu< géaérales do eles yit jc nombre nations qui fe lAmiriquc, nc peu ent fc fn'c en ce que l'Auteur de la relation dit fur cet article ". On peut con-fulter cette brochure qui mérite d'étre lue. II paroit incompréhenfible que M, Buache ne fe ioit point rendu å la force des faits & des raifons DE L* A M E R I (LU E. fons qni y font rypportées, & que Pannée fuivante il ait encore fou-tenu cette fable par fa réponfe aux obfervations de M. de Vaugondi. Les Efpagnols ont toujours caché kurs découvertes. On veut encore fe tirer d'aifaire en foutenant que les Efpagnols ont en tout tems cheahé å cacher leurs découvertes ; témoin une relation Portugaife de Martin Chake, citée par Purchas, imprimée en 15^7. & fupprimée par ordre du Roi de Portugal. Rép. En etfec, on veut prouver une fable par une autre relation du méme calibre que celle de l'Amiral de Fonte. 11 ne s'agit pas moins que de la découverte fi défirée du paflage par le Nord ; elle fut trouvée , dit - on , par Chake , en 15 55. en paiTant auprés de Terre-neuve, & la relation fut imprimée en 1^7. Ou ? Je n'en fais rien. Purchas, qui nous donne bien d'autres bourdes, PaflTure fur la relation d'un Cowles, ou Caroles: voila le feul témoin. Un livre im-primé fur un fait aufli intéreflant devroit étre connu des Portugais , des Efpagnols, des Francois, des Angiois , des Hollandois: Point; il refte inconnu. Le Koi de Portugal l'a fupprimé, dit-on. En voit-on des exemples? Oui ; je fais qu'on a fupprimé des livres, d'abord aprés leur impreflion , & avant qu'ils fulfent diftraits ; mais pas fi bien qu'il n'en foit reflé quelque exernplaire , qu'on voit dans les bibliothéques des curieux , lors méme qu'ils roulent fur des fujets beaucoup moins intéreffans. Au lieu que ce livre étoit déja entre les mains de tout le monde ; puifque Cowles l'a entendu lire chez un particulier avant fa fuppreflion. Cette découverte a du faire du bruit: on n'aurott pas épargné les piftoles d'Efpagne , les louis de France , les guinées d'Angleterre, ni les ducats de Hollande pour fe le pro-curer. Cependant on ne le trouve nulle part, ni méme le plus petit veftige chez aucun Autheur que chez Purchas. Que chacun juge done fans prévention fi on peut s'étayer d'un pareil conte pour rendre vrailemblable celui de de Fonte. M. Delisle ajoute " qu'on pourroit citer plufieurs pareils exemples j, de découvertes faites par les Efpagnols, dans les pays dont ils ont i, voulu cacher la connoiflance aux autre» nations, & pour lefquels R 9i les „ les rnefures ont été fi bien prifes dans les tems de ces découvertes, „ qu'ils ignorent eux mémes ce qu'ils favoient dans ce tems-la &c Je ne fais de quelles découvertes il veut parler; peut-étre eft-ce juf-tement des pays au Nord & Nord - Eft du nouveau Mexique & de la Californie, de la terre de Qqir, des isles de Salomon &c. mais il fe tromperoit. Tout ce que nous en favons nous eft connu par les relations publiées par les Efpagnols. Si on n'en fait pas plus a préfent; c'eft que les Efpagnols fe trouvant pofleder en Amérique plus de pays qu'ils ne peuvent gouverner, n'ont pas pourfuivi ces découvertes, ni voulu en faire les fraix, pour en laiffer jouir d'autres nations. Dans cette occafion ils auroient fait le contraire; ils auroient équipé quatre vaiiTeaux, fait des dépenfes tres confidérables pour dé-couvrir ce vafte Continent Septentrional; & lorfqu'ils en feroient ve-nus a bout avec un bonheur furprenant & inoui, ils n'en profiteroient pas. Par quelle raifon? C'eft qu'ils devoient, dit-on, feulement chercher le paffage , pour voir s'il y avoit quelque chofe a craindre de lapart des Angiois; puifque le foi-difant de Fonte finit en alTu-rant, " qu'il avoit trouvé qu'il n'y avoit point de paffage dans la „ mer du Sud , par celui que l'on appelle le palTage du Nord->, Oueft ". Je le crois comme lui, & par conféquent cette relation eft d'une fauffe fabrique, puifqu'elle y contredit. Ne dit-elle pas expreffément, que tout le voyage depuis Collao de Lima jufqu'au vaif-iéau de Shapley, que les uns piacent dans la baye de Baffin, & les autres dans celle de Hudfon, s'eft fait par eau ? Le paffage n'étoit-il done pas trouvé? Ne convenoit-il pas a la Cour de Madrid de s'en emparer & d'y faire conftruire un bon fort (a) pour empé-cher que les Angiois, fur le rapport de Shapley n'en profitaffent ? Ont-ils été affurés qu'il ne reverroit plus Bofton , ni qu'aucun de l'équipage de quatre vaiiTeaux , compoié d'Efpagnols, de Portugais, d'Anglois, de Francois, n'en ouvrit la bouche, pas méme pour tirer une grofte récompenfe d'une pareille découverte ? 11 eft vrai qu'on ne dit pas feulement qu'ils la cachérent; mais, puifqu'il faut l'avouer, qu'au (O Comme M. Delisle le dit, Ex. que les Efpagnols avoient deflein die tø fMcation d«s uouveiks cartes , p, 46, fairc du tems de Fuca. DE L' AMERIQ.UE, 131 qu'au Perou, en Efpagne, dans toutes Jes Archives on n'en trouve pas la moinJre trace ; on aflure hardiment qu'ils la fupprimérent. On voit par ce que je viens d'expofer , que jamais ils ne Pont fait pour aucune découverte, & que cette fuppreffion auroit été d'une Impoflibilité abfolue, E. tin , ne feroit - ce pas la plus haute folie qu'on put faire , qu'aprés avoir équipé une efcadre avec une diligence, dont on n'a aucun exemple chez les Angiois méme , qui font les plus expéditifs pour mettre des flottes entieres en mer; bien moins chez les Efpagnols, les plus lents de tous les hommes , aprés, dis-je, avoir équipé cette efcadre, & l'avoir envoyée a fi grands fraix; aprés avoir reconnu tout ce Continent , de fe priver pour eux & pour toute leur poltérité des fruits de cette découverte la plus ins-portante, qui fe foit jamais faite , au rifque de les laiffer a d'autres nations ennemies méme ? N'auroient-ils pas du moins pris poffeflion de ces pays fi vaftes, fi fertiles, & ou il n'étoit pas befoin d'envoyer des troupes, ni de répandre du fang, puifque par tout on a trouvé des peupies fi doux , fi dociles, fi foumis , teis qu'å peine on pourroit l'efperer de ceux de la vieille Caftille, & bien plus que les autres fujets de l'Efpagne, comme ceux de PArragon, de la Catalogne, des Afturies &c. qui fe font foulevez fi fouvent. Voila de nouvelles réflexions qui achévent de convaincre chacun , combien ce conte dc del Fonte eft mal båti & imaginé. Le Continent de t Amérique s'étend jufques vers celui de l'Afie. X i I. Voici une nouvelle raifon en faveur de Pauthenticité dc cette relation. On dit: il eft fur, malgré M. Dobbs, que le Continent de l'Amérique s'étend jufques vis-å-vis du Kamtschatka. La relation de del Fonte le confirme, & en donne le détail: done, elle eft veritable. Le bons fens ne foufTre-t-il pas de parcilles conféquences ? \\ y a des terres inconnues en Afrique: done la relation de Gaudence de Lucques eft véritabJe. Il y a des terres auftrales: done il faut adopter la réalité du pays des Sevarambes, les relations de Jaq .es Maflé 9 de Sadeur & autres. II y en a vers le pole Aråique: il taut R % done done que celle de Méfange foit vraye comme Evangile. Il y a divers pays inconnus: il faut done y placer ceux des voyages de Gulliver &c. Je voudrois, puifque ces Meflieurs raifonnent ainfi, qu'ils priflent la peine de nous donner un roman entier par des cartes Géographiques » ou l'on trouvat tous ces contes réalifés. Conclufion. Pourquoi ne pas plutot adopter les aneiennes cartes Efpagnoles■; qui nous donnent une partie de ce vade Continent fur des découvertes qu'on ne peut revoquer en doute, ni qu'elles ayent été faites par ordre de la Cour, connues depuis tout ce tems par les relations imprimées qu'on en a eués? Pourquoi doivent-elles faire place a cette prétendue découverte, qui porte tous les caraétéres de faufleté ? Celui qui l'a inventée s'eft pourtant fervi un peu de ces aneiennes cartes, en donnant la prefqu'isle de Conibaflet, y ayant une isle & ville des Conibas dans un lac que les Efpagnols d'alors crurent un golfe de la mer glaciale, tel qu'il eft repréfenté fur l'extrait de la carte d'Acofta , que nous donnons dans notre catte. §. IX. Sur h mer de tOmJt. Pour donner quelque chofe de nouveau fur l'Amérique feptentrionale , Meflieurs Delisle & M. Buache ajoutent la mer dc I'Oueft aux découvertes de l'Amiral de Fonte. Ils ont raifon , puifque l'un & l'autre eft de méme authenticité. Examinons aufli cet article. Ils s'appuyent i*. Sur les mémoires de M. Guillaume Delisle & celui - ci. 2*. Sur les relations des Sauvages. 3°. Sur la découverte de Fuca. Nous examinerons dans la fuite le premier & le fecond article. Il ne s'a^it ici que du troifieme & de la prétendue découverte de Fuca. On n'a pas mal fait de joindre la prétendue relation de la découverte de Fuca a celle de l'Amiral de Fonte i elles font exaftement de DE V A M E R I a U E. i JI de méme alloi , comme plufieurs habiles Géographes & autres per-fonnes de confidération 1'ont reconnu, entr'aucres M. le Profeffeiir Muller de Pétersbourg, qui a donné tout ce qu'il y a de mieux & de plus exacl fur les pofitions de ces contrées feptentrionales de l'Afie & de l'Amérique, qui en eft.voifine, quoiqu'å certains égards mei idées ne s'accordent pas avec les leurs, comme on le verra ci-apré3, & comme on 1'a vu précéuemment fur ce qui regarde l'extrémité de l'Afie. La relation que Meflieurs Delisle Sc Buache donnent de cette découverte de Fuca , étant entre les mains de tous les curieux , je n'en rapporterai que le principal & autant qu'il en faut pour montrer conibien le tout eft fabuleux. Je fouhaiterois infiniment que M. Buache voulut fe laiffer édifier fur ces deux relations fabuleufes, & fur d'autres erreurs qui en font des fuites naturelles. J'avoue" que j'ai une eftime particuliere pour lui. Je n'ai vu aucun ouvrage Géogra-phique quelconque , ou 1'on appercoive un zéle aufli infatigable & des recherches aufli laborieufes que dans ceux qu'il nous a donnés, ou Pon trouve des lumierei qu'on cherchoit depuis long-term, Sc ou Pon découvre un Sa vant, qui joint a Pétude de la Géographie or-dinaire, la fcience phyfique de notre Globe. Si done il pouvoit re-venir de fon préjugé en faveur de ces deux relations fabuleufes , >t n'eft aucun amateur de la Géographie qui ne fe félicitat de vivre dans ce fiécle , & dc pouvoir profiter dc fes profondes recherches: mais s'il y perfiftoit, il feroit a craindre que beaucoup de perfonnes ne fe laiffaflent entrainer par Pautorité d'un Savant tel que lui; ce qui ne pourroit que tourner au défavantage des découvertes; parce que > fe fondant fur fon fyftéme , on s'y prendroit en conféquence , & on reculeroit plus qu'on n'avanccroit. J'ert ai déja donné des exemples j j'en donnerai encore ci-aprés; & M. Muller attribue le mau-vais fuccés du voyage de Béering 8c de Tfehirikow aux cartes fauti-ves qu'ils avoient avec eux. Je reviens done å mon fujet. Fuca étoit Grec, de Cephalonie , dit-on. 11 n'eft pas impoflible de voir un Grec dans la mer du Sud, mais il y feroit aufli rare qu'un cygne noir en Europe, ou un ours blanc cn Afrique. Il fut fait priionnier par les Angiois 9 &, fans R 3 qu'on qu'on dife comment il leur é hapa, il fut bien-t6t aprés, le tern« n'en eft pas marqué, å la découverte du paftage au Nord, depuis le Pérou. Cette tentative n'ayant pas réufli, le Viceroi l'envoya feul en i*92. avec une caravelle , pour y faire de nouveaux efforts. A quarante - fept degrés il trouva une grande ouverture par laquelle il entra dans une mer ou baye ; il y fit voile pendant vingt jours , fans dire jufqu'a quelle latitude , ni fa largeur ; feulement celle de l'entrée doit étre dc quarante lieues. Il y alla fi loin , qu'il crut étre arrivé dans la mer du Nord ; retourna å Mexique ; & aprés deux an9 d'attente , n'ayant pas recu la récompenfe qu'il croyoit avoir méritée & avec raifon, il efpéra de l'étre mieux du Roi méme. \\ fc rendit done en Efpagne, & , n'y ayant pas réufli , il s'en retourna chez lui par Venife, ou il raconta le tout å un Angiois, nommé Michel Locke, å qui il promit de fe rendre auprés de la Reine Elizabeth pour conduire les Angiois dans cette mer : cc qu'il n'exécuta point; mais il fe retira chez iui & y mourut. Qfiand méme je ne dirois pas que nous devons cette relation a Purchas, on s'en douteroit, puifqu'clle eft inventée fur le méme mo-déle que celle de ce Cowles. L'un & l'autre ont vu , dit - on, un homme qui leur a fait un pareil conte, & Purchas feul Pattelte. On ii'en trouve rien dans aucun Auteur, excepté dans Bergeron, qui en 1C43, copioit la relation que Purchas avoit publiée en 1624. de ce Chake & Cowles. N'ayant done aucune preuve, aucun indice, que jamais Fuca ak fait une pareille découverte que le feul ténioignage de Purchas, qui s'eft rendu plus que fufpeét par cette relation de Cowles; il faut en pefer toutes les circonftances pour examiner fi du moins la vraifem-blance y eft obfervée ; car en ce cas on pounoit en fuppofer la vé-rité , jufqu'a - ce que d'autres relations la détrusfiflenr. i*. A quarante-fept degrés il trouva, dit-on, un détroit, dont l'entrée étoit d'environ quarante lieues. Il navigea vingt jours, fans fe piaindre d'aucun tems contraire. Il faut qu'il ait avancé bien loin» puifqu'ii fc crut dans la mer du Nord. Si on fe fonde fur cette relation, u faUt y ajouter une foi entiere. Si done il aflure avoir natige , non feulement vingt jours, mais Ji loin qu'il crut étre dans DE I/AMERIQ.UE. i3* la mer du Nord, il avoit achevé la découverte, pour laquelle il avoit été envoyé. Cependant M Delisle dans fa premiere carte de 17^0, aialgré l'extemion qu'il donne å cette prétendue mer de I'Oueft, laifle encore une étendue de vingt degrés de longitude entre fon bout oriental & la partie la plus occidentale de la baye de Hudfon. Bien plus, dans celle de 1752. & M. Buache dans les fiennes, la rétré-ciffent beaucoup d'avantage. Pourquoi? ils voyent que toutes les découvertes des Franqois & toutes les relations des Sauvages, contre-difent une pareille étendue : cependant pour en faire ufage on vou-droit l'unir avec le Michinipi, ou la grande eau par un détroit, & par un autre celle-ci avec la mer du Nord, non feulement fans preu-ve , mais fans aucune vraiiémblance. Ils préférent ce parti a. celui qui eft bien plus naturel, de rejetter de pareilles fables , fi mal båties. 2*. Fuca ne put obtenir dc récompenfe , ni du Viceroi, ni du Roi méme. Ce fait ne feroit pas inctoyable: On fait atfez que dans ces tems-lå on n'étoit pas liberal å reconnoitre les fervices rendus par dei étrangers. Mais pourquoi les Efpagnols n'ont-ils pas d« moins profité de cette découverte ? On l'avoit prife (i fort k cceur, que malgré le phlegme & la lentcur des Efpagnols, on envoya deux fois å la découverte; par quel motif ? 11 eft dit que c'étoit, " pour „ fe mettre å couvert des entreprifes des Angiois , qui pilloient & „ bruloient tout, & fur tout dans I'appréhenfion que les Angiois lt ne parvinffent å entrer dans la mer du Sud par la route du Nord-„ Oueft, qu'ils cherchoient depuis plufieurs années". Cependant aprés y avoir facrifié de grandes fommes, on abandonna tout projet, tout établiflement, on ne craignit plus rien. Eft-ce done que le paftage fut trouvé impoflible ? Tout au contraire , Fuca crut 1'avoir trouvé, & avoir pafle dans la mer du Nord. Leurs craintes devoient ainfi fort naturellement étre augmentées , fortifiées & fondées. Ne devoient - ils done pas prendre des mefures pour empécher que les Angiois ne profitaflent de ces découvertes. Point du tout. On croiroit que c'étoit en faveur des Angiois qui n'avoient pas encore découvert £e paftage, qu'on auroit fait de fi grandes dépenfes , ada qu'étant mai- maitres des cåtes de la baye de Hudfon, ils puilent en profiter. Cependant toute crainte cefla chez ies Epagnols. 3Si l'on difoit qu'on a caché & fupprimé cette découverte , comme celle de l'Amiral de Fonte, je le croirois parfaitement. 11 a été également facile de fupprimer l'une & l'autre , puXqu'elles n'ont jamais eu de réalité: Mais fuppofons que celle-ci ait été reelle; comment auroit-il été poffible de la fupprimer? Fuca tres mécon-tent de l'ingratitude de la Cour, n'auroit-il pas fait rétentir de fes julles plaintes toute l'Efpagne & tous les pays par ou il paffa en re-tournant chez lui ? On n'en fauroit douter, puifqu'il s'en ouvrit au premier inconnu , å Michel Locke Angiois qu'il rencontra å Venife. D'ou vient qu'il ne s'eft trouvé qui que ce foit que ce prétendu Locke , qui en ait eu connoilTance ? 4*. Fuca paroit avoir båti fur cette découverte un projet d'une grande fortune : Locke la lui fait entrevoir évidemment a la Cour d'Angleterre. Les guinées Angloifes valent bien les piftoles Efpagnoles. 11 auroit pu en méme tems fatisfaire deux paflions; la vengeance qui devroit étre tres agréable å un Grec Efpagnolifé, & fon ambition in-téreffée. Rien de tout cela ; il retour ne chez lui croupir 8c mou-rir dans la mifére. Ceci a-t-il le moindre degré de probabilité? fe„ Je n'alléguerai plus qu'une feule réfiexion. Ce voyage fe fit, dit-on , en 1592. Quarante-huit ans aprés, les mémes craintes faifi-rent les Efpagnols. On envoya de nouveau de Fonte a cette méme découverte. N'auroit-il pas été naturel de penfer, qu'on aura fouillé dans toutes les Archives du Pérou & de Madrid, pour fournir a cet Amiral une inftruclion telle , qui put le faire réuffir dans cette re-cherche ? On ne s'y prend point de cette maniere : ce qui prouve qu'on ignoroit les heureux fuccés du voyage de Fuca , qui n'étoit antérieur que de quarante-huit ans. On ne fe fouvint méme plus de ce que des gens encore vivans devoient favoir des recits & des plaintes de Fuca. De Fonte n'en fait rien , & n'en fut inftruit par qui ce foit. Il paffe & repaffe cette ouverture de quarante lieues de *arge, de méme que celle de D, Alartin d'Aguilar; elles lui font ca-chées par le pouvoir de quelque Génie mai-faifant; il ne les cherche pas méme; mats k tout hazacu1 il remonte jufqu'au cinquante - troifieme s fiéme, ou cinquante-quatrieme degré; Ii fe hazarde dans des pays inconnus ; il traverfe des rivieres, des détroits , des cataradtes, des lacs; il revient dire qu'il n'y a point de paifage par ou les Angiois puiflent penetrer dans la mer du Sud ; qu'il avoit franchi le feul paifage par ou les Efpagnols pouvoient paffer dans la baye de Hudfon, ou dans celle de Baffiu ; qu'il n'y avoit done rien å craindre, malgré ce vafte paifage tout uni, que Fuca avoit découvert. Tout cela me paroit auffi abfurde , que fi l'on difoit que ces paffages praticables feulement pour les Efpagnols, font fermes & invifibies pour toute autre nation. § X. On ne fait ou placer cette mer de l Oueft. L'embarras ou ces Meflieurs fe font trouvés dans leurs difXérentes cartes, pour placer cette mer de I'Oueft, fournit une fixieme preuve. i°. Dans la carte tirée des manuferits de feu M« Guiilaume Delisle de 1695. cette mer fe trouve depuis le quarantieme degré jufques vers le cinquantieme de latitude j la longitude vers I'Oueft n'eft pas déterminée : mais vers l'Eft la mer finit å deux cent huitante - un degré. Il y place Quivira , & tous les autres peupies connus par les relations des Efpagnols, lesXumanes, Japies, Xabotaos; aprés ceux-ci les Apaches, Vaqueros; enfin les Apaches de Navaio, tous vers I'Oueft, en ajoutant auprés de ces derniers, "fort étendus vers I'Oueft, 8c „ a ce qu'on croit, jufques au détroit d'Anian 11 place ce détroit 81 le cap Mendocino plutét fuivant les aneiennes que fuivant les nouvelles , puifqu'il les place au deux cent trentieme. Le MiflTouri ne fe trouve pas fur cette carte, & il a raifon , comme je le ferai voic bientot. 2°. Dans celle qu'il a donnée au comrnencement de ce fiécle, 8c dans celle de 17J7- la latitude de la mer de I'Oueft eft conforme k ia précédente: par contre il y a déja adopté les nouvelles idées , en marquant fon entrée au deffus du cap Blanc å quarante quatre degrés. Quoique les longitudes ne s'y trouvent pas, on voit par la pofition de la Californie, Nord -Nord- Oueft, & Sud • Sud - Eft, qu'il vien- S (Ua dra aux environs des deux cent ci iquante degrés, comme les nouvelles cartes. 3*. M. le ProfefTeur Jofeph Nicola Delisle dans fa carte de i7fO. place la mer de I'Oueft entre deux ce t quarante-cinq & deux cent feptante degré de longitude: la latituue y eft de quarante - ttois a foixante degrés. Le MiflTouri s'y trouve fort en abregé, ne prenant en longitude que l'efpace d'envtron dix - huit degrés. Pour la riviére de I'Oueft, on fe garde bien de lui afligner une place , la mer de I'Oueft en auroit été fort incommodée. Le Michinipi , ou lac des Aflinipoels , n'y a point de communication avec la mer de I'Oueft, laquelle a å fon Nord les prétendues découvertes de de Fonte. Quivira eft a l'Eft de Teguaio , contre tout ce que les autres cartes en marquent, Celui-lå eft entre le deux cent feptante & deux cent hui-tantieme degré de longitude au Nord du Miflburi , au Sud des Sioux. La place ou Béering doit avoir abordé , deux degrés plus au Nord que Tfehirikow, n'y eft point indiquée. 4°. Dans la carte du méme Géographe de 17*2. la mer de I'Oueft, en y comprenant fon entrée la plus occidentale, eft depuis deux cent quarante - cinq & prefque deux cent feptante de longitude, comme ci-deflus , & entre quarante trois & cinquante deux & demi de latitude. Quivira , fur le bord oriental de cette mer. Teguaio au Sud de Quivira. Le Miflburi jufqu'aux montagnes de Quivira 3 prefque au bord de cette mer. Le Michinipi eft changé en lac de Fonte å fix degrés plus au Nord que celui de Criftinaux. La cote abordée par Béering, felon quelques uns, n'y eft point marquée. f*. La carte de M. Buache du 9. Aout 1752. mer de I'Oueft» depuis deux cent cinquante a deux cent foixante-quatre degrés de longitude; de quarante quatre å cinquante - cinq de latitude, De-lå une commumcation å la grande eau, ou Michinipi, entre cinquante-cinq & cinquante-huit degrés, d'ou cette grande eau s'étend jufqu'au foixante-troifieme degré. Ce que je viens d'obferver peut fuffire, parce que la plupart des autres Géogr?phes n'ont pas cette mer de I'Oueft, ou l'ont copiée fur les cartes de ces Meflieurs, DE L' AMÉRIQUE. 139 On peut å préfent comparer cet carte« avec la relation de Mon« cacht-Apé, & enfuite avec toutes celles des autres Sauvages. Nous avons vu que les Sauvagcs donnent huit cent lieues de cours au Miflburi; qu'il coule de I'Oueft å l'Eft; que le voyage de ce Sauvage a été, en fuivant cette riviére, prefque tout entier entre le quarante & quarante - deuxieme degré de latitude ; que la belle riviére, qui doit avoir fon cours vers I'Oueft, aufli long que depuis cette longitude du milieu , le Miflburi å l'Eft, ainfi de quatre cent htfués, & qu'on la fuppofe vers le Nord de deux, tout au plus trois degrés, ainfi a quarante - quatre , ou quarante - cinq. Que cette mer foit done étendue jufqu'au foixante , au cinquante - deux & demi, ou feulement au cinquanticme degré de latitude ; on voit bien que cela ne quadre pas avec le recit de Moncacht-Apé , qui a pafle toute cette longitude & latitude , fans trouver aucune apparence de mer. Si l'on veut revoquer en doute cette relation, je ne m'y oppofe pas ; pourvu qu'on rejette aufli celles qu'on donne fous le nom de de Fonte & de Fuca, qui manquent de toute vraifemblance , tandis qu'elle fe trouve parfaite dans celle de Moncacht-Apé. Du moins on convient que les Sauvages font unanimes fur l'étendue du cours du Miflburi, & de la riviére de I'Oueft : l'on connoit d'ailleurs Ia latitude du Miflburi, & il eft certain que la belle riviére doit trouver fa latitude ; puifque les relations donnent cinq a fept journées de diftance de Tune k l'autre. Ainfi on n'en échapera pas , & la mer de TOueft doit difparoitre entierement. Avant que de quitter cette relation de Moncacht-Apé, donnon* ici Pextrait de M. le Page, ou l'on verra qu'il a été parfaitement dans mes idées fur cette mer de I'Oueft. La nouvelle carte de M. Delisle fait voir la poflibilité d'une „ continuité de terrein entre l'Afie & l'Amérique. Un canal qui n'eft s, point fans isles, fépare l'Afie d'une terre, qui ne peut étre autre „ que l'Amérique. La traverfée des Rufles de l'Afie a l'Amérique « „ ou ils ont abordé , nous prouve que les terres peuvent s'étendre „ dans un fens conforme å celui de Moncacht - Apé; & celle ou: „ ils ont touché en revenant, pourroit bien étre celui des hommes it barbus, qui alloient couper du bois jaune, a moins que l'on ne S 2 1 j Yemlle „ veuille fuppofer quelque isle phis méridionale & plus voifinc des „ isles du Japon; ces hommes ayant une reffemblance ii marquée », avec les Japonnois & les Chinois. „ Au refte, je ne puis diflimuler que la partie de cette carte dref-fée fur i'extrait de la relation de l'Amiral Efpagnol de Fonte, ne s, s'accorde en aucune facon avec la relation que Moncacht - Apé m'a faite de fon voyage. Le bon - fens que je connus å cet homme, qui n'avoit, ni ne pouvoit avoir aucun intérét å m'en impofer, „ me fit ajouter foi å tout ce qu'il me dit ; & je ne puis me per-„ fuader autre chofe, finon qu'il alla fur les bords méme de la mer „ du Sud, dont la partie la plus feptentrionale peut fe nommer , f, fi l'on veut, mer de I'Oueft. La belle riviére qu'il a dcfcendu „ eft un fleuve tres confidérable que l'on n'aura point de peine a „ découvrir, Iorfqu'une fois on fera parvenu aux fources du Miflburi; ^ & je ne doute point qu'une femblable expédition, fi elle étoit en-„ treprife , ne flxåt entierement nos idées fur cette partie de l'Amé-3, rique Septentrionale & fur la fameufe mer de I'Oueft , dont on », parle tant dans la Loui'fiane, & dont il paroit que l'on défire la »} découverte avec ardeur. Pour moi je fuis porte a croire qu'elle „ n'exifte qu'en imagination ; car enfin , ou veut - on quelle foit 1 9, Ou la trouver ? Je ne vois aucune place dans tout 1'Univers que> „ dans les réveries de l'Amiral de Fonte vers le Nord - Oueft de „ Santa Fé. Mais fuppofons qu'il y ait quelque étendue de mer dc „ ce coté 3 qui entre dans la partie feptentrionale de l'Amérique > „ cette mer de I'Oueft doit étre a préfent bien reiferrée dans fes „ bornes , depuis qu'on fait que le Miflburi prend fa fourcs a „ huit cent lieues du fleuve Saint Lou'fs, & qu'il y a un autre flcuye „ appcllé la belle riviére, qui a un cours oppofé & parallels a ce-lui du Miflburi, mais au Nord , & que cette belle riviére tombe „ å I'Oueft dans une mer , dont la cote va gagner l'lfthme s dont „ on a parlé, 8c qui par cette defcription n'annonce que la mer „ du Sud, ou pacifique , & c'eft-la la mer de I'Oueft &c. R n'eft pas néceflaire d'accompagner ces remarques d'aucunes fé flexions; chacun eft å méme d'en faire. Nous DE I/AMERIQ.UE. 14? Nous allons å préfent examiner d'autres relations fur lefquelles on s'appuye pour établir cette mer de 1'Oueft» telle qu'on la repréfenté fur quelques cartes nouvelles (a). §. XL Relation de la Hontan* Commencons par la relation de la Hontan. Je fais que plulieurs font depuis long-tems prévenus centre fa vé« raci- ( a ) Prcvenons ici des erreurs tres préjudiciables , dans lefquelles de grands Géographes tombent , uniquement par 1'envie déméfurée qu'ils ont d'étaier des fyllémes erronés i\ Ils difent que les Sauvages donnent å la mer le nora de grande eau & de grand lac. Done, lorfqu'ils fe fervent de cc terme , ils veulenc parler de 1'0-céan. Je ne comprtns pas comment le contraire ne leur faute pas aux yeux. 11 n'y a pas une partie du monde, qui con-tienne autant de lacs & de riviéres que l'Amérique. Je doute méme que toutes les trois enfemble en contiennent autant. M. Bellin dans fa carte de la partie orien. tale du Canada , de 175?. donne dans refpace de huit degrés de latitude, & de dix de longitude , des deux cotes du fleuve St. Laurent vers fon embouchure, une quantité innombrable de lacs, prefque tous aifez petits. Ell - ce que les Sauvages doivent inventer de nouvelles expreflions que grand & petit , pour dif-ttnguer les grands lacs d'avec les petits ? Les Européens , qui fe croyeut plus de génie, n'employent pas d'autres exprcf-iions. je dis plus; je fuppofc que les Sauvages cuffent un terme qui exprimut précifément le mot de mer des Européens, & qu'ils s'en ferviflent en place de celui de grand lac, on n'en feroit pas plus «vance. Ne donne-t-on pas de tout tems le nom de mer å ia mer Cafpienne, & å d'autres plus petites ? Cependant cette mer n'a pas la méme étendue , ni Ia méme circonférence que plufieurs grand« lacs de l'Amérique , principalement le Michinipi, qui doit avoir fix cent lieues de tour. Les anciens Auteurs ont méme donné le nom de mer d'Allemagne au lac de Conftance , qui n'eft qu'un étang, en comparaifon de ces mers. Mais l'eau de quelques - uns eft falée ; done c'efl: 1'Océan ! Celle de la mer Cafpienne nc Teft - elle pas ? Perfonne nc pouvoit mieux connoitre la valeur de ces expreflions des Sauvages , que M. Jeremie , qui a été fi longues années dans une urande liaifon avec eux. Cependant fur kurs relations , il nomme un des lacs la petite mer, Sc une autre jonclion des deux mers • fans qu'il lui fut venu dans ttdée que le nom dc mer, ou de grand lac, devoit emporter la fignification de TOcéan , ou d'une de fes parties. a*. Aufli - t6t qu'il eft parlé d'un grand lac å une grande ddtance , on en fait cette prétendue mer de 1'Oueft , fans prendre garde, fi elle eft fituée au Nord , a 1'Oueft, auNot-d-Eft, ou au Nord-Oueft, ni å quelle diftance, 3°. 11 en eft de méme des riviéres* Si - t6t que les Sauvages parlent d'une riviére qui court å I'Oueft: Ah! c'eft Ja riviere de 1'Oueft ; tout comme s'il n'y en auroit pas une vingtaine , peut étre cinquante qui fe j«tta(Tent de ce c6té comme il y en a un nombre infini, qui CGursiH au Nord, au Sud & å fftt. racité. Le P. Charlevoix n'en porte pas un jugement favorable; il dit pourtant dans la lifte des Auteurs qu'il a placés å la fin de fon hiftoire de la nouvelle France, qu'il étoit homme de condition, fol-dat, puis Officier ; en ajoutant, que dans fa relation le vrai eft mélé avec le faux; que lc voyage de la riviére longue eft une pure fidion, auffi fabuleufe que l'isle de Barataria; ** mais que cependant „ en France & ailleurs, le plus grand nombre a regardé ces mémoi-„ res comme le fruit des voyages d'un cavalier, qui écrivoit mal, „ quoiqu'affez légérement , & qui n'a voit point de religion , mais „ qui racontoit afTez fincérement ce qu'il avoit vu ". Je crois que ce grand nombre raifonnoit bien , & M. D. L. G. D. C. encore mieux, & d'une maniere qui m'a charme , puifqu'on y voit tout le bon fens poffible ( a ). Il rapporte qu'aprés avoir traverfé le lac Michigan, & la baye des puants, aprés un court trajet pac terre , la Hontan defcendit par la riviére Ouifconfine dant le MilTifipi» & que cette route étoit alors encore inconnue. Qu'il remonta le Miflifipi en huit jours jufqu'a la riviére longue, qui vient de I'Oueft, 8c débouche fur la rive occidentale qu'il place au quarante-cinquieme degré de latitude. Il entra dans la riviére longue le 23. O&obre ( 1688.) & la remonta jufqu'au dix-neufvicme de Décembre , & mit environ trente-cinq jours å la defcendre jufqu'au Miflifipi. Il donne une carte de la partie dc la riviére qu'il parcourt, difant qu'il l'avoit levée lui-méme ( b), & une autre dont l'origtnal fut tracé fur des peaux par des Sauvages, & l'on y voit une riviére tendante a I'Oueft, peu éloi-gnée des fources de la riviére longue. Il entre dans le détail des peupies , qui habitent a l'embouchure de cette feconde riviére, affurant qu'il tient ces connoifiances des Sauvages. Les Tahuglauks fitués aux environs du grand lac, ou fe jette cette riviére de I'Oueft &c. Tou- ( a ) M. Buache dit que l'iluteur s'eft fareur de la Hontan , tiré de ce Mer-déterminé å faire imprimer ce memoire cure de Paris qui n'eft pas entre les mains depuis la publication de fes confidéra- de tout le monde, & qui n'étant qu'une tions, en 17^4. & qu'il y a fait direrfes petite brochure , peut aifément avoir éte additions. Comme je n'ai pu découvrir perdue depuis 175:4. eette edition féparée, j'ai cru devoir don- ( b ) En effet , elle eft tres groflierC' n«r un extrait fuccinft de fes raifons en ment defiince. DE L' AMÉRIQUE, 143 Toutes les parties de fa relation parohTent naturelles; elles fe fou-tienuent réuproquement, & il femble affez difiicilc de fe perfuader qu'elles ne font que le truit de l'imagination de l'Auteur. Lorfqu'elle fut publiée, perfonne ne l'a revoquée en doute: ce ne fut que lorf-qu'on a negligé ces découvertes, qu'on a commencé a en douter, qu'on l'a rejettée, & qu'on l'a traitée de chimércs, fans tn produire aucune preuve. M. Delisle dans fa Carte du Canada avoit mis la riviére longue, & l'a fupprimée dans celle du Miflifipi, fans cn dire la raifon. Le R Charlevoix regarde la découverte du Baron de la Hontan comme auffi fabuieufe que l'rtle de Barataria, fans preuve, qu'il faudroit produire avant de fe determiner å trairer avec tant de mépris la relation d'un voyageur aufli télébre , Gentilhomme, Officier , qui n'auroit pu efperer des recompenfei par des fuppofitions fi groffieres, qui l'au-roient de?honoré. 11 étoit accoropagné de plufieurs Francois , qui étoient vivans, lorique fa relation fut publiée, & qui Pauroicnt dementi. Ils ne l'ont pas fait. Ceux qui ont pris a tåche de le décrter, n'en ont pu citer aucun. Ayant eu le malh ur de déplaire au Miniflre, fa difgrace aura pu influer fur fon ouvrage, de méme que fes fentimens trop libres & peu religieux. Le P. Hennepin place une riviére å fept ou huit lieues au Sud du faut St. Antoine , qui vient de I'Oueft ; ce ne peut étre que la riviére longue. Elle doit étre confidérable, puifqu'il la cite, vu qu'il ne fait pas mention de cinq ou fix autres , que Meflieurs Delisle , Bellin & Dan ville piacent fur le méme coté. Une de ces rivieres eft nommée par ces Géographes, riviére cacbée, å peu pres fous la méme latitude que l'embouchure de la riviére longue par le Hontan. Benavides parle des Apaches Vaqueros å l'Eft du nouveau Mexique; de-la cent & douze lieues vers l'Eft jufqu'aux Xumtnes, Japios # Xabotaos; a l'Eft de ceux-ci les Aixais <& la province de Quivira ( a ), dont ( a ) Nous avons fait voir ci-devant, xoit ou'on a eu tort de donner le må que Quivira étant fitué fur la c6te la me nom å une autre å l'Eft du nouveau plus occidentale de 1'Amérique , il p%» Mexique. dont il nomme les habitans Aixaraos, qui reffemblent affez aux Eoko. ros de la Hontan , & la diftance y convient affez. Lors de la découverte du nouveau Mexique par Antoine d'Efpejo t les Sauvages lui firent comprendre qu'å quinze journées de chemin ( a ) il y avoit un grand lac , environné de bourgardes, dont les habitans fe fervoient d'habits , abondoient en vivrcs , demeuroient dans de grandes maifons &c. Les Efpagnols de la province de Cibola, & les habttans dc Za-gato, å vingt lieues de Cibola , vers I'Oueft, confirmérent la méme chofe. Tout ceci s'accorde avec le lac & avec !a nation des TahuglaukSr Les Efpagnols piacent au Nord & au - dclh des montagnes du nouveau Mexique , un grand pays, Teguaio , d'ou iJs pretendent que fortit le premier Motezuma, lorfqu'il entreprit la conquéte du Mexique Il eft fur que le MiflTouri prend fa fource dans cette longue chaine de montagnes, qui fépare le nouveau Mexique d'avec la Louifiane (b), 8c que les rivieres qui y prennent leur fource , coulent cha-cune du coté, ou elles fortent de terre, vers I'Oueft ou vers l'Eft. La route par le pays des Sioux eft d'environ trois degrés plus au Nord que celle de la Hontan. Les indications qu'il recut d'une riviére a I'Oueft, s'accordent affez avec celles du Sauvage Ochagac , fuivie par Danville ( c ). La difference eft de deux a trois degrés de latitude: Mais il pouvoit facilement s'y tromper, puifqu'il ne l'a copiée que fur les peaux tracées par les Sauvages (d). Ces faits & ces raifonnemens du défenfeur du Baron de la Hontan ( a) Tous les Auteurs comprent les jcumées eioyennes) des Sauvages a raifon de dix lieues. ( b ) On difpute fur l'étcndue de la Louifiane & du Canada. Les uns notn-ment Louifiane tout ce qui eft a I'Oueft du Miflifipi , ou fleuve St. Louis , & c'eft dans ce fens qu'il faut le prendre 1C>- D'autres, par contre, nomment Cara-, tout ce qui eft å I'Oueft du pays s-onnu fous le norn de Canada. (O M. Buache nous a donne' la carte du Sauvage Ochagac dans fa VIII. carte, & plufieurs ont fait entrer ces découvertes dans les leurs. ( d ) On voit par cette carte méme qu'on a regarrté ces efquiffes des Sauvages comme tres imparfaites & feulement pour donner quelques idées ; puifque celles de M. Buache & celle du Sauvage , ont tres peu de conformité ■entr'elles , ex-cepfé les noms qu'on a ajoutés a celle »ci aprés coup. tan devroient fans doute déja fuffire pour ne pas mettre au rang des fables fa relation. Tå^hons cependant, d'en fairc toujours mieux fen-tir la force par quelques réflexions. On n'a que deux objeåions å faire contre fon authenticité; l'une que les circonftances de fa relation ne font pas confirmées par d'autres ; l'autre , que c'étoit un libertin, un homme fans religion, au-qucl on ne peut ajouter foi. Mais, je le demande, font-ce lå des raifons capables de faire la moindre impreflion fur un homme im-partial 6c non prévenu. Je fais que c'eft-la le fort méme de toutes les aneiennes découvertes ; & , comme nous i'avons dit en fon lieu» la raifon pourquoi on rejette les aneiennes relations Efpagnoles. Quoi dc plus ridicule ? Celles - ci, par exemple , étoient tenues pour indu-bitables par tout le monde: On étoit convaincu que plufieurs centaines de perfonnes, de toute qualité, en avoient été les témoins ocu-laires. Les faits étoient done vrais alors ; mais parce que, depuis cent & cinquante ans & plus , perfonne n'a voulu fe tranfporter dans ces méme pays: on trouve que ce qui étoit vrai alors , nc l'eft plus aujourd'hui; de méme que pour les isles de Salomon, plulieurs terres auftrales, le lac Pac ime &c. 11 en eft de méme dans le cas préfent: parce que depuis la Hontan 8c fes compagnons perfonne n'a voulu fe tuzarder fi lom , tout ce qu'il dit eft controuvé; 8c, ce qu'il y a dc plus étonnant eft, que les découvertes de de Fonte & de Fuca, qui ne roulent que fur des poffibilités impoffibles , font recues avec avidité. 11 y a plus encore; Påuteur dédie la carte du Canada au Rot de Dannemarck dans le tems que tous ceux qui l'avoietit accompagné t étoient encore vivans. Quelle hardieffe! quelle impudence! de vouloir en impofer a un grand Roi, a un Souverain puiffant, duquel il efpéroit peut - étre alors fa fortune, en recompenfe de fes travaux & dc fes découvertes. Ceci peut-il entrer dans Tidée de qui que ce foit? Nous voyons d'ailleurs par l'extrait du Mercure que nous avons donné , que la route que la Hontan å tenue pour defcendre au M'fhfipi , étoit in-connue avant lui ; qu'elle ne l'eft plus aujourd'hui; qu'on la trouvc telle qu'il l'a decrite j & qu'il n'a pu la favoir d'un autre, puifqu'elle T étoit étoit inconnue. Si done on a trouvé conformes å Ia vérité les arti-cles qu'on a pu reconnoitre du depuis, n'eit-il pas injufte de rejettef ce qu'on n'a pas vu, feulement parce qu'on ne l'a pas vil Ne fa ud rat-il done croire de tous les faits, de toutes les relations, que ce qu'on a vu foi - méme ? 3*. 11 eit certain qu'on a encore découvert une riviére å 3a méme latitude , ou il place l'embouchure de la riviére longue. Je fais qu'on a trouvé a propos de lui donner d'autres noms; celui de St Pierre, ou celui de riviére cacbée: cent autres perfonnes p mrroient lui donner autant de norns. Mais fi pour cette raifon on en veut faire autant de differences rivieres, ne multipliera-1 on pus les étres, & ne mettra-t-on pas une confufion dans la Géographie, dont elle n'a pas befoin ? 4°. La Hontan repréfenté une chaine de montagnes , qui def-cend du Nord au Sud, & qui fait les limites entre les Moozemleks, & les Gnaefitures. M. Buache par fa fcience phyfique donne la méme chaine ; å la vérité beaucoup plus å lifift, pour l'amour de fon fy-ftéme fur la mer de I'Oueft, & fur le peu de largeur de U Californie : mais enfin , c'eft la méme chaine. La Hontan n'étoit pas homme d'étude, ni phyficie*; comment done imaginer cette chaine, qui exifte, fi le« Moozemleks ne lui en avoient donné réellement la connoiffance ? 5 *. La remarque de D. L G. D. C. eft importante , fur la con« formité de cette relation avec celle des Efpagnols de tout tems. R.en % \ mon avis ; ne fait une preuve auffi forte en faveur de l'authenti-cité d'une relation , que fa conformité avec les découvertes des pre« miers tems. 6°. Je n'ignore pas que Ja Hontan n'eft pas toujours exaå dans les latitudes Ceci mérite quelqu'attention. M le Page donne une diftance de trois cent lieues du Miffouri au faut St. Antoine, qu'on ne compte que huit a dix lieues au def-ms de la riv ére longue, & pourtant un pen au - delå du quarante-cin,\uieme deg-é ; ainfi leulement cmq degrés pour les trois cent lieues; ce qui eft Une erreur mantfefte, å moins qu'il n'en compte autant pour remonter ce fleuve rapide. M. M. Bellin, dans fa carte de la partie occidentale du Canada, place l'Ouifconfinc å un peu plus de quarante trois degrés , & la riviére St. Pierre å quarante-cinq. On peut compter environ trente-fix å trente -huit lieues; & la Hontan dit, qu'il a employé huit jours a* faire ce voyage ; ce qui eft tres poffible, en montant un fleuve aufli grand & aufti rapide. M. Danviile dans la premiere de fes cinq cartes , qui enfemble re-préfcntent toute l'Amérique, place la riviére de St. Pierre a un peu plus dc quarante-quatre degrés, & l'Ouifconfinc a quarante trois. Celle-la doit fortir, d'aprés toutes ces cartes, du lac des Tintons, dont nous parierons ci - aprés. Sans nous arréter plus long-tems fur ce fujet, nous concluons que cette découverte de la Hontan , n'ayant jamais été contredite par d'autres relations; qu'au contraire, le peu qu'on a découvert dp depuis s'y eft toujours trouvé alfez conforme; on doit la regarder comme authentique, auffi long-tems que des faits certains, qui attef-tent le contraire, ne la détrui fent. Venons a la feconde obje&ion „ fur laquelle je n'ai rien a dire s €mon que, fi on ne doit ajouter aucune foi pour des faits & dm voyages, qu a des gens de bonnes mæurs & a de bons Chrétiens, il en faudroit rejetter beaucoup, & fouvent donner dans des erreurs; puifque quclquefois de tres honnétes gens, par crédulité, ou man-que de génie , rapportent des fait erronés. On a toujours diftingue entre les faits hiftoriques, ou l'Auteur n'a aucun interét & ceux de la Religion. On en doit agir de méme ici. Perfonne ne croira que l'Adario du B. de la Hontan ait été un homme en chair & en os; on voit évidemment que c'eft lui-méme : Mais la relation du voyage ne doit pas étre moins authentique, n'étant point de méme natute que fes dialogues. S. XII. Calcuh pour retlifier ks pofitions. Puifqu'il s'agit dc calculs pour reétifierJes pofitions dans les cartes, je me vois obligé de rapporter ici ce que j'en trouve , pour les points principaux, T % Je Je prie le lecleur de fe fouvenir que dans les cartes d'Acofta il n'y a ni longitude, ni latitude : je fuis done obligé d'aller a tåtons & par eftime. i °. Dans fa carte générale de l'Amérique la cote de la Californie va droit Oueft - Nord-Oueft jufques un peu en deca de Rio grande; depuis lå un peu Sud-Oueft jufqu'a Quivira; enfuite Nord-Oueft au cap Mendocino , qui eft å peu pres å la latitude de quarante-deux degtés. On voit un détroit entre ce cap & l'isle de la Plata , qui eft au Nord du Japon. Le détroit d'Anian y eft fort large, parce qu'il y rnanque le Kamtfchatka; a environ cinquante-cinq degrés le Rio de los fcftrechos; & å pres de cinquante - neuf les grandes Cor-rientes. Le Rio Herrnofo , le méme que Rio de Hi a , prend fa fource dans les montagnes, au Nord du nouveau Mexique, fort a l'Eft, ou Nord-Eft de fon embouchure dans la mer vermeille. 2°. La carte particuliere d'Anian & de'Quivira préfentc une gtéfåe diverftté de la précedente. Il y a deux caps blånes, l'un a environ cent nonante degrés de longitude & cinquante deux de latitude å coté du Rio de los Eftrechos vers le Sud ; l'autre å deux cent vingt degrés de longitude & trente - cinq de latitude. La cote va å I'Oueft jufqu'a los Pinnatas ; enfuite Nord , å Baia hermofa ; alor* prefque toute å I'Oueft jufqu'au cap Mcndocin , qui eft å cent huitante-cinq degrés de longitude & quarante-deux de latitude ; un cap au Sud de grandes Cor rien tes, ici å environ foixante degrés'; avance jufqu'a cent huitante degrés de longitude ; & un å fon Nord jufqu'a cent feptante-neuf degrés; & une riv?ére dont la fource å environ deux cent & vingt degrés de longi'uJe & cinquante-fept de latitude, qui coule vers le Nord - Oueft & fe jette dans la mer feptentrionale vers le cent nonante- huiutme deg'é de longitude, & foixante-neufvie-me de lat tude ; qui, a moitié chemin, recoit une autre riviére venant du Sud. Sur la riviére principale fans nom, font ceux des villes Cu-biia-o, Salboi, & Pagul, au Sud-Eft du dit confluent. 3°. Dans celle de Conibas, cette ville dans une isle d'un golfe de la mer feptentrionale å cinquante cinq degrés de latitude; å cinquante & un , la fnurce d'une riviére nommée Obilo , qui couie Nord • Oueft , enfuite droit au Notd dans la mer a feptante degrés. * Sur Sur cette riviére font marquées les villes Zuh.ira, Zubilaga , Co-noagua, & Ciogigua. La fept cm civitatum patria ( a ) avec un lac au Nord de la nouvelle Grenade, & en Oueft - Nord - Oueft d'Axa, a quarante-deux degtés de latitude. 4*. La carte de Nuova Granata å la cote de la Californie, tour-née Oueu> Nord - Oueft, enfuite p»efque toujours Oueft; la fept em civitatum patria a quarante-quatre degrés , d'ou fort la riviére de la Hila » au Sud de laquelle, environ å trente - fix. degrés, eft Cevola. j°. Enfin dans la carte de la mer pacifique il n'y a point de noms fur le Continent, qui eft placé beaucoup plus loin du Japon que dans la premiere. 6*. Dans une carte dont j'ai oublié le nom de l'Auteur, mais que je crois Sanfon , le cap Mondo eft å trente degrés de latitude & deux cent trente-cinq de longitude. De-la on voit Ia cote aller Oueft-Nord-Oueft å deux cenc vingt-hak degrés; une vafte baye, nommée Laguna de los Apoftolos; å deux cent vingt-trois & demi, le cap de Perceles qui s'avancc å l'Queft; & toute cette cote au def-fous & au dellus eit Nord & Sod; aprés quoi elle court Oueft-Nord« Oueft jufqu'a la nouvelle Albion , Sierra Nevada, & jufqu'au cap Mendocin, qui eft å quarante-trois degrés & demi de latitude, & cent nonante-cinq de longitude. Nous ne parierons pas des cartes nouvelles pour ne pas ennuiet le ledrur: Elles font entre les mains de tout le monde. Kapportons fuccin&ement le voyage de la Hontan pour former iiétre calcul Le 8. Novembre 1688. il entra dans la riviére longue a un peu plus de quarante-cinq degrés de latitude. On ne peut pas tout-å fait faire fond fur les joutnces, parce qu'il omet å que'ques- unes com-bien de lieues il a fait ; cependant il paroit qua vant d'arriver au premier village de Cokoros, il tit plus de cinqmnte lieues; on lui dit que de-lå il y en avoit foixante jufqu'aux Elfanapés. Suivant T 3 un ( a ) T)am res cartes & d'autres on a j)iis le mut de twttMt dms le fens le plus ctroit i & én y a reuréf^nte* f'nt vil!« j su Lcu nu'ici il ne iignifie, å moa avis, que vation } & veut indiquer le« fpt nations des tøéxic*ih», qu'on affuroit en tout tems eire venus du Kord. un calcul modéré, fa route en indique pour le moins autant. Il fit encore cinquante lieues jufqu'au grand village du Chef de cette nation. Il en partit le 4. De'cembre. Aprés quinze jours de navigation il arriva å l'isle ou il devoit faire quelque féjour chez les Gnacfitares, qui envoyérent å quitre * vingt lieues au Sud pour amener des horn-mes , qui puffent juger fi la Hontan & fes gens étoient Efpagnols ; & qui décidérent pour la negative. Ils ont un Roi defpotique & font éloignés du nouveau Mexique de huitante tazous, ou deux cent quarante lieues, qui font douze degrés ( a ). Les Mofeemleks lui parurent des Efpagnols; il étoient vétus, & avoient une barbe touffue, des cheveux au delfous des oreilles. Cette nation habite le long d'une riviére qui tire fa fource d'une chaine de montague, & dans la méme ou fe forme la riviére longue. La fource de la guerre avec les Gnacfitares eft la chatfe des bæufs, malgré les bornes marquées des deux cotés des montagnes, qui ne font habitées que par des ours & autres bétcs féroces. La grande riviére fe jette fort au Sud dans un lac d'eau falée , qui a trois cent lieues de tour, & trente de large. A cent & cinquante lieues de ces montagnes vers le bas de la riviére il y a fix belles villes. Les murailles des maifons y font de pierre , enduite de terre grafte , fans toit, & en maniere de plate-forme, ou habitent les Tahuglauks , de méme que dans plus de cent autres villes autour du lac. Cette nation a de gros båtimens de deux cent pieds de long, dont ils fe fervent fur ce lac. Ils cultivent les arts & la méchanique; font des étoffes , des haches de cuivre &c. Le Gouvernement eft auili ( b) Ces huitante & ces deux cent quarante lieues pcuvent fe concilier. Le rom du nouveau lYtexique ne pouvoit-étre connu t ni des lYlofeemlek , ni des Gnacfitares Il falloit ufer da circonlocutions, & dire , jafqu'aux habitations des Efpa-Kriols ; a\ors ces ,jeax cent quarante d^V" 00 douze degrés fimflent vers le Ku> de los Apoftolos , Ri«> de Hila Ou , feion le P- Kino , ess habitations cora-jpensent. Paur l„ huitante lieué?, elles peuvent finir vers lei Padoucas , & 1» fource du Rio del Norte du nouveau Mexique. On voit que les Padoutas font en relation avec les fcfpagnpls , dont ils ti* rent les chevaux. Mais que cecte relation eft foible , puifque les armes å feu leur étoient inconnues avant I'arrivce de iYl-dc Bourgmont, d* mdiiie que les hathe« & couteaux dc fer &c Cependant leor connoiffiuce pouvoit fuffire pour connoiti'f les Eljpagnob. aufli inonarcliique que celui des Tures. Les peupies y font aufli noni-breux , difoient les Mozeemleks, que les feuilles des arbres. lis aché-tent de ceux-ci des veaux pour marger, pour en elever & les faire fervir å la charrue, pour preparer les peaux & en faire la chauflure & des véfemens. Ils portent Ja barbe de la longueur de deux doigts, un habit en tunique, qui detcend jufqu'aux genoux ; coefTez d'un bonnet pyramidal d'une hauteur exceflive; chauiTés d'une bottine qui leur cache toute la jmibe; toujours armés d'un bacon ferré. Leurs femmes fonr enfermées. Ils aiment la guerre & la font prefque toujours å des nations qui ne leur cédent ni en puiiLmce, ni en force?, S'ils en rencontrent des troupes errantes, infétieures , ils croiroient faire un crime de les attaquer. La riviére de ces deux peupies def-cend toujours vers le couchant. Les Mozeemleks méprifoient fort les Gnacfitares, comme des barbåres & des brutes , quoique l'Auteur n'ait jamais vu de Sauvages d'aufli bon fens, fi traitables, ni fi accommodans : mais les Mozeemleks étoient fi polis & fi honnétes, qu'on les auroit pris pour des Francois. Il repréfenté la ligure d'une médaille de Tahuglauks , de cuivre rouge. Selon fa carte la riviére longue coule toujours fous le quarante-fixieme degré, depuis I'Oueft en hgne drote; tomme enfuite celle des Mozeemleks ters I'Oueft auffi au quarante - neufvieme degré. 11 place le com men cement de la riviére longue, comme on l'a dit, a deux cent huitante-fix de longitude; les bornes occidentales des Gnacfitares a deux cent cinquante-huit.; les villages des Mozeemleks å environ deux cent cinquante ; la fource de ieur riviére , prefque å deux cent foixante deux; la chaine des montagnes coupée par ie Laut, & le bas de la carte a cinquante-un, defcend Sud, enfuite Sud - Ouelt; de - lå encore Sud3 & enfin Sud - Oueft & Ouefi. On trouve fur fa carte l'embouchure d'une riviére dans le M flifi-pi, du coté de I'Oueft, a cinquante & un degrés , qu'il nomme riviére d'Afcious: on ne peut douter qu'il n'ait du dire, des Sioux, ii remarque lur les nations qu'il a trouvées fur la route , que plus il avoit avancé å l Ouefi , & plus elles étoient policées j & que depuis les ElTanapés , le Calumet n'avoit plus lieu. Nous Nous allons voir a préfent ou ces diftances nous conduifent: Pré-nons - nous y de différente maniere pour former ces calcuk M. D, L. G. D. C. trouve que la Hontan a employé cinquante-fept jours pour remonter la riviére longue , jufqu'aux Gnacfitares» & trente-cinq jours pour redefcendre. En égalifant un nombre avec l'autre, nous aurons quarante-fix jours, qui, å dix Ueues, font quatre cent foixante lieu£s. Confervons feulement la diftance donnée fur la carte, qui eft jufqu'aux bornes des Gnacfitares contre les Mozeemleks, de quatre cent lieues. De-la jufqu'au lac des Tahuglauks, cent cinquante lieues. Ce lac, de trois cent lieues de tour fur trente de large, devroit donner cent lieues de long : n'en comptons que quatre - vingt; voila déja fix cent & trente Jieue"s. Nous avons dit qu'au quarante-fixteme degré on ne devroit compter qu'environ quatorze lieues pour le degré. Si nous comptions les vingt en entier, nous aurions trente & un degrés & demi. Ainfi, déduits de deux cent huitante - fix , qui eft la plus forte longitude qu'on donne dans aucune carte. Refte-roient toujours deux cent cinquante quatre degrés & demi ; ce qui portero;t au beau milieu dc la mer de I'Oueft. Cette mer eft, dit-on, la méme que le lac des Tahuglauks. Mais il n'y a pat la moindre relTemblance. On veut que Fuca y ait nav;gé plus de vingt jours, toujours au Nord & Nord Eft , fans trouver de fin. Cependant ce lac n'a que trente lieu& de large; & l'entrée du lac en auroit quarante. On a fit quelle étoit fa circonlerence : avec cela Fuca n'a vu aucune, ni des grandes, ni des petites villes. Remarquons encore d'autres faits importans. Les Tahuglauks font la guerre å d'autres peupies, qui ne leur cédent, ni en puilfancc , ni en forces; & quoique leur nombre foit comparé aux feuilles des arbres, ils trouvent cependant des peupies plus å I'Oueft , qui ne font pas moins nombreux. Il faut done que le Continent s'étendc encore bien loin. On doit aufii oblérver que la Hontan ne dit point, que la riviére ait communication avec la mer depuis ce grand lac : mais on doit croire qu'elle y palTe & va toujours a I'Oueft. Elle ré-pondroit alors aiTez pour la latitude å celle que M. Muller place a quarante-cinq degrés: mais å deux cent quarante-fix ou deux cent quarante.fept de longitude, & qu'il fait fortir du lac Ouinipigon, entre DE L' AMERIQ.UE. if 3 entre le quarante - feptieme degré & demi, & le cinquantieme de latitude, qui fauroit d'autant moins étre celui des Tahuglauks, que celui -lå eft a l'Eft & celui-ci a I'Oueft de la chaine de montagnes; fans compter que fur le premier il y a le fort Maurepas, & que les environs devroient étre connus des Francois. 11 fe peut qu'on ait voulu concilier ces contradictions, puifqu'on varie fi fort dans les longitudes & les latitudes; la ca.te tracée par Ouagach donnant toute liberté de le faire; cependant cette conciiiation eft impoflible, fi le lac des Tahuglauks eft å environ quarante-cinq degrés de latitude, & au Sud du fleuve de Miflifipi; par contre tcus ces- lacs å fon Nord. Et pour la longitude il n'y a pas la moindre conciiiation å efperer, lorfque le dernier de ces lacs , l'Ouinipigon doit fe trouver a deux cent feptante - cinq degrés. Et celui des Tahuglauks ne fauroit étre qu'au deux cent quarante-cinq å deux cent cinquante, en donnant plus qu'on ne fauroit accorder. Que fera-ce, fi on rédutt ces fix cent trente lieues en degrés de quatorze lieues , comme elles doivent l'étre inconteftabiement a cette latitude ? Elles feront quarante cinq degrés ; & le bout occidental du lac des Tahuglauks viendroit au deux cent quarante - unie-me degrc de longitude, vers l'entrée de Fuca; & les nations plus éloignées dans la pleine mer, qu'on fuppofe a fon Oueft 8c Sud-Oueft. Mais fi on peut s'en tenir aux aneiennes cartes, il fe trouvera vers le Royaume de Tolm , ou dans le pays de Teguaio, fi fort avancé vers PEft dans les nouvelles cartes; les douze degrés de diftance entre le nouveau Mexique & les Gnacfitares y conduifent & feroient les huitante tafous> 8c encore plus les huitante lieues entre ceux*ct & les Sauvages voifins des Efpagnols. Pour fortiner nos conjedures , examinons les relations que Mr. Buache méme donne, pour s'en fervir a appuyer l'opinion contraire. Il insére dans fon ouvrage le Memoire de M. Guillaume Delisle, qui foutient comme une chofe avérée , 8c connue, que 'Quivira eft au Nord, ou au Nord-Eft du nouveau Mexique. 11 dit méme que Vafquez Coronat.fit fa route au Nord-Eft. j'ai fais voir le contraire. Dans fa carte comme dans toutes les andsnncs s Quivira eft tout pres du cap Mendocin & dans fa re- V lation lafion i! eft dit qu'on fit un voyage dc deux cent & vingt mille pil, depuis Cicuica qui eft a fon Eft , & pourrant a I'Oueft ou Nord-Oueft de la Californie ; & par ces aneiennes cartes on voit qu'en effet Quivira étoit fituée fur la mer , mais fur la mer pacifique. Il n'eft douc pas néceffaire d'en forger une nouvelle pour l'y placer. D'ou vient que ni les Efpagnols du nouveau Mexique , des environs de Santa Fé, ni les Francois par les Padoucas, par les Sioux , par les Canfez, par les Afiinipogls, lefquels, felon les nouvelles car* tes, font voifins de cette prétendue mer de I'Oueft & grands coureurs ; qui, felon Charlevoix ne fe font pas une afFaire d'une courfe de fept a huit cent lieues, n'en ont rien appris? 11 paroit qu'il y a une certaine fctalité qui empéche qu'on ne fufie plus aucune attention aux relations des premiers navigateurs, & qu'on veuille fe repaitre de chiméres å leur place : ce qui ne peut qu'étre infiniment préjudiciable aux progrés de la Géographie. J'aurat toujours pour maxime de comparer les découvertes nouvelles & authentiques avec les aneiennes, pour cortiger les unes par les autres. Quivira étoit fituée a I'Oueft de la Californie; le nom, peut-étre méme le bourg, & une partic du pays de ce nom , auront difparu , & alors chacun aura fuivi fon imagination. Selon d'Acofta la mer la plus proche de Cevola en eft a cent cinquante lieues; on voit bien qu'il ne parle pas de la nouvelle mer de I'Oueft qui en eft plus proche ; & s'ils font allé chercher des cuirs de boeufs dans des plaines > proche un grand lac, vers le Nord, ce fera celui des fept nations, feptem civitatum, qui dans les aneiennes cartes, eft au Nord de Cevola; car pour une mer plus valte, Antoine d'Efpeio a dit expreffement dans fa relation de i?82. qu'a foixante journées, & non å huit, il y avoit un grand lac: fi c'eft une mer interne, ou TOcéan , c eft ce qu'on ignore. A foixante journées, dis-je, ou pour le moins fix cent lieues de Cevola, il y avoit un grane lac , fur la rive duquel il y avoit plufieurs bourga-dcs. Cevola eft au trente-quatre, ou au trente-feptieme degré (fl) au ' * ) On donne de fi divers noms å Rio d'Efperanza, Rio Azul, Rio de fi"1' cette riviére, qui fe jette dans le Colora- Rio de Cotal > Rio Tipjna &c. On en fc* ro , & on les mulciplie tant qu'on ne deux. trois , quatre rivieres dificreotes, hc fait qu'en Fairc ; Rio de los Apoftolos, Rio Colorado au Sud de Rio Azul. Qu'on cherche ce lac å fix cent lieues ou l'on voudra , on ne trouvera pas cette mer de I'Oueft ou de Quivira, Au Nord i! faudroit venir jufqu'a la hauteur de foixante - quatre ou foixante huit degrés; il n'y en a que dix ou douze jufqu'a la prétendue mer de I'Oueft. Au Nord-Oueft cela eft poffible , ne dou-tant pas que depuis le deux cent ou deux cent foixantieme il n'y ait encore beaucoup de grands lacs inconnus. Peut-étre fera-cc le Michinipi ou lac des Aflinipoels , qui eft réellement un grand lac, dont les bords font fertiles & bien peuplés, dans un climat doux , & qui eft éloigné de Cevola d'environ trente degrés. Mais alors il faut encore abandonner la mer de I'Oueft, de nouvelle création Si on la cherchou a I'Oueft, ou au Noid-Oueft, il faudroit bien reculer les cotes, qu'on a.placées au deux cent cinquantieme degré, & fe omformer aux aneiennes cartes; d'autant plus qu'alors il faudroit réduire Ia méfure du degré feion la latitude, qu'on fuivroit pour aller vers I'Oueft. On comprend pourtant qu'il devoit fe trouver vers le Nord; car d'Efpeio s'ét mt avancé fort loin le long du Rio Colorado, ou bien Rio del Norce u nouveau Mexique, plus il avanca, & plus il entendit parler de ce grand lac ; ce qui me confirme dans l'idée que c'eft le Michinipi. A fon dernier terme, qu'il n'indique pas, on l'af-fura qu'a peu de diftance il y avoit une grande riviére qui fe jettoit dans la mer du Nord: ce fera la méme dont on avoit déja connoiflance du tems des premieres découvertes , & qui fe trouve fur les cartes d'Acofta. D. Juan d'Ognate découvrit en 1602. le lac Conibas, & une ville, dit-il , de fept lieues de iong & dtux de large. N'aura-t-il pas été au lac des Tahuglauks, & prit pour une feule ville les fix grandes villes qui s'y trouvent , vers l'embouchure de la riviére de I'Oueft ? mais enfin ce n'eft pas la encore la mer de I'Oueft de Fuca. Je ne fais, fi je dois toucher la relation de Purchas ( a ) fur les Angiois de. la Virginie, & de Dermer: elle eft du calibre des autres de fa facon. 11 eft poflible que les Sauvages au midi*& å l'Occident de ce pays, ont parlé d'un grand lac; mais il faudroit vouloir s'aveugler pour croire qu'ils ont voulu parler de la mer de TOueft. V a Les ( a ) p, af. if* PARTIES SEPTENTRIONALES Les peupies fltués k deux cent nonante degrés de longitude, & å trente-cinq ou quarante de latitude en ont connoilTance , & les Francois du Canada & de la Louifiane , méme ceux qui , avec M. de Bourgmont , ont été chez les Padoucas å deux cent quarante - cinq degrés de longitude, peuple nombreux , qui s'étend , on ne fait h quelle diftance, vers I'Oueft , l'ignorent parfaitement. Quel conte ! Les trois lacs Huron, Michigan 8c fupérieur, qui n'en font prefque qu'un feul, ne conviennent-ils pas mieux å cette connoiflance des habitans de la Virginie, qui en font peu élosgnés ? Je fuppofe que les Nipirifiiniens foient a la diftance de la mer de I'Oueft, telle qu'on a trouvé å propos de la placer; qut font les peupies qui y abordent par mer? S'ils viennent du Nord, on auroit du avoir des nouvelles de cette découverte de de Fonte , puifqu'on a voulu afligner cette place å ces pays: de I'Oueft, il eft impoflible : on a laiffé fi peu d'efpace entre les deux mers , qu'on ne peut y fuppofer de grandes nations: par l'Océan , encore moins. Ni les Efpagnols , ni les Rufiiens, ni les Chinois, ni les Japonnois ne font ce commerce; 8c les Sauvages ont des canots, tout au plus des pi-rogues, 8c non de grands vaifleaux. Le rapport de Purchas, de ce que la nation neutre & les habitans de la pointe occidentale du lac Supérieur difent , ne mérite pas qu'on s'y arréte. Depuis cent a cent 8c vingt ans, que les Francois ont pouffé toujours plus loin leurs découvertes, n'auroient - ils pas eu connoilTance de cette mer ? Entre les divers lacs marqués par Ochagach, n'eft - il pas aifé d'en choifir un, pour en faire celui dont ces Sauvages parloient ? La relation du P. Marquette, ne répond-elle pas a celle de la Hontan ? La rivie're de I'Oueft fe jette dans le lac des Tahuglauks, qui ont des vaifleaux de deux cents pieds de long. Il faut toujours y revenir, Ces hommes vétus, barbus, qui viennent dans de gros vaifleaux , ne font ni Européens, ni Afiatiques, mais des peuplev civilifés de l'Amérique , que nous ne connoiffons pas encore. La relation du P. Dablon (a ) eft de méme nature; & je ne cef-iérai de repeter que tous les lacs de trois , quatre , cinq å lix cent lieue* (Op. 3*. DE L' AMERIQ.UE. 2T7 Heués de tour, font fans contrcdit dc grands lacs , & qu'on a tort de vouloir prendre pour l'Océan, ou une partie de l'Océan, tous les lacs que les Sauvages nomment grands. Cet écdvain prétend que les Nadoucflis font au bout du monde«. . & qu'il n'y a plus vers l'Occident que les Karezi: mais les nouvelles cartes, les découvertes les plus récentes & méme les Nadouefioux , ou Sioux difent le contraire; car la terre coupée veut dire un détroit, & c'eft celui d'Anian dont il s'agit, qui méme, felon ces mémes cartes , feroit toujours vers le deux cent & cinquiéme degré. On triomphe de ce lac d'eau puante, qui, dit-on , ne peut étre que POcéan. Mais combien ny a-t-il pas de lacs, ou mers internes , dont l'eau eft falée ? A vingt journées ou deux cent lieues du Miflifipi , dit-on enca-sre, il y a une nation qui a commerce avec une autre, dont elle tire des iiaches; ce n'eft point la une preuve de Pexiftence de la mer de i'Oueft. Les Tahuglauks pouvoient en fournir. Ce que le P. Zcnobc dit, qu'au-delå des montagnes , ou les rivieres prennent leur fource, il y a un lac, eft encore conforme au recit de la Hontan , de méme que la relation de M. le Sueur. Quand méme la Hontan ne parle point de fortereffe , il eft probable que des gens aufli ingénieux & aufli guerriers que les Tahuglauks, fe fe« cont fortifiés: les plus Sauvages le font par des paliflades , & les au-fcres chacun å proportion de fon génie inventif. D'ailleurs, prefque toutes les preuves qu'on employe ne fervent qu'å établir la réalité d'iK ne riviére de I'Oueft. Je la nie fi peu , que je foutiens qu'il y en a plufieurs, &, felon les apparences , en grand nombre méme. Je pria enfin le lecfeur d'oblerver que toutes les relations qu'on peut nous oppofer font des années 1632. å 1670. Cependant dans les cartes de M. Sanføn le fils méme, publiées en i6"83- for les relations les plus nouvelles, le lac Supérieur, le Michigan & tous les pays å leur Oueft, ne font pas déterminés: Comment done aura« t-on eu connoiflance des pays & des lacs fitués a quatre cent lieues au-dela? On remarque méme, qu'on n'avoit aucune connoiflance de l'exiftence du fleuve Miflifipi, qui eft fi proche. On ne doit done pas faire le moindre fond fur ces relations pour des pays fi éloignés. V 3 "°'t - Les Panis de M. le Sueur (a) font marqués fur la carte de IVL Delisle t comme habitans les Rives du MiflTouri, entre le Canfez å PEft & les Padoucas å POueft. D'ou vient que ces Panis qui ne font qu'une tres petite nation , parlent de cette riviére de POueft , & que les Padoucas, qui forment un peuple tres nombreux & fort éten-du vers POueft, n'en difent mot? D'ou vient encore que M. Delisle ne la marque pas? Cependant M. de Bourgmont allant des Canfez aux Padoucas , & méme deux fois de fuite , avec nombre de fes gens, devoit y pafter. Quant au P. Hemiepin , ce que M, Delisle en rapporte ne vaut pas la peine d'en parler , mais bien ce qu'il omet, & que nous allons fuppléer. Dans fa relation du Miflifipi ii prétend prouver que le détroit d'Anian eft une pure chimére : voici comment il s'y prend. Etant chez les lflati, les mémes que les Sioux , qu'il place au cinquante- deuxieme degré ; mettons - Jes au cinquantieme , & a deux cent huitante de longitude , ii y vit arriver en ambaflade des Sauvages de I'Oueft, de plus de cinq cent lieues; & pour le prouver il dit qu'ils ont marché pendant quatre lunes fans fe repofer que pour dormir & pour tuer dequoi manger. 11 a raifon de dire plus de cinq cent lieues. J'ai dis qu'on compte les journées de matche des Sauvages a dix lieues: il y en a qui en font jufqu'a vingt - cinq> N'en comptons que fept lieues par jour; cela fera pour tout le voyage huit cent quarante lieues. Mettons huit cent : le degré å cette hauteur eft de douze HeuCs quarante-huit minutes; ce qui feroit foixante-deux degrés & demi; déduits de deux cent huitante, reften? deux cent & quinze degrés & demi. Mais fuppofons les cinq cenfc lieues feulement, cela fera prefque quarante degrés , & viendra au deux cent quarantieme degré. Mais il y a plus; ils difoient que les nations qui babitent plus å VOueft, ont un pays de prairies & de campagnes immenfes, coupées de rivieres, qui viennent du Nord : ajoutant que dans tout leur voyage ils n'ont paffe aucun grand lac (b), Que pag. 30. feurs , lorfqu'il parle de ces prairies Sc f & ) tø. Guillaume Delisle aura été de de ces campagnes des Nadouefi* ■ au cin-eet avis, & non 'étendent prefque jufques fur les bords orientaux de cette mer : cependant ils difent qu'il y a bien loin de leur pays & celui-lå, & que l'on paffe chez quantité de nations inconnues aux Francois. Que veut dire , bien loin , chez ces peupies , qui regardent un voyage de fept k huit cent lieues, comme peu dc chofe? Ceci ne revicnt - il pas plutot a la diftance des mille lieué*s , dont il eft parlé ci-deflus? Sur tout lorfqu'ils parlent encore de quantité de nations fituées entr'eux & cette mer , fur laquelle ils trouvent des hommes barbus avec des bonnets , qui ramaffent de la poudre d'or fur le bord de la mer, Voitø done une mer, qui n'eft, ni l'Océan , ni la prétendue mer de i'Oueft. Elle fera fans doute å cinquante ou cinquante-cinq degrés ou environ de latitude, & deux cent vingt ou deux cent trente de longitude. Nous trouvons ainfi déja quatre nations civiltfées & différentes, que les relations des Sauvages nous font connoitre. i °. Celle dc Moncacht-Apé , qui tiennent quelque chofe des Chinois, ou des Japonnois, mais qui couvrent kur tete d'une efpéce de turban ; ce qui ne convient, ni aux uns, ni aux autres de ceux qui habitent encore la Chine <& le Japon, lefquels vont , ou la tete nue, ou ont des efpéces de chapeaux. V. Les tetes pelées, qui en different, 3°, Les Tahuglauks , qui ont des bonnets en pyramide d'une hauteur démélurée. Et enfin 4*. ces hommes barbus , qui portent des bonnets. Si i'on confidére tout ceci , & que tous les Sauvages qui parlent de ces pays vers I'Oueft, font mention d'une étendue im« menfe , & de peupies innombrablej., on ne pourra douter qu'il n'y ait aufli des lacs & des rivieres fans nombre, enfin , que nous ne conuouTons que la moindre partie de l'Amérique feptentrionale , & la moins intéreflante. Les découvertes faites depuis environ 1740* (O font tn effet X 3 clignei dignes de toute notre attention , & elles prouvcnt mon fyftéme, de cette quantité de lacs & de rivieres inconnus jufques ici. La riviére de Pofcoyac ( a ) eft nommée grande riviére. Les Sauvages di-foient tous (tune voix, qu'elle venoit de bien loin , d'une hauteur de terre , ou il y avoit des montagnes fort hautes, & qu'ils avoient connoiilance d'un grand lac de l'autre coté des montagnes, dont on ne pouvoit boire l'eau. M. Buache marque la decharge de Pofcoyac dans le lac Bourbon å deux cent foixante-neuf degrés de longitude. Les mouragnes d'ou elle fort å prefque deux cent foixante quatre. Ainfi ce bien loin des Sauvages , qui devoit étre du moins de cinq a fix cent lieues» fc réduit å cinq degrés, qui å cette hauteur font environ foixante-trois lieues. Qu'on en juge. Examinons les diftances données par la risiére St. Charles. On doft la remonter depuis le lac Ouinipigon cent & vingt lieues. Mettons neuf degrés , ou, a caufe qu'elle va un peu Sud - Oueft , feulement; huit degrés. Comptons - la depuis l'endroit, ou, felon la carte, elle fe jette dans la riviére rouge, quoique la relation dife dans le lac : nous ferons å deux cent feptante degrés & demi. De - la il faut traverfer des terres trente å quarante lieues par quantité de nations; & alors on fera en effet auprés des montagnes marquées fur la carte Au - delk chez les Ouachipouanet, on trouve une riviére qui court å i'Oncft. L'Auteur en conclud qu'elle fe jette dans la mer de i'Oueft, & que par conféquent cette mer exifte. Je ne vois pourtant pas que la relation en parle. Il eft clair quelle fe decharge quelque part dans un grand lac : mais que ce foit dans la mer imagmaire de I'Oueft, je n'y vois nulle apparence , puifque ce grand lac n'eft pas bien loin, A qu'une riviére auffi celebre que l'eft ie Pofcoyac , ne le devient pas * fa fource, mais feulement lorfqu'elle a couru un couple de cent lieues. Amfi tout contredit å la conféquence, & a ce que M. Buache voudroit prouver par ce fait. Nous voyons que, par la lati* *ude, cette riviére de I'Oueft doit étre celle dont parle la Hontan; c'ell pourquoi nous l'avons tracée ainfi fur nøtre carte. Selofl ( « ) pag. 4o. DE V A M E R I a U E. É9f Sdon M. Jeremie ( fi ) , les Sauvages des environs de Ia baye de Hudfon, åitent qu'aprés avoir voyage plufieurs mois Oueft-Sud-Oueft, ils ont trouvé la mer , grand lac, fur laquelle ils ont vu de grands canots, avec des hommes, qui ont de la barbe & qui rsmallent de l'or fur le bord de la mer, c'eft-a-dire å l'embouchure des rivieres j que par la riviére du Cerf, qui tombe dans le lac Tecamiouen , on peut aller joindre une autre riviére qui coule a 1'Oueft. 11 allure qu'il a fait lui - méme tout fon pofliblc, pour envoyer des Sauvages de ce c6té, pour découvrir la mer, mais qu'ils avoient guerre avec une nation qui leur barroit le pa flage; que des prifonnitrs faits fur cette nation ennemie difoient avoir guerre avec une autre nation encore plus éloignée vers I'Oueft, qui avoit pour voifins des hommes barbus, qui fe fortifient avec des pierres & fc logent dans des mai-fons ; que ces hommes ne font pas habillés comme eux , & fe fer-vent de chaudiéres blanches. M. Jeremie leur montra une tafle d-ar-gent, & ils dirent que c'étoit de ce métal dont ils parloient. Voyons fi cette preuve vaut mieux que les precédentes. On ne fait précifément de quels environs de la baye de Hudfon M. Jeremie parle. Il fait mention du lac des Aflinipoéls, duquel il dit que dans fes environs on trouve un climat fort tempere, & un pays tres fertile. On pourroit fuppofer avec raifon que ce font les Aflinipoels , grands coureurs & bons guerriers , qui lut ont fait ce recit. Mais pofons que ce foient les Sauvages å 1'Oueft du fort Bourbon ou Nelfon , a environ deux cent feptante degrés de longitude, & foixante-deux de latitude , qui lui en ayent donné connoilTance. Ils marchent plufieurs mois vers 1'Oueft-Nord-Oueft avant que de trouver la mer. Ne mettons que cent jours , cela feroit mille lieué's; & les bords les plus feptentrionaux & orientaux, feion la carte de M. Buache, font a environ deux cent foixante-trois de longitude, & cinquante - trois de latitude. Le moyen nombre de latitude eft cinquante - fept degrés & demi, & alors Je degré eft d'un peu moins de dix lieues & demie. Comment peut - on prétendre que ce foit cette mer de 1'Oueft, éloignée de dix - fept degrés, ou environ cent nonante - cinq lieues, Outre tre que les prifonniers parlérent d'autres nations entr'eux & celles qui demeurent fur cette mer, ou grand lac, & comme placés a I'Oueft & non au Nord-Oueft: ce qui eft tres probable. Réduifons ces plufieurs mois å deux feulement. Réduifons méme ces foixante jours de marche a huit lieuéspar jour, nous aurons toujours quatre cent huitante lieue"s , qui nous ménent bien au-dela de cette prétendue mer de I'Oueft, On voit bien que c'eft la méme mer dont parlent les Sioux. Tout eft conforme dans les deux relations. Elles parlent l'une & l'autre d'hommes barbus, qui amaflfent de l'or fur les bords de la mer. Les Sioux difent encore qu'il y a bien loin, & que l'on pafle chez quantité de nations mconnues aux Francois : au lieu que fur la carte on ne voit que les Sioux , les Criftinaux, quelques Aflinipoels , tout des peupies qui ne leur font point inconnus; a moins qu'on ne veuille placer cette quantité de nations nombreufes & guerrieres dans l'efpace dc trente ou quarante lieugs marqué entre les chaines des montagnes & la mer de I'Oueft. Ceux de. la baye dc Hudfon parlent d'un voyage de plufieurs mois, d'une nation avec laquelle ils étoient en guerrc ; celle-ci d'une feconde qui avoit guerre avec une troifieme plus a I'Oueft : & celle - ci feulement avoit pour voifins les hommes barbus, fans qu'ils parlent eux mémes de la mer. On voit done que cette mer eft d'un éloignement extréme, & doit conduire dans une contrée vers le deux cent & vingtieme degré , & au-delå, de Ion-gitude. il y a apparence que ces hommes barbus ont pour voifins plus k I'Oueft, quelque autre nation puiflantc & guerriere, contre laquelle ils fe fortifient avec des pierres : on n'en fauroit douter lorfqu'on lit la relation fur la terre a 1'oppofite du cap des Tzchutzki » ou M. Muller dit que les peupies font moins barbåres que ces Tzchutzki; qu'ils font des meubles, cntr'autres de gros plats de bois; que chez eux il y a une grande riviére , qui fe jette de ce coté dans la mer; que cette nation fe fortifie &c. 11 faut done qu'elle ait a fon Eft une nation puilfante, qu'elle craint, & je fuppofc celle-ci, entre les voifins des Tzchutzki , & la mer ou grand lac , dont les céV £es font apparemment habitées par ces hommes barbus. On pourra done croire que tout ce continent eft bien peuple & rempli de grands lacs» lacs, mais non dc ceux dont la fable de dc Fonte parle; n'y ayant au-cunc reffemblance entre Pun & l'autre. On trouve a la page 4.2. uue nouvelle preuve, fuivant Ellis , en faveur de la mer de I'Oueft. Les Sauvages qui viennent aux Faåo-ries Angfojfes du c6té du Sud, aflurent unanimément, qu'il y a une mer a peu de difhnce de leur pays, vers le coucher du Soleil, fur laquelle ils ont vu des vaifleaux avec des hommes qui avoient de grandes barbes, Ce fait eft tres fingulier. Ces nations ne faUroient étre que des Criftinaux, des Aflinipoéis , ou les Sonkaskitons, les Ooadbatons , les Atintons, dont on connoit a peine les noms; ou les Efquimaux, qui font peu commercans & tres féroecs. Ces nations - la , dis - je , parlent d'une mer, difons toujours , d'un grand lac, å peu de diftance de leur pays; comme en effet il y en a grand nombre, Cependant ce doit étre le méme , que d'autres difent qu'on ne rencontre qu'aprés plulieurs moii de marche , & auxquels l'on n'arrive qu'apiés avoir traverfé nombre dc peupies inconnut. Or qui ne voit que ce grand lac nc fauroit-étre que lc Michinipi , dont les bords & les isles doivenc étre habités par des nations civilifées & riches ? 11 faut avouer que le befoin d'un fyftéme chéri fait fouvent digérer les plus grandes abfurdités. Ellis dit encore, que le fel qu'ils ont apporté venoit dc cette mer, ou la chaleur du foleil le forme fur les rochers. Que penfer de cette circonftance ? 11 faut que cette mer fc trouve d'un autre c6cé que la précédente & bien au Sud dc ce pays fi froid , comme chacuti le fait: Alors elle ne fera pas å peu de diftance , comme l'aflurent ces prétendus Sauvages. Si l'on dit que cette expreflion doit-étre prife dans lc fens ordinaire des Sauvages, qui regardent un voyage de quatre a cinq cent lieues comme peu de chofe, il faut regler aufli en conféquence cette diftance lorfqu'ils difent qu'il eft bien loin, & qu'ils parlent d'un voyage de plufieurs mois. La derniere & quatorzieme preuve que M. Buache employe pour établir cette prétendue mer de I'Oueft, parle de nouveau d'un voyage de plufieurs mois jufqu'a la mer des hommes barbus , qu\ pottent des bonnets 8c amalfent de l'or. Et dens le méme article on Y parle parle d'une mer å I'Oueft éloignée de vingt - cinq journées de Churchill, d'ou l'on conclud l'exiftence de la méme mer å vingt-cinq, foixante, cent journées de diftance; n'importe, cela prouve toujours la méme mer: &, ce qu'il y a de fingulier, c'eft qu'on ajoute que les peupies méridionaux parlent de leurs voifins, & les feptentrionaux d'une mer. La prétendue mer de I'Oueft eft fituée fur les cåtes mé« ridionales de la partie du Continent au deflus de la Californie; les peupies Septentrionaux habitent vers les cotes oppofées, au Nord du Continent: cependant ceux-ci connoiflent la mer de I'Oueft, qui eft inconnue aux peupies du Sud , qui ne parlent que de tous leurs voifins: preuve admirable pour conftater la mer de I'Oueft! Je crois qu'on ne me faura pas mauvais gré, fi j'explique plus au long mes idées fur les peupies civilifés inconnus de ce vafte Continent de l'Amérique feptentrionale. On jugera facilement par ce que j'en ai déja dis en paflant, que je le crois habité par des peupies in-nombrables, parmi lefquels plufieurs font tres civiliféi. Nous avons indiqué quatre de ces peupies tres diftincls les uns des autres , & il ne faut pas douter qu'il ne s'y en trouve d'avantage. Quelques-uns aflurent que fur le grand lac des Miftaflins au Nord du fleuve S. Laurent, & å l'Eft du fond de la baye de Hudfon , lac qui fe trouve fur toutes les cartes, excepté fur les plus nouvelles; que dis-je , aux environs de ce lac, & dans les pays voifins, fe trouvent aufli des peupies civilifez. Le Baron de la Hontan dit, qu'il avoit trouvé les Eokoros fur la partie orientale du Miflifipi, & alliés des Outagamis, au cåté op-pofé, moins Sauvages que tous les autres qu'il avoit vus ; que les ElTanapés l'étoient encore moins; que les Gnacfitares les furpaflbient en politefle ; que les Mozeemleks regardoient ceux - ci encore comme barbåres; Sc que ceux-ci paroiffbient étre furpaffés par les Tahuglauks L'expérience de tous les fiécles 8c de tous les lieux prouve qu'il en eft toujours de méme. La barbarie augmentc & diminue chez les peupies de diftance en diftince. Nous voyons que les E£» quimaux, les Caraibes &c. qui font le plus éloignés vers l'Eft, font les plus barbåres. On doit done juger que depuis les Tahuglauks 9 il y a beaucoup de nations qui le font plus ou moins: la relation de DE L* AMÉRIQUE. tyt de Moncacht Apé le prouve. Et fi on veut rejetter fon tcmoignage & celui de la Hontan, on admettra pourtant la relation qu'on a donnée des tetes pelées & des hommes barbus, de méme que de Ceux qui vendoient déja du tems d'blpejo aux habitans du Nord du nouveau Mexique , des marchandifes inconnues aux Sauvages. Et M. de Bourgmont a aufli trouvé les nations plus douces, polies & in-génieufes a mefure qu'il s'eft avancé vers 1 Oueft: ce qui ne donne pas pi u de poids a la relation de la Hontan. Nous fa vons encore que les Ch chimecas , Sauvages des plus bar-bires, étoient les habitans originaires du Mexique; ils ont été chaf-fés par les Navatlacas, fortis du nouveau Mtxique, qui étoient moins bat bares. Ils hufoient fept nations, & vinrent apparemment de l'endroit au Nord du nouveau Mtxique, ou les aneiennes cartes piacent un lac , & ce qu'ils nomment feptem civitatum patria , & ou dans les fuivanres ont placé å peu pres les Moqui. Six nations vinrent les unes aprés les autres; la premiere environ l'an 800. de l'Ete Chré-tienne. Trois cent & vingt ans aprés la fortie des fix nations vinrent les Méxicains. Toutes ont refté longues années en chemin, & ve-noient, felon quelques uns, du Nord Oueft du nouveau Mexique (a). Ces derniers étant encore plus polices que les premieres fix nations , devoient done fortir d'un peuple qui ne l'étoit pas moins. 11 y a toute apparence que la grande fécondité y a fouvent expulfé des elTaims de peupies , comme ailleur«. On fait que ceci eft arrivé entr'autres thez les peupies feprentrionaux de l'Afie & de l'Europe, avant & aprés l'Ere Chrétienne; ou bien ils ont été pouffes par des nations plus puiflantes qui les ont obligés a chercher de nouvelles demeures. Peut-étre que l'une & l'autre caufe y a eu part. Qu'on ne dife pas , l'Amérique eft peuplée de barbåres; par conféquent les penpies civilifés font venus d'ailleurs. Ne fortons-nous pas tous de la méme fouche ? La raifon, le génie, ne font - ils pas le ( O On pourra done juger que leur le Mexique; å moins que les anciens dé» premiere (atric fut le pays des H-hug- couvreurs n'ayent entendu par cc demici kuiks, & de-lå le dit lac des fept na. lag ctlui méme des Tahuglauks, tions s d'ou enfin elles fout entrées duns Y % le partage de tous les hommes, du plus au moins ? Il ne s'agit que de la culture, comme de celle des terres. Nous voyons méme par les hiftoires aneiennes, que les terres les plus fertiles font devenues ftériles faute de culture, & auffi le contraire par une bonne culture, Les Chinob qui font fi ingénieux & fi laborieux ne font pas une colonie étrangére : ils ont eu plufieurs inventions, comme celles de la poudre å canon , de l'Impriinerie &c. avant les Européens. Les Peruviens, avant farrivée des Incas, étoient aufli brutes que les Tro-glodites : cependant on voyoit dans leur pays d'anciens édifices, qui valoient bien tout ce qui faifoit I'admiration de l'antiquité en ce genre, fans pouvoir en découvrir les Auteurs. On fera done con-vaincu que des peupies entiers par des revolutions inconnues , font retombés dans la barbarie, de civilifés qu'ils étoient, & que d'autres en font fortis, & ont confervé leurs niceurs, & avancé dans les arts : Et nous devons croire que les Américains ne font pas les féuls qui ayent été privés de ces avantages de la nature. M. de Guignes voudroit infinuer que les Mexicains font d'origi-ne Chinoife , de méme que les derniers Peruviens. Qu'il me per mette de n'étre pas de fon avis. Il eft vrai que ces derniers reffemblent en bien des points aux Chinois: mais comment peut - on croire un moment qu'ils ayent fait le trajet immenfe par mer depuis la Chine au Pérou? Bien plus, on voit que la mer du Sud a été long-tems inconnue aux lncas, qui étoient venus de Pintérieur du Contirent, & qui ne font arrivés fur les bords qu'aprés l'an 1200, M. De Guignes ne trouve rien du voyage des Chinois aprés le cinquieme fiécle. D'ou feroient-ils done venus ? 11 avoue mere qu'ils alloient terre å terre , de la Chine au Japon, de - la au Jeflb, enfuite au Kamtfchatka , & enfin å l'Amérique ; & par tout ils employérent quatre ou fix fois plus de tems qu'il n'en faudroit a des mariniers Européens. Comment auroient-ils done traverfé cette mer? Encore pa-tience s'ils étoient venus du Pérou å la Chine , iU fe feroient rafrai-chis dans les isles , puifque les vents alifés les auroient favorifé : mais de faire le contraire, lorfque les Européens ne le hazardent qu'en tremblant a faire le trajet des Philippnes aux Marianes, & de la a Acapulco, &y employent des fix å fcpt mois. Qui pourroit penfer un moment que les Chinois emTent fait ce voyage , non feulement au Mexique, mais paffe la ligne, pour chercher le Pérou dont ils n'avoient pas la moindre idée. Credat Judæus Apella. Si fon difoit qu'ils ont cotoyé le Mexique & tous les pays fi-tues au-delå jufqu'au Pérou , je demanderois pourquoi l'on n'en trouve aucune trace? Pourquoi auroient-ils préferé un pays inconnu å des regions fertiles ou ils abordérent ? Pour ce qui regarde les Mexicains , la méme ratfon n'a pas lieu > mais une autre qui n'eft pas moins forte. Si ja mis il y a eu des peupies auffi differens en tout, pour la figure, les habillemens, les mceurs, la Religion &c. ce font les Chinois & les Mexicains. Qu'on obfervé feulement, je ne dirai pas leur langue, vu que je Pignore parfaitement , aufli bien que mes ledeurs ; mais les mots, les affem-blages bizarres des lettres, tant de terminaifons en huitl , le grand nombre de l, de doubles 11, de z, &c. dont on ne trouve de vet tige dans aucun autre langue. Tout ceci prouve qu'ils font Aborigé-nes, & nés dans l'Amérique. Si les Mexicains le font, la nation policée dont ils fortoient, devoit l'étre de méme. Celle-ci a pu changer , étant féparée depuis pres de mille ans des autres. Elle aura pu prendre d'autres mceurs » une autre langue, faire de nouvelles inventions différentes de celles des Mexicains, en oublier quelques - unes &c. L'hiftoire nous fom nit des exemples de cette nature. Ils ont pii fe meler , au moins quelques-uns, foit avec des voilins , foit avec des peupies qui les ont fubjugés. Je crois done que les hommes barbus, dont *on parle en diverfes contrées, å ce qu'il paroit, font d'anciens habitans polices de l'Amérique , & que les autres, les tetes pelées, & ceux de Mon-cacht-Apé, font des étrangers d'origine, ou mélés avec les naturela du pays. Quels étrangers? Je fuis dans ce point de l'opinion de M. dc Guignes , avec quelque difference. Je ne vois pas que les Auteurs Chinois difent précifément que le Foufang foit éloigné du Tahan de. vingt-mille lis, ou deux mille lieues par mer. Les Chinois abor-doient bien par mer en Amérique; mais il eft incertain fi de-lå ils ne fe rendoient pas dans une partic du Continent , ou du moins, Y 3 fi fi leurs defcendans ne s'enfoncérent pas plus avant dans le psys, & n'y formérent pas un établilfement indépendant. Peut • étre que ce fut dans le tems de leur établiiTement qu'ils pouflerent les ancétres des Mexiquains, & qu'une partie fut obligée de quitter fon anciennc påcrie pour chercher une nouvelle demeure. 11 eft poflible auffi que les Chinois ayent percé plus loin , & qu'alors ceux qu'ils chafTérent, Sauvages & autres, fe retirérent vers les bords de la mer , que les Chinois avoient quittés : ce qui ferviroit a expliquer fort naturelle-ment pou'quoi la communication entre les Chinois de la Chine & ceux de PA nérique a celTé. Les vaifleaux arrivés enfuite , ne trou-Vant plus leurs compatriotes, mais å leur place des étrangers Sauvages qui agiffoient en ennemis envers eux , auront cru les Chinois tous maffacrés, & fans doute ne revinrent plus. Ceux de l'Amérique, féparés de leurs anciens concitoyens & de toute nation poli- ée, auront confervé quelque chofe de leurs aneiennes mceuis & coutumes; ils en auront ajouté, ou changé d'autres; enfin dans Peipace de mille ans ils feront devenus tres differens des hibitans de la Chine , du moins å plufieurs égards. il n'eft pas douteux, que fi, felon M. de Guignes, ils ont fait conftamment route le long du Japon , plu-fi u'S de cette nation n'ayent pris parti avec eux ; que méme des Jonques de ceux ci ayant été jettées fur le rivage des Chinois Amelie i ins, en ont été bien accueilli* & incor pores dans la nation. De-la le mélange de refltmblance des uns & det au'res. II y a encore un fit å débouilfer, fi le recit de Moncacht Apé eft veritable ; c'tft Particle des arme«? å feu de ces gens , qui ve-noient enlcver des efclaves & du boi^ pour teindre, qui tft un bois jaunc, puant, nommé AIjc , dont les Sauvages fe fervent au méme ufage, fuivant M. le Page ( a ). Je crois avoir donné des raifons fuffifantes pour prouver que ce ne font pas de< étrangers, qui y viennent d'une ; utre partie du monde : mais d'ou tirent - ils la connoif-fance des armes a feu ? Je l'ignore. Hazardons cependant quelques «onjeåures fur ce fujet. Il eft poflible que l'ufage de ces armes eft plus ancien chez les Chi- (4) Tom. ii, p. ^ Chinois qu'on ne le fuppofe communément ( a ): Il eft méme dift> cile å croire que cette nation y ait commencé fes voyages feulement depuis l'an fio. ou v 2o. de n6tre Ere. Quand méme les Auteurs n'en parleroient plus dés cette époque, chacun jugeroit qu'une route qu'on repréfenté comme fréquentée par les Chinois au Foufang, oA ils faifoient un commerce avantageux , n'a été abandonnée qu'aprés plufieurs cataftrophes facheufes; & que méme aprés qu'elle a été abandonnée en general, il y a eu de tems k autres des gens plus hardis & plus avides de gain, qui auront voulu retrouver ce pays. Un de ces partis a done p& penetrer chez leurs anctens compatriotes , & leur apporter cette invention , s'its ne I'ont pas eue auparavant; & que ce fut alors qu'ils fe font rendus a leurs voifins plus redoutables que ja mai?. Si on ne veut pas adopter cette idée , il faudra croire qu'une nation policée en Amérique , a på inventer elle méme la poudre k canon & les moufquets. Le génie peut étre par tout le méme , & les hazards pas moins; puifque les Européens ont pA l'inventer fans ert avoir des modéles & le fecret des Chinois, qui en faifoient ufage long« tems avant eux ; D'autres nations ingénieufes n'ont pas eu un moindre privilége. Enfin, j'avoue que tout ce que je dis de ces nations civilifées qui habitent les parties feptentrionales & occidentales de l'Amérique, n'eft appuyé que fur des conjedtures, mais qui ne me paroiifent pas det tituées de probabilité. Je trouve dans les voyageurs tant de faits, tant de circonftances, que je ne faurois m'åter de l'efprit, qu'avec le tems on ne découvre dans ce Continent des nations tres nombreufes & civile ( a ) Selon les Auteurs Chinois 1'ufage de h poudre k canon, eft fi ancicn qu'on ne peut en defigner J'origine. II clt å préfutner que les armes k feu ont été inventées peu aprés, tout comme en Eu-cape. Quelques - uns y atttibuent l'inven-tion de la poudre , comme Von fait, au ftloine Berthold Schwartz en US«- D'autres aflurent qu'on s'eft fervi déja la mc arie année de canons: on veui que ceux tf Augsbourt »n ont eu en 137«* & qu'on s'en eft fervi for mer déja en n«;4 A la braille de Creci en les Angiois fe fervirent de fix canon« On veut qu'em iM8 on s'en étoit fervi contre des chateau x , & qu'un Moine Auguftin avoit in. vente la poudre en M|o De tout ceci je conclud que la poudre ayant été d'une telle ancienncté chez les Chinois , les armes å feu pouvoient bien avoir été en ufage chez eux du tems dc leurs voyages au Foufang. viiifées qui compofent des Royaurnes puiiTans. Les Francois me pa-roiflcnt beaucoup plus a portée ie Lee découvrir depuis la LouVfiane, qu'on ne l'a fait depuis le Canada : ils ont appris å connoitre les Miffburites, les Canfez, les Padoucas, nations, qui, å mon avis, ne font pas éloignées des premieres nations civilifées; puifque les Padoucas fe fervoient déja des chevaux couverts de pcaux pour aller å la chaffe, comme les Tahuglauks. Si done les Francois pouiToient vers la riviére, qu'ils nomment de St. Pierre, & que je crois étre la riviére longue de la Hontan ; qu'ils fuiviffent alors la méme route: ou fi, depuis les Padoucas, ils fuivoient & paffoient le Miflburi, comme a fait Moncacht - Apé, nous en faurions bientot des nouvelles. Je regarde le lac des Tintons comme un de ces lacs formes par la riviére longue, qui font repréfentés fur la carte de la Hontan; car je ne concois pas pourquoi on lui a donné le nom de lac des Tintons, en ajoutant Tintons errans. S'i!s font plus errans que les autres Sauvages, qui font des courfes de plufieurs centaines de lieues, je ne vois pas pourquoi l'on donne a un lac le nom d'une nation, qui n'y fait jamais fa demeure fixe. Avant que de quitter cette partie de l'Amérique , je dois encore dire mon fentiment fur Popinion de M. Buache , qui veut concilier les deux fentimens fur la Californie , en la fuppofant tantet isle , tantot prefqu'isle : je fuis faché de n'y pouYoir foufcrire; Pautorité dont il s'appuye, ne me paroit rien moins que recevable, en voici les raifons. §. XIII. La Californie n'eft pas une isle, mais une prefqu'isle. La relation de M. Ellis commence comme un contc des Fées: U y avoit autrefois un Roi & une Reine; excepté que le faifeur de contes fur la Californie , a manqué d'imagination pour inventer des noms. Un bomme tres véridique : il falloit ajouter cette épithéte pour prévenic le tedeur: étant arrivé de Portugal en Angleterre , nous a ajjuré, Ellis ne dit pas exprelfémcnt que lui - méme en a entendu le recit: DE L' AMERIQ.UE. m recit: Qu'il y étoit arrivé un vyageur. Qui ? On n'en fait rien: Qui venant d'une te tame colonie des Hollandois dans les Indes orien* tales, foit pour uller å la découverte , cu pour faire la contrebande. N avoit-il pa^ affcz de génie pour nommer les Moluques &c. comme 'a plus ortentaie de ces colonies ? Egalement on n'y auroit ajouté Micuné foi. Les Hollanoois, bien loin de faire des découvertes, fur-tout dans un pays fi éloigné , & combien mon fiftéme fur ces nations fe trouve fortiflé. On fuppofe que le lac des Aflinipoéls, n'eft autre que FOuinipigon, ou bien le Anifquaouigamou ; c'eft pourquoi on a fupprimé le premier. Il me femble pourtant qu'on ne devroit pas proceder fi légére-ment dans de pareils cas. On a vu dans tout ce memoire quel tort on a fait a la Géographie , en convertilfant des doutes en certitudes, en fupprimant des pays entiers, & en changeant leurs pofitions. Je pHe le ledeur de réfiéchir fur les raifons qui peuvent fonder l'exiftence de ce lac. Les preuves fui vantes font» a mon avis, tout -å- fait convaincantes. §. XIV. Exiftence du lac des Ajfmipoels. i °. On ne fauroit contefter la folidité de cet Axiome , que des relations données par des perfonnes éclairées & de confidération , qui Gnt pris foin de s'informer exa&ement de toutes les circonftances, &e doivent pas étre rejettées , fur tout aprés avoir été adoptées de tom le mande. C'eft le cas de M. Jeremie, qui Gouverneur du Fort Fort Bourbon , enfuite Nelfon , pendant vingt ans, s'eft informe exactement de tout, comme fa relation le prouve. Il donne done une defcription des lacs, qui fe trouvent vers la méme latitude , leur étendue & leur diftance entre eux , & du Fort Bourbon. Le premier dont il parle eft le lac des Forts , de cent lieues de cir-conference , & a cent cinquante lieues du Fort Bourbon. A trois cent lieues de - lå & .au Nord • Oueft il place le Michinipi de fix cent lieues de tour. Il dit que la riviére de Bourbon entre dans le lac des Forts depuis le lac Anifquaouigamou, ou la jon&ion des deux mers , diftant du lac des Forts d'environ deux cent lieues. Il ajoute que c'eft Ie pays des Criftinaux, & qu'a I'Oueft habitent les Aflini-poels , qui occupent tout ce pays. 11 dit que cent lieues plus loin, il y a un autre lac nommé Ouinipigouchin , ou la petite mer. On voit done qu'il les diftingue tous, & qu'il afligne k chacun fa place, bien éloignéc l'une de l'autre. 2*. Dans toutesies aneiennes cartes, qui ont précedé cette relation , on a placé les lacs des Aflinipoéls & des Criftinaux , quoique fouvent d'une maniere indéterminée : les uns les ont mis h la méme latitude å peu de diftance : d'autres ont placé le premier au Nord-Oueft de l'autre ; ce qui eft conforme a la relation de M. Jeremie. On ne connohToit point alors les noms de Michinipi & d'Anifqua-ouigamou: on leur donnoit les noms des peupies qui habitent leurs environs; ce qui eft encore conforme a la relation de M. Jeremie.. Les Criftinaux demeurent pres de celui ci, & les Aitiaipoels vers I'Oueft, jufques vers le Michinipi. 3°. Cette relation a été donnée par les Sauvages, qui, habitants des pays å la méme latitude 3 pouvoient & devoient connoitre exactement toutes ces contrées: & depuis que les Francois ont abandonné la baye de Hudfon aux Angiois , il n'ont pii continuer leurs recherches ; ce qui ne fauroit fuffire pour rejetter & abandonner des relations aufli authentiques. Par contre, les lacs Tecamamioucn , Mi-nutie , lac aux Biches, celui des prairies &c. ont été reconnus depuis le Canada: doit-on étre furpris li on n'y a pu avoir connoif-fance du Michinipi , qui eft éloigné du Fort Dauphin fur POuinipi- Z § gon, gon , felon M. Buache, de plus de deux cent lieues, lorfque les Francois n'ont pas pénétré plus loin ? §. XV. Des Pigmées & des Efprits* Difons encore nn mot des Pigmées & des Efprits, qui, felon les Sauvages, habitent dans les parties les plus occidentales & feptentrio-nales de l'Amérique. Ce font ceux qui habitent au Nord-Oueft de la baye de Hudfon, & les alliés des Sioux, qui en parlent. Plufieurs Auteurs rapporten! qu'on a vu des hommes de tres petite ftature amenés prifonniers de ces contrées, & qui n'étoient étonnés ni des vaifleaux, ni de plufieurs meubles & utenciles des Européens, difant qu'ils en avoient vu chez une nation voifine de leur pays. 11 faut obferver que ces gens venoient d'une contrée å peu pres la méme que celle, que les habitans de la baye de Hudfon difent étre éloignée de plulieurs mois de chemin. Si ceux qui les ont amenés font, comme il y a apparence, les Sauvages nommés plats cotes des chiens , qui, felon M. Jeremie viennent quelquefois de quatre cent lieues loin, depuis le Nord-Oueft, on peut les placer entre le foixante-cinq & le feptantieme degré de latitude: alors on ne fera pas furpris fi å la méme latitude de vers le Oueft, un peu Oueft* Sud-Oueft, il y a des nations de petite taillc, comme les Samoyédes, les Lappons &c. Voila les Pigmées. Les Ecrivains de l'antiquité étoient imbus de cette idée, que vers le Pole il y en avoit des nations entieres. Pour les Efp'its, il ne faut pas prendre cette exprelTion a la lettre. On voit par la relation du P. Hennepin & de plufieurs autres, que les Sauvages donnent ce nom, & avec beaucoup de jugement, aux Européens , parce qu'en toutes chofes ils mar ifeftent plus d'efprit que les Sauvages , qui n'ont voulu indiquer par - lå qu'une nation civil i fée , & ingénieuie, qui cultive les arts; ce qui s'accorde mervtil-leufcment avec la relation de ceux qui parlent des hommes bai bus, dans le méme éioignement, comme d'une nation civiliiee. §. XVI §. XVI. Réfumé des changemens faits aux cartes. Mettons en racourci fous les yeux du lecleur PelTentiel de mes cartes, & les raifons des changemens que j'y ai faits. On trouvera que 11 j'ai rétréci l'Afie, j'ai été fonde fur les relations authentiques , & fur les conféquences qui découlent de digers faits inconteftables : & en cela je me trouve conforme aux aneiennes cartes des Efpagnols, qui, venant de l'Amérique, ont indrqué le détroit d'Anian k cent quatre vingt degrés de longitude. On verra encore que je me fuis attaché aux relations les plus authentiques pour le changement que j'ai fais å l'égard de l'Amur praticable pour tout båtiment de met! §. Ilt Le froid n'augmente pas å proportion qu'on approche du Fole. I11. Toutes les relations s'accordent dans ce point. Spitzberg eft moins froid que la nouvelle Zemble. On y trouve des quadrupedes, des arbrifleaux, des plantes: il n'y a rien de tout cela å la nouvelle Zemble. En i7>2. j'cus une converfation a ce fujet avec un ami, qui me paria du Sr. B. ... r. Chirurgien de vaifTeau, qui, toutes les années, va k la péche de la baleine, 8c qui de quatre å cinq ans une fois vient voir fa femme & fes parens dans le voifinage. Je le priai de m'avertir lorfque ce voyagcur feroit au pays: il le fit cu Décem- B b bre bre 17 ?4. Je le fis venir chez moi, & j'cus avec lui une longue converfation. Je ne lui trouvai aucunes connoiflences géographiques ou phyfiques, mais beaucoup d'expérience: de forte que je pouvois d'autant mieux ajoutcr foi a ce qu'il me racontoit. 11 me dit done qu'il avoit fait trois fois le voyage de Spitzberg, & plufieurs fois celui du détroit de Davis. 11 m'alfura que leur vaitTcau avoit été å Spitzberg jufqu'au huitantieme degré & au-dela; qu'une année ils étoient revcnus en Juillet, une autre en Aout, & une troifieme les premiers jours de Septembre; que cette derniere fois ils avoient été fouvent affiégés par les glaces , dans une baye nommée Drie-Sprong % ou triple faut, å caufe qu'elle étoit couverte par deux isles , qui for-moient trois entrées. Je lui demandsi, s'il n'avoit jamais efluyé queV que danger dans ces pays, voulant parler des glaces. Lui, prenant cette queition pour générale, répondit que jamais de fa vie il n'avoit tant rifqué, & qu'il s'étoit cru perdu i qu'étant allé a terre avec quelques camarades pour chafler, il avoit tåché de fuivre doucement le gibier qu'il avoit appercu , & fans prendre garde oii il marchoit, il étoit tombé dans un marais profond ; que tous les efforts qn'il fit ne fervoient qu'å l'enfoncer d'avantage; & que fans la précaution qu'il eut d'étendre fes bras , & de conferver fon fufil couché tout au Iong fur la terre pour fe foutenir , il auroit certainement péri; qu'il avoit tant fait d'élans, & toujours appuyé des bras & du fufil de toute leur longueur , que peu å peu il avoit gagne Ie terrein , & s'étoit tiré de cet abime, fi épuifé & fi faifi d'altération qu'il en fut malade, & qu'il nc Toubiiera de fa vie. Je rapportera* dans la fuite un autre fait dont il me fit le recit. Mais comment, s'il vous plait , concilier ce marais fans fond & A qui n'eft point gelé a environ huitante degrés de latitude, avec ce que Gmeiin dit du puks qu'on voulot creufer pres de Jakoutzk pendant deux étés , å environ foixante degrés , & qu'aprés treize toifes, ou oent trente pieds de profondeur, on trouva la terre toujours également gelée, Sc aufli dure qu'un roe? Je crois que ce feul feit fuftiroit pour prouver ma théfe. Chacun fait les relations de Jofeph Moxon , qui afluroit avoir été fcui le pole, Sc qu'il y iaifoit aufli chaud en été qu'a Amikerdam; Sc 8c celle du Capita:ne Gouldens, qui aflura Ie Roi, Charles IL que deux veifleaux Ho.lanlois avoient été å huitante - neuf degrés, oil ils avoient trouvé une mer librc , fans glace , & auffi eier Ruffien, qui a accompagné Béering , ils ont eu huit jours aprés leur départ, favoir, le douzieme Juin, des tempétes Sc des brouil-lards: enfuite il fe plaint encore fouvent des tempétes Sc des vents contraires , le 24. Septembre, lorfqu'U voulut s'échapper de ces cotes ou il avoit perdu du monde, aprés avoir tiré un peu au Sud, cm il fe trouva au cinquante - unieme degré , il y eut une tempéte de dix-fept jours, fi erfroyable que le Pilote André HeiTelberg, qui avoit fervi cinquante ans fur mer , alfuroit n'en avoir jamais vu une femblable. Quel fond peut-on done faire fur une pareille eftime? Aprés des tempétes dans des mers connues , on fe trouve fouvent, lorfque dans le calme fuivant on fe reconnoit, quelques centaines de lieués plus loin qu'on n'avoit cru; & ici dans une mer ou aucun de ces mariniers ne s'étoit jamais trouvé, on devroit fe conformer å cette eftime, qui ne peut qu'étre abfolument erronée ! 3*. L'Officier Ruffien , qui a été avec Béering, ne dit point qu'il ait été au cinquante - huitieme degré. Ainft on peut en douter hardiment. Plufieurs Auteurs nous apprennent que de tres bons Géographes ont des latitudes différentes , méme pour des places alfez connues. Le P. Charlevoix, par exemple, almre que Ia carte de Pople, qu'il approuve pourtant affez , différe pour le cap de Rafe des meilleures obfervations , de cinq degrés, quinze minutes; & ce méme Pople, de la carte de M. Bellin pour la partie orientale du fond de la baye de de Hudfon, de huit degrés (a ). Voila qui me difcutpera , fi je ne regarde pas comme authentiques ces latitudes macquéc!» fur un limpie rapport, & les longitudes encore moius (b). Si done on déduifoit fur la longitude dx degrés pour le rétré-cilTement de l'Afie, & qu'on augmentåt d'autant de degrés la largeur de l'Amérique , & que l'on retranchåt quinze degrés, ou cent nonante lieués fur Terreur de I'eftime , a caufe des tempétes , vents contraires & brouillards, on viendroit pour l'endroit ou Béering a abordé au deux cent quinzieme degré : & je veux fuppofer qu'il ait été au cinquante - deux ou cinquante - trois de latitude ; fuppofons méme les cinquante - huit: alors il fe peut, comme nous i'avons dit ci - devant, que depuis Quivira , non au Nord - Eft du nouveau Mexique , mais a environ cent nonante degrés, jufqu'a Ticuic , qui, felon Acofta , n'étoit qu'une plaine fabloneufe avec peu de collines , une partie de ces terres a été mangée par la mer jufqu'a cette hauteur; & que depuis ce deux cent quinzieme degré jufqu'au cent huitante, Ia cote eft dirigée Sud-Oueft, comme les cartes nouvelles la repréfentent, ou la terre divifée en nombre d'isles. On ne fauroit fixer fes idées quaprés des recherches & des découvertes ulté-rieures ( c ). Nous ( a ) On trouve chez les Auteurs plufieurs pareils exemples de difcrépar.ce , méme des latitudes prifes avec tous les foins poftibles Apportons en feulement de ce voyage méme ; la cote , ou fo trouve la montagne de St Jean fut fiiée par les uns å la latitude de $i' n', par d'autrei a p', & 17' par les troiiiecnes å }o\ cc qui fait une difference en tout de 16. lieués ; qu'on f obfervé, en latitude méme , qu'on croit pouvoir prendre fi facilement & fi exactement ( b } M. Dubuis de Moroas, dans- fon bel Atlas hiftorique, dit carte XXII. aprés avoir prouve combien les longitudes trouvées méme por des obfervations Aftronomiques , font peu fures , ne fait pas grand cas pour la certitude , des la- tf tudes : il veut qu'on les obfervé au tems des Eiiuinoxes, & k terre; que la hauteur prife fur un vaiifeau toujours agité , ne peut étre julte. ( c ) Cet ouvrage étoit fin? lorfque j'ai 16 dans la Gazette de Londres un urticlc que je puis d'autant moins paffer fous filence , que la maniere obfeure dont on s'y exprime, pourroit faire naitre des idées erronées Le voici: „ Pétersbourg , le zo. Mars 1754. „ Nous apprerons du Kamtfchatka que lix: 1, habitans de ce pays , qui mirent en o mer en 17^9 en font de retour , ayant été abfens tout ce tems, fans que per., fonne en ait eu la moindre nouveSle: „ On les fupyofa perdus & péris. \U rapl „ portent qu'uyant dirigé km cours verg Nous voila done k fuppofer méme cette finuofité dans tin fenl en-droit , jufqu'au cinquante troiflérae degré, ou fi l'on veut au foixan- tieme , „ le Nord-Eft, ils découvrirent , apré« une navigation de plufieurs mors , fei-zc isles, tant grandes qne petites , habitées par des peupies qu'on fuppofi ,, étre les Efquimaux , parce qu'il;. ref-femblent par leur figure & par leurs mceurs aux Américains du Nord du ,, Canada. Ces a?anturiers ont Fait une „ carte de deux de ces isles , oii ils ont „ vécu quelque tems. Ces cartes ont été „ envoyées a Mofcou, pour y étre con-„ fervées dans ks Archives '\ Si J'on ne confideroic cette relation qu'en gros, on tomberoit dans l'erreur de JVl Dobbs, qui fuppofe une vafte mer entre J'Aiie & l'Amérique, mer, qui, felon lui , doit avoir comnumication avec la baye de Hud fon , dant les environs de laquelle fe trouve la patrie des Efquimaux. Par rout ce qu'on voit ci-devant, fonde fur les reladons unanimes des Européens & des Sauvages , nous voyons qu'au contraire il exifte dans cette place un Continent de mille lieues d'étendue. Apprécions cette relation , & tåchons de deviner ce qu'elle n'cxplique pas, On pourroit fuppofer qu'ils font partis des environs du Kamtfchatka; accordons que ce fut depuis Avatcha : Toutes les cartes prouveront qu'au Nord - Eft, a l'Eft mé-jne , on rencontre le Continent , ou du moins des terres de l'Amérique : Comment done ont - ils pu employer plufieurs mois avant que d'aborder a des isles ? Voila done déia une faute fenfible. Selon toutes les app*rences ils auront été å la péche. Suppofons méme qu'ils ayent eu defléin d'aller å la découverte; ce qui n'cll pas probable, puifqu'i! n'en •ft pas parlé; encore moins des R ti (liens, d'autres gens expérimente;S pour les d"'ger. Us n'auront done pas eu des båtimens conlklcrabtes , ni des provifions pour plufi, urs mois Qe quoi ont. jis v£cu ? Je ne doute point qu'on orage violent tel que Béering & Tfehirikow ont effuyé ne put les avoir furpris & chalTes au ha-zard , a peu pres par Li méme route ; qu'enfin ils n'ayent abordé å des isles fur les cdtes de l'Amérique , qui méme ne doivent pas étre fort éloignées du Kamtfchatka ; puifqu'aprés avoir pu conftrnire un autre båtiment, apparemment bien petit, fix hommes, & qui ne font rien moins que charpentiers de vailT-aux , n'ampnt pu: venir a bout que d'un canot, ou d'une petite barque de pécheurs. E« puis qu'avec un fi petit båtiment, ces avantnriers ignorans dans le piiotage , ont pu reyenir chez eux ,. il faut néeet fairenit nt que leur trajet n'ait pas eté confidérable. Mr. le Chevalier de G * *. qui en a eu une re'adon directement de Pétersbourg, vient de me confiraier dans mon idee ; difant, qu'il s'agiflbit d'un Archipel d'isles j vers le n° latitude, & 2»6'. ro', longitudes, qu'on avoit découvert en 1700. & qui s'etoit mis Pannée derniere fous i» protection de la Ruflie. Les Sauvages qu'ih ont rencontrés , font des Efquimaux , dit-on. Peut-on debiter des chofes d'une abfurdité & d'une ignorance aufli forte ? Les Rufliens 6c les Kamtsch .dales lorfqu'ils abordérent å ces isles å l'Eft, y ont trouvé des Sauvages qui relTetnbloicnt en tout a des Efquimaux , ou å des Croenhmdois ; par conféquent ils étoient de cette nation« Je ne me lade point de repeter que tons les hommes fortant de la méme fouche , fe reflemblent dans les mæurs felon les circonftances. Ceux qui font les plus tloi-gncs des peupies civilifés , & Véttt étc depuis nombre de fiecles , tombent dans la barbarie, & fe contentent d'une maniere de vivre la plus fimple : La nour-riture la plus frugale, qu'ils fe procurent, les u^s dans 1^ Continent par la chaffe t les autres fur les bords de la mer par la péche , leur fitf&É. Ainli ceux - ci peu- tip*r»e, que je ne faurois croire, vu les relation« de- Sauva|fe8, en-t 'autres des alhés des» Sioux, dont parle le P. Hennep n , qui vene ent des environs, ou on l'a fuppofé, & å peu pres du cinquante»! un it me degré , fans avoir la moindre connoiflance d'une nier dans for. voifinage, & ceia feuternent depuis moms de quatre-vingt ans; je di«, a ia fuppofer. Du moins, on ne conteftera pas un Continent non interronipu tøen avant vers le Nord. Cb»e feroit- ce , fi les découvertes qu'on a données fous le nom de de Fonte , étoient aufli veritables qu'elles font fabuleufes ? On n'apper-qoit point la tin du Continent, méme å huitante - deux degrés. li eft vrai qu'au foixante ou feptante , car les Auteurs des cartes ne font pas d'accord fur cet article, on trouve le détroit de Ronquillo, par lequel de Fonte doit avoir pénétré jufqu'a la place de la baye de Hudfon , ou le vaiifeau de Shipley fe trouva: mais toute la relation eft remplie de tant de contradi&ions, elle fe trouve fi contraire k Celles des Sauvages méme que M. Buache adopte, & aux recherches d'hllis & de fa compagnie , qu'il elt impoflible de l'aduiettre un moment. Si les Sauvages de la baye de Hudfon parlent d'un grand lac å vingt - cinq journées, qui eft le Michinipi, & d'un autre , peut« étre k mille lieués de chez eux, & qu'ils n'ayent aucune connoiffmee de ce paffage, qui doit étre tout proche d'eux, comment pourra-t-oa fe perfuader que ce paffage exifte ? Arrétons nous aux témoignages que M. Buache rapporte , & qui, felon lui, doivent fervir å prouver le paffage du Nord-Oueft. 1. Nous avons déja parlé de la fable de ce Thonns Cowles : obfervons ici qu'il doit avoir trouvé ce paffage au cinquante-neuf- vienie vent reflembler aux Efquiim« , fant quvon pimTe dire , que ce font la Efqui. muux , éloignés de plus de mille lieué«, & féparés par plufieurs centaines de nations , qui ne leur reflcmblent en den. C'eft encore une maniere de^ parler fort vaguc, lorfqu'on dit qu'i/s rejjhnblettt «rør Amértcuins , qui font am Jtiard* du Cannla. En ce eai, ce ne feront pas dei Efquimaux , qui n'habitent qu'une petite partie la plus orientale du Nord du Canada ; fur tout la terre de Labrador t qui eft 2 l'Eft méme de la baye de Hudfon. J'ai cru deroir piérenir par cette explu catiun les erreurs dans lefquelles- cette edition pourroit faire tombct les lefteuri. vierne degré, qui eft précifément au - deflus du cap & de la riviére Churchill, fi connus des Angiois, qui pourtant n'y ont pas pu trouver le détroit que Ton cherche. II. La relation de Torquemada d'un vaifleau Hollandois , ne paroit pas plus authentique ; mais bien celle des vaifleaux Efpagnols. Martin d'Aguilar trouva en effet vers le qmrante- quatrieme degré, non une entrée , comme on Pafiure hardiment, mais l'embouchure d'une riviére, dont le courant étoit fi rcpide, qu'il ne lui en permit pas Pcntrée. Qti'on ne dife pas que c'étoit le reflux : des vaifleaux, Sc des vaifleaux envoyés exprés pour chercher le paifage, ne s'arré-tent pas par plaifir feulement un couple d'heures. Suppofons qu'il n'y ait pafle qu'un jour, qu'un demi jour, il auroit eu la haute marée, le flux, qui lui auroit fait trouver ce qu'il cherchoit. Et d'ou vient que les Hollandois eux-mémes n'en favoient rien, cux qui ont pafle dit-on par ce détroit ? III. Le rapport de Bergeron, qui fe fonde fur le recit de deux Portugais, dont 1'un eft de Guinée: apparemment que pour fe ren-dre en Guinée, il a palfé par ce détroit du Nord - Oueft. 1 V. Celu»i du P. Charlevoix , qui parle d'un vaiifeau Efpagnol jette dans ce détroit depuis Acapulco, & de-la a Dublin en lrtan-de. On a eu pourtant la précaution de dire que le Roi d'Efpagne avoit fait bruler les Journnux : 11 auroit done du , par précaution aufli, exterminer tout Téquipage de ce vaiffeau , qui auroit vraifem-blablement publié cette découverte, fi elle n'étoit pas fabuleufe. V. Lovegrove place ce paffkge a foixante-deux degrés trente minutes, NXftlfon , dit-on , y a paffe , & n'a trouvé a la fin qu'une mer fans terre, ni d'un coté , ni de l'autre. Pourquoi done encore chercher ce paffage lorfqu'un Angiois méme y a pafle , Sc qu'on en marque la latitude précife? Cependant, par mal'heur, voila ceux qui ont été choifis par M. Dobbs pour chercher ce paflage, & qui, dirigés par des inftrudions précifes Sc détaillées, ont examiné toute la tete depuis le cinquante-cinq jufqu'au foixante - feptieme degré: ils n'y ont trouvé que des rivieres & des bayes ; & ces isles & ce-paflage de Lovegrove Sc de Wilfon ont entierement difparu. 11 eft tres fingulier qUe Eflis, qui foutient également cette poØibiHté , malgré cc que l'Ecrivaia de la Californie dit de contraire, veut que les marées viennent de la mer du Sud, éloignée de plus dc fix å huit cent lieues. A-t-on jamais entendu parler d'une telle marée ? Car il ne parle pas de la mer de POueft de nouvelle création; quoi-qu'alors méme il ne s'agiroit pas moins que d'une marée de deux a trois cent lieues. § VIII. Examen de la relation d'Ellis fur le paffage au Nord - Ouefl Mais voyons cc qu'EHis lc grand patron du paffage au Nord Oueft nous en rapporte, & faornons - nous å examiner cc qu'il cu dit depuis le cap Churchill. Le 30. Juin ils decouvrirent l'isle Centri a foixante-un degré quarante minutes; de-lå au Nord & vers la cote, ou fon jetta l'ancre pendant la nuit. Le 2. Juillet on conUnua le cours vers le Nord au travers de beaucoup de glaces ftotantes, qui jointes avec les bas fonds dc rocaille, qui s'étendoient deux ou trois milles en mer, le rendi-rerjt fort dangereux. On avarta vers Knights isle å foixante - deux degrés deux minutes : de - la on tourna vers la cåte occidentale , cu il paroiffoit une grande ouverture ; mais les glaces empéchoient d'approcher; ce qui, joint au tems orageux, les obligea de retourner å Kmghts isle, ou ils fe tinrent en fureté jufqu'au ?. : alors la mef fut beaucoup plus nette. Le ?. on leva l'aucre , & on navigea vers la cote méridionale de Bibi isle, dans l'cfpérance de pouvoir entrer dans l'ouverture qu'ils cherchoient: mais le méme malheur les en em-pécha ; de groffes maffes de glace y entroient & en fortoient. I!« avancérent alors jufqu'a foixante - deux degrés douze minutes: de-la vers le Nord-Oueft. Et aprés avoir paffe divers bas fonds & entre plufieurs petites isles, ils entrérent dans la baye de Nevil, qui étoit ja méme dans laquelle ils avoient cherché d'entrer par le Sud de l'isle Bibi. Cette isle la couvre en quelque maniere, & en eft éloignée d'environ cinq milles vers le Sud-Oueft: lorfqu'on s'y trouve, elle paroit étre une grande baye, fort affuréc du cété de la mer8 & au bout de la baye il y a une riviére affez grande qui court verf C C 3 1'Oueft. I'Oueft: la terre ferme s'étend peu å peu en s'élevant ♦ & confifø princjpalement dans un rocher plat, couvert de tnoulTe & de quelques petites plantes. Lc 8- ils tirent voile dans le detfein de cå: >yer vers le Nord; mais lorfqu'ils rctournérent par deflus les bis fonJs, la marée les jetta fur une file de pierres, ou le vaiifeau courut grand rifque de fe brifer. Le 10. ayant leve Panere on c6'oyi enfe nombre de petites isles & de glacé* Hottantes, jufqttdu fVahle love, fous le fixante - deuxieme degré trente minutes. On découvrit å rOjcft une baye parfemée de plufieurs isles, d'ou quelques Indiens vinrent a eux. Nous les quittames , dit-il, pour aller prendre vifion du lieu; & aprés étre parvenus å l'endroit le plus élevé de l'isle, nous commencames å chercher quelque ouverture , mais inutilement; cc qui nous engagea , & parce que le flux venoit de l'Eft, å noui rendre au vaiifeau, fans nous arréter plus long-tems. Le ir. ils avancérent jufqu'a un cap au foixante - deuxieme degré quarante - fept minutes, d'ou ils découvrirent une entrée large vers i'Oueft, qu'ils nommérent l'entrée du Corbet: ils n'y entrérent pourtant pas, parce que lc flux venoit de l'Eft, & parce que le Capitaine Moor en crut voir la fin. Ils retournérent done lc 11. vers les vaifleaux , & ap-prirent que le galion Dobbs avoit couru grand rifque par les glaces, qui furent pouflees vers eux depuis l'entrée de Rankin. Le Capitaine Smirh y avoit envoyé fon pilote & le fous-pilote pour l'examiner. exactement Leur rapport fut , qu'aprés avoir fait trente milles fut divers rhumbs de yents depuii I'Oueft jufqu'au Nord-Eft au Nord, ils avoient trouvé qu'eilc finiffbit par une baye. Suivant les relations du fous pilote Weftolt il reftoit encore quelque probabilité pour un paifage; c'eft ce qui engagea le Capitaine Smith de faire une tentative avec fon vaifleau pour y entrer: mais cn ayant d'abord été em-péché par les bas fonds & par les rochers tres dangereux, il s'en défifta & retourna a l'isle de Marbre. Ce Capitaine envoya fa chaloupe avec lc fous-pilote, pour cxa-toiaer toute la c6te entre le cap Jalabert fous le foixante - troifieme degré quinze minutes, jufqu'au cap Fullcrton, fous le foixante - quatrieme degré quinze minutes. Le 14. les vaifleaux firent route ver« k Nord, & Qn envoya la réfolution pour faire le méme voyage que FAR LE NORD-ES i: la Chaloupe avec ordre de rejoindre les vaifleaux au cap Fullerton. Les vaifleaux furent en ferme s par les glaces jufqu'au j 6. alors ifs avancérent vers la cote, & trouvérent un autre empéchement; car on ne fauroit naviger le long de ces cotes fans prendre les précautions les plus fortes, a caufe des bas fonds tous de roches, qui s'étendent & un, & méme a deux mille en mer, & qui paroiflént a fec a demi marée. Les vaifleaux fe féparérent pour aller chercher les c hal ou pes, Le Dobbs Gallcy avanqa jufqu'au foixante - quatrieme degré trente-deux minutes, ou ils trouvérent un cap, qu'ils nommérent le cap Fry. Ils examinérent le flux, & trouvérent qu'il venoit du Nord : la cote s'éléve peu å peu å une hauteur confiderable. Le 21. ce vaiifeau continua fa route pour chercher les chaloupes. Le 22. il fut réfolu de ne les attendre que jufqu'au 28- que la Californie iroit vers le foixante - quatre , & le Dobbs GalJey vers le foixante - cinquierne degré, pour les rencontrer. Ils partirent done le 23. & ce dernier vaiifeau arriva au foixante-cinquierne degré cinq minutes. Ellis fe ren-dit avec la Pinafle h la cote occidentale du "Welcome, pour y ob-ferver le flux & reilux , & trouva que le flux venoit toujours du Nord. Le 26. ils retournérent vers le cap Fry , & y trouvérent la Californie avec les deux chaloupes, iefquelles rapportérent avoir trouvé un détroit au foixante-quatrieme degré de latitude, & au trente-deuxieme de longitude, depuis l'isle de Marbre, dont l'entrée avoit trois å quatre milles de largeur, & s'étoit élargi jufqu'a fix ou fept milles; que jufques-lå ils avoient dirigé le cours vers lc Nord-Nord* Oueft, enfuite plus a I'Oueft ; qu'aprés avoir avancé dix milles plus loin, 3e détroit s'étoit retréci , & n'avoit eu que quatre milles de large; que quoiqu'ils euffent vu une ouverture plus grande, ils avoient été détournés d'avancer d'avantage, parce que l'eau , qui jufqu'ici avoit été falée, claire & profonde, étoit devenue plus frauhe, épaifle & bafle , ayant trouvé dans ces endroits des cotes efcarpées & de fortes rivieres. Ils rélolurent done d'examiner les eaux de Wager ; ils y arrivérent le 29, Juillet. Le détroit de Wager , comme on l'appelloit alors, dit-il, eft fitué fous le foixante - cinquume degré trente-troia mioutes de latitude , & du huitante - huitieme degré de longitude OCCi* occidentale de Londres. Au Nord de fon entrée eft le cap Montagu, & au Sud le cap Dobbs. Environ cinq milles å TOueft de ce dernier cap il eft le plus étroit f & a å peine cinq milles de largeur. Le flux y a un cours aufli rapide qu'une édufe, parce que le canal elt trop étroit pour la quantité d'eau qui y pafle & qui en fort. Le 30. ih fe trouvérent å la hauteur du détroit du Cerf. Bientåt aprés ils découvnrent le port de Douglas, & prirent la réfolution qu'ils exa-mineroient ce paflage, & y donnérent terme jufqu'au 2f. Aofit. Ils y envoyérent done les Chaloupes le 3?. Juillet, qui firent cours vers le Nord-Oueft å I'Oueft, jufqu'a ce que le détroit fe trouva å peine d'un mille de largeur, 8c entendirent un grand bruit , comme d'une forte chutc d'eau. Le matin ils découvrirent que ce bruit pro-venoit de ce que toutes ces eaux abondantes étoient obligées de paffer par un détroit d'environ foixante verges, & ils furent embarraffes comment penetrer contre ce courant dans l'intérieur du paflage; mais å moitié flux cela leur fut facile. Ils remarquérent qu'å mefure qu'ils avantjoient depuis le Fort d'York vers le nord , tout devenoit plus petit, non feulement les hommes, mais que les arbres fe changeoient en brouflailles , 8c qu'au - delå du foixante - feptieme degré on ne voyoit plus d'hommes. Le 2. Aout ils paflerent cette cataracle, que lc flux ne pafla que dc quatre pieds. L'eau fe trouva douce fur la furface & fut toujours falée au fond; ce qui les maintint dans leurs efpérances : rnais cette belle apparence d'un heureux fuccés dura peu. Le 3. Aout l'eau fe trouva balle le matin , lorfqu'on fe rendit å terre. Nous avions le chagrin , dit Ellis, de découvrir que ce prétendu détroit finiflbit par deux petites rivieres , dont l'une venoit d'un grand lac feulement éloigné de quelques milles au bud - Oueft. C'eft ainfii que notre efpérance s'évanouit entierement , 8c les chaloupes furent de retour auprés des vaifleaux Ie 7. Sur les inflances du Chirurgiert Tompfon & d'EIlis, on voulut faire encore une tentative pour exa-miner les c6r.es du Nord, & une chaloupe partit le 13. l's virent done une ouverture vers le Sud, mais barrée par une file de roeners ; une autre vers le Nord , qui finit å trois milles de l'entrée. Ayant perdu toute efpérance de trouver ce pafiage, ils rctourncrent vers les vaifleaux. Ils prirent done la réfolution de retourner en Angleterre* gletcrre. Ils paflerent le 29. le détroit de Hudfon , y rencontrérent lie 5". Septembre deux vaifleaux de la Compagnie, & arrivérent le 14. O&obre au port de Yarmouth. Comme les lefteurs n'ont pas toujours la facilité d'avoir fous main fa relation d'EIlis , nous avons cru devoir y fuppléer en rapportark le plus fuccindement que poflible l'effentiei de cette relation. Malgré les recherches les plus exades, en cotoyant , en exami-nmt chaque entrée, chaque baye, méme a la hauteur indiquée de foixante - deux degrés trente minutes, on n'a abfolument point trouvé ce que Lovegrove & Wilfon difoient avoir trouvé. Aufli ElUs lui-méme fi opiniatrement prévenu en faveur de ce paflage du Nord« Oueft, i'abandonne dans cet cndroit, & le cherche aiileurs. Examinons fes raifons. I*, Il donne pour un fait indubitable & reconnu veritable, que dans les pays qui ont peu de largeur , foit isles, foit prefqu'isles, on ne trouve point d'arbres, mais feulement des buuTons. Il donne pour preuve les isles Orcades &c. & il aflure que depuis le foixante« unieme degré toutes les plantes diminuent en grofleur; mais que dans toute l'étendue de l'Empire Ruflien jufqu'a la mer du Japon, il y % de grandes forets remplies d'arbres hauts & gros. 11 conclud de ces jføits que fi å l'occident de ces cotes feptentrionales de la baye de Hudfon il y avoit un grand Continent , on trouveroit auffi une pareille quantité de gros bois aux environs de cette baye. 11 prétend aufli que ce n'eft point au froid qu'il faut attribuer cette difette, puifque dans une partie du Kamtfchatka, il croit, non feulement des plantes, mais des bleds, quoique le froid y foit plus grand que fur les cotes de la baye de Hudfon. Il y a ici un mélange monftrueux de faits entierement erronés, de ceux qui ne le font qu'en partie , & de conféquences , qui ne fauroient avoir lieu. 11 eft néceflaire de bien épiucher le tout. Le premier fait eft contraire å Pexpérience. Combien d'isles ne trouve-t-on pas dans l'Océan, qui font remplies d'arbres les plua gros & les plus vigoureux ? La quantité de bois qui fe trouve dan« Tiflhme de Darien, n'eft-elle pas un des plus grands empéchemens pour y pafler? Dans la prefqu'isle de Malaca , n'eft-il pas de mé- Od me? me? Eft-il furprenant que les Orcades fituées au foixantieme degré & ftéfiles en tout, il n'y ait pas de gros bois ? Quoique la partie feptentrionale de rEcofle , ne foit point d'une fi petite Iargeur, elle eft prefque dans le méme cas, n'ayant pas par tout de gros bois. Mais eomment Ellis, qui lui - méme a trouvé remarquable que tout , les hommes méme , diminuent de ftature å mefur*; qu'on avance vers le Nord, a-t-il pii perfifter dans fon préjugé, que le peu de largeur de la terre en foit caufe ? 11 faudra done que toutes les isles, Hth-mes, & prefqu'isles foient habitées de Nains, & que les Groénlan-dois, les Samoiedes &c. foient d'une haute taille. L'Auteur fe trompe groflierement en dilant que dans tout TEmpire Ruflien jufqu'a la mer du Japon, on trouve de gros bois. Tous les Auteurs contredifent ce fait. Jufques vers le foixantieme degré it croit encore quelque blé; enfuite on trouve toujours moins de plantes. Hya des fteps ou déferts de plus de cent lieués d'étendue , ou 1'on ne voit aucun arbre. A plus de deux cent werfts ou quarante lieués de la mer glaciale, il n'en croit point, ni grand ni petit nulle part. Cependant le Continent y a peut - étre deux mille lieués de large. Si done le bois y manque ce n'eft pas fans doute par défaut de largeur du pays. Hya plus. Le Kamtfchatka, improprement ainfi nommé „ s'étend depuis le cinquante-unieme au feptante-troifieme degré. A fa partie méridionale & notamment dans fa prefqu'isle , il crOit beaucoup de bois & d'autres plantes. Plus on avance vers le Nord, moins on en trouve; & il n'en croit plus entre le foixante - cinq & le feptantieme degré; précifément la ou cette province eft de la plus vafte largeur, Voilå done fa théfe détruite. Mais quand méme ces faits feroient aufli vrais , qu'ils font faux, la conclufion ne vaudroit rien , puifque fans doute la ftérilité d'un pays peut pro venir d'un grand nombre de différentes caufes ; fan« quoi les viftes déferts de 1'Afrique, de la mer rouge, celui de Xa-mo , tu G bi &c. devroient leur ftérilité å ce qu'ils feroient fitués dans des 'fthm.es; au lieu que c'eft tout le contraire. Si done les faits étoient vrais, il faudroit prouver qu'il y a un ifthme, ou langue de terre vers le foixante - cinquieme degré, & de-la au Nord, & condure a puifque dans les ifthmes il n'y a point d'arbres, fait contraire PAR LE N OR D - E S T. 211 traire k l'expérience, la ftérilité de ces pays peut provenir en partie de cette circonftance, & non, le pays eft ftérile ; par conféquent il y a une langue dc terre étroite. Ce qui eft contraire aux faits. Ellis prétend encore que la plupart des pays fitués en i re deux mers ont entre deux une chaine de hautes montagnes, qui font en pente des deux cotés. Ce fait eft vrai généralement, quoiqu'il ne foit pas fans exception. La raifon en eft fimpie. Les changemens arrivés fur ntkre globe, 8c par lefquels la mer a rongé & enlevé peu å peu les terres, n'a rien pu gagner fur les montagnes, qui coufiftent pout l'ordinaire en rochers. Mais il en eft ici comme dans la conféquence précédente. Si toutes les chaines de montagnes avoient h mer tout proche de coté & d'autre ; que deviendront celles qui traverfent les Continens de toutes les quatre parties du monde par le milieu, en-tr'autres les Alpes ? Voila done encore une preuve de manquéc S'il avoit toujours allégué des faits auffi furs & auffi bien avérés t comme celui que les montagnes ont une pente de coté & d'autre, perfonne ne Pauroit contredit. Cet Ecrivain fc fonde fortement fur le flax & refinx dans cette baye : mais comme il fe trouve fur ce point - lå abfolument contredit par l'Ecrivain de la Californie, qui a été témoin oculaire de tout, il ne fera pas néceffaire de s'artéter å le refuter. Nous ne fauuons pourtant cacher notre furprife, de ce qu'Ellis, qui a fait fon poflible pour réuffir a la découverte du paflage, & qui a examiné toutes les piaces fur lefquelles on pouvoit former la moindre conjeclure, n'ait pas pouffé du cåté de I'Oueft, ou Sud-Oueft, d'ou il prétend que ce flux vient. Le paffage auroit été tout trouvé, puifqu'il n'y avoit qu'a fuivre ce flux lors du re flux. Quant å l'abfurdité de l'aflertion que ce flux vient de la mer du Sud , éloignce de plus de fix cent lieugs, avec nombre de grandes rivieres, qui le croiferoient, nous en avons déja parlé ci- deflus. 4*. La ratfon qu'Ellis tire des baleines, qui 9 felon lui, viennent par ce paffage, n'eft pas plus concluant Comment cette réflexion ne lui a -1- elle pas fait ouvrir les yeux ? Un détroit par lequel des baleines de cent cinquante, de deux cent pieds méme, paffent aifément, tf étoit pas dfficile å découvrir. 11 veut prouver encore par-lå, que D d % le le palage doit étre court, & il a raifon Si le fait étoit vrai, les halernes ne pafferoient furement pas par un détroit de fix cent lieués: mais nous voyons qu'un tel dét.oie n'eft poiat prouve, & que par contre ii eft démontré qu'a I'Oueft & au Sud - Oueft il exifte un Continent immenfe. 5 Il confeille dc chercher lc détroit en deux endroits, l'un au détroit dc Chefterfield å foixante quatre degtés de latitude , c'eft a-dirc au méme endroit ou les Chaloupes ont trouvé, comme nous l'avons montre ci-dellus , qu'il ne pouvoit y avoir de pafiage. IS avoue pourtant qu'on n'y avoit point trouve de marée venant de I'Oueft; mais il veut que pareille marée auroit prouve le paffage, au lieu que fon défaut ne prouve pas le contraire. Je ne comprens rien å un pareil raifonnement. Il place l'autre paffage å la baye de Repulfe, ainfi nommée pour avoir refufé le paffage; elle eft å environ foixante - huit degrés. L'Ecrivain de la Californie n'en décide point; mai« il affure que fi jamais ce paffage s'y trouve, il eft impraticable , & qu'on rifqueroit d'y perdre vaiffeau & équippage, Ellis eft pourtant affez modefte pour dire qu'il ne fuppofe pas d'y trouver le paffage méme, mais d'ap* procher plus pres de cette découverte, & de pouvoir en fuivre la fource; parce que dans cette baye le flux vient du Nord ; il croit done qu'en le fuivant, on parviendroit å la fin au paffage qui con-duit å la mer. Je n'y trouve d'autre difficulté que celle, qu'il con-duiroit å la mer du Nord, & non å celle du Sud , la feule qu'on cherche d'atteindre par ce paffage. Rapportons encore quelques relations qu'Ellis nous donne pour fortifier fon opinion en faveur du paffage au Nord - Oueft, dans la premiere partie de fon ouvrage. Il parle de Jaques Lancaftre , qui partit en 1600. pour les Indes orientales. En revenant ii rifqua de faire naufrage vers le cap de Bonne efpérance. Son zéle patriotique le porta a écrire å la Compagnie , que le paffage du Nord-Oueft fur les cotes de l'Amérique étoit a foixante-deux degrés trente minutes. On fe f«»ide beaucoup fur cette découverte, qui eft pourtant des plus ridicules. Laocaftce s'en va aux Indes orientales , & apprend quaÉ PAR LE NORD- E S X ^ quafi chez les Antipodes , que le paifage eft å cette latitude. Aufli la réuflite de ces recherches y répond elle parfaitement. Ellis dit que lå-deflus on envoya, feulement quinze années aprés George Wey-mouth, pour confirmer cette découverte. On trouva å cette hauteur tous les indices d'un paflage. Pourquoi n'y paffa-1-il pas, & préferoit - il de faire des recherches depuis le foixante - unicme degré quarante minutes , jufqu'au foixante-huit cinquante-trois minutes? Il avoit l'indication de Lancaftre, que le paflage étoit å foixante-deux degrés trente minute-. 11 y trouva les indices qui la fortifioient; il n'en fit aucun ufage : mais le chercha encore au Sud & au Nord, Enfin il revint fans rien faire. Dés lors, dit - il, cc paffage fi bien indiqué fut negligé, jufqu'a-ce que, fur les contes de Lovegrove & de "Wilfon, M. Dobbs le fit encore chercher avec le méme fuccés« Ellis rapporte de Hudfon, qu'å fon premier voyage il rit voile tout droit vers le Nord ; que lc 21. Mai il trouva å feptante - trois degrés un tems doux & agréable, aprés avoir effuyé å foixante-trois degrés un froid des plus vifs; lc 27. å feptante-huit degrés, un tems tempere, ou plutot chaud; le 8. Juillet, méme latitude, un tems calmc , une mer libre, & quantité de bois flottans; lc 14. Juillet å Spitzberg fous le hukantieme degré vingt-trois minutes, deux ruif-feaux d'eau fraiche, dont ils burent avec appetit, parce que la chi-leur étoit forte ; å minuit le folcil dix degrés quarante minutes au deflus de l'horizon. Il avanca jufqu'au huitante deuxieme - degré, & fut empéché par des glaces d'iller plus loin. Jc ne ferai d'autres remarques fur cette relation , que celles du plus grand froid å foixante trois degrés qu'au feptante - trois; d'une mer libre, & du bois flottant å feptante - huit degrés , méme pendant un calme, dc la grande chaleur å huitante degrés vingt - trois minutes. Enfin, fi le froid fa empéché d'avancer plus loin que huitante - deux degrés, je fuppofe que les cotes du Groénland en étoient la caufe, & non la latitude, ou proximité du pole. Dans fa relation du voyage de Baffin , il dit , qu'å feptante - fept degrés trente minutes, & å feptante - huit, il trouva une tres g» ande quantité de baleincs, & des plus grandes; cc qui prouve, a ce que je crois, qu'elles fc rendent toujours dans les parages oti la mer D d 3 eft eft d'une étendue un peu grande & non gelée; & que ce que le fieur B...r m'a dit, étoit bien fondé, la largeur de la biye de Baffin étant marquée d'environ quarante degrés. Enfuite Baffii cå-toya le rivage occidental de la baye , & cxamina les prétendus détroits de Smith & de Lancaftre, fans trouver de paflage : aufli écri-vit-il au Chevalier "Wolltenholm, que par le détroit de Uavis il n.'.y avoit point de paffage å cfpérer. Le Chevalier Fox crut qu'on le trouveroit vers le Ne ultra. Le Capitaine Jacob fut obligé de commencer fon hirernement déja au commencement d'Oftobre , au cinquante - deuxieme degré , å caufc des neides. Le i?. Juin, h mer dans fon voifinage étoit encore gelée. il fit une telle relation de la mifére que Péquipage y avoit fouf-fert, que pendant trente ans on ne fongca plus å de nouvelles en-treprifes. Il fit des recherches exactes de toute la céte jufqu'a l'isle de Marbre , & il fut convaincu qu'on ne fauroit trouver aucun paffage qu'au-dela du foixante-fixieme degré. Cependant il avoit fou-tenu auparavant la probabilité de ce paffage : il fit Ie contruire a fon retour t & il fe fondoit fur quatre raifons qu'on peut voir dans i'ouvrage méme. JVL Scrogg en 1722. vint vers le Welcome & la pointe de Wha-lebone , a foixante-quatre degrés quinze minutes, & foixante- quatre degrés huit minutes ; il n'y trouva plus de glace le 1 f. Juillet, rnais beaucoup de baleines. Les matelots crurent n'avoir point vu d'empéchement pour paffer a 1'Oueft. On verra aifément par tout ce detail fi les faits font contraires ou favorables å mon fyftéme: je dois feulement faire la remarque, qu'on foutient le paffage å foixante-deux degrés trente minutes, ou bien å foixante-cinq» ou enfin h foixante-neuf degrés. Suivant M. Jérémie, la nation qu'on nomme plats cotes de chiens, habite ces contrées & vient depuis quatre cent lieu6s loin, k pied t aa Fort Bourbon , fi-tué vers cinquante-fept degrés , les quatre cent lieufis donneroient vingt degrés, ainfi au feptante-feptieme degré: n'en fuppofons que quinze; leur pays eft done au 7a0. Ces gens viennent par terre & n'ont pas la moindre connoiflance , ni d'un détroit, di d'une met voifme, excepté dc la baye å l'Eft. Et cependant on perfifte å vou. loir trouver ce détroit dans cette méme partie du Continent. Il y & plus: plufieurs rivieres defcendent de cé pays, & fe jettent dans la baye de Hudfon. Cependant cette ration ne connoit point l'ufage des canots, elle voyage toujours å pied ; ce qui prouve invinciblement qu'il n'y a point de détroit dans leur voifinage , encore moins entre le foixantieme & le feptantieme degré» puifqu'ils paflent par toute cette latitude å pied fec VII. Continuons l'examen des autres preuves de Al. Buache. La prétendue relation de David Melguer, Portugais, porte tous les ca-radéres poffibles d'une fiction mal imaginée, & tjui cependant feroit favorable å mon fyftéme, vu qu'il doit avoir fait la route du Nord-Eft, & non du Nord Oueft. Il partit, dit-on, te 14. Mars \66o. du Japon. II y avoit done hiverne : mais qui peut ignorer que les Portugais furent profcrits tres févérement de ce pays, déja vingt ans auparavant? D'ou venoit-il, les Portugais n'ayant pas détabiilTement plus proche que Macao, qui en eft encore afTez loin ? Paflbns ceci. 11 courut au Nord, & par conféquent, felon les nouvelles cartes, il donna tout droit dans la mer d'Amur. Y avoit-il alors entre Ochotskoi & Penfchinskoi un paftage qui fe foit ferme du depuis. ? Suppofé qu'il ait fqu ce que tout le monde a ignoré il y a moins de quarante ans, que le Kamtfchatka feptentrional , fuivant les mémes cartes, s'étendoit Cl fort vers l'Eft, & que depuis le Japon il ait fait voile au Nord - Eft, & non au Nord, comme on l'avoue ; d'ou vient que le hazard lut a laifle ignorer Texiftence de cette terre & de l'Amérique fituée vis-å-vis , de forte qu'il ait pti faire voile droit au Nord , & paifer les détroits pres de Serdztkamen , & celui vers le Nofs Schalaginskoi , fans s'en apercevoir ? S'il eft parti le 14. Mars il auroit du fe trouver pour le plus tard au commencement de Mai vers ce redoutable Nofs, qu'on ne peut doubler pendant les mois d'été les plus chauds, å caufe des glaces; pourquoi poulTer jufqu'au huitante - quatrieme degré , s'il a voulu faire route le long des cotes de la Tartarie, qui font å environ feptante-deux degrés? On n'apprend point qu'il ait jamais été arrété par les glaces ; ce que je n'affurc point, comme on le yerra ci-aprés. Bref, ce doit étre une fidlion, oula vraifem-blance méme n'eft point obfervée. Le Journal de Vannout de iour fe garantir dc la rigucur exeteme E e en cc qu'on pourroit aller par cette route cn fix feoiaines au Japon» au Iku que par l'autre il faut neuf mois. Examinons ces faits & ces raifons Le premier fait eit inconteftable. Nous verrons en fon lieu fi ces deux hibiles mariniers étoient fondés dans leur idée. Q>e le Czar d'alors ait découvert qu'il y avoit une mer fibre , c'eft - ce que j'ignore : je n'en doute pourtant nullement. Les Samledes lét fujets difent conftainment depuis cent quatre - vingt ans , que la petite mer, qui féparc la nouvelle Zemble de la Tartarie * Ijeloit tous ks kims, mais que la grande mer au-deia ne geloifc jamais. Il faut prévenir ici une objeftion tirée de ce qu'on trouve fouvent la mer entre le Spitzberg Sc la nouvelle Zemble gelée, Sc que Prontlchiucheuw Pavoit trouvée ainfi au Nord du Taimura. Je réponds : Que peut-étre cette mer k l'Eft & au Sud »Eft de Spitz-berg geie quclqutfois å caufe du voifinage des terres, & fur tout å caufe des glaces qui viennent du Groeuiand & de la petite mer. Mais ks Sarnoiédes pattent de la mer au Nord - Eft de la petite mer; St kur relation s'accordant avec celle des vaifleaux Hollandois, qui ont dépatTé la nouvelle Zemble de deux k trois cents lieufis, doit trouver plus de eréance que raØértion contraire. Pour ks glaces a& Nord du Taimura j'aurois b cn des obfervations k faire. On voit dans ia relation que Gmeiin donne , qu'aprés avoir dit qu'ils ont trouvé la mer gelée B néanmoins ils ont avancé encore fix lieues , & qu'a-lors méme ils ignorérent s'il y avoit de fa glace, étant empéché?- de voir ce qui ks environnoit, k canfe d'un brouiUard. Qu'on mc ton> cilie ceci avec une gtøce ferme Sc immobile. Ce brouiUard diflipé ils viient des glaces devant eux; faut-il f'en étonncr? Un brouil-3ard n'a lieu que par un calmc; alors les glaces peuvent fc rafle mb! cl & fe lier. Malgré cela on avoue qu'elles étoient mobiles: Eiks dc-voient done fc difliper par k premier vent, fi on avoit ofc 1'attendre. h crois que c'eft ici 1c lieu ou je puis parkr du paflage tres re-^at^uahk de la préfacc de Guielin; répétons-k ici ,» La La maniere dont tout ceci a été execute, fera en fon tems le M fujet du plus grand étonnement pour tout le monde, lorfqu'on „ en aura la relation authentique ; ce qui dépend uniqucment de la „ haute vo!onté de l'Jmpératricc Elizabeth a&uellement régnante &c„ Je n'en fais que la moindre partie , & je commettrois one har-„ dicfle puniflable, fi je publiois fans permiffioa fuprémc le peu que ,, je fais de ces voyages par mer". Commencpns par ce dernier trait. On verra par l'extrait de l'ouvra-ge de Gmeiin que j'ai donné en fon lieu , qu'il nous fait part de nombre de faits intéreffans, & dont je roe fervirai pour prouver mon fyftéme. On voit pourtant par fes expreflions que ce qu'il fupprimé doit étre d'une importance bien fupérieure, puifqu'il fe croiroit pt:-mjjable s'il cn failott part au public. Sur quoi peut rouler ce myfté-re ? Nous pouvons en juger par l'expreflion, le fujet du plus grand étonnement pour tout le monde. Dévinons cc fujet. Sera-ce les tentatives qu'on prétend avoir été infructueufes pour paffer å l'Eft & å I'Oueft depuis le Lena , & pour dépafler le Nofs Schalaginskoi , fur une mer couverte d'une glace ferme & immobile, qui met un empé-chement invincible a cette navigation ? On ne fauroit lc fuppofer. On a depuis deux fiécles fi fouvent répété ce fait prétendu, que le monde nc fauroit étre extrémement furpris, que quand on leur don-nera la relation par ordre dc la Cour , que le pafikge eft tres prati-cable, la mer libre & fans glace. Voila le feul fait capable de fur-prendrc tous ceux qui ont lu les relations publiées jufques ici; mais aufli voila ce que la Cour fe gardera bien de faire. C'eft le myttére d'Etat le plus important pour cette puilfance. On vott par Ia lettre de l'Officier Ruflien, qu'elle cherche å s'appropricr les pays voiiim dans l'Amérique. Les circonftances ne lui permettent pas d'exécuter fon projet: elle ne l'abandonnc pourtant point, mais elle attend des tems plus favorables. Dans ce but on dreflc des cartes , qui donnent i l'Afie une étendue dc trente degrés de plus qu'elle n'a reelle* ment. Cet aHongement groflit les dangers auxquels l'on s'expofc fuc une mer qu'on aflure toujours glacée. Dans les mémes vues elle aflure que ce Continent dc glace commence au Nord du Taimura ; que le «ap Schalaginskoi eft indépaflable; enfin elle fait tout ce qui dépend E e % d'eile d'elle pour déroumer toute* les Puiflances Européennes d'entreprere-dre cc p (Tage, de s'étabiir dans cette partie de l'Améri tue, & de Ce mettre en pofft ilion du commerce le plus lucrauf qui lok au mon x\ Nous en pirlerons plus au long dans la lutte de ce mémoke v « )• Les differens harpons trouvés plantes dans les ba'eines qu'on a pris dans les mers dc Corée & dc l'Amur , eft un taic inconicfta* ole, qui prouve l'exittence du paffage que j'indique; puifqu'il eft cer-tain qu'une baleine nc prut a ptine Tivre quelques hrures fous la glace. Auffi lorfqu'unc bal eine, aprés avoir resule coup, fe fau*e ibus la gluce, les harponneurs attendent quVlle revienne; a la vérité ils attendent fouvent inutilement; la trayeur & la douleur font qu'elle s'y enfonce, au point qu'elle y étouffe avant qu'elle puifte re-p roitre. Lorfque les glaces fe bnfent elle devicnt la proye des oms & des oifeaux. Mais s'il y avoit un Continent dc glace depuis Spitzberg jufqu'au Nofs Schalaginskoi, comme on veut nous le faiie ac-crojre , par ou pourroient - elles paffer? Le bois qui s'y accumule fur les bords du Groenland , du Spitzberg & des cotes de la Tartarie , prouve la méme chofe. Le bojs vient fans doute des pays ch?ui*. Ne faifons aucune attention qu'il foit vermoulu : fuppofons qu'il vienne des regions froides, de la partie la plus feptenttionale & occidentale de l'Amérique. Suppufur\s plus , & cc qu'on ne peut fuppofer , qu'au huitante ou huitante« Cinquierne degré, il y ait un pays, qui sbondc cn bois; cc qui ett pourtant contraire a i'expérience 11 faut toujours une mer libre pour qu'il puilfe étre jette fur ces 16 es Ce ne feront pa« les Géniev , qui, p( ur s'amuler , l'auro- t trainé par diffus les glaces jufques lur ces CO es ; ni des Roes, ou des Condors qui l'auront apporté par les airs. C'eft onc la unc preuve irréfiillble , qu il y a, du moins en certains tems une mer lib e & fans glace , & non un Continent de gla^e, comme on le fuppofe giatuitement. Que dnons-nous encore dc ce que la poix fe fond fouvent par la QjtV.n remarque ce que Gmeiin dit; cté achri; qu'eft ■ ce qui i été exicuit, fur la maniere do^: tous ces voy.iges ont & a< h.-vé ? Ce qu'il ve mir dc dire do éte ««cutex , Ehfibeih fous, ie fou- deffein de la Cour , de chucher la route vernement de l* d'un tiers dc plus; & de celle d'un jour de huit a dix hcuies avec un autre de vingt-quatre heures, fans avoir |amais dc nuit , & que la chaleur cn certains tems n'a aucune interrupnon II n'en eft pa> comme ch-z nous, ou, dans les plus grandes cha'em* méme , on fent vers Ir matin un froid piquant. Il ftut encore confidrrer ce tems ou l'on lait lc voyage en qualké de jour & dc nuit , & non iVulrnirnt en celle d'été & d'hiver. Nous fenton«. townrne on vient de le dire, en été fouvent un froid piquant lc matin , méme aprés le lever du Soieil. Les compagnoni dc Heemskeike dirent la méme chofe , que le froid ne fe fit jamais tant fem ir que lorfque le folcil commeneja å fe montrer. Les chi-leurs de nos étés s'augmentent vers le midi , mais deviennent beaucoup plus vives troi«, quattc, méme fix heures aprés: on fent quel-quefois une chaleur étouffmte jufques dans la nuit. Qui pourra done douter que vers la fin dc ce jour de fix mois la chaleur nc fut affez forte pour n'avoir aucunes glaces a craindre , lefquclles doivent étre toures fondues dans les quatre a cinq mois précédens? Avant de palfer å d'autres faits & d'expofer de nouvelles réflexions» effJcons l'tffct que pourroit produire une objeclion. Jl eft vrai, dira-t-on, Wood a agi conformément & ces raifons; mais il a changé dc fentiment. & il a cru que les faits ont été in-ventés par des gens déioeuvrés , qui ont voulu tromper le public. C'eft la une fuppofiiion infoutcnable. Comment, en effet, concevoir qu'un Capitaine Gouldens eut voulu tromper fon Roi , qu'il ait eu affez dc pouvoir fur tous les individus de fon équipage pour con* coutir k cette tromperie > fans qu'aucun, ni par crainte de ch.timent, ni par efpoir de récompenfe , ne lVur décélé & dementi ? Et fil. iuftrc fockié Royale, auroit-elle voulu en impofer au public cn adoptant cc fait? Wool n'ayant done pas fuivi fes idées , & nc dirigeant pas fa route par le milieu ent=e Spi'z-berg & la nouvelle Zrmble, mais 3yant, par une crainte qui ne lui ikit pas» hjnneur , »gi comme les autres, en cotoyant, il trouva comme eux une mer glacée au feptante-flxicme degré, avant de parvenir a la hauteur de l'extrémité feptentrionale de la nouvelle Zemble. 11 perdit la tramontane, & ofa, pour couvrir fa faute, alTurer qu'au-dela il n'y a qu'un Continent de glace perpétuelle; & que méme Spitz-berg & le Groe'nland font un méme Continent avec la nouvelle Zemble : deux faits qui fe trouvent mani-feftement faux. Car combien de milliers de vauTeaux qui ont été å Spitzberg jufqu'au huitancieme degré, au huitante*deuxieme méme; Heermkerk & Barenz qui ont dépalfé la nouvelle Zemble, tourné au Sud, abordé, & y ont palfé l'hiver! Tous ces faits, dis - je » font des preuves au dellus de toute exception , qui anéantiifent ces allégués de "Wood, que la crainte & le défir de fe difculper de fa poltronnerie , lui ont infpiré. L'infchoten, qui a été la premiere fois dans ces parages en i?94" parle tout autrement. Le 9. Aout, il vit l'eau claire & une grande étendue de mer. Ii dit que les glaces viennent des cotes, des bayes, & des bas fonds, ou elles fe forment le long du rivage, d'ou le vent les détachant les porte dix ou douze lieués, quclque-fois plus avant, dans la mer. 11 ajoute qu'elles ne fe fondent que lentement: car il lui paroifloit impoflible, caufe de leur épauTeur, qu'il en fut autrement, malgré les alfurances des Lapons , & des Tartares du détroit, qui tous lui difoient que ces glaces fe fon-doient en quelques jours» & que Von palferoit cinq a fix femaines fans en voir; aprés quoi l'hiver recommenccroit, mais il en fut con-vaincu par fes propres yeux, lorfqu'enfuite il ne vit bientåt plus de glace dans cette petite mer, qui lui parut nette & coupée de lames qui s'y élevoient; toutes femblables a celles de l'Océan. D'ou il conclud qu'å vingt ou trente lieués de diitance des terres on ne devoit trouver aucune glace. Sous le 10. Aout il dit qu'il eut toujours une mer claire, fans apparence méme de glace; ajoutant que s'il y avoit eu de la glace du c6té du Nord, le vent qui en venoit l'auroit pouffée vers eux, du moins qu'ils en auroient vu quelque marque; par exemple ils auroient vu la mer douce & unie ; ce qui n'étoit pas. Malgré ce vent -contraire du Nord ils firent route vers ie Nord-Eft, & avancér ent cérent de treize h quatorze lieués pendant la nuit (a). Le ii. ils forent vers le golfe de TObi; les glaces y étoient fondues. Dans fon fecond voyage il dit å la pnge 239. fous le premier Septembre que les glaces qui flc-ttoient , fe brifoient , fe fondoient fenfiblement Deux pages pus bas il parle de la promptitude avec laquelle les glaces fe rompent, fe diflipent & fe rtprennent tour å tour. A la page 244. il atfure qu'il n'y a point de bois de chauffa-ge fur les bords de cette mer, que celui que la mer y apporte. Les Samoiedes difent que le détroit, les bayes & le golfe geloient abfolument tous les hivers, mais qu'il ne gele point en pleine mer; que vers le milieu de Mat ils paflent encore fur les glaces du détroit a la nouvelle Zemble; qu'aprés cela les glaces fe brifent & fe diffi-pent, & qu'a dix , quinze ou vingt lieues de diftance des deux c6tés du détroit on ne trouve point de glaces. A la page 247. il dit que le pays au-delå de l'Oby eft un angle faillant, qui forme un cap avancé ou Nofs, vis- a- vis l'extrémité de la nouvelle Zemble, ou plufieurs Samoiedes demeurent toute l'an-née. Au - dela de ce Nof*, il y a une grande mer tres étendue qui baigne les cétes de la Tartarie , & qui s'étend plus loin jufqu'aux pays chauds. Ajoutons encore une autre relation. Elle parle du golfe, ou Gu-ba, de l'Obi, difant qu'il eft toujours couvert de glace , qui ne fond pas méme en été, mais qui nage par glaqons fur l'eau. Pendant l'hiver Jes habitans font fouvent furpris par des tempétes, qui dégagent ce golfe, & font elever l'eau par deflus les glaces. L'Obi a fon embouchure forme un golfe dans lequel fe jettent les rivieres de Nadim , de Pur & de Tafs, & qui eft gelée dans le moment. D'ou l'on peut conclure que la grande uffluence des eaux de l'Obi , qui fe font écoulées chaqu'année depui* la création du Monde , devroit avoir rendu la glace plus epaifle & force les eaux å retourner vers l'Obi. L'expérience y eft contraire ; car la glace fft toujours dc la méme hauteur. L'Auteur l'attribue a cc qu'å mefure que (a') C'eft-å-dJre pendnnt åoure teurei j car e'eft par ces heures qu'on y-conipttf k nuit, quoiqu'U y hik grand jour, que Ia glace s'épaiflie fur la furface, elle fond par delfous; c'eft, dit* il , ce que Pexpéricnce contirme ; puifqu'en attachant un morceau de glace å un cordon , & ie mettant dans l'eau elle fe fond. §. IX. Preuves de la pojjibilité du paffage au Nord - Eft, tirécs de la relation de M. Gmeiin. Voyons \ préfent ce que nous pouvons trouver de favorable \ n6-tre théfe dans la relation de M. Gmeiin. Obfervons d'avance qu'il a fait fon poffible pour cacher tous les faits qui auroient pu. favori-fer cette opinion; que fa préface , comme nous 1'avons rapporté , avertit de fon delfein , & qu'ainfi c'eft contre fon intention qu'il lui eft échapé des faits, d'ou l'on peut tirer des conféquences favorables a mon opinion. i*. Parlant de la tentative faite par le Lieutenant LaflTenius, il dit que ce navigateur ne put faire voile que le 6. Aout. 2*. Ils gouvernérent toujours entre le Sud-Eft & Sud, & virent des glaces vers l'Eft, dont ils furent entourés: aprés quelques heures elles difparurent, & ils eurent un fort orage. 3*. Le i 2. ils firent voile vers Eft - Nord - Eft , & ils furent toujours poufles vers bud-Oueft & Sud-Eft, entourés de glaces. 4#. Le 16. ils retournérent déja vers le Karaulach , ou ils pafte-rent l'hiver å feptante- un degrés, & fe fervirent de la quantité pro-digieufe de bois que la mer y améne. 5*. Prontfchitfcheuw ne fortit en mer que le 13. Aout: il tint fon cours pendant deux cent milles d'Italie, le long des isles dif-perfées entre les embouchures. Il arriva le 2?. å l'Olenck å feptante-deux degrés trente minutes, ou ils hivernérent; <& il envoya des nouvelles au quartier principal le n. Novembre, & alors tout l'é-quipage étoit en parfaite fanté. L'été fuivant ie Lieutenant fortit de l'Olenek tout malade qu'il &oit, au commencement d'Aoik il arriva le 3. a l'Anabara au feptante trQificrHe degré. Les gens envoyés dans le pays en revinrent le le i o. On pourfuivit le voyage , & ils coururent beaucoup de rifque jufqu'au Chatanga, å eau fe des glaces : ce qui fut caufe qu'ilg entrérent dans ia riviére å feptante degrés neuf minutes , ou ils trouvérent des cabanes. De-lh ils navigérent au Nord le long des cotes, vers le Taimur, ou'on arriva le i8- Us continuérent a ranger la cåte vers le Piafida. On voyoit proche des cotes beaucoup d'isles , entre lefqUelles & le rivage il y avoit des glaces immobiles. Ils firent voile vers le Nord, eurent une mer affez libre , & parvin-rent a la derniere isle k la hauteur de feptante-cinq degrés vingt-ctnq minutes. Entr'elle & le rivage, & plus au Nord on voyoit des glaces immobiles. Ils avancérent encore fix milles , & ils virent des glaces devant eux & des deux cåtés; celles du coté de la mer étartt mobiles. Ils dirigeoient le cours vers le Nord, mais ils furent pouf-fés Nord-Eft. Ils retournérent au Taimura , ou ils furent en fermes pendant vingt - quatre heures par les glaces , qui furent alors chalfées. Le 29. ils furent de retour a l'OIenek, ou le Lieutenant niourut bienrot aprés leur arrivée. 6*. Le méme voyage fut entrepris cn 1739. par Charitcn Laptieuw. Gmeiin n'en dit rien, ftnon qu'il n'étoit pas parvenu h l'embouchure du Jenifea, mais que par ce voyage, & par celui depuis Mangafea on s'étoit convaincu, que la langue de terre & la mer gelée , avant de parvenir 3 fa pointe, empéchoit ce voyage ; que ni Tun „ ni l'autre n'avoit pii la doubler, & que Tun de ces vaifleaux, ou les deux avoient été brifés, fans qu'aucune perfonne de l'équipage y ait péri. 7*. Dmitri Laptieuw & Plantin envoyés a la découverte du Nord-Eft, cherchérent la haute mer le 15. Aout 17 3 6. ils eurent le vent le plus favorable qu'on put fouhaiter, pendant deux fois vingt-quatre heures fans interruption : enfuite ils trouvérent une mer fortement gelée: ils envoyérent des chaloupes pour la reconnoitre, qui rappor-térent qu'il n'y avoit aucune fortie , ni du coté du Nord , ni du coté dc l'Eft j & ils prirent atteftation par écrit de gens qui con-noiflbient ces parages, que la mer y étoit toujours gelée depuis lon-gues années. Ils retournérent done å l'embouchure du Lena , ou ils arrivérent ie 33. Aout F f 8'. Le 8*. Le méme fortit en mer le 29. Juillet 1739. Il doubla le i<>. AoiVt Ie Swiatoi - nofs. il arriva å 1'lndigir fous feptante-deux degrés deux minutes , fans dire quand. Le 1. Septembrc il y fut pris par Je gel, aprés étre refté quelque tems en mer parmi les glaces. Un orage les brifa & poufifa la chaloupe en mer, & il er ra jufqu'au 8. Un caJme furvenu rit geler la mer (i fo~t que le 10 & le 11. on put tranfporter 1'équipage å terre. 11 lailfa fur le vaiifeau une garde qu'on relevoit de tems å autre II n'eft aucune riviére feptentdonale ii peuplée, & la mer pouvoit fournir abondamment a leur entretien. Le printems fuivant on retira Ia chaloupe å terre ; & l'Auteur ne iauroit dire, fans doute, parce qu'il ne le veut pas, ce qu'on en a fait: mais il eft certain, dit - il, que le Lieutenant a pourfuivi fon voyage jufqu'au Kolima dans de petits båtimens, & de - lå, partie par terre, partie par eau, jufqu'a Anadirtkoi-Oftrog. Et aprés avoir décrit toute la cote jufques-lå , il finit toute fa navigation en 1740. 9°. Il parle encore de la grande quantité de gros boi? qu'on trouve amoncelé fur les rivages , parmi lequel il y en a beaucoup de tout f rais. A l'Eft de l'embouchure du Jéniféa, a quinze werfts, c'eft-a-dire, a trois lieués au Nord de Kitafchow.skoi - Simovie, il y a une place qui furpaife en hauteur toute la contrée par 1'abondance du bois. io°. La mer, il s'agit dela petite, s'ouvre en méme tems que le Jéniféa a fon embouchure, & ordinairement vers le 12. Juin. Des lors elle devient libre pour vu que les vents viennent de terre. Si pa: contre ils viennent du Nord, ou du Nord-Oueft feulement pendant vingt - quatre heures, la glace revient inceffammenr. Si - tot que le mois d'Aout approche de fa fin , on n'eft pas lur un feul jour , que la mer ne fe gele: mais aufii lorfque la mer fe gele de fi bonns heure, on n'eft pas fur qu'elle reftera gelée pendant tout l'hiver. La glace eft mince dans les commencemens , un grand orage la brife, On peut adopter comme une regle fure que la mer glaciale ne gele jamais plus tard que le 1. Oclobre, mais fouvent plutot. 11*. II parle en divers endroits de la grande quantité de dents de dievaux marins, ou de vaches marines , dans les isles vers la nouvelle Zemble; mais le plus grand nombre aux environs du cap Schalaginskoi , 011 l'on en trouve de plus grandes que par tout ailleurs» telle- teilement que les Tzchutzki en font le deftbus des trafo eaux. La quantité en eft fi grande que les Tzchutzki en font de gros mon-ceaux fur le rivage en offrande- å leurs Dieux. Toutes celles qu'on rapporte du Groenland ått), font petites en comparaifon de celles qu'on envoye depuis AnadihkoL 12*. A deux cent huitante werfts, c'eft. k-dire, a cinquante fix lieués plus bas que Mangafea, il y a encore une parotlTe Ruffienne, a foixante-huit degrés trente minutes de latitude ( a ). Puifque nous aurons une réflexion importante å faire, qui eft gé-nérale, mais qui a d'abord lieu au premier article de cette relation, nous donnerons ici le paflage de la lettre de rOfficier Ruflien fur le méme fujet „ Par tant de navigations infortunées on jugera du compte qu'il ,, faut faire fur ce paifage par la mer glaciale que les Angiois & „ les Hollandois ont cherché autrefois avec tant d'empreflement. Sans ,, doute ils n'y auroient jamais fongé s'ils avoient prévå les périls ,i & les difficultés invincibles de cette navigation. Réufliront-- ils cu j, nos Rufliens plus endurcis qu'eux aux ttavaux , au froid , capa- bles de fe paffer de mille chofes & fécondés puiffamment , n'ont „ pu réufli r ? A quoi bon tant de dépenfes, de rifques & de fatl. /, gues ? Pour aller, dit-on , aux Indes par le chemin le plus court. Cela feroit bon, fi Ton n'étoit pas expofé a hi verner trois ou qaa-„ tre fois en chemin. Ce plus court chemin n'exifte que fur nos w globes & nos Mappemondes Cc raifonnement eft fpécieux & cblouilfant , mais aufli n'eft. il rien autre chofe. Nous allons l'analyfer en faifant ufage dc ce qui fe trouve dans le premier article de la relation de Gmeiin , & dans les fuivans. Nos Ruffims , dit-il, font plus endurcis que les autres nations aux tra- ( *) On nou$ exeufera d'avoir répété remettre fous les yeux les points fur ici une partis dc la relation de Grnelin: lefquels on peut faire des réflexions, qui nous avions donné ci-defTus un extrait appuyent mon fyftéme en favewt du paf. de ce qui s'y trouve d'intérelfant en gdné- fage du Nord - £ft. jral & avec plus d'tkentue, lei il falloit F f % travaux , au froid, capables de fe paffer de mille cbojes , & fecondés puiffamment. Tout cela eft-il bien vrai? fcxaminons. Gmeiin parlant des habitans de Jakoutsk, Jh qu'ils font fi paret-feux dans ces pays, que dés le commencement de l'hiver ils paifent tout le tems, non feulement dans la chambre chaude , mais au lit, aimant mieux fouffrir la faim que le fcoid , & ne fe levant que lorfque le befoin abfolu de nourriture les y contraint. Voila done ces gens fi endurcis aux travaux & au froid. Les Européens qui vont a la péthe de la baleine jufques vers ie hu'cantieme degré ; ceux qui paifent l'hiver au fort Nelfon, ou le ftoid eft tel qu'il fend les bois, & furpalTe de beaucoup celui de Jakoutsk; ceux qui ont hiverne dans le Groenland & ailleurs, n'étoient i's done pas autant & méme plus endurcis que les Rufles, & n'ont-ils pas fu fe paffer de mille chofes comme eux? Je fappofe pourtant que les Kuftes , les Cofaques, les Jakoutfrkes &c. foient plus endurcis. Ce n'eft pas la qualité la plua néceflaire & la plus requife. 11 taut des mariniers experts; ces Rul-fiens, ces Jakoutskes &c. le font-ils? On peut aflurer que les meil-leurs d'entr'eux feroient les moiudrcs parmi les Angiois , les Francois, les Danois, les Hollandois Sec. Od voit par toutes les relations combien ces gecs font poltrons fur mer, Sc qu'ils n'ofent s'é-carter des rivages. L'Auteur des Lettres d'un Officier Allemand a un Gentil-homme Livonien, écrircs de Pétersbourg en 1752. (a), dit en parlant de la marine des Rufliens, aprés avoir atTuré que les Rufliens font de chetifi mariniers ( b ). " C'eft aufli la raifon pour laquelle les Ruffes „ dans la moindre expédition qu'ils ont a faire fur mer , perdent tor jours tant de navires & de monde. Toute leur fcience con-,, fifte dans une miférable théorie. Un pilote Ruflien croit étre tres „ habile quand il fait nommer les principaux vents & calculer com-„ bien de lieués le vaifTeau a avancé dans un quart. Pour le refte, ils y font fi neufs , qu'on rifque de faire naufragc avec eux, lor.-; .* méme qu'il fait le terns le plus favorable. Un exemple fuffira pour proa- ( a > Uecueiilies & pubUées par C, F. S, de h Ahrche å Londtcs 1764* ( t» ) ^nap. XX. p. 129* i3 prouver cc que je viens d'avancer. Quand il arrive a un Capitaine „ Kullien , que le vent change tout d'un coup , vous le voyez per-dre la trbmontane. Il tourne le navire & revient au méme endroit d'<*u il étoit parti. Ils ne favent ce que c'eft que louvoycr, & aufll-„ t6t qu'ils l'entreprennent a l'tffet de profiter du vent contraire, „ on eft perdu fans reflburce. Les excellens navigateurs , en véri-„ tc , pour chercher de nouveaux mondes " ! Mr. le Chevalier de G. m'aflure, que les båtimens, dont les Ruf-fiens fe fervent pour naviger dans la mer glaciale , coutent å Ar-changel tout nettfs , & avec leurs agrez 300. Roubles la piéce ; & Muiler dit, que ces båtimtns, dont on fe fer voir, entre autres Sta-duwhin , pour les découvertes, fe nommoient Schitiki, parce que les planches font affemblées & comme coufues avec des courroyes , & calfaté avec de la mouflTe &c.; eft-il done furprenant qu'ils n'ofent fe hazarder, lorfqu'ils prévoyent le moindre danger, avec de fi ché-tives nacclies ? On ne peut qu'étre frappé lorfqu'en comparant ces faits & ces raifonnemens avec les relations de Gmeiin des voyages de Pronts«. chitfehew, de Laptiew &c. on y voit que la caufc dc leurs mau-vais fuckes eft exa&ement conforme a celle que cet Auteur indique, quoi qu'alors ils fe ferviflent de båtimens un peu plus forts , appa-remment des Kotfches. Combien done eft plus fondée l'exclamation qui fe lit k la fin de cet extrait, que celle de POfficier Ruflien , lorf-qu'il dit p. 44. Réufliront-ils, favoic les Angiois & les Hollandois, ou nos Rufles &c. n'ont pu réufli r ? Nous venons de voir une puilTante raifon pourquoi ils n'ont pas toujours pa réuffir. Je dis, toujours, puifque nous avons vu & que nous verrons encore ci-aprés , qu'ils ont fouvent réufli. Mais eu Yoici une nouvelle raifon que nous fournit le premier article de la relation de M. Gmeiin. Les Rufles fe préparent ordinairement en Juin; en Juillet ils det cendent le Lena. Les glaces qui fe trouvent toujours dans cette fai«. fon entre les embouchures de ce fleuve , & la difficulté de naviger entre ces isles, eft caufe qu'ils ne peuvent fortir en mer que le 6. le 13. ou le 1?. du mois d'Aout. Celui qui put faire voile le plutot» Ff I le le fit le 29. de Juillet, tems å peu pres ou tous les vaifleaux qui vont å la péehe dela baleine, å Spitzberg, ou vers le détroit de Davis, font de retour, ou fur leur retour. Tems ou nos vaifleaux qui feroient route au Nord - Eft , auroienc achevé kur vopge jufqu'au de-la du cap Schalaginskoi: ou s'ils avoient rencontré en route beaucoup de difficultés n'en feroient guéres éloignés. Celt, dis-je, feulement alors que les Rufles commencent le leur. Doit-ort done étre furpris s'ils ne réufliflent pas toujours ? Je nc vois pas mieux comment ils font fécondés plus puiffamment que les vaifleaux des autres nations Européennes. On conftruit des vaifleaux, ou plurdr des chaloupes: on lesapprovifione, & je penfe, avec moins de foin que ne le font les autres nations. Si Péquipagc eft obligé d'hiverner quelque part fur le rivage , M conftruit des ca-banes; il fe nourrit des provifions du vailTeau, & du poiifon qu'il péche. Voila tout cc qu'on fait pour les feconder. Les autres nations auront*elles moins d'avmtage en tout cela? Qu'on ne fe trompe pas. II n'y a ni ville, ni Fort, ni Gouverneur, fur tous ces rivagcs, qui puifle féconder les Ruffens, ni empéiher i'abord a d'autres nations. Ainfi que cette raifon s'évanouit de méme. L'Auteur fuppofe qu'on eft obiigé d'hiverner trois ott quatre fois en chemin, 11 faut avouer que cet Officier doit avoir bien agi feion lc9 vues de la Cour en s'y prensnt d'une maniere ii fopbiftique. Je ne doute point qu'en effet on ne fut obligé d'hiverner trois ou quatre fois en chemin, fi 1'on fi prenoit comme les Rufliens, qui ne commencent le voyage qu'en Aout, & ne font que cotoyer. Mais eli partant depuis le cap Noit en Norwége au milieu de Mai , fu-pofons au 12. Juin, ou la petite mer d'eau douce méme eft libre. Prenant alors le milieu entre Spitzberg & la nouvelle Zemble , jufqu'au huitante ou huitante - cinquiemc degré, feion qu'on verroit la mer plus libre d'un coté que de Pautre. Je le répéte, lc voyage feroit achevé en Aout, & le cap Schalaginskoi dépaffé avant le tems que les KmTcs ont accoutumé de fortir du Lena en pleine mer. Voila done tous ces hivernemens tres inutiles. Ce plus court chemin tfixifté que fur nos globes & nos mappemon* des. C'eft encore vouloir cn impofer au public fous l'apparence de I* la véri^é. II eft vrai que ce n'eft pas une route qu'un ait faite dans une feule fois depuis J'Europe au Kamtschatka: dans ce fens ce chemin n'exifte que fur les mappemondes. Mais fi je prouve qu'il a été fint eotierement å trois reprifes, on conviendra qu'il exifte non feulement fur les mappemondes, mais réellement, & qu'on peut l'exé utfr en un feul voyage. Car fi on peut aller, par exemple de Hambourg a Nantes, de-lå a Lisbonne, & de Lisbonne å Livour-ne , chacun concjoit qu'on peut fe rendre de Hambourg å Ijvour-ne. Et voila ce qui s'eft fait pour le voyage au travers de la mer glaciale. Je ne dirai den de ces voyages fous le Pole, parce que je ne puis obliger perfonne d'y ajouter foi. Je ne parlerai pas méme de l'hi-vernement de Heermkerk & de Berenz, quoiqu'ils ayent franchi la plus forte difficulté en dépalfant le cap le'plus feptentrional & oriental de la nouvelle Zemble å paffe feptante - huit degrés: mais c'eft de la navigation des vaifleaux Hollandois, qui ont pafle tout au moins jufqu'a la méme longitude des embouchures du Lena , & qui ont trouvé une mer libre & fans glaces. C'eft ici, je crois, le lieu d'exa-miner plus attentivement ce fait tres important. La Compagnie Hollandoife des Indes Orientales eft fi jaloufe de fon riche commerce, que bien loin de contribuer aux découvertes, elle les empéché de tout fon pouvoir. C'eft la raifon pourquoi nous avons fi peu de connoiflance des terres Auftrales , de celles des Pa-pous méme, fi proche des établiflemens Hollandois. M. Valentin (a) par- ( a ) Voyant que ce grand , excellent & magnifique ouvrage de Valentin ne fe trouve cicé nulle part, je crois devoir le faire un peu connoitre. 11 n'elt pas étonnant qu'on n'en ait aucune connoif-fance. imprimé il y a paffe trente ans par foufeription en langue Hollandoife , fort peu connue des Savans Francois, il coutoit depuis neuf å douze, ou méme treize louts, felon le papier. Ces diverfes circonltances peuvent aifément l'avoir fouf-Jrait a la connoiflance de ces Savans: il mériteroit cependant mieux que milte autres , d'étre traduit. Cet ouvrage in cinq volume in.foHo , avec une grande quantité de tailles douces & de cartes géogra-phiques, comrnence par une hiftoire fac-cincle de tous 'es anciens voyages , jufqu'a h découverte des Indes otientales par la route du cap de Bonne efpérance. Les pays qui fe trduvenr fous '1 puif. fance de la Compagnie Hollandoife , y font fur tout décrits av«*c beaucou," c\q detail. L'Auteur, qui y a donerne longue* années parle d'un projet de M. Puri , SuiflTe , qui vouloit établir une Co-lonie dans ces terres Auftrales, Ce projet a auffi paru dans une brochure féparée, & il eft appuyé fur des raifons tres folides, quoi-qu'elles n'ont pas été gouiées. Rien n'eft mieux lié que le fyftéme de cette laborieufe nation Ils ont fubjugué, ou rendu tributaires tant de peupies & de pays, qu'ils ont peine k les contenir, bien loin d'y pouvoir établir des Colonies, Ils fentent prudemment , qu'au lieu de gagner par de nouveaux établiflemens , ils s'affoibliroient; qu'ils feroient bientot obligés de les abandonner, & que d'autres nations Européennes, auxquelles ils auroient frayé le chemin , en proriteroient: lis craignent méme d'étre dépouilles peu å peu d'un vafte commerce , qui les enrichit & qui les foutient. Tel a été de tout tems leur fyftéme. Ils en agirent de méme dans l'occafion dont nous parions. L'Illuftre focieté Royale , fous l'an i67f. rapporte ce voyage & dit, que peu d'années auparavant une focieté de marchands d'Amfterdant avoit fait une tentative pour chercher le paflage du Nord-Eft , & équippa deux vaifleaux lefquels étants pafles au feptante - neuf ou huitantieme degré de latitude, avoient poufle, felon Wood , jufqu'a trois cent lieués a l'Eft de la nouvelle Zemble; ce qui feroit å cette latitude feptante-cinq degrés, lefquels joints k nonante - cinq les auront porte au cent feptantieme, ainfi vers le Nofs - Schalaginskoi: cependant nous voulons fuppofer qu'ils ne foient venus que jufqu'au cent quarantieme, & qu'ils n'ayent fait que cent huitante lieues, ils fe feront trouvés å la longitude de l'embouchure années en qualité dc Miniftre donne toujours fépavément la dtfeription géogra-j. hiqne, l'hiftoire civile & l'hiftoire Ec-Uéliuftique. * 11 n'oublie pas ce qui regar-de l'hiftoire naturelle. On peut dire que dans tous les autres Auteurs enfemble , on ne trouve pas la moitié de ce que r- feul ouvrage contient. Il eft plus fuc-C]n$ fur |es endroits ou les Ho'landois i ant que des Comptohs : cependant on y trouve l'hiftoire des grands Mogols juf-ton tems avec des anecdotes curie«. fes. li a raflemblc tout ce que les Hollandois ont découvert des terres Auftrales &c. Enfin fi on ne vouloit pas traduire un ouvrage fi volumineux en entier, on pourroit en tirer des articks particuliers, qui feroient fort inftruftifs. Cet ouvrage a pour titre , Qnd m Niein» Oji Indien, of Nedtrlunds mageutheid >n die Ge-rveften, Aneiennes & nouvelles Ind«s Orientales, ou la puifiance des Holiandois dans eej pays. PAR LE NORD - EST. *33 l'embouchure la plus orientale du Lena. Et c'eft , en effet, a peu pres a cette longitude qu'on a marqué dans les cartes , qui ont fuivi de pres ce voyage, Hue uf que Hollandi pervener unt. Il y en a qui afturent pofitivement, qu'ils ont été au 130*.; felon nia catte, cc feroit vers l'embouchure la plus occidentale du Lena ; fuppofons cette diftance d'aprés les nouvelles cartes, ce fera toujours la longitude de l'embouchure de l'Olenek; égalcment ils ont depaffé ce cap de glace a I'Oueft du Taimura, qu'on dit étre lié avec la nouvelle Zemble & Spitzbergue par des glaces qui ne fondent jamais, & pourtant felon eux, par une mer libre & profonde, comme celle de l'Efpagne. Cette focieté s'adrefla a LL. HH. PP. les Etats Généraux , afm d'obtenir un privilége exclufif pour faire le commerce par ces mer? La Compagnie des Indes orientales fentit tout le préjudice que cc nouveau privilége pourroit lui apporter, & fe perfuada que la focieté ne fe dendroit pas a cc commerce de la mer, nommée glaciale, mais qu'elle avanceroit vers ie Japon, qu'elle s'etabliroit dans ler. is. les & les pays voifins, & qu'elle pourroit peu a peu attirer å e!Ie ce commerce lucratif. Elle rit done tant par fon grand credic que cette focieté fut refufée: mais fure de fon fait a i'égard dc la poflibilité & de la facilité de cette navigation, elle ne voulut pas petdre Pefpérance de profiter de fes découvertes: elle s'addreifa done a S. M. Danoifc , qui Jui accorda fa demande , & on équipa trois vaif-feaux : mais la Compagnie des Indes fcut fi bien négocier & fufciter des diftieuités que tout s'en alla en fumée. Un des ftratagémes le mieux imaginé, dont ia Compagnie des Indes fe fervit, fut, que voyant que le public murmuroit, de ce qu'on vouloit empécher cette découverte défirée li avidément depuis plus d'un fiécle , & qu'on em-courageoit par la promeffe d'une grande récompenfe , elle prit le parti d'alfurer qu'elle ne demandoit pas mieux; que c'étoit cc qu'elle fouhaitoit depuis long-tems ; mais que s'agiffant de découvrir encore lc paftage a l'Eft & au Nord-Eft de l'Afie , on ne fauroit l'effecluer que depuis fes étebliflemens aux Indes , ce qu'elle alloit ordonner inceftammenr. Elle donna done des ordres pour éblouir le public; & on envoya des YailTeaux depuis Batavia , qui, pour la forme, G g avan- avancérent jufqu'au cinquantieme degré, & revinrent : la Compagnie ayant prévu que gagner du tems, c'étoit gagner tout, rit 11 bien dans cet intervalle que la focieté fe diflipa , & qu'il n'en fut pius parlé, Auffi, bien loin que la Compagnie eut cherché å renouveller fes découvertes, elle a défendu fous peine de vie, qu'aucun vaiifeau ne fit voile au Nord du Japon. Voila des faits avérés, connus & authentiques. Par conféquent cette partie de la route a été faite. La feconde partie de la route a de méme été faite. Gmeiin Muller & l'Officier RulTien, cachent autant que poflible les voyages faits depuis le Lena au Kamtschatkj; cependant il échjpe aux deux premiers des traits qu'ils n'ont pu cacher. Ils auront cru , fans doute , qu'en voulant les fupprimer ou les rendre douteux, le piége feroit trop groffier, vft que ces faits n'étoient revoqués en doute de perfonne. Je donnerai ici encore un morceau tiré des lettres d'un Officier Alk* mand% alléguées ci-deflus, »* ( ^ ) Je ne connois qu'un feul homme capable d'un tel ouvra-„ ge; c'eft M. Muller , Profefleur & Secretaire perpétuel de l'Aca-3, démie imperiale des fciences, qui pendant toute fa vie s'eft occu* „ pé de l'hiftoire de la Rulfie, Ce célébré Savant a fait de longs M voyages dans toutes les Provinces principales de i'Empsre, & 9 M étoit aurorifé de s'emparer de tout ce qu'il trouveroit propre a ce „ fujet, & digne de fon attention. 11 fait la langue du pays, & il M s'étoit pourvu d'lnrerprétes pour celles qu'il ne føvoit pas. II fa-„ voit les fourccs d'ou il falloit puifer les inltrudions néceflaires : mais „ å quoi ont fervi tant de veilles & de peines ? L'infatigable Hifto-„ rien a fait un excellent ouvrage fans éfer le donner au public. U ( a ) M. Gmtlin avoit aflure le Savant qu'il me marqnoit Ceci eft conforme i ^°«t nous avons parle , fon ami & le ce que M Buache rapporte p. »08 dea »»»en, qu'autrefois le^ gens du Lena & relations oVlsbrand Ides & de l'Officier du Koiirna alh/ient tr.ifiquer par mer en Suedois. Kamt! chhiUa. c'ctoit done une route or- b Chap XV. p, Jo6. fur l'hif- Hinaire des „ns & des autres Et l'ami loke Rufl&ennc it La nation aime le panegyrique, mais non pas la vérité. II a tak $, imprimer plufieurs volumes fous le titre de fupplemens ( a) å Yhi£* tt toire de la Ruflie: mais quelque bon & utile que foit ce livre, M je n'oferois pourtant pas garantir qu'il en foit lui-méme fort con. „ tent II eft bien perfuadé que ce ne font que des fragnens im-„ parfaits, & qu'il a été obligé de fupprimer fouvent les traits les i% plus eflentiels. Si on lui eut permis de remplir les devoirs d'ua „ écrivain fincére, il auroit fans doute donné une hiftoire complette 3, & digne de fa reputation. Mais tant que le Senat de Pétersbourg s, fe melera dc rayer & de corriger les pieces de M. Muller, nous „ n'aurons jamais une hiftoire fidele de la Ruflie Voila ce qu'en dit un Auteur tout recent; un Auteur qui a fait un long féjour å Pétersbourg; qui a pris a tåche de tout examiner : Que dit - il ? i \ Qpe HI. Muller n'a pas ofé donner fon hiftoire au public« 2°. Que la nation aime le panegyrique & non la vérité. 3*. Qu'il a été obligé de fupprimer les traits les plus eflentiels , & qu'il ne lui a pas été permis de remplir les devoirs d'un Écrivain fincére. 4*. Que le Senat de Pétersbourg raye & corrige les piéces qu'on veut publier, & que par cette raifon on rfaura jamais une hiftoire fidele de la Ruffie. On verra done par ce témoignage combien je futs fonde dans mon aflertion , quoique cette brochure ne me foit tombée entre les mains qu'aprés que ce memoire fut fini. On verra done , dis je, que c'eft avec raifon que je n'ajoute pas foi å tout ce que dit POfficier Ruffien, lorfqu'il fait le panegyrifte de fa nation; ni aux cartes, qui donnent tant d'étendue k cet Empire ; ni a ce que des étrangers méme écrivent cont*e la poflibilité du paflage au Nord-Eft; viY qu'il eft prouve qu'ils n'ofent pas publier tout ce qu'ils favent. Il eft å craindre que Mr. le Confeiller Steglin, qui p3r ordre de la Cour travaille depuis quelques années å une carte de PEmpire Ruflien, ne tombe dans le méme inconvénient; c'eft ce qui eft eau fe, que G g % Pou, i a ) 11 devrøit dire 3 Rtcutil, Pouvrage de Mr. Krasbennimkof, traduit par Mr. le Dr. Gricve e qui vient de paroitre a Londres, fous le titre de , Hiftoire du Kamtschatka ( publié en Ru flien par ordre de S. AL Imperiale), ne fait aucune imprefiion fur moi, quant a pareils faits; précifément å caufe qu'il a été publié par ordre, & qu'on n'y a pennis d'inlérer que ce qu'on vouloit, que le public fcut & crut; aufli il s'en tient au Kamtschatka & aux isles Kuriles , fans parler des pays & mers au Nord. Voyons préfentement ce que Muller rapporte de la feconde partie de la route par l'Eft & le Nord - Eft de PAfie. On tenta, dit-ii, en 1S47. de découvrir Pembouchure de l'Anadir depuis Ie Kolima , mais on ne put réuflir, parce que cet Eté la mer étoit fi remplie de glaces, qu'elle ne permit pas une navigation libre > que cependant bien loin de perdre Pefpérance qu'on avoit conque , le nombre de ceux qui favorifoient ce projet , s'aug-menta tellement, qu'on équipa fept båtimens dans la méme vue. Qu'on faffe attention å différentes expreflions de notre Auteur. Cet Etét par conféquent, bien loin que la mer .n'y fafle qu'un Continent de glace perpétuel, cet Eté fut moins favorable que tout autre : ils Papprirent fans doute des habitans voifins, qui en avoient connoilTance ; c'eft ce qui les encouragea a augmenter le nombre des båtimens, fans en regretter les fraix. La mer, dit - il, étoit fi remplie dc glaces, qu'elle ne permeltoit pas une navigation libre. Ce n'éioient done pas des glaces immobiles ; .elles n'empéchérent done pas la navigation abfolue, mais feulement qu'elle fut libre. Il pourfuit qu'on ignore ce que quatre de ces båtimens font devenus, mais que les trois autres qui reftoient fous le comrnandement de Semun Defchnew , Gcrafim Ankudinow, tous deux Chefs des Cofaques, & Fedot Aiexew, Chef parmi les Promyf-chleni (a) , commencérent leur voyage le 20. Juin. 11 ajoute: » O ( « ) Jc me fuis informe auprés de plu- une Sefte ; un autre des Rebelles; un fieuts perfonnes, que je cro>ois a méme troifieme des gens qui levoienc le tribut; de ni'cx^liquer ce nom de Fromyfchleni, enfin jc viens d'en trouver la folution ■ce ,que c'étoit; l'un voulut oue c'étoit dans le recucil de Mr. ftlulier» voici ce av il Il eft h regreder que nous n'ayons feulement encore qu'nne tres ioible connoiflance lå deflus , & que toutes les circonftances de „ cette navigation n'ayent pas été mentionnées. On n'a pris, dit - il, aucune notice de fcmpéchement par les glaces, & probablement il n'y cn avoit point:' Car Defchnew obfervé å une autre occafion que la mer n'eft pas ordinairement fi libre de glaces comme elle l'é-toit dans ce tems. Cette relation, continue -1 - il, commence par le grand Ifthme, lequel eft en effet une circonftance qui mérite le plus d'attention. " Cet ifthme , dit Defchnew, eft entierement different „ de celui qu'on a trouvé auprés de la riviére Tfchukotfchia , å „ I'Oueft de la riviére Kotima. Sa pofition eft entre Nord & Nord-„ Eft, & couine en cercle vers la riviére Anadir Muller continue vis - å - vis de l'ifthme, Ians qu'il foit dit de quel coté il y a deux isles peupléep. On peut aller a la voile depuis rilthme å la riviére d'Anadir av^c un bon vent, en trois jours & trois nuits. Le vaifleau d'Ankudinow fe brila , & l'équipage fe fauva a bord des autres vaiflVaux. Defchnew & Fedot Alexew étoient allés å terre le zo. Septembre, ou ils eurent un engagement avec les Tzchutzki, ou ce dernier fut bleilé. Les deux vaifleaux fe perdirent de vué, & ne lé font plus rejoints dans la fuite. Defchnew fut poulfé par les vents dans la nier jufquen Oåobre. A la fin il fit naufrage aux environs de la riviére Olotura, *i ce qu'il paroit par les circonftances* Defchnew fit couperen i6, dent depuis lu Ruifie en Sibérie. , vent » la chalfe, principalcment det G S l les; qu'on y montroit la place des habitations Rufliennes vers 1'embouchure de la petite riviére Nikul, qui fe jette dans le Kamtfchat. 8c ci - devant nommé en langue Ruffienne Fedoticha : Mais å i'arri-vée d'AtlafTow aucun de ces premiers Rufliens ne fut en vie. Faifons å préfent aufli nos réflcxions fur cette relation de Muller, tirée des Archives de J kout*>k. Trois båtimens ont dépaiTé ce redoutable cap Schalaginskoi; 8c Muller lui-méme qui veut inlinuer par tout qu'il eft indépaflable , croit & dit, probahkment il n'y avoit point de glaces. Cependant ces vaifleaux fortirent du Kolyma, å la naiflance du cap, le 20. Juin; & la fin de ce cap n'étant pas fi éloignée de fa naiflance, que de l'embouchure de l'Anadir, ou l'on peut arriver en trois fois vinge-quatre heures, on en peut conclure qu'avec te commencement dc Juillet, pour le plus tard, il 1'avoit déja double : comment concilier cet éloignement depuis l'ifthme å L'Anadir, ou l'on peut aller en trois fois vingt-quatre heures , avec Vétendue qu'on donne dans les cartes aux caps Serdzekamen & desTz.hutzkt vers l'Eft? Il parle du grand ifthme comparativemenr å ce'ui qui eft å lOueft de la riviére Tzchukotfchia , ou les cartes marquent feulement un petit cap prefque imperceptible. Cela doit faire naitre des foupcons: ou celui-ci s'étend beaucoup plus avant en mer, & forme un ifthme ; ou bien le Nofs - Schalaginskoi doit s'y érendre beaucoup moins qu'on ne le marque. Si c'eft le premier, on n'aura pas voulu le faire connoitre, parce qu'on fentoit qu'on auroit d'abord dit; s'il avance a peu pres autant cn mer que le Nofs-Schalaginskoi, d'ou vient quet feion ce que M. Muller & Gmeiin avouent , les båtimens Rufliens ont pu paffer chaque année du Lena aa Kolyma fans empéchement ? La glace les en auroit du empécher autant & plus que vers le cap Schalaginskoi , ou Fagitation de la mer doit étre inftniment plus grande que vers le Kolima. Si on avoit été obligé de convenir du dernier, on auroit encore raifonné, que ne s'étendant guéres en mer, il doit étre poflible, facile méme, de le doubler. Je ne puis dévi-ner d'autres raifons de la difference entre les cartes, & ce qu'indique cette relation. On FAR LE NORDVEST. 239 On trouvera fans doute bien hardi, fi je propofe un autre doute. Le cap Schalaginskoi exifte-1-il réellement? Avance - t- il beaucoup dans la mer ? J'ai bien des fujets a douter, en voici quelques raifons, Je ne veux pas n>e fonder principalement fur les aneiennes cartes , qui n'en ont point, & qui depuis le Kolyma repréfentent une cote unie vers le Serdzekamen , ni fur d'autres aneiennes relations; je m'en tiens aux nouvelles, principalement å ce que M. Muller dit, & que nous venons de raporter. La relation de 1648. n'en parle point; ce qui eft dit du grand ifthme , paroit étre celui, dont la fin forme ie berdzekamen ; ceci eft conforme å d'autres relations 3 qui difent, qu'il n'eft pas large, qu'on y voit fouvent å fon Sud la mer libre & au Nord glacée. Or felon ce qu'on veut nous per-fuadcr, vers le Nofs-Schalaginskoi il y a toujours des glaces des deux cåtés, Lorfqu'il eft parlé des terres vis å-vis, tantåt on veut les fuppofer vers ce cap , tantet vers celui des Tzchutzki ; & les relations paroiffent pourtant ne parler que de celles-ci; Mr. Muller dit expreflement que vis - å - vis de ce grand ifthme , ( notez qu'il ne parle que d'un feul) il y a deux isles ; du depuis on les a découvertes vis-a vis des dits Tzchutzki. Ce qui me frappe le plus eft, que ceux qui ont fait ce voyige , alfurent, 44 que depuis ce grand #p Ifthme, on peut aller a l'Anadir a la voile avec un bon vent, en „ trois jours & trois nuits ". Qu'on jette les yeux fur les cartes modernes , & qu'on air alors la hardielfe d'aflurer , qu'avec un vent 3 fut-il auffi fort que les vents alifés de la mer du Sud, on puiife aller depuis l'ifthme du prétendu cap Schalaginskoi å l'Anadir , qui fe decharge au defTous du cap Tzchutzk dans la mer ! Par contre, c'eft lå une chofe fort poffible , fl å environ 1 o*, å l'Eft du Kolima fa céte fe forme Sud-Eft jufqu'au Serdzrkamen , & de-la Sud - Oueft vers le cap des Tzchutz^hi, l'un & l'autre moins avancé que dans les cartes, moins encore que dans la mienne. 11 eft alors auffi fort facile de comprendre, comment Laptieuw a pu parvenir en peu de tems depuis le Kolima å l'Anadir, comme il a été dit , de méme que ce que Gmeiin dit, que Pindigir & l'Anadir doivent étre regar-dées comme rivieres de la méme mer ; ce qui fans cela feroit re-gardé comme ridicule ; l'éioignement de l'embouchure de l'une a cc/ilf celle de l'autre eft tres grand fur les cartes, & fi Muller dit, qu'on ne prut determiner jufqu'ou s'étend le cap Schalaginskoi, on pourr/a innniment plutot nommer l'Elbc & la Viftule des rivieres dc u méme mer, quoi qu'on ne s'en avile pas: mais que feroit-ce, fi on vouloit ajouter foi å ce que des Géographes veulent iniinuer contre toute notorieté publique , & contet- le fait rapporté ci-dellus, que 3. vaifleaux ont dépafle ce cap en 1648. que dis-je, par celui-ci l'Afie eft jointe å l'Amérique ? Ce ne feront furement pas alors deux rivieres de la méme mer. je reviens au grand ifthme de la dite relation ; nous avons déja dit, quil ne parle que d'un feul ; ici nous obferverons feulement , qu'il totime en cercle vers la riviére Anadyr : qu'on jette les yeux fur les cartes nouvelles, & qu'on dife enfuite ii elles ont la moindre reflemblance avec cette expreftion ? celle-ci a plus de confonniié avec mon doute ; fi la cote depuis 1'Onent du Kolima vers le Serdzeka-men eft fans cap confiderabie; fi alors il y a une terre avancée, qui forme un cercle , lequel finit vers l'Anadyr, tout fe concilie: mais jamais on en viendra a bout en voulant Ventreprendre avec les cartee. Muller donne bien le cap Schalaginskoi en cercle, mais il le finit au 72". latitude; feulement au 67. commence ce que la relation nomme Cercle , qui contient le Scrdzekamen , & lc cap des Tfchuktlehi , en retoumant de lå vers l'Anadyr; il me femble que la contradiftion entre la iéule relation authentique que nous ayons & les cartes, faute aux yeux. Alors encore, li ma conjecture eft fondée, on voit la poflibilité la facilité méme de la péche de la Baleine å l'Eft du Kolima, re-préfentée fur la carte Ruflienne dans une mer affez libre pour n'y rencontrer que de tems å autres, felon le vent , des glaces flottan-ies; ce qui eft encore impofliblc, fuivant cc qu'on veut faire accroire au public, - On verra encore alors, combien étoient fondées les relations d'Is-brand Ides & de l'Officier Suedois, qui n'avoient pas le méme intetet a induire le public en erreur comme les Rufliens » que les gens, du Lena & du Kolima alloient trafiquer par mer en Kamtfchatka , & cejie de cet honmic qui tout feul dans un canot, a fait ce ce trajet; relations qui ne peuvent fubfifter avec les cartes nouvelles; Mr Muller dit lui-méme fur (a carte, au moins fur celle publiée par Jtfferi , en trac, tnt la route depuis le Lena jufqu'au Kovima ; route anciennement furt fréquentée. Je veux dire encore un mot des caps Serdzekamen & des Tfchutzk'; auuefois on parloit d'un cap; enfuite on dit qu'on a découvert qu'il y en a ces deux; jamais les relations n'ont parlé des trois , qu'orf marque fur les cartes; eft-ce Serdzekamen, qui en a donné la relation ? On avoue que Béering n'y a pas été & on donte qu'il ait poufle jufqu'a l'isle de St. Diomédc ; je n'ai point vu de relation de cette découverte; & le cap des Tfchutfchi, d'ou fcait-on qu'il s'étend fi loin en mer ? Il y a des cartes, qui le repréfentent tout autrement. Qu'on ne foit done pas furpris de mes doutes , qui fe fon dent partie fur la politique Ruffienne , qui veut cacher la veritable pofition & circonftances aux autres nations, partie fur les relations allé-guées contraires aux cartes; que d'autres s'appliquent å éclaircir ce myftére; on voit que je n'ai pas ofé donner pour certaines mes con« jeclures, puifque j'ai laifle fubfifter lc cap Schalaginskoi fur ma carte. Revenons å la relation, & raifonnons en conféquence de ma carte & non de ma conjecture. Defchnew voulut conftruire un Yaifleau a l'Anadir pour envoyee 2e tribut å Jakoutzkoi, & n'en fut empéché que par le défaut det mater iaux. Defchnew qui étoit venu par mer & fans empéchement depuis le Kolima å l'Anadir, ne douta done pas un moment que cette route ne fut praticable & facile, puifqu'il vouloit s'en fervir pour envoyer lc tribut, qu'il n'auroit pas voulu rifquer: mats on lui dit, que le Nofs n'étoit pas toutes les années égeelement libre de glaces. Jc veux fuppofer que ceci ne foit pas ane addition de la faco» de M. Muller, il ne prouveroit autre chofe, finon que la mer étoit libre, mais du plus au moins; quelque fois des glaces flottantes e d'autres fois point, comme dans le tems que ces trois vaifleaux y palférent; car il'dit, également libre. C eft une tradition &c dit-il encore. Jc n'ai rien å remarque r åci t finon que l'Officier Ruffien fe montre bien haxdi en bien des H h cn* endroits , entr'autres oii il 6le nier å Al Delisle , qus le* Kimts-chadales avoient quelque conn j(Tmce de ces R ilUens arrivés diez eux en 1648. M. Muller prouve le contrai?e bien fortement par cc paflage: je dois y ajouter qu'il nVft pas doute^x que Fedotow n'ait été fils de Fedot Altxiew i puiiquc chez les RuflLns leurs noms ont été, & lc font encore en pwtie, feulement te}± fils de tel. Dans la maifon Imperiale on auroit dit Fedrowitz; chez les gens du commun Feiotow , 8c le pere de Fedot doit avoir eu noni Alexis, étant dé-figné par Alexew. Voiiå done la feconde partie de cette route exécutée. Pour la troifieme , du Kamtfchatka au Japon , & vejs les pays voifins, perfonne n'en doute, ni n'en fauroit douter. J'ai done prouve ma théfe que le voyage de l'Europe jufqu'au Ja gon par la mer nommée glaciale, s'eft execute. Retournons fur nos pas, & vers les articles tirés de la refation de Gmeiin. On ne doit pas. étre furpris s'ils virent toujours des glaces, puifqu'ils gouvemérent toujours vers le Sui & Sud-Eft du coté dc la terre ou il y a eu, & ou il y aura toujours la plus grande quantité de glace, felon notre premiere théfe. Cependant méme vers la terre les glaces furent diflipées. 3°. 11 en eft de méme de cet article, 4°. E'tant fortis en mer le 6. Aout ils retournérent au Karaulach, le 17. Ainfi leur voyt a caufe des glaces que les vents du Nord arnénent dans vingt-quatre heures. Faifons lå-deflus une remarque importante. Les Tfchutzki, felon Muller , difent que les vents arnénent en hiver les glaces du Continent oppofé dans deux å trois fois vingt - quatres heures. Or on a vérifié que la diftance foit en Baidares, foit en hiver fur la glace par les traineaux , eft de trois jours. C'eft la méfure générale qu'on a toujours donnée de la dif- H h 3 tam» ( a ) A la vérité M. Muller dit, que induit en erreur, a eté omis par lui dam tfert par fimpl« ornement, qui , ayant les cartes fuivantes. tance comprife depuis la fource des glaces jufqu'a l'endroit ou elles abordent. Ainfi , que celles qui viennent dans la petite mer vers l'Obi , doivent avoir leur fource feulement å environ vingt-quatre lieués de lå; par conféquent depuis ce cap formidable å cété du Taimura, & de l'extrémité orientale de la nouvelle Zemble. Par-lå fe trouve confirmé ce que Linfchoten aJTura , qu'å douze , fuppofons vingt lieues au-delå, il n'y avoit plus de grandes glaces, & la relation conftante des Samoiedes, que la grande mer ne geloit pas. Mais revenons å cette relation de M. Delisle. Qael chemin qu'on ait prit depuis Archangel au Kovima , il falloit de toute néceffité dépafler ce cap du Taimura, que les Rufliens aflurent fi hardiment étre indcpaflable. Si ceci n'ouvre pas les yeux å tout ie monde, pour voir combien ils cherchent å nous induire dans Terreur, je n'aurai rien de mieux å dire. 6°. Ici Gmeiin fait voir Ia vérité de ce qu'il aflure dans fa pré-face, que ce feroit une hardiefle puniflable en lui de pubiier ce qu'il fait de ces voyages par mer. Il ne veut communiquer aucune cir-conftance de celui - ci, mais faire croire que la langue de terre, ou ce cap glacial, empéchoit ce voyage de Mangafea au Piafida, & dela au Taimura. Je n'en crois rien par les raifons ci-deflus alléguées, 11 dit de plus que Tun des vaifleaux, ou les deux, avoient été brifes, fans que perfonne y ait péri. Il faut done que ce naufrage ait été fort doux : mais je doute que les vaifleaux ayent été bi iles; je crois plutot que ces Rufliens fi poltrons- fur mer, ayant vu leur vaifleau prit par les glaces , fe font fauvés å terre, Tont abandon-né, & pour fe difcuiper ont afluré qu'il s'étoit brife. J'ai lå deflus une conjecture qui me paroit aflez forte. Lorfque je m'entretenois avec le S. B____r. dont j'ai parlé ci-deflus, je lui fis nombre de queftions pour en tirer quelques connoiflances. Comme il ignoroit parfaitement dans quelle vue je m'en informois, il crut que c'étoit par pure curiofité, & me conta un fait qui mérite attention. On m'a raconté, dit-il, une fois que je me trouvai å Spitzberg, que peu d'années auparavant, lorfqu'on y ariiva au mois de Mai, on fut furpris d'y rencontrer un vaifleau échoué å la cote du Sud, fans y trouver perfonne : le vaifleau, qu'on reconnut peur Ruflien > n'é- toit FAR LE NORD-EST. 347 toit point endommagé, mais pourvu de plufieurs munitions, utenfi-les &c. le tout en bon etat. On en raifonna fort, fans pouvoir rien déviner. Je lui demandai : dans quelle année cela pouvoit étre arrivé? Il me répondit qu'on lui tn avoit fait le recit a Spitzberg il y avoit dix ou di uze ans, peu d'années aptes uh tel evenement, dont il ne pouvoit pas indiquer la date.. Voici done ma conjecture. On lui en avoit fait le recit en 1743. ou i 74Le fuldit voyage s'eft fait en 1739. ce qui répond a l'ex-p- flion de peu d'années auparavant. Le vaifTeau fut reconnu pouc Rcffitn : aucun d'Archangel n'a pu avoir ce fort. On fait en quel tems on doit aller å la mer blanche & en revenir , & de pareils cas n'y arrivent jamais. Les Ruftiens n'ont point de vaifleaux aiileurs fur toute cette mer. Quel vaiifeau a done pu étre jette fur la cote de Spitzberg, fi ce n'eft un de ceux qui ont été envoyés pour chercher la commumcation entre le Piafida & le Taimura ? Les Rufliens, qui craindroient de périr s'ils reftoient en mer jufqu'en Septembre , l'ont abandonné. Les Samoyedes & M. Gmeiin méme, aflurent que jamais la petite mer, moins encore la grande mer , ne refte gelée tout le mois de Septembre, ni méme tout l'hiver. Voila done ce vaifTeau qui abandonné par 1 équipage & la mer redevenant lifere, fut pouifé par les vents du Sud - Eft fur la céte de Spiszberg, foit en Septembre, foit méme plus tard ; de facon qu'en Mai on Py trouva échoué 11 me paroit que cette conjecture n'eft pas deftituée de probabOité, & alors j'en tirerois cette conclufion : fi un vaifTeau voguant au ha-zard & fans étre gouverné, a pu faire le trajet depuis le cap de glace , ou fi l'on veut depuis la petite mer, au Sud de la nouvelle Zemble, en Septembre, ou plus tard, feulement poufle par ks vents jufqu'a Spitzberg, combien plus un vaiffeau avec un bon pilote & un équipage convenable pourra-t-il traverler facilement cette mer en Eté ! 7°. L'on voit ici que pendant deux fois vingr-quatre hf ure? on eut un vent favorable & une mer libre vers le Nord - Eft. Pour la mer gelée qu'ils trouvérent enfuite, le fait n'eft pas fi bien prouve que que l'autre. Ni Laptiew, ni Plantin ne Pont pas vA eux - mémes : ils envoyérent des matelots pour reconnoitre cette glace ; ainfi ils ne la virent que de loin. Ces matelots n'aimant point courir des riiques fur mer, comme nous l'avons dit , firent un rapport conforme å leur inclination pour fe retirer au chaud. Et quant aox attrftations des gens qui connoiffoient ces parages , je n'y fais guéres réfl xija Ce ne poovoient étre que des Tartares Jakoutles, qui ne favent ni lire, ni écrire, ni par conféquent donner une attelt ition par étrit Mais, a le fuppofer, que favent-ils de ces parages? Il fdudroit done croire que puifque ces gens avec leurs miférab]es båteaux , ne tont que ccVoyer, ces glaces fe font trouvées peut-étre douze, fuppoié vingt lieués avant dans la mer. Ce qu'on ne contefte pas; excep é qué je les y crois tres rarement fermes. On peut fuppofer en etfefc qu'on ne s'eft pas fort avancé vers le Nord , puifque le vaiifeau , qui aura pourtant avancé affez confidérablement vers l'Eft , a écé de retour au Lena huit jours aprés fon départ. Etant parti vers la haute mer le if. Aout, il fe retrouva au Lena le 23. Ainfi quatre jours de voyage & quatre de retour n'indiquent pas qu'on ait été å la hauteur qu'on doit prendre fi on veut réuflir. S*. En quinze jours de tems le méme doubla Ie Swiatoi - nofs qui comme nous l'avons dit, eft au feptante - quatrieme degré. On cache avec foin le jour de fon arrivée å l'Indigir, pour faire croire qu'il eft plus éloigné qu'il ne fe trouve en effet. Il refta dans ces parages jufqu'au premier Septembre qu'il fut pris par le gel. Cependant un orage brifa la glace, & il erra fur mer jufqu'au S. Preuve certaine que Ia mer å peu de diftance de la terre eft encore navigable en Septembre ( a ). Son vaiffeau ne fut qu'å onze ou douze lieués du rivage; ainfi encore trop pres pour ne pas avoir å craindre les glaces. Il eut fur l'Indigir des provifions en abondance. Cette riviére, quoique l'embouchure en foit k paffe feptante - deux degrés, eft tres peuplée« f O On pouvoit laifler une garde fur févelie fous laneige« & avec un feu Cbn-h vaiffeau qUj ne p^nt pas froid, tinuel. Cependant ces parages vers l'ui-twidis «lu» ia nouvelle Zemble , Barenz digir & le cap Schalaginskoi doivent tou« tx fes compagnons eurent peine å fe fou- jour« étre rernplis d'une gUec fwrne I tenif dans une cabanc profondément en. peuplée, & la mer fourniflbit abondarament a leur entretien. Voilk un contrafte ou je ne puis rien comprendre. La mer eft toute gelée, & la riviére de méme. Tout forme une glace continue & ferme. Cependant on a de grands & de petits poiffons, qui ont méme cinquante a foixante pieds de long; des amphibies, qui vivent fur terre & dans l'eau alternativement; des vaches marines que tous ces Auteurs aflurent étre des Manati, ou Lamentins , qui viennent chaque jour boire dans les rivieres , & vivent des herbes qui y croilfent Ces animaux y font fi abondans qu'on n'y en man que jamais. Comment concilier cette idée d'une glace perpétuelle , & d'une eau non gla-cée , aufli perpétuelle, dont les poiflbns avoient befoin , puifqu'on ne pouvoit les pécher fous la glace ? Nous avons déja fait voir, que c'eft une impoflibilité phyfique de faire le voyage depuis le Kolima å l'Anadir, que Gmeiin regarde avec raifon pour des rivieres de la méme mer, partie par eau , & partie par terre, k moins que la partie par eau ne fe foit faite en doublant le cap jufqu'a l'Anadir, & alors par terre jufqu'a lAnadirsfcoi-Oftrog, comme M. Gmeiin l'a avoué a un ami fous le fceau du fe-cret. 11 faut encore qu'il ait double ce cap dans les premiers mois; fuppofons Mars ou Avril de 1740. puifqu'il a pu faire la méme an-née encore le trajet immenfe d'Anadirskoi å Pétersbourg. Ceux qui auront lii les relations des perfonnes qui ont voyagé munis des ordres les plus précis de la Cour , pourront voir combien on a de peine d'obtenir du fecours, & de faire refpecter ces ordres. 90. Nous avons vu ailleurs les conféquences tirées de cette quantité de bois amoncelé. Ici nous obferverons feulement, que l'entrée de la petite mer å l'Eft de la nouvelle Zemble, formant un golfe, ou ce bois agité par les vents fe jette. Il eft naturel qu'il y foit en plus grande quantité qu'ailleurs, & qu'il forme une efpéce de montagne : mais enfin ce bois doit traverfer toute cette étendue de mer, & dépaffer ce redoutable cap de glace, quoiqu'on veuille nous fairc accroire qu'aucun vaiifeau ne fauroit le pafler. i o*. Si la petite mer devient libre vers le 12. Juin , la grande mer doit le devenir pltitåt: Aufli nous voyons par les relations que des vaifleaux ont eu la vue de Spitzberg dans les premiers jou^s du I i mois mots Je Mai, & que le 5. fuivant Martens, il y avoit des vaiflfeaux> qui avoient déja pris trois å quatre baleines. On concevra aifément* fi on adopte mon fyftéme, pourquoi leur péche eft plus.adondante en Mai & Juin , qu'aprés. Ces animaux ne peuvent vivre fous la glace , mak ils en aiment le voifinage , apparemment pour s'y refugier , en fe gliflant deiTous, & fe garantiflant par lå des chafilurs 5 ou hirponneurs, qui en veulent å leur vie. Ils fe réglent done fur l'uppfoche & féloignement des glaces. On les trouve en Avrtl Si en Mai plus au Sud ; en Juin plus au Nord & en moindfe quamité. En Juillet & Aout ces baleines difparoiifent prefque entierement, la mer fe trouvant libre au Nord jufqu'au péle ; & le préjugé ne per-mettant pas qu'on les y fuive, par crainte de la glace, elles y lone fibres & tranquillcs. 11 faut encore rernarquer que , felon Gmeiin & les Samoiedec „ la petite mer gele vers le premier G&obre , & que pourtant on n'tft pas fur qu'elle refte gelée pendant tout l'hiver. Qu'aura -1-on done å crain Ire dans la grande mer au fort de l'Ete 'l ii*. Ces dents des vadi s marines font encore une preuve en ma faveur. C'eft un amphibk qui aime les glaces, qui y va pur troupes3 de méme que fur les isles de cette mer, pour y relpi er : mais auffi il ne fauroit vivre fous Fa gla\:e , il y feroit bien 6t étoufté. Cependant il paroit que les environs du cap Schalaginskoi font leur véritab e patrie : Ils y £bnt beaucoup plus gros St en plus grand nombre que par tout ailleurs. Les habkans non feulement font de leurs dents prefque leur umque commerce, & s'en fervent pour fabriquer leurs utenfiles , mais \h en ont tant de refte , qu'ils en peuvent former de grandes pyramides en facriftce a l'honneur de leur diviniié, Qu'on me concilic ce fait avec celui d'un Continent de glace perpé-tuel vers ce cap, 12*. Cette ParoiiTe; le nombre des habitans vers l'Indigir , Tlftfi. me du cap Schalaginskoi, Jes isles qui en doivent étre peu éloignées Se doivent ére habitées, felon Muller; tont ceci ne nous latffe ab-folument point l'idée d'une pareille gface ferme & quafi éternelle. Je crois que les objÆons qu'on forme ordinairement contre la poffi* PAR LE NORD.EST, »ft poflibilité de ce paffage & de cette route, font å peu pres toutes le-vées. En voici pourtant encore quelques unes. i*. Gmeiin & d'autres aflurent que la cåte de la mer glaciale s'élargit de plus en plus , & que dans les endroits mémes, ou il y a de l'eau, la mer devient toujours moins profonde; qu'un efpace d'eau fe trouvoit toujours entre la terre & les glaces, par lefquels les båtimens Rufliens paflbient, lefquels devenoient aufli moins pro-fonds; que tout le pays des environs étoit plat & uni &c. que tout ceci faifoit conjeclurer, que quand méme le paflage autok été poffible autrefois, il ne le feroit plus aujourd'hui. Réporfe. Je fuppofe que la mer diminue & devienne moins profonde dans ces parages, quoique d'autres Auteurs foutiennent qu'elle augmente. Je crois qu'ils ont tort des deux cotés; que l'eau en elle-méme refte & reftera toujours en quantité egale jufqu'a la deftructiort dc notre globe, mais diftribuée inégalement dans divers tems & dans divers lieux. Plufieurs ent prouve que c'eft la terre qui haufle. On affure qifautrefois on montoit treize degrés pour entrer dans i'Eglifc de nåtre Dame å Paris: aujourd'hui on y defcend. J'ai vu encore la méme chofe å celle de S. Trophime å Aries. D'autres ont fait voir que dans certains endroits c'eft la mer qui haufle ; qu'å Venife &c. on a été obligé de relever des marchés, des promenades &a Ceci fait voir cette circulation dont je parle. Mais, å fuppofer qu'ict elle baiffe, & que ce foit comme en Suéde , de demi pouce par an > depuis cent & feize ans que les vaifleaux ont pafle au Kamtfchatka en 1648. cela feroit cinq pieds moins deux pouces. Peut-on fuppofer que cette diminution puifle s'apperecvoir dans la haute mer que les vaifleaux Hollandois ont trouvée aufli profonde que celle de l'Efpagne, ou l'on ne trouve point de fond , lors méme qu'on dit la petite mer d'une tres grande profondeur ? Ces raifons feroient bon-ries, fi l'on s'obftinoit å faire toujours la méme faute qu'on a faite , de cotoyer. Mais en paflant au huitante , ou huitante -cinquieme degré , par conféquent å huit ou douzs degrés, foit cent foixante \ deux cent quarante lieués des c^tes, cette diminution n'y infiue ert nen. Cette eau libre entre le rivage( & les glaces, n'y fait rien non |)lus ; & ce fait, s'il étoit vrai, mé parcitroit furprenant. Par tout 1 i % ait- ailleun ce font les rivages qui font remplis de glaces , Sc qui f*y fixent long-tems. Ici elles font féparées du Continent par une eau libre , & cependant la violence des vents & des vagues ne les biifent pas , quelle merveille ) Ce qu'on y a joint, que la terre voifine du rivage eft toute plate & unie , explique cette diminution de l'eau. Monfieur Buache aifure fort judicieufement, & perfonne n'en auroit j imais 6fé douter, qu'il y a des chaines de montagnes en mer comme Tur terre , Sc que les isles en font les eimes , comme je 1'ai dit dans un ouvrage compofé il y a pres de trente ans. Les vallons de ces montagnes reodent done la mer dans ces endroits, tres profonds. Par contre, la ou fe trouve une plaine inclinée par une pente infenfible vers la mer , elle y doit continuer & avancer encore bien loin. Et c'eft la la raifon pourquoi 1'on avoit toujours foutenu que fi le paflage étoit pratica-ble, il ne le feroit que pour des båtimens petits , legers , & qui ti» reroient peu d'eau : ce qui eft tres vrai lorfqu'on ne veut que cotoyer , mais en avancant en mer cent ou deux cent lieués, on doit y trouver la méme profondeur que ces vaifleaux Hollandois Sc autres indiquérent, puifqu'il y a par tout quelques isles, ou eimes de mont a-gnes , dont les pieds forment des vallons profonds entr'elles. A i'occafion de ces isles, je ne dois pas oublier la prétendue terre découverte, que MM. .Delisle & Buache ont placées dans leurs cartes. Je trouve 1'Officier Ruflien tres fingulier de vouloir ridiculifer M. Delisle , en fuppofant qu'il a tiré cette relation de la gazette de Pcttrf-bourg de 1742. Ne fe rend - il pas ridicule lui - méme, puifque le Biron de Strahlenberg a parlé de cette isle, qu'il nomme des Eidi-ganis dans fon ouvrage , Sc Ta repréfentée dans fa carte, l'une Sc 1'au-tit publiées bien des années avant la gaze tøe de 1742 ? Me fondant fur cet ouvrage j'ai cru cette terre, ou isle reelle, jufqu'a ce que M Muller m'eut convaincu par le lien du contraire, en rapportant toutes les rechetches Sc enquetes , qu'on en avoit faites , aprés le bruit qui en avoit couru. 11 en rapporte les circonftances fort au l°ng , avec les dépofitions fermentales de tous ceux qu'on croyoit pouvoir en avoir connoiflance, Sc que tout ce bruit fe trouvoit mal fondé. li marque par contre la petite isle dc Kopai, ie Chef de ces ptu- peupies, demeurant en terre ferme, peu éloignée de la cåte, k l'Eft du Kolima. 2°. Qu'on a des connoiiTances , quoique pas bien certaiies des isles, méme d'une grande, peu éloignée du cap Schalaginskoi, qui joignent prefque enfemble les det x Continens dc l'Afie & de l'Amérique; que, felon mon propre fyftéme les isles étant par tout fouvent entourées de glaces,, & les dérroits emre deux bou^hés , ceci feul pouvoit empécher l'entrée depuis le Nord dans ce détroit nommé au-trefois d'Anian. Répotife. J'avoue que cette dy trouvoit encore, elle furpafleroit dc beaucoup celle qu'on fuppofe. ayoir cxifté dans le grand délugc. Mais pourquoi n'e- xifte- xifte- t-elle plus? A caufe de fa circulation perpétuelle. De quoi font formes les fLuvcs & les riviércb ? Des ruilfeaux , ceux-ci des four-ces , & les fources des nuages , des vapeurs , des pluyes, des neiges &c. dont peut-étre les nonante neuf ccntiemes viennent dc la mer, Ce font ccs eaux douces, mé ées de quelques parties falines & ni-treufes les plus fubtiles, que le grand Architefte de la nature éléve enfemble en vapeurs, peur en remplir Pair, & les fairc retomber, comme nous venons de le dire, foit en rofée, foit en pluyes & en neiges, pour feconder la terre, & pour faire vegeter toutes les plantes, par cette manipulation li ad mi ablc, & par une circulation perpétuelle 8c invariable. Si les gi ices angmentoient , les vapeurs , les fources, les rivieres diminueroient. Non feulement depuis pres de fix mille ans on ne s'en dl pas appercu : mais fi cela arrivoit, nous manquerions bientot de lélement le plus néctffaire, å quoi la bonté divine a pourvu par ces loix d'une circulation perpétuelle. Pour ce qu> regarde la falure de l'eau de la mer elle provient ;' partie des canaux fouterrairw, qui y entrainent les parties mincrales & falincs , partic des corps du regne animal 8t du regne végétal, qui y ont été confumés depuis tant dc fiécles. Tout ceci y a laifie les fels mtreux dont ils font remplis du plus au moins, qui Pont rendue falée, fjumache, puante. Par ou » pour le dire en paffant» on peut conclure combien eft peu concluant lc raifonnement ; il y a en tel endroit un grand lac d'eau puante, c'eft done l'Océan. Ellis dit lui - méme qu'ils firent provifion d'eau douce des glaces: ce fut en mer qu'ils la firent. On voit done que les parties klines ne fe gélent pas, ce qui confirme ma théfe. Je veux bien accorder que par les vapeurs il s'éléve auiTi dans les airs de ces parties. Mais on m'accordera par contre que ce n'en font que les plus fubtiles, & que les plus grofiiéres re/tent toujours mé-lées avec Peau de la mer. Or le voit paT le fel qu'on tire en 11 grande quantité & fans peine de cette eau» Ces deux eau fes dc la falure continuant & augmennnt chaque jour on auroit plus de rai* fon de foutenir que Peau de la mer devient toujours plus chargée de ces partics , par conféquent moins propre å fe geler & å fe conver-tir cn glace; & que par une fuite natuielle , ce paftage deviendra tou- toujours plus libre. Mais accordons que cette falure n'augmente ni ne diminue , & alors cette objeclion tombera également. Je veux faire plus & fuppofer ce fait, qu'on ne fauroit fuppofer: que feront alors cent & dix, foit cent & feize ans fur pres de cinq mille huit cent ? Cela fera une cinquantieme partie. En rétrogradant de cent & feize en cent & feize ans, & diminuant le dégré de con-gelation a proportion de ce qu'on fuppofe depuis cent & feize ans; on ne fauroit comprendre alors comment, å 1'époquc feulement du commencement de 1'Ere Chrétienne , il y eut eu la moindre glace dans ces mers. Si par contre nous écoutons les anciens Hiftoriens & Géographes, nous devrions croire qu'elles ont été alors infiniment plus fortes & en plus grande quantité ; puifqulls y fuppofoient des glaces fermes, immobiles & éternelles (a). Mais que fera-ce, fi nous inftituons un autre calcul ? 11 faut fuppofer que dans les premiers fiécles du monde , 1'éloignement des Poles eut les mémes etlets , fi l'on veut, du plus au moins , n'importe ; qu'il y cut dc grands froids , des neiges, des glaces, &c. Si un certain degré de froid en engendre un autre, & que, comme on le fuppofe , ces glaces vers le pole en engendrent d'autres ; fuppofons que la quantité donnée foit de dix , & qu'elle n'en engendre qu'un par an ; fans nous arreter ( 4 ) Jc n'en rapportera! que peu d'e-xemples. Les anciens avoient une idée du pays des Cimmériens & des Hyper-boréens , comme fi le Giel y éroic de fer & la terre d'airain , pir ces glaces étern Iles Rudbek, Qlaus Magnus, Saxo grammaticus & autres , raoporrent des golfes de Bothnie ,<& de Finlande, de la mer Baltique méme , comme fi tous les hyvers tas glaces y étoient fi ordinatres, fi genérales , fi fe m?s , qu'on y tenoit des foues , que les armées y p ilfoient. Si ccci eft arrivé dans ces derniers fié <*'es > on fa regards comme un prodige. Npus Kfant , que les Barbåres ont fait tres fouTent d-s irruptions dms I'Emptre Roniaiii. en pdfl\nt le Danube glacé; & que fous NUc ,\urde il y a eu une ba-taille entre lee Romains * les Jazyges fur ce flmve glace. I/An 40». le pone Euxin le fut pendtnt un mois; lorfque les glaces furent rompues , des montagne« de glace fe confervoient tres longtems ert-tiéres dans la PropontiJe. Rapporcons encore quelques exemples de 1*1 talie; Tan de Rome 482 avant 1'Ere Chrétienne 270. il y eut dms la grande place de Rome , des neiges d'une hauteur extraor-dinaire pendant 40. jours de fuite. L'ati de Rom-' f $4. k la bataille de Trebie , au Sud de Pfiifancc , il tomboit beaucoup de neige ; beaucoup d'hommei & de chcvauJC périrent de froid. L'an 1 )i5. lii y p^ric encore beaucoup d'hommes de froid Q_ie chasun decide , fi k<. glace* & le froid augmentent chaque année , ou fi nn ne pourroit fuppofer plwéc queilci dinmoueflc T PAK JL E N ORD-E ST. rcter aux fractions que cette augmentation feroit chaque année , le* dix dans dix ans feroient dix autres, & il y en auroit vingt: ceux-ci en dix ans fe doubleroient encore. Quelle progreflion ! Qu'on fuppofe que ccs dix quantités, au. lieu'd'une par an, n'en donnent qu'une en dix ans; ce qui ne feroit que j'^- On n'en pourrou fuppofer fi peu , fi on vouloit le faire a proportion de cette augmentation des glaces qu'on veut nous perfuader. Je dis en fuppofant cette petite progrefiion, notre globe feroit gelé jufques vers la Zone torride. Si nous confultons pourtant les anciens Hiftoriens , nous ne trouverons aucun pareil changement, mais plutAt le contraire comme il a été prouve ci-de (fus. Je crois done que cette objeclion tom-bera entierement dans le néant. 4*5 On oppofera encore: vous ne nierez pourtant pas que cette mer foit fouvent remplie de glaces; quand méme elle ne feroit pas toujours ferme & folide par toute cette mer, du moins apprenons-noås par les relations , qu'il y a de gros glacons , des montagnes de glace, qui par un calme fe joignent, & font des plaines de glace d'une étendue immenfe. Si done les vaifleaux en étoient pris au beaii milieu de cette valte mer, quel danger infini que les vaiflfeaux fuf-fent brifés & que tout périt 1 Ces raifons & ces faits font en partie veritables & en parties exag-geres. Des efprits fpéculatiis ont foutenu , comme nous l'avons vu dans l'objection précédente , qu'il y avoit fous le pole des montagnes de glaces, qui alloient en croiifant & cn augmentant; ne pourrois-je pas aflurer avec autant de certitude , qu'il y a des volcans, des fou-piraux du feu central, ou des goufres par lefquels la mer s'engloutit;1 comme il a plå de rever å quelques uns ? Car enfin cette conje&ure n'eft fondée fur aucun fait ni relation quelconque. Bien au contraire P Jous les vaifleaux, qui difent avoir dépafie la nouvelle Zemble , ou avoir approché du pdle , parlent tous fans exception , d'une mer libre de glaces. 11 faut done s'en tenir aux relations qu'on a , fans forger dc nouvelles fuppofidons, jufqu'a cc que d'autres autant & plm authentiques détruifent les premieres. Je comprends pourtant parfutement, que la quantité prodigteufe de glaces, formies des eaux douces des rivieres, qu'on trouve vers K k les ESSAY SITR ON £ ROUTE, les rivages du Continent & des Mes, & qui eft ch.ffée fouvent Nord & au Nord-Eft, peut quelquefois couvrir un peu la mer ; je dis un peu', parce qu'en comp3rant cette quantité de glaces avec la grande étendue de la mer, qui eft de treize degrés en latitude dana fa moindre largeur , & de plus de cent cinquante en longitude „ fans y comprendre celle au Nord de l'Amérique , ces glaces peuvent étre difperfées tellement que les vaifleaux n'en doivent guéies étre em-barrafles, Je fappofe également que par quelque accident, foit qu'on renconte des isles, entre & å coté dtfquclles ces glaces fl .tantes puilTent fe former , on en trouvåt une certaine quantité, qui cau-låt quelque empéchement aux vaifleaux & les arré åt ; ceci ne peut Jes mettre en grand dauger. Selon M. Jérémie , Ellis & autres , li l'on eft obiigé de donner quelquefois dans des banes de glace au détroit de Hudfon * on fe grapine ; c'eft - a - dire, on faifit les navi-res contre les glaces, lorfque par la force des vents & des eouransc il fe fait quelque ouve fure au travers des glaces, on met la voile au vent, lorfqu'il eft favorable, pour fe faire paffage avec de 3ong> b&ons ferrés. Malgré tous les efforts on y refte quelquefois plus d'un mois embanfTé, fans pouvotr avancer Comparons cette relation du détroit de Hudfon , avec le voyage a faire par la grande mer å l'Eft. Ce détroit n'a que feize a dix - huit lieués de largeur; la mer entre la nouvelle Zemb't- & le pole eft de deux cent foixante tieuéV: qu'elle d fférence ! Combien peu doit-on craindre d'étre ainfi embar-jaffé par les glaces. Jéiémie dit qu'on y peut p?(Ter depuis le i f. juillet jtfqi'au I f I O&obre. EHfs duns fon voyage n'arriva au cap Diggs que fe «. AoÆt. L'année fuivante cn retournant , il entra le 2.5?, de cc mois dans le détroit & en un tems chaud & agréable jufqu'au 3. Sep'embre, Le 9. ils fe trugent proche des isles de réfolution , de l'autre cété du détroit , & voyoient encore de grandes ^nontagnes de glace qu'ils perdirent d'abord de vug, fc trouvant dans un climat plm doux Si la difference étoit déja fi grande entre ce détroit a foixante - deux- degrés dc latitude . & la méme haureatf en pleine mer, que le premier étoit remp i de grandes glaces mobiles, PAR LE N O R D - EST. les, & l'autre entierement libre , on peut juger ce qu'on doit atten-dre en plein été dans la vafte mer du Nord. Continuons nos com-paraifons. On voit que rarement on peut dépalTer entierement ce détroit avant le premier Aout, & les vaifleaux de la péche fe trouvent ordinairement å la vue de Spitzberg a feptante - fix degrés au com-mencement de Mai: c'eft done trois mois plutot que le tems, ou ils ont pafle le détroit de Hudfon, ou quatre^ vingt & douze jours, qui iuffiroienc pour faire tout le voyage. Jérémie fixe ie terme juf-qu'ou l'on peut paffer le détroit au i f. Oclobre. Les Samoieies le fixent pour la petite mer au i. d'Octobre : voila en tout cinq mois que les vaifleaux auroient pour faire leur trajet ; ce qui fait cent cinquante trois jours de vingt-quatre heures> ou 2142. heures. Nous pofons toujours le terme du départ depuis le Nord cap, k feptante-un degrés de latitude, & environ quarante-cinq dc longitude. De la jufqu'au cent feptante - cinquieme degré , il y en auroit cent & trente. Mais pour accorderune diftance aufli forte & plus qu'on puiflc exiger; commencpns le point du départ a trente degrés, & finiflbns-le a deux cent, il y aura cent feptante degrés. J'efpére qu'on en fera content. Calculons a préfent la latitude. J'ai dit & je fuis toujours de cet avis, qu'il faut depuis le Nord cap faire route au milieu entre Spitzberg & la nouvelle Zemble; ce qui tomberoit a peu pres a cinquante-cinq degrés de longitude & feptante-fept de latitude; que de lå méme il faut toujours alier au Nord - Eft, jufqu'au huitante cinquieme degré de latitude, & feion les occurences, & felon qu'on trouve la mer plus libre au Nord ou au Sud , fe conduire en conféquence. Je place done tout le voyage jufqu'au Nord du cap Schalaginskoi , l'un dans l'autre, au huitantieme degré dc latitude. Nous avons accordé cent feptante degrés, ne nous en répentons pas. Le degré de longitude fait å cette hauteur trois lieues & demie , moins deux minutes. Accordons ces trois lieues & demie en plein » & les cent feptante degrés ne donneront que cinq cent nonante - cinq lieues; difons fix cent; comptons une heure de navigation pour une lieue" de chemin, il reftera encore 1*42. heures , ou plus des cinq fep-Éiemes du tout pour tous les empéchemens, glaces, louvoyemens, K k 2 vents vents contraires &c. &c\ Et cependant poar les fix cent h°ures de bon vent & de mer libre nous n'avons compte qu'une lieué" pir heure, au lieu qu'on en peut faire deux ou trois , puifque nous avons vå ci-deflus que Linfchotert par un vent contraire a fait treize å quatorze lieués en douze heures de tems : Gourges en re-venant dr la Floride Fan 1568. fit onze cent lieues en dix-fept jours. Nous avons allonge la route de quarante degrés , qui feroient encore cent quirante heures ou lieues. fin un mot, de quelle maniere qu'on calcule, on verra que des le mois d'Åout , peut-étre méme de Juillet, on devroit pouvoir entrer dans le détroit d'Anian t & que fi on ne veut pas rifquer d'hiverner fur la cåte occidentale de l'Amérique, ou aux kles vers le bud du détroit, on pourroit peut-étre retourner la méme année en Europe fms k'arréter que pour reconnoitre le paflage & Pentrée du détroit entre les deux Con-tinens, Voila toutes Jes objeétiorw que j'ai pu prévair, & que far rep*é. fentées dans toute leur force. Si on en fait d'autres, on tårnet a de les réfoudre de méme. Propofons préfentement nos idées, de quelle maniere on pourroit s'y prendre pour exet urer ce voyage la premiere fois qu'on fentre-prendrott. Lorfqu'on l'aura fait une féule fois, les circonltances qui fe rencontreroknt, pourront alors indiquer les changemens qu'il y aura 3 fake pour l'a venir. Dans une mer inconnue, il y a des rifques å courir, je n'en dif-conviens pas, & la crainte qui &)6t l'équ'page, n'ett pas le moindre obftacle , ni la moindre d ffkulté qui s'y rencontrent. On l'a vu lorfqu'on chercha le chemin aux Indes Orientales en faifant le tour dc l'Afrique. Sans le zéle inccmparable des Rois & des Piinces de Portugal , il fe feroit pafTé peut - étre encore p'us d'un ficJe avant que dy parvenir5 les Capitaines & Chefs de fexpéditton méme vou-loient décourager le Roi, f utenant le paffage du CJp de Bunne-ef-pé ance , qu'ils normnoKnt le c. \) de Tourmente, impraticble. Si le R^i eot été de méme avis on auroit abondonné toutes ces re h?r-ch v Q_Ut. fera, t- on dins une mer que le préjugé kit ciuire remplie de glaces kimes ? Je conieihe do«*,; i*. De PAR LE NORDVEST. i*. De ne recevoir dans tout l'équipage que des volontaires, aux-iquels on expliqueioit bien ie delTein qu'on a; on leur promettroit une folde plus forte qu'å l'ordinatre, & une récompenfe honnéte å ceux qui agiioient avec le plus de zéle Sc d'apphcation , de méme qr'aux Officiers, auxquels on feroit efpérer encore quelques marques d'honneur, des p'aces honorables foit dans !a parrie , foit dans les nouveaux établiflemen*. On déc'arepenfes d'un coté, une punition rigoureu'e d'un autre doivent marcher å pas égai , & font les plus fermes appuis & refforts d'une la ne poh'tique. 2*. Oi tre que ie Chef de l'expéditibn . les Officers & les ptlotes devroient étre choifis avec fom , & ene«uragé- comme ci-deflus, il conviendroit d'y joindre , fi on les peut trouver , une ou deux per-fonnes , qui euflent du favoir dans les M?thématiques, Phyfique , Aftronomie , Hiftoire naturelle &c. foit pour étre utiles dans la direc* tion du cours, å prendre la latitude, & méme s'il eft poflible , la longitude, & å cakuler par eftime ou l'on fe trouve, fur tout li on ^approchoit du Påle &c. foit pour en rapporter des découvertes Utiles aux progrés des fuences. Quand méme ce ne feroit qu'une focieté qui entreprendroit ce voyage å fes dépens , il n'eft pas dou-teux que le Souverain n'y contribuåt \ du moms en faifant les fraix qui pourroient regarder ces tavans. 3*. A mon avis il faudra plutot prévoir des dangers , qui ne fe rencontreront pas, que de negliger quoique ce foit ; d'autant plus que fi on ne réuflifloit pas, faute d'avoir pris toutes les précaution» poflibles , on le rejetteroit fur une impofliMUfé abfolue , comme Wood & tant d'autres Tont fait: ce qui a été caule, & le i\ roit toujours, qu'on abandonneroit cette tentative au grand préjudice du commerce & des faen ces. Je voudrois done que pour un objet fi important on ne regrettåt aucune dépenfe. Je vouirois former une pente efialre de deux f<é-ga es ou b?en de pin-jfies, & d'un yacht leger & bon voilier. il fau-dic.it que trus les trois håtimen* fulfent Coi fttuits fohdement; & fi on en voyoit f lire les fax, que les regntes , ou du moins l'une, fufient couvertes en déhots de feuiiles da- er poli, tant pour réfiiter K k 3 aux aux coups des gros glaeons, fi le cas arrivoit de s'en trouver cho* qué, foit pour qu'ils gliffaffent mieux entre deux lorfqu'on voudroit paffer å travers de ces groffes glaceSc Si on pouvoit conftruire de bons vaifleaux & forts, bons voiliers & qui également tiraffent peu d'eau s ils feroient préferables å tous autres, parce que fi par hazard on venoit dans des parages ou la mer eut peu de fond , on pourroit mieux y paffer. Le yacht eft abfolument néceffaire: il doit prendre les devants pour reconnoitre les isles, les cotes , les bas-fonds, les glaces &c. Si, comme je le conjeclure, on trouvoit une mer vafte & libre å méfure qu'on approcheroit du Pole , on pourroit lui donner ordre de s'en approchcr le plus pies poflible , en prenant la précaution , lorfqu'il en feroit å environ un dtgré, de fe faire préceder par deux chaloupes , l'une environ cinq cent pas devant l'autre, pour voir s'il n'y a pas quelque pédl å effuyer, On lui donneroit ordre en méme tems, ou de quelle maniere il devroit retrouver les frégates , ou de s'en retourner en Europe. En parlant des chaloupes, il me paroit que chaque vaiffeau devroit-étre pourvu de trois ou quatre de différente grandeur; afin que fi, contre toute efpérance , on perdoit un vaiffeau, on put fe fauver dans les chaloupes. 11 pourroit méme arriver comme k Tfehirikow , qui , en ayant envoyé deux au rivage , les perdit toutes deux, & fut obligé de laiffer en arriére Jes meilleurs de fon équipage. 11 faut done en avoir pour n'en manquer jamai?. 4*. Outre Papprovifionnement ordinaire, il faut beaucoup d'eau de vie. Ceux qui ont été dans ccs contrées feptentrionales, fe font trouvés forces malgré eux de s'accoutumer å cette liqueur: mais je ferois paffer la moitié de cette eau de vie fur des herbes antifcorbu-tiqucs pour prévenir cette maladie fi dangereufe & fi fort å craindre fur mer , & plus encore dans celles du Nord que dans d'autres, Je ne parle point d'autres médecines: je fuppofe qu'on s'en pourvoi-roit fuffifamment , & qu'on engageroit avec choix de bons Chirur-giens, qui entendiffent la médecine. Nous avons dit que le fcorbut étoit ie plus å craindre. Cette maladie provient en partie de la nour-riture mal - faine , groffiére , de difficile digeftion , & de tant de fiande fi faiée ; partie du défaut de mouveraent. Pour remedier au pre- PARLE NORD - EST. premier mal, il faudroit choifir de meilleures provifions; pour la viande » plus de bon bceuf que de pore , & la faler beaucoup moins qu'å l'ordinaire. Car puifque toute chair ne fe corrompt guéres dans ces regions , on n'auroit rien å craindre pour cette provifion. Outre l'eau de vie il faut beaucoup de fcbn vinaigre, qui réfifte auffi aux oialadie«? aigues. Quant au mouvement, 5*. Je voudrois pourvoir les vaifleaux de tout ce qui eft néceflure pour la péche de la bdeine; car fuppofant qu'on partic en Avril, comme d'ordinaire, il feroit pofliole qu'en Mai on ne pourroit pas penetrer encore par or tlpace entre Spitzberg & la nouvelle Zemble , foit par ce u'on fe rencontreroit dans une année tardive, foit que les vents vinflent du Nord, on s'occuperoit de cette péche, de méme que lorfqu'on auroit a\ancé plus a VEft, & que, contre mon opinion on trouveroit des glaces. On feroit d'une pierre deux coups; on empécheroit J'engourdilfement des gens de Péquipage, & on pré-viendroit le fcorbut & autres maladies: & d'un autre c6té, fi la tentative manquoit, on fe dédommageroit par - lå des fraix qu'on auroit eus. 6*. Il n'eft pas nécelfaire de dire qu'il faut pourvoir les vaifleaux de canons , d'armes & de munitions pour tout cas de défenfe né-ceflairc; mais avec la précaution de ne point s'en fervir que dans la derniere néo flité. C'étoir - lå toujours une des plus grandes fautes que les Cipiraines , envoyés pour les découvertes , ont commifes. On veut nous perfuader qu'une partie des tenes Auftrales n'eft pas habi'ée, parce qu'on n'y a point vu d'habitans. Pourquoi ? On a lait des dé k$ Marchands qui qui ont négocié, finon dans ces pays, du moins dans d'autres qui leur refiemblent, fauront mieux que moi ce qui y convient. 8°. Parmi Péquipage il faudroit tåcher d'avoir des gens qui fuf-fent diverfes langues, la Hollandoife, la Rufllenne , la Portugaife, pour du moins pouvoir converfer avec quelques peupies un peu moins Sauvages. Si on en pouvoit avoir qui (uffént la langue Jakoutfe, Sa-moyéde, ou d'autres, ce feroit tant mieux. 9°. 11 faudroit en outre fe pourvoir de tout ce qui pourroit fou-lager, fi, contre mon efpérance , on étoit obligé d'hiverner vers Pindigir ou le Kovima; ou bien ayant double le cap Schalaginskoi, fur les cotes de PAménque, vis - k - vis le cap des Tfchutzki, ou plus au Sud, foit aux isles des Kurilis, ou celles plus å PEft, ou au Continent méme. Tout ceci dépendra des circonftances dans lef-quelles on fe trouvera. On voit par la relation de Gmeiin que les Ruftiens ont pu hiverner fur le Chatanga, POlenek, le Lena, l'Indigir &c. fans autres préparatifs, & ont pu fe garantir dans de fim-plcs cabanes qu'ils ont conftruits. Ainfi , en fe pourvoyant de quelques efTets nécefiaires, on s'en trouveroit mieux. On y voit encore que dans trois hi vernemens il n'ont pas perdu du monde. M. Delisle de la Croyére méme å hiverne fur POlenek , une autre fois en d'autres places de méme latitude , dans des cabanes conftruites å la håte, & fans que fa fante en ait fouffert. ro*. Si on arrivoit de bonne heure, comme fur la fin de Juillet, ou jufques vers le milieu du mois d'Aout „ å l'entrée du détroit, on pourroit, fi on le trouvoit å propos, renvoyer un vaiifeau, ou le Yacht, en Europe t pour cn donner avis, pour prefler un nouvel envoi, lcquel on prépareroit pendant ce tems, afin qu'il put parttr au printems fuivant, & foftifier Pétabliirement ou Pon voudroit fe fixer; dont, å mon avis, un des meillcurs & le premier feroit une des isles au Sud ou dans les environs de celle de Béering ; pour avoir un entrepot , le retour d'un vaifleau depuis le cap ne fera point difficile. Tous ceux qui ont été dans ces mers , a la péche dc la baleine, conviennent unanimément, que jufqu'en Juin le vent vient prefque toujours de la bande du Sud ; en Aout & beptcmbre de celle du Nord, & qu'en Juillet il eft var.aoie. Voila un grand »vantage, PAR LE N O R D ■ E S I iSf avanrage. Au départ depuis I'Europe on a précifément le rent favorable pour pouffer au Nord , & Nord - Eft. On l'a de méme en Aout pour entrer dans le détroit. Et fi le vaiffeau pour le retour avoit regagné la hauteur de huitante å huitante cinq , les vents des divers rhumbs du Nord , fur tout celui du Nord - Eft, qui regne le plus fouvent» lui feroit avoir un prompt & heureux retour. QUATRIEME PARTIE. Sur Vutilité d'un établiffement dans une des Regions au Nord de la mer du Sud. JE n'avois pas deltein de parler fur ce fujet„ par plufieurs raifons importantes. Cependant pour laiffer ce petit ouvrage moins im-parfait , je ferai quelques réflexions, aufli fuccin&e merit qu'il fera poflible. Perfonne n'ignore que lc commerce le plus riche & le plus lucra-tif fe fait dans les deux Indes. Lorfque les Portugais eurent franchi le paflage du cap de Bonne - efpérance , & qu'ils allérent å la fource des richeffes , qui auparavant étoient apportées des Indes Orientales par main tierce en Egypte, & de - lå en Europe; les Efpagnols leurs imaitres, voulant cn priver les Hollandois, & les réduire par-lå å leur obéiffance, les forcérent å s'emparer des conquétes des Portugais , & å les étendre; ce qui fut la fource des richeffes 8c le foutien des Hollandois, qui proviennent des pays fitués aux extrémités de cette partie du monde. On fait que peu å peu toutes les nattons y ont voulu avoir part. Les Francois, les Angiois, les Danois» les Suédois font ce commerce, & méme les fujets de S. Al. Pruflienne veulent 1'euayer de méme. Le négoce de la plupart de ces nations confifte principalement dans celui qu'ils font å la Chine; le Japon,. les Moluques, Ccilan, Java t tout ceci leur eft ferme. Et cependant elles le trouvent encore fi avantageux qu'ils bravent tous 1« rifquei pour y avoir part li en eft de méme du commerce de l'Amérique. Celui des Franjo 1 qoi$ ETABLISSEMENT AU NORD qols & des Angiois eit tcgardé comme fi important, que les difR-cultés fiirvenues ont excité entre ces nations des guerres, longues, ianglantes & ruinenfes . mais qu'eft - ce en comparaifon des riehefles que 1'Efpagne tire du Mexique 8c du Pérou? On peut méme juger 4e r importance du commerce dans la mer du Sud par les peines que les Angiois s'étoient données* pour obtenit la permiflion d'y envoyer un failTeau chaque année. Confidérons la fituation de cette mer , & quel avantage on peu? tirer du commerce qu'on peut y faire vers les quatre plages ou regions du monde Vers le Nord fe trouve dans le Continent de 1'Ameriqueces lacs, ou des hommes barbus ramaflent de Por, & ceux ou, feion M. Jérémie, tous les utenfiles, les chaudiéres méme font fabriqués d'argent. Vers le Sud il y a les isles de Salomon, auxquelles on a donné ce nom å caufe de leur richefle; la terre de Qpir 8c autres terres Auftrales. Un nombre infipi d'isles,, peu ou point connues* A f Orient elle a le Mexique & le Pérou; h l'Occident le Japon , les Philippines, les lyioluques , la nouvelle Guinée, enfin les pays les plus riches du mon-de. Le commerce du Japon eft fi lucratif que les Hollandois aimeni mieux fe foumettre å toutes les indignités imaginables, que d'en étre p/ivés. La Chine, cn eft peu éloignée, la Chine» dis-jc, qui fait l'ob~ jet principal du commerce des runopéens aux ludes. Les Philippines fournilfent des richefics immenfes. Geroelii.Carrcri, & d'autres cn, donnent la relation. Efpagnols en pofledent, connoiffent méme la p«us petite partie de ccs isles. Celles qui, avoifineut les. Mpluques produifent les épiceries, dqnt jufqu'ici les Hollandois ont cu le Monopole. L'ifle de Born eo, la plus riche du monde par fa quantitrj d'or fin & des diamans fupérieurs å tcus autres, tft peu éloignée : brcf, des richeffes de tous cétés, Pourquoi n'en a-t-on pas profité? La rtifon en eft toute fimple Nous l'avons dit^illcurs, L'Efpagne qui polTéde une étendue immenfe de. pays des deux cétés de la ligne , qui a épuifé fes andens don;ai-nes 9 fans pouvoir fpurnir les habitan* néulTdires ces conquétesj qui ne tire rien des Philippincs , 8c ue ir* con fer ve que parce que les Eccléfiaftiques B qui s'y entichiflent, fuvent intéreifer la religion des Prin- DE LA MER DU SUD. , 16? Princes, & leur repréTentent que les habitans, de mauvais Cnrétiens qu'ils font, encore en petit nombre , redeviendroient Payens ; l'Ef-pagne , dis - je, ne peut entreprendre de nouveaux établilTemens fans fe ruiner tout - å - fait. Les Hollandois, les feuls Européens , qui font établis å l'Occident dc la mer du Sud, font dans lc méme cas, ou dans un autie encore p'us défavorable. Ou prendroient-ils des babitans pour peuplcr dc nouvelles conquétes, eux dont lc pays natal eft dc (i petite étendue , & qui ne compi fent qu'une poignée de monde dans tous ccs pays qu'ils pofledent aux indes ? Toutes les autres nanons de 1 Europc ne peuvent fonger a des établilTemens dans ces regions, aufli long-tems qu'on ne pratique cette route du, Nord. Toute* les relations des voy.grurs nous apprennent qu'aprés avoir navigé tant de mille lieues, l'équipage eft épuifé de fatigues, accablé dc maladies , les vivres cunfumés ; & on eft plus que charme fi le refte ae cet équipage peut revenir fain & fauf chez fol buppofons qu'ils fuflent affez hi ureux pour parvcnir å un établifle-ment, ii feroit de peu de durée , vu qp'tl feroit impoflible de leur faire parvenir des fecours depuis I'Europe; la Colonie périroit, ou de faim, ou de maladie, ou feroit maflaerée par les naturels du pays. Rien de tout ceci ne feroit å craindre , 11 la route du Nord étoit une fois fréquentée , avec les entrtpots indiqués dans la troifieme partie de ce memoire: On feroit des étabhflemens ; & comme le centre de cette nouvelle domination , fur la cote å l'Occident de la. Californie , å peu pres vers l'endroit que je fuppofe le terme du voyage de Moncacht-Apé. On feroit le fecond fur une mer des isles vis-å-vis plus å l'Occident, le tout entre le quarante - cinquieme & le cinquantieme degré de latitude. Quelqu'un pourroit croire qu'on feroit mieux de fe fixer dans quel-qu'islc plus au Sud, dans un pays riche &c. On auroit tort. Il faut diftinguer foigneulcment entre des éub) i (Ternen* fixes , qui doivent fervir pour ainfi dire de capita le , & entre les lieux de commerce. Les premiers doivent étre choifis , s\l eft p« flible dans des climate temperes. Un ancien camarade d'école m'afluia , en revenant des Inde^ Orientales , que Batavia étoit fort mal - fain , de méme que la plupart des établiflemcns des HoAlandois aux Indes; que les Euro- L i 2 péens 2*8 ETAB. AU NORD DE LA MER DU SUD. péens riy vivoient pas long - tems; qu'on y voyoit vingt veuves contre un veuf &c. Qu'on compare l'état de la population dans ces pays, dc méme que dans le Pérou & autres de la Zone torride , avec celle des Colonics Angloifes; quelle difference enorme! 11 faut, jc le répéte, un pays tempéré, arrofé de rivieres, ou il y ait abon-dance de bois , de påturages, de vivres, afin qu'on puilTe conftruire & avitailler des vaifleaux, les fournir de leur équipage , & de tout ce qu'ils exigent. Alors leurs voyages au Sud , å l'Eft & å I'Oueft ne feront que des promenades; dans l'efpace de dix ans on fera plus de découvertes, & on ayancera plus pour le commerce qu'on n'a fait, jufqu'ici depuis deux cent ans. Or on fait par les relations des Efpagnols & de Drake que dans ces contrées, å I'Oueft & Nord-Oueft de la Californie, tout ce qu'exige un pareil établiflemcnt, fe trouve. Et par la route indiquée, par les entrepåts dans le détroit d'Anian, & de - lå dans une des isles, qui font å fon Eft , la communication avec I'Europe feroit facile ; les vaifleaux pourroient aller & venir fans rifque , lorfque tout feroit une fois reconnu , & en peu de tems. Enfin, je foumets ce Memoire au jugement des perfonnes fenfées qui ont plus d'érudition & d'expérience que moi. Pourvu qu'il ferve & donne occaiiori h. de nouvelles expériences & a des découvertes utiles au genre humain, je ferai paryenu au but que je me fuis propofe. F I N, Jhtip *nisb toB $ *b *rr*'m ijtønit fif tip ttøb 1.1 •.••i ' cru uf*i • C rave par I. fr* To lm Rec;num MØV/JO ran a Ta| - 1 1 i 1 I 'l TlLi.JULl'1' -L'l. \