L'article scientifique original [53] UDC: 342.515:342.531.41(410)"1660/1688" DROIT DE PRESCRIPTION ET LIBERTÉS PARLEMENTAIRES SOUS LA RESTAURATION ANGLAISE (1660-1688) Marie-Laure Duclos-Grécourt, Université de Poitiers, Faculté de droit et des sciences sociales, Enseignant-chercheur - Ingénieur de recherche L'historiographie anglaise moderne, laquelle a connu un considérable essor au xvie siècle, procède, selon une définition donnée par J. G. A. Pocock, d'une « reconstruction des institutions sociales du passé afin de les utiliser comme un contexte qui est à la fois le cadre et l'instrument d'interprétation des actions, des paroles et des pensées des hommes qui vivaient à cette époque » Apparaît ici l'idée que le système juridique d'un pays participe de la construction d'un caractère national propre. Aussi, les interprétations du passé historique modèlent son contenu, posent le problème du changement historique et par conséquent, affectent la compréhension de la période contemporaine par la double appréhension du passé et de sa relation avec le présent, laquelle se traduit par une mise en avant de son altérité ou de sa survivance. Ici, la dimension historiographique du problème doit encore s'imbriquer dans une réflexion sur les rapports du droit et de l'ordre politique 2. La question revêt un relief particulier dans le cadre de l'Angleterre, dans la mesure où celle-ci connaît un seul et unique système juridique, le common law. 1 J. G. A. Pocock, LAncienne Constitution et le droit féodal. Étude de la pensée historique dans l'Angleterre du XVIIe siècle, coll. Fondements de la politique, Paris, PUF, 2000, Préface à la première édition (1957), p. 17. 2 D. Baranger, Écrire la constitution non-écrite. Une introduction au droit politique britannique, coll. Léviathan, Paris, PUF, 2008, p. 17. Pravnik • 132 (2015) 1-2 Marie-Laure Duclos-Grécourt Deux courants de pensée se dessinent progressivement au début du xviie siècle 3 : d'un côté, des juristes spécialistes du common law et de l'autre, des partisans, peu nombreux, d'une conception féodale de l'ordre juridique 4. Quant aux premiers, les common lawyers 5, ils développent l'hypothèse fondamentale d'un système juridique unique reposant dans son essence même sur le caractère immémorial de la coutume d'Angleterre. Deux idées sont ici présentes et vont de pair. D'une part, celle de l'absence de concurrence entre le common law et un autre système juridique d'importance semblable, comme cela peut être le cas en France entre le droit romain et le droit coutumier, ainsi que, et par conséquent, l'absence d'influence réciproque permettant dévaluer l'évolution de l'un et l'autre. D'autre part, celle selon laquelle le droit serait le produit d'une sagesse collective et primitive élaborée au fil du temps et mise en évidence par les praticiens. On retrouve ici le double caractère de la coutume comme source du droit à la fois ancienne et incréée, mais également évolutive et insensible 3 Sur ces courants de pensée, cf. notamment : F. W. Maitland, Constitutional History of England, Cambridge, Cambridge University Press, 1909 ; G. B. Adams, The Origin of the English Constitution, New Haven, Yale University Press, London, H. Frowde, Oxford, Oxford University Press, 1912 ; W. S. Holdsworth, Sources and Literature of English Law, Oxford, Clarendon Press, 1925 ; J. W. Allen, English Political Thought, 1603-1660, London, Metuen, 1938-1999 ; H. Butterfield, The Englishman and His history, Cambridge, Cambridge University Press, 1944 ; C. M. Mcllwain, Constitutionalism Ancient and Modern, 2e edition, Ithaca, N.Y., Cornell University Press, 1947 ; F. D. Wormuth, The origins of Modern Constitutionalism, New York, 1949 ; F. Smith Fussner, The Historical Revolution, 1580-1640, Londres, Routledge and Kegan Paul, 1962 ; A. B. Ferguson, Clio Unbound : Perception of the Social and Cultural Past in renaissance England, Durham, NC, Duke University Press, 1979, et la critique de cet ouvrage par G. R. Elton, History and Theory, vol. XX, n°1 (1981), pp. 92-100 ; R. J. Smith, The Gothic Bequest : Medieval Institutions in British Thought (16881863), Cambridge, Cambridge University Press, 1987 ; J. H. Burns et M. Goldie (dir.), The Cambridge History of political Thought, 1450-1700, Cambridge, Cambridge University Press, 1991 ; G. Burgess, The Politics of the Ancient Constitution : an Introduction to English Political Thought (1603-1642), Basingstoke, Macmillan, 1992 ; N. Philipson et Q. Skinner (dir.), Political Discourse in Early Modern Britain, Cambridge, Cambridge University Press, 1993 ; J. G. A. Pocock, G. J. Schochet et L. G. Schwoerer (dir.), The Varieties of British Political Thought, 1500-1800, Cambridge, Cambridge University Press, 1993 ; C. C. Weston, « LAngleterre : l'ancienne constitution et le droit commun », in J. H. Burns, Histoire de la pensée politique moderne, coll. Léviathan, Paris, PUF, 1997 ; J. G. A. Pocock, LAncienne Constitution et le droit féodal, op. cit. ; J. Greenberg, The Radical Face of the Ancient Constitution : StEdwards "Laws" in Early Modern Political Thought, Cambridge, Cambridge University Press, 2001 ; D. Baranger, Écrire la constitution non-écrite, op. cit., pp. 15-70. 4 Toutefois, la classification des auteurs entre ces deux courants nécessite une grande souplesse, certains auteurs majoritairement rattachés à l'un empruntant accessoirement des arguments à l'autre. 5 Comme l'écrit D. Baranger, « caractériser tous les auteurs dont je vais parler comme des common lawyers est d'ailleurs une simplification » et cet auteur montre bien la grande diversité des hommes recouverts pas cette appellation (Écrire la constitution non-écrite, op. cit., pp. 15-16). Pravnik • 132 (2015) 1-2 Droit de prescription et libertés parlementaires sous la Restauration anglaise (1660-1688) par là-même à l'obsolescence ; ce sont là deux arguments utilisés à des niveaux différents par les common lawyers qui inscrivent la coutume comme un instrument idéal du lien entre passé et présent participant à la conscience des processus historiques. Le premier argument, celui de l'immémorialité de la coutume, s'avère plus exploité que le second, étant défendu par le chef de file des common lawyers, le Juge en chef des Plaids Communs (Common Pleas) puis du Banc du Roi (King's Bench) et leader parlementaire sir Edward Coke (1552-1634) 6, adversaire redoutable de Francis Bacon (1561-1626), tandis que le second argument est plus particulièrement repris par le Juge en chef du Banc du Roi, sir Matthew Hale (1609-1676). Si le second argument met en effet en avant la force exécutoire du droit en raison de son caractère coutumier, le premier révèle l'aspect politique de la discussion, à savoir que ces coutumes, par définition consenties par la communauté, échappent à la volonté individuelle, fût-elle royale. Un argument négatif qui prend tout son sens dans le cadre de l'affirmation, à l'échelle européenne, des souverainetés monarchiques dans un sens absolutiste. D'un point de vue constitutionnel, les common lawyers défendent alors un certain nombre de droits et libertés, garantis par la loi fondamentale 7 et dont l'intangibilité serait légitimée par droit de prescription 8 : autrement dit, pour être reconnus comme appartenant à l'ancienne constitution du royaume, ils doivent avoir existé antérieurement à une époque dont on garderait mémoire sans qu'il existât de témoignage écrit en sens contraire, la date retenue étant celle du couronnement de Richard Ier en 1189 9. La notion de prescription 6 W. S. Holdsworth, « The influence of Coke in the Development of English Law », in P. Vinogradof (dir.), Essays in Legal History, Oxford, Oxford University Press, 1913, pp. 297311 ; J. Beaute, Un grand juriste anglais : Sir Edward Coke (1552-1634), ses idées politiques et constitutionnellesou aux origines de la démocratie occidentale moderne, Paris, PUF, 1975. 7 J. W. Gough, L'idée de loi fondamentale dans l'histoire constitutionnelle anglaise, coll. Léviathan, Paris, PUF, 1992. 8 J. N. Figgis, The Divine Right of kings, 2e éd., Cambridge, Cambridge University Press, 1914, pp. 228-232. Cf. également D. Baranger, Écrire la constitution non-écrite, op. cit., pp. 37-43. 9 La notion de prescription est particulièrement mise en avant dans la First Part of the Institutes of Sir Edward Coke Kt. publiée en 1628 (Of divers Resolutions and Judgments given with great deliberation, by the Reverend Judges and Sages of the Law, of Cases and Matters in Law which were never resolved or adjuged before : And the Reasons and Causes of the said Resolutions and Judgments, during the most happy Reign of the most Illustrious and Renowned Queen Elizabeth, the Fountain of all Justice and the Life of the Law. With References to all Books of the Common Law, as well Ancient and Modern : And The Pleadings in English, carefully Revised and Corrected. In the Savoy, E. and R. Nutt and R. Gosling, 1738). Selon lui, au-delà des critères de la conformité à la raison et à la volonté divine exprimée dans les Écritures, les coutumes doivent surtout être prescrites. Cette position doctrinale, largement partagée par les common lawyers, notamment Hale, est également reprise dans le discours parlementaire comme en atteste Form of Apology and Satisfaction de 1604 et Protestation de 1621. Pravnik • 132 (2015) 1-2 Marie-Laure Duclos-Grécourt représente alors un danger pour le fondement théorique de la monarchie, empiétant sur la prérogative royale. Quant aux seconds, les royalistes ou adversaires des common lawyers 10, ils tardent quelque peu à développer une véritable théorie d'opposition comme critique historique de la doctrine du droit immémorial, en raison de la forte détermination qu'exerce la nature du système juridique anglais sur les esprits, reflétant une culture juridique 11 et au-delà l'histoire anglaise elle-même dans son originalité insulaire. Ainsi, nombre de royalistes de l'Interrègne, tel le comte de Clarendon Edward Hyde (1609-1674), reprennent l'argument traditionnel de l'ancienne constitution et s'en servent pour fonder les droits du roi en insistant sur le caractère originel et fondamental de l'autorité royale et font de celle-ci une prérogative immémoriale. La dépendance doctrinale est d'autant plus inévitable qu'une certaine connivence se noue entre les deux partis face aux déboires de la République cromwellienne et qu'il apparaît que le rétablissement de la concorde civile doit passer par celui de l'ancienne constitution et donc de la couronne 12. Toutefois, le renouvellement de l'opposition est appelé à prendre forme sous la plume de sir Henry Spelman (1562-1641), dont la pensée, tardant à être connue 13, n'est pleinement exploitée qu'à partir des années 1675-1680. Influencé par les historiens continentaux - français, tels Jacques Cujas (1529-1590) et François Hotman (1524-1590), ou écossais à l'instar de sir Thomas Craig (1538-1608) dont les débats se concentrent sur l'origine romaine ou germanique du feudum 14 -, il renouvelle la définition même de féodalité 15 - jusque-là indissociable selon les premiers common lawyers de 10 D. Baranger distingue deux types d'opposants aux common lawyers : « les historiens féodalistes qui contesteront leurs doctrines au xviie siècle, ou bien les canonistes qui développeront une ecclésiologie inspirée par le droit naturel classique » (Écrire la constitution non-écrite, op. cit., p. 15). 11 D. Baranger, v° « Culture juridique de l'Angleterre », in S. Rials et D. Alland, Dictionnaire de culture juridique, Paris, PUF, 2005, pp. 52-59. 12 J. G. A. Pocock, L'Ancienne Constitution et le droit féodal, op. cit., pp. 187-230. 13 Le Glosssarium Archaelogus, qualifié de « premier ouvrage où un Anglais dégageait et analysait avec une relative précision la composante féodale de l'histoire de son pays » (Ibid., p. 117.), voit son premier volume publié en 1626, mais le second volume ne l'est pas avant 1664, grâce à William Dugdale, et les Reliquiae Spelmannianae ne le sont qu'en 1698, après sa mort. 14 J. G. A. Pocock, L'Ancienne Constitution et le droit féodal, op. cit., pp. 97-119. 15 La féodalité dans la pensée anglaise du xviie siècle n'est pas à associer à une dissolution de l'État ni même à un accord privé entre seigneur et vassal : « elle signifiait avant tout que toute la terre était tenue du roi moyennant hommage et obéissance » (Ibid., p. 232). Sur la notion de féodalité en général et ses caractéristiques concrètes dans la formation sociale et la période dont il est question ici, cf. C. Parain, « Caractères généraux du féodalisme », in Sur le féodalisme, Centre d'Études et de Recherches Marxistes, Paris, Éditions Sociales, Pravnik • 132 (2015) 1-2 Droit de prescription et libertés parlementaires sous la Restauration anglaise (1660-1688) celle donnée par sir Thomas Littleton (mort en 1481), dont les soixante-dix éditions de son ouvrage les Tenures avant 1628 illustrent bien l'aura - et insiste sur son influence dans la construction du common law. Il défend l'idée d'un droit anglais en grande partie fondé sur les principes de la tenure féodale importés systématiquement par Guillaume le Conquérant (1066-1087) 16 lors de la Conquête normande en 1066. Par ailleurs, l'apport féodal s'inscrit au côté d'autres influences successives, germaniques, civiles, canoniques : en amont, ce présupposé limite l'ancienneté du droit anglais ; en aval, ce droit du xiie siècle n'est plus celui du xviie siècle. Autant d'éléments qui excluent l'idée même d'immémorialité du droit anglais. Si la querelle doctrinale se cristallise dans un premier temps sur l'ancienneté du droit anglais, sur son caractère immémorial ou bien, au contraire, sur son information féodale, l'objet du débat historiographique se déplace progressivement en ce xviie siècle mouvementé. Avec le début de la première guerre civile en 1642 et plus particulièrement avec l'Interrègne, où « une chambre tronquée gouvern[e] seule, et revendiqu[e] des pouvoirs apparemment sans limites, au nom de l'ancienne constitution » 17, c'est désormais la question de l'ancienneté de la Chambre des Communes qui préoccupe les esprits. Les mythes historiques se mettent au service des revendications politiques et suivent le cours des événements. Alors que les relations entre la Couronne et le Parlement - relativement peu convoqué, les rois successifs tentant de s'en passer - sont marquées par une sorte de collaboration sous la monarchie absolue des Tudors 18, leurs intérêts coïncidant, certaines tensions n'en sont pas moins apparentes 19, notamment 1971, pp. 13-17 ; P. Anderson, Les Passages de l'Antiquité au Féodalisme (1974), Paris, Mas-péro, 1977, pp. 159 et suiv. ; M. Postan, Histoire économique et sociale de la Grande-Bretagne (1972), Paris, Seuil, 1977, I, pp. 7-227 : « Des origines au xvie siècle » ; J.-P. Poly et E. Bournazel, La mutation féodale xe-xiie siècles, Paris, PUF, 1980 ; C. Journès, L'état britannique, coll. Critique du droit, Paris, Publisud, 1985, pp. 31-33. 16 M. de Bouard, Guillaume le Conquérant, Paris, PUF, 1966. 17 J. G. A. Pocock, L'Ancienne Constitution et le droit féodal, op. cit., pp. 159-160. 18 S. T. Bindoff, Tudor England, Harmondsworth, Middl., Penguin Books, 1950 ; L. Ca-hen et M. Braure, L'évolution politique de l'Angleterre moderne (1465-1660), Paris, A. Michel, 1960 ; F. J. Levy, Tudor Historical Thought, San Marino, Calif, Huntington Library, 1967 ; J. D. Mackie, The Earlier Tudors (1485-1558), Oxford, Oxford University Press, 1972 ; D. M Loades , Politics and the nation (1450-1660), Obedience, Resistance and Public Order, London, Fontana, 1979 ; J. R. Lander, Government and Community. England (1450-1509), London, Edward Arnold, 1980. 19 Pour une approche introductive, cf. D. Frison, Histoire constitutionnelle de la GrandeBretagne, op. cit., pp. 35-75. Pravnik • 132 (2015) 1-2 Marie-Laure Duclos-Grécourt sous le règne élisabéthain 20, la Chambre des Communes se renforçant, gagnant en autonomie tout en étant subordonnée à l'autorité royale 21. C'est l'amorce des difficultés qui surviennent sous les règnes des Stuarts 22, à commencer par les deux premiers d'entre eux, Jacques VI d'Écosse, devenu Jacques Ier d'Angleterre (1603-1625) 23 et son fils Charles Ier (1625-1649) 24. Ils réaffirment leur prérogative royale face à la revendication des libertés parlementaires, dans un dialogue empoisonné par les questions fiscales - comme l'illustre la crise du Ship Money qui éclate en 1635 -, le vote d'impôts extraordinaires étant soumis au consentement du parlement qui le monnaye en échange de réformes. Aux revendications parlementaires formulées dans des textes telle la Pétition of Right de juin 1628 25, les rois répondent par des dissolutions successives du Parlement et tentent à plusieurs reprises de s'en passer pendant plusieurs années comme le fit Charles Ier entre 1629 et 1640 26. Finalement, les troubles écossais, origine immédiate des bouleversements politiques à venir 27, pressent la convocation des quatrième et cinquième parlements du règne, les fameux Short Parliament de mai 1640 et Long Parliament de 1640 à 1653 ou 1660 ; ce dernier est animé par un esprit de réformation défendant une conception traditionnelle et conservatrice du droit public contre les innovations royales 28 où se mêlent les exigences politiques - pour limiter l'arbitraire royal - et religieuses, comme l'illustre la Grande Remontrance présentée au roi le 1er décembre 1641. Le pays bascule dans la guerre civile en août 1642 ; la Couronne, 20 J. Neale, Elizabeth I and her Parliaments, 1558-1581, Londres, J. Cape, 1953 ; A. H. Dodd, Elizabethan England, London, B. T. Batsford, New York, G. P. Putman's, 1974 ; J. E. Neale, The Elizabethan House of Commons (1949), London, Fontana, 1976. 21 C. Journès, L'état britannique, op. cit., pp. 56-62. Cf. également G. R. Elton, « Parliament in the sixteenth century : Functions and fortunes », Historical Journal, 22, 1979, pp. 255-278. 22 J. P. Kenyon, Stuart England, Harmondsworth, Middl., Penguin Books, 1978 ; M. Du-chein, Les derniers Stuarts (1660-1807), Paris, fayard, 2006. 23 D. H. Wilson, James VI and I, Londres, Cape, 1961 ; M. Duchein, Jacques Ier Stuart, Paris, Presses de la Renaissance, 1985. 24 K. Sharpe, The Personal Rule of Charles I, New Haven (Conn.), Londres, Macmillan, 1994. 25 F. H. Relf, The Petition of Right, Minneapolis, University of Minnesota, 1917 ; E. R. Adair, « The Petition of Right », History (New series), 5, 1920-1921, pp. 92-103. 26 K. Sharpe, Faction and Parliament : Essays on Early Stuart History, New York, Oxford University Press, 1978 ; C. Russell, Parliaments and English Politics (1621-1629), Oxford, Clarendon Press, 1979. 27 C. Russell (dir.), The origins of the English Civil War, Londres, Macmillan, 1989 ; C. Russell, The Causes of the English Civil War, Oxford, Clarendon Press, 1990 ; C. Russell, The Fall of the British Monarchies, 1637-1642, Oxford, Clarendon Press, 1991. 28 R. Ashton, The English Civil War. Conservatism and Revolution 1603-1649, Londres, Weidenfeld & Nicolson, 1979, p. 20. Pravnik • 132 (2015) 1-2 Droit de prescription et libertés parlementaires sous la Restauration anglaise (1660-1688) le Parlement et l'armée s'affrontent à tour de rôle en cette période de Grande Rébellion. La seconde guerre civile, commencée en 1648, aboutit à l'exécution du roi, à l'abolition de la royauté et de la Chambre des Lords ainsi qu'à la proclamation de la République en 1649. L'Interrègne commence, marqué par la dictature cromwellienne qui réserve un sort guère favorable au Parlement. Après la mort du Lord Protector du Commonwealth en 1658, les Stuarts reviennent d'exil et la royauté est restaurée en 1660 par simple consensus et vote du Long Parlement, de nombreuses fois purgé mais jamais dissous 29. Après l'échec des tentatives absolutiste de droit divin (1603-1649) et républicaine (1649-1660), royauté et Parlement - lequel est rétabli dans sa forme antérieure - doivent trouver un nouvel équilibre constitutionnel, un chemin nouveau entre la situation antérieure à la révolution et la législation révolutionnaire, le Parlement ayant exigé que les lois votées au début de la guerre civile soient maintenues tandis qu'il vote l'annulation de celles prises sous Cromwell. C'est un chemin en deux étapes : la première de 1661 à 1679, avec le premier Parlement du règne, nommé Cavalier Parliament ou Pensionary Parliament, qui comprend une écrasante majorité de royalistes anglicans ; la seconde marquée par des tensions entre la Couronne et le Parlement entre 1678 et 1688. Les relations entre la Couronne et le Parlement, l'unité juridique de la common law et l'uniformité ecclésiastique sont des éléments constitutifs de l'identité nationale anglaise, de son statut d'État-nation 30. Aussi, à l'horizon de la question institutionnelle, une autre s'impose, celle de la religion, l'anglicanisme modéré étant sérieusement critiqué par les puritains militant pour un calvinisme strict. Sur ces deux questions qui traversent le siècle, les règnes successifs de Charles II (1649-1685), fils de Charles Ier, présentant un esprit de compromis, et de son intransigeant frère, Jacques II (1685-1688), marquent une période charnière que deux révolutions encadrent, la Restauration prenant fin avec la Glorieuse Révolution de 1688. C'est donc dans un contexte marqué par les débuts du parlementarisme, la naissance des partis Whig et Tory dans les années 1670 31, la controverse autour de l'exclusion de Jacques II de la succession au trône dans les années 1678-1681, le contexte polémique de la réédition des œuvres de sir Robert Fil- 29 J. Thirsk, The Restoration, Londres, Longman, 1976. 30 B. P. Levack, The Formation of the British State. England, Scotland and the Union 1603-1707, Oxford, Clarendon Press, 1987, p. 17. 31 Non sans simplifier, les whigs soutenaient la doctrine de l'ancienne constitution tandis que les Tories étaient plus favorables aux idées royalistes. Cf. K. G. Feiling, A History of the Tory Party 1640-1714, Oxford, 1924. Pravnik • 132 (2015) 1-2 Marie-Laure Duclos-Grécourt mer (1588-1653) 32, que les théories avancées depuis le début du xviie siècle connaissent une évolution, sous le signe d'un renforcement des positions. Les débats sur l'ancienneté de la Chambre des communes se cristallisent autour des deux droits prescriptibles que sont celui de la représentation parlementaire des Communes d'Angleterre (Section 1) et celui du rôle législatif de la Chambre face à ceux du roi et des Lords (Section 2). 1. le droit à la représentation parlementaire DES communes D'ANGLETERRE Le cœur du débat entre common lawyers et royalistes sur la question du droit à la représentation parlementaire des Communes d'Angleterre se focalise sur l'utilisation ambiguë de deux notions : celle de représentation (§ 1) et celle de francs tenanciers (§ 2). 1.1. L'ambiguïté du concept de « représentation » Tandis que les common lawyers, tel William Petyt, à la suite de Coke, militent pour une représentation immémoriale du peuple dans les conseils publics, les royalistes, comme William Dugdale, à l'instar de Spelman, lui octroient une origine médiévale. Cependant, tous ne recoupent pas les mêmes éléments derrière le concept de représentation. William Dugdale (1605-1686), écrivain royaliste figurant comme « le plus émi-nent médiéviste de son temps » 33, livre au public deux ouvrages majeurs : Origines juridiciales en 1666 et The Baronage of England, dont le premier volume paru en 1675 contient une intéressante préface. S'il reste tributaire d'un héritage idéologique bien ancré - citant Coke à l'occasion, affirmant qu'en la common law réside « la perfection absolue de la raison », que ce droit n'est « sans aucun doute, pas moins ancien que le début de différences entre l'homme et l'homme, après le premier peuplement de cette terre » 34 -, il est l'un des pre- 32 P. Laslett, « Sir Robert Filmer : The Man versus the Whig Myth », William and Mary Quaterly, 5, 1948, pp. 523-546; J. Daly, Sir Robert Filmer and English Political Thought, University of Toronto Press, 1979. 33 J. G. A. Pocock, L'Ancienne Constitution et le droit féodal, op. cit., p. 231. 34 Nous traduisons d'après "Of these, that which we call the Common Law, is, out of question, no less antient than the beginning of differences betwixt man and man, after the first Peopling of this Land [...] the absolute perfection of reason, as Sir Edward Coke affirmeth, adding, that the ground thereof is beyond the memory or Register of any beginning ; and these were they which the Norman Conquerour at his Coronation did swear to observe ; being then by him said to be" (W. Dugdale, Origines juridiciales ; or Historical Memorials of the English Laws, Courts of Justice, Forms of Tryal, Punishment in Cases Criminal, Law Writers, Law Pravnik • 132 (2015) 1-2 Droit de prescription et libertés parlementaires sous la Restauration anglaise (1660-1688) miers à reprendre la théorie spelmanienne de la féodalité 35, non sans la déformer toutefois, notamment sur la question de l'origine des Communes, se fondant sur une conception renouvelée du principe de représentation. Historiquement, l'on peut distinguer trois modes de convocation individuelle à la cour du roi, prérogative qui figurait comme l'un des attributs essentiels du baronnage : 1°. La détention d'une tenure in capite de la couronne ; 2°. L'obtention du privilège héréditaire de recevoir un writ de convocation, document écrit délivré par la chancellerie royale ; 3°. La possession de lettres patentes octroyant à un individu ou à un de ses ancêtres, le titre de baron, assorti du droit de siéger au Parlement. Spelman privilégie le premier mode en ce qu'il souligne le lien entre conseil, baronnage et tenure in capite. Ce triple lien est cependant progressivement dissous à partir de 1215 avec l'apparition des deux autres modes de convocation. Encore unique au temps de la curia féodale, le premier mode est marqué, à partir de cette date, par la distinction entre barones maiores et minores, selon que la convocation par writ a lieu à titre individuel ou collectif, l'usage du writ ayant commencé à miner le lien entre tenure in capite et convocation ; le titre de baron est encore d'autant plus dévalorisé lorsqu'il peut être accordé par lettre patente, le lien étant également rompu entre baronnage et tenure. Ainsi, le développement des deux derniers modes entraîne l'apparition des Communes au sein du Parlement, successeur du conseil fondé exclusivement sur la tenure, dans le sens où ces modes emportent nécessairement conseil de la part de représentants des francs tenanciers - c'est-à-dire d'hommes possédant leur terre en pleine propriété -, un changement fondamental que l'on retrouve encore au niveau de la cour du comté 36. Selon Spelman, l'émergence des Communes au Parlement apparaît alors comme l'un des symptômes, voire l'une des conséquences, du déclin féodal, et particulièrement du statut juridique de la tenure féodale, ainsi que du passage d'une société médiévale à une société moderne fondée sur la liberté de la propriété ; pour autant, il reste obscur sur la datation de cette évolution, se contentant de relever que la période véritablement féodale s'étend du xie Books, Grants and Settlements of Estates, Degree of Serjeant, Inns of Court and Chancery. Also a cronologie of the Lord Chancellors and Keepers of the Great Seal, Lord Treasurers, Justices Itinerant, Justices of the Kings Bench and Common Places, Barons of the Exchequer, Masters of the Rolls, Kings Attorney and Sollicitors, and Serjeants at Law, The Third Edition with Additions, London, Christop Wilkinson, Tho. Dring, and Charles Harper, 1680, "Cap. III. The Antiquity of our Laws in England", p. 3). 35 Rappelons ici que William Dugdale est celui qui a livré au public en 1664 une édition complète du Glosssarium Archaelogus de Spelman. 36 Sur l'analogie entre cour du roi et cour du comté, cf. D. Baranger, Écrire la constitution non-écrite, op. cit., pp. 57-58. Pravnik • 132 (2015) 1-2 Marie-Laure Duclos-Grécourt au xiiie siècle 37. Il est effectivement reconnu que le déclin de la féodalité caractérise le xiiie siècle suite à un processus de « commutation » désignant le remplacement des services féodaux par des paiements en numéraire. C'est également le reflet de l'évolution de cette époque, comme l'illustre le mouvement d'émancipation municipale 38. Dugdale considère également que les conseils de Guillaume le Conquérant et de ses successeurs n'étaient composés, ainsi que l'atteste le texte de la Magna Carta de 1215 39 - régulièrement mise en avant par les adversaires de la prérogative royale en ce quelle leur apparaît comme étant la réincarnation des lois d'Édouard le Confesseur -, que de tenants in capite, son article 14 définissant le Common Counsel of the Realm, le Conseil du roi, comme une assemblée du haut clergé et de la noblesse 40. Toutefois, cela n'empêche pas, selon lui, qu'il y ait bien eu représentation des Communes dès cette époque, Dugdale étant 37 J. G. A. Pocock, L'Ancienne Constitution et le droit féodal, op. cit., pp. 141-153. 38 La période féodale est couramment entendue extensivement (cf. par exemple D. Frison, Histoire constitutionnelle de la Grande-Bretagne, op. cit., pp. 13-34 : « L'ère du féoda-lisme : 1066-1485 » ; il est d'ailleurs énoncé que « le xvie siècle, âge de transition, était encore féodal, mais déjà éminemment capitaliste » (Ibid., p. 36)), C. Journès affirmant que la révolution bourgeoise de 1640 fut l'élément décisif de la longue transition entre la société féodale et la société capitaliste, distinguant au sein de la première une phase ascendante puis une phase de crise à partir du xive siècle (L'état britannique, op. cit., p. 29). 39 E. Jenks, « The Myth of Magna Carta », Independ Review, 4, 1904, p. 260-273 ; W. S. MacKechnie, Magna Carta, 2e édition, Glasgow, J. Maclehose and Sons, 1914 ; F. Thompson, « Parliamentary Confirmations of the Great Charter », American Historical Review, 38, 1933, pp. 659-672 ; F. Thompson, Magna Carta, Minneapolis, The University of Minnesota Press, 1917. 40 « Et, pour avoir le commun conseil du royaume au sujet de l'établissement d'une aide en dehors des trois cas susdits [cf. art. 12, nous précisons], ou au sujet de l'établissement de l'écuage, nous ferons semondre les archevêques, évêques, abbés, comtes et hauts barons, individuellement, par nos lettres et, en outre, nous ferons semondre collectivement par nos sheriffs et baillis tous ceux qui tiennent de nous en chef, pour un certain jour, avec un délai de 40 jours au moins, et à un lieu déterminé ; et dans toutes les lettres de cette semonce, nous exprimerons le motif de la semonce et, la semonce étant ainsi faite, que l'affaire, au jour assigné, aille selon le conseil de ceux qui auront été présents, quoique tous ceux qui auront été semons ne soient pas venus » (Traduit par C. Journès, Létat britannique, op. cit., p. 41 d'après : "And for obtaining the common counsel of the kingdom and the assessing of an aid (except in the three cases aforesaid) or of a scutage, we will cause to be summoned the archbishops, bishops, abbots, earls, and greater barons, severally by our letters ; and we will moveover cause to be summoned generally, through our sheriffs and bailiffs, and others who hold of us in chief, for a fixed date, namely, after the expiry of at least forty days, and at a fixed place ; and in all letters of such summons we will specify the reason of the summons. And when the summons has thus been made, the business shall proceed on the day appointed, according to the counsel of such as are present, although not all who were summoned have come"). La Grande Charte ouvre cependant la voie à une représentation élargie, permettant l'entrée de nouvelles classes sociales dans l'arène politique, notamment les classes marchandes suite à l'essor du commerce et l'émancipation municipale et dont les intérêts vont progressivement Pravnik • 132 (2015) 1-2 Droit de prescription et libertés parlementaires sous la Restauration anglaise (1660-1688) attaché à l'immémorialité du droit de représentation de tout homme libre. Il joue alors sur la distinction entre représentation indirecte et représentation directe 41 : « Il apparaît que les gens de l'Angleterre furent représentés, lors des grands conseils publics, depuis l'époque de la Conquête Normande par les tenants in capite, jusqu'à la dite année 49 H. 3 où ils le furent par deux Chevaliers pour chaque Comté, et certains Bourgeois pour plusieurs Bourgs, et des barons pour les Cinque-ports » 42. Cette date, 49 H. 3 - autrement dit 1265 43 -, a par ailleurs déjà été avancée par un auteur majeur de la pensée politique anglaise, également partisan de la contemporanéité de la Chambre des Communes, sir Robert Filmer, dont se fondre avec la petite noblesse terrienne au sein des Commons, ce qui préfigure le Parlement (D. Frison, Histoire constitutionnelle de la Grande-Bretagne, op. cit., p. 18). 41 « Que les personnes, qui tenaient in capite du Roi, étaient les représentants du reste des Communes, que certains appelaient barones Minores [...] et que le consentement du tenancier dépendant ait été inclus dans l'assentiment du Seigneur qui était son supérieur immédiat, dont la présence était toujours requise dans ces grands Conseils, on ne doit, je pense, pas en douter ». Nous traduisons d'après : "That the persons, who held of the King in Capite, were the representative of the rest of the Commons, called by some Barones Minores [...] and that the dependent Tenants consent was included in the assent of his immediate superior Lord, whose presence was ever so required in those great Councils, need not I think be doubted" (W. Dugdale, Origines juridiciales, op. cit., "Cap. V. Of parliaments", p. 17-18). Il précise, par la suite : « Et, comme ces grands tenanciers du roi (qui avaient leurs titres de leurs principaux sièges ou les chefs de leurs baronnies) étaient appelés ses Barones Majores, ses autres tenanciers (ou francs tenanciers) qui étaient liés à lui par le service militaire in capite, étaient appelé Barones Minores. [.] Seuls les Barones Majores étaient convoqués par plusieurs brefs, tandis que les autres, qui tenaient par le service militaire in capite, n'étaient convoqués que par une citation générale du shérif de chaque comté ». Nous traduisons, d'après : "And, as these great Tenants to the King (who had their Titles from their principal Seats or Heads of their Baronies) were called his Barones Majores ; so were his other Tenants (or Freeholders) who held of him by military service in Capite, termed Barones Minores. [...] Only the Barones Majores had summons by several Writs ; and the other, who held by Military service in Capite, by one general summons from the Sheriff on each County" (W. Dugdale, The Baronage of England, or An Historical Account of the Lives and most memorable Actions of Our English Nobility In the Saxons time, to the Norman Conquest ; and from thence, of those who had their rife before the end of King Henry the Third's Reign, Tome the First, London, 1675, The Preface, p. 3). 42 "It may seem that the People of England, in those great and publick Councills, were from the time of the Norman Conquest represented by such as held of the King in Capite, until the said 49th oh H. 3 but then by two Knights for each County, and certain Burgesses for several Buroughs, and Barons for the Cinque-ports" (W. Dugdale, Origines juridiciales, op. cit., "Cap. V. Of parliaments", p. 18) ; W. Dugdale, The Baronage of England, op. cit., Preface, p. 4. 43 Cette date correspondrait à la première convocation de chevaliers de comté par writ adressée à l'officier royal du comté, au sheriff (C. C. Weston, « L'Angleterre : l'ancienne constitution et le droit commun », art. cit, p. 364). Pravnik • 132 (2015) 1-2 Marie-Laure Duclos-Grécourt les idées sont reprises, quoique de manière moins ingénieuse par William Prynne (1600-1669), lui-même common lawyer contre toute attente, ou bien encore par sir Robert Holbourne (mort en 1649). C'est effectivement sous le règne d'Henri III que le Common Counsel of the Realmt successeur de la Curia regis dans ses fonctions de conseil, se mue en Parlement avec la modification de sa composition. Dugdale attribue cette évolution à la volonté politique royale d'établir un contrepoids à l'autorité des barons 44, particulièrement grandissante sous les temps de minorité d'Henri III et dont les revendications se sont particulièrement révélées lors du Common Counsel de 1257. Assemblée du haut clergé et de la noblesse, le Parlement comprend désormais également des membres des Communes avec la convocation des chevaliers de comtés en 1254 et celle des représentants des bourgeois des villes en 1264. Si les nobles et barons sont convoqués par writ ou lettre patente, les représentants des comtés sont élus, nonobstant la grande influence que les seigneurs féodaux peuvent avoir à l'occasion, par les freeholders, soit les hommes possédant leur terre en pleine propriété, et ce sous l'autorité du sheriff, ainsi qu'en attestera plus tard la loi électorale de 1429. En 1265, Simon de Montfort (1208-1265), chef du mouvement baronnial, rassemble illégalement un Parlement, nommé « parlement révolutionnaire » par les historiens, alors que le roi est fait prisonnier et convoque des représentants des bourgeois des villes dotées d'une charte et des chevaliers de comté, particulièrement intéressés par la croissance des prélèvements fiscaux extraordinaires. Les barons y sont peu nombreux, s'étant ralliés au roi alors que le mouvement baronnial s'essouffle à compter de 1260 et prend une connotation populaire. Malgré la défaite de Montfort face au fils d'Henri, le futur Édouard Ier (1272-1307) 45 surnommé « le Justinien anglais », le Parlement conserve cette forme sous le règne de ce dernier, sa figure moderne et bicamérale n'apparaissant qu'au xive siècle, suite au retrait du clergé en Convocations, les archevêques et évêques restant membre de la Chambre haute en tant que barons 46. Cette évolution marque le passage de l'idée de consultation au principe de la représentation. 44 « Il apparaît que ce précepte du roi Henri III d'envoyer deux Chevaliers pour chaque Comté, etc., eut lieu alors que les Barons l'avaient en leur pouvoir, et exerçaient l'Autorité Royale en son Nom ». Nous traduisons d'après : "Howbeit (which is observable) this Precept of King Henry the third, to send two Knights for each County etc. was then the Barons had him in their power, and exercise Regal Authority in his Name" (W. Dugdale, Origines juridiciales, op. cit., "Cap. V. Of parliaments", p. 18) ; W. Dugdale, The Baronage of England, op. cit., Preface, pp. 3-4. Cf. S. Painter, Studies in the History of the English Feudal Barony, New York, Octagon Books, 1980. 45 G. Templeman, « Edward I and the historians », Cambridge Historical Journal, vol. X, n°1, 1950, pp. 16-35. 46 C. Journès, L'état britannique, op. cit., pp. 42-44. Pravnik • 132 (2015) 1-2 Droit de prescription et libertés parlementaires sous la Restauration anglaise (1660-1688) Une telle position, certes quelque plus généreuse que celle de Spelman, ne peut contenter les common lawyers et c'est en la personne de William Petyt (16371717), avocat whig originaire du Yorkshire, que se révèle la plus importante charge contre Dugdale - mais également à travers lui contre Spelman et Filmer - dans son œuvre majeure, The Ancient Right of the Commons of England Asserted, publiée en 1680 mais mise en circulation dès octobre 1679. Il entend prouver l'immémorialité de la participation populaire aux conseils publics. Pour ce faire, il s'attache tout d'abord à démontrer, dans The Preface, que « sous les Bretons, les Saxons et les gouvernements Normands, les Hommes libres ou Communes d'Angleterre, ainsi qu'ils sont désormais appelés et distingués des grands seigneurs, étaient une pars essentialis & constituens, une partie essentielle et constitutive des Witenagemots 47, du Commune Concilium, Baronagium angliœ, ou Parlement, en ces temps » 48. Reprenant successivement ces différentes époques jusqu'au règne d'Henri Ier 49, Petyt parvient à établir une continuité parlementaire, n'omettant pas le thème récurrent chez les common lawyers de la Conquête normande. À ce sujet, il fait d'ailleurs une concession à la partie adverse, marquant une évolution de la pensée common lawyer, en reconnaissant l'introduction des principes de tenure féodale par les Normands 50. Guillaume le Conquérant a bien confisqué certaines terres et 47 Sous la période de l'Heptarchie (500-850), le Witenagemot était, selon E. A. Freeman, un « commonwealth » de guerriers où chaque homme avait sa place, et le vote en assemblée générale détenait l'autorité finale en tous domaines ; la lignée héréditaire et la fonction élective y étaient tenues en honneur (The growth of the English Constitution, Leipzig, Tauchnitz, 1872, I, pp. 37-38). 48 Nous traduisons d'après : "during the Brittish, Saxon, and Norman Governments, the Freemen or Commons of England, as now called and distinguished from the great Lords, were pars essentialis & constituens, an essential and constituent part of the Wittena Gemot, Commune Concilium, Baronagium Angliœ, or Parliament, in those Ages" (W. Petyt, The Antient right of the Commons of England Asserted ; or a Discourse Proving by Records and the best Historians, that the Commons of England were ever an Essential part of Parliament, London, F. Smith, T. Baffett, J. Wright, R. Chiswelll and S. Heyrick, 1680, The Preface, pp. 2-3). 49 « Ce qui est certain, et ne peut-être nié, c'est que dans ces temps anciens, les gens ou les hommes libres avaient une grande part dans leur Conseil public et leur gouvernement ». Nous traduisons d'après : "This is certain, and not to be denied, that in their elder time, the People or Freemen, had a great share in their publick Council and Government" (W. Petyt, The Antient right of the Commons of England Asserted, op. cit., The Preface, p. 5). Des propos semblables sont tenus pour le gouvernement des Saxons (Ibid., p. 6) et il remarque que rien ne change sous les Danois (Ibid., The Preface, p. 13). 50 « Bien que Guillaume le Conquérant ait obtenu la couronne impériale de l'Angleterre, et ait introduit plusieurs lois arbitraires, comme de nouvelles tenures, etc, a-t-il jamais fait une telle conquête si absolue, ni le royaume connut un changement si universel, que nos auteurs modernes anglais (comme s'il s'agissait d'une confédération générale, sans examen de la vérité) l'ont énoncé au monde, faisant peser sur cette révolution toutes les modifications que leurs vanités et fantaisies pouvaient imaginer et croire ». Nous traduisons d'après : "Though William the Conqueror got the Imperial Crown of England, and introduced Pravnik • 132 (2015) 1-2 Marie-Laure Duclos-Grécourt les a confiées, en tenures, à ses grands vassaux, mais - le discours common lawyer revenant - toutes les terres n'ont pas subi ce sort 51 : certaines sont restées aux mains de leurs détenteurs d'avant la Conquête, des francs tenanciers inféodés ni au roi ni à un seigneur jouissant de leurs terres et de leurs droits au même titre que du temps du roi Édouard le Confesseur, notamment en ce qui concerne la représentation au Parlement 52. Il présente ensuite, dans A Discourse wherein is proved that the Commons of England were an essential part of the Parliament before the 49th of Hen. 3, neuf arguments visant à établir la continuité de la représentation parlementaire des Communes jusqu'à la date fatidique de 1265. Petyt s'appuie sur des « registres publics, [des] manuscrits several Arbitrary Laws, as new tenures, etc, yet did he never make such an absolute Conquest, nor did the Kingdom receive so universal a change, as our English modern Authors (as it were by a general Confederacy, without examination of truth) have published to the World, who father upon this revolution all the alterations which their conceits and fancies can imagine and suppose" (Ibid., The Preface, pp. 17-18). Petyt fait alors reposer son propos sur trois arguments dont l'utilisation erronée faite du terme « conquérant » affublé à Guillaume (Ibid., The Preface, pp. 18-27), ou met encore en avant l'assentiment donné clero et populo à son couronnement lorsque Guillaume s'est engagée à respecter les anciennes lois d'Édouard le Confesseur, limitant ainsi l'aspect militaire de la conquête et insistant sur son caractère constitutionnel (Ibid., The Preface, pp. 28-48). 51 «Il est vrai en effet que le roi Guillaume Ier a distribué les successions de plusieurs de ceux qui ont pris les armes contre lui, à ses aventuriers et ses adeptes, mais le reste des anglais (ainsi que l'énoncent son serment de couronnement et une ratification solennelle des lois de saint Édouard lors d'un Parlement dans sa quatrième année) devaient jouir de leurs biens et du maintien de ces lois ». Nous traduisons d'après : "It is true indeed King William the First gave away the Estates of several of those who were in Arms against him, to his Adventurers and followers, but the rest of the English (as well by his coronation Oath, as by a solemn ratification of St. Edwards Laws in a Parliament in his fourth year) were to enjoy their Estates and the benefit of those Laws" (Ibid., The Preface, pp. 35-36). 52 Se référant à de nombreuses reprises aux diverses utilisations des termes clero et populo composant le Parlement, il énonce : « Pourtant, je ne pense pas que les Lords temporels soient seuls désignés par le terme Populus, ni que les Lords spirituels le soient par Clerus, car je suis d'accord avec le Dr Heylyn, qu'il n'y a pas de registre, ni histoire du Droit (ce que j'ai observé) dans lesquels le mot Clerus serve à désigner les archevêques et les évêques, à l'exclusion des autres membres du clergé ou d'autres écrits quel qu'ils soient, dans lesquels il ne désignerait non plus tout le clergé en général, ou le bas clergé seulement, à l'exclusion des archevêques, des évêques et autres prélats, et c'est mon opinion autant que je peux trouver que le mot Populus, suivant Clerus, doit, Thema universal in significando, être compris comme désignant aussi bien les Communes que les Lords ». Nous traduisons d'après : "Yet I do not think that the Lords Temporal only were the Populus, nor the Lords Spiritual the Clerus ; for I agree with Dr. Heylyn, that there is no Record, either of History of Law (which I have observed) in which the word Clerus serves to signifie the Archbishops, and Bishops, exclusive of the other Clergy, or any writings whatsoever, wherein it doth not either signifie the whole Clergy generally, or the inferior Clergy only, exclusive of the Archbishops, Bishops and other Prelates; and 'tis my opinion as far as I can find, that the word populous following Clerus, was, Thema universal in significando, and comprehended as well the Commons as the Lords" (Ibid., The Preface, pp. 66-67). Pravnik • 132 (2015) 1-2 Droit de prescription et libertés parlementaires sous la Restauration anglaise (1660-1688) privés et les meilleurs historiens » 53 - une pétition des bourgeois de S' Albans établie sous le règne d'Édouard II étant particulièrement utilisée pour faire remonter la représentation depuis Richard Ier jusqu'à Édouard II 54 et l'autorité de Bracton permettant de remonter au-delà de Richard Ier - afin de démontrer : « 1. Que les hommes libres ou les Communes d'Angleterre furent une partie essentielle et constitutive des Witenagemot saxons, ou Parlement. 2. Qu'ils ont perduré sous les époques de Guillaume Ier et Guillaume II et sous Henri Ier, lequel fut un Anglais qui a restauré et a confirmé par le biais de la Charte les lois d'Édouard le Confesseur, comme son père Guillaume Ier l'avait fait pour la Magna Carta, ou Grande Charte, et comme ses serments l'y engageaient auparavant, aussi bien lorsqu'il fut couronné qu'à Be-rkhamstead, dans la septième année de son règne. 3. Et si les registres du Parlement, sous les règnes successifs jusqu'à Édouard II, sont perdus ou introuvables, ainsi qu'il figure pour plusieurs ordres du Parlement, mais par ce qui a été déduit des autres registres précédemment cités, il est évident selon moi que les Citoyens et les Bourgeois faisaient partie du Parlement en l'an 16 du roi Jean et que leur présence n'a pas débuté par une rébellion en l'an 49 H. 3. Aussi, je peux avec bonne raison et garantie conclure que nos Ancêtres, les Communes d'Angleterre, les Chevaliers, les Gentlemen, les Francs tenanciers, les Citoyens et les Bourgeois de notre grande et puissante nation, étaient très loin d'être dans les temps anciens des Vassaux et des Esclaves, ou des hommes si abjects, pauvres et peu considérables, ainsi que l'ignorance et les faussetés absurdes et malveillantes de fins écrivains ont été heureux de les représenter ainsi, notamment l'auteur du Grand Freeholders Inquest, et M. James Howel, comme s'ils n'étaient que des bêtes de transport et de charge, soumis à la taxation, et avaient leurs vies, leurs successions et leurs libertés abandonnées et éliminées sans leurs consentements, en vertu d'une nouvelle opinion et conception qu'ils ne faisaient pas partie du Commune Concilium Regni, ou Parlement, avant 49 H. 3 » 55. 53 Nous traduisons d'après : "publick Records, [the] private Manuscripts, and the best Historians" (Ibid.). 54 Ibid., A Discourse wherein is proved that the Commons of England were an essential part of the Parliament before the 49th of Hen. 3, pp. 7-50). 55 Nous traduisons d'après : "I. that the freemen or Commons of England were an essential and constituent part of the Saxon Wittena Gemott, or Parliament. 2. That they so continued in the times of W. 1 W. 2 and H. 1 which last being an Englishman, by way of Charter restored and confirmed the laws of Edward the Confessor, as his father William I as well by his Magna Charta, or Great Charter, as by his Oaths had before done, both when he was Crowned, and also at Berkhamstead, in the seventh Year of his Reign. 3. And though the Rolls of Parliament, in the succeeding Kings Reigns till E. 2 be loft, or not found, so as we are at a loss as to the several orders of Parliament, yet by what has been deduced from other Pravnik • 132 (2015) 1-2 Marie-Laure Duclos-Grécourt Les Communes sont représentées directement au sein du Parlement, bien avant cette date, par les Barones regni, lesquels sont des francs tenanciers non féodaux soit un groupe composé également de Lords, selon une distinction -établie dès The Preface 56 et filée dans l'Appendix 57 - d'avec les Barones regis, autrement dit les tenanciers in capite, les tenanciers détenteurs d'une tenure féodale présents au sein de la Curia regis. Exception faite de la concession accordée à la théorie féodale dans la préface, l'argumentation de Petyt s'avère décevante, ne faisant guère que reprendre de manière aveugle la thèse traditionnelle de la préexistence nécessaire du parlement à tout souverain potentiel, quelle que soit sa date d'apparition, une remarque qui vaut également pour les travaux du Whig William Atwood (vers 1661-vers 1705) 58, une littérature d'ailleurs éphémère, sans doute freinée par le sort réservé à Algernon Sidney (1623-1683). Surtout, il est regrettable que Petyt ne se soit pas inspiré des idées de Coke et Hale sur la nature juridique de la coutume 59. 1.2. L'ambiguïté de la notion de « francs tenanciers » La pauvreté du raisonnement de Petyt n'échappe pas au royaliste du Norfolk, le Dr Robert Brady (1627-1700) 60, Master de Caius College à Cambridge, professeur de physique et médecin royal de Charles II et de Jacques II 61. Il lui records before cited, it is evident I conceive, that the Citizens and Burgesses were a part of the Parliament, Anno 16. Of King John, and so had not their beginning by rebellion, Anno 49 H. 3. And therefore I may with good reason and warranty conclude, that our Ancestors, the Commons of England, the Knights, Gentlemen, Freeholders, Citizens and Burgesses of a great and mighty Nation, were very far from being in former times such Vassals and Slaves, or so abject, poor and inconsiderable, as the absurd and malicious ignorance and falsities of late Writers have been pleased to make and represent them, especially the Author of the Grand Freeholders Inquest, and Mr James Howel, as if they were only Beasts of carriage and burden, ordained to be taxed and talliated, and have their Lives, Estates, and Liberties given away and disposed of without their own assents, under a novel opinion and conceit, that they were no part of the Commune Concilium Regni, or Parliament, before 49 H. 3" (Ibid., The General Conclusion, pp. 123-126). 56 Ibid., The Preface, p. 63. 57 Ibid., Appendix, pp. 124-148. 58 Il est l'auteur d'un Jani Anglorum facies Nova, d'un Jus Anglorum ab Antiquo et de The Lord Holles his Remains, publiés en 1681 et 1682. 59 J. G. A. Pocock, L'Ancienne Constitution et le droit féodal, op. cit., pp. 236-244. 60 J. G. A. Pocock, « Robert Brady, 1627-1700. A Cambridge Historian of the Restoration », Cambridge Historical Journal, vol. X., n°2 (1951), pp. 186-204. 61 Il ne le fait pas sans quelque moquerie. D'après Brady, Petyt « met tout l'accent de son argument sur les mots, A toujours été (« hath ever be «). Quoi, les Communes d'Angleterre telles quelles sont aujourd'hui représentées par les chevaliers, citoyens et bourgeois Pravnik • 132 (2015) 1-2 Droit de prescription et libertés parlementaires sous la Restauration anglaise (1660-1688) répond dans A Full and Clear Answer to a Book written by William Petyt ; paru début 1681, ce pamphlet est révisé en 1684 et publié avec d'autres au sein de son Introduction to the Old English History, un ouvrage qui précède A complete History of England publié entre 1685 et 1700. Dépassant les thèses de Spelman, à qui il emprunte la féodalité, et de Filmer, partageant son rejet du droit immémorial, il développe une théorie novatrice de la conquête. La question de la Conquête 62 est particulièrement intéressante tant elle exerce une « emprise quasi obsessionnelle [...] sur l'esprit des hommes de cette époque » 63. Alors que les common lawyers s'échinent unanimement à en démontrer l'inexistence au point qu'il semble figurer comme l'argument phare des royalistes, rares sont les absolutistes avant Hobbes et Brady à avoir dé- ont-elles toujours été une composante essentielle du Parlement, de toute éternité avant la création de l'homme ? Ou le sont-elles depuis Adam ? Ou depuis le peuplement de l'Angleterre ? Ou depuis que les Bretons, Romains et Saxons habitent cette île ? Certainement, il y a eu une époque où ils ont commencé à être ainsi représentés. Telle est la question qui nous sépare ; et qui, de cet homme ou de moi-même est dans le vrai, je m'en remets sur ce point à un juge impartial ». Nous traduisons d'après : Petyt "lays the great stress of his Argument upon the words, hath ever be. What, were the Commons of England as now Represented by Knights, Citizens and Burgesses ever an essential constituent part of the Parliament, from eternity, before man was created ? Or have they been so ever since Adam? Or ever since England was peopled ? Or ever since the Britains, Romans, and Saxons inhabited this island ? Certainly there was a time when they began to be so represented. And that is the question between us, which whether this Gentleman, or my self, be in the right, I leave to any impartial Judge" (R. Brady, An Introduction to the Old English History, Comprehended in Three several Tracts. The First, An Answer to Mr. Petyts Rights of the Commons Asserted; and to a book Intituled, Jani Anglorum facies Nova; The Second Edition very much Inlarged. The Second, An Answer to a Book Intituled, Argumentum Antinormanicum, much upon the same subject; Never before published. The Third, The Exact History of the Succession of the Crown of England ; The Second Edition, also very much Inlarged. Together with an Appendix Containing several records, and a series of Great Councils and Parliaments Before and After the Conquest, unto the End of the Reign of Henry the Third. And a Glossary Expounding many Words used frequently in our Antient Records, Laws, and Historiens. Published for the Vindication of truth, and the Assistance of such as desire with Satisfaction to Read, and truly Understand the Antient English Historians; and other Pieces of Antiquity. London, Tho. Newcomn, for Samuel Lowndes, 1684, An Answer to a book written by William Petit, p. 86). 62 « La conquête normande est invoquée au xviie siècle pour justifier les prérogatives royales ; elle fonde, dès l'origine, une justice et un droit nouveaux. A l'opposé, à la même époque, le «joug normand» (Norman yoke) est présenté comme le destructeur des libertés anglo-saxonnes primitives et le symbole d'un pouvoir royal à combattre. Le mythe d'un modèle anglo-saxon de gouvernement, avec des citoyens libres et égaux » (C. Journès, LLétat britannique, op. cit., p. 33). Cf. C. Hill, « The Norman Yoke », Puritanism and Revolution : Studies in interpretation of the English Revolution of the Seventeenth Century, Londres, Secker et Warburg, 1958, pp. 50-122 ; D. C. Douglas, The Norman Conquest and British historians. The thirteenth lecture on the David Murray Foundation in the University of Glasgow delivered on February 20th, 1946, Glasgow, University of Glasgow, 1971. 63 J. G. A. Pocock, L'Ancienne Constitution et le droit féodal, op. cit., p. 226. Pravnik • 132 (2015) 1-2 Marie-Laure Duclos-Grécourt fendu l'origine par la conquête du pouvoir royal 64. Selon les common lawyers, Guillaume Ier n'était pas un conquérant : il est parvenu sur le trône d'Angleterre en vertu du droit ancien et a légitimé son titre sur le champ de bataille 65. Toute modification des lois d'Angleterre intervenue sous son règne revêt un caractère illégal. Le fait est démontré par les nombreuses confirmations 66 du droit d'Édouard le Confesseur - roi saxon canonisé en 1161 et considéré comme le père de la common law 67 - intervenues lors du serment de couronnement de Guillaume Ier ou bien encore après sa mort dans les serments de ses successeurs ou dans certaines chartes de confirmation, telle la Magna carta de 1215, confirmations que les Normands eux-mêmes ont reconnu à de nombreuses occasions aux xiie et xiiie siècles 68. Par une application du principe de prescription 64 Q. Skinner, « History and Ideology in the English Revolution », Historical Journal, vol. VIII, n°2 (1965), pp. 151-178. 65 La rhétorique common lawyer s'attache d'ailleurs à minimiser la force coercitive utilisée par Guillaume le Conquérant en 1066 et à insister parallèlement sur l'arrangement politique survenu après la Conquête avec ses sujets, notamment par le biais des confirmations du droit ancien. Cf. supra, note de bas de page n°50. 66 Les confirmations sont reprises de manière parfois apocryphes dans le Archaionomia sive De Priscis Anglorum Legibus de William Lambarde en 1568. 67 Sur ce point, on peut retrouver les propos de Dugdale et de Petyt. Pour le premier : « Considérant ensemble ces trois lois, à savoir Merchenlega, West-saxonlega et Danelega, le roi Édouard (communément appelé le Confesseur, qui a commencé son règne dans l'année du Christ MXLIIII.) en sélectionna le meilleur et le plus exquis, et les réduisit en un seul corps, appelait la Common Law, lesquelles sont publiées par M. Lambarde ». Nous traduisons, d'après : "Out of all which three Laws, viz. Merchenlega, West-saxonlega, and Danelega, did King Edward (commonly called the Confessor, who began his reign in the year of Christ MXLIIII.) select the best and choicest, and reducing them into one body, called them the Common Law. Which Laws of King Edward the Confessor are at large publish by Mr. Lambard" (W. Dugdale, Origines juridiciales, op. cit., "Cap. IV. Our antient Laws and Law-makers", p. 5). Pour le second : « Et ainsi nous trouvons Édouard le Confesseur réformant et confirmant les anciennes lois saxonnes, et en créant de nouvelles, agissant ainsi Rege, Baronibus et Populo, et ce notamment pour la loi de Apibus, selon laquelle les dîmes doivent être payées entre eux, et d'autres choses ». Nous traduisons d'après : "And so we find Edward the Confessor reforming and confirming the antient Saxons Laws, and making new ones, and that done a Rege, Baronibus, and Populo, as particularly in the Law de Apibus, how Tythes ought to be paid of them, and other things" (W. Petyt, The Antient right of the Commons of England Asserted, op. cit., The Preface, p. 11). 68 Dans la Préface de son Third Part of the Reports (Of divers Resolutions and Judgments given with great deliberation, by the Reverend Judges and Sages of the Law, of Cases and Matters in Law which were never resolved or adjuged before : And the Reasons and Causes of the faid Resolutions and Judgments, during the most happy Reign of the most Illustrious and Renowned Queen Elizabeth, the Fountain of all Justice and the Life of the Law. With References to all Books of the Common Law, as well Ancient and Modern : And The Pleadings in English, carefully Revised and Corrected. In the Savoy, E. and R. Nutt and R. Gosling, 1738, pp. ii-xxiv), Coke démontre que la common law est antérieure à la Conquête et ne fut pas modifiée par le Conquérant. Les confirmations sont d'ailleurs exposées dans The Eighth Pravnik • 132 (2015) 1-2 Droit de prescription et libertés parlementaires sous la Restauration anglaise (1660-1688) aux confirmations, les common lawyers établissent donc un lien continu entre les libertés accordées du temps d'Édouard le Confesseur et la Petition of Right de Charles Ier, par le biais de la Magna Carta, simple loi déclaratoire. Les royalistes de la première moitié du xviie siècle ne défendent guère une thèse différente dans la mesure où la prérogative royale est indissociable de l'ancienne constitution, tant celle-ci structure la pensée politique anglaise et assure à l'autorité royale un fondement solide, ancestral et permanent. Avec l'idée même de conquête, la prérogative royale ne trouve plus sa source que dans la seule force, un fondement qui légitime aussi bien le pouvoir de Cromwell que celui de Charles II ; ce serait donner un tournant absolutiste à une monarchie qui se veut encore constitutionnelle. À l'inverse, Hobbes s'étant intéressé à la notion de conquête dans son Léviathan de 1651 69, à l'instar des auteurs de l'École du droit naturel et des gens, Brady reprend le sujet et affirme sans aucune ambiguïté tout au long de ses œuvres que conquête il y a bien eu en 1066. Suite à celle-ci, Guillaume Ier a importé de sa terre natale les principes des tenures féodales 70, ce qui a entraîné une Part of the Reports of Sir Edward Coke, Kt., Chief justice of the Common Pleas, Of divers Resolutions and Judgments given with great deliberation, by the Reverend Judges and Sages of the Law, of Cases and Matters in Law which were never resolved or adjuged before : And the Reasons and Causes of the faid Resolutions and Judgments, Published in the Ninth of the Most High and Most Illustious James King of England, France and Ireland, and of Scotland, the 44th, the Fountain of all Piety and Justice, and the Life of the Law With references to all the books of the Common Law, as well Ancient as Modern (l'édition utilisée est In the Savoy, E. and R. Nutt and R. Gosling, 1727). 69 Cf. P. Carrive, « Hobbes et les juristes de la common law », in M. Bertman et M. Malherbe (dir.), Thomas Hobbes. De la métaphysique à la politique, Colloque Franco-Américain de Nantes, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1989, pp. 149-171. 70 R. Brady, v° « Feudal Law, Knights Fees, Tenure by Knights, or Military Service, Knights Milites, Fee-Farm, Frank-Fee », An Introduction to the Old English History, op. cit., The Glossary, pp. 39-44. En réalité, le système féodal existait préalablement en Angleterre, dès la période anglo-saxonne, mais il a été « complétement repensé et remanié » par Guillaume le Conquérant suite à la Conquête (C. Journès, L'état britannique, op. cit., p. 31). Brady le reconnaît d'ailleurs dans les préfaces du tome 1 de sa Complete History of England de 1685, dans lesquelles il énonce la nécessité d'étudier les institutions saxonnes à partir d'une forme pré-féodale de tenure germanique (A Complete History of England, from The First Entrance of the Romans under The Conduct of Julius Caesar, Unto the End of The Reign of King Henry III. Comprehending The Roman, Saxon, Danish and Norman Affairs and Transactions in this Nation during that Time. Wherein is shewed The Original of Our English Laws, The Ecclesiastic Powers, The True Rise and Grounds of the Contentions and Wars between the Barons and our Antient Lings. And Likewise An Account of our Foreign Wars with France, The Conquest of Ireland, and the Actions between the English, Scots and Welsh, during the same Time. All Delivered in plain Matter of Fact, without any Reflections or remarques. In the Savoy, Tho. Newcom., for Samuel Lowndes, 1685, The Preface to the Reader, non paginée, The General Preface, pp. i-lxviii ; The preface to The Norman History, pp. 139-184). Pravnik • 132 (2015) 1-2 Marie-Laure Duclos-Grécourt transformation radicale du droit anglais tant dans ses fondements que dans sa structure. « Après la Conquête, la plus grande partie et l'essentiel de nos lois ont été apportés ici de Normandie, par le Conquérant. Car c'est de là que nous avons reçu nos tenures, et la manière de tenir nos terres à tous égards, de là aussi que nous avons reçu les coutumes attachées à ces terres. Et de même leur qualité, la plupart d'entre elles étant féodales, et cédées sous certaines conditions militaires, et en échange de services ; et il s'ensuit nécessairement que de là aussi nous sont venues les lois par lesquelles ces tenures, et les coutumes qui s'y rattachent, étaient régies, et par lesquelles le droit de tout homme à jouir de ses terres était fixé selon leur nature. Mais que de Normandie (et introduites par le Conquérant), nous ayons reçu la plupart, sinon la totalité de nos anciennes tenures, et le mode de tenure et de jouissance de nos terres et domaines, apparaîtra en comparant nos anciennes tenures avec les leurs » 71. Brady reconnaît certes l'existence des confirmations des lois du Confesseur, mais en limite les effets, considérant que l'essentiel du droit anglais repose sur les tenures féodales d'origine normande et angevine et repousse l'illégalité invoquée contre les actes de Guillaume Ier. De manière similaire, Spelman, qui a quant à lui nié la Conquête, par tradition érudite, a reconnu que Guillaume Ier avait confirmé les lois du Confesseur non sans les amender profondément dans un sens féodal 72. Il est effectivement considéré que le système juridique 71 Nous traduisons d'après : "Yet after the Conquest, the Bulk and Maine of our Laws were brought hither from Normandy, by the Conqueror. For from whence we received our Tenures, and the Manner of holding our Estates in every respect, from thence also we received the Customs incident to those Estates. And likewise the quality of them, being most of them Feudal, and enjoyed under several Military Conditions, and Services, and of necessary consequence from thence, we must receive the Laws also by which these Tenures, and the Customs incident to them were regulated, and by which every mans right in such Estates was secured according to the nature of them. But from Normandy (and brought in by the Conqueror) we received most, if not all our ancient Tenures, and manner of holding and enjoying our Lands and Estates, as will appear by comparing out Ancient Tenures with theirs" (R. Brady, An Introduction to the Old English History, op. cit., An Answer to a book written by William Petit, p. 14). 72 Voici ce qu'écrit Brady au sujet de la Magna carta : « Lors de cette grande occasion solennelle où furent affirmées les libertés communes, qu'ils revendiquaient, la majeure partie de la Grande Charte, concernait exclusivement les tenanciers en service militaire ; et les libertés, dont nos anciens historiens nous disent quelles firent l'objet d'un combat féroce, si on les examine sérieusement, étaient essentiellement les libertés de la Sainte Église, en vertu desquelles, en maintes occasions, elle se prétendait exempte de toute sujétion à un prince temporel ; et l'assouplissement des conditions à l'origine très strictes selon lesquelles les fiefs de chevaliers ou les fiefs militaires avaient initialement été accordés par les seigneurs, et acceptés par les tenanciers ». Nous traduisons d'après : « At this great Solemnity Pravnik • 132 (2015) 1-2 Droit de prescription et libertés parlementaires sous la Restauration anglaise (1660-1688) en place avant 1066 - alors composé de divers systèmes juridiques essentiellement coutumiers et régissant des peuples multiples tels les Angles, les Saxons et les Danois - est bien différent de celui qui succède à la Conquête. Ce dernier, influencé par le droit normand - lequel est essentiellement coutumier dans sa forme et féodal dans son contenu - mâtiné de droit romain et de droit canonique, s'affirme comme étant aux origines de la common law près d'un siècle après cet événement, à partir du règne capital d'Henri II Plantagenêt (11541189) et avec le rôle majeur des juges royaux 73 . Cette transformation du droit anglais sous l'effet de la féodalité, la place accordée à la terre comme clef de voûte du système juridique - le mode de propriété de la terre est une question importante en ce quelle détermine les droits et les pouvoirs politiques du sujet et est dépendante de l'organisation politique du royaume à laquelle elle renvoie - , entraîne un bouleversement de l'organisation politique. Toute terre en Angleterre est considérée comme étant la propriété du roi, le vainqueur ayant confisqué les terres de ceux qui ont lutté contre lui. En vertu d'un contrat féodal reposant sur un lien sacré, il les redistribue à ses vassaux, les barons normands, auxquels il doit protection et assistance, lesquels deviennent de grands seigneurs fonciers - position nuancée par une dispersion stratégique de leurs terres afin d'assurer la cohésion intérieure et la sécurité extérieure du royaume - , en échange de leur allégeance ainsi que de leur aide, principalement militaire, et de leur conseil. Ces tenanciers féodaux militaires forment une nouvelle classe dirigeante s'imposant au sommet de l'État au profit du pouvoir royal, malgré une certaine anarchie féodale inévitable, et ce d'autant plus, qu'à la différence du Continent, la féodalité anglaise est contrôlée par une administration centrale forte, notamment en matière fiscale comme for asserting the Common Liberties, which they claimed ; for the far greatest part of Magna Charta, concerned Tenents in Military Service only, and the liberties, which our Ancient Historians tell were so mightily contended for, if seriously considered, were mainly the Liberties of Holy Church, by which, in most things, she pretended to be free from Subjection to a Temporal Prince ; and the relaxation of the Original Rigor upon which Knights, or Military Fees were first given by the Lords, and accepted by the Tenents" (Ibid., An Answer to a book written by William Petit, p. 76). Dugdale allait également dans ce sens (Origines juridiciales, op. cit., "Cap. IV. Our antient Laws and Law-makers", pp. 4-14). 73 Pour une introduction à l'histoire de la common law, cf. D. Poirier, Les sources de la common law, coll. La common law en poche, Bruxelles, Bruylant, Cowansville, Éditions Yvon Blais Inc., 1996 ; J. Vanderlinden, Histoire de la common law, vol. 1, coll. La common law en poche, Bruxelles, Bruylant, Cowansville, Éditions Yvon Blais Inc., 1996, pp. 1-30. Pour des ouvrages plus détaillés sur l'histoire et les sources du common law, se référer à : F. W. Maitland, The Forms of Action at common law : a course of lectures, ed. by A. H. Chay-tor and W. J. W. Whittaker, Cambridge University Press, 1976 ; J. H. Baker, An Introduction to English Legal History, New York, Oxford University Press, 2011. Et enfin on peut rappeler l'ouvrage classique de W. S. Holdsworth, A History of English Law, London, Methuen & Co, Sweet & Maxwell, 1964-1966. Pravnik • 132 (2015) 1-2 Marie-Laure Duclos-Grécourt en atteste le Domesday Book réalisé en 1085-1086 et achevé en 1087. Ainsi, selon Brady, nulle terre ne peut être tenue par un Anglais sans être tenue d'un Normand ayant le titre de tenancier in capite de la Couronne. Ils redistribuent eux-mêmes une partie de leurs terres à leurs propres vassaux, les chevaliers, en échange des mêmes services, établissant ainsi une pyramide féodo-vassalique ; chevaliers qui peuvent également répartir leurs terres en petites unités, d'où découleront plus tard les francs tenanciers (freeholders et copyholders), ainsi qu'accorder protection aux serfs sur leur fief et leur permettre de cultiver une partie du sol pour eux-mêmes en échange des récoltes 74. Tout se joue en effet sur la définition donnée au terme « franc tenancier ». Selon Brady, l'utilisation moderne qui en est faite, notamment par Petyt, n'a aucun sens dans la société médiévale. Dénonçant l'anachronisme de la pensée common lawyer, Brady insiste de manière générale sur la nécessité de replacer le vocabulaire médiéval dans son contexte propre, affirmant que les common lawyers en détournent le sens en reprenant l'usage moderne 75 ; le vocabulaire médiéval n'est point celui de l'époque anglo-saxonne et n'est pas non plus celui du xviie siècle, il en va de même pour les institutions désignées. Seuls les nobles dépendants de la Couronne sont des liberes hommes, des freemen ; la majorité de la population, soit la masse des paysans, est réduite au servage jusqu'à l'abolition de celui-ci à la fin du xive siècle (villeins). Il n'existe ni noblesse indépendante, ni libres propriétaires. Les francs tenanciers au sens de Petyt ne peuvent exister dans une société strictement régie selon le principe féodal. Brady reprend leur rôle à la Cour du Comté et se livre à un débat sur la nature des chevaliers de comté qui siègent au Parlement, étant élus selon lui par des petits tenanciers militaires : ces libere tenentes sont-ils des tenants en chef, ainsi que l'indique Spelman dans sa lecture de la Magna Carta, ou bien des sous-tenanciers ? Brady se livre à de nombreuses hésitations entre ses écrits 74 E. Boutmy, Le développement de la Constitution et de la société politique en Angleterre, Paris, Colin, 1897, pp. 17-18 ; C. Journès, LLétat britannique, op. cit., pp. 31-44. Cf. encore C. Petit-Dutaillis, La Monarchie féodale en France et en Angleterre (xe-xnf siècles), Paris, A. Michel, 1950 ; H. G. Richardson et G. O. Sayles, The Governance of medieval England from the Conquest to Magna Carta, Edinburgh University Press, 1963. 75 Remédier à cette « grossière erreur » (« gross mistake », R. Brady, An Introduction to the Old English History, op. cit., An Answer to a book written by William Petit, p. 17) est l'un des objectifs de son Glossaire. La querelle s'est particulièrement cristallisée sur certains termes tels feudum, a clero et populo, communitas regni, baronagium, libere tenentes.... Par exemple, Brady conteste la confusion faite selon lui par Petyt entre les termes libere tenentes, liberi homines, legale homines et francs tenanciers qu'il tient pour identiques, ainsi que l'assimilation faite par ce dernier, après Lambarde et Dugdale, avec le terme baronagium. Pravnik • 132 (2015) 1-2 Droit de prescription et libertés parlementaires sous la Restauration anglaise (1660-1688) de 1681 76 et de 1684 77 mais la seconde position semble s'imposer 78. Cela ne remet pas en cause sa thèse selon laquelle le conseil du roi est à l'origine une assemblée de tenants-en-chef, une cour féodale constituant la communitas re-gni 79. À l'instar de Spelman, il souligne le caractère progressif et inévitable des changements sociétaux, légitimés par le roi, conduisant à l'apparition de chevaliers de comté francs tenanciers, à la date de 49 H. 3 80 et surtout à partir du règne d'Édouard Ier - ce dont il livre une étude fine 81, mettant en avant le caractère improvisé des évolutions - et à leur prééminence au Parlement. « Il est très évident, que c'est sous l'autorité et à l'époque de ce roi que la Chambre des Communes fut fixée, et établie sous la forme actuelle et im- 76 A Full and Clear Answer to a Book written by William Petit Esq ; Printed in the year 1680 by which it appears That he hath Mistaken the Meaning of the Histories and Records he hath Cited, and Misapplyed them : And that he hath Added to, or Taken from them, or left Unrecited such Words and Matters as he thought would either Advance, or destroy his Assertion. With a True Historical Account of the Famous Colloquium or Parliament, 49 Hen. III, And a Glossary, expounding some few words used frequently in our Antient Records, Laws and Historians? Together with Somme Animadversions upon a Book called Jani Anglorum Facies Nova, London, Samuel Lowndes, 1681, p. 42. 77 « Ceux-ci, avec les tenanciers militaires, dont ils tenaient leurs titres, étaient selon toute probabilité les hommes, qui avaient à l'origine élu deux chevaliers dans chaque comté, parmi les tenanciers in capite, et ils étaient, en tant que plaideurs à la cour de comté, les seuls électeurs ». Nous traduisons d'après : "These with the Military Tenents, from whom they derived their Titles, in all probability were the Men, that at first Elected two Knights in every Counrty, out of the Tenents in Capite, and only, they as Suitors to the County Court were Electors" (R. Brady, An Introduction to the Old English History, op. cit., An Answer to a book written by William Petit, p. 19). 78 J. G. A. Pocock, L'Ancienne Constitution et le droit féodal, op. cit., pp. 258-264. 79 La pensée de Brady a d'ailleurs évolué, reconnaissant au départ, à l'instar de Dugdale une représentation indirecte des Communes : « J'affirme qu'avant cette date, le corps des Communes d'Angleterre, ou hommes libres (ainsi qu'ils sont maintenant compris ou qu'ils sont fréquemment appelés), pris collectivement, n'avait aucune part ou vote lors de l'élaboration des lois pour le gouvernement du Royaume, et n'avaient pas plus communication des affaires de l'État, sauf si elles étaient représentées par les tenanciers in Capite ». Nous traduisons d'après : "I affirm, That Before that time, the Body of the Commons of England, or Freemen (as now understood, or as now frequently call them), collectively taken, had not any share or votes in making Laws for the Government of the Kingdom, nor had any Communication in Affairs of State, unless they were represented by the Tenents in Capite" (R. Brady, A full and clear answer to a book written by William Petit Esq., op. cit., The Introduction, pp. 1-2). 80 « Les Communes d'Angleterre représentée par les Chevaliers, les citoyens et les Bourgeois au Parlement, n'ont été introduits et ne forment pas l'un des Trois états avant la quarante-neuvième année d'Henri III ». Nous traduisons d'après : « That the Commons of England Represented by Knights, Citizens, and Burgesses in Parliament, were not introduced, nor were one of the Three Estates in Parliament before the 49th of Henry IIT', (Ibid., The Introduction, p. 1). 81 R. Brady An Introduction to the Old English History, op. cit., An Answer to a book written by William Petit, pp. 130-154. Pravnik • 132 (2015) 1-2 Marie-Laure Duclos-Grécourt muable qui est la sienne depuis le règne de nombreux rois ; que le roi à cette époque n'était pas rigoureusement limité à un certain nombre de chevaliers, citoyens ou bourgeois ; et que certaines formes et certains usages stricts aujourd'hui en vigueur ne furent jamais envisagés à l'époque » 82. La négation de la doctrine du droit immémorial en mettant en avant la particularité de l'époque médiévale conduit nécessairement à la destruction de ses corollaires, soit une monarchie élective et l'omnipotence du Parlement. La question de la représentation parlementaire des Communes d'Angleterre à l'époque médiévale est d'autant plus importante qu'elle emporte celle de sa capacité législative et, in fine, de la revendication de la souveraineté. 2. L'ÉTENDUE CoNTRoVERSÉE DU RÔLE LÉGISLATIF DE LA Chambre DES CoMMUNES Alors que le débat politique et constitutionnel sous les premiers Stuarts s'est concentré, en ce qui concerne le Parlement, sur la question de la liberté de parole en son sein et de ses assemblées régulières, il se déplace, après 1642, sur celle de l'étendue de ses pouvoirs, et au-delà les droits des sujets qu'il représente 83. Une réflexion qui s'intègre dans le cadre de la montée en puissance, depuis la fin du Moyen Âge et le xvie siècle, de la doctrine moderne de la souveraineté du législatif 84. Les promoteurs de la coordination législative (§ 1) se voient opposer les arguments des défenseurs de la souveraineté royale (§ 2). 2.1. La promotion de la coordination législative La pensée common lawyer, impulsée par Coke, s'est longtemps interrogée sur les rapports entre les common laws et les statute laws, autrement dit les lois parlementaires, défendant la supériorité des premières sur les secondes, en rai- 82 Nous traduisons d'après : "It is most evident, that it was from the Kings Authority and time that the House of Commons came to be fixed, and established in the present constant form, it now is, and hath been in, for many Kings Reigns, and that the King in this Age was not altogether confined to any certain number of Knights, Citizens, or Burgesses, nor were several strict forms and usages now practiced" (Ibid., An Answer to a book written by William Petit, p. 151). 83 « L'un des buts fondamentaux et principaux des parlements résidait dans le redressement des griefs et l'assouplissement des oppressions des gens ». Nous traduisons d'après : "For one of the fundamental and principal ends of Parliaments, was for the redress of Grievances, and easing the Oppressions of the People" (W. Petyt, The Antient right of the Commons of England Asserted, op. cit., The preface, p. 40). 84 Cf. C. C. Weston et J. R. Greenberg, Subjects and Sovereigns : The Grand Controversy over Legal Sovereignty in Stuart England, Cambridge University Press, 1981. Pravnik • 132 (2015) 1-2 Droit de prescription et libertés parlementaires sous la Restauration anglaise (1660-1688) son de leur préexistence non seulement historique mais également juridique 85. L'autorité de la common law, « seul dépôt du droit » 86, s'impose aussi bien au roi qu'au Parlement. La Restauration, comme « retour à la normalité constitutionnelle » 87, est l'exemple même que c'est le règne du droit qui assure la liberté et le bien du peuple. Cependant, si durant un temps l'idéologie royaliste apparaît compatible avec la doctrine common lawyer, ce n'est plus le cas à partir du moment où Jacques Ier revendique des pouvoirs trop étendus, imposant sa volonté comme source des droits et libertés. Aussi, la doctrine common lawyer se tourne vers le Parlement comme défenseur de l'ancienne constitution. Le lien est logique : l'autorité de la common law rejaillit nécessairement sur les institutions chargées d'en exprimer le contenu : les juridictions de common law et le Parlement sont alors aux premières loges 88. La souveraineté du Parlement 89 s'inscrit par conséquent comme la dernière étape d'un processus visant à en faire un instrument nécessaire pour établir la suprématie de la common law 90. Une étape nouvelle est franchie au début de la guerre civile avec la mise en avant de l'idée de « coordination » législative pour désigner la répartition des pouvoirs entre le roi et le Parlement, « la Cour la plus élevée de tout le royaume » 91. Encouragé par la Réponse aux Dix-neuf propositions de Charles Ier de juin 1642 92, ce principe, émis par le pasteur puritain Charles Herle (15981659) dans sa Fuller Answer to a Treatise Written by Doctor Ferne de 1642, consiste à énoncer que la monarchie est composée de trois états - le roi, les Lords et les Communes - lesquels sont coordonnés ensemble et participent conjointement à l'activité législative. Si Herle place le roi à la tête des trois états, la parité peut, à l'opposé, être mise en avant comme c'est le cas dans le Sove- 85 Cf. notamment E. Coke, The Eighth Part of the Reports, op. cit., et ses Institutes, dont trois parties sur quatre parues à la veille de la guerre civile consacrent la suprématie du common law et du Parlement sur la loi et la Couronne. 86 D. Baranger, Écrire la constitution non-écrite, op. cit.,p. 38. 87 J. W. Gough, L'idée de loi fondamentale dans l'histoire constitutionnelle anglaise, op. cit., p. 153. 88 D. Baranger, Écrire la constitution non-écrite, op. cit.,p. 50. 89 J. Goldsworthy, The Sovereignty of Parliament, History and Philosophy, Oxford, Clarendon Press, 1999. 90 D. Baranger, Écrire la constitution non-écrite, op. cit.,p. 47. 91 Nous traduisons d'après : "The highest Court of the whole realm" (W. Petyt, The Anti-ent right of the Commons of England Asserted, op. cit., The preface, p. 42). 92 C. C. Weston, English Constitutional Theory and the House of Lords, 1556-1832, Londres, Routledge and Kegan Paul, 1965 ; C. C. Weston et J. R. Greenberg, Subjects and Sovereigns : The Grand Controversy over Legal Sovereignty in Stuart England, op. cit. ; M. Mendle, Dangerous Positions : Mixed Government, the Estates of the Realm and the Answer to the XIX Propositions, University of Alabama Press, 1985. Pravnik • 132 (2015) 1-2 Marie-Laure Duclos-Grécourt raigne Power of Parliaments de Prynne de 1643, solution qui assure la primauté des chambres parlementaires - réunion de deux états - contre le seul roi 93. Après les débordements révolutionnaires qu'illustre le régicide de Charles Ier, William Petyt n'utilise plus le terme de « coordination » - trop subversif - mais fait référence, de manière plus nuancée, au caractère, non seulement ancestral 94, mais surtout « partagé » du pouvoir législatif depuis des temps immémoriaux : « Il est évident et hors de toute contradiction que les Communes de cette époque étaient une partie essentielle du pouvoir législatif, en faisant et en promulguant des lois en vertu desquelles elles-mêmes et leur postérité devaient être gouvernées, et que le droit était la mesure d'or et la règle qui me- 93 C. C. Weston, « LAngleterre : l'ancienne constitution et le droit commun », art. cit., pp. 360-368. 94 Les Communes avaient droit de vote et participaient au pouvoir législatif dans les gouvernements des Bretons, des Saxons et des Normands. Ainsi, Petyt énonce-t-il que « Les Bretons appelés leur Commune Concilium, ou Parlement, Kyfr-y-Then, parce que leurs lois y étaient ordonnées ». Nous traduisons d'après : "The Brittons called their Commune Concilium, or Parliament, Kyfr-y-then, because their Laws were therein ordained" (W. Petyt, The Antient right of the Commons of England Asserted, op. cit., The preface, pp. 3-4). De même, les Saxons « ont poursuivi et maintenu leurs anciens Witenagemots, ou Parlements, comme aujourd'hui formulé, dans lesquels ils faisaient les lois et géraient les grandes affaires du roi et du royaume ». Nous traduisons d'après : "still continued and kept their anti-ent Wittena Gemots, or Parliaments, as now phrased, wherein they made Laws and managed the great affairs of the King and Kingdom" (Ibid., The Preface, p. 7). Il ajoute enfin : "J'ai passé sur le gouvernement danois, parce que je n'y trouve pas de grande mutation, concernant le Conseil ou les lois de la nation anglaise". Nous traduisons d'après : "I have past over the danish Government, because I do not find any great mutation, either of the Council or Laws of the English Nation" (Ibid., The Preface, p. 13). De même, sous les Normands, après la Conquête : « Alors que, après ce temps, [...] il portait la main lourde sur les Anglais, et a augmenté sa sévérité par des actes de grande injustice et de cruauté barbare, et a ainsi donné l'occasion aux historiens dans les âges futurs, de dire que quand il est venu, il a totalement maîtrisé et écrasé la nation, la noblesse et la bourgeoisie. Pourtant, malgré la grande puissance qu'il a, nous rencontrons certains conseils généraux ou des parlements, sous son règne, où il apparaît que les hommes libres ou des Communes d'Angleterre, étaient là, et prenaient partie à l'élaboration des lois ; en effet, que signifierait la restitution promise des Lois d'Édouard le Confesseur, si les Witenagemots ou Parlements, les Augustissimum An-glicarum libertatum Asylum et sacra Anchora, étaient détruits et brisés ? ». Nous traduisons d'après : "So that after this time, [...] he bore a heavy hand upon the English, and increased his severity to acts of high injustice and barbarous cruelty, and so gave occasion to Historians in future Ages, to say, that when he came in, he totally subdued and crushed the Nation, Nobility, and Gentry. Yet notwithstanding the great power he took, we meet with some general Councils or Parliaments, in his reign, whereby it appears, that the Freemen or Commons of England, were there, and had a share in making of Laws; for what could the promised restitution of the Laws of Edward the Confessor signifie, if their Wittena Gemot, or parliaments, the Augustissimum Anglicarum libertatum Asylum et sacra Anchora, was destroyed and broken ?" (Ibid., The Preface, pp. 39-40). Pravnik • 132 (2015) 1-2 Droit de prescription et libertés parlementaires sous la Restauration anglaise (1660-1688) surait et autorisait la prérogative du Prince et la liberté du Sujet (et quand on les obstrue ou les dénie, le Royaume est déformé et lépreux) » 95. Le Parlement se voit reconnaître un pouvoir législatif illimité 96 - comme cela est d'ailleurs le cas dans l'Acte pour la Sauvegarde du roi de 1661 qui fixe les conditions d'établissement de la future monarchie constitutionnelle 97 - également réparti entre la Chambre des Communes et celle des Lords. Cette prérogative est étroitement liée à son rôle de gardien d'une loi fondamentale - entendue comme « le système historique traditionnel de gouvernement du roi et des deux Chambres du Parlement » 98 - dont le xviie siècle ne cesse d'affirmer l'existence - une ambiguïté majeure résidant dans son contenu positif ou naturel, la notion de loi naturelle ou divine, ensuite assimilée à la raison, étant bien présente dans les écrits. Le Parlement en est le défenseur face aux abus de la prérogative royale. Une liaison est établie entre les libertés du sujet et les droits de la Chambre des Communes, tous découlant de la constitution originelle, couverte par la prescription, ainsi que l'exprime clairement la Petition of Right de 1628 99 en rappel à la Magna Carta. Petyt voit en effet dans les membres du parlement les « grands responsables de l'intérêt et de la dignité du roi et du 95 Nous traduisons d'après : "Hence it is apparent and past all contradiction, that the Commons in those Ages were an essential part of the Legislative power, in making and ordaining Laws, by which themselves and their posterity were to be governed, and that the Law was then the golden metwand and rule which measured out and allowed the Prerogative of the Prince and Liberty of the Subject, (and when obstructed or denied to either, made the Kingdom deformed and leprous" (W. Petyt, The Antient right of the Commons of England Asserted, op. cit., The preface, p. 12). Cf. encore : « Il est suffisamment démontré que, sous les gouvernements Bretons, Saxons, et Normands, les Communes (comme nous les appelons désormais) votaient et participaient à l'élaboration et à la promulgation des lois pour le gouvernement du Royaume, et qu'elles étaient une partie essentielle du Commune Consi-lium Regni, des Witenagemots, ou Parlements, avant et après la conquête supposée par le roi Guillaume Ier ». Nous traduisons d'après : "It is sufficiently evidenced, that in the Brittish, Saxon, and Norman Governments, the Commons (as we now phrase them) had votes, and a share in the making and enacting of Laws for the Government of the Kingdom, and that they were an essential part of the Commune Consilium Regni, Wittena Gemot, or Parliament, before and after the supposed Conquest by King William the First" (Ibid., The Preface, pp. 73-74). 96 Cf. supra, note de bas de page n°55. 97 Une clause de cet Acte énonçait que le respect des lois fondamentales « n'irait pas jusqu'à priver l'une ou l'autre Chambre du Parlement [...] de ses libertés et privilèges justes et séculaires de débattre de tout [...] ce qui concerne l'abrogation ou la modification des lois anciennes, ou l'élaboration de lois nouvelles » (Cité par J. W. Gough, L'idée de loi fondamentale dans l'histoire constitutionnelle anglaise, op. cit., d'après 13 Ch. II, St. I, c. 1 (1661)). 98 J. W. Gough, L'idée de loi fondamentale dans l'histoire constitutionnelle anglaise, op. cit., p. 155. 99 V. E. R. Foster, « Petitions and the petition of right », Journal of British Studies, 14, n° 1, novembre 1974, pp. 21-45. Pravnik • 132 (2015) 1-2 Marie-Laure Duclos-Grécourt royaume » 100. En ce rôle de gardien de la loi fondamentale réside les germes de l'affirmation de la souveraineté du Parlement, selon un processus commencé sous Henri VIII même si la théorie sous-jacente ne sera comprise que plus tard, ce qui n'empêchent pas les royalistes de la contester auparavant. Nombre de royalistes Tories voient en la loi fondamentale, laquelle garantirait les prérogatives inaliénables de la Couronne, un rempart contre le Parlement 101. En effet, du caractère ancien des droits et libertés et de leur constante affirmation à travers les siècles, dépend la question de la source humaine de ces droits et libertés, à savoir le roi ou la communauté. Le débat prend d'ailleurs une ampleur particulière lors de la Crise d'Exclusion de 1678-1681 relative au problème de la succession royale. Charles II, quinquagénaire et malade, est sans descendance. La couronne doit échoir à son frère cadet, Jacques, le duc d'York, un catholique notoire. Sa confession constitue le nœud du problème. En effet, la question religieuse connaît un certain échec sous la Restauration après que la conférence réunie au Savoy Palace d'avril à juillet 1661 se soit trouvée dans l'impossibilité de parvenir à un compromis ecclésiastique entre les anglicans modérés et les puritains intransigeants 102, en prise avec les papistes et les « arminiens » 103. La fracture est d'autant plus problématique que la royauté, dans un esprit de modération et de réconciliation, donne des signes de sympathie envers la foi catholique, il est vrai quelque peu contrainte et forcée par l'aide financière, nécessitée par l'insolvabilité chronique du roi, que lui fournit Louis XIV dans le cadre du traité secret de Douvres du 1er juin 1670. La royauté ne parvient cependant pas à imposer sa politique d'indulgence, que cela soit en 1662, 1672 ou en 1687-1688. Toujours est-il que son parti pris déplaît au Parlement, lequel est déjà excédé par l'échec de la politique étrangère de Charles II à l'occasion no- 100 Petyt wants "to assert the just honour of our worthy and famous Ancestors Commoners of England (as now phrased), great maintainers of the interest and dignity of the King and Kingdom" (The Antient right of the Commons of England Asserted, op. cit., The General Conclusion, p. 123). 101 Cf. par exemple la charge menée par Fabian Philipps dans son Tenenda non Tollenda de 1660 pour la défense des tenures féodales après leur abolition en 1660 (J. W. Gough, L'idée de loi fondamentale dans l'histoire constitutionnelle anglaise, op. cit., pp. 158-160). 102 Cf. sur le vocable "puritain" : C. Hill, Society and Puritanism, Londres, Panther, 1969, pp. 15 et suiv ; P. Collinson, « A Comment : Concerning the Name Puritain », Journal of Ecclesiastical History, 31, 1980, pp. 483-488. Cf. encore : R. Briggs, « The Catholic Puritans - Jansenists and Rigorist in France », in D. Pennington et F. Thomas (dir.), Puritains and Revolutionaries, Oxford, Clarendon, 1978, pp. 333-354 ; M. G. Finlayson, Historians, Puritanism, and The English Revolution : The religious Factor in English Politics Before and After the Interregnum, Toronto, University of Toronto Press, 1983. 103 N. Tyacke, Anti-Calvinist.The Rise of English Arminianism c. 1590-1640, Oxford, Clarendon Press, 1987. Pravnik • 132 (2015) 1-2 Droit de prescription et libertés parlementaires sous la Restauration anglaise (1660-1688) tamment des guerres anglo-hollandaises. En 1673, le Parlement fait annuler la Déclaration d'Indulgence de 1672, mesure s'inscrivant dans la suite des lois répressives du Code Clarendon envers les non-gallicans, et prend un Acte du Test par lequel l'exercice d'un office public, civil ou militaire, exige la réception de la communion selon le rite anglican, la lecture d'une déclaration contre la consubstantiation et la prestation des serments de suprématie et d'allégeance ; le duc d'York lui-même est contraint de renoncer à sa charge de grand amiral. Les relations entre la Couronne, qui mène un double jeu avec la France, et le Parlement ne cessent de dégrader. C'est dans ce climat de tensions croissantes et de soupçons - ainsi que l'illustre le complot catholique fictif imaginé par Titus Oates et Israël Tonge ou Popish Plot qui déchaîne l'Angleterre de 1678 à 1680 - que naît la Crise de l'Exclusion. Exilé en Flandres, le duc d'York rejoint Édimbourg en 1679, afin d'assurer ses droits au trône face à la concurrence exercée par un fils naturel de Charles II, également nommé Jacques et duc de Monmouth (1649-1685), de trente ans son aîné, lequel, étant protestant, est soutenu par les Whigs. Afin de mettre à bas ses prétentions illégales, Charles II fait exiler ce dernier en Hollande. En mai 1679, un projet de loi visant à exclure le duc d'York de la succession de son frère (Exclusion Bill) - le premier prince protestant sur la liste de succession étant alors appelé au trône - est adopté en première et deuxième lecture par les Communes avec une forte majorité, sous la pression des Whigs surexcités 104. En l'absence de loi de succession avant l'Acte d'Établissement de 1701, ce n'est pas la première fois que le Parlement tente de jouer sur la succession 105. Ainsi, partisans - on peut ici citer l'intervention du whig James Tyrrell (1642-1718) 106 dans son Patriarcha non Monarcha de 1681 - et adversaires - au premier rang desquels figure sir Leoline Jenkins (1625-1685) - de la puissance parlementaire s'affrontent sur la question de savoir si un acte du Parlement peut exclure le duc d'York de la succession de son frère 107. Pour l'empêcher, le roi prononce la 104 F. S. Ronalds, The Attempted Whig Revolution of 1678-1681, Urbana, University of Illinois Press, 1937 ; B. M. A. Behrens, « The Whig Theory of the Constitution in the Reign of Charles II », Cambridge Historical Journal, vol. VIII, n°1 (1941), pp. 42-71 ; O. W. Furley, « The Whig Exclusionists : Pamphlet Literature in the Exclusion Campaign, 1679-1861 », Cambridge Historical Journal, vol. XIII, n°1 (1957), pp. 19-36 ; J. R. Jones, The First Whigs : The Politics of the exclusion Crisis, 1679-1683, Londres, Oxford University Press, 1970. 105 Pour exemple, Henri de Bolingbroke étant devenu Henri IV en 1399 avec l'aide du Parlement, au détriment de Richard II (1377-1399). L'intervention était encore courante sous les Tudors, particulièrement sous Henri VIII en raison de ses démêlés matrimoniaux. 106 J. W. Gough, « James Tyrrell, Whig Historian and friend of John Locke », Historical Journal, vol. XIX, n°3 (1976), pp. 581-610. 107 J. W. Gough, L'idée de loi fondamentale dans l'histoire constitutionnelle anglaise, op. cit., pp. 161-167. Pravnik • 132 (2015) 1-2 Marie-Laure Duclos-Grécourt prorogation puis la dissolution des trois et quatrième et derniers parlements du règne, à l'existence éphémère. Le chef des Whigs, Anthony Ashley Cooper, comte de Shaftesbury (1621-1683), est arrêté mais un jury populaire londonien le fait aussitôt relâcher, désavouant la mesure royale. La crise, devenue inévitable, est encore précipitée par « le complot de Rye House » de 1682, qui, à l'instigation de Monmouth, vise à assassiner le roi. Son échec entraîne la perte du parti Whig, marqué par la fuite de ses chefs, tels Shaftesbury et Monmouth, ou leur exécution, telle celle de Sidney, ainsi que la condamnation de ses principales opinions par l'Université d'Oxford. Charles II ne convoque plus de Parlement de mars 1681 à sa mort en février 1685, évitant ainsi l'exclusion parlementaire du duc d'York au trône. Malgré des débuts encourageants, l'attitude de Jacques II connaît un durcissement après les rébellions d'Archibald Campbell, comte d'Argyll (1629-1685) et Montmouth. L'affirmation de son absolutisme catholique est d'autant moins tolérée lorsque Louis XIV révoque l'Édit de Nantes et jette les protestants sur les routes du Refuge et que le roi d'Angleterre multiplie les mesures arbitraires : il annonce la création d'une armée permanente, renvoie les juges insoumis, remplit le parlement de ses partisans et s'attaque à l'Acte du Test en faveur des catholiques, multipliant les mesures législatives en leur faveur. La politique d'indulgence du roi s'avère un échec et le conduit à sa perte, malgré l'absence de Parlement ; il est contraint à la fuite lorsque le prince Guillaume III d'Orange-Nassau (1650-1702), l'époux de sa fille Marie II (1662-1694), envahit le pays à l'automne-hiver 1688, se faisant le héraut des causes parlementaire et protestante. 2.2. La défense de la souveraineté royale L'argumentaire royaliste de la Restauration, s'appuyant sur la négation du caractère immémorial du droit ainsi que de la Chambre des Communes et la défense de la prérogative royale comme une nécessité logique faisant suite à sa suzeraineté féodale, vise à prôner la souveraineté du roi. En toute logique, leurs présupposés historiques auraient pu ou dû conduire à une réflexion différente, pouvant prendre trois aspects : une étude sur les institutions féodales en elles-mêmes ; un examen prenant en compte le devenir de ces institutions après la période féodale afin de relever des similitudes éventuelles avec les institutions modernes ou bien, dans un mouvement de rejet de l'étude féodale devenue inutile si ce n'est au nom de la connaissance érudite, une interrogation sur les caractéristiques actuelles des autorités royale et parlementaire. Cette démarche aurait alors permis le développement d'une véritable méthode historique au sein de la pensée constitutionnelle. Pourtant, il n'en est rien. Ils ne s'attachent pas vraiment à retracer le processus historique post-féodal et c'est en cela que leur doctrine achoppe : il y a un « chaînon manquant » entre leur Pravnik • 132 (2015) 1-2 Droit de prescription et libertés parlementaires sous la Restauration anglaise (1660-1688) approche du déclin lent et progressif de la société féodale, selon un processus nécessairement impersonnel, et leur soutien de l'imputabilité au roi de toutes les institutions. Leur royalisme forcené ne leur a pas permis de déceler la dialectique médiévale à l'œuvre dans l'histoire. Les auteurs royalistes développent plutôt l'idée d'un roi souverain au sens bodinien du terme, les travaux de Jean Bodin (1529/30-1596) étant connus des érudits de l'époque des Tudors, étant étudiés à Cambridge et pouvant être procurés dans de nombreuses éditions françaises et latines, avant que la traduction anglaise ne paraisse en 1606. À partir de la Conquête normande, les rois sont la source humaine de la loi, étant également les auteurs des chartes de confirmations, le rôle du conseil se limitant à présenter en amont les requêtes et pétitions 108. Les libertés sont perçues dans une perspective absolutiste, ainsi que certains propos de Dugdale 109 ou Brady peuvent l'illustrer, comme étant le produit de concessions royales, afin de limiter les prétentions de la chambre basse : devant leur existence au roi, elles peuvent également être modifiées, voire supprimées par lui, en toute légitimité. « Toutes les libertés et privilèges auxquels le peuple peut prétendre, sont des dons et concessions des rois de cette nation, et issus de la couronne » 110. Il n'y a plus de droit de prescription qui tienne. En adoptant ce parti pris, Brady, ainsi que ses successeurs - tel le Dr Nathaniel Johnston (1627-1705), médecin du Yorkshire qui publie The Excellency of Monarchical governement en 1686 ou Fabien Philipps (1601-1690) et son Investigatio Jurium Antiquorum de la même année 111 - mettent leur approche de la féodalité au service de la controverse filmérienne. L'ouvrage principal de sir Robert Filmer, intitulé Patriarcha, or the natural power of Kings, n'est publié qu'en 1680, bien qu'il soit un exemple de la pensée 108 R. Brady, A Complete History of England, op. cit., The General Preface, pp. xli-xlii. 109 « Il apparaît donc clairement que ces bonnes et saintes lois ont été faites par les anciens rois de ce royaume ». Nous traduisons d'après : "It clearly therefore appearing, that these good and wholesome Laws were made by the antient Kings of this Realm" (W. Dugdale, Origines juridiciales, op. cit., "Cap. V. Of parliaments", p. 14). Il souligne néanmoins « [qu'] il ne doit pas être mis en doute, qu'ils étaient tellement encadrés par une grande et mûre délibération prise auprès des hommes les plus éminents de puissance et de prudence dans leurs respectives domaines » (Nous traduisons d'après : "it is not to be doubted, but they were so framed upon great and mature deliberation had any taken with the most eminent men for power and prudence in their respectives Dominions", Ibid., p. 14). 110 Nous traduisons d'après : "There is a clear Demonstration, that all the Liberties and Privileges the People can pretend to, were the Grants and Concessions of the Kings of this Nation, and Derived from the Crown' (R. Brady, A Complete History of England, op. cit., The preface to the Reader, non paginée). 111 J. G. A. Pocock, LLAncienne Constitution et le droit féodal, op. cit., pp. 264-272. Pravnik • 132 (2015) 1-2 Marie-Laure Duclos-Grécourt absolutiste anglaise des décennies précédant la guerre civile ; un autre ouvrage, The Freeholders Grand Inquest, paru en 1648 et réédité avec les autres œuvres de Filmer en 1679, est finalement attribué à Holbourne 112, illustrant la réponse royaliste au principe de coordination113. Après la publication des ouvrages de Hobbes - que l'avocat de l'Inner Temple John Whitehall 114 accuse d'ailleurs d'avoir « donné une gifle à la Common Law » 115 -, est développée dans ceux de Filmer ce qui est appelé à devenir dans le contexte de la Crise de l'Exclusion, la « doctrine officielle des royalistes » 116 avec la défense d'un pouvoir législatif par essence arbitraire. Il prône la souveraineté de la Couronne, détruisant la doctrine du droit immémorial des parlementaires au profit d'une théorie patriarcale du droit divin. Elle repose sur trois idées majeures : « 1/ Que les Communes, d'après leur writ, doivent seulement exécuter et approuver les ordonnances du Parlement. 2/ Que les Lords ou commun conseil d'après leur writ doivent seulement débattre, et prêter conseil au Parlement. 3/ Que seul le Roi lui-même ordonne et fait les lois, et est juge suprême au Parlement » 117. 112 C. C. Weston, « The Authorship of the Freeholder Grand Inquest », The English Historical Review, vol. 95, n° 374, Jan. 1980, pp. 74-98. 113 Selon Holbourne, « 1/ Aucune coordination n'a caractérisé le processus législatif ; 2/ Il n'a pas existé de droit prescriptible de représentation au Parlement pour les communes d'Angleterre. [...] Les idées se renforçaient l'une l'autre : s'il n'existait pas de droit prescriptible à la représentation, aucune coordination ne caractérisait le processus législatif [.] et la souveraineté, indivise et sans partage, résidait dans le roi seul » (C. C. Weston, « LAngle-terre : l'ancienne constitution et le droit commun », art. cit., p. 363). 114 En soutenant, « que les coutumes ne sont pas lois par prescription mais parce que les souverains actuels les ont déclarés tells [...], M. Hobbes visait d'abord à remplacer notre Common Law, et à livrer plus facilement la propriété de chacun à l'incertitude et à la confusion [...] Car c'est grâce à la Common Law, c'est-à-dire à la coutume de l'ensemble de la nation, que la plupart des gens jouissent de leurs bien [...] ; or, si longueur de temps ne peut justifier cette propriété, sans décision du souverain, et si de telles décisions ne se peuvent trouver, comme c'est très clairement le cas, alors c'en est fait de la Common Law, et de la propriété avec elle : que le plus fort prenne tout » (cité par J. W. Gough, L'idée de loi fondamentale dans l'histoire constitutionnelle anglaise, op. cit., p. 157., d'après J. Whitehall, Leviathan Found Out, 1679, p. 53). 115 Cité par J. W. Gough, L'idée de loi fondamentale dans l'histoire constitutionnelle anglaise, op. cit., p. 157., d'après J. Whitehall, Leviathan Found Out, 1679, p. 54. 116 J. G. A. Pocock, LLAncienne Constitution et le droit féodal, op. cit., p. 201. 117 Nous traduisons d'après : "I. That the Commons, by their Writ, are only to perform and consent to the Ordinances of Parliament. II. That the Lords or Common Council by their Writ are only to treat, and give counsel in Parliament. III. That the King himself only ordains and makes laws, and is supreme judge in Parliament" (P. Laslett, Patriarcha and other Political Works of Sir Robert Filmer, Oxford, B. Blackwell, 1949, p. 129). Pravnik • 132 (2015) 1-2 Droit de prescription et libertés parlementaires sous la Restauration anglaise (1660-1688) Filmer place donc les Communes à un rang inférieur par rapport aux Lords, estimant que le conseil ne leur appartient pas, d'autant plus que leur origine n'est pas immémoriale 118 ; les deux chambres sont soumises à la souveraineté du roi. Celui-ci est à l'origine de tout droit. Toute norme trouve en effet sa source dans quelque pouvoir supérieur - résidant dans la volonté d'un homme, le roi, qui tient ce pouvoir de Dieu comme descendant du souverain originel, le premier homme, soit Adam : « Notons maintenant, à propos des coutumes, qu'il y eut, pour chacune d'elles, une époque où elles n'étaient nullement des coutumes, et que ce qui est pour nous le précédent initial n'avait pas lui-même de précédent. Au moment d'instaurer toute coutume, il y a eu quelque chose d'autre pour lui donner sa légitimité, sans quoi cette instauration aurait toujours été illégitime. A l'origine, les coutumes ne sont devenues légitimes que par quelque pouvoir supérieur qui a soit exigé, soit autorisé leur instauration » 119. L'allégation de cette souveraineté originelle dispense Filmer de faire référence à la Conquête, et donc à la force armée, de la même manière que les considérations féodales sont absentes de son propos. Pour autant, la doctrine de la souveraineté absolue du roi n'est pas vouée à faire long feu ; la Glorieuse Révolution en sonne le glas. Celle-ci ouvre les portes de l'âge d'or du parlementarisme avec la Déclaration des droits ou Bill of Rights du 13 février 1689 120. La souveraineté législative réside dans le roi - « le pouvoir royal ne [pouvant] exister que sur la base d'une reconnaissance de l'autorité du 118 « Pour éclairer la signification et le sens du writ, et satisfaire ceux qui croient impossible, que les Communes d'Angleterre n'aient pas toujours fait partie du commun conseil du royaume, j'insisterai sur les points suivants : 1/ Que jadis les barons d'Angleterre constituaient le commun conseil du royaume. 2/ Qu'avant l'époque d'Henri Ier, les Communes n'étaient pas convoquées au Parlement. 3/ Quoique les Communes aient été convoquées par Henri Ier, elles ne furent cependant pas convoquées de manière continue, ni élues régulièrement par writ avant l'époque d'Henri III ». Nous traduisons d'après : "For clearing the meaning and sense of the writ, and satisfaction of such as think it impossible, but that the Commons of England have always been a part of the common council of the kingdom, I shall insist upon these points : 1/ That anciently the Barons of England were the common council of the Kingdom. 2/ That until the time of Henry I, the Commons were not called to Parliament. 3/ Though the Commons were called by Henry I, yet they were not constantly called, not yet regularly elected by writ until Henry IIIs time" (Ibid., p. 136). 119 Nous traduisons d'après : "For every custom there was a time when it was no custom, and the first precedent we now have had no precedent when it began. When every custom began, there was something else than custom that made it lawful, or else the beginning of all custom were unlawful. Customs at first became lawful only by some superior power which did either command or consent unto their beginning" (Ibid., p. 106-107). 120 L. G. Schwoerer, The Declaration of Rights, 1689, Baltimore and London, John Hopkins University Press, 1981. Pravnik • 132 (2015) 1-2 Marie-Laure Duclos-Grécourt Parlement » et les rois « apparaiss[ant] comme les garants de la liberté du Parlement et de la religion protestante » 121 -, les Lords et les Communes. Parallèlement, et par conséquent, les partisans de la monarchie absolue voient l'échec de leurs théories, la féodalité perdant son attrait jusqu'au xixe siècle, tandis que l'interprétation Whig de l'histoire anglaise emporte la partie 122 ; pas pour longtemps, son improductivité léthargique dans les derniers écrits lui faisant perdre de la vitesse. La réflexion se tourne vers d'autres horizons, vers des théories politiques anhistoriques, telle celle de John Locke (1632-1704), ou bien encore vers l'historicisme systématique du xviiie siècle ; néanmoins, le débat reste encore sensible chez certains auteurs tel Edmund Burke (1729-1797) 123. 121 C. Journès, L'état britannique, op. cit., p. 66. 122 Une victoire qui se retrouve dans les fonctions mêmes des auteurs étudiés au sein du bureau des archives de la Tour, Brady cédant la place à Petyt au poste de conservateur des archives. 123 J. G. A. Pocock, « Burke and the Ancient Constitution : A Problem in the History of Ideas », The Historical Journal, III, 2, (1960), pp. 125-143. Pravnik • 132 (2015) 1-2 Droit de prescription et libertés parlementaires sous la Restauration anglaise (1660-1688) Izvirni znanstveni članek UDC:342.515:342.531.41(410)"1660/1688" PRAVICA IZDAJATI PREDPISE IN PARLAMENTARNE SVOBOŠČINE V ČASU ANGLEŠKE RESTAVRACIJE (1660-1688)* Marie-Laure Duclos-Grécourt, univerzitetna diplomirana pravnica, doktorica pravnih znanosti, raziskovalka na inštitutu za pravno zgodovino Univerze v Poitiersu Od 16. stoletja je mogoče zaznati povečan obseg angleškega zgodovinopisja, ker so prek razlag zgodovine skušali vplivati na dogodke v sodobnosti. V Angliji 16. in 17. stoletja je mogoče zaznati dva miselna tokova. Na eni strani so zastopniki občega prava (angl. common law) in na drugi manj številni privrženci fevdalne zasnove angleške pravne ureditve, ki so podpirali prizadevanja kralja. Zagovorniki sistema common law so trdili, da velja v Angliji poseben pravni sistem, ki temelji na običajnem pravu in ne tekmuje s kakim drugim sistemom. Šlo naj bi za modrost skupnosti, ki so jo naprej razvijali pravni praktiki. To skupino je vodil vrhovni sodnik sodišča Common Pleas in nato King's Bench ter voditelj skupine v parlamentu sir Edward Coke (1552-1634). Staro običajno pravo naj bi nikoli ne zastaralo in naj bi bilo neko temeljno pravo. Tudi vladarjevi privrženci so utemeljevali vladarjeve pravice kot izvirno in temeljno oblast iz najstarejše dobe. Pri tem so navajali tudi dokaze o rimskem in germanskem izvoru fevdov. Trdili so, da angleško pravo v veliki meri temelji na načelih fevdalnih pravic do zemlje, ki so jih v Angliji uveljavili v času Viljema Osvajalca. Pri tem so trdili, da pravo iz 12. stoletja ni enako tistemu v 17. stoletju. Vprašanje o starosti angleškega prava se je v času državljanske vojne in med-vladja v štiridesetih letih 17. stoletja spremenilo v vprašanje o starosti spod- * Povzetek je pripravil dr. Vladimir Simič, profesor na Pravni fakulteti Univerze v Ljubljani. Pravnik • 132 (2015) 1-2 Marie-Laure Duclos-Grécourt njega doma (House of Commons). V razpravi so v podporo političnih zahtev uporabili tudi zgodovinske mite v skladu z dnevnimi potrebami. V času Tudorjev so bili odnosi med vladarjem in parlamentom odvisni od skladnosti interesov vladarja in parlamenta. Kljub občasnim napetostim se je avtonomija spodnjega doma krepila, a je ta ostal podrejen vladarjevi oblasti. Napetosti pa so se povečale v času prvih Stuartov. Ti so krepili svojo kraljevsko oblast na račun pravic parlamenta. Do zaostritev je prihajalo predvsem v zvezi z obdavčenjem in porabo javnega denarja. Prvič je parlament svoje zahteve sistematično oblikoval leta 1628 (Petition of Rights). Vladar ga je zato večkrat razpustil in na koncu je sprva prišlo do kratkega in potem še dolgega parlamenta, ki je zasedal več let. V času dolgega parlamenta sta potekali tudi obe državljanski vojni (1642 in 1648), od katerih se je zadnja končala z usmrtitvijo vladarja in razglasitvijo republike. Dolgi parlament je končno leta 1660 spet vzpostavil kraljevo oblast. V šestdeset letih v 17. stoletju nista uspela ne poskus uvedbe absolutizma, ki je temeljil na božjem pravu, ne republika in med vladarjem in parlamentom se je počasi vzpostavilo ravnotežje med ureditvijo pred revolucijo in zakonodajo iz časa revolucije. T. i. viteški parlament je razveljavil zakonodajo iz časa Cromwella med letoma 1661 in 1679. Čas do leta 1688 pa je bil v znamenju nasprotij med krono in parlamentom v zvezi z vprašanji o enotnosti občega prava in verske enotnosti kot bistvenimi potezami narodne istovetnosti Angležev. Ta so se končala s Slavno revolucijo leta 1688. V tem času sta se rodili stranki whigov in torijcev, razprave pa so se osredotočile na vprašanji o predstavniški naravi parlamenta in njegovi vlogi pri sprejemanju zakonov. 1. PARLAMENT KoT PREDSTAVNIŠKI oRGAN 1.1. Nedoločenost pojma predstavništva Zagovorniki občega prava so trdili, da gre pri ljudskih zborih od davnine za primer predstavniške vloge, medtem ko so kraljevi zavezniki v njih videli srednjeveški pojav. Najuglednejši poznavalec srednjega veka med kraljevimi privrženci, William Dugdale, je napisal obsežni knjigi Origines juridiciales in The Baronage of England in v uvodu prve trdil, da je obče pravo odraz absolutne popolnosti uma, vendar je razvil tezo o fevdalnem izvoru doma komun (spodnjega doma). Zgodovinsko je mogoče ločiti tri načine, na katere vabijo posameznike na dvor. Vabljenje na posvet z vladarjem naj bi bilo bistvena značilnost visokega plemiškega položaja. Vabljeni naj bi bili: 1. ker so dobili zemljo neposredno Pravnik • 132 (2015) 1-2 Droit de prescription et libertés parlementaires sous la Restauration anglaise (1660-1688) od vladarja (tenure in capite); 2. ker so pridobili dedno pravico do posebnega pisnega (writ) vabila; 3. ker so ob podelitvi naslova barona prejeli še posebno listino o pravici do udeležbe na sejah sveta. Od Velike listine iz leta 1215 naj bi se osebne vezi rahljale. Namesto osebne vezi so se uveljavljali sestanki nižjega plemstva kot predstavnikov grofij (communes). To naj bi bil celo znak razkroja fevdalne ureditve, saj naj bi fevdalni položaj, ki je temeljil na razmerju zajma, zamenjala svobodna lastnina na nepremičninah. 1.2. Nedoločenost pojma ifreeholder Zaradi povezanosti pravic do zemlje s pravico do udeležbe na plemiških zborih je potekala živahna razprava o tem, kdo je freeholder. Izraz je nastal v fevdalni dobi in je pomenil tistega, ki je osebno svoboden in kljub temu, da je prejel zemljo od vladarja, z njo razpolaga kot lastnik (libere tenentes). V fevdalni ureditvi, kjer je bil položaj prejemnika zemlje lahko pravno zelo različen in je lahko pomenil tudi nesvobodo prejemnika, je imel izraz poseben pomen in je praviloma pomenil svobodno plemstvo. Razmere pa so se že do konca 14. stoletja, ko je bila dejansko odpravljena odvisnost kmetov, tako spremenile, da je izraz svoboden in freehold dobil pomen lastniške pravice. Pravica plemičev do udeležbe na zborovanjih se je razvila kot običajno pravo, povezano z dolžnostjo plačevanja davkov. Leta 1265 je kralj Henrik III. potrdil grofijam pravico, da jih na zborih predstavljata dva viteza. Tako je nastal mejnik, ki je v angleški zgodovini znan kot 49 H 3 (v 49. letu vlade Henrika III.) Plemiči so zaradi številnih vojn predvsem v Franciji povečali svoj vpliv in s tem tudi vlogo spodnjega doma parlamenta. 2. nasprotujoča si pojmovanja o zakonodajni vlogi spodnjega doma V 16. in 17. stoletju je zato prišlo do razprave o rednosti zborov plemstva in njihovi zakonodajni pristojnosti. Tu so si nasprotovali tisti, ki so zagovarjali pravico spodnjega doma, da ustvarja zakonodajo, in branilci suverenosti vladarja. 2.1. Prizadevanje za sodelovanje pri zakonodaji Zagovorniki teze, da ima common law prednost pred postavljenim pravom, ki ga ustvarja parlament, so se strinjali z vladarjem do Jakoba I. Ko pa je ta zahteval, da njegova volja postane vir prava, so se privrženci common law obrnili k parlamentu kot varuhu stare ustavne ureditve. Tako je suverenost parlamenta Pravnik • 132 (2015) 1-2 Marie-Laure Duclos-Grécourt postala orodje za utrditev prevlade common law. Ker je bil common law pravo, ki so ga ustvarjala sodišča, parlament pa je bil najvišje sodišče kraljestva, so iz tega razvili pojmovanje, da je treba uskladiti zakonodajno dejavnost kralja in parlamenta. V državi naj bi bili trije stanovi: kralj, lordi in komune (zgornji in spodnji dom), katerih zakonodajna vloga je usklajena in so v njej vsi udeleženi. Razprava se je zaostrila ob vprašanju nasledstva po kralju Karlu II. Njegov brat Jakob je bil namreč katoličan, od leta 1672 pa so lahko javne funkcije opravljali le člani angleške cerkve. Ker pred letom 1701 ni bilo zakona o nasledstvu, je parlament poskusil odločati o njem. V zaostrenih razmerah, ko je parlament preprečeval uvedbo verske tolerance v prid katoličanom, je Karel II. skušal vladati kot absolutni monarh in do svoje smrti leta 1685 ni več skliceval parlamenta. Glasnik zahtev protestantskega parlamenta je postal mož kraljeve hčere Marije, Viljem Oranski, ki se je pozimi leta 1688 polastil oblasti. 2.2. Obramba kraljeve suverenosti Razprava o kraljevi suvereni pravici do zakonodaje je sprva sicer izhajala iz fevdalnih pojmovanj o vladarju kot viru prava, toda vse bolj so na kraljeve privržence vplivale ideje o kraljevi suverenosti, kot jih je oblikoval Jean Bo-din. Zakone ustvarja vladar in vloga sveta (parlamenta) je omejena na pravico predlagati oziroma vlagati peticije. Tako so vse pravice in svoboščine darila in dovoljenja vladarja in izvirajo iz krone. Nobenega prava ni, ki bi urejalo, katere pravice še veljajo in katere so zastarale. Rojalisti so vladarjevo suverenost izrazili v treh glavnih idejah: 1. spodnji dom sme na podlagi kraljevega vabila (writ) samo izvajati in potrjevati rede parlamenta; 2. lordi ali skupni svet morajo na podlagi vabila razpravljati in svetovati parlamentu; 3. samo kralj ustvarja zakone in je vrhovni sodnik v parlamentu. Spodnji dom parlamenta je torej nižji od lordske zbornice in mu ne pripada pravica svetovanja, ker ni nekaj, kar bi nastalo kot pradavni običaj (immemorial custom). Sploh pa je bil čas, ko običaja še ni bilo in je naravo prava neko dejanje dobilo šele s potrditvijo od višje oblasti. Toda nauk o suvereni oblasti vladarja ni veljal dolgo. Slavni revoluciji je leta 1689 sledila Listina pravic, po kateri je vladar še suvereni zakonodajalec, vendar njegova oblast temelji na priznavanju avtoritete parlamenta in so vladarji varuhi njegovih svoboščin in protestantske vere. Whigovska razlaga angleške zgodovine je začasno prevladala. Ker ni bila več ustvarjalna, pa so pridobile pomen politične teorije, ki utemeljevanja niso več gradile na razlagi zgodovine. Tak je primer politične misli Johna Locka. Pravnik • 132 (2015) 1-2 Avtorski sinopsisi Izvirni znanstveni članek UDK: 342.515:342.531.41(410)"1660/1688" Duclos-Grecourt, Marie-Laure: Pravica izdajati predpise in parlamentarne svoboščine v času angleške restavracije (1660-1688) Pravnik, Ljubljana 2015, let. 70 (132), št. 1-2 Članek obravnava utemeljevanje zakonodajne vloge spodnjega doma angleškega parlamenta z njegovim zgodovinskim razvojem. Zagovorniki sistema common law so se sklicevali na vlogo ljudskih zborov še v času pred uvedbo fevdalnega reda, vladarjevi privrženci pa so ugovarjali z utemeljitvijo, da gre za pravice, ki so najtesneje povezane s podelitvijo zemlje plemičem in njihovo službo z nasvetom. Lordi so bili člani sveta, ker so dobili gospostva neposredno od vladarja. Vitezi, člani zbora komun, pa so to pravico dobili na podlagi običaja. Glede zakonodajne pravice spodnjega doma so zagovorniki spodnjega doma zaradi nasprotovanja kraljevi absolutni oblasti spet poudarjali vlogo običaja. Tako je spodnji dom odločal o davkih in zato vladar vlada usklajeno z obema domoma parlamenta. Nasprotno so kraljevi zavezniki poudarjali, da spodnji dom lahko zgolj prosi in predlaga, medtem ko lordi kralju lahko tudi svetujejo. V vsakem primeru pa je edini upravičeni ustvarjalec prava vladar in vse pravice in svoboščine parlamenta so stvar njegove dobre volje oziroma njegovo darilo. Pravnik • 132 (2015) 1-2 142 Authors' Synopses Original Scientific Article UDC: 342.515:342.531.41(410)"1660/1688" Duclos-Grecourt, Marie-Laure: The Right to Make Law and the Liberties of the English Parliament in the Time of the English Restoration (1660-1688) Pravnik, Ljubljana 2015, Vol. 70 (132), Nos. 1-2 The article assesses the argumentation in debates on the right of the House of Commons to make law based on the historical development of the House. The common lawyers were in favour of this right arguing that this was their right prior to introduction of the feudal system. The royalists claimed that the rights of the nobles were strictly depending on the nature of their tenancy of the land and their service with council. The rights of the Commons, knights representing the counties, were based on custom. So the partisans of the rights of the House of Commons opposing the absolute power of the king argued that a custom developed as the commons were approving the taxes and that the king was making law in coordination with both houses. The royalists stressed that the Commons were entitled only to suggest, while the lords served with advice. In any case, the only legal maker of law was the king and all the liberties of the Parliament were merely a concession depending of his good will. Pravnik • 132 (2015) 1-2