Vladimir Pogačnik UDK 804.0-086.2-54 STRUCTURATION DES SUFFIXES QUANTIFICATEURS EN FRAN~AIS NON CONVENTIONNEL* Introduction Reunissant trois registres linguistiques nornmes cornmunement fran~ais familier, fran~ais populaire et argot, la langue non conventionnelle1 possede-t-elle sa propre derivation suffixale? Si oui, quel est le degre de sen autonomie par rapport a la suf- fixation conventionnelle et quelles sont les lois selen lesquel- les elle se structure? Un choix d' exerrples fr6:Juarment errployes dans le fran~s nem aonvention- nel semble repondre positivement a la premiere question: partouse, lirnouse, ba.rbouse, perlouse; fripouille, vadrouille, papouille, tambouille, cinoche, valoche, taloche, bidoche, petoche; cradingue, lourdingue, bastringue; fascho, proprio, dico. D'autres finales distribuees surtout en dehors de la norme 2 connaissent moins d'exemples frequents: minouche, manouche, Sainte-Nitouche; balluche, paluche, galuche (galon); trucmuche, argomuche, telemuche. Certaines tendent vers un emploi normali- se: barbiche, bonniche, godiche, pouliche (jeune fernme, SC). D'autres encore sont en train d'acquerir une identite suffixale: craignos, debilos, nullos, ringardos, coolos 3 Ceci n'est pas le cas d'une serie de finales sporadiques que l'on qualifie souvent de deformatrices4 et qui, a condition * Le titre •strukturiranje vrednostnih pripon v nenormirani franco,6ini" ("Structuration des suffixes quantificateurs en fran~ais non conventionnel") fut agree par la Faculte de Phi- losophie de Ljubljana comme sujet conforme aux exigences pre- vues pour l'obtention du titre de docteur es lettres. La di- rection de cette these de doctorat d'Etat, soutenue publi- quement le 13 mars 1984 d Ljubljana, fut assuree par le pro- fesseur Mitja Skubic~ d la suite du deces du professeur An- ton Grad. 125 de parattre au moins deux fois dans le corpus, recelent un cer- tain caractere suffixal malgre leur productivite fort restreinte. Il s'agit souvent de formations argotiques tombees en desuetude: -ao(t) -go -Zo (t) -jo -ji -anahe -&bre -oque -toque -Zoque -boahe -mar -minae -poiZ -bar -s on -(s)if -bi -bif -ifZard -ignoZ (e) -aaiZZe -aga -af -ouf -pif -pet(te) -aque -baque - {i)da Prussco, Belgico, Arbico(t) Italgo, icigo, lago, fumigo, neurastingo, amingo Amerlo, travelo, dirlo verjo (verni), derjo (derriere) fromji, croq'ji boutanche, tournanche, marmanche seul~bre, jeunabre loufoque, au travice Chinetoque, pouletoque, mastoc Amerloque, misloque (misere .- farce, E) Alboche, Italboche, degueulboche, rigolboche epicemar, guichemar, patissemar, cafemar, cachemar, zigomar, roumar(d), bossmar(d) epicemince, perruquemince, jalmince rouspoil, transpoil calbar, crobard, colibar, escobar, loubar, rousbard trocson, pacson pacsif, calcif, morcif, porcif grisbi, degueulbi, frisbi, rousbi chassebif, degueulbif perniflard, saucif lard croquignol, champignol, robignol, tartignolle Franchecaille, blanchiscaille, blanchecaille poulaga, pastaga, fermaga pardaf, se maraf allouf, pignouf, a balouf beaujolpif, olpif adjupete, craspet, olpet(te) momaque, loupaque mulbaque, morbaque marida, foirida D'autre part, il ne faut pas negliger le fait que le lexi- que non conventionnel s'enrichit constamment grace aux suffixes 126 de la langue conventionnelle. On y rencontre des suffixes nomi- naux dans la derivation desadjectivale (connerie, debrouillar- dise) et deverbale /deconnage, emmerdement, bandaison, pleur- nicherie, demerdise, degonflade, branlure, bafouillis, bectanae, entourloupette, deprime (suffixe zero)/, des suffixes adjecti- vaux dans la derivation desubstantivale /musai, merdeux, mer- aique, putassier, friqueJ et deverbale (maille5 ) verni, tordu, chiant; bandataire, torsif, foutatif, jemenfoutiste, baiseur, foireux, foutrassier, minable morfal (suffixe zero)/, des suf- fixes verbaux /merdayer, statufier, se volatiliser, chipater, bousiller, gazouiller, potasser/ et des suffixes adverbiaux (chiement). Parmi les suffixes "identifies" par les grammairiens et les lexicographes, -ard, -aille et -asse appartiennent au patri- moine commun des deux niveaux du discours (au moins selen les dictionnaires): rossard (sans indication sur l'appartenannce a un registre determine, PR)< mochard (fam., PR) salopard (pop., PR) crassouillard (pop., E) mangeaille ( -, PR) ripaille (fam., PR) boustifaille (pop., PR) crevaille (pop., LIT) fillasse ( -, PR) b.ecasse (fam., PR) grognasse (pop., PR) poufiasse (vulg., PR) petasse (Se, c - fille legere) C'est sans doute leur contenu semantique, ressenti a priori comme depreciatif et pejoratif, qui semble vouloir eloigner la plupart de ces slrlfixes et finales de la norme. Le double cri- tere de vitalite lexicale et.d'apparition ephemere n'est pas pertinent a ce niveau: zonard, tres frequent et vital, est non conventionnel au m@me degre que weekendard (SC) 6 , rare et defi- 127 cient. Il en est de mfune dans le cas de flicaille en face de juponnaille (FC) et de fadasse en face de nouillasse (RH). Dans la conscience et l'analyse synchroniques, les suffi- xes essentiellement non conventionnels fonctionnent tantot com- me de vrais derivatifs par adjonction ou commutation (a), tan- t$t comme des finales homophones dans les derives regressifs et les mots abreges (b) ainsi que dans les mots a effet pseudo- suffixal 7 (c): -ard a) flic - flicard, mignon - mignard b) chambarder - chambard c) Benard - benard -aille a) flics - flicaille, marmots - marmaille b) graillon - graille 8 c) pagaio (prov.) - pagaille -as se a) conne - connasse, godillot - godasse b) observation - observass (E) c) melaza (esp.) - melasse -ouse a) barbe - barbouse, piq~re - piquouse b) marmouset - marmouse c) el flouss (arb.) - flouse -ouille a) merde - merdouille, pequenot - pequenouille b) se debrouiller - debrouille c) Nudel (all.) - nouille -ache a) gaver - gavache (TLF) b) pot-a-chien - potache c) Eustache - eustache -iche a) fort - fortiche, (Godon) - godiche b) bourrichon - bourriche (E) c) pasticcio (it.) - pastiche -cehe a) pet - petoche, manille - manoche b) ballocher - balloches, pochard - (po)poche c) caboce (norm. pic.) - caboche -ouche a) pied - piedouche (RH), minet - minouche b) grimer - grimouche (E) c) mouche - mavouche (javanais) 128 -uche a) dabe - dabuche, ballot - balluche b) greluchon - greluche c) (or. dial. - Lille) faluche 9 -ingue a) fol - folingue, banquier - banquezingue b) redingote - redingue c) meeting(angl.) - metingue -o a) dingue - dingo, alcoolique - alcoolo b) megalomane - megalo c) populo (it.) - populo (foule, SC) -os a) bath - bathos, (craignant) - craignos b) endosser - endosses c) Gasthaus (all.) - gastos Lorsque nous nous posons la question sur la structuratioh des rapports entre le suffixe et les autres elements constitu- tifs a l'interieur du mot, il est difficile de ne pas suivre l'approche guillaumienne du probleme, approfondie par Robert Martin: "Etant donne que le suffixe entre dans la structure, morphe- matique du mot, etant donne que les morphemes de base sont des morphemes effectivement per~us par le sujet parlant, etant don- ne enfin la position finale du suffixe dans le mot, on peut emettre l'hypothese que le suffixe constitue une etape tardive dans la construction psychique du mot, dont il modif ie la con- struction initiale. 11 10 De cette maniere, l'analyse psychomecanique en arrive a di- stinguer trois types fondamentaux de suffixes selon que l'on as- siste a une modification dans l'un des mouvements caracteristi- ques de la genese du mot - dans les operations de discernement et d'entendement. Le discernement notionnel est tant6t prolonge (a.- type maison -+ maisonnette) tant6t inflechi (b.- type bronche-+ bronchite), tandis que le mouvement d'entendement fi- nal conduisant a une partie du discours qui differe de l'idee initiale, se trouvera obligatoirement inflechi (c.- type acci- dent -+ accidentel) • On parlera ainsi des suffixes translateurs (c), des suffixes classificateurs (b) et des suffixes quantificateurs (a) 11 • Le schema guillaumien doit admettre la possibilite pour un seul suffixe d'appartenir simultanement a deux types differents12 : 129 les croisements de la translation et de la classification (cher- cheur, trahisan, delicatesse) ne sont pas exlus. Il y a cependant aussi des exemples tres nombreux dans la derivation non conven- tionnelle ou le suffixe peut cumuler les trois types a la fois: -ard dans fetard represente la nominalisation d'un syntagme ver- bal (faire lafete), la notion classificatrice d'agent et la di- mension quantificatrice de la frequence qui par le biais de la demesure, aboutit a la notion qualificative d'apreciation, plus ou moins pejorative. Nous avans tente une analyse de la derivation suffixale au sein de la langue non conventionnelle d'apres ce schema, ce qui nous a amenes a une conclusion assez surprenante: les suffixes sont distribues aussi bien dans la translation et la classifi- cation que dans la quantification laquelle paratt a priori pre- ponderante. Bien plus: les occurrences ou la notion quantifica- tive-qualificative est la seule structure analysable sont moins nombreux. I. Suffixes translateurs Il s'agit done, dans le cas de ce type de suffixes, d'une inversion dans la mise au point du mat derive en tant que par- tie du discours sans aucune intervention au niveau semantique, c'est-a-dire sans classification ni appreciation. Une unite lexicale comme faibl-, detenant une conception adjectivale, peut aboutir a des realisations differentes dans l'enonce, apparaissant tant6t comme faible tantot comme faibles- se, faiblement, faiblir. Lorsque faibl- se realise dans faiblard, on assiste a un ajustement semantique, qui selon le contexte os- cillera entre une diminution approximative et une depreciation du sens. Le suffixe est translateur dans les derives faiblesse (ad-adjectival et substantival)~ faiblement (ad-adjectival et adverbial), faiblir (ad-adjectival flexionnel et verbal). Il est quantificateur dans le cas de faiblard. Les suffixes translateurs 13 se rapprochent beaucoup de la vision transformationnelle, ou au moins transpositionnelle du systeme suffixal. Ce qui a ete con~u comme adjectif se realise 130 comme substantif, ce qui a ete vu comme verbe apparait sous forme de substantif etc. Ces inflechissements dans l'identite syntaxique du mot derive nous amenent a distinguer differents types de suffixes translateurs: l. suffixes nominaux a} ad-adjeativaux (adjectif->- substantif, Q >S} Il s'agit la des noms abstraits exprimant la qualite de- signee par l'adjectif de base. Le suffixe apporte peu de pre- cisions semantiques au niveau de la 'saisie radicale' 14 , signi- fiant "qualite de celui et/ou de ce qui est " Ce sont les suffixes -eur, -esse, -ite, -itude, -ance, -ie, -ise et -erie qui, dans la langue conventionnelle translatent les adjectifs dans la partie substantive du discours avec le contenu semantique de la qualite ••. Parmi ces suffixes certains sont productifs meme dans le lexique non normalise. En effet il est diff icile de supposer que ce type de translation puisse ref- leter les habitudes de la langue populaire et argotique qui op- tera de preference pour des enonces du type: "Qu'est-ce que i;:a peut @tre delicat/merdique" a la place de "Quelle delicatesse/ merdouille" quand il s'agit d'exprimer une qualite abstraite ou l'etat qui en resulte. Inversement lorsqu'on veut souligner l'aspect concret d'une qualite ou le resultat de celle-ci, la langue non conventionnelle utilisera de meme une structure com- me "quelle connerie!" Ainsi le f rani;:ais non conventionnel ajoute a des exemples du type debrouillardise et demerdise (signifiant davantage la qualite que l'action et son resultat} a une serie qui appartient a la 'bonne' langue: musardise, gaillardise, vantardise. Vaahar- dise comme qualite semble l'emporter sur vaaherie bien que ce derive puisse @tre egalement range avec des exemples comme ao- aasserie (fam.), aonnerie, putasserie dans la categorie des noms abstraits (CEL}. Les suff ixes essentiellement non conventionnels ne connais- sent, pour des raisons que nous avons deja mentionnees, que 131 quelques rares trouvailles bien ephemeres qui peuvent entrer, au moins partiellement, dans ce type de translation: merdouiZZe (CEL), arassouiZZe (E), vigouse (SC), vigasse (IGLF t.). Ici il s'agit plutot d'une derivation oppositionnelle, alternative (merde merdouille, crasse : crassouille, vigueur : vigouse, vigasse) que d'une transposition a partir des adjectifs merdique (merdeux), crasseux, vigoureux. Le contenu semantique de la qua- lite cede le pas a la dimension des consequences de cette quali- te: le caractere de ce qui est ennuyeux - l'ennui; le caractere de ce qui est sale---> salete concrete; la vigueur - forces re- nouvelees, excellente mine. Bref, il s'agit du passage de l'ab- strait au concret. b) ad-verbaux (verbe - substantif, V> S) Ce procede derivatif sert a former des noms abstraits de- signant une action ou/et le resultat de cette action. Le lexi- que non conventionnel a recours a tous les suffixes qui entrent dans ce type de translation, ce qui exclut leur appartenance exclusive a la norme. L ff . t t . 15 bl . . es su ixes -age, -men e -aison sem eraient avoir une signification plus neutre et ne pas former de pejoratifs et d'augmentatifs. On notera entre parentheses leurs pendants ap- preciatifs dans des couples d'exemples ou le second releve de la langue non conventionnelle: caquetage (:caqueterie) - deaonnage chatouillement (: chatouillis, chatouille) - emmerdement (emmerde) combinaison (combine) - bandaison (bandoche? - IGLF l.) Pour les autres suff ixes nous nous bornerons aux exemples du lexique non normalise, en mettant entre parentheses leurs doublets normalises: -erie -ade pleurnicherie (: pleurnichement, pleurnichage) degonflade (: degonflage) Un exemple comme reculade est passe dans la ligne diachro- nique d'un sens neutre a un sens pejoratif. Baisade, poivrade, 132 marrade (CEL) ne sont pas conventionnels. -ure crevure Les formations populaires comme crevure et ordure apparais- sant surtout dans les formules injurieuses s'appuient sur d'autres synonymes: raclure, branlure (triv.) et roustissure (CEL). Contrairement au sens "ce qui est a rejeter", present dans l'emploi normalise (ordure, lavure, balayure, raclure), ils signifient "celui que l'on doit rejeter, un rejeton." , -is bafouillis (: bafouillage, bafouillement; ba- fouile En ce qui concerne ce suffixe, etudie par J. Vendryes, nous voudrions souligner simplement le fait qu'il intervient dans une classe de derives signifiant "serie de bruits indistincts" toujours en liaison avec les elements suffixaux -ouill-, -et-, -ot-, -aille- (gazouillis, gargouillis, bredouillis, bafouillis, grattouillis; cliquetis, criquetis; chuchotis; chamaillis). La langue non conventionnelle lui oppose avant tout le suffixe ze- ro, plus expressif (fouille; trifouille, bafouille, cafouille, chamaille). - Ce suffixe est realise dans un nombre important de series derivationnelles a cote des concurrents -age et -ment, ainsi que les suffixes -eur et -ard pour la notion d'agent, sur- tout lorsqu'il s'agit des ensembles semantiques "entassement d'objets qui tratnent" et "sons indistincts" (fouillis, trif- ouillis, cafouillis; bredouillis, bafouillis, gazouillis, cha- maillis; certains derives ne sont pas realises - trifouille-ment, cafouille-ment, gazouill-age, chamaille-ment, chamaill-age). Les formations paralleles en -ard ont ceci d'interessant qu'elles sont dans la plupart des cas posterieures a celles en-eur (sauf bredouillard et trifouillard) et qu'elles appartiennent plut6t au lexique non conventionnel. -anae -ette -rJ bectance (: becquee) causette (plus ou moins conventionnel) entourlo~pette triche (: tricherie) Les derives regressifs, formes a l'aide du suffixe zero qui, 133 dans la norme, semblent etre fortement concurrences par les formations suffixees (accuse, compense, proclame + -ation; triche, trompe, moque + -erie16 ), ont acquis une vitalite et une expressivite tres fortes dans la langue non conventionnel- le: derouille (: derouillee, derouillade), emmerde (: emmerde- ment), demerde (: demerdage, demerdement, demerdise). Dans ces series on ne notera pas seulement les differences dans la fre- quence d'emploi, mais l'opposition au niveau semantique. Le suffixe zero est beaucoup plus quantificateur par rapport au autres suffixes (emmerdement = tracas, emmerde = tracas exces- sif, dans le meme dictionnaire, CEL). La qualite d'appreciation est sensible, par analogie, dans combine, converse, convoque, relegue, recluse, console qui representent des susbstantifs tronques et non pas des derives regressifs postverbaux. Cette qualite est faible lorsque ceux-ci ne possedent pas de pendants suffixes (trime, dorme, dtne); elle devient forte dans depouil- le, retape, decharge bien que ces derives ne presentent que des oppositions suffixees normalisees dont le sens n'est mfune pas identique (depouillement, retapage, dechargement). Quant a bouf- fe, il convient de constater que ce derive regressif est plus frequent et sans doute plus expressif que son pendant suffixe et posterieur bouftance. "Relaxe" employee dans la langue non conventionnelle est distribuee diff eremment au point de vue se- mantique que "relaxe" utilisee dans un contexte normalise. Parmi les suffixes productifs dans les deux registres du discours -ard et -aille semblent moins frequents dans ce type de translation que -asse: -aille -ard -as se trouvaille (sens neutre) manifestaille (FC) (: rnanifestation) traquenard (: traquet, sans indication speciale, PR) chambard (: chambardement; fam., PR) chiasse (triv., PR) rotasse (E) fumasse (E) patouillasse (IGLF t.) petasse (plutot denominal?) 134 Les suffixes non conventionnels connaissent une productivi- te restreinte dans la translation V> S; les derives signifient plus souvent le resultat d'une action que l'action elle-m@me: -ousse -oahe -ouiZZe gratouse (E) piquouse talmouse (de taler selon CEL) taloche petoche (plut8t denominal?) carmouille (SIM) gratouille (C) parlouille (= parlote, RH) trempouille (= trempette, BRU) petouille (denominal? se) 2. suffixes adjeativaux a) ad-substantivaux (substantif - adjectif, S> Q) La translation en tant que mecanisme linguistique, peut ~tre decelee egalement dans le cas des derives postsubstanti- vaux qui passent dans la categorie des adjectifs avec un sens assez vague "se rapportant a II Les suffixes adjectivaux de Togeby17 ne sa realisent pas toujours aux deux niveaux de la langue. En fran~ais non conven- tionnel il n'y a que -e et -eux qui soient productifs. -e frique L' axe syntaxique dans la translation s> Q suit le schana avoir (posseder, contenir ••• ) +s___. €tre+ Q (-e). Le c8te semantique s'achemine plut6t vers la quantification - notion augmentative----;. notion pejorative. D'autres exemples: siphonne, timbre, baraque, membre. -aZ -eux musal (de museau; ignare, E) merdeux A un niveau non conventionnel -eux peut commuter avec -ard: chanceux - chan~ard. C'est le plus productif dans ce type de translation en ce qui concerne le lexique banni de la norme: 135 galetteux, cotonneux, matheux. Les derives sont souvent substan- tives: nuiteux, pailleux (E). Nyrop donne une serie d'exemples18 appartenant au langage populaire et a l'argot qui sont tant6t ab- sents du lexique non conventionnel actuel (argenteux, cercleux, communeux, genreux, theatreux, soireux) tantot adoptes par la norme (misereux, moyenageux, talentueux). -eur noceur, blagueur Ce suffixe est dans la synchronie le formateur des noms d'agent par excellence, done de substantifs. Il est essentiel- lement ad-verbal. Dans les deux exemples cites il n'est adjectif qu'au second plan et la base n'est qu'apparemment substantive (faire la noce, des blagues; TLF opte meme pour une base verbale dans le cas de blagueur). -ier putassier Ce mot peut supposer une double base: putasse ou encore put + suffixe complexe -assier. -iste gauchiste La plupart des derives en -iste sont des noms: ils peuvent devenir adjectifs secondairement (p. ex. tsariste). La langue non conventionnelle meconnait les formations qui correspondent aux derives postnominaux comme barbu, passionneZ, humanitaire, adhesif, associatif (les deux derniers presentant tres rarement une base substantivale, mais le plus souvent une origine latine directe en -ivus, -ativus) ou encore des noms ethniques en -ien et -ain dans le sens figure de l'appartenance a une communaute. Les adjectifs derives desubstantivaux en -ard sont beaucoup plus nombreux; ils appartiennent presque toujours au lexique non conventionnel: soiffard, gouapard, mistouflard, vicelard, veinard, chan~ard, deveinard, flemmard, peinard, petochard, trouillard, frous- sard, gueulard, bitard, queutard, etc. Au point de vue syntaxique leur base s'appuie le plus sou- vent sur des locutions verbales (avoir + ••. ). L'axe semantique 136 part une fois de plus de la dimension augmentative vers la dimension pejorative (trouillard = qui a tres peur ~ qui a trop peur, resumes dans "qui a une sacree trouille"). Le fran~ais non conventionnel connatt quelques derives avec des suffixes parfaitements conventionnels qui ne figurent pas dans la liste de Togeby: -ique -in -isant merdique rupin (CEL) gauchisant (GIL, mot qui est surtout neologisme) Parmi les suffixes partiellement ou essentiellement non conventionnels, seuls -asse et -ouche sont productifs: -as se -uahe couillasse (ED) boudinasse (ED) nouillasse (IGLF l.) arguche (LRU) balluche (de ballot ou de balluchon) Les autres presentent quelques trouvailles de courte ha- leine: -ouse -oahe filassouse (d'un blond terni, RH) fantoche (de fantaisie = fantaisiste) ninoche (de nina esp. = minuscule) b) ad-verbaux (verbe -- adjectif, V > Q) Suivant le tableau suffixal dresse par Togeby nous devrions rencontrer, dans ce type de translation, -ant, -oire et le su- ffixe zero. -ant Le fait d'avoir inclus -ant devrait poser a l'auteur le probleme global de la derivation flexionnelle: faut-il ou non considerer les flexions -e, -i, -u et -(cons.) comme elements derivatiorinels postverbaux dans la formation des adjectifs, au meme titre que -ant? Un critere pertinent semble resoudre ce probleme, celui de la commutation de ces finales avec les suf- 137 fixes, ce qui est un phenomene relativement frequent en fran- ~ais non conventionnel: grelotant - grelottard, geignant - geignard, fretillant - fretillard (FC), foirant - foirard, criant - criard (avec la nuance semantique) panique - paniquard (sens nuance!), degonfle - degonflard distingue - distingoche (CEL), maille - mailloche (E) verni - vernoche (ST) /battant/ - bathos Quant a la structure semantique et syntaxique de -ant il convient de preciser que les derives representent, dans la fonction d'adjectif, un seul aspect de l'action verbale dans ses rapports avec le sujet, s'opposant souvent a la structure du participe present: etouffant, part. (qui etouffe lui-m@me, voix active; qui fait qu'on etouffe, voix factitive) - etouf- fant, adj. (qui fait qu'on etouffe). Cette meme distribution (le participe - actif, l'adjectif - factitif) est presente dans les qualificatifs populaires et ar- gotiques: bandant (CEL), jouissant (PR), chiant, marrant, bi- donnant. La question de la gradation semantique de ces exemples est liee a l'interpretation subjective et au contexte, mais il s'agit neanmoins d'une qualite permanente: bidonnant est tres amusant, marrant l'est aussi, mais moins que le premier, chiant est ennuyeux et genant au plus haut degre. Il est tres rare d'ailleurs qu'il y ait une coincidence absolue entre les degres d'intensite et les registres stylistiques et sociolectaux: genant tres genant embetant (PR, faro.) tres embetant emmerdant (PR, vulg.) enquiquinant (par euphemisme) tres emmerdant = chiant (ne figure pas dans le PR) Les adjectifs qualificatifs qui par leur formes correspon- dent aux participes passes determinent assez lineairement la structure de la voix dans les series synonymiques ou on les trouve groupes: 138 -oire "ivre" "tres fatigue" "assez fou" "bati" bourre, beurre (voix pronominale) came (enivre par la drogue) pete, cuit gele, givre (voix passive - qui subi le gel. .• ) creve, claque, pampe (voix proni- minale) 19 flapi, cane (CEL) cingle, atteint, tape, toque, pique, tordu, foncu (voix passive) (bien, mal) balance, ballote, fichu, foutu, ,mante (voix passive) "demuni"(d'argent) desargente (PR, fam.), fauche, "rate" (perdu) coupe (voix passive) paume, fichu, foutu, rousti, cuit (voix passive) "possede" (triv.) emplume, enfile, englande, enviande (voix passive) "formidable" chie, chiade "capable (de)" fichu (de), foutu (de), chie (de) Ce suffixe, neglige par Nyrop, n'est pas uniquement ad- verbal comme chez Togeby. A cote des bases verbales declama- toire (< declamer), on rencontre aussi des bases nominales la- tines aleatoire (< alea), diffamatoire (< diffamatio). Le suffixe ne saurait cacher sen caractere savant et lati- nisant. C'est pourquoi il se resume a des exemples ephemeres dans le lexique non conventionnel: bandatoire (CEL, avec une citation de Huysmans) Les exemples donnes par Togeby nous semblent discutables: di-forme et trouble sont peu probablement postverbaux (diffor- mis, turbulus - DAU), comble est sans doute un emploi adjecti- val du meme substantif (cumulus); quant a dispos, il s'agirait 139 moins d'un suffixe zero que d'une variante fran~aise de dispo- sto (it.). Nous proposons plutot bredouille (apparaissant encore com- me non conventionnel dans les dictionnaires de la langue verte du siecle dernier (D, F) et morfal (CEL); tous les deux de- celent un effet pseudosuffixal (-ouille, -al) du a leurs bases respectives (bredouiller, morfaler). Le cas de demerde que l'on trouve actuellement aussi dans l'emploi adjectival (C) est plus complexe: il ne s'agit pas d'un adjectif postverbal, mais sans doute d'un noro devenu ad- jectif a la suite de l'ellipse du determine: /systeme/D = /systeme de la/ demerde. Quant a relaxe (ou relax, GIL), il faut supposer qu'il a ete emprunte directement a l'anglais. -if Dans la translation V> Q, ce suffixe forme quelques deri- ves en fran~ais non conventionnel: jouissif, torsif (CEL) Commif denote sensiblement une troncation, (< come il faut). -atif Ce suffixe est d'origine savante et reproduit dans la plu- part des cas -ativus latin (admiratif, affirmatif etc.). Toute- fois, certains derives recents representent la translation V> Q (augmentatif, liquidatif - PR). La langue normative connait quelques rares exemples qui jouent sur l'opposition entre le cote savant du suffixe et le contenu trivial: foutatif, bandatif (CEL) -able Il est curieux de constater que ce suffixe ne reflete pas tres nettement son caractere ad-verbal dans une serie de mots non conventionnels frequemment employes: 140 minable, imbuvable, potable, impayable, impeccable, formidable -ier Le suffixe n'est guere productif en fran9ais dans ce type de translation: Nyrop se limite a un seul exemple - devancier. Il en est de meme dans la langue non conventionnelle ou nous n'en avans releve qu'un: de plus -ier s'appuie sur l'element suffixal -ass- qui le precede: foutrassier (CEL) -eur et -ard en concurrence Le suffixe -eur se realise surtout dans la derivation post- verbale en formant des noms d'agent. Sur ce plan il a, depuis le moyen fran~ais un concurrent non negigeable, -ard (fuyard, vantard) qui, auparavant, s'ajoutait surtout aux substantifs: gaillard, paillard, couard. 20 Les consequences de cette concurrence se retrouvent dans leur contamination semantique mutuelle et leurs interventions, dans les reseaux distributionnels respectifs. C'est ainsi que les derives en -eur ont fini par acquerir une valeur d'adjec- tif, indiquant "une inclination morale, un trait dominant et permanent du caractere1121 • Cependant il y a tres peu d'exemples qui s'emploient exclusivement comme qualificatifs: grondeur et grogneur (substitue successivement par grognard et grognon) dans le lexique normalise, et demerdeur (LEX) dans la langue non normalisee. La distribution preponderante de ce type de de- rives est l'emploi substantival et adjectival peu determine ce qui est l'un des traits pertinents des formations en -ard. -Eur s'est laisse en meme temps contaminer par la valeur semantique appreciative de -ard, notamment dans les doublets ou il a sup- plante -ard (flatteur, moqueur, railleur, songeur) ou dans ceux ou il figure plus frequemment. Nous ne parlerons pas des cas ou -ard n'intervient pas: batailleur, renifleur (reniflard ayant des sens assez differents: terme technique dans la norme et nez en argot). La preponderance de -eur se manifeste surtout dans les cas des formations paralleles des substantifs post- 141 verbaux, noms d'action et de resultat, en -erie (flatterie, mo- querie, raillerie, songerie, h~blerie). Les derives en -ard semblent s'imposer surtout dans les cas ou le sens du radical est motive a priori et permet une intensi- fication: bavard, criard, pillard, capitulard, vantard (norma- lises); braillard, pleurard, rigolard, debrouillard, demerdard, flanchard, vadrouillard, bragard (non normalises), leurs doublets devenant vieux et desuets. Les noms d'action en -erie, encore utilises en moyen fran~ais (baverie, crierie, pillerie, pleure- rie, braguerie, LEW) ne sont pas realises dans la langue actuel- le. D'autre part il convient d'isoler les derives en -eur, noms et adjectifs, qui ne connaissent pas de concurrents en -ard et qui font partie du lexique non conventionnel: arnaqueur, baiseur, bosseur (CEL) Il est assez curieux de ne pas trouver beaucoup d'exemples ou l'emploi a peu pres egalise des doublets c6toie leur distri- bution selen les registres: fouineur (nQrmalise) - fouinard (non normalise). Il arrive rarement aussi que les doublets soient employes a l'interieur du meme registre: plernicheur, pleurni- chard, piailleur, piaillard (faro., LEX). Il s'agit encore plus rarement d'une distribution differente /nasillard (adj.) - na- silleur (n. m., LEX)/ qui peut @tre accompagnee d'une apparte- nance aux differents registres: tra1nard (adj. normalise) - tra1neur (n. m. non conventionnel, LEX). Pour resumer cette analyse on constate, au niveau synchroni- que, qu'il existe tres peu de derives postverbaux en -ard appar- tenant exclusivement a la langue non conventionnelle. Leur emploi n'est jamais uniquement adjectival: geignard, gueulard, musard, combinard, vasouillard (LEX) -eux Dans la langue conventionnelle les adjectifs postverbaux en -eux sont plus rares que les derives postnominaux utilisant le m@me suffixe: grincheux (< grincer, dial., PR). On les cherchera en vain dans le tableau de Togeby 22 . Nyrop en cite quelques-uns: A A 23 boiteux, chatouilleux, convoiteux, facheux et rapeux Il con- state que -eux a souvent supplante -eur: hasardeux, gateux. Ici nous precisons que l'on trouve aussi des cas opposes: convoiteur semble l'emporter sur son concurrent convoiteux (LEX, PR). La constatation de Jean Dubois selon laquelle -eux aurait subi une alteration au profit de l'appreciatif -ard est fort interessante, 24 mais malheureusement pas assez documentee • Dans la langue non conventionnelle ce sont -ard et -ant qui entrent en concurrence, au moins partiellement, avec le suffixe -eux ad-verbal: foireux (qui a la diarrhee; peureux; qui echoue lamentablement) foirard (qui a la diarrhee; peureux) foirant (qui a la diarhee) Les suffixes essentiellement non conventionnels, sauf -ard, ne sont pas disponibles pour ce type de translation (V Q). Toutefois nous trouvons quelques exceptions: -as se -ouf oegueulasse (et une serie de derives moins frequents: degueulbi, degueulbif, degueul- boche, degueulbiche, degueulbitant; CEL) pignouf (< pigner; CEL) En conclusion on peut noter un exemple sporadique d'adjectif postverbal, forme a l'aide d'un suffixe normalise, mais employe uniquement dans la langue nori conventionnelle: foutral (epatant; C) 3. suffixes verbaux Parmi les translateurs grammaticaux on classera aussi les ensembles derivationnels que l'on ajoute aux radicaux nominaux (S>V, Q>V): il s'agit de la derivation flexionnelle 'mediate 125 • Elle consiste en un element derivationnel infixe s'intercalant entre un radical nominal et la flexion verbale. Cet infixe est tant6t autonome (a), tantot identique aux suffixes substanti- vaux et adjectivaux a valeur appreciative et modificatrice (b): 143 a) -oy- - { i) f i -is- b) -et- -ot- -el- -ill- -ouill- -ass- -aill- onde > ondoyer personne > personnifier utile > utiliser feuille > feuilleter chipe > chipoter (faro., PR) bos se > bosseler roerde >merdoyer (CEL) statue > statufier (faro., PR) volatil >se volati- liser (CEL) bouse >bousiller (faro., PR) gaz> gazouiller (puer, CEL) pot> potasser fouet > fouailler Cette derivation (radical nominal + infixe + flexion 27 ) semble @tre identique, au point de vue formel, a la modification aspectuelle et/ou appreciative des verbes, avec la simple inter- calation de l'infixe: -in- -ich- -on- trotter > trottiner pleurer > pleurnicher chanter > chantonner Exemples appartenant exclusivement a la langue non conven- tionnelle: -ous- planquer > planquouser -etiqu- . . . 28 pioncer > pioncetiquer -dingu- ribouler > ribouldinguer Notons une difference de sens entre merdoyer < merde et mer- doyer < merder (CEL). D'ailleurs il convient de souligner le fait que la valeur aspectuelle et appreciative est mise en valeur dans le cas des modifications verbales - puisqu'il y a une oppo- sition avec le verbe neutre; elle 1 1 est beaucoup moins dans la translation des bases nominalex aux derives verbaux, m~me lors- qu' il s'agit des infixes identiques: 144 grener > greneler dent (~ > denteler voler > voleter bec (~) > becqueter Nous proposons aussi une distinction entre les diff erents types de derives verbaux selon que le noro qui sert de base est suffixe au prealable ou non. L'intensite de la valeur aspectuel- le et appreciative est plus sensible lorsque !'element infixe ne reprend pas un suffixe preexistant: cisaille > cisailler ferraille ----ferrailler maraud > marauder mine mina ud er (patrouille) > patrouiller29 ventre se ventrouiller (TLF) bavard > bavarder 30 (bombe) bombarder31 4. suffixes adverbiaux La langue conventionnelle connait un modele par excellence de la translation des adjectifs aux adverbes de maniere en uti- lisant le suffixe -ment. Cette structure est exploitee egalement dans le lexique non normali se: vachement (tres faro., intensif, PR) chiement (CEL) connement Cependant la langue non conventionnelle cherche a opposer d'autres modeles pour la formation des adverbes, en substituant a -ment ses propres suff ixes parmi lesquels -o et -os ont acquis une assez grande importance: -o -os mollo, rapido (C) franco, chero (CEL) rapidos (CEL) calmos (Dico+plus, 8) '11 32 tranqui os 145 On trouve neanmoins des exemples plus ou moins sporadiques des adverbes et des interjections, derives a l'aide des suffixes et des finales non conventionnelles qui ne s'ajoutent pas unique- ment aux adjectifs. Ce phenomene est symptomatique d'un besoin qui semble etre reprime par la norme: -ouse -oche -uche -go -ae -caille -ag -av -ache -as(se) -ouille -ingue -iole directouse (Celine et Julie vont en bateau, film de Rivette) d'enthouse (effet pseudosuffixal apres la tron- cation; E) rasoche ! (E) a loilpuche 33 lago, icigo (CEL) jigo (< jy = oui, E) icide (C) j ide (E) icicaille (E) jag (E) jav (javi, E) macache! (jamais!, C; effet pseudosuffixal apres l'emprunt de l'arabe) salutas! (C; effet pseudosuffixal apres la troncation) des fouilles! (jamais!, E; derive regressif postverbal a effet pseudosuffixal) a tout berzingue (loc. adv., or.i.; CEL) de traviole (suffixe meridiana!; E) II. Suffixes classificateurs Ces suffixes mettent la translation au second plan. C'est le contenu semantique - classificateur et categoriseur - qui est souligne. Dans la derivation du type jardin~jardinier, moisson moissonneuse, bijou-+bijouterie on ne sort pas du discours sub- stantival. L'ajustement semantique des suffixes s'oriente dans le sens de la classification: -ier -euse homme qui s'occupe de machine servant a ... 146 -erie endroit ou l'on ••. Le fran~ais conventionnel conna!t plusieurs groupes de suf- f ixes classificateurs. -suffixes d'agent: autostoppeur, affichiste, electronicien, asphaltier, disquaire, slavisant; speaker (angl.) -suffixes de noms de lieu: infirmerie, dortoir -suffixes de noms d'instrument: tondeuse, passoire, racloir, racle.tte -suffixes designant l'appartenance: a) ethnique: Macedonien, Marocain, Bordelais, Stepha- nois, Tignard b) ideologique, politique: situationniste, giscardien, dreyfusard c) sociale: bourgeois, faubourien~ roturier, vilain (diachr.), campagnardj 5 , proletaire -suffixes designant une fonction: professorat,restauration -suffixes designant une ideologie, une tendance: scepticisme, marxisme, feminisme La categorie des mots d'origine n'est pas pertinente dans ce type de derivation. De ce fait il peut y avoir des interpreta- tions differentes a l'interieur d'un seul dictionnaire: moissonneur - personne qui moissonne (LEX, :r?. XXXIX) personne qui fait la moisson (LEX) anesthesiste - personne qui anesthesie (LEX, p. XL) personne qui pratique l'anesthesie (LEX) Un m@me suffixe peut modifier des mots differents (verbe, nom, adjectif): stockiste ~ stocker) fleuriste (< f leur) germaniste (< germanique) Deux suffixes ou plus peuvent s'ajouter a une meme base pour differencier le contenu semantique des derives: afficheur affichiste 147 Une meme idee disputee par deux suffixes dont l'un l'em- porte sur l'autre habituellement: slavisant (PR, LEX) : (slaviste, LEX) communard (communeux, NYR) pistard (PR) : (pistier, E) -Eur et -ard en concurrence a) noms d'agent -ard est plus faible: dynamiteur - (dynamitard, TLF) -ard est plus fort: capitulard - (capituleur, TLF) les deux suffixes ont une frequence plus ou moins egale a l'interieur d'un registre linguistique: pilleur - pil- lard (langue conventionnelle, PR); mancheur (E) : manchard (SC, langue non conventionnelle) les deux suffixes sont distribues a des niveaux de langue differents: vadrouilleur (fam., PR) - vadrouillard (pop., E) - les deux suffixes ont une differente distribution semanti- que (l.) qui est le plus souvent accompagnee de l'appre- ciation (2.) l. chieur : chiard 2. chauffeur : chauffard - les derives signifiant un agent professionnel se terminent souvent en -eur, meme dans la langue non conventionnelle: fringueur, arnaqueur (E) - Les cas avec la seule realisation de -ard: clochard (le suffixe -ard est neutre a cause de l'absence d'un doublet en -eur, ce qui n'est pas le cas de la serie des derives intensifies: cloclo, clodot, clodoche), souf- flard, filard, tollard (tous postverbaux; E) pistard, cyclard, motard, gamelard, flingard, lignard, zo- nard, camisard, bledard, truffard, quillard, potard, san- tarde, battousard, omnibusard, taulard, thesard, maitrt- sard (derives de noms employes dans les locutions verba- les du type faire + ... ; pour les exemples argotiques cf. E) 148 b) noms ethniques Le suffixe -ard est preponderant dans la langue non conven- tionnelle - appartenance ethnique: Pantruchard, Gascard (la quantifi- cation est fortement presente a cause de la commutation de -ard avec -on), choucroutard (la quantification est en- core plus forte a cause du transfert metonymique) - appartenance politique: republicard, cagoulard (TLF) - appartenance sociale: smigard (smicard), banlieusard, weekendard, pelousard, partousard (exemple fortement sou- mis a la quantification a cause du sens negatif de la ba- se) La classification est souvent soumise a une !'interference avec la quantification (appreciation). Le discernement notionnel est inflechi et prolonge a la fois. Etant donne le cote subjectif de l'appreciation et l'importance contextuelle pour determiner quel degre l'intensification semantique peut atteindre reelle- ment, nous avans prefere presenter l'ensemble des exemples dans le chapitre sur la classification, tout en les classant, au moins pour les noms d'agent, en deux groupes: A. derives plus ou moins neutres, B. derives a valeur appreciative. Le point de vue morpho- logique nous a amenes a distinguer: a. les derives par adjonction du siffixe, b. les derives par commutation du suffixe. Le tableau analysera la derivation a l'aide des suffixes et des finales qui sont productifs en fran~ais non conventionnel. l. Noms d'agent -ard -ouse A. (voir les exemples cites ci-dessus) B. a) flicard, cognard, mochard, centrousard (E) b) poulard, plombard, poupard, doublard, triplard (E) A. b) piquouse piquer; commutant avec un "piqueur" non realise; E) B. a) tantouse (GUI), barbouse (CEL), Marnouse (E) 149 -aille -caille -as se -ouille -o (t) -ingue -iche -ag(a) -oque -mince -mar b) centrouse (=de la Brigade centrale), fe- louse (fellaga, E) A. b) pestaille (< pester, E) B. a) bleusaille (a cote des moins usites: bleusard, bleusille, bleurot, bleuraille, bleurasse, bleuvasse; E) moinaille (TLF), plouquaille (TLF) b) capitaille (RH), lopaille : lopainkem, copain; CEL) lopaillekem B. b) poiscaille, pechecaille, blanchecaille, blanchisscaille (SC) A. b) grognasse (GUI) B. a) savantasse, fillasse (TLF), connasse, pouff iasse (CEL) A. a) fripouille, frapouille (E) B. b) soldouille (RH), fauchemandouille (E) ' pequenouille (FC) B. b) sergo (sergent, E), dirlo (directeur), travelo (CEL) B. b) dirlingue (directrice, E) B. a) bonniche B. b) poulaga, poulag (a c$te de poule, poulet, poulard, poulardin, poulardoss, poulaille, poulmince, poulmann; E) B. b) pedoque (CEL) B. b) epicemince, perruquemince, patissemince (E) B. b) epicemar, perruquemar, patissemar (E) 150 -uche B. a) dabuche (dab; prefet de police; E) b) mateluche (matelot, pej.; F) grenuche (grenouille; prostituee, GUI) -muche B. a) dabmuche (dab; petit patron, E) b) secretmuche (secretaire, F) 2. Noms ethniques (au sens large) Les suffixes classificateurs ajoutent en meme temps au mot non conventionnel une valeur quantificative et intensifiante. -ard a) appartenance ethnique: Pantruchard, Gascard, croutard) (chou- b) appartenance politique: republicard, cagoulard, blocard, chosard, chequard (TLF) c) appartenance sociale: coquillard, justiciard, galon- nard, salonnard, sorbonnard, cyrard (TLF) -ouse a) franzouse (IGLF) -ouche a) crouilledouche (crouillat -uche a) romanuche (Romanichel, E) -boche a) Alsaceboche, Italboche (E) -go (t) a) Parigot, Espago, Italgo (E) -o magrebien, CEL) a) Italo, romana (romanichel; E) 3. Noms de lieu Les suff ixes et les f inales de la langue non conventionnelle sont assez productifs lorsqu'il s'agit de former des noms communs et des noms propres de lieu. On est surpris par la frequente de- rivation dans les champs semantiques de "prison" et de "cabaret", ce qui temoigne de la valeur d'euphemisme que possedent ces suf- 151 fixes et ces finales: - "prison" (notion ou lllll propre) -ard placard, mitard, jetard, gaspard (E) -ouse complouse (IGLF); la Centrouse (CEL) -oche la Bastoche, la Santoche (E) -aille -ouche -aga la Santaille, Saint-Denaille {E) caruche (LRU), cartuche (M) la Bastaga {E) - "cabaret;"(lieu de distraction et de debauche) -ard bobinard, boccard, cagnard (bordel, E) taplard, guinchard (cabaret ou on danse, -ouche caberluche (BRU) -muche cabermuche (E) -ingue bastringue {E) - significations diverses -ard -ouse -ache -ingue bouclard, boucard (E) garouse (SC) hopitache (E) casingue (LB), reftingue {E) - t;opongmes et noms de rues et de quartiers parisiens -ouse la Chapelouse, la Villetouse {E) E) -uche Pantruche, Pampeluche; Coluche (Cologne), Me- nilmuche (E) -muche -ingue Toulmuche ·(Toulon), Bordeaumuche (E) la Popingue (SC) Parmi les suff ixes productif s dans ce domaine il faut mention- ner -oche qui est disponible en dehors des champs semantiques de- termines: -oche cantoche (C), clinoche (SC), pistoche (E), sacristoche (RH); les Invaloches (E) 4. Noms d'inst;rument;s (appareils, machines, outils, armes etc.) -ard phonard {SC), couinard, flubard (E) 152 -ar de -ouse -ouche -oche -uche -muche -aille -ingue riflard (SC) couplard, flambard, zigomar (E) petard, bavard (E) flambarde (E), choucarde (SC) babillarde (SC), criarde (E) grif farde (SC) bouffarde (E) baudrouse (TLF), tortouse petouse (E), canardouze (TLF) limouse (E) marmouche, merouche (E) pinouche, mornouche (CN) sourdoche (LRU) bottoche (E) meruche (E) telemuche (E) sacaille (LAC) rouaille (F) rouletaille (E) sorlingue seringue bastringue (E) 5. Autres aires semantiques A c6te des ensembles semantiques analyses qui completent les structures identiques de la langue conventionnelle, on remarquera un grand nombre de derives qui s'inscrivent dans les aires se- mantiques representant le domaine de predilection du lexique po- pulaire et argotique: argent, v@tements, parties du corps, notam- ments celles qu'on prefere ne pas nommer en 'bonne' langue. Argent -ard francouillard (SC), flechard (E), petard (E), thunard (SC), blafard, testard, sigard, raidil- lard, tratnard (E) 153 -aille ferraille, mitraille (SC) -ouille menouille (E) -ouse galetouse (E) -ingue badingue (E) vetements - couvre-chefs: faluche pintard; - chemise: - maillot: kepiard, · keblard (kebroque, kep~s; E) doulard (doulosse, doulasse, doul; E) chaplard, cabochard, bosselard (E) caberluche (E) limouse lemarde (E) leotard (E) - cale~on, culotte: - pantalon: - costume: - cravate: - souliers: Parties du corps - tete: braillard (E) minouse (C) fendard, pantalzar, benard (E), falzard (SC) benouse (E) costard (C) cravetouse (E) grevoche (F), filoche (E) godasse (C) espadoche espaga (E) tromblonard (TLF), cocarde (E) citrouille {C), petrouille (F), boudouille (IGLF) calebasse (C) caboche (SC) 154 - figure: - cheveux: - nez: - bouche: - levres: - dent: - langue: - barbe: - seins: - ventre: frimouse, marmouse (E) tignasse tubard, reniflard, piffard (E) pifasse (E) placard limaces (C) piltoche (E) langouse, languetouse (TLF) barbouse pendards (GUI) tripaille (F) tetasses, besaces (GUI) quetouches (CN) placard, bidonnard (E) berdouille (D) - posterieur, anus: placard, fouettard, ognard, troufignard(E), tapanard, prozinard (SC) bagouse (GUI) pastoche (GUI) - testicules: cliquailles, pastrailles (GUI) balloches, batoches, pendiloches (GUI) - rnembre viril: braquemard, poignard, (pere-) frappard, polard, billard, brichonard, penart, etendard (GUI) quenouille (GUI), andouille (SC) limace (GUI) pendiloche, pinoche (GUI) seringue (GUI) - parties sexuelles de la femme: gripard(GUI) cramouille (E) conasse, crevasse, fadasse (GUI) belouse, craquouse (GUI) 155 - main: minouche {SC) guenuche {GOI) patoche {SC), paloche {E) grimouche {E), minouche {CN) paluche {E) - pied, jambes: panard {SC) , brancard {E) patouche {CN) - corps: carcasse {DCL) III. Suffixes quantificateurs Les suffixes quantificateurs n'apportent aucun changement quant a la partie du discours realisee dans le mot de base, cri- tere qui permet de distinguer ce type de suffixes du type des translateurs. Il reste a trouver des criteres pour la distinction entre les classificateurs et les quantificateurs: car il y a des cas ou la partie du discours ne change pas, dans les deux types de deriva- tion: cycle - cyclard {partie substantive du discours) flic - flicard {id.) Toutefois il s'avere que les classificateurs detachent les notions de base de leur champ semantique: le cyclard est seman- tiquement different du cycle {le passage de l'instrument a la personne qui s'en sert). Les linguistes eurent le soin de donner des precisions terminologiques. M. Weber parle de la derivation exo-genique ou formatrice 36 , A. Martinet de la derivation exo- centrique37, K. Togeby des derivatifs heterogenes 38 dans le cas des suffices classificateurs {et modificateurs!). Ils opposent aux precedents soit la derivation endo-genique, transformatrice et modificatrice, soit la derivation endo-centrique ou encore les derivatifs homogenes,· lorsqu'il s'agit des suffixes quanti- ficateurs. En effet, on constate une continuite semantique et syntaxique dans la derivation quantificatrice {appreciative) due au "pro- 156 longement du mouvement particularisateur de la discrimination notionnelle1139 • Flicard peut se substituer a flic sans qu'on ait a effectuer le moindre deplacement dans la totalite des enonces ou cette substitution interviendra. (Les echanges dans la sphere nominale entre nents). substantifs et adjectifs, ne sont pas perti- Charles Bally souligne un autre aspect interessant qui per- met d'opposer les suffixes quantificateurs aux deux autres ty- pes de suffixes (translateurs et classificateurs). Il s'agit des sens opposes quant a la determination respective du suffixe et du radica140 : determination progressive (le radical determine la contenu du suffixe) connerie = qualite (-erie) de celui qui est con lignard = celui qui (-ard) combat sur la ligne soit: determinant + determine (conne) (ligne) + (-erie) + (ard) - determination regressive (le radical est determine par le contenu du suffixe) determine vin + determinant + (-asse) En ce qui concerne la valeur fondamentale des suffixes que nous analysons dans ce chapitre - la quantification - ils se- ront repartis en deux categories: les diminutifs et les augmen- tatifs relies par la notion de l'intensite41 • Une classe particuliere des suffixes augmentatifs est pre- sente dans les noms collectifs (rac - rocaille, caillou-cail- lasse). Une sous-espece des suffixes diminutifs se retouve dans les suffixes dits approximatifs et qui sont generalement adjec- tivaux (palot, grandet, maigrelet, maigrichon, jaunatre dans l~ langue conventionnelle42 ; faiblard, vasouillard, jeunabre= plu- tot faible, vaseux, jeune, dans la langue non conventionnelle). 157 oans la derivation verbale la notion quantificatrice est toujours accompagnee de la valeur aspectuelle (frequentative, iterative, durative): rimailler, tournailler, revasser, trainas- ser, flanocher. Le fran~ais ne connait pas d'exemples d'une quantification pure et simple en dehors des termes techniques (charrette, ga- leasse) ou il n'est pas question, au depart, d'une "valeur emo- ti „43 ve • Celle-ci est la consequence d'une attitude generale dans l'acte de parole qui veut qu'on interprete la quantite de fa~on qualitative, soulignant tantot le cote melioratif ou laudatif, tant6t l'aspect pejoratif ou denigrant. De ce fait, les notions diminutives peuvent souvent passer "de l'idee de petitesse a celle d'exegu1te, d'insuffisance, ou au contraire a des notions laudatives (impressions de quelque chose de coquet, d'agreablel 1144 • La langue non conventionnelle oppose a chambrette et jardinet conventionnels, des exemples comme paluche {E), minouche (SC, CN). C'est le contexte qui de- termine definitivement ces rapports. D'autre part il existe des exemples ou le diminutif passe inevitablement au pejoratif: les deux niveaux de langue peuvent former des derives paralleles: parlotte - parlouille. Dans le cas des augmentatifs l'appreciation se fait le plus souvent dans le sens suivant: grand demesure ~~~~ depreciatif. Ceci vaut surtout pour les suffixes -aud {lourdaud), -eux (partageux) 45 et -ara, -aille, -asse: richard (tres riche----+ trop riche ____., qui se complait dans sa richesse) vachard {mechant - cruel) philosophai11e (groupe nombreux ------;. de mauvais philosophes) ragougnasse (mauvais ragout ~ cuisine infecte) Le revirement de la notion augmentative en notion depreciative ou pejorative n'a pas lieu systematiquement ou n'est que se- condaire: gaillard (le sens "egrillard" est minoritaire) rocaille (tas de pierres; caillasse semble plus depreciatif) 158 L'operation du discernement notionnel se prolonge, dans le cas des derives formes a l'aide des suffixes quantificateurs, dans la direction de la particularisation et de la specifica- tion. Le degre atteint par ces deux processus dependra du con- texte emotif et social. La specification appreciative se dirige, d'un cote vers la diminution et l'intensite decroissante {qui deviennent, au second plan, melioratives ou pejoratives) et de l'autre vers l'augmentation, l'intensification {exprirnees dans la plupart des cas uniquement par la pejoration). Si la langue conventionnelle semble donner une place de pre- dilection aux diminutifs {d'ailleurs on peut en juger d'apres le grand nombre d'etudes analysant cette question), le fran~ais non conventionnel prefere l'epaississement {au sens strict du mot): c'est le regne de l'hyperbole et de l'emphase {C'est une cata- strophe! = c'est bien ennuyeux), de l'antiphrase et de l'ironie {Vous voila bien avance! = ce que vous avez fait ne vous a ser- vi de rien), et celui de la litote {Pas con, le mec! = ce gar- ~on est fort intelligent). Tout est oriente vers l'exageration, vers l'enflure de sens. Cette realite se traduit aussi dans la derivation suffixale non conventionnelle. M@me les suffixes qui par leur origine devraient avoir un sens diminutif sont entres dans le camp ad- verse des augmentatifs, par le biais de la depreciation qui, tres souvent, s'eclipse ulterieurement et de la litote: -o(t) -ouille -uahe conno{t), connaud = un petit con dans le propos injurieux un petit con~~~~~~~~~~~~~--- grand con un pedzouille, pequenouille: un petit pequenot ~~~~~~un grand pequenot, un rustre {CEL) dabuche: petit papa~ petit grand-pere grand-pere {E) Mais cette tendance a enfler le sens n'est pas realisable d'une maniere absolue. Elle s'arr@te souvent, et selon le con- texte, dans de simples alternances phonomorphologiques, a peine nuancees au point de vue semantique. Dans le cas de la suffixa- 159 tion non conventionnelle cela signifie deux choses: le suffixe qui doit modifier un mat simple ou un derive avec un autre suf- fixe est cense etre beaucoup plus intensif ou simplement diffe- 46 rent • La langue non conventionnelle prefere actuellement, selon natre opinion, la simple alternance des suffixes appreciatifs qui conservent leur valeur de quantificateurs, surtout par rap- port a la langue normalisee. Un enonce comme "Frarn;:ois m I avai t branche sur un coup de teloche" (CEL) apparait tres neutre dans un rnilieu non conventionnel, .le suffixe -oche ne representant qu'une possibilite de dire la chose autrement, d'eviter les eternelles "television" et "tele". Il n'y a aucune trace de no- tion augrnentative ou pejorative. Contrairernent a cela, un inter- locuteur (lecteur) du milieu linguistique essentiellement con- ventionnel decelera tout de suite ces deux notions dans teloche: il pensera a ses experiendes anterieures avec ce suffixe: barnboche (fam., LEX), caboche (fam. et pej., LEX) bidoche (pop. et pej., LEX) L'element derivationnel classe "appreciatif" constitue done de plus en plus, au sein de la langue non conventionnelle, une simple possibilite de variation, de renforcement expressif ap- paraissant dans des couples oppositionnels tels que: costurne valise Bulgare costard valoche, valtouse, valdingue Bulgoche(releve par l'auteur) La valeur de l'appreciation quantificative et qualitative des suffixes cede le pas, surtout dans les derives relevant de la realite objective (objets etc.), a la dirnension d'une inten- sification alternative. Le phenomene de la suffixation appreciative signifie ainsi une interference curieuse de deux tendances opposees: la moti- vation socio-stylistique d'une part (con~ue a partir de la nor- me), et le besoin d'expressivite (ressenti en dehors de la nor- me). Ainsi les creations neologiques plus ou moins ephemeres des grands stylistes 47 de la langue fran~aise s'opposent en quelque 160 sorte a celles qui prennent leur source directement dans la langue non conventionnelle. Ces dernieres sont plus neutres, et moins motivees que les premieres. Un cas particulier et qui represente une transition entre les deux attitudes est sans doute celui qui nous est offert par l'ecriture de L. F. Celine. Il fait valoir dans un discours partiellement conventionnel ce besoin d'expressivite, qui, selen la definition tres juste de H. Frei," ••• tend constarnrnent a remplacer les oppositions usuel- les, a mesure qu'elles deviennent automatiques et arbitraires, par des oppositions neuves, chargees par leur imprevu de mettre en eveil l'attention de l'interlocuteur et de faire jaillir chez lui un minimum au moins de conscience ••. 1148 Les deux tendances se retournent d'ailleurs centre la norme - semantique ou/et morphologique. Pour en revenir a Celine, nous pouvons relever grace a la nomenclature des nomenclatures inverse et les etats- -concordances, (publications informatisees du grand dictionnaire Tresor de la langue fran~aise), uniquement dans son oeuvre Mort a credit, un nornbre considerable de ses propres neologismes (a) ou de derives non conventionnels qu'il est un des rares a emplo- yer (b): a) ragouilasse, marmelasse, faineasse, parlouille, pequenouille poloche b) conasse, petouille, petoche, pequenouse, flouze, lopaille, boustife, rapidos, zigomar, canard (fusil), cocard, degonflard. L'opposition entre le traiternent de la norme et celui de la langue non conventionnelle est visible dans la lexicographie: tandis que les lexicographes de la langue non normalisee evitent les precisions sur l'appartenance sociolinguistique et stylisti- que des vocables (elle est en effet peu ressentie), les diction- naires de la "bonne" langue n'hesitent pas a accompagner leurs derives appreciatifs de toutes sortes de qualificatifs ou d'ex- plications: boniche - bonne (C) pej. bonne (PR, LEX) 161 bonnard - bon (C) naif (E; l'explication du mot prouve qu'il avait dans la premiere partie de notre siecle encore une valeur depreciative qu'il ne possede plus a l'heure actuelle) mochard - laid (E) assez moche (PR, LEX) mochard - denonciateur (SC, C) pej. espion (PR, LEX) furibard - furieux (C) superlatif de furieux (LEX) Tous les exemples cites ci-dessus admettent tres bien, quant a la semant9se de leurs bases, une gradation quantificative et appreciative qui n'existe pas dans les exemples du type - costard, cinoche, galetouse. Il parattrait, a en croire les lexicographes de la langue 'verte' que le degre de la quantification est tres bas en fran~ais non conventionnel, pour ne pas dire neutre. In- versement il est ressenti d'une maniere plus intense dans la langue normalisee. Ceci dit, il serait peut-etre trop tot pour declarer que l'appreciation a tendance a disparattre du lexique non conven- tionnel. La derivation avec le suffixe -asse y reste fonciere- ment pejorative, meme dans les cas ou le mot de base a un sens neutre: vinasse, ragougnasse, caillasse. Par ailleurs, la pejoration semble decouler des bases nega- tives et non pas d'un caractere a priori depreciatif des suffi- xes non conventionnels. C'est quasiment une regle dans la deri- vation des adjectifs a partir d'une base nominale (adjectivale ou substantivale); qui peuvent s'employer egalement comme noms: -ard -ingue -as se mochard, rossard, vachard, tartouillard, vio- card, connard, vasouillard; rondouillard, mignard cradingue, salingue, follingue, louftingue, lourdingue, sourdingue mol las se 162 -ouse tartouse -aiUe duraille, muraille Dans la derivation homogene des substantifs, la valeur pe- jorative provient soit du contenu depreciatif de la base (a) soit de son sens figure negatif (b): -ard a) flicard, poulard, soulard b) mollard -ouiZZe a) crassouille -as se a) la vas se (< lavure), connasse -aiZZe a) flicaille, marmaille b) bleusaille -aaiZZe b) mouscaille -oahe a) clodoche b) bidoche, filoche -uahe b) paluche -ouse b) tantouse, partouse; planquouse, galetouse, perlouse Un autre groupe de substantifs ajoute ou substitue les suf- fixes a des mots semantiquement non motives; ici il s'agira d'une simple intensification alternative: -ouse -ingue -oahe -uahe barbouse, piquouse, cavouse, filetouse, langou- se, languetouse,garouse, valtouse, sacouse dirlingue, burlingue, pardingue, valdingue cinoche, valoche dolluche, meduche, galuche Le sens neutre de la base est alterne par un derive augmen- tatif (collectif) et pejoratif dans des exemples du type fer- raille. Les raisons pour lesquelles la valeur appreciative des suf- fixes quantif icateurs est en train de decliner en fran~ais non conventionnel sont complexes. Elles sont bien esquissees dans la constatation de Frei que J. Dubois reprend dans son Etude sur la derivation suffixale en fran~ais moderne et contemporain: 49 163 " la morphologie expressive reside dans les substitutions des suffixes. Lorsque par analogie le suffixe se repand hors de son domaine initial, et que l'opposition intersuffixale s'efface, l'expressivit~ tend a diminuer. Seule la valeur d'emploi de la base conserve la pejoration .•• " La concurrence des suffixes dont il .a ete question surtout en liaison avec -eur et -ard, mene a un nivellement de leur structure et a la contamination mutuelle du sens. Cette egalisa- tion est loin de mettre a profit l'expressivite des suffixes, laquelle finit par etre ternie. La valeur appreciative, soujacente dans la structure des suffixes quantificateurs, subit une alteration etant donne que ces m@mes suffixes sont distribues simultanement dans la trans- lation et la classification, c'est-a-dire dans la derivation heterogene. La possibilite d'une derivation homogene, lineaire, a une seule dimension, ou il n'y aurait de place que pour la quantification, l'appreciation et l'intensification, s'avere inexistante, fictive. L'element derivationnel se trouve done ballote entre des structures tres differentes. Le contenu quan- tificateur est, de ce fait, souvent transpose dans des domaines ou il ne saurait etre primordial; inversement, il est neutrali- se la ou il devrait etre evident. Les series synonymiques suff ixees contribuent a leur tour a un affaiblissement de l'identite des suffixes particuliers. C'est par exemple le cas de -ouse et -ouiZZe dans les series comme: campagne - cambrousse, cambrouse, cambrouiZZe, campluche; tarte adj. - tartouse, tartouiZZe, tartousard, tartouiZZard, tartignolle, tartavelle. Il en est de meme dans la formation des verbes a l'aide des infixes -ass- et -aiZZ-: tratnasser, tratnailler. Cette faible determination des suffixes s'accompagne d'un autre phenomene qui neutralise leurs identites respectives: leur caractere redondant aboutit a la saturation. Le suffixe perd son efficacite sur le plan de son signifiant et posterieure ment sur celui de son signifie, a cause justement de son em- ploi frequent dans les series ou il est interchangeable. C'est 164 sans doute l'une des raisons pour lesquelles l'element suffi- xal -muahe (confronte souvent a -mar et -minae), en pleine ex- pansion a la fin du siecle dernier, bat en retraite a l'heure actuelle: on lui trouve un seul derive relativement recent: te- lemuche (telephone, 1945, E) - qui n'est d'ailleurs pas repris par les dictionnaires non conventionnels les plus recents (C, CEL). Le meme sort peut frapper le dernier des suff ixes conjonctu- rels dans le domaine de la derivation non conventionnelle: la finale -os (chouettos, craignos, charcutnos etc.) court le ris- que de se fletrir dans les abus publicitaires cornme: "Menthos /-os/, pastilles en rouleaux /-os/! La valeur expressive de la plupart des suffixes que nous avons etudi~s peut etre totalement transformee a cause de l'epuisement de leur efficacite sonore, a cause de la redondance. Il n'est m~me plus paradoxal que le suffixe zero nous parais- se le mieux repondre aujourd'hui, au besoin d'expressivite qui continue a regir la derivation non conventionnelle; aussi bien dans les derives regre.ssifs que dans les mots tronques, munis d'un effet pseudosuffixal supplementaire: demerde combine (demerdement, demerdise) ( b . . ) 50 com 1na1son La coherence et la differenciation au niveau syntaxique et semantique, l'expressivite morphologique et la productivite des suffixes dependront ainsi des facteurs exposes plus haut. Ajoutons que tout neologisme derivationnel, aussi ephemere soit-il, temoignera de la disponibilite et de la productivite, au moins latente, d'une structure suffixale determinee. Le terme: fran~ais non conventionnel conna1t une veritable promotion apres la parution assez recente du dictionnaire portant ce titre et redige par J. Cellard et A. Rey. Il semble se substituer au terme: fran~ais avance, plus "tech- nique", de H. Frei et qui a encore ses adeptes (G. Stein- mayer). L'auteur se sert, dans la version slov~ne, du terme: langue non normalisee, proche de la terminologie des lingui- stes allemands (Cf. "Nichtnorm" de B. Miiller, Das Franzosi- sche der Gegenwart, p. 195). 165 2 comparer ~vec Meyer-Lilbke, Historische Grammatik .•. t. 2, 168. 3 Le -s est prononce. L'emploi adjectival de -os, relativement recent, semble vou- loir supplanter l'usage plus ancien de cette finale dans les substantifs (poulardoss) et les adverbes (rapidos). 4 Cf. l'etude de Denise Fran~ois sur les argots (in: Le Langa- ge, la Pleiade, p. 631):on y trouve, dans une m@me classe, les derives suffixes (toutime), les derives issus de la com- mutation du suffixe avec un element non suffixal, ainsi que les formations avec ou sans effet pseudosuffixal et qui re- sultent d'une troncation (occase). 5 On arrive a considerer, en linguistique, la derivation fle- xionnelle de plus en plus comme equivalente de la derivation suffixale. (Cf. K. Togeby, Structure immanente de la langue fran~aise). 6 Les formations ephemeres refletent tres souvent les deficien- ces du lexique (conventionnel); elle ne disposent pas cepen- dant d'une force suffisante pour combler les "trous". 7 La derivation pseudosuffixale nous para1t tres importante en fran~ais non conventionnel. Il s'agit de l'homophonie des fi- nales non suffixales avec les suffixes 'identifies'. Ce phe- nomene appara1t dans les noms propres metonymises (ringard, dans les emprunts (canaille< canaglia, it.), dans les mots ou la finale homophone ne represente pas un suffixe a l'ori- gine (andouille < inductile, lat.), dans les deri ves regres- sifs (cafouille < cafouiller) et dans les formations tron- quees (passe < passeport). 8 Dans une coupe synchronique les f inales des monosyllabes semblent produire egalement un effet suffixal. 9 Mot passe dans la norme (PR). Il continue a @tre present dans les dictionnaires de la langue non conventionnelle. 10 R. Martin: A propos de la derivation adjective. Quelques no- tes sur la definition du suffixe, p. 164. 11 R. Martin n'emploie que le terme: classificateur. Quant a l'elargissement terminologique, cf. la th~se assez recente de Danielle Becherel "La Derivation des noms abstraits en fran~ais. Concurrence des suffixes. ": il y est question de translateurs grammaticaux (p. 69), de categoriseurs semanti- ques (p. 75) et de quantificateurs ou appreciatifs (p. 77). 12 R. Martin, op. cit., p. 166. 13 Le terme de translation a ete promu par Bally et par Tesniere (cf. J. Dubois et allii, Dictionnaire de linguistique, p. 497). Cependant Bally parle aussi de la transposition, terme qui semble etre plus proche de R.Martin (op. cit., p. 156- 157). 14 Cf. G. Guillaume, Le~ons de linguistiques, B, p. 93. 166 15 K. Togeby attribue un caractere moins savant a -aison qu'J ses doublets latinisants -ation, -ition, -ison (Structure immanente ... , p. 172) ce qui nous para1t une proposition de classement fort heureuse. 16 Cf. K. Nyrop, Grammaire historique, t. 3, p. 257. 17 Cf. Structure immanente ... , p. 175-176. 18 Cf. t. 3, p. 116. 19 Comparer avec les exemples de la langue conventionnelle: bri- se, vide, esquinte, ereinte, harasse, lessive, vanne, fourbu, moulu, rompu etc; mort, synonyme de cane, provient de l'em- ploi transitif du verbe mourir en ancien fran9ais. 20 Ce chapitre de la suffixation a ete etudie, du point de vue diachronique, par H. Lewicka (La langue et le style du theStre comique fran9ais des xve et XVIe siecles. 1. La Derivation). 21 E. Benveniste, Mecanismes de transposition, p. 48. 22 K. Togeby, Structure ... , p. 176. 2 3 Nyrop, t. 3, p. 11 7-11 8. 24 J. Dubois, fitude sur la derivation suffixale en fran9ais ... , p. 82. 25 Par opposition a la derivation 'immediate' (cf. Nyrop, t. 3, p. 194-203. 26 En consultant le tableau des 'modificatifs' chez Togeby (Structure, p. 170) on ne peut qu'approuver la constatation de Nyrop (t. 3, p. 198): -in-, -och- et -on- ne s'ajoutent qu'aux verbes. /-Uch- dans pelucher n'est pas un infixe, il s'agit d'un derive flexionnel a partir de peluche./ 27 L'infixe et la flexion forment un ensemble que certains nom- ment suffixe verbal (Nyrop, t. 3, p. 198-203). 28 Ici il s'agit d'un ensemble infixe constitue par le diminu- tif -et- et l'iteratif -iqu(e)-. Ce dernier est present dans tourniquer. 29 Ce verbe n'est postnominal que dans la conscience synchroni- que. Sa vraie origine est pattouiller (< patte, DAU). 30 Un rapport identique existe dans l'exemple moucharder (< mouchard). Le sens pejoratif provient du radical mouche. 31 Bombarder est issu de bombarde; mais la parallele synchroni- que jeter des bombes - bombarder impose une 'fausse' etymo- logie. 32 A cote de tranquillose que l'on cherche en vain dans les dictionnaires. Notons aussi l'emploi adverbial de tranquille, forme a l'aide d'un suffixe zero fictif dans la derivation dite impropre. Cet emploi sert a intensifier l'enonce. 33 Il s'agit de la derivation appelee 'argomuche'; le mot d'ori- gine •a poil" passe par un stade largonji •J loilpe•, au de- rive suffixal posterieur. 167 34 La norme accepte quelques autres derives en -ard: communard, quarante-huitard (LEX). 35 Montagnard, maquisard, bagnard ont egalement un usage nor- malise. 36 M. Weber, Contribution a l'etude du diminutif ..• , p. 123 ss. 37 A. Martinet, Elements ... , p. 132. 38 K. Togeby, Structure immanente ... , p. 48. 39 R. Martin, A propos de la derivation ... , p. 165. 40 Ch. Bally, Linguistique generale ... , p. 242. 41 La suprematie des diminutifs et des augmentatifs par rapport aux pejoratifs et laudatifs, a ete soulignee deja par Bally (op. cit., p. 240). 42 J. Dubois (Grammaire structurale, la phrase, p. 167) classe parmi les approximatifs, des exemples comme blondasse, fa- dasse, mollasse qui nous parraissent @tre surtout pejoratifs. 43 Cf. Ch. Bally, Linguistique generale ... , p. 240. 44 D. Becherel, op. cit., p. 79. 45 Cf. J. Dubois, Etude sur la suffixation ... , p. 17. 46 Ce fait a ete esquisse deja par Meyer-Lubke (Hist. Gram., t. 2., 168.). En parlant de -ache, -oche, -uche, -iche il ecrit: "Die Bedeutung ist teils verkleinernd, teils vergr6- ~ernd, sehr h§ufig einfach variirend." 47 Citons p. ex.: "Par la pantoufloche de la pantouflochade!" de v. Hugo; froidasse, baudruchard, bedolard, cruchard, ga- nachard, croutard; hymeneo-pocharde, mangearde de G. Flau- bert. M@me Claudel (rif landouille) et Montherlant (gossaille) ont recouru a la suffixation non conventionnelle. 48 H. Frei, La grammaire des fautes, p. 237. 49 Cf. p. 82. 50 A comparer avec sourdine (it. sardina, PR). BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE Les suffixes ont ete etudies d'apres la documentation (XIXe et XXe siecle) du Tresor de la langue fran9aise, diction- naire dont la redaction est assuree par l'I.N.A.L.F. - C.N.R.S. de Nancy, et plus precisement d'apres les documents suivants: FC FT IGLF Dictionnaire des frequences Etats-concordances Fiches-texte Inventaire general de la langue fran9aise - litteraire et technique Index technique cumulatif Nomenclature des nomenclatures inverse Les deux derniers elements de cette documentation operent 168 pratiquement avec l'ensemble des dictionnaires de la langue fran9aise, excepte les plus recents. c'est pourquoi nous nous limiterons sur le plan lexicographique aux abreviations des dic- tionnaires frequemment cites dans notre etude. 1. 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Povzetek STRUKTURIRANJE VREDNOSTNIH PRIPON V NENORMIRANI FRANCOŠČINI Disertacija z naslovom "Strukturiranje vrednostnih pripon v nenormirani francošdini" analizira tri osnovne sklope izpe- ljave, kot jih opredeljuje guillaumistidna lingivistika: funk- cijsko preusmerjanje (translatorji), pomensko razvršdanje (kla- sifikatorji) in pomensko vrednotenje (kvantifikatorji). Raba pretežno nenormiranih pripon in kondajev, ki se v zavesti govo- redih zdijo namenjene predvsem vrednotenju, se razvršta v vse tri omenjene kategorije. Prehajanje besed iz ene v drugo upovedovalno strukturo s po- modjo nenormiranih pripon je obdelano zlasti ob primerjavi z enakim pojavom v normiranem jeziku. 173 v pregledu razvrščevalnih razsežnosti in nalog nenormiranih pripon se splošnim tipom pomenske klasifikacije (nomina agentis, n. ethnica, n. loci, n. instrumenti) dodani tudi onomaziološki sklopi, ki so značilni za ljudski jezik in argo. Z analizo vrednostnih pripon avtor poskuša osvetliti pojav pojmovne razločitve, ki se podaljšuje v smeri kavantificiranja (večalno, manjšalno), kar se zdi v nenormirani francoščini važ- nejše od ugotavljanja vrednostne zaznamovanosti (slabšalno, ljubkovalno). Nasploh večalnost bolj kot manjšalnost ustreza ekspresivnemu - zlasti hiperboličnemu in antifrastičnemu izra- žanju. Posledica te naravnanosti nenormiranega jezika je, da so po izvoru sicer manjšalne pripone dobile pretežno večalno vse- bino. Tudi slabšalnost je v tovrstnem besedotvorju prisotna v prvi vrsti glede na normirane opozicije; v nenormiranem jeziku je le redko sistematična (-asse), pri večini priponskih izpe- ljank pa izvira iz negativnega pomena podstave. Vzpostavlja se nov odnos pri homogeni izpeljavi: alternativnost, ki se le de- loma naslanja na pomensko stopnjevanost. Izpeljava z vrednostnimi priponami v sodobni nenormirani francoščini menja svojo intenzivnost zlasti glede na trenutne potrebe v jeziku. Med vzroki za njeno slabljenje so vključeva­ nje teh pripon v strukture, ki so v zavesti govorečih drugotne- ga pomena (translacija, klasifikacija), konkurenca med pripona- mi in njihova pogostna redundanca. Vzporedno pa se krepi ekspre- sivnost ničelne izpeljave in izpeljave s psevdosufiksi. 174