DESCRIPTION DU CAP DE BONNE-ESPERANCE TOME SECOND, DESCRIPTION DU CAP DE BONNE-ESPERANCE. Où l'on trouve tout ce qui concerne L'HISTOIRE .NATURELLE DU PAYS-, La Religion , les Mœurs & les Ufages DES HOTTENTOTS» et l'établissement DES HOL LAN DOIS» TIREE DES MEMOIRES De Mr. PllRM KoiBl , Maître es Arts. Drcllcs pendant un féjour de dix Années dans cette Colonie , où il avoit été envoyé pour faire des Obfcmtions Aftronomiques Se Phyii^ueg TOME SECON ViAffiA A AMSTERDA Chez Jean C a i u f f e. M. DCC. X L 11 I. TABLE DES CHAPITRES De lu féconde Partie. CHAPITRE L Defcription Ta-pographîque du Cap de Bonne-Espérance. Page r I. Divifion générale du Cap de Bonne-Espérance. II. Idée générale du. Diftritl du Cap , &fis bornes. III. De la Vallée de la Table. IV. De la Fille & du Fort de Bonne - Efpérance. V. De ïljle de Robben. VI. Des deux Jardins de la Compagnie. VIL Montagne du Tigre, celle des Vaches. VIII. Montagne Bleue. IX. Vallée des Buffles. X. Des Montagnes de pierre. XI. De celles que les Portugais appellent Los Picos fra-gofos, & de celles de Norvège. XII. De celles de la Table. XIII. Phénomène fngulier qu'on y a obferzié. XIV. Eaux qui en defeendent. XV. Ses Mines, X VI. Nuage qui paroh quelquefois fur cette Montagne. XVII. D'où la Montagne du Lion a pris ce nom. Sa Tome II, * Jïtuatiojt* TABLE fituation. XVIII. Fontlions des Sentinelles qui y font placées. XIX., Pavillons. XX. Petit Fort bâti au pied de cette Montagne. XXL Obfervation fur les Terres des environs. XXII. Montagne du Vent ou du Diable. Sa for me or fa fituation. XXIII. Des Rivières. CHAPITRE II. Defcription Topo-graphique de la Colonie de Stellen-bosch. Page 31 J. Par qui cette Colonie a été établie. II. Ses Bornes. III. Le Village de Stellen-bofch réduit en cendres. IV. Divifion de la Colonie. V. Chemins qui y condui-fent depuis le Cap. VI. De la Hollande Hottentotte. VII. Sa fertilité & fes Rivières. VIII. Des biens qu'y pojfédoit la famille Van der Stel. IX. Du Lac ç-r de la Vallée du Bœuf-marin , oh plutôt de l'Hippopotame. X. Defcription de la fauflè Baye. XI. Fort qu'on avoit élevé fur cette Baye. X 11. Dtt Moddergat, fécond Quartier de la Colonie. De fan terroir. XIII. Des Eaux qui l'arrofent. XIV. Du Quartier de Stellenboîch propre. Sa fertilité cr fa ftuation. XV. Ses Montagnes ,fes Rivières 8c fes Ponts. XVI. Campagnes qui ornent ce Quartier, XVfl. Bornes dtt ! BdtteJary. DES C H A P I TR E S. •Bottelary. XVIII. Ses Montagnes.XIX. Ce Quartier manque de bonnes eaux, & de bois. CHAPITRE III. Defcription Topographique des Colonies de Drakens-tein , & de Waveren. Page 5$ I. Quelle Nation habite le Quartier d* Draken ftein. II. D'où il a pris ce nom. III. Situation de cette Province , & fa divifion. IV. Etat de cette Colonie ,& fin Gouvernement. V. De la première partie du Draken ftein >fon terroir >fin air ,fes eaux & fes montagnes. VI. De la Rivière de la Montagne. VII. Des Chemins , & des Campagnes qu'il y a auprès de cette Rivière. VIII. De l'E-glife. IX. D'une efpece de Marché. X. Terresfituées entre l'Eglife & la Vallée du Charron ; la Tour de Babylone.XI. Montagne de la Perle. XII. De la Vallée du Charron. XIII. De la Vallée & du Château de Riebeek. XIV. Les Vingt-quatre Rivières. XV'.Montagne du Miel. XVI. De celles du Piquets XVII. De la Colonie de Waveren, de fin nom & de fa fituation. XVIII. Etat de la Colonie , & fin Gouvernement. XIX. Montagne du Sable rouge, & la Terre-noire. XX. De fes Eaux minérales. * z CHAPITRE TABLE CHAPITRE IV. Gouvernement des Hollandois au Cap. Page 79 I. Différent Corps qui règlent les affaires ah Cap. II. Du Grand Confeil. III. Cour de Juftice Supérieure. IV. Cour de Juftice Inférieure. V. Cour pour lej Mariages. VI. Chambre des Orphelins. VIL Chambre Eccléfafiiqne. VIII. Confeil de la Bourgeoijie. IX. Des Land-Drofts. X. Deux Confeils pour la Mi-lice. XI. Précautions contre les Incendies. XII. Etat de l'Etabliffement du Cap par rapport a la Compagnie. XIII. Dépenfes de la Compagnie au Cap. XIV. Revenus du Gouvernement. XV. Géné-rofité de la Compagnie. XVI. Endroits tu logent les Serviteurs de la Compagnie. XVII. De fes Efclaves. CHAPITRE V. Des Troupeaux que les Européens poflèdent au Cap& de la manieredont ils les ménagenr.Page 106 I. Les Européens du Cap poffedent une grande quantité de Befiiaux. II. Des Tueries privilégiées. III. Des Vaches. IV. Les Bœufs n'ont point de boffe fur le dos ; leur groffeur. V. Des Brebis , des Moutons & des Chèvres. VI. Des divers accidens qui diminuent le Bétail des Européens au Cap, CHAPITRE ) CHAPITRE VI. De la Culture des Terres > en particulier de celle des Champs. Page uz I. Comment on défriche lesTerres.il. Des Charrues & du Labourage. III. Des occupations des Fermiers durant toute Vannée. IV. Des Semences & des Graines qui n'ont pu réujfir. V. Accidens qui apportent du dommage aux Blez,M VI. Comment les habit ans ferrent leurs grains, VII. Comment ils les féparent d'avec la paille. VIII. Comment la Compagnie recueille les Dixmes. IX» Comment on difpofe du Blé. CHAPITRE VII. Des Vignes Se des Vins du Cap. Page 112. 1. Comment on propage la Vigne au Cap. II. Accidens qui diminuent les Récoltes. III. Saifon de la Vendange. IV. Précautions que les Européens du Cap prennent pour conferver leur Vin, V. Qualités du Vin du Cap. CHAPITRE VIII. Des Jardins du Cap3 & en particulier de ceux de la Compagnie. Page 129 !. Obfervation remarquable fur UsSemen-ces d'Europe qu'on feme dans les Jar-+ diiis du Cap. II. Comment on y cultive * 5 iet T IA B L E les Jardins. III. Z)*\f Arbres. IV. JDf/ deux Jardins de la Compagnie. V. Zte f/? le plus près de la Ville dit Cap. VI. I« tfMôr de ce Jardin. VII. Ito Bâtimens qu'il j a. CHAPITRE IX. Maladies auxquelles les Européens qui habitent au Cap font lujets, avec la manière ordinaire de les guérir. Page 13 S ï. Compliment modefie del'Auteur. II. Les douleurs de l'Enfantement font beaucoup moindres au Cap, qu'ailleurs. III, Des maux de Sein. IV. Maladies des Enfans. V. Des Maladies contagieufes. VI. Débauches des Efclaves , er leurs funefles fuites. VII. Du Flux de fang. VIII. Du Scorbut. IX. Du mal d'Teux. X. ZV.r Rhumes. XI. De l'Efquinancie. XII. Colique venteufe. XIII. D« dèrangemens etEfiomac. XIV. De Pleuréfie. XV. ZV#.*- exemples d'Hémorragie extraordinaire.XVî. Des Maladies Vénériennes. XVII. Des Maladies des Femmes. XVIII. De la Goutc. XIX. De la Pierre. XX. Des Fièvres, XXI. Obfervation générale fur les Maladies des Européens au Cap. CHAPITRE CHAPITRE X. Des Terres & des Pierres qu'on trouve au Cap. Page i So I. De la nature du Terroir du Cap. II. Des Terres glaifes, çr de leurs divers ufa-ges. III. De la Craye blanche çr rouge } & de fes ufages. IV. D'une Terre rou-ge très-belle. V. De diverfes matières bitumineufes qui découlent des Rochers. VI. De l'Ambregris qt duTripoli.VU, Des Tourbes. VIII. Des Pierres qu'on trouve fur les Montagnes. IX. Et dans les Rivières. X. Quartiers de Pierres. XI. Des Meules de moulin. XII. D'une Pierre rouge tachetée. XIII. Des Pierres de Touche > & des Pierres à egui-fer. XIV. Des Pierres afufil > & des • faujfes Pierres d'Aigle. XV. Diverfes efpeces de Pierres. CHAPITRE XI. Des Mines du Cap de Bonne-Efpérance. Page 188 I. On ne doit pas chercher ici les termes d'Art. IL Pourquoi la Compagnie ne fait pas travailler aux Mines du Cap. III. Secours que l'Auteur a eu fur est te matière. IV. Les Mines fe trouvent pour l'ordinaire dans les lieux fiériles. V. Les pierres oh il y a des Mines font tres-pefantes. VI. Les Mines envoyent des exhalaifons fulphureufes. VIL Les lieux T A B L E UeHX oit il y a des Aimes , ne produis fent que des Plantes foibles gr mal nourries. VIII. Ils envoyent des exhalai fini nitreufis. IX. Les Plantes fanées qt fe-ches font des fignes de Mines. X. Auffi-bien que les Arbres noueux or tortus. XI. Et les Arbres qui croijfent lentement. XXI. Et qui ont des feuilles pâles,. XIII. Les Plantes garnies de piquant aiment les Terres minérales. XIV. Situation des /Montagnes qui renferment des Mines d'Argent. XV. Le terrein luifint annonce une Mine. XVI. Auffi-bien que les diverfes couleurs qu'on y découvre. XVII. L'Or le Cinnabrefi trouvent fikvent dans les mimes lieux. XVIII. Il fort des Sources du fimmet & des cotez, des montagnes qui renferment des Mines. XIX. On y trouve des Sources chaudes or acides. XX. Mines de Fer or d'Argent qui ont été découvertes au Cap. XXI. Des Adines de Cui~ vre. XXII. Des Mines d'Acier. XXIU, De celles d'Etain cr de Plomb. XXIV. Et enfin de celles d'Or. CHAPITRE XII. Des Eaux du Cap, Des Eaux fomaclies y des Eaux chau-des & minérales. Page 2.or h De la couleur des Eaux du Cap. IF, De leur goût. III. Des Eaux fomaches? & de leurs propriétés. IV. De la fraîcheur des Eaux du Cap. V. Des Eaux chaudes. VI. l/tine des Sources chaudes du Waveren eft néglige'e. VII. Premier Chemin qui conduit k Vautre de ces Sources} & du danger qu'il y a d'y ■poffer fans Guide. VIII. Avanture arrivée a VAuteur enfaifant cette route. IX. Second Chemin qui conduit au même Pain. X. Rencontre finguliere d'un Troupeau de Chèvres fauvages. XI. Manière dont on eft au Bain. XII. Particularités fur la nature du terroir de la Montagne Noire 3 & des environs de us Sources minérales, XIII. Defcription de ces Sources. XIV. De la couleur & du goût de leurs Eaux. XV. Provifions dont il eft néeeffaire de fe pourvoir, lorfqu'on va au Bain. XVI. Manière dont il faut prendre les Bains. XVII. Cures merveille t • ![ie terrein en paroît ftérile ; mais à mefurc qu'on s'approche, on apperçoit fa fertilî- A i té4 4 Description du Cap ©î te. Ces montagnes fe découvrent à quints lieues en mer. On y trouv e çà Se là de petits bois, dont les arbres font propres à la Menuiferie & à la Charpente. Lorfqu'après avoir admiré ce magnj, fîque ipeétacle, on tourne fes regards vers les plaines, on n'y découvre que bel, les prairies couvertes de fleurs, qu'arbres fruitiers , herbes aromatiques, Se plantes -médicinales. L'Aloës, par exemple, y eft commun. Le chant des oi/eaux , Se le murmure des ruifleaux achèvent de ren, . dre ce féjour délicieux. III. Le premier endroit que les Hollan, i dois occupèrent, fut la vallée de hTable^ I appelée par les Portugais Tovoa de Cuba, D'il bord ils élevèrent près de la rivière de Sel (i) un Fort de bois Se de terre , 0ix( ils entretenoient des Gardes pour lem-s troupeaux. Ce Fort porta le nom de Keer^ dc-Koe (i). Près de ce Fort ils conftrttj; firent une vafte Etable, qui pouvoit te,: i nir cent cinquante chevaux , Se autant d'hommes. Pendant long-tems on a en, tretenu dans ce lieu des Cavaliers, prc*t5 a courjj. (i) Zout Rivier, en Hollandois. (i) C'eft-à-dire,Tournez la-vache-.Parcequ'u. ne* des foliotions des Gardes étoic de faire retour ner les vaches qui fè feroienc mêlées avec ceijç, des Hocccnrots. 1 I ___ VUE DU ÇAP DE B ONN E -ES FE RAK C E 31 Bonn e-E sper an c e, P. //. Ch. I. <( courir après les Hottentots qui auraient enlevé quelque pièce de bétail. Après que la Colonie fe fut étendue le long de la rivière de Sel, Se qu'elle eût pénétré plus avant dans les terres , ce Fort devenu inutile fut bien-tôt abandonné > Se tomba enfin en ruine. L'Etable ne iert plus que pour loger des Criminels, reléguez au Cap par le Gouverneur Hol-landoisdes Indes. De mon tems il y a eu quelques Princes Indiens ,qui pour avoir déplu au Gouvernement de 'Batavia 5 y. avoient été envoyez pour cinq ans. Ces Princes infortunez étoient obligez de gagner leur vie par le travail de leurs mains. Le tems de leur exil expiré , ils furent reconduits par un vaillèau de la Compagnie. VI. C'est dans la vallée de la Table qu'eft fituée la Ville du Cap , Se la beile Fortereflè, appcllées l'une Se l'autre Bon-ne-Esperance (i). La Ville s'étend depuis le bord de la mer, jufques à la vallée où cft le fuperbe Jardin de la Compagnie. Elle eft grande, régulièrement bâtie , fes rues font larges, Se elle contient plus de deux cent belles maifons. La plupart de ces maifons font fpacieufes, Se bâ- 3 ties (i) lin HolIandoiSj Gocde-Boop. A Description du Cap de ries «Je pierre de caille : elles ont une grande couriur le devant, Se de beaux jardins fur le derrière j & comme tout s'y relient de la propreté Hollandoiie, ces bâtimens oifrent un très-beau ipeciacle. Cependant la* plupart des maifons ne iont que d'un étage , il n'y en a point qui en ait plus de deux , Se elles ne font couvertes que de chaume ; on en trouve bien peu qui ayenr un toit de tuile, ou d'ardoi/e 3 & cela à caufe des vents orageux qui régnent dans ces quartiers. Des deux cotez des rues on avoit élevé des appentis, pour mettre les pafîans à l'abri delà pluye : mais, ils apportoient tant d'inconvemens Se de dangers, qu'ils ont tous été abattus par ordre du Gouvernement. Les Matelots Se les Hottentots étoient toujours à fumer ious ces appentis , Se iouvent le feu s'y prenoit par leur imprudence. Le Ma-gillrata cependant eu l'adrefiè denertoyer les rues des Matelots Se des Hottentots qu'on y voyoit continuellement : comme ils ne îçauroienr Ce palier de la pipe a on a publié une défénle de fumer dans les rues , Se de tems en tems on renouvelle cette Ordonnance, Ceux qui y contreviennent iont attachez à un poteau , Se cruellement fouettez fur le derrière. I/Eglifc Bonne-Esperance. P. II.Ch.1. 7 • L'Eglife du Cap eft fort fpacieufè , & bâtie d'une manière très-folide & très-fimple. Elle eft de pierre détaille. La Nef & le Clocher font couverts de chaume , que l'on a grand foin de tenir propre & de laver : ainfi ce bâtiment, vu de la mer dans un beau jour, paroît beaucoup. Une muraille épaiflè régne tout à i'cntour, & forme une vafte enceinte, qui fert de Cimetière. Dans l'Eglife il n'y a rien de remarquable. La Chaire cft toute unie &c fans aucun ornement ; 5c les Auditeurs s'afïèyent fur des bancs difpofez parallèlement , foit vis-à-vis de la Chaire, foit aux cotez : on fe place plus ou moins loin du Prédicateur , fuivant la nai/ïance , la condition, le rang & l'emploi. Il y a» certaines places deftinées aux divers Officiers de rËgliie. Pour recevoir la Communion, chacun à Ion tour vient s'alleoir auprès d'une longue table , placée au pied de la Chaire. Dès que les Communians font tous afïisjils reçoivent le pain & le vin de la main du Miniftre , qui les renvoyé après avoir fait une prière. On fuit à cet égard la coutume uïitée dans les Eglifes de Hollande. Joignant le mur qui enferme le Cimetière, on a fait une petite mai-fon pour y loger le Marguilîier. Au-refte, jJai ouï ahfurer que l'Eglife, le mur du A 4 Cimetière, $ Description du Cap de Cimetière, Se le logement du Margufîlier, ont coûte, tout /impies qu'ils font, plus de trente mille florins. L'Hôpital pour les malades fait beaucoup d'honneur à cette Ville, Se lui donne beaucoup de luftre. Il eft fîtué près du Jardin de la Compagnie, Se peut contenir fort commodément plu/ieurs centaines de malades. Rarement arrive-t-it au Cap, foit d'Europe , foit des Indes 3 quelque vaifTeau où il n'y en ait pas un nombreconiidérable. Il en arrive fouvent cent, quelquefois même cent cinquante, d'un leul équipage. Dès que le vaifteau cft à l'ancre , on tranfporte tous les malades à l'Hôpital. Ils y font fort bien logez ; on leur donne les remèdes qui leur conviennent, Se des viandes fraîches j en un mot on a grand foin d'eux julques à la Un. Les convalefcens peuvent, s'ils trouvent à propos, fe promener dans le Jardin de la Compagnie, qui fournit à l'Hôpital des herbes Se des racines de toutes efpeces, Se aux malades un air délicieux. Ces bâtimens, qui fait face à l'Eglife, eft conftruit régulièrement & de bont gout Il eft environné d'un folîë par où pafïe un beau ruiflèau , qui venant des mon* tagnes va fe jetterdans la baye. Un Bonne-Esperanc r. P.IL Ch.I. 9 Un autre bâtiment qu'on appelle Loge„ fèrr à loger les Efclaves de la Compagnie. Il eft divife en deux parties , qui font pour chaque fexc un quartier féparé. L'un Se l'autre ont une grande quantité de chambres convenables, avec une grande fille , ou les Efclaves reçoivent & mari-gent les viandes qu'on leur diftribue. Outre cela il y a une forte prifon pour enfermer ceux qui s'enyvrent, les deio-béïlfans, Bonne-Esperance. Part. II. Ch. I. jj Il ferait effectivement difficile à croire que les Hottentots 3 qui font allez parel* feux pour ne faire jamais de folle pour les morts lorfqu ils trouvent des tanières, euflent entrepris &. fini un travail aulïî inutiie. Cette caverne a plus de quatre vingt-dix pieds de haut , fur quarante de large. Deux cens hommes pourraient s'y retirer très-commodément. J'y fuis entré en 1709. accompagné d'un amu Nous la coniidérâmes avec beaucoup d'attention , & quelques creux que nous découvrîmes au fond, nous rirent conclure avec allez de vraifemblance , que c'éroit un ouvrage de l'Art. Précifémcnt au-dcf-fus de cette cavité, il y a une iource donc l'eau eft excellente. Après être fortis de la caverne, nous tirâmes du coté des ro-. chers les plus proches , où l'on voit une pierre qui ne rellemble point mal à une Statue qui tient un livre à la main. Et comme la Statue d'Erafme que l'on voit à Rotterdam eft dans cette attitude , on nomme le rocher Erafme de Rotterdam (1). En defcendant nous vilitâmes une carrière qui fournit une piètre rouge très-belle , dont on traniporte beaucoup en Hollande. Lorfqu'elle eft polie, elle eft auiïï belle que le marbre. X1. Le s (1) EnHollantlois, TîrtjmM van Rotterdam, XI. Les montagnes qui forment la faftjfe Baye à l'Occident, font fort escarpées. Les Portugais, fui vant Dapper ( i )} les appellentZw Picos Fragofis, les montagnes rompues. La Compagnie y pofïè-. doit autrefois beaucoup de terres , où elle entretenoit de grands troupeaux ; mais elle s'en eü défaite, aum-bien que de plufieurs autres maifons &po(IefHons del-tinées au même ulage. Elle trouve mieux {on compte à tirer les viandes dont elle a bcfbin, de quatre Tueries privilégiées. Les montagnes qui font le plus au Sud ont reçu le nom de montagnes de (2) Norvège, à caufe de la reiîemblance qu'elles ont avec celles qui bordent ce pays. Elles s'étendent fix lieues dans la mer, où elles UnilTcnz en pointe. XII. Il y a. encore trois montagnes aux environs du Cap, qui forment la vallée de la Table, Je les décrirai 1111 peu en détail, pareequ'aucun Auteur ne l'a encore entrepris. Ces trois montagnes font celle de la Table , (5), celle du Lion, (4), & celle du Fent (j), qu'on appelle encore plus commu- (1) Hefcript, de l'Afr'que , page Ci z. (z) En HoIJaniJois De Bergen van î&Clïvtrejf, G) tafeUBerg. (4) Leeuwen-Berg. (j) Wind-Berg. ou Duivels-Berr, Bonne-Esperance. Part. IL Ch. I. i *> communément la montagne du Diable, La première eft la plus haute des trois ; les Portugais l'appellent Tovoa de Caho, Le centre de la vallée regarde du coté du Sud, &c s'étend un peu au Sud-Oueft. Si on l'examine à quelque diftance, ion fommet paroït uni Se plat ; elle reiîembie alors à une table , Se c'eft de-là qu'elle a tiré Ton nom. De ioin elle paroît ftériie Se nue ; mais de près les yeux y découvrent des arbres Se des pâturages très-beaux, les environs font embaumez par l'odeur des herbes aromatiques Se des fleurs. Si on la regarde du pied , elle paroît de difficile accès. Sur les cotez on apperçoit des pierres de différentes couleurs , très-agréablement répandues fur la colline. J'ai mefuré cette montagne avec foin , fa hauteur eft de mille huit cent cin-quante-iept pieds. Au fommet on trouve quantité de fourecs pures. XIII. Des perfonnes dignes de foi m'ont affliré, que peu de rems avanrmon arrivée OU Cap , on a voit apperçu durant la nuit, fur cette montagne , quelque chofe de femblabîe à une Efcarboucle. Quelques-, uns, à l'aide d'une imagination vivement frappée , crurent remarquer que cette lumière étoit un ferpent qui avoit fur la tête une Couronne, Tels font les dragons de- u la Fable. Cet animal, qu ils avoient enfanté , leur caufoit des terreurs infinis.. Ce phénomène fut apperçu un mois de fuite, & toujours pendant la nuit. Aucun des habitans n'eut allez deréfolution pour aller de nuit fur les lieux, ÖC ceux qui y allèrent de jour ne découvrirent rien. On m'a dit que la même lumière avoir déjà paru quelques années auparavant au même endroit & dans la même iaifon. J'ai examiné avec foin iî je ne pourrois rien découvrir de pareil, mais inutile-* ment. XIV. Au milieu de la montagne il y a une ouverture dans laquelle croillènc quantité de beaux arbres. C'eft-là que viennent fe réunir divers courans d'eaux,, qui defeendent des lieux les plus élevez. Sans doute que ce vafte creux eft l'erfer de l'eau de ces deux ruifleaux , qui dans les frifons pluvieufes, feavoir en Juin ôc en Juillet, fe précipitent du haut des montagnes avec abondance & avec rapidité j enforte qu'ils entraînent beaucoup de terre après eux I -ii'eux, qu'on ne peut y rien planter ni fe-I mer j quelque peine qu'on ait pris poux cela, I Cette montagne n'eft ni auili haute » ,jjîu aulïivafte que les deux premières. Elle I s etend comme celle du Lion 0 le long de J5 mer. Ces trois montagnes forment en* .pj^mble un demi-cercle, 8c c'eft la forme : i B z de i S Description du Cap de de la vallée fertile de hTable. Du fommet de la montagne du Vent on a une vue ma, gnifiquej on découvre les montagnes du 77gre y les Défem voiiïns, &c. XXIII. D e la montagne de la Table iortent divers lources très-abondai; tes. Celles qui fortenrdu coté du Sud-El t, réunifiant au pied de la montagne , for, ment un grand ruifîèau qui va fe jetter danslarivière de Sel. La fôurcede cette rivière le trouve au ' fommet de la montagne de la Table. Dans f fon cours elle reçoit divers ruifîèaux 6< ' arrofe de fertiles campagnes, entre autres K Je magnifique Jardin de la Compagnie, * appelle Bois-rond. Le terroir n'en fçauroit | erre plus favorable ; au! Ii Mr. van Rtebeeb i, y fit-il quantité «le jardins &c de vergers 3S H de maifons de campagne cV de vignes aulïî-bien que le Jardin de la Compagnie. ■ \ On fe tromperoit, fî par le nom que por. '^L te cette rivière on s'imaginoit que ces Wl> eaux lont falées : elles font claires Se très,. ' ^ pures. Ce nom lui vient de ce que 1 ^, m de mer fe mêlant dans fon embouchure \ JâJ aveccelle de la rivière, lors admoins que 'f ^ la marée eft haute , donne à celle - ci Un * *AA* C.A' .... ____t__ J...._ • r 1 goiit la lé' ou fbmache , qui dure jufques au reflux. 'Elle fe décharge dans la baye ('^' de la Table. Bonne-Espérance. Part. II. Ch. I. 29 La rivière duoanc-des-Moules (1)1 A-il pas éloignée de celle don i je viens de parler. Ce nfeft qu'un torrent formé par les pluyes qui tombent en grande abondance au Cap en certaines failbns 3 Se qui le rcuniiïant par la pente des montagnes , vont enfin fe jetter dans la rivière de Sel. Le lit de ce torrent eft àfcc durant les fé-chereftes ; dumoins on nJy voit que des creux remplis d'eau croupiiïànte } qui par la chaleur devient fomache & très-défa-gréable. C'eft une grande incommodité pour les lieux voiiins, qui n'ont point d'autre eau. Ceux qui habitent les montagnes du Tigre ne font pas mieux ab-breuvez durant l'Eté. Le Gouverneur Simon van der Stel avoiï entrepris de creufer depuis la fauffe-Baye (2) un canal aftez large & allez profond pour y faire paner deux vaifteaux de front. Il avoir ddlèiii d'établir une communication entre la fauffe Baye & la Baye de la Table , & de mettre les vailîèaux à couvert, de la fureur des vents de Sud-Eit & de Nord - Oueft , qui en ont tant fait périr dans ces lieux-là. L'ouvrage étoit déjà avancé, & il fubiifte même encore B 3 aujour- (1) En Hollandois, M.ojft[-Bank.Rhùr. (1) De diiaj FaUo, 3o Description W Cap db aujourd'hui fous ie nom de nouvelle ri, ri ere de Sel ( i ) : mais s'appercevant que ces mêmes vents contre lefquels il cher, choit un af)de3 rempliraient bien-tôt de fable fon canaljil abandonna ce deflein. Il cft certain que quelque utile que fut ce canal, la dépenfe qu'il eût falu faire pour le crcufer , furpa lierait les avantages que la Compagnie en pourrait retirer. En pre, nant au plus court, il y a quatre milles d'Allemagne depuis la Baye de la Table juCqu a la fxcjfc Baye. Au Sud - Oucft de la montagne de Ja "?^£/V , derrière le Bois-rond, fur lèche* jnin de Confiantia, fort une autre rivière qui va fe rendre dans la Baye du Bois, dont elle a pris à caufe de cela le nom (2), La rivière de Keizer (3 ) arrofe Conftan-lia 3 les vignobles & les beaux jardins dont elle eft bordée. Après avoir ferpen, té dans ces fertiles campagnes, elle va fe rendre dans une vallée qu'on nomme la valiéefablonneufe, ou duSable (4), où du, rant les chaleurs de l'Eté elle eft arrêtée dans fon cours par les monceaux de faofc qui (1) En Hollandois, de Nieuwe 2 ont-Rivier. (V) Elle s'appelle HoHt-Baay-Ri-vier. (5) Ain/i nommée d'un Allemand de ce nom s'y noya il y a plu/îeurs années. (a) En Hollandois, Sand-Valley^ Bonne-Espérance. Tart. IL Ch. L 3 i ijm lui ferment l'entrée de la fauffe Raye\ Se que les gros vents de Sud-Efr. y amaf-fent. Pendant ce tems-là elle forme une efpece de lac, dont les eaux trouvent enfin line iflue, lorfque dans les faifons plu-vieufes elles creufentde nouveau leur lit, entraînent les fables qui les retenaient, Se fe déchargent dans h faujfe Baye. Avant que l'embouchure foit ouverte, les pêcheurs creufentdes conduits fur les bancs de fable ,-pour faire écouler les eaux ; Se comme elles entraînent beaucoup de poii-fon, ils le prennent à mefurc qu'il pafle. Sur une éminence appeliée Norvège , il y a un petit ruiflèau qui n'a point encore de nom. Le Gouverneur Van der Stel y avoit fait bâtir une maifon , Se s'y di-vertilîoit àla pêche. Il y a une petite rivière qui prenant (a fource dans la Colonie de Stellenbofch, traverfè le valie Défert qui fépare cette Colonie de celle du Cap : elle palîè enfuite auKuyle, très-jolie Campagne qui appartient à la Compagnie, mais qui eft poiTè-dée par Mr. Olofberg Capitaine du Fort} Se va de là fe décharger dans hfanjfeBaje. L'eau de cette rivière devient fomache durant l'Eté ; Se même fî les chaleurs font longues> elle tarit. CHAPITRE CHAPITRE il. Defcription Topographique de la Colo, nie de Stellenbose h. Ii Par qui cette Colonie a été établie. II, Ses Bornes. III. Le Village de Stellenbofch réduit en cendres. IV. Divifio» de la Colonie. V. Chemins qui y conduis fent depuis le Cap. VI. De la Hollande Hottentotte. VII. Sa fertilité çjr fis Rivières. V1ÏÏ7 Des biens qu'y pojjédou la famille Van der Stel. IX. Du Lac ejr de la Vallée du Boeuf-marin , o* plutôt de l'Hippopotane. X. Defcription de la Êtufle Baye. XI. Fort qu'on avoit élevé fur cette Baye. XII. Z>« Moddergat, fécond Quartier de la Co„ lonie. De fon terroir. XIII. Des Eaux qui l'arrofent. XIV. Du Quartier de Stellenbofch propre. Sa fertilité rj- fit fituation. XV. Ses Montagnes ,fes Ri^ vier es de fis Ponts. XVI. Campagnes qui ornent ce Quartier. XVII. Bornes dit Bottelary. XVIII. Ses Montagnes. XIX. Ce Quartier manque de bonnes eaux s çr de bois. I- F A Colonie de Ste l l e nbo s crj JU a été fondée fous le Gouvernement & par Tom* 1. f?n il leur en four-nilïbit comme il le jugeoit à propos pendant la fécherefiê. il creufa un large canal depuis ce baftin jmques à une mai-fon qu'il avoir dans ces quartiers-là : après que ce canal avoit donné de l'eau à cette mai/on,, il la conduiloit à un moulin qu'il avoit dans le Stellenbofch propre. Non feulement il y mouloit tout le blé dont il avoit befoin ; mais encore il öbligeoit la plupart des ferviteurs immédiats de la Compagnie , d'y aller moudre ; de cette manière il droit un grand profit. Ce canal alloit fe rendre dans la première rivière > qui après avoir baigné le BoNNE-EsPERANC£.?rfrt. IL Ch. IL 39. le pied de la montagne aux Brebis (i)3 fe décharge dans la fauffe Ban. Cette rivière a pris Ion nom d'un Européen nommé Laurent, qui sJy eft noyé avant cet acci-cidcnt elle s'appelloir la féconde rivière : c'etoit celle qui le nomme aujourd'hui la rivière de Stellenbofch , qui avoit le nom de première. A fon embouchure, qui eft très-large, il y a unequantité prodigieufede poillons de mer a dont les habitans du voilinage profitèrent pendant long-tems. Nous aurons occalion de dire tout-à-l'heure , comment ils furent privez de ce bénéfice , & comment ils rentrèrent dans leurs droits Les deux autres rivières qui arrofent lat Hollande Hottentotte , font beaucoup, plus petites que la première, & n'ont encore reçu aucun nom. Elles prennent atiflî leur origine fur les montagnes , & le déchargent dans la fauffe Baye. On ne trouve dans aucune de ces trois rivières , que du poiilon de mer ; il h'f en paroît jamais d'autre. Je conjecture que le poiffon de rivière n'y fçauroit vivre , parcequele cours de ces rivières n'eft que de peu d'heures. En fécond lieu, le fond (1) En Hollandois 3 Scktyen-Berg* 40 Description du Cap de fo.id en eft pierreux & inégal : enfin leurs eaux font très-fubtiles. V111. L a Famille Van der Stel av0ic trouvé ce Pays fi beau, qu'elle s'y étoit approprié une immenfè étendue de ter-rein, dont elle a jouï pendant un tems très-confidérable. Adrien tiroir de très-grands profits des champs, des vignes 6c des Jardins, qu'il y avoit cultivez. Tout ce quartier étoit couvert de les troupeaux de gros& de menu bétailues bœufs mon. toientà plus de douze cens pièces, & fon menu bétail alloit au-delà de vingt mille. Les terres qu'il y pollètloit avoienr plus-d'étendue que les dix-fept Provinces des Pays-Bas $ puifque de l'Eft à l'Oueft elles comprenoient plus de trente lieues, & qu'elles venoient aboutir à \a.Tcrre de Natal. Il avoir fait confïruire un grand nombre d'édifices pour retirer fes troupeaux, tes vins, fes grains, & fes Domeïtiques. Il y avoit des maifons pour l'Été, tk des maifons pour l'Hyver. Il éleva fur lé bord de la rivière de Laurent un Château, qu'il fut obligé de démolir dans la fuite* à les propres dépens, par ordre des Directeurs de la Compagnie. Avant ce revers il poullbit fi loin Ja. tyranie, qu'il ne vouioit pas même fbuffrir que perfonnepollèdât un pouce déterre dans Bönne-Esperance. Part. II. Ch. IL 4r dans ce quartier. Il obligea un nommé Hertog 3 Jardinier de la Compagnie , de lui faire un billet de vente pour un morceau de terre qui avoit été accordé à cet homme & à fes héritiers. Le Contrat por-toit, qu'il avoit volontairement vendu à Mr. Adrien der Stel cette terre pour une certaine fomme qu'on fçait très-bien au Cap n'avoir jamais été payée. Mais enfin Adrien van der Stel fut rappelle en Hollande pour y rendes compte de Ion in-* Julie adminiftradon. Ses extorfîons «Si les pratiques furent trouvées ii odieufes, que tous les biens qu'il avoit, foit au Cap, foit dans la Hollande Hottentotte, ■furent confilquez au profit de la-Compa-gnte. Les terres qu'il y polfédoit furent vendues à des Bourgeois du Cap , & le produit entra dans les coffres delà Compagnie. Au milieu de la Hollande Hottentotte s'élève une montagne qu'on appelle la montagne aux Brebis. Toute l'année elle eft couverte de pâturages & de troupeaux qui paillent. Adrien van der S tel y entretenoit un très-grand troupeau : il avoit même eu defîèin de bâtir fur fon fommet une fuperbe MaiiOn de plaifance, d'où il auroit pu voir les vailîèaux entrer & fortirde la baye de la Table, & diftm- gueï 4i Description du Cap de guer à leurs pavillons de quelle Nation ils croient. Mais fon rappel rompit fes mefures , & fit aller en fumée tous fes projets. IX. Au Nord de h Hollande Hottentots te, à une lieue de la mer , dans la vallée du Bœuf marin (i) , il y a un périt Lac qui a environ une lieue de circonférence. Cette vallée & ce lac ont tiré leur nom d'un animal amphibie qu'on y voyoit autrefois très-communément, &c que les Hollandois appellent Bœuf marin, (Zee~ Koc) : mais les Naturalises le nomment Hippopotam; c'eft-à-dire, Cheval Marin. Il croît dans ce lac une fi grande quantité de joncs, & ils s'élèvent fi fort hors de l'eau, qu'on ne peut voir au-delà 3 4 moins qu'on ne foit allez éloigné. Les canards iaavages , ôc un grand nombre d'autres gros oifeaux , habitent entre ces rofeaux , y pondent leurs œufs , & y élèvent leurs petits avec toute la fureté pofTible. La violence des vents fait quelquefois enfler fî extraordinairement les flots de la fauffe Baye , que cette vallée cft toute couverte des eaux de la mer , qui apportent avec elles une grande quantité de poilfon, (i) En Hollandois, Zit-Zoi Valley, BONNE-ESPERANCE./»*"/1. //. Ck. 11. ^ poiflbn. L'eau du lac cft naturellement tres-douce ; mais ces inondations la rendent fort falée,& elle corilerve cette fa-lure allez long-terris. La mer en fe retirant y lailïe toujours beaucoup de poiiTôn , qu'on prend aiiemenr, foit avec la ligne, loit avec le riTet ; mais il ne fçauroit y vivre long-tems. Au mois de Novembre 171 o. il y eut au Cap un vent de Sud-Eft n furieux , que les eaux de cette baye furent pouflees à une hauteur prodigieulc. L'eau jetta fur les terres une fi grande quantité de poilTon, que les habitans des environs n'en purent pas ramaiïcr la millième partie. X. La fauffe Baye eft formée, comme je l'ai dit ci-deftus, par une chaîne de montagnes qui la borde de tous cotez. Celles qui iont à l'Eft font appellées les Montagnes de la Hollande Hottentotte, Elles lont plus hautes que celle de la Table. On y découvre aulïi , pendant que les vents Sud-Eft foufflent, un nuage blanc. On appelle Hanglip , la montagne qui termine la baye de ce côté-là. On lui a donné ce nom , qui lignifié lèvre pendante; parcequ'elfectivement elfe refiemble à une lèvre qui pend fur le menton', La fauffe Baye a dix lieues de circonférence, 44 Description du Cap de féïence. D'abord l'on s etoit imaginé qUc le fond en étoit pierreux , & que par con, féqucnt on ne pouvoir y jetter l'ancre. Mais ayant découvert que c'étoit un pré, jugé, on donna à cette baye le nom de Fdttjfe (Falzœ). En 1705;. un Capitaine nés - expérimenté , qui 1er voit fur les vailîèaux de la Compagnie , examina la baye avec beaucoup de loin, par ordre du Gouverneur Lotus van Ajfemburg * 8c après des expériences, réirérées il trouva que le fond en étoit très - bon pour l'encrage. A la vérité , les vaifleaux ne fçauroient s'y mettre à couvert des vents de Sud-Eft : on y a vu très-fou vent des ancres 8c des cables brifez par la fureur des tempêtes. Au milieu de cette baye, il y a un grand rocher qui s'élève fort au-deilus de l'eau, C'eft-là que fe retirent une grande quantité d oifeaux de mer, qui y font fort en fureté. C'eft fans doute ce rocher, qnj avoir fervi de fondement au bruit qui s'é-toit répandu fur cette baye. On le nomme de Witte Klip, c'eft-à-dire , l'Ecueil blanc. On pêche dans cette baye une ii grande quantité d'excellens poidons , qu'elle pourroit aifément en fournir toute la Colonie , fi l'on avoit loin de ménage* cette pêche. J'y ai fouvent fait des parties avec Bonne-Esperance. Part. IL Ch. IL 4 ƒ t avec quelques amis ;■■& nous en fommes' revenus avec des priles fi abondantes , qu'il nous faloit un chariot traîné par huit bœufs , pour les faire tranlporter chez nous ; encore avoient-ils de la peine à tirer la voiture. Je me rappelle qu'un jour nous prîmes douze cens grolïes alofês , une grande quantité de poillbns qui Eelîemblent à des harangs , des dorades, Se d'autres poilïbns femblables. Au Prin-tems furtout on en voir une grande abondance à l'embouchure des rivières de Stellenbofch Se de celles de la Hollande Hottentotte, qui viennent fe rendre dans la baye: mais l'endroit où il y en a le plus, eft un lieu appelle de Hfch-Hoel^, ( c'eft-à-dire , le Coin au Poiffon) précilément au-deftous du roc nommé Hang-lip. La Compagnie y a eu pendant long-rem s une Poilïbnnerie , pour fournir de poifc fon fes Efclaves du Cap : car il fcmble qu'ils aiment mieux le poifton falé que le ris, le pain Se la viande. On comprend fans peine, qu'elle en tiroir un grand profit. Les chofes relièrent fur ce même pied, julqu'à ce que par les piileries de ceux qui en ayoient la direction , la Compagnie fut obligée d'abandonner cette pêche. On faifbit monter les frais plus haut qu'ils ne montoient effectivement, Se eu même tems on ne fournilloit que méchant poiifon pour les Efclaves. Cette mauvais nourriture leur caufa des maladies dont plulieurs moururent. Quelques particuliers qui fouhaitoient de profiter de cette pêche, ne négligèrent rien pour aug, menter & pour exagérer ces inconvéniens. Dès que la Compagnie l'eût abandonnée, le Gouverneur Adrien van der Stel fit élc. ver fur cette baye une Poillonnerie, s'empara des filets de la Compagnie, 8c employa à fon ufage tous les uflen/ils & les bateaux. Par - là il trouva le moyen de fournir fa famille 8c les Efclaves depoif. fon , 8e d'en filer de grands profits. Son Pere Simon van der Stel avoit déjà bâti une Poillonnerie derrière les montagnes de pierre, 8e Ion frère François en avoit une entre la rivière de Stellenbofch, 8c celle de Laurent. Dès-lors le droit ancien ce inconteftable que les Bourgeois du Cap avoient de pêcher autour de cet endroit-là, leur fut contefté : ou employa la force pour les empêcher d'en jouir. François van der Stel faifoit chadèr par fes gens tous les Bourgeois qui venoient pêcher dans les endroits que j'ai nommez, ou aux environs,8c même,s'ils s'obftinoient à y venir, il les faifoit charger de coups. Enfin il parut, un Arrêt du Gouverneur^, : portant Bonne-Esper ance. Part, 11. Ch. II. 47 portant défenfe à tous ceux qui n'auroient pas portion dans les Poillbnneiïes, de pêcher ailleurs que dans la baye de la Ta. bit. Mais comme cette défenfe étoit extrêmement préjudiciable aux Bourgeois du ^ap , ils s'adrellèrent à la Compagnie pour en obtenir la révocation. XI. P r e's de la PoilTonnerie , fur le > bord de la mer , il y avoit dans les corn-i pienccmens un Fort quarré de terre, défendu de quatre pièces de canon. C'étoit pour mettre à couvert l'habitation contre les attaques des Hottentots ,&pour avertir le Cap de l'approche de quelque ennemi étranger. D'abord les Hottentots, qui } n'a voient aucune idée des erfèrs du canon, Kaiiôient fouvent des 'excurlions fur les j terres dont les Hollandois s'étoient emparez. Mais voyant que la Colonie s'aug-I mentait, «curie au bétail. Il y a quelques-unes de ces herbes qui font fort extraordinaires : j'ai même tout lieu de croire qu'elles ont des propriétez qui, li elles étoient connues , pourroienr être d'un ufage merveil, fcttX pour le genre-humain. Les vallées font ornées de champs 5de 1 vignes & de jardins i 8c forment un coup I d'oeil ii charmant t qu'on ne fèlafïè jamais H de les regarder. $ Ce quartier eft finie au Nord du Mod- I dergat, &C au Sud du quartier de BoteUry f 8c des montagnes du Tigre. Celles quj p portent fon nom ( i ), le bornent à l'Eft. '4 XV. Les montagnes de Stellenbofch 0 font les plus hautes de toutes celles qu'on r trouve au voifinage , 8c refïèmble beau, coup , foit pour leur hauteur , ibit potir Jflfl leur forme , à la montagne de la Table ^ Pendant que les vents de Sud-Eft régnent' elles font couvertes, comme celle-là W d'un nuage blanc. Mais ces vents s'y f0Jlt fentîr tout différemmenr que dans la val„ iée de la Table. Là ils iouftlent jour 8c nm't ^ 8c ils ne lont tranquilles que pendant deu* heures, une heure avant le midi, 8c une ^ heure environ le minuit ; au-lieu quefur ^ les (ij Stellenbofch-Bergcn. \M ÖONNE-EsPER ANCE. Part. II. Ch. II. $t les montagnes de Stellenbofch ils bailfenc fur le (bir , & relient parfaitement tranquilles jufqu'aprcs minuit. Ici ils ne ré-» g»ent jamais tout à la fois, & en même I tems, des vents contraires ; ce qui eft I très-ordinaire dans la vallée de la Table , pu fe difputant pour ainfi dire la victoire, lj *ls caulent fouvent de furieux ouragans- d'horribles tourbillons. ^ La rivière de Stellenbofch prend Gl Source fur ces montagnes, & s'accroît ijdans Ion cours en recevant les divers ',l'uilTeauxqui arroient le Moddergat ; elle ! .,Va fe décharger cnluite dans la fauffe Baye* I^Sonfond eft couvert de cailloux. L'on if'y trouve que du fretin , comme d'une "jfcfpece d'anguilles , & des petirs poilfons s itcls que fonr les éperlans ou les melettes* e. Ptès de fon embouchure les poilfons font ?15plus grands, & on y trouve quelquefois â, /*u poifton de mer. :eL La Colonie avoir conftruit un pont fur :ct^cette rivière : mais il étoit fi étroit & fi ' Sil"endu qu'un chariot ne pouvoit y Cafter fans danger. Un riche parriculier i'1 |du voifinage, qui avoit à cœur l'intérêt PubHc : fenfible aux malheurs fre-i t ^uens que la mauvaife conftrucKon de ce il 4 Pont occalionnoit, offrit au Confeil de SttlUnbofch d'en bâtir à les propres frais C z un un autre, également fpacieux & commode. On s'imagine aifément que l'offre fuc acceptée , à condition cependant qu'il uc pourroir jamais exiger de pontenage d'au, cune perfbnne qui voudroient profiter de fon pont. Cer ouvrage fut exécuté, coin., me il avoit été propole , &c aujourd'hui il eft en très - bon état. Ce généreux f0ri, i dateur le nommoitJean-George Grimpe. ! fon nom mérite d'être coniervé. Pendant Qu'Adrien van der Stel étoit ! Gouverneur du Cap, il éleva aulfi fUf f cette rivière, aux dépens de la Compa, v gnie, un beau & large ponr, pour ouvrir ' la communication avec les terres cju^j ^ avoit dans la Hollande Hottentotte. Peil, ^ dant fou Gouvernement ce pour a été ^ très- bien entretenu : mais depuis la di£ grâce on l'a abfolument négligé, enforte À qu'actuellement il eft près à tombereu ruine, fi l'on n'y remédie promptement P \ Ces réparations ne demanderoient pas clé ^fl grandes dépcnles : cependant, malo-j^ *' •■ l'utilité que le Public en retireroit, paroît pas qu'on y penie. Peut-être eft_Ce 1 A la haine générale qu'on a encore au Car» pour la mémoire de ce Gouverneur, nuj (» ^ eft caufe de cette négligence, Appafa ment, dès que le pont fera tombé, la C0" ' ionie en fera faire un autre. BoNNE-EsPERANCE. P. IL Ch. 111. f } XVI. Les bords de cette rivière fon; ornez de pluiieurs magnifiques Campagnes , & en général tout ce quartier eft rempli de mai ions également commodes & belles. L'Art & la Nature y ont déployé leurs rréiors, & la Colonie eft dans la iituation la plus florilfanre. Mais entre coures les maifons du Stellenbofch propre , il n'y en a point qui foit ni plus belle, ni plus commode, ni mieux htuée qu'une qui apparrenoit autrefois â uh Miniftre de la Colonie nommé Pierre Kalden. Les champs ck les vignes qui l'environnent, & qui en dépendent, font très-fertiles. Les jardins font embellis de tout ce que le Cap peut produire de plus beau, foit en Heurs, [pit en fruits. Les vins qui y croulent , font très-exceliens. 11 y a outre cela beaucoup de châtie, & la pêche y eft très-abondante , parccqu'ellc eft iituée fur le bord de la mer. En un mot, cette Terre étoit digne du choix d'unEceléiïaftique. Mais la manière donc Mr. Kalden l'a obtenue ne me paroîr. Pas lui faire beaucoup d'honneur. Un certain Guillaume du Tnt, Ancien de fora Eglife, ayant trouvé cette Terre fort à ion g^é , pria le Miniftre de la demander pour lui au Gouverneur Adrien van der Stel : mais le Miniftre jugea plus à propos C i àoordri>»i \.*.?onifujj .û-u ne laiilènt pas d'y. reflbrtir. IV, Qjj e lq.u e étendue qu'ait cette Colonie, elle nJa proprement ni Villages, ni Mai/on publique où puillent s'allcmbler; fes Magiftrats, qui fe rendent pour cet effet à Stellenbofch, où ils hegenr avec ceux de ce bourg. Le Bailli des deux Colonies, cft toujours Préfident de cette Chambre. Une Eglife &: un moulin à eau font les fèuls bâtimens publics qui s'y trouvent.. On n'y rencontre que des maifons épar-lès ça de là ; mais on n'y trouve point de ces beaux bâtimens de parade , qui le voyenr au Cap. Les Réfugiez eurent; beaucoup de peine pour s'établir , & fu-. rent obligez de faire des dettes, dont ils. ne lont pas même tout-à-fait délivrez,. Une chambre pour fe loger, une étable pour leur troupeau, voilà quelles font leurs mailom. En échange , leurs terres font excellentes , öc ils en tirent bon parti. Y. (i) De vier en t~wlnftgb Hévientn* (1) De Honing-Bergen* ( ï) De fï^mt.Bsrgtn^ BONNE-ESPERANCE. P.Il Ch. III. £3 V. Quoique la partie du Drakcnfiei/i^ qui eft entre la montagne Retourne 8c l'Eglife 3 foit pierreufe 8c coupée de montagnes , elle ne laiflè pas de produire en abondance tout ce que peut produire le Cap. ï/air y eft fain, & les eaux également bonnes 8c abondantes. En partant fur une des montagnes du Drakenfieirix avec quelques amis pour nous aller divertir chez ies Hottentots , nous lui donnâmes le nom de montagne Pénible ( i ) ; nom qui nous parut très-propre à marquer la difficulté Ôc le danger qu'on court en y voyageant. Elle eft extreme» ment haute, 8c iiroide, que pour y monter on eft obligé de faire des tours & des détours qui ne iinillènt points Dans plu-Heurs endroits le chemin eft même ii étroit, que les chevaux ont de la peine à y paiïèr : fouvent on fe voit environné de précipices fi dangereux , qu'on riiqueroir beaucoup fi l'on n'avoit la précaution de-metre pied à terre. Les montagnes de ce quartier font „ comme la plupart de celles qui environnent le Cap , couvertes déneige pendant les mois de Juin & de Juillet, qui font ies deux mois dliy ver dans ce Pays-là v Quelquefois ( i ) En Hoilaruicir \ Mfeijlyhen-B^ 64 Description du Cap de Quelquefois cette neige s'y conferve m£ qu'au milieu d'Août, ou au commence, ment de Septembre. En fondant elle four, nit li abondamment de l'eau au plat-pays, qu'on n'y en manque dans aucune faifon de Tannée. VI. Non loin de la montagne Pénible ■■ fort une rivière qui a reçu le nom' de ri, viere de la Montagne (i). Après avoir arrofe la plaine , elle va palier près de l'Eglife , ôc reçoit dans fon cours divers ruifleaux qui en font une rivière confii dérable. On voit un grand nombre de très-belles Fermes fur Ces deux bords. Elles font très-fertiles, ôc éloignées les unes des autres d'une lieue , ou d'une demi, lieue tout-aumoins 5 cependant les pro, priétaires fe plaignent d'être trop à lJé-rroit, ÔC de n'n\ oir pas allez de pâturage pour nourrir leurs troupeaux. Le Lecteur: peut juger par-là quelle multitude ils en poMedent, La Colonie a depuis fong-tems une bonne fbmme d'argent, deftinée à fahe quelque ouvrage utile au Public ; cependant on ne s'eft point encore mis en de* Toir de bâtir un pont fur cette rivière. Rien neferoit néanmoins plus néceilàire « il y {i) En Hollandois, Berg-Rtyier, e- BoNNE-EsPERANCE. P. IL Ch. III. 6 ƒ il y cil déjà péri pluiieurs perfonnes qui ont voulu en tenter le paflàge en Hy ver % Se à peine fe palïè-t-il une année qu'il n'y arrive quelque malheur. Il eft vrai que pendant l'Eté, c'eft-à-dire, depuis le mois d'Octobre jufqu'à celui d'Avril, Teau y eft h balle quelle vient à peine jufqu'aux genoux : mais en Hy ver elle fe déborde % Se inonde les campagnes voifînes. Souvent-même elle coupe toute communication , Se empêche les habitans d'aller entendre le Sermon. VII. En allant de la montagne Retourne à l'Eglife, on laîlïe adroite une Terre, Se un beau Se grand vignoble , qui remplit prefque toute Tefpace qu'il y a entre les montagnes de Drakenftein, Se la rivière de la Montagne. A gauche on voit un chemin qui conduit à Stellenbofch : il eft ii dangereux, que les habitans du voi-fînàge lui ont donné les nom de Bangen-boekj c'eft-à-dire , Lieu d'angoijfe. On y voit fouvent des lions, des tigres , Se d'autres animaux femblabîes ; outre cela , il eft elcàrpé, raboteux Se étroit ,& parle par des endroits environnez de précipices affreux. Il n'y a point, dans tout le Cap, de route où l'on coure plus de rifque , principalement lorfqu'on cft à cheval : car alors, quelque douce que puilfe être naturelle- 66 Description du Cap de naturellement votre monture, elle rue ■ faute, fe cabre, fouvent même elle fc jette clans un précipice>àl'approche d'untt de ces bêtes féroces. Quelque incommode & dangereux qUe foit ce chemin', on y a fait la plus magnifique Maifon de campagne qu'il y aic dans tout le Cap. Elle cft également belle ôc commode : à ces deux égards , elle furpafïe tout ce qu'il y a de plus beau en Afrique. Son poiîèilèur n'ajoute pas pe^ de luftre à toutes ces beautez : elle appar, tient à Mr. Jean Mulder , Bailli ou Land-Droft des Colonies de Stellenbofch & de Drakenftein, qui eft peut-être l'homme le plus accompli à tous égards qu'il y ait dans cette partie du monde. Cette Maifon de campagne fe nomme Sorgvliet, nom qui lignifie un iejour tranquille , où l'on fe retire pour fuir les ioucis & les embarras de la vie. Il y a fur ce chemin 5c aux environs diverfes autres Campagnes. On y a découvert tout auprès , il y a quelque tems, une mine de cuivre & d'argent. Les échantillons qu'on envoya aux Directeurs de la Compagnie en Hollande , promet-toient beaucoup : cependant ils n'ont point trouvé à propos d'y frire travailler., Mais l'article des mines eft allez important , pour occuper un Chapitre exprès dans cet Ouvrage. des merceries, ôc autres petites chofes pour l'ufage domef, tique. Ces Marchands font leur provi-fion au Cap. Les Acheteurs ne font que du commun peuple , qui en allant à T£„ gîile font emplette des bagatelles dont ils peuvent avoir befoin,loriqu'ils ne veu, lent pas fe donner la peine de les tirer de la fource. X. jEpafîè à la féconde partie du2>4, kenftein, qui s'étend depuis l'Eglife jui-qu'à la vallée du Charron. Dans la vallée de Simon on voit quelques autres Campagnes afîèz confdéra-bles ; mais il y en a deux principales entre le chemin Se la rivière de la Montagne : Tune appartient à Pierre van der £yl, Se l'autre à Louis le Grand, Bour- guemeàre Bonne-Espérance. //. Ch. III. 69 gucmeftre de Drakenftein. Entre cette nviere & les montagnes de Drakenftein , on trouve des champs très-fertiles, qui occupent prefque rout ce vafte efpace. exrrémité de la vallée de Simon 3 on rencontre une haure montagne , qui à caule de la hauteur a été appellée la Tour deBabylone (i). Divers particuliers y ont des poilciïions. Le terroir en eft très-fertile , & produit en abondance du blé ex du vin. Derrière cette montagne , fur la droite , Guillaume van Zeyl a une Campagne d'un forr bon rapport. XL Ce chemin conduit enfnitc fur la montagne qu'on appelle la montagne de la Perle, (i). Ce n'eft point qu'on y trouve des perles : ce nom lui a été donné à caufe d'un gros rocher qu'il y a fur Ion fommet, que le commun'peuple s'imagine reilèmbler à une perle. Cette montagne fournit des pierres propres à faire des meules de moulin. Le Gouverneur Simon van der Stel y en hr railler un grand nombre, pour en fournir aux divers moulins de la Colonie. Au pied de cette montagne il y a un moulin a eau, qui devient inutile lorfque les eaux font trop haures. XIL (0 En Hollandois, de B'tbyloonfcbe-Tooren* 0) ^.o HoJkadois, de £a*rl~3erg. XII. Nous voici arrivez à la vallée du Charron , qui a reçu Ton nom d'un Charron de profeflion , qui s'y eft le premier établi. Elle eft arroiée par la rivière de la Montagne , qui après y avoir fait des tours & des détours fans nombre, traver-fê pluiieurs des Nations Hottentottes, & va le décharger dans la baye de faintç Hélène, à cent lieues de la lource. Comme on trouve peu d'endroits dignes de remarque dans cette vallée, je ne m'y arrêterai pas davantage, 6c je palïè à ladef. cription des lieux qui, quoique hors des bornes de la Colonie, peuvent être confia dérez comme de la dépendance. XIII. La vallée ôc le château de Riebeel^ fe préfentent les premiers. Ce qu'on appelle le Château de Riebeck^ eft une mon. tagne fort haute ôc fort elcarpée , qui a, pris fon nom de Jean van Riebeckjprcvcn^ Gouverneur du Cap, qui y éleva des bar-raques pour cent hommes, & des écuries pour autant de chevaux , ôc un grand canon. Mais dès que le Gouvernement eût fait alliance avec les Hottentots , le détachement fut rappelle, ôc le canon tranf. porté au Cap, ainii que j'ai déjà eu occasion de le dire. Il y a fur cette montagne, \k dans la vallée qu'elle forme, divers Plantations qui ont très - bien rcufïi. Le terroir BoNNE-EsPERANCE. P. 11. Ch. 111. j\ terroir y eft même fi fertile, qu'on y en aurait établi un beaucoup plus grand nombre 3 s'il y avoit de l'eau : mais on n'y a découverr qu'une feule lource. On en a joui en commun, jufqu'à ce qu'un homme qui demeure fur la montagne des Chevaux jS'étant marié avec une riche veuve du quartier, en a obtenu la propriété du Gouvernement. Tout le voiiinage qui fouffre extrêmement de cette donation , ; S'en eft plaint hautement. Lorfque je quittai le Cap en 1712.011 follicitoit auprès du Bailli proviiionel, pour en obtenir la révocation. En attendant ils font obligez de fe fervir , comme autrefois , peau de pluye, qu'ils reçoivent dans des puits ou des citernes 3 où elle devient extrêmement fomache. XIV. Aune journée du Château de foebeel^, en tirant au Nord , on arrive dans une contrée qu'on appelle les Vingt' quatre Rivières , à caufe de la grande quantité de ruifleaux dont elle eft arrofée. Divers perfonnes s'étant apperçues de l'abondance dJeau& de pâturage quefour-nifloit ce quartier, s'adrelferent au Gouvernement , & en obtinrent la pcrmifîion d'y envoyer partie de leurs troupeaux. L'heureux {accès qu'ils y eurent engagea d'autres perfonnes à y envoyer aulîi les leurs. f.% Description dl? Cap de leurs. Peu-à-pcu le lieu s'eft peuplé, & les beftiaux y ont extraordinai rement multiplié. Cependant aucune terre n'y a encore été donnée en propriété. Ceux qu| «'y font établis n'y étant que tolérez, font obligez tous les iix mois de faire ren©u, veller leur permilîîon ; ôc ne peuvent y cultiver plus de terre que ce qui leur cft néceftsire pour leur entretien. Le terroir y eft li ferrile , qu'il rend ' vingt - cinq , ou même le plus fouvent , trente pour un. Ils ne fe fervent pas de moulins, ni à eau, ni à vent, dans tout ce quartier là : tout leur blé le moud dans des moulins à bras attachez à la muraille Ce font les Nègres qui font ce pénible ouvrage. Jan*ais je ne les ai vu fuer à groflès goute^n tournant la manivelle % que je ne me fois rappelle \edare in piftr'u mm de lérence Se de Plante (i). Il cft prefque inutile d'avertir, que Ies particuliers ne poflédant pas en propriété les ferres de ce quartier, n'y élèvent point de bâtimens tant loit peu confidérables Leurs mailbns ne font autre choie que des huttes & des cabanes de bergers. (i) Verberibus c&fum te in piftrinum , Da^e tdedam ufqiie ad necem. Te rent. Andr. Aft. \ Scen. II, Mcam domum ne imbttas : tu te in $;r trinum retfa inferas. Piaut. Epid. Aft. I, Scen. if ftoNNE-EsPERANCE. Part. II. Ch. III. 7| XV. Les montagnes du Aftel iont'en-oore plus au Nord. On leur a donné-ce nom , à caufè de la grande quantité de miel que les abeilles dépolent dans leurs Vallées. On Ty voit couler en abondance durant les chaleurs de iJEté. Ges montagnes font éloignées d'une journée des F*ngt - quatre Rivières. Les Hottentots graviftcnt, au rifque de leur vie, fur les endroits les'plus efcarpez dé ces monta-'gnes, pour ramaflerdu miel qu'ils appor-v tent au Cap, où ils l'échangent contre les bagatelles dont ils ont befoin. !: ' Il n'y a d'Européens fur ces monta-' Ignés, & aux environs, que des Bergers. %eur habitation ne leur a pas été donnée 1 tfen propre, & ils font â cet égard dans le ' Wme cas que ceux qui habitent les Vingt- J Quatre Rivières. Ils ne profitent point mê-'/■nie de la liberté qu'on leur accordé'de fe-* toer du blé pour leur ufage. Ils ne mangent >1jpoint de pain , mais ils y fupléent d'une: Vautre manière ; c'eft-à-dire', qu'avec un :^morceau de boeuf ou de moutom , ils., ^'mangent en guileie pain de la ve'naiton sl'^uméc ou féchée. Cette nourriture leur' , cft fi favorable i qu'ils ne lotit, pour ainlî ■ dire , fujets à aucune maladie. Mais fans J'j doute ils ddi vêtit en bonne partie cet heu-' y *«ux tempérament?^ la Simplicité de leur 1 1 Tome 11, P boiiîon, 74 Description du Cap de boilîon, qui n'eft autre chofe que de l'eau du lait, & un mélange de miel ôc de bierc' Us vivraient fort heureufement, s'ils vo^ loient fe donner plus de peine ; mais i^ font li fort infectez delà pareflè Hotten, totte , qu'ils ne fçavent prendre d'autre foin que d'élever leurs troupeaux , ôc de fortir de tems en tems avec un fufil p0llr le procurer de la venailbn. . XVI. Aune journée de la montagne du Miel, ôc à huit du Cap, on trouVe les montagnes du Piquet ; nom qui leur a été donné à caufe d'une partie de piqUct que jouèrent les Européens, qui les pre. micrs s'avancèrent jufques-là. Cette pai-, tie étoit en effet alfez remarquable pour en conferver la mémoire , puifqu'elle commença de grand marin, ôc ne finit qqc bien avant dans la nuit. On ne trouVe que peu d'Européens dans ces quartiers encore font - ils tous Bergers. Us engraif, fent des beftiaux qu'ils viennent vendre auCap. Ceux qui habitent fur les monta, gnes dn Miel font le même commerce Les Hottentots habitent aulli fUr Cej montagnes, & vivent en très-bonne ami, tiéavec les Européens. Il y eut cependant en 17 j z. une alarme à Tocçafion de certaine mefïntelligence qui s'étoit.élevée entre les deux Nations : le bruit fe répandu racrncj bonne-esperance. Part. U.Ch. 111. 71 toemc, que les Hottentots avoient enle-Ve# les troupeaux des Hollandois. Sur «et avis, le Bailli des Colonies de ë tellen-tofch Se de Drakenftein y envoya cinquante ibldats , Se une centaine de Bourgeois blen armez. Leur arrivée mit bien-tôt fin ; au différend. , XVII. La dernière Colonie du Cap, Se Ja plus nouvelle, eft celle de Waveren, '0 plantée en 1701. fous le Gouverne-Il' ment deGuillaumevan der Stel. CeGou-^ *etneur lui donna ce nom en l'honneur f ,e la famille des Fan Waveren» à qui il if ^oit allié. Avant ce tems-là on l'appel-! tloit le Sable rouge (2), à caufe d'une mon-/ *ague qui la fépare du Drakenftein, Se fur à Quelle on trouve , de même qu'aux en-\li VlronSi beaucoup de fable rouge. \f La Terre de Waveren eft à vingt-cinq $ ou trente lieues du Cap, à l'Eft. Elle n'a pa P°mt encore de bornes fixes. Les terres Vti Jui font a&ueiiement occupées, font en-j# j!jînn^es de montagnes qu'on n'a encore ^inguées par aucun nom : mais laCo* l0lùe à fi bien réufTx, que bien-tôt elle fe-^ïa<%é de s'étendre. pCi>; D 2 xvin. i1 ^ '* i '\En HoI1*n t*\ VAn Wavere». XVIII. Ce Pays eft naturellement très, fertile , mais fort peu cultivé , parcequc les habitans n'y portaient rien en prop^ Us font obligez de rcnouveller tous les mois leurs baux avec le Gouverneur comme les quartiers qui font de la dépen' dance du Drakenftein. Il n'y a que cjej pâturages, ôc leurs maifons font de fi^ pics cabanes. Les autres Colonies ^ 'j n'ont pas allez d'herbe autour de leilr ' plantations, y envoyent leurs troupeau» I pour y être nourris. h Ils n'onr point d'Eglifc , ôc il f qu'ils aillent à Drakenftein, ou au Cap lorfqu'ils veulent alïiftcr au culte publia t, ou fe marier, ou faire baptifer leurs e^ ? i fans. A l'égard du Civil & du Criminel /; ils dépendent uniquement des Magift^ ' fL de Stellenbofch. 'f t XIX. La montagne du iSW'/é rouçe ^j>i eft très-haute 6c très-eicarpée, & fon f0rri # met a la forme d'un cône. Si les Chartiers oui palïènt entre cette Colonie °ii 0 ' les decharge au pied de cette monta»nç \ir on les démonte, ôc le tout eft mis fur ^ *' (i) De Rtede Zandt Berg, en Hollandois, [v Bonne-Esperance. Part. IL Ch. III. 77 dos des conducteurs & de leur attelage. Le chemin y eft très-étroit, pierreux , ôc dans quelques endroits étrangement reC-ferré par les arbres qui le bordent départ & d autre. Près de cette montagne eft placé un Quartier qu'on nomme hTerre noire (i), ainii appelle parceque le terrein , très-fertile en pâturages, eft de cette couleur. XX. La Colonie eft abondamment pourvue de bonne eau. On y trouve mê-l-toe deux four ces d'eaux minérale.? ÔC chaudes, dont l'une eft très-eftimée à 1 caufe des mcrveilleulês cures qu'elle a 1 faites. Cette fource avec les terres adja-f centes, qui font très-fertiles ôc bien cul-' pvées, appartient à un certain Ferdinand 1 ^Vpel, à qui le Gouverneur Louis van Wpûenburg fa donnée en propriété : cet «omme tire un bon parti de cette polTeC-^°n. J'ai couru un grand danger, dans P1* voyage que je fis dans ces quartiers 1 *jn }7o?). Six éléphans , qui alloient le |élaltércr dans une fource voifine, fe prélevèrent à ma vue. Ces animaux attaquent fi fouvent les perfonnes qu'ils ren-rentrent, que je crus que c'étoit fait de m°i : car j'ignorois abfolument la ma-D 5 niere (0 Het Swarte Land. niere Jont ceux qui font accoutumez à erj rencontrer, s'y prennent pour leur écha-per. Cependant , grâces à Dieu , ma frayeur fut vaine:ces animaux continue,, rent tranquillement leur chemin , fans s'embarrafler de moi. Une autre fois, allant à l'autre fourCc d'eau minérale , accompagné de trois Hottentots qui me fervoient de guides nous nous arrêtâmes à caufe de la nuit au milieu de la campagne, nous y drefsâmes une tente, & nous allumâmes des feU3j pour épouvanter les bêtes fauvages. Déjà j'étois endormi , lorfque tout-à-coup je fus réveillé par l'approche terrible de onZc Lions, qui pouifoient des rugiilèmens capables d'infpirer de la frayeur aux plu$ réfolus. A chaque inftant je croyoij qu'ils m'alloient mettre en pièces. Mais mes Gardes alertes 3 qui fçavoient corn, ment ilfalloit s'y prendre avec de tels en, nemis, prenant les filons à moitié brufej qu'il y avoit au feu , les jetterent de toute leur force contre ces animaux. Les lions à cette vue fe retirèrent, & nous laiflè, rent prendre notre repos. CHAPITRE Bonne-Esperance. Part. 11. Ch. iy. 79 CHAPITRE IV. Gouvernement des Hollandois au Cap. L Différent Corps qui règlent les affaires an Cap. II. Dtt Grand Confeil. III. Cour de Juflice Supérieure. IV. Cour de Juf tice Inférieure. V. Cour pour les Mariages. VI. Chambre des Orphelins. VII. Chambre Èccléjiafiique. VIII. Confeil de la Bourgeoijie. IX. Des Land-Drofts. X. Deux Confeils pour la Milice. XI. Précautions contre les Incendies. XII. Etat de PEtablijfement du Cap par rapport a la Compagnie. XIII. Dépenfesde la Compagnie au Cap. XIV. Revenus du Gouvernement. XV. Géne-rojité de la Compagnie. XVI. Endroits *u logent les Serviteurs de la Compa* gnie. XVII. De fes Efclaves. | T L y a dans l'établifïèment des Hol-1 landois au Cap diverfes excellentes toftitutions pour leur confervation , 6c P°ur le maintien de leurs privilèges. J'ef-Pere que le petit détail où je vais entrer j£ra piai/ir à toute perforine raifonnable 5* intelligente. D 4 La La mémoire de Mr. van Riebeek^, qui a fondé i'établifïèment des Hollandois aç Cap } eft encore aujourd'hui en grande eftime 6c au Cap, 6c en Hollande. Dou<£ d'un grand génie pour former des plans3 il les executoir avec beaucoup de bon_ heur. Il avoit reçu de la Compagnie des. Indes plein-pouvoir de régler tout ce cnai concernoit ce nouvel établillement comme il le jugeroit convenable. Il gt d'abord pluneurs inftirutions, propres 4 bien gouverner le peuple qui lui étoit fournis ; 6c à mefure que les Colonies aug„ menroient,il fît de nouveaux régiemens, Ses fucceficurs, en fuivant la route qu/jj avoit tracée, y ont fait des additions 6c des cfiangemens : defbrte que le Gouver„ nement le trouve aujourd'hui entre les mains de huit Corps : fçavoir , d'mj Grand Confeil, d'un College de Jufticc d'une Cour de Jtiftice Inférieure, d'une Cour pour les Mariages, d'une Chambre des Orphelins, d'une Chambre Eccléfiafiim que, d'un Confeil de la Bourgeoife , ^ enfin d'un Confeil pour la Milice, Ces deux derniers Confcils ont été établis fous le Gouverneur Simon van der Stel} dans le tems qu'il vint au Cap une Colonie confidérable de François Réfugiez. IL Lr. Grand Confeil ,qu on appelle quelquefois BöNNE-EsPERANCE. Part. Il Ch. IV 8l quelquefois le College de Police, eft com-poie du Gouverneur qui y préiide, & de huit des principaux Officiers qui font au fervice de la Compagnie des Indes Orientales. Le Gouverneur y a deux voix. Ce Confeil a le pouvoir de faire la paix ou la guerre avec les Hottentots, & de régler tout ce qui regarde le commerce , la navigation, la fureté & les intérêts du Comptoir. Ii répréfente en quelque manière les Etats-Généraux , & la Compagnie. H s'artèmble tous les Lundis à neuf heures du matin, & fes féances durent pour 1 ordinaire jufques à midi. Il eft convoqué par une cloche qui pend au-dellus de la porte du Fort. Ce College a correfpondance avec la Chambre des Directeurs en Hollande, avec leur Gouvernement à Batavia, &c avec celui de Cey-k». Tout ce qui s'y parte , toutes les lettres qu'il reçoit, toutes les copies de celles qu'il écrit j font fidèlement confervées Par le Sécrétaire. La Garnifon du Fort tend les honneurs militaires à chacun des Membres de ce Confeil, toutes les fois qu'ils entrent ou qu'ils fortent ; honneur qu'on ne rend à aucune autre perlonne au Cap. Us font au(fi extrêmement re£ pecle/. par cous jes Eul.0p(iens du pays. III. Il y a d'autres Confeils qui rele-D ƒ vent vent de ce premier. La Cour ou le Collège de Juftice eft de ce nombre. Ce Confejj cft prefque toujours compofé des mêmes Membres qui forment le Grand Confèi^ Il connoît ôc juge de toutes les affaires importantes, foit civiles , foit criminel, les , qui arrivenr au Cap parmi les Européens. Si un Européen, qui n'eft pas an fervice de la Compagnie, eft demandeur ou défendeur , acculateur ou accufé, de, vaut cette Cour,& que fon adverfaire foit au fervice de la Compagnie, les trois Bourguemeftres Régens du Cap, choifîs toutes les années parmi ceux qui ne font pas Serviteurs de la Compagnie, ont en, trée dans ceConfeil,& alïi (tenta l'examen, pour prendre garde que ies relations que ces Juges ont avec une des parties qui eft Serviteur de la Compagnie , ne falfènç pancher la balance en fa faveur. On peut appellcr de cette Cour en deux manières : ou en demandant que le Procès foit porté à la Cour Suprême de Jufticc de Batavia , qui eft compofe'e d'excellens Jurifconfultes ; ou à la Cour Suprême de Juftice de Hollande. Quelquefois même , mais fort rarement 3 0n en appelle d'abord à la Cour Suprême de Batavia , ôc en fuite en dernier reffon à la Cour Suprême de Hollande. u Bonne-Esperance. Part. II. Ch. IV. 8 J La partie qui veut appeller de la fen-tcnce rendue à la Cour de Juftice du Çap , doit lignifier Ion appel par écrit dix jours après le jugement rendu , & mettre en dépôt entre les mains de la Cour, cent florins, qui doivent refter féqueftrez jusqu'à fin de caufe , pour erre alors remis a 1JAppellant, fi la fcntence eft révoquée, & au Répondant „ il elle eft confirmée. . ÏV. La Cour Inférieure de Juftice dépend de la Cour dont je viens de parler. On régie dans cette Chambre Inférieure de petits différends, des batteries , de moindres fautes, des dettes qui ne paiîênt pas cent écus. Elle a pour Préiïdent, un Membre du Grand Confeil, qui eft obligé de rendre compte au Confeil Supérieur de tout ce qui fe pailè dans cette Chambre. Il y a outre cela trois Bourgeois s & quatre Serviteurs immédiats tfe, ia Compagnie. Un des, Bourgeois eft toujours Viee-Préiident, ôc-un des Serviteurs roûjours Sécrétaire. On change tous ies deux ans les Membres qui com-poieur ce Corps. Pour cet effet, les Bourgeois Se les Serviteurs de la Compagnie » Préparent de-, Liftes, qui contiennent le double des .nues qu'il faut j ces Liftes font préiL: ' t W Grand Confeil , qui Clioific }dans ce nombre les perfonnes P 6 qu'il qu'il juge les plus propres pour l'emploi*■* Cependant on a toujours loin de mettre dans ces Liftes quelques anciens Mem, bres , 6c le Confeil ne manque jarnarç d'en retenir deux ou trois, qui puifient indiquer aux nouveaux la manière de procéder dans les affaires, 6c de finir cel, les qui fonr déjà entamées. On garde dans ces deux Cours de Juf, tice regiftre 6c copie de toutes les procé, dures 6c de toutes les fentences ou dé, crets i & le Grand Confeil envoyé de tems en tems ces papiers en Hollande aux Directeurs de la Compagnie. V. La Cour des Mariages eft ainfi ap, pellée, parcequ'elle examine la légitimité des contracts de mariage 3 avant quJils foient confommez. Cette Chambre a foijj que rous les contrants que forment les Européens au Cap , foient autoriiez pac "les parens ou par les tuteurs', fi les per, fonnes contractantes en ont 6c examine ïi Kme ou l'autre des parties n'a point d'engagement ou de promette antérieure avec" quelque autre , 6cc.1 Les Membres qui compofênt cette Aflernblée, font les mêmes qui forment la Cour Inférieure de Juftice. Ils s'allèmbient tous les Samedis, Dès qu'ils ont vu que le mariage proJ pofé eft bien 6c duement contracté , $ tfdihertf ... ri ■Bonne-Espérance. P. Il Ch. 1K 8s donnent aux parties une permifîion adreflée aux Parleurs dejeur Parodie respective , de publier ieurs bans trois Dimanches confécutifs , & enfuite de les marier 5 fi peribnne n'y met empêchement : car s'il fe trouve quelqu'un , qui a l'ouïe de la publicarion des bancsYop-pofe au mariage , il faut qu'il expofe les raifons en préfènce de la Cour des Mariages , qui en juge définitivement : dc-forte que il elle trouvoit l'oppofition valable 3 les parties ne pourroient palîèr outre. Mais il n'eit rien arrivé de fcm-blaDÎé peudanr rout le tems que j'ai été au Cap. .On y a une fi grande attention pour empêcher qu'on ne contracte des mariages contre les régies > que le Gouverneur J'.m der Stel voulut qu'avant que les parties contractâmes fe préfentaiïcnt devant la Cour des Mariages, elles pa-ruflent premièrement devant le Gouverneur pour obtenir Ion confcutement ; il leur donne enfuite un ordre par écrir x adrclfé à la Cour des mariages , afin qu'elle fallé enquêre ; l'affurant que de fon cójte îl approuve le mariage , à condition cependant qu'il n'y air point de raifon qui s'y oppofe. VI. La Chambre des Ojhclins efr com- po'lc'c pofée de fept perfonnes, d'un Préfïdent qui eft toujours le Vice - Préfuient du Grand Conlèil ; de trois Serviteurs de la Compagnie, & de trois Bourgeois qui font chargez rous les deux an:, de la mé, me manière que le font les Membres de la Cour Inférieure de Juftice. Le Vice, Prélident de certe Chambre eft pour l'ordinaire un des Bourgeois. Le Sécrétaire eft toujours un Servireur de la Compa, gnie, ôc a par mois dix-huit florins, outre quelques petits bénéfices. Il doit pren-dre minute de toutes les procédures de la Cour, & tenir Regiftre de tout ce qui s'y palle. Ün Orphelin ne peut point fe marier avant l'âge de vingt-cinq ans, fans le con-fenzcmcnt de cette Allèniblée. Si elle a», prouve le mariage, elle lui donne par écrit un témoignage de fon approbation , qu'il doit préienter à la Cour dés' Mariages 3 pour qu'elle procède à l'examen requis. Vil. L a Chambre Eccléjîaftique doit veiller furies Eglifes du Cap, qui font au nombre de trois, & régler tout ce qui concerne l'ordre & le gouvernement de la, Diicipline Eccléiïaftique. Cette A ffemblée a auiîî loin que les aumônes & les deniers des pauvres foient bien &c fidèlement adminiftrez, Elle eft compofée des trois bonne-esperance. P. Il Ch. IK g? trois Payeurs des Exiles ; de fïx Anciens, chaque Eglifeen ayant deux ; & dedouze diacres, chaque Paroifte en ayant quatre. Cette efpece de Concile National décide en dernier refïort, non feulement des affaires temporelles de ces Egli(ès,mais encore il régie les Cérémonies du Culte public : il les change, il les diminue , il les augmente, comme il le juge à propos. Et cette A ((emblée eft ii intégre , ôc ii attentée au bien des pauvres, qu'il n'y a aucun Màndiaiit dans les Colonies des Hollandois au Cap. Le furplus des aumônes eft employé, ou à réparer les Egllfes , ou a entretenir les Ecoles. S'il refte encore de l'argent après toutes ces dépenfes,on le place afin d'en tirer l'intérêt. Toutes les affaires & les réfolurions de cette Aflèm-°lée font fôigneufcment enregiftrées, jour Par jour , ôc on permet à chacun de lire ces actes. U y a, outre ce Synode, un Confiftoi-re qui s'afîèmble de tems en tems dans chaque Paroiflè. Cette Adèmblee eft comptée de huit perfonnes, d'un Notable de la Paroilfe , qui eft pour l'ordinaire le premier & le principal Marchand qu'il y dans la Parohfe; il en eft le Préfidenr. Le Miniftre ou Pafteur vienr enfuite , les **eux Anciens ôc les quatre Diacres hniC- SS Description du Cap de fcïit le nombre de huit- Quatre de ces Membres font tirez du Corps des Bour-gcois , Cv quarrefont pris d'entre lesSer, viteurs de la Compagnie : le Pafteur eft toujours compté au nombre de ces der* nicrs,. VIII. C h a qu e Colonie du Cap a un Confeil de Bourgeoise , compole d'un certain nombre de Bourgeois. Tous les deux ans ils font choiiis par le Grand Confeil Centre les Bourgeois indiquez par les Liftes préparées par les Bourgeois de chaque Colonie. Ces Liftes contiennent aufti le double des perfonnes qu'il faut. Ce Confeil fur fondé par le Gouverneur SL tr.on van der Stef lorfque les François Réfugiez vinrent s'établir au Cap. Il don, naàces Magiftrats le nom de Confeillem Domcftiques. Le Coiaieil de la Bourgeoise du Cap n'a prefque aucune autorité : tout ee qui concerne la Colonie eft prefque déterminé &c réglé par les différens Colleges dont j'ai parlé.. La fonction de cette Chambre eft de confulter enfemble fur ies intérêts communs des Bourgeois de la yille du Cap, & de propofer les matières difeutées au Grand Confeil, qui en juo-e en dernier reftorc. Ce font eux qui collectent les impôts mis par le Grand Con-kil fui les Bourgeois. A la vérité, les trois Bourguemeftrcs BOKNE-ESPERANCE. P. IL Ch. IV. •Bourgucmeftrcs régens , qui font choifis •toutes les années par les Bourgeois, &c tirez de leur Corps ,ont beaucoup d'influence , puiiqu'ils ont fouvent entrée dans le College de Juftice : auih font-ils très-refpectez. Le Corps de la Bourgeoiiie du Cap a quelques revenus parrieuliers. Il pollede for la rivière de Rel plulieurs beaux jardins &c riches vignobles, & à quelque diftance de la Ville de fuperbes jardins qu'il afferme, & dont il tire quinze cens •florins par an. Le Confeil de Bourgeoifîe dans les deux RUtres Colonies, a beaucoup plus d'autorité & dinfluence dans les affaires. Le Land - Drofl, ou Lieutenant de chacune de ces Colonies, p.éfide dans le Confeil. On y régie toutes les dettes qui ne vont pas au-delà de cent cinquante florins: on y examine & punit la plupart des crimes commis dans la JurïfiicHon de-la Colonie : on y jugé tous les crimes comtois par les Efclaves. Ce Confeil a une Maifon de Ville où il s'allèmble , & a en fa difpoiition une prifon pour les dé-üuquans. XL Comme l'étendue de l'autorité de ce Corps dépend beaucoup de celle qu'a fon Préiident, il eft à propos d'examiner miner plus particulièrement les fonction de ce Magiftrat. Le Baron Van Rheede après avoir rempli avec une grande ap! probation les principaux Emplois de la Compagnie des Indes, étant revenu en Hollande, reçut de la Compagnie le titre de Commifiaire-Général, avec une corn, million dont j'ai déjà parlé. Il avoit plein, pouvoir de dépofer , de fufpendre lCs Gouverneurs & les autres Officiers qujjj jugeroir manquer de capacité ou mal adminiltrer les affaires, ôc d'en mettre d'autres àieur place. Ce Seigneur en paf. fant au Cap examina l'état des Colo, nies , fit plulieurs changemens dans le Gouvernement, ôc publia quelques non. velles Ordonnances. Ce fut lui qui créa lc premier Land-Droft , ou Lieutenant des Colonies de Stellenbofch ôc de Dra^erif. tein. Il donna à ce Land-Droft le même pouvoir qu'avoit au Cap le Fifcal indépendant: il devoit faifir ôc pourfuivre tous les criminels , vagabonds ôc débauchez de fa jurifdiction. Il exerça cette au, toriré fans aucune interruption, jufques à l'année 1712. Mais dans ce tems - là [\ arriva , qu'ayant pourfuivi ôc pris une bande de Matelots, qui après avoir déferré, pilloient& moleftoient en divers manières ies perfonnes de la Colonie qui de- meuroient Bonne-Espérance. P. II. Ch. IK $z meuroient dans des maifons écartées, ôc ayant mis ces fcélérats en priion pour en demander juftice , ils évitèrent la punition due à leurs crimes, en rompant leur cachot Ôc en s'échapant. On en reprit deux , quelque tems après : l'un fut faifî par le Land-Droft dont nous parlons, ôc l'autre par le Fifcal proviiïonel du Cap : c'eft ainlî qu'on appelle le Fifcalpar intc* *im. Ce Fifcal qui étoit un homme turbulent , croyant faire la cour à la Compagnie pour obtenir l'emploi vacant, fe mit en tête de difputer au Land-Droft ion autorité dans le cas prélent,& de lui loute-nir qu'il n'avoit aucun droit fur le Criminel qu'il avoit fait prifonnier ; alléguant pour raifon, que ce prifonnier étant un Matelot, il dépendoit de la Colonie du Cap, ôc devoit par coriféquent être poursuivi par fon Fifcal. Le Land-Droft ayant voulu foutenir fon droit, le Fifcal porta la chofe devant le Grand Confeil, demandant qu'elle fut jugée. Les parties furent ouïes, ôc en conféquence le Confeil trouva bon , pour prévenir déformais toute difpute de cette nature entre les Officiers , de régler leurs Jurifdi&ions respectives , en ordonnant que ni le Land-Droft ni le Fifcal ne pourfuivroient per-&*"ie que pour les crimes commis dans $j Description du Cap de leur Diftricr. Ce fut alors, & même à cette occalion , que le Grand Confeil étendit la Jurifdiclion de la Colonie du Cap jufques à la rivière du Banc des Moules, Pour ce qui concernoit la precédence dans le fait des pourfuites criminelles , il fUf décrété qu'on fuivroir cette régie, Prior temport,prier jure. L'examen des Crimi^ nels devoir appartenir à l'un des deux, fuivant les dates de l'emprifonnernent des prifonniers. X. I l y a enfin dans les établiffemen: du Cap deux Chambres Militaires, l'Une pour les Soldats de la Colonie du Cap, l'autre pour ceux de Stellenbofch ôc dc Drakenftein. Celle-là s'alfemble à la Ville du Cap, ôc celle-ci à la Colonie de SteU lenbofch. Ces deux Confeils de Milice nj. rent établis par le Gouverneur Simon van der Stel. Dans le tems que les Réfugiez François arrivèrent au Cap, on leva quel, ques Compagnies de faiitaffins &: de cavaliers sôc l'on établit ces Chambres pour les diriger. Il y a dix Commis à chacune de ces Chambres. Le Prcfïdent de celle du Cap eft toujours Membre du Grand Confeil y les autres font toujours les principaux Officiers des troupes de la Colonie. Le Land-Droft pré/ide dans la Chambre Militaire de Stellenbofch, qui eft compo fée BoNNE-EsPERANCE. P. //. Ch. IV. 9£ fée de neuf des principaux Officiers des troupes que l'on tient dans les deux Colonies. Il y a dans chaque de ces Chambres im Sécrétaire. Une fois par an , des Députez du grand Confeil viennent faire la revue des troupes pour en examiner les défauts ôc les réparer. On fe divertit beaucoup dans ces occalîons. Dès que l'exercice eft fini ôc qu'on a pofé les armes , les divers Compagnies amufent les Députez ôc les régalent de mille tours d'adrelfè, ôc de divers fcénes très-divertilfantes. Lorfque rrois ou quarre Efclaves le fonr écha-pez enfemble, le Conieil de Guerre de la Colonie où demeuroient leurs maîtres , envoyé inceffammenr après eux un détachement de cavaliers tirez de ces Compagnies. Il eft ordonné aux Bourgeois des divers Colonies de faire la garde pendant la nuit : mais comme elles fe (entent parfaitement en fureté contre les entreprifes des Hottentots, cet ordre cft fort mal exécuté. XL Pour prévenir les incendies qui viennent du peu de foin qu'on prend de nettoyer les cheminées , il y a certaines perfonnes payées, dont la fonction eft de vifiter de tems-en-tems les cheminées de la Ville, ôc d'avertir les propriétaires •de ies faire rançonner. Ceux qui négligent cet $4 Description du Cap de cet avis, font citez à comparoître à ja Citadelle, où on leur impofe des amen, des proportionnées à leurs biens. On les punit même & d'une amende , & d'un emprifonnement, en cas de rechute. XII. I l en a coûté des Tommes immenses à la Compagnie des Indes, avant qu'elle ait pu mettre cet établifîèment fur le pied où il eft aujourd'hui ; &c mê. me , fi j'ai bien été informé, pendant les vingt premières années, il lui en a coûté aumoins un million de florins par an. Les dépenfês annuelles du Gouverne, ment monrenr aujourd'hui , fi je ne me trompe, à environ quatre cens mille fl0. rins j & c'eft bien le tout , fi les revenus qu'il en tire produifent cette fomme ; defbrte que la Compagnie a encore bien de la peine a retirer de l'établifîement du Cap , dequoi payer les fraix qu'elle eft obligée d'y faire. Il eft incroyable quels foins elle a pris jufqu'à préfènt, pour la fureté & la profpéiïté des Colonies les rravaux que ces nouveaux habitans ont faits pour s'y établir, s'y fortifier, & faire fleurir leurs habitations. Defbrte qu'on peut dire fans aucune exagération , que cet établifîèment, le plus florifïànt qu'il y ait en Afrique, fournit un témoignage inconteflable du génie de ce Peuple infatigable, XIII, BoNNE-EsPERANCE. ?. ƒƒ. Ch. IP*. 9 ƒ XIII. Les Serviteurs de la Compagnie font divifez en deux clafïès : l'une renferme ceux qu'on appelle les Qualifiez, & l'autre les Non-Qualifiez. Les Qualifiez. comprennent tous les Officiers qui ont part à l'adminiftration des affaires, les Secretaires &c les Teneurs de Livres. Les Serviteurs Non-Qualifiez. font les Soldats, : ta Artifans & les Domeftiques. J'indi-1 querai les appointemens & les gages que î tirent tous les Serviteurs. I Florins, i Les appointemens duGouverneur ^montent par an à . . }^SS { Le Capitaine de la Garnifon , les Itrois Minijtycs des Colonies, le ^Munitionnaire (i), chacun 1617 fl. I ïo fols jee qui fait en tout, par an , Ipour ces fepr perfonnes. . . 'a Le Lieutenant de la Garnifon a jiparan. . . . ioof* I VEnfeigne de laGarnifon,& onze I Sot*s-Marchands ,ont chacun 708fl. j Par an, ce qui fait en tout. . . 845* j) Les tÀ ïiforei, les Confia-y lateurty faifant en tout treize perfon-I nes 3 à j ï 3 fl. par an. . . I VingtAJfîftans ou Sous-Sécretai-W**\* 354 fl. . . • 7080 { Les I ' (0 En Hollandois, fyfâq**W'fi#» $6 Description d u Cap de Les Sergens de la Garnifon , les Maîtres des Ouvriers, les Surveil-Uns des Domestiques , les Sous-Officiers des petits vailîèaux marchands employez aux environ s duCap pour le fervice du Gouvernement en tout vingt-deux perfonnes , dont les fa-laites font différens, ôc qui fe montent à . 778$ Les Soldats de la Garnifon , &c ies Vomejricjues , au nombre inq eens vingt-quatre perfonnes. . . 73884 II957o Outre les appointemens le Gouverne tir tire encore de k Compagnie pour relv. tretien de fa Maifon , par mois, quinze cens livres de ris, trente gerbe de Pufih ou de ris blanc qui efl encore dans fon épi , trois cens fbixante livres de farine de froment, vingt livres de bœuf &c de cochon d'Europe laïc, autant de mouton qu'il en veut, un tonneau de vin d'Afri. que, feize pintes d'eau-de-vie, trente, deux de vin des Canaries, quarante de bière forte, ou de Mum de Bruiïfwick vingt-cinq livres de beurre frais, quinze livres de bougies, dix livres de chandeL lçs, fix livres d'épicçries , .huit pintes d'huile pour la falade > tout autant de vinaigre Bonne-Espérance* P. //. Ch. IT. 97 vinaigre qu'il fouhaite, & plulieurs autres petits articles qu'il feroir trop long de Spécifier. Si d'ailleurs il a befoin , pour l'ufage de fa maifon , de toute autre denrée, &C que la Compagnie puilîè les lui fournir , elle les lui donne à vingt-cinq pour cent meilleur marché qu'elle ne les vend à •tout autre. Il a aufti un revenu de cinq eens fl. par an , pour régaler les Capitaines & les autres principaux Officiers des Vaiifeaux de la Compagnie qui viennent mouiller au Cap pour fe rendre en Europe. Il ne leur donne qu'un diner , & encore prend-on tout ce qui s'y préfente , des jardins, des magazins, & des troupeaux de la Compagnie. Or en raflèrn-klant tous ces articles , il le trouvera que le Gouverneur tire de la Compagnie envi-ron 6000 florins par an,fans y comprendre Ses appointemens mentionnez ci-delfus. Difons en général à l'égard du Gouverneur , que k Compagnie lui fournit tout ce qui eft néceilàire & pour la parade, Se pour la commodiré. On lui entretient un Ecuyer, un Sous-Ecuyer , un Sellier, des Cochers, & des Palefreniers : & même celui des Cochers qui eft deftiné pour lui Seul, eft regardé comme une perfonne Sorr coniidérable. Tome ll% E J'abu- J'abuferois de la patience du Lecteur Ci je îpécifiois en détail tout ce que jcj autres Serviteurs & Officiers de la Com. pagnie tirenr ourre leurs gages. Il fuff^ de dire que les Extraordinaires des Servi, tcmsQualifiez. montent à environ yoooo florins par an , ôc ceux de Non-Qualifié à environ 11790. florins. Extraordinaires duGouverneur. 6q0q --des ServiteursQualificz. joooq --des Serviteurs Non-Qua- lifiez. . 11790 ' En tout , 677^ I On a calculé que les moutons tuez au I Cap aux dépens de la Compagnie , f0jt f pour fournir la table du Gouverneur ô\; celles des Serviteurs Qualifiez , foit poUr $ rafraîchir les vailîèaux de la Compagn{e & qui arrive au Cap, reviennent, une an, f née portant l'autre, à 150000 florins ^ On compte que l'achat ôc l'entretien des ^ Efclaves coûte à la Compagnie près de 30000 florins : elle en a toujours tout n aumoins fix cens. Il en coure à la Com. pagnie pour l'entretien des malades de $ ,• l'Hôpital, 20000 florins par an. Les r Matelots qui fervent fur les vailîèaux de ^ BoNNE-EsPERANCE. P. II. Ch. IF. 99 ia Compagnie , font reçus dans cet Hôpital , s'ils viennent à tomber malades, & y font foignez^ram pendant quinze jours. Si au bout de ce tems-là ils ne Sont •pas rétablis, ils Sont obligez de donner la Moitié de leur paye. ; ' Le Gouvernement donne une certaine *ecompenie à tout homme qui tue un ■^°n ,un tigre , ou un loup ;& Souvent il accorde des gratifications aux Européens °iUi lui ont tendu quelque Service. Tout cela, joint aux préSens qu'on fait aux Hot-j tentots pour entretenir avec eux la paix , & l'amitié, peut monter à environ 2000 j florins par an. En un mot, (car tous ces '' détails pourroient devenir ennuyeux), je i dirai qu'après un calcul fait, on a trouvé ' °lUe la Compagnie dépenfe au Cap envi-t r°n 400000 florins par an. ! VIII. Il s'agit de voir à préfent les ', revenus qu'elle tire de cet établiiîèment, l Se comment elle s'indemnife de ces dé- •f D'abord, la Compagnie a un dixième ]j du produit de toutes les terres que les r Européens poifédent au Cap. S'il s'agitVle £ champs & de vignes, le Gouvernement j, ^re ce dixième ou en denrées, ou en ar-* Seut. S'il s'agit de prez, il tire le dixième , -de la rente réelle ou fuppofée. Lorfque Et ic -lûo DescriPTiohdu Cap de les maifons ont palfé aune fécondemafn elles font chargées d'une rente foncière * qui varie fui vaut qu'elles font neuves ' ou vieilles , au tems qu'on les vend, si* elles ont été vendues neuves , elles doù vent une rente du dixième , ou du ving„ tiéme denier de ce qu'on croit qu'elles feraient louées. Si elles font vieilles, elJCs en payent le quarantième denier. Qn compte que ce revenu donne par au fa tomme de 14000 florins. La Compagnie a mis certains inipôtî fur les vins , tant du Pays que ceux quj viennent de dehors , fur le tabac , fur fes eaux-de-vie, & fur les autres liqueUrs difhliées : comme auffi fur la bière , f0;c ,ji qu'elle ait éré bralîee au Cap ,, ou qu'el|e p y ait été' apportée. Il y a auiTi un impôt fur la bière de Brftrtfvvicl^, liqueur dont & ,on apporte ôc dont on débite bcaucouD é au Cap. Tous ces impôts font affermez $ ôc la Compagnie en tire conftamenc if 70000 florins. Mais il eft certain quJj]s \f pourroient être pouflèz beaucoup p|Us $ loin. 'de La Compagnie débite au Cap près I 300000 florins de marchandifes par an On peut compter, ians rien rifquer , q^ ces marchandifes ; l'une portant l'autre donnent .un profit de 7 r pour cent : ce quJ apportera Bonne-Esperance. P. II. Ch. IV. ior apportera tous les ans 2x5000 florins à la caille. Ce font-là les revenus qui dédommagent la Compagnie des dépenfes qu'elle eft obligée de faire pour le Gouvernement du Cap. A peine ce qu'elle en tire 3 fupplée-t-il à ce qu'elle y dépensé- Mais comme la Colonie augmente ^us les jours, ôc qu'on défriche conri^ Buellcment de nouvelles terres, cet établifîèment ne peut que devenir très-avantageux avec le tems , ii l'on y maintient un bon ordre. XV. IL eft même certain, qu'actuellement la Compagnie pourroir, /ielle étoit moins généreufe , fe dédommager beau-coup mieux des dépenfes qu'elle eft obligée de faire. Car il faut convenir que la douceur de fon Gouvernemenr, &la gé-nérofité avec laquelle elle en ufe à l'égard de ceux qui vont s'établir au Cap, eft fans exemple. On ne demande le dixième du Produit des terres que la féconde année , lorfque ce produit eft un peu conlidérable, & le propriétaire à fon aife. Non conrent de leur donner des terres, on les met en état de les cultiver , en leur fourniflant les outils ôc les femences nécelfaire. Dès le commencement on diftribua aux Colo-lonies une grande quantité d'inftrumens pour travaillera la terre : mais ces outils E 3 n'ont ici Description du Cap de n'ont été ni rendus, ni payez. Je fCa* qu'en 17 1 z, il étoit du à la Compagjy. par les particuliers plus de 40000. florins pour des inftrumens, des outils Se autres choies qui leur avoient été prêtées au commencemenr de leur établifîèment ; quoiqu'elle eût long-tems attendu le rem. bourfement de ces avances ,elleaceperu dant été très-commode pour le payement Actuellement plulieurs perfonnes lui doil vent encore des fommes confidérables 5 ^ s'il n'elt pas manifeûe qu'elles foient à leur aife , on les laide fort tranquilles a cet égard. Iln'eftpas pofïîble qu'un créaiu cier traite fes débiteurs plus humaine, ment. Dès que l'on fait feulement con. noître qu'on n'eft pas en état de payer | la Compagnie donne du tems , Se on la paye peu-à-peu. Au -lieu d'argent, ellc reçoit quelques petites denrées, dans quel, que tems qu'on veuille les lui livrer. -J'a^ voue qu'il y enrre beaucoup de politique Se qu'on veut par un traitement ii doux s'attacher les Colonies Se les augmenter Heureux les Peuples qui ont affaire à des Chefs dont la politique eft fi raifbnnable» La Compagnie fait encore paroître fon extrême générofité à un autre égard. Si les maifons ou les granges des perfonnes qui ne font pas bien riches 3 viennent à être brûlées* BoNNE-EsPERANCE. P. II. Ch. IV. ioj brûlées, elle les rebâtie prefque entièrement à fes fraix , & dédommage en bonne partie les propriétaires de la perte caufée par le feu. On leur fournit la meilleure partie des matériaux , ôc des ouvriers. XVI. Les Serviteurs immédiats que la Compagnie entretient au Cap, Qualifiez ou Non-qualifiez , font environ au nom* bre de fix cens. Mais ils ne font pas tous logez dans le Château : quantité de Sous-OfEcicrs & de Domeftiques logent dans divers bâtimens appartenant à la Compagnie , iituez dans la Ville. Lorfque les Fermiers de la Compagnie, ôc d'autres Perfonnes ontbefoin des Domeftiques ou des Efclavçs, &quc le Gouvernement n'en apas affaire, on leur en loue quelques-uns pour plus ou moins de rems ; mais jamais pour plus d'une année j ôc encore elf-ce toujours à condition que fi le Fort etoit en danger de la part de quelque ennemi, ces Domeftiques s'y rendroient in-eeffamment pour fe mettre fous les armes. XVII. O n tire la plus grande partie des Efclaves du Cap, de Maâagaficar. Ce font les plus intraitables, les plus vindicatifs , Ôc les plus cruels dont j'aye jamais °uï parler. Rien n'eft plus difficile que de les tenir dans l'ordre. Rien ne leur cou- E 4 K ; jo4 Description du Cap de te pour Satisfaire leur vengeance ; ils nç iont épouvantez par aucun châtiment. S'ils tuent un Efclavc, on les pend fans rémiiïion •> mais s'ils tuent un Européen , ils font rompus vifs, ou fubilîènt queL que autre châtiment tout auflî affreux. Voici quelques faits , propres à fairc connoître le caraétére de ces malheureux. Quelques-uns d'entre eux comploterent de s'échaper pour aller s'établir dans quelque lieu hors de la conuoiiîànCe des Hollandois 3 Se fonder auiïi un nouveau Peuple. Ils créèrent un Roi Se une Reine, Se rirent quelques régiemens pour le bon fuccès de leur entreprife. Tout étant ainfi difpofé, ils prirent les armes de leurs maîtres, rirent proviüon de pou, dre Se de baies , Se 'acheminèrent pendant la nuit du côté de la baye de SaU danha. En chemin , ils tuèrent un Surveillant , Se un Efclave qui avoit refufé de fe joindre à eux, Se de leur donner une pièce du troupeau qu'il gardoit. Mais arrivez à la baye de Saldanha, où il y a toujours deux Gardes pour avoir l'ccil fur les vailîèaux qui entrent dans la baye, ils furent faiiispar ftratagême, & conduits au Cap. La Cour de Juftice en condamna quatre à être rouez vifs. La Reine fut pendue. Le relie fut condamné à affilier à l'exécution BcjNNE-EsPERANCE. P. H. Ch. IV. \ o j l'exécution avec la corde au coup, à erre fouetté avec des rofeaux d'Inde fendus , & enfin marquez d'un fer rouge. Les quatre qui furent rompus vifs , ne donnèrent aucun ligne de douleur lorfqu'on les étendit fur l'échaffaut : feule- lent à chaque coup qu'ils recevoienr de l'Exécuteur, ils jertoient un feul cri. On les plia enfuite fur la roue, avant que de leur don-' ner le coup de grâce : ils refterent encore en vie pendant quelques heures, fans jer-per le plus léger foupir , ni pouffer la moindre plainte ; ils demandoient feule-lement de tems en tems à boire. Un Efclave pendant que j'étois au Cap, ayant eflayé plulieurs fois de mettre le feu à la mai fon de fon maître , fur condamné à être brûlé vif. Pour cet effet, l'Exécuteur le ha à un poreau planré en terre, de manière que le corps du Criminel pou-■Voit tourner à l'entour. On alluma tout autour du Criminel un grand feu. L'Efcla-ve étoit à moitié brûlé , qu'il n'avoir pas encore poulie un cri. Mais enfin étant tombé à terre , il s'écria en Portugais, 6 Dieu mon Pere ! o J)ios mio Paj ! & ii ex-■pira. £ j CHAPITRE CHAPITRE V. Des Troupeaux que les Européens poffe-dent au Cap, & de la manière dont ils les ménagent. ï. Les Européen J du Cap pofedent une grande quantité de Beftiaux. II. J0es Tueries privilégiées. III. Des Vaches. IV. Les Bœufs n'ont point de bojfe fHr le dos; leur grojfeur. V. Des Brebis, des AI out on s ejr des Chèvres. VI. Des divers accidens qui diminuent le Bétail des Européens au Cap. ï. T L n'y a peut-être point de Pays au jt Monde qui nourriftè une Ci grande quantité de gros de menu bétail, que l.r Cap de Bonne-Efpérance. On eft fiap, pé d'étonnement, 6c à la vue des troupeaux nombreux qu'on voit dans les contrées des Hottentots. Cette abondance fait que les boeufs & les moutons y font à très - grand marché, &c que les Colonie? ont pu aiiement s'en procurer. AuiTi ont-elles bien profité d'un avantage li confi-dérable : les vaftes campagnes qu'elles occupent {ont toutes couvertes de trou-; peaux. Ijonne-Esperance. P. //. Ch. V. j 07 peaux. Mais il n'y a point de canton qui en nourriflè en plus grande quantité, que la Colonie de Waveren, la Terre mire adjacente , Se la Vallée verte fituée au Nord du Cap , dont elle dépend. Comme les terres des environs de la Ville, Se celles de Stellenbofch , font employées en grande partie en vignes, en jardins Se en lieux de plaifance , les habitans n'ont pas atfèz de pâturages près de leurs demeures pour y entretenir tout leur bétail: ils font donc obligez d'en envoyer la plus grande partie fur les terres du Waveren, qui étant les mieux arrofees, fournifîent le plus d'herbe, & peut-être la meilleure de tout le Cap. IL Les pâturages de la Vallée verte appartiennent à la Compagnie : elle les cède aux Maîtres des quatres Boucheries privilégiées, qui font obligez d'entretenir en tout tems une grande quantité de bei-tiauxde toute efpece, afin d'être toujours en état de remplir les commiiuons que la Compagnie leur donne ; parce que les de-mandesYont fouvent fubites , Se que les livraifons doivent toujours être faites fans délai. Ceit d'ailleurs à eux que doivent s'adrefTèr les vailîèaux étrangers , Fran-Ç°is , Anglois, Danois, Sec. qui viennent mouiller au Cap pour y prendre les E 6 viandes joS Description dit Cap de viandes dont ils peuvent avoir befbin. Elt-fin ils en débitent confidérablement aux Bourgeois. Par tout cela on comprend ai-fément pourquoi la Vallée verte cil ii cou, verte de bcftiaux. Lorfque les viandes que les maîtres des Tueries privilégiées fourniilent aux Serviteurs de la Compagnie, ou aux vaif, féaux , font mauvailcs , malfaites , 0XI qu'eues ont quelque défaur , elles folît confifquées au profit du Gouvernement/ qui les donne aux Elclaves de la Compa, gnie. III. Le s vaches du Cap, comme celles d'Europe, portent une fois Tannée.; mais il s'en faut bien qu'elles ne foient auiïî facile à traire que les nôtres. Il eft très - rare qu'elles veuillent donner leuj: lait, fi premièrement on en a fait un peu fêter à leurs veaux : après cela elles le don-fort libéraîemenr. J'ai dit ailleurs, conv ment on s'y prend lorfque leur veau n'eft plus en vie. Prefque tous ces animaux font fi fauvages 6c il médians, qu'on ne içauroit les approcher fans danger, â moins que premièrement on ne les ait attachez fort court par les cornes, 6c q n'on ne leur ait lié les pieds enfèmble. Auftj eft-ce une fonction qu'on laillc aux Efclaves , que de les traire ; les femmes Européennes BONNE-ESPERANCE. P. II. Ch. K JOcj - peennes oient très - rarement s'avanturer de s'acquitter de cet emploi. IV. Divers Ecrivains qui ont parlé °-es troupeaux que les Européens ont au Cap, ont publié que le gros bétail avoit Une bolie fur le dos , à-peu-près comme *es chameaux. Pour moi, qui ai vu une infinité de ces animaux au Cap , je n'ai jamais vu ni taureau, ni bœuf, ni vache, ni dans les terres que poilèdent les Européens , ni dans celles qu'occupent les Hottentots , qui eût le dos boilù. Il eft vrai que les bœufs du Cap paroilîênt un peo. Voûtez lorfqu'ils font ious le joug : c'eft peut-être ce qui a jette dans l'erreur, des Auteurs qui n'ont pas eu foin de mieux examiner la choie. Car s'ils enflent considéré avec quelque attention un bœuf hors du joug, ils auroient vu que ces animaux ont le dos aulïi plat que ceux qui naiftènt ailleurs. Les bœufs deviennent au Cap d'une groflèur très - coniîdérablc : il n'eft nullement rare d'en trouver qui péfent cinq à iix cens livres : très - fouvent même ils péfenr encore davanrage. V. L e s brebis donnent deux agneaux Par an , fi on les laide toujours avec les béliers ; mais comme les féconds font fort petits, Se qu'ils jwinent dans la faifoii pluvieufe^ f lo Decriptton dtt Cap de pluvieufes , les Européens Ce contentent pour Tord inaire du premier. Pour cet ef. fet, ils ont foin de féparer le bélier du troupeau , pendant une bonne partie de Tannée. Le mouton du Cap cft excellent Se f0rt gros (i) , Se conferve fon bon goût pendant toute Tannée. La graiffe nJy a pas le goût de fuif qu'elle a ailleurs ; aufïi les pauvres gens Se tous les Efclaves en ufent au-lieu de beurre. Le mouton du Cap nJa rien de plus re- • marquable, que la longueur Se TépaiflèUr de fa queue, qui péié communément quinze livres. Cependant les moutons de Perfe , qui font encore plus petits de corps, ont des queues encore plus grandes. J'en ai moi-même vu au Cap de cette efpece, dont les queues peibient tout au moins trente livres. On y nourrir aufiq des chèvres, mais en moindre quantité. VI. Plusieurs accidens diminuent les troupeaux des Européens au Cap. QQ fonr lesmêmes qui furviennent à ceux des Hottentots,dont j'ai parlé. Les bêtes fau, vageS ( i) Nous y avons vh des moutons, dit le P.TA. chard dans Ton Voyage ds Stam, liv. 2. p. ygt qui pefoient jufquts à quatre vingts livres, & qHi étaient de irls-longoût. Dapper p. 616. & Her. fORt p. j j. parlent de même- de ces animaux, ' BoNNF.-EsPFR A%*Cc. P. 77. Cfr. ^ iii Vages y font fouvent de grands ravages* Comme les beftiaux couchent pour l'ordinaire en pleine campagne , expofez aux injures de l'air, ils ont beaucoup à fouf-trir des pluyes longues &c abondantes fait dans les mois de Juin &z de Juillet. Mais loriqu'un bœuf ou un mouton meurt pour avoir été expoie aux injures de l'air , & qu'il paroît n'y avoir pas eu d'autre caufe de fa maladie, on ne fe fait point de peine parmi les Européens d'en faler la viande pour les Elclavcs, qui en mangent fans aucune répugnance. Pendant tout le tems que j'ai demeuré air Cap, il n'y a eu aucune maladie con-tagieule parmi les befliaux des Colonies. Le Gouvernement eft forr arrentif pour empêcher que la contagion ne s'intro-duife, ou ne fe communique. Il y a un Placard qui défend à tout Européen de garder dans fon troupeau un animal galeux , ou attaqué de quelque maladie qui & communique, fous peine aux contrevenons de paye r une grofle amende, CHAPITRE CHAPITRE VI. De la Culture des Terres, & en partictr. lier de celle des Champs. I. Comment en défriche les Terres. II. J)es Charrues & dtt Labourage. III. Des occupations des Fermiers durant toute l'année. IV. Des Semences & des Graines qui n'ont pu réujftr. V. Accidens qui apportent du dommage aux Blez, VI. Comment les habitans ferrent leurs grains. VII. Comment ils les féparent d'avec la paille. VIII. Comment Compagnie recueille les Dixmes. IX, Comment on difpofe du Ble. f, te vais parler préientement de l'A-, j griculturc des Européens au Çap, On feait déjà en général, que le terroir qu'ils y occupent eft extrêmement fertile j ôc dans ce Chapitre on verra qu'il n'y a prefque aucune efpece de fc. mence, qui n'y multiplie ôc n'y vienne en perfection. Lorfqu'on a choifi une pièce de terre qu'on veut défricher pour en faire un ^hamp, une vigne, un jardin 5 Ia première JWi-Esperance. P. IL Ch. VI. i,5 «aiere chofè qu'on fait, c'eft d'y faire palier la charrue , pour en arracher toutes les racines qui pourraient étouffer les fernences Se les plantes qu'on a deiîèin d'y faite venir. II. Les charrues dont on le iert au Cap, font pour l'ordinaire rrès-diiféren-tes de celles que j'ai vues en Europe : ^nfi elles méritent que j'en donne une légere defcription. Elles ont deux roues, l'une d'un coté Se l'autre de l'autre ; mais qui font fort inégales. La roue qui doit rouler fur le côté labouré Se iillonné , eft beaucoup plus grande que celle qui doit rouler fur le côté qui ne l'eft pas encore. Le foc eft fendu, comme s'il y en avoit deux : une des parties eft confîdérable-ruent courbée en-dehors, Se l'autre va droit en avant. Le coutre eft tour droit , au-lieu qu'en Europe il eft un peu courbé, lis appellent un foc fait à l'Européenne, Un fie entier ; Se ils donnent le nom de demi-foc à celui qui eft fait fuivant la defcription que j'en ai donnée. Et lorlqu'iîs fe fervent du foc à l'Européenne , ils n'y attachent point de coutre, quelle que foit U nature du terroir qu'ils fe propofent de labourer. Quoiqu'il y ait au Cap , comme je l'ai déjà dit, quantité de chevaux ; cependant ïi4 Description du Cap de dant on nJen met jamais aux charrues i c'eft la fonction des bœufs, parcequ'flej ont le pas plus ferme , & qu'ils marchent mieux en ligne droite que les chevaux. Ils attellent ibuvent cinq paires de boeufs à une feule charrue ; quelquefois même ils augmentent ce nombre. La terre y eft fi grafîè ôc fi grolfe, que la charrue ne la renverfe qu'avec beaucoup de peine, & qu'il en tombe très-fouvent de grandes mottes dans l'endroit où paflè une des roues. C'eft un ouvrage fi difficile de bien labourer au Cap, qu'il y a toujours plulieurs perfonnes pour conduire la charrue Ôc les bœufs : il yen a même quelquefois autant que de bœufs. On ne met jamais ces animaux à la charrue, avant qu'ils ayent environ trois ans ; juiqu'à cet âge ils courent par les champs fans aucune difeipline. C'eft même un travail également pénible de ennuyeux , que de les dompter. Pour les mettre à l'ouvrage on ne les lie pas par les cornes, mais par le cou , autour duquel ils portent un joug. Ayant ainfi ]a tête en pleine liberté, ils la fecouenr, ils ie mettenten fureur,ils donnent du pied, ils le cabrent de la manière la plus fu-rieufe ; jufqu'à ce qu'après plulieurs exercices ôc plulieurs fanglantes punitions, on les WnE-EsPERANCE. P. ƒƒ. Ch.VI. 1 iJ fes ait domptez. Au-refte , je ne puis me periuader qu'un bceuf lié par le cou , air autant de force que s'il étoit lié par les cornes. III. On laboure au Cap depuis le mois de Mai, jufques à la fin d'Août : mais là talion la plus favorable pour cette occupation eft dans les mois dejuin & de Juillet. Le Lecteur fera peut-être bien aifeque je lui apprenne les occupations des Fermiers , pendant tous les mois de Tannée : cela fer vira à éclaircir l'état des faifons dans ce Pays. En Janvier., ils foulent le grain. Un Février , ils charrient'le blé dans les greniers de la Compagnie, qui le paye argent comptant, au prix réglé. En Mars , ils cueillent & preflent les taifins. Quelquefois cet ouvrage commence déjà fur la fin de Février. En Avnl, ils portent du fumier fur les champs qui en ont befoin : il y en a beaucoup qui font fuffiiamment gras. En Mail, après qu'il eft tombé un peu de pluye, ils commencent à labourer. En Juin , ils commencent à femer les terres balles ; & en Juillet, ils finiflènt cet ouvrage en femant les rerres hautes. En Août, ils taillent la vigne. Cet ouvrage les occupe encore une partie dé Septembre > Ti6 Description du Cap de Septembre ; mois dans lequel ils foiïoyenr. & cttgraittcnt les vignes , en mêlant avec la terre les bourgeons Ôc les feuilles qu'ils ont coupé des ieps. En Octobre, ils fardent ôc nettoyent leurs vignes, ôc enfuite ils en font de même à leurs champs. En Novembre , l'orge fe cueille. En Décembre , toutes les graines font mûres. A la Noël eft le fort des chaleurs de l'Eté : fans perdre de tems 3 on coupe Ôc Ton ferre de blé, dans la crainte des vents furieux de Sud - Eft qui régnent dans cette faifon. IV. On ne ieme pas le blé aulîi épais au Cap j que nous le faifons en Europe. Vu la grande fertilité du terroir , fi Ton jfèmoit aulîi ferré que parmi nous y lej plantes s'étourferoienr les unes les autres,, ôc les épis feroient petits, peu garnis, ôc encore ne produiroient-ils que des grains mal nourris. Les diverfes efpeces de femences qu'on a apportées au Cap, y profperent parfaitement. Il n'y a que les lentilles ôc les avoines qui n'y viennent pas bien. On a furtout pris beaucoup de peine pour recueillir de l'avoine j graine qui auroit été fort utile pour les chevaux : mais il eft arrivé conftamment > que dès que la récolte BONNE-ESPERANCE. P. Il Ch. FI. I Ï? coite étoit prête à fe faire, les vents d^ fcud-Eft venant à fourrier fâiioient fortir des épis tout le grain , qui le répandant for les terres voiiines, produifoit des ePJs fuivages qu'on ayoit mille peines à extirper. V. Il y a plufieurs cliofes qui apportent de grands dommages dans les champs. Il croît-en grande quantité, dans plulieurs endroits , une eipece d'herbe ^ue les Européens du Cap appellenrty/w-tle j qu'on a beaucoup de peine à détruire, & qui eft très-préjudiciable au blé. Je l'ai diverfes fois examinée ; mais je n'ai pu découvrir ni lès propricrez , ni le nom qu'elle porte parmi les Botaniftes. J'en donnerai cependant une defcription, Cjui fera aulTî exacte que je le pourrai. Cette plante s'élève à la hauteur d'un pied ik demi, & porte beaucoup de fleurs blanches, qui en tombant lailfent diverses capfules qui contiennent une grande eiuantiré de fort petites graines. La grande chaleur fait ouvrir ces capfules , & li les vents de Sud-Eft régnent en même 'tems, route cette graine eft difperfée fur les champs voiiïns, où elle prend racine, gn a beau fe donner tous les foins imaginables pour détruire certe herbe dans les champs & les pâturages, on ne peut j 1 jamais riS Description du Cap çh jamais le faire totalement. Les beftiauj l'aiment extrêmement ; mais on ne lCUr en lailfe point manger, pareeque la fe, mence pailànt par le corps des animaux fans fc corrompre, prend racine dans tous les lieux où tombent leurs excrémens. La nielle ne fit jamais tant de mal au Cap, que dans Tannée 1708. Elle fut ii mauvaife cette année-là, qu'elle ne lailfa pas allez de blé pour enfemencer -les terres ; deforte que s'il ne s'étoit pas trouvé beaucoup de blé vieux, on auroit été obligéd'en faire venir d'Europe poples femallles. La nielle fit aulfi beaucoup de mal les deux années fui vantes. Les éléphans y font quelquefois des dégâts affreux.lls entrent dans leschampSj y dévorent beaucoup de blé , & en fou-Icnraux pieds encore davantage. Les élans aiment extrêmement les grains ; mais leur timidité fait qu'ils oient plus rarement le hazarder d'enrrer dans les champs. Les daims, les chèvres fauvages, diverfes fortes d'oiféaux & d'inlecle , y f011t de tems en tems de grand ravage. Malgré toutes ces pertes, les terres font fî fertiles, que les habitans recueillent af. lez de grain pour pouvoir en vendre aux vailîèaux qui le portent àBatavia. Un boif. feau de froment femé au Cap, en produit de \ Bc-nne-espera nce. P. II. Ch. VI. i t J , de 30 à 40. Un de feiglc en donne 40 à 45. Un d'orge en produit de 50 à 70. 1 ;Un de pois en rend de 50 a 60. Un de i feve , de 20 à 25-. Mais quelqufois ces ; deux dernières eipeces de légumes fouf-frent ii fort des fauterelles & des chenilles, qu'on n'en recueille pas allez pour en re-lemer l'année fuivante. VI. Les Européens du Cap , dans les commencemens, laiifoient leur blé à dé-Couvert , & il ne lourfroit que peu des injures de l'air. Mais des pluyes extraordinaires & violentes, qui tombèrent en 1706. en ayant gâté ou entraîné plusieurs monceaux, on penlà à le mettre à couvert. VIL Pour féparer le grain d'avec la paille, il font fouler les gerbes par des boeufs ou des chevaux , non dans une grange ; mais dans une aire à découvert. ' Pour préparer cette aire , ils prennent de la fiente de vache, & un peu de paille, qu'ils mêlent enfèmble en l'humectant : avec de l'eau. Us jettent beaucoup de ce " torchis, ou mortier, dans un efpace rond, ' de trente pied ou environ de diamètre. Us y font enfuite marcher des chevaux , pour fouler cette aire & pour la durcir. Cela forme dans peu de jour un terrein auiïi dur que de pierre. Sur les bords de cette aire ainfi préparée , ils couchent en rond deux rangs ^ gerbes, dont les épis font tous tourne2; en-dedans, &c font tourner fur ces épis un attelage de huit chevaux , jufqu'à ce qu'on juge que le grain en eft tout foni, ■ Je erpi que cette méthode rappellera la la coutume des Juifs /de faire fouler le grain par les boeufs ( ï ) : mais je croi les chevaux plus propres à cet ouvrage ; non feulement parecque leur pas cft plus fer, me, mais encore pareequ'ils font plus pr0, pres. C'eft, il cft vrai, un fpeélacle aflèz defagréable que de voir un cheval , furtout un boeuf, faire fes ordures parmi le blé ; mais auffi dans un inftanc cette fiente fe feche ii fort, qu'elle peut en être facilement féparée. Cerre manière de battre le blé eft très, expéditive : un attelage de huit chevaux ou boeufs fera plus d'ouvrage dans une . couple d'heures,que douze hommes dans tout un jour. Or il eft abfolument né- : ceiîàire d'expédier : car les récoltes font pour l'ordinaire fi abondantes , qu'il fau. . droit tout un Eté aux Fermiers pour battre leur grain ; au-lieu qu'en le foulant ils y employent moins d'un mois. H eft 1 - même certain qu'il ne refte que bien peu \ de . (r) DeutéreHcmeXXV. 4. BoNNI-EsPERANCF.. P. II. Ch. fT. lli de grain dans les épis , après qu'ils ont f té Foulez. Dès qu'ils ont vanné le blé , il font palier par une machine qu'ils appellent Harke ou Râteau , & qui fait la fonction d'un crible. VIII. Lorsqj/e les blez iont coupez * le Gouvernement envoyé dans les campa-gués divcrles pcrlbnnes , pour examiner ce qu'a produit à-peu-près chaque PoilèC-hon : ce n'eftpas qu'ils .aillent eux-mê-[ttie fur le champ ; ils le contentent d'aller chez les propriétaires, & de leur de** mander quelle quantité de grain ils ont i^ferné ? Combien ils en ont recueilli ? Quelle Quantité ils fe propofent d'en vendre an Gouvernement ? Combien ils en garderont pour leur ufage ? Et ils font obli-^gez de fournir au magazin de la Compagnie, la quantité qu'ils en ont promis $ ces Commis. Le Gouvernement eft fï t ('généreux , qu'il ne tire pas le dixième du Mé que les particuUers employent pour j^leur propre ufage ôc pourfemer : il fe consente de prendre la dixme de ce qu'ils en ^Vendent. IX. J'a i déjà dit en palfant, que les yCulonies vendent leur blé à la Compagnie ^aUn prix marqué, ôc qu'on le leur paye Comptant. Tmt n. P CHA- CHAPITRE VII. Des Vignes & des Vins du Cap. L Comment on propage la Vigne au Cap, II. Accidens qui diminuent les Récoù tes. III. Saifon de la Vendange. ly^ Précautions que les Européens du Cap prennent pour conferver leur Vin. y. Qualités du Vtn du Cap. I. t Es vins du Cap font allez célèbres, pour en dire un mot ici. Quelques foins que les Européens euilèntpris dèslc commencement de planter des vignes s [\ n'y en avoit cependant que très-peu, fail_ te de feps. Ils avoienr fait venir beau, coup de plants de vin de Rhin , Se de vin de Perle : ces plants avoient fort bien repris ; mais ils ne fuffiloient pas pour planter une étendue de terre qui méritât le nom de vignoble. On chercha lonp--tems quelque expédient : enfin un Aile, mand établi au Cap s'avifa de prendre des fàrmens ou des rejettons d'un pied ou d'un pied Se demi de long , qu'on brûloir auparavant, Se de les lemer dans une terre labourée 3 ce qui réuiïitfï parfaitement 3 ""Bonne-Espérance. P. IL Ch. FIL 115 ment, que Tannée fuivante cette terre fut toute couverte de vignes , qu'on eut loin de tranfplanrer. On réitéra l'expérience , ôc elle réullit à merveilles. Bientôt on eut des plans pour en couvrir des terres d'une vaite étendue, lans êtreobli-&e d'en faire venir davantage des Pays 1 étrangers. De mille branches oufarmans j qu'on plante ainii, il n'y en a pas un qui $ manque , tous prennent racine la même ) aunée ; ôc la troiliéme , ils porrent autant Be raifm qu'ils enporteroient en Europe ta cinquième. ff On ne lailîè pas ces rejettons dans le cyieu où on les a fcmez ; on les tranfplante yen Hgne à la diftance de deux pieds ÔC pfii'uemi, ôc on laide entre les lignes un ^efpace de trois pieds ou rrois pieds Ôc Jj'derni : fymétric qui forme une charmante jjflpedpcctive. Aujourd'hui il n'y a pas de ^petite chaumière ou d'habiration dansje toutes les Colonies , qui n'ait quelque rftjpeu de vignes : on n'y trouve que fort 0jf PCu de perfonnes qui ne recueillent fut ^ lcurs terres alfez de vin pour leur ufage celui de leur famille. Plulieurs même \tf,0nx leurs celliers affcz bien garnis , pour VCndre tous les ans rrès - confinera- Pleine |l> Iï. Il y a cependant bien des accidens, 1 F x qui iz4 Description du Cap re qui diminuent le* récoltes de vin. LanicL le fait fouvent noircir une grande quan. tité de belles ôc grolTès grappes , dont les raiiins le rident, fe féchent , ôc tombent Cet accident rend quelquefois le vinaflèj rare au Cap. Les fauterelles y fonr aulîi de grands ravages, Si on n'y prend garde , ces hu feétes mangeant les feuilles découvrent lcs grapes, qui expofées à l'ardeur du fblcil le gâtent &C s'aigiiflent. L'ennemi qui fait le plus de dégât au* i vignes du Cap , cft un petit ver noi/ ' que les Européens de ce Pays-là appej, lent Zuiger, c'eft-à-dire, Suceur. Il i t.-te fort petite, & pointue j il relferrc& I étend fon corps comme il veut, ôc re£ f femblc beaucoup ôc à bien des égards à 1 notre Millepieds. Ce vermiiTèau loge dans I une coquille , qui reflémble beaucoup £ I une feuille de vigne ridée & léchée. Lorf. I qu'il en fort , il fait au bouton du fcp un trou Ci petit, que l'oeil le plus excellent ^ ne fçauroit le découvrir ; il y entre , & le ^ vuide de manière que le bourgeon pént fi Pendant plulieurs années, les Européens K du Cap n£ fçavoient à quoi attribuer ces t ravages. Comme on ne pouvoir diftin, $ guer cette coquille qui reftembloit ii f0rt K à la feuille fur laquelle elle s'attachoit ^ ni . BcNNE-EsPERANCE. P. II. Ch. VIL 11$ 01 appercevoir le vermitfèau qui échapoit par fa petitellè aux yeux les plus attentifs, ceux qui les premiers attirèrent que c'é-roienc des animaux qui mangeoient les bourgeons , fe firent moquer. Ce n'eft que depuis peu de tems qu'on en eft généralement perfuadé. On a même trouve que cet infecte rufé ne fait fes forties que pendant la huit. Le meilleur tems donc Pour le furprendre , eft un peu avant Te lever du foleil, parcequ'alors il elt en marche pour fe retirer dans fa coquille : c'eftpourquoi ,dans lafaifon , les Nègres Vonr de grand marin à la vigne , pour la nettoyer de ces animaux , qu'il ne manquent jamais d'apporter à leurs maîtres pour témoignage de leur induftrie , ÔC qu'ils jettent enfuite au feu. Les vignobles du Cap foufTrenr aulîî beaucoup des vents de-Su'i-Eft. On trouve fouvent à terre de grofïès branches bien garnies, rompues par les orages» Si la chaleur eft grande pen riant que ces venrs régnent, il y a toûjom-s une grande quantité de raifmsqui féchent fur la plante. C'eft à caufe de ce!a qu'on ne fairpas monter les %s fur les échalas, ni fur des treilles : on empêche , en les étêcant , qu'ils ne ^élèvent au-deflTus de trois pieds. Cet ouvrage, qu'on appelle toppen ; c'efl-F 4 à-àire, iz6 Description du Cap de à-dire été ter , fe fait en Novembre. III. Au mois d'Août, qui eft le commencement du Printems au Cap , on taille les vignes : en Septembre , les feuiilc& paroiiïènt : en Octobre} fe fait la poufîè ; & c'eft alors qu'on peut connoître ii Ja vendange fera bonne , fauf néanmoins ies accidens. Il y a quelques vignes dont les raifins font mûrs en Janvier : mais ils ne fe gardent pas long-tems fans s'aigrir. aufïi ne les prefle-ton pas, on les vend pour les manger à la main. La plus grande pairie des raifins ne fonr mûrs qu'en Février j l'on commence la vendange fUr la fin de ce mois-là , & elle dure tout le mois de Mars. On ne fume, pour T0r-dinairc, les vignes qu'une fois tous les trois ans. IV. On a foin de brûler une feuille fouphrée dans tous les tonneaux où l'on a deftèin de mettre du vin blanc ; 6k on prépare ceux que Ton deftine au vin rouge 3 en y brûlant une noix mufeade. Les Européens du Cap difent que le fouffre fait perdre au vin rouge quelque chofe de fa couleur. Lorfque le vin eft repofé , Us ]e foutirent. Ils croyent communément que les vins qui reftent long tems fur la lie s'aigriîïènr plus aifément. J'ignore les raifons fur lefqu'elles ils k fondent : mais BûNNE-EsPER ANCF. P. IL Cb.TIL 127 j'ai bu chez un François de la Colonie de Drakenftein , du vin qui avoit été long-tcms iur fa lie, qui étoit cependant délicieux. Si je ne me trompe, on croit en Europe que plus un vin reite fur fa lie , & plus il acquiert de force ; & c'eft pour Radoucir qu'on le tranfvafe. Lorfque les vins ont été foutirez, on les laide tranquilles trois ou quatre mois : alors on les clarifie avec de la colle de poiflon ; & li cette drogue ne fufKt pas, ils y jettent du fable chaud, qui entraîne au fond toutes les particules étrangères. Après cela ils ferment exactement les tonneaux , (ans s'embaraflèr plus de les tenir remplis. La feule précaution qu'on prend dans la fuite , c'eft de donner de Telîbrt au vin dans le tems que les vignes pouffent: fans cette précaution , la fermerita^ tion qui furvient aux vins dans cette fai-fon, feroit capable de faire faurer les tonneaux. Quelques perfonnes gardent du vin quatre ou cinq ans, quelques-uns en ont même de beaucoup plus vieux ; mais alors ils ont foin de le rafraîchir en rem-pliffantles tonneauzavec du vin nouveau, dès qu'il eft éclairer V. Plu s les vins du Cap font gardez , & plus ils font excellens. Au bout de deux ans ils quittent leur goût natu-F 4 rel. rel, pour prendre celui du vin de Canaw rie. Mais les Européens n'ont pas allez de tonneaux pour garder leur vin bien lonç. tems : fans cela , ils feroient fur cetïe denrée des profits confidérables. fl fc vend fous le prcllbir de huit à dix écus la barrique. Dans les Indes il vaut beau, coup davantage. La rareté des tonneau* vient de ce qu'il faut tous les faire venir «te Hollande ,& qu'ils en envoyeur beaucoup aux Indes avec leur vin 3 d'où ils ne reviennent jamais.. Quelque excellens cependant que foient les vins du Cap , ils n'invitent pas à en jfaire débauche,& ne rappellent point leur buveur (i). CHAPITRE Cj) On n'en porte pas le même jugement en loiope ; fbit que les vins du Cap foient meilleurs aujourd'hui, qu'ils n'étoient il y a trente ans ; foit «pie le tranfport les rende pins délicats ; foit enfiQ Îue l'Auteur ait eu un goût particulier, Note 4, Mdittur* BoNNE-EsPERANCE. ï\ U. Ch. VUL 11 f) CHAPITRE VIII. Des Jardins du Cap, 8c en particulier de ceux de la Compagnie. I. Obfervation remarquable fur lcsSemcn~ ces d'Europe qu'on feme dans les Jarr dins du Cap. IE Comment on y cultive les Jardins. III. Des Arbres. IV. Des deux Jardins de la Compagnie. V. De celui qui eft le plus près de la Ville du Cap. VI. Les eaux de ce Jardin. V'IL Des Bâtimens qu'il y a."' " i] ï. TL n'y a rien de fort particulier dans J. les Jardins que les Européens ont au Cap : comme ils font accommodez far les Européens, ils font fait.à l'Européenne. IlfufHra feulement de remarquer qu'/J n'y a pas un hameau,quelque petit qu'il •oit,dans toutes les.Colonies, qui fràft fon jardin.. On fait venir de tems en tems des femences d'Europe „qui y réufîiflenc toutes à fouhait: mais dès la troifiéme année elles dégénèrent ii fort, qu'elles ne valent plus rien pour être femées. II. On fait les jardins, 8c on les leme, u CAP de les herbes montrent la tête : alors on les tranfplante dans d'autres terres , bien hu^ meelees par lespluyes qu'il fait dans cet, te faifon. Avec ces attentions, on eft fUc d'avoir des herbes plus groilès, plus douces , & meilleures qu'elles ne le font en Europe même. Pendant les grandes cha, leurs de l'Eté > elles font rafraîchies par les ruifleaux d'alentour. Pendant l'Hyver qui conlïfte prefque uniquement en piuyes , & rarement en neige ou en ge. îées, on n'a befoin ni de ferres, ni d'ar-tilices pour conferver les plantes , ou poUr les forcer. III. Je n'ai rien à dire de fort curieux fur les ai bres fruitiers du Cap. Le Pays en produit quelques-uns , dont les Hottentots mangent le fruit ; mais les Euro, péens ne feauroient s'en accommoder. "Pour y iuppléer,ils ont fait venir des arbres d'Europe & d'Aiîe, qui portent des fruits ii délicieux, que ceux qui en ont mangé dans les trois endroits , difent qu'ils font plus beaux &c meilleurs au Cap, que dans les lieux mêmes de leur naiiïànce. La feule chofè en quoi les fruits d'Europe furpaf. (ent ceux, du Cap , c'eft que les premiers le confervenr beaucoup plus long - tems que les derniers. Les arbres en produifent bailleurs une fi grande quantité, que malgré BoNNE-EspEjiANCp. P. IL Ch. VÎIL 13 i malgré Je dommage qu'y apportent les vents a il en refte encore allez pour l'ufage des Colonies Se pour les vailîèaux qui y viennent mouiller. On n'a pas même be-foin d'en prendre autant de foin au Cap y que dans leur Pays natal : on n'a qu'à le-rner leurs pépins ou leurs noyaux , bientôt ils prennent racines Se fortent de terre, ^ne amande dont la coque eft dure, mflc en terre au Cap, a déjà au bout de iix fe-maines germé, Se pouflè un petit arbre. Si au bout de deux ou trois ans , comme c'eit la coutume ; on le tranfplante, i! reprend de nouvelles forces, Se bien-tot il devient un arbre, qui iurpalleen hauteur tous ceux de fon efpece qui fe voyent dans d'autres climats. Si on plante un rejetton de quelque arbre que ce foit, bien-tot il prend racine , Se donne en fon tems lui arbre , qui ne le cède à aucun autre de &n efpece, fans qu'il y ait de cent de fes branches, une feule qui manque. On propage de cette manière le pêcher, l'abricotier, le figuier, le coignalfier, & plulieurs elpeces d'arbres fruitiers, Se même avec un grand fuccès. Les entes qu'on y fait,, acquièrent prefque toutes dans peu d'années leur grandeur naturelle : le fruit que que donne l'arbre la quatrième année , inême celui qui y a été apporté de dehors j F G ' eit ijz Description du Cap de cft jugé le plus beau 6c le plus excellent à cous égards. IV. Les Jardins que la Compagnie a au Cap, font trop magnifiques pour qu'on me pardonnât fi je n'en donnois durnoins une idée abrégée. Ces Jardins lont Tun 8c l'autre, au ju-gemenr de tous ceux qui les ont vus 3 les plus beaux 6c les plus curieux qu'il y aic dans toute T Afrique. Je doute même beaucoup qu'il y en ait aucun en Europe, q^J foitaulE riche en productions de toute efpece. Dès que les Hollandois furent établis au Cap , la première chofe qu'ils fi. rent fut de planter un jardin ; 6c dans la fuite ils ont pris tant de foin de l'embelli^ qu'aujourd'hui on trouve dans ces jardins de toutes les efpeces curieufes de fruits 6c de fleurs qu'il y a dans les quatre parties du Monde. Les Gouverneurs qui en font les feuls Directeurs ,fe font à l'envi piquez d'y faire apporter tout ce qu'il y a de curieux en fait de plantes dans chaque climat , ôc le terroir du Cap a parfaitement répondu à leurs foins. Peut-être pourroit-on trouver des jardins où il y eût plus d'art ; mais auiïî la Nature, qui n'a rien épargné pour les rendre charmans, n'avoir prefque rien l'aide à faire à la main du Jardinier. Quoiqu'il en foit, ce font les Bonne-Emir a S Cl. P. IL Ch. FIIL I ) j les plus charmans que j'aye jamais vus. Mille fleurs brillent à la fois aux yeux étonnez, & femblent fe difputer la gl oire de la beauté.. Ici ,. vous voyez un amas d'arbres touffus ; là, un magnifique Pavillon ; d'efp ace en elpacc vous trouves, de fuperbes promenades, bien ombragées, Ces jardins font fort fpacieux , & der prefque tous les endroits on découvre la campagne, qui forme la vue la plus magnifique. Cela regarde les deux jardins de la Compagnie : mais il y en a un fur-tout qui mérite un article particulier. V. Celui-ci eft iïtué entre 1'EgIiie du Cap ik. l'Hôpital, & contient dix-neuf arpens qui forment un quarré long. Dans fa longueur il y a trois allées, dont une le coupe au milieu i les deux autres fonr fur les cotez. Quatre allées le coupant dans fa largeur , le divifent en dix parties , que je nommerai des Quarrez. D'abord je remarquerai qu'il y a un fu-perbe Quarré qtoi fert de pépinière , &c dans lequel brillent un grand nombre de beaux abricotiers. Le jaune de leur fruir> mêlé a la verdure de leurs feuilles, forme un coup d'ail charmant.. Les abricots y égalent en excellence tous ceux dont j'ai gourt? en Europe. Pour diveriifier davantage ce Quarré j on y a auiïi planté beaucoup î 34 Description du Cap de coup d'amandier , donc le fruit eft d'un goût fort agréable ôc très - nourriiîànt. Dans un autre Quarré brillent des gre, nadiers ôc des figuiers de toutes les eipâL ces, dont les fruits font tous également délicieux. Les meilleures ligues, les plus cftimées, & les plus grolles font ceiles qu'on appelle PÎJang. Dès qu'elles font parvenues à leur maturité; l'arbre qui les a porté le flétrit &le féche entièrement; mais f année fui vante , il fort delà même racine un nouveau jet, qui produit & che de même. Cette plante n'a point de tronc : mais fes feuilles , qui ont lix à fepE verges de long, ôc deux ou trois 'de large , s'embraiiànt les unes les autres, forment une ; fpece de rouleau qui tient lieu de tronc. Sa fleur eft compofée de quatre grandes feuilles, qui forment une manie-re de cloche, à l'ouverture de laquelle pendent , en leur failon, cinquante ou îbixante ligues des plus délicieufes. Ces figues font bleues , ou plutôt pourpres, ôc fort grolïès. Les grenadiers y paroiflent aufE dans toutes leur beauté. Les grains de pommes, font remplis d'un fuc délicieux, ôc très-propres à rafraîchir dans les chaleurs de l'Eté. L'écorce féchée ôc mife en poudre eft un remède fbuverain \ ôc uiîté dan toutes. Bonne-Espérance. P. II. Ch. mi. j 3 5. toutes les Indes , contre le flox de &ti&-n n y a que le quart d'un Quarre qui ioic occupe par ces arbres. Un des autres quarts eft planté de châtaigniers, qui font les arbres les plus grands & les plus étendus dont le Jardin foit orné. Ce boca-" ge fournit dans les plus grandes chaleurs de l'Eté , une retraite, & une promenade agréable, & on y eft parfaitement à l'abri contre ies vents les plus furieux. La troi/iéme partie de ce même Quarré cft couverte de citronnier., de limon-niers , d'orangers , &c de figuiers. La beauté des fruits que ces arbres produitent, eft un Phénomène qui furprend ôc Charme tous les Etrangers. On trouve aulîi dans ce Jardin , & en abondance a de groffes oranges , que lesi Hollandois appellent Pomvelmonfen. Le refte de ce Quarré eft orné de fleurs, & au milieu on trouve un Pavillon. La moitié d'un autre Quarré eft plantée de vignes, & l'autre partie , de figuiers. Je ne dois pas omettre ici une efpece d'arbre qui fe trouve dans ce Jardin.. Aux Indes d'où il a été apporté , il fe nomme Gftajavos , & les Hollandois lui ont laiflè ce nom. Son fruit relîèmble à Une pomme s &c lorfqu'il eft mur, il cft jaune ^ ï$6 Description du Cap de jaune cv vcrd. En-dedans il eft entièrement jaune , & contient une grande quantité de graine, ovale Se blanche, qui reftem. ble beaucoup à la ièmence du concombre mais il en a beaucoup moins. C'eft Uu Luit très-lain , Se d'une odeur exquife. Quatre Quarrez font occupez par dcs herbes potagères. On trouve encore dans ce jardin,de toutes les efpeces de poiriers Se de porru miers qui fe voyent, foit en Alie , foit en Europe. Le rouge éclatant des pomrnes du Japon , fait furtout un très-bel effet parmi ies feuilles de fon arbre , dont la verdure eft charmante. Ce jardin a aufli en abondance des noyers Se des néfliers. Après tout cela, je croi que l'on ne m'ac, eufèra pas d'exagération, lorfque je dL rai qu'une perlonne placée au milieu de cette multitude de fruits fi divers , fj beaux Si li exquis, ne fçait prefque au. quel s'arrêter. Il y a aufli dans ce jardin un Boulin, grin (i) pour y jouer à la boule. Se m* endroit fort commode pour jouer aux quilles. Les allées enfin font ornées d/ar, bres., (i) Les Anglois, de qui nous avons reçu ce mot, appellent de ce nom une efpece de tapis verd formé par un gazon uni, dont l'herbe courte & Sue laide couler doucement la boule, 3432 bokne-esper anc!.?. IL Ch. VUL X $ J bres d'où diftilc le camphre, de genévriers , de lauriers, ôcc. On y trouve aulîi une très-grande quantité de pêchers, dont le fruit eft également délicieux au palais, ôc agréab'e aux yeux. L>e tems-en-tems on renconrre dans ces allées de très-beaux bancs pour le reposer , Ôc de belles tables auprès. VII. C e jardin eft parfaitement bien •trofé. D'abord un large canal, bien pourvu d'eau , en fait plus de la moitié du tour j Ôc dans le jardin même on a fait plulieurs foflèz qui font bien remplis. Il y a des canaux tout du long de la large allée, qui coupe le jardin en deux dans fa longueur ; Se les deux premiers Quartz des deux extrémitez , qui font fépa-*ez par une allée, ont auifi entre deux Une efpece de canal. VlIE Le principal des bâtimens qu'il y a dans ce jardin, eft très-vafte. Les Jardiniers y ont leur logement, Ôc les Efclaves y demeurent. Rien n'y manque de tout ce qui eft néceffaire à un édifice dek tiné à cet ufage. On y voit de belles ôc randes cuifines, des celliers, des charnues pour y enfeigner les jeunes garçons &lcs jeunes filles Efclaves, des Réfectoires , une Eglife, cVc. Tout cela ne forme qu'un feut bâtiment, qui occupe la largeur x3S Description du Cap dg geur entière de ce vafte jardin. Le Gou, verneur y a aulîi un beau &: iuperbe pa. villon 5 ôc tout joignant une grande Cuù une. Ce pavillon a quarante piedsde lorig fur dix-huit de large. . Tout autour du jardin , régne une mu, raille de douze pieds de haut. CHAPITRE IX. Maladies aufquelles les Européens habitent auCap font fujets, avec U manière ordinaire de les guérir. I. Compliment modefle de l'Auteur. II. iej douleurs de l'Enfantement font beau* coup moindres au Cap, qu'ailleurs. Des maux de Sein. IV. Maladies des Enfans.V. Des Mdadies contagieufes VI. Débauches des Efclaves , & leurs funeftes fuites. VII. Du Flux de ftnœ, VIII. Du Scorbut. IX. Du mal d'Yeux, X. Des Rhumes. XI. De l'Efquinancie XII. De la Colique venteufe. XIII. Des dérangemens a'Ejhmac. XIV. De Pleuréfe. XV. Deux exemples d'Hé-morragie extraordinaire.XVI. Des Maladies Vénériennes. XVII. Des Adala^ dus des Femmes. XVIII. De la Goûte. BoNNE-EsPERANCE. P. II. Ch. IX. i $ £ XIX. De la Pierre. XX. Des Fièvres. XXI. Obfervat ion générale fur les Maladies des Européens au Cap. lte ne fuis pas Médecin, ainfi je ne j connois que fort peu les termes uii-tez dans la Médecine : on ne doir donc pas s'attendre de rrouver ici la méthode & les phrafes qu'employent les Experts dans cette Science. J'attends plutôt de la bonté du Lecteur , qu'il me pardonnera les petites fautes que je pourrai commettre à cer égard , en coniidération de l'exactitude que j'ai apportée dans les choies mêmes. ÎI. I l n'y a point de pays au monde, ou les femmes ne fouifrent la peine contenue dans le Chapitre III. du Livre de la Geneie j cependant il faut avouer , que celles du Cap en particulier enfantent avec beaucoup moins de douleur & de danger , que la plupart des autres : elles font même bien-tôt délivrées , leurs couches ont très-rarement de mauvaiies fuites , & bien-rôt elles fe portent auiïi-bien qu'auparavant. Elles ne font point alarmées aux approches de ce momenr critique : on les voit au-contraire tout auifi tranquilles que dans tonte autre occasion. Elles n'ont jamais de fièvre,& au bouc de 140 Description du Cap tH de cinq ou fix jours elles font fur pied ..de manière qu'elles feroient en érat de s'al, 1er promener avec leur nouveau-né. Cependant, pour l'ordinaire, elles ne fortent pas avant les trois fèmaines. La coutume & la bienféance le veulent j & cet emprifonnement les effraye plus, qUe les douleurs mêmes de l'accouchement, Les trois fèmaines expirées, elles vont re, cevoir à l'Eglife la bénédiction piftorale. Ce n'eft qu'après s'être acquitées de ce devoir , qu'elles vont faire des viiites 6c qu'elles peuvent fortir. Les Dames les plUs hupées cependant, qui affectent plus de déUcatelTe que les autres , laiffent écou, 1er un mois entier avant que de fortir j mais celles qui font obligées de gagner leur vie à travailler , fê mettent peu er\ peine de toutes ces formalkez, on les voit ordinairement hors de chez elles au bout de quinze jours. Tout ce que je dis des Européennes du Cap , doit s'entendre également de celtes qui y font nées, comme de celles qui font venues s'y habituer. Pendant tout le tems que j'ai demeuré dans ce pays, je n'ai vu qu'un feul exertf. pie d'une femme qui foit morte dans l'accouchement ; encore dir-on que fa mort devoir être uniquement attribuée à l'ignorance & au mauvais ménagement des perfonnes qui la foignoient. j)ü BoNNE-EsPERANCE. 7\ II. Ch. IX. 141 De tems-en-tems on envoyé de Hollande au Cap des Sages-femmes, qui ont premièrement été examinées par une Af-femblée de Médecins. On ne leur permet point d'exercer l'emploi , avant qu'elles ayent fatisfait le College, Sc donné des preuves de leur capacité. Malgré ces précautions il s'y ingère cependant toujours plulieurs ignorantes, qui femblables aux Commères d'Europe, n'ont que du babil , &font quelquefois beaucoup de mal. On les employé, pareeque pour le plus fouvenr les Matrones privilégiées ne fuf-filent pas pour avoir loin de toutes les femmes. C'eft entre les mains d'une de ces malhabiles Sages-femmes, que mourut la femme dont je parle. Je p lis dire de même , qu'il n'y a eu qu'une feule femme dans les Colonies, qui ait eu un accouchemem difficile. Mais pour dire la vérité, le cas étoit des plus terribles, Se étonna toutes les femmes du Cap 3 où l'on n'avoit jamais vu un pareil exemple. Elle fouffrit les douleurs les plus cruelles pendant trois jours & trois nuits, avant que d*être délivrée. Ce ne fut qu'au bouc de ce tems-)à , qu'elle HUt au monde un enfant rnorr. Un peu avant que d'êrre faifïe des douleurs de 1 enfantement, elle avoit fend ion enfant : î4i Description du Cap de fant : mais depuis le premier in {fant quc commencèrent les douleurs , il n'avoit donne aucun ligne de vie. Cependant il ne vint point dans l'efprit ni de la mère1 ni des perfonnes qui la lervoient, que Perdant fut mort : ainii on la traita peu, dant les trois jours de fes douleurs s fui-vant la méthode accoutumée. Elles fut inutile, l'enfant ne donna aucun mouvement. Enfin, quelques perfonnes qui tkoient pré lentes à un accouchement fi difficile , s'aviferent de faire boire à la femme la décoction de tabac , que l'on donne aux Hottcntottes dans ces cas. O,, prit une poignée de tabac ue Virginie,on le coupa fort menu , & on le fit bouillir dans de l'eau limplc : on coula la décoction au-travers d'un linge, & on la laijlà refroidir. Après ces précautions , on en donna un verre à la femme en travail qui alla d'abord par haut ôc par bas, ôc qui bien-rôt après fe délivra d'un enfant mort, qui commençoit déjà à fe corrompre. Malgré cet accident, elle fe rétablit parfaitement. J'ai dit que les femmes du Cap ne s'effrayoient point à l'approche de leur terme. Je n'ai vu qu'un ieul exemple du contraire , pendant tout le féjour que j'ai ■fait dans ce Pays-là. Comme le cas eft unique bonne-esperance. P. Il Ch. IX. 14$ que en fon efpece , qu'il donna fujet à beaucoup de di(cours , ôc que j'y fus impliqué , je prendrai la peine d'en donner la relation. Une jeune mariée, qui avoit environ quatorze ans , fe voyant enceinte de ion premier enfant, ôc pas loin de fon terme, fe perfuada, on ne fçair pourquoi, qu'elle J1e relèverait point de cerre couche. Son niari, fcs amis ôc les connodïànces dé-ployerenr en-vain toute leur éloquence, pour lui ôter cette imagination. Elle tomba dans une mélancolie noire, qui le lilbit dans fes yeux , ôc lui changeoir rous les traits du vifage. Son mari , qui l'aimoit 1 tendrcmentjétoit audefefpoir. Elle le per-1 'écutóit, pour qu'il fit venir un Notaire 1 qui reçut fa dernière volonré ; mais il ne ' v°uloit point entendre parler de tefla-' ment, craignant que fa condefeendance 1 nf fût une*" approbation tacite des imaginations cruelles que fa femme s'étoit ^îfes dans la tête. Cependant les inllan-Ces redoublant à l'approche du terme cri-PJuë.if'fe lailfa fléchir. Comme j'étois Sécrétaire des. Colonies de Stellenbofch & de Drakenftein, on me fit appel 1er pour recevoir le teffament, & en même tems °n manda un Chirurgien Ôc une Matrone expérimentée, pour affilier'la femme dans r dans fon travail. Il étoit minuit ,lorfqUç le Domeitique vint chez moi : il alla chez le Chirurgien ôc chez la Sage-femme, qui étoient logez l'un & l'autre dans mon voilinage j & tous trois de compagnie nous nous rendîmes à la mailon où l'on nous attendoit. Je reçus le teflament. A pcinc ctois-je forti de la chambre, que le mari, venant à moi avec les tranfports de la j0yc la plus vive, m'apprit que fa femme venoit d'accoucher fort heureufement d'un beau garçon. Tout en me difant cela, il mc prit par la main ôc me conduilit auprès du lit, où Je vis qu'effectivement l'ac, couchée étoit abfblument hors de danger. Aulîi fe rétablit-elle bien-tôt, Ôc depuis ce tems-là elle s'eil aiuTi bien portée qUc j amais. On peut dire qu'en général les femmes Européennes qui vivent au Cap, f0nt très - modeftes. Cependant elles ne font point indifférentes pour le plailir conjugal. Elles lont extrêmement fertiles : on voit allez communément dans les maifons du Cap, fîx , huit, dix, douze en-fans, ôc quelquefois davantage, tous fains ôc vigoureux. ö Les Négrcfles du Cap font extrêmement lafeives \ ôc comme elles font dif-penfées de travailler fix fèmaines avant ôc bonne-esperance. P. 11. Öo. IX. l±i f r PK lemames après l'accouchement, elbs lle gardent aucune retenue fur l'article : Jjn même tems qu'elles fànsfbnr cette pat-"on , elles favorifènt leur pareiîè. Audi ulent-ellcs de tous les remèdes les plus propres à échauffer , qu'elles connoillent, jufqu'à ce qu'elles foient enceintes. Celui qui leur plaît davantage , 5c qui eft de jeur compoiition, eft un breuvage fait de lait, de vin , d'oeufs, de fuerc , de larfran & de canelle. La Loge des Efclaves ai* ^aP fourmille d'enfans. Hl. Les Européennes du Cap qui nour-' client leurs enfans , font la plupart fujet-l tes à de très-grands maux de fein. Quels I que foient les avantages, ou acquis ou na-I' turels, dont un Peuple jouïlfe par-delfus t les autres , ils font conftamment accompagnez de defavantages, qui le rendent •f. *?ut aulîi malheureux que les autres Na-A\ J^oiis :delorte que tout compté & rabattu. *e bien 5c le mal, la douleur 5c le plaifîr , Wt partout en équilibre. Il n'y a pas de f Pays au monde, que je fçache, où les fem-H1 nies fouffrent moins dans l'accouchement jjrf Sn'au Cap ; mais ce bonheur eft empoi-j lunné par les maux que les accouchées tentent au fein , 5c qui font beaucoup J Puis fréquens Se plus douloureux que M dans aucun autre pays dont j'aye jamais f Tomç //. G ouï t4$ Description du Cap de ouï parler. Elles ont fi fouvent mal au mammclon , qu'elles tremblent lor{qu*c^ les doivent le préfenter à leur enfailt Quelques-unes, pour éviter ce tourment1 les févrent avant qu'ils foient parvenus à l'âge de trois mois , & font palier Ieur lait par le moyen de certaines emplâtrCs préparées pour cet ufage, qu'elles s'ap^ pliquent fur le fein. J'ai connu p]^ ileurs femmes , qui avoient beaucoup d'ulcères affreux caufez par cette mala. die : j'en ai connu d'autres à qui la m^ me incommodité avoit fait perdre IeUrs mammelons , ôc l'ufage de leurs marn, melles. Les Chirurgiens du Cap empl0yent toute leur habileté, ôc font tous les joUrs des expériences, pour trouver un remède à un mal il terrible ; mais ils n'ont en» corerien trouvé, ou aumoins ce n'a été que bien peu de choie. Il réfifte à tous U remèdes , on ne peut le calmer, ôc il fail_ > abfblument faire perdre le lait. I Il y a à la vérité quelques années qu'un Allemand, nommé Matthieu Grcft, Maté- I thaï de profefTion ôc demeurant au Cap I avoit trouvé & préparé une emplâtre qj * adoucilïbit ce mal d'une manière éton- 1 nante. Il ne demandoit rien pour un il I excellent remède j il ne fe faifoit payer I que ÊONNE-EsPERANCE. P. II. Ch. IX. 147 que les ingrédiens qu'il y mettoit , qui même ne coutoient que très-peu. Aulîi toutes les femmes l'adoraient', elles ne parloient que de l'emplâtre de Matthieu Greft ydc il n'y avoit pas une femme grof-fe au Cap, qui n'en usât. Mais le Maréchal eft venu à mourir, fins avoir com-I mimique à qui que ce foit un fecret ii ( important ; ainfi le remède a été abfolu-I ment perdu , fans qu'on ait pu en trou-if. Ver jufqu'à préfent un autre qui pût le S remplacer. I La couleur de cerre emplârre croit d'un \ Verd foncé. On fçait en général qu'il y f Cntroit des herbes ; mais on ne cônnoît ni ces herbes , ni les autres drogues1 qui ^ entroient dans fa difpolîdon. Cet hom-y *ne, qui ne fçavoit ni lire ni écrire , avoic j auiÉ découvert une admirable emplâtre t gu'il préparait pour guérir les bleffures \ Internes. C'étoit au-refte un excellent J Maréchal. J) IV. Les enfans des Colonies du Cap de Bonne-Efperance font très-robuftes : Jjf l'air du pays leur eft très-favorable. Pen-U danr tout le tems que jrai demeuré dans J ces contrées , il n'y a eu d'enfant mort-J'fcc que celui dont j'ai parlé, dont la merc av°it accouché par le moyen d'une dé-N *oc~tion de tabac. Pendant tout ce tems- f e > ». 14S Description du Cap de là , il n'en cft pas mort un ieul qui n'eût plus d'un mois. Ils font depuis le mo, ment de leur nailïânce li gros'&U v^ goureux , que les Etrangers donnent or, dinairement iix mois aux enfans de (W fèmaines. Les Enfans des Européens au Capnajf. fent pour l'ordinaire fort robuftes , 6c de, puis le moment de leur nailîànce jufqu'à à l'âge de fix ou fept mois, il continuent àprofpérer. Alors ils commencent à p0llf, fer les dents, ce qui leur caufe des d0u, leurs fi violentes , que pour l'ordinaire elles fout Caivies de convullions terribles dont il y en a quelques-uns, quoique peu| f qui meurent. 1 Après que leurs dents ont percé, ils re^ i prennent leur première vigueur, &rare, t ment ils font expofez , jufqu'à l'âge d'en. I viron dix ans , à d'autres incommodité i qu'à la rougeole & la petite-vérole ; cru 0 core en font-ils toujours traitez fort don, ^ ■cernent , Se il eft inouï qu'aucun en f0it f jamais mort. On ies voit jouer dans les rues pendant qu'ils ont ces maladies |l avec autant de vivacité & de gayeté, qUc* / s'ils fe portaient bien. On ne les oblige point à garder le lrr, ni à le tenir renfeV, % mez, leur parens ne leur donnent aucun a1 remède pendant la maladie ; toutes les I douleurs bonne-esperance. P. //. Ch. IX. 149 douleurs des enfans fe réduifènt à un léger mal de tête , qui eft Pavantcoureur ordinaire de ces maladies, foit dans les Vieux 5 foit dans les jeunes, Mais autant que la petite-vérole cft débonnaire au Cap , autant elle cft cruelle & dangereufe à Baravia , on elle enlevé un grand nombre & de gens du Pays , p d'Etrangers. De cent natifs du Cap, qui étant à Batavia y prennent la petite-Vérole , il n'y en a pas un qui réchape. Jttnker , dans la vie qu'il nous a donnée de Ludolf, cite les paroles fuivantes , qu'il a tirées d'une Lettre que le Docteur Melchior Leydeh^er écrivoit à Mr. Ludolf. "La pefte eft fi peu connue à Java, qu'à "peine y a-t-on un terme pour la'défi-" gner. Cela eft éronnanr. Mais il eft plus "étonnant encore, que les habitans du "Cap de Bonne-Efperance ne connoif-"fent pas la petite-vérole ou la rougeole, "maladies qui font fouvent dans les In-"des de fi furieux ravages (i).*J Cela n'eft G 3 pas C1 ) Pefiis in Java majore ctàeo îgr.ota ejl, ut wt* nomtn habent quo illarn exprimant. Hoc qui- e*n mirum efi : fed magis mirandum, inier Fro-l'ontcrii Bo>?& Sf>ei incolas nunquam i/ïjks vario-«* vd morbillos, qui heic in India f&pe magnat» !tr"grm edunt. Cette Lettre eft datée du i? Jan- JCr irf-py, se fe trouve à !a page 210 de Ja Vie 15o Description du Cap di pas tout-à-faic exact j il deveit dire feulç^ ment, qu'on n'a jamais vu au Cap de pe> tite-vérolc , ou de rougeole , qui fuflènt fatales & mortelles. On eft extrêmement attentif en Europe , à empêcher que les enfans ne man, gent trop de fruit, l'expérience ayant ap, pris que le fruit mangé avec excès eft la caufe de diverfes incommoditez. Mais au Cap , on ne gêne jamais les enfans fm- Ce fujet: ils mangent à leur gré des pommes des poires, des citrons, des oranges, des railîns, & de tous les fruits : leurs parens ne les leur épargnenr poinr. Cependant ■jamaisils n'en lont incommodez: aucon. traire rien ne leur eft plus falutaire 3 ni plus nourriflânt que le fruit ,furtout s'ils fê donnent beaucoup de mouvemens comme c'eft allez leur coutume. La bon, té de ces fruits vient fans doute de l'action du foleil qui en brife les acides, & leur ôte ainii tout ce qu'ils peuvent renfermer de mal-fain. V. Lorsqu e j'ai quitté le Cap, les Européens qui y habitent n'avoient jamais été infectez d'aucune maladie contagieu, fe. En 1707. pour la première fois ,lCs Efclaves, furrour ceux qui appartenoient à la Compagnie , furent attaquez d'une maladie épidémique , qui en emporta un trèsi BoNNE-EsPER ANCE. P. II. Ch. IX. I j 1 ^es-grand nombre pendant cette année-la > cc les deux fui vantes. Je ne fçai quel nom les Médecins d Europe donnent à cette maladie : j'igno-re même ii elle leur eft connue. Elle corn-niençoit, dans les hommes & dans les femmes , par de violens maux de tête, accompagnez de vertiges. Ils étoient dans |es alarmes les plus affreufes : tous les objets qui les environnoient, leur paroii-f°ient tourner : ils ne pouvoient fe foute-Ûlr fur leurs jambes, ils étoient dans des appréhenlions mortelles de tomber, & de fe calîèr la tête. Une foif ardente Jes iai-fiftbit en même tems : ni eau, ni aucune autre liqueur ne pouvoit l'appaifer. Ils'fè Nettoient au lit, d'où ils ne bougeoienC plus,& y périiîbien.t fortmiférablemcnt. Vl. Cette maladie attaqua d'abord fes Efclaves de la Compagnie , ôc à mon avis, elle vint de leur nudité, de leur: Malpropreté, ôc de leurs débauches. Une %ere idée de la vie de ces miférables y nùfca pour faire fentir que mon foup-ç°n nJeft pas ii mal fondé. Les lits des Efclaves de la Compagnie, qui demeurent dans la Loge dont j'ai par-*J ci-devant, font attachez contre les mu-I'adlesj>& relfemblent beaucoup à des ba£ laques. On leur fournit tout ce qui eft né-G 4 ceifaire ij-z Description du Cap de ceflaire pour fe coucher ; mais ils font pour la plupart li débauchez, qu'ils vendent leurs couvertures ôc tout l'attirail de leur lit, pour en acheter de quoi iatisfaire leur intempérance. On leur Fournit aulîi des habits très, bons pour leur condition, ôc jamais on ne manque de leur en donner des neufs tous les deux ans : cependant il eft très-Tare de leur voir fur le corps que de vilaines guenilles , pareequ'ils fe défont auftj de leurs habits,pour acheter des liqueurs, fortes, Ôc pour aflbuvir leurs palTions déréglées. Dans les chaleurs exceiîives de l'Eté, ils ont à peine un haillon ou quelque autre couverture fur le corps. L'ardeur du foleil doit donc, comme on fe l'imagine aifément , les rôtir à moitié : cela fait, que quand même ils auroient encore leur lit, ils préféreroient de cou-cher fur la terre. Pendant l'Hyver 3 ils ne fe couvre guéres plus qu'en Eté: ainfi les longues pluyes qu'il fait les incommode infiniment, fans qu'ils cherchent à y apporter le moindre remede. Ils couchent .même alors dans leurs haillons mouillez 3 faute de mieux. On leur livre pour leur fubliftance, de la viande, du poillon falé , du ris ou du pain j du poivre , du vinaigre, ôc autres excellentes ' Bo>?NE-Esrr.RAKCE. P. II. Ch. IX. i j$ excellentes nourritures. Mais ils font ii e*ceiTivement pareffeux , qu'ils ne cui-roient pas leur manger à moirié, s'ils n'y étoient forcez à coups de bâton. Ils font Reliez qu'on leur donne de la chair, elle leur donne trop de peine à préparer: ]ls aiment beaucoup mieux la grailîè , Qu'ils mangent forr avidemenr avec leur Xls' Us mangent aulîi fort fouvent avec cette g rai ne des harangs cruds. Leur pa-reue j pour dire tout en un mot, ne fçau-roit être comparée qu'avec celle des hottentots. i Leur boiflbn ordinaire eft de l'eau pu-re : mais ils arrrapent fouvenr des liqueurs fortes , & lorfque pareil bonheur leur arrive j ils en avalenr une ii grande quantité, qu'ils s'enyvrent dans un moment jufqu'à tomber par terre, où ils reftenc jufqu'à ce que les vapeurs foient dilïipées. pès qu'ils lont revenus à eux-mêmes, ils font preffez d'une foif ii ardenre, qu'ils Coureur comme des enragez à une fontaine ; & là , fans confulter que leur foif, ils boivent pour l'ordinaire ii copieufe-ment qu'ils étendent prodigieufement leur eftomac : ce qui leur caufe fur le champ une révolution qui les affîoiblit extrêmement. *1 y a au milieu de la Loge une fort G $ large i f4 Description du Cap de large place couverte, qui avoir été deft£ née pour fervir de cuiiine aux Efclaves Pendant quelque tems ils y apprêtèrent effectivement leur manger 3 mais leur ftu, pide parefle ôc leur impatience rendant-dans la fuite cette place prefque inutile on en prit la meilleure partie pour en faire une étable à cochons. Aujourd'hui la choie fubiifte fur le même pied. Or l'on conçoit aifément, que la puanteur excef, five qui fonde ce lieu immonde , fe jjftj pandant par toute la maifon , ne pcilt qu'incommoder les Efclaves , ôc nuire à leur fanté. Qu'on juge à préfent II je n'ai pas eu raifon d'attribuer aux caufes que j'ai di. tes ; la maladie qui fe répandit parmi les Efclaves en 1707. ôc qui a continué, plUs ou moins , jufqu'à mon départ du Cap 1 Ôc même qui continue jufques à au jour-d'hui , dumoins j'en crois ce qu'on m'écrit de ce Pays là. J'ai même appris quelle avoit enfin pafïe des Efclaves aux Européens. Les fyjrnptômès font cepen, danr différens , ôc ont beaucoup de rap, porr j à ce qu'il me femble , avec ceux de la petite vérole. Dès que l'infection eût été répandue parmi les Efclaves de la Compagnie , on fit un règlement pour empêcher que ceux des Bonne-Espérance» P. IL Ch. IX. i f f Qes particuliers ne les vifïtaflènten aucune Manière ,& on 1 'accompagna de menaces «es-grandes contre les conrrevenans. Mais ni l'ordre 3 ni les menaces n'empêchèrent pas des fréquentations ii dange-leufes • & cJeft fsns doute de cette manière que la maladie a paiîe à la Colonie. Les Efclaves qui fe trouvèrent attaquez de cette maladie , étoient d'abord tranf-Portez à l'Hôpital, où on leur donnoit tQus les fecours que la Médecine peur: fournir. Je les fuis fouvent allé voir, £: Ie puis dire qu'on a pris de ces malades des foins infinis. Cependant il n'y en a aucun qui en foit rechapé , on ne pur trouver aucun remède qui produisît quelque heureux changement. VIL II s'en faut beaucoup que le fiait de fàng foit une maladie commune au Cap ; cependant on y en voit quelquefois de très-facheux, furrout parmi les nouveaux débarquez : c'eft parmi eux feulement que j'en ai vu des exemples qui méritent d'être remarquez. Ces perfonnes qui pendant un long voyage, ont changé & bouleverfé la mafte de 1cm fang par la nourriture inaccoutumée qu'ils ont Mangée à bord , venant enfuite à ufer des viandes nourriflantcs&des boilfons ; excellentes que fournit IeCap ,manquent G 6 rarement tc6 Description du Cap de rarement d'attraper cette incommodité. Mais On ne s'en embaraflè nullement. Pour l'ordinaire même on le guérit pat la méthode que je vais dire , qui n'enga, ge ni à des grands fraix , ni à s'obfcrver beaucoup. Ils prennent quelque peu de lait, du lait de chèvre , s'ils en ont : i[s le font bien bouillir , & y infufent du thé. Le malade boit cette infuiion auiïî ehavw de qu'il peut, & avec cet unique remède réitéré le matin, à midi & le foir, il cft fur de le procurer dans peu de jours une entière guérifon; pourvu cependant qu'il vive de régime, & qu'il évite furtout les excez du vin. Les rai lins font auiïî un remède infail-lible , s'ils font bien murs. On peur en manger fans aucune précaution, en ft grande quantité qu'on voudra, fans craindre qu'ils faflènt le moindre mal. J'ai connu plulieurs perfonnes au Cap , venues ou de Batavia, ou d'Europe, qui ont été guéries par l'une ou l'autre de ces méthodes. Malgré ce que j'ai dit de la facilité avec laquelle onfe délivre du flux deiàng par l'un de ces deux remèdes, il arrive ce-pendanr quelquefois que les perfonnes attaquées de, cette maladie , la gardent fort long-tems,& font obligées même de quitter. jjonn-k-Esr-erance. P. II. Ch. IX. i f7 quitter le Cap ayant que d'avoir pu y remédier entièrement. On nJa des rah'ins propres à guérir cette incommodité , qu'une fois l'année. Voilà donc un remède dont on eft privé la plupart du tems. Le lait eft quelquefois fi rare à la Ville du Ç#p3 Se aux environs, qu'il eft impollible « y en avoir qui ne foit aigfe ; Se alors il n'eft point du tout propre à produire l'effet dont je parle. * On aura peine à concevoir comment il fe peut faire que dans un pays fi abondant en beftiaux , le lait, j'entens le bon lait, y foit rare dans certainefaifon. Mais d faut fçavoir que les troupeaux de vaches , ou d'autres cfpeces d'animaux qui fournilfent du lait, ne font pas fort nombreux aux environs de la Ville du Cap : deforte que ii l'on n'y en apporroir de la campagne, les Bourgeois y feroientdans Une diiette perpétuelle à cet égard. Auiïi pendant route l'année les Payfins y en apportent en grande abondance. Mais pendant les chaleurs exceiîïves de l'Eté , le lait s'aigrit avant qu'il foit arrivé à la Ville ; ce qui eft caufe que les Payfans n'y en apporrent point dans ces rems-là. C'étoitdans des circonftances fembla-bles, qu'il arriva au Cap un de mes amis qui étoit extrêmement travaillé du flux de fang. ifS Description du Cap de fang. Les raiiîns n'étoient pas mûi-s, &c les chaleurs corrompoient le lait. Son mal duroit depuis trois ans. On avoit épuifé fur lui tous les feercts de la Médecine , fans qu'on eût pu le foulagcr. AufTi reflembloi t-il à un fquélette animé. Arrivé au Cap , il confulta un habile Chirurgien nommé Bcnrfiib ; il lui fit un de, tail de tous les remèdes qu'il avoit déjà pris inutilement -, ajoutant , que de tout ce qu'on lui avoit donné , il n'avoit rien trouvé qui l'eût foulage le moins du monde, que l'Opium dont il prenoit régulièrement matin & foir. Cet effet de l'Opium fit naître à Benratb l'idée d'un remède qui jufqu'alors n'avoit point été employé. Il la communiqua au malade, & l'afïura qu'il ne doutoit point qu'un lavement d'Opium ne lui rendît la fanté. Mon ami ayant confènti au remède , le~ Chirurgien prépara un lavement, dans lequel il fîr entrer fix onces d'Opium crud3 de le lui donna la nuir même. Bien-rot après le malade tomba daii9 un afloupiffemcnt, & enfuite dans des rêveries. Ce ne fut que fur le marin que s'étant rranquillifé, il s'endormit j mais Ç\ profondémenr, qu'il ne fe réveilla que le foir. Il voulut le mettre fur fon féant ; mais l'alîbupilTemcnt le reprit fi violemment, BûNNE-EsPERANCE. P. II. Ch. IX. I ƒ Mais je n'a vois point découvert de îJ remède qui allât à la racine du mal, juf-" qu'à ce que j'en eulfe été attaqué com-Mae les autres. Ce fut cet Eté-là même. ** Mes yeux furent ii mal, que je ne pou-" Vois iotkenir la lumière. Je me confinai " donc,pendant l'efpacede trois fèmaines, jjdans unechambre oblcure. Jcfouffrisdans " cette retraite des douleurs très-cuifantes. "Enfin je me rappellai une ordonnance 13 que Matthiole donne pour le mal aux ,J yeux > 8c je réfolus d'en faire l'épreuve. »? Je pris donc une larme d'encens , à "laquelle je mis le feu avec une chandelle: je jettai cet encens ain/i allumé :'uans deux cuillerées d'eau-rolê. Je fis 5J jufques à trois fois la même opération. 53 Enfuite j'y ajoutai une cuillerée de lait >Jde femme. Telle elt l'Ordonnance de **. Matthiole. Avant que de me mettre au tu 8 Description du Cap e>ê •♦lit , je me fis injecter quelques gouttes » de cette liqueur dans les yeux. Dès le » lendemain matin, la douleur dont juf, » qu'alors j'avois été tourmenté , ceilà, « aulîi - bien que la rougeur. L'humeur » mordicante, donr mes yeux étoient fans i> celle mouillez , difparut : ma vue re, «prit fa force & fon activité naturelles : {[ » ne me fembloit pas que mes yeux eu(Fent «jamais eu la moindre incommodité. » Craignant cependant qu'il ne reftât eu, » core quelque chofe de cette maladie, je » réitérai le remède la nuit fuivante* ôc jc «m'en tint là , perfuadé que j'étois radi, «calement guéri. » J'ai preferit le même remède à deux »ou trois de mes malades, qui fouffroient « beaucoup des yeux : il a tout aulîi bien «opéréfur eux qu'il avoit fait fur moi. » Tous ceux des environs qui ont eu mal «aux yeux , s'en font fervis, & il n'a ja. «mais manqué. Mais les perfonnes attaquées de cette maladie étoient en fi » grand nombre , qu'il y en a eu plu, « fieurs qui n'ont pu fe procurer du lait » de femme, jufqu'à ce que l'Hy ver f0it « venu , qui fans remède à mis fin à tous « ces maux. Mon ami finiffoit cette lettre en con- feillant BoNNE-EsPERANCE. P. II. Ch. IX. i 6> aillant aux Européens du Cap de faire ufage de ce remède contre le mal aux yeux. J'aurois fort fouhaité d'avoir ea cette recette avant que de quitter ce Pays- ; car je ne doute point qu'elle ne leur fut falutaire. Auifi , dès que j'eus reçu la lettre, je la rraduiiïs en Hollandois, ôc je l'envoyai au Cap : mais je n'en ai point reçu de nouvelles. Si l'Ordonnance y feuflit, on ne fera pas empêché d'en faire ufage par le manque de lait : les femmes y en ont fi abondamment, qu'elles en fourniront tout autant qu'il en faudra Pour cela. X. O n ne voit prefque point d'Européen au Cap, qui ne foit fujet au rhume : d n'y a point de faifon qui en mette à couvert. Par toutes les habitations des Colonies , on rencontre des perfonnes qui ont des obftructions à la tête , occaiionnées Par des rhumes. Les enfans même en f°nt incommodez, jufqu'à pouiler les hauts cris. Il n'y a prefque aucune différence en-tl"e les rhumes qu'on prend au Cap , ôc Ceux qu'on prend en Europe. Les perfonnes plus déiicares, les enfans que l'on mitonne rrop, foit pour les habits, foit pour • ah, font les plus fujets à cette maladie, & en fouffrent le plus. Ceux qui ne ref- Tome IL H W» t :nt que fort peu enfermez, & qui ont le même habit pour toutes les faifons y fonc h moins expofez, ou en font plus bém-gnement traitez. Ceux quife découvrent la poitrine fans y être accoutumez dès l'enfonce , manquent rarement d'en être attaquez; furtout, s'ils prennent le froid du foir , lorfque le vent de Sud-Eft régne ou que le tems eft couvert Se fe préparc à la pluye. Les Hottentots ne font jamais enrhumez. Laraifon en eft toute naturelle. On doit la chercher dans la graille dont ils s'endulfent le corps, & dans l'uniformité de leurs habirs qu'ils ne changent jamais pendant toute l'année. XL L'Es qu i n a n c i e faifit fouvent les Européens du Cap. Ils ufent , dans ces maladies , de gargarifmes compofCz d'eau ordinaire , dans laquelle on a faic bouillir des feuilles de Tro'eme ( Liguf. trttm Europeanum ). C'eft un excellent remède. XII. Les Européens du Cap font fouvent remplis de vents, qui les incommodent extraordinairement. Chacun fçait le i vrai remède à ce mal ; mais les Hollan- i dois du Cap font pour la plupart fi efclaves des bienféances, qu'ils aiment mieux Augmenter leur mal, que d'offenfer le 1 moins BoNNE-EsPERANCE. P. II. Ch. IX. ïf I moins du monde la compagnie où ils iont j en fe ibulag eant. Les Capitaines des vaiflêaux, ni leur.1; Matelots, ne font point li icrupuleux. Dans la plupart des compagnies où ils fe trouvent au Cap , qu'ils ayent la colique venteufe, ou qu'ils ne Payent point, ds ne gênent jamais la nature. Ils aiment, difent- ils , en leur langage, à entendre ronfler leur canon , ôc à avoir le vent en Poupe. Le remède que les Européens du Cap employenr , eft un verre d'eau-d'anis, ou Une gourte d'eau-de-vie dans laquelle on a infuie quelques fleurs d'orange, ou quelques autres fleurs. XIII. Contre les maux d'eftomac , ils prennent une feuille ou deux d'aloës , 8c en expriment environ cinquante gouttes de fuc qu'ils boivent dans un verre de vin. Le remède eft infaillible pour nettoyer un eftomac fale. Lorfque les Nègres qui font au Cap °nt l'eftomac dérangé , foit à caufe des vilenies dont il eft rempli , foit par une autre caufe, ils mangent une grande quantité de poivre avec leurs viandes. Quelquefois ils le pilent, d'autres fois ils le Prenneut entier. Raremenr ils fui vent l'exemple de leurs maîtres, dans l'ufage H i du ï7i Description dit Cap de du fuc d'aloës: car loriqu'abandonncz \ eux - mêmes ils employent ce remède, {[s en prennent une dofe ii abondante, qU'i{s en font plutôt incommodez que ioulage2 Il faut pour l'ordinaire que les Maîtres * dans ces occafions, ayent foin de donner eux-mêmes la prife. XIV. Les Européens du Cap fbnt" fouvent attaquez de la pleuréfîe ; je parle des hommes, les femmes n'y font p0int fujettes. Ces maladies font fi violentes qu'on prendroir le malade pour un acr0* nifant qui n'a pas une demi-heure de vie. Cependanr elles ne font pas mortelles, au.' moins pendant tout le tems de mon féjour au Cap., je n'ai pas ouï dire qu'il en [Q[t mort qu'une feule perfonne. Les Chirurgiens du Cap ont pour cette maladie des remèdes que je ne connois point, dont ils fe fervent avec un iuccès étonnant J'ai toujours cru que les excez aufqucls les Européens du Cap fe livrent, ÇQ{t dans le boire , foit dans le manger, \ovç^ qu'ils fe régalent, étoient une des prin, cipalcs eau fes de cette maladie parmi eux XV. I. l y avoit il n'y a pas long-tems au Cap, un homme de mérite avec qui j'étois intimement lié. Il eut le malheur un jour d'être faili d'une frayeur li grande , qu'il lui fortoit un ruiffeau de fano- Bonne-Espérance. P. //. Ch. IX. 17j u nez : l'hémorragie étoit même Ci vio* lcnte j que cette iflue ne fuflifant pas, il perdoit quantité de fang par la bouche & Par les oreilles. On travailla fur le champ a l'arrêter ; mais il étoic prefque mort avant qu'on eût trouvé le remède. Il en avilit cependant : ce qui n'empêcha pas qu'il ne fur dans la fuite plulieurs fois attaqué de ce fâcheux accident. Ces hémorragies en produifirent même un beau-Coup plus trille encore , elles devinrent Ci fréquentes ôc Ci abondantes, qu'il en perdit ablolument la vue , fans qu'il ait jamais pu la recouvrer, quelque remède qu'il ait employé. Lorfque je quittai le Cap, il y avoit un autre de mes amis qui étoit affligé d'une maladie fort femblable. Très - fouvent il Coiffai fi d'hémorragies par le nez & par la bouche, Ci violentes qu'il fembloit qu'il avoir une veine rompue. Rarement il perdoit moins d'une peinte de fang à la fois. Un goût de fang que prenoit fa fauve , étoit un ptéfage certain que l'hémorragie approchoit. Des qu'il apper-cevoit ce lignai, il fe faifoit faigner : il Q * CJ trouvoit que cela arrêtoit la violence de l'hémorragie. C'étoit le feul foulagement qu'il pût fe procurer. Il n'a jamais feu quelle pouvoir être la caufe de cetacci-li 5 dent : 174 Description du Cap r> -dent : la feule à quoi on pourroit i'attrû buer , font les excez de vin du Cap 9 qu'il avoit fait dans fa jeuneffe. Je lailTè aux Médecins à juger fi j'ai réuili dans ma conjecture. Lorfque je quittai ce Pays, là, il vivoit d'une manière rrcs-fobre; depuis quelque tems il ne mangeoit que fort peu , ôc ne beuvoit plus ni vin ni autres liqueurs fortes. Il efpéroit que ce régime le rétabliroit. XVI. Lf. s maladies Vénériennes fe font gliliées depuis long-tems parmi les Européens du Cap ; ôc lorlque j'ai quitté ce féjour ,ces maux n'y étoient que trop communs. Les Chirurgiens du Cap en font la cure par les fel les , ou par la fali-vation, procurées par le Mercure préparé iuivant la méthode ordinaire. Je dirai ici par anticipation , qu'une femme fut guérie de ce mal affreux , par l'ufage du bain chaud de la Montagne noire. XVII. O n ne doit pas s'attendre que je m'étende beaucoup fur les maladies des femmes Européennes du Cap. Il m'étoit allez difficile de m'infrruire fur cette matière : il n'y a eu que le hazard , ou quelques converfarions avec les Chirurgiens, qui ayent pu me donner quelque lumière ià-deflus. Autant Bonne-Espérance. P. IL Ch. IX. ij$ Autan: que j'ai pu le remarquer, les Européennes du Cap ne fe plaignent pas beaucoup de la fupprclïion de leurs Régies. Leur remède dans ces occalîons eft du fafran pris dans du vin chaud, ou nifulé dans de Peau chaude, tk pris comme du thé. Les Fleurs blanches y fonr beaucoup plus communes : j'en juge ainii par l'énu-mération que j'en ai ouï faire à des Chirurgiens avec qui je me fuis trouvé quelquefois. Mais j'ignore les remèdes qu'ils leur donnent. Il n'y a point de maladie donc elles iouffrent davantage , que de celle qu'on appelle Strswgulatio vhIva , ou VuIva tormentiim, Mal de mere, ou Etranglement de matrice. Les filles furtour, qui fe donnent peu de mouvement & qui vivent avec trop de délicatede , l'ont à un point, qu'il femble qu'elles ayent les cou-VulfÏQfls. J'ai été témoin d'un accident de cette nature , qu'eut une femme du Cap, qui en garda plus de huit jours le lit. Je me trouvai pendant cet intervalle chez la feeur. Son mari y vint, & après avoir parlé de la cruelle maladie de fa femme , il me pria dans les termes les plus prelTans de vouloir lui aider à la veiller la nuit H 4 pro- tj6 Decription du Cap de prochaine ; m'afluranr qu'il ne p0u, voit plus trouver qui que ce fut dans fon voifmage pour lui rendre un li grand fervice. Ma complaifance m'engagea à lui faire ce plaiiîr. Je n'eus pas été long-tems dans la chambre de la malade, fans découvrir la rai fon du refus que les fern. mes du voiiînage faifoienr de la fecourir. Les douleurs qu'enduroit cette pauvre miférable lui faifoit faire des grimaces affreufes, elle écumoit, & en même tems elle ferroit les dents d'une fi prodigieufe force, qu'on ne pouvoit les ouvrir pour lui faire prendre quoi que ce foir. Quelque défagréable cependant que fut mon occupation, je ne pus m'empêcher de la continuer pendant trois jours & trois nuits ; mais j'alfure bien que jamais on ne m'y rartrapera. Je me rappelle entre autres, que je me relfentis pendant plulieurs jours d'une grande douleur au pouce , dont je m'étois fervi pour lui prelfer fortement le côté dans fes vio-lens accez. XVIII. Quoique les Européen? du Cap boivent des vins très-violens, qu'ils fenoùrriflent de viandes trcs-fucculentes, & qu'ils ufent fouvent de ces nourritures avec excès; cependant je n'ai connu pendant tout le tems que j'ai palïé parmi eux, que BONNE-ESPERANCE. P. IL Ch. IX. 177 que trois hommes qui y étalent la goutte : encore étoit - elle li débonnaire , que jamais elle ne les retenoit chez eux. Dans Jes plus violens accez même , ils pouvoient allez bien marcher , ôc rarement la douleur leur faifoit faire des grimaces. Ils nfoient des bains de la Montagne Notre > pour fe foulager , ôc ce n'étoir pas fans fuccès. Je ne doute même point que ces eaux ne les eufîènt entièrement guéris , s'ils y avoient travaillé de leur coté par leur tempérance. Mais, comme tant d'autres perfonnes qui fe laillènt conduirepar l'habitude, ils ne pouvoient prendre laré-folurion de fe gêner le moins du monde, leur incommodité les effrayoit moins qu'un régime convenable. XIX. Il n'y a point encore eu d'Européen qui ait été affligé de la pierre au Cap. C'eft un bonheur qui a quelque chofe de frappant, furtout ii l'on conlidére que cette maladie régne dans tous les autres Pays où l'on boit du vin, ôc que les Européens du Cap l'aiment extrêmement , aufïi-bien que les liqueurs fortes, ôc en boivent en très-grande quantité. Ils ont de la bière, ou de l'aile, qu'ils braflènt eux - mêmes, ôc pour laquelle ils employait la meilleure orge. Cependant il s'en faut de beaucoup qu'elle ne foit H ; aulîi 17S Description du Cap de aulîi bonne que la bière ou l'aile qui fait en Europe. Elle eft venteufe, ôc caufe fouvent des rerenrions d'urine. La rai-, fon de cette différence vient , fuivant; toutes ies apparences, du houblon qu'on apporte d'Europe , qui perd peur - être quelques-unes de fes bonnes qualitezfous la Ligne. On peut aulîi l'attribuer en grande partie à l'ignorance des Braifeursj car pour l'eau ôc l'orge, elles y font aulîi bonnes qu'on puiffe les fouhaiter. On a auiïî au Cap de la bière de Zerbft, de Brunsvick^ôc de Hollande : mais elle y eft fi chère, qu'ils en font rarement débauche. Ils fe dédommagent donc fur le vin 5 ôc pallènt quelquefois des nuits entières ï en boire jufqu'à s'enyvrer. Ces excez ne fe font pas, à la vérité , en public , ils ne s'y abandonnent point en préfence de tout le monde ; cela n'a même lieu que dans les repas qu'ils fe donnent entr'eux: deforte que peut-être ces intempérances ne font pas tant l'effet de leur paflion pour le vin, que de celles qu'ils ont pour leurs amis, ôc de l'envie qu'ils ont de paraître n'avoir aucune gêne avec eux. Ils n'ont point le vin mauvais : leurs petites débauches n'occafîonncnt ni jure-mens, ni difputes, ôc ne les portent ni. à l'impureté, Bonne-Espérance. P. II. Ch. IX. 170 l'impureté , ni à faire aucun mai. Ils fa-crifient tout à la gayeté & au bon voiii-nage. Ces excez n'ont aucune mauvaiie mite que le mal de tête, qui même eft rarement allez grand pour les empêcher de marcher droit , ou afléz obftiné pour ré-fifter à une talïe ou deux de thé. Un y vro-gne , un pilier de cabaret, eft méprifé parmi eux. Je devois ce correctif, en faveur de mes bons amis les Européens du Cap. XX. On appelle du nom général de fièvres , la plupart des maladies qui emportent les Européens de ce Pays-là. Je ne m'arrêterai pas à les décrire: tout ce que je dirai fur ce fujet, c'eft qu'on n'a jamais vu au Cap de hevre intermittente. XXI. Je finis en obfervanr , que quelle que loir la nature de la maladie qui artaque les Européens habituez au Cap, ils ne la gardent jamais fort long-tems, dans pzu de jours on en eft oumorr, ouréiabli. H C CHAPITRE CHAPITRE X. Des Terres ôc des Pierres qu'on trouve au Cap, I. De la nature du Terroir du Cap. II. Des Terres glaifes, & de leurs divers ufa-ges. III. De la Craje blanche & rouge i er de fes ufage s. IV. D'une Terre rouge très-belle. V. De diverfes matières bitumineufes qui découlent des Rochers, VI. De l'Ambre gris & duTripoli.\{j, Des Tourbes. VIII. Des Pierres qu'on trouve fur les Montagnes. IX. Et dans les Rivières. X. Quartiers de Pierres. XI. Des Aïeules de moulin. XII. D'une Pierre rouge tachetée. XIII. Des Pierres de Touche , çr des Pierres à égui* fer. XIV. Des Pierres àfufil , & des faujfes Pierres d'Aigle. XV. Diverfes efpeces de Pierres. I. T Es Terres du Cap font de divers JLj fortes j c'eft-à-dire, qu'elles différent beaucoup , foit pour la couleur, foit pour la qualité. Les vallées qu'on a cultivées font très - fertiles, Ôc toutes celles qui font près du Cap ont été cultivées , excepté Bonne-Espérance. P. II. Ch. X. iSr excepté la vallée du Tigre, qui étant picr-reufe & fablonneufe , ne produit que des chardons & de mauvaifes broflailles. Dans les autres vallées où lJon a femé ou planté , la terre, qui en quelques endroits eft mêlée de fable, a une couleur rougeâ-tre , Se d'un rouge brun ; mais partout ailleurs elle eft noire , groflïcrc & paroît ti"ès-grallè, rarement elle a befoin de fumier. II. O n trouve dans ies contrées du Cap une grande quantité d'argile, ou de terre glaiie, donr les ufagescV: les couleurs font différentes. Il y en a de blanche 3 qui paroît comme mêlée de paillettes d'argent: c'eft de cette efpece d'argile, dont les Potiers font leur vaillèlle. Les contrées du Cap en fourniflenr aulîi une forte qui eft grife ou cendrée , & qui eft mêlée avec quelque chofe qui refîèmble à des poils ou de petits cheveux. J'en parlerai plus amplemenr lorfque je viendrai au Chapitre qui regarde la production naturelle du fel au Cap. Une troiliéme efpece eft jaune ou rouge : c'eft de celle-là qu'on fe fert pour faire des briques, dont la plupart des maifons du Cap font bâties. On en voit d'autre qui femble pétrie avec de la rouille de fer y & qui eft mêlée avec de petites pierres rougeitres, Lefeul ufa- iSt Description du Cap de ge qu'on faiïe au Cap de cette dernière efpece de terre glaifè, eft d'en jetter de tems à autre fur les jardins, les champs, ou les vignes, qu'elle engraiile merveil, leufement. III. Dans plulieurs endroits du Cap on trouve beaucoup de craye , Ibit blanche, foit rouge: c'eft de cette dernière que les Hottentots fe barbouillent le vi-fage dans les jours de Fête. Les Européens fe fervent delà blanche,pour peindre & blanchir les murs de leurs maifons. IV. Autour du Bain de la montagne Noire , on trouve une terre d'un ■rouge brun , que les Peintres diient faire une aulîi belle couleur rouge foncé, qu'aucune matière ou compoiition qu'il y ait en Europe. V. O m trouve divers matières bitumi-neufes, dans les fentes & les creux des rochers. Il y en a de vertes, de blanches, de jaunes, & d'autres couleurs. On en voit entre autres une efpece , qui diftil-lant fur les cotez des rochers en grande quantité , s'y attache fortement & s'y durcit de telle manière, qu'il faut frapper à grands coups pour en arracher quelque choie. Quelques perfonnes prétendent que c'eft une forte de bitume de Judée , ou à'jijphaltt : mais je ne fçaurois me ranger BoNNE-EsPER a>îce. F~. II. Ch. X. i 8f ranger de cet avis, parceque Ia matière bitumineufe du Cap dont il s'agit, ne brûle pas au feu. L'opinion de ceux qui veulent que ce foit une forte de Naphte de Babylone , ne me plaie guéres davantage. J'avoue que le bitume du Cap dont je parle , & le Naphte de B^bylone, dif-tuent l'un ôc l'autre des rochers, & qu'ils font l'un ôc l'autre noirs ; mais encore , le premier n'eft point inflammable, au-lieu que le fécond l'eft extrêmement. Il eft plus probable que c'eft une efpece de poix fèche , ou de rocher , comme il y en a dans quelques liles de l'Archipel ; puisque ce bitume noircit l'eau dans laquelle on en met infufer , ôc qu'il en couvre la furface d'une fubftance huileufe. Son odeur eft d'ailleurs forre , defagréable , ôc approche beaucoup de celle de l'urine qu'c n a gardé long - tems. J'aimerois mieux le mettre au rar.gdcs huiles de pierres naturelles. Il eft vrai que mon jugement n'ell pas d'un grand poids fur cette matière. Quoiqu'il en foit, il eft certain, ôc c'eft une expérience que j'ai faite fur moi-même, que fi l'on diffout cette matière bitumineufe dans de l'eau chaude , ôc qu'on en failè une emplâtre, elle consolide promptement les playes. Les Hottentots ,;qui coimoillènt depuislong-tems cette 184 Description du Cap de cette drogue , prérendent queceft l'urine des hermines ou des marmottes, mêlée avec de la menue poufïiere. Ils la mêlent avec de l'eau , pour en faire une potion qu'ils font prendre à leurs beftiaux. C'eft un excellenr remède pour leur ouvrir les conduits ordinaires, ôc les dcfobftruer. Je ne fçai pourquoi les Européens du Cap n'ufent pas de ce remède 3 lorfque leurs beftiaux font attaquez de la même incommodité. VI. Qu 01Q.U e je n'aye pum'alfurer pleinement qu'il y ait dans les contrées du Cap , de l'Ambre-gris , ôc du Tripoli > je ne fçaurois me perluader qu'il n'y en ait pas, 6k qu'on n'en trouvât ii l'on pre-noit la peine d'y en chercher. Mais l'Ifle Maurice , qui apparrienr aux Hollandois, en fourniftànr rour autant qu'on en a befoin , on n'a pas cru devoir fe donner beaucoup de mouYemens pour en trouver au Cap. VII. Enfin, (car je n'ai defîèin que de rapporter les principales efpeces de terres qu'on trouve dans ces contrées) je remarquerai qu'elles cnproduifcnt quelque peu dont on peut faire d'aufh bonnes rourbes, que celles qu'on brûle en Hollande. VIII. y ai déjà eu ©ccafiçn de dire quel- que Bonne-Espérance. P. 11. Ch. X. i S $ que chofc des pierres qu'on trouve au Cap ; mais j'ai fur cet article diverfes obferva-tions à ajouter, que je placerai ici. Il femble, à voir les pierres qui courent les montagnes de la Table, de la Hollande Hottentotte, de Stellenbofch, de Ürakgnjlein, & d'autres montagnes hautes i que la Nature ait voulu le jouer. Elles y font placées en ligne comme dans U1i bâtiment régulier, & cimentées avec Une matière qui leur tient lieu de mortier. Ces pierres font auilï dures que des cailloux : aulîi s'en ferr-on lorfqu'on veut conftruire un édifice fort & durable. On n'a prefque employé que de celles- là pour bâtir la Forterelie du Cap. IX. Le fond des ruilîeaux & des rivières cft prefque parrour couverr de fable groffier. La mer jette fur les bords beaucoup d'épongés, qui renferment toutes une pierre verte & friable : on l'appelle Pierre d'éponge. X. Il y a autour du Cap diverfes carrières de pierres qui fe levenr par quartiers , donr on pourroit forr bien faire, fi je ne me trompe , de la chaux. Mais les Colonies font fi abondamment fournies ne coquilles de moules qu'on fait calciner pour cet ufage, qu'elles n'onrpas be-foin de chercher d'autres matériaux pour kar iB6 Description du Cap de leur chaux, d'autant plus qu'il faut beaucoup moins de bois pour préparer ces coquilles. On ne fe fert donc de ces pierres, que pour bâtir les fondemens des maifons &z des autres édifices. XL J'ai déjà parlé des carrières donc on pourroit tirer des meules de moulin. On y en a même riré beaucoup autrefois : mais elles coutoient tant de peine , de dépenfe & de travail, qu'aujourd'hui on préfère de les faire venir de Hollande. XII. Pre's du Cap on rrouve, comme je l'ai déjà dit, une fort belle carrière, qui fournir une pierre d'un rouge-brun très-dure. Elle a diverfes taches bleues, & elle eft coupée de plufieurs rayes blanches. Lorfqu'elle eft mife en œuvre, & polie, elle peur le difpurer en beauté au plus beau marbre. Simon van der Stel avoit fait couvrir l'entrée de la maifon qu'il avoit au Cap , de cette pierre , les grands efcaliers en étoient aufli : tout cela étoit li bien poli de tenu li propre, qu'on auroit pu s'y mirer. XIII. On rrouve aufli au Cap beaucoup de pierres de touche , & de pierres à éguilci. La mer , en frappant les rochers , en détache & en emporte des morceaux longs &z minces. Il y en a de gris, & de noirs. Lorfque ies premiers font polis 9 bonne-esperan-ce. P. II. Ch. X. 187 polis , ou en fair d'excellenres pierres à aiguifer ; & les féconds fer ven r à faire des pierres de touche. XIV. Sur les chemins du Cap , on trouve en divers lieux des pierres à fufîL On trouve auiïî parmi le gravier, ÔC dans les endroits marécageux , des pierres un peu rondes ôc creules , que les Naturalises nommentƒatijjc Pierre d'Aigle , en Latin falfus Aëtites. Elles font de la grollèur d'une châtaigne : extérieurement elles paroi fient couvertes d'une efpece de rouille , ôc au-dedans elles ont pour l'ordinaire du fable ou d'aurre matière. Les Européens du Cap en fonr prélent aux Etrangers, comme des curiofitez. XV. Je n'aurois jamais fait, fi je voulois décrire routes les efpeces de dif--férenres pierres qu'on trouve au Cap. Il y en a qui relïèmblent à des coquilles de limaçons ; d'autres à du çryûal : en un mot, elles diffèrent infiniment entr'elles, loir pour la forme , foit pour la figure 3 ou la couleur. CHAPITRE CHAPITRE XI. Des Mines du Cap de Bonne-Efpérance. I. On ne doit vas chercher ici les termes d'Art. II. Pourquoi la Compagnie ne fait pas travailler aux Mines du Cap, III. Secours que l'Auteur a eu fur cette matière. I V. Les Mines fe trouvent pour l'ordinaire dans les lieux férues. V. Les pierres ou il y a des Mines font très-pefantes. VI. Les Mines envoient des exhalaifons fulphureufes. Vil. Les lieux ou il y a des Mines , ne produis fent que des Plantes foibles & mal nourries. VIII. Ils envoyent des exhalaifons nitreufes. IX. Les Plantes fanées & fe~ ches font des fignes de Mines. X. Auffî, bien que les Arbres noueux tortus. XI. Et les Arbres qui croijfent lente-ment. XII. Et qui ont des feuilles pâles. XIII. Les Plantes garnies de piquans aiment les Terres minérales. XIV. SU tuation des Montagnes qui renferment des Mines d'Argent. XV. Le terrein luifunt annonce une A-Line. XVI. AuffU bien que les diverfes couleurs qu'on y découvre. XVII. L'Or & le Cinnabre fe trouvent Bonne-Esperancê. P. IL Ch. XL i 89 trouvent fouvent dans les mêmes lieux, XVIII. //fort des Sources du fommet & des cotez, des montagnes qui renferment des Mines. XIX. On y trouve des Sources chaudes çr acides. XX. Alines de Fer & d'Argent qui ont été découvertes au Cap. XXL Des Mines de Cuivre. XXII. Des Mines d'Acier. XXIII. De celles d'Etain & de Plomb. XXIV. Et enfin de celles d'Or. I. /^V N ne doit pas s'attendre que je V_y traite fort doétoralement ce qui Concerne les Mines. Elles font,il eft: vrai, fort abondantes-dans ma patrie: cependant je ne me fuis jamais fait une étude de les examiner -, ainfi je ne fuis point dutout ftilé aux termes d'art, & j'ignore le langage des Mineurs , des Afnneurs, des Fondeurs, & des autres Ouvriers. J'efpere donc que le Lecteur, fatisfait de ma fîncéiïté Se de mon exaditude, voudra bien me pardonner s'il trouve quelque faute dans les raifonnemens ou dans les expreffions que j'employerai iur ce fujet. IL J'ai deflèin de faire voir qu'on trouve au Cap en grande abondance, différentes efpeces de matériaux. Il eft vrai qu'il n'y a que peu de mines que Ton 190 Description du Cap de l'on ait fouille , & cela pour deux rai fon j» La première , qu'on y manque d'ouvriers pour travailler à un ouvrage fi pénible : La féconde, qui cft la principale , eft la difette de bois , fans quoi on ne peut ni fondre la mine 3 ni en iéparer les matières étrangères. Or le bois eft ii rare au Cap, qu'il iuffit à peine pour le feu des Colonies , & des vailîèaux qui y mouillent. La plus grande partie du bois à bâtir y eifc apportée à grands fraix d'Europe > ou d'Allé. Pour toutes ces raifons les mines ne font pas poulîèes fort loin au Cap, fans cela on n'auroit jamais manqué d'Entrepreneurs qui en auroient tire parti. Ainii il m'eft impolïiblc d'entrer à cet égard dans un aulfi grand détail que jc Paurois fouhaité. III. Tout ce que je puis faire de mieux pour fatisfaire la curioiité du Lecteur, c'eft d'indiquer les marques aufquelles on peut finement reconnoître qu'il y au Cap une grande quantité de veines métalliques. Tâche que je luis d'autant plus en état de remplir, que je me fuis trouvé avoir une* Defcription de la Alontagnc de Fuhtelberg dans le Nordgau en Allemagne , &c que dans cette Defcription on rrouve une Pièce intitulée, Guide pour découvrir les Veines des Miné- rauxt Bonke-Esperance. T. IL Ch. XL r 91 faux (1), J'ai examiné les lignes qui font indiquez dans cet Ouvrage pour la découverte des métaux , je les ai comparez foignculement à ce qui fe voit au Cap ; & par-là je me fuis mis en érat de faire Sentir une ii exacte reflcmblance entre les lignes indiquez par l'Auteur anonyme , Se ce qui s'obferve au Cap, qu'il ne fera plus permis de douter qu'il n'y ait effectivement des mines en grande abondance. IV. Cet Auteur dit, premièrement que les mines le trouvent pour l'ordinaire dans des terres defertes , couvertes de bruyère , Se fur des montagnes couvertes de gros rocher. Signe qui le peut remarquer dans les mines de Fichtelberg, Sedans les mines d'argent qu'on a découvertes dans les montagnes delà Table Se de Dra-kenflein, Se dans quelques autres lieux aux environs du Cap, où l'on a trouvé des mines d'argent très - fin : deforte que lans les diflîcultez dont j'ai parlé ci-def-Sus, elles rapporteroient des profits considérables à la Compagnie. V. L'A uizur dit en fécond lieu, (J) qu'il y a certainement des mines dans v ^un (1) C'eft la page îtfi & fui vantes. (1) Page t6 j,. 15?x Description du Cap d5 un endroit, fi les pierres ou la terre qu'on y trouve font plus pelantes qu'elles ne le font ordinairement ; Ci la terre eft rabo-teufe , voûtée ôc caverneufè , Ôc qu'il eu forte une efpece de matière cryftalline. Ces marques fe voyent communément au Cap. Dans les creux aux environs du Château dtt Prince , j'ai trouvé une grande quantité de pierres ôc de morceaux de terre, dont le poids étoit extraordinaire : ces pierres ôc ces maffes étoient d'une couleur rougeâtre , avec des taches blanches. Près du Bain chaud de la Montagne Noire on voit quantité de ces cavitez , d'où fort par plulieurs endroits une matière criftal-line. Sur le fommet de cette montagne on ne rencontre autre choie que des pierres fort pefantes , qui font blanches. VI. L'A n o n y m e indique un troifiè-rnc ligne pour découvrir les veines minérales : il dit qu'il s'élève des lieux qui en renferment, desexhalaifons fulphureufès. Je n'ai point remarqué qu'il y eût de ces exhalaifons aux environs du Cap , excepté feulement la montagne Noire dont je viens de parler. VIL En quatrième lieu, l'Auteur dit qu'une terre contient des mines, lorsqu'elle ne produit que des herbes courtes ôc des fleurs obfcurcs, ôc lorfque le foleil les \ Bonne-Espérance, P. IL Ch. XL les féche facilement. Il y a plulieurs montagnes au Cap , où l'on peut obier ver la même chofe : lorfque le foleil a féché les herbes ou les fleurs qui y croiûent, le veut de Sud-Eft venant à fourrier, les enlevé ii bien, que bien-rôt ii n'en paroît plus la moindre rrace. Les Signes cinquième Se iïxiéme ,pro» pofez par l'Anonyme , le rencontre bien dans la montagne de Fichtelberg ; mais us n'ont pas lieu au Cap. Ceft pour cette ration que je les palle fous lilence. Je négligerai de même les aurres qui ne font rien a mon but. VIII. Le iepriéme Signe qui eft pro-pofé dans cet Ouvrage, font les exhalai-Ions nitreufes qui s'élèvent des fentes ou des crevalîcs des montagnes. Il y a beaucoup de hauteur autour du Cap, où l'on trouve de ces crevalfes. Il y en a une fort grande fur la montagne de la Table, d'autres dans celles de la Hollande Hottentots te, dans les montagnes de Stellenbofch, de Drakenftein , comme aulîi dans celles des Chevaux Se de la Perle. Il fort de toutes ces fentes beaucoup d'exhalaifons chargées de nitre. IX. J;e paftè au neuvième Signe. L'Anonyme dit que là où les plantes & les atbrilîèaux paroiüent féchez Se moitié Tome IL I brukz 194 Description du Cap biniez du foleil , il eil à prcfumer qu'on y trouvera une terre minérale. Si ce Signe cft allure , la montagne Noire a certainement des mines, puifque les plantes & les arbuftes qilijy croillènt font bien-tôt flétrisj 5c parodient brûlez par la chaleur. X. Le dixième Signe font les arbres noueux , dont les troncs 5c les branches font tortus 5c courbez, de manière qu'ils femblent avoir été attaquez par la gelée. Ce principe une fois admis, on en doit conclure que toute la terre qu'il y a depuis la montagne de la Table jufqu'à celle de pierre, eft remplie de minéraux, puifque ce quartier cft couvert de pareils arbres. XL L/A n o n y m e qui me fert de guide , donne pour onzième Signe, des arbres qui ont le tronc courr, 5c qui ne croillènt que fort lentement ; 5c il ajoute que l'on aura d'autant plus lieu de fe pcr-fuader que ce terrein cft rempli de veines métalliques, ii les feuilles de ces arbres font pâles Se fades , 5c qu'ils leur arrive de lécher fubitement. J'ai obfcrvé ces indices dans la plupart des montagnes du Cap. XIL Le douzième Signe eft une certaine couleur pâle ou bleuâtre, qu'on remarque aux feuilles des arbres au Prhi-tems 5 5c une noirceur nui fe voit au- deflus BôKNE-EsPERANCE. P. IL Ch. XL l deiïus des tiges ; ou même toute couleur qui eft différente de celle que les arbres doivent avoir naturellement. Tout cela le trouve fort communément aux environs du Cap. XlIL Je palîè au quinzième Signe que donne l'Auteur. Il dit que l'on doit chercher des mines dans les montagnes fur Mquellcs croiflènr naturellement une grande quantité d'arbres, de huilions, Se eu général de plantes garnies de piquans. 9l" on trouve un grand nombre de ces fortes de plantes , non feulement fur les hauteurs ; mais encore dans les pleine* du Cap , fur les montagnes de la Table, du Banc des Moules, Se fur bien d'autres. XIV. Le dix-huitième Signe eft tiré de la fituation ou de l'afpeót des montages. L'Auteur dit qu'on trouve pour l'ordinaire des mines d'argent, dans les montagnes qui font placées de manière Suc leur defeente va du Sud au Nord; c'eft-à-dire, qui ont le pied pofé au Nord, le fommet au Sud. Si donc ce Signe a lieu dans les Pays feptentrionaux dont Parle l'Ouvrage que je cite , je conçois Hue pour l'appliquer aux Pays méridionaux , Se par conséquent au Cap, il faut Prendre le rebours, comme dans les ob-'ovations Si les calculs qu'on fait des I z Eclipfes; ïpó Description du Cap Bé EfclipfcS ; ôc dire, lor (qu'il s'agit du Cap, que l'on doit s'attendre à trouver des mines dans les montagnes dont le pied feja pôle contre le Sud , &c le fommet contre le Nord. Or c'elt-là précifément la fituation des montagnes de la Table, de Drtu kenfteinaôc d'autres qui font aux environs du Cap, dans lefquelles on à déjà trouvé des mines d'argent. XV. Je paffe au dix - neuvième Signe. Le terroir qui eft de différentes couleurs, ôc qui paroît couvert d'une efpece de vernis luifant ÔC minéral. On trouve cet in-dice dans le chemin qu'il y a entre les montagnes de la Hollande Hottentotte Ôc le Bain chaud. Ce chemin conduit nu-une montagne appellée le Coin du Bois où le terrein paroic briller, lorfqu'on le regarde à quelque diftance. Dans le chemin même , on voir divers pierres lu il an. tes qui jettent un grand éclat. Les arbres qui couvrent la montagne font dans lc cas de ceux dont il eft parlé dans les Signes dixième ôc onzième. XVI. L'A u t e u r obfèrve enfuite qu'on peut connoître à la couleur de [a terre , des pierres , ôc du fable , l'efpece de mine qui eft cachée. Les montagnes dit-il , dont la terre eft d'un noir un peu foncé, renferment des mines d'or & d'argent. Bonne-Espérance. P< //• Ch. XI. 197 Sent. Dans la terre rouge , jaune, jaune-foncé, on rrouve les mêmes métaux } toute la différence qu'il y a, c'eft qu'alors ns lont mêlez de fer. La terre bleue , ou verre 3 dénote des mines abondantes de cuivre. Les montagnes Situées dans la Grande Namae/ua font de cette couleur: ''ulîi abondent-elles en mines de cuivre ; & c'eft pour cerre raifon qu'on leur a donné le nom de Montagne de Cuivre ( 1 ). Les terres rouges ôc pierreufes renferment Pour l'ordinaire des mines de fer & de cuivre : on trouve ce ligne dans plulieurs lieux du Cap. Une terre pâle abonde en mines de fer ôc de plomb : on voir aulîi ce ligne dans plulieurs endroits du même Pays, ôc furtout à Stellenbofch. Autour du Bain chaud, on trouve une terre couleur de cendre foncé, ligne qui promet des mines de fouphre. J'avoue que les preuves pour les mines , tirées de la couleur de la terre, ne font pas de grands poids en elles-mêmes > mais jointes avec celle que nous avons déjà propofées, ôc que nous avons encore * ajouter, elles forment une démonstration que les Contrées du Cap font très* bien pourvues de minéraux de toutes les efpeces. I 5 XVIL (r) En Hollandois, Koptr-Htrgtn, XVII. Le vingt-troifiéme Signe que l'Anonyme indique, eft , que l'on ne manque jamais de trou ver des mines dor dans les lieux qui fourni(lènr du cinnabre. Or il eft naturel de penfcr que les montagnes qui donnent une couleur rougcâtre aux coarans qui en defcendent, font imprégnées de cinnabre : c'eft aulïi l'effet que produifent les Montagnes de pierrs fur les eaux qui en découlent ; Se par con-féquent il eft à préfumer qu'on trouvcroit des mines d'or dans ces endroits. XVIII. I l y a aux environs du Cap des indices de mines , que l'Anonyme rapporte dans fon vingt-feptiéme Article. Il dit que les montagnes, du fommet & du côté defquelles Sortent des fources , contiennent des veines minérales. On trouve furtout ce ligne dans la montagne de la Table. XIX. L'Auteur donne aulîi pour trente-troisième Signe des veines métalliques, les Sources chaudes &e acides. On trouve cet indice dans la montagneAWf : on y voit un Bain chaud ; il y en a un autre à une couple de lieues de là. Tels font les principaux indices que donne cet ingénieux Se fçavant Auteur > pour connoîtve Si une terre renferme des mines, de qu'il applique à la montagne do EONNE-ESPERANCE. P. II. Ch. XL I Ç$ de Ftcbtdberg. Je nie perfuade que per-ionncne doutera, après l'application que je viens d'en faire au Cap de Bonne-££ perance , que ce lieu ne renferme une giande quantité de mines. XX. Je finirai ce Chapitre, en parlant des mines qui ont été effectivement découvertes au Cap. Il eft certain que l'on trouve dans ce Pays quantité de mines de fer: les Hottentots en avoient même découvett beaucoup avant l'arrivée des Européens. On y a aulîi trouvé plulieurs mines d'ar-genr, donr on ne manqueroir point de tirer parti lans les obftacles donr j'ai parlé. Il eft même rrès-probable, que fans ces difEcultez on fe feroit mis en devoir d'en chercher , ôc je ne doure poinr que l'on n'en eût trouvé plulieurs nouvelles. XXI. Les mines de cuivre n'y font pas rares non-plus. Tous ceux qui ont été fur les hautes montagnes de la Grand* Namaqua 3 alfurent que dans les grandes chaleurs on y voit le cuivre le fondre &C couler dans les vallées. Il eft fort probable que des mines de cuivres lï abondantes ne font pas fans quelques veines d'or : ce qui me le perfuade , c'eft qu'on e'i trouve fouvent dans les mines de cui-v^'e de Hongrie ôc d'ailleurs. I 4 XXII. XXII. Les pierres qui fonr autour des eaux chaudes redèmblentà des morceaux de fer ou d'acier, & la rerre fur laquelle pafïènt ces eaux , eft couverte d'une manière qui reflèmble beaucoup à celle qui s'attache au fond & aux côrez de l'auge dans laquelle le Forgeron trempe fon fer chaud. L'eau elle-même eft couverte d'une matière graffed'im bleu clair, & elle a iegoût d'acier : maïques certaines qu'entre autres mines , on en trouveroit aux environs de fer & d'acier. XXIIL J e n'ai jamais ouï dire qu'on eût rrouve au Cap des mines d'étain ou de plomb : mais je ne doute pas un moment qu'on n'y en trouvât fî on les cher-choit. XXIV. Outre les 'conjectures que j'ai données qu'il y a des veines d'or au Cap, j'ajoute que ces pierres brillantes qu'on trouve, comme je l'ai dit, dans le chemin autour de la montagne du Coin du Bois , regardées au-travers du microf. cope , paroiflènr contenir une grande quantité d'or. C'eft une épreuve que j'ai faite très*fouvent. CHAPITRE Bonne-Espérance. P. IL Ch. XII. ioi CHAPITRE XII. Des Eaux du Cap. Des Eaux iomaches ? des Eaux chaudes & minérales. I. De la couleur des Eaux du Cap. IL De leur goût. III. Des Eaux fomaches, €tr de leurs proprietez.. IV. De la frai-cheur des Eaux du Cap. V. Des Eaux chaudes. VI. L'une des Sources chau~ des du Waveren eft négligée. VIL Premier Chemin qui conduit a Vautre décès Sources, & du danger qu'il y a d'y pajfer fans Guide. VIII. Avanture arrivée a l'Auteur enfaàfant cette route. IX. Second Chemin qui conduit au même Bain. X. Rencontre ftnguliere d'un Troupeau de Chèvres fanvages. XL Manière dont on eft au Bain. XIL Par~ ticularitez. fur la nature du terroir de la Montagne Noire 3 & des environs de ces Sources minérales. XIIL Defcrip~ tion de ces Sources. XIV. De la couleur & du goût de leurs Eaux. XV~ Provi'fions dont il eft nécejfaire de fe pourvoir > lorfqu'on va au Bain.XVL Manière dont il faut prendre les Bains.. XVIL Cures mer veil le xfe s de ce s Bain s.. T $ XVII!» 402 Description dtt Cap de XVIII. Obfervatiom générales far Ul Eaux du Cap. I. T Es Eaux qui fe trouvent fur les JLv montagnes de laTable , du Lion , du Vent, ôc dans les vallées voiiînes , ÔC en général toutes celtes qui ont leur fource au fommet des hautes montagnes du Cap , font prefque toutes très - belles Ôc très - claires ; & comme dans leur cours elles palîènt fur des cailloux , ôc fur des rochers fouvent efearpez , elles deviennent toujours plus pures , plus faines ÔC plus agréables, à melure qu'elles s'éloignent de leur fource. Mais celles qui for-tent des cotes des montagnes , ôc qui ne iè précipitent pas fur les cailloux & les rochers efearpez, lont rougeâtres ou d'un rouge obicur -y ou, pour parler plus exactement, de la couleur de la marcalïite de fer. Telle eft l'eau du périr rui fléau, qui fortant des monragnes de pierre, pafte au-travers des vallées du Buffle ôc du Sable , ôc va fe décharger dans la Faujfg Baye. Il y a aulîi plulieurs petits ruifléaux au-rour du Cap , dont les eaux font noirâtres j couleur qu'elles contractent fur les terres & les marais où elles paiïènt. On trouve un ruifteau qui traverfe le Stellenbofch Bonne-Espérance. P. //. Ch.XII. 102, hnbofch pour le rendre dans la rivière de même nom , qui eft de cette couleur ; aufïi-bien qu'un autre qui vient &MModdergat fe décharger dans la même rivière de Stellenbofch. IL Les eaux du Cap ne différent pas moins pour le goùr que pour la couleur» Quelques-unes iont douces ôc des plus agréables dans tous les lieux où elles pa fient : telles font toutes les rivières tant foit peu confîdérables du pays, ôc fur-tour la rivière de Sel, celle de Stellenbofch , & cclie de la Hollande Hottentotte, dont les eaux font auffi douces, aulîî claires ôc aulîi laines qu'aucuue qu'il y aie dans le monde. Et en général, les four-ces que fournifïcnt les rochers ôc les montagnes confervent leur agréable douceur, fans aucun changement. Il s'en trouve très-peu dans les vallées, qui foient parfaitement douces. D'autres perdent la douceur qu'elles ont à leur fource, deviennent fbmaches dans leur cours, ôc perdent en même tems leur limpidité. On en voit, qui perdant leur fluidité, fe changent en fel. Il y a même quelques -ources qui produiient des eaux fbma-cbes, qui cependant peuvent encore fe »*>ire Ôc font allez faines : mais il ne faut pas les garder long-rems > autrement elles î 6 contractent ic-4 Description du Cap de contractent un goût fi défagréablc , qU'iJ n'effc pas poilible de les avaler. Les montagnes oc la vallée du Tigre , ôc les lieux qui environnent le Château de Rtebeej^ fouinillènt beaucoup de fources de ce genre. Les pluyes de l'Hyver brent à ces eaux leur acreté, ou dumoins la diminuent coniidérablement : mais les chaleurs de l'Eté ramènent ce goût défagréable , jufqu'à ce qu'enfin l'eau devient fa-lée comme de la iaumure. Autour du Cap il y a aulîi divers canaux ôc lits de rivière,qui pendant l'Hy-ver ou la lai Ion pluvieufe , font remplis d'eau douce : mais en Eté ces ruifleaux tarifent , ôc il n'y refte de l'eau que dans-quelques creux où elle croupit. D'abord elle devient ibmache , ôc enfin avant que les chaleurs de l'Eté foient entièrement paflècs , elle fe change en fel. Cela arrive à la rivière du Banc des Moules, à celle de la vallée du Tigre, à celle du Kraal des petits Arbres, ôc à diverfes autres. On comprend par-là , que ceux qui habitent près de ces rivières , ôc qui n'ont pas de bonnes fources, font fouvent fort mal abbreuvez , 6c dans la néceflîté d'aller chercher de l'eau douce fort loin % quelquefois même à deux lieues. Il eft vrai qu'ils font fi bien accoutumez à ces eaux BoNNE-EsPERANCT:. P. IL Ch. XII 10} eaux iomaches, qu'ils les boivent pref-que fans aucune peine : feulement, ceux qui peuvent le procurer fans beaucoup d'embarras de l'eau douce , en mêlent quelque peu avec la fomache. III. Lorsque ces eaux ne font que peu iomaches, elles font excellentes pour purifier le fang; & elles produifenr cet effet j foit par les lelies, foit par la tranf-. piration. Pendant qu'elles agilfenr, elles caulent par rout le covps de violentes demangeailbns, qui ne cellènt que lorfque le iaiig eft rétabli. Il y a apparence que les particules faunes qui fe trouvent en grande quantité dans ces eaux, venant à fe dillbudre dans l'eftomac , font portées par toutes les parties du corps, d'où elles chalîènt les humeurs peccanres, Se les font fortir par les pores & les autres illues du corps. Ceux qui boivent de ces eaux fans y être accoutumez , font purgez , Se fentent des demangeaifons pendant lept ou huit jours. Elles ne le con-lèrvent pas long-tems ; ce qu'on doit attribuer à leurs particules falines Se limo-neufes ,. qui venant à. s'enfoncer , les privent de ce qui les confèrvoit : alors elles deviennent puantes Se vilaines. On trouve en Allemagne diverfes fbur-tes dont l'eau , qui a auffi un goût aigre,, purifie 20ü Description du Cap de purifie le fang de la même manière que les eaux iomaches du Cap. La fource de Grimmer eft de ce nombre. Les Payfans du lieu qui prennent un domeftique étranger , l'obligent pour fa bonne arrivée 3 de boire abondamment de cette eau, pour le purifier le fang : jufqu'à ce qu'il air fatisfait à cet ufage , il n'eft pas regardé comme allez purifié & allez fain pour vivre parmi eux. IV. Pour ce qui regarde la chaleur ou la fraîcheur des eaux du Cap, je remarquerai qu'il y en a qui font extrêmement fraîches. De ce nombre font toutes les eaux , qui coulant avec rapidité des montagnes , parlent par des lieux couverts d'arbres &£ de buiifons, dont l'ombrage empêche les rayons du foleil de les échauffer. Certe fraîcheur eft li grande, que l'eau ne la perd pas même lorfqu'on l'a portée à la mailon : il faut du tems avant qu'elle en ait perdu aftez , pour ne pas faire une vive impreiîîon fur ceux qui en boivent. V. Le Cap fournit aulîi des eaux chaudes : il en fournit même de brûlantes. Telles font les deux fameux Bains chauds , qui lont dans la Colonie de Waveren -, & éloignez du Cap de trente lieues, Comme j'y ai fort fouvent été, &c que Bonne-Espérance. P. II. Ch. XII. 207 que je Jes ai prifes, je luis en état d'en parler amplement. VI. L'une de ces fources d'eau chaude eft fi brûlante d'abord , qu'il n'eft pas poiïïble d'y tenir long-tems la main : mais lorfqu'elle a parcouru une couple de lieues de pays, on s'y peur plonger avec beaucoup de plaiïîr. Cependant cette fource , qui paroît avoir de merveilleufes proprietcz, eft abfolument négligée ; on ne fe fert que de l'autre dont j'ai parlé ci-deflus , & qui fort environ à deux lieues de celle-là , derrière les montagnes de la Hollande Hottentotte. VIL 1 l 17e faut pas s'étonner Ci cette dernière cft préférée : elle a fait les cures les plus merveilleufes, & elle fuifit de refte pour rous les Européens du Cap, qui veulent chercher dans les bains du foulagement à leurs maux. Pour aller au premier de ces Bains > on pafte par le Bottelary , le Drakenftein , ôc la T°rre Noire. Comme l'on trouve tout le long du chemin des habitations d'Européens , il feroit inutile de donner ici des directions pour le trouver. Mais pour arriver au Bain de la montagne Noire, il faut traverfer des lieux inhabitez , dont il eft à propos de dire un mot. On pafte par le Drakenftein ; de-là fur-la mon- loS DescriV/Tton du Cap &g la montagne Pénible , d'où vous entrez dans une campagne ouverte Ôc Sauvage,, qu'il faut traverfer avant que d'arriver à la rivière fans ji n. Dans cette plaine dé-ferte on rencontre rarement des hommes, mais plus fouvent qu'on ne voudroit des éléphans, des cerfs , &c d'autres bêtes 'Sauvages. Vous trouvez aulîi quelques vallées où il y a des fondrières, ou gouffres marécageux, que vous ne fçauriez traverfer iurement fans un bon guide, ou une grande connoifiance du lieu : encore tvès-iouvent, avant que d'y faire pafler votre cheval, il faut bien des précautions & des tentatives. Sans un bon guide, il feroit aufli fort difficile de traverfer la rivière fans fin : ce n'eft pas qu'elle föit extrêmement profonde, car dans la chaleur elle eft très-bafie ; mais à caufe de fes bords, qui dans un grand nombre d'endroits font fort efearpez, & de la hauteur d'un homme. Si l'on vient près de cette rivière dans la faifon pluvieufè, elle eft quelquefois fi haute,qu'il n'y a pas moyen d'en tenter le paffage : alors on déployé les tentes l'on attend patiemment que les eaux foient écoulées ; car il n'y a ni pont, ni bateau, pour la palïèr. Je me fuis trouvé une fois dans le cas, avec divers autres j qui aUoiem auiïi au bain. Nous BoNNE-EsPERANCE. P. IL Ch.^XIL 20p Nous furrfes obligez de refter vingt-quatre heures campez près du Kraal de l'Ail 0) avant que la rivière fût guéable. VIII. Pen dant ce petit féjour, deux Hottentots nous donnèrent une feene tres-amiuante. Ils étoient en di(pute,ÔC ne pouvant s'accorder , ils nous prirent pour Juges. L'un des deux aceufoit l'autre de lui avoir volé une brebis. L'Accufé nioit le fait. Celui-là arfirmoit que le vol étoit certain , tandis que l'autre faifoit mille proreftarions de fon innocence. Nous dîmes au premier, que s'il vouloir que ion accusation fût de quelque poids, il lui falloit des témoins : mais il nous répondit que le vol étoit évident, ôc que par confequent les témoins étoient inutiles ; ôc qu'étant aiiiiré du crime de l'autre, il en vouloit avoir fatisfaction avant que de s'en retourner. Alors s'éloignant un peu de nos tentes, il pofa fon arc ôc ion carquois l'un fur l'autre, ôc ayant planté Ion hallàgaye en terre , il appelîa fon compagnon au combat. Celui-ci accepta le parti, ôc ils étoient prêts d'en ve-nir aux mains, lorfque pour prévenir les fuites de ce duel, nous leur proposâmes un accommodement. On s'attendra peut- êrre, (0 En Hollaudois, Kntftoks-Kra.%1. 1io DsCIUPTION du CAP DE être j que nous eûmes bien de la peine à les y réfoudre : poinr du tout , un peu de tabac en fit l'affaire. Nous fçavions le pouvoir qu'il a fur les Hottentots : il leur fit trouver notre accommodement admirable, ÔC fur le champ ils s'en retourne-renr paisiblement à leur habitation. Dès qu'on a pallé la rivière fans fin ^ on ne rencontre plus rien qui puilîe em-barrallèr, ii ce n'eft peut-être quelque lion , quelque tigre , quelque éléphant, ou quelque autre animal féroce : ce qui arrive afîèz fouvenr. IX. On peut prendre un autre chemin pour aller au bain de la montagne Noire, en traverfant la Hollande Hottentotte ôc les montagnes de ce quartier. Cette route* que fuivent ordinairement les chariots, eft également commode ôc agréable dans la plaine y mais fur les montagnes le chemin y eft pénible ôc dangereux : pas affèy. cependanr, pour être obligé de démonter la voiture , comme on eft fouvenr conrraint de faire lorfqu'on paffe fur les montagnes plus près du Cap. Depuis le:-; montagnes de la Hollande Hottentotte, le chemin vous conduit au Coin du Bois , ( i ) par des vallées unies, très-faciles à palier, (i) En Hollandois, Henthoch. Bonne-Espérance..?. II. Ch. XII. iïi palier. "Vous traveriez trois ou quatre petites rivières près de leurs fources, que les chariors peuvent très-aifément palier dans la failbn des chaleurs. Au-delà de ces rivières vous trouvez le Kraal des petits Arbres ( i ), où le Gouverneur Adrien van der Stel a eu pendant quelque tems une maiion pour y engraillèr du bétail : mal comme la bonne eau y eft fort rare, furtour en Ere , il la transporta près de la rivière fans fin. De-là on vient au Kraal de l'Eau (2), où le même Gouverneur faifoit élever une grande quantité de beftiaux. De-là il n y a plus qu'une lieue jusqu'au Bain , qui eft environ à trente lieues de la Ville du Cap > Sud-Eft. X. Passant un jour par ce dernier chemin avec quelques amis, nous vîmes, étant alfez près du bain, une troupe de chèvres tachetées, où il y en avoit plus de cent. AulTî-tôt qu'elles nous eurent ap-perçus 3 une d'entr'elles poufïà un cri lin-gulier. A ce lignai toute la troupe fe rangea promptement comme en bataille. Deux étoient placées à la tête , comme les Généraux en chef 5 le refte formoit un Bataillon (1) En Hollandois, BooiMJei-Krad. (0 Water-Kraal. mi Description du Cap de taillon fur une Seule ligne. Elles refterent quelque tems clans cette pofture > tenant les yeux arrêtez fur nous. Cependant nous approchions \ mais aucune ne bougea , jufqu'à ce qu'un de la compagnie en eût abattu une d'un coup de fufïl. Pourlors elles s'enfuirent toutes avec tant de vîtefle dans les vallées voiiines , que nous les eûmes bien-tôt perdu de vue. XI. Avant que Ferdinand Appel fût établi au bain de la montagne Noire, il n'y avoit ni là, ni aux environs , aucune habitation , ni maifon , ni hutte ; on ne trouvoir perfonne de qui on pût acheter aucune des chofes dont on peut avoir befoin : lorfqu'on alloit à ce bain , on étoit obligé çPy porter les tentes, toutes les provisions & 1" commoditez que l'on vouloit y avoir. Mais aujourd'hui il y a une bonne maifon , & une elpece d'Infirmerie pour les malades j on y eft fort bien, & l'Hôre dont j'ai parlé y fait un gain considérable. XII. La terre de la montagne Noire, d'où fort l'eau de ce bain, eft noire comme du charbon, & Si molle, même fur la pente qui eft au-delà du bain 3 qu'un, cheval y enfonce & s'y empêtre à n'en pouvoir fortir. Aulîi lailïê-t-on fa monture au bas de la montagne^ pour la mon- Bonne-Espérance. P. IL Ch. XII. 11$ ter à pied. Lorfqu'on vient d'en remuer le terrein, il eft vifqueux & gluant, & a de l'éclat; lorfqu'on le manie, il s'attache aux doigts , qui après cela fem-hlcnt graillez. Lorlqu'il a été expofé quelque tems au foleil, il perd à la vérité la graillé ; mais il conièrve fon éclat & là couleur, fans aucun changement iènlible. Cette montagne doit avoir diverfes cavitez , puifque l'eau, après avoir palfc par le bain , tombe dans un creux de la montagne avec grand bruit : elle s'y perd entièrement, dumoins on n'y a trouvé jufques à préient aucune ilfue. J'ai voulu meiurer un jour la profondeur de ce gouffre. Comme je n'avois point de cordeau, j'attachai deux perches , de trente pieds chacune , l'une au bout de l'autre, &z je m'en fer vis pour fonder le creux. Mais je ne trouvai rien, qui me réfiftât, ni qui put me faire (oupçonner que je n'e-tois pas loin du fond. N'ayant donc pas en main des inftrumens propres pour m'en ailurer , je me retirai fans avoir rien fait. XIII. Il fort de plulieurs creux de la montagne divers fources minérales, dont les eaux ont différens dégrez de chaleur. Piulieurs perfonnes oui eu la curiohté d'y creufer^ creuïçr , depuis l'établiftèment du Bain. La furface de toutes ces fources, ou pl«, rôt de leurs bafïins , eft couverte d'une manière de peau bleuâtre, qui paroît hui-leufe : ou peut aifément avec un bâton , ou même avec le doigt, percer cette croûte ; mais aulîi - tôt elle fè referme. Ces fources qui ne tarilfenr jamais , font bordées par une boue très-fine 3 que les Peintres prcnncnr & qu'ils font lécher pour s'en fervir au-lieu d'ocre jaune. Autour de ces baiïins ou de ces puits, il croît une grande quantité de petits arbres , de huit à dix pieds de hauteur. L'é-corce en eft brune , aufli - bien que la moelle. Les feuilles refîemblent à celles du laulej fes fleurs font d'un verd d'herbe, & pendent par grappes. Je ne dirai rien de fon fruit, parceque je n'en ai jamais vu. Il y a aulîi par - ci par - là fur-cette montagne de petits bui lion s qui pa-roiilènr fecs Se fanez. L'herbe, Se les autres plantes que produit ce lieu, ont aufli l'œil pafîc Se flétri. Tout cela me perfuade qu'il y a des veines de minéraux. En voici d'ailleurs une autre preuve, tirée des environs. Près de la montagne Noire à l'Oueft, il y a une haute montagne qui eft beaucoup plus ftérile , Se ne produit que très-peu de builfons Se dar- biiflèaux BoNNE-EsPERANCE. P. II. Ch. XII. 111 brilîêaux, encore font - ils fort chécifs ôc fort mal nourris. La partie méridionale en eft;, pour ainii dire, couverte de cailloux, qui, lorfque le foleil les éclaire , donnent un éclat femblable à celui de l'argent. XIV. Les eaux minérales paroiSîent noires, pendant qu'elles font dans le bal-iin de leurs fources ; mais cette couleur n'eft qu'apparente , ôc ne vient que de la noirceur du terrein. Loriqu'on la puiie dans un verre, elle eft aulîi claire que du criftal. Elle a un goût d'acier , beaucoup plus fort qu'aucune autre eau minérale dont j'ai bu; cependant elle ne lailîè pas d'être très - agréable au palais. On s'en fert dans la cuiiine, ôc fouvent pour faire le thé, parcequ'elle eft fort excellente pour puririer le lang', ôc entraîner toutes les mauvaifès humeurs, ibit par la lueur, foit par ies urines. Mais on ne fcauroit s'en Servir pour laver: elle donne au linge un œil jaune qu'il n'eft plus poifible de lui oter. XV. Qu o i qu e l'on foit fort bien chez le Sr. Appel; cependant, comme on eft plus fur de ce qu'on a pour ioi-même, que de ce qu'on ne peut fe procurer que par le moyend'un aurre , je croî faire plaisir au Lecteur de lui apprendre la manière 2ió Description du Cap de manière donr il doit fe conduire en ôfànt de ces eaux, cV les provilions dont il faut £& munir en y allant. Quiconque veut avoir dans ce lieu fes petites commoditez , doit fe pourvoit d'une tente & d'un lit. Dès qu'il y fera arrivé,il la fera tendre près du bain, 6c y placera fon lit. La raifon de cette pré, caution eft, qu'en fortant de l'eau il faut fe coucher pour fuer, & que la maifon d'Appel eft aune lieu du bain. Or il eft à craindre qu'avant qu'on y arrive,les pores ne fe referment, ce qui empêcher oit la fueur, 2iS Description du Cap de d'un coup. Au fentiment de chaleur fucccde l'état le plus agréable : vous vous icntez lî foulage, que vous voudriez n'en jamais forcir. Cependant au bout de cinq ou iix minutes , vous fentez votre bas - ventre s'enfler, & fe contrader Ci forr, que vous êtes fur le point de tomber en foiblelfe. Cela vous oblige à en forrir au plus vite. Cette manière d'alth-rae ne fe difïipe point, que vous ne foyïez au lit ; mais alors il celle abfolument, & vous vous trouvez tout baigné de fueur. Dès qu'elle a fini , on le lève bien dif. pos, & on le fent une vivacité &c une activité furprenante. XVII. S i vous continuez pendant une quinzaine de jours à vous baigner une fois par jour, vous purgez votre corps de toutes les matières peccantes : les lelies, les fueur s, & quelquefois les vomiffe-mens vous nettoyent merveilleufement. J'ai connu plulieurs Habitans du Cap , qui étant venus à ces bains, malades ou mcommodez , s'en retournoient parfaitement fains , fans avoir ufé d'aucun remède. Entre un nombre infini de cures merveilleufes produites par ces bains, je n'en indiquerai que trois, qui ferviront à faire juger de leurs vertus. La première eîl celle d'un homme entièrement lourd, qui Bonne-Espérance. P. II. Ch. XII. n9 «lui recouvra parfaitement l'ouïe. La féconde , celle d'un autre homme donr le bras , qui étoit tout-à-fait perclus, reprit Ion premier mouvement par l'ufage de ces bains. Enfin, j'ai connu une femme, SIU1, par le fècours de ces eaux bienfaisantes , a été guérie d'une maladie vénérienne très-enracinée, XVHI. D i s o n s à l'égard des eaux du Cap en général, qu'on n'en trouve dans aucun Pays du monde , qui puilîè leur etre préférée , foit pour la légèreté , foit pour la douceur , ou la falubrité. Il n'y en a point qui les furpafïc. Les Chirurgiens du Cap , qui entendent fort bien leur profcilion, exhortent toujours leurs malades, à en boire, préférablement au Vin ôc à route autre liqueur j ôc ils l'ont toujours trouvée très-falutaire. ' Plulieurs Capitaines de navires Danois m'ont affuré que tous les vaifïêaux de cette Nation qui vont aux Indes, ont ordre de mouiller au Cap , ôc d'y remplir un grand tonneau d'eau pour le Roi : l'eau du Cap étant regardée à la Cour de Dan-nemarc comme la plus légere, la plus pu-*e , la plus agréable ôc la plus faine qu'iî y ait dans le monde. Elle a d'ailleurs une qualité qui la rend* ^ès - eftimable. C'eft ;que dans les plus K 2 longs xio Description du Cap de longs voyages , elle conferve fur les vaif. /eaux fa clarté & fa douceur. L'eau du Cap qu'il y avoit à bord du vaidèau. nu-lequel je fuis revenu en Europe , prouva aucune altération , fi j'en excepte une légere qu'elle eut fous la Ligne j mais bien-tôt elle reprit fa première pureté , &: la conferva pendant tout le refte de notre voyage , qui dura près de fix mois. Les eaux qui prennent leur fource fur la montagne de la Tuble, font les meilleures de toutes CHAPITRE BoNNE-EsPER ANCE. P, II. Ch. XIII. 111 CHAPITRE XIII. De la manière dont fe forme le Sel au Cap de Bonne-EIperance. ï. La Nature feule produit le Sel au Cap. II. Francifci n'a parlé que d'une manière fort vague , de la formation naturelle du Sel dans la Nouvelle Galli-ce. III. Particularités fur les Saifons du Cap. IV. Pendant la Saifon plu-vieu/è, il s'ama(fe une grande quantité d'eau dans les Bafftns naturels qui fe trouvent au fond des vallées. V. Defcription de ces Bafftns. VI. Comment le Sel s'y forme peu-à-peu. VII. Ce que devient ce Sel. VIII. De quelle nature il eft. IX. Le Sel n'eft pas produit au Cap par les Sources filées qu'il peut y avoir. X. Trois caufe s concourent a former le Sel du Cap. XI. Expérience qu'un des Correfpondans de l'Auteur Itti a communiquée fur ce fujet. I. T L n'entre pas peu d'art & de peine,' 1 dans la production du Sel en Europe. Ce n'eft point la même chofe au Cap : la Nature feule le produit & l'amené à fa K 3 perfection, ii2 Description du Cap di perfection > fans la moindre afliftanec des hommes, Se même fi abondamment, fbit près de la mer, foit dans les terres enfoncées dans le pays , qu'il y en àuroit allez pour en fournir à plulieurs nations. Car les Auteurs qui prétendent que dans l'intérieur de l'Afrique il n'y a point de fel, fe trompent très-certainement. ■ ii. l e fel eft produit dans les contrées du Cap , par l'action du foleil fur l'eau de pluye. Mais je ne me contenterai pas de cette obfervation générale : comme aucun Auteur, que je fçache , n'a indiqué Ja manière donr la Nature procède dans cet ouvrage, j'en donnerai ici le détail. Frmcifii, à la vérité , parle du fcl que produit naturellement l'eau de pluye dans la Province 4e Guadalajara , ou Nouvelle Gallice, en Amérique ; mais tout ce qu'il en dit, c'eft qu'il croit que la caufe doit en être attribuée au nitre dont les terres de ce pays-là abondent. Cela eft trop vague : le phénomène eft adez Singulier pour mériter d'être plus déve-lopé , Se c'eft ce que je me propofe de faire ici. 111. Pour mieux comprendre cette matière, il eft à propos de dire un mor A avant tout, des faifons du Cap, Se des différentes conftitutions de Pair dans ces diverfes faifons. Pendant- Bonne-Espérance. P. IL Ch. XIII. 119 Pendant le Printems ôc l'Eté du Cap, que Ton compte depuis le commencement de Septembre jufqu'au mois de Mars, on y eft fujet à des vents de Sud-Eft très-violens, qui font fouvent de terribles ravages. En Automne ôc en Hy ver il y régne des vents de Nord-Oueft tres-forts 3 mais qui n'approchent pas de la fureur des premiers. C'eft-là ma première obfervation. Je remarque en fécond lieu, qu'on ne voit que fort peu de nuages ôc de brouillards pendant que les vents de Sud-Eft Ibufïlent : il pleut rarement , Pair eft clair, fubtil Ôc forr fain. On pourroir alors faire de très-exactes oblervations Aftrp-nomiques, li les vents furieux ne faifoient fortir à chaque moment les inftrumens de leur poiition. Cependant, depuis l'ouverture du Printems , jufqu'au folftice d'Eté qui eft en Décembre, il fait une chaleur Ci grande, qu'on ne lçait fouvent où Ce retirer pour trouver du frais. Il fait néanmoins très-rarement des tonnerres ôc des éclairs, 6V jamais que dans les mois de Septembre ôc de Mars, où l'on voie quelquefois les éclairs le jouer, ôc où l'on entend gronder le tonnerre ; mais jamais aftèz violemment pour cauièr de l'effroi à qui que ce foit. K 4 Ma Ma troiliéme obfervation eft., que du. rantlcs vents de Nord-Oueft, l'ait-du Cap eft pefanr, grofïîer, mal-fain , & ii chargé de brouillards , qu'on eft quelquefois un mois fans voir le foleil : l'air eft froid* ôc humide : le tems en un mot n'eft point du tout agréable , ôc paroîr rude , en comparaifon de celui qu'il fair pendant que régnent les vents de Sud-Eft. Cependant jamais le tems n'eft plus .mauvais au fort de l'I ly ver, que celui que nous éprouvons en Allemagne dans les tems gris d'Automne ; ôc jamais dans le plus grand froid de l'Hyver , l'eau n'y gèle au-delà de l'épaiifeur d'un demi-écu ; encore la glace le fond-elle dès que le foleil paroît. L'Hyver confifte plutôt au Cap,en pluyes3 qu'en froid. Il tombe dans cette faifon une grande quantité d'eau. Juiques aux mois de Juin ôc de Juillet, on a encore fort fouvent de très-beaux jours, mais dans ces deux mois il fait des pluyes continuelles ôc abondantes. Dès que ces deux mois font paftez, on a encore de très-beaux tems juiques au retour de la belle faifon de Septembre. IV. D e tout ce que je viens de dire il eft aifé de conclure, qu'il s'amalle pendant la laifon pluvieufe une grande quantité d'eau dans les vallées, & il s'y en raf- femble BotfNE-EsPERANCE. P. 11. Ch. XIII. IX J femble d'autant plus, que dans ces lieux bas il y a des balîins naturels d'une très-grande étendue. V. Ce s baiîins , qui font circulaires, ont un quart de lieue de circonférence : il y en a même d'une lieue. Leur plus grande profondeur , qui ne pailè guéres trois pieds, eft au milieu , d'où ils vont toujours en diminuant par une pente infcniî-ble juiques aux bords. Les eaux qui fe rendent dans ces bafïïns, des collines de des montagnes voiiines, entraînent avec elles un limon gras ,qui venanr à s'afiaif-fer, couvre le fond du baiïïn comme d'un cimenr, qui empêche beaucoup l'eau de s'imbiber dans la terre. C'eft dans ces creux que fe forme le fel. Le limon dont j'ai parlé a une couleur plombée , allez Semblable à celle de la terre d'où l'on tire le falpêtre. Je l'ai fouvent examiné avec diverfes perfonnes curieufes toujours nous avons trouvé qu'il y avoir parmi ce limon quelque chofe qui rellèmbloit à des cheveux. VI, L'eau , en defeendant dans ces baiîins, eft toujours noirâtre &faîe; mais lorfqu'elle y a refté quelque tems , elle devient aulîi claire que ducriftal.J Alors elle cft fort agréable au palais, ôc conserve te bon goût jufqu'au mois d'Octo-°K ; . bre, bre, tems auquel elle commence à prendre un ceil noir Se un goût falé. A me, fure que l'Eté s'avance & que les chaleurs augmentent , elle devienr plus Talée , &c prend une couleur plus obfcure , deforte qu'au milieu des grandes chaleurs de l'Eté , elle eft rrop ialée pour qu'aucun animal en puilïè boire, Se elle prend une couleur rouge foncé. Les vents de Sud-Eft foufflant alors avec toute leur fureur, agitent cette eau , & la pénétrenr , ce qui fans doute ne contribue pas peu à en chalfer les parties les plus iubtiles, qui pourroient empêcher la formation du fel. Il faut que ces chaleurs ayent duré quelque tems, pour voir fur les bords du baifin unefubftance blanche, qui approche beaucoup de celle du fel. De jour en jour il y paroîr une plus grande quantité de cette matière, qui devienr toujours plus femblable à celle du fel ; juf, qu'eà ce qu'enfin vers le folftice d'Eté , le baiïïn fe trouve rempli d'un beau iel blanc. Si les pluyes ont été longues Se fortes , Se les creux bien remplis d'eau ^ le fel qui s'eft formé au milieu , a environ iîx pouces de hauteur. Mais lorfque les pluyes n'ont été ni de durée, ni abondantes, il y en a beaucoup moins ; quelquefois même il y en. a ii peu , qu'il ne vaudroii Bonne-Espérance. P.//. Ch. XIII. n7 Vaudront pas la peine de le féparer de fà terre, de le nettoyer & de le transporter. Ce n'eft. pas qu'il ne pleuve toujours alliez pour remplir les baiîins ; mais fi les pluyes n'ont pas été générales, les bestiaux viennent li fouvent boire dans ces citernes pendant que Peau en eft fuppor-table, qu'ils en diminuent considérablement la quantité. VII. Des que le lel eftainfï venu à fa perfection , chaque habitant des Colonies le joint avec quelque voiiin , pour envoyer en commun un chariot, qui leur apporte leur provision de fel pour toute l'année. On n'a pas befoin pour cela de demander permiilion ni au Gouverneur , ni à qui que ce foit : le Gouvernement n'en retire aucun droit. Il n'y a que deux feuls baiîins, Situées dans la vallée du Tigre , qui foient réfervez pour la Compagnie &c pour le Gouvernement t qui pour empêcher que les Colonies ne Penlevenr, y entretient une fèntinclle, pendant que le fel y eft. Encore peut-on, pour peu de choie, engager cette fenti-nelle à fermer les yeux, & à permettre qu'on en enlevé une couple de charetées : condefeendance qui eft d'autant moins préjudiciable au Gouvernement, qu'il en recueille rarement plus d'un chariot, & K 6 même même ce n'eft que pour Ton ufage. Le fe! qui fe trouve dans ces creux au retour d«s pluyes, fe fond, & eft bien-rot entraîné par les eaux qui fe débordent. VIII. Le fel du Cap] eft blanc 3 clair & tranfparenc ; Se fes grains ont fïx angles y ou davantage. Le plus fin Se le plus blanc eft celui qui fe tire du milieu du baiïïn , où le fel eft le plus épais. Celui des bords qui a été formé le premier,, Se qui eft le plus mince , eft comme calciné par l'ardeur du foleil. Il eft groiîîer, dur, Se amer. Cependant il vaut mieux que le premier pour faler la viande ou le poilîbn , parcequll ne le fond pas iï-tôt. Ce fei ne lailîè pas de répondre pleinement à l'ufàge qu'on en fait dans les Colonies j quoiqu'il neconferve pas à beaucoup près aulïi-bien la viande Se le poif. ion , que le fel qui le fait en Europe. Les viandes Se le poiiïon falez avec du lèl du Cap , ne fçauroient foutenir un voyage.; le beurre feul peut le foutenir, pourvu qu'il ne fóit pas bien long ; car s'il falloir venir en Europe , ou palier aux Indes 3 i] feroit gâté avant que d'y arriver. IX. Apres ce que je viens de dire de la formation du fel 3 il ne faudra pas beaucoup d'argumens pour réfuter la ptnfce où font quelques perfonnes, que ce iiONNL-EsT»£K ANCE. P. IJ. th. XIII. 1 X f> ce fel eft formé par des fources d'eau fa-lée qui fc trouvent dans ces baiîins, ou qui viennent s'y rendre. Car ii cela étoir, la quantité de fel que formeroient ces fources confiantes, ne varieroit pas autant qu'elle varie. D'ailleurs l'eau feroit toujours ôc en tout tems fomache, au-lieu qu'elle eft conftammenr douce Ôc très^-bonne jufques au commencement de l'Eté -} enforte que ies troupeaux d'alentour n'en boivent point d'autre juf-qu'alors , ôc même quelque rems après. Enfin , fi ces fources falées exiftoient, fans doute les Colonies en auroient du-moins découvert quelqu'une : ce qui n'eft point encore arrivé. Il faur donc chercher une autre caufe de la formation de ce fel. X. La mariere dont il le forme re/ïèm-ble trop à celle dont fe produit le nitre, pour ne pas fuppofer que le fel du Cap vient en bonne partie du nitre que le ter-rein ôc l'air conriennent dans ce pays. Cela s'accorde d'ailleurs avec les obfervation s que j'ai propofées jufques ici. Ces parties nitreufes defeendent peu-à-peu fur la terre, où elles reftent renfermées jufqu'à ce que les pluyes tombant en abondance, lavent le terrein, ôc les entraînent par leur impécuofité avec elles dans les bafïins, Jc Je iuppofe en fécond lieu , pour explf. quer le phénomène dont je parle, qUc le terrein des vallées du Cap cft (aie naturellement j & cette fuppoiition n cft pas fans fondement, puiique l'herbe des vallées a une forte d'amertume ou de fa-lure pendant tout le cours de l'année, Aufïi les Hollandois nomment-ils dans leur langue les pâturages des vallées du Cap, Terres fomaches (i); & jamais les bergers du Cap ne donnent à leurs bei-tiaux de fel à lécher , comme on foit fouvent en Europe : on fuppofe que les her. bes qu'ils mangent en contiennent fuffi-famment. Je tire une nouvelle confirmation des deux caufes que jündique pour expliquer la formation du iel au Cap , de et que pendant l'Hyver les meilleurs pâturages fe trouvent dans les vallées ..au-lieu qu'en Eté on cherche les meilleurs fur les montagnes. On peut donc concevoir que le foleil agi liant alors avec plus de force fur les lieux plus élevez \ fait exhaler une plus grande quantité de parties nitreules &c fallugineufes y qu'il n'en enlevé dans les vallées &c les plaines. De-là vient qu'alors l'herbe des montagnes (i) Brakke Grtni, S'il' >■■"'■:■■: -ij EoNNE-EsFEUANCE. P. 11. Ch. XIII. lift montagnes eft moins fale'e, & par-l$ même meilleure que celle des lieux moins élevez. En troiiiéme lieu, je puis fuppoier avec quelque apparence de raifon, que l'air charge pendant l'Eté d'une grande quantité de ces parties nitrcufês & fàlfugincu-les , les porte & les poulie dans Peau des baiîins, que les vents de Sud-Eft agitent alors violemment. XI. Enfin un de mes amis, à qui j'ai communiqué mes obfervations & mes conjectures, les a confirmées par unetx-périence. » Lorfque les vents louaient, » dit-il, & qu'ils /ont reçus dans un » vaifïèau préparé & difpofé pour cet ef. « fet, ils produifent fur les parois du va-M le une efpece de rofée, dont les goûtes "s'augmenranr peu-à-peu , s'unifient, &C » emplilênt enfin le vailîèau d'une li-» queur cryftalline & tranfparente , que «l'air y apporte. Pour le goût, cette eau *» aérienne ne diffère pas beaucoup de l'eau *» commune ou de fource ; mais elle eft: >3 beaucoup plus limpide. J'ai eu chez "moi pendant plus de douze ans huit b onces de cet eau , bien enfermée dans "une phiole : jufqu'à préfent, elle n'a "rien perdu de fa première clarté, de "fon goût, ni de fon odeur. La feule * différence x3Description du Cap o£ • 'différence qu'on peut remarquer entre «l'état ou elle étoit le premier jour que « je l'ai ferrée, & celui où elle elf aujourd'hui, c'elt qu'au fond de la bouteille ->il s'eil amalfé quelques parties grollic-» res , qui font verdâtres. » Si on remplit de cette même eau un « vale, &C qu'on l'expofe dans un endroit »où la chaleur & l'air puiflènt agit en "même tems & fans empêchement , Se «fur l'eau ëc fur le vaiilèau, elle devient »dans l'efpace de trois ou quatre heures, » falfugineufe & blanchâtre, avec un mé-« lange de verd de mer & de bleu céleltc, « Le iédiment prend la forme d'une ge-.»lée, & tremblotte. » Lorfqu'après cela on couvre légere-» ment le vailfeau, 6c qu'on le met fur un » fourneau, cette eau devient d'abord jau-«ne , enfuite elle prend un ceil rougeâ-» tre, &c après divers changemens en l'une « & en l'autre de ces couleurs, elle de-" vient écarlate : enfin on voit s'y former «divers corps de dirférentes figures. Les « parties nitreufes lont fexangulaires, cannelées 6c oblongues ; les vitrioliqn.es ^ont la figure cubique j ôc les ur inaires ^.prennent une figurefexangulaire ronde "& étoilée. On démêle auifi les parties w de fel ; les unes font jaunes } les autres t» blanches & brillâmes, "Corn- Bonne-Espérance. P. II. Ch.XIII. zy$ » Comme donc , ajoute mon habile » Correspondant, la bafe de cette expé-» rience eft l'eau aérienne, qui par l'action s> libre d'un air chaud, devient falfugi-51 neufê, & enfin eft changée en fel ; je M lailîè à penfer ii l'eau de pluye du Cap » ne peut pas contenir les principes du fel » qui fe forme dans ce Pays, Se produire » la falure qu'on y remarque dans le ter-35 rein des plaines &c des vallées du Cap. Telle eft l'expérience que mon Correspondant a faire 5 ôc qu'il a réitérée , à ce qu'il dit, foixante ôc douze fois, ôc toujours avec le même fuccès ; toujours il a tiré de cette eau aérienne , comme il l'appelle , les trois principes. CHAPITRE CHAPITRE XIV. Quelques Obfervarions fur la Mer qui mouille les ebres du Cap de Bonne-Efpérance. ï. Caufe de l'œil verdâtre qu'a la Mer aux environs du Cap-Verd. II. Première raifon de la couleur verte qu'a la Baye de la Table. VA.Defcription des Rofeaux qui flottent fur la Mer du Cap de Bonne-Efpérance. IV. Seconde caufe de la couleur verte que paraît avoir l'eau de la Mer aux environs de ce Cap, V. Marées extraordinaires arrivées att Cap Pan 1707. VI. Obfervation s fur le tems auquel elles arrivèrent. VII. Réflexions qui peuvent conduire a l'explication d'un phénomène fifingulier. ï. y^V N fçait que la mer des environs V^/ du Cap-Verd paroîr verte 3 quoique dans les autres endroits elle ait une autre couleur. Pour moi je fuis dans la penfée qu'il ne faut en chercher la caufè que dans la grande quantité d'herbe qui en couvre le fond. Je fuis d'ailleurs confirmé dans cette conjecture par la grande abondance Bonne-Esperance. P. U. Ch. XIF. 11$ abondance diierbes qu'on voit flotter fur la mer, aux environs du Cap. II. L'Eau delà baye de la Table au Cap fie Bonne-Efpérance, paroît aulîi verte j mais il faur,iï je ne me rrompe, attribuer cette couleur, non aux herbes qui ycroif-fent, maisÀà la réflexion de l'herbe ôc des plantes qui font fur les montagnes & fur les rochers qui l'environnent. iii. A qu e l qu e diilance du bord 3 on voit flotter des rofeaux & des herbes, qui donnent à la mer un œil verdâtre. Aulîi dès que les vaifleaux qui ont pafïe la Ligne les voyeur , ils connoilîènr qu'ils ne fonr pas éloignez du Cap. Ces roieaux qui ont trois ou quatre verges de long , font larges au bas , & vont en diminuant julqu a l'extrémité fupérieure. Souvent on prend de ces rofeaux pour en former une efpece de trompette. J'ai connu diverfes perfonnes qui en tiraient des fons tout aulîi mélodieux que d'une trompette ordinaire ; je doute même beaucoup que le meilleur Trompette Européen pût tirer de ion infiniment une muiiquefemblable à celle que j-'ar ouï tirer à un Nègre du Cap , d'une trompette faite de ces rofeaux. Pour les préparer à ce deiïein , on leur donne en les pliant la forme de cet infiniment j ainfi ajuftez, on les fait fé- cher x}6 Description du Cap de cher au foleil , Se on en attache proprement les divers tours , pour leur donner plus de fermeté. IV. Il y a une autre caufe de l'œil ver-dâtre qu'à la baye de la Table , Se la mer qui environne le Cap de Bonne-Efpérance : c'eft la grande quantité d'arbriftèaux de corail, qui y eroHIent Se y flottent. Cette plante , avant qu'elle foit tirée de l'eau y a une couleur de verd d'herbe : j'ajouterai ici , qu'elle eft allez rendre,* mais lorfqu'on l'amaffe, ou qu'elle eft jettée fur les bords, elle durcit Se devient blanche, noire , ou rouge foncé. J'en ai fouvent fait l'expérience. Autour des Illes Moluques on voit des rochers de corail blanc, dont les Hollandois fe fervent pour faire de la chaux. La Mer Rouge doit fon nom à fa couleur , qu'elle reçoit des forêts de corail rouge qu'elle nourrit dans fon fein. V. Il arriva le 14. Seprembre de l'an 1707. un phénomène Singulier , dont je fus témoin, Se que j'examinai avec beaucoup d'attention. J'étois ce jour-là à déjeuner chez Mr. Ortman, Bourgeois du Cap , avec divers autres perfonnes , Se entre autres un de nos amis Mr. Rotter, dam , qui étoit revenu depuis peu de Batavia. Quelqu'un de la compagnie étant Bonne-Espérance. P. H. Ch. XIV. 257 forti de la chambre, revint prompte-ment en nous difant qu'il ne fçavoic ce que c'étoir ; mais que la marée , qui étoit dcfcendue il n'y avoit pas plus d'un quarr - d'heure, remontoit tout de nouveau. A ces mots, Mr. Rotterdam ôc moi nous étant rendus fur le bord de la mer , nous Trouvâmes que la chois étoit vraye. Il étoit environ huit heures du matin. Tandis que, furpris d'un pareil phénomène , nous nous en entretenions-, l'eau redefcendit , ôc avec une telle vitelfe, qu'en un moment nous vîmes à découvert les pierres bien avant dans la mer. Nous fîmes porter des chailês fur le ri-vsLge , afin d'examiner plus à notre aile ce flux &c ce reflux extraordinaires. Bientôt nous vîmes les flots revenir à nous , ëc un quart-d'heure après ils descendirent de nouveau. En un mot, depuis huit heures dn matin jufques à dix, la mer monta ôc descendit fept fois. On conçoit aifément quel fur notre ctonnement. Nous cherchions à l'envie les caufes de ce phénomène, mais inutilement. Nous étions grand nombre ; car plulieurs Bourgeois du Cap, frappez comme nous de ce flux ôc reflux , s'étoient aflemblez autour de nous ; cependant il ne fe trouva peribnne dans toute la compagnie , ijS Description du Cap Dr pagnie , qui eût jamais vu ni ouï dire lien de iemblable. Ainli nous nous le-parâmes fans pouvoir former de conjecture propre à expliquer le phénomène. J'ai eu beau chercher , méditer , conful-ter, je n'ai point trouvé de quoi me fatis-faire pleinement à cet égard VI. J'abandonne donc un fait fi fingulier, à ceux de mes Lecteurs qui auront les talens & les connoilfances propres à pénétrer dans de telles profondeurs. C'ett pour les aider dans ces recherches, que je vais propofer quelques obfervations. Le z 3. de Septembre , à 9 heure j 5 minutes &c 19 fécondes après midi, le foleil vient à l'Equateur , feiiant au Cap l'Equinoxe du Printems, de en Europe celui d'Automne. Tout l'avant-midi de ce jour il rit une chaleur ii excelïive , qu'on ne fçavoit où aller pour fe mettre au frais. Tout le jour il fit un calme parfait. Pendant la nuit qui rui vit un jour fi chaud , il plut abondamment : la pluye étoit fi forte, qu'il fembloit que tout alloic être inondé. Le matin du 14. fur les fix heures, il fit des éclaires & des tonnerres. Le vent étoit Nord - Otieil, cV: il «cita ainfi pendant tout le jour} mais il foufHoit fi légèrement , Bonne-Esperance. P. II. Ch. X1F. 13 f gerement, qu'on ne pou voit prefque l'ap. percevoir. Il y eut le 2 c du même mois, à midi 52 minutes Se 5? Secondes, une Eclipfede ibleil • mais elle ne fut pas viiïble au Cap. Le tems qui s'écoula depuis l'entrée du foleil dans l'Equateur, jufqu'à ce que parurent ces flux& reflux extraordinaires, fut environ de 10 heures, 6 minutes Se 41 fécondes. Depuis'l'entrée du fbleil dans l'Equateur , jufques à la nouvelle mne , il s'étoit écoulé 2 jours, 2 heures, 58 minutes Se $0 fécondes. Depuis ces flux Se reflux extraordinaires jufques 4 i'Eclipfe , y a en un jour , 3 heures, r 2 minutes, & 9 fécondes. VIL O n fçair qu'à la pleine lune , Se à chaque changement de lune , les marées font plus grandes qu'en tout autre tems, dans la plupart des ports de mer :on fçait de-plus qu'aux Equinoxes les mêmes marées font plus violentes qu'en aucun autre tems de l'année. Ces flux Se reflux extraordinaires qui arrivèrent à la mer du Cap le 24 Septembre 1707 , étant donc arrivez fî près de l'Equinoxe du Printems du Cap , Se en même tems fi près de la nouvelle lune, je demande ii l'on ne peut pas regarder Se cette nouvelle lune Se l'en- 14° Description t>v Cap de crée du foleil dans l'Equateur, comme lep caufes de ce phénomène (inguUer ? C'eft au Lecteur intelligent à coniîdé-rer il les vents qui peut - être fortirènt alors des creux & des cavernes du fond de la mer , rit ont point occafîonné ces marées extraordinaires. S'il y avoit eu en ce tems-là des vailîèaux dans la baye, peut - être aurois-je pu avancer quelque choie de fàtisfaifant fur ce point : car les Matelors prétendent connoître & lentir lorfque les vailïèaux qu'ils montent font foulevez ou agitez par les vents qui fouf-fient du fond de la mer. Mais il n'y avoit alors aucun vailïèau dans la baye. Ce font - là les chofes que j'ai cru dignes d'être obfervécs [au fujet de la mer du Cap. J'aurois pu très-ailement groiTir ce Chapitre d'ouï - dires , §c de diverfes chofes débitées par les Mariniers ; mais comme pour la plupart ils font fort fuperf-titteux, &'qne la fuperftition n'eft guéres comparable avec la vérité ; j'ai mieux aimé palier ces chofes fous fîlence, que de mêler de pareils rapports avec les faits certains que j'ai obfervez. CHAPITRE BoNNE-EsPERANCE. P. IL Ch. XP". 1$1 CHAPITRE XV. Observations fur les Vents & fur PAir dm Cap de Bonne-Eipérance. I. Il y a au Cap deux Vents principaux, qui régnent chacun fix mois. II. Du bon Moujfon, ou Vent de Sud-Eft. IÏI. Effets de ce Vent. IV. Du mauvais Mou f fon , ou Vent de Nord-Oueft. V. Effets de ce Vent. VI. Air dont on jouit au Cap pendant le bon Moujfon. VII. Air dont on y jouit pendant le mauvais Moujfon. VIII. Mois douteux. IX. Etat de l'Air au Cap dans ces mois douteux. X. Tems du départ des Vaijfeaux de Batavia au Cap. XI. Noms qu'on a dormez, aux Vents qui régnent au Cap. XII. La définition que donne Vareniu>; des Ecnephias ne fçauroit convenir aux Vents du Cap. XIII. Erreurs de ce Géographe à ce fujet. XIV. Defcription du Nuage d'oit fort le vent de Sud-Eft au Cap. XV. Il ne donne jamais de pluye. XVI. La durée & la force du Vent varie yfuivant la couleur & l'épaijfeur du Nuage. XVII. Le Vent ceffe a midi & à minuit. XVIII. Erreurs de Vareniu^ Tome II. L fur 241 Description du Cap d e fur le Nuage. XIX. Explications qUe ce Géographe donne dtt Phénomène. XX On les réfute. XXI. Hypothefe V Auteur. I. r Es vents furieux du Cap font re^ 1 j nommez par toute l'Europe : cependant je ne croi pas que perfbnne en ait publié mie Relation exacte, & en ait parlé avec la jufteilè convenable de leur nature , de leur durée , de leur origine. C'eft ce qui m'oblige à propofer les ob-fcrvations que j'ai faites fur ces trois chefs généraux. Cette matière entre d'ailleurs trop naturellement dans le delfein que j'ai de donner l'Hiftoire naturelle de ce Pays, pour que je palïe fous filence fes vents , qui le rendent fi célèbre chez toures les Nations commerçantes. On peut d'ailleurs compter fur ce que j'en dirai , par-ceque j'ai demeuré longtems au Cap , &: que j'ai pris grand foin d'en examiner les divers phénomènes. Il régne au Cap deux vents principaux, qui fe fuccédent alternativement de fix mois en fix mois, divifent l'année en deux parties ou deux faifons égales. Ces deux vents font celui de Sud-Eft} & celui de Mord-Oueft ; & on appelle les deux parties de l'année , les deux Mouffons. II. Lr BoNNE-EsPERANCE. P. //. Ch. XF. 24? II. L e Mouflon qui forme l'Eté , ou la faifon chaude , commence en Septembre, lorfque le foleil entre dans le Signe de la Balance. On l'appelle le bon Moujfon. Il règne pendant cette iaifon un vent de àud-Ejl. III. Alors les vailîèaux qui font à la rade, font en fureté ; le vent paile pour l'ordinaire plus haut que les vailîèaux. Mais on ne peut pendant qu'il régne entrer dans la baye de la Table , fans s'expofer à un grand danger. Les vaif. féaux donc, qui veulent mouiller au Cap dans la faifon du bon Moujfon, vont pour l'ordinaire dans la baye dcSa'danha, ou à l'Ifle de Doffen. Si, malgré la violence des vents, on le bazarde à entrer dans la baye de hTa-blc, on ne poufîè point jufqu'à l'ancrage ordinaire; on eft obligé de mouiller à Pille de Robben, en attendant que la fureur des 'Vents air celîe. Ces orages ne iont pas moins violens dans le Continent. Si l'on lort de chez loi pendant qu'ils régnent, on eft aveuglé ôc étourdi par les nuages de pou£ Iiere ôc de fable qu'ils jettent au vilage. ïls mettent tout fans-delfus-deiîbus dans ta Colonies. Il m'eft même arrivé plus d'une fois, de fortir de mon lit tout h l épouvanté 244 Description du Cap d f. épouvanté par le bruit de ce vent furieux. Quelquefois même , craignant que mon appartement ne vînt à être renverfé, ce que je ne me trouvallè accablé fous fes ruines , je prenois le parri de m'en aller en plein air, jufqu'à ce que l'orage fût calmé. Pendant ces orages, la vallée de laT*.. bit eft furtout défolée par de furieux tourbillons. Les montagnes qui environnent cette vallée lai liant au Nord-Eft un paf. fage, le vent de Sud-Eft s'y engourfre avec une violence arfreufe. IV. L'autre Mouflon commence en Mars, lorfque le foleil entre dans le Signe du Bélier. On l'appelle mauvais Moufi. fort. Il forme l'Hyver , ou pour mieux dire, la faifon humide, pendant laquelle régne le vent de Nord-Oueft. V. Dans ce tems-là les vailîèaux qui viennent d'Europe font très-promptement conduits dans la baye de la Table : quelquefois même ils y font poullèz avec une li grande force par ces vents qui fourrleiit à plein à la gorge de la baye , qu'ils font en danger de toucher en palfant quel-qu'autre vaillèau. Ceux même qui ont déjà mouillé , font quelquefois arrachez de dellus leurs ancres , & jettez contre les .rochers. Les brouillards, qui couvrent BoNNE-EsPERANCE. P. IL Ch. XV. 24 f Vretit fréquemment le Cap dans cette faifon 3 augmentent encore le danger pour ceux qui veulent y mouiller. Pendant le mauvais Mouflon on le tient beaucoup renfermé chez foi. Lèvent & la pluye , qu'il amène allez fouvent, rendent la promenade fort difgracieuicv VI. Tandis que le vent de Sud-Eft régne au Cap , Pair y cft pur , de ii n'y paroît de nuage qu'un feul, qui cft f»i-pendu fur les montagnes de la Table Se du Diable : phénomène dont je parlerai tout à l'heure. L'air eft très-fèrein dans ce rems-là, 3e fort lain. On s'apperçoir aifemenr au Cap de la néceflité de ce vent pour la fanré des habitans ; puifque fi dans le bon Mouf-fon, qui eft la faifon feche, il cefïè feulement pendant une couple de jours 3 comme il arrive aflt'z fouvent, on fe fent incommodé. La chaleur qu'il fait corrompt l'air, & le rcndmal-fain. Les joncs marins, & autres mauvaifes herbes qui croihent dans la mer, font jettées fur le rivage, où ils fe pourriilènt', Se remplissent tous les environs des plus mauvaifes odeurs. Auffi les Européens du Cap font-ils faifîs alors de maux de rêre de d'aurres incommodirez , qui difparoiflènt dès que les vents de Sud-Eft recommencent à fouftïer. L 3 L'air L+h DlCRirTION DU CAP D£ L'air eft d'ailleurs obfcurci d'effains de mouches , de cou fins Sc d'autres in_ fectes, qui font extrêmement incommodes. La chaleur avec cela eft exceffive. Dès que les vents qui avoient celle recommencent } l'air redevient ferein, toutes les mauvaifes odeurs qui l'infcctoicnt cefïènt j ôc les moucherons font diflipez. VIL Lorsque le vent de Nord-Oueft (buffle , des brouillards Se des nuages obfcurs , remplis de vapeurs qui fe font élevées de l'Océan, paftènt fur le Cap ; ce qui rend l'air mal-fain & fi nébuleux 5 que les mois de Juin 8c de Juillet fe paftènt quelquefois fans que l'on voye le foleil. Comme cette obfcurité eft très-dange-reule pour les vaiiîeaux3 on a foin d'allumer un fanal toutes les nuits près de l'Iflc de Robben, pour guider ceux qui arrivent. Mais l'air eft fouvent fi obfcur Se le vent fi violent , que cette précaution n'empêche pas qu'il n'en périfte beaucoup. VIII. Outre ces deux faifons générales , il y a deux mois de l'année qu'on appelle mois douteux ( i ), parecque dans ces mois l'on ne diftingue pas encore quel des deux vents a pris le deflus. Cela arrive ( i ) En Hollandais, Tvjyjfd'MaA-ndin, Bonne-Espérance. P. IL Ch XK 247 arrive en Mars ôc en Septembre, mois quî font les deux extrêmitez des deux faifons?. IX. L e vent de Sud-Eft , pour l'ordinaire, a prefque celle en Mars, le vent de Nord-Oueft n'eft pas encore bien établi : de même en Septembre, le vent de Nord-Oueft ne le fair que bien peu ien-tir ; cependant celui de Sud-Eft n'eft pas encore dans fa force. Ces vents font alors dans un érar incertain, ÔC pour l'ordinaire ii en réfulte un vent charmant de Sud-Oueft , qui vivifie les contrées du Cap j jufqu'à ce que le tyrannique vent de la iaifon , celui de Sud-Eft en Septembre , & celui de Nord-Oueft en Mars, ait pris le deflus. Mais il arrive aulTi quelquefois, que ce font les deux mois les plus cririques pour les faifons du Cap. Il femble que les deux vents en viennent aux mains : ils dominent alternativement, & pendant ces dif-pures ôc ces incertaines victoires , la face de la terre eft boulverfée, ôc l'air dans une étrange confufion. X. Comme le départ ou l'arrivée des vailîèaux du Cap dépend en grande partie de ces vents ; c'eft ici le lieu d'en dire un mor. Les vaiffeaux de la Compagnie, pour revenir de Batavia ôc de Ceylan en Europe, doivent toujours partir de ces L 4 ^eux 14S Description du Cap di lieux allez à tems pour pouvoir arriver au Cajp de Bonne-Efpérance, y faire des provisions , sJy rafraîchir & remettre à la voile , avant la fin du bon Mouflon. Le vent de Sud-Eft qui régne alors les porte gaillardement en Europe : au - lieu que s'ils n'étoient pas prêts à partir du Cap avant l'arrivée du mauvais Mouflon , le vent de Nord-Oueft qui régne pendant la faifon les empêcheroit de lever l'ancre. Le Cap eft la place du rendez-vous, où les vailfeaux de retour appartenant à la Compagnie s'attendent les uns les autres, afin de partir de conierve pour la Hollande. Il arrive quelquefois qu'il y a de ces vailîèaux qui s'arrêtent au Cap une couple de mois en attendant les autres, Il n'y a pas de rems fixé pour l'arrivée des autres vailîèaux de la Compagnie , frétez pour tout autre endroit que l'Europe. Quelquefois ils arrivent pendant le bon Mouffon , d'autres fois pendant lç mauvais. Lorfque les Matelots approchent du Cap, ils fonr fort attentifs pour le découvrir ; pareeque la Compagnie donne une récompenfe de dix écus à celui qui le découvre le premier. Dès qu'ils ont le Cap à vue, ils font les maîtres duvenr. Ces vailîèaux avant que de le quitter, font, Bonne-Espérance. P. II. Ch. XV. 14.9 font pour la plupart funez de nerf, Se équipez de nouveaux cables: ainfî ils fonr: beaucoup mieux en érac de iburenir l'effort des venrs, que ceux qui font deilinez pour la Hollande. Dès qu'ils font avirail-lez , ils lèvent l'ancre fans différer d'un mitant ; ce qui fe fair au - bour d'une quinzaine de jours. XL Les Matelots Portugais, Se après eux les Hollandois appellenr les vents du Cap 3 Travados. Varenius aimeroir mieux qu'on les appellat Ecnephias. Les Ecnephias , de ce Géographe (1) » iont très-"communs. . . . furrout anCapàeBonne-» Efpérance. Les Matelots les appellent »Travados, nom qu'ils ont reçu des Por-"tutrais. Les Latins les nomment Pro-»cella. Le terme Grec Ecnephias me pa-» roît plus propre à les dé/igner. XII. C e Géographe a fans doute pu donner aux vents de Sud - Eft du Cap le nom à'Ecnephias ; mais il fe trompe en confondant les Travados du Cap avec la définition qu'ü nous donne des Ecnephias. L j Le »s (1) Icnephu crebri lunt in mari ^Ethiopico, ,j inprimis ad Promontorium Bont-Spet.. . Nautx « eos vocant Tntv.tdos vocabolo Lufitanicoj La-» finis procelU dicitur^ fed Grxcum vocabuJum y> eft aptiJfimum. " V.A «.£ n. Geogr, gen. Lib. I, Cap. XXI. i$o Descripti on du Cap de Le vent de Sud-Eft qui régne au Cap y eft bien différent de celui qui eft décrit par cet Auteur. Pour le comprendre s donnons l'abrégé des paroles que nous citons en Note. "XIII. Il y a , dit-il (i) > des vent» » luhits &£ impétueux 3 qui ne durent pas. «long-tems. U Ecnephias eft de ce nom-» bre. Il fort d'un nuage ou de plulieurs ■•>■ petits nuages réunis, noirs & épais. Ces « Travados viennent par bouffées, 6c cef. "fent fouvent trois ou quatre fois dans » un jour. Ils durent rarement plus d'une " heure »(i) Venti quidam fubitanei funt |& impe-3> tuoiî, non diu durantes. Taies func. . . EV»f-n-phias, . , qui dicitur fubiraneus & impetuoius 3, ventus, prorumpens ex aiiqua nube vel nube-i, cula .. Nubecula illa, & inrerdum pltires nube-„ cùîae atra: & fubnigrar manifefto à nantis conÊ », piciuntur coïre paulatim & augeri, & guidera r» cœlo lèreni(îimo,antequam prorumpat ventus... 3, In mari fub. /Equatore incer Américain & Afti-:,3 cam .. fréquentes funt... Lufîtani, ut dixi, vo-„ cant Ti-xvados-, quam yocem Belgx-quoque re-„ tinentinco!-x Qulnes. vocant Agremonte. » frequenter ingruttnt, ter vel quatcr in uno die> }J mox cerîant, ni mi rum fefqui alteram plerum-» que horam dominantur : fed primus impetus eft *> vehememiflimus. Erumpunt ex atris & fotdidis ,3 nubecuhs... Ecnephias plerumque habet comi-3> tes phivias & imbres, Uyc potiiis nimbos. Geogr. »'geti, loc. cit, èonne-Esperance. T. U. Ch. XF. 1$1 «heure & demie , & ils fonr pour J'ordi-M naire accompagnez de pluyes, ou plu-"tôt d'ondées. Je trouve dans ces paroles trois erreurs confîdérables, ou plutôt trois caractères des Ecnephias , qu'on ne peut appliquer aux Travados du Cap. XIV premierement} le nilSgC d'où fort le vent de Sud-Eft au Cap, diffère beaucoup de ceux dont parle Fare-nius. J'ai toujours vu que les extrémités du nuage qui paroîr au Cap, éroient blanchâtres ; mais toujours plus compactes que quelque autre nr.age. Les pairies fupérieures approchent beaucoup de la couleur du plomb: ce que j'artribueaux réfractions des rayons du foleil. XV. E n fécond lieu, jamais on n'a remarqué qu'il foit tombéla moindre goutte de pluye, du nuage du Cap dont je parle. Quelque,ois feulement, quoique très-rarement, on y apperçoit beaucoup d'humidité ; ce qui donne aux parties fupérieures une légere teinture de noir. Dans ces occ lions le vent ne fouflle que par intervalles, & jamais il ne dure forr long-runs. XVI. Enfin, on ne fçauroir appliquer aux vents du Cap, ce que Far émus nous dit de la durée des Ecnephias. Les L 6 vents iji Description du Cap de vents du Cap ne foivfflent par bourrées3ck ne iont de petites durée , que lorfque les parties Supérieures du nuage parodient plus noires que de coutume : ce qui n'arrive , comme je l'ai dit, que très - rarement. Lorfque le nuage cft dans fon état naturel , le vent continue à fouffler avec toute la fureur qu'il avoit en commençant , pendant, un , deux , trois , huit jours , quelquefois même pendant un mois entier, fans que le nuage croifle ni diminue fcniiblement -, quoique l'on voye pendant tout ce tems-là de petites parties qui fe détachent des cotez, & qui tombent fur les montagnes. En defcendant i ces portions de nuage prennent une couleur plombée, que j'attribue aux ombres des montagnes ; & cette couleur s'évanouît dès que le nuage eft parvenu au pied. U faut donc certainement que ce nuage foit entretenu par l'adjonction de quelque nouvelle matière qui remplace ce qu'il en perd. Le vent ne s'abbat point jufqu'à ce que le nuage commence à s'é-claircir : ce qui arrive apparemment lorf. qu'il n'y a plus de matière qui vienne s'y joindre Le nuage alors devient tranf-parenr, & en même tems le vent celfe. Lorfque ce vent paroît chaud en fe levant 3 c'eft une marque certaine qu'il ne durera EoNNE-EsPERÀNCE. P. ƒƒ. Ch. XF. Ifï durera pas long-terris. En ce cas, le nuage paroît lubitement, c'cdilparoit de même. Si même il duroit plus long-rems , il ceiïeroir après le coucher du foleil, ou aumoins infailliblement avant minuit, quand même le nuage refferoir plus tard fur la montagne : ce qui arrive quelquefois , mais alors il elf mince & tranipa-rent. XVII. Lors au-contraire que ce vent Soufflé froid, on doit s'attendre à le voir déchaîné pendant huit jours tout au moins, fans qu'il ceffè, excepté une heure à midi , & une heure à minuit : il paroît quependant ce tems-là il ne le repoieque pour reprendre haleine , puifqu'aufïî-tôt après ce petit intervalle , il recommence tout de plus belle. Si l'on remarque autour du nuage af-femblé qui eft fur les montagnes de la Table & du Fent, d'autres petits nuages fur les autres montagnes, c'eft un ligne que le vent durera pendant un mois entier , fi l'on en excepre, comme ci-deffus, une heure à midi & une heure à minuit. Cefont-là les obfèrvations que j'ai faites fur ce vent, après un examen des plus Scrupuleux & des plus attentifs. XVIII. D e tous les Voyageurs & les Géographes que j'ai lus, qui parleur du nuage 2<"4 Des cri pt i on du Cap de nuage d'où fort le vent de Sud - Eft au Cap ., il n'y en a aucun qui ne foit in-exact. Ecoutons là-delïus Varenius 3 qui a eu foin de rarnaflèr ce qu'il a trouvé dans les autres Auteurs de mieux prouvé. Cependant on s'appercevra aifement qu'il eft tombé dans plulieurs erreurs. Il dit que ce nuage , qui n'eft pas d'abord plus gros qu'un grain d'orge , devient enfuite de la grolïeur d'une noix, ïl ajoute qu'il paroît'& qu'il s'étend bientôt après fur la montagne de la Table , &: qu'inceflamment tous les. vailîèaux prennent le large pour le mettre en fureté. On peut voir le paflage plus au long au-bas de la page (i). Mes jj (l) Inprimis autem Ecnephia (Travados) in-î>fame cft Promontorium Bonx Spci . . Eft pro-m cul ab eo Jittore excelfus mons, non in apieem » dennens, fed planitiem in faftigio Kabens inftar jjmenur , unde Belga? illum vocant, den Taf état Berg. Ab iflo faftigio Ecnephias firequentiffimé 32 prorumpit ingenti cum imperu, & mirabili pro->.-. gnoftico Etenim ca'lo fereniilimo exiftente, 5c i} mari placido , nubeenfa confpicitur fuper illam ai rnonris menfam confiftere, cjuse adeo parva eft, >j ut vix granum hordei, deinde juglandem nucem a» a?quare videatur, unde Belga: vocant, Oculum »> Bovis , Lufîtani, olho de Boy> quoniam huic li. » milis elfe dicitur illa nubecula Deinde mox au-jjgetur, arque exrendit fe fuper totani planiriein •> montis, quod Belga: YOcanr,de tafel isg'd rktt xi quia BoNNE-EsPER ance. P. lh Ch. XV. Iff Mesobfèrvations font bien différentes» Pendant tout le tems que j'ai été au Cap,, jamais on n'a vu le nuage en queïtion aulîi petit que l'Auteur le iuppoic, lorf-tju'il commence à paroître. Dans fa première apparition , je ne l'ai jamais vu qu'il ne fut prefque aulîi gros qu'un bœuf; pour l'ordinaire même , il l'étoit beaucoup davantage. fl ne paroît pas uniquement fur la montagne de la Table : pour l'ordinaire il eft divife en divers parties qu'on voit fulpenducsfufr les montagnes de hTable & du Vent. Ces nuages ainfî léparez , s'augmentent & le réunifient enfuite peu-à-peu : îj quia narranr,quod non aliter hxc apparent ac », fi menfa fternererur , & cibi varii in patinis ap« « ponerentur. Tum verôilhcoEcnephias prorum-« pit è montis illo faftigio, tanto- quidem impe-« ta, ut naves imparatas , & non muniras, pra> « fêrtim fi vefa expanfa fint, obruat, & in tartara » praecipitet. Sed nauta? jam cautiores facii, ubi » oculum ilium bovis viderunt, ftacim recedunt à 33 litrore quantum pofïùnt, & vela dein colligunt, 3'aliifque unturituf ad tuendas naves artmeiis. j> Neque enim unquam fallit hoc prognofticon : » ideo ferale conviviuni fugiuot. Epdera modo 33 ad Terram de Natal Ecnepnias iurir, prarce-33 dente Oculo Bovis, quo multa; naves perierunr, 33 & toto traciu inter iilam terram & Promonto-«rium Bona; Spei. Vakin. Geogr. gen. Lib. L « Cap. XXI. ij:6 Description du Cap de à-peu : alors ils en compofent un qui couvre tout à la fois les iommets de ces deux montagnes. Lorfque ce nuage ainfï ralfemblé a refté pendant quelque tems fans changer en aucune manière de fituation & de forme , il en fort un vent des plus furieux. Quelquefois , mais fort rarement , ce nuage depuis fon enfance juf. qu'à fa maturité , s'il eft permis de parler ainlï, paroît tout d'une pièce , & croît aulîi par degrez. Lorfqu'on voit le nuage fe former, les Capitaines des vailîèaux qui font à l'ancre ne prennent point le large : ils fe contentent de pher au plus vite leurs voiles, & de forririer leurs ancres. Lorfque les vailîèaux font ainlî affûtez , ils ne reçoivent d'autre dommage du venr , que celui d'êrre fecouezek bat-rus par la violence des eaux. Les ancres à qui l'on a donné un petit cable de plus, fuffiient pour mettre dans ces occalions les vailîèaux hors de danger. XIX. V a r e n i u s ne me paroît pas plus heureux dans les caules aufquelles il attribue les vents de Sud-Eft du Cap. *> Il eft évident, dit-il ( i ), que ce vent "fort » (i) Ex nube cum erumpere manifeftum eft-. », Duo autem modi furie, cjuibusà nube talis ven~ ,j tus videtur poffe generari. Primus, û nubes, fua gravitate deorïùm vergens, aaeni ruagno im- x-peru Bonne-Espérance. P. II. Ch. XF. 2/7 «fort de la nuée ; ôc je trouve deux hy-"porhefès pour rendre raifon de cette génération. Suivant la première , je dis n que cela peur venir de la nuée , qui ve-* nant à tomber, prefïè fair inférieur » très - violemment, & le fait fortir avec « beaucoup de force. Nous éprouvons » quelque chofe de fèmblable, lorfquedes « voiles déployées tombent. Ceft aufii la "vraye raifon pourquoi la tempête eft "d'autant plus grande , que le nuage ou " l'Oeil de bœuf paroît plus petit : alors le ""nuage eft plus haur, Scprodui plus de *> mouvemenr par fa chute. La féconde "hypothefè attribue ce vent à fairren-» fermé dans la nuée, qui vient à s'ouvrir " tout-à-coup par des matières de feu ou «de iouffre qui y fonr renfermées : fair » s'échape », peru efidat, lîcut experimnr fi vela paffe deci-» dam, comnioveri indecum impetu aërem. Ac-« que inde fit, utquo minor appartient nubecula » fîve ocuins bo vis, eo major fequatHr tempel tas : »,nirafrum, quia nubcs aitior eft, &ideo parva 33 apparet : demittens aurem fe ab altiori ioco, ye-J3 iiementius eiidic aërem. Alter generationis mo->3 dus eft, fifpiritusin nube incluais repente cruni-33 pat, vel propter aliquem ignem, bve fulphu-33 ream materiam, ex nubibus anguftâ factâ via, 33 & aliis effligiis prolubitis, vapor elidatur; fi-w eut ex vafè anguiii onfïcii aquam continente, » fi calefiat, prorumpu veutus. Scd prima caufa « videtur yeniîmiiior. » s'échape alors par une petite ouverture ; » tout comme l'on voit un vafe, rempli «d'eau&: mis fur le feu, pouiïèr un vent » très - violeur. Cependant la première » de ces hyporhefes me paroît plus vrai-^ ^fembjable. XX. Pour moi, je ne fçaurois les apw prouver ni Pun ni l'autre. Il mcfcmble que la première eft renverfée par ce que j'ai dit de la première apparition du nuage, qui, fuivant toutes mes obfèrvationsj ne defeend ni ne tombe. La couleur du nuage ,& fe froideur qu'a pour l'ordinaire le vent qui en fort , détruit évidemment la fuppofition de ces particules ignées ou fulphureufcs. Mais de-peur qu'on ne fe plaigne que je ne fais que détruire , fans fonger à édifier, je vais propofer mes idées fur l'origine de ce vent. Je me flarte qu'elles approcheront davantage du vrailemblable. Ce n'eft qu'une hypothefe ; mais elle me paroît ,s'accorder mieux avec les diveries circonf-tances du phénomène. XXI. L e nuage qu'on voit fur les montagnes de la Table de du Diable ou du Vent, elt compofé , li je ne me trompe % d'une infinité de petites particules pouf, fées premièrement contre les montagnes du Cap qui font à l'Elt, par les vents d'Eu BONNE-EsPER ance. P. H. Ch. XV. Z f } d'Eft qui régnent pendant prefque route l'année dans la Zone torride. Ces particules ainfi poullees font arrêtées dans leur cours par ces hautes montagnes, & le ra-mallent fur leur côté oriental. Alors elles deviennent viiibles, & y forment de petits monceaux ou afîcmblages de nuages, qui étantincellamment poufïez par le vent d'Eft, s'élèvent au fommet de ces montagnes. Ils n'y refirent pas longtems tranquilles «Se arrêtez : contraints d'avancer , ils s'engouffrent entre les collines qui font devant eux 3 où ils font ferrez ôc preUez comme dans une manière de canal. Le vent les prelîè au-defïus , ôc les cotez op-pofez de deux montagnes les retiennent à droite ôc à gauche. Lorlqu'en avançant toujours ils parviennent au pied de quelque montagne où la Compagnie eft un peu plus ouverte, ils s'étendent, fè déployent 6k deviennent de nouveau invisibles. Mais bien-tôt ils font châtiez fur les moritagnes par les nouveaux nuages qui font couriez derrière eux,.& parviennent ainfi avec beaucoup d'impétuo/ité fur les montagnes les plus hautes du Cap, qui fonr celles 'du Vent & de la Table , où régne alors un vent tout contraire. La il fe fait un conflict affreux: ils fonr poui-fez par derrière, ôc repoullèz par devant; ce ce qui produit des tourbillons horribles foir furies hautes montagnes dont je parle , foit dans la vallée de la Table , où ces nuages voudraient fe précipiter. Lorfque le vent de Nord - Oueft a cédé le champ de bataille , celui de Sud-Eft augmente, ôc continue de fouiller avec pius eu moins de violence pendant fon fé„ meftre. Il fe renforce pendant que le nua-, ge de l'Oeil de Bœuf eft épais ; parcequs/ les particules qui viennent s'y amaflèr par derrière , s'efforcent d'avancer. Il diminue lorfqu'il eft moins épais ; parcequ'a-lors moins de parricules pouilènr par derrière. Il baille entièrement lorfque la nuage ne paroit plus ; parcequ'il n'y vient plus de l'Eft de nouvelles particules , ou qu'il n'en arrive pas allez. Le nuage enfin ne fediffipepoint, ou plutôt, paroît toujours à-peu-près de même grofïêur ; parceque de nouvelles matières remplacent pat derrière celles qui le diilïpent par devant. Toutes les circonftances du phénomène conduiient à une hypotheiequi en explique fi bien toutes les parties. Premièrement , derrière la montagne de la Table on remarque une efpece de fenrier ou une traînée de legers brouillards blancs , qui commençant fur la defeente orientale de cette Bonne-Espérance. P. IL Ch. XF. i Ci cette montagne, aboutit à la mer, ôc couvre dans Ion étendue les montagnes de f terre. Je me fins rrès-iouvcnt occupé à contempler cette traînée, qui fuivant moi éroir caufée par le palîage rapide des particules donr je parle, depuis les montagnes de pierre à celle de la Table. Ces particules, que je fuppofe , doivent être extrêmement embarrailées dans leur marche par les fréquens chocs ôc conrrechocs cauiez non feulement par les montagnes , mais encore par les venrs de Sud ôc d'Eft qui régnenr aux lieux circon-voiiîns du Cap. C'eft ici ma féconde ob-iervation. J'ai déjà parlé des deux montagnes qui font limées fur les pointes de la Baye Falzo, oufattjfe Baye -, Y une s'appelle la Lèvre pendante , ôc l'autre Norvège. Lorfque les particules que je conçois font pouftees fur ces montagnes par les vents d'Eft , elles en iont repouflees fur ces montagnes par les vents de Sud : ce qui les porte fur les montagnes voilines. Elles y iont arrêtées pendant quelque tems, ÔC y paroiflènt en nuages, comme elles fiiioient fur les montagnes de la Baye Falzo, & même un peu davantage. Ces nuages font fouvenr fort épais fur la Hollande Hottentotte , fur les montagnes àeStellenbofch, de Drakenftein ôc de pierre : re : mais furtout fur la montagne de U Sable , ôc celle du Viable. Enfin, ce qui confirme mon opinion y c'eft que conftamment deux ou trois jours avant que les vents de Sud-Eft fouftlent, on apperçoit fur la Tete dtt Lion de petits nuages noirs qui la couvrent. Ces nuages font , fuivant moi , compolcz des particules dont j'ab parlé. Si le vent de Nord-Oueft régne encore Iorfqu'clles arrivent, elles font arrêtées dans leur cour-fe ; mais elles ne font jamais chaftèes fort loin , jufqu'à ce que le vent de Sud - Eft commence. Je n'ajouterai plus rien fur ce fujet : .je prie feulement le Lecteur curieux de comparer ce que je viens de dire , avec les Relations publiées par Mrs. Halley y Schettchz.tr , Varenim , ÔC autres, qui attribuent les Moulfons du Cap uniquement aux montagnes ôc à la fituation du Pays. FIN DE LA IL PARTIE.