/ f DESCRIPTION historique et critique DE L'ITALIE, O U nouveaux mémoires Sur l'Etat actuel de fon Gouvernemenr, des Sciences , des Arts, du Commerce , de la Population & de l'Hiftoire Naturelle. Par M. l'Abbé Richard. Hac olim meminiffc juvabit, Pcrvarios cafus, per tôt difcrimina rerum. j£neid. i. A D I J O Chez François DesVente^ Monfeigneur Le Prince de C< Et fe trouve à Pjris Chez Michel Lambert, Imprimeur, rue defl Cordelicrs , au Collège de Bourgogne. M. D C C. LXVI. DESCRIPTION historique et critique de l'italie. On trouvera che\ les mêmes Libraires les Livres fuivans, qu'ils viennent de finir & mettre en vente. Les Antifpafrnodiciucs, / vol. in-S°. g. p. 3 liv. La Logique ou l'Art de pcnfer, par M. l'Abbé Jurin , 1 vol. in-S9, p. p. 2 liv. S fols. Les Tablettes des Rois de France, par M. Dreux du Radier, nouvelle Edition in-12.3 vol. 7 liv. 10 f. Le neuvième vol. in-j.". figures, de la Collection Académique , que Meffieurs les Soufcripteurs font priés de faire retirer inceffamment, à Paris chef Lamber t , chargé du Regiflre de leurs Numéro, & à Dijon che^ Descentes. Ci volume d'environ 800 pages , avec 11 planches gravées en taille douce , ejl du prix ordinaire de 13 liv. 10 fols broché pour ceux qui n'ont pas foufcrit. Les fix volumes de la Defcn'ption de l'Italie avec les Cartes Géographiques,fe vendent 18 liv. reliés, &> ij liv. broches. Les Mille & une Soirées, Contes Mogols, nouvelle Edition in-11. 3 val. 7 liv, 10 f $ ++ ¥■ ■* 4 *•-*•-«•:*- *• * 4 -«- -f AVERTISSEMENT. De puis que l'on parcourt l'Ica-lie & que l'on fait des relations de ce que l'on y a vii , il efl: étonnant qu'on n'en ait pas encore une defeription a(Tez méthodique Se allez étendue pour être d'une utilité réelle aux voyageurs , & en donner une jufbc idée à ceux qui ne peuvent pas voyager. Ce qui regarde les Gouverncmens des divers Etats de cette partie de l'Europe; le Commerce, l'Hiftoire Naturelle & la Population , font des objets qui ne paroiiïcnt être entrés pour rien dans le cercle des connoilTances de ceux qui ont écrit le plus nouvellement fur l'Italie. Ils s'en font tenus à des généralités très-connues , auxquelles ils ont prérendu donner un air de nouveauté , en les entremêlant de plaisanteries faririques, ou d'anecdotes obfcures , telles qu'on les débite Tome I. avertissement. dans les cariés & les places publî* eues : Ces écrivains n ont pas voulu fans doute prendre Ja peine de fe mieux inftxuire. C'cft avec les hommes que l'on apprend à les connoîrrc, il finit les voir par foi même dans tous Jes états, les entendre, les examiner fans prévention ; porter Tes obfcrva-tions depuis le feeptre jufqu a fa houlette ; palier du cabinet du Miniirrc d'Etat, dans Iccomptoir du Négociant , & même dans la boutique de PArtifan;parlcr au cultivateur 6v au berger ; ailurer Tes connoifïnnccs, fur leurs réponfes comparées avec l'état deschofes & le fpcélaclede la nature. C'en: ainfi que l'on parvient à connoître un pays, & à donner des mémoires fîaélcs fur ce que l'on y a vu. II eft vrai qu'il faur pour cela fe tro u ver d a n s d es ci r co n f ta n ces h eu -reufes, avoir des facilités , je dirois volontiers des yeux, que n'ont pas eu la plupart de ceux qui ont écrit fur Je aijet que j'ai traité. avertissement. Cet ouvrage manquoit donc cC-fentiellement à notre langue, qui eft devenue la langue commune de toute rEurope, celle qu'ont adoptée de prérércnce les voyageurs d-e toutes les nations ; c'eft undes motifs qui m'a le plus fortement engagé à mettre en ordre ces Mémoires, & à les donner au Public. Je ne garde point Xlncognub , \c ne me cache pas fous un nom étranger : étant («r de ne m'être jamais écarté de la vérité, ayant des garants refpectables à citer , je ne crains pas d'être démenti fur aucun fait ; on médira peut-être que fou-vent mes vues n'ont pas été allez étendues : mais , eft-ce ma faute ? On trouvera dans cet ouvrage , non-feulement ce qui a rapport à i'é-tat actuel du gouvernement en Italie , aux mœurs 6c aux ufages de chaque peuple en particulier ; objet qui avoir été extrêmement négligé, & que Ton ne connoiffbit po nt mais encore tout ce qui peut intérêt "avertissement ferla curiohté, foit par rapportaux beaux-arts, foit par rapport aux fta-tues, tableaux, édifices, & autres Monumens Antiques, découverts jufqu'à ce jour ; avec ce qui regarde J'hiitoire naturelle, les productions propres à chaque pays , la manière de Jes cultiver, èc le commerce qui en réfulte. Le difeours Préliminai-requifuit, & qu'il eft important de Jire, eft deftiné à donner une idée générale de ces différents objets, 3c de l'ordre que j'ai conftamment obfervé. Cet ouvrage eft diftribué en fîx volumes, de 500 pages chacun au moins ; en petit caractère, avec des notes hiftoriques& critiques: le Public devra à l'attention du libraire d'y avoir ajouté des Cartes Géographiques rectifiées fur les obfcrva-tions les plus exactes 3c les plus nouvelles ; relatives à ces mémoires , 3c vraiment utiles aux voyageurs. TABLE Du difcours préliminaire, /. Utilité & inconvénient des voyages. Moyens de Us rendre utiles. j II. Exemple fingulier des motifs qui doivent déterminer à voyager. iv III. Beauté de l'Italie , tout y annonce quelle ejl très-anciennement peuplée.viij IV. Motifs qui ont déterminé à écrire as mémoires ; défaut des relations d'Italie. x V Facilités que l'on a eues pour être exactement infruit. xvj VI. Plan de ce difcours. xvij VII. Divijion générale de l'Italie, xviij VIII. Idée dis Aptnnins & des principales rivières qui en fortent. xx IX. Divijion de l'ancienne Italie. Etat des peuples qui l'habitoient &leur pofition* Nom aclud des provinces ou ils ctoient établis. xxv X. Idée générale des mœurs. xxxv XL Morale par rapport à la religion ; extérieur de dévotion. xxxv} xii. Principes de conduite civile, xlii/ Tablp. du Discours XIII. l/figes particuliers. xlvj XIV. Idée de l'état politique de Cita-lie. Piémont. Gènes. Milanois. République de Venije. Ville de Venije. Bologne, Parme, Modène, Tofcane, Naples, Etat ecclèjlajlique. xbx XV. Réflexions relatives à Varticle pré-cèdent. Ixij : XVI. Beaux arts, peinture ,/culpture, ■mu/îque. Ixv ■ XVII. Réflexions fur la peinture. Ixix XVIII. Utilité de l'étude des tableaux. Ixxij XIX. Manière de connaître & a"étudier les tableaux. Ixxv XX. Tableaux de payfage. Ixx.v XXI. Réflexions fur la peinture antique. Ixxxij XXII. Etude de l'antique. Ixxxiv XXIII. Architecture. Ixxxvij XXIV. Gravure, Eflampes , &c. xcvij XXV. Etat des fciences & des belles-lettres, cj XXVI. Académies. cij XXVII. Goût général pour ta mu/îque & le théâtre. cv XXVIII. Réflexions générales fur le peuple d'Italie. cviij XXIX. Néceffitê d'apprendre la langue Italienne. Moyens de rêufjîr dans cette étude, ex XXX. Connoijfance & ufage des mon* noies d'Italie. cxv XXXI. Chemins 3 voitures S' douanes. cxvij Fin de la Table. table des titres. Se Pièces contenus dans le Ier Tome. T~JTxcours préliminaire. j Chronologie des Empereurs d'Orient & Chronologie d'Occident, page cxxv I. Route de Lyon en Savoie. r i. Entrée en Savoie. 5 Chemins dans les montagnes. 4 4. Cafcade naturelle. <> 5 » Chambéry. tbid. 6. Montmélian & citadelle. 9 7. Aiguebelle , lavanche ou torrent. 10 8. La Chambre. S. Jean de Maurienne, Modafne , Lafnebourg , qualité du terroir, induflrie des habitans , conduite des eaux. 9. Pajfage du Mont-Cénis , lac & caf-cades. 19 10. Defcente du Mont-Cénis, entrée en Piémont. 15 II. Fort de la Brunet/e , ville de Suce. 16" ïl. Route de Sufe à Turin , S. Michel de la Clufe , Veillant 9 Rivoli, Bourg & mai/on royale. 2.9 13. Turin , portest citadelle, arfenal. 3 3 3 4. Divifion de la ville. 3 6 15. Eglife cathédrale > chapelle du S. Suaire. 37- Table des Titres. 16. Autres églijes principales, pag. 40 17. Palais du Roi. 46 18. Palais du duc de Savoie. 48 19. Grand théâtre. 49 20. Univtrfitè. 52, 21. Palais de Carignan & théâtre. 5 6 22. Promenades & jardins du Valcn-tin. 5 9 23. La Vénerie, mai fon royale. 60 24. Stupinigi, maijon royale. 6\ 25. £e P * t a » i r A, ..des voyais. cm/j retenu : s il eut voyage , il eut lçu par Moy>:ns £ les expérience que quiconque fçait voir, re- rwrdre utiles, tient nécelfairement , 8c s'inftruir de la manière la plus iure &c la plus prompte. Les voyages qui ont fervi à former les Flus grands hommes des beaux fiécles de antiquité , les Py/hagore , les Démocrite & les Platons, font encore très-capables d épurer le godt, d'étendre les idées , de dilîiper les préjugés , ôc même de former les mœurs , par les comparaifons que l'on fait nécelïaitenaient fur les différens ufages , ôc fur les moyens d'arriver en tout pays , &£ dans route efpéce de gouvernement , au bonheur permis en cette vie. Il eft vrai que pour tirer une utilité réelle de fes voyages , il ne fuffit pas de fe contenter de changer déplace , Se d'être ij Discours de ces voyageurs dont parle le Goldonl dans une de les comédies, Se qu'il compare à une malle que l'on ne faïc que paf-fer d'une voiture à une autre, 6c tranf-porter de ville en ville, fans aune utilité pour elle que de la rapporter enfin, au point dont elle eft partie ; chargée de la poulîiere des grands chemins, brifée en partie, &e hors d'état de fervir davantage aux ufages auxquels elle éroit deftmee. C'eft ce qui a fait que des auteurs célèbres qui onr parlé des voyages, Se qui fans doure n etoient jamais fortis de leur patrie, les ont regardés comme inutiles, & même •** dangereux. La liberté fans bornes , & la difîiparion continuelle qu'ils ont crû être nécessairement de l'eifence des voyages, leur ont paru des inconvénient terribles , dont la corruption des mœurs étoit inhul-liblement la fuite. Mais on abufe de tout$ de ceux que les voyages corrompent , n'auroient pas été meilleurs dans le fein de leur patrie que chez l'étranger. Que l'on me donne un voyageur déjà inftruit par rhéoriede lerat des pays qu'il fe propofe de parcourir ; parrain de chez lui, animé du. feul délit d'étendre & deperfeého: ner des connoif-fances commencées ; portant dans fon feirt le germe du goût pour les b'eâtfx arts, qui fe développera heureufement à me-fure que les chef-d'œuvres de tous les Préliminaire. iij genres fe prcfenteront à fes yeux. Si ces grands objets l'occupent férieufement, on les verra certainement prendre l'empire fur les pallions animales qu'ils fubju-gueront entièrement , ou que du moins ils réduiront au filence. On verra le jeune voyageur, tantôt occupé des beautés qu'offrent la peinture , lafculpture & l'architecture , le former des régies juftes de décider par la comparai fon des monu-mens : tantôt il admirera avec une douce fatisfaéhon les merveilles de la narure , mêlées avec celles de l'art ; & une agréable variété foutiendra fon attention fans la fatiguer. Ici ce feront des volcans Se des minières ; là des fources d'eaux chaudes Se minérales. Où ne trouvera-r-il pas des plantes curieufes , des arbres utiles , des points de vue intérelïàns ? Les rivages de la mer , les lacs Se les montagnes lut fourniront mille objets de curiofité. Il s'inferuira plus certainement de la théorie de la terre par fes obfervations fuivies , que par la lecture des diftérens fyftcmes, formés pour la plupart dans le filence du cabinet, Se fort loin des objets fur lef-quels le philofophe raifonne à fa fan-tailie, fuivant ce qu'il croit être le plus probable , plutôt que conformément aux: régies de la vérité. S'il voit avec cton-nement les changemens arrivés dans les montagnes 3 dans ces corps énormes, Ci aij iv Discours folides en apparence , par la violence des rremblemens «.le terre qui les ont culbutées ; ces phénomènes erîrayans, ii terribles pour ceux qui font expofés à leur action immédiate , deviendront pour lui une fource inépuifable d'inftru&ions , plus lumineufes mille fois que la lecture des volumes immenfes qui ont été écrits fur toutes les matières. Si lhiftoire naturelle , Se les beaux-arts ne fuffifent pas pour contenter la cu-riofité d'un voyageur avide de s'inftruire ; s'il veut connoitre les mœurs, Se la politique des differens états ; le génie des peuples , Se leur induitrie ; le commerce Se la population ; les productions principales de chaque climat, Se la manière de les cultiver ; s'il veut fe mettre au fait des vraies richefles de chaque pays , de celles qu'il porte dans fon lein, Se qui ne fe refuferont jamais au travail d'un habitant indultrieux ; quelle foule d'objets vient fe préfenter ? En prendra-t-on une jufte idée fi on n'a pas l'efprit libre de ces pallions tyranniques qui l'abforbent, l'af-foiblilTent, Se lui font trop fouvent mé-prifer ces objets li utiles en eux-mêmes , & dont la connoilTance eft peut-être le plus réel de tous les biens , Se certaine-nple ment la fource des plaifirs les plus purs, gulier des A remonter à l'origine des choies, à «la;Kd"rc~ dant le cours de mon voyage, & à en lations ci Ira- r ,, •/*•»'! lie. rormer un corps cl ouvrage qui rut égale- ment utile &:Xceux qui, dans la tranquillité du cabinet, n'imaginent pas qu'il y ait de moyen plus ilir de s'inftruire que la lecture ; Se à ceux qui pouvant voyager , veulent d'avance prendre une idée de ce qui doir faire l'objet de leur curiofité. Mon deifein a été de faire un ouvrage nouveau dans ce genre , qui manque el-fénriellement, fur-tout dans notre langue, qui eft devenue la langue commune de prefque toute l'Europe ; celle qu'apprennent Se parlent de préférence les voyageurs de toutes les nations. J'ai raflemblé autant que je l'ai pu , toutes les relations d'Iralie qui ont été faites jufqua préfent ; âcaprès les avoir bien examinées , je les ai trouvées fuperhxielles , imparfaites , ccrires par des auteurs qui femblent ou n'avoir pas vu, ou n'avoir examiné qu'à la hâte les objets dont ils parlent; ou n'avoir écrit que longtems après les avoir perdu de vue , lorfqu'ils n'en avoient phu que des idées confufes ; ainh il ne faut pas s'étonner , & des inexactitudes que l'on y trouve , & du peu de fecours que l'on en tire lorfque l'on veut les prendre pour guides. On ne connoit bien ces défauts que lorfqu'on compare ces livres avec les objets mêmes ciont ils parlent. Je n'en excepte pas Miffbn j dont l'ouvrage fe foutient depuis plus de foixante-di>; ans, & eft regardé comme la relation de T Italie la plus curieufe & la plus exacte que l'on ait faite. Outre qu'il paroît qu'il n'a vu, qu'en paffant, la plupart des grandes villes d'Italie, ô: trop fuperficielle-ment pour en avoir pris une idée jufte ; comment a - t'il pu croire que cinq jours fufrifent pour voir Naplcs& fes environs j que l'on ne devoit refter que trois jours a Florence , encore moins à Bologne ? Milan, Gênes , Parme, & quantité d'autres villes principales ont à peine fixé fes regards ; &c on ne trouve rien que de très-abrégé & fort trivial fur ce qui regarde ces villes.; ouais en revanche ce voyageur s'étend beaucoup fur ccrrains points de critique qui tendent tous à donner quelques ridicules à la religion catholique, Se presque toujours aux dépens de la vérité ; en quoi il a très-bien ïéadS au gré des ignoràits, que fes plaifan reries font en poffeftion danmfei ; la plupart des lecteurs de ce genre ne • fup'pol mt iamais qu'un aiueur foit capable de débiter gra- xij Discours vemer.c des menfonges, 8c prenant toir-jours pour vrai ce qu'ils trouvent dans ua livre imprimé. Ce défaut elîentiel n'eft cependant pas lefeul de ia relation; il n'a rien dit du gouvernement, delà population, du commerce 8c des productions des diftérens états de l'Italie. J'ajoute encore qu'il avoir peu de connoiiïince des beaux arts; qu'il n'avoit pas même acquis le goût de com-paraifon qui fait juger du mérire d'une fiéce par une autre du même genre que on a étudiée. Ce qu'il dit des tableaux 8c des ftatues, foit antiques, foit modernes , eft fi fuperfîciel, qu'il ne porre aucune lumière dans l'efprir. D'ailleurs, depuis quatre-vingt ans les chofes ont prefque changé de face ; on reconnoît encore quelques traits principaux ; mais les parties de dérail ne font plus les mêmes. Naples, Turin, Parme , Milan , 8c plusieurs autres'villes ne font flus reconnoiffables. Ce qu'il dit peur inftruction particulière des vovageurs, fur le prix des chofes, fur les précautions à prendre, ne peut plus être d'aucune utilité ; 8c les additions faites dans les nouvelles éditions n'ont pas remédié à ces manquemens (a). (a) l'y a plus, elles n'ont fe^vi qu'à rendre cet ouvrage plus imparfait y prefque aucunes des citations ne font juftes j les paffages des anciens Préliminaire. xïij La plupart de ceux qui ont écrit dans ce fiécîe,ou n'ont donné que des réflexions générales , ou fe font reftreints à quelques parries, foit des fciences, foit des beaux arts ; ces ouvrages font eflennellement bons, mais trop bornés dans leurs objets ; tels (ont, par rapport à l'état des fciences 5c des bibliothèques, le journal d'Italie du P. de Montfaucon, bénédictin -, par rapport aux beaux arts , la defcription des ftatues, buftes, bas-reliefs 5c tableaux qui fe trouvent en Italie par Mrs Richardion pere & fils ; le recueil de notes fur la peinture 5c la fculpture donné, il y a quelques années, par M. Cochin. Ce dernier fera toujours utile aux jeunes artiftes , 5c peut fervir aux amateurs ; mais on fent combien il eft incommode de porter avec foi plusieurs volumes pour trouver dans l'un ce qui a rapport à la peinture Se au def- auteurs y font tronques ,6' la mefure ne fe trouve plus dans les vers des poètes. Cependant ce livre a joui d'une réputation établie y on le trouve dans tous les cabuets , il eft même cité dans tes dictionnaires. Cela prouve combien on aime a croire fur parole , pour s'épargner la peine de s informer par foi-même de la vérité. Ignorance & in-curiofté, difoir Montagne, font doux oreillers pour une tête bien faite.... , c'eft-à-dire pour végéter tranquillement y car dès que t on voudra fe mêler de quelque choje qui ait l'apparence fuie de la raijon y ce n'eft qu'avec des foins & des peines que l'on pourra efpérer quelques fucces. xiv Discours -iein ; de chercher dans un autre le détail des antiques; d'en coniulrer un troiliéme pour ce qui a rapport à l'état du gouvernement Se des fciences ; & d'ctre encore plus embarralfé pour prendre quelque idée de la population , ou commerce ou de 1'induftne. Très - certainement on n'a encore donné aucune relation d Italie, où tous ces objets foient ralTemblés par ordre, fous un même point de vue,ians con-fuiîon, Se relativement à chaque état ; ce qui me fait dire avec raifon que jufqu'à préfenr, quoique l'on ait beaucoup voyagé dans ce beau pays, on n'en a rien écrit qui puilTe en donner une idée jufte à ceux qui ne l'ont pas vu, ou qui puilTe guider finement ceux qui ont deiTein d'y voyager. C'eft donc pour contribuer , mirant qu'il eft en moi, à la fatisfacTion des uns Se des autres ; Se pour me rappeiier plus précifément ce que j ai vti dans ce beau pays Se en conferver un for.venir fidèle, que je me fuis occupé à rédigée les mémoires que Je fiifois à mefire que je voyois,&prefque rouiours fur le champ(^). Un autre motif encore m'y a déterminé. C'eft la fatisfi&ion réelle que j'ai eue à voir Se à connoître un pays aulïî riche , Se fa) Pendant que l'on imprimait ces mémoires , un traducteur François a donné au public un ouvrage entro'nvol. Jûus a tirre ; nouveaux mémoires pu observation $ fiir 1*1-rahe& les Italiens, pardriiv ^rifitboAvMs Suédois, trains du Suédois. Londres. Jean Noarfc, rtxùti Mon dejfein n'eft pas d'en faire ici la critïqu: ; mais je qui, repréfenté tel qu'il eft, doit néceilai-rement former le ribleau le plus iméref-fant ëc le plus varié. A tous ces motifs , il faut ajouter la reconnoiifance que je dois à plusieurs de fes plus îlluftres habirans, dont la polireiîe&les bonnes façons m'ont touché fenublement. Je les ai vûfe plaindre que les François les oublioicnt , dès qu'ils avoient repalTé les monts ; qu'ils ne voyageoient dans leur pays que pour y trouver des ridicules, ou pour déprifer ce qu'il y avoir de plus beau; que prefque crois devoir avertir qu'il y a beaucoup d'inexaciitiides & d'anecdotes imaginées à plaîfir ; comme celle que voici. Un des Suédois [ T. z. p. 65 ) ait qu'il avait rencontré par ha fard à Pans , une differtation hijioriaue & critique fur la cotijuration'du marquis t'e Bcdemas en 1 rti S ; qu'il la Communiqua à un Avogador duquel il tira parole , qu'il obtiendrait pour lui du fenatia permijjion d'entrer dans Z'ar-cbivio Csgreto de la république , où il vérifierait fur les pi/ces authentiques, la réalité de cette conspiration. Le Suédois oui a p"('é n m'ois à Venlfe Fa bien peu connue ; s'il a pii je perfuader qu'un A'vogaddt fit capable de lui faire une Semblable promejfe ; s'il a fcû quel ctoit le rang & Vvmpartanct de cette chrec à Venfe ; il eft étonnant qu'il ait ofé avircer pareil jais dans f s mémoires. jL'arcliivio fe-gr ce de la république eft un fanchtdfre , que l'intérêt fcul de l'état fait ouvrir aux membres les plus dignes de fa confiance. La curiafité d'un voyageur, de quelque rang qu'il fût, n'a jamais été un motif pour y pérétrtr ; dans aucun eiat policé on ne 1 ourroit faire une pareille demande , à plus forte raifort à Venife , où la circnfptci-cn efl fi grande. Ceux qui fe donneront la peine de comparer la traduclion Sv.édoife avec ces mémoires , verront facilement que les Suédois n'ont fans doute pas eu affe\ de temps ni d'occa-fi'ins pour s'inftfMirt àfondi des faits qu'en leur a débites , tant à cet égard çu'À celui de bien d'autres j d'après quoi le public judicieux fera en état de décider par comparaifon fur l'cxaUunic & le àijjéraice de ces deux ouyrages. xvj Discours tous ceux qui en avoienc écrit, en a voient parlé avec peu de foin , de iouvent très-inridellemenr. J'ai vu par moi-même que leurs plaintes étoient fondées ; de j'ai pris avec eux une efpéce d'engagement de réparer les toits dont ils fe plaignoient, en préfentant le beau pays qu'ils habitent fous fon véritable point de vue. Je fatis-faisà ma promelfe. v. Facilités La protection de les bons offices des cpc Ton a eues ambafîadeurs de miniftres chargés des af- pouretreexac- c . . . \ y cr< ' temeiu M- raires de rrance dans les dirtcrens ctats «tiiic. d'Italie ; l'accès que j'ai eu chez les perfon- nes en place , même chez les miniftres d'état ; la facilité de les voir , de de con-verfer avec eux , autant qu'il eft poiîible à un voyageur qui eft reçu par-tout; la con-noilîànce de quelques fçavans établis dans les principales villes , m'ont donné de grandes facilités pour m'inftruire de l'état actuel des chofes ; j'ai eu foin de voir les artiftes les plus diftingués dans tous les genres , les négocians , même quelques artifans connus ; les converfations que j'ai eues avec eux, m'ont été de la plus grande utilité, de m'ont inftruir de mille particu-larirés qui caraétérifent les différentes nations , & en font connoître le génie 6c l'induftrie. J'ai vifité avec attention les etabliflemens publics, les grandes manufactures, les fabriques de toute efpéce ; de je n'ai pas négligé de tirer des cultivateurs Se des gens occupés aux travaux de la campagne, rout ce qui pouvoir conftarer la vérité de mes obfervations : enfin je n'ai rien omis de ce qui pouvoit me donner une connoiflance exacte Se circonftanciée du pays dont j'avois deflein de donner la defeription. La fuite de ce difcours préliminaire eft vi. Plan cTe deftinée cc cHfc0Ul5' i°. A donner une idée géographique des différens états qui compofent actuellement l'Italie. 2°. Comme depuis le tems des premiers Romains jufqu'à nous , l'étar des chofes a bien changé,^ que les voyageurs qui ont la curiofité de fçavoir où habiroi enr lesLatins, les Samnites , les Volfques, les Eques, 6c tant d'autres peuples de l'antiquité, nefea-vent où les placer , Se qu'ils font également embarraffés pour fçavoir où étoient la Gaule Cifalpine Se la grande Grèce, quand ils n'ont pas fous les yeux les cartes de l'ancienne Italie ; je fais le placement de ces différens peuples, de manière qu'en lifant ce que j'en écris, on peur aifémenr, avec le fecours d'une carte d'Italie , voir précifément le pays qu'ils occupoient, Se retrouver dans les ruines antiques, épatfes fur-tout dans la campagne de Rome & dans la route de Naples , les veftiges de leurs anciennes habitations. 3°. Je donnerai des réflexions générales xviij Discours fur les mœurs , les différens états de l'Italie , les arts , Se fur les précautions qui font à obferver pour y voyager avec agrément Se avec huit. 4°. Je parlerai des monnoies, des voitures qui font à préférer, des chemins Se des hôtelleries, de l'économie qui eft à obferver dans les marchés que l'on fait, foit pour les chofes d'ufagenéceffaire, foie pour celles qui ne font que de goût, Se de curiolité particulière. L'Italie eft la région de l'Europe lapins célèbre , la plus anciennement connue, la plus belle encore, la plus fertile Se la plus curieufe, tant par rapport aux différens crats qu elle renferme, qui ont chacun une forme de gouvernement qui leur eft propre , que par rapport aux chef - d'oeuvres des arts, tant antiques que modernes, que l'on y admire, Se aux curiofirés de la nature que l'on y rencontre à chaque pas, fur - tout dans l'état eccléliaftique Se le royaume de Naples. ffon^énérale ^6S ^Pes ^a ^parent depuis le comté dcï'iwïlc^*6 de Nice jufqu a l'Iftrie, du refte de l'Europe; c'eft-à-dire de la France, de la iuilfe Se d'une partie de l'Allemagne. Entre les Alpes Se 1 Apennin , eft la plaine de Lom-bardie, qui s'étend de Turin à Venife dans l'efpace de deux cent cinquante milles de longueur fur une largeur fort inégale. Le xefte de l'Italie eft occupé par les Apen- Préliminaire. xïx nins qui touchent les Alpes aux confins de-l'état de Gênes &c du comté de Nice , s'étendent enfuite le long du golfe de Gênes, occupent une partie de l'état eccléliaftique au midi de Bologne , & forment d'autres branches qui tiennent la Tofcane, le relie de l'état eccléliaftique , tk prefque tout le royaume de Naples. La longueur acluelle de l'Italie du cap S parti vento ( promontorium Herculeum apud Brutios) à la pointe méridionale de la Calabre jufqu'aux montagnes d'Aoufte en Savoie qui féparent le duché de ce nom de la plaine de Piémont , eft d'environ fept cent vingt milles. Sa largeur, depuis Capo Carnpa.no. ( Populonium ) fur les côtes de Tofcane , dans le Siénois , à cinc| milles au couchant de Piombino , jufqu'a Pontefella dans la Corimhie, eft d'environ deux cent quatre-vingt milles. On divife l'Italie en deux parties principales ; l'une au feptentrion, l'autre au midi. La partie feptentrionale renferme la république de Venife & l'état de terre ferme, les duchés de Milan tk de Mantoue , le Piémont, ôc ce qui appartient au roi de Sardaigne, duc de Savoie,en Lom-bardie : l'état de Gênes , les duchés de Parme & de Plaifance , le duché de Mo-dene, la légation de Bologne & celle de Ferrare, &z une partie de celle deRavenne ou de la Romagne. ix Discours Dans la partie méridionale font le grand duché de Tofcane, qui renferme les états de Florence, de Sienne 8c de Piiè, & la république de Laques, enclavée dans la Tofcane, les principautés de Piombmo 8c de Mafia Carrara (a)... Les érats de l'Eglife qui comprennenr la campagne de Rome , la Sabine, le patrimoine de faint Pierre , le duché de Caltro, l'Ombrie, la Marche d'Ancône, le duché d'Urbin, la Romagne, & le pays de Bénévent, enclavé dans le royaume de Naples. La petite république de S. Marin, entre le duché d'Urbin 8c la Romagne. ,, . Au midi, le royaume de Naples. Virr.Idée des T'T !• > • i- 1 /l • / T Apennins & Italie méridionale elt environnée de «fcs prin ipa- la mer de rrois côrés, au levant par le golfe en ScS/lUJ deVenife, a„ midi & au couchant par la Mcditerrannée, 8c eft fituée dans les Apennins qui s'étendent du couchant au midi dans la longueur de fept cent milles depuis les Alpes maritimes jufqu a l'extrémité de la Calabre. Ils Te divilencendeux branches principales dans la principauté ultérieure, dont l'une s'étend jufqu a Capo (a) Et le petit état d'cgli Prcfùli qui appartient au roi de Naples ou font Orbitello , Porto Hercole, cy Piombino , places fur la côte de Tofcane , dans lefquellts il tient garnifon , de même qu'à Porto-longone dans l'ifle d'Elbe t qui efl vis* à-vis. difanta Muiia di i.euca dans la terre d'O-.crante; 8c l'autre jufqu à Capûdell3 Armi^ dans la partie méridionale de la Calabre ultérieure, fur le détroit de Sicile, à douze milles de Regio au midi. Au couchant ils divifent le Piémont de l'état de Gênes ; delà, en tirant à l'orient ayant l'état de Gênes au midi ; au nord le Montfèrrat, le Milanois 8c le duché de Parme ; ils occupent une grande partie de la Tofcane au midi, 8c s'étendent au nord fur lc-s frontières du Modénois , du Bolo-nois 8c de la Romagne. Tournant à l'o rient d'hiver , enrre le duché d'Urbin 8c la Marche d'Ancône à l'orient d'été, ils tra-verfent l'Ombrie au couchant d'hiver , 8c s'étendent dans toute la longueur du royaume de Naples jufqu'au détroit de Sicile. Cette large 8c longue chaîne de montagnes n'eft coupée que par I'Oranro, rivière qui prend fa fouice dans la principauté ultérieure, au-deiïus de la petite ville de Conra , 8c qui va fe jetter dans la Mer Adriatique, après avoir féparé la Ca-pitanate de la province de Bari. On peut regarder les collines qui cou-vrenr la campagne de Rome 8c une partie du patrimoine de faint Pierre comme des abaiiTemens des montagnes principales, qui ne forment avec elles qu'une feule 8c même chaîne. Il en eft de même des mon* tagnes que l'on traverfe en allant de Ma- xxij Discours-rino à Valletri, de celles qui bordent les Marais Pontains avant que d'arriver à Pi-perno , de la montagne de Piperno Se de routes celles qui viennent aboutira la mer le long de la Voie Appienne jufqu'à Gayer-te, d'où le chemin le fait en plaine jufqu a Naples, & fuit en parrie les bords de la mer; on la laide à droite à peu de diftan-ce. Le fol de ces montagnes fe reifemble par tout, Se eit très - fertile quand il eit cultive; il eft rare d'y voir de ces rochers arides qui s'élèvent dans les Alpes à une li grande hauteur, Se qui font innombrables. Les endroits les plus élevés de l'Apennin font le paifage de la Bocchetta, entre Novi Se Gênes, le Giogo, entre Bologne Se Florence, Se peu loin delà , l'élévation ou pointe de Piétra Mata , dans laquelle fe forme un volcan qui peut un jour devenir très-formidable, Se Radicofani entre Sienne Se Virerbe , qui m'a paru l'endroit le plus élevé des Apennins. Une multitude de rivières qui arrofent la plaine de Lombardie, forrent de l'Apennin ; les plus considérables fonr la Scrivia, le Tidone, la Trcbia, le Taro, laSecchia, le Tanaro , le Rhenone, qui toutes fe réunifient au Pô ; elles coulent du midi au nord, 8c font fort fujertes à arrêter les Voyageurs dans leurs courfes, pendant les oluies d'automne, Se au printems après la fonte des neiges. Préliminaire, xxiij L'Arno, fleuve qui prend fa fource dans l'Apennin, entre la Tofcane & la Romagne, à fanta Maria dette Gracie j après avoir eu un cours fort tortueux dans les montagnes , de s'être en quelque façon double par deux lignes contraires de parallèles , va de Florence à fon embouchure dans la mer, à huit milles au - deflbus de Pife, par une ligne droite du midi au couchant. Le Tibre, ce fleuve fi fameux de fi connu , prend fa fource dans l'Apennin , fur les confins de l'état eccléfiaftique & de la Romagne, court par une ligne tortueufe du nord au midi , de va fe jetter dans la mer entre les ruines d'Oftie de de Porto, par deux embouchures , donr il n'y en a plus qu'une , appellée Fiumicino qui foit navigable , de que l'on ne peut entretenir dans cet état qu'à force d'attentions de de travaux. Le Tibre entraîne avec fes eaux beaucoup de terres ffibloneufes de de matières étrangères, qui ne s'écoulent pas aifémenr, de qui, arrêtées par les vents du midi qui font refluer les eaux contre leur cours naturel, forment des barres; de, a la fuite des tems, des atterriflemens fort étendus, dont on peut juger par ceux qui ont reculé l'ancienne Ortie à plus d'un mille de demi dans les terres , ainfi que l'annoncent les ruines mêmes d'Oftie , les veftiges d'une tour qui paroît avoir fervi xxiv Discours autrefois de fanal, & les marais Salans que l'on traverfe avant que d'y arriver, Se qui ont confervé la communication avec la mer par un canal entretenu pour cet ufage. Les autres neuves ou rivières confidera-bles qui coulent de l'Apennin dans cette même direction , font le GarigliwQ _> autrefois Liris , que l'on paife en barque au deifous des ruines de l'ancienne Minturney Se le Voltumo , qui baigne les murs de Capoue. Une multitude d'autres rivières peu considérables coulent de ces montagnes du midi au levant Se au nord dans la mer Adriatique ; on en traverfe une partie dans la Marche d'Ancone Se la Romagne; plusieurs forment des petits ports , à bnù-gaglia , Pefaro Se Rimini. La plus connue e(fc le liubkon, fameux par le partage de Céfar, & la victoire qu'il remporta fur les troupes de la République, commandées par Pompée. Il féparoit autrefois l'Italie de la Gaule Cifpadane. Il coule aujourd'hui entre Rimini Se Céfene,& va fe jetter dans la mer Adriatique. Quand je l'ai traverfe , ce n'étoit qu'un ruiSfeau bourbeux qui couloir dans un lit large Se profond, dont les bords étoient efear-pés. On le nomme dans le pays , il P:fa-tello. Cette barrière n'étoit pas capable de retarder la marche de Céfar ; mais le fé- nat ■preliminaire. xx* nat croyoït que ce général relpefteroic le décret qu il avoir tait afficher fur les boids de cette rivière, par lequel il dccla-roit ennemi de l'état quiconque oleroit palfer outre, les armes ci la main. Pluheuvs rivières coulent des Alpes dans le Pô, du noid au midi 6c ai tolent la plaine de Lombardie ; les plus considérables font les deux Doires , la ^.ture , le Télin qui coule du lac Majeur, l'Adda du lac de Côme , le Mincio du lac de Guar-dia ; 6c i'Adige , fleuve rapide qui vient du Tirol, traverfe une partie de l'état de terre-ferme , 6c a fon embouchure dans le golphe de Venife au levant de Chiog-gia. Les eaux qui coulent des Alpes font limpides , agréables à boire , le poiffon y eft de bonne qualité : il n'en eft pas de même de celles qui coulent de l'Apennin qui font toujours bourbeufes, épailTes, défa-gréablcs au goût, 8e dont le poilfon , Il on en excepte le brochet, n'eft pas bon à manger. t D;v;fio« L'ancienne Italie étoit divifée en Italie dc |.ucit^c propre, qui eft aujourd'hui l'Italie méri- icaiie.Etâtdc« dionaie , iïruée dans l'Apennin , & la RjfckJjJ Gaule Cifalpine qui comprend toute 1*1- leur pofition. talie Septentrionale , c'eft-a-dire la Lom- «J» bardie 6e l'état de Gènes. t où ils étoieuc Les états principaux de la Gaule Cllal- établis, pine étoient autrefois la Gaule Cifpa-dane , ou en deçà du Pô par rapport à il- xxvj Discours talie -, c ctoit la partie méridionale de la Gaule Cifalpine ; elle s'étendoitde la mer de Ligurie &c des Alpes maritimes au golfe Adriatique , ayant la Ligurie au Couchant , l'Apennin au midi j ce le Pô dans toute fa longueur au nord. Les anciens habitans de ce pays étoient connus fous le nom de Ligures j Bvii j Anamar.-ni, Lu,gonés è* Senon es. Ce pays eit appelle aujourd'hui Lombardia di auà dal jPojoù font iitués une partie du Piémont, le Montferrat, l'état de Gènes , une partie du Milanois , Plaifance, Parme, Mo-dene , Bologne, le Ferrarois, & une par-, tie de la Romagne. La Gaule Tranfpadane éroit la partie feptentrionale de la Gaule Cifalpine, bornée au nord 8c au couchant par les Alpes > au levant par les mêmes montagnes èv la mer Adriarique , au midi par le cours du Pô \ elle fut poifédée par les anciens peuples appelles Caru'^Ceuo/nani^Eugcineiyln-J'uoresj Lxvij 8cc. Ces noms indiquent que ces colonies avoient été envoyées par les anciennes villes de la Gaule Tranlalpinc dont la plupart fubliftent encore fous la même dénomination. On l'appelle aujourd'hui Lombardia di (à dut i'o ; elle renferme le Piémont , le Milanois, le Mantoum , l'état de rerre-ferme de Veni-fe, la Vaitelme, 8c les bailliages i miles, frondées de hcalie. La Gaule Subalpine moins étendue oc-cupoir le vallon où coule la Doire,& étoit habitée par les peuples Segujini 3 faurinij Vagieni, où ïont aujourd'hui les Mar-quilats de Suze & de Saluces, Turin ôc une parrie du Piémont. La Ligurie , qui faifoit aurrefois partie de la Gaule Cilpadane , étoit divilee en deux parties , Tune appellée Liguria lutorea bornée à l'orient par la Magra qui coule de l'Apennin dans la mer entre Sef-tri di Levante & MaJJa , 6v au couchant par le comté de Nice , eft aujourd'hui la partie de l'état de Gènes , connue fous le nom de rivière de Levant & rivière de Ponent, entre lefquelles eft limée la ville de Gènes. La Ligurie médirerranée ou plaine , comprenoir une partie du pays finie entré l'Apennin , le Tidon , le Pô & les Alpes maritimes ; la république de Gènes n'en poiïcde aujourd'hui qu'une très-petite partie qui forme le territoire de Novi. Le relte s'étend dans les montagnes dans l'efpace d'environ quarante-cinq milles du nord au midi ; c'eft ce que les anciens app.dloient Liguria. Alpejlris, La partie la plus orientale de la Gaule Cifalpme étoit occupée par une colonie des Gaulois S'énonois > que l'on appelloit alors Italiques,la terreur des Romains, Tta-lici j Xiomonorum terror. Leurs poffelLons s'étendoient du midi au nord, le long de xxviîj Discours, lfi mer Adriatique, entre fEhno qui prend fa fource dans J'Apennin , fur les fron^ tieres de l'Ombrie, traverfe une partie de la Marche d'Ancone , tk fe jette dans la mer au delfous à'Ie/i ; &c ÏUtenté qui coule dans la mer au-delà de Ravenne ; ils habitoient une partie du duché d'Ur-bin tk la Romagne qui s'étend le long du Golfe leurs villes principales étoient Ravenne , Rimini, Ceiena, Forh tk For-limpopoli y qui n'eft plus aujourd'hui qu'une bourgade ruinée à trois milles environ de Forji au midi. Une partie de ce pays a eu dans des temps poftérieurs , le nom de Pentapole, tk comprenoit les villes de Rimini, Pezaro , Fano, Ofimo mais comme il n'y a point dé grands chemins 8c aucunes commodités pour les parcourir, peu de voyageurs vont au-deli de Naples. Donner une idée généra le dès moeurs #x. ': d'une nation, c'eft expofer les prilicipe%^^;d's" fondamentaux qui '-règlent, 8c lès effets qui en ré fuirent dans la conduite ordinaire de la vie. L'entreprife eft grande 8c digne d'un fage ; je n'afpire point a cette éminente qualité. Qui oferoit croire qu'il peut la mériter ? Je ne prétends pas plus à celle de Philofophe ; ainii que l'on ne s'attende pointa trouver dans la fuite de cet ouvrage , ces réflexions hardies Se . I méchantes qui n'épargnent rien pour jet-ter un ridicule fur ce que la religion ca- ( tholique a de refpccbble dans fes ufages 8c fes cérémonies. Je fais gloire de la pro-feller ; 8c je répandrois mOn fang pour la défendre : mais comme elle eft fondée lur la vérité , elle n'approuve point les abus, qui ne font que trop f ouvenr l'effet d'un zélé aveugle que fes miniftres éclairés , 8c fes fidèles partifms n'ont jamais approuvé. S'ils font tolérés quelque part, ce ne peut être que pour un temps, 8c, ou ils tombent d eux-mêmes , ou l'auto- b vj XXXV) D ï S C O V K s rite les fait difparoître. Je ne chercherai donc point à inrerefler en nie parant d'un faux air d'incrédulité, ou des fophifmes d'une phiJofophie erronée qui ufurpe injustement le nom même de la fagelTè. Mais je dirai la vérité telle que je l'ai vue, ou au moins telle que j ai crû qu'elle fe préfentoit-à moi ; je la dirai fans padion, i & fans autre intérêt que celui de la vérité même. La religion , la vérité Se la raifon s'accordent aifément quand elles marchent enfemble , chacune à leur rang. Ce font les guides que j'ai fuivis , & malgré leur auftere fagelfe, Se la ci rconfpetfcion qu'elles exigent , on verra que l'on peut encore repréfenter d'une manière nouvelle Se in* tereflante, un pays voifin & connu. Xf. Morale La morale dominante, en Italie, relevé lareHdon."x- beaucoup tout ce qui ell: extérieur dans la «frieur de clé- religion ; on y regarde comme des movens votioa. infaillibles de falur, des pratiques de dévotion auxquelles on peut être attaché fans que le cœur foit changé. Ces pratiques dépendent uniquement de l'homme qui fent qu'il eft toujours le maître de les obferver : mais pour ïefpnt qui doit animer ces exercices extérieurs, comme on eft bien convaincu qu'on ne peur pas fe le donner avec la même facilité, il n'eft pas rare de trouver des doâeurs complaifms Se faciles qui en feignent que l'on n'eft pas obligé de l'avoir. Préliminaire. xxxvîj Le peuple, qui donne toujours dans lef txcès à proportion de fa groilîéreté & de fon ignorance , offre , dans la plupart de» Villes d'Italie, le fpectacle le plus éton-nanr. A Naples , par exemple , on y eft iï bien perfuadé que la préfence corporelle aux exercices de religion fuftît fans que l'efprir y foit appliqué, & même fans aucun acte d'humiliation extérieure , que le {>lus-grand nombre de ceux qui afliftent a a meife reftent conftamment aifis ou debout , dans l'attitude qui leur eft la plus commode, fans aucun autre ligne de piété qu'une attention curieufe aux mouve-mens du prêtre, fur lequel les dévots ont les yeux fixés , pour fe frapper la poitrine à Imitant de l'élévation , lorfqu'ils entendent la clochette. Ils ont encore une autre manière fort Singulière , c'eft d'envoyer au faint donc on célèbre la fête , dont le tableau ou les reliques font fur l'autel, plufieu s baifers ; ils ont la même attention pour le prêtre lorfqu'il va à l'autel. Cette efpéce de gefte fi Singulier eft cependant marqué comme un acte de religion, (.'eft là que j'ai vu une vieille femme accabler d'injures une Statue de la Vierge , à qui elle s'étoic adrelfée pour obtenir quelque grâce qui lui avoit manqué. Elle étoit vraiment en fureur j & fi la Madonne n'eût pas été dans une niche grillée, la vieille furibonde l'eût mife en xxxviij D i s 'c o û îi fîble pour s'y fouftraire entièrement. Il eft même probable que quand elle vl à l'églife , elle fe fent pénétrée de refpcct pour le Dieu qu'on y adore ; peut - être Préliminaire. xxxix même ce fentiment eft il aifez vif poux remporter fur tout autre j mais le pied une fois hors de leglife, le Chrétien cuf-paroit, il ne relie plus que i nomme iu-et à mille pallions. Ainii l'on ne doit pas être étonne de voir quantité de jeunes femmes aimables & connues pour galantes , aiiiftet à des exercices fpirituels qui fe font avec grand appareil, y paifer plulieurs heures dans les jours de la femaine famte, avec toutes les apparences de la ferveur : mais elle cefle la nuitdufa-medi au dimanche de Pâques, parce que l'ufage eft de rompre le carême dans l'inftant même où il finit, de de filire fabbatine, c'eft-à-dire de manger de la viande. Ces fortes de parties que l'intérêt des pallions lie , Se qui font fort libres , fe font dans des auberges ou chez les traiteurs j chacun fuivant fes facultés Se avec les gens de fon état. Cependant on y annonce l'évangile dans toute fa pureté : les inftructions y font multipliées. Il y a des corps entiers d'hommes choifis pour en faire en tout tems & fur tous les points de la morale-Pareils foins doivent néceifairemenr porter la lumière dans les confciences, de effraye1- les pécheurs d'habitude qui manquent en tout point à remplir ces devoirs que l'on ne peut s'empêcher de leur annoncer comme indifpenfables } mais d'oc* ■lx Discours dinaire, ceux qui fuivenc le plus exactement ces inftruchons font ceux à qui elles font le moins néceiîaires j pour les autres, outre les facilites connues d'accommoder la morale évangelique à leurs penchants, il y a un moyen plus ignoré auquel la multitude fait peu d'attention, parce qu'il n'eft communiqué qu'avec la plus grande réferve. Il y a certaines fociétés d'hommes rivilégiés qui fe font fépaiés de bonne eure de la contagion du iiécle , & qui vivent dans toute la perfection du chrif-tianifme. L'exrérieur vertueux 8c auftére de ces hommes choilis , leur ferveur dans la prière, leur défintéreiTemenr, leur mo-deltie , leur charité , leur humilité , font un fpectacle touchant dans 1 ordre de la religion. Ces hommes , en vivant ainfi, font une ample provilion de mérites.Ceux qui veulent tirer parti de leur vertu, ('probablement à leur infçû ) regardent leurs bonnes œuvres 8c leurs prières comme un tréfor commun dont ils peuvent faire part à ceux auxquels ils jugent à propos de les appliquer. Cette prétendue communication de mérites qui fe fait gratuitement 8c fans aucune coopération de la part des pécheurs , eft leur grande fauve-garde, le moyen le plus aile de falut 8c le plus certain que l'on ait imaginé pour eux, & en même-rems la fource inepui-fable des richelTes donc regorgent ceux Préliminaire. xlj qui, les premiers, ont ofé mettre en avant ces maximes Singulières. On dira que pareille do&rine eft trop abfurde pour que jamais elle ait pu acquérir aucune autorité fur des peuples civilifés, dans un pays où les fciences ont toujours eu des établinemens fixes. Mais fans m'engage r dans de longues difcuf-fions pour prouver ce que j'ai avancé, qu'on y aille, qu'on ouvre les yeux, on y verra une multitude de fupçrftirions couvertes du voile refpectable de la religion, erreur fe donner pour l'appui 8c l'é-claircifTement de la vérité. Tous ces abus ne font point autorifés } mais ils font d'un ufage fi commun, ils fe cachent fous tant déformes étrangères, qu'il faudroit une très-grande révolution dans l'ordre actuel des chofes pour les extirper entièrement. Malgré toutes ces Singularités, le fpectacle extérieur de la religion eft d'une magnificence qui élevé l'âme jufqu'a fon au-gufte Auteur j ce que les ans ont produit de plus parfait, les richelTes des quatre parties du monde , tout ce que l'induftrie 8c le goût ont imaginé de plus beau , de plus no,ble , eft employé à la décoration des temples, &: à les tenir dans un état de fplendeur, qui l'emporre fur tous les autres édifices , 8c ne les rend que plus ref-pedables. On voit ces temples remplis de xlij Discours ïupplians j les tribunaux de la réconciliation font fréquentés par un peuple nombreux de pénitens qui font, pour l'ordinaire , réconciliés auiîi-tôt qu'ils fe pré-fentent , pourvu qu'ils n'ayent aucune opinion oppofée à la façon de penfer dominante dans le pays j on croit l'effet du facrement toujours miraculeux , 5z opérant la conversion du pécheur aulli - tôt qu'il déclare fes péchés, parce qu'il ne les accufe que pour en obtenir le pardon , auquel le juge fpiriruel doit contribuer par une confiance prompte au témoignage que rend le coupable de fes propres dispositions ; les rechûtes fréquentes n'em- f).chent point cette pieufe crédulité ; on es verroir comme certaines, qu'on ne lei craindrait point. On ne doute pas de l'efficacité des moyens que l'on a propofés pour les éviter ; & on compte pour beaucoup les difpolitions naturelles de tout homme à éviter le mal & à faire le bien. ' Cette morale bien appréciée tendrcit a perfuader que, pour s'accommoder à la foibleffe de l'homme pécheur, & confît-ver les intérêts de la religion , fins trop choquer les p a fiions, on ne regarde plus l'ufage des ficremens que comme les cérémonies légales, dont la feule obferva-tion extérieure fufHfoit pour 1 accomplif-fement de la loi. Il femblequece foit alïea d'aceufer fes péchés fans tes haïr, pour en Préliminaire. xliij obtenir le pardon, comme il lufrit de ne pas voler par la cramte d'encourir les peines porrées par la loi du prince, pour eue en fureté contre l'effet de cette même loi, quelque defir que l'on ait d'ailleurs de s'approprier le bien de fon prochain. On comprend bien que cette morale ne fe débite point dans les chaires^pareil relâchement, rendu public, tourneroit au dé-fxvantage de ceux mêmes qui l'annonce-roient. C'eft dans le fecret que Ton fe proportionne aux befoins Se aux inclinations de ceux que l'on a à gouverner, Se que l'on fçait le rendre certe condefeen-dance utile. Cependant il n'eft pas rare de trouver, en Italie , de grands exemples ce pénitence Se de vertu j on y admire la piété jointe à la feience , les mœurs les plus exactes avec la foumiflion la plus parfaite, l'humilité chrétienne avec le déiintéref-fement évangélique. On trouve ces modèles dans tous les ordres & dans tous les états ; ils ne font que plus admirables Se plus rouchans dans un pays , où il eft prefque d'ufage de concilier les internes des pallions avec ceux du falur. > _ xn.rrfflA; Quant à la morale purement civile, Se pes decondul-que l'on eft accoutumé de confidérer fc- ce civile, parement des intérêts de la religion , on en peut juger aflez (ïïrement par ce principe généralement admis. . •. E*re & na-roître, (ont deux chofes abfolumcnt du- xliv Discours fcrentes; Si il eft rare que les hommes, pour leur propre avantage , ne foienc obligés de ie montrer autres qu'ils ne font en effet. De cette efpéce de nécefîité for-tent le fafte impofant, la difîimulation, la rufe,& tant d'autres inclinations ou vices qui en font la fuite. Si on peut regarder ces fentimens comme des principes fondamentaux de conduite, on peut juger de leur force fur une nation accoutumée à l'intrigue , fouple , artificieufe, connoiflant peu de beioins plus pteiîans que ceux de la vanité j Se qui, pour les larisfaire, fe livre fins remords Se d'habitude à tous les moyens de réuiîir quels qu'ils foient j Se d'ordinaire fous le mafque de la bienveillance , ou tout au moins avec l'air de la poIitefTè la plus féduifante. Il eft vrai que quand les Italiens trairent entr'eux , ils îçavent a 3uoi s'en tenir fur les afîurances qu'ils onnent ou qu'ils reçoivent ; fouvent même les plus fubtils s'enveloppent fi bien dans leurs propres fineftes, qu'un concur -rent beaucoup moins rufé réuilït pendant que l'on s'occupe des moyens de le traverser Se de renverfer fes projets. On s'appercevra encore que l'habitude de diflîmuler fes fentimens, Se de parler prefque toujours autrement que l'on ne penfe, réduit ceux qui veulent faire quel-qu'étalage d'efprit à parler beaucoup fans riendire, &àcpuifer le chapitre des choies indifférentes , jufqu'à la faryre. C'eft ce que l'on remarque fur-tout à Rome, 8c ce qui y fait trouver la plupart des con-verlations générales fi inhpides. Pour peu que l'on y ioit habitué , on prévoit d'avance ce que dira celui qui arrive j celui qui vient enfuite dit à-peu-près les mêmes chofes ; il femble que tous ces gens tournent dans un même cercle d'idées. Cette habitude eft bien plus frappante dans ceux qui font d'un rang à repréfenter, &" qui ont des aftemblées à certains jours de la femaine. Ce n'eft pas qu'ils manquent d'efprit &: de finefte j ce n'eft que pour en trop avoir qu'ils tombent dans ce défaut. Us font tous gens à prétentions , qui veulent palTer pour être inftruits , & avoir des raifons pour fe taire fur des chofes importantes. Il y a plus à gagner dans la çonverfation des femmes j outre la poli-tefte 8c les agrémens qui leur font ordinaires , on y trouve plus de franchife 8c d'efprit naturel. Elles n'ont pas autant d'intérêt à dillimuler leurs fentimens que les hommes, quoique fouvent celles qui font d'un rang diftingué foient mêlées dans les intrigues les plus fines 8c les plus importantes \ on dit qu'alors elles l'emportent fur les hommes les plus déliés, pour réunir dans leurs prétentions. Malgré cette politique dominante, les • xlvj Dis cours étrangers, en qui on a reconnu de iefprir, des connoiuances 3e de la droiture, trouvent par - tout de 1 agrément, parce que l'on cherche à profiter de leurs lumières , à rirer d'eux ce qu'ils peuvent fçavoir d'in-rérelTanr, à les confulrer même lur les cas embarrailans 3e difficiles : mais que l'on fe garde bien alors de fe livrer à toutes ces avances, Se de parler avec toute la franchife dont on eit capable. Une telle iimplicité devient infailliblement l'objet de leurs plaifanteries, li on n'a rien à prétendre avec eux ; li on a quelqu'intérêt à démêler , ce feroit un moyen inévitable d'être dupé. Il faut s'en tenir à un cérémonial d'habitude, n'accorder jamais rien au-delà de ce que l'on doit, & ne rendre qu'autant que l'on a reçu. Je parle pour le général ; car à Rome, Se dans les autres capitales de l'Italie, on trouve des per-fonnes honnêtes 3e franches qui aiment à traiter avec celles de leur caractère. Elles font rares; la difficulté eit de les connoitre avant que de s'y attacher. xtii. ufa- Ees Italiens palfent pour être fort foies pamcu- bres Se d'une grande économie. Ils ont de bonnes raifons pour cela. Il y a par-tout un grand luxe de repréfentation, auquel les fortunes ordinaires peuvent à peine fuffire; il leur relte encore quelque chofe de leur ancienne jalo'ulie 3e d'une défiance habituelle, qui ne leur permettent point P r É.l i m i. N a i r E. xlvij d'admettre les étrangers avec familiarité, pour cela on ne trouve nulle parr des mai-fons ouvertes comme en France , dans lefquelles un étranger puiffe aller fouper ou dîner. Il y a quelques maifons principales à Rome , tk dans les autres villes , où 1 on invire quelquefois les étrangers * de grands repas de cérémonie , qui le donnent exprès en leur faveur, & on attend d'ordinaire qu'il y en ait plulieurs pour les raflembler. Les légars tk vice-légats des villes principales de l'Etat Ecclé-liaftique reçoivent très-poliment les voyageurs qui ont des lettres pour eux, tk lont remplis des attentions les plus obligeantes. Leur maifon eft toujours ouverte à ceux qui vont leur faire vilite, tk on eft aifuré d'y trouver bonne compagnie; c'eft ce que l'on rencontre par-tout en Italie » comme en France, chez les perfonnes en place , chargées en quelque façon de faive aux étrangers les honneurs de la ville où ils rélident. Mais il n'y a peut-être pas de ville au monde comme Milan, pour vivre avec agi émeut, tk qui offre autant de relfourc s aux voyageurs connus ; il y a vingt bonnes maifons ouvertes dans lef-quel'e1 on peut m.my.er tous les jours en ties bonne cpn pagme ; les tables y font ma 'uihi^iep-ent fervies, Cv on trouve , dans la nohkiïo de cette ville, les .ttr-n-tiuns, les empreilemens tk les pro^eués xlviij Discours les plus ob'igeans. Quiconque aura fait quelque féjour à Milan, 6c y aura été connu , confervera, pour la noblelfe de cette ville, les fentimens de la plus julte recon-noilfance. Les autres Italiens font étonnés de ces procédés, qu'ils trouvent très-bons tant qu'ils font à Milan ; mais comme il n'elt point dans leur goût de les imiter, ils les tournent en plaifantene quand ils font chez eux. On trouve aulîi quelques relfources de ce genre chez les nobles Génois , fur-tout dans les faifons qu'ils paf-fent à la campagne, où ils fe plaifent a étaler leur magnificence, 6c dont ils font charmés que les étrangers foient témoins. Naples peutpafler pour la ville d'Italie la plus brillante pour la focietc. Il y a tous les jours une quantité de maifons ouvertes , 6c de grandes converfations où l'on trouve raflemblés des gens de toutes les parties de l'Europe. Les mmiftres d'état, charges de la régence, ont les plus grandes attentions pour les voyageurs qui leut font préfentés. Ils vivent avec magnificence , tiennent de très-bonnes tables, en quoi ils font imités par tous les grands du royaume , 6c par les ambafladeurs des différentes nations qui réfidenr à cette cour. J'obferverai à ce fujet qu'il eit très - heureux pour un voyageur d'avoir accès chez les perfipnnes qui font à la tète du gouvernement, vernement de chaque pays, de chez les ambaifadeurs. Ces connoilTances (ont de la plus grande utilité pour s'inftruire de ce qui regarde le pays où l'on fe trouve. Ce n'eft pas de ces perfonnages que l'on peut tirer le fecret du gouvernement actuel ; mais ce qui fe pafle chez eux , ce qui fe dit à leur table de dans leur con-verfarion , les liaifons que l'on y forme , tout cela contribue merveilleulement à. inftruire; ce que l'on ne fçait pas de l'un, on l'apprend de l'autre ; un mot échappé fait former une conjecture que l'on trouve moyen d'éclaircir, & qui fouvent fe change en une aifurance pofitive de réelle. C'eft ainiî que l'on parvient à obferver avec fruit, de à s'inftruire folidement. L'état politique de l'Italie préfenre un fpectacle plus magnifique fans doute; ainfi ti* je dois au moins annoncer ce que je don- lie nerai enfuite dans un plus grand détail. Les grandes qualités, héréditaires dans la maifon royale de Savoie, font connues en Europe depuis plusieurs fiécles. Ce n'eft pas ici le lieu de difeuter les moyens par lefquels elle s'eft élevée au rang dif-tingué qu'elle tient dans l'ordre hiérarchique des fouverains. Ce que je puis en dire , c'eft que la puifïance actuelle du roi de Sardaigne, en Italie, peut être comparée à un arbre vigoureux qui couvrirait de fon ombre tout ce qui l'entoure, de 1 Discours tireroit infenfiblement à lui la fubftance des autres arbres qui fe joignent, li les propriétaires voilins n'avoient foin de l'arrêter dans les bornes qu'une polfellion actuelle lui prescrit, cènes. Les Génois doivent être regardés comme un peuple qui ne reiTemble plus en rien à ces fameux marins qui difputerent autrefois avec tant d'acharnement, l'empire de la Méditerrannée , de même la poiTeiTion du golfe Adriatique aux Vénitiens. Les nobles Génois ne connoifient plus aujourd'hui la mer que de vue ; pendant quelque tems on les a vu tenir un rang diftingué dans les armées des princes étrangers. Ils paroilTent encore avoir renoncé à cette efpéce de fervice. Leur goût dominant eft, difent-ils, de fervir la patrie dans l'enceinte des murs de la capitale, où ils gouvernent la république en commun, & jouifTent folidairement de l'honneur d'être rois de Corfe. Ce petit royaume, prêta leur échapper, eft le grand objet de leur attention ; rien ne les touche autant que ce qui y a rapporr; comme dans toutes les républiques, les Génois mettent en avanr beaucoup de prudence & de diferétion fur ce qui regarde leur état, les jours de couriers arrivans, ils aiment à débiter ce qu'ils fçavent des affaires érrangeres pour paroître inftruits de première main, & avoir part aux af- Préliminaire. lj faires générales de l'Europe ; affectant cependant de la réferve fur quelques objets particuliers , dont peu:-ctre ils ne font pas înftiuits. Alors ils ne parlent qu'en termes obfcurs, ils s'arrêtent à propos, comme s'il leur étoit échappé quelque indiscrétion ; mais on fçait à quoi s'en tenir fur ces myfteres de gouvernement. L'état eit petit & pauvre ; la noblelfe ell nom-breuie Se nche , Se fort attentive aux révolutions qui intérelfent les autres états de l'Europe fur leiquels elle a de très- grof-fes fouîmes : toute la puiifance de la république îéfide dans la capitale. Le Milanois ell une des plus riches pro- Milanois. vinces de 1 Italie : le roi de Sardaigne a acquis, à différens tems, près d'un tiers des états qui formoient 1 ancien duché de Milan. Ce qui en relie aujourd'hui à la maifon d'Autriche , à quoi on doit joindre le Mantotun, n'eft plus opprime, comme autrefois il l'éroit, par les gouverneurs Efpagnols qui y étoient defpotiques. Les chofes ont changé de face, fur-tout fous la domination de l'impératrice reine de Hongrie , qui en rire des impôts proportionnés à la rie h elfe du pays ; mais l'ad-miniftration y eft fi bonne & fi exacte my ceux qu'elle honore ci? fa confiance répondent li bien à 1 équité de fes vues, que la noblelfe & le peuple y font également contens, Se font des vœux finceres pour la Jij Discours confervation de la puilïance à laquelle il$ font louniis. République L'état de terre ferme de la république de Vcnifc, fle Venife eft habité par un peuple induf-trieux Se actif qui croit jouir d'une liberté entière, tandis qu'il eit dans la dépendance la plus exacte; mais le foin que l'on a de lui rendre la juitice , 6c d'empêcher qu'il ne foit vexé mal-à-propos par ceux qui font plus puiflans que lui, l'a accoutumé à trouver fa Situation heureufe , 6c l'a perfuadé de fon bonheur. La beauté 6c la richeife du pays qu'il cultive, contribuent beaucoup à l'entretenir dans cette idée. A quoi on doit ajouter la paix confiante qui régne dans ce pays , 6c que le Sénat, qui y donne des loix, acheteroit, s'il ne pouvoir l'obtenir que par ce moyen : ce .que l'on doit regarder comme le plus grand avantage des peuples, puifqu'il alïïire à chacun la jouiSTance tranquille de fon état Se de fa fortune, ville de Ve- Venife préfente un fpectacle admirable: c depuis une longue fuite de Siècles: la for- me Se le fyftéme de fon gouvernement n'ont point changé. L'autorité eft entre les mains de plus de mille nobles qui y ont part, Se qui tous dépendent les uns des autres, ou plutôt des loix dont ils font l'appui. Tous ils regardent leur patrie Se fa Drofpérité comme l'alfaire la plus inré-r reAante qu'ils ayent à procuier. C'eft-là ! Préliminaire. liif qu'on trouve la réalité de cet amour de la patrie , chanté depuis fi long-temps , loué par - tout , dont par-tout on croit être animé , 8c qui n'a nulle part des efforts plus fenfibles qu'à Venife, où le citadin employé dans les affaires fubalternes , eit animé du même efprit que le noble ; où le peuple par une fou million que l'on peut dire aveugle , une admiration , un refpect, 8c une fatisfaction égales , féconde les foins 8c les travaux des uns Se des autres. La ville de Bologne a gardé la forme B=!°gn* d'un gouvernement ariltocrarique fous la puiflTance des Papes qui y régnent fouve-rainement. Les Bolonnois ne femblent avoir confervé quelque liberté que pour la tourner entièrement au bien de la patrie , dont les avantages occupent continuellement le fénat ; cette heureufe dif- Fofition eft fi naturelle 8c fi connue que on donne le titre de bons aux nobles Bo-lonois admis au gouvernement de fétat. Tous leurs établiffemens , toutes leurs vues font conformes à cette idée , 8c tendent au bien général de l'humanité. L'intérêt du public 8c fa commodité femblent avoir été confultés , même dans la coni-miction de la ville. Le petit état de Parme fe forme encore. Pan** L'infant dom Philippe , fécondé par un tniniftre habile , travaille à y établir le c iij /Jv D i s c o v k 9 commerce Se 1'induftrie , Se à augmenter lesrelïources d'un pays renfermé dans des bornes étroites ; mais heureufement litué, Se partour de lapins grande fertilité. Modcne. Le duché de Modene reifemble à un vafte jardin renfermé entre la Secchia Se le Panaro ; la population n'y paroit pas li nombreufe que dans le duché de Parme ; Se je ne crois pas qu'il y ait autant d'induftrie. Tcfcaae. La Tofcane, gouvernée pendant près de deux /îécies par les Aiédicis , fut cédée à l'empereur François de Lorraine , il y a environ vingt-cinq ans. Ce pays, riche par lui-même , eit heureufement admi-niftré par le maréchal marquis de Botta , généralement refpecté dans tout l'état, parce qu'il n'a en vue que le bonheur des peuples qui lui font confiés, & la gloire du louverain qu'il fert. On peut dire qu'il a préparé ce beau pays aux douceurs dont il jouira, lorfqu'd fera éclairé pat la préfence immédiate du nouveau fouve^ rain qui lui eft deftiné. Nap!e«» La face du royaume de Naples change tous les jours Se annonce l'avenir le plus heureux aux peuples qui l'habitent. Cet état long-temps aufiî orageux que la mer qui le baigne , fembîoit n'exifter que par les révolutions qui l'agitoicnt continuellement. On en voir des veftiges fenfibles dans la ruueiîe Se la groiîiéreté des peuv Préliminaire. [& pies. La nobleife même 5c les gens les plus inftruits , confervent encore des habitudes qu'ils ont prifes dans cet efprit de faction qui les a occupés fi long-temps. Dans les grandes aiTemblées, les hommes toujours les uns avec les autres, ont peu d'attention pour les femmes, fans doute par l'habitude où ils éroient de tramer des affaires auxquelles elles ne pouvoient prendre part. Les titres y font très-multipliés} il n'y a point de ville au monde où il y ait autant de princes, de ducs 8c de gentilshommes titrés- Les différens fou-verains cherchoient à fe faire des créatures en multipliant les honneurs. Il y atout lieu d'efpérer cm'un gouvernement fixe fous une fuccelhon non interrompue de rois d'une maifbn née pour le bonheur des peuples fournis à fes loix , mettra ce magnifique pays dans l'état de fplendeur, 8c d'opulence qui devrait lui être naturel. Sa fertilité , la beauté de fa fituation , fa population nombreufe , en feront enfin le pays le plus délicieux de l'Europe. Le commerce, les fciences 8c les arts , y auront des érablifiemens tranquilles 8c y fleuriront. On y verra renaître ces beaux jours chantés par les poètes , qui nous femblent des fictions ; mais dont la vue feule de ce beau pays, 8c quelques ref-tes antiques de la plus grande magnificence font croire la réalité. c iv Etat ecdé- ^e parlerai peu de l'crac ecclcfialti-tfajUque, que & de la forme de fon gouvernement. Il change il fouvenc de fouverains, & par conféquent d'officiers , que quoique le fyftème général foir à-peu-près le même , cependant la manière en efi: toute différente. Les places étant poffédées par des perfonnes qui les regardenr comme des moyens de s'élever plus haut ; il arrive trop fouvent qu'elles ne cherchent qu'à en tirer tout ce qu'elles peuvent produire, & s'embarralfent fort peu du bonheur des peuples. Dans ce pays comme partout ailleurs, un gouverneur, un magiftrat fage 6c définrérelfé eft très-refpecté , & quelquefois fait fa fortune par la feule confidération dont il eft digne ; on a même vu quelques pontificats fous lefquels le mérire réel- , les connoilTances 6c les talens jouifïoient de la diftindtion qu'ils devraient avoir partout ; mais maliieu-reufement pour l'humanité , la vertu fo-lide eft aufli rare dans cet état que dans tout autre. On cherche même à y rendre le pouvoir plus defpotique, parce qu'on a moins de temps a en jouir. A chaque changement de Papes ce font des hommes nouveaux qui paroifïent fur la fcène, 6c qui forment de nouvelles brigues pour eux 6c pour leurs créatures. Ceux qui ont des prétentions C< peu de moyens de les Préliminaire. Ivij faire réutlir, à qui l'argent 6V: les parti-fans manquent, &c qui cependant font de naillance à s'élever , font allidus à fe trouver par-tout où le Souverain les remarquera ; ils fe font un extérieur qu'ils fçavent devoir lui plaire , tk attirer fur eux fes regards ôc les faveurs. La dillimulation , le fecret, l'habileté à profiter des faillies démarches d'un corv-current ; les intrigues pour avoir fa confiance & s'en fervir enfuite pour le iup-planter : l'art de beaucoup parler fans rien dire ; Fufage de mentir à propos tk pour l'avanrage du moment ; toujours prétexter des affaires dans le centre même de la nonchalance tk de l'oifiveté : donner une grande idée de fon crédit ; beaucoup promettre ; fe mêler autant qu'il eit poiîibie de toutes les affaires qui fe piéientent ; ne négliger aucun emploi ; fe fairè,à quelque prix que ce foir , une grande èxii-tencedans l'efprit des autres : voilà à-peiî- J>rès les grandsreiïorts de cette politique, i vantée que l'on a été long-temps à regarder la cour de Rome comme Fécoie où fe formoient les miniftres les plus, fub-tils tk les plus capables. J'en dirai davantage quand je traiterai en particulier de cette cour , en rendant compte de ce qui s'y eft paffé de mon temps , d'après ce que j'en ai appris, en fuivant le fil des c v lviij Discours affaires, Se la conduire de ceux qui jr ayoient le plus de pair. Le génie du peuple qui habite cette ancienne capitale du monde, & que l'un doit regarder comme un corps fingulier , formé de toutes fortes de pièces de rapport , c'eft-à-dirc de François , d'Eipa-gnols, d'Allemands, d'An - lois même, 6c d'Italiens de tous les ciirierens états d'Italie, offre des objets de confidération intéreilans ; eu égard fur-tout à l'habitude où ils font de s'intéreffer au fyftême général des affaires de l'Europe, avec une chaleur qui feroit croire qu'il leur imporre beaucoup que tel ou tel parti ait le deiVus -y Scoii cependant ils n'ont pour l'ordinaire d'aurre intérêt que la vanité de foutenir leurs fentimens, 6c de faire croire qu'ils font encore capables de gouverner l'univers , conformément à ce que Virgile en a dit, Tu regere imperio populos , Romane , mémento. citation que j'ai entendu faire avec l'air même de la mffifance à un groflier Calabrais, qui fecrovoit un grand personnage , parce qu'il étoit chargé d'un petit détail de Iadminiftrafion eccléfiaftique dans l'intérieur de Rome. On peut juger par-là de ce que penfenr P r i 11 m' r n aire. Hr ceux qui ont des emplois plus relevés, {a), ■: Ce qui a foutenu pendant long-temps pluljeurs villes d'Italie , & fur-tout celles de l'étareccléliaftique , dans unétat brillant dont elles confervent de beaux reftes, c'eft la grande puiflance de leglife de Rame „ la digniré du Pape , Ôc fa quaHté de chef vifible de l'églife catholique quitt toujours été reconnue , & qui ne peut être féparée du liège de Rome *, car dans la plus grande forced^s fchifmes , il n'eft. venu à l'efprit d'aucun fouverain de le (a) En effet, pluficurs d'entr'eux ont beaucoup de cette fubtilité, de ce manège nécejfaires pour traiter les affaires politiques y les pi emiers pas qu'un jeune prélat fait à ta cour de Rome , tué-apprennent qu'il ne réufftra qu'autant qu'il fera: fouple , délié , dijfimulé. Quand ces difpofttions , qui paroijfent plutôt t'effet d'une petite façon de peu fer que d'un génie va fie & relevé, font en quelque forte perfectionnées , & placées dans une plus grande fphére : alors elles font très-propres a former de grands politiques. Mais que fon ne s'y trompe pas ; c efi moins a Rome que dans les cours étrangères qu'ils fe forment. Si on a a traiter avec quelques cardinaux , on reconnaîtra at-fément ceux qui ont été employés aux grandes nonciatures y & qui y ont eu des faccès difiingues. Ceft dans cet ordre que l'on trouvera de vrais politiques & des perfonnages très-capables de gouverner & de foutenir la gloire de la cour de Rome. Jx Discours faire un Pape dans fes états, & de ne pas relier uni à l'Eglife ; tant on a toujours été pleinement convaincu que le liège de Rome étoit le centre de l'unité catholique , Se que l'Eglife ne pouvoit avoir qu'un chef vilible. Les Frédéric Se les Henri, à quelque point qu'ils ayent porté les chofes, n'ont jamais ofé penfer autrement. Beaucoup de ces villes doivent leur origine ou leur acerdiifement à la religion même ; c'eit-à-dire à quelques tombeaux de martyrs, célèbres par les miracles qui s'y opéroient ; à des monaftères autour defquels il s'eit élevé adez d'habitations })our former des villes. Le culte des re-iques , pour être authentique, a toujours dû être aurorifé par le Saint Siégcdes mo-naflères étoient fous fa protection Se dans fa dépendance ; tout ce qui leur apparte-noit reconnoiifoit les Papes pour premiers fouverains quant au fpirituel, S: même quant au temporel, qu'ils ne regardoienc que comme un accefloire du premier. Ajoutons encore que les Papes , protégés par les princes étrangers , n'ont jamais fouffert qu'aucun prélat s'élevât même dans le temporel au-delfus d'eux ; les archevêques de Milan qui fe croyoient fuccelîèurs des comtes du palais en occident, Se aux mèm^s droits queux, port<^. Préliminaire. M lent bien haut leur puilfance, fur-rout tant qu'ils furent à la tête des Gibelins en Lombardie : mais cette puiffance ne fut regardée que comme une ufurpation. Tous les états d'Italie, à l'exception de la république de Venife, fe regardent encore comme feudataires du Saint Siège, preuve de fa grande puiflance qui s'étendit fur toutes les illes des mers de l'Italie , & delà fur les autres illes , &c les terres nouvellement découvertes. Àlais cette grandeur tient à la réfiden-ce des Papes en Italie ; s'ils fulfent reftés à Avignon, ils eulfent infenfiblement perdu leurs états & la ville de Rome même. Nicolo Rienzi, né dans l'état le plus obfcur , mais avec autant d'élévation dame &c de force que les Gracques , rérablir le Tribunat à Rome en 1346* força les Uriîns, les Colonnes &£ les Sa-velli , dont les factions étoient alors lî piaffantes, à reconnoitre fon autorite ; fon grand zélé pour la juftice lui avoit concilié tous les partis ; il auroit rétabli le gouvernement républicain , fi lui-même n'eut abufé de fon crédit , en voulant trop abaiiïer de grands hommes qui avoientété éblouis de l'éclat de fes^ vertus : entreprife qu'il n'eût jamais ofé tenterai le louverain Pontife n'eût pas réfute alors à Avignon. îxij D i s c o o n. s" Quoiqu'il relie toujours quelque idée de république à Rome, coniervée par la forme même du gouvernement eccléliaf-tique, qui eft ariftocratique , il n'y a pas à craindre que les chofes en viennenr jamais au point de rien changer à l'état ac-xuel : les principales familles , les plus riches 8c les plus accréditées, doivent leur ■crédit & leur rang au Saint-Siège, même -aux papes 8c aux cardinaux de leurs maifons, dont ils font intérelfés à maintenir l'éclat 8c la dignité que toute autre efpéce de gouvernement altérerait beaucoup , 8c peut-être anéantirait enfin. xv. Rifle- Chaque état, quelque petit qu'il foit r rôni réla- même la république de faine Marin, offre €%"BUtêè£. quelque choie d mtéreflant aux regards d'un fpechiteur attentif 8c curieux. On voit que chaque petire ville a fon ton particulier , 8c voudrait au moins le faire adopter dans le canton où elle tient quelque rang. Les unes vantent leurs tableaux,, d'autres leurs antiques,toutes les agrémens. de leur fociéré. On voit le foin qu'elles ie donnent pour attirer dans leur enceinte,, au moins quelques jours de l'année, la noblefîe défœuvrée qui court de ville en ville pendant toute la bellefaifon, pout fe trouver aux différentes foires, 8c aux fper-1 racles que l'on y donne. Ces foires font très-vancées- en Italie, j Préliminaire. lxii j outre l'avantage du commerce qu'elles y entretiennent, elles fervent de paifetems d'habitude à une quantité de gens qui croyent y devoir leur préfence ; elles commencent par celles de l'Afcenlion à Veni-fe, enfuite celles de Padoue,Regio , Sini-gaglio , Dergame , Alexandrie, Livouvne, le carnavai de Venife , celui de Milan, les cérémonies de la femaine fainte à Rome, le printems de Naples. Outre ces fortes de divertilfemens, chaque ville principale a des fpectacles fixes qui font ouverts pendant une grande partie de l'année. On ne peut croire combien toutes ces chofes , frivoles en apparence, intéreiTent les Italiens; ce goût de difîipation a fuccédé aux mouvemens violens 8e forcés des différentes factions, qui avoienr fait de ce beau pays le centre des révolutions, 8e le lieu du triomphe du droit du plus torr. Le rétabHflement des arts 8e des fciences a heureufement anéanti cette férocité de difpofitions ; chaque puni an ce y pofTéde tranquillement les états qui lui ionz échus en partage. L'efprit de conquête ne paroît plus y régner ; 8e le véritable intérêt du pays efi que la balance y foit fi égale , qu'aucun louverain n'y domine de façon d faire arbitrairement la loi aux autres. C'étoir-Ià le grand projet du Pape Jules II, de mettre hors de fItalie toute piùiïance Ixiv Discours étrangère, dont les forces tk les entrepri-fes puifent troubler latranquillité tk i'é-gdité qu'il vouloit établir. Ces différens fujets, traités avec foin de d'après l'état actuel des chofes, ne deviennent - ils pas intéreifans, tk pour ceux qui connoiflent l'Italie, tk pour ceux qui veulent en prendre une jufte idée fur une defeription fidèle? Croit-on qu'en fuivant ce plan , il foit plus facile d'en faire une bonne relation que de quelque ifle nouvellement découverte, ou de ces pays féparésde nous par le vafte intervalle des mers, fur lef-quels les voyageurs écrivains ont donné carrière à leur imagination , tk dont on lit les deferiptions avec d'autant plus d'avidité, qu'elles ne difent rien que de merveilleux , d'extraordinaire ; ce que l'on n'a jamais vu ailleurs, ce que l'on n'auroic pas imaginé ? Quel fujet pour un auteur dont l'imagination eft: féconde! Qui ofera le contredire ? Qui fera jamais à portée de vérifier fes mémoires fur les lieux ? Ce-pendanr ces voyages fervent à la philofo-phie moderne pour tracer le tableau des mœurs des hommes ; c'eft d'après ces peintures, fouvent idéales, que Ton croit pouvoir remonter à l'origine des chofes de peindre l'homme dans le véritable état de nature : n'eft-il donc pas plus euentiel de le connoitre dans l'état de focièce où il fe trouve néceiTairement, à la vérité dans un grand cahos de qualités Se de défauts ; mais peut-il exifter autrement , Se croit-on pouvoir le ramener à cette limplicité primitive dans laquelle vivent les fauvages ? Ceux même qui la vantent plus s'en accommoderoient-ils ? Les beaux arts fe montrent avec plus xvi. Beaiî* d'éclat en Italie que dans aucune autreans » Î. , Vr 1 •« a. i v > / a turc, fculpm- >artie de 1 Europe. C elt - la qu ont vécu re t muflejuc. es plus grands peintres, les fculpreurs Se les architectes les plus célèbres ; c'eft - là que les muficiens les plus fameux ont fait entendre des accords admirables. Quelle quantité immenfe de tableaux ptécieux , de belles ftatues , à Rome, à Florence , a Naples, à Venife, à Bologne, Se dans toutes les villes capitales ! Le même goût y régne encore j la nature qui en a fourni les premiers modèles n'y a point vieilli ; elle y eft toujours fraîche Se éclatante , toujours nouvelle Se riche-; le peuple qui ne fuit que fon impreflion , accoutumé à avoir fous fes yeux les chef-d'œuvres des plus grands maîtres , à entendre les concerts les plus harmonieux, femble naître dans tous les états, peintre Se muficien. Pourquoi ce gout, fi naturel dans le peuple, n'a-t'il pas entretenu la fuite des grands artiftes fans interruption, Se n'a-t'il pas donné des fuccelfeurs aux Raphaël, aux Ticien,aux Carraches & aux Guide ? Carie Marâtre a été le dernier grand peintre de 1 'école Romaine ; on ne peut pas mettre dans ce rang ni le Cavalier Panini, ni Pompeio Bittoni, vivants encore , quoique tous les deux ayenc du mérite dans leur genre. LucJordan&Solimeni avoient laiifé leur pinceau à SébaftienConcha de Naples. Il vient de mourir, 6c n elt point remplacé y le Saxon Meinfs a lait à Rome quelques tableaux excellens. On voit, dans le grand plafond de la villa Aibani, un tableau du ParnaiTe, dont l'ordonnance 6c le deffein four dignes de Raphaël même, 6c dont le coloris eit très-bon. Le roi d'Efpagne a attiré Meinfs à Madrid , de même que le Tiépolo de Venife, qui, tous les deux , fembioient devoir donner une nouvelle exiftence à la peinture, en s'élevant au degré des plus grands maîtres, Blanchet, peintre François demeurant à Rome, defîine avec la plus grande correction 6c hardiment; j'ai vu de lui quelques tableaux excellens ; il auroit pu faire les plus grands progrès dans fon art, s'il ne fe Kit pas livre à une diflïpation habituelle, qui a toujours abforbé la meilleure partie de fon tems, 6c a été caufe qu'on n'a pas ofé l'employer à de grands ouvrages qu'il, auroit bien commencé, mais qu'il n au-xoit pas probablement linis. J'ai encore Préliminaire. kvi} Vu a Vérone un peintre, dont j'ai oublié le nom ; fon colons étoit bon, fon deifein exact, mais fa manière froide & méthodique ; c'eft ce que j'ai vd de peintres pius diftingués {a). Cependant les académies de deiïein & de peinture font toujours remplies d'élevés , dont on s'applique à cultiver les difpofitions avec foin ; on ne leur refufe aucun des recours qui peuvent leur procurer des fuccès, mais très - peu répondent aux efpérances que l'on en avoir conçues. Depuis le Bcrnin à Rome , VAlvardi à Bologne, & Corradi. à Venife , il n'y a point eu de fculpteurs d'une réputation (a) J'awois pu citer encore le Jieur le Pécheur , jeune peintre que je crois Lyonnois ; // efi venu a Rome a fes frais , pour y étudier les grands modèles & fe perfectionner dans fon art. Ptujîeurs tableaux que j'ai vue de lui , de belle ordonnance & d'un coloris gracieux , font des garants de jes hcureufes difpofitions, & des fuccès qu'il doit en efperer. Lefiew Robert, penfionnatre de l'académie de France , connaît bien les monumens antiques y il a du génit y & une promptitude étonnante dans le faire > qui ne lui permet pas de donner à fes ouvrages le degré de perfection , qu'il fera, très-capable d'y mettre, lorfque le feu qui l'anime fera un peu moins vif. éclatante. On travaille cependant tous les jours d des monumens publics; mais on ne voit plus le goût original de ces grands hommes, on*ne retrouve que le ton froid 6c fervile de l'imitation. Picdni de Naples, Traetta de Parme , 6c quelqu'autres maîtres , femblent Être animés de ce noble enthouliafme qui a produit ces accords admirables qui ont perfuadé que les Italiens feuls connoif-Joient véritablement la muiique. Picànï fur-tout commence d jouir de la plus belle réputation , 6c il la mcrire. ion Artà Serjcj qui fur chanté à Rome pendant le carnaval de 1762, lui gagna tous les fuf-frages ; il avoit avant ce tems donné aux opéra boulions un agrément 6c une no-bieife dont on ne les croyoit pas fufcepti-bles. On peut dire qu'il a remporte la palme dans ces deux genres, 6c qu'il a été également goûté fur tous les plus grands théâtres d'Italie. Il paroît deftiné d confo-1er les amateurs de la mufique, delà perte 3u'ils avoient faite par la mort prématurée e lilluftre Pergolèjc. On entend des concerts admirables i Venife ; c'eft-ld qu'il fuit aller apprendre la précilion, l'intelligence 6c la beauté de l'exécution ; c'eft là encore que l'on entend ks plus belles voix de femme de l'Italie. Par - tout en général on trouve des Préliminaire. lxix muficiens, & on entend de la bonne mufique. C'eft de tous les arts celui qui fe foutient avec le plus d'honneur en Italie , deftiné dans Ion origine à chanter les louanges de l'Etre Suprême &c des héros, confervé pour les mêmes ufages , &c à être encore l'expreftion naturelle du contentement & du plailir ; il devoit néceflaire-ment fe conferver parmi un peuple né fenfible, qui a toujours aimé les fpecta-cles & les fêtes dont la mulique eft l'âme, & fe perfectionner même à mefure des progrès de l'efprit humain dans la con-noi(Tance générale des arts. xvn. r& Mais comment peut-il fe faire que la fl!x,ol?î fu*1§ peinture qui, pendant plus de deux cent pnnCure* ans, a produit tant de chef-d'œuvres que l'on trouve à chaque pas en Italie , loit rombéedansune efpéce d'anéantiifement, & qu'à peine à prélent il y ait un peintre à citer ; je ne dis pas du premier rang , mais qui marche feulement fur les traces de Carie Maratte & de Ciro Ferri, deux peintres que l'on compte parmi les grands de l'école Romaine , parce qu'ils ont fer-vi à entretenir la fucceiiîon , quoiqu'ils fuffent bien éloignés de Raphaël, de Jut les Romain, & même de Pierre de Cor-tone leur maîrre. A quoi attribuer cette ceftation de ta» Uns ? Les grands modèles fpnt certaine-^ ment pins communs que du temps des illuftres fondateurs des différentes écoles > qui pour la perfection du defîein ne pou-voient étudier que quelques morceaux antiques alors peu communs. Ces fublimes productions de leur génie , ces grandes 6c magnifiques compofirions , où l'on trouve toutes les perfections de l'art, parurent tout d'un coup , 6c durent étonner ceux même , qui en étoient les auteurs. Ces beaux modèles fe font multipliés partout a un point difficile à imaginer, quand on n'a pas vu les grandes collections d'Italie. Que de préceptes où les fecrets de l'art font dévoilés ! Que d'académies 6c de profeffeurs ! Les talens ont les plus grandes facilités pour fe développer ; 6c ils ne paroilfent pas. N'en cherchons pas la raifon ailleurs que dans un certain ordre de révolutions , qui tantôt fait paffer les talens d'une région à une aune , rantôt les tient dans une inaction , dans un en-gourdiffement qui en lailfe à peine apper-cevoir le germe dans ceux qui paroilîent faire le plus d'efforrs , pour leur donner une nouvelle exiftence , 6c dont on eft réduit à louer plutôt la bonne intention que les fuccès : enfin c'eft qu'il y a des temps comme il y a des contrées où les yeux ne peuvent pas s'ouvrir affez pour connoitre les modèles que fournir la na- Préliminaire. lxxj rure, & en appercevoir les beautés réelles. Raphaël, Michel-Ange , le Titien , Paul Veronefe , Annibal Carrache, le Guide avoient l'efprit plein d'idées relevées ôc gracieufes ; un fujet qu'ils avoient i traiter , un objet qui fe préfentoit à eux , en recevoit un nouveau degré de beauté que feuls ils avoient été capables d'imaginer ; mais cependant li vrai, fi naturel, qu'il eft encore regardé comme la perfeéîion de la nature même, par tous ceux qui font capables de s'élever allez pour contempler d'un œil jufte leurs fubhmes productions. Il y a des événemens Singuliers, des façons de penfer bizarres , qui femblent annoncer la décadence des arts, en même temps qu'ils mettent des entraves au goût & au génie même. J'ai vû de mifé-rables peintres employés à Rome par des ordres fupérieurs, à habiller la plupart des figures nues de la fameufe chapelle Sixtine du Vatican , peinte par Michel-Ange , où cet artille immortel s'étoit livré à toute la fierté de fon génie. J'ai vû un bon peintre mouiller de fes larmes fa palette & fon pinceau, parce qu'on le forçoit de couvrir d'un voile, partie d'un magnifique tableau de Raphaël , dans lequel un enfuit Jefus paroif-foit trop nud : & c'eft dans la Rome de nos jours que la délicatetfe fur l'article des mœurs eft montée à ce point d'often-tation ! Ceft-li qu'une main mal-habile couvre de plâtre Se de plomb le bronze Se le marbre que le cifeau de Michel-Ange faifoit refpirer ! Que de coups mortels porte aux beaux arts l'ignorance féduire par l'apparence d'une réforme idéale ! xviiT.uri- C'eft ici le lieu de parler de l'utilité de !iré dii'ÎZde l'étude des tableaux, & de la manière de de» tableaux. ... . . 5 . les bien voir, plus pour les amareurs que pour les artiftes, dont jerefpecte les droits Se les connoifiances. Aucun art n'eft aulîi propre à nous don-* ner de nouvelles idées , aulîi prompte-ment Se avec autant d'étendue que la peinture. Celles qui nous font ainii communiquées , ont l'avantage de porter roue d'un coup dans notre efprit, les objets qu'elles nous repréfentent ; elles éclairent immédiatement notre entendement, 014 elles femblent les former , rels qu'ils font exprès pour nous les faire connaître; c'eft dans cette admirable ficulté que paroît conlifter l'efîence du génie de la peinture, Se qui la rend à cet égard iî fupérieure aux 1 autres arts libéraux. Quelle eft la defeription , quelque cir-conftanciée qu'elle foit, qui affectera fon lecteur d'une manière aulîi vive que le peut Préliminaire, lxxïîj peut faire un beau tableau ; qui renouvelle tout d'un coup dans l'efprit du fpec-tateur , la plus belle fuite d'idées qui élevé lame , &c qui met devant les yeux dans le même mitant, le fublime de la poëfie Se celui de la peinture. On croit voir l'impétueux Achille abu-fant des droits de la victoire, infultant à l'humanité & à la valeur, lorfqu'il traîne attaché à fon char , le corps d'Hector, qu'il a tué plutôt pour venger la mort de Ion ami Patrocle que pour fervir la caufe des Grecs : on voit d'un même coup-d'œil tout ce qui a précédé Se fuivi cet événement de 1 hiltoire ancienne de Grèce ; on prend une idée plus vraie du héros ; on le connoît mieux que par la lecture la plus réfléchie de l'Iliade , en confidérant le grand tableau de Soiimeni, qui elt à Gènes au palais Durazzo. Le tableau de la transfiguration de Raphaël qui elt à faint Pierre in Montorio à Rome , femble nous donner de nouvelles lumières fur le myf-tere ineffable qu'il repréfente \ la partie fupérieure qui efi toute employée à donner une idée éclatante de la transfiguration , élevé l'ame, tandis que la partie inférieure qui repréfente les Apôtres em-barrafles pour guérir un poffédé qu'on leur préfente , efi une allégorie excellente du peu de pouvoir de l'homme fans le fe- xxW Discours cours de Jefus - Chrift ; il faut que les Apôtres attendent que leur divin maître foit defcendu de la montagne , pour opérer la guérifon qu'on leur demande avec tant d initance. Pouvoit-on exprimer d'une manière plus heureufe , la chute des anges rebelles & le renversement du trône que Lucifer leur chef avoir voulu s'élever , que de la manière dont l'a fait Luea Gïordano, dans un tableau qui eft à l'églife de l'Afcenfion , au fauxbourg de Cluaïa de Naples ? Le delfus du tableau eft occupé par la figure majeftueufe de la féconde perfonne de la Tnniré qui repréfente la puilfance active de la Divinité : au milieu font placés dans le plus bel ordre, les anges fidèles, parmi lefquels paroît avec éclat l'Archange Michel. Plus bas le? anges rébelles chargés de tous les hgnes affreux de la réprobation, font culbutés pèle mêle dans l'abîme \ leur chute f.-mble encore précipitée par le poids du iroue renverfé de Lucifer , fur lequel on lit ces mots \ 6' crûJîmiiis Altijfimo. Quoi de plus magnifique encore que les diirérentes allégories fous lefquelles Paul Véronefe a repréfente la puilfance de la république de Vénife , la fagelFe de fon gouvernement, l'exactitude févére de fes loix., dans le plafond de fa falle du grand confeil, & fur-tout dans celui Préliminaire, lxxv du confeil des dix ? Que l'on jetre les yeux fur l'excellent tableau de Rubens qui eft au palais Pitti à Florence ; tk l'on fera pénétré dans un inftant, de toutes les idées que pourroit donner le plus beau pocme fur-les malheurs de la guerre , qui dévafte la campagne , bannit les arts , eft précédée par la frayeur tk le défordre, Se traîne à fa fuite la défolation tk la ruine. 'Que de tableaux diftingués je pourrais citer , dont on trouvera ladefeription dans la fuite de ces mémoires , tk dont la feule expofition fera connoître l'utilité tk l'agrément de la peinture mife devant les yeux d'un voyageur qui profite de toutes les oc-calîons de s'inftruire 1 Mais, dira-r-on , la peinture ne parle xix. m«-ainfi qu'à ceux qui connoiifent déjà le^^J-fujer repréfente ; s'ils n'en avoient aucu- tudfcr les u-ne idée, ils le verraient fins intérêt, tk bJcau*» feraient tout au plus fenfibles à la beauté des couleurs, tk à la juftefïè du deiTein ; encore faudroit-il qu'ils eulfent quelque connoiifance pratique de l'art, tk qu'ils portaftent leurs regards au-delà de la fur-face. La remarque eft iufte ; auflî pour trouver un agrément réel à voir des tableaux , il ne fuffit pas de les courir parce qu'ils ont de la réputation , tk que c'eft l'ufage de ne pas pafler fans leur avoir donné un coup d'ceil , pour dire enfuite qu'on les a vus ; il elt à propos & même nécellaire qu'un voyageur ait des connoif-fances bien fupcrieures à celles du vulgaire , qui ne fçait qu'admirer fans raifon 3c fans réflexion. Ii faut qu'il foit capable de juger d'un tableau ; 3c pour en bien juger, il doit avoir la plupart des qualités du peintre , je veux dire celles qui ne regardent point la pratique de l'art. Il fiut connoitre parfaitement la nature de fon fujet, 3c fçavoir ii on peut le repréfenrer avec plus d'avantage, 3c par rapport à quoi on peut le faire ; c'eft ce qu'on appelle bien faifîr l'idée du peintre. Ce qu'il eft encore très-important de connoîrre , ce font les paf~ (ions 3c leur nature ; de quelle manière elles fe font fentir 3c fe montrent à l'ex-r férieur. Il faut avoir aulîi l'œil délicar pour ju-«zer de l'harmonie 3c de la proportion cbs objets entr'eux, de la beauté des couleurs, êc de l'exactitude de l'artifte- Sur tous ces objets , il faut recevoir 3c ranger fes idées, d'une manière jufte , naturelle 3c impartiale. ta connoilfance de l'hiftoire n'eft pas moins nécelfaire pour prendre quelque plailir à examiner les tableaux , & pour en bien juger. Sans quoi on fe lalTe bien-|pp de conlidçrer un certain nombre de Préliminaire. Ixxvijf figures peintes fur la même toile dans desi attitudes différentes tk avec diverfes pallions. Si l'on ne connoit pas le fujet que le peintre a traité, comment jugera-t-on & de la vérité des attitudes , tk de la. fcience avec laquelle les pallions fonc repréfentées ? ' On remarque dans quelques tableaux, tk dans quelques ftatues antiques tk même modernes, une fublimité de penfée tk d'expreilion fi frappante que Ion ne fçait comment l'artifte a pu la concevoir; ce n'eft pas qu'il foit forti du naturel ; au contraire,l'expFefîion eft fi vraie tk fi jufte qu'elle nous perfuade autfi-tôt que nous la voyons. Mais nous n'en fommes pas moins étonnés de la fcience profonde &X de l'heureux génie qui a pu exécuter de il belles conceptions. Comment s'y pre-noient les artiftes pour arriver à ce point de perfection ? Ils fe livroient entiére-jnent à la beauté de leur imagination qu'une imitation fage de la belle nature régloit toujours. Phidias, dit Cieéron, lorfqu'il vouloir repréfenter Jupiter ou Minerve, ne contemploit aucun objet matériel pour y prendre une reflTemblance qui ne pouvoit qu'être au-defîous de fon objet. Il avoit recours à fon propre esprit ; il y étudioit les idées qu'il s'étoit formées de la beauté , tk de la dignité ; 6c d'après ces images qui croient parfaites dans fon ame, il donnoit au maibre la. vie 6c l'immortalité. Le grand Raphaël, toujours occupé de la perfection de fon art, ne laiifoit échapper aucune des idées nouvelles qui fe pré-ientoient à fon efprit, fans les réalifer fur le champ , en les deilînant de la manière la plus exprelïïve pour le fujet qu'il avoit à traiter. Il formoit ainli une multitude de parties détachées qui avoient rapport à quelque grand tout : quand il falloir le compoler, il raflembloit fes deffeins originaux, fes premières conceptions, rapprochait celles qui fe convenoient le mieux, & par ce moyen compofoit rrès-habile-menr fes tableaux dont toutes les parties exiftqient & étoient formées, avant que d'avoir une deftination arrêtée. Alors il donnoit aux différentes figures , route la force avec laquelle il les avoit d'abord-conçues , & dont fes deffeins lui rappel-loient l'idée. Telle fut fans doute la ma* niere de tous les grands maîtres ; fur-tout dans ces comportions fçavantes où plu-iîeurs parties s'uniffent pour former un grand tout. Une réponfe lumineufe de François du Quefnoy, dit le Flamand , très-excellent fculpreur, fera mieux fentir ce que j'ai déjà dit fur la manière dont le génie fçaic P R E t 1 M I N A I R L ÎXtîH faifir les objets. Un de fes amis bon con-noiiTeur, toi confeilloit de ceifer de travailler à un ouvrage , qui lui fembloic être à fi perfection. Vous avez raifon y lui dit l'artifte, vous qui ne voyez pas l'original ; mais moi qui 1 ai dans l'efprit , je travaille à lui faire reiTembler cette copie. Voilà vraiment le fecret des grands, artiftes , cette magie charmante qui nous pénétre d'un plaint fi fenfible , qui enlevé nos fuffrages, tk nous fait fentir toute l'excellence de ces hommes habiles- qui ont laifié de fi belles preuves de leur génie. Combien une telle manière n'eft-elle pas plus vraie tk plus noble que la routine ufée des artiftes vulgaires qui y pour faire une beauté , dérobent les grâces à: une multitude de fuiets différens, les yeux; de l'un, la bouche de l'aurre ? Les formes > les conrours, les attitudes mêmes font d'autant de fujets* différens : ils croient faire des merveilles en ralTemblant les parties; détachées de la beauté : peuvent-ils ignorer que la nature fimple dans fes productions , ne peut jamais être imitée par cet aflemblage qui eft entiéremenr oppofé à. fes foix ? Tous leurs efforts n'aboutilfent d'ordinaire qu'à produire des ouvrages qui au premier coup d'ceil ont quelque éclat :: mais quand on les confidére avec attention , on n'y trouve plus rien qu'une conv div Ixxx Discours pofition maniérée , froide, fans génie & fans goût , dans laquelle on peut louer roue au plus la propreté , avec laquelle tant de pièces de rapport ont été rapprochées les unes des autres. Le payfage eft une partie eifentielle du x x. Ta- tableau \ c'eft le lieu de la fcène où font Ju*dePa>- placés mille événemens très-differens les uns des autres ; c'eft en même - temps une imitation fidèle de la nature. Il ie-roità fouhaiter que le peintre connûralfez parfaitement le lieu même qu'il doit re-préfenter pour le rendre dans toute la vérité dont il eft fufceptible. Il eft vrai que les artiftes qui méritent d'être honorés du nom de peintres, font prefque Toujours aiïez inftruirs, pour ne pas tomber dans des bévues grolîières à ce fujet : mais fou-vent ils enrichiflent trop leurs payfages j ils les chargent ou de monumens antiques,, ou d'autres objets qui partageant l'attention du fpectateur, font difparatesavec le refte du fujet, tk forment quelquefois deux aérions ; ce qui eft un défaut elfentiel dans un tableau. Les tableaux purement de payfage font à la peinture ce que font les paftorales à la poëfie : ils font fufceptibles du mê-'me degré de mérite. Claude le Lorrain a Î>arfaitement réufii dans ce genre, tk tient e premier rang parmi les payfagiftes. SaL vator Rofa a repréfente la nature brute Se fauvage , mais d'un ftyle noble & grand ; il connoifioit les points de vue les plus f rappans des Apennins où il paroît qu'il avoit étudié la nature. Panïni a travaillé heureulement dans ce genre \ on voit chez le roi de Sardaigne à Turin des vues du Piémont tirées de la hauteur de Rivoli r qui font l'imitation la plus exacte de la nature. Il en a travaillé d'un autre genre d'après les vues de l'Italie méridionale Se fort chargées de ruines antiques. On con-noît les rableaux de payfage du Poujjln , de même que ceux de liukens y celui-ci a toujours repréfente heureufement la nature , il l'a encore enrichie 6c rendue plus piquante,.en y plaçant à propos les phénomènes les plus brillans , comme L'arc -en-ciel, les éclairs, Sec. De nos jours M. Vemct a Irait des tableaux admirables en ce genre , 6c doit être mis au premier rang parmi les payfagiltes. Ce qu'il a peint au palais Borghèfe à Rome eft excellent , vrai, Se parfaitement colorié. L'attention de l'artifte dans ce genre d'ouvrage eit de prendre garde que la ligure ne domine: trop Se ne tende à frire un tableau d'hif— toire de ce qui ne doit erse qu'un payfage ; inconvénient dans lequel le Pouiîny eft tombé quelquefois, en plaçant dansfes dv payfages, des traits d'hiftoire qui y font hors d'œuvre. xxt. Ré- On ne lit qu'avec le plus grand étonne-flexions fur la ment ce que l'on raconte de la perfection-pcmcure anci- ^ pejnmre antique y elle devoit être portée à un degré d'exprelîïon que l'on imagine à peine. Le fameux tableau du Sacrifice d'Iphigénie , par Thimanthe , étoit le chef d'oeuvre de l'art. Pline l'ancien en parle comme d'un ouvrage au-delïus de tout éloge ; 8c cela fans doute fur la foi des auteurs Grecs. Je crois devoir 'obferver à ce fujet que les Grecs , extrêmement fenfibles à tous les genres de-beauté , fur-tout à celle des arrs qu'ils croient leur appartenir exclufivement, les vantoient beaucoup & les louoient avec hyperbole, c'étoit le ftyle des Orientaux ils l'ont confervé , 8c leurs voifins les imitent. On a été long-temps que l'on n'avoit aucune peinture antique qui pût faire juger de leur perfection. A la fin du feizié-me fiécle , fous le pontificat de Clément VIII, on trouva fur le mont Efquilin dans les ruines des jardins de Mécénas ,, le tableau qui repréfente un mariage 8c qui eft connu fous le nom de noce Aldo-brandine , du nom même de ce Pape. Tous les connoiffeurs s'extafîerent à la? vue de ce monument unique : ils lui don--aèrent deux mille ans d'antiquité,. & nhé- Préliminaire. fxxxiij itèrent point à le regarder tomme une production du pinceau d'Apelles qu'ils prétendirent être venu à Rome : ce fut fans doute le refpect pour la vénérable antiquité qui détermina les bons artiftes de ce temps à regarder cette peinture comme une merveille de l'art,. eux qui a voient fous les yeux les chef-d'œuvres de Raphaël,, du Corrège, du Titien , & de rant d'autres dont les moindres productions fonc: fort au-deifus de cette pièce ; fon premier mérite eft d'avoir été fi long-temps"-confervée. Depuis quelques années on a trouve' dans les ruines d'Herculée , fous Porrici,, des tableaux de tous les genres, dont plu-fieurs pourraient foutenir la comparaifon. avec la noce Aldobrandine 'r tk certaine-menr ils n'ont rien ni pour le deflein , nt pour l'ordonnance , ni pour l'exécution ,. qui approche de Parr des grands peintres modernes. Cependant ils font incontefta-blement de peintres Grecs. Quoique cette ville fût foumife à l'empire Romain, tous les monumens que l'on-y a trouvés, prouvent que non-feulement on s'y fervoit de. la langue Grecque , mais que les moeurs tk les tifages y étoient les mêmes qu'à-Athènes , ainli que je le prouverai err parlant du Mufeum Herculanum de Portici*, &c des. uéfors qu'il renferme. Ce que je Ixxxiv Discours trouve d'admirable dans ces tableaux; c'eft qu'ils ayent réiifté ii long-temps d'abord à la chaleur , enfuite à 1 humidité, fans être détruits, leur état actuel prouve que les artiftes de ce temps fçavoient bien préparer leurs couleurs , tk donnoient à l'enduit fur lequel ils peignoicnt, une foli-dité à toute épreuve. Ce n'eft donc pas fur les peintres antiques que fe font formés les peintres modernes \ on pourroit dire plutôt que c'eft d'après leur propre génie , aidé de L'imitai* tion de ces bas-reliefs admirables, de ces ftatues antiques ii parfaites que l'on voit à Rome & à Florence , tk qui prouvent à quel point de perfection la iculpture & le delîein avoient été portés chez les aiir ciens. Ce que l'on a tiré de bronzes tk de ftatues des ruines d'Herculée n'eft pas moins parfait. xxir. Etu- L'étude de l'antique eft un objet intéref-cdc lami" faut pour un voyageur curieux. On aime à voir tk à reconnoitre les ftatues des per-fonnages les plus célèbres de l'antiquité. On fe plaît à fe rappeller leurs uiages de leurs mœurs dans les monumens aflez biemeonfervés , pour conftarer l'idée que les écrivains contemporains nous en ont donnée. C'eft fur-tout à Rome que l'on peu*sen injftruire j que cette ville devoit P r é l r m i n a T r e. IxXXV être ornée dans les beaux temps de fa Splendeur , avant que Conftantin en-eût enlevé ce qu'il y avoit de-plus beau pour décorer fa nouvelle ville ; avant que les barbares l'enflent faccagée tant de rois, &C que le zélé mal entendu de la religion , eût regardé la plupart de ces chef-d'œu-vres comme des objets d'abomination,par-ce qu'ils avoient ferviau culte des payens! La précipitation aveugle avec laquelle le3 uns &c les autres ont cherché à les anéaiv-tir , en les culbutant pèle mêle avec les temples &c les bâtimens dont ils fai-* foient l'ornement, eft ce qui les a con-fervés dans les enrrailles de la terre d'où ils n'imaginoient pas qu'on les tireroit jamais. On en retrouve encore tous les jours , peu d'entiers , beaucoup de mutilés ; mais il y a à Rome des artiftes qui s'entendent très-bien à les reftaurer , & qui s'y occupent uniquement. Ce que l'on a trouvé à Herculéeeftde la plus grande perfection, fur-tout en fait de bronze. La riche collection des Médicis eft connue ; les Vénitiens ont apporté de Grèce quelques morceaux précieux & bien confervés. C'eft d'après ces chef d'ceuvres que les artiftes modernes fe font formés ; les plus excellens d'entr'eux ont crû être arrivés à laper-fection,quand ils ont eufairquelques pièces Ixxxvj Discours que l'on pût oppofer à l'antique. Il en tant excepter Michel-Ange qui dans le genre fublime s'eft élevé au deifus de tout concurrent : le Moiie fait pour le tombeau de Jules II eft d'une noblelfe tk d'une force à laquelle on ne peut rien com-parer.Quelques ftatues faites pour les tombeaux des Médicis à Florence, que l'on voit dans l'églife S. Laurent, font d'une fublimité d'expreflion qui étonnera fcience de cet artifte incomparable y eft d'autant plus marquée, que la plupart de ces. ftatues ne font pas achevées. Le Bandinelli, Jean de Boulogne, l'Ai-gardi ont couru la même carrière avec les plus grands fuccès. Le Bcrnin, dans un goût différent, moins élevé, mais toujours élégant tk gracieux, eft original dans plu,-lieurs de fes ouvrages. La ftatue de fa in te-Thérèfe dans l'églife de la Victoire à Rome eft une pièce admirable qui a tout le-charme pofhble de l'exprelîion, tk à laquelle je ne connois aucun antique que l'on puilfe oppofer. J'en parlerai plus au. long à l'article de Rome. Je reviens à la fculpture antique , & je crois ne rien avancer de trop , en difant que l'on y trouve des modèles excellens dans tous les genres. Les anciens artiftes,. après avoir bien réuflî dans un fujet, cherchèrent les mêmes fuccès dans sous les aa> P r i i r m i n a i r E- Ixxxvif très. Ainfi on voit d'excellentes ftatues d'hommes, de femmes, d'enfans , d'ef-cbves &: même d'animaux ; dans pluileurs on trouve le choix de la plus belle nature „ les expreilions les plus vraies Se les plus nobles , des contours purs Se élégans, une variété , un ordre Se une fimplicité admirables dans, les ajuftemens. Les anciens-n'y admettoient rien que ce qui y étoit né-ceiïàire. Ce font ces qualités qui font juftement palier leurs ouvrages pour la régie la plus, fûredu goût il eft vrai que l'on ne trouve pas cette perfection dans rout ce qui nous, refte d'eux : mais dans leur médiocrité même on voit encore une élégance., une. pureté de ftyle qui les rapproche de la belle nature. Quant aux ouvrages de décoration , on-fçait quelle étoit la beauté des formes qu'ils employoient y leurs vafes font encore les plus beaux modèles que l'on puifle imiter, Se l'on n'a rien imaginé dans ce. genre que l'on puilTe comparer à ces urnes antiques que l'on voit à Rome Se dans les autres villes où l'on a fait des collections d'antiquités. C'eft l'étude de cesr beaux monumens qui a formé tant de grands artiftes ; la différente façon de les voir a produit les manières différentes, parce que chacun fe les éft appropriés fous. le point de vue le plus convenable 1 fon génie. On en trouve la preuve dans la eomparaifon des tableaux des modernes avec les bas-reliefs antiques qui y ont quelque rapport. On pourroit dithnguer ceux qui ont le plus happe les Carra-ches , les Gujrchin, les Guide j car du temps de Raphaël & de Michel-Ange, ii y avoit encore h peu de monumens antiques découverts, que ces deux grands ref-ta ura te us des arts doivent plus à leur propre génie qu'à l'imitation de l'antique. Quelqu'étendues que paroilfent ces réflexions , elles le feroient beaucoup plus, fi c'étoit ici le lieu de dire tout ce que la. vue de tant de beaux monumens infpire; mais mon intention eit moins de les faire connoître que de donner une idée de la manière de les voir avec utilité ; on en jugera mieux lorfque j'en parlerai dans la fuite de ces mémoires, en rapportant ce qui le trouve de plus remarquable dans-chaque ville où j'ai fait des obferva-tions. srxnx Ar- L'architecture n'a pas été négligée en iceaure. Italie. Les princes qui ont régné à Rome, à Florence , à Ferrare , à Mantoue & plusieurs feigneurs particuliers , ont fignalé leur magnificence & leur goût par des conitructions qui fubiiitent encore. L'an- Pféiiminaire. lxxxïx tique n'a aucun monument auilî entier que le Panthéon d'Agrippa que Ton vois à Rome. Ce qui refte des autres édifices antiques donne l'idée de la plus grande magnificence tk d'une nobleffe de com-pofition extérieure que L'on ne retrouve dans aucun édifice moderne. Rien n'a jamais été aulîi grand &C aufîî-bien exécuté que le fameux amphithéâtre de Rome. Il n'en refte plus que des ruines , mais elles font fi majeftueufes , l'art s'y montre avec tant de fublimité , que l'on voit qu'il n'y a eu que les Empereurs maîrres du monde qui ayent pû imaginer tk faire construire aulli promptement tk avec autant de grandeur , cet édifice immenfe feulement deftiné aux plaifirs du peuple , 5c avec rant de folidiré qu'il eût triomphé du ravage des remps , n la fureur des barbares , l'ignorance , le mauvais goût, &3 un orgueil mal entendu n'euftent réuni leurs effotts , pour mettre ce monument fuperbe dans Pétât où il eft aujourd'hui* On juge par-là de ce que dévoient être les édifices publics où s'alfembloit le fé-nat ; cette place que Trajan avoit décorée avec tant de foin dans le temps que Rome étoit encore remplie des dépouilles les plus magnifiques de toutes les nations mr les temples où les triomphateurs fe rendaient en pompe pour faire des facrifices- folemnels ; les palais des Empereurs ; roue; ces monumens n'exiftent plus que dans les deferiptions des anciens auteurs. On fç, ait où ils étoient limés , on en voit quelques vertiges r, mais cette multitude de-colonnes antiques , des plus beaux marbres d'Afrique , qui décorent les égliles Se les palais de Rome ; la quantité de marbres précieux que l'on trouve épars dans cette grande ville, Se fur la plupart defquels on reconnoît encore quelques marques de leur première deftination y prouvent quelle fut jadis la magnificence de ces édifices. On trouve encore dans les environs do Rome quelques morceaux précieux de conftructions antiques, qui font dans le-goût de l'architecture Grecque , enti'au-tres le petit temple qui eft au-dcifus de la grande cafeade de Tivoli, Se que l'on appelle dans le pays le temple de la Si bille Tiburrine. Les reftes du palais d'Adrien , au delTbus de Tivoli, quoiqu'abfolument ruinés, donneront encore une idée de la magnificence de ce prince , protecteur des beaux arts ; fa vafte enceinte eft couverte de débris de colonnes, de chapiteaux , de corniches , d'un excellent travail Se des. plus beaux marbres. On voit dans les environs de Naples plulîeurs temples antiques de la meilleure forme 3 & d'après lef- Préliminaire. xcf quels on peut prendre une idée de l'Architecture Grecque } on y admirera fur-tout les reftes du petit temple de Sérapis découvert depuis peu d'années à côté de Pouzzols , tk que Vanvitelli, architecte Romain employé par le roi de Naples ^ a deftiné fi habilement tk li heureufement à faire le veftibule de la grande chapelle du château royal de Caferte. L'amphithéâtre de Vérone confervé dans fon entier, debarraifé de toute conftruction étrangère, elt très-capable de donner une idée de ces édifices deftinés uniquement aux ipec-tacles. Les arcs de triomphe de Rome ,. de même que ceux qui relient encore à Ancone * à Vérone,. à Suze , font autant, de monumens de la grandeur Romaine , du goût des temps où ils ont été conftruits, par lefquels on peut juger du progrès des. arrs, Je le répète : il y a peu de monumens antiques confervés dans leur entier; mais les parties qui en reftent font regretter qu'ils foient détruits. Par-tout on voit que les Grecs qui ont donné les premières, régies tk fourni les plus beaux modèles avoient porté cet art à fa perfection, tk que l'on n'a réuni qu'autant que l'on s'en: rapproché de leur manière. Dans les fiécles d'ignorance tk de barbarie , cet art fi beau tk fi utile fembloit s'être perdu j on étoit alors plus occupé à\ détruire les beaux édifices de l'antiquité qu'à les imiter. Les maifons des princes Se des grands feigneurs n étoient, pour la plupart, qu'un amas confus de tours réunies par de fortesmurailles fans fymmétrie, fans goût,- fans aucune idée d'architecture. Ces fortes de fortereffes étoient les afyles où la violence s'affuroit l'impunité ; les temples n'étoient que de longues voûtes maliives tk obfcures fans aucun ornement tk de l'afpect. le plus trille j tel étoit le gothique ancien. On trouve peu de monumens remarquables du gothique moderne en Italie, excepté quelques égli-fes de Pavie, la cathédrale de Milan, faint Pétrone à Bologne, le palais ducal à Ve-nife. Ces édifices prouvent que l'on peut bâtir folidement, hardiment tk d'un goût bizarre qui n'offre rien de plus remarquable que la difficulré de l'ouvrage 8c la patience des ouvriers. L'églife de la char-treufe de Pavie, les-cathédrales de Pife 8c de Sienne, quoique dans le goût gothique, font fi fupérieures aux édifices de cet ordre , pour la richefTe des ornemens 8c la beauté de la conitruclion, que l'on oublie, en les confidérant, les irrégularités gothiques qui y font. Mais lorfqu'enfin on eut ouvert les yeux fur les véritables beautés de l'architecture:, avec quel éclat elle reparut tout d'im coup! Rieti n'eft comparable à la magnificence de l'églife de fâint Pierre de Rome. Ce monument admirable eft le chef-d œuvre du génie des artiftes les plus célèbres. Ceux cpiï les ont fuiyis & qui ont travaillé à la décoration intérieure de ce fupeibe édifice , étoient dignes de marcher lut les traces des grands hommes qui les avoient précédés. Les ornemens y iont diftribués par-tout avec autant de richeife que de goûr. L'or, les marbres les plus précieux tk le b onze auuvent une durée immortelle à ces ornemens ; le Cavalier Bernin qui femble avoir mis la dernière main à ce chef-d'œuvre, en faifant l'autel principal; le grouppe magnifique de la chaire faint Pierre qui eft au fond de l'abfide,&: la belle colonnade qui règne autour de la place, ont rendu ce monumentélevé à la gloire du vrai Dieu, achevé dans routes fespar-ries. Il ne refte plus qu'à faire des vœux pour que fa durée foit immorrelle \ pour cela il eft entretenu avec le plus grand foin, tk on ne néglige aucune des réparations qui y font à faire. On doit regarder cet édifice comme le premier objet de eu-riofité qui foit à Rome tk dans toute l'Italie. Il mérite feul que Ton falfe ce voyage, fur-tout fi on veut prendre l'idée d'une conftruétion magnifique, à laquelle je ne crois pas cju'il y ait jamais rien eu de comparable dans le relie de l'univers. Oft voit à Rome beaucoup d'autres églifes de la plus belle conftruétion ; on y voit des ■façades d'une beauté iïnguliere, plulieurs imitées de l'antique , dans lefquelles on retrouve la majelté, la noblelfe Se la fini-plicité de la manière grecque. On admirera fur-tout dans la petite églife de fiint André du noviciat des Jéfuites, que le Bernin regardoit comme fon chef-d œuvre, un modèle excellent d'une conftruc-tion fage , décorée du meilleur goût, Se exécutée d'après l'antique même*; on y retrouvera les proportions de ces temples antiques dont on admire les relies aux environs de Naples. Que de beautés, tant à l'intérieur qu'a i'extérieur, offrent encore aux curieux , les palais de Rome, les galeries Se les colonnades qui en décorent les cours ! Les palais Farnefe, Borghefe, Pamphile, Al-tieri, Colonne, Barberin Se tant d'autres, réuniifent la grandeur Se la majefté de l'antique avec toutes les aifances des bâti-mens modernes. Que de belles chofes à remarquer à Frefcati Se à Tivoli, dans ces palais délicieux où les princes Romains vont paffer une partie de l'été ! L'architecture a été plus négligée à Naples; on y voit de grands édifices, mais la plupart fans goût. Il y a quelques belles églifes j Préliminaire. xcv îe palais du rai Se celui de l'académie font les conftructions les plus remarquables. On trouve beaucoup plus de goût dans les édifices de Florence ; Léonard de Vinci tk Michel-Ange ont laiifé des modèles excellens que l'on a imités avec fuccès. On y remarque plulieurs palais de la plus belle conftrudtion ; mais l'architecture ne fe montre mille part avec autant d'agrémens qu'à Vernie tk à Vicence. On y retrouve par-tout le goût tk le génie des Grecs. On doit cette magnificence au fçavant Palladio, le plus grand architecte de fon fiécle, celui qui a le mieux connu les vraies proportions de l'architecture grecque, tk qui les a mifes en pratique avec le plus de fuccès. Plulieurs palais à Venife décorés à l'extérieur d'un double ordre de colonnes; les églifes de faint Georges le Majeur tk du Rédempteur, les façades de plufieurs nurres, font des monumens durables de fil fcience tk de fon goût. La ville de Vicence, qui étoit la patrie de ce grand homme, eft remplie de chef-d'œuvres de fon génie.. Le théâtre olympique qu'il y a fait bâtir eft la preuve la plus convaincante que per-fonne n'avoit étudié le goût des Grecs, tk ne le poiîèdoit comme lui. Les villes de Turin, Milan, Gênes, Bologne, Parme, Vérone, tkc. ont des édifices dignes de l'attention des voyageurs ; il en fera parlé i leurs articles. Mais on trouvera peu de plaifir à voir ces beaux monumens ; on n'aura pas ce goût piquantdeairiofiré, ce difcernement qui met en état d'examiner avec profit,ô\: d étendre la fphcre de fes connoilfances , fi l'on commence par les voir, fans avoir acquis quelques-unes de ces notions préliminaires qui mettent en état de diitinguer «n ordre d'un autre ; de fçavoir comment il convient qu'ils foient placés, quand on en emploie plulieurs dans la même conf-rruction ; de ne pas confondre les goûts différens c< les âges : ces connoilTances ne font pas tellement particulières aux artiftes, qu'elles ne foient très-convenables, au moins en un certain degré à un voyageur , qui veut tirer quelque utilité de fa peine &z de fa dépenfe ; c'eft à quoi on doit faire attention , pour trouver dans les voyages, un plailir que l'on doit s'alfurer d'avance : fans ces foins il arrive que l'on yoit fans aucun goût tout ce que l'arr a de plus curieux & de plus rare, on regarde froidement ce qu'il eft d'ufage de voir dans chaque ville ; on s'ennuye de confîdérer des objets defquels on ne peut pas juger j enfin on revient chez foi plus ignorant peur-être que l'on n'en étoit parti,- parce qu'on a paifé un tems coniidérahle dans une diilïpation continuelle, à voir rapidement une multitude d'objets, dont on ne peu; Préliminaire. xcvij peut avoir pris qu'une idée confufe qui M'a fervi qu'à porter le défordre dans l'imagination au lieu de l'enrichir. C'eft pour prévenir , autant qu'il eft en-moi , ces inconvéniens li ordinaires*à la plupart des voyageurs , que j'ai écrit ces mémoires aftez circonftanciés , pour leur infpirer quelque goût pour les beaux arts, dont le lpectacle détermine en partie à faire le voyage d'Italie, tk même pour les guider tk leur ouvrir les yeux fur les principaux objets de curiolité. Ils verront par le compte que je rends, quel parti un amateur qui n'a jamais manié ni le pinceau ni les crayons,peut tirer d'un examen réfléchi des tableaux, des ftatues tk des édifices, rant antiques que modernes. C'eft ici le lieu de dire quelque chofe de la gravure. Cer art utile ëc agréable eft^""' aux autres arrs ce que l'imprimerie eft aux fciences tk aux belles lettres ; il multiplie les productions des peintres , des fculp-teurs tk des architectes, en faifant con-noître le génie, le goût tk la manière des grands maîtres. Cer art, né à Florence dans le milieu du quinzième iîécle, pana en Flandres, où il nt des progrès rapides} il n'a pas eu autant de fuccès en Italie qu'en France, où il femble avoir été porté à fa perfection dans ce iîécle. Mais on eftime les gravures *e à l'eau forte & quelques planches en bois des Italiens, dans lesquelles on trouve une légèreté & une hardieife de deifein qui les rapprochent des deilèins originaux. C'efc ainli que les Carraches, le Guide, le Par-mefan, ont gravé, foit d'après leurs com-poiîtious, /oit d'après celles des grands maîtres qui les avoient précédés ; ces ef-tampes font très - recherchées ; elles font touchées avec une intelligence & une liberté qui rend avec exactitude la manière de defuner des maîtres mêmes; voilà pourquoi les connoilTeurs préfèrent les eftam-pes à l'eau forte, à celles qui font gravées au burin ; les hiieues du burin arîoiblif-fent fouvent fk changent le goût de l'original, donr le traita l'eau forte rend mieux ï'efprit & le caractère. On trouve à Rome, à Venife, à Bologne, chez les petits marchands d'eftampes , plulieurs morceaux précieux dans ce genre , 3c ce font ordinairement ceux dont ils font le moins de cas, que l'on trouve abandonnés fans foin comme eftampes de rebut 3c de nulle valeur. Ce Iîécle voit refleurir cet art en Italie. On connoît la fuite des gravures données d'après les originaux qui font dans la galerie de Florence. Le roi de Naples a fait commencer un magnifique recueil fait d'après les peintures antiques trouvées pRiLIMlNAïlC-g, XCÎX dans les ruines d'Herculée, qui fe continue & qui fera très-confidérable. Les arr tiftes de- Venife qui préviennent le ravage du tems, en corifervant autant qu'il eu: en eux les grandes & fublimes idées du Gior-gion, du Titien , de Paul Veronefe , d» Tintoret & des autres grands peintres de leur école, ont déjà fait allez de progrès dans cet art, pour qu'on puilTe mettre Marco Pitteri. au rang des premiers graveurs de l'Europe. Les Fréis à Rome travaillent avec plus de fuccès que ceux qui les ont précédés, Se forment une fuite de belles eftampes d'après les tableaux d'hif-toire qui font à Rome ; on trouve à la Cal-cographie ou magafin de la chambre apof-tolique, plulieurs morceaux précieux ; le malheur eft que ceux que l'on recherche avec le plus d'empreiTemerit font ceux qui font le moins bien rendus. Plusieurs particuliers , amis des arts , contribuent à leur progrèsSe font paTer leur nom à la pofterité à côté dé celui des grands artiftes, dont ils multiplient les ouvrages en les faifant graver ; c'eft ce que fait actuellement le Marquis Garini à Florence. M. le bailli de Breteuil, ambafTa-deur de Malthe à Rome, a fait graver une fuite de belles eftampes , d'après le Par-mefan , le Guide, le Correge, André del Sarte, Rubans, le Pouflin, Solimene,Bat- c Discours toni 8c plulieurs autres dont il a les originaux- dans fon cabinet, à la fuite defquels il mettra fans doute les antiques précieux te choifis avec goût qui ornent ce même cabinet. Combien il ferait à fouhaiter que l'on formât un recueil d'eftampes, d'après la magnifique collection de tableaux qui eft au palais Borghefe à Rome , compo-fée de plus de douze cent originaux des meilleurs maîtres, à compter depuis le ré-tabîilfement de la peinture jufqu'à Carle-Maratte ! On rafiembleroitibus un même Î)oint de vue , le goût 8c la manière de tous es peintres les puis célèbres. La quantité de ftatues antiques qui fub-fiftent encore 8c que l'on conferve avec aiîez de foin pour donner lieu d'efpérer que la poftérité la plus reculée les admirera comme nous, tranquillifent fur leut confervation à l'avenir ; mais il n'en eft pas de même de la peinture ; combien d'accidens imprévus ont fair périr de tableaux précieux ! Le temps feul furfitpour les détruire \ on s'apperçoit tous les jours de fes ravages. La gravure fauvera du naufrage une partie de ces richefles , c'eft-à-dire la beauté de l'ordonnance , le goût du deflein , ex: de la compofition ; on n'aura à regretter que le coloris enchanteur de la plupart de ces maîtres , qui ont fi parfaitement imité la nature en l'cm- P R ê L I M I N a I R k. C; belliiTant ; mais on peut efpéter qu'il y aura toujours d'heureux obfervateurs qui-trouveront dans la nature même le grand art de bien colorier. Les fciences tk les belles-lettres n'ont' xxv. Etat plus en Iralie cet éclat avec lequel elles y d!4 blli«-Ltt parurent dans les beaux jours de Léon X très. & de quelques-uns de fes fuccelfeurs ; cependant elles ont par-tout des établilfe-mens diftingués ; rien n'eft plus beau que ce qui a été fait, pour leur progrès, à l'Inf-titut de Bologne. Son univerlité a encore des profeiTeurs habiles ; il en refte quelques-uns à celle de Padoue, fi célèbre autrefois qu'elle mérita à cette ville le nom de docte. Les univerfirés de Turin tk de Milan font encore fréquentées ; l'étude du droit fe foutient à Naples avec honneur ; Rome que l'on doit regarder comme le centre du goût Se des fciences en Italie , a une multitude de collèges où l'on en feigne routes les Iciences. Celui de la Sapience tient le premier rang ; la plupart de fes profefieurs font connus dans la république des lettres ; les pères Jacquier & le Sueur, Minimes François, y tiennent un rang diftingué ; le premier y a occupé fuccellîvement les chaires de mathématique , de philofophie Se de théologie. Il y fait honneur à fa nation , autant par les qualités de fon coeur que par l'éten- due de les connoilTances, 8c y jouit de la plusgrandeconfidération.LeP.Torre,clerc-régulier - Somafoue , bibliothéquaire du roi de Naples, célèbre par Ion érudition > & fur-tout par la direction de l'ouvrage , Îiue ce prince continue de faire donner ur les antiques découverts dans les ruines d'Herculée, eft de la plus grande reftour-ce pour prendre une idée jufte des phénomènes extraordinaires qui rendent les environs de Naples li curieux. Enfin il y a peu de villes en Italie où on ne trouve des feavans dans tous les genres. On doit dire a leur avantage, qu'ils font remplis d'attentions pour les voyageurs qui les conftiltent, d'un commerce doux 8c facile, qu'ils n'affeélenr point un fecret myfté-rieux fur leurs connoiflances 8c leurs découvertes particulières, fur-tout s'ils s'ap-perçoivent que l'on eft en état d'en profiter ; mais il fuit les chercher 8c les con-noîtf e , fçavoir les démêler dans la foule ; ce dont on ne viendra à bout qu'autant que l'on aura foin de ménager les premières connoiflances de ce genre que l'on aura faites, de façon à s'en procurer de nouvelles. xxvi.Aca- H femble, à lire le catalogue immenfe imt1, des académies d'Italie, que l'on doit trouver à chaque pas des hommes illuftres jlans tous les genres ; mais que l'on ne s'y V r i l -i M i N A i r S. ciîj trompe pas ; elles n'ont rien de plus célèbre que le nom bizarre &c (ingulier qu'el-les ont adopté j &. ce nom les fait plus connoitre dans les pays étrangers que dans le lieu même où elles devroient être flo-ri liantes, tk où d'ordinaire elles font très-ignorées. Les poètes qui ont toujours été fort nombreux dans cette partie de l'Europe , fe formèrent en fociété fur la fin du feiziéme liécle tk dans le dix-feptic-Ine \ ils tâchèrent de fe donner quelque célébrité > plutôt par leur nombre , tk les titres burlefques qu'ils prirent, que par l'importance de leurs ouvrages. ïl fe peut faire encore que la plupart de ces académies, lors de leur naiffance , euilent quelque mérite qui leur attira les regards des fouverains & leur protection ; mais à préfent ce ne font plus que des erres imaginaires , qui n'ont d'exiftence que dans les anciens catalogues ; elles n'ont ni féan-ces fixées, ni lieud'aflernblée déterminé: l'académie même des Arcades , dont lô chef-lieu eft à Rome , dans le Bofco Par-rhafio tk qui a plufieurs colonies dans d'autres villes de l'état eccléfiaftique , ne s'aifemble que pour des occafions extraordinaires , fur-tout lorfqu il eft queftion de recevoir quelques érrangers, ou d'inf-crfre fur fes faites le nom de quelque personnage illuftre par fon rang ou par fà civ Discours naillance ; alors les poctes y déclament quelques fonnets , odes ou autres pièces de vers de Fur compofirion à la louange du récipiendaire, qui, s'il eft préfenr,d'or-dinaire ne dir rien , & eft reçu fur la eau-• rion de celui qui le prélente. C'eft à quoi fe bornent ces fortes d'affemblées c\r de réceptions dont quelquefois nos gazettes font mention. Ainli, outre les univeriîtés connues , il n'y a de véritables académies que l'inftitut de Bologne , l'académie de Cortone en Tofcane , dont les membres s'appliquent réellement à la connoiiïance de l'antiquité, & donnent des recueils excellent fur ces matières , & l'académie délia Crufca , établie à Florence qui a travaillé utilement à perfectionner la langue Italienne. L'Italie fourmille de poctes ; outre que la langue Italienne eft très-favorable à la pocïîe, les efprits y font naturellement portés. Ainli il n'arrive aucun événement qui ne foit célébré fur le champ par les aureurs du pays qui ont un moyen certain de rendre leurs productions publiques en les faifant afficher , parce que la plupart fe bornent au fonnet, qui eft la pièce de vers à la mode. Le coq d'un village, ainli que le gouverneur de province , ont un droit acquis furies productions des poctes dès qu'il leur arrive quelque chofe de Préliminaire. cv marqué , chacun dans leur fphère. Il ne faut qu'ouvrir les yeux pour voir qu'il n'y a pas même de village où il n'y ait une fabrique de fonnets.^ xxvn Goût Le gourde la muiique & celui duthéâ- général pour rie font aulîi généralement'répandus ; ou- la n\uflluc 80 tre la difpoiition naturelle pour le chant le the'lae, que l'on remarque même dans les habi-tans de la campagne , tk qui aux jours fo-lemiK-is exécutent dans leurs paroiiTes, une forte de chanr allez harmonieux, accompagné d inftruroens , ils naiflent prefque tous acteurs ; ce chaque communauté un peu nombreufe , élevé un théâtre pendant le carnaval tk y repréfente des pièces Italiennes ; la plùpa^r ne font que des farces qui s'exécutent fur des canevas que les acteurs rempliifent fur le champ ; dans les villes principales on repréfente le? comédies de Goidoni ou celles d'autres auteurs, qui ont fait des pièces de caractère ou de morale. On trouve par-tout des acteurs ; comme la pvofetlion de comédien n'a rien de deshonnête en Italie , ceux qui fe fentent quelque difpofition pour le jeu du théâtre , fe préfentent aux entrepreneurs , qui d'ordinaire font les principaux des villes ; on les éprouve tk on les retient pour tout le temps que doit durer la repréfenrarion , à un orix très-médiocre 3 parce qu'ils font toujours domiciliés e y cvj Discours dans la ville où ils repréfenrent, Se ont-un ancre état. La plupart encore connus pour être de -très bonnes mœurs , jouent pour leur plailir ; Se le public leur a obligation de vouloir bien les amufer de leurs talens. Les trois principaux acteurs de la comédie de Florence, étoient un marchand bijoutier , fa femme Se leur garçon de boutique. Le marchand étoit l'homme le plus ierieux dans fa boutique, Se le plus pîaifant fur le théâtre où il jouoit les yoles d'Arlequin ou de valet. Au relie y ils ne fe donnent aucun foin pour apprendre leurs rôles qu'on leur fouffle en entier. Ils trouvent au théâtre les habits dont ils ont befoin :on fçait feulement ce qu'on doit leur payer pour le temps qu'ils emploient â cet exercice. En général, tous ces acteurs jouent de très-bon lèns Se avec une grande vérité ; il eft vrai qu'ils ne font propres que pour la comédie, il ne faut pas qu'ils s'élèvent plus haut ; il eft très-rare de trouver en Italie un bon acteur pour la tragédie. Le goûr pour les re-préfemations théâtrales eft fi forr au gré des Italiens, qu'il n'y a point de ville où pendant l'hyver il n'y ait plulieurs théâtres arrangés. Il y en avoit ( en 1761 ) plus de vingt , tant à Florence que dans les environs , fur lefqnels on repréfentoit plulieurs fois la feieaine. -Si la plupart de ces acteurs ne fe promenoient pas barbouillés de lie dans des tombereaux , comme au temps de Thefçis , leurs décorations , leurs falles d'allemblées, Se leurs pièces tenoient beaucoup de la groflière naïveté de ces premiers temps. A Rome les femmes ne montent jamais fur le théâtre ; ce qui dans la reprefenta-tion de la comédie caufe un effet fouvent ridicule. J'ai vu un acteur intelligent faire le rôle de Paméla dans une comédie de Goldoni, avec une barbe épailTe Se une voix rauque. Il jouoit avec beaucoup de fenriment Se de vérité ; mais fa figure Se le fon de fa voix étoient toujours en contradiction avec ce qu'il débitoit. Il n'en eft pas de même des Caftrars qui jouent les rôles de femme dans les opéra ; leurs figures Se leurs voix font très-capables de faire illufion ; Se le tableau général a l'air de vraifemblance qu'il doit avoir. Pour entrer à ces fpectacles, on peut fe contenter d'un billet de parterre qui coûte fort peu *, mais comme il n'eft pas toujours décent de s'y trouver , ii faut alors retenir une loge , ce qui eft plus dif-pendieux ; c'eft l'ufage de toutes les principales villes d'Italie, à l'exception de Turin, où il y a tant d'ordre Se Ci peu de faftes qu'il eft aufii honnête d'aller au parterre que d'avoir une loge : on y voit les pre- cviij Discours miers feigneurs de la cour aiîïs à côte du plus mince bourgeois. Quant à la deferip-tion particulière des théâtres les plus célèbres d'italie, on la trouvera avec celle des ™.r,r n' villes où ils font fîmes, flexions Bénc- Je P ajouterai rien ici iur 1 article des raies fur ie mœurs à ce que j'en ai déjà dit & qui. peut peuple d'ica- en donner une idée générale ; on lira les remarques que j'ai frites fur chaque ville principale , &£ fur les ufages qui y font particuliers & qui diitinguent les uns des autres. On trouvera également ce que le commerce & les arts d'indu!aie offrent de plus intérefTant, & on verra que rous les Italiens ne font pas auffi indolens fur cet objet qu'on le fuppofe. Il ell certain que la beauté & la richefle du pays , le caractère des habitans analogue à la molle température du climat ; les nombreux ctr.biiffemcns de charité qui fe trouvent dans routes les villes, & qui offrent une relïouice certaine aux enfans , aux vieillards, aux malades , ik à ceux qui éprouvent quelque malheur imprévu y l'habitude ou l'on eft de ne rien accumuler , mais de vivre au jour la journée, ralentirent cette activité pour le gain & cette ardeur de s'enrichir que l'on remarque dans les négocians & les ouvriers de -la plupart des autres contrées de l'Europe, qui fe refufent tout pour alïurer la fortune de leurs enfans, 3c les placer dans un rang plus élevé que le leur. Les vrais Iraliens n'ont point cette ambition ; ils fe contentent de jouir du préient fans s'embarraifer de l'avenir ; &c ils croient avoir beaucoup fait pour leurs enfans , quand ils les ont nourris 3c entretenus chez eux , ou qu'ils leur ont procuré quelque talent,au moyen duquel ils peuvent vivre de s'entretenir dans leur état. Cette façon de penler li défintérelfée ne peut réuîïir que dans un pays où on trouve tous les fecours dont je viens de parler, 3c où il régne toujours une abondance à-peu-près égale : mais dès que cette égalité elt altérée , dès qu'il arrive quelque dérangement dans les récoltes , il n'y a point de peuple plus mi-férable au monde , parce que les établif-femens de charité ne pouvant plus fournir à l'entretien de la plus grande partie de la nation ; les particuliers n'ayant pourvu à rien pour l'avenir, ils éprouvent toutes les horreurs de la mifere la plus af-freufe dans des contrées où , avec un peu de prévoyance , il feroit fi aifé d'entretenir une abondance perpétuelle. Quiconque a vû le royaume de Naples avant la récolte , eft étonné de la fertilité des terres & de leur produit, Se ne peut pas imaginer comment de cet état d'abondance , il eft poilible de tomber- dans une di- ferre fi exrrême que les pauvres y périf-fent de faim ; c'eft cependant ce qui vient d'arriver. ( en 1749 ) fc ÏP*j?,É" Il eft nécelfiire d'apprendre la langue prendre la îan-que I on parle dans le pays ou Ion veut sue italienne, voyager : il faut en fçavoir les principes rtuffir™ dans & en connoître le génie ; fans cette prévue étude, caution il y a quantité de défagremens à éprouver j car on fe trouve dans l'impof-fibilité de fatisfaire fa curiofité fur mille objets fur lefquels on ne peut fouvent confulter que le peuple qui nulle part n'eft habitué qu'au langage de fon pays. On eft privrjdes douceurs de la conversation dans laquelle on trouve de fréquentes occafions de s'inftruire, tk que l'on ne prévoit pas j enfin on en eft réduit à la fréquentation habituelle de fes nationaux , que l'on a cependant moins intérêt de connoître tk de fréquenter, que les étrangers chez lefquels on voyage. Si Ton veut au moins jouir du tableau des aifemblées auxquelles on eft admis , on y eft aulîi triftement que fi on étoit fourd; on entend des fons dont on ne fçait pas la valeur : s'il fe débite quelque nouvelle in-téreflante , on ne peut y prendre aucune part ; enfin on y eft comme un véritable automate , dont les relforts font a fiez bien difpofés pour répondre aux figues ordinaires de policefle» Oncompte beaucoup fur Fufage où l'on eft de parler la langue Françoife dans toute l'Europe y Se on a quelque raifon : par-tout on trouve des gens auxquels elle eft familière ; mais outre que la plupart de ceux qui l'ont étudiée, ont eu plutôt en vue de s'en fervir pour lire nos auteurs , que de la parler habituellement y on verra qu'ils ne l'emploient avec les étrangers qu'autant qu'ils y font forcés, Se qu'ils s'en tiennent aux complimens communs. Ils aiment beaucoup mieux s'expliquer dans leur langue naturelle , furtour ce qui demande quelque difenflion ; les termes leur en font plus familiers , Se ils rendent leurs idées avec plus de précifîon & de netteté. Il me paroît encore que c'eft un devoir de politeiîe auquel on eft obligé à l'égard des peuples chez qui l'on va voyager , de prendre le moyen le plus fur de vivre avec eux en fociéte, qui eft d'adopter leur langage. J'entends dire par-tout que rien n'eft iï ■facile que d'apprendre promptement l'Italien , parce qu'on s'imagine qu'il y a lime grande analogie entre cette fangue Se la Latine , dont on croit mal-à-propos qu'elle dérive abfolument, parce que dans l'Italien comme dans le Latin il n'y a point de fyllabes muettes , Si que les confonnes tfy fontpas multipliées comme dans toutes: cxij Biscours les langues feptentrionaies. On reconrroît combien on s eit trompé iur cette facilité, lorfque L'on commence à entendre parler Italien, tk que l'on veut eifayer de répondre de même j les termes ne ie préien-tentplus j on le trompe fur la prononciation, &c l'on ne parvient aie fane entendre qu'avec beaucoup de peine j & plutôt par des lignes qui indiquent ce que l'on demande, que par les ions que Ion forme , tk qui très-fouvent n'ont aucune valeur pour ceux à qui on les adreife. Il faut donc faire une étude iérieufe de l'Italien au moins quelques mois avant que de ibrtir de chez loi ; s appliquer fur-tout à li prononciation qui eit elLntielle pour fe Faire entendre. Outre les fecours que l'on trouve à ce fujer dans la phip ut des grammaires imprimées, l'élocution des ;p.:rfonnes qiu par état parlent purement, fert beaucoup à former quand ori eft en état de les bien entendre. On tirera fur-tout une grande utilité de la pro-nonci ui^n ihéatrale , ii on a devant lej yeux les paroles de la pièce à laquelle on aiîiite. Dans les opéra il y a beaucoup de fcènes de réciratif,qui écoutées avec attention tk pour s'inftruire de la langue , dans laquelle elles font écrites , fervent plus que la plus longue leçon du meilleur maître ; il eit vrai que pour profiter de ces Préliminaire. cxiij> fecours , il faut être bien au fait des principes de la langue. Rien ne fera aulli utile à l'exécution de ce projet que la lecture réfléchie des co-' médies de Goldoni qui font dans le ftyle ordinaire des conversations , tk qui , par la multiplicité de leurs fujets , fournifïent des rennes fur tout ce qui peut en être la matière. Les François ont la plupart de leurs bons auteurs traduits en Italien ; ceux qu'ils connoifient le mieux Se qui font entre les mains de tout le monde. Le Télémaque , l'hiftoire des oracles, les mondes tk les lettres de M. de Fontenelle, les lettres Péruviennes tk plufieurs autres, femblent plutôt avoir été traduites en Italien pour nous fervir à apprendre cette langue , que pour faire connoître aux Italiens la finelîe tk les beautés réelles de ces ouvrages. Les dialectes différentes embarralTent quelquefois, moins pour fe faire entendre que pour entendre les autres ; car le peuple d'Italie entend généralement par-tout l'Italien pur tk correct. Mais quand on fçait la langue tk fa prononciation, on eft bientôt au Fait de ces variarions locales. On parle bien dans tout l'Etat Eccléfiafti-que Se la Tofcane, quoique la prononciation gutturale de Florence ait quelque chofe de défagréable. Dans la plus grands tXlV b î S € O tJ ft S partie de laLombardie, le peuple, qui elt alfez -greffier, s'cft fait un jargon qui lui eft particulier ; on trouve même des gens de la campagne qui n'entendent que ce jargon, 8c pour qui le pur Italien eft prefque auffi étranger que le François. On eft tort embarraifé pour s'en faire entendre, lorfqu'on veut faire quelque information auprès d'eux. Mais pour en être à ce point de grofliéreté, il faut qu'ils n'ayent jamais perdu de vue le clocher de leur village j car tous les marchands domiciliés dans les villes, tous ceux qui y ont quelque commerce, même les Bergamafques, entendent le bon Italien, 8c fçavent s'exprimer aflez bien pour faire comprendre tout ce qu'ils veulent dire. A Venife , les nobles même dans le fénat, 8c le peuple ne fe fervent que d'une dialecte qui leur eft particulière, 8c quia des tournures fingulieres 8c agréables pour ceux qui l'entendent. On peut en prendre une idée dans un© comédie nouvelle de Goldoni, qui a pour titre i Rufîeghi : elle eft entièrement dans la dialeéie Vénitienne ; 8c on fera bien de la lire avec un Vénitien. Au refte, cette étude eft moins de néceflîté que d'agrément , parce que le langage poli 8c celui des fciences à Venife eft le bon Italien. I_e peuple à Naples eft très-groflier} le langage y eft dur ; cependant on s'y accou- Préliminaire. cxV fume plus aifément qu'au Lombard. Je ne dis rien du Génois : il eft il barbare Se fi peu important de le fçavoir y que perfon -ne ne fera rente de fe mettre au fait de ce groiner jargon , à moins qu'il ne veuille faire un long féjour à Gênes. On croit que l'on ne parle Italien nulle uart aulîi-bien qu'en Tofcane, & fur-tout a Sienne ; c'eft une -erreur. Ce n'eft qu'à Rome que l'on parle bien la langue Italienne , Se où on en apprend la belle prononciation. Quand on eft arrivé au point de parler Romain , on a acquis dans ce genre tout le fuccès que l'on pouvoit ef-pérer. H eft encore néceflairede connoître les x/x; y-rri ■ i j noulanci oinerentes monnoies , ce qui ne demande ufi&edes Fas une longue étude Se s'apprend par noyés d* ufage. Les monnoies de France ou celles des autres royaumes de l'Europe, peu connues en Italie, font embarraîfantes pour les payemens journaliers qui font a faire. Il faut donc fe pourvoir de monnoies qui ayent par - tout un cours réglé. Dans la partie méridionale d'Italie , il faut avoir,, autant qu'il eft poiîible, des fequins de Florence ; ce font ceux que l'on eftime le plus , Se ils ont cours par - tout pour leur valeur • dans la partie feptentrionale, il eft aufli aifé de faire fes payemens en même monnoie ou en fequins de Venife. Les fequins de Rome ou du pape ont cour* dans ces mêmes états; mais ils y perdent quelque chofe de leur valeur ; ainli il n'eft pas prudent d'en porter hors de l'Etat Ec-cléiiaftique, où ils font préférables à toute autre monnoie. Lefequin, par rapport aux étrangers, n'eft pas toujours de même valeur ; fon prix ordinaire eft de dix 1 onze livres; en tems de guerre, lorfque le change eft plus haut, ilpaifeonze livres. La manière de compter par livres change beaucoup ; à Venife la livre de compte eft de dix fols; à Parme, de cinq; à Milan, de feize à dix-fept; à Gênes à peu-près de même; à Rome on compte par ecus & baïoques ; l'écu Romain eft le demi-fe-quiri; iby a cent baïoques dans un écu. A Naples on compte par carlins ; le carlin eft de huit fols. Il eftaifé de s'informer de ces variations, pour fe régler dans les marr chés que l'on a à faire. Pour connoirre la petite monnoie. néceftaire dans le détail journalier, quand on arrive _clans une capitale , il faut avoir foin de faire changer un fequin dans toutes les eipéce* de monnoies qui y ont cours, ainfi on en connoît l'empreinte & la valeur. Autant qu'il eft paf-lîble, il ne faut pas porter de la perite monnoie d'un état dans urt autre, où elle devient inutile ou de peu de valeur; il faut en ex-r cepter les paules ou Jules, petite monnoie Préliminaire. cxvij d'argent de Rome, valant cinq ou dix fols, qui ont cours dans toute l'Italie pour leur prix. A Milan on reçoit prefque toutes les monnoies de l'Europe , fur- rout les écus de France qui n'y perdent abfolument rien. L'argent de France perd un fixiéme de fa valeur dans tous les états du roi de Sardaigne , Ôc un douzième environ dans tout le refte de l'Italie, excepté à Naples où il eft au pair avec la monnoie du pays. Mais, comme je l'ai dit, le prix du change étant très-variable , on ne peut rien avancer de bien jufteàce fujet; on ne peut que donner des notions qui fervent à guider, & à faire prendre les précautions convenables. ■ Ainli la façon la plus commode de voyager n'eft pas cle porter avec foi beaucoup d'argent; mais d'avoir une lettre de crédit d'un banquier qui ait une correfpondance établie dans toutes les villes principales d'Italie, fur - tout dans celles où l'on fe propofe de faire le plus de féjour, afin d'y pouvoir toucher l'argent dont on a befoin; cette manière eft difpendieufe à caufe des droirs de remife qui font a payer aux banquiers ; mais c'eft la plus fure. xxxi chc • Il y a différentes manières d'aller ; celle milll ^ ^oit * de la pofte eft la plus prompte ; mais elle tes, douanes, a fes fatigues & fes embarras , outre la dépenfe qu'elle occafionne ; les poftes cxviîj D T 5- C O U X s* étant dans les états du roi de Sardaigne , de la reine de Hongrie, & de Venife, plus clieres du triple au moins qu'en France, & partout ailleurs du double. La Lombardie eft cependanr le pays où. l'on court le plus commodément , les chemins étant prefque partout entretenus , 8c dans un terrein plat. La campagne également fertile dans le même genre de productions, offre peu d'objets variés Se intérelTans aux regards d'un voyageur curieux. Dans toute l'Italie méridionale qui eft très-montueufe, excepté de Florence à Livourne où l'on côtoie toujours l'Arno, il eft incommode 8c même dangereux de courir la pofte, fur-tout en voitures Fran-çoifes à quatre roues, que les portillons Italiens font peu accoutumés à conduire , dans des chemins difficiles , tels que ceux de Bologne à Florence, ôc à Venife , de Florence à Rome de Rome à Naples 8c à Lorette. Il faut ajouter encore que les chemins ouverts dans les Apennins,8c la route de Rome à Naples le long de la voie Appienne , offrent à chaque pas le fpeétacle le plus, curieux à un voyageur attentif, foit par rapport aux fituarions pittorefques, aux> phénomènes deia nature , 8c aux beautés, fie la végétation particulières à chaque Préliminaire. cxïx contrée , foir par rapport aux reftes de-diiic.es. antiques tk à d'autres objets de curiofité que l'on n'a pas le temps d'examiner , & dont il n'eft pas poiîible de prendre une idée en courant la pofte. Ainfi la manière la plus commode , la moins difpendieufe tk peut-être la plus utile , eft d'avoir des voitures tk des chevaux dont on puifte difpofer , tk qui ne faifant d'ordinaire par jour qu'environ dix lieues ou trente milles, laiifent le temps de voir tout ce qui eft remarquable le long des routes. On trouve dans toutes, les villes principales de ces fortes de voi-tures ; ordinairement ce font des chaifes. attelées de chevaux ou de mulets qui portent aifément chacune trois cent péfant d'équipage. Le prix ordinaire de ces fortes de voitures eft d'un fequin par jour par perfonne \ plus la traite qu'on a à leur faire faire eft longue , moins elles font chères, fur-tout ii on va d'une grande ville à une aurre, où les voituriers font prefque aflii-rés de trouver des voyageurs qu'ils ramènent par contre-voiture. On commence à trouver de ces voituriers à Lyon , qui vont de-là jufqu a l'extrémité de l'Italie , fi on le veut ; il faut que fur le prix principal, ils fe chargent de payer tous les péages , droits de bacs, partages de rivières tk autres , tk notarn- Cxx Discours ment ce qu'il en coûte pour le paflage du Mont-Cénis. Ils fe chargent encore, quand on le veut, de nourrir ceux qu'ils condui-lènt ; mais c'eft un foin qu'il faut fe réfer-ver ; il en coûte quelque chofe de plus qu'aux voituriers ; mais on eft mieux reçu dans les auberges 8c mieux nourri. Les voituriers Piémontois font préférables à tous les autres ; d'ordinaire leurs équipages font meilleurs ; 8c ils conduifent rarement 8c hardiment. Les douanes font fort févères en plu-fieurs états d'Italie ; celles de Piémont fur-tout vilîtent avec la plus gtande exactitude. La première que l'on rencontre eft a la Novalefe au bas du Mont-Cénis, ou il ne faut point lailfer ouvrir les malles;' il fuffir de les faire plomber, parce que la viiire qui fe fait en cet endroit n'exempte pas de celle de Turin. A l'entrée du Milanois on eft fujet à être vifité ; il faut avoir foin d'emporter le billet du premier bureau qui exempte d'être arrêté à la porte de Milan. A Rome il faut furrout fe garder d'avoir des livres prohibés ou fufpects , 8c des étoffes en pièce , même pour fon ufage. Les douanes de Naples font fort incommodes ; la première eft à Mola, près de Gaëtte , la féconde à Capo di China j à un mille 8c demi au delfus de Naples; Préliminaire. cxxf pies ; les commis font d'une févérité étonnante, 6c ne palfenr pas la plus légère provision de tabac ou aucune marchandife neuve: on ell également iujet à la viilre au retour, tk on ne peut s'en difpenfer qu'au moyen d'un pafleport du Mimftre qui a l'intendance du commerce tk des douanes , que l'on obtient aifément par le moyen de rambalfadeur national, s'il a du crédit à la cour. A Venife , à Hotence tk à Gènes , de même qu'à Parme tk à Modéne , on en eft quitte pour déclarer que l'on ne fait aucun commerce , tk que l'on n'a rien de prohibé ; cette fimple déclaration , appuyée de quelque libéralité faite aux gardes des portes , tk aux commis des douanes , furtit pour n'être point retardé ; s'il s'en trouve quelqu'un qui s opiniâtre , il faut lui propofer d'aller droir au bureau de la douane ; alors la crainte de perdre ce qu'il eft d'ufage de lui donner, fait qu'il fe dé lifte de fon droit de vifite. Il eft utile tk même agréable de voya-ger,autant qu'il eft polîible, de compagnie avec d'autres vovagems connus. Quoique les chemins foient aflez fûrs, & que je n'aie remarqué aucun paflage qui parût infefté de brigands que les bords du Télîn fur les frontières refpectives du roi de Sardaigne tk de l'impératrice-reine de Hongrie , tk les abords du lac maîeur dans le Milanois ; cependant il n'eft pas douteux que plulieurs voyageurs réunis vont plus fïïrement qu'un ou deux* Au-relie , cette précaution intéretle plus ou moins, à proportion du train avec lequel on voyage Ôc du nombre de domeftiques que l'on a. Je crois qu'il eft inutile de donner ici un: notice abrégée de ce qu'il y a de plus curieux à remarquer dans le voyage d'Italie. Comme dans le cours de ces mémoires , je parle des différens états dans l'ordre à peu-près que fuivent les voyageurs ; que je fuis exact i. marquer les objets de curiofité qui fe trouvent le long des grandes routes ôc à leur portée , on n'aura qu'à ouvrir le volume qui traitera du pays où l'on fe trouvera, pour fçavoir ce qu'il renferme de plus inréreuanr. Il en eft de même pour le fpeclacle général du pais, fa pofition , la fertilité, ôc fes productions. J'en parle dans le même ordre , ceft-à-dire, à mefure que mes obfervations peuvent faire ouvrir les yeux fur tous ces diflérens objets. J'ai cru devoir mettre à la fuite de ce difcours , la chronologie des Empereurs & des Rois d'Italie ; il eft utile de l'avoir fous les yeux , foit par rapport aux monumens antiques de leur tems, aux médailles, &aux révolutions qui font arrivées en Italie , ôc dans lef pielles ils ont nécefTaire-mentinflué.Les Empereurs Romains,com- P R é L I M I N A,I R e. CXxiij me Souverains abiolas pendant près de quatre fiécles ; les Empereurs Grecs après le partage de l'Empire y conferverent une ombre d'autorité qui Servit de prétexte à beaucoup de factions, tk de moyens de s'élever , à de nouveaux ibuverains , qui , fous la prétendue protection des Empereurs Grecs , s'établifibient dans une indépendance entière. Les Rois Goths tk Lombards qui Succédèrent, aux premiers Empereurs d'Occident, après avoir renverfé leur trône , firent allez de maux en Italie , tk y ont régné allez longtemps , pour que ion doive les compter parmi les Souverains de ce pays ; ainli on en trouvera la fuite à côté de celle des Empereurs d'Orient. Les Empereurs d'Allemagne ou d'Occident , fuccefïeurs de Charfemagne, ont été regardés pendant une longue fuite de fiécles, comme premiers fouverains d'Italie ; pluiieurs états conlidérables font encore fiefs de 1 Empire ; leurs noms feuls & la date de leur régne rappelleront ceux qui ont le plus influe dans les affaires d'Italie , fur-tout pendant la fameufe querelle des inveftitures qui divifa fi longtemps les deux puilfances, tk occafionna tant de fchifmes dans l'églife Romaine. Par rapport aux beaux-arts , il ne fera pas moins utile d'avoir fous les yeux l'ordre chronologique des peintres des difie- cxxiv Discours Pré t. rentes écoles d'Italie, avec la date de leur naiflance &c de leur mort ; une idée de leurs diverfes manières Jk du rang qu'ils ont tenu. Je citerai auili les fculpteurs & les architectes les plus célèbres. Ain/ï je croirai remplir exactement mon projet, & avoir donné des mémoires fur 1 Italie, plus fidèles & plus utiles que toutes les relations que l'on en a faites jufqu'à pré-fent. CHRONOLOGIE Des Empereurs Romains d'Orient 6» d'Occident, des Rois Goihs, des Empereurs a" Allemagne , depuis Jules Céfar , jufqu à François J de Lorraine. T .v ., , . i. Jf Ulks Céfar,après avoir fournis a la république Romaine , la Germanie, les Gaules & l'Angleterre , triomphe de Pompée a la bataille de Pharfalcen Macédoine, de Scipion en Afrique, de Caton & Juba en Mauritanie, fe fait élire dictateur perpétuel, titre dont il jouit près de quatre ans. Il eft alTàiïiné à l'âge de f 9 ans, le jour des ides de Mars , dans la cour du fénat, aa pied de la ftatuc de Pompée , que l'on croit être celle qui eft encore au palais Spada à Rome, l'art du monde } $60 , de la fondation de Rome 710. t. Oclave Augufte lui fuccéde , moins dans l'empire que dans le partage de la puilfance Souveraine avec Antoine & Lépide , auxquels il relie uni pendant quelque temps. La treizième année après la mort de Céfar , il gagne la bataille d'Actium qui le débarralle d'Antoine , le feul concurrent qui lui reliât. Alors le fénat 8c le peuple lui décernent fclemnellement le tirre d'empereur qu'il conferve jufqu'a fa mot. II détruit les relies du parti de Pompée, & ayant établi une paix générale dans l'empire Romain , qui setendoit alors fur prefque tout l'univers connu , il fait fermer le temple de Janus , & ordonne que l'on falfc le dénombrement de fern- fnj cxxvj Tabie Chronologique. pire. Jefns-Chrift naît l'an du monde 4000. quoique l'on n'ait commencé à compter l'ère chrétienne que quatre ans plus tard. Augufte re-An. de gne 57 ans depuis la mort de Céfar, & 44 J. C. après la bataille d'Aétium. 17. 3. Tibère adopté par Augufte règne n ans 8c meurt à Capri, iile délicieufe, limée vis-à-vis de Naples. 4. Caïus Caiignla, fxls de Germanicus petir-Bls d'Augufte , régne trois ans & dix mois ; il eft aiTalîiné par fes domelliques. 44- 5. Claude Néron régne 13 ans & 8 mois. Il eft empeifonné dans un ragoût de champignons. «54» 6. Domitius Néron régne près de 143ns. Sa cruauté , fa folie & fes crimes engagent le fénat à le déclarer ennemi de la patrie. Il fuir& fe tue lui-même. *8. 7. Sergius Sulpitius GaJba fut élii par les fol-dats en tumulte , & eft tué après fept mois de régne. 69 8. Othon élu par l'armée n'a le titre d'empereur que trois mois 5 il eft défait par Vitellius, & fe tue. 9. Aulus Vitellius régne huit mois & trois jours ; il eft tué à Rome parles troupes du parti de Vefpalîen qui avoit été proclamé Empereur lorfqu'il comiïiençoir la dernière guerre contre les Juifs. 70. IO- Flavius Vefpalîen régne 10 ans. 8c. 11. Titus Vefpalîen, l'honneur du feeptre & de l'humanité, ne régne que deux ansdcuxmois 8c vingt jours , il meurt empoifonné par fon frere Domitien. 81. n. Flavius Domitien tué par les domefti- ques après quinze ans & lîx mois de règne. 27. 13. Cocceius Nerva règne un an quatre mois & onze jours. des Empereurs. cxxvij Î4. Ulpius Trajan, Efpagnol, adopté par Ner-Va j fes vertus civiles & militaires rendirent à An. l'Empire Ton éclat & fa majelté. Il protégea les j. C beaux arts. Son règne fut de 19 ans Se (îx mois. J' " 11. Anronin CaracalJa & Géra , fils de Scpti-111' me. Géta fur tué un an après par o:drc de fon frerc j & l'odieux CaracaJia par un capitaine dt la garde , après fix ans & deux mois de régne. 117. 13. Macrin & Diadumcne fon fils , font proclamés par les fold.vs qui peu de temps après élurent le jeune Eliogabalc. Macrin fut defai» dans une bataille qu'il livra à fon compétiteur, & tue à Archelaide cn Cappadocc , après un an, & deux mois de règne. il g, 14. Marc-Aurele - Antonin Eliogabalc , Prè-cre du Soleil à Eméfe , fe rend méprifablc par fes débauches, il eft tué après un régne de trois ans & neuf mois. an. 15. Alcxandie Sévère, prince vaillant & fage, fuccéde à Eliogabalc fon coulin. Il régne 13 ans & 9 mois Se eft tué par les foldats révoltés qui clifenr.... a j i après deux ans Se fix mois de règne. 3 z. Gallus Se Volulîen fon fîls.iurent élus par les 151 foldats , Gallus s'allbcic d'abord Hoftilien fils dz Dccius qu'il avoit adopté ; enfuite il le fait tuer , & proclame Augufte fon fils Volulîen. Peu après ils font tués l'un Se l'autre par les foldats. Gallus régna i ans & deux mois. Emilien qui avoit fou-levé l'armée contre eux & s'étoit fait déclarer-Empereur , fut tué 4 mois après. 3 Valerien &: Gallien fon fils, proclamé par M4-les loldars, eft reconnu par le fénat. Valerien vaincu par Sapor, roi de Perfe , la huitième année de fon régne , refte dans l'efclavage le refte de fa vie. Gallien eft tué près de Milan après un règne d'environ quinze ans. Les trente tyrans-s élevèrent pendant ce régne. 34- Claude II. meurt après un an & dix mois x6i-de régne. Il fît la guerre aux peuples du Noru avec fuccès. Quinrille fon frère s'étoit fait re-connoître pour fon fuccelfeur ; la haine que les Soldats avoient pour lui, l'engagea à fe tuer Volontairement après un régne de dix - fepe jours. 3;- Aurelien connu par fes victoires fur la fa- *7* meufe Zénobie reine de Palmire en Orient, fut afîaffiné par un de fes cfclaves après un régne de cinq ans. L'empire vaqua lîx mois. f }6. Tacite bon prince, duquel on cfpi'roit 7*' beaucoup , régne fept mois Se périt dans une émeute des foldats. }7- floricn frere de Tacite , Se reconna pat fv cxxx Tabli Chron o t o c iq ij t; 11 '■ le fénat 3 il elt tué après deux mois de régne. An. de 3 3. Probus reconnu par le fénat & les armées J. C. fait la guerre dans les Gaules & dansl'liiirie ; il 176. fit apporter de Grèce les premiers plants de vigne dans la Provence & le Languedoc. Après fix ans de régne il eft tué par un foldat mécontent l8z. 39. Carus, Carin & Numerien fes fils. Carus périr d'un coup de foudre, Nuinerien eft tué par Aper fon bcau-pere , & Carin par les foldats; ils périfTent tous les trois cn deux ans. 184. 40. Diocletien & Maximien régnent vinge ans, pendant lefquels ils afîbcieat à l'Empire Galerius & Confiance j ils renoncent a l'Empire. Diocletien meurt tranquille dans la retraite à Sa-lone en Dalmatie. 304. 41- Confiance Chlore, & Galérien Miximin régnent deux ans ; les troupes après la mort de Confiance proclament Empereur. .. jotf. 42- Conftantin I le grand , fils de Chlore & d'Helene , qui transfère le fiége de l'Empire à Conftantinopic. Il régne trenre-un ans Se meurt à Aciiiron , près de Nïcomcdie. 537. 43. Conftantin IL Conftantius & Confiant divifent enrr'eux l'Empire, fuivant ieTcftament du grand Conftantin leur pere. Conftantin eut J'Efpagne , les Gaules & tout ce qui eft en deçà des Alpes. Conftantius eut l'Alie , l'Egypte & le refte de l'Orient. Confiant eut l'Italie, la Sicile l'Affriqne & i'Iilirie. Cette divifion fut funefte à l'Empire & le premier pas vers fa ruine. Conftantin le jeune eft* tué près d'Aquilée par les troupes de fon frère Confiant , qui lui même périt en trahifon peu de temps après , & laitfa Conflantius-feuJ maître de l'Emane, qui règne Yingt-quatre ans. b e s Empereurs. cxxxj 44- Julien l'Apoftat, ou le philo fophe , fe fait ■. proclamer Empereur par les troupes , Contran - An. o» tius encore vivant. Il eft tue dans un combat J. Ç. contre les Perfes , après avoir règne un an & 561. fept mois. 4j. Jovien élu par les principaux officiers de J<»5-l'armée ne régne qu'environ huit mois. Valentinien fuccéde à Jovien , il s'aflocie fon î^4 frère Valens , avec lequel il partage l'Empire qui déformais refte divifé en ciiipirc d'Orient & e» - , ^=7 empire d'Occident. . °"ent k™d\ 4"-Valcncinienl. re- i. Valons I. blefé î j E gne avec honneur pen- dans un combat contre dant onze ans & neuf les Barbares, fe retire > 4" mois. daus une chaumière où il eft brille vif après uft. .régne de quatorze an* & quatre mois. 37j. 47. Gratien fïls <îe Valentinien , élu par les officiers de l'Empire , partage le trône d'Occi- r. Thcodolé I. le J7>* dent avec Valentinien grand; fou mérite l'élé-fon frère ; il périt par la vc à l'empire que Gra-rnain du traitre Andra • tien partage avec lai gaize , capitaine au fer- après la mort de Valent vice du tyran Maxime, vainqueur des tyrans après huit ans de régne. Maxime & Eugène , il 57«. 48. Valentinien II. refte feul marne des pourfuivi par le tyran deux empires après la Maxime fe retire auprès mort de Valentinien II. de Théodofe qui le ré- il régne feize ans & tablit dans fes états ; il quelle mois & meurt eft étranglé par Aibo- â Milan. fvj cxxxij Table Chronolog iq pi ' gafte Ton capitaine des _ Occid. gardes , après avoir ré- Ôr7en~è hu. de g°é icize ans & cinq An. „,* J.C. mois. j c $9$. 49' Honorius fils de • j« Arcadius frère 3^, Théodofe défait Rada- d'Honorius , gouverne goife roi des Goths qui l'Orient pendant treize étoit entré en Italie ans & trois mois dans avec 100000 hommes. UDC paix confiante. Il régne 18 ans & cinq 4.ThéodofeII. régne 408, mois. Sous fon régne quarante-deux ans $ il Alaric vient cn Italie , arrête les progrès d'Ac-& afliége cn 408 Rome «la en Italie, qui fe racheté du pillage. II l'aflîége de nouveau en 409. En 410 le même conquérant barbare s'en empare 8c la dévafte. 41 j. S°- Valentinien III. fous le foible empire de ce prince, les Huns, les * Goths Se les Vandales portent des coups mortels à l'empire d'Occident. Jean, Exarque de Ravenne, s'y fait déclarer Empereur, & y con-ferve quelque autorité pendant deux ans, après Marcien régne fa 4j0> lefquels il efi tué. Va- ans & £x mois. lentinien régne 19 ans & quatre mois. II eft tué"par les émifTaires dç Maxime. dis Empereur*, cxxxuj Ji. Maxime ufurpa-Occid. teur du trône de Valen-^n. de tinien force Eudoxie fa C. veuve à l'époufer ; pour 45 r. fe venger elle appelle d'Afrique Genferic roi des Vandales qui fait tuer Maxime, met Rome au pillage , & en enlevé les effets les plus précieux. Maxime ne vécut qu'environ trois mois après fon ufurpa-tion. 52. Avite élu Empereur par les troupes qui étoient dans les Gaules. Vaincu enfuite par le patrice Ricimer ; il ne régne pas un an entier, & eft ordonné Evêque de Plaifance. 5 ?. Majorien, digne du feeptre , remplace Avite , il force Genferic à quitter l'Italie. Après 6- Léon I. furnom- 4;?, quatre ans de régne & mé Macela régne 17 4 mois, Ricimer le fait ans & fu mois, aflaffiner. 4^1. 54. Sévère régne près de fîx ans , & le patrice Ricimer, qui faifoit encore la deftinée des Em ■ « pereurs , s'en défait pat le poifbn. tXXXÎV TabLH CHRONOLOGiqui et. Anthemius eft Occid. reconnu empereur , il An. de périr à Rome après qua-j. c# tre ans & onze mois de 4<ç7. régne. 471. S6' Anicius Olibrius régne fept mois & eft tue dans une émeute de foldats. 473' 57" Glicerius prend le titre d'Empereur qu'il conferve près d'un an & qu'il eft forcé de quitter. 1 ' Pour mettre fes jours en fureté , il fe fait ordonner evêque deSalo- ne en Dalmatie. 474. f8- Julius Népos lui fuccéde , régne un an & trois mois 5 il eft dé- foCé. 7. Léon II. le jeune, petit-fîls du précédent lui fuccéde & ne régne que dix mois ; il afiocie 47S* !9- Romulus Auguf- à l'Empire fon père Zé-tule eft élevé fur le trô- non. ne d'Occident où il refte 8. Zenon l'Ifaurien 474, à peine un an. Les par- fuit quelque temps dc-tifans de Julius Népos vant fiaiïlique qui avoit appelient en Italie O- ufurpéla puilTance fou-doacre roi des Hérules veraine ; mais Tuf irpa-qui renverfe le trône teur eft exilé, & Zenon d'Occidenr , s'empare régne 17 ans & fïx mois, de Rome , & y établit ses EMPIRItTRi. CXI XV * !■ Gne nouvelle puilfance Occid. lous le titre de royau- Orient. An. de me d'Italie. An. »jb J.C. _ J. C Rois d'I t a l i e. 47 6. i.C3doacre Hérulc difpute long-temps le fceptrc à Théodoric roi des Goths qui le tient aflîégé pendant trois ans dans Ravenne qu'il 9- Anaflafe Dicorus, 4?r. perd avec la vie ; il avoit ainfi appelle de la cou-ré^né 17 ans. lclir différente de les 4?J. V Théodoric premier yeux , monte furie trô-roi des Goths en Italie, «e d'Orient par les m-régne defpotiquement ligues d'Ariane veuve pendant trente - trois de Zenon ; il règne 17 ans & demi. Sur la fin ans & 3 mois. Il elt de fes jours , il con- toi d'un coup de fou-damne au dernier fup- dre. plice Boëce & Simma- Juftin s eleve par 518. que. Il fait mourir te fon mente au trône d O-pape Jean en prifon à rient ; il regne neui ans Ravenne. & dcux mois' 5l*. 3. Atalaricregne pendant huit ans avec Ama-lafonte fa mère. 11. Juftinten neveu jt7. de Juftin régne glorieu-fement pendant trente-huit ans & demi. Il pu- txxrt) Tabxe G h Occid. An. de J. C J34. 4-Théodat monte fur le trône par les intrigues d'Amalafonte qu'il fit prefqu'aulfi-tôt périr. Il ne régne que trois ans. ONOtOG IQUE. blic en f 2 y le code, cHi recueil des ordonnances Ori impériales , qui porte An. fon nom, Belifaire & Jm Narfès fes généraux , remportent plufîems victoires fur les Perfes, les Vandales & les Goths. r. y. Vitigés écuyer de Théodat lui fuccéde. A la mort de Théodoric les Romains fccouerent le joug des Goths. Vitigés aufll-tôt api es avoir été reconnu , alla recevoir le ferment de fidélité des Romains ; ils fe révoltèrent à l'approche de Belifaire qui les aida à recouvrer leur liberté. Envahi Vitigés les affiégea avec une armée de yoooo hommes; Belifaire lui enleva pendant ce liège , la meilleure partie de fes états, & enfin le fit prifonnier à Ravenne , d'où il l'envoya à Conftantinople ©ri il mourut avec la qualité de Patrice ; il Dfj Empereurs. cxxxvrj n'avoit régné en Italie que quatre ans. 6. Théodebalde régne un an & neuf mois 541. & eftafT flîné. j4r, 7. Araric ne régne que fept mois & eft af-fafliné. 8. Totila, reconnu par l'armée , rétablit les affaires des Goths par fa valeur & fa conduite. Il s'empara de l'Italie méridionale & des illes de Corfe , Sardaigne ex. Sicile. Il prend & pille Rome en , & réduit les principales dattes Romaines à une telle mifere qu'elles font contraintes de mendier leur pain a la porte des Goths. Il démantelle la ville qu'il pille une féconde fois en J49. Il vouloit la brûler & la détruite entièrement ; mais Belifaire vint au fecours des Romains & arrêta les progrès du barbare Totila , qui fe foutint encore pendant 2uelque temps &: fut en-n vaincu en bataille rangée pat Narfès où il exxrvhj Table Chronologique ^-*—— pcrit après un régne Occid. d'onze ans. An. de 9. Tcia eft élu par J- C. l'armée après la mort de S57- Totila ; il ne pûtréfîltcr à la puiflancc des Empereurs d'Orient. II périt après un an de régne & le trône des Goths fut détruit. Les Exarques de Ravenne, dont le premier fut Lon-gin , dominèrent fculs en Italie pendant deux ans environ. Rois des Lombards. ' io._Alboin fufeité par Narfès mécontent, entre en Italie avec une armée de 100000 hommes. Il s'empare de toute l'Italie feptentriona-lc , à l'exception de Ravenne & de fes dépendances , & établit le fîé-gc de fa nouvelle domination à Pavie ; il avoit époufé Rofemonde fille de Cunimond , roi des Gcpides fon ennemi , qu'il avoi: fait tuer. 11 xi. Juftin II le jeune , neveu de Juftinicn, fait la paix avec les Pcr« fes & régne tranquillement pendant feize ans & neuf mois. des Empereurs. cxxxix contraint la Reine, à la \OcûU. fihïon grandfcÛii de Orient. An. de boire dans le .crâne de A\'rZl J. C. Ton pere : cette princcf- J. G. 4 fe irritée de certe bar-baric.force Helmige qui l'aimoit, à afîaflîner Al- 1 boin , qui périt aptes avoir régné en Italie trois ans & lïx mois. J7f. ri.eiéfus régne un an & trois mois & eft aiîafïi-né par un efclavc. Cette mort eft fuivic d'un interrègne de dix ans , pendant lequel chaque ville principale fe choi- fit un chef ou feigneur ' . _ . . qui la gouverne fousle H- Tib«e I avoit nom de duc; ils étoient &é alTocié a 1 empire au nombre de trente, dès l'an 578 ,& en avoit La diviiion s'étant mife Toutenu la gloire mal-parmieuxjilsconvicn- gré d5 dcme7ncrC nent d'élire un Roi de où tomboitfouvcnt Jui-leur nation , qui fut.... tin. Il régna feul pen-dant quatre ans &mou- 585. 1 i. Flavius Autharis, rut à Conftantinople. grand prince , ne régne que cinq ans,& eft em-poifouné. 14. Maurice gendre j8tf. de Tibère , aflocié à l'empire en j8x , fut alTaflîné avec fes enfans après un régne de feize cxl Table Chronologique. ■ . ' 1 y Agidulfe fut ap- ans & trois mois , par _,_ Occid. pelle au trône par Théo- iesordres du Centurion C^5" An. de delinde veuve d'Aurha- Phocas , cjue l'armée A» U J. C. Ils-> qui avoit confervé avoit proclamé Empe- j'^* j^o. une partie de l'autorité reur. * ** royale & qui régna fous le nom de fon mari pendant vingt-cinq ans. 4i6. 14. Adaloalde fîlsde Théodelinde & d'Agi-dulfe j régna pendant dix ans fous la tutelle de fa mere Théodelinde. Il étoit incapable de gouverner, étant devenu fou par la force d'un breuvage empoi- I j. Phocas : fon gou- £0li vernement fut foible & troublé par les incur-fîons des Perfes & des barbares & par plulieurs féditions ; il périt après fept ans Se dix mois de régne dans la confpiration formée par Héra-clius qui iui fucçéda. 16. Kéraelius régne ^J(J gloricufement pendant trente-un ans j il force les Perfes à abandonner Jes conquêtes qu'ils avoient faites fur fem-piie , il les défait en 6iz 8c reprend fur eux la vraie croix que Cof-roès avoit enlevée de Jérufalem en 614. On place à l'année (tu le commencement de l'ère. Mahométane. « Dis Empereurs, B—tonné qu'on lui avoit Occid. fait prendre. An. de 15. Ariovalde monta C. fur le tioue en vertu des droits de Gondcber-ge fa femme, fœurd'A-dalonlde qu'A força de lui céder la couronne a caufe de fon incapacité. Les partifans d'A-daloalde lui laiiferent peu de tranquillité pendant fon régne qui fut de douze ans. -*j8. l6.Kotliarisfurchoi-fi par Gonde^crge pour fuccéder à Ariovalde. Il l'époufa , & la fît en-fuite enfermer dans le château de Pavie. Il Vainquit l'armée impériale commandée par l'exarque de Ravenne , entre Modene Se Bologne fur les bords du Panaro. II régna fei-2£ ans Se quatre mois. cxlj 17. Conitanrîn fils d'Héraclius ne III <4H regne que quatre mois, il eft empoifonne par Martine fa belle mere. 18. Héracléonas & Martine s'emparent du trône d'où ils font chalfés par le paru du jeune Hérachus Is de l'Empereur de ce 1 cm, Oa coupe le ucz & la cxlij Table Chronologique. - langue à Héracle'onas Ôccïd. J7- RodoalJ , fils tie Se on l'envoyé cn exil. Orie An. de Rotharisjiégne environ 19 Conftant II ou An. j. C. cinq ans. Prince cruel Héraclius, régne z6 ans j. q 65\ Se débauché, qui périt Se cinq mois. Son gou- ^ ' par la main d'un de fes vernemenr fut foiblc. fujets, de la femme du- Il vient à Rome en 66 5, quel il avoit abufé. y refte douze jours qu'il emploie à viiitcr les églifes y 8c h. en faire gS9 ■ iS.. Aribert régne cnkv« J<* ornemens près de trois ans. ks Plus P^cux » ^ tr'autres toute la couverture du Panthéon qui étoit de lames de 66z. i^.GundebcrtôcPer- cuivre. 5on avarice 8c tarite fils d'Aribert ne fes exactions l'ayant s'accordant pas pour ré- rendu odieux à fes fligner , Gundcbcrt ap- jets, il eft étouffé dans pelle Grimvald duc de le bain à Siracufe. Benevcnt , qui le fait alTaflîner , Se s'empare du trône : Pcrtarite s'étoit enfui eu Bretagne. 10. Grimvald régne pendant dix ans; il joignit la fîneue à la bravoure. ~ n • n to.Conltantm Pogo- nat eut quelques fuccès en Sicile fur les Sarra-fins qui s'y étoient établis. Il déshonora la fin gjf. 11. Garibald, fils de de fon régne cn fe ren-Grimvald, régne a peine dant tributaire des Bul-trois mois, Pcrtarite ic- gares. Il régna 17 ans. des Empereurs. cxliij rs» paroît &: le force de lui yccid. céder le feeptre qui lui de appartient. ^•C. 11. Pcrrarire recon- . nu par tous les Lombards reçue tranquille- t n- • „ n s» ^ B , , ' • II. Juftnucn II fis 6iu ment pendant di-x lept » « i « n . , 1 ans r r aine de Conftantin, règne dix ans. 11 fe rend odieux par fes exactions & fa cruauté ; il eft envoyé en exil dans la 6 Chcrfoncfe parlePatri-2-5- Cunibcrt afTocié ce Léonce , qui lui avoit •lu trône par Pcrtarite fait couper le nez, lui fuccéde Si régne douze ans. ii. Léonce proclame Empereur ne régne que » trois ans, Tibère Abfi- mare s'élève contre lui, lui fait couper le nez & l'enferme dans un mo-naftére de Dalmatie. ij. Tibère III Abiî- 69**. marc , régne fept ans par la protection de l'armée qui l'avoit élcvéau trône. 7o Juftinien II qui rc ^ L-urpert, fils de jans fon cxji avoic ^■nibcrc, régne huit tipoufJ 'a fiHc du roi des prand USlatUtCllcd'Af" Bul^rcs » lcvc unc ar~ * 1 * mée de ces Peuples, rco- "*« Ragcmbcrt fils tredansCouftantmoplc, cxliv Table Chronôlôgiq^i > de Gundebert , ne ré- prend Abfîmare&Léon- Occid. gne que trois mois. ce, & leur fait couper la An. de z6. Aribert II, fils de tête dans l'Hyppodro-J. C. Rigemberr, défait Luit- me devant tout le peu-704. pert & Rotharis qui pie aflcmblé. Il régne combattoient fois la cette féconde fois fept conduire d'Afprand 3 ans & cinq mois. Il fc mais fuyant à fon tour rend odieux aux foldats devant A fprand , il fe & aux Bulgares fes pro-noye dans le Téfin après tcéreurs qui le livrent à Un régne de huit ans. Bardane, dit Philippi-que, qui lui fait couper la tête, & égorger le jeune prince Tibère fon fils. 14. Philippique ne jl ,r j régne qu'un an & fir «yii. 17. Afprand monte °. ? r *** ' r i a < ., n mois. Artemius Ion fe- fur le rrone , dou il elt , . . . c. , r, > tr cretairc lui rait crever renvcrle pielque aum- . on. r 1 les yeux, &: elt reconnu " T • 1 / Empereur fous le nom z8. Luirprand règne ffij^ trente-un ans & lept . n r 1 • -i r 2 S• Analtafe réone mois avec gloire 5 il raf- 3 0 . . »'c7t fermit la puifiance des Tu" T" ?°\* ' ks Lombards eu Italie. folda!S. * foi;levent contre lui «proclament Empereur , 1 héodofe tréfoiier de l'Empire. Analtafe fe retire volontairement dans un mo-naitère. z6. ThéodofcIIL ne 7I jouit de la puifTancc fou-veraine qu'un an & deux mois, ii céde a LeonSc ces Emeereurs. Cllv fe retire dans un mo-«artère. Oric 17. Léon III. l'Ifau- An. rien , l'Iconomaquc , af- J. ( focic à l'empire l'on fils 71$ Conftaatin. Il fe d^cla-' re conttç le culte des images , Se régne 14 ans 8c deux mois. 28. Conftantin V dit 74* Copionime, régne tren-744- *9- Hildcbrand.fils ^quatre ans^ deux de Luicprand , fuccéde mo:s dans L's mém<» à fon perc, mais fon ftnumcns que Léon III incapacité auffi - tôt re- ^ j?crC' connue, lui fait enlever le feeptre par les grands de fon royaume. 3 o.Rachis règne cinq ans & fix mois , abandonne le trône pour travailler à fon falut, prend l'habit monaftique au mont-Canin. Tafia fa femme & fa fille Ra-trude fe retirent cn même-temps au monaf-tère de Plombariole. 750. ji. Aftolfe frerc de Rachis , fubjugue la ville & l'Exarchat de Ravenne, viçnt mettre le fiége devant Rome. Le pape Etienne fuit cn France & détermine Pe- cxlvj Tabii C« r o n o l oc IQ 0 *. ~-°— pin à pafïcr en Italie. Ottô?. Ce prince force Aftolfe An. »e a quitter ,es armes. Il J, C. meurt après fîx ans de regne. 7jtf, j z. Didier, fucceffeur d'Aftolfc, continue d'être cn divilion avec les papes. Charles roi de France paife en Italie , prend Pavie en 774 , arrête Didier qu'il fait rafer & enfermer dans l*on IV ™s âz 775". le monaftère de Cor- Conftantin continue la bie cn France, Se dé- perfécution contre les truit la monarchie des imaSes '•> û meurt d'une Lombards en Italie, maladie vive après avoir Charlemagne gouverne rcgné cinclans-i Italie avec le titre de Loi jufqu'en 800. 30. Conftantin VI 780. Porphirogenctc, règne quelque temps fous la tutelle de fa mère Irène. Mais la jalouiîe du trône lui fait charter ignominieufement fa mere ; il fait ctever les yeux à Niccphore fon oncle. Il répudie fa femme Marie pourépoufer Théodeéte fa concubine. Tant de crimes révoltent contre lui fes » e s Empereurs, cxlvij fujcrs Se fa propre m ère qui lui fait crever les Ori, yeux. Il meurt de ce lup- An. plicc après dix-l'ept ans J. de régne. 31. Irène règne feule 797» pendant cinq ans. Le patrice Nicéphore fe fait proclamer Empereur Se relègue l'impératrice dans l'iflc de Let-bos. Rkahlijfcmciî de l'Empire d'Occident. *00' Larlemagne efi coaionné par le pape Léon III , & proclamé ji, Nicépnorc régne Soi Empereur Augufte par • J,.jjt ans Se hait mois , il Je peuple Romain. 11 afTocie à l'empire fon meurt cn 814. fils Michel Stauracc qui à fa mort eft: contraint de prendre l'habit mo-naftique. 33. Michel I Curo- 811 814. 1. Louis le débonnài- palnre, gendre de Nicé-re régne vingt-fix ans. phore, reconnoïc 1 eiti-0 0 pire de Charlemagnecn Occident. Il fe retire dans un monafttre après un an & neuf mois de régne. cxlviii TABLE CHROKOX. OCIQl'F. j+. Léon V. l'Armé- — 7j-^J nien, renouvelle la per- Orient ' Kcotion des images. an. ni' j c Michel k Bègue forme J. q une confpiratioii contre 8|j lui. Léon eft tué dans fon palais la nuit de Kocl. j j. Michel H. le 8*c. Bègue , règne huit ans & neuf moi«. 3 6. Théophile, fils dr 81 Michel , règne douze ans &l quatre moi;;.Léon Michel & Théophile 840. 3. Lotluirc I. regne furent Iconocîaftcs. iraus. 37. Michel IIIrcgnc841. ij ans & huit mois , quinze ans fous la tutelle de l'impératrice Théodora fa merc & le refte fcul 3 il avoit aflo-_ . „ / cié à l'empire fon fuc-85;. 4. Lomt II régne cclrcur qui Je fait afTaf. vingt ans. fmcr- 38. Bafilc le Macédo- 8 67, nien regne dix - neuf ans. 87 j. j.Charles le Chauve, tegne deux ans. g77, 6. Louis III. Ichéguc régne deux ans. Il y a deux aas d'inccrrcgac. m s Empereurs. cxli* f, Charles III , dit Occid. le gros ( cpt couronne à Orient. An.de Rome eu 8 S i. Sous le An. de J. C. foible regne de ce prin- J. C. 8 81. ce, Gui duc de Spolecte le fait couronner Empereur par le pape For-mofe , & reconnoître l'on fils Lambert dans la même qualité } l'un 8C l'autre furent défaits & j 9- Wôû VI, le Phi- 88 $. Louis IV. règne quatre ans & eft vaincu par Bercnger duc de Frioul, qui fe fait couronner Empereur par le pape Jean IX. 11 jouit eii Italie d'une autorité ufurpéc pendant neuf ans, jufqu'au temps où après* avoir été vaincu par Rodolphe de Bourgogne,il eit alfafïiné par fes propres foldats. La foiblefle de Charles le , c fimplc eft caufe que 4«>- Alexandre frère 9ii. l'empire fort de la nui- de Léon & Conftantin Ton de France. fon neveu régnent en- cî TaBIÏ CHRONeLOGIQtTE - ■ . ■ io. Conrad duc de femblc pendant un an. ■■j_«i.._t Occid. pranconie régne fepc 41. Conftantin VIII Orient An. de ar)s> Porphirogencre , aiTocic An. Dj C- 11. Henri I. l'oife- à l'empire Romain le j. q leur , duc de Saxe. Les Capene fon bcau-perc 9I1< auteurs Italiens regar- en 9151. Il l'envoie en dent ces trois princes ex:I en 944 & régne en plutôt comme rois d'I- tout 48 ans & ; mois, talie que comme Em- Sa vie fut allez tran-pereurs, parce qu'ils ne quille ; élevé fous les furent pas couronnés yeux de l'Einpcreut par les Papes ; mais ils Léon fon père, il aima mettent au rang des les lettres qu'il préfera Empereurs , Berengcr toujours aux armes, duc de Frioul, Gui & Lambert de Spolette , qui avoient forcé les Papes à leur donner la couronne impériale, jjiî. 11. Othon I le grand, de Saxe , régne trente- fîx ans & eft reconnu /' 1 ' . , . , „ 41. Romain le jeune, o^a mcmeaRome rourem- rr • > • it • ..r aiiocie a 1 fcmri: e par pereurd Occident. Conftanr,n fon rere dès 945? , régne dans foin*-veté trois ans & quatre mois. ' 4?. Nicéphore IL 96^, Phocas régne glorieufe-ment lix ans & trois mois, il eft tué par fon ' fuece fleur. 44. Jean I. Zimifcés, ^$5, monte fur le trône par les intrigues de l'impe- i»es Empereurs. c\j rarricc ThéopJianie. II _■ eft: empoifonné au rc- Orient. tour d'une guerre heu- An. d* reufement terminée j. C. contre les Bulgares & les Sarralins. Il régne ûx ans & demi. 4y. Bai71e& Conftan- 97 t. 97}- r j.Othon II. deSaie tin, fils de Romain le régne dix ans. jeune, régnent près de 50 ans. 4,8 3- 14. Othon III de Saxe, délivre le pape Grégoire V de la tyrannie durconful Crcfccn-tio. C'eft: à ce temps que l'on place l'établinc-ment des princes électeurs de l'Empire. Il régne 18 ans. L Empire j vaque quelque temps. if. Henri II le boiteux & le faint, duc de Bavière , meurt fans poftéritc. U)l4- 16. Conrad II de Franconie , dit le Sali— que : une de fes fille* nommée Judith , fut mariée à Aron d'Eue,.' £tt elij Tabli Chronologique A^dh 4^. Romain Argiro-oTS; f«Ie regne «nq ans & An> ^ iîr mois j il meurt a/îaf- j q fine par l'impe'ratrice jozs' Zoé, fille de Conftantin qui ne trouvoit pas le poifon qu'elle lui avoit fait prendre aflez prompt. 47. Michel IV. le Pa- 1054, phlagonicn,changeurdc fon métier, eft élevé fur I0,9 17. Henri III le noir, le tr°ne, P? l'™P<**- j ? fils de Conrad II. Irice Z°c ' 11 reSne fcPc ans & huit mois. 48. Michel V Cala- 1041. phate, neveu du précédent , ai n fi appelle par ce que fon pere étoit cslfateur de vaiffeaux , Se que lui - même en avoit fait le métier 5 il fut appelle au trône par Zoé qu'il fit aufii-tôt enfermer dans un monastère ; il fut à peine quatre mois fur le trône 3 il devint odieux au peuple & fe réfugia dans un monaftère d'où on le tira pour lui crever les yeux. 45>. Conftantin IX ro42>, Monomaquc, Zoé Tuf- dïs Empereurs. cliij focie à l'Empire , il ré- -,— , , gn« douze ans & cinq Orient mois. Le nom de Mo- An. ut nomaquc lui vient de j, ç -fon habileté à la lutte ou à l'efcrync qui étoit fon plus grand talent. 50. Théodora fœur 10;4.. de l'impératrice Zoé eft reconnue héritière de J'empire ; elle régne pendant un an t: meurt après s'être alTocié... ji. Michel VI Stra- 10; tiotiquc, vieux guerrier d'un grand nom , mais que fon âge avancéren-doit incapable de gou-l^$6. ï8. Henri IV fils de veiner. Il ne monta fur Henri III avoit époule le trône oue pour cn Berthe , fille d'Eudes dcfcendre quelques de Savoie qui prenoit le mois après la mort de titre de marquis d'Ita- Théodora. lie. Sous le régne de ce 51. lfaac Comnenc 10^7. prince commença la fa- regne deux ans & deux meufe querelle des in- mois. Il abdique & fe veiritures qui divifa fi retire dans un monaftè-long-tempslefaccrdoce re. Il y eft déterminé & l'empire. Les Guel- par la fraye.lr que lui fes & les Gibelins pa- caufe la chute de la lurent. Grégoire VII foudre à fes côtés, foutenu du crédit de la 53* Conftantin X'i^?-plupart des feigneurs Ducas. Ses vertus lorf-Allemands, & fur-tout qu'il étoit particulier, des iiwntflcs de Ja com- aient croire qu'il étoit cliv Table Chronologique terfe Mathilde , fufcita capable de bien gouver- **__________ de grandes affaires aux ner > mais fa grande Orient, | Empereurs. Il tira de épargne lui fit perdre An. de grands fecours des Nor- une partie de ce qui L G. mands établis en Sicile reftoit à l'Empire en & dans la Pouiile. Ils Afie , que les Turcs étoient excommuniés lui enlevèrent. Leur lorfqu'ils fe rangèrent puifTance devenoit tous du côté du Pape contre les jours plus redouta-l'Empereur: ce qui leur ble. Il régne fept ans Se mérita la grâce de la demi. réconciliation. On croit y4- Romain Dioge- 106^ que les noms de Guel- ne , eft appelle au trô-fes&de Gibelins vien- ne par Eudoxie veuve lient de Guelfe de Ba- de Conftantin, pour ré-vierc qui avoit époufé lifter aux efforts des Beatrix , mere de la Turcs Seljoudiques qui comtefTe Mathilde, qui le fîtent prifonnier. A étoit dans les intérêts fon retour il a les yeux «lesPapes,& du château crevés par les ordres du dcGibelingen Franco- Céfar Ducas, après trois nie ou étoit né Henri ans de régne. III pere de Henri IV. /)• Micllcl VH fils 1077. aîné de Conftantin Ducas, fit des progrès dans les belles-lettres , fur-tout dans la poëïîc , fous la difeiplinc de Pfclius, & négligea le foin de l'Empire. Il fut dépofé & enfermé dans un monaftère après fix ans de régne. Il trouva le moyen de s'enfuir e» • ES EmPIRÏTJXS. cî> Italie , où il tenta inuti- lement avec le pape Gré- Orient. goire VII, de fefaiiedes An- P» partifans qui l'aidaffent v C. a remonter fur le trône. 56. NiccphorcBoto- 1078. niatc ufurpe le trône fur le jeune Michel ; il ne l'occupe qu'environ trois ans. 57. Alexis IComnc-1081. ne, chafle Niccphorc , Se abandonne pendant un jour la ville de Conf-r9. Henri V fécond tantiooplc au pillage de fils de Henri IV. veut fon armée. Il régne pen-termincr avec la cour dant 17 ans & 4 mois, de Rome la fanwufc Sur la fin de ce fiéele fe-qjKtclfe des invertirai- fait la prenneic croifa-tes. Il ne réuflir pas ; Se dc'3uc la 1:f??cc des tente la dépoùtion du croi,fcs » lcs défiances , pape Gclafe II. Il s'en ? les tromperies dA-tépent à la fin de fes lcxis fircnt man«îucr-jours Se f;>it demander à Calixtc II l'abfolution * 8- J"" ?. Con?nc_ * «* des cenfurcs qu'il avoit ne • fîis (i A,!CX1S • reS«e encourues. Ilmcurtfans J4 f« & fept mois. II enfans. fc ble^c a ,a . ne flèche empoifonuée Se meurt. Iity. 10. Lothairc II de Saxe régne 1* ans. Il Iaiflc la querelle des in-Vclbtures pour calmer cîvj Table Chronologique. i les différens partis qui Occid. divifoient fes états. Orient, An. de *m J.C. ii. Conrad IIÏ de *£. »l 11^9. Suabe regne 14 ans. Il périt dans la féconde Emmanuel Corn- 1143, croifade qu'il avoit en- nene regne trente-fept trcprife avec Louis le1 ans , prince artifi-jeune roi de France. cieux & timide. Les hif-toriens l'accufent d'avoir efîayé de faire périr l'armée des croifes, (Tlji. il. Frédéric I Barbe- cn mêlant du plâtre & rouffe , a de longs dé- de Ja chaux dans les fa-mêlésavec les Papes 3 il rines qu'il s'étoit obhgé fe reconcilie à Venife de fournir, avec le pape Alexandre III. Il fe met à la tête éo. Alexis II Corn- nj0 de la troifîéme croifa- nene , fils d'Emmanuel, de , où il a quelques cft forcé d'afîocier au fuccès j il fe noye dans trône Andronic fon on-une petite rivière d'Ar- cIc, qui le fait étrangler ménie où il fe baignoit, après trois ans de "re-après 38 ans de regne. ane. 61. Andronic Corn-nene , regne à peine deux ans , chargé de la haine publique 3 il eft fait prifonnier par Ifaac l'Ange , eft tué par fes ordres. 183. te tu et.Ifaac l'Ange mon- r r, fur le trône, Û règne bis Empereurs. dvij ^~r~$ ans & 8 mois. Ii eft J Yccic*' renverfé par fon frère Orient. An.de 13. Henri VI de Sua- Alexis qui lui fait crever An. de J. C. be, fécond fils de Fréde- les yeux. J. C. l i?o, rie I, régne huit ans. £3. Alexis VII l'An- itjfi ge , prend le nom de Comnencjil pourfuit fon neveu, qui a recours aux 14. Philippe de Sua- P^"ces croir" ' lcfclueIs be5troifiémefilsdeFré- . & prennent deric I, regne dix ans. Conftantmoplc, & ren-0 dent le trône au jeune Alexis , comme héritier de fon perc Ifaac l'Ange. 64. Alexis IV aiTocie 12034 fon perc au trône , quoiqu'il fut aveugle ; mais Alexis Ducas Mur-fuphle , fe révolte contre lui , le fait étrangler. Le vieux Alexis meurt de chagrin. Les princes Latins s'emparent du trône de Cônftantinople. 6<;. Baudouin comte 1204. de Flandres , premier empereur Latin d'Orient, fait prifonnierla première année de fon reqnc par Jean roi des Bulgares , meurtcnpri-fon. cTvifj Tablï Chronoiooiqi-i . t-f. Oriion IV de 66. Henri de Fian- _ Occii. Saxe régne huit ans , ii dres, frerede Baudouin OriTrTr An. de renouvelle la cjuerelle d'abord régent de l'Em- An. db* J. C. des inveftiturcs, Se Ce pire, enfuite titulaire , J.Q^ noS. fait beaucoup d'enne- régne dix ans Se neuf 1107, mis ; il eft contraint de mois, fe retirer cn Saxe où il meurt cn 111 S. ruo. 16- Frédéric II de Suabc, fils de Henri VI, a de longs démêlés avec ks Papes , pafTe cn Afie pour la quatrième croi-fade, revient enfuite en Lombardie , où il fait le fiége de Parme , qu'il eft contraint de lever après deux ans. Il meurt à Fiorenzuola dans la Pouillc, étouffe, à ce que l'on croit par Main-froi fon fils naturel. Il avoit regne près de j 1 ans. 67. Pierre de Cour- I1I7. tenai, comte d'Auxerre,. «ouronné à Rome par le pape Honorius III, n'a que le vain titre d'empereur j il fe iaifla tromper , Se dire prifonnier par Théodore Lafcaris qui confervoit à Andri-noplc la qualité d'empereur Grec. 61. Robert fils de ixir. Pierre de Courtenai , régne huit ans à Conf-tantinoplc. 6?. Baudouin de Cour- iiijt tenai, fils de Pierre , porte pendant 31 ans le titre d'Empereur, dont partie fous la tutelle de Jean de Bricnnc fon bcau-perc, roi titulaire de Jérufalcm 5 ne pouvant fc foutenir fur le trôac, ilpaïle cn Occi- » ï s E m P Occid. An. de J. C. *i;o. 17. Conrad IV , fils de Frédéric II , meurt après quatre ans de ré-g"ic , pendant lefquels il vainquit en. bataille rangée Guillaume de Hollande fo.i compétiteur. 11 ne laiffa pour bériticr que le malheureux Conradin fon fils ue Charles d'Anjou t décapiter à Naples à l'âge de dix-fept ans : en lui finit la maifon de Suabe. Après la mort de Conrad, les princes électeurs divifés, éhfcnt en E a E 0 R s cîfx dent pourobtenir da fe- \ a cojrs des Latins qui ne Orient. purent le rétablir. Les An. de Empereurs Latins gar- J. C. derent Conftantinople pendant ci:iquan:e-fept ans, qu'ils employèrent moins a s'y affermir qu'à le difputer enrre-eux. Ils dépouillèrent cette ville de fes richelTes , de fes reliques & de prefqut to ts fes ornemens. Les Vénitiens fùï* tout oui parrageoient la puiflance avec les Empereurs , en tirèrent beaucoup d'effets précieux (a). (a) Lorftjue les Latins s'emparèrent du trône impérial 4* Confianttnople , Théodore Lafcarit fe retira à Nicée où H porta le titre d'empereur Grec d'Orient. Il y mourut en Jean Ducas lui juccéda & régna } 5 ans ; Théodore Lajcjris régne 4 ans. Jean Lafcaris lui fuecéda & après | iui Michel Paléologue qui reprit ConJUatinaplc & en chajjti tesprinces Lutins. clx T \ble Chronologique '________- méme-temps, Alphoi- 70. Michel VIII Pà- — ...^ Qccid. fe roid'Efpagne, & Ri- léologue regne environ Orient An. de chard de Cornouaille 13 ans. Il feint de fe ré- An. de* J. C. prince d'Angleterre ; on concilier avec l'Eglife J, q ne les compte point an Latine au premier Con- 116l ' nombre des Empereurs i cile général de Lyon, après un affez long in- Aidé des Génois il chaf-terregne, ils s'accordent fe de Conliantinople & élifent. les Vénitiens, les autres Latins & fur-tout les François qui avoient 1173. 18. Rodolphe de formé des établiflemens Hasbourg , chef de la dans les environs, maifon d'Autriche, rc- 71. Andronic II, le U8« gne 19 ans fans entrer vieux , quitte le trône en Italie. fort âgé & fe retire dans un monaftère , après tlpi* Adolphe de Naf- avoir perdu prefque fau regne iîx ans & de- entièrement l'ufage de mi & eft forcé de céder la vue j il avoit régné le feeptre. près de quarante-neuf Ïi5»8. 30. Albert I d'Autri- ans. che, fils de Rodolphe , regne 10 ans. 3t'o8. 31. Henri VII de Luxembourg paûc cn Italie, alors horriblement troublée par les Guelfes & les Gibelins, meurt à Buonconvcnto dans le Sienois, empoifonné à ce que l'on croit 3 il -avoit régné cinq ans. £314. 31. Louis V de Bavière , défait Frédéric des Empereurs» clxj d'Autriche fon compe-Occid. ritcur , regne trente- Orient. An. de trois ans , toujours en yx. Andronic III le An. de J. C. divilîon avec les Papes, jeune , petit-fils du pré- J. C. Il reçoit à S. Jean de cèdent, regne neuf ans< 1331. Latran la couronne impériale des mains d'E-tienne Colonne , féna- teur de Rome. 73. Jean IV Paleo- 1341- *347» 3 3- Charles IV de Iogue règne 44 ans* Luxembourg publie la Jean Cantacufcnc bulle d'or qui fixe le grand domeftL]ue de nombre des électeurs l'Empire, profite du bas-& les formalités de l'é- âge de l'Empereur pour Icclion des Empereurs, s'aflbeier à la puiflance Grand prince qui réta- fouverainc qu'il garde blit partout la paix & près de dix - fept ans , l'ordre , il regne enyi- après lefquels il eft for-*ori3ians. ce de fe retirer dans un cloître. Le malheureux état où la puilfance des Turcs avoit réduit l'empire d'Orient, fut caufe >378. 54. Venceflas deLu- d« Marches f ,fit xembourg, fils de Char- 1 Empereur pour fe reu-ies, regne 12 ans & eft firde communion avec dépofé pour fa mauvai- lcs F.™? Lanns > d.ef- fe conduite & fes vices. Tch û c(PcroiC "rcr deS fecours pour éloigner fes ennemis. 74. Emmanuel II 13 léologue voit B fous les murs d pitalc, prêt à s eu em- tîxij Table C h 3 j. Robert de Bavière , comte palatin du Occid. An. de R"in, regne dix ans J. C. Jolie de Brande- 1400. bourg, marquis de Mo-1410. rav'c, élu a lage de 90 ans , régne fîx mois. 3 7. Sigifmond de Luxembourg , fils de Charles IV , régne zy ans. On doit a fes foins le concile de Confiance & l'extinction du grand fchifmc d'Occident j il laille pour héritière, Eli-zabe.h reine de Hon grie & de Bohême qui époufe fon fuccefleur. 1438. 38. Albert II d'Autriche , régne deux ans. i440. i 9- Frédéric III d'Autriche, régne cn paix $ 3 ans & cinq mois. RONOLOGÏQOfi parer , fî Tameilan ne l'eut contraint de courir à la défenfe de fes propres états. Il régne 40 ans , toujours agité par des diviiions mtef-tines. 7;. Jean V Paféolo-gue croit fauver l'empire d'Orient , en fe réunifiant a l'églife Latine j ce qui fe paifa au concile général tenu à F^rence cn 143,9 Cette réunion mécontenta fes fujets , & n'affoiblit pas la puifTance des Turcs 3 il régne 13 ans. 7 6. Conftantin XI Pa-Iéologue,frere de Jean, rcfufr de faire publier les articles de réunion arrêtés au concile de Florence. Alors les Grecs étoient plus occupés du foin de fe maintenir dans le fchifme , que d'éloigner les Turcs qui refferroienr Conftanti-noplc de tous les côtés. Ils ne montrèrent une force & une bravoure qui étonna tout l'univers , que lorfqu'il *4i* '447. dïs Empereurs. clxii? ne fut plus poflîblc de réliftcr a l'ennemi qui les environnoir. Mahomet II empereur des Turcs prit Conltantiroplc d'aifaut le 19 Mai 145-3. Le malheureux Cor.ftantia fe fit tuer fur la brèche , & ne céda qu'avec la vie une couronne qu'il ne pouvoit plus défendre. empereurs d'o ce i d e n t. *48j. 4e- IVf Aximilien I, fils de Frédéric , régne M ar)s , par le mariage de l'archiduc Philippe fon fils avec Jeanne ia folle , fille unique de Ferdinand le Catholique ; il réunit la riche fuc-cclfion d'Efpagne aux grands états qu'il poflédoit déjà cn qualité d'héritier de la maifon d'Autriche , & de mari de Marie de Bourgogne , fille unique de Charles le guerrier. *Jr9. 41. Charles V d'Autriche , règne trente-fept ans ; il abdique cn 15 r<î & meurt deux ans après. X5S*. 41. Ferdinand I. d'Autriche frere de Charles V , régne 8 ans. lS*4> 43- Maximilicn II d'Autriche, fils de Fcrdir nand , régne 11 ans. 1S76. 44. Rodolphe II d'Autriche , régne 36 ans , meurt fans avoir été marié. jt. Mathias, frerc de Rodolphe , régne fk au«& neuf mois 3 il meurt fans héritiers. clxiv Table Chronologique; ..... 46. Ferdinand II d'Autriche , regne 17 ans Se Occid. 6 mois. An. db 47' Ferdinand III fils du précédent , règne J. C. 40. 1619. 48. Léopold Ignace , fils de Ferdinand III; 1637. regne 40 ans Se neuf mois. 1658. 49. Jofeph d'Autriche fils de Léopold , régne 1705-. 6 ans 3 meurt fans lailfcr d'enfans mâles. 1711. 50. Charles VI d'Autriche , règne 19 ans, meurt en 1740 , lailTant pour feule Se unique hé» riticre Marie Thérèfe d'Autriche , reine de Honj gric Se de Bohême, enfuite impératrice. Le trône Impérial vaque pendant 1 ans. 1741. ji. Charles VII de Bavière, regne 3 ans. j 74J. 51. François I de Lorraine, grand duc de To(« cane à préfent régnant. Fîn de la Table Chronologique, MEMOIRES MÉMOIRES historiques ET CRITIQUES SUR L'ITALIE.- Etats du Roi de Sardaigne , Savoie , Piémont ; Villes cédées dans le •Milanois. *• À U fonir de Lyon, on traverfe une Ly*0UCn s* *t"ÎLpartie duDaupbiné par une route voie, belle 6c bien entretenue pendant l'efpace dix huit lieues j à quoi la nature du ter-rein prefque partout fec Se fort égal, contribue beaucoup. Les mûriers blancs planés le long du chemin Se au bord des champs, y rcuilîiTentbien.On en voirquel-^u.es Pépinières aux environs de Bour-801ng > gl'os bourg du Dauphiné , com- Tome /. * A 2 Mémoires d'Italie. merçant & peuplé , finie dans nne plaine fertile arrofée de plulieurs petits ruiiîeaux-delà on paife à la Tour-du-Pm , autre* bourg du Dauphiné , où eft un couvent de Recollèts. 'À mefure qu'on approche des frontières de Savoie , on voit qlle Ton préfère la culture des châtaigniers & des marronniers à celle des autres arbrc-s fruitiers, quoique le terroir y foit bonèc fertile. La dernière place de France de ce côté -eit le Pont de Beauvoifm , bourg aiTc2 conlidérable (a), partagé en deux parties par le Guer , petite rivière qui coule en. tre les frontières du Dauphiné & celles de Savoie j fa firuation eft dans un vallon réf. ferré. La partie du* France eft la plus confi. dérable, l'Eglifc Paroiiliale y elt fîcuée • jj y a dans la partie de Savoie un Couvent Se une Eglife de Carmes chauffés • ellCs communiquent l'une à l'autre par unpojlt de pierre , bâri fur le Guer , gardé du cote de France par un détachement de Soldats Invalides , 6i du côté de Savoie pac .une compagnie d Infanterie ou de Caya? Jerieuu Roi de Sardaigne ; tout cela pour la forme , car des deux côtés il n'y a ctW ire dtfemp qu'une barrière de bo.sàcha- (a) Connu dans l'Itinéraire d'A:uonin Cous le no.n dje LJj'tjco. Savoie. 3 que bout du pont ; du côté de Savoie , il y a une petite promenade fur le bord du Guer, allez agréable. Les habitans de ce Bourg font fort honnêtes & bonnes gens, les Douaniers n'y font point incommodes. G'eft-là ou j'ai vû pour la première fois , (en 1761 ) une Compagnie de Dragons a cheval , avec uniforme bleu ôc parement rouge, levée par les Fermiers Généraux , pour s'oppofer à l'entrée des contrebandiers en France j ces gens étoient a nubien montcSjils avoient l'air militaire, &: ils étoient bien en équipage ôc en armes. 2.. En entrant en Savoie,le pays s'annonce fous les apparences de la fertilité ôc de 1 abondance } on traverfe un vallon bien cultivé,où l'on voit des grains de toute ef-péce , des arbres fruitiers, des vignes , quelques bonnes prairies , du bétail, enfin tout ce qui marque la richeiïe d'un Pa)'s } mais à peine a-ton fait une lieue ^e l'on trouve !a montagne des Echelles; vie ell élevée % ôc le chemin pour la paf-% ell bien fait ôc entretenu ; quand on a gagné le haut, ce chemin eîl revêtu de Parapets , qui ralfûrent les voyageurs, Ôc *°ut que Ton voit lans horreur la prorondeur du précipice qui le borde , & qui eft telle qu'A peine apperçoit on le Guer qui panT"c em& cette montagne ôc. Aij 4 Mémoires d'Itaxie. celles du Dauphiné qui font vis-à-vis, &: tout au plus à la diftance de 50 ou 60 toifes ; ce qui rend la hauteur du précipice plus fombre encore & plus effrayante. Ces montagnes font couronnées de part & d'autre par des rochers très-élevés ; du côté de Savoie , la corniche fUr laquelle tourne le chemin , eft taillée dans ces rochers mêmes ; il y a quelque danger à y pafïer , dans le temps des dégels &: des fontes de neiges , parce que quelquefois il s'en détache des quartiers cjui écra-fent tout ce qui fe trouve expofé à l'action de leur chute, chemins .3. Le village des Echelles que les habi-je mo-.ua- ^ (j(J payS ont Ja vanité d'appeller ville, 3n"' eft fitué dans un vallon refferré. On voit fur des hauteurs dans le voifinage quel, ques ruines d'anciens châteaux qui ont fervi autrefois à défendre le partage. A cinq cens pas hors de ce village , on commence à grimper la montagne de la Crotte par un chemin alfezroide, mais beau & large, pavé en grande partie & bien entretenu j pour le rendre commode, il a fallu percer les rochers , ôc les applanir dans la longueur de plus de mille toifes : entreprife vraiment digne d'un grand Monarque , & qui fera un honneur éternel à la mémoire de Charles Emmanuel Savoie, 5 m > duc de Savoie, qui l'a fait exécuter ; on voit des parties de rochers coupées à plus de cent pieds de hauteur, dans toute la largeur du chemin , où deux voitures peuventpalTer prefque partout commodément y au-defTusdu chemin à gauche font les armes du duc de Savoie , avec l'infcription fuivante compofée par l'Abbé de S. Réal. « Carolus. Emmanuel. II. Dux. Sa-» baudia. pedem Princeps. publica. feli-» citate. pana. Jingulorum. commodis. n mtentus. breviorem.fccurioremquc. viam. " regiam. natura. occlufam. Romanis. in~ * tentatam. cœteris. defperatam dcjeBis. " fcopulorum. repagulis. azquata. mon-" Hum. iniquitate. qua. cervicibus. immi-M nebant. prcecipitia pedibus. fubfiernens. " ^ternis, populorum. commtrciis. patc-"fecit. Anno M. D. C. LXX. Cette infcription, quelque magnifique Scelle foit, ne dit rien de trop ; la hauteur des rochers & leur épauTeur renvoient le chemin de Chambéri en Dauphiné impraticable aux voitures ; les mu-lets & autres bêtes de charge ne pou-yoient y paifer qu'avec peine & à forée cte détours. 4-En fortant de ces rochers,on côtoyé une A iij 6~ Mémoires d'Italie. montagne élevée Se dans une températu-re très-froide ; à la fin de juin , lprfqtré la moiflon étoit prefque achevée dans ies autres pairies de la Savoie, les feigles ôc autres grains de ce canton étoient encore tout verds. En approchant de Chambéry le terrein s'abaifTe, ôc la température de-vient plus douce. Une lieue avant que d'arriver dans cette ville, on voit à droite cafcade r.a- prouve que c'étoit une place d'importance ; mais à préfent elle eft entièrement abandonnée, tk les fortifications „ quoique d'une forme régulière, paroilTent bien peu de chofe. La ville qui eft au-deiïbus eft bâtie fur un terrein inégal tk quelquefois aiTez roide j lapolîtioit en eft riante le long de l'Ifere \ je n'y ai yû aucun édifice remarquable j les habi-tans ptouTent pauvres , tk cependant foff io Mémoires d'Italie. ais ; quelques maifons de campagne âties au levant 8c pics de la ville, forment un faiixbourg dont l'afped eft gracieux ; à la fuite de ce fauxbourg commence le coteau de vignes , qui produit le vin de Montmélian . qui eft très-bon 8c fort connu dans toute l'Italie ; ce coteau a trois lieues au moins de longueur, & eft la principale fource du commerce de ce pays. Au fortir de Montmélian on traverfe fj. fere fur un grand pont bâti moitié en bois » moitié en pierres j delà on monte fur lln coteau alfez élevé , mais qui eft très-biert cultivé ; la température en paroît froide • en voit dans la longueur de quatre grandes lieues beaucoup de bons pâturages des champs femés de grains de toute efpéce , des fources d'eau vive qui coulent des montagnes voilines ; en général ce pays eft bon & fertile j les châtaigniers ne manquent pas dans les terreins plus élevés j les chemins font bordés prefque par. tout de noyers enfin il paroît que les ha-bitans ne négligent rien pour fertilifer leurs terres, 8c pour en tirer le meilleur parti • Ci tout le duché de Savoie relTembloit à ces perits canrons, ceferoit l'une des provinces les plus riches de l'Europe. 7. Au-de'îoasd'Aigueb:llc5 l'Arc fe joint S A V O I Z. Il a l'Ifere j le vallon où coule cette rivière devient très-étroit , les montagnes font plus élevées , 8c prefque partout inabordables aux cultivateurs. Le village d'Ai-guebelle eft allez gros , 8c bien bâti j il a uneparoiiïe , Se une églife collégiale fituée de l'autre côté de l'Arc que l'on traverfe fur un pont de bois j elle a été fondée au commencement du XIIIe Iîécle par un évê-"que de Tarentaife, dont on voit le mau-iblée en bronze à l'entrée du chœur j elle eft delTervie par un doyen 8c douze chanoines, de nomination royale. A cinq cens pas de cette collégiale fur le même coteau, on voit le clocher & le deiîus d'une églife paroiltiale qui fut recouverte en 1 7 5 o, le i î de juin , par une lavahche qui coula d'une monragne voilîne ; toutes les maifons de la paroilfe curent le même fort. On appelle lavanche un torrent for- CarsacOa mé de-neiges fondues , de terres délayées, de fables Se de quartiers de roche qui cou-feftt enfemble , du haut des montagnes , j5i en volume allez considérable pour çoùj-Vî'ir des villages entiers , arrêter le cours des rivières, ou le détourner. On en voie plulieurs exemples, furtout dans la Mau-rienne , où les neiges font plus abondants, les montagnes plus élevées 8c les valons plus étroits. En i74-5 l'infant dut À vj. \ i£ Mémoires d'Italie. de Parme , à la tête des François & des Efpagnols , eut une affaire fort vive avec les troupes du roi de Sardaigne qu'il força dans Aiguebelle. Ce porte eft important 3c eft la clef de la Mauricnne ; il y a eu autrefois quelques ouvrages de dé-fenfe conftruits fur un rocher qui domine absolument le partage mais ils font abandonnés ; d'ailleurs , le pays eft fi ref-ferré 3c fi difficile à tenir, qu'il fe défend artez de lui-même. La plus grande partie deshabitans d'Ai-guebclle, furtout ceux qui demeurent de l'autre côté de l'Arc , portent des goitres e k-iirboi(-fou ordinaire développe prempremerit.,., Savoie, i 5 fur des cminences ifolées pour défendre les pafïages. S. La Chambre , ville peu considérable La ch^pabrc-avec titre de marquifar., a une églife col- M'aulie*nC. " légiale tk paroilîîale , tk un couvent de Cordeliers -, elle ell limée dans unterrein «ni fur le bord de l'Arc , a deux lieues environ de S. Jean de Maurienne, ville épifcopale , capitale du comté de ce nom , qui a été le premier domaine fouverain "de la Maifon Royale de Savoie. La ville eft petite • l'églife cathédrale eft d'uh mauvais gothique ; on y voit le corps d'ir.i évêque de cette ville, trouvé'en terre il y a quelques années , frais &c entier ; i| eft expofé dans une châïïe à la vénération du public, revêtu d'ornemens pontificaux. Les rues font étroites , les malins allez mal-bâties ; il y a quelques maifons religieufes, peu riches. Le vallon °û cette ville eft lituée, eft relïerré ; cependant les abords en font riants ; tk les montagnes qui font un peu moins efcar-pées dans cette partie , laiifenr quelques échappées de vue qui femblent doubler la largeur du vallon ; delà jufqu'à Lane-ko'irg qui eft au pied du Mont-Cehis ert Partant par S. Michel , S. André , Mo- Mod^ dane , Bramant tk Termignon , le pays va toujours en ^'élevant, la température \6 mémoires d'It al if. devient plus froide , Ôc les montagnes femblent beaucoup plus hautes ; le chemin qui a environ douze grandes lieues de longueur, fe fait le long de l'Arc en côtoyant les montagnes, Ôc doit are très-dangereux en hyver, ôc dans le temps de la fonte des neiges , par rapport à la dif. iiculté du fol, 6V: aux lavanches ; les paf. fages les plus difficiles font la montagne de S. Michel, la côte S. André , les abords de Modanc, les bois de Bramant, ôc la montagne de Termignon. On ne faitquç paffer d'un bord de l'Arc à l'autre fur des petits ponts de bois de fapin faits rrès-artiftement, Ôc fur des modèles affez a» tiques , car ils leifemblent beaucouo i ceux que Céfar fît conuruire en différentes occalîons, ôc dont les plans nous ref-tent encore. Cette riv;cre qui coule d'uue rapidité étonnante , qui reçoit à chaque inftant des ruiffeaux cfe neige fondue qui tombent des montagnes, eft prefque auflj groffe à fa fource qu'à fon embouchute dans l'Ifere \ iingularité que l'on nepeut attribuer qu'à la rapidité de fon cours • on y pêche quelques truites de médiocre qualité. Ses eaux font blanchâtres , froû des , lourdes , ôc d'un goût défagréa,, ble. Les montagnes, en général uniformes, Savoie. 17 ont cependant chacune quelque Singularité qui amufe le voyageur [a). Les unes font abfolument arides, en Qualités du partie détruites par la fonte des neiges j "n*1"* les rochers font calcinés ; elles ont l'air de la décrépitude même; les autres, couvertes de bois, offrent un fpectacle plus vivant; mais comme elles font prefque toutes efcarpées, on n'y voit aucune na. bitstion. Dans les fommets on voit des grottes ouvertes qui fervent de retraite aux ours ; les chamois, les bouquetins y font très-communs, de même que les faisans , les gelinottes, les coqs de bruïere, que les Savoyards vendent a très-grand marché. Ce qui fait le plus de plaiiîr le long de cette route , eft l'induftrie de l'habitant, qui ne laifïe pas un pouce de terrein inculte. Dès qu'il trouve feulement une toife quarrée déterre végétaLe, il la met en valeur ; on voit des mon-^gnes aftez efcarpées qui font cependant cultivées jufqu'à la cime, au moyen des terralfes & des foutenemens pratiqués (à) On voit dans un enfoncement, à un ernart de lieue du grand chemin, à gauche au-dela de Modafne, unccafcadc d'un volume d'eau confî-dérable ; elle tombe d'une très-grande hauteur . & fait un point de vue agréable dans cette perf-Fc&iYc d'ailleurs très-fauvage. i S Mémoires d'Italie. pour empêcher que les eaux, dans le tems des fonces de neiges, n'entraînent la terre ôc les productions dans le vallon. Ces montagnes efcarpées font couvertes d'herbages admirables , de petits prés , de champs de feide Se de froment , épais &: bienfournis de belles pailles dans un terrein lrcs-Iéger,& le Savoyard ne doitcette abon. dancequ'àfes foins. Comme il y a très-peu de terrein , qu'il elt naturellement aride, que l'action du foleil,dans les mois de juin Se de juillet, y eft très-vive, les habitansin-des eaux. duftneux conduifent dans toutes ces hauteurs, l'eau qui coule du fommet des mon-tagnes prefque toujours chargées de neige; ils pratiquent des réfervoirs à une très gran. deélevation,auxquels aboutilTent différens canaux formés de fapins creufés,qui portent l'eau par-tout où il en eft befoin. Au moyen de ces arbres creufés, ils font palTer l'eau d'une montagne a l'autre, & la foutiennent quelquefois jufqu'à foixante pieds de hauteur; on voit le long du chemin, une quantité de petites ufînes a feier le bois en planches, en folives ôc autres pièces de fervice ; rien n'eft plus fîmp{e ôc plus groliier que ces machines : cependant elles fervent très-bien à leur defti-nation. Ce pays eft vraiment fait pour donner une idée des premiers fiécles du Savoie. 19 monde, où les Arts étoient à peine connus , ou n'en étoient encore qu'à leurs premiers commencemens ; le peuple même qui eft bon tk Simple ,très-ferviable , f'ourvû qu'il voye un peu d'argent qui ui eft néceftàire pour payer les tributs dont il eft chargé, rend cette idée encore plus fenfible. (a) Les étoffes dont les habitans s'habillent, font très-grofîîeres ; ils font tous en général affez laids ; leur façon de fe mettre >' contribue. Du côré de Lafnebourg, tk fur le Mont-Cénis, les femmes portent fur la tête des toques de drap brun ou noir, avec une plaque fur le devant, d'une étoffe un peu plus précieufe, cocrfure qui ^e les embellit point. 9. Lafnebourg, dernier village de Savoie, M^a£en eft fituc au pied du grand Mont-Cénis. I-e chemin dans cet endroit celfe d'être pratiquable pour les voitures ; ceux qui Veulent les faire paffer en Piémont, les font démonter entièrement ; on les charge par pièces fur le dos des mulets, de mê- ( a ) Dans toutes les montagnes , il y a une multitude de plantes curieufes & agréables à "voir dans la belle faifon , qui croiifent dans le* fentes des rochers, dont les fleurs font de couleurs éclatantes , Se que je crois devoir être mifes àu rang des femper vivum. 10 MÉMOIRBS d'ItALTE. me que tous les ballots d'équipage : c'eft le fyndic du village qui commande les habitans qui doivent fournir les mulets, & porter; chacun d'eux y pafle à fon tour ' on voit la quantité d'hommes & de mulets qui font nécefïàires ; chaque mulet doit porter douze rupes ou trois cens livres pefant ; on charge quelque homme des effets les plus précieux; on paye trois livres de France par chaque homme, & mulet ; les domeftiques palTent ordinal rement fur un mulet ; les Maîtres fe font porter fur de mauvaises chaifes de paille, très-dures y ajuftées fur un brancard de fapin ; ordinairement on donne iîx por~ teurs pour chaque perfonne. Le chemin de Lafnebourg au-deflus du Mont-Cénis eft extrêmement roide & prefque perpendiculaire; ils l'eftiment dans le pays à une lieue de hauteur^ il n'eft point dangereux* il n'y a aucun précipice à redouter t mais feulement beaucoup de fatigue pour les porteurs , & une peine réelle de voir des hommes s'emprefler à faire le métier le plus fatiguant des bêtes de fomme; on trouve au-defTus, une efpéce de plaine inégale qui a près de deux lieues de longueur ; quand les neiges y font fondues elle eft couverte de bons pâturages, où l'on met le bétail pendant les mois de Savoie. it juillet & d'août, & en Septembre juf-qu'aux premières neiges ; il y a d'efpace en efpace, des écuries où on retire le bétail pendant la nuit. C'eft dans ce tems que fe font quantité de fromages d'afTez bonne qualité , qui approchent un peu du Parmefan, & qui fe confomment dans le pays ôc en Piémont; ce commerce eft le plus utile, & la véritable reflburce de ces cantons. A côté des écuties, il y a de petits logemens où les payfans fe retirent, & fabriquent leurs fromages. De tems en tems, on trouve des fources ôc des abreuvoirs pour le bétail. Au milieu de la montagne , il y a un cabaret cù on fait repofer ôc boire les porteurs ; plus loin un Hôpital pour les pèlerins, ôc une mai-Son pour la pofte. A droite eft un lac d'une ^ntçénlî. = demi-lieue environ de diamètre, où on Pç-che d'excellentes truites ; elles font préférables pour la ianefte du goût au fau-n">on frais; les meilleures font celles de quatre à fix livres de poids. L'air eft très-vif ôc prefque toujours froid fur cette montagne ; ce que l'on doit attribuer à Sa très grande élévation & aux amas con-«dérables de neiges qui couvrent les Sommets des montagnes voiiînes, beaucoup plus élevées encore que le plain duMont-^énis. Les neiges ne fondent jamais en- it Mémoires d'Italie. tiérement, elles acquièrent à la fuite des' tems, fut-tout dans les côtés expofcs au nord ôc au couchant, une dureté Ôc une folidiré au - delfiis de celle de la glace. Laâiion du foleil y fait très peu de ch0-fe; elles font prefque toujours couvertes de nuages ; s'il arrive que quelquefois elles foient découvertes, ôc que la chaleur du foleil s'y faile fentir alfez vivement pour les mettre en fuhon, elles fe forment prefqu'aufiï-tôt en vapeurs, d'où nailfentde nouveaux nuages. Cesvapeurs font très-Iégeres dans leur origine ; elles fe raiTemblent en différens points des montagnes, comme une fumée tranfpa„ rente, fouvent immobile ; mais le plus petit mouvement de l'air les rapproche • alors il eu aiféde voir qu'elles acquièrent plus de folidité ; elles deviennent plUs épaiiîes, plus blanches , ôc réfléchifTent même une partie des rayons de la lumière qui les éclaire Leur direction eft toujours de bas en haut, Ôc on voir les amas de vapeurs ramper en quelque forte fur L penchant de la montagne , jufqu'à ce qu'elles en ayenr gagné la cime, où elles fe forment en nuages, ôc reitenr immobiles fouvent en malfe très-confidérable julqu a ce que le vent les en détache fie les porte ailleurs. Ces montagnes, quel- Piémont. 2.3 que élevées Se arides qu'elles paroif-. lent, font donc en partie le réfervoir des eaux , qui fe répandent en pluies fur la furface de la terre; car elles fervent immédiatement à la formation des nuages. On doit remarquer encore que prefque fur toutes, on trouve des lacs Se des fources d'eaux vives. 11 fort du lac du Mont-Cénis, un ruif-feau allez conficlérabîe qui va gioflir la petite Doire à Suze. Ce même ruilteau, a. une demi-lieue environ du lac, forme une cafeade magnifique ; le rocher le long cafeade duquel elle tombe , eft chargé d'un minerai qui tient de la nature du plomb Se de l'écaîn ; quelques pairies en font cui-vreufes. Le frottement de l'eau qui eft continuel Se très-fort, a donné un beau poli au rocher, de forte que , quand il eft éclairé par le foleil, il brille comme argent. Près de cette cafeade , on voit 1-s veltiges d'une terrible lavanche'; les quartiers de pierres Se de roches brifées, couvrent p:ès d'une demi - lieue quarrée, « ont comblé rout le vallon ; cette vue donne l'idée d'un horrible bonleverfe-ment. 10.O11 côtoyé le ruifteau du Mont-Cénis Dcfcen te du pat une defeente tres-mrheue Se tres-ei- cnu.^en ri£. caipée , qui a au moins deux lieues de. moût. 14 mémoires d 1 t a l i E. longueur ; (a) on traverfe un villnge appelle la Ferriere, dans une fituation horrible ; &c enfin on arrive à la Novalèfe gros village, où elt la première douane du Piémont j c'eft là que l'on remonte les équipages. L'air y eft beaucoup plus doux qu'i Lafnebourg ; le peu de terrein que rori peut y cultiver, plus fertile ; la végétation y eft plus forte ; il eft vrai que Ton ne peut pas beaucoup compter fur les préparatifs que l'on fait dans ces vallons, p0llr la récolte ; comme ils font trcs-relTerrcs il arrive dans les fontes de neiges qui fe' font précipitamment, que les eaux qui charrient beaucoup de pierres & de fables, couvrent les terres , detruifent les habitations, & mettent la défolation & l'hor-reur dans ce petit canton ; mais comme le fonds en eft bon , que les habitans font laborieux & patiens, ils réparent infen-flblement les torts qu'ils n'éprouvent que trop fouvent. (a) Ladefcente pratiquée fur des rochers pref. que partout efearpés, rcifcmblc du haut de l\ montagne à une très-grande échelle en ferme de zigzag , dont les échelons ou zigzags f0nt d'autant plus rapprochés q te le terrein eft p]us droit, partie des échelons loin pavés , partie font garnis de pierres roulantes qui rendent le dlc_ juin ttès-fatiguant & difficile à tenir. En Piémont. ij En defcendant à la Novalèfe, à quelque diftance du plain du Mont-Cenis, on voit la partie de montagnes qu'occu-poient les troupes Piémontoifes, chargées de défendre le paffage d'Exilés, que le chevalier de Belle-ifle voulut forcer en 1747. Elles paroihfent inabordables du côté du Piémont, ôc font, à ce que l'on aiînre, beaucoup plus difficiles du côté où les François avoient formé leur attaque ; on n'imagine pas comment on ofe conduire une armée dans de pareils défilés. Des gens encore vivans dans le pays, aifurent que l'on avoit offert un projet au même général , pour conduire l'armée par le Mont - Cents ôc la chaîne de montagnes qui regne au-deffus du vallon de la Novalèfe , du côté de Notre-Dame des Neiges y il y a dans cette partie un chemin peu connu, où cependant paflent fouvent les bêtes de tomme qui vont de la Ta-rentaife en Piémont. Le roi de Sardaigne ne penfoit point à le fiire garder, & on auroit pu y paifer fans coup férir, lailfant Sur la droite le fort de la Brunette Ôc Suze ; on débouchoit tout d'un coup dans une vallée fertile où coule la petite Doire my les François , maîtres de toute la Savoie ôc du paflage du Mont-Cenis , du côté de Lafnebourg , pouvoient faire conti-Tome I. * B 26" Mémoires d'Italie. nuellement filer des fecours par cette me-me route. Fort de la ii .La Brunette,qui garde le Pas de Suze, ucetec. efl. fnuée fur une petite élévation, tk creu-fée en grande partie dans le roc, où tou. tes les cafematees , les magafins & la plupart des logemens font pratiqués. Elle eft en très-bon état de défenfe ; tk le roi de Sardaigne y lait ajouter beaucoup de nouveaux ouvrages; il y tient une gar. nifon confidérable. Cette fortereffe coupe abfolument le chemin qui palle dans les ouvrages extérieurs tk fous le canon. Vis-à-vis , iur un autre rocher, eft Un petit fort qui communique à la Brunette par une galerie taillée en partie dans le roc; celui-ci commande entièrement la ville de Suze. La Brunette n'eft pas dans une pofition abfolument fùre, elle eft dominée par deux montagnes très-élevées qui n'en font pas éloignées de plus de la portée du moufquet ; il eft vrai qu'il fe_ roit bien difficile d'y loger de l'artillerie; ck on ne néglige rien pour les rendre inabordables. Suzc* Suze, première ville de Piémont à l'en, trée du pas de ce nom, (a) eft peu confia) Située au pied des Alpes Coticnnes, au paf, fage de l'Italie dans les Gaules, par o-.i la t.adi-i i y n eft qu'Hercule, après lui Auaibil p-ul'.reur, Piémont. 2-7 fidérable , & médiocrement peuplée ; les François en ruinèrent les fortifications au commencement de ce fiecle. Le voilïna^e du fort de la Brunette, Se les troupes cjui y font en quartier, lui donnent l'air d'une place de guerre. Elle étoit jadis épifcopale , Sz l'églife qui étoit cathédrale, effc encore la principale delà ville; niais levèque ayant été tué à l'autel par un habitant du pays , qui lui tira une ar-quebufade, de la grande porte de l'églife , levêché futfupprimé , Se n'a point été rétabli ; la grande porte même fut murée , Se n'a pas été ouverte depuis. Voilà ce que l'on m'a raconté dans le pays ; le maître-autel de cette églife elt de marbres de rapport de différentes couleurs, & m'a paru aiïez beau. Mais ce qui mérite d'être vû , eft l'arc de triomphe érigé en l'honneur d'Augufte hors de la ville , très-près des gorges des montagnes , à côté d'un château ancien qu'habitoient les marquis de Suze. On voit très-bien encore que ce morceau,quoi-c»ue dégradé , elt du beau temps de l'architecture romaine. Les colonnes qui font à chaque face , font d'ordre corin- lc premier dans les Gaules , le fécond en Italie. La ville de Suze n'eft pas à deux lieues des frontières du Dauphiné. Bij , 1$ Mémoires d'Italie. thien ; la frife eft chargée d'un bas relief d'une belle exécution ; on y diftingue en. core un autel antique , avec les facrifica-reurs , les tibicines , les victimes , des hommes à cheval qui précédent une marche triomphale : 1 infcription eft en caractères romains , mais fi fort altérée qu'il n'eft plus polTible de la lire (a). La ville de Suze doit fon origine à une colonie Romaine qui s'y établit fous le regne d'Augufte , lorfque ce Prince fit. faire un chemin par le Mont-Génèvre (a) J'ai retrouve cette infeription rapportée dans la géographie de Raphaël de Volterrc. Impcrar. R. Casfari. Tyber. Divi. Aug. Fil. pGnt. Max. Imper. XXIIII. Trib. poteft S. P. çjU0(i' cjus. dtfclù. aufpiciifque. geutes Alpinia? omnes. qua:. a. Mari, fupero. ad. inferum pertinebant! fub Imperium. populi. Romani, funt. redacra?..," Ce fut Tibère qui fournit ces peuples , Auguftc vivant encore ; ils faifoient partie de la LigurjCi J'ai vû une belle tabatière faite d'un bois pé, trifîé & agathifé dont les fibres font exactement marquées & qui à la couleur paroît avoir été du noyer ; cet arbre a, dit-on , été trouvé dans les montagnes de Piémont du côré de Suze , & étoit fort gros. Si le fait eft vrai,c'cft une des plus bel. les pétrifications & des plus rares qui fc foient jamais faites.Cette tabatière appartenoit au p. jc la Torré, clerc régulier fomaique, bibliothécaire du roi de Naples. Piémont. i> pour entrer en Dauphiné. Elle devint considérable y mais ayant été réduite en cendres dans le commencement du quatrième fiécle, lorfque Conftantin le Grand combattoit pour l'Empire , elle ne fut rétablie que lorfque les marquis de Suze , qui defcendoient de Charlemagne, en firent le chef-lieu de leurs Etats. Cette ville avec le reite du marquifat de Suze^ paflfa dans la maifon royale de Savoie dans l'onzième fiécle , par le mariage d'Adélaïde , fille de Mainfroy , Marquis de Suze, qui époufa Odon frère d'Ame-' dée I. comte de Maurienne ôc qui lui porta en dot le marquifat de Suze, la Vallée d'Aofre ôc le marquifat de Turin , avec quelques autres terres lituées fur la côte de Gênes. En conféquence de cette alliance importante, Odon prit le titre de marquis d'Italie ; fon fils Amédée II. fut fon héritier ôc celui d'Amédée I. fon oncle qui mourut fans enfans , ôc mit par ces acquifitions la maifon de Savoie dans "n rang diftingué parmi les maifons Souveraines de l'Europe. 1 i.Le chemin de Suze à Turin a environ Rouw dc douze lieues d'étendue : il fe fait dans un suicàxiuiu. Vallon fertile , aifez refferré en quelques endroits, le long duquel coule la rivière de Doire ; dans ces cantons on commence B iij 3© Mémoires d'Italie. à marier la vigne à l'ormeau , c'eft-à dire que les ceps de vigne font plantés au pied des arbres fur lefquels ils font appuyés. Le terrein qui eft au-deiTous eft cultivé & femé de bled ou de quelqu'autre graine, de forte que le même champ produit au moins deux récoltes par an -, on voit aufli beaucoup de mûriers blancs pour la nourriture des vers à foie ; on connoît la bonté des foies de Piémont , & combien on y en amalTe. S. Ambroife, gros village a cinq lieues-de Suze , a une églife neuve d'un très-bon <*oût, conftruite par un maître maçon que fe roi de Sardaigne a pris à fon fervice.Élie a la forme d'un très-grand fallon octogone \ les ornemens d'architecture intérieurs & extérieurs font d'ordre compofite ; le portail, à deux rangs de colonnes, eft du même ordre. Au-delTus de ce'village fur une montagne efcarpée Se très-élevée , eft s. Michel de la fameufe abbaye de S. Michel de la aduic. Clufe, de l'ordre de S. Benoît, bénéfice le plus confidérable du Piémont, tant par fes revenus que par la grande collation des bénéfices qui en dépendent en France & en Piémont. Il y refte encore quel-ques bâtimens Se une très-grande églife abandonnée à caufe de fa fituation. Le chef-lieu de ce bénéfice fi riche eft delTeivi Piémont. 31 par un feul chapelain. L'abbaye eft à la nomination du roi de Sardaigne. Une demi-lieue plus loin on traverfe la petite ville de Veillane , commandée par un fort qui tombe en ruine. Enfuite on vient à Rivoli , gros bourg au-delfiis duquel eft une maifon Royale , où le Roi Victor Amédée eft mort, enfermé par ordre de fon fils. La fituation en eft belle „ & domine fur une plaine fort large qui a trois lieues de longueur, ÔC eft terminée par la ville de Turin. Ce château n'eft f»as achevé ; le roi l'a abandonné depuis a mort de fon pere, Ôc n'y a jamais mis le pied. 11 ne le plairoit pas dans un lien où la trifte néceflîté des circonftances l'a forcé d'en agir févérement avec ce pince, qui, après avoir fait fon abdication en fa faveur , vouloir remonter fur le trône ( a ). (a) Voici en peu de mors l'hiftoire de cet événement qui fit alfez de bruit en Europe. Viftor Amédée, le premier prince de la maifon de Savoie qui ait eu le titre Scie rang de Roi, fut couronné roi de Sicile à Palerme en 171 y, & fut déclaré roi de Sardaigne en 1717 , après avoir cédé a l'Empereur le royaume de Sicile. Ayant ré-folu d'abdiquer le gouvernement de fes Etats en faveur du prince Royal fon fils, il fit avertir le deux feptembre 1750. les princes, les chevaliers de l'ordre de I'Annonciade, les miniftres , les principaux magiftrats, & les générmx de fes (î) Cart. T. 1er. pag. j 1. R iv $i Mémoires d'Italie; La route de Rivoli à Turin elt de trois lieues par un chemin tiré à droite ligne, troupes, l'archevêque de Turin, Sec. de fe trouver le lendemain après midi au château deRj, voli. Le roi déclara dans cette alfemblée qu'j{ faifoit une abdication générale de fon Royaume & de l'es autres Etats cn faveur du prince de Pié. mont fon fils. Ayant fait enfuite aflèmbler lc Confcil d'état, il déclara qu'il étoit marié depujs le douze du mois d'août précédent avec la mat-qui fe douairière de S. Sébaftien , femme âgée pour lors de cinquante ans. Ce Roi partit le len, demain de fon abdication pour le château de Chambéry qu'il avoit choifî pour le lieu de fa retraite , où il avoit fait tranfporter auparavant quelques millions en or , & plulieurs pierreries de la couronne. Il ne s'étoit réfervé qu'une pen-fion de cent cinquante mille écus ; mais s'en-nuyant de fi retraite , prefie, à ce que l'on prétend , par les follicitations delà marquife , femme ambitieufe qui vouloir régner fous le nom du prince fon époux , il paffa de Chambéry à Mont-Callier pour être plus à portée d'exécuter le projet qu'il avoit formé de remonter fur le trône. Il avoit gagné les principaux officiers de la citadelle de Turin qui dévoient la lui livrer ; H s'étoit formé un parti dans la ville, & dans le palais même du Roi fon fils, qui ne fut averti de la confpiration que quelques heures avant qu'elle éclata. Mais il eut le temps de faire arrêter le Roi fon pere , d'enlever la marquife de S. Sébaftien , Si de changer la garde de la citadelle ; ce qui fut fait avec une célérité étonnante Se beaucoup de fecret. Le roi Yi&orfur gardé quel Turin. $j cV planté de grands ormes des denx côtés , dans une belle plaine , fertile, Ôc arrofée^ par une quanrité de canaux tirés de la Doi-re ; c'eft proprement dans cet endroit que commence cette riche plaine de la Lombardie qui s'étend julqu'à Venife. 13.Turin, ville capitale du Piémont, eft le lieu de la réfidence de la cour du roi de Sardaigne. Elle eft fituée dans un terrein uni entre le Pô au Levant Ôc la Doire au Nord-Oueft. Elle eft entourée d'un rempart terralfé ôc revêtu de bonnes mu--railles, d'un large foiTé défendu par des battions, ce qui en fait une place régulièrement fortifiée , ôc très-bien entretenue. On y entre par quatre portes. La porte du Pô au Levant, qui eft d'une architecture noble ôc folide > les revêtiife-niens en font de marbre, les armes de la maifon royale de Savoie ornent le fronton , foutenu par quatre grolfes colonnes y °n voit par l'infcription , gravée au-delfus delà porte , que ces ornemens font l'ouvrage de Charles Amédée 11 duc de 5 lc temps à vûeà Mont-Callier , enfuite transféré à Rivoli , où il mourut le rrente-un octobre }7î£, âgé de foixante-fix ans cinq mois S: feize jours. Son corps , après avoir été expofe cn publie, pendant trois jours, fut porté à la Superga, *uivi de toute la maiCbn du roi en Jeuil. B v 54 MÉMOIRES d'I t A t I E. Savoie en 1638 , & de madame royale Chriftine de France fa mere pendant fa Régence, ils furent achevés en 1680. La porte neuve au midi , aulîi revêtue de marbre, ornée de colonnes Se de ftatues des princes de la maifon royale , achevée peu après le mariage de madame Chriftine de France , fille de Henri IV, avec le duc Victor Amedée I, en 1610, ainfi que l'apprend l'infcription gravée fur le inarbre. La porte de Suze au couchant y qui conduit à Rivoli ; Se la porte Palais qui va au pont de la Doire , après. avoir traverfe le fauxbourg du Pàllon _ auquel aboutilTent à droite le grand chemin de Milan , à gauche celui de la Vénerie, maifon de plaifance du Roi. Entre la porte neuve Se la porte de Suze on trouve la citadelle bâtie en pentagone régulier. On alfîire que c'eft l'une des meilleures de l'Europe ; elle fut commencée en 15 6"4 par le duc Emmanuel Philibert, après qu'il fut rentré en poflellïon de fes Etats, par fon mariage avec Marguerite de France fœur de Henri II. Le plan n'eu a point été changé ; mais le roi actuelle-ment régnant, Se fon prédécelTeur , en ont beaucoup perfectionné les ouvrages • elle eft défendue par une très-belle artillerie & pat une garni/on confidérable ; il y T ù n i Ni 0 s dans l'intérieur une églife paroiiTiai'e de-fa in te Barbe pour le fer vice des foldats ôc des habitans de la citadelle. La porte principale ell ornée d'un grand écuifon de bronze qui palTe pour un chef-d'œuvre j le puits de la citadelle eft très-large & a deux efcaliers roumans , par l'un defquels les chevaux même peuvent defeendre juf-qu'au niveau de l'eau pour s'y abreuver, remonter par l'autre. Elle a foutenu plulieurs lièges, entr'autres celui de 1706% commandé par le duc d'Orléans ôc le maréchal de Mai-fin qui furent forcés dans leurs lignes par le roi Victor Amédée Ôc le prince Eugène.... Sur le glacis de-la citadelle, du côté de la ville , eft une-belle promenade plantée d'arbres , qui forment trois allées ; celle du milieu où paiïènt les carrotfes eit très-large j les deux, des côtés font deftinées aux gens de pied ôc font bordées de gazons verds \ cette promenade va jufqu a la porte de Suze , entrez-le fofle de la citadelle, & la ville. A l'extrémité de cette promenade da? coté de là porte neuve, on trouve l'ar-fenal , grand ôc vafte bâtiment toujours garde par un détachement du régimenc d'artillerie j il a été commencé parle duc Charles Emmanuel II , continué par le toi Vidor,. ôc très-augmenté ôc embelli par: 3ct Mémoires d'Italie. Charles Emmanuel. On voir fous le vcC ribule quatre coulevrines d'une grolfeur prodigieufe j il y a une fonderie de canons, Se un cabinet d'hiftoire naturelle , qui a peur objet les métaux qui fe trouvent dans les Etats du roi de Sardaigne , ôc dans les autres parties de l'Europe. ^ 14. La ville eft divifée en 14e ifles ou petits quartiers, dont le nom eft écrit fur, les angles de chacun ; la plus grande partie de ces quartiers font quarrés, ce qui contribue à la diftribution régulière de Turin, à la beauté ôc l'alignement de fes rues , à l'étendue des différents points de vue , ôc à l'agrément général de la ville j cette diftributioneft remarquable, furtout dans le nouveau Turin , c'eft-à-dire, dans cette partie de la ville qui avoi/ine la porte du Pô ôc la porte neuve jufqu a l'efplanade intérieure delà citadelle. Quant au vieux Turin , les quartiers n'y font pas (i réguliers ; les rues n'y font point alignées, ôc elles font étroites , quoique le Prince régnant , par un Edit de 17 3 6, ait ordonné de travailler par-tout à l'alignement ôc X l'uniformité des bâtimens , ôc qu'il y ait déjà beaucoup contribué par plulieurs édifices publics, qu'il a fait élever à fes dépens. Elle a dans fon enceinte 43 églifes, Turin, 37 dont une cathédrale &c dix paroifliales , dix-neuf maifons régulières pour les hommes , neuf pour les femmes , fepr Hôpitaux , deux Collèges d'exercice pour la jeunefTe , trois Séminaires pour les Ec-cléfiaftiques , trois confervatoires pour élever les jeunes filles orphelines, un pour les garçons , ôc deux maifons de force pour les femmes. On dira quelque chofe des monumens les plus remarquables dans ce genre. 15. L'églife cathédrale ,fous le vocable de S. Jean Baptifte, a été fondée, au commencement du feptiéme fiécle, par Agi-lulfe duc de Turin , & Théodelinde fa femme y le cardinal de Rovere évêque de Turin , l'a fit rebâtir dans la forme où v elle eft , à la fin du quinzième fiécle ; la conftruâion de cette églife ell gothique y l'ouvrage en elt folide , mais peu agréable , elle a trois, nefs foutenues de grands pilaitres ; ce qu'il y a de plus curieux dans cette églife eft la chapelle royale du S. , Suaire , que l'on voit au fond, & qui domine fur le chœur des chanoines ; l'intérieur en eft entièrement revêtu de marbres • le plan de la chapelle eft orné de colonnes grouppées, de marbre noir poli, qui fupportenr des arcades ; les bafes & ; Ivs chapiteaux font de bronze doré j deux a 8 Mémoires d'Italie. grandes colonnes cannelées foutiennent Tare ouvert fur la cathédrale ; en général, cette décoration eft noble , riche, ôc de bon goût j mais ce qui eft fingulier , c'eft la coupole de cette chapelle, formée par une quantité d'exagones pofés les uns fur les autres, qui forment une multitude de fenêtres triangulaires qui vont en diminuant jufqu'au fommet de la coupole, terminée par une étoile de marbre très-délicatement faite. Cette conftruction eft du delîein du P. Guarini Théarin. L'autel qui eft au milieu , eft aiifti de marbre noir Ôc à deux faces , fur lequel eft placée une urne quarrée de marbre , qui renferme dans différens coffres la précieufe relique du Saint Suaire • il eft terminé par un grouppe d'Anges qui foutiennent une grande croix de criital ornée de rayons de bronze doré. Le pavé eft de marbre bleuâtre dans lequel font incruftées des étoiles de bronze doré. Tout cet enfemble eft d'une beauté fè-rieufe , bien convenable à fa deftinatien ■ c'eft dans cette chapelle que le Roi ôc la famille loyale vont ordinairement entendre la méfie ; au-deffus du premier ordre, il y a des tribunes pour placer les' muficiens. Cmci^ lampes d^argent d'un poids con- T u R r k. yty fîdérable, dont la plus grolfe pèfe plus de trois cens livres, font pendues aux angles de l'Autel , Se toujours ardentes. La relique du S. Suaire fut donnée en !45? à Louis Duc de Savoie par Marguerite de Chipre , Se dépofée à la chapelle Royale du Château de Chambéry , («) où. elle refta jufqu'au feiziéme liècle- {a) Les Pic'montois n'en fçavent pas davantage fur le S. Suaire , mais voici ce cju'en dit M. Maillet dans fon hiftoire des Fêtes mobiles.... Le S. Suaire de Turin a été originairement dépofé dans l'églife collégiale de Lire, bourg de Champagne à rrois lieues de Troyes vers le Midi. Il avoit été donné à cette églife par Geoffroy de Charni, gouverneur de Picardie, qui en étoit le fondateur, & qui difoit avoir pris cette P^elique. aux Infidèles vers le milieu du XIV Iîécle. Les évoques de Troyess'oppoferent conftammenr au «B&e public que les chanoines de Lire avoient décerné à cette telique. Les troubles qui s'élevèrent en France les obligèrent à la mettre en dépôt en Ht 8 entre les mai »s d'Humbcrt, comte de la Koche, feigneur de Villcrs-Seiflcl, Gentilhomme du comté de Bourgogne , cjm avoit époufé la Petite-fille de Geoffroy de Charny. Celle-ci etan: devenue veuve , au lieu de la rendre à l'églife de Lire , porralcS. Suaire en 1451 àCham-ocry , & cn fit préfènt à la ducheffe de Savoyc „ Anne de Chipre Lufîgnan , qui fît bâtir une chapelle dans fon château de Chambéry , pour la placer. Cette chapelle fut érigée en églife col— ¥%jale par la bulle de Paul II du 1 mai 14.67... '40 MÉMOIRES dI 7 a l i e, qu'elle fut tranfportée à Turin par ordres * du Duc de Savoie , qui voulut épargner à S. Charles Borromée la peine de palfer les Alpes &c d'aller à Chambéry rendre fon hommage à cette fainte Relique j elle fut dépofée alors dans l'Eglife de S. Lan-rent des Théatins ; 5c depuis tranfportée dans la Chapelle que le Duc Charles Emmanuel II. fit bâtir. AutresEgli- j ^ La Confolata, églife tenue par les Feuillans, eft célèbre à Turin par une ancienne image miraculeufe de la Vierge,, peinte fur une légère étoffe de foie. Eile eft fo'rmée par trois bâtimens réunis qui paroiifent trois églifes féparées. Le premier eft un quatre long, mal éclairé, ou font piufieurs chapelles allez bien ornées dans lefquelies on célèbre la meffe- le fécond de forme ovale, eft l'églife pa-roiiïiaîe de Saint-André ; l'entrée eft pat le côté , de forte qu'il faut jettet les yeux à droite 5c à gauche , pour juger de la Le S. Suaire fut enfuire porte à Vcrccil, puis 3 Nice, reporté à Vcrceil , enfin remis à Chambéry en 15-61. En 157 8 , le duc Emmanuel Philibert , voulant épargner à S. Charles, archevéepe de Milan, la peine d'aller à pied en pèlerinage honorer le S. Suaire à Chambéry , le fit apporter à Turin,avec promeffe de le reftituer , promeffe. dont la Ville de Chambéry n'a poiHt encore ob>. tenu l'exécution. Turin. 41 grandeur de 1 eglife qui efi entièrement peinte & dorée j quoique les peintures ne foient pas d'excellens maîtres, comme le ton des couleurs eft frais & gracieux, le tout enfemole forme un coup d'œil riche Se agréable y le rroiiieme eft une très-grande chapelle avec un dôme ; elle eft revêtue de beaux marbres, richement décorée Se bien éclairée 7 les peintures de la coupole font de bonne main. C eft dans cette chapelle que l'on conferve l'image rruraculeufe de la Vierge. Les facri.fties, la bibliothèque , la falle du chapitre, méritent d'être vues 'y toute cette maifon en général eft de la plus grande propreté. Tous les ans, le huit de feprembre, on fait dans cette églife une fête de vœu très-folemnelle, en mémoire de la levée du fiége mis par les François devant Turin en iyoo'. Les Corps Eccléfiaftiques , réguliers Se féculiers de la ville tk tous les Maziftrars y viennent proceflionnelle-ment de la cathédrale , & on y porte une ftatue de la Vierge grande comme nature, donnée à cette occafion par le roi Victor-AntltUt. Le tréfor de cette églife eft fort riche par la quantité de ftatues , reliquaires & autres ornemens d'argent, dont plulieurs font très-bien travaillés , tk font honneur aux artiftes de Turin qui oiu 42. Mémoires d'Italie. beaucoup de goût pour ce genre de travail. Le Corpus Dominl ou 1 eglife du Saint-Sacrement , peut palier pour la plus ornée de Turin ; elle ell entièrement revêtue de marbres de différentes efpeces ; les chapiteaux des colonnes , les ornemens de la voûte tk des tribunes qui font autour de l'églife, font dorés tk bien entretenus; il feroit peut-être à fouhaiter qu'il y eût un moindre étalage de richelTes, & plus de goût dans la diftribution de ces ornemens. Cette églife doit fon établilTement à un miracle fignalc , rapporté dans l'hif-toire eccléfiaftique de Turin. En 1453, les habitans de Suze, tk les Dauphinois leurs voinns, fe firent une petite guerre dans laquelle un foldat Piémontois pilja l'églife du village d'Ilîglié, tk entr'autres effets, prit l'oftenfoir d'argent avec la fainte huftie, qu'il chargea avec fon butin fur un mulet ; quand il fut arrivé £ Turin, le mulet s'arrêta à l'endroit même où eft bâtie l'églife du Corpus Domini • la charge du mulet fe délia d'elle-même; l'oftenfoir fe dreiTa, s'ouvrit, l'hoftie en fortit, tk s'éleva en l'air où elle fe foutint jufqu'â ce que l'évèque LouisRomagnano, fuivi d'une partie de fon clergé , Fut arrivé à l'endroit où s'opéroit le prodige; Turin. 45 s'étant mis en prières, il mérita de recevoir la fiinte hoftie dans un calice qu'il tenoit. Pourconferver la mémoire de cet événement, on fît bâtir dans le lieu même une petite chapelle que la dévotion des habitat» de Turin a fait changer, en 1607, en cette magnifique églife dont je viens de parler. Sainte-Thérefe, églife de Carmes Dé-chaulfés , fondée en 1635 par le duc Viétor-Amédéel. Le maître-autel orné de colonnes torfes couplées, elt de bon goût ; mais ce qui eft le plus remarquable dans cette églife, font les deux grandes chapelles de la croifée ; celle qui eft à gauche en entrant par la porte principale, a été conftruite pour iatisfaire à un vœu de Chriftine - Jeanne de Hefle Rhinfels, féconde femme du roi de Sardaigne régnant; fix colonnes de marbres de différentes couleurs foutiennentune petite coupole prefqu'entierement dorée, fous laquelle eft pofée une ftatue d'albâtre de Saint Jofeph ; les jours de cette coupole font ménagés de façon qu'il femble qu'elle foit toujours éclairée par le foleil, même dans les tems les plus obfcurs ; on voit dans cette chapelle deux beaux tableaux: de Corrado, peintre Napolitain, élevé de Solimene. 44 Mémoires d'Italie. Sain te-Chriftine, églife de Carmélites Déchatiffées , fur la place Saint Charles; le portail a été fait furies deffeins du chevalier Philippe Juvara , architecte très-connu à Turin ; c'eft, au dire des con-noiflTeurs , le plus joli édifice de ce genre qui foit dans cette ville; mais ce qui mérite d'être vu, eft la belle ftatue de Sainte Tiié-refe qui eft dans l'églife ; elle eft plus grande que nature, parce qu'elle avoit été faite pour être placée au-deffus du portail, avec celle de Sainte Chriftine qui eft de même hauteur ; toutes les deux font de M. le Gros, fculpteur François ; la première eft tellement fupéricure à l'autre 3ue l'on a peine à imaginer qu'elles foient e la même main. On fait à cette ftatue le même reproche qu'à celle du Bénira qui eft à l'églife de la Victoire à Rome , on y trouve l'amour divin trop vivement exprimé ; je ne fuis point de cet avis pour la ftatue de Turin, l'exprefîion me paroît telle qu'elle doit être ; ce que j'y admire, c'eft que le fculpteur ait pu faire rendre au marbre le fentiment avec une il grande vérité d'exprefïïon. Saint- Philippe de Neri, belle églife de clercs réguliers de la congrégation dite Philippins du nom de fon inftituteur ; elle a été rebâtie dans ce Iîécle fur les deffeins Turin. 45* de Juvara, mais elle n'eft pas encore achevée. Le fancfuaire & les deux chapelles collatérales font richement décorées & de bon goût; le maître-autel qui eft au fond du fanétuaire, eft orné de iix colonnes torfes de marbre , entourées de pampres de bronze doré; le tableau de l'autel eft de Carie Maratte , celui de la chapelle de Saint-Philippe de Néri eft de Solimene, celui de l'oratoire qui eft dans le cloître intérieur eft de Sébaftien Conclu ; l'argenterie de cette Eglife eft confidérable ôc bien travaillée ; on y doit voir fur - tout un revêtiffement du maître-autel, qui eft tout de nacre de perle cizelée, montée fur un fond d'argent d'orfèvrerie , quelques paremcns d'autels en bois de marqueterie de toutes couleurs qui forment des tableaux affez bien deiîînés, ôc auflî bien colorés qu'on puilfe les imaginer dans ce genre,où on n:a voulu employer que la couleur naturelle du bois. On doit voir encore l'églife des chevaliers de l'ordre royal Ôc militaire de Saint-Maurice , ôc fon petit portail ; l'églife de Saint-Laurent desThéatins, donc la coupole eft hardie ôc bien entendue ; elle eft foutenue en partie fur de groifes colonnes de marbre du pays, de couleurs aifez brillantes ; il y a dans cette églife, a£ Mémoires d'Italie. quelques bons tableaux du Francefchini. Je n'entre pas dans un plus grand détail furies autres églifes de Turin, dont plusieurs n'ont rien de plus remarquable que le goût général de décoration qui , en Italie, eft commun à ces édifices % où quelquefois les ornemens font employés avec plus de profufion que de goût, râlais du 17. Le palais du roi de Sardaigne, ou Ie * château, n'a aucune décoration extérieure; c'eft un très grand édifice déjà ancien, bâti très-uniment; mais les appartemens en font grands, commodes , bien ornés & tenus avec autant de foin que de propreté; les meubles en font riches, fins avoir rien de recherché ni de faftueux ; le petit appartement d été eft décoré d'un très-bon goûr; toutes les pièces principales font ornées de plafonds bien peints ; la collection des tableaux du roi de Sardaigne eft connue ; prefque tout ce qu'il pouede eft bien confervé. Les ouvrages du Guerckin, du Guide, de Paul Vêroncfe, de lAlbane de François BaJJan , de Vandik 3c de plusieurs autres maîtres , ornent la grande galerie ; mais ce qu'il y a de plus admirable encore, c'eft la collection nombreufe de tableaux Flamands, qui, après la mort du prince Eugène , a pane entre les mains du Roi régnant, dans le nombre defqueis Turin. 4.7 efi: le fameux hydropique de Gerarddow, le plus beau tableau Flamand peut-être quiexifte, tk qui ell très-bien confervé. (a) Les jardins de ce palais font dans un terrein irrégulier tk relferré par les fortifications de la ville ; ils font du célèbre le Nôtre qui a fi bien diftribué fon defïein que, quoique l'efpace foit a(Tez borné, il paroît plus vafte au moins du double qu'il n'eft en effet ; on y a pratique beaucoup d'allées couvertes, des pièces de parterre , des bofquets d'efpace en efpace, Se quelques eaux plates. Tout cela eft fimple, mais fort agréable & très-frais; on peut s'y promener à toutes les heures du jour, fans être incommodé du foleil. Dans une très-grande niche, au bas du grand efcalier qui conduit à la falle des gardes, eft la ftatue équeftre de Viètor-Amédée I. duc de Savoie. La ftatue du Duc eft de bronze Se bien exécutée ; le cheval eit de marbre blanc, tk probablement d'une autre main que celle qui a tait la ftatue; il paroît mal proportionné Se lourd. Ce palais eft précédé d'une très-grande place partagée en deux par une galerie ibutenue par des portiques coû- te) II faut voir le détail de ces tableaux dans voyage d'Italie de M. Cociiin. 4$ MénoiRîs d'Italie. verts, fons lefquels fe tiennent les troupes qui forment l'avant-garde de la garde royale du palais. L'une de ces places porte le nom de place royale , l'autre celui de la place du château*, c'eft du haut de cette galerie que l'on montre au peu. pie le faim Suaire, dans les jours deftinés a cette cérémonie. raUh du j gLe palais du duc de Savoie qui eft fLlp rc de Savoie. r, , A / . 1 la place du château, tourne au couchant, eft le bâtiment le plus beau ôc le plus noble qui foit à Turin, Ôc peut même palier pour un des plus beaux d'Italie; la façade extérieure eft décorée par de grandes colonnes d'ordre corinthien, portées par un foubalTemént fimple , mais bien entendu , s'unilfant parfaitement avec l'ordre du milieu qui eft furmonté d'une corniche richement ornée, ôc couronnée d'une baluftrade fur laquelle font pofées quelques ftatues, de grands vafes d'une belle forme,& au milieu l'éculfon des armes de Savoie furmonté d'une couronne fermée ; les croifées font grandes,bien proportionnées, ôc ornées d'une manière tiès-ingénieufe. Cette belle façade renferme un grand efcalier de marbre , orné de ftatues allégoriques faites d'après de bons modèles ; cet efcalier conduit à un grand fallon dont la décoration eft fimple, mais fort Turin. 49 fort noble ; il elt compofé d'un ordre 6c d'un attique j de ce falon on entre dans l'appartement du prince de Piémont, fils aîné du duc de Savoie. Ce palais communique avec le château royal par une gale-lie couverte. Derrière ce palais eft une autre place entourée en grande partie des bâtimens deftinés à loger les Secrétaires d'état, la fabrique de la monnoye , l'imprimerie royale , les officiers principaux de la garde , év du palais. Dans le même quartier: eft l'académie à monter à cheval , où on voit un beau manège couvert, de la façon du comte Alfieri ; la voûte en eft hardie Ôc cependant folide ; le détail des décorations de cet édifice eft bon & convenable à la place. 19. Le grand théâtre eft dans ce même Gra«c{ quartier, ôc tient au château-royal. C'eft rc" l'un des plus beaux ôc des plus grands qu'il y ait en Europe ; il eft encore exécuté fur les deiTeins du comte Alfieri, qui en a fait graver tous les plans. La falle des Spectateurs , comme celle de prefque tous les théâtres d'Italie , a la forme d'un œuf tronqué ; vis-à-vis du théâtre au fécond rang eft la loge du Roi qui a environ trente pieds de largeur, fur quinze de hauteur y les autres loges n'onc Tome I. * Q 50 Mémoires d'Italie. guéres plusde cinq pieds d'ouverture, mais elles font profondes , de façon à contenir aifément huit perfonnes. La longueur des fpe&acles en Italie qui eft de quatre à cinq heures , fait que ces loges font autant de petits appartemensféparés, où l'on faitdes vilîtes, & où on s'afTemble pour faire la converfation ; fans cela, il n'y auroit patience qui pût tenir à la longueur du fpecta-cle& à l'ennui du récitatif; parce que dans le meilleur opéra on ne peut pas s'attendre à plus de quart e ariettes piquantes & à deux ou trois fcènes intéreflantes , tk encore à la longue deviennent-elles infipi-des ; car le même opéra a fort bien quarante ou cinquanterepréfentationsdefuite; au/îî tk dans le parterre tk dans les loges on .parie très-haut ; l'orcheftre eft ordinairement fort tk nombreux : tout cela réuni fait un bruit continuel & aflez confus, de forte qu'un étranger qui veut écouter la mufique avec attention, fe fatigue, àk réuf-fît difficilement dans fon projet ; il n'y a que les grands morceaux connus, pendant lefquels le bruit eft moindre, dont l'on peut juger; tk c'eft ordinairement ce qui fait la réputation des opéra. On ne repréfente fur ce théâtre que de grands opéra férieux; quand ils manquent foit faute d'acteurs, foit faute de pièces Turin. 51, nouvelles, on eft force de fe contenter d'opéra bouffons , qui m'ont toujours paru très-préférables pour l'agrément de la musqué , la gaîté du fpedtacle, la vraifem-blance même de l'action , aux opéra fé-rieux. Leprofeenium , ( ou l'avant-fcène) de ce théâtre eft bien ouvert Se fe préfente fous un afpect fort noble ; il eft fou-tenu par deux grandes colonnes d'ordre corinthien, couronnées d'une corniche fans frife, qui eft furmontée par de grands en-roulemens portés par des cariatides , au-delfus l'éeuïîbn des armes du Roi -, le tout pris enfemble, fait un bel effet de décoration. Ce qui eft vraiment beau Se que nous connoiftbns peu en France, c'eft la grande profondeur du théâtre , 011 le fpeétacle le plus nombreux fe déploie avec une aifan-ce qui donne une idée fenfible de la chofe que 1 on veut repréfenter , furtout dans ks fcènes où il y a alfemblée de fénat, campemens d'armées , perfpe&ives qui tiennent à la pièce ; c'eft dans les ballets Surtout que l'on juge parfaitement de cet avantage , où les choeurs les plus nombreux fe déploient fans confufîon, Se don-nent dans ce genre de fpectacle, à l'illu-*îon, tout l'avantage qu'elle peut avoir, il y a peu de machines pour les change- Cij 52 Mémoires d'Italie. mens de décorations ; on les gliflfe par des couliffes les unes devant les autres, quand il eft befoin d'en changer, & il faut p0Ur cela un homme à chaque pièce. On y voit rarement des vols ou des enlevemens peu de defcentes de divinités ; quand il eft queftion de faire defcendre des deux Jupiter ou Venus , on bailfe la toile, on range la divinité qui paroît à Heur de théâtre dans un groupe de nuages , comme lî elle defcendoit ; on levé la toile ; on voit le Dieu qui quitte tout cet appareil aérien, & s'avance fur le bord du théâtre ; pen! dant qu'il joue fon rôle , les nuages fe diflïpent, le char difparoît, Ôc la divinité prend par les coulilTes un autre chemin , pour remonter aux deux. Pour ce qui eft. delà peinture des décorations, il y en a de bonnes, de médiocres ôc de mauvaifes • ôc encore l'imprefîion qu'elles font fut les fpeclateurs dépend-elle beaucoup de la manière dont elles font placées & éclairées. Les corridors, les efcaliers de dégagement , les pafTages d'un étage à l'autre, font larges ôc commodes ; il y a plufieurs if-fues , ce qui fait qu'on n'eft jamais em-barrafTé. La rue du Pô qui va du quaitier du palais jufqu'à la porte du même nom eft la Turin. 55 plus belle tk la plus large de Turin ; elle eft bâtie d'une manière uniforme ; les maifons qui la bordent font belles , elles ne paroiflènt pas élevées pour leur grandeur; mais la largeur de la rue en eft caufe ; des deux côtés régnent de grands portiques à arcades dont les deflbus offrent une voie large Se commode aux gens de pied ; l'architecture des Arcades Se des maifons ell relevée par-tout, par des ornemens fail-lans qui font un très-bon effet ; aux différens étages de chaque maifon il y a de grands balcons garnis de pots de fleurs , d'orangers , de mirrhes, qui contribuent encore à égayer le coup-d'œil. Sons les arcades on voit des boutiques de diverfes marchandifes dans prefque route la longueur de la rue, qui, malgré leur poiition, ne lailfent pas d'être alfez éclairées. 20. En entrant dans cette rue à main gauche, on trouve le bâtiment de l'univer-fré, avec cette infeription au-delfus de la porte d'entrée : Regium Ath&nœum. Louis, prince de Piémont tk d'Achaïe la fonda en 1406, mais elle doit fon ré-tabliflTement dans l'état de fplendeur tk de décoration où elle eft , au roi Victor Amé-dée, Se au roi fon fils , actuellement régnant , qui la protège , & qui continue a embellir fes bâtimens, Se à l'enrichir de Ciij '54 Mémoires d'Italie. toutes fortes de monumens, tant anciens que modernes. La cour d'entrée eft: grande , entourée de portiques foutenus par des colonnes ; les galeries fupérieures font de même goût d'architedure ; les différens portiques qui y aboutilfent font ornés de-bas reliefs d'infcriptions antiques^ grecques & romaines , trouvées la plupart dans les enviions de Turin , tk de quelques ftatues. La bibliothèque qui étoit au palais du roi & qui a été tranfportée à l'univerfité depuis quelques années, eft de trente à quarante mille volumes , dont un affez bon nombre de manufcrits ; le catalogue des manufcrirs a été imprimé à Turin en deux volumes in folio, en 1740, à l'Imprimerie royale. Le cabinet d'antiques Se de médailles eft rangé avec beaucoup d'intelligence. M. Bartoliy Vénitien , profelfeur d'éloquence à l'univerfité , en eft garde , Se démonf-trateur, Se fait bien valoir le petit tréfot confié a fes foins. Il y'a quelques idoles antiques , furtout de celles qui ont rapport au culte des Egyptiens, qui font très-curieufes. Mais, en général, on n'y trouve rien de frappant, Se il ne faut pas voir ce cabinet après avoir admiré la collection unique du Turin. 55 roi de Naples à Porrici, ou la galerie de Florence.De l'autre côté de la galerie efi: le théâtre anatomique , les chambres où fe confervent les machines pour les expériences phyfiques, qui font bien entretenues, & la plupart faites par des artiftes Anglois; en général , tout l'enfemble des parties eft bien entendu, tk digne d'un établifle-naent royal. Autour des galeries & des portiques font les falles des écoles tenues par vingt-quatre profeifeurs ordinaires gagés par le Roi, quatre pour la théologie , y compris deux lecteurs pour l'écriture-fainte tk la langue Hébraïque, cinq pour le droit canonique & civil, cinq pour la médecine, qui comprend la botanique tk l'anatomie , deux pour la chirurgie, trois pour la phi-lofophie, deux pour les mathématiques , ttois pour l'éloquence Grecque, Latine & Italienne. Les écoles s'ouvrent le 5 novembre & fe ferment le 24 juin. Depuis ce tems jufqu'au 14 août , on foutient les thèfes publiques pour la collation des différens degrés. Il paroît que le prince régnant a fort à cceur de tenir cet établilfement dans un état brillant, pat le foin qu'il prend d'y attirer de bons profeiTeurs , & par les Civ 56 Mémoires d'Italie. embelli (Te m en s qu'il, y fait tous les jours. Palais Cari- 2 i. Le palais Carignan elt l'un des plus snan' coniidérables édifices de Turin ; il a été confirait par le pere Guarini Théatin qui étoit fort à la mode dans le dernier Iîécle ; fon goût d'architecture n'a rien de régulier. Le génie de cet homme étoit plutôt de faire des conftmctions bizarres , &c frappantes par la richelïe de leurs ornemens que dans les bonnes régies , fuivies par les grands artiftes \ il a décoré la façade de ce palais de deux ordres de pilaftres , portant l'un fur l'autre ; celui du delTous eft plus petit & moins fort que celui du deflus ; cependant les fenêtres & la porte font d'une belle proportion ; & fi cet édifice qui n'eft que de brique , étoit revêtu de marbre , comme c'en étoit le projet, il feroit de la plus grande magnificence ; le grand efcalier & le fallon méritent d'être vus. Ce palais eft finie fur la , place Carignan : dans la même place eft la carignan. porte d entrée du théâtre de Carignan t rebâti en 1751 d'un très-bon goût} il eft précédé d'un grand veftibule, loutenu par des colonnes ; on y repréfente les opéra bouffons, genre de Spectacle très-amufant, non par l'intérêt de l'action principale qui n'eft que plaifante & très fi m pie ; mais dont la mulîque ordinairement eft tics- Turin. piquante ; le jeu des acteurs elt toujours chargé; cependant quand ils font auffi bons que ceux qui jouoient à Turin au mois de Septembre 176"! , ils amufent véritablement. Ce qui me paroifloit du plus grand ■ridicule , étoit de voir partout un cadrât faire le rôle d'amoureux, & foutenir les querelles d'une femme jaloufe avec beaucoup de confiance ; on ne fe prête pas aifé-ment à cette illufîon ; mais dans ce genre de Spectacles, il faut oublier l'action principale pour s'occuper de la mufique ce du jeu des acteurs. On repréfente fur ce même théâtre des comédies Italiennes & Françoifes ; celles-ci ont rarement du fuccès j elles ne font repréfentées que par quelques acteurs qui ne trouvant pas à vivre dans les provinces de France , fonc quelques apparitions à Turin ou à Milan , où on s'en ennuie bientôt , & leur fore n'en elt pas plus heureux. La place S. Charles eft la plus grande &la plus régulière de Turin ; fa forme elt un quarré long, décoré, dans fa longueur » par des portiques à arcades, Soutenuespac des colonnes groupées d'ordre Tofcan. Cette place elt au milieu de la ville neuve , 8c fert de place d'armes ; c'eft-lâ où s'alfemblent le matin les troupes qui doivent être diftribuées aux différens polies ou il y a des gardes. C v 5? mémoires d'ïtalii. Les rues de cette partie de la ville font toutes belles ôc larges, tirées à ligne droite, les bâtimens de même hauteur , & d'une richelfe frappante ; prefque par-uut on voit des fenêtres Ôc des portes ornées de chambranles faillans couronnés de frontons, ôc fort chargés de fculpture ; le goût n'en eft pas toujours bon , mais l'enfemble fait très-bien \ outre cela, chaque maifon a pour entrée un grand vef-tibule couvert, décoré de colonnes ôc de pilaftres , auquel aboutit le grand efcalier. Cette manière eft belle ôc commode , en ce que l'on defcend de carrofte à couvert, Se que d'ailleurs elle annonce bien la mailon y le fond de la cour qui répond à la porte cochère & à ce veftibule, eft ordinairement peint ou orné d'architecture d'un goût théâtral r cette façon de conf-truire rend cette ville très-brillante ; toute la décoration extérieure des maifons eft fur la rue, Ôc on jouit en palTant du coup d'oeil que forment les portiques qui font à l'entrée des maifons, ôc les décorations des cours. Ce n'eft point fufage deFrarv-ce ; dans les principales villes les plus beaux hôtels font au fond des cours, ôc contribuent peu à l'embelliifement général de la ville. Je ne m'étendrai pas davantage fur les églifes ôc autres édift- Turin. 59 ces publics de Turin, qui font en général très-ornés , & qui préfentent partout des beautés de détail j le roi de Sardaigne ne cefTe de faire travailler à. l'embellir ; & fi fon fuccefleur fuit fon plan , il en fera l'une des plus belles villes de l'Europe. a 2. Au fortir de la porte-neuve, on ^ trouve la belle promenade du VaUntin, ' elle eft formée par plulieurs allées plantées de grands arbres à quatre rangs, tenues de la plus grande propreté, ôc bordées de petits canaux où coulent des* ruifteaux d'eau vive. A l'extrémité de la-principale allée fur le bord du Pô, on voit le petit château royal du Valentin y bâti en 1660 par Chriftine de France , duchefïe de Savoie, ainli que l'apprend l'infcription qui eft fur la face principale, M Cette maifon eft fort négligée ; ce que l'on peut y voir,font les deux jardins^ celui de botanique qui eft en entrant à main gau- (a) Hic ubifluviorum rcx, Perocitarc dcpofuâ, pladdècniiefcit,. Chriftiana à Francia Sabaudix ducifTa, Cypriregina,. Tranquillum hoc fuum dcliciun* Regaiibusfîliorum otiis Dcdicavit Ànno pacatOr M. D^C. LX. Cvf 6ô Mémoires d'Halie. che, eft garni de très-belles plantes étrangères qui y rcufîifFent bien; l'autre jardin elt un parterre réfervé à la famille Royal?, Se jfur-tout aux Princeffes qui fouvent vont s'y promener ; derrière le château eft une efpéce de halle couverte où font les barques dans lefquelles la famillg Royale va fe promener fur le Pô. La promenade extérieure du Valentin eft la plus belle qui foit en Italie; rien n'eft plus brillant ôc plus animé que le coup d œil qu'elle préfente un beau jour de fete , fur-tout au printems; une multitude d'équipages dans les grandes allées, un peuple immenfe , bien vêtu ÔC fort gai dans les ailées de côté ; la Famille Royale qui s'y promené ordinairement avec fon cortège, Ôc cela avec tant d'ordre , une ii grande tranquillité , que le tout a l'air d'une même famille, com-pofée à la vérité de gens de différens ordres, mais tous faits pour être enfeni-ble. 23. La Vénerie eft la principale maifon de plaifance du roi de Sardaigne; lesbâti-mens qui la précédent forment un gros bourg ; à l'extrémité de la principale rue eft une grande place ovale entourée de portiques couverts , ôc des corps de bâti-mens où logent les gardes du roi, 6: les Environs de Turin. 6t troupes qui y font le fervice ordinaire quand le roi y réiîde ; aux deux exrrérnH tes de cette place font cl ux colonnes de marbre ; fur l'une eft placée la Vierge , fur l'autre l'ange Gabriel, qui lui annonce le myftère de l'incarnation ; figures fymboliques de l'ordre royal de Savoie. Delà on entre dans une grande cour fur laquelle eft la face principale du château. Charles Emmanuel 11 qui monta fur le thrône en 16$8 , a commencé cet édifice qui futdit-on , exécuté fur fes deifeins 'T les dehors n'en font pas encore entièrement revêtus ; ce qui en eft fait annonce qu'ils feront très - beaux ; les corps de bâtiment qui forment l'enfemble du château , n'ont rien de régulier ; mais il Y a les plus belles parties de détail ; un grand falJon d'entrée qui monte jufqu'au haut du bâtiment , orné de tableaux de cnafte que l'on dit très-bons. Une grande galerie , plus élevée & plus longue que celle de Verfailles ; l'ordre de pilaftres qui la décore étant furmonté d'un attique percé de croifées y aux deux extrémités de cette galerie font deux fal-lons en dôme , foutenus par des colonnes qui ont l'effet le plus noble tk le plus piquant ; tout cela richement orné , tk en même temps fort fimple ; car il n'y a ni o"i MÉMOIRES d'Ï T A L I b. peintures ni dorures ; tout y eft blanc, le cravail feul en fait la beauté. Les deux appartemens du Roi & de U Reine font beaux, nobles Ôc bien meublés y ceux du duc Ôc de la ducheffe de Savoie font moins vaftes , mais du meilleur goût, tant par les meubles que Jes ornemens j il y a fur-tout des cabinets de vieux laque Ôc de vernis de la Chine, quj font admirables. On n'en peut pas dite autant des logemeis des Princeffes; i!sfont d'une /implicite qui n'a que le nécelîaite Il y a peu de bonnes peintures dans ceSr appartemens ; en 1706 les François piUe_ rent la Vénerie Ôc en emportèrent prefque tous les tableaux. Un bâtiment frappant pour £1 grandeur Sz la hardielfe de fa conftrncrion, eft l'Orangerie de la Vénerie j c'eft une pièce qui a 5 00 pieds de long dans œuvre, fUr La chapelle du château qui eft en même-temps églife paroifîiale , eft belle 8c bien conftruite ; c'eft un dôme en croix greccme, tout revêtu de marbres ; la partie on eft iîmé le maître-autel, eft ornée d'une colonnade (impie, avec desentreco-lonnemens étroits , qui regne autour du rond point, 8c qui fait Tenet le plus noble ; l'autel ne répond point à cette beauté; il eft furmonté d'un tabernacle lourd en forme d'une petite eglife ; vis-à-vis eft Une grande tribune bien décorée où la maifon royale vient entendre la melfe , en général, l'architecture de cette églife eft bien dans fes proportions ; elle a été bâtie pat dom Philippe Juvara, 8c on peut dire que c'eft une de fes plus fages conftruc-tions. Les jardins font vaftes, mais fort /impies ; ce font de grandes pièces de verdures, avec des platebandes , ornées de fleurs fuivant lalaifon; les allées garnies de deux rangs de caiifes d'orangers 8c de grenadiers; point d'eaux jaillilfantes ; le Roi ne les aime pas ; mais chaque pièce de verdure eft entourée d'un petit canal d'eau vive qui fert aux arrofemens, & à entretenir le verd le plus frais. Le bofquet de tharmilles eft fuperbe ; ce font de grandes galeries ouvertes, des dômes foutenus par £?4 mémoires d'ItALII. des colonnes couplées , des corniches • tout cela aulli régulièrement taillé que s'il étoit de marbre, des falles , & des cabinets \ à la fuite font de grandes allées d'or-mes y plus loin ,des peupliers qui s 'élèvent jufquaiix nues, & qui bordent les principales routes du parc qui joint ces jardins; où l'on alfure qu'il y a beaucoup degibiet, on y voit les faifans par troupes, comme les poules dans les batfèsHXHirs. Il y a pres de trois lieues de la Vénerie à Turin , que l'on fait par un bon chemin bordé de mû,, riers blancs. Surpiûig». 24. Srupinigi, autre maifon de plaifance du Roi , n'étoit d'abord qu'un rendez-vous de la chalTe du cerf, où le Roi avoit fait couilruire un grand fiiion & quelques petits appartemens fur 1 s côtés, tant hauts que bas , fous la direction de D. Philippe juvara ; le deftein de cette première conf-truction étoit beau & noble ; & le comte Alfieri l'a confidérablement augmenté , par deux grandes ailes en retour fur un plan demi-circulaire, terminées par deux pavillons q taries , bien proportionnés au refte de l'édifice ; le tout enfembL forme> du côté du jardin , le coup-d'ail le plus agréable. Les décorations d'architecture > quoique (impies, font d'un très-bon coût * la corniche eft furmoiuée par une baluf- Environs de Turin. <5"$ trade couronnée de beaux vafes 8c de quelques ftatues. Le comble du bâtiment eft orné d'un cerf coloftàl \ l'intérieur du fal-lon eft entièrement décoré de peintures &" d'ornemens ; une grande galerie qui fert à la communication des appartemens du haut , fait un riche effet dans cette conitruction ; il y a de beaux plafonds peints dans cette maifon , un entr'autres de Carle-Vanloo qui repréfente Diane 8>C fes Nymphes. Le jardin eft vafte Se tout en boulingrins y il y a pour principal ornement, deux galeries ouvertes formées par des ormes en palifTades qui font parfaitement affujettis â la forme qu'on a voulu leur donner ; enfuite des contr'allées cou-Vertes , des falles vertes , 8c de grandes allées de beaux arbres qui abominent à la forêt, où les grandes routes forment une perfpeclive qui n'eft bornée que par l'ho-rifon : les écuries font dans un ancien bâtiment ; mais fort grandes. Les chevaux en font très-beaux , Anglois , Danois , Normands , Napolitains, 8c quelques-uns des haras du Roi ; les chiens font en grand nombre, de race choifie, 8c tenus avec le plus grand foin. De Stupinigi à Turin il y a quatre milles que l'on fait par un beau chu min planté de deux rangs «e .grands arbres. 06 Mémoires DÏTALI* . nc dc u 25. La Vigne de la Reine eft une pe-ReinfnC tite maifon de plaifance bâtie autrefois par le prince Thomas de Savoie, qui appartient aujourd'hui au Roi, ôc où fe plai-foit beaucoup la dernière Reine de la maifon de Lorraine ; elle eft fituée fut une colline hors de Turin, de l'autre côté du Pô , avec la plus belle vue qu'il foit poflîble d'avoir dans ce pays ; elle domine fur la ville, fur toute la plaine jufcm'à Rivoli, & fur le cours du Pô pendant plus de trois lieues. On y arrive par un efcalier double, dont le milieu eft décoré d'une fontaine,degrottes,depilaftres ôc de tables ruftiques ; devant la maifon eft un petit parterre. Elle n eft pas grande ; mais elle eft ornée d'un très-bon goût ; Danidl Se Corrado , deux bons peinttes Italiens, l'ont embellie de peintures ; les meubles en font ou de toiles peintes très-fines, ou de pekins ; plulieurs cabinets revêtus de vernis de la Chine ; le grand fallon du milieu , à deux étages, partage les deux appartemens ; les jardins qui font par derrière font en terraffes , Ôc couronnés par un bofquet de grands arbres, qui a peu d'étendue , mais où on a pratiqué des allées tournantes , ôc fi bien ménagé le terrein qu'il paroît beaucoup plus étendu qu'il n'eft. Cet endtoit pour la fituation > Environs r> e Turin. 6y eft le plus délicieux qui foit aux environs de Turin. 16. La Superga , magnifique églife Ég^upcrga royale, bârie fur une haute montagne à cinq milles de Turin ; fa forme eft ronde &: décorée de colonnes d'ordre corinthien , qui foutiennent une belle corniche ; les colonnes, de même que le revê-tilfement , font de marbre du pays d'une couleur qui approche du bleu turquin ; (a) le dôme eft foutenu par un fécond ordie de colonnes de marbre rougeâtre, partie droites , partie torfes jufqu'à la moitié ; le principal autel eft dans un enfoncement richement décoré ; au fond eft un bas-relief en marbre blanc, quia pour fujet la levée du fiége de Turin par les François. Les autres chapelles ont, au lieu de tableaux, des bas-reliefs bien entendus ; cet ornement eft noble , 6c fait bien avec le refte de la conftrucfion ; cette églife eft la fépulture du roi Victor Amédée, dont le corps eft en dépôt dans une chapelle à côté du maître-autel. La porte de l'églife eft d'un très-bon goût ; elle eft fous un grand portique quarré, foutenu par de grofles colonnes (a) Le dôme du plan jufqu'à la lanterne a aviron 100 pieds de haut. 68 Mémoires d'Italie. de pierre ; la façade eft ornée par deux campaniles ( ou clochers) de la plus jolie conrtruction. Le grand bâtiment de derrière a de beaux corridors , ôc une cour décorée de pilaftres en bas-reliefs. Cette conftruction al'afpect le plus noble; elle a été faite furies deffeins de Ju. vara , commencée en 17 » 5, ôc finie en 1731. C'eft dans ce même endroit que h roi de Sardaigne Ôc le prince Eugène tinrent confeil en 170e pour fçavoir comment ils ravitaiileroient Turin , que fes François ailiégeoient, Ôc y feroient entrer du fecours ; le Roi fit vœu , en cas de fuccès , de bâtir dans ce même endroit une églife à l'honneur de la Vierge ; comme il' rcLiilît au-delà de ce qu'il efpéroit, il n'a rien épargne pour remplir fon vœu de la manière la plus magnifique. L'églife eft delTervie par douze chanoines , commenfaux de la maifon du Roi, qui vivent en communauté , &:font fervis par des domeftiques à la livrée du Roi ; ils ont chacun leur appartement fé. paré, compofé de trois pièces, dont deux à cheminées ; une bibliothèque commune de iix à fept mille volumes, des plus belles éditions des livres d'ufage. Ces chanoines ont pour fupérieur , l'archevêque de Turin ; c'eft de leur corps que le Roi Environs de Turin. g\> cfioifit prefque tous les prélats de fes états. La facriftie de l'églife eft belle & bien boifée , Se fournie de très-riches ornemens ; c'eft le Roi qui eft chargé de l'entretien de cette maifon , Se qui en paye toute la dépenfe. Tous les ans le Roi Se la famille royale, pour fatisfaire au vœu du roi Vidtor, vont le 8 de Septembre à la Superga , remercier Dieu de l'heureux événement ,• en mémoire duquel a été bâtie l'églife ; Se c'eft pour cela que le chemin qui y conduit eft affez bien fait, pour que les équipages puilfenr y monter aifément. A voir quelques reftes des travaux des François , on juge que la peur des Pié-montois étoit bien légitime j par les batteries élevées dont il refte encore quelques traces , on voit que les François batroient la ville Se la citadelle avec avantage ; ils avoient le Pô derrière eux Se étoient maîtres de fon cours ; le quartier général étoit far la hauteur ces Capucins, d'où on pou-v°it voir toutes les manœuvres de l'ennemi ; les lignes étoient bien fortifiées par le dehors ; mais le prince Eugène fut allez heureux pour traverfer la citadelle , & attaquer le camp du côté le plus foible qu'il força. AL de Marfin y fut tué, Se eft enterré à la Madonna di Campagna, églife 70 Mémoires d'Italie. de Capucins, qui eft fur le chemin de la Vénerie. Ordre* de 17. L'ordre royal du roi de Sardaigne TAnnonciadc eft celui de l'Annonciade , qui a fuccéde & de s. Mau- à Pordre dn ColHer 9 éwbli en 15 s 5 par Amédée VI, comte de Savoie (a) ; les chapitres de cet ordre fe tenoient à Pierre Châtel en Bugey , avant la réunion de cette province à la couronne de France, & tous les chevaliers dévoient aiTifter i l'office de l'églife en habits de Chattteux. Cet ordre n'eft point prodigué. Le R0i qui en eft le chef Se grand maître , le duc de Savoie , le duc de Chablais, le prince de Carignan , le marquis de Suze de la maifon de Savoie , fept autres chevaliers, Se le cardinal archevêque de Turin font les feuls qui en foient décorés : fes officiers font un chancelier Se un fécretaire un maître des cérémonies , un tréforier, Se un hérault roi d'armes. La marque de cet ordre eft un cordon bleu, auquel pend une médaille , où eft repréfente en émail le myftère de l'Annonciation , avec une plaque en broderie, que les chevaliers portent fur le côté gauche de l'habit. (a) En 1424. Amédéc VIII changea l'ordre du Collier ou du Lacjs d'amour cn celui de l'Annonciation. Cour, de Turin. 71 L'ordre royal & militaire de S. Maurice & de S. Lazare eft beaucoup plus nombreux ; le Roi en eft le chef fouverain ; les chevaliers de l'Annonciade en font grands-croix ; il y a, outre cela, vingt-cinq autres chevaliers grands-croix , & une multitude de chevaliers ; cet ordre eft la recompenfe du mérite militaire. Il a été mftitué en 1434 parle duc Amédée VIII. Le cordon en eft verd , & la croix d'or émaillce de blanc. Le Roi n'a point de premier miniftre ; trois ou quatre des principaux feigneurs de fa cour, ont le titre de miniftres d'état, mais prefque fans fondions ; celui qui palfe pour avoir la plus grande part à la confiance du roi, que l'on regarde comme fon ami , eft le marquis de S. Germain qui a été ambalfadeur en France. Ce Seigneur eft d'une belle figure, il s'énonce avec beaucoup d'efprit, il eft modefte & affable , & on lui accorde beaucoup de mérite. Il y a trois fécretaires d'état en titre avec des bureaux où fe traitent les affaires étrangères, celles de l'intérieur du royau-me, & la guerre. 28. La juftice eft adminiftrée à Turin Tribunaux Par le fénat royal, compofé de trois préfi- ûc'ulhcc-dens & vingt-un fénateurs divifés en trois yi Mémoires d'Italie. clalfes ou chambres y deux pour le civil & une pour le criminel ; deux avocats généraux, ôc leurs fubftituts j deux fécre-taires ou greffiers ; outre cela, il y a un pro. cureur & un avocat généraux , chargés de veiller à l'intérêt des pauvres qui font: hors d'état de fournir aux frais des procédures. L'habit de cérémonie de ces rna-giftrats eft à peu-près le même que celui des préfidens ôc confeillers des parlemen, de France. Ce fénat fouverain n'eft que pour le Piémont , Ôc fut établi en par Louis, duc de Savoie. En 15 61 le duc Emmanuel Philibert établit la chambre des comptes, qui connoît en dernier reffort de toutes les affaires concernant le domaine royal ; elle a pour officiers deux préfidens , fix collatéraux ou chevaliers d'honneur , un procureur gênerai, dix maîtres auditeurs, deux fé„ cretaires grefriers ÔC quelques autres officiers. La juftice ordinaire pour les affaires de police ôc de première inftance fe rend au palais commun , ou hôtel de ville de Turin, finie fur la place aux herbes. La façade extérieure en eft d'une belle architecture, ornée de pilaftres en bas-reliefs, ôc revêtue de marbre. Le tribunal eft compofé d'un furinren- dànt Cour de Turin. 7$ dant général de police, nommé par le Roi, deux fyndics 8c cinquante-fept échevins clecStifs ; tous ces magiftrats portent le manteau, le collet & lepée ; Us ne peuvent former ni délibération , ni jugement qu'ifs ne foient au moins fix. Les autres tribunaux fupérieurs de juf-tice dans les états -du roi de Sardaigne , font le fénat royal de Chambéry , com-pofé de deux préfidens 8c dix fénateurs, partagés en deux clalfes ou chambres , un avocat &: un procureur généraux , quelques fubftiruts , 8c un greffier... Le fénat royal de Nice qui a pour migifirats un prélident, fix confeiliers , un avocat général , un greffier.... Se l'audience royale de Sardaigne , féanre à Çagliari. 11 y a outre cela des intendans dans les principales villes avec des tribunaux pour Jes caufes de leur relfort ; des juges fous le nom de prévôts , avec des aifeffeurs P°ur lmitriiction des affaires en première mftance. Il paroît que la police eft bien faite par-tour. Il n'y a point de maréchauf *éês pour veiller à la fureté des chemins ; ce font les communautés qui en font chargées , 8c qui répondent, en quelque forte , des vols qui fe commettent fur leur territoire ; 8c tous les matins un certain 110m-t>lc d'habitans armés forcent pour faire la Tome i, * D 74 MÉMOIRES 1)1 T À 11 f, patrouille dans l'efpace qui leur eft alU. gné ; & ils doivent rencontrer à leur terme la patrouille de la communauté voifine, & s'aboucher avec elle. c«urdeTu- 20. Leroi de Sardaigne, dans un regne ■* dejade trente-trois ans, a établi un tiès- bon ordre dans fes états , il donne tous les foins à leur gouvernement ; il eft inf-truit de tout ce qui s'y paife , connoît aftez-bien tous les gens en place, pour répon, dre de la façon dont ils exécuteront les loix ou fes ordres. Ce prince que l'on a vû fe montrer en héros à la tête des armées , qui dans la paix s'eft conduit avec une prudence qui a toujours contribué à l'agrandiifement de fes états , tk à leur profpérité \ a outre cela un efprit de détail admirable , non-feulement pour ce qui regarde fa maifon en paiticulier, l'éducation des princes fes enfans , la onftruc-tionou l'entretien de fes bâtimens, l'em-belldfcment des villes , les fortifications de fes places frontières , la difciplmc de fes troupes ; il règle tout tk voit tout par lui-même. Dans les affaires civiles qui n'ont rapport qu'à fes fujets , il décide de leuis ét.ibiitlemens, du partage des fuc-ceffions de la façon qu'il croit la plus avan-tagcuie au bien général ; les fujets par ce moyen font fort gênés fur la liberté du Cour de Turin. 75 choix ; mais ils n'ofent pas s'oppofer aux volontés d'un maître abiolu, qui,comme il le dit lui-même, a tant de temps de refte pour s'occuper, des affaires d'autrui. On prétend encore qu'il fe mêle beaucoup du jugement des procès , & que très-fouvent les concluiions des avocats & procureurs-généraux font rédigées dans fon cabinet. A le voir, on ne le croiroit pas capable de tant d'application; fon extérieur eft fîm-pie , fa phifionomie n'annonce que de la bonté , il porte la tête un peu penchée en avant, & fa taille eft médiocre ; mais dès qu'il a parlé quelque temps 3 on recon-noît en lui une grande préfence d'efprit, quoique fous une manière de s'énoncer qui n'a rien de diftingué. Il a beaucoup d'affabilité , furtout pour les Étrangers cju'il aime à voir fréquenter fes états ; il prend plaifir a s'informer de ce qu'ils Penfent de la ville de Turin pour laquelle *1 a une grande affection ; l'état brillant où eUe eft, eft l'effet de fes foins ; il a en-coreJ'attention de les entretenir de ce qu'il %it les intéreffer, ou être le plus de leur goût. Le duc de Savoie fon fils parle moins, « paroît plus férieux ; tout ce qu'il dit annonce beaucoup d'efprit & de connoif- (*) Cart. T, ici.pag, 7;. D ij J'Europe, quelque peuplée qu'on puilTe l'imaginer; & c'eft fans doute ce qui a donné lieu à ce proverbe connu , que les états de ce Prince cn Italie ne font qu'une feule ville. Les villages Se hs hameaux y font trcs-multipliés , Se habités par un peuple de cultivateurs indulfricux , qui nc iailfent pas la moindre partie de terrein fans? 'ri tirer quelque profit ; on pourroit dire la mé-roe choie de toute la plaine de la Lombardic ftn uv.it du Parmefan, de i'Auefan, du Vicentiur ^ "-r Padouaa. D vj '$4 Mémoires d'Italie. grandes & belles forets d'orangers dont on ne tire aucun profit. Il y a quelques années que fept ou huit Génois imaginèrent d y tranfporter des alembics , d'y conftruire des fourneaux , & d'y faire diltiiler la fleur-d'orange , dont la terre eft: couverte pendant I été à la hauteur de plus d'un demi pied ; ils abordèrent fur une côte qu'ils crurent inhabitée ; mais la fumée de leurs fourneaux les ayant découverts , une troupe de Sardes du voilinage vint fondre fur les Génois j ils en tuèrent deux, en blef-ferent un autre , pendant que le refte regagna la barque , laiflmt Palembic& les fourneaux à la merci des barbares , chez lefquels ils ne feront plus tentés de venir faire diftiller de la Meur d'orange. ArtsàTurîn. 3 Malgré la multitude d'édifices publics bien entretenus & d'une belle apparence , on ne peut pas dire que les beaux arts offrent de grands modèles à Turin. Le palais du duc de Savoie eft le feul grand morceau d'architecture qui y foit ; le château de Stupïnïfi eft d'un goût neuf & piquant , mais il a plus de décoration théâtrale que de grandeur & de noblelfe;.... la collection des tableaux du Roi eft considérable , d'un beau choix & bien confer-vée ; mais elle eft route de peintres étrangers j les Flamands y tiennent le haut bout} Cour de Turin. Se il n'y a pas un feul peintre de réputation à Turin ; il y a peu de belles ftatues , peu de ces tableaux frappans que l'on trouve ailleurs dans les églifes. Celles de Turin font très-ornées , fouvent même la trop grande quantité de peintures tk de dorures y fait confulïon j mais ce qui y eft fort bien , ce font les revêtilfemens de marbre qui y eft très-commun ^ on y emploie le marbre de Suze, qui imite beaucoup le verd antique ; il eft d'un grain prefqu'auili fin, &, à mon gré, plus agréable à la vue, parce que la couleur en eft moins foncée que celle du marbre appelle de Piémont , il fait très-bien dans les revêtilfemens ; la couleur approche du bleu turquin ; les montagnes de Dauphiné tk celles de Gènes fourniffenr d'autres marbres de diverfes nuances , tk furtout de3 brèches éclatantes.' La mufique & les fpectacles étant une partie distinguée des beaux arts , je dois en dire quelque chofe. Celle de la chapelle du Roi eft bonne tk bien compofée j je n'ai point vû exécuter de grands opéra fur le théâtre de la cour. On repréfentoit a» mois de Septembre 1761 , fur le théâtre de Carignan, un opéra bouffon , de la compofitionde Piccini, célèbre maître de chapelle Napolitain,qui jouit à jufte titre' tté MÉMOIRES êTtALTE. de la plus grande réputation 3 j'ai entendit de lui des morceaux d'harmonie furpre-nans , même dans cet opéra bouffon • il y a deux fcènes admirables dans le fécond aéte. Cet opéra apour titre La bona fgliUo. la rr.arhata ; les paroles font de Goldo-niy auteur Vénitien très-connu y mais on fçait qu'en Italie la poc'fie d'un opéra n'eft qu'un très-petit acceffoire au fpectacle, fur-tout dans un opéra bouffon. L'orcheftre de Turin3quoique nombreux, exécutoit la mufique avec la plus grande précifion • les acteurs étoient bons , ôc le fpectacle fort tranquille. Il y regne le plus grand ordre 3 quoiqu'il n'y ait point de gardes y mais les entrepreneurs du théâtre qui font une compagnie de gentils-hommes de la ville, fçavent fe faire refpecter j je dois dire à ce fujet que les acteurs y vivent régulièrement ôc font ordinairement de bonnes mœurs j on les paye bien, mais on ne les gâte point par trop de familiarité. Les actrices y mènent une vie retiréejon ne les voit qu'au théâtre, ôc on ne leur fouffri-roit pas d'intriguespubliques. Leurétat efi: honnête j elles gagnentbeaucoup y Ôc après avoir paru huit ou dix ans fur le théâtre ^ elles le retirent ôc font d'honnêtes mariages. On n'en peut pas dire autant des dai> ieufes, aulli font-elles fort méprifées. Cour de Turitt. $7 "2. Le commerce n'eft point libre à Tu- * « , . rr i Commei nn • les marchandées étrangères payent fabriques, des droits très-forts , ôc ne paifent qu'a- monao*J* près avoir été exactement vifitées j mais ce qui le gêne encore plus , eft le bas-prix des monnoies étrangères dans les états du roi de Sardaigne j celles de France y perdent un iixiéme , les autres ne font pas traitées plus favorablement, ce qui nuit beaucoup à l'exportation des marchandises fabriquées en Piémont j c'eft un article fur lequel le Roi n'a jamais voulu fe rendre , ôc que le duc de Savoie reformera certainement. On connoît les foies de Piémont qui tiennent le premier rang en Italie j elles font abondantes ôc la relfource certaine de l'habitant delà campagne pour payer les impôts , ôc fe procurer les marchandifes qu'il eft obligé d'acheter j relfource qui ne manque prefque jamais, ôc la feule qui procure de l'argent aux Piémontois ; car la plaine eft li abondante en toutes fortes de denrées , que le cultivateur qui eft éloigné des grandes villes , n'en trouve pas le débit J il eft entouré de tous cotés de pays aulîi fertiles que celui qu'il habite, ôc qui n'ont aucun befoin de fes fecours, 83 Mémoires d'Italie; * On fabrique A Turin des moires très-belles , des étoffes à grands deffeins, d'une qualité à durer long-temps , & très-propres pour les ameublemens ; les appartemens du Roi à Turin , à la Vénerie, Se à Stupinigi, en font meublés. Mais le goût de ces fabriques n'eu: pa3 élégant & varié comme celui des manufactures de Lyon ; on n'y travaille pas aufli proprement ; & c'eft la cauîe pour laquelle les étoffes de France feront toujours recherchées partout où il y aura un luxe per- * La culture des mûriers blancs étoit fert négligée dans le Piémont, Se les manufacturiers de Turin étoient obligés de tirer fouvent. de la foie du Milanois ou de l'état de Venife. Le Roi, pour rétablir cette branche de commerce fî utile a fes états, quelques années apics fon avènement an trône , mit fur les terres une imposition ailex forte qu'il établit par un édit ; enfuite il publia un autre édit , par lequel il promettait de diminuer cet impôt à proportion de la quantité des mûriers que l'on planteroit autour de chaque pièce de rerre , Se de la quantité de foie qui en rcfulte-roit ; tous les particuliers qui fe font conformés aux difpofitions de ledit, ont joui exactement du bénéfice qu'd ptomettoit , de fotte que plulieurs tiennent quantité de terres franches de tout im» pôt; à la vérité , ils ont grand foin de multiplier les mûriers Se d'élever les vers à foie. Cour Dt Turin. $9 iriis de représentation. On fabrique encore a Turin d-„js étoffes brochées, des taffetas, Quelques velours ; les bas y font d'une bonne qualité , mais fort chers pour les étrangers, à caufe de la perte que Ton fut fur le change des monnoies. Le chocolat Ôc les liqueurs font encore une branche de commerce de ce pays, de même que le ris. lW. 3 , .LeluxeàTurinn'eftpasurtobjetd'une grnn. e importance : on peut dire qu'il y en a autant qu'il en faut dans une capitale, réfidence du Souverain , où tout ce qui eft de représentation doit avoir plus d'éclat qu'ailleurs • il n'y a point de farte à la cour, même parmi les Dames j ôc les femmes d'un état moyen , les bourgeoifes , les commerçantes, peuvent, fans grands frais, fe mettre , pour la parure, de niveau avec le premier rang. Il y a plus de cette efpéce de luxe apparent dans le peuple que dans tes'états Supérieurs ; l'ufage où font les hommes, même lesartifans les plus vils, de porter lepée, ôc de s'habiller ordinairement de foie les jours de fête j leurs femmes qui fur cet article ne leur veulent rien céder, Surtout quand il eft question de fe montrer en public , à l'églife pu a la promenade , tout cela uni enfem-ble, répand un air de magnificence ôc d'o . fo Mémoires d'Italiï. pulence qui étonne au premier abord j mais on en eft bientôt revenu, pour le peu que l'on examine cette'nation. Elle donne les premières idées du peuple d'Italie , qui accorde tout aux apparences, & qui ne craint pas de facrifîer ion bien-être réel au vain plaifir de fe faire pafler pour ce qu'il n'eft pas. Il travaille pendant huit jours, fere-fufe même le néceflTaire pour paroître le dimanche à une promenade publique avec un habit d'emprunt, fous lequel il fe mé-connoît lui-même ; au refte , cette manie eft peu dangereufe en Italie, où les moeurs publiques n'ont aucune conïïdération j peut-être que cet amour du fafte a contribué à les avilir j mais comme c'eft chofe faite, il faudrait une réforme qui changeât les idées reçues , pour y rétablir ce que nous appelions l'honnêteté générale. ifYl&dinS 54. Je fuis étonné qu'un prince auiîî fage que le roi de Sardaigne n'ait pas encore abrogé le droit d'afyle dans les églifes Se leurs dépendances j il eft indécent dans un état policé, de voir des coquins ou bannis de la fociété , ou même condamnés à mort par les loix , vivre dans l'impunité fur le parvis d'une églife, d'où on n'ofe les enlever. Au mois de feptem-bre 1761 , ii y avoit fur le perron de l'églife de fainte Thérèfe 3 des gens bannis. Cour de Turin. $t pour crime , d'autres condamnés aux ea-Jeres . même un condamne a ta mort par le tribunal fouverain ; ils vivoienr à l'abri de toute pourfuire de juftice dans cet afyle Sacré qui, à la vérité, ne les garantilToit pas de La mifere où ils paroifïoient plongés j ds s'étoient conftruits une efpéce de barrante contre la muraille de l'églife , ôc ils s'y retiroientpendant la nuit, oulorfqu'il pleuvoit. La charité du peuple leur fournit quelque foulagemenr , les parenis leur portent en fecret quelques provisions j les moines eux-mêmes qui ont leur intérêt à maintenir ce droit d'afyle,leur donnent des fecours qu'ils n'oferoient avouer. Usref-tent dans cette efpéce de prifon volontaire jufqu'à ce qu'ils trouvent quelque moyen de s'échapper, ce qui leur réulîit difficilement ; ils font gardés à vue , ôc pour le peu qu'ils s'écartent, ils tombent dans les mains des fbirres. Le Roi n'a pas encore voulu abolir cet ufage que le gros de la nation paroît défapprouver, parce qu'on ne 1 attaque point. 35. La route de Turin à Gènes fe Routcc}eTa; Sait par Quiers, Villanova, Afti, Alexan- rin à Gènes, drie ôc Novi, qui de ce côté-là eft la première place de l'état de terre-ferme de la republique de Gènes. Quiers eft dans une fituation élevée , a Quîcrs, < Mémoires d'Italie. trois milles de Turin ; on prétend qu'anciennement cette ville étoit très-cornidéra-ble Se qu'elle fe gouvernent par fes propres loix ; depuis elle a été une place importante dans les guerres que les François firent dans ce pays fous le regne de François I. Alors elle étoit très-bien fortifiée , & défendue par un bon château,dont il ne refte plus que des ruines ; le terrein aux environs eft fertile Se bien cultivé ; les coteaux font couverts de vignes Se d'arbres fin itiers ; à gauche on voit la petite ville de Momcalier. Montcal'ur dans un afped riant au bord du Pô, Se dans un pa\s très-fertile. Les ducs de Savoie y ont une maifon de plaifance , qui a été fort négligée par le roi de Sardaigne, depuis qu'il fut obligé d'y faire arrêter le roi Victor fon pere en 1731. Le duc de Savoie actuellement vivant s'y plaît beaucoup , en fait reparer les bâtimens , Se préférera cette maifon de plaifance aux autres \ elle eft plus éloignée des Alpes, dans un meilleur air & un climat plus tempéré que la Vénerie Se Stu-pinigi. Villa-nova, eft un gros village ou bourg du Montferrat, fi tué dans une plaine fertile en bleds Se en vins blancs qui ont quelque réputation y il eft entouré d'un folfé défendu par un terre-plein qui régne dans Suite du Piémont. *>$ toute fon enceinte ; il y .t un couvent nombreux de religieux de l'ordre de S. Fran-ÇQ1s ; les environs de ce bou g font plantes de mûriers blancs, de on y fut un commerce de foie alfez conlidérable. De Villanova à Afti on compte dix milles de Piémont ou cinq heues de Iran» ce qu; Ton fait dans un pays fertile & découvert. Le chemin eft cgupé d'une multitude de petites collines, à travers lefqucd-fes coulent des ruiffeaux d'une eau bour-beufe qui vont grollir le Tanaro deUVtrfa> principales rivières de ce pays. A(li étoit anciennement une colonie Afti romaine dans la Ligurie. Pendant l'efpé-ce d'anarchie qui a duré Ci long-temps en Italie, la ville d'Aiti étoit le chef-lieu d'une république qui fe gouvernoit par fes propres loix \ enfuite elle a eu des Seigneurs particuliers fous le titre de comtes d'Airi ,'defquels elle palla aux ducs de Milan. Le comté d'Afti fur donné à Louis duc d'Orléans , frère de Charles VI roi de France , lorfqu'il époufa Valentine,fille de Jean Galeas Vifcomti, duc de Milan, **?nt lui de fes defeendans ont joui pro-priéraiiement , jufqu a ce que François eut cédé ce comté à l'empereur Char-Jes-quint, pour partie de fa rançon , par 4e traité de Madrid. En 1531 le comte 24 Mémoires d'Italie. d'Afti fut cédé aux ducs de Savoie , prïr** ces de Piémont, qui alors en firent fortifier la capitale , comme une place importante qui couvroir leurs états de ce coté. Cette ville ôc fes dépendances confervent encore le titre de comté , dont le territoire , connu fous le nom d'Aftefan, confine avec l'Alexandrin. Cette ville eft aujourd'hui une des principales du Monferrat , elle a un évêque fuffragant de Milan , beaucoup d'églifeg ôz de maifons reiigieufes. Le quartier de la ville où font les maifons ou palais des gentilshommes eft bien bâti, Ôc mal peuplé y ces palais font vaftes, fuivant Pu fage du pays ; mais les nobles n'étant pas riches, ils n'entretiennent que peu de domefti-ques, Ôc leurs maifons onr l'air défert. Le refte de la ville eft mal bâti ; les rues y font étroites } le peuple y paroît pauvre , fans commerce, ôc fans induftrie. Les fortifications qui entourent cette ville , font une double muraille ôc deux folles fort larges j au-delfus du côté du Nord , un ancien château qui tombe en ruine. Il y a toujours un détachement de troupes du roi de Sardaigne qui y font en garnifon, ôc un commandant ou gouverneur qui y réfide ôc garde les clefs de la place. Il faut avoir fonagrémentpour fortir avant l'heure Suite du Piémont. a laquelle on ouvre ordinairement les portes • ce qui eft fort utile aux foldats de garde , qui , pour avoir une gratification plus ample , là , comme ailleurs , ne manquent jamais dédire qu'ils ont veillé toute la nuit pour être prêts plus matin. Toutes les auberges de cette route font très-médiocres, ôc le meilleur appétit rebute contre les ragoûts des cuifiniers de ce pays. Le vin y eft mauvais j & le pain , quoique fait avec du bon grain, n'eft pas mangeable. jitcxandrie9v'ùle capitale du pays appelle AI«*a^ l'Alexandrin, bâ'ie fur la fin du douzième ficelé par les habitans de Milan , de Crémone ôc de Plaifance , qui tenoient le parti du pape Alexandre III contre l'empereur Frédéric Barbe-rouffe. Les Gibe-linsappellerenr cette nouvelle ville Alexandrie de la Paille , parce que les premiers murs de clôture furent conftruits avec de la paille mêlée dans la terre glaife. Peu *près qu'elle fut bâtie , l'empereur vint laiîiéger • Ôc les nouveaux habitans fe défendirent avec tant de courage , qu il fut obligé de lever le fiége qu il avoit tenu pendant fix mois. Il fe vengea du zélé des partifans du Pape, en difant qu il ne s'é-tonnoit pas qu'on eût bâti une ville en 1 nonneur d'un âne vivant ôc féroce, puif- $6 Mémoire» d'Italie.' que Alexandre en, avoit fait conftruire une pour confcrver la mémoire d'un <.heval mort. Le pape Alexandre III établit dans la nouvelle ville un évêché fuffragant de Milan ; aujourd'hui elle eftenrou:ée d'une muraille revêtue d'un bon folfé plein d'eau tk de quelques ouvrages avancés au-dehors j la citadelle bâtie au nord eft, eft 8c fait l'une des meilleures places de l'Italie j le roi de Sardaigne l'entretient avec grand foin ; la ville tk la citadelle ont ordinairement pour garnifon cinq régimens d'infanterie & un détachement de cavalerie. Elles font féparées par le Taniro , rivière alfez grolfe que l'on traverfe fur un pont de bois couvert. La ville eft médiocrement grande. Le bâtiment le plus impofant eft l'hôtel de ville ou palais commun , que le roi de Sardaigne a fait conftruire nouvellement • il eft fitué fur la grande place à côté de la cathédrale, édifice gothique qui n'a rien de remarquable. On tient tous les ans dans cette ville deux foires en octobre Se en avril j les marchands y viennent de tous les côtés de l'Europe , il s'y fait dans ce temps un commerce confidérable ; Lyon , Genève , quelques villes de Suiffe tk d'Allemagne y Suite du Piémont. 97 y envoyeur une quantité de bijouteries & d'étoiles qui fe portent dans le refte de l'Italie y d'où ils reçoivent en échange, des cotons des foies &c d'autres marchandi-fes du Levant & de l'Italie. Ces foires font comme un entrepôt marqué , où les marchands commercent plus enfemble qu'avec les particuliers ; ce qui s'y vend en détail eft'peu conlidé-table. 36. Le roi de Sardaigne polféde encore de ce côté fur la giande route de Turin à Home: Tonono , ancienne colonie des Ro- Torconc. mains, Ôc ville de la Ligurie dans la Gaule Cifalpine. Elle é:oitgrande ôc très- peuplée, lorfque l'empereur Frédéric II, dans fes grands démêlés avec les Papes, la ruina entièrement ; les peuples du Milanois la rétablirent ôc elle palfa fous leur domination ; elle a été unie au duché de1 Milan , jufqu'au dernier fiécle, que les Efpagnolsi 1* cédèrent aux ducs de Savoie ; elle a quelques fortifications entretenues avec tint b°n château fur la rivière de S envia. Le roi de Sardaigne y tient une garnifon, donc le commandant eft très-exact à vifiter les paffeports des étrangers ; fon voilinage avec Gènes eft caufe qu'il s'y fait quelque commerce. Elle a un évêché futfragant de Tome i% *£ Mémoires d'Italie. Milan. On voit cn traverfant cette ville quelques quartiers allez bien bâtis. Quoi-que la campagne où elle eft fituce foit fertile tk bien cultivée, la ville a l'air pauvre & mal peuplée ; les habitans font fort in, térelfés avec les étrangers & ne donne-roient pas même de l'eau gratuitement s'ils imaginoient pouvoir s'en frire payer. fogherra , ville ancienne de la LiguJ rie , connue dans l'Itinéraire d'Auto, nin , fous le nom d'Iria , a fait autrefois partie du Milanois \ aujourd'hui elle appartient au roi de Sardaigne , & eft la dernière place de fes états qui confine avec le duché de Plaifance j elle eft daug une lituation ri.mte -, l'afpeci de la ville eft agréable ; elle a eu autrefois quelques forcilications qui font forr négligées. Toutes ces villes font fituces dans une plaine recule cv bien cultivée , arrofçe, de plulieurs rivières , dont les plus conl^de-rables font Le Tanaro , la Scrivia , le TL doue, qui dans les temps de pluie fom fort g rôties tk dangereules à traveifer , |4 plupart n'ayant ni ponts ni bacs; les eaux n en font pas belles comme toutes celles qui coulent de l'Apennin. L'utàge d'ert-clorrc chique pièce de champs ou de prés d'un folfé plein d'eau , d'une haye vive où font plantés de grands arbres , tels que Suite du Piémont. 9-} mûriers,peupliers,ormes , Sec. commen-.ce à devenir général à Alexandrie , Se delà dans tout ce qui joint la plaine de Lom-bardie. Certe façon de cultiver affeinit les. terres, les met à l'abri des féiherelfes Se des inondations , tk fut que chacun trouve autour de fon héiitage , les bois dont il a befoin pour fon ufage. On doit faire dans tous ces cantons beaucoup de mie , à en juger par la grande quantité de mûriers blancs plantés dans la campagne. 37. Pour achever le détail de ce que p.olItffdetu-j'ai vû en Piémont, je vais reprendre la riuàWiiau. route de Turin à Milan , en palfant par Chivas , Verceil Se Novarre jufqu'au Téjln qui fépare les états du roi de Sardaigne , du Milanois. Les avenues de Turin de ce côté font bell.:S} les chemins faits 6e entretenus, |e pays fertile & cultivé avec foin , on voit a. gauche de la route à trois milles fie Tu-rm , un grand bâtiment où eft la fabrique du tabac, & collectas tuiles peintes] pour le compte du Roi qui y entretient les 011-Jjttets , fournit les matières, Se fait vendre les ma chmdifes qui en forent. En-juiteon paffj en asteb 'que les Ddres& y Sru e, rivières qui.coul.jit des Alpes & d^t les eaux font belles ; elles roulent Èij ioo Mémoires d'Italie. fur un fonds de gros'cailloux , dont on fa fert pour paver quelques parties des chemins 6c réparer les autres, chivas. Ckivas eit à cinq lieues ou dix milles de Turin ; la place ell fituée fur une érnineri. ce qui domine le pays \ elle eft petite mais bien fortifiée ; le roi de Sardaigne y entretient une bonne gamifon. ( a ) Le terroir aux environs de cette place du côté du Milanois eft aride 6c fort négligé , qUoj. qu'il foit coupé de beaucoup de ruilfeaux. LivournOy que l'on trouve à cinq milles de là eft un très-gros bourg qui appartient au prince de Francaville établi à Naples , de la maifon des Imperiali de Gènes ; on y fait un commerce confidérable de foies, qui tiennent le premier rang parmi celleg du Piémont. verceil. Verceil , jolie ville de Piémont, eft à moitié chemin de Turin à Milan , c'eft-à-dire à trente-cinq milles ou environ dix-fept lieues de l'une 6c de l'autre ; c'eft l'ancienne capitale des Libicims, fituée dans la Gaule Tranfpadanc , fur les frontières des Infubriens , ainfi que le difent Pline , Strabon 6c Ptolomée le géographe ; Pline fait mention de fes mines d'or que l'on ne connoît plus aujourd'hui. Autrefois elle (d) Le Maréchal de EerwicK laprit cn iyotf. Suite du Piémont; ioi a fait partie du duché de Milan , mais depuis la paix des Pirénées elle appartient à ta maifon de Savoie, qui l'avoit fait fortifier confidérablement , tk défendre par Urie bonne citadelle ; il ne refte plus rien de fes fortifications , elle fut abfolument démantelée par les François en 1705. ; 38. Cette ville eft dans une fituation v£«u. rilnte , au bord de la Seffia au levant, f^r un terrein élevé ; elle eft allez bien bâtie , Se paroît peuplée & commerçante. Eufebe, l'un de fes éveques qui vivoit dans le IVe. fiécle l'a rendue fa meute. Qnconfervedans le tréforde l'églife cathédrale , un manuferit des évangiles de S. Mathieu tk de S. Marc,(tf) écrit de la main Remède ce faint, & qui a été donné à cette Jglife parBeranger roi d'Italie (b).Le Pape Léon IX y a tenu dans le XIe. fiécle un con- (a) II eft écrit fur un velin très-mince. C'eft une ^aduction latine fort différente de la Vulgate. Si a édition eft vraie, ce manuferit eft du quatrième fiécle. (*) A la fin du dixième fiécle où les premières annees du XIe. l'empereur Othon à la prière du f ?Pe Silvcftre II donna à l'églife de Verceil, la même de Verceil à titre "de domaine fouve-P« Cette donation eft la première , où l'on ., c la puilFancc civile accordée à une églife, aucune réferve, E iij loi AIE moire s d'Italie. cîle contre l'héréfie des Sacramentaires ,v dont Berenger archidiacre de l'églife d'Angers étoit le chef; c'eft en mémoire de ce conci e que l'on y célèbre la fête Dieu avec une dé " tion particulière. La cathédrale fous le vocable de S. F.u-febe eft une ancienne églife gothique bien bâtie ; celle de fainte Marie Majeure 6c fon pavé en mofaïque repréfenrant l'hif-toire de Judith , méritent d'être vus (a). {à) s. Jérôme dans le troifîéinc livre de fes lettres. L.7. à Innocent, rapporte un prodige arrivé à Verccil de fon tems, & trop frappant pour ref-' ter dans l'cfpéce d'obfcurité où il eft. « A Verccil , ville des Liguriens à peu de 33 diftance du pied des Alpes , autrefois très-as puilfante , un mari aceufafa femme d'adultère 33 devant le proconful qui faifoit fa tournée ; die-x fut prefentée à fon tribunal avec le jeune hom-35 me qu'il piétendoic être fon complice ; l'un 5c l'autre furent expofés à la torture la plus vio-3> lente. La force des tourmens fut telle que"' 33le jeune homme ne pouvant y réliftcr , aima » mieux faire l'aveu que l'on exigeoit de lui , 33 quoiqu'il fat innocent , que de fouffrir plus 33 long-temps. Mais la femme perlifta à nier ; Se 33 fit cette belle réponfe. Seigneur Jcfus, à qui 33 rien n'eft cache, vous qui connoilfez le plus fc-33 cret de mon coeur , je vous prends a témoin 3> que je ne nie point le crime dont on m'aceufe » dans la crainte de la mort, mais pourne point Suite du Piémont. 105-L'hôpital eft vafte ôc bien fervi (a). Novarrc , ville ancienne de la Gaule N°T*rre. 33 pécher contre la vérité.Et vous miférable jeune-5ï homme , fi vous êtes preiTé de périr , pourquoi 55 par un injufte aveu expofez-vous deux inno-"censàun iupplicc honteux? Je fouhaite de mou-*î rir, mais non chargée du crime d'adulrcre .... 84 Cetrc fermeté ne fervit qu'à irrirer le juge , ii fie Sî inutilement redoubler les rourmens , la conf-w tance de la femme fut la même. Enfin les deux "aceufés furent condamnés à perdre la tête. Celle "du jeune homme fut emportée du premier ^coup, deux bourreaux frappèrent inurilcmcnr •'la femme jufqu'à fept fois, à peine purent-ils Sllui faire une légère blefîiire. Il faut lire tour * ce détail dans S. Jérôme même. Le proconful le mari fçachant qu'elle avoit échappé au 89 fupplice , la firent chercher de nouveau pour la " faire périr par une mort honteufe j mais une "grâce cxprefTe de l'Empereur tira des mains "de fes ennemis , cette femme fauvée par un * miracle évident, opéré à la vue de tout le peu> •*pie de Verccil, & qui ne fut pas capable d'ap- * paifer la rage de fesperfécutcurs.... ,/^) H ne faut pas manquer de voir au grand hôpital de Vcrceil le corps d'André Valla Àngc-vjn, pèlerin romt-pette , qui y mourut en 1^85 , 0 une étifie confommée , au point qu'il n'avoic plus quc ia pCau collée fur ]cs os. Son corps s'eff. confervé depuis ce tems-là dans le même état il étoit au moment de fa mort , fans aucun Rangement 3 on voit encore fur fes joues les rou-£eursqUc portent ordinairement les maladies de genre. E iv *ro4 Mémoires d'Italie; Cifalpine, capitale des Lcvuns dans Yïn-fubr'u , an rapport de Pline, aujourd'hui ville ép::copde de la métropole de Milan, faifoit autrefois partie du duché de ce nom j tk apparient à préfem à la maifon de Savoie. Elle eft fituée fur uneémi-nence défendue par un ancien château tk par des fortifications bien entretenues ; le roi dj Sardaigne y tient une forte garni-fon i il y a dans le voilinage de l'églife cathédrale quelques inscriptions tk bas-reliefs antiques qui prouvent l'ancienneté de cette ville } d'ailleurs on n'y voit rien de remarquable j il ne paroît pas qu'elle foit bien peuplée j elle eft éloignée de dix milles environ de Verceil. La campagne entre Verceil tk Novarre eft une plaine arrofée de différens canaux , ^ où font des plantations de riz très-confîdé-rables 5 ce grain doit toujours être dans, l'eau que l'on fait élever à mefure que la plante croît, de forte quJil n'y a jamais que l'extrémité de la feuille te l'épi qui foient hors de l'eau ; ainfi toute cette plaine reflèmble plus à un marais qu'à un terrein ii utilement cultivé , d'autant mieux encore qu'elle eft couverte d'une multitude de beaux oifeaux de rivière. Au mois de feptembre , temps de la récolte du riz, on fait écouler l'eau de ces Suite du Piémont. ioc marais 9 qui rendent alors des exhalaifons très-mal faines , Se caufent fouvent des maladies populaires j inconvénient inévitable , parce qu'on ne peut pas cultiver autrement le riz. On le fème au mois de mars ou tout au plus tard au commencement d'avril ; 6v dès que la plante commence à fortir de terre , on la couvre d'eau • la paille large d'environ deux lignes , reffemble à des feuilles de jonc 5 Se le tuyau noueux qui porte l'épi, a au moins une ligne Se demie de diamètre. De Novarre jufqu'au paflage du Telîn il y a environ cinq milles que l'on fait pour la plus grande, partie dans un terrein gras Se fertile j cette rivière , l'une des plus belles d'Italie , eft divifée en deux branches que l'on prdTe en barque j un peu plus bas que le partage, commence le canal qui communique de Milan au Tefin, Se fait k commerce de cette, ville avec le Lac majeur, Se par confisquent prefque tour ^lui de l'Italie avec la Suiife Se l'Allemagne. fes bords du Tefin font couverts de fculis , dans lefquels on voit d'efpace ère e*pace des poteaux furmontés de petites cages de fer, où font expofées les têtes «es aflaflins Se des voleurs qui étoient au> l^efois en grand nombre dans ce canto» s, v 105" Mémoires d'Italie. que l'on ne traverfoit qu'en tremblant jit y a un peu plu-: de fureté aujourd'hui, par les foins que prennent réciproquement la reine d'Hongrie tk le roi de Sard.iigne pour en bannir les brigands. Mais ja facilité qu'ils ont de palier d'une domina_ tion à l'autre , les formalités qu'il faut pour les arrêter en pays étranger , leur font entrevoir une forte d'impunité qui les enhardit au crime. États de Gènes. t A t s de e n b s. TT JLEs états de la république de Gènes font finies au couchant de l'Italie. La ville capitale eit éloignée de Turin d'environ trente cinq lieues de France, ou quatre-vingt milles , dont cinquante de Turin a Novi , première place de la république , & trente de Novi à Gènes. i. La ville deGénes eft l'une des plus anciennes d'Italie, il y a plus d'une fable HHfafi» d# V- r- . . i> r • Gcncs&uefesï iur ion origine que 1 on rait remonter révolutions, jufqu'aux temps héroïques des Grecs, e'eit-à dire 155s ans avant l'ère Chrétienne (a). On lit dans Tite-Live ( L. 18 & 30 ) cfue Tan 549 de la fondation de Rome c'étoit une ville confîdérable de la domination romaine, qui fut attaquée à l'ini-* provifte, pnfe & détruite par Magon, gé~ U) Cicéron donneune idéeafTez jufte de la qua- ICt de ce pays, qui n'a pas changé de façon à « lapas reconnoître encore .. Usures montanos dur ros atque agrefies, docu'u nutura ipfa loci 3 ni-a(r/'ren;io > n*fi rnulto Labore qu&fîtum... de Ugt E vj ictS Mémoires d'Italie. neral des Carthaginois, clans le temps de la féconde gnerre punique (a). Le ferra* y envoya le proconlul Lucretius Spurius qui en deux ans la rétablit dans fa première fpiendeur. La république Romaine y entretint dans la fuite des décurions avec un nombre furfifaiir de ioldats pour la mettre à l'abri des in fui tes des puilfances maritimes. On a trouvé à Tortone en 146'! la pierre fépulchrale d'un Romain établi dans la Ligurie qui portoit le titre de décurion de Gènes. En 1 50^ un païfan de la Polchevera trouva dans fon champ (a) Ce fut entre les deux guerres puniques que les Romains s'écablirent dans ce pays. Les Liguriens occupoient alors les montagnes fituées entre le Var & la Magra. Que l'on compare Ife caractère fous lequel Florus les repréfente avec celui des Génois, pour connoître les différences que le temps peur mettre dans les moeurs des nations &: Te pays même qu'elles babirent.... guns irnis alpium jugis adhxrentes, mrcrVarum é" Macramfiamen t implicitofquc dumis , filvefi ri-bus , major cliqu&nto labor erat invenire quant yincere. Tutum locis & figâ durum arque velox genus , ex occafione, ma gis latrocinia quant bella faciebat ; itaque cum diu multumque éludèrent fal-•vi viis 3 lateh'-is... tandem Fulvius latebras eorunt ignibusJepjlï.Bcbius inplana deduxif.V ofihumius ita ex-irmavit , ut vix rcliquerit ferrum quo terra coleretur... Florus. L.z. C. 3.,.». États de Gènes. ig$ des tables de bronze , fur lesquelles elb gravée en grand caractères romains la feir-tence des commiffaires envoyés par la République , pour régler les différends fur-venus entre les habitans de Volraggio ôc cetix de Langafco à l'occafion des bornes de leurs territoires : il eft dit dans l'inf-cription que ces deux villes étoient fou-mi fes au gouvernement de Gènes. Ces tables dattées du Confulat de Q. Servi-lius, ôc de C. Manilius, environ i zo ans avant 1ère chrétienne , font confervées dans l'églife cathédrale de Gènes. Cette ville ôc fes dépendances fuivirent Cqnftamment le fort de l'empire Romain , jufqu au temps des inondations des Barbantes qui le démembrèrent : elle fut la proie des Sarrazins qui la pillèrent , maflacre1-fent fes habitans Ôc en firent un défert. Les Lombards , fousle roi Rotharic, ne la traitèrent pas plus favorablement, & achevèrent de détruire ce qui avoir échappé à la fureur des Barbares. Elle étoit dans le plus trifte état , lorfque Charlemagne , après avoir vaincu les Lombards , refta paifible poffeffeur de la Ligurie. il ren* dit à la ville de Gènes fon premier éclar. Pépin fon fils qu'il invefrit du royaume d'Italie , donna la ville de Gènes ôc *es dépendances avec le titre de comté, a no Mémoires d'Italie. un leigneur François nomme Adhemar , qu'il reconnoifTbit pour fon parent. Ses defeendans y régnèrent au même titre jufqu a la fin du XIe fiécle , que les Génois fe révoltèrent contre leur Comte , fe mi_ rent en liberté , Ôc fe formèrent à eux-mêmes , des gouverneurs ôc des magiftrats tirés du corps de la nobleiïe. Ils portoient le nom de confuls j le temps de leur adminiltration n'étoit point fixe , non plus que leur nombre, qui cependant n'a jamais été au-delà de huit. Pour que le peuple eût quelque part à ce nouveau gouvernement, la ville fut divifée en fix quartiers ; ôc on établit autant de capitaines dont l'autorité avoit quelque rapport avec celle des tribuns de l'ancienne Rome. Ce fut alors que l'on bâtit la première enceinte des murs de la ville qui s'étendoient depuis le quartier de Carignan jufqu'au palais Ducal , ôc depuis la place Doria jufqu'au quartier S. Thomas. Le gouvernement de ce peuple inconf-tant étoit très-tumultueux j ce n'étoient que brigues ÔC cabales continuelles, toujours excitées par la jaloufie des familles les plus puilfantes , qui avoient des prétentions contraires an bien public , ôc qui faifoienc dépofer les magiftrats qui n'é-toient pas de leur avis. États dé Gènes. m En 121-7 Ie dé forci re étant monté an point qu'il n'y avoit plus de gouvernement fixe , les principaux Génois réunis choilirent pour premier magiftrat , un podeftat étranger ; on en voit de Milan, de BreflTe, de Parme , de Plaifance Se d'autres villes de Lombardie , 011 ils les choifiiTbient ordinairement. A ces podef-tats fuccéderent des capitaines , des gouverneurs , des lieutenans , des abbés du euple, des réformateurs, des ducs noies & populaires. Ces différentes élections étoient ordinairement l'effet de la violence \ la ville divifée en partis oppo-fés prenoit les armes , Se ceux qui avoient le deiîus , établiiïbient la forme de gouvernement qu'ils jugeoient la plus conforme à leurs intérêts. En 1339 l'état parut prendre une forme un peu plus tranquille, Simon Bocca-negra, né d'une famille illuftre , fut élu duc ou doçe j on lui donna un confeil compofé des anciens ou chefs de famille , dont le nombre n'étoit point déterminé. En lit)G ils fe mirent fous la protection de Charles VI roi de Fiance qu'ils feconnurent pour leur fouverain. En 1409 ds malTacrerent les François Se fe donne-rer*t au marquis de Moncferrat. Quatre lit Mémoires d'Italie? ans après ils fe remirent en liberté Se élurent de nouveau un doge Se des fénateurs. JEn 1411 ils appellerent les ducs de Milan pour les gouverner. En 1456 ils élurent de nouveau des doges qu'ils conferverent jufqu'en 1458 j alors ils fe fournirent encore au roi de France. Trois ans après, les doges choifis parmi le peuple furent mis à la tète du gouvernement. En 1458 François S'force, duc de Milan , détermina par fes intrigues, les Génois à le reconnoître pour louverain protecteur de leur république j mais comme fon gouvernement devenoit trop abfolu , dix ans après ils eifayerent de fe mettre en liberté j Se ce fut alors qu'ils offrirent la fouveraineté de leur ville à Louis XI roi de France 3 qui leur fit cette réponfè fi connue , que fi ta ville de Gènes fe donnoit à lui , il la donnoit à tous les diables. En 1499 Louis XII ayant entrepris la conquête du Milanois qui lui appaftè-noit du chef de Valenrine Vifconti fon ayeule , prit Gènes d'affaut & fe rendit maître du gouvernement. Depuis cette année jufqu'en 1 528 cette ville jouit peu de fa liberté j les François, l'empereur Charles V3 les ducs de Milan, y dominèrent alternativement-. États de Gènes. ïij Elleécoit fous la domination des François en i j 18 , lorfque André Doria ayant tout d'un coup quitté le parti delà France dont il commandoit les armées navales, fe fervit des forces qui étoient à fa dif-pofition , pour remettre fa patrie en liberré & y établir une forme de gouvernement durable. Ce fut alors que le fénat fut formé des chefs ôc des principaux membres des familles nobles. Obert Catanéo fut élu do-, ge • il fut décidé que fon gouvernement ne dureroit que deux ans , &: qu'il feroit élu à la pluralité des fuffrages des fénateurs j ce qui s'eft obfervé depuis ce temps. i. Le gouvernement actuel elt arilto- Çouv. «f H , n 1 1 r c "1 tuci de la rc- pratique. Le doge en elt le cnei ; cependant j'ai oui dire par des gens très-inf-tiuits que le nombre des habitans , y compris les rauxbourgs de S. Pierre d'Arena , Ôc de Bifagno , va à peine à quatre-vingt-dix mille ames. La première enceinte de la ville a environ cinq milles détendue. Les deux au», très qui embratfent une partie confuléra-ble des montagnes voilin.s lont beaucoup plus vaftes 5 Ôc ne doivent être regardées Ville de Gènes. r * j que comme des dcfenfes avancées qui fervent à la fureté de la ville. La rue neuve ( ftrada nuova ) eft le plus beau quartier de Gènes ; elle fut élargie Se dreîfée dans le dernier fiécle , par Alexis Galeazzi de Pérouze ; il a conf-truit le magnifique palais des ducs de Tords , de la maifon Doria , qui eft dans cette rue, Se qui en fait le principal ornement ; les autres palais de ce quartier, Se qui font tous très-beaux, ont été bâtis fur les deffeins de cet architecte. La place f)oria, qui eft à l'extrémité de cette rue, eft plus remarquable par la beauté de fes édifices que par fa grandeur. Le quartier de l'Annonciata Se la place qui y répond , qui eft la plus grande de Gènes, eft le feul dans lequel toutes fortes de voitures puiiTent aborder ; c'eft dans cette place qu eft l'auberge de fainte Marthe , la meilleure de Gènes pour le logeaient , Se qui jouit de cette réputation depuis plus d'un fiécle. La rue Balbi Se celle de S. Thomas aboutifterit à ce quartier • elles font larges, bien pavées, Se déco-rees de beaux édifices [a). ( o ) Pour conduire dans les autres quartiers de ville les fardeaux pefans , ou d'un gros volu-e i on Te fert de traîneaux étroits auxquels on 1*4 Mémoires d'Italie. Le quai qui conduit de la porte S. Thomas à la Lanterne , 6c delà au fauxbourg S. Pierre d'Arena , eft fort large 6c bien revêtu ; c'eft une des promenades les plus fréquentées de la ville , la plus longue 6c îa plus commode pour ceux qui aiment à marcher de plein pied ; d'un côté on a la vue du port, 6c de la côte au couchant -de l'autre on touche la montagne , dont le pied eft garni de maifons la plupart habitées par des ouvriers en foie. De l'autre côté de la ville , au levant, les deux collines appellées de Serzane 6c de Carignan , font unies par un .pont allez large pour palfer aifément quatre carolfes de front, 6c d'une très-grande élévation. Ce grand ouvrage a été conduit par un ingénieur François nommé Langlade qui attache un ou plulieurs chevaux, & qui peuvent palier partout ; à l'aide de cette machine, on tranlporte même des blocs &: des colonnes de marbre dans les quartiers de la ville les plus difficiles à aborder. Pour aller par la ville, on n'a pas d'autres commodités que leschaifes à porteurs ; il y en a de magnifiques ; celles même de louage font très-propres, garnies de glaces, doublées de velours bien vernies par le dehors , quelques-unes même font dorées j les porteurs & la chaife fc payent quatre francs par jour, argent de France. Ville de Gènes. ne l'entreprit au commencement de ce fiécle, fous les ordres Se aux dépens du feigneur Dominique Pauli , patricien Génois. Ce pont 6c la jetrée qui le fuit en réunifiant les deux collines , forment une belle ef-planade plantée d'arbres , dans un rerrein fort élevé. La promenade y efi: agréable Se fort commode , fur tout pour prendre le frais en été ; on y a la vue de la mer , Se celle d'une partie du bourg de Bifa-gno, compofé d'une multitude de maifons de campagne prefque toutes bien bâties, quoique fur un terrein inégal , entremêlées de beaucoup cle palais Se de jardins , qui tous enfemble forment un fpec-tacle varié Se très-vivant. 7. Les églifes Se les palais de Gènes, prefque tous d'une conftruction très-riche , Se ou les plus beaux marbres n'ont pas été épargnés, ont fait, dit-on , donner a «rte ville le nom de fuperbe j j'en ai vû une partie , qui font vraiment d'une grande beauté ; j'en dirai ici quelque choie, pour amufei ceux qui liront ces mémoires. Je ne ferai pas un détail exact de tous les chef d'oeuvres de peinture qui ornent ces edifices j je renvoie pour cela à la description qu'en a donnée M. Cochin. L'églife de S. Laurentjà en croire les Génois, elt la première qui ait été érigée fous F lij i x6 M i u o i r e s d'Italie, le vocable de ce Saine Aulli-tôt que Ton apprit à Gènes qu'il avoit été martyrifé à Rome l'an 160 , on convertit fur le champ en églife la maifon où il avoit logé paf-fan: d'Efpagne à Rome avec S. Sifte. Elle fut érigée en cathédrale en 98 5,Se a toujours conièrvé ce titre jufqu'à préfent. Elle eft revêtue de marbre blanc Se noir, tant dedans que dehors, Se pavée de même ; la ccnftruccion eft d'un gothique allez lourd } le portail eft ouvert de trois portes qui donnent entrée dans autant de nefs mal éclairées ; à côté droit du portail eft tnie tour fort élevée revêtue de marbre & qui fert de clocher. Du haut de cette tour on jouit de la vue de la ville , mais bien moins avantageufement que du port. On y remarque furtout la chapelle de S. Jean-Baptifte , protecteur de la ville Se de la république. Elle eft revêtue de marbres, chargée de fculptures anciennes Se de plulieurs ftatues médiocres. U y a toujours une quantité de lampes allumées , qui font toutes d'argent, la plupart d'un poids conlidérable Se d'un beau travail. Dans le tréfor de cette églife eft le fameux plat d'émeraude donné aux Gcnois par Baudouin roi de Jérufalem. Us prétendent que c'eft le même fur lequel le Sauveur mangea l'agneau pafchal avec fes- Ville de Gènes. 117 difciples y les critiques les plus habiles ne font pas d'accord fur cette prétention ; quoiqu'il en foit, c'eft une pièce curieufe & fort ancienne , puifque l'on va jufqu'à dire qu'elle faifoit partie des préfens que la reine de Saba offrit d Salomon. Saint Sire ( San Siro ) eft l'ancienne cathédrale de Gènes , tk fort connue dans l'hiftoire de cette ville par les alTemblées qui s'y font tenues , tk ou fe formoient ordinairement les plans des révolutions qu'elle a éprouvées ; cette églife eft aujourd'hui aux Théatins, La conflruètion en ell de la plus grande richefle ; les plus beaux marbres y ont été employés, tk l'or y éclate de toutes parts ; les cloitres tk les appartemens des religieux répondent à cette magnificence tk font de la plus grande propreté. 11 paroît qu'il y a peu de le'nsque toutes ces conftiuclionsfontache-vées. L'Annonciata eft l'une des plus grands églifes de Gènes tk celle dont la décoration eft la plus brillante j le portail n efi: point achevé ni revêtu , mais l'intc-yjeur de l'édifie eft magnifiquement orné. t|| - o f o i. - ^lle eft partagée en trois nefs , foiite-niles par des colonnes revêtues d'un niatbre blanc tk rouge très-éclatant ; la v°ute eft peinte tk dorée de même que la jz8 Mémoires d'Italie. coupole. C'eft dommage que le chœur manque de profondeur , mais il paroitque l'architecte a été gerté par l'inégalité du terrein. Le grand tableau de la cène oui eft au-deftus de la porte d'enné-, peint par Jules-Céfar Procaccir.i, eft un des plus beaux morceaux de ce maître. La composition tk le coloris en font excellens. Dans une chapelle près de la facriftie on voit un tableau du Borzone frais de couleur & d'une compofition très-gracieufe ; il a pour fujet l'inftant où les bergers viennent adorer J. C. après fii nai fiance. La nation Frafiçoife a dans cette églife, dans le collatéral à main droite,une Jia-peile fous le vocable de S. Louis, revêtue de beaux marbres ; c'eft là qu'eft enterré M. le duc de Boufflers, qui commandoit à Gènes en 1746 tk qui y mourut. On lit fur la pierre fépulchrale un éloge magnifique tk bien vrai de ce grand homme qui emporta les regrets des François tk des Génois. Cette églife eft à la maifon Lo-mellini. S. Ambroife, églife appartenante à la maifon Balbi, eft de la plus magnifique conftruction j la façade extérieure eft d'une grande tk noble architecture j les cours, les terralfes, les galeries Se les efcaliers font foutenus par des colonnes de marbre Ville de Gènes. izp & conftruits de même : rien n'eft plus nche tk mieux tenu que l'afTèmblage de tous ces bâtimens qui l'ont occupes èar les jeluites qu? la maifon Balbi y a placés. L'intérieur de l'églife eft de la plus grande magnificence , ornée d'une multitude de colonnes de marbre de diverf.s couleurs; la chaire à prêcher d'une belle forme eft de même. On y voit deux beaux tableaux de Ru-bens , celui du maître-autel qui a pour lu-jet la circoncifion , tk celui de la chapelle de S. Ignace, où ce faint eft repréfente gué-rilfant un polfédé , tk relfufcitant des en-fans. Dans la croifée à droite eft un tableau de l'Alfomption,peint par le Guide, tk l'un des plus beaux ouvrages qu'ait produit le pinceau de ce grand maître. Cette églife eft r une des plus belles tk des plus riches de Gènes. L'églife de Carignan, collégiale fondée par la maifon Sauli en 1481 ; on commença à la conftruire cn 1552 dans la forme où elle eft ; la conftrucHon en eft noble & folide ; les ornemens y font ménagés avec goût tk très-bien diftribués ; les quatre piliers qui Soutiennent la grande coupole Sont ornés de quitte ftatues, dont deux du Puget , fameux fculpteur François, celle de S. Alexandre Sauli , & de F v 150 Mémoires d'Italie. S. Sébaftien y routes les deux vraiment dignes du cifeaudece grand homme. Celle de S Jean Baprifte eit de Parodi j & celle de S. Barthelemide Claude David ilulp-reur I rançois. L eglife de l'Albergho de Poveri polfé-de un g'oupe en maibre blanc qui repréfente i AlTomption , & qui eft du Puget> de très - excellent. Les Génois eux mêmes regardent les ouvrages de ce maître comme un des ornemens principaux de leur ville. Je devrois parler encore d'une multitude d'autres églifes qui ont chacune leurs beautés particulières 3 mais le détail en deviendroit trop long. Je me contenterai de même de parler de quelques-uns de ces magnifiques palais fi cék'br;s dans toute l'Europe. PaTaàrfeia 8. On peut regarder le palais du gou-B%pcntie. vernement où réiide le doge , comme le centre de la répub'ique. C'eft-là que s'af-femblent les confeils , que fe forment toutes les délibérations ; c'eft là encore que font la plupart des tribunaux de juftice. Sa conftruétion eft de forme quarrée de d'une folid té qui lui donne l'air d'une forterelfe ; la porte d'entrée eft pécédée d'une grille de fer , faillnnte en de mt cercle , où eft un corps de-garde pour les foldats Suilfes. On palfe par une grande cour ha- Ville de Gènes. 151 buée par les foldats & leurs femmes, & pu font encore quelques petites boutiques; *1 u y a rien là de remarquable ni de beau. On trouve enfuite un grand veftibule où eft un fécond corps-de-garde. On monte Un grand efcalier, au bas duquel font deux ftatues des Doria. On traverfe une gale-rie > ce on entre dans une falle où font quelque Suilfes avec le baudrier Se la hi-lebarde. A la porte du tambour qui donne entrée dans les appartemens du doge, font deux huiflïers de la chambre, verus de pourpoints courts mi-partis de noir Se de jaune, avec larges chaulfes, grandes cravates Se amples perruques ; ce font eux qui annoncent les vifites , Se un gentilhomme , officier de la maifon du doge , vient recevoir à la porte, Se conduit jufqu a l'appartement de fa Sérénité. Les meubles du palais qui font de da-*ttas ou de velours cramoili , appartiennent à la république Se fervent fuccelîive-ment à tous les doges ; on ne les renou-Ve'Ie que lorfqu ils ne peuvent plus fer-Vlr par vétuîté. Les filles des confeils font ce qu'il y a de plus curieux à voir dans ce palais Les murailles de la falle du grand confeil font ornées de grands tableaux peints a frefque, «ont les lûjets ont rnppoit à l'hiftoirc -difpendieux. 9. La maùon où fe tient la banque de Banque 3c S. Georges eft aflez vafte, la falle pnnci-s' Gcû's;s* pale eft revêtue d'une ancienne boiferie avec des bancs , quelques bureaux Ôc lièges pour placer les magiftrats ôc officiers chargés de l'adminiftration j elle eft décorée de quelques ftatues, Ôc d'infcriprions qui ont rapport aux événemens les plus inrérellans, auxquels la maifon S. Georges a pris part (a). • Logia di Banchi eft une grande «lie publique où s'aiTemblenr les marchands pou traiter de leurs affaires ; 1 ecuf-fon de 11 république eft peint au plafond, au deifus de la porte d'entrée eft un tableau de la Vierge peint à frefque par Pietro Sori de Sienne. L'entrée de cette falle eft du côté de la petite place des marchands. 10. Le palais Doria, fitué à la porte S. Pa!aispartV, •Thomas , eft le plus vafte de ces magnih- cuikrs. (V' Les commi/Taires deputés du Sénat , pour connoîuc des affaires de Ja banque S, Georges, Portent le nom de proYcditeurs. 13S Mémoires d'Italie. ques édifices qui ornent la ville de Gènes, il fut commencé dans le feiziéme fiécle par le célèbre André Doria, dont le nom fait l'honneur de fa patrie & de fa maifon ; ce palais, par la grandeur & la beauté de fes appartemens , eft digne de loger un fouverain ; il communique à fes jardins qui font fitu.es de l'autre côté de la rue, par une galerie couverte. La ftatue de Neptune qui eft au-delTus de la grande fontaine du jardin , eft celle d'André Do-ria repréfente fous la figure du Dieu des mers, où lui-même avoit dominé ii longtemps. L'afpecr. principal de ce palais eft immédiatement fur le port. Le palais de Marcellino Durazzo eft orné d'une riche colleétion des plus beaux tableaux , non-feulement des grands maîtres d'Italie , mais même des Flamands , tels que Vandick & Rubens, dont on voit des ouvrages admirables ; ce qui mérite furtout d'y être vu, c'eft le grand tableau de la Madeîaine aux pieds de Jefus-Chiïft chez le Pharifien , peint par Paul Vero-nefe ; c'eft l'un des plus beaux dece grand maître o: le mieux confervé que j'aie vû. C'eft certainement un des plus précieux tableaux du monde ; on y retrouve le beau coloris de l'école Vénitienne , très-rare à reconnoître, attendu que l'air épais de la Ville de Gènes. 139 mer > Se" l'humidité acre qui en eft infépa-rah!e% onr considérablement altéré les chef-d'œuvres de Paul Véronefe , du Titien , du Tintoret tk des autres grands maîtres de cette éi o!e qui étoient en grand nombre «i Venife , tk qui i'om plus recommandants par leur ancienne réputation que par leur état actuel. On voit dans ce même palais une copie de ce tableau tk la feule qui en ait été faite ; parmi les chofes rares tk curieufes , on y remarque un butte antique de Vitellius, d'un beau travail. Je n'entre dans aucun détail au fujet des belles colleéhons de tableaux qui font à Gènes ; M. Cochin en a parlé fort au long , & on ne peut trop inviter les artiftes tk les amateurs à les voir ; ils font mieux confervés à Gènes que dans la plupart des autres villes d'Italie ; on y trouve fur-tout des Vandick tk des Rubens de la plus grande beauté. Ce palais elt ri-cbement meublé , de la confrruction la P'us noble ; les périftiles , veftibuies, ef-caliers , galeries, terratïes, font en beau marbre ; partout il y a des fontaines pour « Service de la maifon,même fur la terraife ^ui eft au haut de la maifon tk qui la termi-lle > il y a une fontaine pour arrofer les orangers tk autres arbuftes qui y font en cauTe • on a de cette terraife la vue du- Ï4© Mémoires d'Itaeie. port & de la pleine mer. La richelTe de la conftru&ion 5c desameublemens de ces palais annonce l'opulence de leurs polfef-feurs. Palais de Marcellone Durazzo , d'une architecture noble 5c riche ; parmi les peintures dont il eft décoré , j'ai admiré un très-grand tableau à frefque , peint par Solimene , qui a pour fujet Achille traînant Hector attaché à fon char j ce morceau eft d'une compofirion .admirable , la figure d'Achille rend entièrement l'idée qu'Homère a donnée de ce grand guerrier, rien n'eft plus lier 5c plus fortement exprimé. Que ce Solimene avoit de génie! Le palais Brignoletti eft admirable p^ur la diftribution de fes appartemens, la beauté de fes tableaux , 5c la richefTe de fes meubles. Il faut fur-rout voir le Mez-zahino ou i'entrefol qui eft de la propreté la plus recherchée. Le palais Carrega a une collection de tableaux moins confidérable , mais tous choilis 5c bien confervés. Le petit palais Rovere a les meubles les plus riches , 5c cependant de très - bon goût. Le palais Giacomino Balbi a une col-leét ion très-nombreufe de beaux tableaux. Dans prefque toutes ces maifons eft urj Ville de Gènes. 141 concierge ou guarda roba , auquel il faut s'adreller & qui les fait voir; cet homme a le catalogue imprimé ou manuferit des tableaux ; on donne ces catalogues aux étrangers dans les palais Bngnoletti tk Balbi. A Gènes , comme dans tout le refte de l'Italie,les appartemens principaux font a un fécond très-élevé ; le premier n'eft ordinairement qu'un entrefol, &c le rez-de chauffée , dont les planchers font très-exhauffés , eft occupé par les domeftiques, & ne fert qu'à deifervir les maifons ; la partie qui aboutit à des rues marchandes eft ordinairement occupée par des boutiques- Les montagnes des environs de Gènes tourniifent une grande quantité de beaux tnarbres qui fervent à conftruire les magnifiques édifices que l'on admire dans cette ville , que l'on a appellée avec allez de raifon un magafin de beaux palais. Car P° ne peur pas dire qu'ils ornent la ville où ils font bâtis. A l'exception de la Strada Nuova que l'on regarde comme la plus belle rue de Génes,à caufe de fa longueur &c de fa largeur, 6V: qui par-tout ailleurs ne fe-roit pas confidérable par cette raifon, 6V; des jues Balbi tk S. Thomas qui ont quelque largeur, de où les bâtimens ont une apparence extérieure qui orne la ville , on î4* Mémoires d'Italie, ne peut juger des autres palais que par le? détails, tk point du tout par l'enfemble ; la plupart étant iitués dans des rues, fi étroites , qu'à peine on peut en apperce-voir la hauteur en portant fes regards en ligne perpendiculaire ; cependant je ne crois pas qu'il y ait aucune ville en Italie où les maifons foient dans l'intérieur plus belles tk plus commodes, tk tenues avec autant de propreté. Police, apprc- i t . La police à Gènes eft alTezbien obfer-vifionncment. jans CQ ^ regarde l'approvifionne-ment de la ville , les magiftrats de l'abondance étant obligés de la tenir pourvue de bled , de vin tk d'huile pour un an. Les états de la République fournif-fent peu de bleds, elle en tire ordinairement des plaines fertiles de l'Italie , fur-tout de la Lombardie, quelquefois il en vient d'Afrique 6V; de Sicile j les côtes maritimes font fertiles en vins d'à fiez bonne qualité 6V; en huiles : la Tofcane 6V; Lu-ques en fourniffent aufli. On dit que le prix des denrées eft fixé à raifon de la fertilité de l'année , mais on doit dire plurôt que c'eft à raifon du profit que la République veut en tirer ; tous ceux qui n'ont pas des biens fonds qui leur pro-duifent ces denrées, ou qui n'ont pas une permiliion expreffe de faire leurs provi- Ville de Gènes. 143 fions particulières , étant obligés de fe fournir aux magafins publics ; ceux qui tiennent les auberges y font exprelïèment contraints \ ils ne peuvent avoir chez eux aucune provision ; voilà ce qui rend en partie les auberges li chères ; outre l'inclination naturelle qu'ont tous les Italiens de tirer des étranges le plus qu'ils peuvent , en quoi ils femblent avoir hérité de la permiflîon qui fut accordée aux Juifs , les Génois n'ont jamais été regardés comme gens allez peu attentifs à leur intérêt , pour faire une exception à l'ufage général. Le poilfon qui dans toutes les autres villes maritimes eft d'une grande relîour-ce à caufe de fon abondance , eft trcs-tare dans la mer de Gènes ; le peu que l'on en pêche n'eft pas d'une bonne qualité ; mais la volaille &c la viande de boucherie y font très-bonnes ; le bois y eft cW; il eft vrai que Ton n'en faitdecon-fommatio.i ordinaire que pour la cuiiine, j2 climat étant l'un des plus chauds de 1 Italie , expofé au midi & au couchant , de à couvert de tous les vents "oids, 011 par l'Apennin , ou par les Alpes maritimes. Le peuple y vit fobrement , «lange beaucoup d'herbages de de fruits en été, ce en hyvei du poilfon fec Ôc des 144 Mémoires d'Italie. fromages qui fe font dans les montagnes ou qui fe tirent de Lombardie. Tous les étrangers qui arrivent à Gènes font obligés de donner leurs noms & celui de leurs domeftiques , qui fe portent au palais du doge , où un officier fu-balterne expédie une permiifion de féjour-ner trois jours feulement j après quoi on eft obligé de la faire renouveller pour autant de temps , ce qui ne fe refufe point, moyennant une légère rétribution. Les Douanes n'y font point incommodes pour les voyageurs ; en donnant quelque monndye aux foldats de garde , & aux commis des portes , on paffe librement 6V: fans être fouillé j il eft, dit-on,dé-fendu d'entrer dans la ville avec des armes à feu ; on demande effectivement li on n'en a point , 6V; on fe contente de l'aiïûrance que l'on donne de n'en point avoir. Reyenus & I2. Jes revenus de la république fuf- force de lare- rr _ \ • \ i w r i m - publique. nient a peine a la depenie neceilaire pour fon entretien ordinaire , ne montant pas à fix millions de livres, aveclefquelsxelle tient fur pied environ fix mille hommes de troupes, repartis tant dans la capitale que dans les autres places de l'état, & furtouten Corfe, où la guerre eft prefque continuelle. Mais la nobleife eft d une riche ife Ville de Gènes. 147 richelTe itnmenfe ; plulieurs Citadins ont fait des fortunes confide-rables qu'ils entretiennent par le commerce. La plus grande partie de ces richetTes font en argent comptant , placé à gros intérêt fur toutes les banques de l'Europe. Les uns 6V; les autres aident considérablement la république dans lebefoin. En 1746, lors de « guerre des Autrichiens , la république arma trente milles de fes fujets , & ce Furent les particuliers qui firent en grande partie les frais de cet armement. Les forces maritimes de cet état ne con fi lient qu'en quatre galères & quelques grolfes barques armées en courfe. Depuis le bombardement de 1684 tk le traité fait en conféquence avec le roi de France, les Génois ne peuvent en entretenir davantage pour la fureté de leurs côtes; ce qui eft caufe qu'ils ne peuvent former aucune entreprife considérable, furtout dans l'état actuel des chofes, où les puifiances dominantes en Europe font nécelfairement la loi aux autres.Il n'en eft pas de ce fiécle comme duxne. du xiiic. du xivc. & même du xvc. où les Vénitiens tk les Génois revoient le premier rang parmi les puifiances maritimes & commerçantes. Qu'eft devenue la grandeur de ceux-ci, qui ont prefque anéanti la république de Venife, Tomel. *G 145 Mémoires d'Italie. fait trembler l'empire de Conitantinople, Se eu des poSTefiions considérables en Syrie , ôc dans toutes les échelles du Levant ? Environ le milieu" du dernier fiécle , les Génois firent une tentative , pour rétablir leur commerce dans le Levant y ils fabriquèrent de pentes monnoies Ôc des étoffes de laine à l'ufage des Turcs. Ils envoyèrent à Conftantinople un vaiffeau chargé de ces marchandifes dont ils eurent un prompt débit ; en même-temps ils voulurent avoir comme les autres nations de J'Europ 3,1m Réfident reconnu pour veiller à leurs intérêts, ôc traiter directement avec les miniltres de la Porte , ôc un conful à Smirne ; mais le produit de cette entreprife ne fuffifant pas , même à l'entrerien de leurs Ministres, dont les premiers fe ruinèrent , ils ont abandonné ce projet qui n'a pas été repris \ parce que •la manufacture eft tombée de même que la fabrique des efpéces. fooMcffedc 13. La noblelfe de Gènes et distinguée en portique vieux ôc en portique nouveau ; c'eft par ce nom que l'on diltingu- l'ancienne, compofee de itf familles , delà nouvelle, com.j.ofée déplus dé 400. Quoique ces noms foient odieux dans le centre de la république , où on n'ofe pas les prononcer pour ne point exciter de jaloùfie Ville de Gênes. 147 cV de fédition ; cependant ils affectent les Uns avec les autres des diftindions qui font affez voir que l'ancienne nobleffe fe regarde comme très-fupéneure à la nouvelle 011 doit élire le doge à l'alternative, dans les deux portiques ; & les 400 fénateurs qui compofenr le grand confeil font pris indifféremment dans tout le corps de la nobleffe. Il eft rare de trouver un Génois qui dé-p£nfe tout fon revenu ; tel noble quia trois cent mille livres de rente, n'en dépenfe pas plus de cinquante mille par an ; auflî, ils pnt toujours beaucoup d'argent en re-ferve , dont ils aident l'état dans le besoin , ou qu'ils employent à ces conftruc-nons mag ■dfiques que l'on admire chez eux. Le Seigneur Ma^cellone Durazzo a fait bâtir nouvellement à Cornigliano , ^iage fur la rivière du Ponent entre Gé-& Seftri, un palais de li plus grande magnificence, il efi: tout de marbre ; ce jpte j'en ai vû de meublé répondoit à la beauté' de l'édifice. On dit qu'il avoit def-tlr>é d La conftruftion &z à l'embellille-nient de cette fuperbe maifon plufieurs aillions qu'il avoit compt.inr. C'eft une manière fort noble de fépan-Jjte dans le public d^s fommes confidcra-Ies ) qui mettent dans l'aifance une mul- ï4$ Mémoires d'Italie. titude de pauvres particuliers , qui fe les approprient légitimement, en donnant en échange leur travail Ôc leur indultrie à celui qui les emploie pour fatisfaire fon goût. C'eft la plus belle maifon qui foit dans les environs de Gènes. Une cour environnée d'une muraille revêtue de pi-laftres ôc d'une Baluftrade de marbre blanc , un grand veftibule foutenu par deux rangs de colonnes , un magnifique efcalier, avec un grand falon à deux cheminées, annoncent ce fuperbe bâtiment ♦ les jardins qui l'accompagnent font très-grands , ôc font terminés par une terraife, contre laquelle les flots de la mer viennent fe brifer. On dit que le feul inconvénient qu'ait cette maiion eft d'être dans un terrein bas ôc fujet aux brouillards ; mais il eût été difficile dans le voifinage de Gènes de trouver affez de plaine-pouc mettre toutes ces conftruétions de niveau; ce que vouloit le maître de la maifon qui a fait conftruire dans un âge avancé , ôc qui craint la fatigue de monter dans les appartemens hauts de fa maifon , ainfi qu'il nous en affûra lui-même. Les autres maifons de plaifance des nobles Génois dont j'aurai occafion de parler , qui font aux environs de Seftri di Ponente , font dans un terrein fort inégal. Ville de Cènes. 149 On voit à Gènes plulieurs fontaines publiques entretenues par un grand aqueduc qui porte l'eau dans les différens quartiers de la ville ; ces eaux fe tirent de la montagne voifme, 6V font afTez abondantes pour fournir à la confommation ordinaire ; l'eau y elt d'une qualité médiocre, comme toutes celles qui coulent de l'Apennin, remarqueque je ferai dans plus d'une occafion. 14. Les maifons font toutes très-éle- vfW'M** l 'i « , , r • r ticulierw Vces , les appartemens les plus iams iont au troifiéme. Elles font couvertes de toits plats, quelques-unes font terminées par des terralTes couvertes de plomb, ou d'une pierre noirâtre appellée iavagna , qui telfemble à l'ardoife , mais beaucoup plus folide, Se à-peu près de même poids pour le volume. C'eft fur ces rerrafïes, 6V; même fur ces toîts, que les femmes , fur-tout celles des marchands 6V des artifans cjui fortent peu , vont prendre l'air pendant la nuit y elles y forment de petits jardins avec des cailles 6V des pots remplis de fleurs , j'y ai vû furtout beaucoup d'œillets 6V de jafmins dans l'arriére fai-f°n. Je ne parie pas des orangers 6V; autres arbres de cette efpéce que l'on fçait y être très-communs. Quelques géographes , en parlant de ces toîts 6V ter rafles > 150. Mémoires d'Italie. difent que l'ufage des femmes eft de s'y-laver les cheveux au foleil pour les faire jaunir par ce moyen. Ça peun-être été la mode autrefois , ce ne l'eft plus à préfent , &c les cheveux jaunes ne font pas plus à la mode que ceux d'une autre couleur ; il eft vrai que dans toute l'Italie on peut avoir les cheveux roux impunément , ôc j'y ai vû une très-grande dame qui, dans un âge déjà avancé , confervoit encore des prétentions à la beauté 6V; à fes droits , fe fervir de poudre tout-à-faù jaune ; mes yeux n'étoient pas accoutumés à ce genre de beauté que je crouvois prefque ridicule. Les théâtres étoient fermés à Gènes-pendant le féjour que j'y ai fait au mois d'octobre , temps auquel la noblelfe & les marchands même font tous à leurs maifons de campagne ; ainli je n'en puis rien dire , ils ne paffent pas pour y être magnifiques ; d'ailleurs l'état raiftnt très-peu de dépenfe pour avoir de bons acteurs qui fe payent très-cher , il n'eft pas étonnant que les fpectacles y foient médioctes. Marurs'-lela. 15. Les mœurs des Génois n'ont pas mon. une réputation bien admirable en Italie ; on eonnoît le proverbe qui les caraclérifo eux 6v leurs pays : dans toutes les nou- Ville de Gènes." i j t velles comédies Italiennes, s'il y a un rôle odieux , on l'attribue de préférence à un Génois ^ ilnc m'appartient pas de décider fi le gros de la nation a donné lieu à toutes ces imputations'jce que l'on voit, c'eit que ce peuple a été, même dans le temps de fa plus grande puilTance , d'une inconf-tauce qui palfoit pour infidélité d tous fes •ngagemens. Aujourd'hui il eft très-content de vivre dans une indépendance qui le lailfe le maître chez lui. Le gouvernement aristocratique qui eft établi depuis très long-temps tk auquel le peuple eft accoutumé , eft la caufe de l'union intérieure de l'état ; il y a eu quelques tentatives faites en difiérens temps pour l'altérer , mais elles n'ont pas réuili , tk la forme de gouvernement établie en i 51 B s'eft toujours confervée, d'où on peut légitimement conclure que c'eft celui qui convient le mieux aux Génois tk à leur Vtuation. 11 eit à croire que les nobles qui polfédent les plus grandes richelfes de l'état 6V: qui en font les maîtres , le conféreront y les bons marchands qui ont des polfeilions réelles ou des magahns considérables, font également intérelfés à maintenir la tranquillité intérieure , ne pouvant que perdre beaucoup dans les révoltions -} quant à la populace, aux gens qui iti Mémoires d'Italie. ne pofledenr rien , & qui vivent de leur industrie, 6c d'un travail journalier , ils font trop dans la dépendance pour ofer rien enrreprendre d'eux-mêmes ; ilsnefe-roient à craindre qu'autant qu'ils feroient les inltrumens de quelque faction qui auroit un chef accrédité. Le gouvernement eft fort doux à leur égard ; on ne punit févérement que les vois de quelque conféquence ôc les crimes publics 6v crians. On a beaucoup d'indulgence pour tout ce qui n'intérefle pas directement la fureté des citoyens ou le bon ordre de la république. L'efprit de parti qui caractérifoit autrefois le peuple Génois paroît abfolument anéanti, il pour-roit cependant fe ranimer encore ; on a vû en 1746 , avec quelle vivacité , du fein de l'abbattement ôc de la contternation, il palfa tout d'un coup à la réfolution vi-goureufe de chalfer un ennemi qui l'avoit poulTé à bout, ôc qui commençoit à lui faire éprouver toutes les horreurs d'un dur efclava^e. Il fe fou vint heureufement qu'il étoit ne républicain 6V: libre , ôc le devint en effet. Cette révolution heureufe doit être écrite en lettres d'or dans les faites de la république. J'ai vû parmi les nobles, des perfon* Ville de Gènes. nages qui paroiSfoient très-eftimables > d'une fbciété douce ôc aimable y qualités qu'ils doivent plus à la nature qu a l'art; leur éducation ne paroiflant pas fort foi-gnée. Ceux qui ont voyagé, qui ont été dans les négociations, 6V: qui ont vû les cours étrangères , font par état plus instruits que les autres ; on en rencontre même qui connoilTent bien les poètes Italiens, 6V; font verfés dans cette partie de la belle littérature ; en général, on peut dire qu'ils ont de l'efprit ôc de la fagacité , 6V: que s'ils étoient fur un plus grand théâtre , ils déployeroient avec avantage les talens qu'ils ont pour le gouvernement. Les peuples de la domination eccléfîaftique ai--ment à avoir pour légats des cardinaux de cette nation y ils prétendent que leur administration eft exacte 6V; jufte, 6V: furtout que les intérêts du peuple font bien entre leurs mains ; ils entendent routes les parties de détail qui regardent ces approvi-lionnemens y ce qui intéreiïe en général les Ital iens qui font dans l'habitude d'aller tous les jours au marché, 6V; qui font bien aifes d'avoir ces denrées à un prix jufte 6V; fixé. Boulogne qui eft la ville la plus considérable de l'état eccléfiaftique apres Rome, préfère les légats Génois à •>54 M é m o r r e s d'Italie. tcus les autres, fur l'expérience qu'elle à de leur bon gouvernement, s \6. La jaloufie dont on taxe les Ira-liens , eft une maladie que l'on croit naturelle à ce beau pais. A en juger par les ufages obfervés par ceux qui font faits pour donner le ton aux autres , on n'en croiroit rien j d Gènes les maris paroif-fent plus commodes qu'à Paris même y on les voit très-rarement chez leurs femmes , Se quand on les y rencontre , ils y ont l'air de peu s'intéreifer à ce qui fe palfe. Mais ce que l'on y trouve toujours ex à toute heure,enfin ce qui ne quitte jamais les dames , ce font les cicisbeï oit galans néceiïaires : c'eft une aftaire de famille que le choix d'un cicisbeo. Dès qu'il eft queftion de marier une fille noble , Se que les articles du mariage font arrangés , on fonge à la pourvoir, d'accord avec ion mari ,d'un cicisbeo qui foit agréable aux parties contractantes. D'ordinaire ils font de l'âge du mari, Se de fon rang , quelquefois plus jeunes. Leur occupation eft d'accompagner par-tout la dame à laquelle ils font attachés , à la méfie , à la promenade , aux alfemblées, aux fpe&a-cles y une femme ne va point fans fon cicisbeo , iL aide même à l'habiller, il eft Ion. confident néceiTaireSe comme ii ne Ville de Gènes; je j va chez elle que pour la fervir , il a droit d'y entrer d toute heure 6V: en tout temps.. Cet uiage doit fon origine d la jaloufie des maris , qui choififîbient un ami inti-nie de la difcrétion duquel ils étoient fùrs 6V; qui étoit un gardien incorruptible de l'honneur conjugal. Mais comme tout dégénère en abus, ce n'eft plus d préfent la même chofe ; il faut que le cicisbeo foir aulîi agréable d la femme qu'au mari.. Une fois choifi, il eft rare qu'on le change ; 6V fi par la fuite des temps il vientàdér plaire d la dame , elle eft fort à plaindre d'avoir àfouffrir néceffâirement les alîiduités-6V les foins d'un homme défigréable qui. ne la quitte pas plus que fon ombre. C'eft à Luques furtout que le cicisbeat eft eiv très-erand honneur : il eft commun d'en-trouver qui ont quarante a cinquante ans de fervice , 6V qui font à l'extérieur aulîi emprefîés de; fervir leurs dames que les. plus jeunes j l'ufage eft qu'ils accompagnent la dame , même lorfqu'elle va à confefTe j alors ils font chargés de garder l'éventail, les gants, le livre de prière* & le petit chien. , A Gènes prefque tous les carrolTes ionc a deux places feulement, moyennant quoi perfonne ne peut être en tiers avec la d&*-8ç f01l cicisbeo. AuJii on ne voie j^u- G vf 35^ Mémoires d'Italie. mais deux femmes aller enfemble à la promenade. A table le cicisbeo eft toujours à côté de fa dame j au jeu il eft au moins derrière fa chaife, s'il ne joue pas à côté d'elle ; ceux que j'ai vus furtout parmi les jeunes gens , ont tous l'air de la bonne amitié ce d'une confiance intime. Un étranger admis à ces aftemblées Se qui veut lier converfation avec une dame Génoife, doit fe croire heureux, s'il en trouve quelqu'une dont le cicisbeo foit malade ou abfent ; alors s'il a le talent de s'énoncer avec agrément, il eft fur d'être bien reçu. Mœurs du I7, Le peuple qui n'entend rien à tous ces rannemens , n a point admis les cuis-bei , &c regarde leur établilfement parmi fes maîtres comme un très-grand abus. La bonne bourgeoifie même , ce que l'on appelle citadins, ne les fouifre pas, & li quelque femme plus déliée que les autres le met fur le ton d'en avoir un , il faut que le mari ait des raifons particulières pour le feuffrir, & qu'il veuille être en pleine liberté de la part de fa femme ; on compte les citadines à cicisbeo ; combien celles qui n'en peuvent avoir fe dédommagent à en plaifanter ? Mais le peuple qui eft jaloux fins en rougir, ne les tolère point. De temps en temps les femmes Ville de Gênes. 157 ^e cet état qui veulent fçavoir ce qui en eft, donnent lieu à des fcènes très-fan-gjantes. Un cicisbeo du bas écage qui s'o-piniatre à exercer fon emploi , court rii^ que de la vie, ôc les loix font allez favorables au mari que l'on admet d fe jufti-«er j en prouvant qu'il a trouvé le cicisbeo en flagrant délit, & qu'il a vengé fon honneur outragé. Malgrélecicisbeat, les ptocès pour fait uinipcrifïànce font très-communs d Gènes ; un homme ôc une femme qui ne fe conviennent pas , portent leur plainte au tribunal eccféiiaftique , où moyennant quelque argent , ils trouvent toutes les facilités qu'ils délirent. Delà l'affaire pafle au petit confeil ôc eft jugée au fouhait des parties. Le mariage eft déclaré nul , ôc chacun recouvre fa liberté toute entière , ôc peut paner d un autre mariage qui d'ordinaire réunît. Il eft vrai qu'il faut rendre la dot à la femme ; quelques niaris en ce cas aiment mieux ronger leur frein ôc laiffer liberté toute entière à leurs femmes. iS. Il y a fouvent aufîi des procès pour Divorascom-fait de divorce. A Gènes comme ailleurs, il faut qu'une femme aitdfe plaindre de mauvais traitement , c'eft encore une affaire d'arrangement j on choifit les témoins j.58 mémoires 0 I t a l i e. devant lefquels doit fe paffer la fcène désagréable qui donne lieu à la plainte , ÔV fur leur déposition, le confeil prononce la féparation. Ordinairement on adjuge au mari Padminiftration des biens de la communauté , 6V le foin de l'éducation des enfans j alors la femme n'a pour elle qu'une penhon médiocre ; mais elle n'eft point obligée de fe retirer dans une maifon religieufe ou chez fes parens, il lui eft libre de s'établir où elle veut. Des que la fentence de divorce eft prononcée , le mari n'a plus droit d'être jaloux. Les femmes achètent leur liberté à ce prix ôc la payent chèrement. Celles qui entendent bien leurs affaires , Se qui veulent fe mettre au-dellus des événemens , après que la dot de leur mariage a été payée , ont foin de fe faire donner en paraphernaux , tous les biens qui peuvent leur écheoir enfuite , 6V: qui par ce moyen n'entrent pas dans la communauté : celles-là font les bienheureufes 6V ne dépendent que de leur caprice. J'ai vû des dames Génoifes pofféder des fortunes conlidérables de cette efpéce , qui les mettent à même d'avoir des maifons-délicieufes , fur-tout à la campagne , où elles tiennent un grand état, 6V reçoivent ?jtii il leur plaît, pourvu que ce foit à leurs rais. Ville d e G k n e s. i $y io. Comme les affaires de la républi- Habimdcda que n occupent pas tous les patriciens, 6V ' qu'il y a peu de charges à diihibuer, le jeu ell d'une grande reflource pour les occuper ; ils en font 1 étude la plus ié-.rieufe , tk admettent à leur fociété quiconque a quelque argent à rifquer fur une carte. Dans ce pays une table de pharaon ou de lanfquenet raifemble tous les états ; on y voit confondus la dame titrée , le patricien , le marchand , le religieux , le curé de village, le manant, le mendi.inc même s'il avoit une pièce d'or à mettre au jeu, tk tous jouent avec un acharnement qui fait que le combat ne finit jamais que faute d'efpéces. Il n'y a cependant point d'afTemblées publiques de jeu j le gouvernement ne les tolère pas, les étrangers y feraient admis, 6V: pourroient avoir la fortune pour eux tk débarquer un noble Génois j voilà ce que le gouvernement ne fouffre pas, afin que i'or ne forte point du pays ; mais les Génois jouent entr'eux autant qu'il leur plaît, parce que ce qui appauvrit un fujet enrichit un autre. t Le gouvernement efL fi exact fur ce P°jnt qu'il refufe toute permifîîon à cu-uoficè , machine étrangère, fpeétacle qivil i6o Mémoires d'Italie. 1>réfume devoir plus emporter d'argent de a capitale qu'il n'y en laiffera. On a tons les jours des exemples de cette économie politique (a). (a) U y a quelques années que l'ufage avoir prévalu à Gènes de fe fervir de porcelaine au lieu de vaiflclle d'argent. Le Sénat qui en prévit les conféquences abulives & ruineufes pour les particuliers & pour l'état, non-feulement impoLa une force taxe fur l'entrée de cette marchandife étrangère, mais encore fixa la quantité qu'il étoit permis d'en avoir ; tandis qu'il Iaifla la liberté entière «l'avoir autant de vaùfelle d'argent que l'on voudroit. En quoi il fc conduiiît fore fage-ment. La vaiflclle d'argent eft une richcflc réelle, & s'il y a du luxe à en avoir en grande quantité, il tourne entièrement au profit de l'état. Il n'en eft pas de même de la porcelaine qui n'a aucune valeur intrinféque ; fon mérite aux yeux de ceux qui aiment à avoir un brillant fuperflu, confiée autant dans fa fragilité que dans fon éclat. Elle eft toujours d'un prix qui ne peut avoir aucune proportion avec fa valeur réelle & fon utilité. Ces fortes de marchandifes ne font donc vraiment utiles qu'à ceux qui les fabriquent & les exportent. Si les nobles Génois o'avoient eu cn 1746 qu'une grande quantité de porcelaine, elle jic leur eût été d'aucune utilité pour foutenu l'hcureufe révolution qui les tira des mains des Autrichiens. La vaiflclle d'argent peut fe convertir fur le champ en efpéccs, & acquérir encore plus de prix par ce changement de forme. Il eft donc utile d'en laiffcr un ufage illimité aux parti- Ville de Gênes. 161 20. Je ne dirai rien déférât des fcien- EtMfcie^ ces à Gènes que j'ai rout lieu de croire y ' t être trcs-négligées. L'efprit le plus orné que j'y aie rencontré eft le férénilîîme Agoftino Lomellini, doge ; j'ai vû à Turin M. Gaftaldi, envoyé de fa république qui avoit beaucoup de littérature. J'ai eu quelque converfation avec un religieux des écoles pies, chargé de l'éducation d'un jeune feigneur, Se que l'on m'avoit annoncé comme un très-habile homme ; je ne trouvai en lui qu'une efpéce de béat charmé de faire bonne chère , qui avoit quelque idée fuperficiefie des petits auteurs clalTiques, ôV. qui fçavoir un peu de grammaire Latine Se Grecque j ils s'accor-doienttous à dire que les fciences étoient comme abandonnées dans leur patrie. Il y a à Gènes, comme dans les principales villes d'Italie, un libraire François ; fon magafin étoit rempli en grande partie de nos livres de rebut , de nos petits tomans , de poèmes communs , Se de recueils de vers. En général, les étrangers connoilfent peu nos bons livres. Ceux des culiers qui dans les temps heureux de paix&d'a-hondance fe plaifent à fe donner cette aifance faftucufe , dont le fonds leur refte & paflè à leurs ««iççndans avec peu de dc'cher..,.. i<5i Mémoires d'Italie philofophes modernes , fur-tout les traductions de l'Anglois ,y ont grand cours , de y font beaucoup de mal, en ce qu'ils anéantirent l'extérieur même de la religion , auquel on s'en tient aflez en Italie. Les libraires Italiens font encore plus mal fournis, on n'y trouve pas aifément un livre de goût ou de fcience. Quand il leur arrive de faire l'édition de quelque bon livre , on peut le trouver dans fa nouveauté ; mais pour peu qu'iL ait de date , il eft enféveli dans la pouf-iiere du magafin, d'où on ne le peut tirer que par quelque efpéce de hazard; il fuit cependant excepter les libraires de Venife ÔVceux de Rome qui fontintelligens dans leur profeiîîon, de dont les naagaiins font en bon ordre. Extérieur du ii. Il n'appartient à perfonne de pro-tulte rdi- noncer fur l'eifentiel de la religion , c'eft-*KUJC* à-dire , fur le culte intérieur de cœur &> d'efprit qui feul eft digne du Seigneur j partout il trouve des adorateurs fidèles , de on doit croire qu'il y en a autant à Gènes qu'ailleurs. Cependant il ne faut pas efpérer de trouver dans cette ville , non plus que dans la plupart de celles d'Italie, cet extérieur refpectable que l'on voit en France y cette exactitudes au fervice de pa-5 Ville de Gènes. 163 roilfe , 6V aux inftrutfcions qui s'y font. Eu général, l'Italien eft exact à entendre la méfie le dimanche , 6V à dire le chapelet, c'eft fa dévotion dominante j il ne paroît pas qu'on exige de lui davantage , ainfï d remplit aifément fes devoirs dans ce genre. Prefque perfonne n'aiiifte au fer-vice de l'églife qui fe fait l'après-midi, même aux jours les plus folemnels. Les églifes font riches & prefque partout magnifiquement décorées j il y a une multitude de monaftères ôc de couvents des deux fexes. Les confrairies de péni-tens de toutes couleurs , y font multipliées à l'infini ; leur office principal eft de faire quelques proceflïons 6V d'allifter .aux funérailles des morts ; il y a une multitude d'autres fociétés de dévotion qui ont chacune leur oratoire particulier , où elles s'affemblent le dimanche matin ; toute la fuperfîcie de la religion , ce qui eft de pompe ôc de décoration , eft très-brillant, Ôc fatisfairla curiofité & même la vanité de ceux qui s'y intéreffent ; car ces établiffemens pieux fe font aux dépens des particuliers , qui y contribuent a proportion de leurs facultés, ôc le plus arnplcment qu'il leur eft pofiibîe. Mais la morale foible 6V: très-accommodante S,*1* eft fuivie dans ce pays, ôc que l'on a i6"4 Mémoires d'Italie. bien de la peine d mettre d'accord avec l'exactitude des préceptes évangéliques , force d penfer qu'il n'en elt pas du fond de la religion comme de ce qui n'en eft que l'accelToire. Etatderor- 21. La plupart des grands bénéficier, Ateccléfiaft..^ ^ jy abbég ? font fort riches & tiennent un rang dans l'état. Mais les eccléfiaftiques du fécond ordre, les véritables ouvriers de la vigne du Seigneur, les feuls auxquels on laine le foin d'y travailler , font dans l'abjection de dans la mifere. Il y en a beaucoup, & c'eft ce qui contribue d les avilir encore plus ; car ne pouvant faire autrement , ils fe chargent des emplois les plus bas dans les maifons des nobles où ils peuvent s'établir de trouver quelque aifance (a). Les privilèges de leur état où ils croient jouir d'une indépendance entière, les rend considérables feulement d leurs propres yeux , car ils font pauvres Se" ignorans pour le plus grand (a) Ce qui les confirme dans cette idée , c'eft que les nobles qui ne veulent pas fc mêler des affaires publiques, & que le fénat pourroit y contraindre à caufe de leurs talens,pour fe mettre au-delTus de toute recherche , entrent dans l'état cccléfiaftique , & dèsdors ils font dans la plu.5 grande indépendance VllIE DE G É N ! J. i 6> Nombre , ôV très-méprifés. Beaucoup de paroifles font deiTer vies par des religieux, qui attirent à eux tout ce qu'il y a d'utile dans l'état eccléfiaftique, 6V qui fe croient rrès-au-d elius des prêtres féculiers , qu'ils regardent comme des gens inutiles j ils font prefque fculs en pofleflîon d'admi-niftrer le facrement de pénitence , au moyen de quoi ils jouifïent de la confiance des petits 6V; des grands. Ajoutons à cela qu'un religieux elt plus à fon aife, ôc plus en état de faire de la dépenfe , qu'aucun autre eccléfiaftique de fon rang. 11 trouve dans fa maifon fa nourriture, fon entretien 6V; fon logement. Ainfi ce que fon induftrie lui procure d'ailleurs , il l'emploie à quoi bon lui femble. Il a une grande liberté, fort feul quand il lui plaît, ôc jouit du refpect 6V delaconfidé-ration que le peuple eft. accoutumé d'avoir pour fon habit. Il n'en eft pas de même du pauvre eccléfiaftique qui pour l'ordinaire n'a aucune refïource dans fa famille , ÔV qui ne peut que fournir à peine a fa dépenfe la plus néceflaire , 6V dont lrop fouvent la doctrine ÔV la conduite n'augmentent pas le crédit. Auflî il n'échappe aucune occafion de fe procurer quelque argent, fur-tout des étrangers qui vont vilicer les églifes. Les François ÏSè MÉMOIRES d'Ï T A X I T.. font très-étonnés de voir les facriffain? demander fans rougir quelque argent pour boire l'eau-de-vie , c'eft leur expreflion ; fi on ne leur donne pas allez, ils s'en plaignent avec importunité. Ils ont une induftrie pour multiplier leurs profits, qui prouve leur façon de pen-fer ; fi dans une églife il y a trois ou quatre pièces curieules , ils font enforte de les tenir chacune fous clef féparée . ôV quand on demande a les voir , il faut aller chercher celui qui s'en dit charge fpécialement ; auflï-tôt paroît un autre eccléfiaftique mendiant qui d'un air très-emprefle vient mettre la curiofité 6V: le goût à contribution. Ceux de la campagne n'ont pas ces ref-fources , mais ils ont celles des voyages j prefque tous ces prêtres Italiens que l'on voit courir par les villes de France font des montagnes de Gènes. Ils font le tour de la France dans ce pauvre équipage où on les rencontre j ils amaffentlargentdes aumônes qu'on leur fait. Ils le rapportent chez eux , non pour le mettre à profit 3 mais pour l'employer tout de fuite à fe divertir tant qu'il dure fuivant leur goût dominant j c'eft là le but de leur voyage. Enfin tout ce qui eft de petite pratique Ville de Gènes. i6j extérieure de religion eft fuivi exactement, même avec fuperftition ; pour peu que l'on connoiife les mœurs 6V les inclinations de ce peuple , on fçait qu'il allie ces petits devoirs avec toutes fes parlions j tout marche enfemble ÔV d'un même pas, on interrompt l'un pour fatisfaire l'autre ; le dévot fexe féminin fur-tout entend ce mélange à merveille. Au fon de la cloche pour 1''Angélus , on voit même les dames Génoifes interrompre la partie de jeu ou tout autre plaint fouvenr plus vif 8c plus féduifant , réciter la prière tranquillement, & reprendre immédiatement l'exercice qui les occupoit j pour allier des fentimens ii difparates , il faut tout le Megme des Italiens. 25. L'induftrie à Gènes pour certaines indunîic. parties eft dans un état allez florilîànt ; °n fçait que l'on y travaille la foie avec fuccès ; on compte dans cette ville plus de quinze mille perfonnes employées a ce travail ; les velours 8c les clamas en font excellens 6V: renommés j on y fabrique des bas qui font beaux 6V bons ; !' y a plulieurs ouvriers en marbre , qui le fçavent bien tailler ; on y trouve des nieiuuiiers-fculpteurs qui entendent parfaitement leur métier, ôV qui fçavent trai-ter la partie des ornemens de boiferie f£S Mémoires d'Italie, -avec beaucoup d'élégance ÔV de légèreté \ on y fait des fleurs artificielles , connues dans toute l'Europe j mais cette induftrie a pafle dans la plupart des villes de l'Italie, ce qui fait que Gènes n'a plus autant de débit de cette petite marchandife. Les oranges , les citrons , les limons ÔV les poudres , font une autre branche de commerce aiTez con.fidérable \ ils les fontpaf-fercrds Se confits dans une grande partie de la France. Ils ont aulîi des cédrats, fruits de cette claiïe dont le parfum eft excellent, mais en moindre quantité qu'à Florence où ils font les meilleurs de l'Italie. Ces arbres toujours verds Se chargés en même-temps de fleurs Se de fruits, font tout l'agrément de leurs jardins , Se y prennent la forme que le propriétaire juge à propos de leur donner. Les palais Se les maifons des nobles font meublés avec beaucoup de magnificence j s'il y a quelque chofe à dire à ce fujet, c'eft que les meubles y font trop riches ; il eft vrai qu'ils fervent très-rarement , ÔV; qu'ils font plutôt deftinés à la parure qu'à l'ufage. Il eft très-rare que les beaux appartemens d'un feigneur Génois foient ouverts ÔV fréquentés , ti ce n'eft dans quelque occafion folemnelîe • telle qu'un mariage , une promotion à quelque Ville de G î n e j. i<$p< quelque charge confidérable dans l'état ; alors on étale tout. Dans ces occafïons , il paroît qu'ils illuminent leurs appartemens avecgoût.Les angles des grandes pièces qui font difficiles à éclairer,fbntgarnis de grandes torchères qui portent plulieurs grof les bougies, Se qui font un grand effet ; ce font ordinairement des ftatues de nègres ou autres figures de fantaifie , qui font deftinées d cet ufage j j'en ai vû. d'argent, de bronze, de bois doré j elles ont quatre d cinq pieds de hauteur. Ces grands appartemens font prefque toujours libres j les maîtres de la maifon fe contentent de petits logemens reculés qui n'ont d'ordinaire que les meubles néceifaires Se prefque toujours fort fimples. Je dois dite un mot de la façon de s'habiller; cet article eft toujours intérêt-&nt clans un état républicain. 24. Tous les nobles qui ont quelque HaWHemeac part d l'adminiltration publique, font vê- 5 enois" tus de noir avec le petit manteau de foie, & la perruque longue ; tous les gens de juftice, même les plus fubalternes, portent cet habillement. Les dames font vêtues a la Françoife , ôc fuivent le plutôt qu'elles peuvent les nouvelles modes qui viennent de Paris ; comme elles font fort fiches, elles ont beaucoup de diamansôç; T°w /. * H I7<5 MÉMOIRES D'I T A L I E# ^'autres bijoux , & porrent de très-belles étoffes ; les hommes font grande dépenfe en tabatières qu'ils tirent de Paris, de même que toutes les chofes de luxe & de goût. Les citadines fuivent autant qu'elles peuvent les ufages des dames Génoifes j mais comme elles n ont pas toutes la chaife à porteurs, quand elles fortent,elles fe couvrent la tête Se les épaules avec une grande pièce de taffetas noir ou de toile peinte qui leur fert de voile ; les femmes du peuple font vêtues de corfets Se de jupes légères , fans autre coëffure qu'une efpéce de voile qu'elles jettent fur leur tète quand elles fortent \ elles portent les cheveux rattachés en rond , au derrière de la tête, avec de grandes aiguilles d'argent j les negocians , les artifans s'habillent de la couleur qui leur plaît, Si forcent tous avec l'épée. Je ne dois pas oublier de parler ici avec éloge Se reconnoi(Tance de M. Fran? cois Regni, conful de France Se directeur de la porte ; je l'ai vû chargé des affaires en l'abfence de M. Roger , nommé mi-riflre de France à Gènes. Cet homme fage, prudent Se très-poli jouifloit d'une considération diftinguée , Se méritoit véritablement la confiance que fes fupérieur$ avoient en lui. Un voyageur doit fou- Environs de Gènes. \jt baiter que les miniftres de fa nation dans les états étrangers , aient un mérite reconnu , ôc foient aimes ôc refpe&és ; il partage en quelque forte avec eux l'agrément dont ils jouilTent ; il eft vrai qu'il doit être attentif à fonienir par fa conduite , la bonne idée que le miniftre donne de fa nation. 25. Ce que j'ai vû des maifons de Maifons campagne des nobles Génois , me fait ""P3^1-'-croire qu'ils y font beaucoup de dépenfe. Ils y font en habits de couleur ôc ordinairement fort riches. Sur la rivière du Ponent , du côté de Seftri di Ponente , j'ai vû plulieurs palais dans la plus heu-reufe fituation ; je ne parlerai plus de celui du feigneur Marcelloné Durazzo qui eft à Cornigliano : mais il faut voir ce-lui des Lomellini qui eft à Seftri. Il eft orné de belles peintures, les meubles en font beaux, les jardins vaftes ôc bien entretenus , formés par des bofquets d'orangers ôc de citroniers , entourés par des paliflfades de myrtes de fix à fept pieds de haut , avec des eaux plates Ôc jaillit fautes Ôc quelques ftatues de marbre j il y a au-deflus de la maifon dans la montagne , un parc de huit ou dix arpens , planté de grands arbres, rels que chênes verds, lauriers , ormes y Ôec , le terre- 172 Mémoires d'Italie. plein eft formé par des voûtes chargées déterre, conftitûtes pour rejoindre les rochers ôc qui foutiennent le fol y les arbres y font très-beaux ; on y nourrit du bétail qui y trouve un bon pâturage , ce qui n'eft pas commun dans ce pays. Le palais de la marquife Lila Mari Spinofa , qui eft fur la même côte , elt commode ôc bien meublé ; cette dame en fait les honneurs, fur-tout aux étrangers s avec beaucoup de noblelfe. Ses jardins font les plus agréables que j'aie vus dans ce canton , par le foin avec lequel ils font tenus, la beauté des aibresck des eaux ; il y a furtout quatre orangers d'une grofleur 6V. d'une grandeur prodigieufej ils formenr feuls un grand couvert fous lequel eft un jet d'eau d'une aflez belle élévation , un très-joli parterre en terra (Te entouré de berceaux de citroniers ôc d'orangers y au-deffùs de la maifon eft un jardin couvert très-grand j tous font entretenus avec autant de propreté que de- . légance ; dans les rochers qui couvrent toute cette côte , on voit quantité de figuiers qui fourni fient abondamment de Bons fruits dont on fait une grande con-fommation. LesDoria, lesGrimaldi, les Spinofa ont aufii de très-belles maifons fur cette côte. Environs de Gênes. 173 16". Lorfque j'y étois , la mer devint. ^âf*Ê . • r -r • la mir a Seuil tres-grofle pendant la nuit, 6V railoit undiitoacai». bruit qui empêehoit de dormir. Le matin elle n'étoit pas moins agitée ; j'allai de bonne heure fur fes bords ; je voyois le flot venir à moi d'une élévation prodr-gieufe , 6V qui fembloit devoir couvrir tout le terrein fur lequel je me prome-nois. Mais quelque furieux qu'il foit, il fe brifeà l'endroit marqué. Ce bel ordre , cette fourni (lion de l'élément le plus terrible ÔV le plus dangereux , n'elt-il pas un miracle continuel de la providence ? L'odeur de la mer étoit alors très-forte , le goût en étoit acre ÔV; fulfureux ; le fable de ces bords eft noirâtre , mêlé de quelque petits cailloux blancs , gris ÔV; bleuâtres , dont on fe fert pour paver les allées des parterres. Je n'y remarquai aucun coquillage ni rien de curieux. Le petit peuple qui pat-tout eft miférable , étoit alTemblé fur ces bords avec des paniers dans lefquels il ramalfoit quelques morceaux de bois , des châtaignes qui étoient encore dans le hériflon , 6V que le flot rejettoit fur le rivage ; ces châtaignes font entraînées dans la mer, par les terres qui coulent des montagnes. Quand d y a eu quelques naufrages , ces gens ramaifènt quelquefois des effets confidc- 174 Mémoires d'Italie. rables ; c'eft ce qui les rend li attentifs â fuivre les bords de la mer quand elle eft orageufe. Fauxbourg de Le fauxbourg S. Pierre d'Arena eft s. Pierre d*A- magnifiquement bâti , il eft iitué entre la mer Se la montagne dans un efpace plein Se uni. Il n'eft pas peuple à proportion de fa grandeur ; il y a beaucoup de grands prJais dont la plupart font inhabités. Les Génois ont crû faire beaucoup en donnant aux rues allez de largeur pour paf-fer aifément une voiture ; cependant il n'auroit tenu qu'à eux de les faire plus larges , ce qui auroit rendu cet endroit beaucoup plus agréable. vaUéedePol- a8. Au fortir de ce fauxbourg on entre chevera, dans fa vallée de la Polchevera,ainfi nommée du torrent qui y coule des montagnes de l'Apennin , qui pour l'ordinaire eft à fec , mais qui dans le temps des grandes pluyes ou des fontes de neige fait les plus grands ravages. Le lit en eft fort large , Se tout rempli de cailloux Se de fable que les eaux entraînent du haut des montagnes. Ainfi il n'eft pas poffible d'avoir un chemin fait pour les voitures. Il arrive que dans les temps d'inondation, le pafifage de Gènes en Lombardie eft tout-à-fait fermé ; il n'y a que les gens à pied qui puiffent paffer par un chemin très»' Environs de Gènes. i?j difficile , pratiqué fur la montagne. La multitude de palais , de belles maifons de campagne , d'églifes & de monaf-téres qui garnirent la côte des deux côtés, forment dans l'efpace de plus de quatre niilles , un fpectacle riche ÔV; très-varié. Toutes ces maifons font accompagnées de terralfès plantées d'arbres ou de vignes en berceau ; ce mélange de verdure avec la beauté des édifices dont la plupart font peints , fait le plus grand plaifir , fur-tout quand on le regarde du bas de l'Apennin. Le tableau eft auftî vivant 6V auilï agréable qu'on puilfe l'imaginer , il eft terminé par la mer. On voit dans le lit du torrent quelques veftiges de ponts qui ont été conftruits autrefois pour le traverfer , mais qui onr été ren-verfés par la force ôV l'impétuosité des eaux , redoublées encore par la quantité de matières folides qu'elles entraînent dans les grandes crues. i 29. Campo Marone , fitué à mi-côte ^M^^r.ie dans l'Apennin, eft le premier village ÔV la a "^"^ première pofte. Celle qui la fuit & dans laquelle on traverfe toute la montagne de la Boccherra , l'une des plus hautes de celles qui forment la chaîne de l'Apennin , eft très longue. Le chemin eft pavé jpar-tout, très-praticable 6V point dange- Hiv iy6 Mémoires d'Italie. reux. Il eft étroit comme la plus grande partie des chemins d'Italie , auxquels les anciennes voies Romaines femblent avoir fervi partout de modèles. Souvent deux voitures ne pourroient y palier enfemble j mais comme les provisions 6V; les marchandifes font toutes portées par des bêtes de fomme, on rencontre très-peu d'autres voitures. La température de ce climat elt aulîi rigoureufe que celle de la côte de Gènes eft douce. On y voit beaucoup de marronniers , quelques herbages où l'on nourrit du bétail , très-peu de terres cultivées , beaucoup de parties que ia rigueur du climat ÔV la ftérilité du terrein laiiTent incultes Se inhabitées ; le peu de maifons que l'on y rencontre font prefque toutes partie des nefs que poffédent les nobles Génois. L'écufïon des armes du maître peint en grand dans l'endroit le plus apparent, indique à qui elles appartiennent [a). 30. Au pied de la fiocchetta on trouve; (a) Cette montagne dans fon plus haut point d'élévation a des fourccsaiTcz groffesqui forment deux ruiffeaux 3 dont l'un roule du levant au couchant & va dans la mer de Gènes. L'autre du couchant au levant & qui eft le plus confident-J?le,pafleà Yoltaggio,Serravalle , 5c fe jette dans Environs de Gênes. 177 la petite ville de Volraggio Située fur le bord d'un ruifteau dans un terrein très-refleiTc j elle eft dominée du côté du couchant , par un petit château à demi-ruine, La Situation ni les bâtimens n'ont rien d'agréable. Elle étoit autrefois la capitale de l'ancien peuple de la Ligurie , connu fous le nom de Vàturii, On y a découvert dans les derniers fiécles des monu-niens antiques qui ne permettent pas d'en douter. Cete ville a un noble Génois pour podeftat. Serravalle eft un bourg dont la fitua- Sénravtla. tion,eft allez fembLble à celle de Voltag-gio. Cette contrée a quelques vallons fertiles ôc bien cultivés qui doivent fournir allez de grains pour une partie de la con-fommation du pays. Enfuivant le cours du torrent, un na* tuialifte qui auroit le tems de s'arrêter , jugeroit aifément de la qualité des terre* de cette partie de l'Apennin, qui, quoique lç Pô. Ces riiifleaux fur lefquels font bâtis à différentes hau-curs des moidins & autres ulîncs , pourroient contribuer encore à fertilifer une grande partie du terrein de ces momagnes , (i elles étoient mieux peupl'es, mais les cultivateurs manquent, & Us terres font abandonnée en grande partie. H v 178 Mémoires d'Italie. bonnes pour la végétation, ionttrès-mos biles,& cèdent aifément à l'effort des eaux qui les entraînent. Il y a des montagnes coupées- perpendiculairement dans une très-grande hauteur j on voit par bandes des lits de terre de différentes couleurs vives ôc li fraîches, qu'il femble que la tranchée vienne d'y être ouverte. Cet effet des eaux eft très-remarquable. Le deffus de la montagne eft recouvert de bois y mais comme il n'y a point de rochers qui lui fervent de noyau ; il eft à préfumer que les pluyes ôc le cours rapide de l'eau la détruiront infenfiblement, ainfi le vallon s'élargira beaucoup ; ce que je dis là n'eft point une conjecture hazar-dée j il ne faut que jetter les yeux de ce côté, ôc on voir, pour le peu qu'il falle de pluye ou de vent, les terres s'écrouler continuellement, ôc tomber dans le torrent qui les entraîne avec une multitude de cailloux , des couleurs les plus brillantes ; on en voit des rouges, des bieux , des verds , des jaunes , ôc quelques-uns Très-gros j il eft même à préfumer par ces indications que le fond de ce terrein renferme quelques carrières de très-beaux marbres. Si les habirans étoient un peu plus in-dultrieux , Ôc vouloient refferrer le cours Environs de Gènes. 170 ^ela rivière le long de la montagne, ils pourraient déjà mettre en culture une quantité d'arpens de terre qui feroit très-fertile , mais qu'ils abandonnent à cette rivière qui s'y écarte dans le temps des inondations, n'ayant rien qui la retienne dans des bornes. La petite ville de Gavi fe trouve au cavi; pied de ces montagnes, elle n'a rien de. plus remarquable que fon château , qui elt iîtué avantageufement fur un rocher fort élevé , d'où on peut défendre l'entrée des montagnes. Les Génois ont été quelque temps à croire qu'il étoit imprenable ; mais dans ces derniers temps les Piémontois tk les Autrichiens les ont détrompés de cette idée ; la république y entretient un commandant tk une petite garni fon. Delà à Nbvi on marche par un ter-*ein cultivé tk fertile , les cnemins fonc bordés de châtaigniers & de marronniers, & tout cet efpace qui eft d'environ qua-^e milles , participe déjà de la bonté de la Lombardie ; on s'apperçoit que k climat eft plus doux que dans la montagne, 6V. que la végétation y eft plus forte. Novi eft une des villes les plus conft- Kctï. Hvj i8o Mé m omis d'Italti. durables de la feigneurie de Gènes ; elle eft peuplée au mdins de fix mille ames ; c'eft la première place de la république du côté de la Lombardie dont elle lait partie. Sa fituation eft en plaine au pied de l'Apennin. La forme de la ville eftplus longue que large ; elle a trois paromes , dont une eft en même temps collégiale , Se bien bâtie j celle de S. André elt ornée de bon goût. La place eft encore entourée de murs flanqués de quelques tours, Se défendus par un Iodé dans lequel coule un ruilfeau bourbeux qui def-cend de l'Apennin. La république v entrerient un gouverneur & une garnifon allez conlidcrable } comme frontière elle eft fur le ton d'une ville de guerre. Cette ville eft 1 entrepôt des marchandifes qui panent du Levant en Lombardie cV, en Allemagne par le port de Gcnesjce qui fait qu'il y a quelques commerçons, || ne me refte plus à ajouter fur l'état de Gcncs , que quelques réflexions que m'ont infpirées le fouvtnir de fts révolutions , la rofition de fa capitale , fes forces Actuelles, & fc n geu\ctncivcrr. 1 ■ ■< < i. Ce qui a le plus contribué iiilciu'l préient a la conlervation de cette république , c'eft la grandeur cV. la force na- Environs de Gènes, î$r turellede la capitale, qu'il eft très-difficile d'aborder , étant entourée de montagnes efcarpées des côtés de Nice & de Sarzanei où il eft impollible de faire pafler de l'artillerie ôV; des convois conlidérables par terre. Il refte le paflage du Giogo autrement dit la Bocchetta , que l'intérêt du commerce a fait rendre très-praticable ; niais le moindre retranchement un peu défendu peut arrêter un corps conlidéra-ble dans ces défilés toujours commandés par les hauteurs qui les dominent; les paf-fages de Gavi , Serravalle ÔV; Volraggio font aufli incommodes que difficiles ; il n'y a point de chemins laits dans les vallées y les rorrens qui y coulent y entraînent une quantité de fables 6V de cailloux, ÔV les rendent impraticables ÔV même très-dangereufes , foit dans le temps de la fonte des neiges , foit après les pluyes d orage , qui fouvent tombent dans les montagnes,lorfque le temps eft très-ferein dans les vallées. La preuve en eft ce qui arriva en 1746", après que les Génois eurent chafle les Autrichiens de chez eux. Un nombre conficléiable de ceux-ci étoit campé dans le lit de la rivière de Polcheverra qui croit à fec ; ils furent furpris pendant la fcQit par un torrent prodigieux qui fondit f li Mémoires d'Î t a' t ïT. tout-à-coup de la montagne , qui entraîna fix cens hommes & foixante chevaux dans la mer ï événement qui mit le dé-fordre dans l'armée des Autrichiens , ÔV; les força d'abandonner tous les defleins qu'ils ayoient fur Gènes. Outre ces avantages , la fituation de la ville eft fur le penchant d'une montagne fortifiée du côté de terre par trois enceintes-de murailles , ôV très-aifée à défendre du côté de la mer , par les batteries qui font établies, le peuple nombreux qui l'habi-fe , cette quantité de nobles qui ont leurs biens Ôc leur liberté à défendre , le* citadins , les marchands , les bons arti-fans qui font en grand nombre ÔV qui tous perdroient beaucoup à une révolution, même au changement d'état ; tous ces motifs réunis font la force principale de cette fuperbe ville, à laquelle on donne ce titre , tant par rapport à la magnificence de fes édifices , qu'à la fierté de fes premiers citoyens , qui croient que rien dans le monde n'eft au-deflus d'eux. Il paroît qu'ils font tous fort attachés à la confervation de l'état , ÔV pour y veiller plus attentivement ôc être toujours prêts à le feivir, ils ne quittent leurs palais que fort rarement , ils ne fervent plus dans ies années des princes étrangers, ils voya- Environs a e Gènes, ifg gent peu , Si par conféquent ils font peu! inftruits ; en cas de befoin , ils trouve-roient difficilement dans le corps de la feigneurie un homme en état décommander les forces de la république Se de veiller à fa défenfe ; il faut qu'ils s'en rapportent à un général étranger, qui a pour confeils quelques-uns des principaux fénateurs qui l'accompagnent j mais peut-il fe décider aufîî fûrement que s'il connoifîoit par lui-même le pays & fes refïources ? Au refte , la pofirion de Gènes qui la fait regarder comme une des clefs de l'Italie, rendra toujours attentifs les antres fouverains de cette belle & riche partie de l'Europe , à ce qu'elle ne tombe pas entre les mains d'un prince trop puifîant, qui, une fois folidement établi à Gènes , pourrait avec les forces de fes autres états donner des loix à la majeure partie de ce continent, dont la puilfance eft trop divifée pour être parfaitement unie } ainfï l'intérêt général de l'Europe contribuera à. conferver la république de Gènes , & à empêcher furtout que la maifon royale de Savoie, déjà très-puiffante en Italie, tant par l'étendue de fes polfeffions que par la fageffe des princes qui la gouvernent, ne s'empare du petit état de Gènes , au moyen duquel elle pourrait avoir une îï»4 Mémoires ni t à l f e*# marine confidérable , qui la rendroit fot'« midable à tout le refte de l'Italie , furroue a tous les états de Lombardie qui l'environnent.... Je n'ai rien dit des autres parties de la république de Gènes que je n'ai poinc vues, y étant allé 5c en étant revenu par la route dont j'ai parlé 5c qui eft d'environ trente milles \ fur quoi j'obferverai que les milles d'Italie ne font pas partout de même longueur ; ceux de Piémont, de Gènes , Se de l'état de Vénife font plus étendus ; aulîi les polies s'y payent-elles plus cher du double que dans les autres états d'Italie. En quittant les états de la république de Gènes , notre intention étoit d'aller directement à Florence en palliant par Plaifance, Parme , Modene 5c Boulogne. La journée de Novi à Plaifance elt de huit poftes qui fe font par un pays plat 6V; d'une grande fertilité. On voit fur la route, Tortone, Vogherra 6V Bro-ni, places de la domination du roi de Sardaigne dont j'ai déjà parlé ; il me refte à dire que Broni eft un gros village connu par fes boues 6V fes mauvais chemins ; après en être forti , on trouve une petite montagne de boue , qui exerce les poftilions & la vigueur de leurs Milanois. i$e chevaux • car en tout temps elle eft très-difficile i grimper. Cajîd Langiovanï , petit bourg qui 3, cte autrefois fortifié , auquel il refte encore une enceinte de murailles, des portes Se des foftés, eft la première place du duché de Plaifance appartenant à l'infant duc de Parme. De-là à Plaifance on compte deux poftes ou cinq grandes lieues de France. Après une pofte Se demie , on trouve la Trébia , rivière auprès de laquelle An-nibal défit les Romains l'an 554 de la fondation de Rome, ou 21S ans avant Je-fus-Chrift. Cette rivière prend fa fo'urce dans l'Apennin, à quinze milles au-def-fus de Gènes , coule par une partie de la Lombardie, Se va fe jetter dans le Pô, un peu au-defius de Plaifance. La plus grande partie de Tannée on la patte à gue, Se ■ même il lui arrive quelquefois d'être à fec ; mais il s'en falloir beaucoup qu'elle f&t dans cet état ( le 16 O&obre 1761. ) 1. Cette rivière partagée en différentes La branches entre fan Nicolo Se Plaifance, avoit plus d'un mille de largeur Se cou-loit avec la rapidité Se le bruit d'un torrent furieux , entraînant tout ce qui fe trouvoit fur fon pafTage. Rien n'annonce fes crues qui dépendent des pluyes qui \Î6 Mémoires d'Italie. tombent dans les montagnes. Les gens du pays même en font furpris, fans pouvoir s'en défendre , ainfi que je le vis par la trifte expérience de quelques voituriers qui revenoient de Plaifance. Ils avoient palfé une partie de la rivière à gué avec des charriots à bœufs, quand tout d'un coup l'eau les arrêta dans une ille formée par un des bras de la rivière, Ôc les y retini pendant plufieurs jours , fans provifîons ni couvert, avec la crainte continuelle que l'eau venant à croître ne les fubmergeât eux ôc leurs attelages. C'étoit vraiment une chofe digne de pitié de voir ces pauvres gens dans cette Situation , fans pouvoir les fecourir ; car il n'y a ni barque ni ponton pour traverfer cette rivière ; c'eft cependant dans cet endroit même qu'eft le grand chemin de Turin à Parme , Boulogne . Florence « Rome Ôc Naples. C'eft-li que paiioient tous les couriers , avant que les change-mens que le roi de Sardaigne a faits dans les monnoyes , euifent, en quelque façon, contraint les couriers de France à s'embarquer à Antibes pour palfer à Gènes f d'où ils vont encore par mer à Sarzane y «ù ils prennent terre ôc gagnent Florence par Pife. Il eft étonnant qu'un chemin aulîi fréquenté n'ait ni barque réglée ni 2vî I L A N o I S. Z$J pont, Se qu'une rivière qui ne doit être regardée que comme un torrent, arrête fouvent le fouverain même du pays , Se l'empêche de rentrer chez lui, ou d'en for-tir quand il lui plaît. N'ofant donc nous rifquer à la fureur de fes flots, Se après nous être convaincus de l'impoflibilité de la traverfer à gué il fallut rebroufler chemin Se venir nous gîter à fan Nicolo , petit village éloigné de la rivière d'environ un demi-mille , fur ce que, l'on nous aflûra que le lendemain les eaux feroient écoulées Se que l'on pafleroit aifément ; mais la pluye ne lit qu'augmenter pendant la nuit,6v le matin les eaux étoient fi hautes que la rivière paroiffoit couvrir plus d'une lieue de terrein en largeur, Se s'étendoit jufquedans la ville même de Plaifance , dont elle inondoit une partie. Les montagnes étoient chargées de nuages épais qui an-nonçoient de nouvelles eaux ; tout cela nous détermina a quitter fan Nicolo dans l'après-dîner, Se à revenir coucher à Caf-rel fan Oiovani. Mais nous laiffâmes les bords de la Trebia couverte d'Italiens qui attendoienr Patiemment que les eaux fuffent écoulées avec toute la patience convenable à une dation aulli flegmatique. Comme l'ap- ïSS Mémoires d'Italie; provifionnement de Plaifance fe fait eiï grande partie par ce côte de la Lombardie où les denrées font abondantes, cette Ville fouffre une forte de difette dans ces temps d'inondation. Il eft étonnant que dans un pays auflî riche Se auffi peuplé , on n'ait pas élevé une chauffée , conftruit des ponts , ou tout au moins établi une barque pour paner cette rivière en tout temps. Rien n'eft plus incommode que d'être obligé d'attendre jufqu'à quatre Se cinq jours que cette rivière foit guéable pour la pouvoir traverfer. Je ne dirai rien du gîte de fan Nicolo. La maifon étoit allez bien bâtie , l'étage d'en-haut étoit compofé d'une falle Se de quatre grandes chambres , mais fans aucuns meubles ni provifions \ les gens de ce pays ont un jargon barbare, qui n'eft en ufage que parmi eux, Se ils ont allez de peine à entendre le vrai Italien. Nous revînmes donc fur nos pas, dans l'intention de palier la nuit â Caftel fan Giovani, Se de voir quelles mefures nous prendrions pour n'être pas obligés de rétrograder plus loin encore. Nous logeâmes à la pofte , allez bonne auberge , où nous ré fol urnes de gagner Milan , après avoir pafle le Pô 6V: féjourné à Pavie. î.Caftel fan Giovani eft lapremière pla- caftd ce du duché de Plaifance.Ce bourg eft mue Gi°vani, dans une plaine très fertile & eft aflez-bien bâti. Quoique de petite étendue, il a une églife collégiale fous le vocable de S. Jean , & trois couvents de Capucins , de Récollets 8c de Carmes. On eft étonné comment un fi petit endroit peut fournir à l'entretien journalier de deux communautés nombreufes de religieux men-dians. Mais c'eft la dévotion 8c la gloire des Italiens que de contribuer à de pareilles oeuvres. La première chofe que l'hôte apprend aux étrangers , c'eft que ce petit bourg nourrit trois greffes corn-munautes. La collégiale eft alfez bien bâtie , le maître-autel eft formé par une table foutenue de fes quatre pieds, au-deftous un grand farcophage où font placées des reliques ; tout l'ouvrage eft de beaux marbres travaillés d'un bon goût ; Ie vis le matin dans cette églife une efpéce de folle que les Italiens appellent una fp'nitata^ 8c que le peuple appellent parmi nous polïcdée ; je l'obfervai attentivement j le feu lui fonoit des yeux & du vifage qui fembloit bourfoufflé y tous fes mouvemens étoient forcés 8c Cojivulfifs ; elle proféroit de temps en temps des fons inarticulés, 8c avoit les ico Mémoires d'Italie. regards fixés fur un tableau qui étoit vis-à-vis d'elle j on me dit qu'il y avoit déjà long-temps qu'elle étoit dans cet état , qu'elle avoit perdu l'ufage de la parole, ôc qu'elle ne faifoit mal à perfonwe. C'eft dans ces petits endroits que les eccléfiaftiques ôc les religieux tiennent inconteftablement le premier rang & y décident de tout. Aufli ceux qui ne cherchent qu'une oifive tranquillité & les ai-fances de la vie, préfèrent ces maifons à. celles des grandes villes , où il y a plus de bienféances à garder ôc plus de devoirs à remplir. Les femmes qui habitent ,ces bourgs , vivent encore fuivant l'ancien ufage ; on les voit peu, ce font les hommes qui font tout le commerce extérieur. Ce n'eft pas qu'elles ne foient très-curieufes de voir les étrangers , & de fe faire voir elles-mêmes ; mais ou la mere ou le mari les font rentrer fur le .champ ôc ne leur lailfenr aucune liberté. Il n'en eft pas de même de celles de la campagne ; on les voit répandues par les champs , 6V: travailler partout s en plus grand nombre , auftî fort ÔV plus conf-tamment , dit-on , que les hommes. Il eft néceffaire que les ouvriers foient multipliés dans un climat , où la végéta-jiou n'eft prefque jamais interrompue par. îa rigueur de l'hyver , tk où le terroir très-fertile produit plus d'une récolte pat an. Dans tout ce pays les terres fe cultivent comme dans la partie de la Lombardie dont j'ai déjà parlé ; on ménage les eaux de façon à les mettre dans les près tk les terres quand on le juge à-pro-pos. \ 9 i M é m o*j r e s d'Italie: )■ !■■<»1 " •*' ' " ' L —« MILANOIS. ïoî"c°iSdc 3-R1 E N n'eft Pms r'c,ie & PIus Cartel fan cio-que le pays que l'on traverfe de Caflel yaniàPavie. ^ Giovani à Pavie ; ce n'eft point une grande route , les mêmes chevaux nous conduifirent pendant dix-huit milles fans s'arrêter. On palfe le Pô à Porto Panéfé, à trois milles de Caftel fan Giovani. Ce Heuve y eft très-large & alfez profond pour porter les plus grolfes barques. De l'autre côté, on entre dans le Milanois appartenant à la reine d'Hongrie. Il y a un Douanier établi plutôt pour faire payer quelques droits aux barques qui montent ou qui defcendent le fleuve , que pour inquiéter les voyageurs. On traverfe quelques gros villages beaux tk bien bâtis j le peuple y paroît opulent s fur-tout les jours de fete, où hommes 6ç femmes font habillés proprement fuivant la faifon; ce qui joint à la fertilité du pays , donne par-tout les apparences de la richeiïe. On voit de temps en temps d'aflez gtands efpaces de terrein, environnés de terres élevées êc rejettées en dehors en talus , gui femblent avoir fervi à placer des camps camps retranches. II eft permis de former ces conjectures dans un pays qui a été (î fouvent le théâtre de la guerre. fielgioiofo, Marquifat appartenantà la Belgfoiofe. maifon de Barbiano , eit un bel endroit. Le château eit noble ôc bien bâti , partie X l'antiquité, partie à la moderne. Les jardins en font vaftes ôc bien tenus, ouverts de plulieurs grilles de fer peintes en verd , avec les ornemens dorés , à travers lefquelles on apperçoit de belles eaux plates ôc jailliflantes. La façade du côté du jardin eft moderne ôc d'une architecture fort ornée. Les avenues qui y conduifent font grandes ôc plantées de beaux arbres. II y a peu de vue, parce que ce terrein eft plat. Mais on en eft dédommagé par le Spectacle même du pays qui a un air de fraîcheur ôc d'abondance qui ne peut que plaire. Chaque pièce de terre ou de pré a la forme d'un grand carré entouré d'une nayevive, planté de deux rangs d'arbres, faules , peupliers , ou mûriers , fur le bord d ut!*fo(fé où coule un ruilïeau. La plupart de ces arbres fervent à foutenir des plants de vigne, de forte que tout le pays refïemble à un parc. De loin, comme les arbres parodient fe rapprocher, ils font ^effer d'une forêt alignée Ôc bien percée. Mais il n'y a point de bois dans cette Tome I, * I Mémoires d'Italie. plaine que les arbres que l'on élève autour des terres. Sur le bord des chemins on plante des chênes & des ormes qui y croulent heureufement , Se que l'on réferve pour les conftrudtions. Comme le climat eft allez tempéré Se que l'on y bride peu de bois pour fe chauffer , la tonte de ces arbres qui croiflent très-vite, fuffit à la plus grande confom-mation y outre cela on fait beaucoup de charbons avec ces branchages Se qui fuf-fifent à l'ufage du peuple pendant 1 hy-ver. 4. Pavie , capitale de la principauté du Pavéfan dans le Milanois, eft fituée dans une belle plaine fur le bord du Tefin , Se dans un terroir ii fertile qu'on l'appelle le jardin du Milanois. Cette ville eft très-ancienne , Se a appartenu aux Infu-briens dans la Gaule Cifiilpine. Suivant le rapport de Pline , Tacite Se Strabon , elle rut bâtie par les Léviens Se les Ma-riciens , anciens peuples de la Ligurie , long-temps avant Milan ; dats les premières révolutions qu'éprouva l'empire Romain , elle fut ruinée en partie , mais rétablie allez promptement par les foins de S. Epiphane fon évêque. Lorfque les peuples du Nord fe fixèrent en Italie , Se y établirent une domination nouvelle, Pavie. j9c eonnue fous le nom de royaume des Lombards , les rois de cette nation établirent, le liège de leur empire à Pavie , ôV donnèrent à cette belle tk riche plaine de l'Italie fituée entre les Alpes , l'Apennin , 6V; la mer Adriatique , le nom de Lombardie qu'elle conferve encore. Vingt rois Lombards régnèrent dans ces contrées pendant deux cens ans. Le dernier nommé Didier eft connu dans notre hiftoire par le liège qu'il foutint a. Pavie en 755 contre Charlemagne qui le vainquit ôV détruifit fon royaume qu'il fournit a fes Loix. Cette ville pafla en-fuite aux enfans de Charlemagne , ÔV fut le partage des rois d'Italie dont la puif-fance ne dura pas. Les empereurs d'Allemagne fe regardant comme fuccefîeurs de Charlemagne , 6V ayant les mêmes droits que les empereurs d'Occident, ont prétendu être les feigneurs fouv rains de toute l'Italie ; c'eft en cette qualité que l'empereur Frédéric Barberoufie permit X la ville de Pavie de fe gouverner par fes l°ix ; mais la divifîon s'étant mife parmi les habitans, ils convinrent de fe donner a l'églife Romaine dans le treizième fié-Cl- j ds vécurent quelque temps fous le gouvernement de l'Archevêque de R;.-» venne, légat du S. Siège dans cette partie Mémoires d'Italie. de l'Italie, qui y exerçoit un empire fort doux , jufqu'au temps où les Vifconti s'en emparèrent Se l'unirent au duché de Milan j ce fut alors qu'ils la firent fortifier. Les François, conduits par le général Lautrec, la prirent d'aifaut en i 5Z7. En 1734 le Maréchal de Villars s'en empara à la tête des troupes alliées de France Se de Savoie. Dcfcription 5. Cette ville efi; encore très-grande, de Pavie La plupart des rues en font alignées , longues Se larges. On y voit d'alfez beaux bâtimens modernes. On y remarque plulieurs hautes tours quarrées de brique > qui font encore des relies de conllruc-tions Gothiques. On montre même celle où le couful Bocce fut enfermé.' Il y a quelques places aïfez larges. Celle qui elt au milieu de la ville ell la plus confi-dérable j elle eft entourée d'un grand portique ouvert en arcades , Se décorée d'une ftatue équeltre antique que l'on prétend être celle de Marc-Aurele-An-tonin. Elle eft de petite manière } la figure de l'empereur n'a qu'environ quatre pieds Se demi de haureur , la phifio-nomie balfe Se commune. Le cheval eft taillé comme un petit rouflïn fort & râblé. Les Lombards l'enlevèrent de Ravenne ©ù elle étoit, 8c la tranfporterent à Pavie lorfqu'ils s'y établirent : on aflure que les habitans de Ravenne la regrettent encore. Quelques auteurs rapportent que lorfque Laurrec prit Pavie d'affaut , le premier qui efcalada la muraille fut un foldat né à Ravenne,qui pour récompenfe demanda à fon général de faire reporter cette ftatue équeftre dans fa patrie d'où elle avoit été enlevée : mais les habitans de Pavie firent tant par leurs cris 3c leurs prières, qu'ils obtinrent du vainqueur que la ftatue reftcroit en place , 3c que le foldat fe contenterait d'une couronne d'or. Le peuple appelle cette ftatue le Régifole. L'égiife cathédrale fous le vocable de Notre Dame 8c de S. Pierre elt d'une très - ancienne fondation • elle regarde faint Sire , premier patriaiche d'Aquilée 8c difcinle des apôtres, comme fon fondateur. Son évêque elt fournis immédiatement au faint Siège. On la rebâtit actuellement , le chœur 8c les deux côtés de la croifée font finis. L'architeéture en eft lourde ; cependant les chapiteaux des deux premiers piliers font ornés avec aflez de goût. Tous les auteurs des defcriptions d Italie, ne manquent oas d'avertir que 1 on conferve dans cette églife la lance de Roland neveu de Charlemagne. J'ai voulu iiij if>8 Mémoires d'Italie. voir cette pièce antique, qui n'eft autre chofe que le mât d'une grande barque armé de er , tk qui fervoit alors à ioute-nir un échafaut de conftruction. 6. Plufieurs des églifes qui font un des principaux ornemens de Pavie, doivent leur fondation aux rois Lombards. Perrhaurite a fait bâtir le monaftere de fainie Claire. La reine Théodelinde l'églife de fanta Maria délie Péniche ; mais la plus célèbre de toutes eft celle de fan Eglife de s. P'utro in Cielaureo,blûe en l'honneur de "iatl S. Augtiftin par le roi Luitprand , qui en Rt!i.]iK-s de 712- fit tranfporter le corps de ce faint $.Augultin, docteur à Pavie, de l'ifle de Sardaigne ou il avoit été mis en dépôt, lorfque l'églife d'Afrique, défolée parles Vandales dans le VIe fiécle , grand nombre de fes évêques fe retirèrent en Sardaigne. Cette relique précieufe avoit été cachée avec tant de foin que perfonne ne pouvoit dire préci-fément 011 elle étoit j on ne fçavoit que par tradition qu'elle étoit à Pavie ; mais fous le pontificat de Benoît XIII on trouva ce corps faint où on imaginoit qu'il devoit être ; tk ce pape ordonna à mon-iignor Fontanini d'en publier la découverte , appuyée des preuves authentiques qui affuroient que c'étoient véritablement les reliques du docteur de la grâce. Cette eglife eft tenue par ces chanoines réguliers de S. Auguftin ; elle eft revêtue de marbre blanc, décorée de ftatues Se d'or-nemens d'un beau gothique , l'architecture en eft légère Se très-hardie. On voit dans cette même églife, à côté du degré qui conduit au fanétuaire, le tombeau de Boè'ce , conful Romain , également célèbre par fa fcience , fon éloquence, fa piété Se fes malheurs. On fçait qu'il perdit la tête par ordre du roi Théodoric. Celui du roi Luirprand , avec cette épi-taphe modefte , ici repofent Us os du roi Luitprand, ceux de François duc de Lorraine , Se de Richard duc de Suffolck. L'églife des Dominicains eft fort grande Se d'une architecture gothique. La chapelle du Rofaire toute de marbre eft un chef-d'œuvre de la patience Se du travail des ouvriers qui l'ont décorée. Les ornemens gothiques y font entafles j il faut en voir les détails Se non l'enfemble. 7. Au défais de la ville eft une place collège» quarrée au milieu de laquelle on voit la ftatue de bronze du pape Pie V, vis-à-vis de la porte principale d'un collège qu'il a fondé ; fon nom étoit Ghifleri, il étoit né à Boico dans le Milanois , d'une très-pauvre famille. Cette ftatue de taille héroïque, belle Se bien jettée , eft pofée 200 Mémoires d'Italie. fur un piédeftal de marbre blanc. Ce collège fubfifte encore pour quarante penfion mires qui y font nourris & entretenus furl es revenus de fa dotation : il y a douze autres collèges rondes dans cette même ville, dont fun des principaux eft celui qui porte le nom de Burromce , fondé par S. Charles. Le bâtiment qui lui eft deftiné eft beau Se vafte. Le fronton de la porte eft foutenu par des colonnes en boflnge , efpéce d'ornement qui donne un air trop fort & trop rude à une porte qui fert d'entrée à un fanc-ruaire confacré aux fciences ; on voit dans l'intérieur une grande cour quarrée , décorée de deux rangs de portiques l'un fur l'autre , avec des arcades ouvertes fou-tenues par des colonnes doublées j l'ar-chirecture en eft très-élégante, (a) La citadelle bâtie par Jean Galeas de Vifconti duc de Milan , lorfque la ville de Pavie fe fournit volontairement à fa domination , eft un ancien édifice de forme quarrée , flanqué de quatre groffes tours, dont il ne refte plus que les deux qui font (a) Ces treize collèges forment l'univeilîtc que l'on croie avoir été fondée par Charlemagne , mais qui doit fon rétabliirement à i'empe-ieur Charles IY en i}6i. du côte de la ville. Les batimens quifub- . fut eut encore fcivent de cafernes aux troupes que la reine de Hongrie y tient en garnifon. La partie qui regarde fur la . campagne eft un grand terreplein dont le revcrilîl-nient eft tombé en partie de vé-tufté , cv duquel on a la vue fur une étendue immenfe de pays plat. Il ne paroît pas que l'on ait fait aucune réparation à cette citadelle depuis le temps de fa fondation. Elle eft fituée dans la partie fupé-rieure de la ville. Le pont du Telin eft une des chofes fiJ>ontcIuTc" que l'on vante le plus d Pavie ; il eft très-grand , bâti de briques, ôc en partie re\vtu de marbre j il a été conftruit par les ordres du même ducdeÀlilan. Comme il eft couvert, il fert en tout temps de promenade aux habitans de la ville , ÔC fait la communication avec un très-grand fauxboirg, fermé de murailles, fituéde l'autre coté de la rivière. On y voit l'églife & le monaftere de faint Sauveur 9 poftèdé par des religieux de l'ordre de faint Benoît * il a été bâti par l'impératrice Adélaïde. S. Le Telin eft large ôc profond à Pa- Commcrcv. Vle , les groifes barques de mer y remontent, ôc y occalionnent quelque commerce > fur-tout pour l'exportation des den- 1 v 202. mémoires d'1 t a l i E. rées du pavsqui font bien au deflus de la confommation qui s'y peut faire. Ces denrées font les bleds , les chanvres, les fromages Ôc quelques vins communs. Il paroît que la population de cette ville eft très-médiocre , eu égard à fon étendue. Je l'ai parcourue un jour de fête , furtout l'après-dîner , tems auquel les Italiens des deux fexes fortent, foit pour aller aux églifes , foit pour aller à la promenade. J'ai vû quelques rues principales où il y avoit du mouvement ÔC qui paroiffoiait peuplées j mais j'ai tenu des quartiers entiers fans rencontrer per-fonne , fur-tout dans la partie fupérieure de la ville y il y a entre la ville ôc la citadelle une très - grande efplanade qui fert de promenade ôc qui étoit déferre , Quoique le temps fût très-beau. Le coté u pont Ôc le paftage de la ville au faux-bourg étoit plus fréquenté. Le fang m'y a paru allez beau. La jeunefte y a un air de fraîcheur ôc de faute qui fait plailir. Le peuple ôc labour* geoifie y paroifïent très-réfervés. Les mères gardent exactement leurs filles ; on ne voit point de tête-à-tête aux promenades , ce qui donne lieu de croire que les mœurs n'y font pas fi négligées que dans la plupart des autres villes d'Italie, «e peuple même , aux jours de fête, y elt babillé très proprement , les étoffes de foie y font communes. La Douane y eft févère ; il fallut né-ceftàirement ouvrir toutes les malles-, il n'y eut pas moyen de gagner le douanier;, » eft vrai qu il fit grâce en ne vifitant pas? tous les effets en détail , complaifance dont il fe fit payer ; au moyen de fon bulletin , nous entrâmes à Milan fans être inquiétés. J'avois toujours oui les voyageurs Se fur tout les François , fe plaindre de la: mal - propreté Se de la mauvaife nourriture des auberges d'Italie : fans doute que l'on a fait droit fur leurs plaintes y car à préfent on eft fort commodément dans toutes les villes principales , on y fait aflez bonne chère II eft vrai qu'on; la paye le double de ce qu'elle coûteroic en France ; ce qui eft exorbitant, fur-tout dans la plaine d'Italie ou les denrées font à un très bon prix 5 9. La route de Pavie â Milan qui eft d'environ vingt milles ou deux p ftes, fe Ancien» ^ fait par un chemin très-uni. En forrant J^^J; de Pavie , on entre dans la plaire de Bar- prife d«Eaaa»-eo. On remarque à droite les reftes du soi6^ grand pire des ducs de Milan, ban par. Jean Galeas. Vifconri, pour y enfermes: i.c>4 Mémoires d'Italie. des bêtes baves. Une partie des murs de clôture fublilte encore \ ils avoient vingt milles de tour. On fç.ut que c'eft dans ce parc que François I. perdit la bataille le 24 février 1 s i ï , contre les troupes de l'empereur Charles V , commandées par le connétable de Bourbon, Ap^ès avoir fait rrois milles de hcmin , on trouve la fameufe Chaitreui. de Pavie qui pane communément pour la plus belle du monde, prétention qui peut à mon gié lui être légitimement difputée par celle de Naples. C'eft dans ce monaftere que fut conduit Franco,s piemier après la pert. delà bataille de Pavie. 11 étoit encore matin , car les religieux Jiantoient tierce, ÔV en étoient à ce verfctdu ple.uime 118, Loa-gulatum ejl //eut lac cor tueum , ego ve/à legem tua m meditatus Juin. Sm le champ le bon Roi qui fenroit fa trifte lituation ôc qui la regardoit plutôt comme 1 ne punition par laquelle Dieu le rappelloiç à lui , que comme un malheur du fort , chanta ave^ les religieux le vetlet fuivant : Bonum mihi quia humiliajii me ut dijeain ju(tificationes tuas.... Repartie heureufe de ce bon prince qui prouve fes fentimens de religion ÔV fon admirable fran-çhife. Il ne lui manqua pour être le plus Chartreuse de Pavie. lof grand monarque de fon Iîécle, que d'être plus heureux» Les Efpagnols firent ériger dans legli-fe de cette Chartreufe une colonne d l'endroit même où le prince s'arrêta pour faire fii prière, avec une infcription faf-tueufe pour perpétuer le fouvenir de leur victoire tk de la prife du roi de France. Monument qui a fubfifté jufqu'en 17^4 que les François, maîtres du pais, fi;eut .enlever tk détruire la colonne & iinf-cription dont ii ne refte plus aucun vef-tige. 1 o. Cette Chartreufe, conftruite avec la Ea char-» plus grande magnificence, a été bâtie par trc les ordres tk aux fiais de Jean Galeas Vifconti , premier duc de Milan , que * l'on peut due n'avoir rien épargné, pour en fuie un monument durable de fa piété II lit en même-temps la dotation de la Chartreule pour quarante religieux de chœur , & autant de ftères lais pour le feivice de la maifon* Le portail de l'églife eft d'une bonne architecture gothique, chargée de beaucoup d ornemens de fcLilpture , travaillés avec le p.'us grand foin. On y remarque des médaillons, des huiles Ôc des ftatues, qui paroifient être de très-bonne main. Il y a un ouvrage immenfe dans ce portail, ac6" Mémoires d'Italie. fans cependant qu'il y ait autant de con-fufîon que dans les conltructàons gothiques ordinaires. La coupole du dôme orné de galeries à petites colonnades , fait un effet très-agréable & eft d'un excellent deffein , eu égard au temps où il a été bâti, de même que les petites galeries de marbre qui couronnent la corniche des murs de l'églife. L'églife a trois nefs , conftruites de marbre blanc , ainfi que le portail \ elle eft grande tk bien éclairée. La voûte eft peinte en bleu vif& bien confervé, avec des étoiles en or tk quelques autres ornemens de même.Chaque colonne qui porte la voûte, eft accompagnée d'une ftatue de marbre blanc , pofee fur un piédeftal de marbre de différentes couleurs. Le pavé de l'églife eft de marbres rapportés qui forment de grands deffeins fuivis. Le retable du maître-autel eft de marbre blanc -y les gradins, le cadre du parement, les côtés tk le pourtour, font enrichis de marbres précieux tk de pierres fines , tels que jafpes , agathes orientales , lapis lazuli, améthiftes , émeraudes^ criftal de roche, jaune tk verd antique ^ qui forment des fleurs tk d'autres ornemens très- fagemenc exécutés tk d'un grand Chartreuse de Pavie. 207 éclat. Le tabernacle en dôme elt de marqueterie travaillée en argent ; tous ces ouvrages exécutés avec autant d'intelligence que de goût , ont été commencés ôc font continués par une famille d'ouvriers établie dans ce monaftere, depuis le temps de la fondation jufqu'à préfent. La chaire où fe place le célébrant, qui eft à côté de l'autel, & le pupitre pour le livre des évangiles qui eft vis-à-vis, font travaillés en marbre 3 de chaque côté font les ftatues des Vertus cardinales de grandeur naturelle , bien exécutées en marbre blanc. Je ne dis rien de l'argenterie qui eft fur l'autel ; elle eft très-belle , ôc répond à la magnificence qui regne dans tout cet édifice. Les candélabres de bronze font d'un fini précieux ; j'ai fur-tout admiré aux deux côtés de la baluftrade deux obélifques de bronze , ornés de médaillons à la partie inférieure , décorés d'ornemens de très-bon goût, ôc fondus d'un feul jet avec la bafe ; ils font finis avec le plus grand foin , même dans les parties les moins confidérables. Le maître-autel ôc la plupart des chapelles ont pour parement des bas-reliefs en marbre blanc , d'une excellente exécution , ôc qui forment des tableaux qui ont plus d'exprelîion que l'on ne peut ima*> io8 Mémoires d'Italie. giner. Il faut voir fur-tout ceux qui ont pour fujets leChrift enféveli, faint Bruno qui adore la croix , la nail'Tance de Jefus-Chrift, ladoranondes rois ; cesdifrérens monceaux f.Mit vraiment d'un travail précieux , ôc font confervés avec autant de foui que de propreté. Dans la croifée eft un grand tombeau de marbre blarc orné de très belles fcolpiur.es,, érigé à la mémoire du fondateur, Ôc à celle de h duchefle fon époufe par les Chartreux du monaftere ; il y en a quelques autres des princes de la maifon Viftonri. Autour de l'églife font plulieurs chapelles ornées avec goût , ôc enrichies de peintures dont la plupart font très-bonnes. Camille ÔC Jules Procaccino , Carlo Cignam , le Pailîgnano , le i'viorazzone , ôc plulieurs autres bons peintres de l'école Lombarde s'y font diftingués ; Daniel Crefpi a fait toutes les peintures du chœur , ôc a beaucoup travaillé dans l'églife ôc les chapelles ; dans une des chapelles on voit un tableau de ce maître qui repréfente Jefus-Chrift, la Madeleine ôc Marthe ; le coloris en eft beau , ôc la figure de Marthe li bien exécutée qu'elle fait tort aux deux autres. On voit dans la quatrième chapelle à droite un très-beau tableau du Guerchin, où fout peints la Vierge , faint Chartreuse de Pavii. 209 Pierre 3c faint Paul. Un ancien tableau de Pierre Perugin , parfaitement confer-ve ; il eft compofe de morceaux différens comme beaucoup de tableaux des anciens maîtres j le deffein en eft roide , mais le coloris en eft beau , & il y a d'excellentes parties de détail,fur-tout des têtes 3c des mains. Les facrifties renferment une multitude de chofes curieufes , que l'on peut regarder comme autant de chefs-d'œuvre de l'art. Les boiferies quoiqu'anciennes font très bien entendues. La iculpturequi les orne eft d'une bonne manière j la pièce principale eft décorée de ftatues d'apôtres 3c de prophètes, hautes d'environ deux pieds , placées dans des niches 3c ad mirablemenr Travaillées. Les ornemens d'Eglife qui font dans ces facrifties font de la plus grande richef-fe ; on y voit plulieurs calices en or avec des bas-reliefs bien exécutés, des chande-' liers, des croix , un foleil en or enrichi de grappes de raifins formées avec des perles , 3c travaillé avec autant de vérité que de délicaieffe. On y fait voir quelques tableaux à l'aiguille , un cntr'autres qui repréfente les Juifs ïamafïant la manne. Cet ouvrage eft parfait dans fon genre pour l'entente no Mémoires d'Italie. des couleurs, la perfpe&ive& ledeflein , l'aiguille y a exécuté tout ce que Ton pouvoit attendre du pinceau le plus délicat. Il feroit difficile de trouver quel qu'où-vrage de ce genre que l'on pût mettre en comparaifon avec celui dont je viens de parler. Dans une grande armoire de cette fa-criftie on conferve un ancien couronnement d'autel, formé par trois portes gothiques toutes remplies de petits quarrés où font des bas-reliefs qui ont pour fujets différens traits de l'ancien ôc du nouveau teftament, dont quelques-uns font irès-bien rendus. Les ornemens qui les accompagnent font du goût de la bonne architecture j cet ouvrage , tout exécuté avec des os de cheval marin , eft un chef-d'œuvre de patience ôc d'adrefïe. Il eft: confervé dans fon entier. Dans une des facrifties au-deffus d'une porte , on voit un tableau d'une bonne manière, dont le fujet eft terrible. C'eft un Juif qui frappe avec un couteau une hol'tie dont il fort du fang , ôc qui lui-même eft frappé de la foudre au même inftant. En général, l'intérieur de cette églife ôc les facrifties renferment beaucoup de belles & excellentes pièces de peinture , de fculpture ôc d'orfèvrerie 3 ôc fur-tout Chartreuse de Pavie. m des morceaux rares que l'on ne trouve point ailleurs , confervés avec la plus grande attention ; ce qui ajoute encore à leur prix. Un frère lais, Vénitien , étoit chargé de faire voir la maifon aux étrangers , Se s'acquittoit de fon emploi avec la modeftie de fon état, beaucoup de po-liteife Se d'intelligence. Le cloître eit vafte , il eft formé par une galerie ouverte, fontenue fur des colonnes de marbre blanc d'une architecture fort fîmple. Les logemens des religieux font diftribués comme dans les autres Chartreufes autour du cloître y chaque religieux a deux appartemens , un 2u rez de chaulfée , Se un autre au-deflus , avec une petite cour Se un petit jardin, Se un ballin d'eau courante au milieu. Ces religieux vivent dans toute la régularité de leur état j ils ne voyent perfonne que leurs parens, Se encore avec la permiflion du prieur. Les cours Se les bâtimens extérieurs de ce monaftère n'ont rien de magnifique ; mais tout y eft bien entretenu Se d'une grande propreté ; il paroît °,ue tout s'y fait avec beaucoup d'ordre & de modeftie , même de la part des domeftiques les plus inférieurs. Avant la première porte d'entrée des lieux réguliers , il y a un corps-de garde •iii Mémoires d'Italie. garni d'armes à feu tout autour, où il y a quelques foldats entretenus pour la fureté de la maifon , dont un eft toujours en fentinelle , précaution aifez fage pour mettre cette riche maifon à l'abri de toute infuke. On ne peut y entrer qu'autant que cette fentinelle avertit. Un voyageur qui voudroit connoître en détail tout ce que cette maifon renferme de curieux , doit y refter plus d'un jour y les Chartreux exercent l'hofpitalité avec nobleffe. De cette Chartreufe à Milan , le chemin eft d'environ dix-fept milles j on rejoint la grande route à iept ou huit cent pas du monallère ; je ne dirai plus rien de la beauté du pays , dont la fertilité offre par-tout le fpecïacle le plus intéref-fant y je dois feulement ajouter que le chemin eft bordé de plufieurs rangs de grands arbres, ôc de deux de quelquefois trois canaux qui coulent en fens contraire, qui font à des niveaux différens , Ôc qui d'efpace en efpace fe fubdivifent pour répandre les eaux dans la plaine ôc y porter la fraîcheur ôc la fécondité. Ces canaux font continués jufqu'aux portes de Milan. Bornes du n. Milan , capitale du duché de ce i anois. ^ apr£s Rome Ja pjus grandi M I I A N. Uj Ville d'Italie , ce qui lui a fait donner le nom de grande ^Milano la grande. Le Milanois eft borné au Nord par le Valais, les bailliages des Suilfes Se le pays des Grifons ; au midi par les états de la république de Gènes, au levant par ceux de Vémfe , de Mantoue Se de Parme , au couchant par le Piémont Se le Mont-ferrât. Ce pays eft dans la fituation la plus heureufe, la plus fertile peut-être , &la plus riche de l'Europe , par rapporc a la quantité &: à la qualité de fes produc-tions.ll eft pofé prefque à la tête du triangle formé d'un côté par les Alpes,&; de l'autre bar la chaîne des Apennins , qui a pour bafe la mer Adriatique , & qui dans fon aire renferme la grande Ôc magnifique plaine de Lombardie , de plus de cent lieues de longueur, fur une largeur allez inégale , mais de laquelle on peut fe faire une idée , fur les proportions d'un triangle allongé. Le voilinage des montagnes , fur-tout dans la partie Supérieure du triangle, fait que la température de l'air n'eft pas aulfi douce Se aulli égale qu'à la bafe ; ce qui eft caufe encore que l'hyver eft affez rude a Milan , que l'on y a beaucoup de neiges, Se en été de fréquens orages , accompagnés de tonnerres Se d'éclairs. îi4 Mémoires d'Italie1; Hïftoirc de ii. Dans les différentes révolutions lljQ' qui font arrivées dans ce pays , il paroît que c'eft le fort de la ville de Milan qui a toujours décidé de celui du refte du pays ; ainfi en en rapportant quelque chofe , on pourra fe former une idée de ce qui y eft arrivé de plus remarquable. Elle fut fondée , au rapport de Titi-Live , l'an 364 de Rome par Bellovefe, neveu d'Ambigatus , Roi des Celtes , qui palfa les Alpes à la tête d'une colonie nombreufe de fa nation, ÔC qui forma le premier établiffement des Gaulois Infu-briens, dans cette partie de l'Italie. Bien-nus , roi des Gaulois Sénonois , qui lit enfuite une irruption en Italie , faccagea la ville de Milan , quoiqu'elle fut déjà défendue par une bonne muraille > flanquée de trente tours. On fçait comment ce guerrier féroce traita l'Italie ôc la ville de Rome même qu'il dévafta plutôt qu'il n'en fit la conquête {a). Dans des temps plus (a) Dans la guerre civile entre Othon & Vitellius , Milan , Novarrc , Ivrce & Verccil, comme les plus forres villes municipales de la Gaule Tianfpadanejfurcnt unies au parti de Vitellius.... Uc donum aliquodnovoprincîpi , firmijjima Tranf-padans. regionis municipia,Mediolanum acNovur-riam, cV Epo:ediam ac Verccllas adjunxere...Tn-cit. L. 1. Hijlor, Milan. 211 heureux, les Romains firent rétablir la ville deMilan, Se la portèrent à un tel point de fplendeur que les empereurs, pendant plus de trois lïécles , y firent fouvent leur réfi-dence. Dans les fiécles du bas empire, après la diviiîon de l'empire Romain en deux fouverainetés d'orient Se d'occident , nous voyons que les empereurs «nt préféré le féjour de Milan aux autres villes de leur domination. Quand ils n'y réiïderent pas, ils y tinrent un gouverneur ou lieutenant avec le titre de comte , qui avoit des troupes nombreufesà fes ordres, pour être en érat de s'oppofer aux incurfions des barbares dans cette partie de leur empire. Ce gouverneur étoit regardé comme ie général des armées en occident, (a). (a) Les plus anciens écrivains difent que Milan ctoit b métropole de la vicairic d'Italie j &q>.ie lieutenant ou vicaire des empereurs qui y réïî-«Qjt , faifoit les fondions & avoit les droits du préfet du prétoire dans toute l'Italie , Rome exceptée, &les vdles fuburbicaires de la depen-"•l'icc, dont U fera parlé ... Les beaux temps de Cette ville fuient a la fin du quatrième Iîécle , & I elege qu'en faifoit Aufone, lui convient encore a bien des égards.... 2i<5 Mémoires d'Italie. Attila, roi des Huns, faccagea cette ville lors de Ton irruption en Italie en 451. Eufebe fon archevêque en releva les murailles , de fit rétablir les principaux édifices. Mais environ Tan 570 Alboin, roi des Goths ou Lombards , étant entré en Italie, prit Milan qu'il traita fi cruellement , qu'il fit périr dans un jour trente mille de fes habitans. Ces barbares s'étant enfuite emparés de Pavie, en firent le fié-ge de leur empire , de lailferent Milan dans l'abaiffement. Pendant ce temps, les archevêques de cette ville fe mirent à la tête de fon gouvernement , de fe concilièrent l'affection du pays, par la protection qu'ils lui accordèrent , de le bien qu'ils y firent (a). Charlemagne qui dé- JSÏcdiolani , mira omnia , copia rerum ïnnumcr& , cult&quc domus , facunda virorum Ingénia , antiqui mores. Tum duplice muro Amplificata locifpecies, populique voluptas ■ Circus.......... Ec regio Herculêi, celebris fub honore lavacri. Maniaque in valliformam, circumdata labro. Omnia qu& magnis operum velut &mula for mis Excellunt, necjunclaprémitvich.ia Roms..... (a) Belifaire prit Milan fur les Oftrogoths, à la prière de Daciusqui cn écoit Archevêque , & il trui fit M I L A N» 217 truifit le royaume des Lombards, ôc donc le gouvernement étoit très-favorable aux eccléfiaftiques , donna lieu aux archevêques de Milan d'affermir leur domination, fi bien qu'ils jouirent des droits de princes fouverains dans prefque toute l'étendue de pays qui eft entre Gènes ôc Boulogne. Leur autorité fut portée à un point , qu'ils fe regardèrent comme in-dépendans du Pape même , ôc qu'ils fe mirent à la tête des Gibelins en Italie , ce qui n'empêcha pas Frédéric Barberoulïe de ruiner de fond en comble la ville de Milan en 1161 , châtimentqu'elle s'étoit attiré, autant pour avoir infulté vivement l'impératrice que pour avoir donné l'exemple de la révolte à toutes les autres villes de l'Italie j on prétend qu'il fit palier la charrue furies ruines, ÔC femer du fel en mémoire éternelle de l'opprobre , de Unfajnie ôc de la déiolation de ce peuple j quelques années après , lorfque cet empereur fe fut reconcilié avec le pape paroît que le général de l'empereur fe repofa fur Jc prélat du foin de conferver ta nouvelle conquê- tc- Ce cj_ù prouve le crédit des archevêques, & origine de l'efpicc de fouveraineté qu'ils ont ç*erc-'e G long-temps fur cette ville &c fur tour le Pays.... b Tome /. . * K xi8 Mémoires d'Italie. Alexandre III, il donna des ordres pour réparer la ville de Milan qui peu-à-peu s'accrut tk devint très-confidérable. Mais le crédit des Archevêques de Milan tomba avec la puilïance des empereurs eu Italie. LesTurriani, famille ancienne tk noble, fe rendirent maîtres de la ville de Milan tk d'une grande partie du pays , où ils dominèrent tant qu'ils eurent la force de fe maintenir dans leur ufurpa-tion. (a) Jean Galeas Vifconti dans le quatorzième fiécle s'empara de la fouverai-neté j il étoit vraiment digne de régner fur ce beau pays , qui lui doit fes principaux établillemens tk fa fertilité ; car d'une plaine occupée en grande partie par des marais incultes tk inhabitables , il en a formé un pays délicieux , au moyen des canaux qu'il Ht creufer par-tout pour raf-fembler les eaux tk affeinir le pays en le deiféchant : entreprife fi belle tk fi nécef-faire que tous les fouverains de cette contrée l'ont continuée tk l'ont portée au (a) Les Vifconti font connus comme grands feigneurs dès le onzième (îéclejils ont poffédé in-co'iti'ftablcment la feigneurie de Milan, depuis Je commencement du quatorzième liéck. 1 Milan. iïef point de perfection où elle eft aujourd'hui ; en quoi ils ont été imités par les poffef-feurs Se les fouverains des différentes provinces Se états iîtucs dans la Lombardie. Louis de France duc d'Orléans, fécond fils de Charles V, dit le Sage , avoit époufé Valentine , fille de Jean Galeas Vifconti, duc de Milan. Il hitftipulé dans le contrat de mariage, que li Jean Galeas venoit à mourir fans enfans mâles , ou fes enfans fans poftérité, le duché appar-tiendroit à Valentine ou à fes enfans. Ce qui arriva en effet : Jean Marie & Philippe Marie fils de Jean Galeas érnnt morts fans enfans légitimes , le duché de Milan appartenoit de plein droit à Charles , fils de Louis de France, duc d'Orléans, Se de Valentine Vifconti. Mais François Sforce , foldat de fortune , bâtard de la maifon de ce nom , qui avoit époufé la fille naturelle de Philippe Marie Vifconti duc de Milan , appuyé du crédit de l'archevêque Se du parri puif-lant qu'il s'étoit ménagé, Se des prétendus droits de fa femme , s'empara de la Souveraineté ; Louis XII roi de France , petit-fils du duc d'Orléans Se de Valentine Vifconti, Se en cette qualité feul héritier légitime du duché de Milan , fie H jîo MÉMOIRES dItàIÏE. valoir fes droits avec tant de fuccès qu il s'empara de tout le pays j ce fut par fes ordres que fut conltruit le canal qui communique de l'Adda à Milan. Il necon-ferva pas long-temps ce beau pays qui lui appartenoit ôc par droit de conquête ôc par droit de fuccelTion ; à peine fut-il de retour en France , que les Sforces , appuyés de l'Empereur ôc des Suilfes, châtièrent les François. François I, fuccelfeur de Louis XII à la couronne de France Ôc héritier de fes droits, revint dans le Milanois, où la bataille de Marignan gagnée contre les Suif-fes le rendit le maître de tout le pays en 1515. Il ne garda pas longtemps cette conquête *, les Sforces, foutenus de la protection de l'Empereur, rentrèrent de nouveau dans Mil.m. L'amiral Bonnivet y palïa avec une armée en 1 5 14 ôc fut contraint de fe retirer prefque aulîi-tôt. L'année fuivante le roi y alla en per-fonne , Ôc perdit avec la bataille de Pavie l'efpérance de jamais rentrer dans ce beau pays ; depuis ce temps le duché de Milan a appartenu à la maifon d'Autriche , ôc la poifeuion lui en a été alfùréc de nouveau par le tr.uté de lîadj de 17 4. En i~54, les troupes confédérées de France èv de Savoy e , commandées par le maréchal de Milan. ut Villars , s'emparèrent de Milan qui fut rendu à l'Empereur par le traité de paix de 1736. Il y eut quelques mouvemens de troupes dans le Milanois pendant la guerre qui dura de 1741 à 1748 5 mais comme le roi de Sardaigne Se la reine de Hongrie étoient unis enfemble, les troupes confédérées des François Se des Espagnols cauferent peu de changemens dans le Milanois , où ils ne purent s'emparer d'aucune place favorable. L'action la plus remarquable fe palîà fur le Tido-ne , qui fut plutôt une retraite honorable pour ces derniers qu'une victoire remportée fur leurs ennemis. 15. La ville de Milan fituée au 16e. *jn»tfaa j • • «a a 1 a f Milan. cegre 51 minutes de longitude Se au 45 e. degré 25 minutes de latitude, à unedif-tance d'environ douze milles des Alpes,eft bâtie dans un terrein abfolument plat. Elle a dix milles de circuit, depuis que Fernand de Gonzague , gouverneur du Milanois pour l'empereur Charles V, fit unir les fauxbourgs à la ville par une féconde enceinte de murailles terraftees, Se revêtues de battions d'efpace en efpace, Se défendues par un grand foffé plein d'eau. Baudrand dans fon dictionnaire géographique , Se la plupart des écrivains qui Kiij 2zi Mémoires d'Italie. ont fait la defcription de l'Italie, prétendent que la population de Milan alloit dans le milieu du dernier fiécle à deux cent cinquante mille âmes. Baudrand même paroît en parler comme témoin oculaire , 6c dit que c'eft la ville d'Italie la plus peuplée aptes Naples. 11 eft certain que depuis ce temps jufqu'a nos jours les chofes ont bien changé. Rome 6c Vénife font beaucoup plus peuplées que Milan , 6c Naples l'elt quatre fois autant. Milan, quoique fort étendue, ne compte pas cent mille habitans de tout âge Se de tout fexe. On entre dans cette ville par neuf portes principales ; elle eft divifée en fix quartiers, dans lefquels on compte deux cent foixante églifes ou chapelles principales , dont une cathédrale , onze collégiales , foixante 6c onze paroiffes, trente couvents de religieux , huit maifons de clercs-réguliers , trente fix monaftères de femmes, 6c trente deux églifes de con-frairies. lelîfe ca- *4* L'églife cathédrale fous le vocable thcdrale, de la fainte Vierge 6c de fainte Thécle , eft l'une des plus célèbres d'Italie par fes richefies 6c fa grandeur j elle eft également refpectable par fon antiquité 6c par le nom de faint Ambroife qui lui a donné M r L A M. 2 2.5 la forme qu'elle conferve encore, malgré une fuite de révolutions fàcheufes. Jean Galeas Vifconti duc de Milan l'a fait rebâtir dans l'état où on la voit , en con-fervant plulieurs monumens antiques que l'on croit inconteftablement du fiécle de S. Ambroife. Cet édilice d'architecture gothique étonne par la grandeur de l'entreprife §c limmeniité du travail. Il a dans oeuvre cinq cent pieds de longueur fur deux cent de largeur- Il elt foutenu par cent foixante colonnes de marbre , & partage en trois nefs fort larges. Les arcs qui fou-tiennent la grande coupole ont quarante-huit pieds d'ouverture i il y a cinq autres coupoles qui fervent à éclairer la croifée ôc les nefs. Le pavé qui doit être de marbre n'eft pas entièrement achevé. Cette églife , la plus grande d'Italie , après faint Pierre de Rome , n'a rien à l'intérieur qni frappe plus que la grandeur ; mais ce qui eft vraiment étonnant, c elt le travail de l'extérieur , tk la quantité de niches, de ftatues-de marbre de toute grandeur, dont les murs font revêtus du bas en haut avec tant de profulion, que la plupart font placées de manière a ue pouvoir être vues. On peut regarder Je deifeinde cette Eglife comme le coin- 224 Mémoires d'Italie. Me de h folie en architecture gothique, ôc je ne crois pas qu'il exifte encore un édifice ruiïî chargé d'ornemens inutiles. Cepen 'ant comme ce plan , tout finguliet qu'il efi: , a une forte de magnificence qui lui eft particulière , on l'entretient avec foin , ôc on y travaille comme fi on avoit deftein de le finir. Quoique 1 on y foit occupé depuis plus de trois cent ans , la grande coupole n'eft point encore achevée, jnon plus que la quantité d'ornemens qui doivent couronner à l'extérieur cet im-menfe bâtiment. On dit que les écha-fauts feuls qui font toujours élevés au-t tour, coûtent des fommes confidérables X entretenir ; mais ce qui manque ofTèntiel-lement , c'eft le portail qui devroit annoncer ce magnifique édifice ôc qui n'eft encore qu'en projet. Il y a feulement cinq portes ouvertes , quatre petites Ôc une grande ; elles font belles ôc d'une architecture fort noble dans le goût Grec,& décorées de quelques bas-reliefs. La porte principale eft accompagnée de pilaftres qui ont fept pieds de diamètre. Il y a plulieurs projets pour l'exécution de ce portail} les uns pour fuivre ce qui eft commencé ôc le continuer dans le goût Grec , les autres pour le conftruire dans le goût gothique, qui eft celui qui paroît le mieux convenir au refte de 1 édifice. Mais if n'y a pas apparence qu'il foit jamais achevé. La raifon fecrette que l'on dit dans le pays, eft que les fonds, dont les revenus font deftinés à ces conftruétions , doivent retourner à certains particuliers, dès qu'elles feront entièrement achevées. Ces revenus font coniîdérables 8c ad-miniftrés,fuivantle titre de la fondation, ar une fociété de nobles Milanois éligi-les par le gouvernement municipal ; comme tous ont droit à cette forte d'admi-niftrarion qui leur eft utile j c'eft , dit-on, la caufe pour laquelle on ne doit jamais efpérer de voir cette églife achevée dans toutes fes patries. Cependant on y travaille continuellement ; mais plus à réparer ce que la fuite des temps, les injures de l'air, & fur-tout les orages fréquent dans le Milanois , altèrent ou détruifent, qu'à terminer cette vafte enrreprife. Plu-fieurs de ces ftatues font des plus excellens maîtres. On voit entr'autres ckns le chevet du chœur, derrière le maître-autel, le S. Barthelemi écorché qui porte fa peam fur fes épaules , dans le goût à-peu-près que l'on habille Hercule de la dépouille du lion de Némée, ouvrage de Chriftophe Cibo qui étoit deftiné à être mis dans une «ka niches extérieures ^ mais qui à raiLoci 116 Mémoires d'Italie. de fa beauté , fut placé où on le voit encore j les Milanois ne manquent pas d'af-fûrer qu'ils ont refufé de troquer cette ftatue poids pour poids contre de l'argenr. On en voit une quantité en Italie que je crois fortau-deffus de celle-là, Se que l'on auroit à bien meilleur compte. Les tableaux Se une partie des ornemens intérieurs de cette églife font autant de trophées érigés à la gloire de S. Am-broife. Ceux qui ont été faits dans ces derniers temps ont pour objet faint Charles Borromée , Cardinal Se Archevêque de Milan , que l'on doit regarder à jufte titre comme le héros de fon état, pendant le fiécle qui l'a vû naître Se mourir. Tomhcau de 15. Le tombeau de ce faint eft dans un ôméerl"Bor" 1"outerrein ouvert dans le milieu de la croifée , au bas de l'efcalier du chœur, Se tant par les précieufes reliques qu'il renferme que par fa lïcheiTe , il mérite d'être vû de tout voyageur chrétien qui refte quelque temps dans cette ville, où tout eft encore rempli des monumens des vertus de ce héros du chriftianifme. La chapelle où repofe fon corps eft Tnagninquement ornée Se prefqu'entiére-ment revêtue d'orfèvrerie. Lescariathides de demi-grandeur, Se qui femblent fou^- Milan. 2:17 tenir la partie inclinée de la voûte qui fe termine à un grand œil de boeuf, font des figures fymboliques, repréfentant les vertus de S. Charles , telles que fa juftice , fi religion , fa prudence , fa charité , fa fcience, fit libéralité. Huit bas-relifs en orfèvrerie tk d'une très-belle exécution > • couvrent le refte île la voûte ; j'ai fur-tout admiré ceux où le faint eft repréfente adminiftranr lui-même les facremens aux: peftiferés dans le Lazaret, tk où il eft: à la tête d'un concile provincial. La tapif-ferie qui cou v roi t ce que l'orfèvrerie laif-foit de libre étoit une riche étoile d'or. L'autel fur lequel on dit continuellement des méfies eft tout d'orfèvrerie *, c'eft derrière cet autel qu'eft la chalfe où font les reliques du faint. Elle eft enfermée dans-une efpéce de coffre quarré de bronze da-mafquiné en argent, tk que l'on ouvre par le moyen de deux machines à vis qu'é-îeve la pièce qui eft du côté de l'autel. Alors on voit la châfte formée de grands niorceaux de criftal dero.he unis par des bordures d'argent doré , tk qui forment enfemble un efpace aftez grand pour contenir le faint couché dans toute fa longueur ; fa crolfe entre fes bras , tk revêtu de fesj ornemens pontificaux qui font" blancs ^.brodés en or. II aies mains jointes- 2*8 MÉMOIRES dTtALIE. ôc fon nnneau paftoral au doigt. Lespier-xeries qui ornent la partie fupérieure de La crofie, font d'un grand prix, tk ont été données par trois joailliers de Milan. La couronne d'or qui efi fufpendue fur la tête du faint tk qui eft enrichie de beaux diamans, eft le préfent d'un duc de Bavière. On ne voit à découvert que le vi-fage, le nez eft prefque entiéiement tombe , l'œil gauche eft enfoncé au point qu'il paroît fondu dans la tête. La peau eft fort brune tk collée fur les os. Cependant on xteonnoît la même forme de vifage , tk fur-tout le menton quarré tk un peu long dans les comtes Borromei qui vivent encore. Derrière cette chapelle eft un petit cabinet qui fert de facriftie, où étoit le premier tombeau du faint. Ce qui eft vraiment (impie 6V: touchant, c'eft fon épitaphe telle qu'il l'avoit demandée avant que de mourir , tk où il eft dit qu'il a voulu être enterré dans cet endroit, afin que les fidèles defondiocèfe, ôc fur-tout le dévot fexe, puffent venir plus fouvent prier pour le repos de fon ame. Au-deffus de cette épitaphe eft le feul portrait qui ait été fait de lui ; il eft fous glace & expofé d la vénération du public , dans une petite galerie tapilfée d'une étoffe rouge Se or , ôc éclairée par planeurs lam- M r L A N. 2ZO pes d'argent. Elle aboutir au petit chœur fouterrein où l'en fait L'office de nuit pendant 1'hyver. En entrant dans cet endroit, on fe fent pénétré d'un refpect religieux en appro-chantdes triftes relies d'un ii grand-homme mort a quarante-iîx ans en 1584, victime de fon zélé & de la plus ardente charité pour le troupeau qui lui avoit été confié, qu'il n'abandonna pas un inftant, ôc pour lequel on peut dire qu'il donna fa vie en vrai paffeur. Un grand dais fufpendu à la voûte couvre l'œil de bœuf qui eft entouré d'une baluftrade de fer doré ôc d'une multitude de lampes toujours ardentes. 1-e cardinal Angelo Maria Quirini, évê-que de Brafcia, avoit une dévotion particulière à S. Charles, ôc a contribue à la décoration de fa chapelle. C'eft ce même cardinal Quirini, fi connu dans la littérature , autant par fes connoilTances particulières , que par l'affection qu'il avoit pour tous les gens de lettres. Au-delTùs ciu maître-autel on voit quelques lampes en forme de croix & toujours ardentes devant une des reliques les plus précieufes de la paiîion du fauveur j c'eft un des doux qui ont fervi à attacher Jefus-Chrift en croix, & qui fut donné à l'églife de Milan par l'empereur Théo- i50 Mi m 01r e s r'Ital if\" dofe. Onair.ire qae c'eft un de ceux dont-on fit un frein au cheval de Conftantin, premier empereur chrétien j deux des quatre ayant été employés à cet ufage. Cette relique avoit été négligée jufqu'au temps de faint Charles ,qui en fit la translation folemnelle au lieu où elle eft à préfent expofée ; il indiqua une procellion générale qui fe fait tous les ans le trois de mai , auquel jour l'archevêque porte le faint clou en pompe. Saint Charles multiplia en quelque façon cette fainte ieli-que, en ayant fait faire plulieurs figures qu'il fit toucher au précieux clou. Il en envoya une en préfent à Philippe 11 roi d'Efpagne ,. alors fouverain du Milanois. La iacriftie de cette églife renferme un tréfor cohfidérable par fa richeife, ôc fort accru, dans le fiécle dernier , par les pré-fens confidérables offerts au tombeau de -faint Charles. On y voit plulieurs ftatues d'argent de grandeur naturelle, entr'autres celles de faint Àmbroife Ôc de faint Charles j du duc Charles Emmanuel, grand-pere du roi de Sardaigne régnant, cV à laquelle il refifemble parfaitement, ôc d'un Caraccioli de Naples ; des chandeliers t, des calices-, des encenfoirs, & un foleil pour expofer le faint facrement, d'un beau travail ôc entièrement d'or . de mémo M i i a n. 2il que la grande croix que l'on porte devant le chapitre lorfqu'il marche en proceftîon. Le catalogue de tous les reliquaires, ftatues de faints tk autres pièces de ce genre,fe-roit confidérabie tk riendroit trop de place ici. On doit remarquer un coffre d'or orné de petits bas-reliefs, très-délicatemenr travaillés, tk une paix au-bas de laquelle eft un fcpulcre, tk au-delTus une Gloire d'anges, d'un ouvrage fini. On voit dans le chœur plulieurs tombeaux des princes fouverains de Milan , qui n'ont rien de remarquable ; ils font moins ornés que celui de Jacques Mé-dici, Marquis de Àlarignan , frère du pape Pie I\,r , dont la ftatue eft en bronze, accompagnée de quatre autres figures allé-, goriques aufli de bronze. Ce Jacques Mé-dici que quelques uns de nos hiftoriens: appellent Medegneri, affectoit de prendre-le nom de Mcdicis tk de fe dire de la-même maifon que ceux de Florence >. quoiqu'il n'en frit rien ; car on dit que fon pere avoit commencé par être barbier. 16. L'office fe fait dans cette églife Rît Amtoj avec beaucoup de décence & de piété. On Ien' y fuit le rit Ambrofien, de même que dans la plupart des églifes féculieres de Milan. Le fends de la liturgie eft le me- zji Mémoires d'Italie. me que celui de l'office Romain ; maïs la diftriburion des pfeaumes pour les parties de l'ofîice, Se des prières 6V: cérémonies dans le facrifice de la mené, y font différentes. Lorfque les papes engagèrent toutes les églifes d'Occident à fe conformer aux ufages de l'églife de Rome pour la célébration de l'office divin 6V: la récitation du bréviaire ; l'églife de Milan , pour ne rien changer à fes ufages, fe mit à couvert fous le nom Se l'autorité de S. Am-broife. Elle prétend avoir confervé fon ancien rit jufques dans la manière de chanter. Le chant Romain eft plus doux ôVr plus grave , l'Ambrofien eft plus fort Se plus aigu. C'eft encore fuivant le rit Ambrofîen que le carême ne commence à Milan que le dimanche de la Quadragéfîme, les quatre jours qui le précédent n'ayant été ajoutés pour compléter les quarante que dans le feptiéme fiécle : ufage qui attire une multitude d'étrangers à Milan , où les théâtres ne font fermés , & les plaifirs du carnaval ne ceffent que le famedi au fbir. Il en eft de même de Pabftinence & des proreflions des Rogations, ou qui n'a-voient jamais été obfervées dans l'églife de Milans qui n'y étoient plus en ufage M r i a n. ijj S. Charles les rétablit, tk pour conferver les libertés de fon églife , il les plaça huit jours plus tard que dans l'églife Romaine, c'eft-à dire les lundi, mardi, tk mercredi après le dimanche dans l'octave de l'Af-cenlion. Cette cérémonie pieufe commence parla diftribution des cendres, qui ne fe fait point dans cette églife au commencement du carême comme dans l'églife Romaine (a). 17. Le haut chapitre de l'églife ca- ck^1JJrnc°'Ir"* thédrale de Milan eft compofé de trente îaùdcrÂrek. chanoines nommés par l'impératrice-reine de Hongrie ducheflè de Milan , parmi lefquels il y en a cinq en dignités , fçavoir un archiprêtre , un archidiacre , un primicier , un piévôt tk un doyen ; les quatre premières dignités , de même que la chaire de théologal,fe confèrent par l'archevêque qui prefque toujours eft cardinal. Partie de ces canonicats font def-tinés cà des eccléliaftiques qui doivent faire preuve de noblelfe, partie à des docteurs en droit canonique. (a) L'ufngc à Milan n'eft point de fonner les cloches en volée comme ailleurs 3 elles font fuf-pendues de façon qu'on ne peut ouc les tinter. C'eft fans doute encore une des fingularitcs du rit Auibrofïcn, 13 4 mémoires d'I t A l i F. Il y a outre cela un fécond collège compofc de trente-deux bénéiiciers qui forment un chapitre à part , dont les intérêts & les revenus font féparés de ceux du haut chapitre. Ce collège a la direction du chant 6V: des cérémonies de l'églife 3 tk l'infpection fur les chantres 6V: les mu-•ficiens. L'archevêque actuel eft le cardinal Jo-feph Pozzobonelli Milanois. Il a pour fuffragant dans fon diocefe, Monfeigneur Jofeph-Marie Marini , religieux de la congrégation des Anguftins reformés de Lombardie , évêque de Tagalle in par-tibus. Le palais de l'archevêché A côté de la cathédrale eft un bâtiment très-vafte qui n'a rien de remarquable \ on y conferve une collection con.'idérable de tableaux , parmi lefquels on voit des morceaux distingués des meilleurs peintres de l'école Lombarde \ tels que les Procaccini , tk le Morazzone , des tableaux du Guide, du Guerchin , tk du Tintoret , plulieurs tableaux des vues de Vénife , par Cana-lette, fort connu pour fon talent dans ce genre ; pluficurs morceaux de Jean Paul Parrini peintre , encore vivant à Rome décoré du titre de chevalier Romain, tk qui eft connu par la grande exactitude de M I t A N. 2J J fes tableaux de vues & deperfpectives ; il faut que ce peintre ait le faire fort aifé ; car quoique fes compositions par leur genre foient extrêmement chargées , on voit partout de fes tableaux (a). 18. Je n'entreprendrai pas de don- Aiitr«ég!i~ ner une defcription de toutes les églifes f"'sdc^llan" de Milan • je parlerai feulement de celles oii j'ai crû remarquer quelque chofe de curieux tk d intereftanr. .S. Alexandre églife de Barnabires ; l'architecture en eft belle tk la conftruc-tion foiide ; la voûte tk la coupole font couvertes de peintures encore fraîches , qui, quoique médiocres, ornent bien l'églife. Le maître-autel eft fort riche il eft tour revêtu de grands morceaux de lapis-lazuli, d'agates orientales , de caleedoi- • (a) C'eft dans ce palais que S. Charles pendant fon épUcopat a tenu fïx conciles provinciaux qui °nt ci oh merveilleux fuccès , furroutpour le règlement des mœurs des eccléliaftiques, & la ma-"ierc de les difpofer au faint mimitère ; ils ont fetvi de modèles à ceux qui fe font tenus depuis dans l'Occident & furtout cn France > c'eft de leurs canons que l'on a tiré la plupart des réglcmcns concernant la information des moeurs , l'adminif-tratîon des facremens , la récitation de l'office oivin, le gouvernement des hôpitaux, la viiîte d« diocéfes, &c... 1 $ 6" Mémoires d'Italien nés, de jafpes fanguins , Sec. places par compartimens de différentes formes , Se joints enfemble par des ornemens de bronze doré. On m'a dit qu'un duc de Mantoue avoit amalfé ces pierres précieu-fes à grands frais ; mais ayant eu quelque intérêt à démêler avec l'empereur qui le fit affiéger dans la capitale de fes petits états , un Barnabite, fon confeffeur, cacha li bien tous ces effets précieux qu'ils échappèrent aux recherches du foldat vainqueur j la paix faite, le Barnabite les.ob-rint du duc de Mantoue Se les fit trani-porter à Milan , où ils fervent aujourd'hui à orner un autel , dont l'enfemble eft éblouiffant ; les gradins , les cotés Se le derrière de l'autel , Se même les degrés du marchepied , en font revêtus. Santa Maria prelfo fan Celfo : le portail & l'églife font revêtus de marbre blanc non poli. On entre par une cour quarrée entourée d'un portique. L'architecture du portail n'a rien de remarquable que plulieurs morceaux de fculpture très beaux ; les deux ftatues des Sybilles couchées fur le fronton , de même que le bas-relief qui eft au deflous , font de Fontana ; mais ce que j'ai vû fouvent Se toujours avec un nouveau plaiftr , font les ftatues d'Adam Se d'Eve par Artald* Milan. 257 î-orenzî Florentin , toutes deux de marbre blanc y la première eft noble , la féconde eft la figure de la beauté même, taillée par les mains des Grâces ; l'antique n'a rien de plus pur, de plus correct éc de plus agréable pour l'exprefiïon & le deffein que ces deux ftatues qui font dans des niches à côté de la porte d'entrée. Les contours, difent les artiftes, en font purs tk coulans , tk je crois que c'eft dans ces contours tk dans ce bel arrondiffement que confiftenr les grâces & la beauté des parties. Voyez tous les antiques Grecs , vous y retrouverez ces agrémens qui étoient ceux de la nature dans ce peuple fameux , tk que je crois que l'on y retrouve encore , à en juger par la conformation des peuples qui en approchent; L'intérieur de 1 églife dont je parle eft décoté d'une belle architecture , tk de quelques ftatues d'une grande beauté , qui iont de Fontana ; on doit y remarquer fur-tout les trois ftatues des prophètes , tk celle de la Vierge qui font aux piliers qui fouciennent la coupole ; à main gau :he, au bas du degré du fanctuaire , eft Une image miraculeufe de la Vierge , à laquelle on a grande dévotion. L'impe-ratnc >rcine de Hongrie y a fait quelques vœux dans ces derniers temps j elle y a 23S Mémoires d'Italie. même fait dépofer des étendarts enlèves' à fes ennemis. Cette dévotion du fou-verain a beaucoup augmente celle des fujets. S. Victor , San Viclon : églife de moines Olivétains , d'une architecture fort noble , très-bien éclairée, & toute ornée de ltucs blancs & or j la conftruction en eft moderne , & du meilleur goût. On prétend que c'eft de cette même églife que S. Ambroife défendit l'entrée à l'empereur Théodofe après le malfacre de ThefTalonique. On voit dans l'intérieur de la maifon plulieurs grandes colonnades qui forment différents cloîtres à la fuite les uns des autres , dont la perfpec-tive eft très-bien entendue. Cette congrégation d'Olivétains peu connue en France & qui n'a point de maifons hors de l'Italie , a é»;é établie dans le Siénois en Tofcane au commencement du XIVe. fiécle par Jean Tolomei , Ambroife Picolomini de Patrice Patrizi, tous trois nobles Siénois. Ils adoptèrent en 1319 la régie de S. Benoît , de mirent leur ordre naiflant fous la protection de la fainte Vierge ; c'eft la raifon pour laquelle ils portent l'habit tout blanc ; Je général demeure au Mont-Olivet en Tofcane , &c a dans fa dépendance quatre- Milan. ij^ VÏrgt monaftères, dont les plusrenommés font ceux de Naples ôc de Boulogne. Dans quelques uns on ne reçoit que des gentilshommes. Chaque maifon ell gouvernée par un fupérieur qui prend le titre d'abbé , ôc qui ell dans l'ufage d'officier avec les ornemens pontificaux, quoiqu'il n'ait pas reçu la bénédiction abbatiale. Cet ordre ell l'un des plus diflingués d Italie. Santla Maria délie Gracié : églife de Dominicains bien bâtie j dans la croifée à gauche , on voit un beau tableau du Titien , qui repréfente un couronnement d'épines ; il ell bien confervé & d'une beauté de coloris admirable. C'eft dans cette maifon qu'efl le tribunal de l'inqui-lîtion. Dans le réfeéloire de cette maifon au-delfus de la porte d'entrée, on voit le fameux tableau de la cène, peint en huile à fefque, par Léonard de Vinci ; je remarquerai que ni Richirdfon qui parle fort au long de ce tableau, ôc qui rapporte a ce fujet beaucoup d'anecdotes, ni M. Cochin qui paroît lavoir vu, n'en parlent exactement. Le premier dit qu'il ell effacé à plus de moitié, ce qui n'eft point vrai^ ôc qu'il efi placé fi haut qu'on ne peut le Voir ■ d ell au-deffus de la porte du ré- tJLc Mi moires d'Italie. fectoire qui eft d'une hauteur médiocre Ôc les figures font de grandeur plus que naturelle, Ôc on les voit très-bien. Il y a des parties mieux confervées les unes que les autres j mais il n'y en a point d'abfolument effacées. Le S. Jean n'eft point appuyé fur la poitrine du Sauveur, comme le dit M. Cochin ; je n'ai pas pris garde s'il avoit effectivement fix doigts à la main comme il l'avance. Je fais exprès cette remarque pour montrer combien peu font exactes îa plupart des relations des voyageurs, même pour les faits dont ils font le plus en état de juger. Cette grande compofition eft digne de la réputation de fon auteur , ÔC eft pré-cieule par rapport à fon ancienneté & à fa confervation. Il ne paroît pas que l'on air touché à ce tableau depuis le temps de Léonard de Vinci. On voit dans ce même réfectoire quelques portraits des Vifconti , peints de leur temps. Sancla Maria délia Vittoria , jolie petite églife revêtue de marbre blanc. L'ar-chitectu'e en eft très bonne. Le tabernacle du maître-autel eft formé par deux anges qui foutiennent un petit temple antique de bronze. Les draperies des anges font dorées ; cette idée eft belle Ôc bien exécutée. Deux grands candélabres de bronze Ml lan. 24f bronze doré d'une belle forme 3c ornés avec goût font au-devant du même autel. La lampe d'églife pendue au-devant du fanétuaire eft de bronze 3c d'une componction aufli ingénieufe qu'agréable ; elle eft formée par un groupe de trois enfans, dont les jambes font entrelacées 3c qui fouriennent une couronne de fleurs. Ces différens morceaux paroiffent du même artifte. Saint Ambroife ( fan Ambrogio ) : pof-féde les reliques de ce faint Se celles de fainte Marcelline fa fœur , dont on voit les tombeaux j elle fut confacrée par S. Ambroife lui-même , fous le titre de faint Gervais Se de faint Protais , lors de l'invention des reliques de ces deux faints qui y furent placées par le faint évêque , dans un temple qui avoit été autrefois dé-. dié à Minerve. Dans la tribune de cette églife , on voit un ferpent d'airain fort ancien ; quelques-uns ont cru que c'étoit un Efculape y d'autres que c'eft la repré-fentation du ferpent d'airain élevé dans le défert par ordre de Moyfe. Le petit peuple de Milan croit que c'eft le ferpent même du défert & y a quelque dévotion. On voit dans cette églife la chapelle où S. Auguftin , fon fils Adeodatus, Se fon ami Alipius fuient baptifés, ainli que le • Tome I. * L 24* Mémo iris d'Italie. porte l'infcription qui elt fur l'autel. C'eft dans cette même églife que faint Bernard abbé de Clairvaux , revenant de Rome & célébrant la méfie, délivra du démon une dame d'une naiflance illuftre. Ce miracle authentique, rapporté par les auteurs contemporains les plus dignes de foi j eft une preuve admirable de la préfence réelle de Jefus-Chrift au facrement de l'Euchariftie j c'eft par fon nom augufte ôc fa vertu toute puihante que faint Bernard força le démon à quitter Je corps dont il s'étoit emparé ôc qu'il tourmen-toit de la façon la plus cruelle. Dans le monaftere voifin, tenu par des religieux de l'ordre de Cîteaux , eft une chapelle bâtie à l'endroit même où faint Auguftin entendit ces paroles , toile & lege , ainii qu'il l'explique lui-même dans le livre 8e. de fes confeflïons. Ces monumens refpectables font vraiment dignes de la curiolité d'un chrétien , qui revoit les endroits où fe font opérées de ii grandes merveilles en faveur de fes maîtres ôc de fes docteurs dans la fcience éminente du falut. San Na^arlo , ancienne collégiale : on y voit encore le pavé qu'y fit faire Serene femme de Stilicon , ôc le tombeau de Jean Jacques Trivuice, noble Milanois , Milan. 24J maréchal de France fous François premier , avec cette épitaphe, qui numquam quitfcit, quiefcit , tau. Il femble que celui qui l'a compofée ait eu peurqu'on n'éveillât ce vieux militaire, & qu'on ne le remît en mouvement pour troubler de nouveau fa patrie. San Loren^o : églife collégiale &c pa-roiiiiale dont l'architecture eft d'une fin-gularite tk d'une hardiefte qui étonne ; le plan elt octogone } quatre des côtés font des portions de cercle en enfoncement qui forment la croix de l'églife, tk dans lefquels. s'élèvent des colonnades à deux ordres l'un fur l'autre qui forment des galeries tournantes. Dans les quatre côtés, qui font cn ligne droite, s'élève un ordre de colonnes aulli haut que les deux autres tk qui fert i porter le dôme. Cette conftruction finguliere , peut-être unique dans fon efpéce tk hors de route régie, a fa beauté, tk une noblelfe qui la rend vraiment digne de l'ufage auquel elle eft destinée. Un autre mérite encore, c'eft qu'une églife conftruite de cette manière n'a pasbefoin d'autres ornemens, pour avoir toujours un air de magnificence. Dans le voilinage de cette églife que ' on prétend avoir été conftruite fur les ruines d'un temple confacré à Hercule qui Lij 244 MÉMOIRES D I T A L I E. fut bâti pat l'empereur Maximin , eft un. très-beau refte d'antiquité , compofé de feize gtolfes colonnes cannelées , d'une très-belle proportion. Je n'ai pu fçavoir quelle étoit la tradition du pays fur ce monument antique , ni à quel ufage il éroit deftiné y ce qu'il y a de certain, c'eft qu'il a fait partie d'un édifice très-magnifique &c très-vafte , à en juger par la grof-feur &: la beauté des colonnes (a). Santa Catarina in Brera : monaftére de religieufes dires, monaché umiliatéquï fuivent la règle de S. Auguftin. Leur petite ézlife elt de la plus grande propreté. La baluftrade qui enferme le maître-autel Se les deux chapelles collatérales eft formée par des enfans de bronze d'environ deux pieds de hauteur, qui tiennent dans dJVeries attitudes , des vafes de marbre (a) L'inlcription fuivante gravée fur une pierre, poféc à une des extrémités de la colonnade, fcrc au moins à en fixer l'âge.... IMPERATORL CAÈSARI. L. AVRELIO. VE-RO. AVG. ARMENIACO, MEDICO. PAR-THICO. MAX. TRIB. POT. VII. IMP. IIII. COS. IIJ. P. P. DIVI. ANTONINI. PII. DIVI. HADRIANI. NEPOTI. DIVI TRAIANI PAR-THIÇI, PRONEPOTI. DIVJ. NERYAE. AB<* tfEPOTI. DEC. DEC. Milan." i4j choifi Se de différentes formes , d'où forcent des fleurs de bronze doré. Cette idée bien exécutée efi fort noble. Dans une des chapelles eft un très-bon tableau du chevalier del Caïro , qui repréfente le mariage de fainte Catherine : fujet heureux qui a été traité avec fuccès par tous les peintres de réputation. SanFedele in Brera : églife de la maifon profefTé des Jéfuites, de l'architecture du Bramante. Le bâtiment du collège qui eft dans Je même quartier n'eft point achevé. Le grand efcalier Se la colonnade a arcades doubles qui font Tune fur l'autre cvT qui font finies, font un grand effet. Au bas de l'efcalier eft une ftatue de la Vierge , plus grande que nature , pofée fur un globe de bronze Se foulant aux pieds un ferpent qui jette de l'eau par la tête. Si cet édifice étoit fini, il fe-roit l'un des plus majeftueux de Milan. Il y a une multitude d'autres églifes dont je ne parle point, Se où l'architecture, la feulpture Se la peinture étalent leurs beautés. Je dois avertir ici , que l'on m'entendra parler plus fouvent des beaux monumens de feulpture que des autrç>s merveilles des arts que l'on trouve en Italie y parce qu'ils font moins fujets à 5 altérer Se que l'on eft plus afluré de les 14^ MÉMOIRES T)'I T A L I E. retrouver clans le même état 8c dans le même endroit. Bibliothèque l9< La bibliothécme Ambrofienne y commencée par laint Charles 8c continuée par deux cardinaux de fa maifon , qui par modeftie ne voulurent ni les uns ni les autres que cet établnTement aulîi beau qu'utile portât leur nom , eft ûtuée dans le centre de la ville. ( Avant que d'aller plus loin , je remarquerai que la devife de la maifon Eorro-mei eft le mot humilitas, que Ton voit écrit en grands caractères gothiques dans tous les établiifemens qu'elle a faits , ou auxquels elle a eu quelque part). Les bâtimensqui lui font deftinés n'ont rien de magnifique : la première pièce eft un petit veftibulepeu orné, où, autant qu'il m'en fouvient , eft une infcription qui défend fous les plus grandes peines fpi-rituelles 8c temporelles, de dérober les livres , 8c même de les transporter ailleurs. Enfuite eft la falle de la bibliothèque qui eft un quarré long de foixante pieds fur vingt-quatre de largeur 8c trente-fix de hauteur ; une galerie tournante donne la facilité de prendre les livres qui font dans les tablettes du haut. On prétend que l'on y compte environ- M I t A N. 247 trente - huit mille volumes imprimés-On y conferve plulieurs recueils de lettres écrites à S. Charles ôc plulieurs réponses de fa main. Le plus curieux des ma-nufcrits eft un recueil en douze volumes fait pir Bonard de Vinci, avec plulieurs deffeins de ce maître, Ôc un grand nombre d'autres des plus célèbres peintres de fon temps ou qui l'avoient précédé ; on y voit un volume des anciennes machines de guerre, toutes deilînées par Léonard de Vinci. Il y a plulieurs autres manuf-crits anciens & bien confervés les cardinaux Borromei n'ayant rien épargné pour enrichir cette collection , ôc ayant envoyé pour cela en Orient ôc dans les principaux états de l'Europe , deux hommes en état de répondre a leurs vues (a). (a) Lolgiati & Grazio de Siene furent envoyés , l'un cn Europe, l'autre au Levant & en Afïc, pour y recueillir les manuferits qu'ils pourroient y trouver. La collection qu'ils y firent eft précieufe, & allez confidérablc j on y voie plulieurs manuferits Coptes, Arabes, Siriaques, Perfans, une quantité de manuferits Grecs & Latins. Je rapporterai ici le titre de quelques-uns de ces manuferits qui pourront douncr une idée de la collection.... Partie de l'ancien teftament en lettres uncialcs , manuferit Grec , fur velin très-beau , du VIIe. Liv 24^ MÉMOIRES dItALIE. c.itïesdel'a- 10- O'1 traverfe enfuite une petite cour cadcmic de entourée d'une colonnade, Se on trouve les peinture Se de cuIpcure.Vni-_____ terlicc. fièclc.... Les proverbes de Salomon & l'Eccléfiaf-ticjue , fur velin , du Xe. Iîécle... Un voh:me de l'hifcoire de Jofeplie , commençant au oiv/iéme livre. On croie que c'eft la féconde partie du manuferit qui eft à la bibliothèque du toi de France... Les liturgies de S. Jean Cliri-foftôme Se de S. Balîlc , très-ancien manuferit, bien confervé... Eufébe , de la démonftnrion evangelique , manuferic imparfait, cependant précieux à caufe de fa rareté. L'échelle de S. Jean Climaquc, ouvrage a fcé tique, manuferit du Xe ficclc. Lcsépî-tres dcSinelius & quelques-unes d'Hérodien, manuferit fur foie... Les hiftoircsdc Xénophon, fur foie... Les œuvres de Plucarquc cn divers manuferits de différens fïcclcs , les uns fur foie , les autres fur velin... Un volume qui comprend ks ouvrages de trois auteurs Grecs fur l'aftrologic judiciaire, qui fe font deguifés fous les noms Arabes d'Apomafar, Mpalis & Rhamulius, fans doute, parce qu'il étoit défendu de leur temps de profelfcr cette fcience.... Un manuferit considérable fur foie qui renferme les ouvrages de différens auteurs fur l'art de faire l'or. Ils font au nombre de dix-fept ; les titres principaux font... Héliodore à Théodofe fur i'art miftique... Hié-rothée philofophc fur l'art divin... Pelage philo-fophe fur l'art facré & divin... La pbilolbphie miftique de Démocrite fur la confection de l'Azi-me... LedivinZofime fur la vertu & l'eau divine... L/hiftoirc del'Iiiadc d'Homcrc, manuferit fui: Milan. a49 filles de l'académie de peinture 6c de feulpture. La falle de feulpture contient les plâtres de plulieurs antiques, 6c des velin du XIe fiécle avec des miniatures qui repré-fentent les principales actions ; les figures font dsun deffein roide , fans intelligence de lumière ni de perfpeclive... Plulieurs beaux manuferics de poètes Grec,... Héfiode... Efchyle,... Sophocle,..* Euripide,... Pindarc,... Licophron, ...Mofchus,... Ariflophanes,... Théocrite , ... tous les manuferits font Grecs. Parmi les Latins, les plus remarquables font...' recueil de différens ouvrages dont le premier eft Gennadius fur les dogmes Eccléfiaftiques... enca--ractétes Lombards du VIIF fiécle.... Les commentaires de S. Ambroife fur les évangiles en mêmes caractères & du même fiécle...Re~ cueil de penfées & maximes tirées des SS. Percs très-beau manuferit du VIIe fiécle... Le copifte à la fin du manuferit elfayc de prouver par la com-binaifon des lettres de ces mots Gen/ericus Van-dulorum rex, Se par le jeu de mots qu'il en fotme,, que ce prince elt l'Antechrift... Defcription de l'Archipel avec des cartes topographiques peintes' en rouge , manuferit fur foie du XIV" fiécle. L'hiftoiie des Juifs par Jofephe , très-ancien, manuferit latin , fur papier d'Egypte. Virgile manuferit qui a appartenu à Pétrarque S: qui eft tout noté de fa main . ... quelques parties des ouvra--ges de S. Thomas d'Aquin , de fa main même... Traduction del'hiftoire de la guerre de Troie, par Darès Phrygien , eu vers François, manuferit. du XP fiécle.... 250 Mémoires d'Italie. morceaux les plus diftingués des grands maîtres d'Italie , de même que quelques cartons ou deffeins originaux. La falle de peinture eft plus riche ; on y voit quelques originaux des meilleurs peintres. J'y ai furtout admiré un tableau de Frédéric Baroccio , qui a pour fujet une Vierge qui adore l'Enfant Jefus qui vient de naître y S. Jofeph à côté tk en contemplation, Se audeffus une Gloire d'Anges : l'air de fainteté tk de fatisfaction répandu fur le vifage de la Vierge qui eft de toute beauté, eft happant. La lumière y eft fagement tk naturellement diftribuée , il n'y a poinr d'incorrection de deffein , ni de ces bifar-reries que l'on trouve quelquefois dans les tableaux de ce maître. C'eft l'un des plus agréables que j'aie vus. Mais ce qu'il y a de plus rare , font plufieurs tableaux Flamands du premier mérite. Les quatre Elémens peints par Breughel de Velours" font de la plus grande beauté tk d'un travail qui étonne. Pour en bien juger, il faut confidérer a laîoupe , une mu Ititude de petites figures , fymboles de chaque élément , qui font defïînées correctement, peintes avec la plus grande vériré j tk qui cependant cchapperoient à la vue fans ce fecours .On prétend qu'il n'exifte rien d'aufîi beau Milan. x 5 1 dans ce genre que ces quatre tableaux. Derrière ce bâtiment eft: un jardin de fimples à l'ufage des étudians en médecine de cette univeriité , où les mêmes fondateurs ont établi feize docteurs - régens qui profelTent gratuitement les fciences & les arts. Cetétablilïement fut formé pour le progrès des fciences dans le Milanois j & la collection dont je viens de patler , éroit la plus coniïdérable de l'Italie après celle du Vatican , avant que l'inftitut de Bologne eût été enrichi par le pape Benoît XIV au point où il eft aujourd'hui. L'aîné de la maifon Borromei porte le titre de confervateur perpétuel de cette univeriité \ celui qui en eft revêtu eft monfeigneur Vitaliano Borromei, archevêque de Thèbes in panibus 8c nonce à Vienne. Le féminaire des clercs 8c le collège helvétique, fondés te bâtis par S. Charles , font deux édifices qui méritent d'être vus. Les colonnades 8c les galeries qui ornent les cours de ces deux maifons, font d'une architecture régulière 8c noble j les portes d'entrée font décorées d'une très-grande manière , 8c annoncent la beauté de ces maifons. H„ .. a j. Il y a plulieurs établiflemeiis de Lames. tvi iji mémôirh5 dTtAï.ÏEV charité à Milan , pour les malades , les vieillards , les pauvres enfans, orphelins, abandonnés ou inconnus. Celui qui tient; le premier rang eft le grand hôpital , la SpedaleMagiore^dans le quartier de la porte Romaine. Les bâtimens en font grands , folides &c ifolés de tout autre édifice ; la grande cour eft belle, ornée d'un portique à colonnes, d'une bonne architecture tk de belle proportion. Les faites de l'hôpital forment deux grandes croix, dans lefquelles les lits fontdifpofés de façon que l'autel étant au milieu de la croi-lée , chaque malade peut voir de fon lit le prêtre à l'autel tk entendre la méfie. Sous cette grande croifée font des falles voûtées dans lefquelles font établies plusieurs manufactures où fe travaillent les toiles , les étoffes , Se ce qui eft néceffaire à l'entretien de l'hôpital. Dix-huit députés, du corps de la nobleffe , pris dans les fix quartiers de là ville, Se nommés par 1 archevêque, font à la tête de l'adminiftration de cet hôpital y douze de ces députés changent tous les ans j il y a outre cela plulieurs officiers pour la régie des biens tk le maintien de la police. Le fpirituel y eft gouverné par quatre curés Se quatre vicaires réfidans-, fix confeflëurs Capucins 9 Se un pour les M r t a n: 2-5/ langues étrangères. On entretient dans-cet hôpital quatre mille perfonnes , tanr malades qu'ouvriers. Les autres établiffemens de ce genre font moins' confïdérables j ils font de même gouvernés par des députés pris dans le corps delà nobleffe. Dans tous on dif-tribue chaque année un certain nombre de dotes pour marier des filles qui onr été élevées dans les confervatoires ou hôpitaux deftinés fpécialement à cet ufage , tk qui toutes fçavent quelques métiers' qu'elles y ont appris. Sous la direction du grand hôpital eft le Lazaret ou hôpital des peftiférés, bâtiment immenfe fituéà la porte orientale hors de la ville. Quatre grands portiques' foutenus par de petites colonnes demi-gothiques , de douze cent pieds de long' chacun , entourent la cour ; le long de ces portiques par denieie font une quantité de petites chambres avec deux fenêtres oppofées pour pouvoir en renouveller l'air. Au milieu de la cour, eft un autel ouvert fous une efpéce de baldaquin octogone, tk placé de façon que de toutes les chambres on peut voir le célébrant. U y a plufieurs collèges pour l'éducation de la jeunefTe ; le premier eft tenu par les Barnabites de S. Alexandre } uif te4 Mémoires d'Italie. des principaux eft celui des Jéfuites de Brera , où ils ont beaucoup de penfion-naires. cs.fta- 21. La forme de la ville de Milan eft dificcs. roncle t l'églife cathédrale eft fituée prefque au centre. Au devant eft une grande place fans aucun ornement, ni aucun bâtiment remarquable. La place des marchands feroit très belle, ii on n'avoit pas bâti au milieu une grande halle qui la remplit prefque entièrement. Un des côtés de cette place eft décoré d'une belle architecture ôc de quelques otnemensde feulpture d'atfez bon gout. C'eft là que fe tient le tribunal pour la police ordinaire de la ville , de même que les autres tribunaux qui ont pour objet fon approvisionnement , la propreté des rues , les réparations publiques. Il y a une quantité d'autres places dont aucune n'eft régulière. Dans prefque toutes on tient des marchés deux fois la femaine , où fe débitent les denrées de confommation journalière que les payfans apportent de la campagne. Il y a quelques ftatues de bronze ôc de marbre de S. Ambroife ôc de S. Charles j mais qui étant la plupart dans des places trop étroites, font peu d'effet pouf" la décoration de la ville. On voit aulii quelques ftatues de la Vierge , clé- Mil an. 25f vées fur des colonnes , de grandes croix de pierre travaillées avec foin. La plu- f>art de ces monumens ont été placés dans" es endroits où faint Charles a ligna lé fon zélé pour la religion , foir en annonçant la parole de Dieu à fon peuple , foit en lui administrant les facremens pendant le temps de la pefte , foit en faifant quel-qu'autre oeuvre de charité (ignalée. Les rues qui font au centre de la ville font étroites, mal alignées , Se alfez mal bâties, mais fort peuplées. C'eft-la où ré-lident la plus grande partie des marchands c\.r des arrifam. Celles qui font près de la première enceinte font plus larges Se mieux alignées ; on y voit beaucoup de grandes maifons ou palais. Cette première enceinte eft environnée d'un rolfé rempli d'eau qui communique aux deux canaux, appelles l'unTilinellaqui répond au Tefin, ôc l'autre Marrefana qui vient de l'Adda j c'eft par le moyen de ces canaux que l'on amène à Milan le vin y le bled , le bois, les charbons , les pierres, les briques , Se en général toutes les groffes provifions Se les matériaux d'un poids co. iidérable , qui dedâ fe diftri-puent aifément dans le refte delà ville. Il y a quelques belles maifons nouvellement bâties entre la première Se la fecon> %<& Mémoires d'Italie. de enceinte ; je crois que cette partie dè la ville eft la plus faine à habiter ; les rues y font fort larges , les maifons n'y/ font point entafTées , tk font féparées les unes des autres par des jardins tk des cours, qui d'ordinaire font fort grandes, îîicâtrc. 25. -Le théâtre de Milan qui eft fitué ail centre de la ville , à côté du palais du gouvernement, eft fort grand y il a fix rangs de loges, mais il eft mal orné, & feroit trifte & obfcur, fi les particuliers n'étoient pas dans l'ufage de décorer fin-térieurde leurs loges qui font d'ordinaire fort éclairées. Souvent une feule maifon a deux ou trois loges réunies , qui fbr-r ment une grande pièce bien éclairée , garnie de chaifes & de tables à jouer , où on trouve l'agrément du fpeébacle & celui de la converfation réunis. Ces loges fonr très difpendieufes, tant" pour le prix du loyer , que pour la dépenfe des rafraîchifiemens de toute espèce que l'on y préfente à ceux qui s'y trouvent, aux dépens du maître. Les décorations en étoient très-bien en-rendues. Des acteurs médiocres'y repré-fentoient le même opéra bouffon que j'avois déjà entendu à Turin ; il s'en falloir beaucoup que l'orcheftre fut aulli bom que le premier. D'ailleurs, ii ne regne: M I L A K. Zcy pas dans ce théâtre une police auïïi exacte qu'à Turin ; le parterre y eft très-bruyant, ce qui diminue beaucoup de l'agrément du fpectacle. Dans tous les théâtres d'Italie, à l'inf-tant que le fpectacle doit commencer , on enlevé tous les luftres , qui font au-def-fus du parterre y la fcène feule refte éclairée , de façon encore que l'on ne voit point de lumières ; elles font toutes cachées ; cette manière rend la fcène plus noble tk plus brillante , mais le refte du théâtre eft rout-à-faitdans Tobfcurité, fur-tout à Rome, où il n'eft pas permis d'avoir de la lumière dans les loges. 14. Le château de Milan fitué au nord hâ de la ville , eft connu par la quantité de MiUu. lièges qu'il a foutenus. C'eft un hexagone régulier, formé par fix baftions royaux défendus par une muraille terraffée ôc revêtue, environnée d'un grand folTé plein d'eau , avec un bon chemin couvert ÔC quelques ouvrages extérieurs \ entre la muraille ôc les baftions il y a un fécond folfé revêtu ôc plein d'eau, & un troifié-me qui environne la partie centrale du château où font fitués l'ancien palais des ducs de Milan , l'églife ôc les logemens-des principaux officiers. Il y a dans le centre même de la place une fource d'eait ZjS Mémoires d'Italie. vive fort abondante,cV qui eft d'une grande utilité , tant pour le fervice de l'ar-fenal que pour les ouvriers de toute efpéce qui y font établis j il y a toujours une nombreufe garnifon y on y travailloit beaucoup au mois de Juin 1761 à monter des canons de bronze fur des arT.its ; dans l'intérieur du château , il y a une petite colline appellée la Bocchetta , qui domine fur toute la campagne des environs Se fur la plupart des ouvrages intérieurs tk extérieurs du château. Cette place n'eft dominée d'aucun côté j elle eft bien fortifiée &c très-bien entretenue ; cependant elle fera toujours de peu de défenfe, parce qu'elle eft très -relferrée , tk que rien n'empêche d'aucun côcé d'ouvrir la tranchée , & d'çn approcher de manière à la battre en brèche avec avantage. On ne peut y entrer fans une permiilion particulière du gouverneur ou de l'officier qui le remplace. ïwmcnades. zc. La promenade la plus agréable de Milan eft fur les remparts de la ville dont quelques uns font plantés d'arbres , & fur l'efplanade qui eft entre la ville tk la citadelle; c'eft-là où, à vingt-trois heures ou une heure avant le foleil couchant, on voit une multitude de carroffes, en hyvcr fur l'efplanade , en été fur les remparts Milan. 2loyés , foit dans les armées , foit dans es affaires de leur fouveraine ; ils ne quittent leur patrie qu'autant que le devoir de leur état les y engage. On peut afftirer que c'eft cette fage façon de pen-fer des nobles qui pollcdent toutes les grandes terres du pays , qui foutient la ville Misas. tçg *îlle Ôc le duché de Milan dans 1 état d ai- fance qui y regne. ic\* Cir les impôts font très-forts dans rmpfo, toute la Lombardie Autrichienne y on cul*tion-paye le tiers du revenu qui s'eftime non fur le produit annuel , mais fur le prix de la valeur intrinféque des terres , ôc fuivrmt le tarif fait en conféquence ; lion Ile faifoit pas quelques remues oui font d'ufige , on payerait la moitié réelle du Cevenu, attendu les non-valeurs ôc les pertes qui arrivent par les accidens ordinaires. Outre cela les douanes ôc les autres droits du fifc rendent beaucoup. Malgré ces charges qui parodient très-pefantes , le pays eit riche ; on y vit à bon compte , le cultivateur y eft à fon aife * bien nourri ôc bien vétu ; ce que Ton doit attribuer d'abord à la fertilité prodigieufe des terres qui fourniftent abondamment des grains de toute efpéce, des vins, des; chanvres, des laines ; d la quantité de bétail que ion y nourrit ; enfuite à la grande confommation que fut la nobleiïe , foit dans les villes du pays, foit dans fes terres , ce qui occalionne une circulation réglée dans les efpéces qui ne forten* point du pays , & qui refluent nécelfai-renient fur Je peupl* ; enfin à li facilite qu'ont le peuple ôc cous les p. opriécairej Tome /. * M ldd MÉMOIRES d'ItAIIÏ. d'avoir de l'argent comptant pour payef les impôts par le débit aifuré des foies , qui ne manquent prefque jamais, & qui fe vendent toujours argent comptant. Ce font les marchands de Milan qui d'ordinaire font le prix des foies dans toute la Lombardie , où ils font leurs tournées dans le mois de juillet , temps auquel toutes les foies font dévidées , tk mifes en état d'être tranfportées. Les troupes que la Reine entretient dans le pays , les officiers qu'elle paye & qui réfident chacun dans le lieu de leur deftination, augmentent encore la richefle du pays , tk y retiennent une partie de l'argent des impôts. Enfin on a le plaifir d'y voir des gens qui paroilfent attachés à leur patrie , & qui, quoique éloignés de leur fouverain , participent à fes grâces , tk tiennent chez eux un grand état. Accueil pour .0. C'eft la ville d'Italie où les étran- ^euaBfUS. ^ers £.Qnt je pjus accuejl|js ^ trouvent la meilleure compagnie. La plupart de ceux qui y tiennent le premier rang, foit par leurs emplois , foit par leur naiftance & leurs richelTes , ont voy2gé ou fervi dans les armées , fçavent plulieurs langues , font très-polis &c de bonne fociété. 11 eft d'ufa^e parmi eux de recevoir au mieux les étrangers qui leur font recom- Milan.' 16> mandes ; aînfi un voyageur curieux, outre les objets de curioficé qu'il trouve à Milan , a des reflburces infinies dans la fo-ciété. Dans le printemps Se l'automne il y a une multitude de châteaux Se de belles maifons peu éloignées de la ville ou la plupart de ces gentilshommes vont pat fer les beaux jours, Se où ils fe font un plaifir de conduire les étrangers qui y trouvent nombreufe compagnie. La comtelfe Simonetta qui a depuis époufé le duc de Modene, la princefïe Trivulce , le marquis Litta, la comtefïe de Caftelbarco, le marquis de Beljoyeu-fe Se plufieurs autres, avoient des maifons ouvertes où on étoit très-bien reçu ; la maifon Litta fur-tout par la quantité de fes domeftiques, la magnificence de fes appartemens , le bon ordre qui y regne, femble le féjour de l'abondance Se de l'aifance j les maîtres de la maifon n'en font pas plus vains pour cela j leur plaifir eft de tenir une bonne table Se d'y avoir beaucoup de monde qu'ils comblent de politefie. On ne peut donner trop d'éloges à l'accueil affable que le comte de Firmian fait à tous les étrangers. Cet homme revêtu de l'autorité de fa fouveraine dans tous fes états de Lombardie, Se qui en eft Mij i£8 Mémoires d'ItaCie. vraiment digne par fes grands ralehs c55 par fon attachement à Ta juftice, jouit par fon propre mérite de la plus jufte considération , ôc eft autant aimé qu'il eft efti-mé ; j'ai peu vû d'hommes de fon rang aulli inftruits,,& en même temps aulîi mo-deftes Ôc aulli polis. Heureux les fouve-rains qui fçavent mettre leurs intérêts en fi bonnes maint ; c'eft le moyen le plus c-r* tain d'alTùrer leur gloire & lebonh.utdes peuples qui leur loi t fournis. Monliwiir le duc de Modene , gouver-neur du Mdanois , aulli refpecbble par fa nailîance que parle rang qu'il occupe, eft un prince fort atrable , qui Vit à Milan avec peu de faite. Il a un régiment de cavalerie pour fa garde , qui lui appartient ; mais qui elt payé par l'impératrice. La noblelîe Milanoife qui eft très nom-breufe , pudqu'on compte tro.* cent familles nobles rélidentes à Milan , eft tranquille & tonrente de ion (on ; elle De ciaint rien autant que de changer de m.iîoe , Ôc fui-tout ci avou i n louverain €t t' h à MiIim. Lans la guer!e de .754. loifque les armé s deFrance Ôc de S ivoie réunies s'empirèrent du Mihi ois ds ne craignoient rien de la France qu U Iça-voivUt u.cs-bien navou pas tieifern de M î i A Nt faire aucun établifiement dans leur pays j ma;s ils rrembloientque la maifon d'Autriche ne fît abaiflfée au point de perdre fes polTeilions en Italie , ôc fur-ront le Milanois qui eft fi fort à la bienféance du roi de Sardaigne, Ôc qui dès qui! en eut été le maître, n'eut pas manqué de préférer Milan à Turin , ôc d'en faire la capitale de fes états où il auroit réfidé ; alors cette liberté dont ils jomfient eût été anéantie ; car, difent-ilseux mêmes , Dieu nous garde d'un fouverain , qui a tous les jours de fa vie, quatre heures où il n'a autre chofe à penfer qu'à s'occuper des affaires particulières de fes fujets. . Je finis cet article en difant qu'on ne> peut rrop publier la politeffe , la bonté , Ôc la générGiiré de la nobleffe de Milan , dont la plûparr vivent vraiment en grands feigneurs. Jl eft vrai qu'on die que fouvent ils excédent leurs forces, ôc que plu-fi-urs ont dérangé leurs fortunes par trop de maçnincmce • mais ce n'eft pas aux étrangers à s'en plaindre. 31. Les mœurs étûiir fort réglées, au &TMfaw» moins à l'extérieur, il s'enfuit naturelle- neure" ment que tout ce qui a rapport au culte public y eft très-refpeété ; ce que j'y ai vû , ceft que les jours de fère les églifes y font, tres-fréquentées, que le fervice divin s'y m iij 17° Mémoires d'Italie. fait avec beaucoup de décence, Se que les gens de tout état y afliftent avec la modeftie Se le recueillement qu'exigent Se la fainteté du lieu , Se la grandeur du Dieu que l'on y adore. Les jours de fêtes principales , il y a dans cette ville une forte de dévotion que je n'ai remarquée en aucun autre endroit ; on voit dans le cours de la journée palier quantité de gens , hommes Se femmes par troupes, plus ou moins nombreufes, qui récitent le chapelet à haute voix. On y voit communément une efpéce d'hommes d'une conformation fort iin-gulicre ; ce font des nains d'une figure ^rotefque j ils ont de groifes têtes avec de grands traits , la taille très-courte Se fort greffe Se difforme , les cuilfes courtes Se groifes, Se les jambes torfes j il eft ordinaire d'en voir plulieurs enfemble , hommes Se femmes, & plus à Milan qu'en aucune autre ville de la Lombardie , où l'on en rencontre cependant quelques-uns. Cette tace eft ordinairement ïrès-forte, Se fuivant les appariées colère Se méchante. 11 n'eft pas a fouhaiter qu'elle fe multiplie , & je ne fçais comment l'autotité politique permet le mariage entre perfonnes ainfi conformées : j'ai remarque en J-ombardie les jardins de plulieurs mai- M I t A N. ljl fons de campagne , ornés de ftatues taillées d'après ces grotefques \ le goût de ceux qui les avoient fait faire, ne doit {>as fervir de modèle j c'eft la plus vi-aine dégradation de l'efpéce humaine. xi. On dit qu'il y a peu de commet- Commerce ce a Milan ; cependant les canaux de l'Adda tk du Tefin donnent une grande facilité pour l'importation & l'exportation des marchandifes j outre cela l'induftriey paroît foutenue tk en honneur, à en juger par la multitude d'ouvriers & d'artifans de toute efpéce , qui y font établis ; on y fabrique beaucoup d'étoffes de foie ; il eft vrai qu'elles ont peu de réputation dans les pays étrangers ; il y a quantité d'orfèvres qui paroiffent fort occupés , mais qui travaillent avec peu de goût ; il s'en faut beaucoup que leurs ouvrages foient aufîi finis tk aufli élégans que ceux des orfèvres de Turin. On y voit beaucoup de fondeurs tk d'ouvriers en cuivre battu , qui fabriquent des lampes , des chandeliers , des buttes, des ftatues , des vafes tk autres ornemens d eglife qui fe tranfportent dans le refte de l'Italie, dans les Cantons SuifTes catholiques, cVrmème en Allemagne. Il y a piufieurs ouvriers qui taillent le criftal M iv nyi Mémoires- dTtau» de roche. On y fabrique quantité de caP* roffes que Ton conduit dans le refte d© l'Italie ; les ouvriers de ce genre , quoique médiocres, fonc les plus entendus de l'Italie , tk y ont de la réputation ; il n'y a pas long-temps qu'il s'eft établi à Rome des carrolîîers qui ayent ofé fiiire des voitures neuves. L'induftrie dans cette pnrrie eft bien éloignée de la perfection Se de l'élégance ou elle a été portée en France. Les broderies de Milan font connues dans toute l'Italie , & les ouvriers de cette efpéce travaillent avec une promptitude étonnante tk avec propreté , quand ils ont des deffeins de bon goût. On voitque c'eft la nombrenfe noblelfe qui réfide à Milan, qui y fait fleurir l'induftrie qui aie luxe pour objet ; ce qui fait en même-temps une branche de commerce -fort utile à cette ville par la quantité d'ouvrages qui s'ex-po; t ;nt dans le refte de l'Italie. J aurois dû mettre à la tête des arts , la peinture , la feulpture , l'architecture & la mufique. Mais l'école de peinture eft abfolument tombée j la feulpture s'y foiuient encore, ne fut-ce que pour continuer la décoration extérieure de la cathédrale y les bâtimens modernes n'ont rien de frappant. Dans la quantité de mu- M I t A zjf «cîens que fournie une fi grande ville , il s'en rencontre toujours q ;elques-unsque' l'on juge dignes du titre de vîrtuq/ès. gravure n'y a fait aucun progrés j les graveurs François ont porté Jeur art à un li haurpoint de perfection, qu'ils femblent avoir ôté aux autres nations l'efpérance de jamais rien faire dans ce genre qui puifie les égaler : auffi leurs productions font elles recherchées avec beaucoup de foin dans les pays étrangers j je dois cependant excepter Rome & Venife , oùv on trouve de bonnes eftampes , gravées-par des artiftes Italiens, dont je parlerai. 55. Encore un mot fur le fait des m&rs '0* mœurs , toujours il intérefïant quand on-^ïcaisfcaK.. a du bien à en dire. Les fages réglemens-de difeipline que fit S. Charles pour fon clergé , & qui ont fervi de modèle ait refte de l'Europe catholique, ont répandu un germe de bonne éducation qui fe-foutient encore parmi les eccléfiaftiques; de ce pays, &z fur-tout de la capitale. Ils. y font plus inftruits & plus confidérea'; que dans le refte de l'Italie y ils travail- ' lent avec zélé à linftruétion des peuples Se le clergé féculier n'y eft point éclipfé'" comme ailleurs par les réguliers. Ce fonç fes» eccléfiaftiques- {ceuiiers qui ont l'ad-- 174 Mémoires d'Italie. imiiiftration de prefque toutes les communautés religieufes de femmes , des hôpitaux Se autres établiffemens pieux ; ce qui leur donne une considération certaine dans une ville où ils font fore mulripliés. Plulieurs d'entr eux s'adonnent aux fciences Se y ont des fuccès marqués. Il eft vrai qu'ils trouvent dans la forme actuelle du gouvernement eccléfiaftique & civil, de la protection & des diftinc-tions qui font très capables de faire naître les talens & de les mettre dans tout leur jour. C'eft à la maifon Borromei que la "ville de Milan Se tout le pays doivent le goût pour les fciences , l'amour de la discipline , & les beaux établiftemens qui les entretiennent. Les Vifconti en defTéchant les marais êe faifant tirer partout des canaux , ont fait la richefle réelle du pais , en le rendant habitable , en y alTûrant une fécondité prefque immanquable ; S. Charles & les cardinaux de fa famille qui lui ont fuccéde , n'ont pas moins fait en y rétabliftant la religion dans fa fplendeur , les mœurs dans toute la pureté qu'ils ont pû leur donner , Se les iciences qui contribuent au bonheur & a la tranquillité du pays , eu ce qu'elles fe portent plus fur Milan. 275 les objets utiles que fur ceux qui font de cutiofité ou d'amufement , &t qu'elles forment tous les jours des fujets en état ^ par leurs lumières & leurs travaux , de f>erfec"tionner, ou au moins de conferver es établiffemens utiles , que l'ignorance laifferoit -bientôt périr. 34. Le terroir des environs de Milan Fertilité & eft tel que j'ai déjà eu occafion de le dé- f£««»*» crire, en parlant de plufienrspartiesde ce beau pays , & en particulier du Pavéfan. On y nourrit beaucoup de bétail , & on y fait une quantité de fromages dont la confommation eft grande dans le duché ; mais dont on en tranfporte encore davantage dans les pays-étrangers , où ils font connus fous le nom de fromages de Milan ou de Parmefan qui eft de la même qualité • il s'en fait pour un argent im-menfe j on m'a aflûré que le Lodéfan fenl , qui eft une petite partie du Milanois , en fait exporter chaque année pour quinze cent mille francs au moins. On peut juger par là de la quantité du bétail & de fa qualité, de même que de la bonté des pâturages qui le nourriffent. Cependant on ne voit point de grands troupeaux dans la campagne ; comme toutes les prairies font divifées en pièces de M vj 17<> MÉMOIRES DlîAtrFr peu d'étendue , entourées de folfés pleînt d'eau, & de haies vives , garnies de milliers , d'ormes tk autres- arbres , il n'eft point néceiïairede garder le bétail qui ne' peut point s'écarter de l'endroit où il doit paître. D'ailleurs on n'a rien à craindre des loups qui font fort rares dans un pays où il n'y a point de forêts qui puillent leur fervir de retraite. La partie fupérieure du Milanois qui approche du Lac-Majeur Ôc de celui de Corne, produit une quantité de vins de bonne qualité, ôc fort au-doiTus de ceux de la plaine. Les vins d'Aronne tk des environs du Lac-Majeur font les plus lé* gers ôc les meilleurs du pays. Ces lacs Se les rivières qui en fortent fourniftenr beaucoup d'excellens poiilbns. Dans toute la plaine la volaille eft abondante tk bonne 5 les oifeaux de rivière de toute forte y font communs ; on, tranfporte par-tout de. la marée fraîche qui fe tire du golfe de Venife. Ainft on trouve abondamment de quoi fervir les tables. L'ancienne, cuiiîne Italienne fi difpendieufe par i'a quantité de drogues étrangères , de fu-cre,, de fafran > de gingembre tk d'épi-ces, qu'elle, employoir dans fes ragoûts..,, jt'ëft prefque clus en. ufage y, toutes, M i t a w, z7y bonnes maifons ont des cui/îniers François , qui forment des élevés qui fe répandent dans le pays , même dans les-auberges qui ont un peu de réputation, où on l'en très-proprement. Par le peu que j'ai vû de l'ancienne cuiûne Italienne , il m'a paru que les ragoûts étoient bien plus mal fains, même que ceux de la nouvelle cuiline Françoife , contre laquelle ira a déjà tant crié. 278 Mémoires d'Italie. Lac Majeur , Isles Borromées. Route le premier cultivé , le fécond couvert de bois , tk le troifiéme blanc de neiges ou hérifle de glace. Il fait beau voir cette partie le matin lorfqu'elle eft éclairée du Soleil ; ces rochers couverts de glace en rérléchiffent les rayons > 2c fe montrent dans un éclat majeflueux qui fait difparoître tout ce qu'ils ont d'horrible. De l'autre côté , la vue s étend , dan» un efoace immenfe jufqu'd l'extrémité la plus orientale du lac , & donne du côté du Nord , la vue d'un long coteau , prefque par-tout planté de vignes , Se très-peuplé de villages , de bourgs bien bâtis, île quelques petites villes. Le lac lui-même n'eft pas moins agréable à voir ; outre la beauté de fes eaux, Se une multitude de grands oifeanx de rivière , on y voit continuellement beaucoup débarques à voile, dont les unes traverfent du Milanois en SùhTe; les autres en reviennent, foit pour les affaires de politique &: de commerce , foit pour celles des particuliers ; car c'eft la route ordinaire des couriers qui paf-fent de Lombardie en Suiife , 8c de-ià en France, en Angleterre 8c en Hollande. De cette grande terraife qui a de tous, côtés des perfpectives fi agréables 8c II variées , on peut defeendre jufqu'au niveau des eaux du lac par neuf autres ter-raffes paliffadées d'orangers & de citro-niers , que j'ai vû couverts de fleurs 8c détruits. Dans le retour,du côté du midi, eft un efpace confidérable , rempli par un grand berceau formé par des orangers, & un bofquet de mêmes arbres. Mais Lac Maj. Isles Borromées. 2S5 qu'il y a de plus agréable à mon gré» dans le palais de Ylfola Bctta, eft l'appartement du. rez-de-chaulTée tout en grotte fuftique, pavé, revêtu, & plafonné de petits cailloux de toutes fortes de couleurs. Il eft compofé de plulieurs pièces ôc d'une grande galerie d'où on a la viie du lac ôc des autres illes. Cet appartement eft deftiné uniquement à prendre le frais, ôc doit être délicieux d'ns la faifon des chaleurs. Rien n'eft plus (Impie ôc en même temps plus agréable que cette efpéce de conftiudlion , qui n'exige aucun orne-menr étranger. Il y avoit f.ulement quelques ftatues de grotefques , laites de coquillages ôc de cailloux de rapport , ÔC tresT-convenables à cet appartement , le feul decette efpéce que j'aye vû en Italie. L'IJb/a A-Lidré, htuée dans ce même lac à un mille plus au nord, n'eft pas auiîî élégante que la première j fes jardins font dans un goût plus chimpêtre,quoique tort agréable ; ce font plulieurs grandes terrak fes fort longues , où il paroît que l'on a cherche à joindre 1 utile à l'agréable. Il y a une efpéce de limons cWim gi of-feur prodigieuse , d'un parfum exquis , ÔC tels que je n'en ai ^ù nulle part ailleurs de fembhbles. On eft étonné de voir fut des arbres peu élevés, dont les blanches ±%6 mémoirëî d*ï t a l i e. font minces & foibles , une quantité de fruits qui ont un pied de longueur fur fept à huit pouces de diamètre , ôc d'une couleur éclatante comme l'or ; c'eft une des plus belles productions de la nature qu'il foit poflible de voir. Les oranges de toute efpéce ôc les citrons y croifiènt à profufîon Ôc d'une grande beauté. Le petit pont par ou on aborde , eft couvert par un bois de futaye , de lauriers francs fort clevés. A en juger par leur groflTeur, il y a long-temps qu'ils y font plantés. Un peu plus loin , on voit une faifanderie bien peuplée. La maifon, quoique logeable , a peu d'apparence. Le comte Frédéric Borromée à qui elle appartient, y étoit pour lors. Il a fait conftruire un petit théâtre d'un très-bon goût avec deux rangs de loges, un orcheftre, ôc un parterre à contenir foixante à quatre-vingt perfonnes \ jl y fait repréfenter les comédies de Gol-doni, ôc quelques-unes des comédies de Molière ou de Regnard, quand il trouve des acteurs qui fçachent le François. Il faifoit bâtir alors, Ôc il nous dit que c'étoit les commencemens d'une maifon d'un meilleur goût que celle qu'il habitoit. Quoique la faifon fût déjà avancée , les jardins étoient encore couverts de toutes fortes de fleurs comme au printemps. Lac Maj. Isles Borromées. 2S7 Ces deux illes, iltuées dans im climat allez rigoureux , que le voilinage des montagnes couvertes de bois , de neiges & de glaces,rendent néceflairement froid, outre cela expofées aux brouillards du lac; étonnent quand on les voit couvertes de beaux arbres qui ne fe plaifent que dans les climats les plus chauds de l'Europe , & qui cependant y produifent abondamment les plus beaux fruits. Mais on a attention de les barraquer pendant tout l'hy-ver ; cette opération fe fait au commencement de novembre, ^ on ne les découvre que lorfque le printemps a bien établi fon regne. Au moyen de plulieurs brafiers , on entretient une température douce fous ces barraques , & la végétation s'y fair comme en plein air j on fuit la mê«* me méthode d Boulogne, à Florence, dans les environs de Rome , qui font le plus cxpofés aux vents froids ; mais tout ce qui approche la mer, eft par fa Iituation à l'abri des fortes gelées qui pourraient nuire à ces arbres. Il eft certain que l'on pourroitavec les mêmes foins avoir en France des jardins auui agréables , même dans les provinces feptentrionales. J'en ai parlé à plusieurs jardiniers d'Italie qui répondrpieut, i$S Mémoires dItàlii, du fuccès, pourvu qu'on leur donnât lïn terrein à l'abri des vents du nord. Les bofquets, les palilfades, les berceaux de ces arbres toujours verds , font, à mon gré , infiniment au-delfus de tout ce que nous avons en ce genre, La troifieme ifle n'a rien de curieux ; elle eft comme les deux autres , fituée fur un rocher, à peu de diftanee de l'Ifola Bella, en tirant au levant ; elle n'a que Quelques maifons de païfans , tk une eglife qui eft la paroiffe des autres Illes. Comme elle eft, fort près de terre , les habitans qui ne s'occupent point à la pêche , vont cultiver les vignes & les champs qui font fur la côte , & qui dépendent du territoire de ces illes. La difficulté, & la longueur du chemin de Milan au bord du lac,l ennui de la petite navigation qu'il y faut faire, empêchent plufieurs voyageurs d'aller voir ces illes y cependant je confeille à tous ceux qui feront le voyage d'Italie de fe mett e au-deffus de ce qu'on Lur dira à ce fujet pour les en détourner. Ces illes font vraiment dignes'de curiofité, tk paroiftem ou ornées d'après les belles deferiptions que l'on trouve dans le Tafte tk l'A iofte , ou fcn avoir foutm le modèle j elles ont l'air de Lac Maj. Isles Borromées. aS0 de ces ifles enchantées qu'habitoient AI-cine , Calipfo, ou ces Fées dont les charmes étoient fi p milan s. La bonne faifon pour y aller elt le printemps ou l'automne j la navigation du lac eft dangereufe dans le temps des folftices & peu fûre en été , à caufe des orages fréquens occafionnés par le voifi-nage des montagnes, ik fouvent on y fait naufrage. Je manauerois d la reconnoif-fance, fi je ne parlois pas delà manière polie & gracieufe dont le comte Frédéric Borromée reçoit les étrangers qui vont vifiter fon habitation j il leur en fait lui-même les honneurs avec la plus grande attention , & fa maifon répond parfaitement à fes intentions à ce fujet. Le retour de Sefio à Milan fe fait par la même route ; avant que de quitter le lac , on ne manque guéres de fe fournir des excellentes truites fmmonées que l'on y pêche. Alaquantité de têtes d'hommes qui font cxpofées, d efpace encfpacefur des poreaux , on peut |uger que les chemins ne font pas fùrs j mais les voleurs n'attaquent que les marchands qui font feuls ou peu accompagnés. 3 «i. Les grands chemins dans touf le Crandschr-Milanois font bien entretenus & fe font ^na^dcs" comme en France par corvées \ les coin- villes. Terne L * N îoo Mémoires d'Italie: rhunautés y font cantonnées de même ; des bornes plantées de diftanceen diftance,fur lefquelles les noms des villages font écrits, inarquent à chacun la tâche qu'il a à rem- Îilir ; il paroît que cet ufage eft le meneur ; car ce n'eft que dans ces endroits que l'on trouve des chemins toujours pratiquantes. Les villes du Milanois font régies, pour ce qui regarde la police tk les affaires en première inftance , par un Podeftat ou Juge royal , dont 1'adminiftration ne dure que trois ans , 6V: qui eft fubordonné au miniftre plénipotentiaire de la reine de Hongrie , rendant à Milan. Les principales villes, telles que Crémone , Pavie , Lodi, ont un Podeftat , les autres n'ont qu'un juge connu fous le nom de vicaire. Autrefois il regnoit un proverbe connu en Italie, que les gouverneurs du Milanois devoroient le peuple , que les vi-cerois de Naples le mangeoient , tk que ceux de Sicile le rongeoient. Les géographes , les écrivains de defcriptions , les compilateurs d'anecdotes qui d'ordinaire fe, copient les uns les autres, rapportent tous ce proverbe déjà ancien , qui autrefois peut avoir eu quelque vérité • mais aujourd'hui la face des chofes eft totale- ment changée. Les gouverneurs du Milanois ont peu d'autorité , encore eit-elle contrebalancée par celle du miniftre plénipotentiaire , qui a le fecret des affaires, tk entre les mains duquel eft réellement toute l'autorité. D'ailleurs , il y a beaucoup plus de relation entre Milan & Vienne qu'il n'y en avoit entre Milan tk Madrid j fous la domination Efpagnole les gouverneurs étoient abfolus j la grande affaire alors étoit de conferver la Souveraineté j le gouverneur levoit des troupes , les entretenoit avec les revenus du pays tk ne rendoit point de compte. Quelle différence entre ce defporifme tk 1'adminiftration réglée , qui eft fuivie à préfent ! 39. Le Milanois s'étend peu loin du Autres par-côté de la république de Venife; au for- SStdu *iU-tir de Milan on trouve un chemin uni tk droit le long du canal de l'Adda qui conduit jufqu'a Colombarolo , village éloigné de Milan d'une polie tk demie ; cette partie du chemin plantée d'arbres eft alignée comme une allée de jardin. De là jufqu a la Colonica, bourg fur le bord de l'Adda , tk du canal qui en eft tiré jufqu'a Milan, on compte dix milles ou une pofte par un chemin moins droit, quoique fort beau. Ce bourg eft fttué fur ua Mémoires d'Italie. côteiu aii-dôfltts de l'Adda ; le général Merci y a fait bâtir une très-belle maifon , avec des jardins en terraife qui m'ont paru fort agréables \ ils aboutilfent fur le bord du canal , qui dans cet endroit eft foutenu par des arcades de maçonnerie élevées de plus de vingt pieds au-delTus du niveau de la rivière, Se dans un efpace fort long; car il faut foutenir les eaux à cette élévation dans toute la longueur du vallon où o coule l'Adda , pour porter fes eaux à la tète de la plaine où Milan eft fituée ; cet ouvrage eft d'une belle exécution , bien entendu Se confervé avec foin. L'Adda que l'on palfe en bac au bas du canal, eft une très-grofTe rivière qui coule rapidement. Sur le bord oppofé à la Colonica eft un'bureau de douane du Milanois , où l'on fait la vifite exacte de tous les effets. Le moyen le plus affuré pour être bientôt débarraffé de cette cérémonie en-nuyeufe, eft de faire une déclaration jufte de ce que l'on porte avec foi , foit marchandifes neuve* , foit hardes ; fi les commis , à l'ouverture des malles, voient que l'on a dit vrai, ils n'arrêtent pas mal-à-propos les voyageurs. Il ne faut cependant pas oublier avec eux ce que l'on appelle la courtoifie. Au-delà de ce bureau font les limites Milanois. 2oj du Milanois tk du Bergamafque dont je parlerai , quand j'en ferai à ce qui regarde la république de Venife. Le canal de Martéfana ou de l'Adda fait le commerce de Milan avec le lac de Corne , les SuifTes qui lavoifinent , & les riches vallées qui font limées le long de fon cours. 40. La partie du Milanois que l'on par- Man£n:,H' court pour aller de Milan à Plaifance eft fort riche. La première polte eft: ci Mari-gnano fur la petite rivière du Lambro , célèbre par la victoire que François I, roi de France, remporta au mois de fep-tembre 1515 fur les SuifTes alliés de Maxi-milien Sforce , duc de Milan. La bataille dura deux jours tk fat fi vive, que le maréchal Trivulce qui s'étoit déjà trouvé a dix-huit batailles rangées , dir à ce fujet ce mot fi connu: « que partout ailleurs ç'a-»> voient été des jeux d'enfans, mais qu'ici » c'étoit un combat de géans. » Cette im-portante victoire rendit François I maître de tout le Milanois que Maximilien Sfor-ce lui céda. On chercheroit inutilement dans un pays aulîi cultivé quelques vertiges de retranchemens qui défignaflent pré-cifément le lieu de ces fameufes expéditions. Niij 2<>4 Mémoires d'Italie. Lodi. A dix milles plus loin on pafle à la vue de Lodi, fituée dans un des plus riches cantons du Milanois , fur-tout par rapport à fes pâturages, dont j'ai euoccafion de patler. Il y a deux Lodi ; l'un à droite du chemin en tirant du côté du Téfin eft l'ancien Lodi, appelle dans le pays Lodi vecchio tk par altération Lodivé j ville ancienne bâtie par les Gaulois Boyens, qui occupoient une grande partie de la plaine , connue à préfent fous le nom de Lombardie j Pompée Strabon, pere du grand Pompée, y conduifit une colonie Romaine, & l'appella de fon nom Laus Pompcïa. Sur la fin du douzième fiécle, cette ville qui fe gouvernoit en république , comme la plupart des villes de Lombardie , fut détruite par les Milanois ; de forte que ce n'eft plus aujourd'hui qu'un gros village, où on dit que l'on voit encore plufieurs reftes de conftru&ions antiques fort dégradées. La ville de Lodi qui fubfifte aujourd'hui avec un évêché fuffragant de Milan , fut bâtie peu de temps après la def-truction de la première par l'empereur Frédéric Barberoufte, qui lui permit de fe gouverner par fes propres loix. Mais quelque-temps après les Veftafini , famille noble qui fubfilte encore dans le pays, s'en rendirent les maîtres, & y dominèrent pendant quelque temps , jufqu a ce que la puilTance des ducs de Milan les eût forcé de renoncer à la fouveraineté , dont ils s'emparèrent eux-mêmes. Cette ville fituée fur une éminence paroît bien bâtie , il y a plulieurs manufactures d'afTez belle fayance. Le pays eft ar-rofé par quantité de ruiifeaux très-poiiïbn-neux qui fervent à former une multitude de canaux dont plusieurs bordent le grand chemin,ô\: font foutenus à différentes hauteurs,pour donner plus de facilité à l'arro-fement des terres. Le village de Zurlefco où eft la pofte fuivante n'a rien de remarquable , non plus que le chemin qui conduit de là au paiTage du Pô , qui termine le Milanois de ce côté , à la vue de Plaifance. Le pays eft partout également riche tk fertile. Niv Mémoires d'Italie. Duché de Mantoue. Mantoue. ^ r t (^E pays a ère l'un des plus floriflans de l'Italie , tant qu'il a été fous la domination de la maifon de Gonzague qui l'a poiïedé pendant près de quatre cent ans. Il a environ cinquante - milles de longueur du levant au couchant ; ç'eft-àfdiré du Ferrarois à la partie du Milanois où eft Crémone , Ôc quarante de largeur , du Nord au Midi ; du Véronois ôc du Bref-fan aux états du duc de Modene. Il y a une grande route de Milan a Mantoue ôc des poftes établies pour la communication des deux états qui appartiennent actuellement à l'impératrice-reine de Hongrie , comme héritière de la maifon d'Autriche. Mais la route que l'on prend ordinairement eft celle de Vérone, qui n'en eft éloignée que de vingt-quatre milles; il y a aulîi une grande route ouverte Ôc des poftes établies de Mantoue à Fer-jare. La ville de Mantoue, fituée dans le milieu d'un lac que forme le Mincio, eft très-ancienne. Strabon ôc Tite-Live la mettent au nombre de celles que les Gaulois Mantouan. 2p7 Cénomans pofïédoient dans la Gaule Tranfpadane, ôc placent le temps de fa fondation plulieurs fiécles avant celle de Rome. Dans la fuite des temps elle a couru la même fortune que les autres villes de ce pays j Ôc ce que l'on a dit ôc répété des unes Ôc des autres eft i'hiftoire des révolutions de Mantoue. Dans l'onzième iîécle, dans le temps de l'anarchie de la haute Italie , elle étoir ville libre ôc république. Les plus puif-fans de fes citoyens s'en rendirent enfuite les maîtres, ôc y excitèrent des troubles continuels jufqu'au commencement du quatorzième fiécle , que Louis de Gonza-gue qui poftedoit déjà en propriété plu-Heurs grandes terres dans ce pays , tua Pafterino Bonacorfï, dernier feigneur ou tyran de ce pays. Après quoi ayant été fait vicaire de l'empire en Italie, les habitans de Mantoue le reconnurent volontairement pour leur feigneur ; ce qui fut autorifé par l'Empereur, qui lui accorda l'inveftiture de cette nouvelle fou-veraineté à titre de fief de l'Empire. En 1423 l'empereur Sigifmond donna à ce fief le titre de marquifat. En 1530 l'Empereur Charles V l'érigea en duché pour la maifon de Gonzague , qui en a joui iç)î Mémoires d'Italie. jufqu'en 1701 , que Ferdinand de Gonza-gue , dernier duc de Mantoue , ayant pris le parti de la France dans la grande guer-re de la fuccefTion d'Efpagne, l'empereur Léopold le mit au ban de l'Empire , ÔC conhfqua fes états pour caufe de félonie. Les troupes Impériales s'emparèrent de la ville qui fut abandonnée au pillage. Le duc fe retira à Venife où il mourut en 1708 fans laiifer d'héritier en ligne directe ; 6c l'Empereur refufa de donner j'invelliture de ce fief aux branches collatérales de la maifon de Gonzague ; de forte qu'après la mort de Chai les VI le duché de Mantoue elt parte', avec le refte de la fuccelîion de la maifon d'Autriche, à l'impératrice-reine de Hongrie.) Cette ville, quoique très forte par fa Iituation , au milieu des eaux , ou on ne peut aborder que par deux chauffées défendues par des ouvrages avancés , ÔC .coupées par des pont-Ievis ; entourée d'u-x\e bonne muraille flanquée de tours , a fait peu de léllltance aux armées qui l'ont afhégée. Elle a eu beaucoup à fouffrir des armes de l'Empire en différens temps , fur-tout en 1619 ôc en 1701. Tant qu'elle a eu des fouverains réfidens qui avoient intérêt d'y entretenir la population , le commerce ôc l'indultrie qu'ils encoura- Mantouax. 209 geoient par leur libéralité , tk leur protection , elle fe relevoitde fes malheurs, tk à la fin du dernier fiécle , on y comp-toit encore cinquante mille âmes. Il y avoit un très-giand nombre de fabriques d'étoffes de foie qui fourniilbient à un commerce considérable ; mais depuis ce temps elle fe dépeuple infenfible-ment, il y a peu d'induftrie ; les Juifs qui y font établis fous la protection du gouvernement, y font le principal commerce, dès-lors ruineux pour les naturels du pays , qui ne peuvent y avoir part qu'à des conditions onéreufes. Dans la guerre de 1733, les armées combinées des rois de France tk de Sardaigne la prirent après quelques jours de fîége j ces événemens n'ont pas contribué à la remettre dans un état plus fîorifiTant. Ainli, malgré les foins de l'Imperatrice-reine , tk le zèle du comte Fiimian qui a la principale autorité dans ce pays , cette ville fe tirera difficilement de l'état d'a-néantilTement 011 elle eft tombée. Il y refte encore de très-beaux monumens de la magnificence de fes derniers fouverains qui méritent qu'on fe détourne pour les aller voir. Les principaux font, 42. L'Eglife cathédrale bâtie fur les $ OO mémoires d*I t a 11 E.J defTeins de Jules - Romain , d'un goût d'architecture très-noble , quoique Singulier j cet édifice fort large pour fa longueur, a fept nefs en colonnades de belle proportion ; cette manière de conftruction qui tient de l'antique Se du moderne , a un afpeét majeftueux Se impofant. On voit dans les chapelles quelques tableaux précieux, tels que ceux qui ont pour fujets la vocation de S. Pierre Se de S. André à PApoltolat, l'inftant de la converfion de S. Paul. Le plus fameux , autant par fa Singularité que par la richefle du pinceau, eft une tentation de S. Antoine par Paul Veronefe. Il n'eft compofé que de trois figures de grandeur naturelle , le faint , une femme Se le diable ; les deux premières font d'un caractère vrai, la retrv-me a toute la beauté qu'on peut lui fou-haiter, Se eft excellemment peinte ,1e diable n'eft vu que par le dos. Il y a une ef-tampe gravée du même fujet traité par un des Carraches , dont l'idée eft à-peu-près la même. Cette églife a pour patron principal S. Anfelme, évêque de Luques qui y mourut en 1006 , ion culte y eft très-folemnel. L'évêque , autrefois fuffra-gant d'Aquilée, relevé immédiatement du faint Siège. San Andréa , églife ancienne d'une belle conftruction dans laquelle le duc Vincent de Gonzague inftitua en 160S l'ordre du fang de Jefus-Chrift , qui n'a fubfïfté qu'autant que cette maifon fouveraine a duré. On y voit le tombeau de Jean-Baptifte Mantouan , général de l'ordre des Carmes, plus connu par fes excellentes poëfies Latines que par fes au-, très ouvrages , quoiqu'il fut bon théologien 8c phiiofophe y celui d'André Man-tegna , peintre de réputation. Dans les chapelles de cette églife qui font grandes 8c bien éclairées , il y a quelques peintures à frefque de J ules Romain, encore alfez bien conlervées , pour y reconnoître la manière de ce grand artiite, le plus célèbre des élèves de Raphaël. Le coloris en eft fort effacé ; mais on fçait que la fierté du deffein , la belle pofïtion des figures, 8c la régularité de l'ordonnance , étoient les parties principales de Jules Romain , qui avoit parfaitement étudié l'antique qu'il imitoit toujours. Ce maître étoit excellent pour les grandes compositions dans lefquelles il mettoit un ordre merveilleux lans confufion , donnant à toutes les figures principales de fes tableaux la vérité de caractère 8c la nobleffe dont elles étoient fufceptibles. Le palais ducal qui fert aujourd'hui 3oi Mémoires d'Italie. au gouvernement, eft: fort ville & d'une bonne architecture ; il eft orné de quelques peintures à frefque faites par Jules Romain ou par fes élevés fous les yeux ; on y remarque par-tout des traits du génie noble Ôc élevé de cet illuftre artiite. Les principales font l'Aurore qui conduit fon char y Ôc quelques autres fujets allégoriques des différens points du jour ; une alTemblée^des Dieux ; tous ces tableaux font de plafond.On ne trouve pas dans Apollon qui conduit le lien , ces ouvrages, ce ton flatteur, ces agré-mens fimples de la belle nature que l'on admire dans le Guide , le Dominiquain, quelquefois dans les Carraches 3 fur-tout dans Paul Veronefe j mais on y voit une étude profonde de l'antique , une nobleffe de caractère qui doit être regardée comme la marque diftinctive de Jules Romain. Jupiter dans l'affemblée des Dieux eft repréfente avec tout l'appareil de la puiflance ôc de la majefté même ; Apollon eft tout éclatant de la lumière qu'il diftribue au refte du monde. Venus femble avoir toute la beauté en partage. 43. Mais de tous les édifices publics de Mantoue , celui que l'on vante le plus eft le palais du T , ainfi appelle de fon plan qui reflemble véritablement à cette M À N T O U A N. 302 lettre. L'entrée eft à la partie inférieure du T ; l'architecture de la façade ôc de la cour qui la fuit, eft très-belle. La ligne perpendiculaire du T eft formée par deux rangs d'appartemens divifés par un grand porche ou galerie mal éclairée qui aboutit à un portique qui eft de toute la largeur du porche. De chaque côté de la ligne tranfverfale du T, font trois grandes chambres qui ont leurs vues fur un jardin en demi-cercle de la largeur du T, ÔC dont la grandeur eft proportionnée à celle du bâtimenr. Cet édifice fingulier a été conftruit ôc décoré par Jules Romain qui y a parlé la plus grande partie de fa vie , aimé du prince ôc efU-mé de fes fujets. C'eft là que l'on voit fes principaux' ouvrages. Dans la première chambre à gauche , le tableau du plafond a pour fujet la chiite de Phaéton j la couleur en eft encore affez bien confervée , pour juger qu'elle étoit d'un excellent choix , ôc très propre à re-préfenter l'incendie général que cet événement dût caufer. Tout autour regne une frife de iluc en relief qui repréfente différents combats d'animaux. La féconde chambre du même côté eft ornée de divers fujets en médaillons, dont le principal eft celui des Horaces ôc des Curiaces. £ô4 Mémoires d'Italie; Dms la r- nfîé ne eft l'hiftoire di Pfy-ché , oa le banquet des Dieux, mignifi-qiii tabl-au 4e plafond . qui reffemble en bien des chofes à celui du pjtitpahis Farnéfe à Rome ; mais qui cependant conferve tout le ment-- d'un véritable original. Dans la même chnnbre elt un grand tableau qui a pour fujet, V.nus retenant Mars irrité , qui veut pourfuivre un homme qui s'enfuit effrayé \ beau fujet qui probablement a donné à Rubens l'idée d'un tableau admirable qui elt au palais Pitti à Florence , mais dont l'exécution elt bien plus grande ôc plus riche. Dans la première chambre à droite font des frites de relief 6c en ftuc, qui repréfentent des marches d'.irmées y les fujets femblent pris de la colonne Tra-janne, ôc de l'Antonine ; les figures font de demi grandear, le deffein aulli beau que l'antique Grec. Dans la féconde , un grand plafond qui a pour fujet Jules Céfar , précédé de fes licteurs ; quelques tableaux en médaillons, entr'autres la continence de Scipion , ôc de belles frifes en ftuc. Dans la troifiéme elt le grand plafond qui repréfente la chute des géans ; ils font tous de proportion colollale, parfaitement groupés, ôc la vérité de l'exprefîion elt û M A V T O î A N, frappante qu'en entrant dans cette chambre , on imagine que ces grouppes détachés tombent réellement ; au-defliis eft l'alfemblée des Dieux, préfidée par Jupiter foudroyanr ; cette compo/irion eft de la plus grande beauté, les couleurs , fur-tout celles des corps d'homme, ont cette teinte rougeâtre tk déplaifante que l'on voit dans les plafonds du petit Farnéfe à Rome ; ce qui prouve que la manière de préparer les couleurs étoit la même, puisqu'elles ont éprouvé la même dégradation. Cette chambre eft entourée dune muraille de briques & d'une architrave de pierres, peintes avec une vérité qui fait encore îllulîon. Cette partie friperieure du palais du T eft encore confervée avec quelque foin , fans doute par refpectpour les belles peintures qui la décorenr ; mais les appartemens des deux cotés du porche tk ceux de la cour qui étoient également ornés de peintures de Jules Romain , fort dans le goût des loges du Vatican , font abandonnés à de pauvres gens qui les habitent, tk qui laiffènt périr ces chef-d'œuvre.s. Les palais des ducs de Mantoue ont autrefois été enrichis des meubles les plus précieux ; mais les Allemands dévaluèrent tout en 1701 j à s'en rapporter aux rela- jo^ Mémoires d'Italie. tions anciennes , on peut juger de leur beauté par ceux qui reftenr au palais Pitti à Florence. On voit que ces princes n'avoient rien négligé pour faire de leur capitale une des belles villes de l'Italie ; la plupart des rues font larges , alignées , bien bâties ; on y voit de grandes places 8c aftez régulières j des édifices publics de la plus belle conftruction : aux avantages de la fitua-tion, ils avoient ajouté les fecours de fart, en fortifiant les approches ; mais tous leurs foins n'ont pas empêché qu'une puilfance étrangère ,8c plus forte , ne renverfât leurs projets , 8c ne fit un défert de cette ville qui avoit été l'objet de leurs complaifances. Le lac au milieu duquel elle eft bâtie eft très-poiifonneux j les environs font fertiles , Se fourniffent abondamment toutes les denrées de confommation j mais comme le pays eft fort plat, fes vîtes n'ont pas l'agrément des lacs plus voifins des AU pes. 11 s'y forme encore des marais qui rendent les abords difficiles Se l'air mal iain , ce qui contribue beaucoup à la dépopulation j à quoi on doit ajouter que l'induftrie y ayant été négligée pendant long-temps,elIe y eft entièrement tombée -y rien dans ce genre ne peut remplacer les regards bienfaifans d'un fouverain qui Mantotjan. tej encourage les arts Se la population, Se fur la protection duquel on peut compter. Quelque attentif que foit un minière , quelque bonnes que foient fes intentions , il ne peut avoir les mêmes fuccès ni la même confiance. Les peuples fça- -Vent qu'il peut être déplacé d'un moment à l'autre, Se cjue la protection qu'il accorderait à un etabliiïcment dont il connoî-troit l'utilité réelle , peut cefTcr dans le temps même où elle lui ferait le plus né-eeiîaire. 44. A deux milles de Mantoue eft. le village An-village d'Andes , patrie de Virgile ; on dci" le nomme aujourd'hui Piétola. Les ducs de Mantoue y avoient fait bâtir la Vir-giliana, belle maifon de plaifance qui a été détruite dans la guerre de 1701. A douze milles de Mantoue,au midi fur Abbare de les bords du Pô, eft la riche abbaye de S. roUrone-Benoît de Poliron , fondée en 984 par Bomface, marquis de Mantoue & de Ca-nolfa, ayeul de la célèbre comtefTe Mathilde , qui mourut en 11 it> âgée de foixante neuf ans , lailïant au faint-iîége les grandes Se magnifiques terres qui font une partie confidérable du patrimoine de l'églife de Rome. Cette princefte a été enterrée dans l'églife de ce monaftere ; on voit fon tombeau dans la chapelle de joS Mémoires d'Italie. la Vierge ; elle eft repréfentée à cheval , tenant à la main droite une pomme de grenade; au devant de la grande urne de marbre qui fert de piédeftal à la ftatue équeftre, eft gravé cediftique. Stirpe, opibus, forma , geftis> & nomine quondamt Inclita Mathildis > hicjacet Afira tenens, Le pape Urbain VUI a fait tranfporter fes os à S. Pierre de Rome où il lui a faic ériger le magnifique monument que l'on y voit aujourd'hui. Si quelques fiécles avant la corn te (Te Mathilde , les eccléiiaf-tiques eurent des révélations , pendant lefquelles ils avoient vû l'ame de Charles-Martel tourmentée dans les flammes „ parce que dans les befoins de la guerre , il n'avoit pas refpecté leurs polTelîïons ; par la raifon contraire les Italiens en ont eu une grande , de placer la comteffe Mathilde dans le Ciel. De l'autre côté du Pô eft la petite ville de Guaftallaconnue par la viétoire que les François y remportèrent en 1734 fur les Autrichiens. Elle eft le chef lieu du duché de ce nom , démembré du Mantouan, Se cédé par le traité de paix de 1748 à l'Infant duc de Parme. Fin du premier volume. litalie FeptèntiHonale* Conifsscc xftir / Vieux Turin. 36. Ses avenues du côté de Milan. 99. Idée de la cour de Turin. 74. Du Roi. Du duc de Savoye. Des prince/Tes. 74. 6* fuiv. Mœurs de cette cour. j6. Education de la noblcfTe. 79 V. Valentin, château hoisde Turin. Jardin. 59. Belle promenade. 60 Veillane , Ville de Piémont. 31 Vennerie(la ) maifon royale. 6. Galerie. 61. Orangerie. 6%. Chapelle du château. 62. Jardins. Ibid. Verceil, ville. Ses curiofités. 100. Manuferit fort ancien. 101. Evénement fingulier. 102. Corps d André Valla. 183 Victor Amédée roi de Sardaigne. Son abdication. 31. Il effaye de remonter fur le thrône. 32 Vigne de la Reine, petite maifon royale. Beauté de fa fituation. 66 jio Table des Matière s. Villa-Nova en Piémont. $t Villes du Milanois, leur gouvernement. 290 Vifconti, fouverainsdp Milan , ont beaucoup -Fait pour ce pays. 174 Vogherrâ. Ville. 9 g Voîtaggio. Ville de la montagne de Gènes. Univeriité de Turin, yj. Bibliothèque}cabinet d'antiques. ProfeiTeurs. 55- & fuiv. Fin de la Table des Matières du premier volume. Errata du Tome premier. P. 28. note , ligne R. t. a. ligne 6. Alpiniar, lifez Âfpinae. P. 97. ligne i4Tortono, lifez Tortone. P. 1 2 f. ligne 3. Pauli, lifez Sauli. P. 170. ligne 2 j. Roger, lifez Boyer. P. 171. ligne 8. Spinofa , lifez Spinola. P. 18 j. ligne 3. Caftellan-Giova ni, lifez Caftcf- fan-Giovanni. P. 193. ligne 7. l'antiquité , lifez l'antique. P. 197 ligne 8. Perthaurite , lifez Pcrtharitc. P. 2; 8. ligne 9. Bochetta, lifez Rocbetta. AVIS AU RELIEUR, Pour le placement des Titres y Cartes, Cartons & Tables du Tome premier & fuiyans, j4Près le Jrontifpice du L^ vre on mettra Jj Avertiffement de 4pages, La Table du Difcours Pré* liminaire. Le Difcours Préliminaire. La Chronologie des Empe* reurs d Orient, &c. La Table des Titres & Pièces du volume. La matière , page pre- mlefe y àjo8 inclufivement. - Enfuite la première Carte Géographique, fe développant fur la droite. La Table générale & C Errata. L'Avis au Relieur. Le premier carton marqué §> Page Le fécond carton marqué * page 75. La féconde Carte Géographique à lafin du Tome troifié-me y après la page Jj6 , & pour Je développer à droite. Les deux autres cartons fe placeront au cinquième Tome ; fçavoir 9 Le premier Carton marque d'une étoile * audit Tome $. page 59. Le deuxième Carton encore marqué d'une étoile * Tome Le même Libraire vient de mettre en vente, La Logique , ou l'An de penfer , dépouillé des fervitudes de la Dialectique , par M. VAbbè Jurin de VAcadémie des Sciences, vol. in-%°. z liv. 10 fols. Dijjertation fur les Antifpafmodiques , proprement dits , 1 vol. in-S°. 3 lîv. Tablettes & Anecdotes des Rois & Reines de France, 3 vol. in iz. 7 liv. 1 o fols. Le Tome neuvième de la Collection Académique vol. in - 40. concernant la Médecine, d'environ Soo pages, avec des Planches en taille douce. Ce Volume ne tardera pas d'être fuivi du dixième Tome de cet Ouvrage , qui ne contiendra que de l'Hiftoire Naturelle, tirée de la Partie Françoife, ou de la Partie Etrangère. \