DESCRIPTION HISTORIQUE ET CRITIQUE DE L'ITALIE DESCRIPTION HISTORIQUE ET CRITIQUE DE L'ITALIE, O U NOUVEAUX MÉMOIRES Sur l'état actuel de fon Gouvernement , des Sciences , des Arts , du Commerce , de la Population & del'Hiftoire Naturelle. Par M. l'Abbé Richard. Hac olim meminijfe juvabit, Ter varios cafus, pertot difcrimina rerum. jïncid. I. T O M A DIJON, Chez François DesVentes, Monfcigncur Le Prince de CoNDÉi Et fe trouve à Paris Chez Michel Lambert, Imprimeur, rue des Cordelicrs, au Collège de Bourgogne. • M. D C C. LXVL TABLE DES TITRES & Pièces contenues dans le IVe. Tome* i .R.OUTE de Rome à Naples. Antiques, x 2. Velletri. Sermonetta. Se^e. 6 3. Marais Pontins. i i 4. Piperno. 1 5 5. Voie Appienne. Terracine. 18 6. Entrée du Royaume de Naples. Fondi. 16 7. Itri. Mola. Formies. Maifon & tombeau de Ciceron. 31 8. Gayette. Ruines de Minturnes. 38 9. Capoue. Averfe. Atella. 48 10.^ Etendue & divijion du Royaume de Naples. 5 6 11. Ville de Naples. Son origine. 5 S 11. Suite des Rois de Naples. 63 1 3. Idée de la Cour du Roi des deux Si-ci les & du gouvernement. 68 14. Tribunaux de jujlice. Sièges de la no~ blejfe & du peuple. 7 3 1 5. Terres titrées, revenus de la couronne, ordre de S. Janvier. 70 16. Situation de Naples, rues , places & quartiers principaux. 82 17. Château de VŒuf; château neuf, o P Tome IV. a ij Table j S, Place du marche , révolte de Mafa-niello. 07 jy. Palais du Roi. Tableaux. Places. Fontaines. i oa io. Eglifes de Naples. Cathédrale. Chapelle de S. Janvier. 108 21, Suite des Eglifes. Vejliges de monu-mens antiques. 1 1 7 2 2. Bibliothèque des Augujlins. Gefu no-yo. Sainte Claire. S. Philippe de Neri. 128 23. // Carminé. Anecdotes fur la mort de Con radin. 1 44 24. Tombeaux de Sanna^ar & de Virgile, Anecdotes. 149 2 5. Catacombes de S. Gennariel. 159 2<î. Château S. Elme. Chartreufe. 161 27. HôpûaUx. Réflexions fur leur utilité. 1 S. Capo di Monte t maifon royale & au-ties palais à Naples. 1 8 3 CONSIDERATIONS générales fur les mçeurs. 29. Idée de la cour de Naples. 206 3 o. Château royal de Caferte. 216 21. Mœurs de la nobleffe. 2 j le bas eft oc- A v 14 Mémoires d'Italie. cupé par des orangers, & quantité d'autres beaux arbres auxquels les exlialaifons des marais Pontins ne caufent aucun dommage. On voit fur cette route à main gauche quelques ruines que l'on dit être celles de l'ancienne ville appellée Très Tahcrnœ, bâtie en même-temps que la voie Appien-ne fut conftruite. S. Paul y palTa en venant à Rome ( Act. 28 ) & y rencontra quelques chrétiens qui étoient venus au devant de lui. Cette ville fubmtoit encore dans les premiers Siècles de l'eglife , Se avoit un évêchc qui a été réuni il y a très long-temps à celai de Velletri.Avnnt que d'arriver à Café Nuove , on traverfe fur un pont la rivière anciennement ap- {jeilée Ufens , à prefent/V Portatore, fur aquelle on p;ut prendre de petites barques qui mènent à Terracinc. Elle traverfe une pairie des marais Pontins Se a fon embouchure dans la mer à côté de Terracine au couchant. la porte de Cafe Nuove y éloignée de d.x milles de Ser-monetta, eft Située immédiatement fur le bord de ces marais , qui répandent, dit-on,, ces exhalaifons empeitées , h funeftes à toute l'wSpéce animale des environs j car l'efpéce végétale y elt au(Ti belle Se aulli foi te que dans aucune autre partie de l'Italie. Route de Rome a Naples. ii 3. Ces marais occupent quarante à cin- d quante milles de côtes , depuis le voihna-ge de Nettuno jufqu'à Terracine , fur une largeur fort inégale , que Ton peut cependant eftimer depuis quatre jufqu'à douze milles ; on prétend que la place qu'occupent aujourd'hui les marais Pontins , a été peuplée de plus de trente, tant villes que bourgades, dont il ne refte aucuns veftiges , 3c que ce terrein immenle a été culbuté par un grand tremblement de terre. En quel temps , c'eft ce qu'il eft fort difficile de fçavoir. On lit dans Tite-Liv? que l'an de Rome (à) 322 , on envoie dans une crainte de famine, chercher des grains dans les campagnes Pontines {&). En 367 3c 36$, il eft queftion de dif-tnbuer au peuple les champs Pontins. En 397 on crée une nouvelle tribu fous le (a) Tir. Liv. I. 4. zy. Farr.em cultoribus agro-rum timentes, in Etruriam, Pomptinumque agrumj O C amas y poftremo in Siciliam quoque frumenû causa mifère. (b) L. 6. ? 6: Oftentabatur in fpem Pomptinus ager, tumpri.num , poft accifas à Camillo Volf-corum res , pojfejfionis hauà ambigu*.... De agro Pornptino ab L. Sicinio tribuno plenis, acîum ad frequentioremjam populum, mobilioremque adcu-pidiiaiem agri quam fuerat. L. 7. Tribus Pompti-na adaita. A v j il Mémoires d'Italie. nom de tribus Pomptina (a). En le coniui Cornélius Cethegus fait dellc-cherles marais Pontins.Tour porte à croire que le grand bouleverlement qui changea la face de ce beau pays arriva dans le cinquième ou le iîxiéme fiécle de la république; Du temps de Pompée on tenta de les deifécher. Domitien y réunit en partie , par les grandes jettées qu'il ht hure pour foutenir la partie de la voie Appierc-ne, qu'il porta à travers ces marais par une ligne droite jufqu'auprcs de Terracine , pour éviter la montagne de Pipernb &c les longs détours qui la précédant & la fuivent. Sixte V , né pour les entreprîtes utiles ôc mémorabL-s,tenta le mcmedelîcchemenr, & y auroit réufîr, s'il ne fut mort avant la confommation de l'ouvrage. On s'en occupe très-fcrieufement à préfent. Il n'eit pas douteux que les exhalaifons de ces marais n'infectent l'air en été & en automne , furrout lorfque les vents du midi & du couchant rx-ment. Mais j'ai remarqué en palTànt à la foiuce de YUfens ou Porta-tore , que fes eaux qui ne font pas encore (a) L 4<ï. Ep':. Patpptia, paludes à Cornelio Ctthcgo cor.Julc, cuiaprcvintia cvencrat jjicents., agerque ex iisfacïus. Route de Rome a Naples. i'j mêlées avec celles des marais , rendent déjà une odeur acre &c fétide en tombant même des rochers d'où elles fortent j elles font blanchâtres & troubles , &t fe chargent d'une écume épaitfe, graife & jaunâtre qui a le goût du poilfon de mer corrompu. La mauvaife qualité de ces eaux ne contribue-t-elle pas à l'intempérie de ce climat ; d'autant plus que les effets du mauvais air ne m'ont paru nulle part plus marqués qu'à CafeNuove, hôtellerie ficuée à côté même de cette fource qui eft très-abondante. Les portillons & tous les gens de l'hôtellerie avoient l'air mal fain -, les chevaux mêmes , dont la race eft naturellement bonne , quoique vifs encore & pleins de courage, manquoientde force ; ils perdent leur poil par partie , la peau tombe enfuite , 6c ils pénlfenr de putréfaction qui commence par l'extérieur ; le meilleur cheval ne peut pas réhfter plus de deux ans à cet ai; infect. Ceux de Ser-monetta 6: ce C^fa Fundata n'en paroi tient pas aufiï incommodés , quoique l'on s'y plaigne autTï on mauvais air. On voir lè long des marais quelques veftigçs des t:av:qrl'on a faits pour les deilecher , <:;,: . à-loient en canaux profonds, pour j'c-OLLlement des eaux , ôc en fortes jettées élevées 'du côté de la 14 Mémoires d'Î t a l i t. mer : il y a mtme quelques p.ircies qui font encore cultivées, & où les grains de toute efpéce croilfent abondamment. Il s'y eft: formé des taillis remplis de fan-gliers , &c dans lefquels on tient des troupeaux de (a) bulles j le terrein s'eft élevé peu-à-peu dans ces parties , autour def-quelles on a eu loin d'entretenir les folfés, ce qui indique à-peu-près la manière dont (a) Le Buflc n'eftpoint un animal fauvage comme quelques auteurs l'ont écrit. On l'emploie en Italie aux mêmes ufages que les bœufs, il eft de la taille des bœufs ordinaires, moins gros cependant que ceux du Patrimoine & de la Touille, Tes cornes font courtes, noires, larges &■ anucj-Lvs, recourbées du côté du corps.Le poil efti'oir, ri:dc&peu épais, la peau eft force & dure. L'encolure cil un peu plus longue Se moins épaule que celle du bœuf: il a le pied fendu de même Se un peu plus large , il a les yeux petits, vifs, Se pleins de feu , & le regard méchant , furrouc quand on le tiouve dans les bois ; on ditq;.ela couleur rouge le met en fureur. Tous ceux qui fervent aux OTagcs domcftiqucs, ont un anneau de fer pa/Ié dans les na féaux qui fert à les conduire. Quand ils font attelles, ils paroillcnc aufli doux que les bœufs & font beaucoup plus forts. Cet animal fe plaît dans le marais ou il fait fa bauge comme le fanglier : ce qui ajoure encoie à fa malpropreté & a fa laideur nauuclle ; on trait les femelles, & de leur lai: on fait des fromages frais que l'on dit fort délicats. Route de Roms a Naples. t£ il faut s'y prendre pour parvenir a les def-fécher entièrement , mais quand cet ouvrage fera adievé,où prendra t-on des cultivateurs qui habitent ce climat,Se l'entretiennent dans le bon état où on l'aura mis ? 4. Au fortir de Cafe Nuove on laifle les marais à droite , Se on va par un chemin pierreux , qui eft, à gauche, à Piperno qui en eft éloigné de huit milles. C'eft l'ancien Privernum , ville confidérable des piperno» Volfques , fituée fur une montagne très-élevée Se efearpée de tous les cotés, excepté de celui de Rome, où la pente eft un peu plus douce , à l'entrée de la ville près, qui eft très-rapide \ c'eft ap:ès Radi-cofani , l'endroit le plus trifte Se le plus pauvre qu'il foitpoflîble de voir. 11 y avoir autrefois un évêché qui a été réuni à celui de Terracine, Se l'églne principale conferve en conféquence une vieille chaire épifcopale fous un dais à côté de l'autel. La ville eft mal bâtie Se n'a aucun édifice remarquable. L'illuftre Camille (a), cette (a) Hos fuper advenu , Volfcâ de gente 3 Camilla* Agmea agens cquitum &fiorentes Aie catervas RtUatrix: non illa colo , calathifquc MinervA Femineas cfj'ueta rnanus , fe d pr&iïa virgo Dura pati, curfuque pedum , pr&yçrterc ventos 16" Mémoires d'Italie. héroïne dont parle Virgile L. 7. & 1 1 de l'Enéide étoit de Privernum, d'où Ton père Merabus fut banni par une fiction qui lui étoit oppofée. L'hiftoire de cette belle guerrière mérite d'être lue. Tout autour de la ville font quantité' de petits jardins potagers, à différentes hauteurs ; le ter-rein y eft ménagé avec induftrie ; il y a aufli quelques vignes & des terres qui paroifîent cultivées. Les fommets voifins font couverrs de marroniers , & on élevé des oliviers dans les exportions les plus favorables. Comme on n'a pas cherché à tourner la montagne , la defcente au for-tir de Piperno du côté de Naples , eft Ci droite qu'elle effraye ; cependant c'eft le grand chemin de Rome a Naples, celui des portes 6c de tous les voyageurs. On defeend en enrayanr routes les roues, 6c malgré cette précaution , les chevaux fe foutiennent à peine. Pour remonter on prend à une hôtellerie des hurles qui font lents,mais très-forts 6cne reculent jamais. Au bas de Piperno on marche quelque temps dans une vallée relferrée où les cne- llla , vet intiicli. fegetis, per fumma volaret Gramina , nec teneras CLrfu LJJjfet arifias..... liiam omnis teclis, agrifque efl'uja juventus , Turbaque mirât ur-matrum & proffcdai canton.,.,, Route de Rome a Naples. . 17 mins font mauvais ; de-là on entre dans une foret de lièges , arbre fingulier qui ne croît que dans les pays chauds j il ref-femble beaucoup au chêne-verd pour l'extérieur y mais le tronc en eft plus gros , les branches principales moins ramaiïées, 6c s'étendent davantage. Ses feuilles font oblongues , dentellées , plus molles &c plus vertes que celles du chêne-verd j le gland qui eft le fruit de cet arbre eft brun 6c de la forme des glands ordinaires. Il ne meurt point comme les autres arbres quand il eft dépouillé de fon ccorce ; au contraire , il fembîe s'en porter mieux j car quand on n a pas foin de l'enlever, elle le fend 6c tombe d'elie-même par morceaux • la féconde écorce eft meilleure ôc plus fine que la première ; c'eft celle dont fe fervent 'es pêcheurs pour leurs filets. Au fortir de cette forêt , à quelques cent pas à droite, on voit l'abbaye de Foffa nova, de l'ordre de Cîteaux, dans laquelle S. Thomas d'Aquin mourut en allant de Naples au fécond concile général de Lyon en 1274* ,; •; On compte feize milles de Piperno à Terracine en palTant par Maroni qui partage à-peu-près le chemin en deux parties égales , dont une partie fe fait fur an chemin pavé , étroit, dégradé, les vignes , les orangers, les oliviers , les mirthes , les lauriers y croilfent à fouhait, les terres y font bien cultivées 6c fertiles, 6c l'afpect du pays eft très-beau. A un milleau-delà de Fondi , en fuivant la voie Appienne , on traverfe une montagne élevée, pref- ^-qu'entièrement couverte d'oliviers au midi 6c au couchant , nu pied de laquelle font des veftiges de bârimens antiques , fur lefquels on avoit élevé fort anciennement quelquesouvrages qui fembloient faits pour défendre ce palTage qui eft très-séflèrré* à la tête duquel eft un pont fous Route de Rome a Naples. 31 lequel coule un gros runTeau qui defcend des montagnes. Les hauteurs oppofées au nord , font arides. L'infpe£tion du fol , la couleur de la terre 5c des rochers , la qualité même de quelques plantes Se huilions qui y croulent» font conjecturer que ces montagnes renferment dans leur fein des carrières de marbres , qui n'ont pas encore été ouvertes ; les pierres dont on fe fert dans le pays , font brunes Se trilles , Se celles qui paroiffent fur ces montagnes font de différentes couleurs fort vives. Dans tout ce canton la voie Appienne eft très-bien confervée ; elle fait le circuit de la montagne , qui p?.r ce moyen n eft pas difficile à monter ; mais il y manque d'ef-pace en efpace des pierres., qui occafîon-nent les cahots fréquens quibrifent encore plus les corps que les voitures , inconvénient qui eft bien plus fenfible dans la plaine , torique l'on va plus vite. Ainlî l'on n'ufe qu'à regret Se en tremblant de ces reftes de la magnificence Romaine. 7. La petite ville d'Itri , à huit milles Ic"; Mo!a' de Fondi, eft dans une fituarion qui n'a be™ & ma£ rien d'agréable , c'eft l'ancienne Mamur- Con tlc ckt* rka du Latium dont parle Horace ; larueron" principale eft fort étroite, Se la partie la plus détériorée de la voie Appienne. Biv Mémoires d'Italie. D Itri à Mola on compte huit mille* qui fe font fur un coteau peu élevé dont rafpect eft charmant. Mola eft un beau village, bien peuplé, placé au centre d'un petit golfe , dans l'une des plus heureu-fes Situations qu'il foit podible d'imaginer. Il eft alfez près des montagnes qui le couvrent des vents du nord Se du couchant y il a la mer au midi Se la grande route de Naples au levant. La campagne qui l'environne peut être regardée comme un jardin délicieux, planté d'orangers, de lauriers de toute efpéce, de grenadiers Se de mirthes, parmi lefquels croiifent les jafmins Se d'autres arbuftes prefque toujours chargés de rieurs. Les coteaux font couverts de vignes Se d'oliviers, qui croif-fent dans un terrein fertile qui produit toutes fortes de grains. A peu de diftan-ce de Mola au couchant, près du lieu dit Sptrlonga7Qn\ la montagne de Cecube, encore chargée de vignes, dont Horace a chanté le vin. Il eft toujours l'un des meilleurs du pays , Se connu fous le même nom. La mer qui eft très-poiifonneufe contribue à chaque in (tant à l'abondance qui régne dans ce lieu ' on a vraiment du plaiiîr avoir les beaux Se bons poilfons que l'on y pêche continuellement. La partie pria- Route de Rome a Naples. 55 cipale de ce village eft bordée d'un grand cjuai qui s'étend le long du golfe , dou on a d'un côté la vue de Gayette qui eft fituée à la pointe occidentale j de l'autre celle des bords de la mer, défendus par. plulieurs tours anciennes qui fervoient autrefois à garantir le pays des defcentes des Barbares, ck que l'on continue d'entretenir en bon état. C'eft à Mola qu'eft le premier bureau de douane du royaume de Naples , où on fait une vifite exacte de tout ce que l'on emporte , tant en allant qu'en revenant, 6c qu'il n'y a pas moien d'éviter, à moins que l'on n'ait un paffeport exprès du mi-niftre des finances. Mola eft bâti fur les ruines mêmes de Formies , ville très-ancienne du Latium 6c très-confîdérable, habitée jadis parles Leftrigons , que Pline l'ancien Se d'autres auteurs nous difent avoir été des Antro-pophages , ce qui eft difficile à croire ; il eft plus probable que ces peuples étoient des corïaires déterminés qui infeftoient ces côtes 6c qui y caufoient un très-grand défordre par leurs brigandages. La ville de Formies étoit reftée très-peuplée, Se a eu un fiége épifcopal jufques dans le neuvième fiécle. En 840 les Sarrazins établis dans les iiïes de la Méditerranée B v 54 mémoires d'I t a l ie. y firent une defcente , & la ruinèrent entièrement ; alors le ilége épifcopal fut transféré à Gayette , qui s'accrut des ruines de Formies dont elle étoit tres-voifine ; c'eft fans doute l'afyle qu'y trouvèrent les habi-tans défolés de Formies qui les empêcha de rétablir leur ville , à la lituation de laquelle ils dévoient cependant être fort attachés {a). La mer a beaucoup gagné de ce côté ; quand elle eft tranquille , on voit, allez (a) Martial fait l'éloge le plus touchant de la fituation de Formies , & qui convient encore en tout à celle de Mola , qui m'a paru devoir être un féjour délicieux. O tempérât a dulce Formî& Littus ! Vos cum feverifugit oppidum Marti s Et inquiétas fejfus exuit curas , ApoÛinaris omnibus locis prtfert... Hic fumma Uni ftringitur Thetisvento, Nec languet dquor y viva fed quiesponti... Necfeta longo quArit in mariprAdam 3 Sed à cubili, leciuloque jattatam, SpeEictus a/te lineam trahitpifeis.» Quot formianos imputât dies annus Negotiojis rébus urbis hArenti.... Route de Rome a Naples. 35 avant dans le golfe , des ruines de bâti-mens dont plusieurs ont encore des relies fenfibles de magnificence. On y remarque de beaux marbres , des parties de pavés en mofaïque , des murs d'une construction folide qui fe confervent fous les eaux -, on prétend que ce font des reftes de l'ancienne Formies. Autant que j'ai pu. en juger, la mer, parmi ces ruines dont plulieurs s'élèvent à Heur d'eau , n'a gué-res plus de quinze à vingt pieds de profondeur , même alfez avant dans le golfe. Cicéron a eu une maifon de campagne à Formies , les auteurs contemporains en parlent fous le nom de Formianum ; la tradition s'en eft confervée dans le pays , & on montre fur la côte au-délions de Caftellone, entre Mola & Gayette, quelques ruines alfez confidérables recouvertes en partie par la mer, que l'on appelle les écoles de Cicéron. Il refte une grande falle voûtée que l'on ne peut voir qu'en p allant, parce qu'elle eft prefque entièrement remplie d'eau ; on prétend qu'elle eft entourée de lièges de marbte, & que c'étoit-là que Cicéron faifoit fes conférences philosophiques , qui ont donné lieu à quelques-uns des ouvrages qui nous ref-tent dp lui. Ces ruines font allez confidérables pour Bvj $6 Mémoires d'Italie. donner une belle idée de l'étendue & de la magnificence de cette maifon. Toute cette plage en allant du midi au couchant eft remplie de monumens antiques , qui fiibfïftent encore, parce que les eaux de la mer empêchent qu'on ne les détruife pour les employer à des conftructions modernes. Quelques cent pas avanr que d'arriver à Mola, à droite delà voie Appienne , on voit une ancienne tour à trois étages de différents diamètres , dépouillée de fon revctiffement extérieur , que l'on affine avoir été le tombeau de Cicéron. Les pierres qui fe font détachées delà maçonnerie, les buifîons qui y font crûs, empêchent que l'on n'en approche aifément \ on voit feulement une petite porte quar-rée qui a été l'entrée du tombeau, que je n'ai point vû à l'intérieur. Cette forme de conftruétion eft élégante. Ce n'eft cependant pas dans cet endroit-là même que Cicéron fut tué par Popilius Lénas &Herennius, qu'Antoine avoit envoyés à fa pourfuite. Il partit de fon Tufculanum, vint s'embarquer à Aftura , petit port qui fubfîfte encore à la tête des marais Pontins au couchant j delà il alla par mer juf-qu'aux environs du Cap Circtllo , entre Terracine &c Aftura j on prétend qu'il y Route de Rome a Naples. 57 prit terre , 6c que ce fut-là qu'il fut rencontré par fes aifaifins. Cependant le récit de Plutarque femble indiquer qu'il fut tué dans le voifinage de fon Formianum , qui alors comme à préfent étoit un pays délicieux. Cicéron étoit trop agité de craintes pour être en état de fuivre un plan déterminé, 6c travailler lui-même à la propre itirete. Son premier deiTein avoit été de s'en aller par mer en Macédoine auprès de Brutus. Il n'y penfoit plus , il s'étoit abandonné à la fidélité de fes domeftiques , qui cher-choient quelqu'endroit écarté dans lequel ils pulfent cacher leur maître à la pour-fuite des émidaires d'Antoine. Ils y au-roient réufli fans la trahifon infâme du jeune Philologus affranchi de Quintus , que Cicéron lui - même prenoit la peine d mftruire dans les belles-lettres &c la Phi-lofophie , qui découvrit à Herennius le lieu où fon maître fe retiroit -, ce grand homme avoit alors ^foixante-quatre ans complets. L'infpe&ion des lieux attendrit fur fon fort , & rend plus horrible encore la cruelle vengeance d'Antoine , Sz furtout la barbare ingratitude de Popilius Lenas , que l'éloquence 6c le crédit de Cicéron avoient fauve d'un fupplice infâme , lorf- 3 8 Mémoires dtI t a t r e. qu'on l'accufoic d'avoir tué fon propre pere (a). Gayetre.Rui- 8. Le golfe que les anciens appelles de Min- t ■ „ j T- ■ n. • JM * 1 l uraes. loient de formies eft aujourdhui le golfe de Gayette, du nom de la ville qui eft bâtie à une de fes pointes ; cette ville eft très-ancienne en Italie ' elle doit fon origine 6c fon nom au temps même d'Enée , qui fit enterrer fur cette pointe fa nourrice qu'il avoit fauvée du fac de Troye, 6c qu'il menoit avec lui (b). Les peuples de Samos y envoyèrent en fui te une colonie qui y bâtit une ville, qui fut pofïédée par les Anrunciens , 6c après par les Romains. Mais elle n'eft (a) Quandiu rerutn natura aut fortunafteterit, aùt memoria duraverit, admirabile pofteris vige-bis ingenium , cV uno profcriptus ficuio , profcri-bes Antonium , omnibus. Arel. Fujcus... Cicéron tranquille , s'çftimoit afTez pour ne pas clouter du jugement que la poftérité porre-roit entre Antoine & f*i. Mais prêt de périr, il étoit trop foibk , pour que l'amour delà gloire le mît au-dcllus des agitations qui précédèrent l'inftant de fon affa/Tïnat. (b) Tu quoque, littoribus noftris , JEneïa nutrixy AZterntm moriens famam, Caïcta, dedijli, Et nunc fervat honos Jedem tuus : ojfaque nomen Htfperia in magna (fi qua eft ea gloria ) fignant.. JEncid. 7. Route de Rome a Naples. $o devenue confidérabie que depuis la ruine de Formies 8c celle de Mintumes. Aujour-d hui c'eft une place importante, très-bien fortifiée, que l'on regarde comme la clef du royaume de Naples. Alfonfe roi d'Arragon fit conftruire en 1440 le château qui eft à la pointe du golfe j il y a toujours une garnifon très-forte , 8c on ne permet à aucun étranger d'entrer dans la place , que l'on n'ait vilité fes pallèports , 6c que l'on ne le faffe en-fuite accompagner par quelques foldats de la garnifon. Cette place appartient à la branche Efpagnole de la maifon de France depuis 1734. Les Efpagnols en firent le fiége par mer, 8c en peu de temps ils forcèrent la garnifon Autrichienne à fe rendre à difcretion j depuis ce temps on a réparé les fortifications que l'on a fort augmentées j il y a plu lieu rs batteries à fleur d'eau qui paroilfent en bon état, 8c qui défendent avec avantage les abords de la place par mer. Le côté de terre aaufïi de bonnes fortifications. Tout au haut de la place hors du château, on voit une ancienne tour d'une alfez belle conftrucrion , qui eft le mau-folée de Lucius Munatius Piancus ; on l'appelle dans le pays la tour de Roland. L'infcription qui eft au-deffus de la porte , 40 Mémoires d'Italie. mal entendue , a fait croire à quelques antiquaires que c'étoit un temple de Saturne -, mais la forme du monument. tout-à-fait femblâbleà celui de la fimille Mé-tella qui eft hors de la porte de S. S'e-baltien de Rome, connu fous le nom de Capo di Bove prouve que ce n'a jamais! été qu'un tombeau. Ce Munatius étoit contemporain d'Augufte &z fon ami ( Triump. ex. Rhatis. JEdem. Saturni. Fecit de Manubiis. Agros. divifit. in Italia. Bencventi. in Gailia. colonias. deduxit Lugdunum. &. Rauricam. On verra que c'eft: en quelque forte un abrégé de la vie de Munatius-PIancus où les principales circonftanccs de fa vie font rapportées , telle que celle d'avoir fait bâtir un temple à Saturne des dépouilles des Rhetiens». Rotjti de Rome a Naples. 41 le rapport des parties convexes &c concaves qui fe répondent parfaitement j on a pratiqué entre les deux parties du rocher , un efcalier large à patïer deux perfonnes, qui defcend à une chapelle bâtie au niveau de la mer, dédiée à la fainte Trinité , à fainte Anne 8c à faint Nicolas , à laquelle tous les gens de mer ont grande dévotion. On fait -voir fur un des côtés du rocher la forme d'une main imprimée dans la pierre j miracle arrivé pour convaincre un incrédule, qui ne croyoif pas plus que ce rocher fe fut ouvert à la mort du Sauveur, que la pierre fut tendre 8c Hexible. Un diftique gravé au - deffous , ^conferve la mémoire de ce miracle [a). La vue du haut de cette montagne eft admirablejon découvre la ville de Gayette, une grande étendue de mer des deux côtés , une partie d'un pays délicieux , peuplé de belles maifons 8c de quelques-uns cie ces jardins en terraffes foutenues par des voûtes que les Romains appelloient ? Hcrti penfiles. La ville de Gayette refferrée dans l'en- (a) Improba mens, verum renuit , quod fama fatetur, Crcdcre 3 ai hoc 3 digitis 3 /axa liquata , probant. 4i Mémoires d'Italie. ceinte des fortifications eft peu étendue , elle n'a qu'une rue principale qui aboutie aux deux portes ; à en juger par la quantité de foldatsque l'on y voit, la garnifon doit être nombreufe : mais les fauxbourgs font confidérables 8c bien bâtis. La population monte à dix mille ames, non compris la garnifon. L eglife cathédrale de Gayette eft un édifice peu confïdérable. On nous fit remarquer à côté du maître-aurel une colonne de marbre blanc fcnlptée du haut en bas, que Ton croit avoir fervi au temple de Salomon, Elle eft d'un travail gothique & recherché avec beaucoup de {u'opreté ; ce qui eft vraiment beau , c' eft e vafe antique de marbre parien qui fert à conferver l'eau des fonds baptifmaux de cette églife. Il a environ quatre pieds de hauteur, en forme de cloche. Le bord du fafe eft entouré d'une guirlande de pampres ; fur le corps on voit le jeune Bacchus que Mercure remet au moment de fa naiffànce entre les bras d'Ino 3 une troupe de fatytes 8c de bacchantes forment une danfe ; on y remarque un fatyre qui joue de deux Huttes enmême-tems (a). {à) On jouok de ccj deux Autres en mémo* Route de Rome a Naples. 45 Cet ouvrage eft d'un travail achevé 6c d'une correction de deiTein vraiment digne des beaux temps de la Grèce. Une infciiption l'attribue àSalpion,fculp-teur Athénien. A côté d'une des petites portes del'églife eft un groupe antique fort bien compofé. La figure principale eft d'un vieillard qui pofe le pied fur un chien , couché en partie fur une tête de mort. Un ferpent fe tortille autour de la jambe 6c du corps du vieillard , 6c a la tête pofée fur la henné,qui eft furmontée d'une aigle. Ce compofé emblématique me paroît re-préfenterla vieillelTe, qui, malgré lavigi- temps pour foutenir la voix dans le chant ou l'accompagner dans le récit. Celle de la droite rendoit un fon aigu, celle de la gauche un fon grave. On les fabriquent avec des rofeaux. Pour les Huttes gauches on prenoit le bas du rofeau qui étant plus gros & plus épais & ayant untrou'plns large , rendoit un fon plus fon j pour les Huttes droites on fe fervoit du de/fus des rofeaux, qui rendoit un fon plus clair, par les raifons contraires... Vairon CL. i. de rc ruftica ) eft précis fur ce ftijer.... Tibias dextras & finijlras s cum uno eodemquc temport fanaient, ut hijlrwnum vo-cem fequetentur , alteram incentivam , altérant fuccentivam fuijfe... Dans le titre del'Àndrienne de Térencc on annonce quelle a été accompagnée ds deuxfîuttes ,tibiis dextris &'fini'fris. Les Romains avoient pris cet ufage des Grecs... 44 Mémoires d'Italie. lance Se la pénétration des médecins , ne peut reculer le terme de la mort. En qualité de François on ne manqua pas de nous faire voir les trilles reftes du connétable Charles de Bourbon , tué en prenant Rome d'alfaut en i 517. Ses os îbnt en dépôt dans une petite chambre qui eft à côté du premier corps de garde du château. Comme il étoit excommunié de droit Se de fait , pour l'entreprife facrilé-ge dans laquelle il périt, fes foldats mêmes n'olerent l'enterrer en terre fainte ; ils rapportèrent fon corps à Gayette ou il eft refté depuis ce tems. Sans doute que Ion lit alors quelque prépaiation pour Je delfécher ; car il eft dans une grande cailfe en pied , habillé à la mode du temps , botté Se ganté y le menton eft de bois, le véritable étant tombé j il refte une peau féche Se noire'fur la partie fupérieure du vifage qui eft à découvert. La cailfe eft dans une petite voûte taillée dans le roc, fermée d'une double porte de fer. Un bas officier invalide a la clef de ce dépôt qu'il ne fait pas voir gratis. Sur la muraille de la petite chambre font écrites différentes épiraphes du connétable , en Efpagnol, en Allemand , Se en Latin. Hors de la porte du fauxbourg fur le bord de la mer , on ne manque pas de montrer l'en- Route de Rome a Naples. 45 droit ou le féraphique faint François prêcha avec tant d onction que les poilions pour l'entendre mirent la tête hors de l'eau. Le port de Gayette , garanti des vents du midi, du couchant Se du nord , eft en demi cercle, revêtu de beaux quais garnis d'artillerie , avec quelques ouvrages avancés du côté de la pleine mer. Comme le vent étoit nord Se très-frais , dès que nous eûmes quitté le port, nous rimes canal droit à Mola , avec la plus grande rapidité , dans une petite barque fort inclinée du côté où elle pouvoir ren-verfer j pofttion peu commode pour gens qui ne connohTent pas la mer Se qui pré-fereroient une manière d'aller moins rapide , mais plus fûre j aufti je revis avec grand plaifir les ruines de l'ancienne Formies , parce qu'en cet endroit on baiifa la voile , Se on prit les rames", pour aborder à Mola. L'eau douce ne manque pas fur ces côtes, plusieurs fources coulent des montagnes qui les couvrent au nord , Se entretiennent des ruiifeaux qui portent la fraîcheur & la fertilité dans ces belles campagnes. En fortant de Mola on fuit la voie Appienne jufqu'àMincumes j Se au pafïage du 46" Mémoires .^Italie. Oâriglian pendant l'efpace de huit milles, dans une plaine fertile cv bien cultivée, bordée prefque par-tout de hayes vives de mirthes , lauriers , grenadiers , entremêlés d'autres arbuftes fleuris ; on voit pendant plus de trois milles le long de cette côte charmante, que l'on quitte à regret, des plantations de vignes, d'orangers , d'oliviers , Se d'autres arbres à fruit ; tout cela eft entremêlé d'une multitude de tombeaux antiques de toutes grandeurs Se de toutes formes , mais (i mutilés, qu'il n'en refte plus que ce qui peut annoncer qu'ils ont cxilté. Avant que de palfer le Garigliano, on voit des deux côtés du chemin quelques veftiges de l'ancienne ville deMinrurnes, bâtie autrefois fur les frontières du La-tium Se de la Campanie ; on y reconnoît encore les relies d'un amphithéâtre , Se plufieurs arcades d'un grand aqueduc qui y conduifoit l'eau de la montagne , fur laquelle eft fîtuée à gauche la petite ville de Traetta. Le Gariglian on Liris forme quelques marais qui rappellent les malheurs du célèbre Marius , qui fui obligé de fe cacher dans ces boues pour fe dérober aux fatellitjs que Silla avoit mis à fes trouffes , Se que malgré ces précautions d ne put éviter j il nvS fembloit voir ce Route de Rome a Naples. 47 grand homme qui avoit été fept fois con-ful, fortir, couvert de fange, du bourbier où \\ s'étoit caché, Se faire trembler même dans cet inftant les foldats auxquels il fe livroit , que fa fermeté Se la gloire de fon nom empêchèrent de porter fur lut des mains parricides. Les réflexions de Ju-vénal à ce fujet font admirables {a). C'eft-la où Ton pa(fe le Gariglian , au lieu dit Barcadcl Garigliano , où il n'y a qu'une tour anciennement conftruite pour garder ce paifige Se un cabaret de mauvaise apparence. Les eaux de ce fleuve qui eft navigable font troubles,&: charrient avec elles beaucoup de terres Se de fables, fes bords font efearpés j en le quittant la direction du chemin eft au levant , Se on s'éloigne de la mer qu'on laiffe à droite. On palfe à travers une plaine , dont le fonds eft gras Se bourbeux , mais où il (a) ... Vox jufli facunda Solonis Re/picere ad longs, jujftt J'pt*iie Rome a Naples. 51 r/enverferent Se la laiiferent à-peu-près dans l'état où elle eft. encore aujourd'hui, dans le lieu appelle fanta Maria délie Gracie ou la vieille Capoue : on y voit quelques reftes d'édifices antiques qui ne peuvent avoir été que ceux d'une grande ÔC belle ville. L'amphithéâtre furtout de-voit être l'un des plus magnifiques qui eût été conftruit dans les temps reculés j il étoit décoré, comme celui de Rome, des quatre ordres d'architecture , Se outre cela d'autres ornemens , qui manquoient au collifée ; fur l'architrave qui féparoit le premier ordre du fécond , étoient en relief les têtes de toutes les divinités du paga-nifme \ entre le fécond Scie troifiéme les buftes des mêmes divinités , entre le troifiéme Se le quatrième leurs ftatûes ; il ne refte plus qu'une partie de la décoration du premier ordre , le refte ayant été enlevé. Ce devoit être une chofe fort fin-guliére de voir cette nombreufe alfemblée de divinités payennes , chacune avec leurs attributs , à la fuite les unes des autres. Il n'y a prefque plus rien de l'enceinte extérieure qui étoit de grandes Se belles pierres j mais la carcaife intérieure de ce vafte édifice qui étoit de bricjues , fubhfte encore , parce qu'on n'a pu en tirer un parti aufti avantageux que des pierres que 5i Mémoires d'Italie. l'en a employées , partie dans les édifices de la nouvelle Capoue , partie même à faire des chaulTées&ù reparer les chemins : encore font-ils fi mauvais dans tout ce voi-fînage , que l'on fouhaiteroit que ce qui refte de ruines dans la vieille Capoue, y eut été tranfporté peur les rendre plus pratiquables. Quelques autres morceaux de fculpture 8c d'architecture épars dans fes ruines , prouvent que l'on y bâ-tiiîoit avec magnificence , eu égard au temps auquel on peut placer leur conf-truefion. Mais tout cela eft fi négligé que l'on ne peut en tirer aucune lumière certaine , & qu'il faut s'en rapporter au témoignage des anciens fur ce lieu de délices, que Cicéron appelle le féjour de l'orgueil & le fiépe de la débauche. Dans le neuvième fiécle, 1 evêque Lan-dulphe 8c le comte Landon , probablement tous deux Lombards, firent bâtir la nouvelle Capoue, des ruines de l'ancienne , fur les bords du Vulturne , au pied du mont Tifaus , aujourd hui S. N'ifolo • le q lartier principal du camp d'Annibal étoit placé fur le bas de la montagne que l'on appelle aujourd hui la Mont.ignuola , dont le pied touche les murailles de Ca-po e. Jean XIV en 96S l'érigea en archevêché. Route de Rome a Naples. 5$ Tant que cette ville a été fous la puif-fance des rois de Naples de la maifon d'Autriche, elle alloit de mal en pis, la population y diminuoit , Se bientôt ■ la nouvelle Capoue eût été comme l'ancienne un amas de ruines. Mais depuis l'a-vénement de dom Carlos au trône de Naples , il a fait de cette ville une place con-fidérable , qui eft très-bien fortifiée , avec un bon château Se une forte garnifon â laquelle répondent les différens quartiers de troupes répandues dans les environs , & que l'on fait monter à huit ou dix mille hommes. Elle eft.actuellement fur le ion d'une ville de guerre où le fervice militaire fe fait avec la plus grande exactitude. Pour paifer au-delà, il faut être muni d'un paffeport du miniftre du roi de Naples rélidant à Rome , fans quoi le gouverneur ou l'officier qui le remplace, arrête tout étranger qui pafîe, 6c le retient jufqu'à ce quil ait fait venir un paffeport de Rome , à moins qu'il ne prenne le parti de retourner fur fes pas Se d aller lui-même le chercher. Cette ville a quelques quartiers affez bien bâtis , plusieurs maifons de belle apparence, Se uneéglife cathédrale que l'on croiroit antique , fi l'on en jugeoit par quelques-unes de les parties qui font ia- C iij 54 Mémoires d*I t a t i i. comeft.iblement conftruites des matériaux pris dans l'ancienne Capoue, & ajuftés à un ufige plus moderne ; ce qui a fait croire à que ^ues voyageurs que cette églife étoit conftruire furies fondemens d'un temple antique , chofe qui n'eft pas probable, la Capoue actuelle ayant été bâtie dans le neuvième fiécle , fur un terrein qui avoit été inhabité jufqu'à cette date. Sa population eft de dix à douze mille ames j ce qui joint à la garnifon donne un air très vivant à cette ville, où il paroît qu'il fe fait toujours un grand mouvement. A quatre milles de Capoue au levant eft la petite ville épifcopale de Caferte avec titre de principauté. \Le roi de Naples en a fait l'acquiiition & il y réfide une partie de l'année ; j'en parlerai plus bas, de même que du château royal que l'on y bâtit. On compte feize milles de Capoue i Naples , qui fe font par un chemin aligne 8c allez large , auquel il paroît que l'on a travaillé 'y mais comme il n'eft pas entretenu par corvées , il y a des endroits très-mauvais, quoique ce foit la route que fuivent une partie de ceux qui vont à la cour, lorfqu'elle eft à Caferte , furtout quand les chemins font boueux. Toute la campagne préfente un fpee- Route de Rome a Naples. 55 tacle également agréable 8e riche ; partout ce font des prairies , des terres cultivées avec foin , des vignes plantées au pied d'arbres élevés , fous lefquels on fé-me des grains de toute efpéce. A moitié chemin de Capoue à Naple on rencontre Averfa, ville bâtie dans le dixième fiéclepar Robert Guifcard gentilhomme Normand , duc de la Pouille 8e de Ca-labre , dans le detfein de Toppofer à Naples 8e d'en attirer, s'il pouvoir, les ha-bitans dans la nouvelle ville ; projet qui ne devoit pas réuflir , mais qui prouvoit le génie entreprenant de cet illuftre avan-turier \ il la forma des ruines de l'ancienne ville d'Atella qu'il acheva de détruire, dont Léon IX transféra le lîe^e épifcopal à Averfe. Charles I. d'Anjou detruifit cette ville qui avoit tenu trop conftamment le parti des princes de la maifon de Suabe. Depuis elle a été rétablie 8c entourée d'une hmple muraille. Son évêché eft le plus riche du royaume. La ptincipate rue qui la traverfe dans toute fa longueur , eft belle, large de décorée d'alfez beaux bâ-timens. L'ancienne ville cVAtelles étoit bâtie à un mille d'Averfe au midi , à l'endroit appelle aujourd'hui San-Arpino. Ce n'eft pas dans cette ville où les Atellanes, on C iv 5 6* Mémoires d'Italie. comédies libres, avoient pris leur naif-fance; ei es avoient été imaginées à Atella en fofcane ; elles tenoient le milieu entre la corné, ie férieufe , Se la farce, & étoient dans le goût desguepes d'Ariftophane, ou fi l'on veut, des plaideurs de Racine. Depuis elles devinrent fi licentieufes & fi contraires aux bonnes moeurs que le fenat les défendit. D'Averfe à Naples il y a huit milles, dont trois au moins fe font ou dans les fauxbourgs de cette capiraie, ou dans les villages qui y tiennent Se qui font bien bâtis. ; o. Si l'Italie eft le jardin de l'Europe, la partie la plus délicieufe de ce jardin eft le royaume de Naples ; il occupe du nord au midi Se au levant toute l'extrémité de l'Italie. Sa plus grande longueur de Capo de l'Armi à la pointe méridionale de la Calabre ultérieure, jufqu'à l'embouchure duTrantoqui fépare l'Àbruzze ultérieure de la Marche d'Ancone , du midi au nord , eft d'environ trois cent cinquante milles. Sa largeur du couchant au levant, à compter de Gayette à l'embouchure de l'Aterno , ou de Naples à la pointe de la Capitanate,eft d'environ cent milles -y le circuit du royaume eft en tout de quatorze cent huit milles ; de forte qu'il a plus de quatre cent lieues de côtes. 11 a pour fron- N a p l i s. 57 tières au couchant & au nord , la Campagne de Rome , la Sabine & la Marche d'Ancone. A l'orient le golfe de Ve-nife , au midi &c à l'occident la mer de Tofcane. Les côtes de ce royaume font déîendues par vingt châteaux ou places fortifiées , ôc trois cent trente-cinq tours ou redoutes,difpjfées d'efpace en efpace fur les rivages où la defcente fe peut faire aifément. Il eft d«vifé en douze provinces qui font, i°. la Terre de Labour, anciennement la Campanie , qui a pour capitale Naples. 2°. La principauté citérieure , Pi-centins. Saisine. 30. La principauté ultérieure , Hirpini, Monte Fufco. 4°,LaBa-filicate, Lucania , Matera. 50. La Capita-nate , Daunia , Lucera. 6°. Comté de Molifi , Frentani , Molifé. 70 Terra de Bari , Peucetia , Trani. 8°. Terre d'O-trantie, Yapigia, Leccé. 90. Calabre citérieure , Brutn , Cofenza. io°. Calabre ul térieure , Magna Grrccia , Catanzaro. ii°. Abruzze citérieure , Veftini, Aquila. Abruzze ultérieure, Marfi , Chieti} chacune de ces provinces a un tribunal royal pour l'adminiitration de la juftice, connu fous le nom de la ville principale où eft fa réfidtnce. Ce royaume a vingt-deux arclievcchés & cent feize evêchés j C v 5$ Mémoires d'Italie. on peut juger par-là de la population 6c de fa fertilité (a). Ce pays a été le théâtre d'une multitude de révolutions dut fe font fuccédées pendant un long efpace de temps , 6c la ville de Naples qui prend le titre de Très-Fidelle, a fomenté dans fon fein au moins quarante conjurations différentes , pendant lefquelles elle fe donnoit des maîtres, tantôt à la fantaifie d'un peuple tumultueux 6c inconftant , tantôt parce qu'elle étoit forcée de céder à la loi du plus fort. vrffecfeNa- 11. La vilTe de Naples eft très-ancien-»/eaorilji-ne . u eft dlfficile a alîigner le temps de fa fondation. Elle porta , dit-on , d'abord le nom de Parthenope qui étoit celui d'une des Sirènes qui elfaverent de gagner Ulyfïè par les charmes de leurs figures & de leurs voix j mais qui défefpérées de n'avoir pu réullir, fe difperferent pour (a) L'Eglifè de Rome pofféde en iouYeraincté JEc pays de Benevent enclavé dans la principauté: ultérieure au nord, qui fut cédé en LCta au yti-pe Léon IX par l'empereur Henri HI, en échange de la vdle de Bamberg en Franconie , donc &s droits, féodaux appartenoient à leglife. Le fa^s, de Benevent eft très-refferré autour de la «iÉt^DiuIc dont il porte le nom, N- a p l e s. 5? aller cacher leur honte loin des lieux qui en avoient été témoins. L'une d'elles ne naufrage fur les rivages de la mer Thyrre-niene , & y fut enterrée. On y trouva fon tombeau en jettant les premiers ronde-mens d'une ville à l'endroit où eft aujourd'hui celle de Naples , c'eft-à-dire la partie qui joint la montagne de Paufilippe , &on lui donna le nom de la Nymphe ou Sirène (a). Les habitans de Cumes , alors ville très-floriffante s "étant apperçûs que la beauté de la fituation de la nouvelle Parthenope & la falubiïté de fon air engageoient plufieurs d'entr'eux à aller s'y établir aux dépens de leur ancienne patrie qui fe dépeupioit tous les jours, la ruine- fa) Les poètes <]ui dans toutes les nations onc été les premiersécrivains,ouhiftoriensfi.ron veur,. fe font égayés à imaginer des fables fur l'origine des chofes, fur-tout quand ils ne trouvoient rien dans la tradition qui fixât des bornes à leur imagination 5 mais que l'on n'oublie pas qu'ils fai-foient profcflïon de s'amufer, & que les prétendus feavans qui font venus après eux, ont pris le ton lerieux de la vérité en débitant les mêmes chimères. Ce qui fait qu'on peut juftement leur dire avec Scncquc... Triftius ineptifunt : illi ex profejfo lafciviunt y hi ageie fe ïpfos aliquid exifii-mant. Cvj 6o Mémoires d'Italie. renr. Mais ayant été affligés de la pelle , ils confulterenr l'oracle,qui répondit qu'ils n'en ieroiem déliviés qu'à condition qu'ils rebâtiraient la ville de P ai ihenope, condition à laquelle ils le fournirent. Cette réponle d'oracle n'tll-elle pas l'avis de quelque médecin prudent fagequiieur confeiila de préfeter le féjour de Naples à celui de Cumes , à caule de la bonté de l'air Se des agrémens de la polition , remèdes excellens pour la maladie dont les Cumains étoient attaqués. Ce n'eft pas la feule origine que l'on donne à la vilie de Naples ; on trouve parmi les anciens Se les modernes plu-lîeurs auteurs qui en attribu*. nt la fondation les uns à Hercule , les autres à Ence, à Ulyflè , aux Phocéens Se aux Marfcil-lois , à Ph a la ri s Tyran d Ag ■■genre , Sec. Ce qui paroît le plus probable , c'eft que Naples a été bâtie par les Grecs ; fon rotu même de Ncapolts ou nouvelle ville eft Grec. Tite-JJve à l'an de Rome 427,dit que les villes de Paleopolis Si de Neapoiisy habitées par le même peuple Se n es voih-nes l'une de l'autre , avoient été bâties par les Cumains , qui étoient venus par mer de Calchis , ville de l'Ei.hée , aujourd'hui Négrepont, Se qui étoient tiès-puif- Naples; cTï fins dans le canton où ils s étoient établis (a). Cette ville alors étoit très-puiffante & confervoit fa liberté par fon alliance avec les Samnites quin'étoient pas entièrement fubjugués. Un fiécle environ plus tard , dans le temps de la première guerre Punique , lorfque les Romains un peu revenus de l'abattement où les avoit j et tés la défaite de Cannes , commençoient à for. cer Annibal à reculer ; les Napolitains qui n'avoient pris aucun parti entre Rome & Carthage , prévoyant que la fortune fe rangerait du côté des Romains , leur envoyèrent une ambalTade qui prouve & la richeiîe de leur ville & la fagelfe des magiftrats qui la gouvernoient (b). Ils (a) PaUopolis haud proculinde ubi nunc Kea'-polis Jita eft. Duabus urbibus , populus idem ha-bitabat. Cumis erant oriundi. Cumani ab Calchide Euboicâ , clajfe qua advecli abdomo fuerant, mul-îum in or a maris ejus quod accolant potuere. Tir. L. 8... ( b ) Quum ad Geronium kieme impediente , conftitifjet bellum , Neapolitanilegati Romam vénère. Ab iis quadraginta paters. aura , magni pon-dcris , in curiam illatt atque ita verba fûiîa , ut dicerent, fcire fefe Romani populi trarium bello txhauriri ... «.quum cenfuijfe Neapo/itanvs , quod aurijibi cum ad templorum ornatum * tum adfub- €i Mémoires d'Italie. apportèrent une iomme confidérable aux Romains , pour les aider à chalfer l'ennemi commun hors de l'Italie ; c'eft encore Tite-Live qui nous apprend ce fait ; ce qui, fuivant toutes les apparences, fut l'origine de la bonne intelligence qui dura conftamment entre les villes de Rome& de Naples. Depuis ce temps les Napolitains furent conftamment attachés aux Romains plutôt comme alliés que comme fujets. Les Coths s'emparèrent de la ville de Naples dans le cinquième fîécle ; Beli-faire la reprit en 537. Totila la dévafta en 543. Les Lombards s'en rendirent en-fuite les maîtres, & la gardèrent jufqu'à la deftrucfion de leur puiffance en Italie par Cha rie magne j mais les Grecs profitant de la foiblelfe & de la divifion des fidium fortunt, a majoribus rtlictum foret, eo ju-vare populum Romanum. T. Liv. L.xx.c.x1. A~ Je remarquerai à ce fujet que cette ville déjà, cpulente , comptent au rang des vraies riche!-fes de l'état les tréfors qui ornoient les temples , & qu'elle fçavoit s'en fervir à propos pour fe faire des amis puiffans ; ces fortes d'effets e'toient confacrés au culte public , le public feul pouvoit en difpofer, & ne craignoit pas que la cu-[udùé paiticuhérc les tournât jamais à fou profit. Naples-. 6$ defcendans de ce prince , fe rendirent maîtres de toute cette partie de l'Italie. Dans les neuvième & dixième fiécles , les Sarrafins rirent diverfes conquêtes fur ces côtes , dans lefquelles ils prouvèrent leur puilïance , plus par la défolation qu'ils y portèrent que par l'empire qu'ils y acquirent , car dans les différentes révolutions qui précédèrent l'arrivée &c l'éta-bliifement des princes Normands en Italie , on peut dire que Naples conferva au moins le titre de ville libre , iï elle ne jouit pas d'une liberté entière. n. Ses premiers Seigneurs à titre de suite des «»• princes fouverains furent les princes Nor- dl~ N£P1*S' mands defcendus de Robert Guifchard duc de la Pouille & de Calabre , qu'il conquit fur les Sarrafins j ils y fondèrent une nouvelle domination environ l'an 1059 fous le pontificat de Nicolas II, qui confentit à cet établilfement, à condition que le nouvel état feroit feudataire 6c tributaire du faint Siège. Le Pape tira en-fuite de grands fervices de ces mêmes princes, qui fubjLiguèrent les petits tyrans qui étoient dans les environs de Rome y environ vingt ans après , le pape Grégoire VII qui d'abord avoit excommunié les Normands comme des ufurpateurs , leur donna une nouvelle invellirure avec le Gif M i m*d IRES d'Î t A t I i. titre de rois , aux mêmes conditions , y ajoutant celle de défendre les Papes contre les entreprifes des Empereurs. Ces princes furentRogerducde la Pouille & de Calabre ; Guillaume I dit le mauvais , Guillaume II le bon , Tancréde , Se Roger qui ne laifla qu'une fille nppJlée Confiance qui lui fuccéda dans fesétats> Se qui les porta dans la maifon de Suabe par fon mariage avec l'empereur Henri VI, qui eut pour fuccelTeurs Fiédenc II > Se Conrad IV, empereurs ; Mainfroy , fils naturel de Frédéric, Se Conradin fils de Conrad IV. Le pape ClémentlVdonna en 116 5 I'in> vefliture de ce royaume aux princes de la maifon d'Anjou, dont le premier fut Charles de France comte d'Anjou , couronné a Rome l'an n6'6\cVfut le chef des rois de la première branche d'Anjou, qui y régnèrent jufqu'en 1414. Ces rois furentCharles I, Charles II le boiteux. Robert, Jeanne I, C harles III de Duras, Ladiflas Se Jeanne II, qui d'abo d adopta Alfonfe d'Arragon, fils du roi de Sicile , Se cnfuite René d'Anjou comte de Provence, qui ne prit jamais poifeflïon de ce royaume , non plus que Charles IV fon iucctffeur, qui en 1 43 1 inhuma Louis XI roi de France , fon héritier au royaume de Naples Se a» Naples. G< comté dî Provence. Pendant ce temps-là , Alphonfe d'Aragon , en vertu de fa première adoption , 6c comme héritier de la maifon de Sunbe , dont il defeerdoit par Confiance fille du bâtard Mainfioi que Pierre d Arragon roi de Sicile avoit épouféeen i 162, s'établit à Naples, 6c eut pour fuccelfcurs Ferdinand I, Alfonfe 11 6c Ferdinand II que Charles VIII roi de France dépoiîéda le i 1 Février 1 4»; 5, jour auquel il entra en conquérant dans la ville de Naples, qui le reconnut pour fon fou-verain légitima , en qualité d'héritier de la maifon d'Anjou ; mais à peine confer-va-t-il cette conquête pendant un an. Ferdinand II remonta fur le tiône , 6c étant put à mourir, il fit reconnoître pour fon (uccelleur, Frédéric fon fils naturel , que Louis XII roi de France 6c Ferdinand le Catholique dépouillèrent j ces deux princes convinrent de partager entr'eux la Sicile 6c le royaume de Naples ; mais cet accord ne dura qu'autant que les François furent en état de maintenir le traité de partage par la force des armes. Gonfalve de Cordoue , dit le grand capitaine , les en dépoiîéda en peu de temps , & alfûra la polfellion entière du royaume de Naples à Ferdinand le Catholique , qui le lailfa à Jeanne la folle fa fille, femme de 6*6* MÉMOIRES d'I T ALIi. l'archiduc Philippe d'Autriche j ils eurent our fuccefleurs l'empereur ( harles V , nihppell, Philippe III, Philippe IV & Charles 11, tous de la maifon d'Autriche. Ce dernier étant mort fans enfans le icy Novembre i 700, appella Phdippe de France duc d'Anjou, petit fils de Louis XIV, a\ la fucceffion de tous fes ctatf. 11 fut reconnu en 1701 roi d'Efpagne & de Naples, fous le nom de Philippe V. Les Napolitains parurent accéder de bonne grâce au teflrament de Charles II j mais la même année les partifans de la maifon d'Autriche y ménagèrent une confpiration, qui fut découverte & difïïpée au moment qu'elle alloit éclater. Philippe V y pafla en 1701 & fut reçu aux acclamations de tout le peuple qui lui érigea dans la ville une ftatue équef-tre ; fon parti y domina pendant quelques années. En 1707, la confpiration du cardinal Grimani, livré à la maifon d'Autriche , eut enfin fon effet. Les Napolitains ouvrirent leurs portes aux troupes Allemandes , fe joignirent à elles , ptocla-merent roi Charles archiduc d'Autriche qui fut depuis l'empereur Charles VI, renverferent la ftarue de Philippe V, & forcèrent le duc d'Efcalone à quitter Naples & à fe retirer à Gayette j où il fut fait Naples. 67 prifonnier, Se delà conduit au château de Milan. Par le traité d'Utrecht du 9 mars 171 3 , les rois de Fiance Se d'Efpagne lignèrent un traité de neutralité pour les états d'Italie qui dévoient relier à ceux qui les polTédoient alors j ainfi le royaume de Naples refta à l'empereur Charles VI. Le traité de neutralité ayant éré rompu en 1734, les troupes du roi d'Efpagne commandées par l'infant dom Carlos fon fécond fils , duc de Parme Se de Plaifan-ce, s'emparèrent du royaume de Naples en très-peu de temps j Se l'infant dom Carlos , par la celïion du roi fon pere , fut reconnu roi le quinze mai de la même année. II a palfé fur le trône d'Efpagne au mois d'octobre 1759 , Se a lailfè la couronne de Naples au prince Ferdinand fon troiliéme fils \ le prince Charles des Alturies fon fécond fils étant l'héritier pré-fomptif de la couronne d'Efpagne j le prince dom Philippe , premier fils du roi, ayant été déclaré par ies états du royaume alfemblés , incapable de régner. Le royaume de Naples eft fief de l'é-glife , dont on fait hommage au pape en lui préfentant tous les ans le jour de fiiint Pierre , une haquenée blanche avec une bourfe de fept mille ducats. G$ Mémoires d'Italie".' Ferdinand IV roi di Naples, prend [es tires de roi des deux Sicile Se de Jérufa-lesn , infant d'Efpigne , duc de Panne , de Plaifance Se de Caftro , grand prince héréditaire de Tofcane , Sec... idée de la t, $es ^ £s pen<}ant fa minorité font «our du roi de ' . r r t r J NapU-s,acdu gouvernes par un confeil iouverain de gouvemem. régence, compofé de huit miniltres principaux nommés par le roi d'Efpagne. C'eft dans ce confeil que réfide proprement ha fouveraineté ; il s'affembfe d'ordinaire les mercredis & les famedis. A ce confeil répondent les quatre fe-créraires d'état, dont le premier a le département du royaume, de la maifon , & des domaines du Roi, Se la furintendance des portes... Le fécond, la guerre Se la marine... Le troifiéme , la juftice , les affaires ecclélïaftiques , Se les expéditions des grâces. . Le quatrième , les finances Se commerce. Le marquis Tanucci , premier fécre-raire d'état, Se l'un des miniftres du confeil de régence , eft regardé comme premier miniftre Se celui qui a le plus de part à la confiance du roi d'Efpagne. On a dans la ville de Naples la plus grande idée de fon mérite Se de fa probité , Se il eft aufti eftiméque refpecté j on ne parle que de lui pour toutes les affaires intér ïieures du royaume , 8c c'eft avec lui que traitent directement les miniftres des princes étrangers. Il n'appartient pis aux voyageurs de prononcer fur le mérite réel de ces grands hommes qui font la deftinée des états confiés à leurs foins. Ce que je puis dire, c'eft que ce miniftre , quoique dépofitaire de l'autorité du roi fon marre, avec toute la capacité 8c les talens qui l'ont placé à ce haut rang , fans que les droits de la nailTance , ni les intrigues de cour ayent contribué en rien à fon élévation j vit fans fafte 6c fans orgueil, avec la (implicite d'un pere d.j famille, ou d'un fage philofophe , qui n'a pour but que de faire tout le bien dont il eft capable fans aucun retour fur lui-même. La maifon du Roi eft compofée d'un grand maître , d'un grand écuyer , d'un premier gentilhomme , d'un capitaine des gardes du corps, d'un capitaine des hale-bardiers de la garde, d'un grand veneur, d'un premier écuyer , d'un grand chapelain , 8c d'un précepteur qui eft en même-temps confefieur. Le prince de S Nicandre, grand maître de la maifon du Roi, eft en même-temps fon gouverneur. Il y a un grand nombre de gentilhommes ordinaires en exercice, ou ayant droit d'entrée dans la 7^ Mémoires d'Italie. chambre, qui font de la première noblefle du royaume. Les grades militaires font les capitaines généraux , les lieutenans-généraux , les maréchaux de camps , 6c brigadiers, un infpccteur général de l'infanterie , deux fous infpecteurs de la cavalerie & des dragons. Les troupes du roi de Naples font actuellement trente-iix régimens d'infanterie , y compris un bataillon d'invalides , ôc neuf régimens, tant cavalerie que dragons. Le total monte à trente-mille hommes , dont partie toujours en garnifon fur les frontières à Capoue , à S. Germain 6c à Gayette ; le refte diftribué dans la capitale, 6c les places importantes de l'état. Toutes ces troupes paroiftent bien difci-plinées y on les change fouvent de garni-ions 6c on les exerce beaucoup. La cavalerie eft bien montée ; on peut regarder les chevaux Napolitains comme les premiers de l'Europe pour la beauté & la bonté , 6c le Roi prend par-tout les meilleurs pour la remonte de fes troupes j aulîî eft-ce vraiment un objet de cunolité, que de voir avec attention les chevaux de la cavalerie, foit lorfqu'elle manœuvre, foie même dans les cours des cazernes, lorf-qu'on les fort pour prendre fair. Ce royaume, fi avantageufement fitué fur la mer , n'a point encore de marine j il ne paroît même pas qu'on penfe à la former. Quelques galères 6c fchebecs qui fortent rarement du port, 6c quatre frégates qui vont quelquefois en courfe contre les Barbarefques, font les forces maritimes de cet état. Mais les troupes de terre font toujours complettes 5c bien entretenues ; les places fortes font en bon état de défenfe Se pourvues d'une nombreufe artillerie. On n'a rien négligé pour mettre le royaume en fureté quant à cette partie. 11 ne faut pas, je crois , être un bien «grand politique pour en pénétrer la raifon. Le prince dom Philippe , frère du Roi, ne quitte jamais la cour } fon état d'im-becillité ne lui permet pas de paroître en public jil a quelques gentilshommes attachés à fa perfonne qui en ont grand foin Se qui le gardent à vue } on ne peut qu'avoir des attentions pour fa fonte , le bien nourrir, Se le promener. Mai; on ne permet pas qu'aucun étranger approche de fon appartement ou de fa perionne. 11 eft l'aîné des princes fils du roi d'Efpagne , & quelques mal intentionnés pour oient peut être fe fervir de fon nom & de fon ombre pour exciter de nouvelles révolu- 7i Mémoires d'Italie. tions dans un pays où elles ont été fi fréquentes. Il a fallu des raifons bien fortes pour engager le roi d'Efpagne , avant que de quitter le royaume de Naples , à prendre la précaution, fi trifte pour un pere tendre , de faire déclarer par les états , ce prince incapable de régner, eu égard à fon état reconnu d'imbécillité. Le royaume de Naples avoit autrefois plusieurs grands officiers qui partageoient en quelque forte entr'eux l'autorité fou-veraine , chacun dans l'exercice de leurs charges. Les titres fubfiftentencore, mais fans fonction Se fans autorité. Le grand connétable , ce titre eft héréditaire dans la branche aînée de la maifon Colonne j le grand julticier j le grand chambellan ; le grand amiral j le grand protonotaire ; le grand chancelier, & le grand fénéchal. Ces titres font conférés par le Roi aux principaux feigneurs de fes états; mais ils n'ont ni rang ni jurifdiction , à l'exception du grand amiral qui a un tribunal où la juft'ce s'exerceà fon nom , pour ce qui regarde quelques affaires de mer Se de commerce maritime ; le grand chancelier a encore le pouvoir de recevoir des doiteurs en théologie , en droit Se en médecine , Se par ce moyen a quelque juridiction fur le corps de l'univerliré. j 4. Le Naples. 73 14. Le premier tribunal de juftice de ce Tribunal royaume eft celui de la chambre royale ^* " de fainte Claire , compofé de différentes rotes ou chambres, formées d'un prélident qui a le titre de Capo di Rota , 8c d'autres juges nommés confeillers. Ce tribunal juge en dernier reffort les caufes civiles 8c criminelles de tout le royaume , 8c même celles de la Sicile, qui peuvent y être portées par appel. Dans toutes les capitales des provinces, il y a des tribunaux de juftice pour l'inf-truction 8c le jugement des affaires, dont les appels fe portent au tribunal de fainte Claire L'appel du tribunal de fainteClaire, fe porte au confeil fouverain du Roi, qui juge s'il y a moyen de calîation ou de ré-vihon y en ce cas le procès eft renvoyé à une autre rote ou chambre , que celle qui l'a jugé , toujours du même tribunal de fainte Claire. C'eft le Roi qui nomme les officiers de tous les tribunaux du royaume} on les prend dans tous les ordres de l'état ^ les curiaux ou avocats qui fe font dift ngués par leurs connoilfances 8c leur probité , font récompenfés par ces places d'autant plus honorables , que le mérite perfonnel y élevé. 11 y a encore un fouverain con'eil de commerce , où fe por-Tomt IV. * D 74- Mémoires d'Italie. tent les affaires qui ont été prcfentées à la julïice ordinaire du confulat. Tous ces tribunaux ont leur ficee dans le palais de la Vicaine , ancienne habitation des fouverains , commencée par les princes Normands , augmentée par Frédéric II fur les deffeins de Jean de Pife. Les princes des maifons d'Anjou & d'Ar-ragon l'habitèrent fuccellivementj il étoit alors fitué hors de la ville. Mais Ferdinand I, ayant étendu l'enceinte des murs , il y renferma ce palais , qui, après que les fouverains fe furent établis dans le château neuf, fut vendu au prince de Sul-moné,des héritiers duquel le viceroi Pierre de Tolède l'acheta en 1540 pour y réunir tous les tribunaux de juifice , qui depuis ce temps y ont eu leurs féances ; au-def-fous font les prifons publiques. Ce bâtiment eft: très confidérable ôc ifolé de tout autre ; trois grands efcaliers conduifent aux divers appartemens , dans lefquels on entre par des galeries ouvertes du côté des cours. Dans la partie occupée par le tribunal des monnoies , poids ôc mefures, on montre la chambre où le grand féné-chal Jean Carraccioli fut affaiïiné par les ordres de la reine Jeanne II, dont il avoit été le favori déclaré. Naples. 7j Comme routes les affaires principales du royaume fe traitent à ce palais, il y a le plus grand concours, les jours que les tribunaux font ouverts ; on n'exagère pas en difant qu'il y a dix mille perfonnes , tant dans le palais que dans les environs, qui y font pour affaires. La grande falle où s'alfemblent les procureurs , les avocats , & leurs clients , en attendant les heures d'audience , eft un des endroits les plus bruyants qu'il foit pollible de voir. Elle eft garnie des deux cotés de boutiques de merciers & de libraires. Devant le palais eft une colonne où les débiteurs infolvables font ceftion publique de leurs biens. Dans une ville aullï peuplée, capitale d'un alfez grand état, il y a plusieurs autres tribunaux , tels que ceux de l'archevêque 5c du nonce pour les affaires cccléfiaftiques , de la ferme du tabac, des douanes, des hôpitaux, &c. La juftice fe fait très-exactement dans tous ces diffé-rens tribunaux j ce qui eft trcs-nécelfaire pour contenir un peuple aulli nombreux, èc aufli difficile à difcipliner que celui de Naples , qui ne peut être retenu que par la crainte d'un châtiment toujours prompt te fevere. Outre ces différens tribunaux, il y a 7<> Mémoires d'Italie. a Naples un corps de magiftrats municipaux, qui ont des privilèges & une inspection aflez étendue fur dirreienres parties du gouvernement de la ville. Ces ma-giftrats font dans chaque tribunal au nombre de fept , tirés des cinq fiéges de la nobleffe, ôc de celui du peuple. On appelle fiéges de la nobletfe , le partage de cette même noblelfe qui fe fait à Naples par quartiers , dans chacun defquels elle a un grand portique ou fallc ouverte fous lequel elle s'aliénable. Les fiéges font au nombre de cinq fous le nom de Capuana , Montagna , Nido , Porto , Porta Nuova , ôc compofent la magiltrarure municipale de Naples ; aux diftérentes divifions de laquelle chaque fiége fournit un député , ôc celui de Montagna deux, à caufe du fiege de Forcdla qui lui a été réuni. Ils ont chacun leur dé-yiie particulière , ôc leur bannière fous l.iqu lie ils fe ralfemblenr ; Capuana porte pour devife un cheval bai doré ÔC bride. . Mo'tagna , trois montagnes...Ni-do , un cheval noir fans frein .. Porto , un homme marin, velu ôc armé d'un dard... Porta. Nuova , un portique. L'clu du peuple nommé par la cour fe joint à eux Se entre dans toutes leurs dé- libérations ; ils font préfidés par un chef connu fous le titre de GraJJiére qui revient à celui de Prcvèditeur. Ces places de dé-pués ou d'élus , font toujours remplies par des perfonnages titrés Se au gré de la cour , quoiqu'ils foient électifs par leurs lièges. Chaque fiége eft compofé d'un certain nombre de familles nobles , qui lui font agrégées , & il ne peut en admettre de nouvelles fans le confemement du Roi , Se de la plus grande partie de fes membres ; à celui de Nido, on ne peut faire aucune élection ni agrégation , que du confentement général de tous les particuliers un feul oppofant rendroit l'élection nulle. Chaque liège a aulîi un fyndic qui a foin de convoquer lesalfemblées , de faire obferver lesftatuts, Se d'empêcher que rien ne s'y paffe de contraire aux ufages reçus. Lesélusde ces fiéges,unis à l'élu du peuple, forment ce qu'onappelle à. Naples la Ci t ta ou le corps de la magiftrature municipale, ils tiennent leurs affemblées à S. Laurent dans une grande falle qui leur appartient j, ils doivent toujours avoir à leur tête le pro-véditeur. Ils ont le droit d'avoir de grands car~ Diij 78 Mémoires d'Italie. roffes de parade a quatre places Se chez eux le pertier vêtu de violet avec la malTe. Dans les cavalcades ou pompes publiques, ilsparonTent vêtus de la longue robeféna-toriale d'étoffe d'oravec le bonnet de même , Se l'équipage du cheval de velours cramoiii. Lesfiégesoù ils s'affemblent font dé grands portiques ou falles ouvertes , diftnbuées dans les différents quartiers de la ville \ quelques-unes font bien décorées. Le fiége de Nido eft revêtu en partie de ftucs dorés Se de belles peintures, Se dans une lîtua-tion avantageufe. Celui de Capucana eft auiîi très-bien décote ; ils font reconnoif-fables par leurs devifes qui font peintes autour, Se par leurs formes qui les diftin-guent des autres édifices. Le fiége du peuple eft à l'hôtel de ville qui tient à l'ancienne tour de S. Laurent dite le clocher. Il a pour armes un écu parti d'argent Se d'azur , avec un P. d'or en abîme. J'ai parlé avec quelque détail de cette adminiftration municipale , qui eft très-ancienne à Naples, Se qui s'y eft confer-vée parmi toutes les révolutions dont cette ville a été agitée. 11 femble y reconnoître la forme de l'ancienne république ; ce que l'on trouvera dans peu d'autres villes. N a t't £ s. 79 Ces différentes places auxquelles la noble ffe a droit , l'attachent au gouvernement auquel elle participe par ce moyen , & font qu'elle a fon intérêt à maintenir dans le devoir , un peuple groflier toujours prêt à fe révolter. 15. On compte foixante principautés, Terres titrée*, cent duchés , cent marquifats , foixante ^j£Je Q[Jt & dix comtés, & près de millebaronnies die de s- Jaa-dans le royaume de Naples ; la plupartvier* des poffeueurs de ces fiefs habitent la ville de Naples. Autrefois une partie de ces grandes terres étoient poffédées par des Barons Romains, de nobles Génois , des Milanois ôc autres gentilshommes d'Italie, qui en tiroîent les revenus , & les dépen-foient hors du royaume;ce qui appauvrif-foit l'état & contribuoit à le dépeupler. Tant qu'il n'y a point eu de fouverains réfidans à Naples , les propriétaires ont eu à ce fujet liberté toute entière ; mais actuellement tous les poiTeffeurs de grands fiefs font obligés de réfider dans leurs terres ou dans quelques villes de l'état, a. peine de perdre un tiers de leur revenu y qui eft confifqué au profit du tréfor royal, à moins qu'ils n'ayent une permiftion ex-preffe de réfider ailleurs , qui ne s'accorde qu'autant que les affaires l'exigent. euplé Se fertile comme il eft, y compris a Sicile Se le produit des douanes , ne montent pas à quarante millions par an y il eft vrai qu'une bonne adminiftration.eft très-capable de les augmenter, même en rendant le peuple plus heureux. Chaque province a un tréforier receveur général des droits impôts Se revenus de la couronne , qui verfe directement dans les coflres du Roi. On a peu multiplié les officiers de finance, Se ménagé, autant qu'il a été poilible, les frais de. perception. En général, le gouvernement actuel de ce royaume , quant à la juftice , la police , Se les finances, eft fimple Se uniforme par-tout. Lorfque dom Carlos futpaifible poflTef-feur du royaume de Naples , il chercha a fe concilier les nobles Se le peuple. Les premiers par des diftinctions qui font tott N" A r l B' s. tw fours honorables , & le moyen le plus iur qu'ait un fouverain de fe concilier des fujets qui y font plus fenfibles qui; toute autre fiiveur -y pour cela il établit en » 7 lors de fon mariage , l'ordre royal de faint Janvier dont il attacha la grande maî-trife ôz la fouveraineté à la couronne de? Naples.. Je n'ai pas vû les ftatuts de cet-ordre , & je ne lçais pas fi le nombre des chevaliers eft fixé j mais en 1762 il yr avoit plus de quatre-vingt perfonnes qui çn étoient décorées \ les fouverains- ont droit de regarder ces fortes d'affociations qu'ils forment eux-mêmes > & où ils n'admettent que les plus diftingués d'entre-' leurs fujets , comme un des moyens les» Î>lus aifùrés de les maintenir dans la fidélité qu'ils doivent en attendre. Les marques de l'ordre de fainr Janvier font unx grand cordon rouge qui fe porte en échar-pe avec une croix d'or émaillée, au milieu* de laquelle eft l'image de faint Janvier..,, patron de la ville & du royaume, auquel' la nobleffe & le peuple avoient déjà. Lu plus grande dévotion. Quant au peuple , il eft traité beaucoup» plus doucement qu'il ne l'étoit parles vi--çerois des princes de. la maifon d'Autriche y, il n'eft point furchargé d'impôts^ D Y Sz Me mo ire s d'Italie. niais la fertilité du pays , l'habitude de Toiliveté dans laquelle il croupilfoit autant par inclination que par découragement , font eaufe que ce royaume n'eft pas au point de fplendeur où le portera un gouvernement égal Se bien réglé, fous une longue fuite de rois d'une maifon née pour le bonheur des peuples qui lui font fournis. sïtuationde 16. La ville de Naples eft placée à l'o Waccs&quar-' r*ent ^ur ^e bord de la mer , dans la htua-tiers princi- tion la plus belle ôc la plus riche de la j*u. terre (|n Labolïr ou Campanie heureufe. Son afped principal eft au levant, vis-à-vis du fameux mont Véfuve , qu'elle a en psrfpective ; elle a la mer au midi ; les montagnes de Paulilippe , fiint Elme & Antignano, fur lefqnelles elle eft bâtie en partie, au couchant ; au nord , les collines qui s'élèvent infenlîblement du côté de la terre du Labour en allant à Averfe , Capoue ôc Caferte. Sa polition eft au 3 2e degré 20 minutes de longitude, Se au 40e degré 18 minutes de latitude feptentrionale. Le golfe fur les bords duquel elle eft bâtie , forme un beau baflïn , terminé par les pointes ou caps de Camparulla au levant, Se de Mi-fene au couchant j au fond eft le port -y Naples. S 3 On voit que la ville de Naples a été augmentée en dirférens temps , furtout du côté du levant , où le terrein eft plus uni , & où il eft plus aifé de bâtir 5 c'eft de ce côté que le Roi a fait faire plusieurs conftru.5r.ions qui embelliflent la ville Se l'agrandilTentconfidérablement. Cette ville,non compris fes fauxbourgs, c'eft-à-dire depuis le Torrion des Carmes , jufqu'au pied du mont faintElme > a environ dix milles de tour ; c'eft dans cette enceinte que font les édifices principaux y mais les fauxbourgs qui font beaux & bien bâtis, font au moins aulli étendus que la ville même ; de forte que l'enceinte de la ville ôc des fauxbourgs a vingt-deux milles d'étendue. Elle a feize portes prefque toujours ouvertes , eu égard ait grand mouvement qui s'y fait , ôc à fa population qui eft très-forte pour fon étendue. Excepté les châteaux dont je parlerai , elle n'a d'autre défenfe extérieure? qu'une muraille fimple ôc quelques tours; dominées par les hauteurs voilines. Le Sebetac\\\e le peuple appelle il For-nello ou il Fiumé délia Magdalcna, parce qu'il fe décharge dans la mer fous le pont de ce nom , eft la feule rivière qui coule dans les environs de Naples j il §4 Mémoires d'Italie. avoit quelque célébrité avant la grande, éruption du Véfuve , dans laquelle périt Pline l'ancien ; mais la révolution qui fe fit alors d fa fource fur fi conhdérable, qu'il difparut pendant quelque temps. Après, cuie tout le tenein des environs qui avoic été dans un très grand mouvement eût acquis quelque folidité , il reparut à l'endroit appelle la Bolla , ceftTà-dire qu'il força les barrières qui le retenoient cache dans les entrailles de la terre \ mais fort diminué.. Ce n'eft plus qu'une très-petite rivière dont les eaux font ménagées de façon que l'on, en prend une paitie que l'on conduit par. des canaux jufqu'aux fontaines publiques, de Naples j le refte eft refervé pour larrofemenr de la campagne voifîne , Ôc. le fervice des moulins &c autres ufines né-ceilaires. Son cours eft du levant au cour, chant y enfuite il fe replie au midi & a foa embouchure dans la mer Les.autres fontaines font donc entretenues par les eaux qui viennent des. hauteurs de iainre Agathe y les; montagnes qui couvrent Naples au couchant ont auJîi quelques fources j il y. z. outre cela beaucoup de puits d'eau douce dans la ville j toutes ces eaux m'ont parut di urte. cjualiri. médiocre „ blanchâtrespeut N A P L E s. £f limpides ôc imprégnées de fourre, ce qui, dit-on, les rend très-fraîches en été. Le climat de Naples eft fi tempéré , fî doux , fi agréable , que l'on peut dire qu'aux grandes chaleurs près qui s'y font fentir pendant l'été , on y jouit tout le refte de l'année d'un printemps perpétuel. L'hy-ver même n'y eft jamais affez rigoureux pour empêcher les rofes , les œillets ôc les jafmins d'y fleurir continuellement. Les marchés y font en tout temps fournis en abondance de fruits de toute efpéce , ÔZ H frais qu'ils femblent avoir été cueillis l'inftant avant que d'être expofés en vente; les poids verds , les afperges , les arti-chaux, les mêlons même y font excellens & communs dès le mois de février ; on y a toujours des légumes & -des herbages de toute efpéce , lurtout dans les jardins qui font fur les coteaux voifins de la mer, ôc couverts des vents du nord j la végétation n'y eft jamais interrompue Ôc s'y fait avec une force étonnante. Je ne parle pas des oranges,. des figues ôc des autres fruits propres à ce climat, qui y croiffent Ôc s'y renouvellent dans toutes les faifonsj de forte que l'on peut appliquer à cetex-cellent pays , ce que le Taife dit de Tille ronuiiée-d'Armide., : Mémoires d'Italie* E fopra il nuovo fîco, invecchiail rîca, Mc:icré fpunta l'un", l'altro matura. J'ai vû fur les coteaux de Baïa Se de Baiili à la pointe de Mifene , au mois de mars, des figues qui fe difpofoient à la maturité, tandis que le figuier commençoit A pouffer fes feuilles de l'année Se fes figues nouvelles. L'intérieur de la ville de Naples, quoi-qu'en général d'une belle conitruction , n'a point de ces beautés frappantes , de ces édifices magnifiques Se de ces mouumens de grandeur que l'on admire dans plusieurs villes d'Italie , mais furrout à Rome. La ville eft généralement Se également bien bâtie r l'architecture des mai-fons , fans avoir rien de régulier , a une forte de fymétrie dans toutes les rues principales , qui ne peut être qu'un effet de la police. On ne voit pas une bicoque à côté d'un palais. Les maifons font à-peu-près à la même hauteur, fouvent à quatre Se cinq étages , avec des toits plats en terraffes, qui dans la belle faifon fervent à prendre le frais pendant la nuit. Ces ter-ralTes font couvertes d'une forte de pierre appellée Lavogna , qui tient de l'ardoife te qui en a la couleur, mais qui eft plus lourde Se plus folide. Les différentes pièces font réunies avec un maftic formé dô pouzzolane, de chaux-vive & de bitume, qui une fois durci eft aufli folide que la pierre même, Se impénétrable à la pluye. Ce qui lui donne cette grande folidité eft la pouzzolane , qui eft une terre ou fable* foilile d'un brun rougeâtre , qui unie avec la chaux acquiert la plus grande dureté on rire cette terre des environs du Véfuve , de Pouzzols, Se de toute la côte voi~ line de Naples. Les rues font pavées de grandes pierres fort dures Se noirâtres , qui reifemblent à la lave fortie du Véfuve ; elles en ont la couleur Se la dureté ; on s'en fert auiïî pour les revêtilfemens des portes Se des fenêtres ; la couleur en eft rrifte y on la taille avec peine, mais elle dure très-longtemps , Se dans l'architecture ordinaire qui n'a point d'ornemens recherchés , elle eft d'un rrès-bon ufage. La rue principale eft celle de Tolède 9 alignée Se bâtie par les ordres de Pierre de Tolède , viceroi de Naples pour Charles V j elle s'étend de la porte du faine Efprit jufqu'à la place du palais ; elle eft fort large Se fert de cours ou de prome- 8 8 M É m o i r e s d'Italiï. rude publique en hyver. Elle eft garnie des deux côtés de petites boutiques ou échoppes fous lefquelles fe vendent des comeftibles de toute efpéce ; ce quiTem-■ barraffe beaucoup 6c fenible faire obftacle à l'aifance de la promenade. Mais il refte affez d'efpace pour que deux files de car-rolfes y paffent à l'aile. Ces boutiques toutes éclairées , forment une illumination continuée d'un bout de la rue à l'autre, qui, vue de loin,, eft très-agréable, outre que la quantité d'acheteurs de tout rang qui peuplent cette promenade , en rendent le fpecfacle plus varié 6c plus amu-fant ; l'ufage eft de s'y promener à lanmt tombante, 6V chaque carrofle eft éclaire au moins dune torche , fouventde deux, portées par les laquais ou par les coureurs qui marchent devant les chevaux j ce qui donne à cette promenade , vue d'un peu loin,l'air d'une marche pompeufe & folem-nelle. Car cei:x qu: en font partie jouilfenr peu de la fingularirédufpedtacle, aufquels ils font trop accoutumés , pour qu d leur faiîe aucune fenfanon. Il y a quelques au> très rues affez belles ôc fort longues. Les places principales font celles du palais ; celle du château appellée Largo d&l Cajlello où fe donnent les Spectacles Naples. $9 te les fêtes pour le peuple ; la place du Marché celle de la Vicairie à la porte Capouanne, la grande place qui eft à la porte du faint Efprit , èc quelques autres moins confidérables qui précédent les grandes églifes & les édifices publics j aucune n'eft d'une forme régulière ni décorée. Le fol fur lequel la ville eft bâtie eft fort inégal ^ la partie la plus élevée eft la rue de Tolède & ce qui l'avoifine ; on defeend pour aller à fanta Lucia , & en Ciiiaia , de même que pour aller aux quartiers de Capuana , & de Porro \ celui - ci eft le plus bas Se le plus humide , 6e a été, dans des temps très-reculés , le port de la ville ; on voit dans une rue tournante une muraille bâtie de très-gros quartiers de pierres , que l'on prétend avoir été le re-vêtiftement de l'ancien port j iby refte encore des crampons de fer , auxquels ont tenu des anneaux que l'on dit avoir fervi d attacher les vailfeaux ; ils font à préfent à une hauteur qui les rend inutiles à tout autre ufage. Mais le beau côté de Naples , celui qui peur faire juger des agrémens de fa fitua-tion fi vantée, eft la partie qui s'étend fur les bords de la mer , depuis le mont Paulilippe,jufqu'au pont de laMadeleine> }o Mémoires d'Italie. dans une étendue de quatre à cinq milles. A commencer au couchant, on trouve le magnifique fauxbourg de Chiaia bordé d'un quai revêtu de plus de centtoifes de large, qui a la vue iur une partie du golfe de Naples. Le côté qui eft bâti eft bordé de mai-fons élevées & d'une conftruétion allez uniforme. D'efpace en efpace il y a des fontaines décorées d'architecture Se de fculpture , & le milieu eft occupé par une allée de grands arbres. De-là, en tirant au midi, eft le beau quartier defanta Lucia, que l'on peut regarder comme le mieux bâti de la ville ; prefoue tous les ambaf-fideurs Se lesgrands-feigneurs delà Cour Qui peuvent y acquérir des palais, logent dans ce quartier qui eft très-agréable à habiter, à caufe de la commodité de fa Situation. Il eft près du palais du Roi, de la mer qu'il a en face , de la rue de Tolède ; on dit encore que l'air y eft très-pur. Pour faire le tour de la ville de ce côté Se fuivre les bords de la mer, il y a une grande rue ou quai qui traverfe les cafernes de la cavalerie qui font au def-fous de fanta Lucia. C'eft-là que l'on peut voir à fon aife de beaux chevaux Napolitains , furtout dans le commencement du bnntems, lorfque les beaux jours on les attache après midi hors de l'écurie pour leur faire prendre l'air ; comme ils font alors abfolument nuds, on les voit tels qu'ils font , e'eft-à-dire dans toute leur beauté. En fuivant ce chemin, on verra que le quai eft revêtu de quelques fortifications avancées dans la mer , pour défendre la ville de ce côté Se les approches du ponr qui joint le château de l'CÈuf avec la terre ferme. La partie de la ville qui eft vis-à-vis, porte le nom de Pizzo Faîcone, Se étoit jointe autrefois par une langue de terre avec le rocher fur lequel eft bâti le châ- , teau y elle en a été féparée par un tremblement de terre, lors de la grande éruption du Véfuve qui changea toute la face de ce pays. 17. Ce rocher Se fes environs qui châr«o <*• étoient plus étendus qu'ils ne font, por- l, des jardins Se des réfervoirs qui appartenoient à Lucullus. Sous le château eft encore une très-grande voûte qui eft un refte de l'ancienne conftrucfion , de même que les ruines des réfervoirs Se autres bâti-inens qui font partie à fleur d'eau 3 partie Mémoires d'Italie. recouvertes par la mer, Se que l'on dé-» couvre dans les environs. La pêche y eft excellente , ôc on ne trouve nulle parc autant d'huîtres , d'hérilïons Se de coquillages de toute efpéce qu'autour de ces ruines. Le château de l'CEuf a été bâti par Guillaume I, duc de la Pouille & de Ca abre, qui en fît une maifon de plaifance , forte par fa fituation , Se où il fe croyoità couvert des entreprifes de fes fujets qui ne l'aimoient point ;il a été fortifié en l'état où il eft par Jean de Zuniga , viceroi de Naples en 1595, qui y fît ajouter le fort avancé dans la mer au midi , appelle Forte Nuovo y il fert de mole Sz de défenfe au grand port, Se il eft garni d'une belle artillerie. En fui van t toujours le bord delà mer, au-devant de la Durfene où fe fabriquent les galères , eft la tour de faint Vincent 3ue le loi Charles I fit élever pour défen-re le port j elle eft entourée de la mer de trois côtés, Se fert aujourd'hui deprifon de correction où l'on enferme les enfans qui ont donné de graves fujets de plaintes à leurs pères. Entre cette tour & le grand môle, de f autre côté du quai, eft le château neuf, fortereffe commencée par Charles I d'Anjou , qui fit conltruire les quatre tours , ÔC les corps anciens de bâtimens qui fubfif-tent encore } Frédéric d Aragon fit commencer les ouvrages extérieurs qui furent continués par Gonfalve de Cordoue , ôC achevés par Pierre de Toleie. Ces ouvrages font principalement portés du côté de la mer ou il y a quelques battions bien entretenus qui peuvent fervir autant à la défenfe du port qu'a celle du château. On a ouvert de ce côté fur le quai une grande porte de belle architecture , décorée de cariatides ôc d'autres ornemens de fculp-ture. Quand on a paffé les fortifications extérieures , on entre dans une très grande place d'armes, au fond de laquelle eft une églife p.oprement ornée ôc bien entretenue ; on y voit quelques tableaux anciens bien c nfervés, entr'autres l'Adoration des. Mages , que l'on dit être le premier tableau à huile peint par Jean de Bi uges, ôc envoyé au roiAlfonfe d'Aragon. Entre les deux cours qui fervent de dé-fenfe à la porte m érieme du château , au-delà du pont - levis on a éL-vé un arc de triomphe orné de bas - reliefs j 5>4 Mémoires d'Italie. il eft dans le goût antique , & d'autant plus remarquable que dans le temps d'AU fonfe I dArragon pour lequel il Fut Fait, les beaux arts étoient encore dans un très-grand abailfement. Il y a grande apparence qu'il a été entrepris Ôc exécuté par les architectes fculpteurs de Pile , qui cjuoiqu'imbus de mauvais principes gothiques , commençoient déjà à les rectifier par quelques connoilTances des bonnes régies , furtout par une correction de, deiîein qu'ils avoient prife fur quelques morceaux antiques Grecs, dont la beauté les avoit frappés. On eft étonné de trouver dans un partage obfcur ôc reflerré un arc de triomphe aulîî considérable ; il étoit deftiné à être placé ailleurs ; mais il auroit fallu jetter à terre la «nation d'un cavalier Napolitain , qui avoit rendu de grands fervices au Roi , ôc ce prince ne voulut pas permettre qu'un monument érigé à fa gloire pût caufer la moindre incommodité à fon ami. Ce motif eft d'autant plus beau qu'il eft plus rare d'y céder ; l'arc de triomphe eft tout de beaux marbres : on y voit des cavaliers armés-de toutes pièces dans le goût du temps. Plusieurs parties de détail font gâtées ôc noircies comme fi elles avoient fouffert dans un Naples. 95 incendie. La porte eft de bronze avec des bas-reliefs qui rèpréfentent quelques actions de Ferdinand I d'Arragon ; le travail en eft médiocre. Un grand efcalier tournant d'une exécution légère, conduit à un grand arfenal alfez-bien fourni d'armes. Au pied de l'efcalier eft une ftatue antique de Néron.On y voit aufti deux bulles d'Adrien & de Trajan qui font du même temps que l'arc de triomphe. La grande falle de ce château eft d'une architecture légère : c'eft-là que Pierre de Mouron, hermite & pape fous le nom de Celeftin V,en préfence d'une nombreufe alfemblée, abdiqua le pontificat en 12.94 , déterminé à ce parti ^ar fon peu d'intelligence dans les affaires du gouvernement, & furtout par les inftigations du cardinal Benoît Gaétan qui lui fuccéda fous le nom de Boni-face VIII. Dans un des appartenons de ce château eft une chapelle conftruite dans la chambre même où logea faint François de Paule , lorfqu'il palîbit de Calabre en France. Le portrait de ce faint qui eft fur l'autel eft peint avec beaucoup de vérité ce" paroît être de quelque bon artifte • la tête furtout eft de la beauté de celles de Vandick. Il pourroit bien être de l'Efpar gnollet, 9 N A P L I S. IOI mimique par une galerie couverte. Il eft compofé de deux parties ; la première , bâtie par Pierre de Tolède , & qui eft adoiTée au château neuf, eft entièrement mafquée par la féconde , élevée dans le dix feptiéme fiécle, furie deiTein du célèbre Fontana , par les ordres du comte de Lémos, alors viceroi. On dit que cet édifice n'a que le tiers d'étendue de ce qu'il devoit avoir fuivant fon premier plan. La façade extérieure a trois cent foixante pieds. L'archireclure , compofée de trois ordres, eft d'un très-grand ëftetcx digne de fa deftinationT La corniche furmontée d'un couronnement qui tient du gothique , ne fe rapporte point à la beauté du refte. La cour eft décorée à l'intérieur de deux rangs de portiques à arcades , l'un au deiTus de l'autre -y les colonnes de granité qui foutiennent les arcades font de belle proportion , Se paroilTent avoir fervi à quelque édifice antique. L'efcalier quoique d'une conftruètion alfez (impie , eft grand Se noble. Il eft orné de deux figures cololfales du Tage Se de l'Ebre. Les meubles des appartenions n'ont rien de magnifique. Le grand fallon eft décore avec goût ; le plafond qu'on dit de Luc Jordan eft d'une belle couleur -y les pilaf-très font en glaces j comme il y a peu de E iij ioi Mémoires d'Italie. dorures , eu égard à la quantité de glaces qui couvrent cette pièce , elle a un air triuV. Ce que j'ai vû de plus beau dans ce pal lis , ce font quelques uns des tableaux qui dccoroient autrefois la gallerie des farnofes à Parme , & que dom Carlos fit tranfporttr à Naples en 1734. J'y ai remarqué fur-tout... S. Pierre qui préfente à Jefus-Chrift le denier pour payer le tribut , par le Capuccino... Un calvaire de Sebajlien del Piombo , très-grand tableau d'une vigueur de coloris étonnante , ôc d'un beau deifein... Plufieurs tableaux de Lanfranc qui ptefque tous ont pour fujet une Vierge dans une Gloire avec quelques faints au-deflbus... La réfurrecfioti du Lazare, très-grand tableau de BuJJan lepere ; il eft d'un deifein noble ôc fage , très-beau de couleur ôc d'une grande ex-preffion ; fi ce maître eût toujours travaille avec cette nobleife , il eût tenu un rang bien plus diftingué dans l'école deVenife. Ce tableau eft capital... Une Lucrèce qui s'enfonce le poignard dans le fein , par le Parmefan, figure feule, vue jufqu'à mi-corps. Ce tableau eft confervé fous une glace, le coloris en eft admirable. Il eft rare de trouver des tableaux où les parties de la peinture foient porcées d ce degré N A P L I S. 103 de perfection ; l'expreflîon fur-tout eft d'une vérité qui intéreffe au fort de Lucrèce... Deux familles faintes du Sckidoné, une où il a peint la Vierge 6c l'Enfant d'un brun de mulâtre ces tableaux font bons ; mais je ne reconnoilfois pas à cette manière le grand colorifte que l'on m'avoit annoncé , Se dont j'avois déjà vu quelques excellens morceaux à Rome; au refte je vis dans le même palais , un autre tableau de lui appelle la Charité , qui a pour fujet une femme qui diftribue du pain aux pauvres. Les figures font de grandeur naturelle ; elles n'ont rien de noble ; mais elles font rendues avec la vérité de la nature même. Le coloris en eft fi vrai Se fi frais , les ombres fi bien traitées, que les figures femblent détachées du fonds. Ce tableau eft d'un effet furprenant... Une Sufanne du Nuvolini., peintre gracieux \ la chair de la Sufanne eft de la plus grande beauté ; fon embarras Se fa naïveté intérelfent,quoi-que fa figurefoit un peu lourde... Alexandre Farnefe encore jeune qui embraffe une femme qui repréfente la ville de Parme y tableau de portrait très-gracieux Se bien peint par le P'armefan.L. Une famille fainte avec une fainte Catherine à laquelle un petit Jefus met un anneau au doigt , par Auguftin Carrache, fujet gracieux que 104 Mémoires d'Italie. tous les grands peintres ont traité. Celui-ci eft rendu avec plus d'agrément que n'en ont les Carracnes r qui deflinoient parfaitement, qui peignoient bien , mais qui mettoient trop de force dans les fujets qu'ils traitoient... Une Lucrèce moulante entourée de fes femmes ; dans le fond on voit Bruius Se Collatin , par le ,Nuvolini. Ce peintre n'avoir point à lui de manière décidée ; on ne fçait au premier abord fi ce tableau eft du Guide ou duGuerchin , &de leur manière gracieu-fe ; car il eft très-beau , Se encore frais de couleur... Un grand tableau de Jofeph Ribeira, dit l'Efpagnolet , dont le fujet eft faint Jofeph qui taille une pièce de bois 'y le petit faint Jean eft débouta côté de la Vierge qui rajufteles langes de l'enfant. Ce grand morceau eft bien deiîîné Se du plus beau coloris,... Un amour ailé couché fur un drap blanc, tableau parfait du Scliîdoné, où il a réuni ce que le def-fein , le coloris 6c l'expreflîon peuvent produire de plus parfait; il eft beau comme ce que le Corrége a peint de mieux; rien n'y eft négligé , l'air femble agiter les plumes des aîles... On doit y voir avec foin deux tableaux de Jean Paul Panini qui ont rapport à l'hiftoire de ce temps, Se dont le héros eft le roi d'Efpagne. Le Naples. 105 premier repréfente fon entrée dans Rome après qu'il eut chaiTé les Allemands de Velletri ; le fécond Imitant de fon entrevue avec Benoît XIV , dans un fallon qui fut conftruit exprès pour cela dans les Jardins du Quirinal ; ces tableaux font bien compofés ôc bien peints, Se d'autant plus intérellans que toutes les figures principales , quoiqu'elles n'ayerit qu'environ huit pouces de hauteur , font autant de portraits reffemblans.... J'ai remarqué dans ce palais un ouvrage d'un travail très-hardi ; c'eft une bordure de miroir ronde, faite d'une feule pièce de marbre blanc, chargée de beaucoup d'ornemens, entr'au-tres de cinq enfans ailés , prefque entièrement détachés , qui femblent foutenir le cadre en volant. Cet ouvrage qui a des beautés, eft du Mugiani ,fculpteur Napolitain. - Ce palais rciTerré par le château neuf, les places Se les rues qui l'entourent ôc fur lefquelles on n'a rien voulu prendre , n'a point de vuide \ le long de l'ancien palais, eft une tërraffe qui borde une de fes faces Se qui a fe^vûes fur la mer ; elle eft pavée de marbres blancs Se noirs , & ornée de buires modernes , Se de grands vafes de belle forme, en marbre Se en terre cuite , où font plantés différens arbuftes. E v i£> & que l'églife a été rebâtie plusieurs fois , rien n'indique la grandeur & la forme du temple antique. On y voit un tombeau, que le peuple dit être celui de Parthenope , mais fans preuve. 11. S. Jean l'Evaneélifte, églife bâtie en Suite des égtî- t • &r» 1 .. fes. Vertiges de 1461 , par Jovianus Fonimus , bon poète monumâi Latin, fecrétaire du roi Ferdinand I. On y voit une quantité d'inferiptions èv d'épi-taphes par cet homme célèbre , entr'au-tres celles de fa femme , de fes enfans, &£ la henné qu'il fit avant que de mourir (a). (a) Je rapporterai ici celle de fa femme. Elle ne peut qu'embellir ces mémoires. Ma thori bene fida cornes, euftofque pudici , Cuique & Acus plaçait 3 cui placuere coli. Qu&que focum , caftofque lares fervavk y & Ar*> Et thura & lachrimas t & pia ferta dédit. Inprolem fiudiofa parens, & amabilis, uni Qu* ftuduit caro caftaplacere viro. Hic pofita eft Adriana : rofitt, vioUque mtefeant ± Quo pofita efi , firio fpiret odore, locus. Vrna crocum domina fundat, diftillct Amomum Ad Tumulum , & cineri fparfa cilijfa 3fiunt. hS Mémoires d'Italti. San Paolo Magior, belle églife de Théa. tins limée fur la petite place du marché. La face principale eft: ornée de huit colonnes cannelées de marbre, d'ordre Corinthien , qui foutiennent un grand fronton où font quelques veftiges de bas-reliefs antiques. Ces colonnes font lesreftes d'un, portique qui fervoit d'entrée à un temple de Caftor & de Pollux , élevé par Juhus de Tarfe affranchi de Tibère. Tout ce portique, de mêmeque l'efcalier de marbre qui y conduifoit, fut renverfé dans lé Quinquennio poftquam uxor abiifti ;dedicataprius tdiculâ t monumentum hoc tibi fictui , tecum quo-tidianus ut loque, er : nec fi mihi non refpondes , non refpondcbit defiderium tui 3 per quod ipfa me-eum femperes : aut obmutefcet memoria per quant tecum nu/tc hquor. Ave igitur, mea Adriana , ubi tnim 9a mea tuis mifcuero, uterque fimul bene va* lebimus.... Voici ce qu'il y fit ajouter pour lui-même. Vivus domun* kanc mihi paravi , in qua quiefee-rem mortuU* ;noli, obfecro, injuriam monuo facere , vivens, quamfecerim nemini. Sum etenim Joan-nes Jovittnus Pontanus > quem amaverunt bon*. Muft , fufi exerunt vlri prjbi , honefiaverunt re-ges Domini Sci; jam qui fum, aut quipot/'us fue~ rim. Ego vc'o te, hofpes, nofeere intenebris ne-queo jfcd te ipfum ut nofeas j rogo. Vale... tremblement de terre de 1688 qui fit tant de ravages dans la ville de Naples j depuis ce temps on a reparé ce portail avec les mêmes matériaux , mais fort mutilés ; ils font reftaurés avec des ftucs auxquels on a donné la couleur du marbre. La beauté de leurs formes prouve qu'ils ont fervi à un édifice conftruit de bon coût. Dans le cloître des religieux , on reconnoît quelques veftiges d'un théâtre antique que l'on croit avoir été très-confîdérable. Car c'eft le premier théâtre public fur lequel Néron ofa faire éclater fes talens pour la mufique ôc pour la pocfie, qu'il croyoit fi rares. Jufqu'alors ils avoient été renfermés dans quelques jardins particuliers ÔC dans fon palais où il les avoit exercés y mais ii regardoit cet efpace comme trop étroit pour la beauté de fa voix. 11 n'ofa pas cependant commencer à Rome l'exécution du deffein qu'il avoit formé de monter publiquement fur le théâtre. Il choilit Naples comme une ville Grecque fîtuée en lralie ; c'eft là qu'il devoit commencer, palfer enfuite en Achaie , y gagner des couronnes & revenir à Rome , plus digne de l'affection ôc des appiaudif-mens des citoyens Le bruit de cette nouveauté attira au théâtre de Naples toute la populace , non-feulement de la ville , 4 20 Mémoires d'Italie. mais encore des colonies Se des villes» municipales voifines j les courtifans de l'Empereur , les officiers & lesibldatsde Ja garde s'y trouvèrent auflï, de forte que le théâtre fur rempli... Un tremblement de terre qui furvint lorfqu'à peine cette foule immenfe eut quitté le théâtre , le renverfa Se perfonne n'y périt ; ce que l'Empereur regarda comme une faveur particulière des dieux j pour leur en témoigner fa reconnoiflance , il compolade nouveaux chants qu'il rendit publics , Se palfa de Naples à Bénévenr , d'où il de-voit fe rendre à Blindes Se s'embarquer pour la Grèce (a). Il y a grande apparence que le temple de Caltor Se de Pollux fut aulîî maltraité que le tbéâtre , Se qu'on ne le répara point j ce fut fur fes ruines que la ville de Naples (a) Adhuc per domum aut hortos cecinerat Ju-venalibus Ludis, quos ut parum célèbres & tante voci anguftos fpernebat. Non tamen Romt, inci-pere aujus 3 Neapoiim quaft Grtcam urbem dclc-git : inde initium fore ut transgrejfus in Ackaïam , infignefque & antiquitus facras coronas adeptus , majore famâ ftudia civium eliceret. Ergo contrac-tum oppidanornm vulgus... Egrejfo quiaffucratpopulo vacuum fine illius noxâ Theatrum collapfum eft... Tacit. Annal. L. i fit N .A M ! 5. ï'it ftc élever en 574 une églife en l'honneur de faine Pierre ôc de famr Paul, pour re-r mercier Dieu d'une victoire que fes ha-bitans avoient remportée fur les barbares: Orientaux qui avoient fait une defeente fur fes côtes. L'églife moderne eft riche, d'une conf-truction élégante , enrichie de pîulîeurs beaux ouvrages de peinture oc de fculp-ture , parmi lefquels on remarquera la chapelle des princes de fainte Agathe 011 font quelqu-s ftatues de -bonne main. Celle où repofe le corps de faint Gaétan, inîlituteur des Théatins, couverte de bas* reliefs en argent dont pluheurs foét d'un-travail fini. Celle, où eft le corps de faint André A vellin dans une châfle de bronze doré , damafquiné en argent, eft d'un très-bon goût de décoration. Dans l'églife font plufieurs tableaux de Solimmi qui ont pour fujets les miracies de faint Gaétan ; ils font d'une couleur plus belle, ôc pLusi fraîche que ce peintre n'avoit coutume.-Les deux grands tableaux de la ficriftié' qui ont pour fujet , l'un la couver (ion de S. Paul, 1' autre la chute de Simon le magicien , font de la plus belle ordonnance d'un deifein lier 3 on y reconnoît le çénie, poétique de cet.arrifte qui fçavoit rendre Tome IF. _ f 12* Mémoires d'Italie. fes idées , avec une fiiblimité d'expref-fion qui lui étoit particulière. Les bâtimens réguliers de cette maifon font de belle conftruétion & bien entretenus. Les arcades du grand cloître font foutenus par des colonnes de granité, que l'on croit être des relies de l'ancien théâtre dont j'ai parlé. A côté de faint Paul le majeur, eft l'églife de faint Laurent d'une belle architecture gothique , conftruite par les ordres de Charles I d'Anjou, dans l'endroit même où étoit l'ancien palais de la Cité, où s'alïembloit la commune de la ville ( c'eft-à-dire les nobles & le peuple ) dès le temps qu'elle fe gouvernoit en république. Le Roi pour empêcher l'union de ces deux corps fit détruire ce palais, & bâtir une églife & un couvent qu'il donna aux Francifcains ; mais il a encore aujourd'hui fon ancienne deftinarion ; c'eft-là oùsaffemblent le peuple & la nobleffe pour traiter de leurs affaires communes dans une très grande falle qui leur appartient. Le maître autel eft orné de quelques flatues. On voit dans l'églife pluficurs bons tableaux , entr'autres deux du cavalier Prlti Calabréfé, qui repréfentent des faints de l'ordre de faint Franco s ; ils font peints vigoureufemehc, 6c bien delîînés. Autour du cheva du chœur font que'.ques tombe aux de p inces qui ont régné a Naples , 6c beaucoup d'épit iphes (a). Le réfectoire dont la porte princtp de eft dans legrand cloître,eft d une grandeur im-m^nfe , ôc fervoit autrefois à tenir l'alf,'in-blée du parlement général de la ville ôc du royaume. Les faints Apôtres , églife & maifon de Théutins, bâtie à ce que l'on dit fur les ruines d un temple de Mercure , dès le temps de Conftantin le grand , eft actuellement une des plus belles 6c des plus riches de Naples. Les piliers qui foutiennent la voûte de la grande nef Ôc qui laiféparent des chapelles collatérales , font revêtus de marbres a compartimens jufqu'à la frife. Les plafonds de la nef, des croifées ôc du chœur font entièrement peints par le Lanfranc qui y a repréfente en plufieurs (a) On y remarquera celle-ci qui eft d'un .Çraad fens. Hofpes, quid fim vides : Quid fuerim, nofti. Futurus ipfe quid fis, Cogita. ii4 Mémoires d'Itaiie. grands tableaux les martyres des Apôtres ; les ftucs qui les féparent font dorés; les tableaux des angles qui repréfentent les Prophètes ôc quelques faints de l'An-' cjen-Teftament fout de la plus belle exé-' cution ; la grande coupole a été peinte par le Benufchi , la couleur de ces tableaux eft fraîche ôc brillante', ce qui, joint aux ornemens do^és, fait paroître cette voûte d'une richeife Ôc d'une beauté rares. Au-defïùsde la porte d'entrée, en dedans de féghfe , eft une peinture à frefque qui a pour fujet la pifeineprobatique. Il y a beaucoup de goût i de variété , Ôc de force de deffein dans cette grande machine peinte par le Vivlani. Le maître-autel eft d'une composition noble dans laquelle on a employé les plus beaux marbres , le bronze ÔC les pierres prrçieufes j les colonnes du tabernacle font de jafpe. Les candélabres de bronze qui font au-devant de l'autel méritent d'être remarqués à caufe de la-beauté de leur deifein ôc de la propieté de l'exécution. Ils font formés par les fym-boles des quatre évangéliftes, entrelacés. La chapelle des Filomarini qui eft dans-la croifée à main gauche a été faire fur les delfeinr. duBorromini avec les plus beaux marbres. Sans quelques défauts dans l'architecture flue les connoilfeurs reprochant n'A r i i îj n-f à ce monument ; ce feroit l'un des plus magnifiques de ce genre. Les tableaux & les portrairs dont elle eft décorée , ont été faits en Mofaïque fur les delfeinsdu Guide ; la couleur en eft fi foible qu'à peine . les nuances fe diftinguent-elles} ce qui les rend précieux, c'eft la propreté de leur exécution & la fidélité avec laquelle on a imité le deifein original , car pour le colons ils font fort au-delfous du travail actuel qui fe fait au Vatican. On y voir le portrait du cardinal Filomarini, archevêque de Naples, qui a faitconftruire la chapelle. Au-delTus de la table de l'autel eft un bas-relief en marbre blanc , par François Flamand, il repréfente plufieurs enfans qui forment un chœur de mufique y une beauté d'exécution , un fini précieux , une vérité fur-tout à repréfenreF les grâces naïves de l'enfance & l'agrément des proportions de cet âge qu'il eft rare de trouver même dans les plus belles fculp-tures antiques , rendent ce morceau di-jme des plus grands éloges. Le Flamand ctoit dans cette partie au moins égal aux fins habiles artiftes Grecs. La table de autel arrondie , allez épailfe pour être ornée comme une frife dorique ,. eft fou-tenue par deux lions de beau travail, de Ïl6 MÉMOIRES d'ItAIIE. même que le facrifice d'Abraham qui ell delfous. Vis-à-vis eft la chapelle de la Conception , revêtue de beaux marbres de Sicile ; on y voit un tableau de 1 Archange faint Michel qui paroît reme:cier Dieu de la victoire qu'il a remportée. Dans la chapelle du Purgatoire eft un aurre tableau de iaint Michel qui combat les anges rébelles , compofé avec feu , le deifein quoique fort en eft correct, les groupes font placés avec feience. Ce tableau eft de Marco di Siena Se fort dans le goût des beaux ouvrages du Tintoret. Dans les croiféej on voit,à une alfez grande élévation, quatre tableaux de Luc Giordan, qui repré-fentent la naiifance Se la préfentation de la Vierge , le fonge de faint Jofeph Se l'adoration des bergers... Le fonge de faint Jofeph eft repréfente avec la plus grande vérité , mais foible de couleur. Le fécond a une Vierge de la plus grande beauté, il eft d'un coloris frais Se gracieux. Les deux autres ne font pas d'une moins belle compofîtion , Se ont d'excellentes parties de détail ; celui de la naiffance de la Vierge eft vraiment digne des meilleurs maîtres de l'école Romaine j la force de l'exprefîion s'y trouve réunie avec les traces les plus touchantes. Ces quatre ta-leaux doivent être comptés parmi les plus beaux ouvrages de Luc Giordan... On voit encore dans les archivoltes de la nef quelques bons tableaux àuSolimeni, toujours reconnoiifable à la fierté de fon deifein, & à fes ombres noires ôc tranchantes. Les deux balcons où fe placent les chœurs de mufique, aux jours folem-nels , foutenus fur deux grands aigles de marbre blanc , font d'une manière fort ingénieufe. Cette églife eft vraiment brillante , l'une des plus belles de Naples ôc même de l'Italie.. La chapelle de la mort, ainfi appellée parce qu'elle fert de fépul-ture i plufieurs perfonnes , eft fort grande Ôc entièrement couverte de peinture à frefque. Le cavalier Jean-Baptifte Marini poëte très-connu , mort en i(»2{ , y eft enterré ; on y voit fon bufte en marbre couronné de laurier , ôc au-deifous une infcription à fa louange ( a ). C'eft dans ————-;—— (a) Voici celle de fes épitaphcsquim'aparula meilleure. D. O. M. Equiti Johanni Baptifli. Marino, Poeufui fi.-tuli Maximo , cujus Mufa e Partkenoptis cine-ribus enata , inur lilia. efllareficns reges habuk Fiv ïiS Mémoires d?Italie. cette chapelle détachée de l'églife qtie IV font, pendantl'hyver, les jours de fètes, des oratorio en. mufique , ôc des inftruc-tions morales pour le peuple qui y affilie. J'ai parlé de cet ufiige à l'article de Bologne. Miothéqtw i j. Saint Jean de Carbonara, églife ôc funovoîsrt maifon de religieux Auguftins j il faut U d-V'1^ V°*1 ^err*cre k maître-autel, le magnifi-e Ci eri* que maufolée du roi Ladiilas qui s élevé j-ufqu'à la voûte, c'eft un travail gothique de la plus difficile exécution -r le marbre y eft taillé avec autant dedextérité que de patience ; au milieu eft placée la ftatue équeftre du. Roi, de grandeur naturelle-, l'épée à la main... Ce roi-de Naples étoit le plus grand général- de fon fiécle , fat-foit dès ce temps-là des marches très-fça-vantes; quiconque fçaura un peu l'hiftoire de fon temps, trouvera entre lui ôc un autre prince de notre fiécle beaucoup, de ; traits de reliembiance (a)... Derrière le. Mec&nates :■. cujifs, ingenium fœcunditate feliciffl^ mum, terrarum orbem habu.it admiratorem. u4cà-danici Humorijl* jjrincifiayoridam fuo. P. P.,, (a) Au dcflbujs de la ftatue Cqnt écrits.ces mots;-- Divus hadijlaus , & plus bas ces vers : . Improba mors, Itominum, heu >fempejobvia ubail Naples, 129 rnaufolée du Roi eft le tombeau de Jean Carraccioli , grand fénéchal du royaume de Naples 6c favori de Jeanne II. Il dut fon élévation à fa bonne mine & finit par-encourir la difgrace de la Reine qui le fit afTafliner en 1432... Il y a beaucoup d'autres curiofités en cette églife j. entr'autres lin couronnement d'autel d'albâtre qui re-7 préfente dans différens petits bas-reliefs féparés les myftères de la paflion. 11 fer-voit à orner la chapelle de campagne dut roi Ladiflas. Le cardinal Seripand, légat du S. Siège au concile de Trente , a lailfé à cette maifon une bibliothèque où font plufieurs* mannferits grecs 6c" latins dont quelqu'un? font très-précieux, entr'autres, un Diofco-ride fur vclin, en grands caractères quarrés,. qui eft de la plus haute antiquité , avec -- ' . <î ,.,.',/ Dum rex magnanimus totumfpe concipit orhem v En, rnoritur, Saxo tegitur Rex iaclitus-ifta. r. Liber a fidereum mens ipfa petivh olympum.. Il mourut en 1414 à. Naples, âgé dV" 3 8 anrlaifir Se d'admiration qu'ihfpirent toutes es belles productions de l'art , rendues avec la perfection que l'on y imagine. Cette églife, Tune des plus belles de l'Europe, femble faite pour pe-.fuader des véritables beautés de celle de faint Pierre de Rome , & fait regretter qu'on n'en multiplie pas les imitations toutes les fois qu'il eft queftion deconftruire quelques grands édifices de ce genre ; ainfi chaque nation pourroit avoir un monument public qui réuniroit la folidité, les grâces, la ma-jefté , Se toutes les vraies beautés de l'architecture ; le goût de décoration les va-rieroit , Se ôteroit à cette imitation ce F vj i yi Mémoires d'I r a l i e. qu'elle pourroit avoir d'uniforme. Outre les grandes nefs qui aboutiiTent au point du milieu, éclaire par.la grande coupole, ii y a, des.bas côtés traités dans je^jj^çme ;goût que ceux de faint Pierre j l'ôfle jmarbre, 6V le bronze n'y brillent pas de toutes parts comme à Rome j l'églife da Gicfu de Naples ne doit fon mérite qu'à la beauté de fa.conftruction , quoiqu'on n'ait pas négligé de l'embellir de plufieurs orr Jiemeiis dont je parlerai- La grande coupole avoit été peinte paj le Lanffanc ; mais le tremblement de terre de 16.88 ayant ébranlé la lanterne & la colonnade qui la foutenoit ', on ne pût .empêcher quelle ne s'écroulât quelque remps après , ce qui ruina les peintures qui ont été réparées par Paul de Mathéisr, peintre Napolitain qui a du. mérite ,. un .aifez beau, coloris , de l'ordre dans l'arran- femenrde fes groupes, mais pende cette ardieife de génie & de cette vigueur de pinceau, que l'on-admire dans le Lanfranc, Se que l'ou reeonnoît encore dans les angles de cette coupole, donc les peintures ont été' confervées , 8e que l'on, regarde comme le chef-d'epuvre du Lanfranc : toutes les parties les plus élevées 8e les plus délicates de cette églife, fouffrirent beau,-* coup de ce. tremblement de terre, Naples. Il y a beaucoup d'autres belles peintur res à frefque Se à Iruile. Atf-delfus de la-porte d'entrée eft un magnifique tableau de Solimeni qui a pour fujet Héliodore battu de verges dans le. temple de Jérufa-lem. Le fond' du tableau eft le temple •même , traité dans le plus grand goût d'architecture St de décoration. Le nombre de figures qui font intéreffées à l'action principale , la manière-dont elles font grouppées , la fcience avec hcruelle ta lumière. Se les ombres font diftribuées dans le tableau , font du tout enfemble nne compofition magnifique Se bien digne du génie élevé de Solimeni ; mais là coloris y eft fi. négligé Se fi monotone , que ce tableau ne fait pas au premier coup-■d'oeil l'effet qu'il devroir. Les voûtes des grandes Se petites nefs font peintes. Gn rémarquera avec plaifir un plafond peint par Luc Jordan j qui a pour fujet les vertus accompagnées de génies fymboliques;. la compofition , le deflejn de le coloris en font très-bons ; ces peintures ont un caractère gracieux qui inréreife... La féconde voûte- des bas côtés a gauche eft peinte d'un goût fage qui tient beaucoup des beaux temps de l'école Romaine , on la dit d'un peintre nommé Bc-l'ifario qui vivoit dans.le dernier fiécle. Une partia 134 Mémoires d'Italie. de cette voûte fut altérée en i<588 j c'eft ce qui fait que l'on s'apperçoit que les peintures ont été reftaurees par une autre main. Le maître-autel n'eft pas encore fini i ainfi on n'en peut rien dire ;... la chapelle de faint Ignace qui occupe prefque tout le fond de la croifée à gauche , eft de la conftru&ion la plus noble ; le couronnement eft foutenu par fix grandes colonnes de marbre d'Egypte. Aux côtés de l'autel font deux grandes ftatues de David Se de Jérémie en marbre blanc ; cette dernière eft traitée dans ce goût de force & de fierté que Michel-Ange a donnée au Moyfe qui eft à faint Pierre in Vincoli à Rome ; îiu-deifus font trois beaux tableaux de l'EfpagnoLt, d'un ton de couleur vigoureux Se frais. Vis-à vis dans le fond de la croifée à droite, eft l'autel de faint François Xavier , traité dans le même goût de décoration Se d'ornement , aux deux ftatues près. Les tableaux du deffus font de Luc Giordan Se très-beaux j ils repréfentent des faints Jéfuites,un entr'au-très auquel une écrcviife de mer apporte une croix... Dans une chapelle à main droite en entrant, eft un très- beau tableau du Dominiquin , qui a pour fujet faint Charles à genoux priant pour fon peuple-„ N A p l ! S. 1J5 on voit quelques parties de cette églife déjà revêtues de marbres de différentes couleurs, àdeffeinsd'architecture fuivis, dans le goût du revêtifTement de faint Pierre de Rome. Ce font des particuliers qui les ont fait faire ; il eft à fouhaiter que ce projet fe fuive & fe finilfe ; il relèvera beaucoup la beauté de la conftruc-tion & fera mieux juger de la reffemblan-ce de cette églife' avec fon magnifique modèle. La facriftie eft très-riche , la boifure eft ornée de bas-reliefs bien traités. Le tableau de l'autel qui repréfente une fiiinte famille eft àA nni bal C arrache & de la meilleure manière de ce maître dont on connoît le mérite. Dans le veftibule qui conduit à la facriftie font plufieurs bons tableaux , dont deux dits de Raphaël , qui ne font pas de la meilleure manière de ce grand homme. Ils ont plutôt l'air cîe copies fa.tes par de bons peintres. Le portail de cette églife ne répond en rien à la magnificence de l'architecture intérieure j c'eft une grande furfice revêtue de pierres brunes taillées en pointes de diamants , au milieu de laquelle font ouvertes une porte quarrée & quatre fencrres , d'une proportion trop petite pour la grandeur de l'édifice. C'eft l'ancienne façade du palais des i}£ Mémoires d'Italie. frinces de Salerne , San Severino , Car emplacement duquel cette églife a été l'a • ■l " bâtie. Vis-à-vis eft l'églife royale de fainte Claire, bâtie par le roi Robert 6c fa fêta-me Sancia, pour trois cens religieufes de famille noble , de l'ordre de fainte Claire; elle eft deffervie par un nombreux couvent de Francifcains j>la conftruélion en eft gothique , la voûte à plein ceintre eft hardie Se bien exécutée. Une galerie dorée fouxenue par des piiaftres de marbres de. différentes couleurs , rangés parcomparti-mens, régne tour autour de l'églife. Cette décoration eft abfolument moderne , 6k furprend au premier coup d'œil par fon éclat ; mais en l'examinant on voit qu'elle eft plus galante que noble, Se par confé-quent déplacée. Le plafond peint par Se-baftien Coucha , eft d'une belle exécution, j il eft partagé en cinq grands, tableaux dont les fujets font tirés, de l'Ancien Tef-tament, 6c allégoriques à la cérémonie qui fe fait tous, les ans dans cette églife le jour de la fête Dieu ; l'archevêque , en vertu d'un.privilège obtenu par le roi Robert, y apporte le faint Sacrement. Ces tableaux, icpréfentent la. réception de l'arche dans le temple.... Salomon cuii fut. conftruire k temple,., La reine de Sabba devant Sa- lomon , Sec... Les intervalles font remplis par des tableaux de moindre grandeur qui repréfentent les prophètes , les évangélif-tes, les docteurs de l'églife... Le tableau . du fond qui eft place au-de(fus du martre-autel , eft l'apothéofe de fainte Claire. Je-fus-Chrift eft dans une gloire où il reçoit la fainte , au bas eft une reine de Naples qui tient des fleurs dans fa draperie... H eft auiîi deSébaftien Concha ,.d une moins belle couleur que le plafond , mais bien defîiné ; quoique dans la compofirion il y ait quelque chofe de froid & de fimé- ttrifé ; ce que l'on remarque dans la plus grande partie des ouvrages- de ce peintre. On y a conferv.é quelques morceaux gothiques d'une belle exécution , entr'au-tres la chaire à prêcher ; le retable du maître-autel avec quatre colonnes torfes qat portent un petit baldaquin. Les deux qui font en avant font de marbres Se ornées de bas-reliefs j les deux autres font de bois travaillées dans le même goût ; au-devant eft une très-grande table d'autel moderne , en quart de cercle, comme il y en a plulîeurs en Italie., 6c faite exprès, pour recevoir une grande illumination. Dans une chapelle à gauche eft une excellente ftatue. de marbre de faint François de Paille, de grandeur naturelle 36c dupe ijS Mémoires d'Italie. vérité frappante j c'eft le portrait même du faint, fair, dit-on , de fon temps , pendant le féjour qu'il fit à Naples , en partant en France ; on n'y trouve pas la pureté ôc l'élégance du ftyle Grec , mais c'eft en. tout l'imitation la plus exacte de la nature • la robe de marbre comme le refte eft aufH vraie que l'étoffe même dont il étoit ha-bilé ; on voit dans l'air du vifage l'humilité , la piété , la bonté de caractère qui étoient les vertus caractériftiques du faint. Il eft difficile de faire mieux rendre aumar> bre le fentiment. On voit dans cette églife plufieurs tombeaux anciens. Celui du roi Robert, du duc de Calabre fon fils,... de plufieurs fei-gneurs de la maifon de Baux en -Provence , attachés à la maifon d'Anjou , def. quels on croit que la poftériréfubfifte encore dans le royaume de Naples. L'un d'eux nommé Hugues de Baux fur grand fénéchal de Sicile , fous le roi Robert 6c la reine Jeanne Iere... Celui de Moro RaU mondo Cabano, qui de l'état d'efclave s'éleva jufqu'au point de devenir grand fénéchal du royaume. Cette brillante fortune fut terminée par le gibet, fur lequel il périt pour avoir été complice de l'affaiii, nat d'André roi de Hongrie..... Dans la chapelle de la maifon fan Felice, outre le N A p l B s. tableau de l'autel qui eft un très-beau crucifix peint par le Lanfranc , on voit un tombeau antique du meilleur temps de la fculpture j à la face principale eft un autel avec du feu allumé pour ficrifier aux Dieux infernaux \ la figure couchée fous un grand drap & foutenue par une femme paroît être celle de la perfonne pour laquelle le tombeau a été fait j derrière elle, à côté de l'autel , eft une autre femme qui porte fur fa tête une corbeille de fleurs & de fruits j trois figures d'hommes , dont une rient une courte maflue , font à la fuite \ fur les côtés , font des figures de jeunes enfans & de vieillards , ?iui paroiffent être , les premiers les en-ans de la jeune femme qui eft morte , & les autres fes pere & mere j par derrière font les figures emblématiques du foleil & de la lune ; ce monument antique eft du plus beau ftyle. Ce tombeau renferme à préfent le corps de Céfar de fan Felice , chevalier de fainr Jean de Jérufalem. Cette maifon croit defeendre des Normands qui commencèrent la conquête de la Sicile fur les Sarrafins. Saint Philippe de Néri, églife de prêtres de la Congrégation de l'Oratoire , grande , belle ô\? richement décorée ; le portail revêtu de marbres blancs , avec des '4° Mémoires d'Italie. ornemens f lillans d'autres marbres de di-verfcs couleurs , des niches & des ftatues y annonce avanrageufement cette églife> Douze groffes colonnes de granité d'une feule pièce , foutiennent la nef du milieu & la féparenr des bas côtés j le plafond eft en bois fculprés, à compartimer.s dorés. Le grand autel eft d'une belle forme, revêtu des marbres les plus rares Ôc de pierres précieufes. Le tableau qui repréfente la naiffancede la Vierge , pari?«?/vzy. dino, peintre Sicilien, eft bien compofé ôc de belle couleur... A droite eft la chapelle de faint Philippe de Néri , partagée en deux parties qui ont été peintes pat SolL meni ; la coupole du fanetuaire a pour fujet l'aporhéofe du faint j dans la partie fupérieuîe eft une gloire d'enfans qui eft de la plus belle couleur j c'eft grand dom. mage que le pinceau de Solimeul, fi habile dans fon art , n'ait pas été toujours anflî gracieux qu'il l'eft dans cet endroit. Les autres tableaux de cette chapelle re-préfenrent différentes actions du faint j on y voit encore deux buftes en marbre du Sauveur ôc de la Vierged'un beau travail.,. A la fuite eft une grande chapelle , revêtue de marbres blancs ôc jaunes, avec deux ordres d'architecture ,• l'un au-delfus de l'autre * bien entendus. Les ftatues font Natles. 141 de Pierre Bemin , pere de Laurent, qui eft fort au-deifous du mérite de fon fils. Le tableau de l'autel qui a pour fujet la ivailfance du Sauveur, eft du Pomarangioy la couleur en eft belle , la figure de la Vierge eft excellemment traitée ^ il y a quelques négligences dans les autres j dans l'ornement du delfus de l'autel eft peint l'Ange qui annonce aux pafteurs la naif-fance de Jefus Chrift. La composition en eft belle , (impie 6c d'un grand effet; le def-fein en eft ner 6c vigoureux \ ce beau morceau eft de fancla fede.... Dans une autre chapelle qui fuit , eft un excellent tableau de faint François, par le Guide , qui a fouvent traité ce fujet 6c très heu-reufemenr. On voit dans les autres chapelles plufieurs tableaux de diftinction , parmi lefquelseft un faint Alexis mourant canfolé par les Anges , par Pierre de C-ortone\ la compofinon eft excellente, ,les airs de tête font gracieux , 6c la couleur, eft fort belle... Sainte Madeleine de Paz-2?is, 6c plufieurs religieufes qui fou tiennent un crucifix bien compofé ; le coloris en eft foible 6c gris, pu Luc (Giordan.,, Saint Janvier qui foule un lion aux pieds... Saint Nicolas avec un enfant à genoux à fes pieds,tous deux de Luc Giordan 6c de belle couleur... Samt Pjùlippe de Néu cv 14* Mémoires d'Italie. faint Lhirles Borromée, grande & Selle c v.np ifinon 8c d'un Vigoureux coloris Fat un peintre S ciuen , dans Je gout de E'pignoler... Au deffus de la porte en de ians , eft un grand tableau à frefque de Luc Giordan , qui occupe toute la largeur de la nef principale ; il repréfente Jefus - Chrift qui chalfe les vendeurs du temple ; il y a un très grand mouvement dans cette composition , ainh que l'exigeoit le fujet. Le Sauveur eft extrêmement animé ; la majefté oc l'indignation éclatent fur fon vifage. Les marchands effrayés font dans une forte de confufion qui paroît encore augmentée par l'embarras de leurs marchandifes , il y a beaucoup de force d'exprelfïon dans plufieurs de ces figures j mais il femble qu'elles y foient trop multipliées, 8c qu'elles n'ayenc pas l'efpace que naturellement elles devraient avoir, pour fortir aullî prompte-ment qu'elles le veulent faire. La Gloire d'Anges qui eft au deffus eft heureufe-ment traitée 8c de belle couleur ; l'action principale eft au haut de la porte ; de chaque côté font deux efcaliers feints, par lefquels partie des marchands font cenfés devoir s'échapper j ce qui a été imaginé pour donner plus d'efpace à l'action , & en mêmc'temps pour remplir le vuide qui n A T l £ s. T4Î. eft aux côtés de la porte. La couleur de ce tableau eft belle , mais monotone . les ombres font prefque partout de même effet j ce qui diminue quelque chofe du prix de cette magnifique compotîtion , qui eft l'un des ornemens principaux de cette églife , richement décorée iSc de bon goût... Dans une galerie ou oratoire qui tient à la facriftie font plufieurs tableaux de chevalet des meilleurs maîtres d'Italie que l'on y conLrve avec foin , & que l'on voit mieux que s'ils étoient placés dans l'églife , ou ils feroient confondus avec quantité d'autres objets de même genre , fouvent d'une couleur plus éclatante & d'un volume plus confidérable ; qui emportent l'attention des fpectateurs , qui fe contentent de jetter un coup d'œil en palfant fur ces chef d'eu vres de l'art, dont des pièces plus médiocres les empêchent de fentir le prix \ cet ufage eft , à mon gré , fort fage , & j'ai déjà parlé de quelques collections de tableaux précieux placés dans des galeries qui tiennent aux églifes... Parmi ceux-ci on remarquera un faint André de XEfpagnolUt, de grandeur naturelle, vu jufqu'à mi-corps, d'uniça-vant pinceau, frais de couleur, & du plus beau deifein... Jacob qui lutte avec l'Ange, même.proportion que le précé- *44 M É M o r R e s d'I t A I i e; dent de fanta Fede... Un excellent tableau du Guide < qui a pour fujet un Jefus dans l'adolefcence, avec un faint Jean de même âge , ... deux ou trois familles fain-tes que l'on dit de Raphaël,... plufieurs m . tableaux choifis des Baffans... H Carnnnc. . i fV 1 r ' /• Anecdotes fur 2$. Il Carminé , eguie royale iiruee lut cLuadfo dc ^ P^ace ?ran<^ ftafi?hé i ta décoration du maître-autel eft fort riche ; on y voit une image miraculeufede la Vierge,peinte par faint Luc , que les premiers religieux qui habitèrent ce couvent apportèrent de Syrie, & de l'authenticité de laquelle ils ne doutent pas. Il y a quelques peintures de Solimeni dans l'églife... Derrière l'autel'de la croix font enterrés l'infortuné Conradin , & Frédéric d'Autriche fon couffin , tous deux décapités par ordre deC har-les I d'Anjou roi de Naples. Cette églife & la maifon doivent leur dotation principale à Elizabeth', -merè'de Conradin j veuve de l'empereur Conrad IV x qui étoit venue d'Allemagne avec une é pour le repos de l'ame de ce prince.On voit fousja porte d'entrée, la la ftatue de cette princefte à genoux avec une bourfe à la main. Cette églife eft très-riche en vailfelle d'or Se d'argent. La tour du clocher étoit un édifice gothique d'une conftruclion très-hardie , élevée à côté de la porte d'entrée fur la place , ainfi que je l'ai vue en 1761 ; mais au mois de mars de cette même année elle fut détruite en partie par la foudre , & le refte de l'églife fort endommagé. La place du Marché eft la plus grande de Naples , mais elle n'a aucune forte de décoration ni de régularité ; on y tient le lundi Se le mercredi de chaque femaine un marché ou fe vendent toutes fortes de denrées ; alors il y a un monde infini Se il feroit difficile de la traverfer j les au-rres jours elle eft embarraiféepar une multitude de petites boutiques où fe vendent toutes fortes de petites marchandifes. A quelques pas du Carminé eft une cha- f>elle bâtie dans l'endroit même où dures I d'Anjou fit décapiter au mois d'octobre Conradin, fils de l'Empereur Conrad , Se Frédéric duc d'Autriche ; le premier fe croyait légitime héritier de ce royaume, comme repréfentant les princes Normands qui l'avoient fondé , par Conftance bifayeul.e, fille de Tancréde , dernier duc de Pouille Se de Sicile qu'a-Tome IV. * G Mémoires d'Italie. voit époufée l'empereur Frédéric II ; maï$ le pape Clément IV en avoit difpofé autrement , il avoit excommunié le jeun© Conradin , pour être entré à main armée dans un royaume feudataire du S. Siège j ôc comme tel il l'avoit livré à la juftice du bras féculier. C'eft fur ce motif que le roi de Naples fit faire le procès à Conradin , ôc lui fit prononcer fa fentence de mort par Renaud de Bari, grand proronotaite du royaume j fentence qui ri.it exécutée fur le champ par la main du bourreau , fur Conradin , Frédéric d'Aurriche , ôc plufieurs de fes parritans qui avoient été pris les armes à la main. C'eft le premier exemple d'un fouverain condamné juridiquement à mort y il eft vrai que Charles lie le regardoit que comme un ufurpa-teur ôc un excommunié. Cette (cène tragique fut très-touchante j Conradin avoit à peine dix-fept ans ; fa grandeur d'ame étoit déjà connue ; il étoit brave Se généreux ; il avoit toutes les qualités d'un franc ôc loyal chevalier. Frédéric d'Autriche étoit plus jeune encore , Conradin l'avoit amené avec lui , pour lui faire faire" fes premières armes. Ce jeune prince fut exécuté le premier, 6c Conradin reçut le coup rnoitel, comme il tenoit la tête de ^réderic qu'il avoit beaucoup aimé , du- quel il déploroit la mort prématurée, dont il fe croyoit la caufe. Avant que de mourir , il jetca fon gand dans la place , ÔC pria quelqu'un de l'arfemblée de le porter à fon coulin , Pierre d'Arragon, qui ven-geroir un jour fa mort... Cette déplorable niltoire étoit autrefois peinte autour de la. chapelle de la place du marché j mais les peintures font tombées en grande partie j on y voit feulement Conradin, tenant la tête de Frédéric, à l'inirantde recevoir le coup mortel (a). (a) On voit dans cctre chapelle une colonne de porphirc qui fut érigée au lieu même de l'exécution. On lit autour ce landes de cjprès 5 aux côtés du tombeau font deux grandes ftatues d'Apollon & de Miuerve , au pied defquelles on a écrit les noms de D.avid & de Judith , afin que la fuperftitieufe ignorance ne fît pas mutiler ce beau monument. Entre les deux ftatues ,.au-deffous de L'urne., eft un bas-relief bien travaillé, où font repréfen-tés Neptune , Apollon > Pan & les autres divinités fymboiiques des poè'fïe» deSan-razar. Au-deffous dans un cartel font gravés ces deux vers du Bembe i Dafucro cineri fores, hic il le Maroni Sinçerus > Mufd, proximus, ut tumulo..,. Le nom du poëte étoit Jacques Sanna-zar , & pour fe conformer à la mode de$ auteurs de fon fiécle, il avoit changé fon nom en celui d'Acîius Sinçerus... Cette églife eft décorée de bonnes peintures. Le tableau de la voûte au-deffus du tombeau repréfente-le Parnaffe avec le cheval pe-gafe & une renommée qui rient une couronne fur la tête du bufte j aux angles font peintes la grammaire , la rhétorique , la philofophie & l'aftrologie , par le Rofji ; la couleur en eft fraîche ék lq defTein fage. Qn voit encore dans uue ehapclle un beau tableau de la fuite en Egypte , par le même... Dans la chapelle en entrant , à main droite, eft un tableau de faint Michel qui a fous fes pieds un diable, peint avec le vifage 6c le fein d'une femme j on prétend que c'eft le portrait d'une dame de Naples dont le nom étoit Victoire , qui avoir une paflion décidée pour un évêque &Ariano de la maifon Caraffa , lequel ré-iifta Courageufement à fes avances , 6c qui étant bien fur de lui-même , fit peindre ce tableau avec ces mots : fecit vicloriam alléluia. Cet évêque eft enterré au-devant de cet autel. On a des dehors de cette églife , une vue délicieufe qui domine fur la mer, fur une partie de Naples, 6c fur tout le coté oriental du golfe , ôc la montagne du Véfuve j c'étoit-là qu'étoit la maifon de campagne de Sannazar, ôc c'eft fur fes ruines qu'eft bâtie l'églife des Setvites. Il fe plal-foit tant dans cet endroit où il paifoit fes jours, partagé entre l'étude ôc le plaifir , qu'on prétend qu'il mourut de chagrin de ce que le prince d'Orange , commandant dans ce pays pour Charles V , fit abattre fa maifon. Quelques inftans avant fa mort, il apprit que le prince avoit été tué en France j 6c il dit encore ayee fatisfaclion.., G iv ïji Mémoires d'Italie. La Vendetta a" A polio Va fatto Morte. \\ expira peu après. Le tombeau de Virgile auquel le Beinbe a fait alluiion dans l'épiraphe de Sanna. zar , eft; peu éloigné de la Madona dtl Parto ; il eft dans les jardins qui font fur la croupe du Pauhlippe , au couchant de Naples, en tournant de la pointe du Mer-gellino, du côté de l'ouverture de la grotte, immédiatement au-deffus, fur une petite plate-formepratiquée dans le rocher. C'eft un petit édifice de brique , de forme pi-ramidale , voûté en dedans. Aux côtés font quelques petites niches deftinées à pincer des urnes cinéraires j il ne refte ni dans le milieu ni dans les côtés aucun vef-tige de la place qu'a du occuper l'urne principale qui fans doute étoit celle de Virgile. Ce bâtiment qui a eu un revê-tilfement Se quelques ornemens extérieurs en eft entièrement dépouillé j on a feulement infixé dans le rocher une bande de marbre blanc , fur laquelle eft gravé le diftique fuivant que l'on dit avoir été fait par Virgile lui-même pour lui fervir d'é-pitaphe : Mantua me genu.it, Calcbri rûpuere, tenet nuno Parthenope, cecinipafcua 3 rura , duces. Au-deffus de la voûte eft le prétendu Naples. i 5 j laurier qui crut fur le tombeau, dès que les cendres de Virgile y eurent étédépoféesj il a l'air déjà ancien , c'eft à-dire que cet arbre , au moins la branche principale qui paroît , peut avoir cinquante à foixante ans } car on a dit qu'on a beau le couper ou l'arracher , qu'il repouffe toujours j cependant de crainte que l'efpéce n'en périffè, le jardinier a foin de faire des boutures qu'il replante autour ck qui y croilTent ai-fément, demêmequ'une multitude d'autres arbuftes , qui ont pris racine fur cette vieille conftruclion y qui eft dans un endroit frais tk prefque toujours à l'ombre. Toute la tradition s'accorde à dire que Virgile étoit un homme de mœurs douces 6c très-réglées , aimant la folitude &C, craignant le tumulte des cours 6c du grand monde , autant par goût pour la tranquillité , que pour éviter les éloges que fes rares talens méritoient. 11 avoit été élevé à Naples , dont il préféroit le féjour à celui de Rome. Son nom y eft encore en vénération même parmi le peuple , dont les uns le regardent comme un faint 6c les autres comme un grand magicien. Ils prétendent que par la vertu de fes charmes , il a ouvert le chemin de Naples à Pouzzols à travers le Pauhlippe 7 tyi'd avoit conftruit par art magique le grand che- G Y 154 Mémoires d'Italie. va! de bronze qui étoit autrefois à la place de faint Janvier & dont la tête fe voit encore dans la cour du palais Caraffe, qu'il avoit communiqué à ce cheval la vertu de guérir tous les chevaux malades qui vien-droient tourner autour de lui, ou pafler fous fon ombre. J'ai recherché ce qui pou-voit avoir donné lieuà.de femblables traditions ; Se d'abord il me paroît que fon habileté rare dans tout ce qui concernoit l'agticulture, le foin du bétail. Se des troupeaux , a pu être regardée par un peuple groflîer , comme quelque chofe defurna-Çurel y quint à la verfu qu'il avoit com-rfïuniquée au cheval de bronze 'y je trou-/ve dans une vie de Virgile imprimée à la tête de la traduction de l'Enéide en vers Italiens , par Annibal Caro , qu'il avoit étudié à Naples la médecine Se les mathématiques 'y qu'étant venu à Rome il gué» lit beaucoup de chevaux malades des écuries d'Augufre , qu'en conféquence il fut compris au nombre des officiers com m en-faux de l'Empereur, qui avoient part à la diftribution journalière du pain quifefai-foit à fon palais ; qu'ayant enfuite reconnu 6V: annoncé tous les vices d'un jeune cheval d'une beauté rare , dent les Cro-toniates ayoient fait préfent à l'Empereur, &: en même-temps guéri des chiens de Naples. 155 chaffe qui lui avoient été envoyés d'Efpagne ; il eut une double paît dans cette même diftribution ; c'eft fans doute une idée imparfaite de ces fuccès qui a porté le peuple de Naples à croire dans des temps poftérieurs que Virgile avoit communiqué à ce cheval de bronze quelque vertu fecrette. Au fujet de la diftribution du pain , je remarquerai en paftant que les fouverains Pontifes ont confervé cet ufage des Empereurs , 6c qu'actuellement il fe fait, aux dépens de la chambre Apof-tolique , une diftribution journalière de pain aux clercs de chambre 6c autres officiers commenfaux du Pape , dont quelques-uns ont double part : la part ordinaire eft eftimée environ, deux féq.uins par mois. Mont: Ollveto. L'églife nouvellement réparée a quelques bons tableaux des anciens maîtres ; tels que le Vafari, le Pein-turrichio... 6c d'aines peintres Napolitains qui ne manquent pas de mérite. .Mais la maifon eft d'une magnificence digne de curiofité ; il y a quatre grands cloîtres à arcades ouvertes d'une belle conftruction, en enfilade a- la faite les uns des autres , qui forment une perfp écrive très étendue j l'apothicairerie ouverte du côté de la rue de Tolède, paffe pour la plus belle d'Ita— G vj i < 6 Mémoires d'Italie. lie ; c'eft-là où on trouve le meilleur fa-von de Naples, les pommades tk les effen* ces les plus fines... (a) La bibliothèque de cette maifon eft nombreufe , ôc enrichie de manuferit s , dont les plus beaux font de la fin du quatorzième fiécle ou du commencement du quinzième , lors du rétabliiîement des feiences en Europe ; alors on s'appliqua à rectifier les manuferit? qui s'étoient fort multipliés dans les fiécles d'ignorance ; mais qui étoient pleins d'incorrections , de bévues, defal-îifications , 6c d'abréviations vicieufes Ôc arbitraires. On dut cette réforme aux princes d'Italie , Ôc fur-tout aux Médicis qui y tenoient le premier rang par leur opulence, 6c leur goût pour les feiences ôc les arts. C'eft dans la forme des beaux manuferirs de ce temps que l'imprimerie fit fes premiers effais , vers l'an i 450.... Santa Terefa , églife de Carmes dé-chaulîes , bâtie de bon goût, hors de l'enceinte de la ville dans le fauxbourg du faim Efprit. Le maître-autel eft revêtu de (a) Il y a long-temps que cette forte «J'induf-ïrie eft établie à Naples. Athènes L. if. vante les parfums que l'on y failoit avec les RoTcs..... Rojuceum noàiitjjtmum ex Pftafetidey Capuâ & Nul Naples. 157 pierres précieufes, de même que les deux portes de côté qui entrent dans le chœur des religieux. On a fuivi dans cette décoration un petit ordre d'architecture , orné de (lames de faints ôc d'anges de bronze doré ; le fond de l'architecture ôc des ornemens eft en lapis lazuli, calcédoines, agathes, ôc autres pierres précieufes. Les petites colonnes du tabernacle font de même matière. Le devant d'autel eft traité dans le même goût. La pièce du milieu eft une fainte Thérefe environnée d'Anges , fur un fond de lapis lazuli. On voit dans la croifée , deux très-grands tableaux de Giacomo dcl Po , peintre moderne de Naples , qui font d'un grand effet, de coloris ôc d'ordonnance... L'un repréfente un repos dans la fuite en Egypte fur le bord du Nil j on y voit une eialoupe qui eft cenfée avoir amené la famille fainte , ôc aulli galamment ornée que le pouvoir être celle de Cléopâtre , lorsqu'elle alla au devant d'Antoine... L'autre.eft une bataille gagnée par la protection de quelque faint Carme qui eft fur un nuage , le crucifix à la main , fans doute pour effrayer les ennemis de fes protégés, dont il fi- fait un grand carnage. 11 y a beaucoup de mouvement dans ce tableau qui eft dans le goût du Tempera», 15$ Méikoires d'Italie. La Sanira, églife de Dominicains d'i*. ne belle conftruétion ; elle eft à trois nef?., celle du milieu fe termine à une grande coupole. En face de la porte principale eft un efcalier de marbre à deux rampes qui monte au maître-aEitel. Deiïous eft: une chapelle fouterreine dans une voûte femi-circulaire, & autour plufieurs petits autels dédiés aux faints martys , que l'on croit avoir été enterrés dans cet endroit même qui répondoit aux catacombes de S. Gen-nariel , avant le grand tremblement de terre de io"S'8 ; dans lequel ecrre églife fut détruite en partie , & la communication avec la partie principale des catacombes qui fubfifte , fut interrompue. Le maître-autel a un ornement de criïfal de roche qui eft riche tk. de bon goût. On verra dans la facriftie un oftenfoir finguliére-ment compofé. Une ftarue de Noé en argent , haute d'environ deux pieds , fou* tient en l'air une petite arche d'or , fur laquelle eft pofée la colombe qui tient en fon bec une branche d'olivier, travaillée de façon que l'on peur y pofer fûrement tin cercle d'or garni de diamants , dans lequel on place l'Euchariftie. Cette machine eft tiès-ingénieufement travaillée & a quelque chofe d'original. La chaire à prêcher eft de marbre & d'un fort beau travail. On voit auili dans cette églife plufieurs bons tableaux de Luc Giordan. 2.5. Les Catacombes de faint Gennariel Catacwnbc* font le monument le plus considérable f^f' GeULiar' qui exifte en Italie , de l'églife primitive. Elles font absolument creufées.dans le roc^ on prétend qu'elles avoient deux milles d'étendue ^ce qui en refte eft encore très-vafte,.& a trois étages diftingués les uns des autres. Chaque étage a plufieurs voû,-tes parallèles , aiiez étendues pour y cacher dans leur état actuel quarante-mille hommes qui n'y feroient point gênés. Les cotés des voûtes font taillés & ouverts ex.-près , pour former une multitude de tombeaux , placés les. uns fur les autres. On voit plufieurs parties confidérables d'une forme différente , qui paroifient avoir été particulièrement deftinées aux affemhlées. On entre d'abord dans une petite églife entièrement creufee dans le roc ; au milieu eft un autel de pierre grofîiérement taillé , fous lequel on dit que l'on a trouvé le corps de faint Jan^-vier \ derrière cet autel eft une chaire coupée dans le roc vif qui y eft encore adhérente a au milieu.d'un demi rond en* i6o Mémoires d'Italie. toute de banquettes j c'eft-là où fe pl3« coient 1 'évêque ou prêtre principal avec jfes miniftres , tk d'où fe faifoient les inf-truétions au petit troupeau qui y étoit afîemblé. La forme de cette grotte , l'endroit reculé où elle eft , fous la montagne même au nord , & couverte de bois > donne lieu de conjecturer que c'eft là même où fe font faites les premières af-femblées des fidèles dans le premier fiécle de l'églife. Certe partie de Naples qui n'eft pas fort peuplée à préfent, l'étoit alors beaucoup plus j l'ancienne Pal&opolis y avoit été bâtie ; on fçait que l'on y a trouvé plufieurs monumens de la plus haute antiquité Grecque. \ A côté de cette chapelle font quelques excavations où étoient des fépulchres, Affez près delà, à main droite , on voit une ancienne ouverture faite dans le roc de bas en haut, à peine affez large pour paffer deux perfonnes, avec un efcalier grofliérement taillé. On l'a un peu élargie dans le dernier fiécle. En parcourant Tes catacombes , on voitd'efpace en efpace des parties creufées en demi-cercle ' qui ont fervi d'autels j ils font encore ornés de quelques reftes de peintures à fref-que ; un entr'autres ou on voit une moitié N A P L 1 s. 1(5*1 de crucifix, ôc qui croit l'autel principal, à en juger par fa grandeur. Il y a quelques peintures des premiers faints honorés dans l eglife , c'eft-à-dire de ceux dont le nom fut d'abord porté dans les dipti-ques facrés ; ce qui pourroil fervir à prouver l'antiquité de notre liturgie ; car il y a grande apparence que ces fouterreins furent abandonnés , dès que, dans le quatrième fiécle , le libre-exercice de la religion chrétienne fut permis. Il y avoit même quelques infcriptions en grands caractères Romains Ôc Grecs , peintes avec une couleur rouge , dont il refte quelques veftiges fi imparfaits qu'on n'y peut plus rien lire. Ces caractères font de la même forme que ' ceux des infcriptions chrétiennes les plus authentiques de ce même temps , gravées fur le marbre ôc le bronze , ôc dont on voit plufieurs à fainte Agnès hors des murs à Rome. Dans l'épaiifeur des pilaftres laines d'efpace en efpace pour foutenirces voûtes immenfes, font creufées de petites chambres fépul-chrales dont quelques unes ont été ornées de peintures ôc de mofaïques , ôc qui fans doute étoient le lieu de la fépulture des fimilles les plus confidérables. Ces excavations font faites avec plus de foin, \6i Mémoires d'Italie. les tombeaux y font plus réguliers & plus égaux J on y entroir par une petite porte cjuarrée , étroite & balle ; on monte dans les unes , on defcend dans les autres j c'eft furtout là que l'on remarque le trou où fe plaçoit la lampe fépulchrale qui étoit hors du tombeau j ee que l'on voit auftî dans la plupart de ceux qui font le long des grandes voûtes. Dans une efpéce de croifée qui eft environ au milieu du fécond étage , eft une chapelle à ttois petites nefs , où l'on prétend que fe fai* îoient les ordinations j elle aboutit à une très-grande excavation ou falle , fpéciale-ment deftinée à l'inftrudion des peuples. A quatre ou cinq pieds plus haut que le plan de cette falle,eft une efpéce de chaite creuféedans le roc même, d'oùTévêque parloir au peuple j tous ces veftiges de l'antiquité chrétienne prouvent que dans les premiers temps de la religion il y avoit un grand nombre de chrétiens à Naples & dans les environs. Ce qui leur donna l'idée de fe creufer ces retraites , ce font les chemins ouverts dans le centre des montagnes, bien avant l'établiIfement du chriftianifme. Ils imaginèrent aifément qu'il leur feroit aifé devenir leurs alTem-blées dans, ces grottes. Qbfcures k connues Naples. i6*y 3'eux feuls. Tour ce qui embarraffe eft de fçavoir où ils ont pu placer la quantité prodigieuse de pierres qu'ils ont été obligés de tirer de ces varies excavations j ne feroient-ce pas d'anciennes carrières adaptées aux affetnblées de religion ? On en voit d'autres très-grandes à. côté de l'ouverture du Pauhlippe du côté de Naples, qui dans leur état aéfcael, pourroient fervir de retraites à un peuple nombreux 5, il eft vrai qu'elles ne font pas difpofées avec la régularité fuivie des catacombes de S. Gennariel. Parmi.les tombeaux, quelques-uns font ouverts en partie ,, d'autres ne l'ont pas été, ck ceux-ci ont fervi dans un temps où on les cachoit avec le plus grand foinj ils font fermés avec des pierres plattes , recouvertes d'un enduit qui imiroit fi bien la couleur du rocher , qu'à préfent- encore il femble faire un même corps avec la pierre.. On m'a dit àiNaples qu'on y avoit trouvé des tombeaux de payens , ce qui donneroit lieu de croire que cet oiif vrage eft bien antérieur à l'étabhftement du chriftianifme y mais le peu d'intellb* gence des infcriptions Grecques dont j'ai parlé plus haut, & la vanité dominante en Italie d'avoir chez foi des monumens l<*4 Mî moi ni s d'Italie. très-antiques,ontpû donner lieu à cette tra. dirion , que l'inïpection même des lieux démontre être faulTe. L'ufage dans tout ce pays étoit de brûler les corps Ôc de mettre enfuire les cendres dans des urnes de difTérenres formes féparées les unes des autres, ou dans des efpéces de caveaux autour defqnels il y avoit des trous formés avec des briques, ou même des pots de terre cuite , rangés comme dans les colombiers j ce qui fait que ces fortes de monumens étoient appelles Palumbarii. La fuite des cimetières antiques que l'on voit à Baùli, entre les Champs Elifées Ôc l'Achéron ceux qui font à Rome ôc qui appartiennent à l'antiquité payenne , font tous conftruirs de cette façon. Quelques-uns de ces trous étoient fermes avec une petite pièce de marbre, fur laquelle étoit écrit le nom du défunt ôc fa profefîion ; les autres ne l'étoient que d'une (impie brique ; j'en ai fii plufieurs de cette efpéce , ôedans quelques-uns j'ai encore trouvé des cendres , des charbons , ôc des os à demi brûlés ; partout ils font de la même forme , ôc ne reffemblent en rien aux tombeaux des catacombes de Naples, qui font de la grandeur ordinaire des corps que l'on ne brûlait point. Ce qui a pu Naples. encore donner lieu à ce bruit , c'eft qu'en fouillant la terre dans ce voifinage , on a trouvé des tombeaux, accompagnés d'inf-criptions Grecques , mais qui étoient feuls, ôc qui n'avoient rien de commun avec les catacombes hors defquelles ils étoient placés. Ce monument eft encore très-curieux à examiner } on voit au fond qu'il de-voit s'étendre fort loin ; mais une grande quantité de pierres &c de terres éboulées ont fermé le paffage, & il y a apparence que c'eft l'effet d'un grand tremblement de terre dont il n'eft pas aifé de fixer la date. Il faut y marcher avec quelques précautions.} il y a des ouvertures faites dans le milieu même des grandes allées , par lefquelles on pourroit tomber d'un étage dans l'autre. Comme la lumière n'y peut pénétrer par aucun endroit, on fe fert pour les vifiter, de petites torches , que fourniffent ceux qui en ont les clefs. En 165*5" on enterra une grande quantité de peftiferés dans ces catacombes. A côté eft un hôpital pour les pauvres infirmes ôc les vieillards , ôc un confer-vatoire de filles orphelines qui font l'office dans l'églife de faint Janvier ou Gcnna-rlclU : elle eft d'une conftruction ancienne. \63 Mémoires d'Italie. Le plafond fort élevé eft foutenu fur de grandes colonnes j ce qui lui donne un air de magnificence qui eft relevé par quelques ornemens modernes que l'on y a pjoutés. Les jeunes filles qui y font l'offi-ce paroilfent avoir de belles voix. L'hôpital fondé dans le dernier fiécle pour les ufages dont j'ai parlé , eft riche ôc doit fa principale dotation a un boucher opulent, qui n'ayant point d'héritiers,laifîa en mourant tous fes biens au confervaroire Se à l'hôpital que l'on venoit d'établir environ l'an 1670. Chiuau î. 29. Au-deflus delà montagne qui do-™£ clur" mine la ville entre le couchant Se le nord, eft le château S. Elme , qui dans fon origine n'étoit qu'une tour ou fortin , bâti par les princes Normands , & abandonné enfuite j l'importance de fa fituation le fit fortifier dans le temps que Louis XII fie la conquête du royaume de Naples j c'é-toit cependant peu de chofe , Se il doit fa forme actuelle à Charles V , qui y fit ponftruire le grand hexagone qui fait le corps de la place , fitué fur un roche Se .d'un abord très-difficile. Philippe V, après avoir été reconnu roi de Naples , y fit ajouter un grand forte creufé dans le roc .défendu par un chemin couvert ôc quel- qnes ouvrages avancés. Il y a actuelle* ment une bonne garnifon Si beaucoup d'artillerie. Il faut voir la citerne de ce château qui eft d'une grandeur prodigieu-fe-, & entièrement creufée dans le roc j les ouvertures en font garanties de façon qu'elles font à l'abri des bombes. Au bas des fortifications extérieures du côté de la ville eft la magnifique Char-treufe de faint Martin. Charles duc de Calabre , Si la reine Jeanne I en font regardés comme les fondateurs. Cette maifon eft dans la pofition la plus heureufe Si la plus belle que l'on puilfe imaginer* elle a vis-à-vis d'elle, fous fes fenêtres , la ville de Naples alfez près , pour voir les plus belles rues dans toute leur longueur ; on diftingue les maifons , les voitures qui y parient, les hommes mêmes Si les femmes , Si la couleur de leur habillement quand le ciel eft brillant. A aroite la mer , vis-à vis, le port Si tout le golfe de Naples, Portici , Refina , le Véfuve Si les coteaux qui l'environnent} à gauche toute la campagne de la terre de La-bourjufqu'au delà de Capoue,que l'on diftingue très-bien, ainfiqu'Averfa,Caferte éc les aqueducs nouvellement conftruirs h long du mont Tifata. Il eft impollible 16*5 Mémoires d'Italie. de fe faire une idée d'une vue aufli éteiv due, auiîi variée 8c aufli gracieufe , fi on n'en a pas joui. Les Chartreux eux-mêmes en connoiffent le prix , duquel l'habitude ne diminue rien. Ils ne font pas étonnés qu'on leur envie le bonheur d'habiter une retraite fi agréablement fîtuée. La magnificence de cette maifon annonce qu'elle eft très-riche , tout y refpire la propreté , le bon goût 8c l'opulence j ces religieux mêmes ont une forte de politeffe qui n'eft pas ordinaire à. ces folitaires \ ils font efti-mes à Naples pour leur régularité , 8c la fagelfe de leur adminiftration économique j car c'eft avec leurs revenus feuls qu'ils ont fait une dépenfe pour la décoration de leur maifon,qui au premier coup-d'œil paroît être au-deffus du capital de leurs biens. L'églife pavés 8c revêtue de marbres différents , 6c à delfeins fuivis, eft ornée d'excellentes peintures Le plafond revêtu de ftucs dorés a plufieurs tableaux de Lanfranc qui fe répondent. Le fujet principal eft le Chrift montant au ciel. Il y a beaucoup de feu dans toute cette compofition un caractère de deffein fier, 8c une belle* couleur. Les différents morceaux font di-verfifiés par quelques peintures en grifail- les îès qnï ont rapport an fujet priricîpal , & font bien traitées j au-delïus de la porte d'entrée eft un grand tableau de la descente de croix j toute l'expreffion en eft admirable , la compofition fage , les attitudes nobles & vraies. La couleur en eft un peu noircie. Il eft de Y Efpagnolel. Aux deux côtés de la nef entre les archivoltes & les pilaftres font encadrés douze tableaux qui repréfentent les prophètes, par le même. Chaque tableau eft d'une feule figure, mais peinte avec une fublimité d'expref-fion , une variété de caractères , des draperies ii belles, un pinceau ii vigoureux , eme l'on n'imagine pas que la.peinturepuii-fe aller au-delà, furtout en pareil fujet. On Feut regarder ces tableaux comme ce que Efpagnolet a fait de mieux dans ce genre # qui étoit vraiment celui où il excelloit. Les deux tableaux de Moïfe& d'Eliequt font au fond de la nef, ont quelque différence dans le ton de couleur & les draperies , quoique les caractères &c l'expref-iion foient traités avec autant de force & de génie que dans les autres tableaux. On les dit AqLuc Giordan , qui en ce cas a heureufement imité YEfpngnolet. Au fond de l'églife, derrière le maître-Tome IF. * H ije Mémoire s d'Italie. autel eft un très-grand tableau qui repréfente l'adoration des bergers. L'Enfant Je-fus,duquel part toute la lumière qui éclaire le refte du tableau , eft du plus beau caractère de deifein , plein d'efprit & de grâces , d'un pinceau aulli gracieux que celui du Corrêge même. La Vierge eft très-belle , tk diftinguée par les grâces de la figure fur toutes les autres femmes du tableau , quoiqu'elles foient peintes avec beaucoup d'agrémens. Dans celles-ci l'air d'admiration Ôc de refpecf eft celui de la jiaïveté même ôc de la vérité j toute cette partie eft d'une belle couleur ôc finie. On voit que les têtes d'hommes de diffé-rens âges, qui font dans ce tableau, font d'un beau deifein , les cheveux font bien traités , ôc fi cette partie du tableau étoit finie de peindre , il feroit partout du plus grand effet, ôc l'un des plus excellens du Guide.... A gauche du chœur à côté de l'autel j eft un grand tableau de la Cène , de l'école de Vénife , fort dans le goût de Paul Veronhfe, toute l'ordonnance qui eft bonne eft imitée de ce grand-maître • mais on voit bien que fa belle exécution de même que fon pinceau enchanteur, ont manqué à cet ouvrage. Ce tableau perd beaucoup à être en oppofition avec un ta- N a p L 1 S. IJt bleau de YEfpagnolet , qui a pour fujet Jefus-Chrift donnant la communion à fes apôtres, qui eft delà plus belle couleur', d'un deffein correct & très-fier en même-temps j à côté eft un tableau moins grand qui a pour fujet le lavement des pieds , bien compofé j les airs de têtes font variés ôc naturels , le deifein eft vrai j mais le choix de la nature n'en eft pas beau. Il eft tout-à- fait dans legoût de Michel-Ange de Carravage. Vis-à-vis eft un tableau qui repréfente la vocation des apôtres j il eft très-ingénieufement compofé & d'une belle couleur , par lve cavalier Maffimo... Le maître - autel ifolé entre la nef & le chœur eft de bon goût ; il n'eft actuellement que de bois doré ôc peint, ôc a été fait pour fervir de modèle à celui auquel on travaille , qui fera des marbres les plus précieux. De chaque côté feront deux figures d'Anges adorateurs , de grandeur naturelle, en argent,de même que les deux enfans qui foutiendront le cartel du devant d'autel. La baluftrade qui fépare le chœur de la nef travaillée délicatement à jour ÔC à grands delfeins fuivis, eft revêtue de jalpes, d'agathes , de verd ôc de jaune antiques, ôc d'autres pierres précieufes de ce genre. Les chapelles qui font dans les H.j Mémoires ©'Italie. bas-côtés , fermées par de grands grilla-' ges de fer avec des ornemens en cuivre, font pavées tk revêtues de marbre , & ornées de beaux rableaux , dont les principaux font... Deux de Solimeni , dont l'un repréfente faint Martin qui partage fon manteau avec un pauvte \ & l'autre J. C. qui lui apparoît revêtu de ce même manteaujdans une autre chapelle font trois tableaux de Paul Matkeis , qui ont pour fujet l'Aftomjnion JaVifitation & l'Annonciation ; il eft difficile de peindre plus gracieufemenr &c de rendre les figures plus jntéreiTantes. Dans le premier , le ton de couleur de la Vierge paroît un peufoiblej mais elle eft dans une lumière très-vive > qui l'éclairé de tous les côtés... Le fécond çft à mon gré une des compositions les plus gracieufes qu'il foit poflible de voir... Le troifiéme eft maniéré y l'attitude de la Vierge à genoux fut un prie-Dieu n'eft pas jufte y à côté fur une chaife font des ouvrages de mode à-demi commencés , ce qui eft tout-à-fait contre le çoftume j je ne dis rien du chat qui regarde l'Ane» avec la plus grande artention. L'étonne-menr n'eft pas alfez marqué fur le vifa-ge de la Vierge. Ce peintre manquoit de force dans l'expreffion j mais fon deifein; Nàplîs. 17$ eft fage & fon coloris très-agréable... Dans le chapitre qui eft bien boifé , ôc dont les tableaux de plafond font de bons maîtres, eft un grand tableau de Solimeni , qui a {>our fujet Jefus-Chrift difputant au mi-ieu des docteurs \ la compofition en eft vraiment belle. Le Cfirift a toute la no-blette ôc la force qu'il doit avoir dans un âge auiîï tendre... Les figures des docteurs de la Loi font heureufement contraftées y dans un des côtés du tableau fur le de-vanr, on voit la Vierge qui entre ôc qui montre Jefus à faint Jofeph ; il femble voir difparoître de fon virage l'inquiétude qui agitoit cette mere tendre , pour faire place au plaifir qu'elle a de retrouver fon divin fils. Ces deux paftions y font peintes. La figure de la Vierge eft auftl întéreflante que belle j que d'efprit dans toute cette compofition , l'une des plus belles ôc des plus agréables de Solimeni, que j'aye vues ! On regrette que cet excellent artifte ait fait fes ombres fi dures & ii tranchantes, ÔC ii peu foigné fon coloris j s'il fe fût perfectionné dans cette pattie , il eut été de pair avec les plus grands maîrres de l'art ; car il corapofoit avec génie , defli. noit bien ôc fièrement, & animoit to«- H iij 174 Mémoires d'Italie. jours fes figures de la pafïîon qu'elles dévoient éprouver. La facriftie eft revêtue d'une marquet-terie brune , fur laquelle on a repréienté avec les feules couleurs du bois plufieurs biftoires de l'ancien ôc du nouveau tefta-ment. Le plafond eft de Luc Giordan - il a pour fujet Judith qui effraye l'armée des Syriens en leur montrant du haut des murs de Béthulie la tête d'Holopherne. . . Les tableaux des angles repréfentent les femmes fortes de l'écriture... Dans les galeries ou falles qui communiquent de l'églife aux facrifties, ôc qui font décorées avec autant de propreté que de gout, on voit beaucoup de tableaux choifis j en-tr'autres la-vocation de faint Matthieu a l'apoftolat, par Luc Giordan , beau d'ot-donnance ôc de couleur , comme les ouvrages choifis de Paul Fcronèfe , ôc tout-à-fait dans fon goût.... Un Chrift attaché à la colonne par le Congiani • la tête eft admirablement peinte... Saint Pierre qui renie Jefus-Chrift, la fervante qui lui parle vue par le dos , ôc au coin du tableau quelques foldats qui jouent aux dez fuc une table, par Michel-Ange deCarravage de la meilleure manière de ce maître à qui ce fujet avoit plû j il l'a répété , ôc Naples. 175 on le voit à Rome en plufieurs endroits... En général on peut dire que tous les tableaux , tant de l'églife que des pièces qui y tiennent, font de bon choix 8c de très-bonne main. Le tréfor de la facriftie eft très-riche en reliquaires , en vaiftelles d'or 8c d'argent, en ftatues , en chandeliers , 8cc... Il y a des calices à coupe d'or foutenue par des figures fymboliques de porcelaine de Naples , qui approche beaucoup de la perfection de celle de Saxe y plufieurs autres calices d'or, dont un tout nouvellement fait 8c d'un travail précieux j c'eft une figure dans le goût de celle du bon pafteur, qui foutient la coupe fur l'épaule droite... Un oftenfoir d'or parfaitement travaillé , de trente pouces de hauteur. La niche pour le placer fur l'autel , eft une demi-coupole d'argent, foutenue par fix colonnes d'ordre corinthien , à cafés & cha-pitaux dorés, ornée de fîlets de pierreries de différentes couleurs. Le travail en eft plus agréable que la matière n'en eft riche. L'appartement à recevoir du prieur, eft orné de plafonds peints , de tableaux choifis, 8c de delfeins originaux que l'on con-ferve fous glace. Parmi les tableaux eft un H iv jjé Mémoires d'Italie. Chrift attache en croix que l'on aiTùre erre l'original de Michel-Ange , lait d'après un homme crucifié Ôc expiranr, fable que la vue même de ce tableau démontre être faufle... Un homme à genoux devant une Vierge par YEfpagnoUt, tableau excellent dans lequel on dit que l'on trouve fon portrait, celui de fa femme & de fon fils... S. Jérôme & faint Sebaftien , par le même , excellens & bien conferves... Laga* lerie qui eft autour du cloître eft pavée , revêtue de marbre , &c foutenue par des colonnes de même, avec des buftes de Chartreux placés fur des gaines d'efpace en efpace. L'apothicairerie fituée à uudes coins de ce cloître, a plufieurs grandes pièces, très-proprement ornées , & enrichies de curio. lires d'hiftoire naturelle, ralfemblées par «n frère lais de cette maifon. Les religieux font bien logés y quelques-uns ont de leur appartement l'agrément de cette belle vue dont j'ai parlé , que l'on ne fe laffe point d'admirer , & à laquelle on revient avec'un nouveau plaifir , après que l'on a examiné ce que rinterieur.de la maifon a de curieux. On vante beaucoup la Chartreufe de Pavie , l'églife eft plus gran». «le ôc plus majeftueufe que celle de Na-r N A M ï jy 177 fjîes ; la maifon a plus d'étendue Se eft plus nombreufe ; mais pour les chofes d'agrément Se de goût, pour la beauté de la polirion , Se lafalubrité de l'air, combien celle de Naples eft au-delîus ! Je ne crois pas qu'il y air aucun monaftere au» monde dans une htuation aufli belle. -es hôpitaux a Napleslonttrcs-mul- RîHe*îorF tipliésj dans une ville où la population eft bu* aùiiw, ii nombreufe , il eft de l'intérêt de l'état Se des citoyens que les établiiïemens de charité foient communs 5c bien entretenus. Le fouverain oc les fujets y fonr également intérelTés. Les iêcours que les mi-férables y trouvent dans leurs maux con~ fervent à l'état une multitude de fujets qui périroient promptement , ou qui n'étant pas foulages à temps , ne traîneroienr. plus que des jours languiftans, Se fe trouve^ roient hors d'état de fe livrer à aucune efpéce de travail. Ces feeours fonr fur-tout nécelfaires dans un pays où le dérèglement des mœurs , le découragement auquel le peuple s'abandonne lî aifément „ Se la vie parelfeufe qui en eft la fuite 3. font la caufe d'une multitude de maladies.* Mais ce que l'on ne peut trop louer, trop» encourager , foutenir avec rrop; d'artea^ «ion 3, ce ibnt les hôpitaux d'enfans trou- Ev lyS mémoires Dl T a L I e. vés, où il eft du véritable intérêt de l'état de recevoir indiftinctement tous les en-fans qui y font préfemés, ôc avec les plus grandes facilités j ainli on prévient une multitude de crimes obfcurs, qu'il eft pref-que impoflible à la vigilance des loix d'arrêter tk de punir., ôc on prend le moyen le plus fur de multiplier les fujets do l'érar, & les fujets utiles j car il eft très-facile de deftiner ces enfans aux travaux les plus nécefîaires , ôc de les élever de façon qu'ils ne connoiffent pas d'état plus doux que celui dans lequel ils font placés. C'eft ce qui me fait croire qu'on les tient pour la plus grande partie ttop long-temps dans les confervatoires, où ils ont une éducation molle ôc trop relferrée, ôcoù ils ne fe fortifient pas en s'exerçant au grand air, Ôc en fuivant les travaux de la campagne dès qu'ils peuvent marcher. Il en couteroit beaucoup moins de les placer 1 la campagne chez d'honnêtes cultivateurs, auxquels on payeroit une petite penhon, ôc qui feroient obligés de répondre de ces enfans à l'état y ils y trouveroient leur avantage en ce. que de bonne heure ces enfans feroient capables de leur rendre quelques fervices & qu'ils auroient en profit pref-que toute la petite fomme qu'ils reçe- Naples» jj 17$ vroient y la nourriture Ôc l'entretien de ces enfans , pris fur la malfe générale du ménage, étant un objet de peu de confidéra-lion y 6c ii faudroit y placer indiftincte-ment les garçons 6c les filles , tous juf-q.u'à un certain âge \. on en retireroit en-fuire ceux qui étant d'un tempérament foible & délicat, feroient moins propres aux travaux de la campagne , à la culture des terres , 6c même à la vie militaire 5 car le fouverain pourroitfe former par ce moyen une pépinière de bons foldats, fur lefquels il auroit plus droit de compter que fur des mercenaires , que le libertinage 6c la par elfe n'engagent que trop fouvent à embraffer ce genre de vie. . . Ceux donc que l'on ne jugeroit pas à-propos de laiifér à la campagne, feroient def-tinés à travailler aux manufactures 6c aux métiers , 6c quand on leur reconnoîtroic des difpofîtions. pour les arts , ils feroient placés de fiçon à pouvoir développer leurs talens, toujours fous les yeux du gouvernement , 6c aux dépens des confervatoi-res auxquels ils appartiendroient... Il eft; peu încérelf mt encore , pour l'état, que la plupart des filles trouvées foient élevées dans les hôpitaux ou confervatoires , de façon à préférer la tranquillité de la i8o Mémoires d'Italie. -vie religieufe à tout autre état ; c'eft multr* plier les charges fans prefqu'aucun avantage réel j dépenfe pour dépenfe, il feroitplus. avantageux de donner à ces filles une éducation plus robufte , en les mettant de bonne heure à la campagne & en les habituant à la vie que l'on y mené > Ôc ce qu'il en coûte pour les établir dans une communauté religieufe ,. leur étant donné en dot de mariage , feroit beaucoup plus utile à l'état dont la population ne Çourroir que gagner à cet arrangement. Jn objet de moindre conféquence, qui mérite cependant quelque confidération , eft qu'en diminuant dans l'enceinte des villes le nombre de ces bouches que l'on peut y regarder comme inutiles , il feroit plus aifé d'y entretenir l'abondance , ôc d'y éviter ces difettes inopinées qui fe font fentirplusdansles cfimats les plus fertiles ôc les plus délicieux de l'Europe, que dans les régions froides ôc dures du feptentrion. Telles font les réflexions que j'ai faites, fur cette multitude d'hôpitaux, de con-fervatoires , &c d'autres établiffemens de charité , que l'on ne peut, je le répète trop encourager, maintenir avec trop d'attention ; mais qui par un mauvais ufaoe confervent à l'état une multitude de fujets *piï Fui font peu utiles , ôc dont une grande partie, par l'éducation molle qu'ils reçoivent, fonrhors d'état d'être cultivateurs ou foldars. La réforme à faire dans cette partie eft iî aifée , qu'il faut efpérer que dans toutes les capitales de l'Italie, ceu» qui font à la tête du gouvernement ouvriront les yeux fur ces abus ôc les feront" ceffer. Les idées que je propofe à ce fujet font d'autant plus faciles à exécuterqu'elles n'exigent aucune dépenfe nouvelle ; il n'eft queftion que d'employer différemment les revenus des hôpitaux & d'une manière plus utile à l'efpéce humaine ett général ôc à chaque état en particulier. Le principal hôpital de Naples eft celui de X Annun^iata y la belle infcriprion qui eft gravée fur le marbre, au-deffus de la porte principale , en indique la deftina-lion. Lac puerîSfdotcm innuptîsj vtlumqu&pitdlcis >.. Datqu& mtdilum Agris, h&c opulenta domus. Mine merito facra eft itli , qu* nupta , pudiea , Et laSlaiis , orbis * -vera medela fuit. Il doit fon origine à la dévotion de quelques particuliers qui commencèrent dans-cet endroit même un établiffement de char-xitéjmais il prit une forme noavelle,par les i8z. Mémoires d'Italie. libéralités de la reine Jeane II, que l'or» peut en regarder comme la fondatri-* ce. Il a été' conhdérablement augmenté dans la fuite par les dons des fouverains, 8c de diftèrens particuliers dont il a recueilli les fucceilîons qui lui avoient été léguées. Il eft adminiftrépar quelques nobles du fiége Capouan , & par des députés de la bonne bourgeoiiie. Comme cet hôpital eft iïtué au centre de la ville, ou les convalefcens ne fe rétabliroient pas ii aifément qu'en plein air,il a une maifon dans la montagne, au nord de la ville, appellée Nuntiaulla , où il envoie une partie des malades qui n'ont plus befo.in .que de bon air , de repos & d'une nourriture faine ; les autres vont à la Torre del Greco , dans une maifon iïtuée fur le bord de la mer , 8c deftinée au même ufage. Tous les ans il envoie une certaine quantité de malades à Pouzzols , pour être à portée de prendre les bains chauds 8c froids , & les étuves de Tritoh , entre Pouzzols 8c Baya. On peut juger par tous ces établiflemens de la nchefle de cet hôpital 8c combien il eft utile de La confec-ver. On verra dans fon vafte emplacement que chaque partie eft dans un bâtiment particulier. Les malades , foit de Naples. 18$ fièvres , foit de blelfurcs', font dans un quartierféparé , les enfans trouvés dans un autre j quand ils peuvent marcher feuls, on fépare les garçons des filles qui ont leurs logemens à part, les fous, les magasins de toute efpéce, Papothicairerieyles manufactures font dans d'autres batimens , ôc on voit que tout cela eft tenu avec le plus grand foin. Au-dehors eft une ouverture avec un tour, dans lequel ceux qui ne veulent pas être connus viennent apporter fecrettement les enfans qu'ils fcavent devoir être reçus dans cet hôpital. L'églife eft de la plus grande magnificence de décoration 6c d'ornemens j elle eft revêtue de ftucs travaillés avec élégance 6c dorés en partie j le maître-autel eft fous un grand baldaquin foutenu de quatre colonnes de marbre , dont les chapiteaux ,.les bafes 6c les ornemens font en bronze doré j l'enfemble en eft très-noble. Le grand tableau de l'Annonciation qui eft au deffus de la porte, d'un grand caractère de deifein 6c de belle couleur, eft diï Lama , peintre Napolitain. Sur les arcades à côté du maître-autel , on voit deux grandes peintures de Lanfranc \ l'une a pour fujet l'apparition de l'Ange à faint rï>4 Mémoires u'ItAlie. Jofeph pendant le fommeil j l'antre ïe même faint Jofeph qui fe difpofe à partit pour l'Egypte j la Vierge qui femble attendre que l'enfant foit éveillé eft du plus beau caractère.... Plufieurs tableaux de Luc Giordan qui repréfententla reine de Saba devant Salomon... Le voyagedeTo- bie avec l'Ange... La lutte de Jacob..... L'inftantoù Marie foeur de Moyfe entonne fon cantique au milieu des filles d'I-fraël. . . David qui joue de la harpe devant l'arche. . . Cesdifférens fujets fonr traités chacun dans leur genre avec beaucoup de vérité, d'une exprclliongracieufe, &: de belle couleur... Dans fa croifée fonc deux très grands tableaux \ l'un de Maf-Jrmo qui repiéfenre les noces de Cana , l'ordonnance en eft grande Se bien entendue , Se il eft très-beau rour le deifein y î'expreflion Se le coloris... L'antre a pour fujet la prefentation de Jefus au temple y par un peintre François peu connu, appelle Charles Merlin , que l'on croit avoir été de Lorraine. Le deifein eft partout; fage Se correct , la compofition en eft aflez noble \ il y a de très-belles chofes , Se d'autres ridicules 3 par exemple , on y voir faint Jofeph Se un des miniftres dit temple qui courent après un pigeon qai. s'eft envolé de la cage*. La reine de Naples Jeanne II eft enterrée dans cette églife , fon tombeau eft a platte terre, fans autre décoration qu'une cpiraphe (a) où font tous fes titres... La facriftie de cette églife eft fort riche j on y montre une ehappe qui a fervi de manteau royal à Alphonfe I d'Arragon. Le Mont de la Mifericordc, eft un autre hôpital aufti fort riche j on y reçoit les incurables j ii a été fondé par les ha-biransde Naples pour les fepr oeuvres que l'on appelle de Miféricorde, ôc qui font vé- (a) Joann* IÎHungaris. > Hierufalem , SiàlU, Dalmaiit, , Croatit, , Ram* , Servit, Galitç* , Lodomerii. , ComanU, 3 Bulgaridque regirtA , pro-yinci* Folcalquerii ac Pedemontis comitiJf& + mnno Domini 143 y. dit 11 mtnfis Fier... Regiis ojftbus h memorii. , fepulckrum quod ipfamoriens kumidelegarat, inanesinfunerepompas exofa j regini pietatem fecuti cV meritorum non immemores , œconomi rejlitucndum 6* exor-nandum curav&runt, magnificer.tius pojtturi Ji li-euijfet. A. D. 1(06. menfe mayo... Cette reine qui avoit été fi fiere & fi-coquette ». défendit abfolument qu'on fit aucune dépenfe pour fa pompe funèbre & ion tombeau. Les noms inconnus qui font dans ks titres que pre-noit avant clic le roi Ladijfas , & qu'elle crue devoir conferver , font ceux de quelques provinces de Hongrie & de Pologne... r86 Mémoires d'Italie. ritablement l'objec de fon établiffement. Il a fept directeurs principaux ôc porte pouf devifefept montagnes entafïees, furmon-tées d'une croix avec la légende ,fiuent ad cum omncs gentes. Cet hôpital entretient tous les ans, dans la faifon des bains, une maifon à l'ille cVIfchia , où il fait transporter à fes frais les pauvres qui ont be-îbin de les prendre j l'églife éclairée par une grande coupole qui la couvre prefque en entier , eft: d'une jolie forme. Les autels font revêtus de marbre. Le principal a un très-beau tableau de Michel- Ange da Carravage qui repréfente les fept œuvres de miféricorde , parmi lefquelles eft une chariré Romaine > ces différentes allégories unies enfemble ne font pas aifées a deviner, quand on nefçaitpas le but da 1 'établiffement de cette maifon.... Hors de la porte du faint Efprit, dans un très-grand emplacement qui étoit libre, le roi d'Efpagne a fait commencer un bâtiment immeufe où fon intention étoit de faire renfermer tous les mendiants valides , ôc de les forcer à travailler aux manufactures qui y font établies... Ce fera pour l'architecture un des plus beaux édifices d'e la ville. Le rez-de-chau(lée ôc le premier étage N A P L s s. 187 .Soient achevés en 176"* j on continuoic cerre conftruction qui demande encore quelques années, avant que d'être en état de fervir à fa deftination, qui fera de la plus grande utilité'pour une ville auiîi peuplée que Naples. Le bâtiment de l'université qui eft à la porte de Médine, eft d'une architecture fort apparente , enrichie à l'extérieur de plufieurs ornemens de fculpture. On y a rétabli nouvellement les chaires de pro-fefïeurs qui auparavant avoient été transférées à faint Dominique le majeur , parce que dans des temps de guerre, on avoit fait de ce bâtiment des cafernes pour loger les troupes , par lefquelles il a été fort dégradé , ainu qû*il eft aifé de s'en appercevoir. L'étude du droit eft floriffante a Naples , la médecine a de bons profelfeurs , 6c quelques praticiens habiles ; la théologie n'y eft pas encore débarrafice des épines de la fcholaftique 6c de la méthode ariftotélicienne. 11 y a d'habiles phyfi-ciens 6c de très-bons géomètres. Les belles-lettres y font cultivées avec foin. Le Giannone, avocat Napolitain , a écrit l'hit toire de ce royaume 6c s'eft fait une réputation par cet ouvrage. Des auteurs de iSS Mémoires d'Italie. toute forte font rouler les preffes de î3 capitale ; leurs ouvrages font volumineux, chargés de beaucoup d'érudition étrangère que la critique n'a point encore éclairée de fcn flambeau ; ce qui fait qu'ils ne font connus que par les journaux qui quelquefois en font mention... Outre l'univeriué, il y a fept collèges d'exercice public. Au-deffus de l'univerlité il y a un grand corps de cafernes pour l'infanterie, batt par Charles 111. Capo dinion- 2g. £>e ce même côté de la ville fur la loyale Taî.- montagne au couchant, appellée Capota palais i ji monte, eft un magnifique palais com-Napie*. mencé par ordre du roi d'Efpagne , & abandonné depuis que l'on bâtit le château de Caferte. Ce qui eft élevé eft de l'architecture la plus noble & la pins belle , & fait regretter que l'on ne finiffe pas un édifice fi heureufement entrepris ; mais qu'il paroît que Ion n'a pas deifein de continuer ; car on en a couvert une partie qui n'eft qu'à moitié de fa hauteur \ cette conftrucfion eft de Vanvittlli, architecte Romain \ on m'a affûté que ce qui avoit déterminé le Roi à la faire ceffer étoit le peu de folidité du terrein fur lequel elle a été fondée \ on m'a même fait voir des murs de foutenement très-épais, appuyés de fortes culées, que Ton a été obligé de faire pour empêcher le rerrein de s'écarter , Se de céder au poids dont il eft chargé. On avoit crû fonder fur le roc vif, Se on s'étoit trompé. Sa fituation fur un des côtés de la montagne de Pauhlippe eft très-agréable pour la vue , la falubrité de l'air Se la fraîcheur que l'on y goûte en été j actuellement on en a fait un Mufeum, où on a mis en dépôt la plus grande partie des effets précieux que don Carlos apporta en panant de Parme à Naples, Se que les princes de la maifon de Farnéfe , furtout le dernier cardinal de ce nom , avoient ralfemblés avec autant de foin que de goût. Il y a une collection magnifique de tableaux des meilleurs maîtres Se tous bien confervés ; c'eft-U que l'on peut voir Raphaël , le Corrége , le Parmefan, le Schidoné , les Carraches, dans tout leur brillant, & apprendre à les connoîrre.Mais ces tableaux font rangés fans ordre , Se ne font-là que jufqu'àce qu'on les transporte au château de Caferte , dont ils feront l'ornement le plus précieux. J'y ai vû une belle fuite de miniatures peintes fur velin dans des heures de la Vierge , par dom Jules Clovio. Ces petits tableaux fonr ttès-Jjien exécutés ? Se du plus beau fini • les ioo Mémoires d'Italie. idées en font prifes d'après les tableaux des plus grands maîtres. La fuite des médailles en or, en argent Se en grand bronze, y paroît complette; on y trouve tout ce qu'il y a de plus rare Se de plus précieux dans ce genre j la collection de Camées de toute efpéce n'eft pas moins belle il y en a d'une grandeur rare, & d'un travail recherché. Parmi les çuriolités naturelles , il y a un morceau de criftal de roche \ on m'a allure qu'il étoit du poids de deux mille, quoiqu'il foit creux en partie... La bibliothèque eft rrès-nombreufe Se occupe plulieurs pièces du rez-dechaulfée ; je n'ai pu ni l'examiner, ni me faire une idée de fon prix ; les livres étoient en tas, Se les menuilîers occupés à boifer l'appartement où ils doivent être placés. On m'a allure qu'il y avoit peu de manuferits. Ce tréfor littéraire eft confié aux foins du P. D. G10 Maria délia Terri, clerc régulier-Somafque , bibliothécaire du Roi, chargé du foin de l'édition du Mufeum Her-culanum , que le roi de Naples continue de faire imprimer , Se dont le premier volume fottir de l'imprimerie royale en I757- Je ne puis pas parler avec ttop de recon- ftoiffance des bons offices que j'ai reçus du P. de la Torré , pendant mon féjour à Naples ; il eft honnête, obligeant, communi-catif, fort habile furtout dans ce qui regarde la phyfique expérimentale Se la géométrie j il eft connu par la meilleure hif-toire du Véfuve que nous ayons, imprimée à Naples en 1755 , avec un fupplé-ment en 1761 , Se traduite en François par M. l'Abbé Peiton en 1 761... Lorfque je l'ai vû,il étoit fort occupé d'une nouvelle découverte fur la configuration des parties du fang , qui peut erre de quelque utilité dans la médecine , foit pour Ravoir comment fe fait la dépuration du fang, foit même pour la faciliter. Il doit cette découverte à la perfection des lentilles dont il fe fert pour faire fes obfer-vations microfeopiques , 6c qu'il fabrique lui même. Elles font rondes , extrêmement . petites, ôc grollîlfent prodigieusement les objets, au point qu'une très-pe* tite goutte de fang paroît d'une étendue confidérable. Au moyen de ces lentilles , il a découvert que chaque globule de fang étoit compofée de plufieurs petites bulles ou vefiîes, les unes plattes , les autres arrondies, quelques unes annuitaires, liées cnfemble par une membrane extrême* t*>i Mémoires d'Italie. ment mince que l'on apperçcit à peine ^ il a fait un petit ouvrage à ce fujet, pour fe revendiquer cette découverte qu'on lui difputoit, & pour maintenir la vérité de fes obfervations ; j'en ai fait plufieurs avec lui fur cette matière , qui toutes m'ont alfuré la vérité de fa découverte , ôc de l'expofition qu'il en a donnée au public. Cet homme avec toutes ces connoilfan ces, eft des mœurs les plus (impies, ôc de la plus grande modeftie } il demeure dans une maifon au bas de Capo di monte ; il eft d'une fanté foible, ôc quelques indif» positions furent caufe qu'il ne put faire avec nous le voyage du Véfuve , fur le-* quel il a tant de connoiftances. A l'autre extrémité de la ville, derrière les caferues de la cavalerie , qui font en plaine fut la ftrada nuova, dans le voifi-nage du Sébeto , eft la ménagerie du Roi, bâtiment qui a fait partie de l'ancien Pog-gio Rcale , ou maifon de plaifance des rois de Naples, ôc après eux des vicerois. On ne voit plus aucun vertige de grandeur dans les conftruétions qui reitent. Les lo ges où font renfermés les animaux, font autour d'une grande cour en quarré jong, fermée chacune de deux fortes gtilr les de fer. Il n'y avoit que quelques ours, deux Naples. 19» deux panthères , une lionne, un tigre, une aigle, un loup, un autruche & quelques grands oifeaux deproie ; quelques années avant on y noutrilïoit un éléphant que l'on m'a allùré y être mort d'ennui. On voit fon fquelette revêtu de fa peau , dinsune des falles de l'univerfité ; il mérite attention. Le goût de l'architecture moderne à Naples , n'a rien que l'on puilfe citer comme modèle , ou remarquer ; les palais habités par la noblefle , font de très-grands bâtimens , où il y a de longues fuites d'appartemens , & d'ordinaire une galerie alfez-bien décorée à l'intérieur, & ou fe tient le gros de l'alfemblée dans les maifons où l'on reçoit beaucoup de monde... Ceux que j'ai vus, font j Le palais du duc de Gravina { Orfini ) le plus beau de Naples , après celui du Roi , bâti dnns le goût des grands palais de Rome. Dans la frife au-deffous de la corniche, on lit cette infcription en très-grands caractères , raillées en relief fur la pierre... Fcrdinandus Urjinus , génère Ro-nianus [a), Gravinenfium Dux ac Nerula-norum Cornes , confpicuam hanc domum , (a) Gravina & Lago Negro, petites villes de la terre de Labour. Tome IF. I* 194 Mémoires d'I t a l i h. fibi , fuifqut & amicis omnibus à funda* nuntis ère xi t.. Palais Filomarini occupé par le prince de la Torré, rie cette maifon. Il y a une collection confîdérable de tableaux pré-cieux,parmilefquels on voit les troisMaries avec l'Ange, aiîis fur la pierre du tombeau, excellent tableau d'Annibal Carrache , ôc très-connu par l'eitampe qui en a été gravée. Les figures font de demi -grandeur... La fuite en Egypte, petit tableau charmant de Pierre de Cortone, peint proprement , du coloris le plus gracieux \ les figures ont un pied §L demi de proportion... Saint Pierre & faint Paul , par YEfpa-gnolet, demi-figures , de proportion un peu plus grande que le naturel , defîiné fièrement, d'un pinceau vigoureux, en tout d'une beauté rare.... Un Ecce-Homo du Guide... Un Chrift mort fur les genoux de la Vierge, avec la Madelaine Ôc fiiint Jean par le Dominiquin... Une fainte famille , par le même... Un faint François mourant aiîifté des Anges , par le Lanfranc... Un butte de femme du 77-tien. Deux tableaux du Pou Ain , l'un re-préfentant l'Annonciation, l'autre un repos dans la fuite en Egypte . . . Ces tableaux & beaucoup d'autres, font excellents, du Naples. 195 plus beau choix , ôc très-bien confervés. Le prince auquel ils appartiennent les fait voir avec plaifir aux étrangers. C'eft un homme d'un caractère doux ôc aimable , fort affable, duquel je ne puis trop exalter les attentions polies. Palais du prince Carraffe d'Arragon. La cour eft remplie de reftes précieux d'an-tiquirés. Vis-à-vis la porte d'entrée on voir une rête de cheval de bronze , de taille colollale, qui étoit autrefois placé devant la cathédrale ; il étoit nud & fans frein , Ôc avoit été fait pour être le fym-bole de ia liberté des Napolitains. On ptétend que les deux foudures qui font aux côtés de la bouche, font les endroits que fie percer l'empereur Conrad IV 9 lorfqu'après avoir fubjugué Naples ôc fes habitans , il les fournit à fes loix, ôc les priva de cette liberté prétendue dont ils fe glorifioient. Il fit, dit-on, graver à ce fujet fur un marbre le diftique fui van t : Haclenus cjfrtnis , Domini nuncparet habenis : Rex, domat hune, Aquusparthenopcnjîstequurn% Le cheval étoit alors entier ; le peuple attribuoit à fon ombre la vertu de guérir les chevaux malades j ce quifutcaufe qu'on < i oô"- M É M Oïl R E S D*I T A L I ï, le brifa , 6c qu'on en fit faire une cloche -pour la cathédrale ; r n'en eft relié que la tête Ôc l'encolure , traitées d'une grande manière , dans le goût Grec... Au-deffus eft infixé dans le mur, un tableau antique de vœu , bas-relief en terre cuite. La figure principale eft à genoux devant Apollon qui a autour de lui les trois Grâces & Efculape. Le deifein en eft alfez-bien confervé, cette pièce eft rare. Le long de l'efcaiier, il y a quelques buftes antiques • de belle proportion, Ôc d'un très-bon travail Grec. Entr'autres'; un Mercure, Cicéron , Augufte , une Veftale ; une Urne fépulchrale fur laquelle eft en relief une tête d'Antinous. Dans la cour, vis-à-vis de l'efcaiier j eft une petite ftatue équeftre en bronze de f erdinand II , roi de Naples, par le Dotiatcllo , érigée par un comte de A4antaioné, en mémoire de l'amitié de ce Roi pour lui , qui fou vent étoit venu à cheval ie chercher pour aller à la chalfe, ôcl avoit attendu dans l'endroit même où eft la colonne. Palais du prince Sanfevero ( Sangro) c(t d'une grande étendue & a de beaux appartenons. Je ne les ai vus que'dans ■un* grand défordre ; jl y avoit partout des ouvriers qui travailioient à le reparer à Naples. 197 neuf pour le mariage du fils aîné du prince. J'y ai remarqué quelques plafonds peints de belles couleurs , 6c plufieurs parquets coloriés en ftucs auxquels on tra-vailloit. qui m'ont paru très-beaux 6c très-propres à parer un appartement... La chapelle des Sangro , appellée fanta Mari.% ddla Piétatella , eft la plus belle chapelle domeftique qu'il foit polîible de voir, tant pour fa grandeur, que par le goût dont elle eft décorée jelle eft revêtue d'Un bout aPafi-tre des marbres les plus beaux , 6c enrichie de plufieurs monumens 6c m'aufolées des Sangro , placés dans des enroncemens , pratiqués dans les murs , 6c prefque tous ingénicufement décorés... A côté des pi-laftres qui foutiennent la demi-coupole, fous laquelle eft l'autel, font des ftatues que l'on peut regarder comme des chef-d'œuvres pour la beauté de l'exécnnon 6c ■ la difficulté du travail. L'un repréfente un homme enveloppé d'un filet très fort dans lequel il eft enfermé , Ôc qu'il a rompu pour en tirer la tête 6c un bras. La ftatue eft travaillée dans ce filet avec grand foin , 6c autant de vérité que de noblelïe. C'eft l'ouvrage d'un fculpteur Génois. Elle eft, dit-on , l'emblème d'un prince de cette maifon qui,après bien des dvdneures crue/- 1 iij ) ï 9 ^ MÉMOIRES p'T T A L I E. les qu'il s'étoit attirées par fon tempérament fougueux & vindicatif, ne trouva d'autre moyen, pour fe fouftraireà la vengeance de l'Empereur Ôc au dernier fup-plice , qu'en entrant dans l'état eccléfiaf-tique fous la protection du pape Benoît Xlil -y l'autre eft celle d'une femme en pied , enveloppée d'un voile ou fuaire. Elle eft du fameux Corradini, fculpteur Vénitien. C'eft vraiment une très-belle chofe , quant à l'exécution ôc à l'intelligence j il fiiut la voir pour en juger & imaginer comment avec du marbre , on a pu faire paroître les traits d'une figure cachée fous un voile, de façon adonner une idée de leur régularité. Un fculpteur Napolitain a voulu l'imiter en repréfentant un-Chrift mort enveloppé d'un fuaire ; mais on n'y voit que le travail pénible ôc lourd d'un copifte , tandis que dans l'autre on admire la nature même imitée avec la plus grande vérité. Dans la femme , à peine le voile a t-il quelque épaifteur, les traits paroiftent d travers ; au lieu que le Chrift femble couvert d'un fuaire épais comme le plus gros drap. A côté de la porte d'entrée eft un Génie aîlé de grandeur naturelle, qui tient un cartel fut lequel eft gravée une infeription qu'il regards en pleurant ; c'eft encore un ouvrage du Corradini, exécuré avec la parère & les grâces du plus beau ftyle Grec. On tra-vailloit à la décoration de l'autel qui n*é-toit point fini, de même qu'à celle d'une grande mbune qui eft au fond Se qui communique aux appartemens du palais. L'enfemble de cette chapelle eft noble tk beau, tk mérite d'être vu. Le prince San Severo eft un homme plein de talens j il a le fecrer de la pein-rure encauftique , qu'il prétend avoir trouvé aumoins auilï-tôt qu'il a paru en France. Il m'a alfùré qu'il ne devoir rien aux artiftes François , que cette découverte étoit le frnir de fes recherches , donr il avoit expliqué tous les procédés à M. le comte de Caylus ; on voit chez lui tk au palais du roi à Naples plufieurs tableaux exécutés fous fa direction , qui font d'une fraîcheur de coloris qui n'appartient qu'à ce genre de peinture.... Il fçait dépouiller la cire de toutes fes parties graffes , au point de la réduire à une pâte qui tient enfemble par la feule configuration de fes f>arties, qui fe mêle avec toutes les cuu-eurs, fans y caufer la moindre altération, Se leur donne la même folidité que l'huile; c'eft par ce moyen que je crois qu'il pré» loo Mémoires d'Italie. tend fixer le paftel. Il m'a montré de fes épreuves en ce genre, où le paftel con-ferve effectivement tout fon flou , ôc pa-xoît très-folide... Il tire de plufieurs Plantes cuites à un certain degré, du miel *& de la cire. J'ai goûté de ce miel qui eft doux ex bon j quant à la cire , il prétend la porter au même point de fintffe ôc de loli-dité que la cire du levant j j'en ai vu quelques petits pains de la plus grande beauté... 11 donne au marbre blanc de Carrare les couleurs les plus vives 6c les plus belles qui pénétrent à une très grande épaiflëur -y de forte que l'on pourra feier une table qu'il aura préparée, la polir enfuite, & elle confervera les couleurs qu'il lui aura données , 6c qui font d'un éclat fingulier. 11 y a des tables chez le Roi de cette façon , ôc il m'a fait voir une fuite confidé-rable d'échantillons de marbres les plus charmans, que lui feul ferait préparer. Les couleurs y font d'une beauté 6c d'une fi-nelfe furprenanr.es. Il n'y a aucune difficulté à préparer l'albâtre decettemanière; il faut feulement avoir attention que les teintes ne fe confondent.... Il a une compofition qui imite le lapis lazuli fi parfaitement que les connoiffeurs mêmes s'y trompent j elle a le brillant, la dureté , NA P L £ S. ICI la finetfe cîe grain , ôc les mêmes beautés que cette pierre précieufe , ôc il allure qu'on peut l'employer aux mêmes triages... " J'ai vu clu jafpe fanguin de fa façon , imité à foutenir la confrontation avec la nature même. . . 11 a le fecret d'une efpéce de ftuc qui tient de l'éclat argenté de la nacre de perle. Il en a fait faire la frife de fa chapelle , dont le travail eft très folide... 11 a trouvé le moyen de hier cette efpéce de foie que l'on recueille dans dus coques fur la plante npp;liée.....ôc qui croît auiîî-bien clans les pays froids que dans les régions méridionales j ju'fqu'â préfent on n'a pas cru pouvoir l'employer à autre chofe qu'à faire des oiiates. J en ai vu iilée en pelottons , d'un beau blanc ÔC alfez folide -, il m'a montré des pièces de moires qu'il en a fait fabriquer , ôc fur lefquelles il prétend que les couleurs fe montrent avec plus d'éclat que fur la foie ordinaire... Il fçait préparer le lin de f.uon à lui donner la blancheur & l'éclat cL- la ioie, ôç la douceur au tact... Il eft certain que ii toutes ces épreuves ont des , fuccès conftans , elles peuvent enrichir les arts de goût d'une multitude de nouvelles découvertes , dont quelques-unes mêmes peuvent devenir d'une retfburce I v loi Mémoires d'Italii. utile ; telles que celles de tirer du mie! Se de la cire des plantes , Se de filer la foie delà plante. Ce prince eft un homme de moeurs douces , honnête Se affable, plein de ra-lens, dont il fait fon plaifir , Se fa plus grande occupation j il reçoit les étrangers qui vont le voir avec la plus grande po-liteffe, Se aime beaucoup à s'entretenir avec eux de ce qui a rapport aux beaux arts. Il a écrit en François un traité furies lampes antiques inextinguibles, imprimé à* Naples //7-8°. en 1756. Ii y a plufieurs autres palais à Naples où on peut voir des tableaux précieux j entre autres chez le prince Francavilla , le duc Ruffo, le prince de la Rocca ; il y a même des marchands de tableaux chez lefquels, parmi quantité de pièces médiocres ou communes, on rencontre de très-bons morceaux , qu'ils ne connoiffenr pas & qui fouvent font comme au rebut... Ce que j ai trouvé de fort beau à Naples > c'eft la diftribution des grands apparte-mens à recevoir qui eft noble & très-bien entendue 5, il y a de ces maifons ou palais furtout à fanta Lucia Se à Chiaya, qui font admirablement fitués , en belle vue Se en bon air. Plufieurs de ces maifons font dé* "Naples , mœurs et usages. 103 rorées à l'intérieur de plafonds peints qui paroilfent beaux } mais comme on ne voit la plupart de ces maifons que le foir , à l'heure des convertirions , il eft difficile de juger de la beauté des détails ; on ne peurconnoître que la diftribution générale qui ,étant bien éclairée, a toujours l'air de la magnificence. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES Sur les mœurs 6' les ufages à Naples. L A grande quantiré de nobleflê qui habite la ville de Naples contribue beaucoup à la population Se à fon éclat. Cette no-bleffe que l'on repréfente dans quelques autres cours de l'Italie , comme groilière Se dure dansle commerce , vue de près, n'a tien de ces défauts. Je crois bien qu'autrefois les mœurs étoient moins douces y qu'il y avoit moins de politeffe Se d'union qu'à préfent. Le dernier fiécle furtout Se le commencement de celui ci , ont été pour ce pays, une fuite de révolutions continuelles, deconfpirations Se de guéries 3. qui divifent les citoyens en différera* 1 vj 204 mémoires d'ItAIIH; partis, les rendent ennemis les uns de? autres, tk les entretiennent dans une forte de barbarie qu'il n'eil pas aufli facile d'anéantir qu'on le penfe, furtout quand les fentiinens qu'elle inipire font confervés par des perfonnes d'un rang tk d'une puif-fance à les maintenir \ or les changemens qui fe font faits dans ce royaume , ont toujours été ménagés par la noblelfe tk {>ar les plus puiifans d'entr'elle , comme es plus capables de fe former des créatures, d'entretenir de grandes intelligences, & de foutenir le paiti à la tete duquel on les mettoit. On les y inrérelfoit autant qu'il étoit poffible , afin qu'il leur fut plus difficile de changer , tk il fembloit que ce fut l'état naturel de ce pays. Le royaume de Naples, depuis la conquête qu'en ht Ferdinand le catholique , n'avoit jamais eu de fouverains refidans ; mais il avoit toujours été livré à des vicerois, dont la noblelfe fupportoit avec impatience l'autorité abfolue, ôc dont les exactions acca-bloient le peuple. Le plus riche pays de l'Europe ne connoiifoitfon abondance que pour en voir palfer le produic entre les mains d'un ùu\ homme qui en difpofcit à fon gré, tk qui croyoitalieimirfcn autorité , en réduifant la nation d l'état le Naples , mœurs et usages. 105 plus miférable. Au(lî ce peuple étoit toujours prêt à fe révolter , parce qu'il n'a-voit aucun intérêt à vivre dans la paix ô£ la tranquillité la fureur des factions étoit pour lui un temps de récolte , pendant lequel il fe vangeoit fur ceux qu'il regardoit comme les auteurs de fes maux, en pillant leurs maifons, lesmaflacrant même , ou les obligeant à fe foultraire à.la mort par une prompte fuite. Ces ravages ne l'enrichilToient pas , mais ils le fatisfai-foient , 6c il étoit toujours prêtàfe livrer aux follieirations des peifonnages accrédités , qui luifaifoient entrevoir un fort plus heureux dans un changement de fouverain. Souvent il avoit été trompé par ce leurre ; mais le dernier qui l'excitoit au foulevement étoit toujours celui qui mé-ritoit le plus fa confiance. La noblelfe , avec des vues plus grandes , penfoit à ce fujet comme le peuple; ceux qui étoient dans roppreiîion ou dans l'oubli, fe lailfoicnt gagner par l'cfpéran-ce des grandes charges 6V des places utiles qu'on leur propofoit , 6c qui très fou-vent leur manquotent, aufli ils n'avoient pas plutôt contribué à l'exécution d'un projet, que mccontens de n'avoir pas été récompenics comme ils f elptroient t Us io6 Mémoires d'Italie. changeoienr de parti Se tramoient une nouvelle révolution. Cette facilité de changer la face de l'état quand il leur plaifoit, Se toujours par des moyens videns , avoit Ci bien rétabli dans toute la nation , Se dans les fujets les plus puilfans , un efprit de dureté , de fédition , d'intérêt propre, de domination même , qu'il a fallu toute la fageiïe du gouvernement, l'attention Se la vigilance de Charles 111, Se plus que tout encore, fa préfence, pour commencer à affouplir la nation & à en changer les moeurs. En quoi on peut dire cju'il étoit admirablement fécondé par la Reine fon époufe , Marie Amélie de Saxe, ptincelfe d'un génie ferme Se vraiment digne du trône, très-capable de donner un excellent confeil Se de le faire exécuter. Le peuple de Naples connoidôit la régularité de les mœurs , fa piété folide, la hauteur avec laquelle elle foutenoit les droits de ia couronne ; ii trembloit devant elle ~y mais il l'aimoit Se la refpe&oit, parce-qu'elle s'intérefïbit à fa mifere, la ioula-geoit à propos , Se protégeoit l'innocent avec autant de fermeté qu'elle puniifoit le coupable. idée de ra 2«;.JLe jeune monarque qui occupe au-m les petits marchanda dérailleurs des denrées decon-fommation journalière, les portefaix; cette quantité de gens inutiles qui fe vouent au fervice du public , pour n'avoir à dépendre que de leur caprice , tous ces gens n'ont pas même l'extérieur de la dévotion de leur état ; ils entrent tumultueusement à l'églife , cherchent un banc où ils puiffent s'affeoir, ou fe tiennent alfem-blés en rond , de s'occupent d'ordinaire à parler de chofes tout-a-fiit étrangères au facrifice. En entrant ils faluent l'autel principal, ou celui fur lequel eft expolee l'image du faint dont on célèbre la fête. Ils lut témoignent leur arfecfion en lui envoyant quelques baifers ; ils en font de même au prêtre lorfqu'il paffe pour aller a l'autel; gefte indécent partout ailleurs , mais ici marque de dévotion, à en juger par l'em-pieifemenr avec lequel on s'en acquitte. Pendant le refte du remps , ils ne s'inquiètent plus de ce qui fe pafle , jufqu'à l'inf-tant de l'élévation où ils mettent qn genou en tetre, en-fe frappant la poitrine avec grand bruit. Plufieurs ne fe donnent pas la peine de fléchir le genou ; ils fe contentent d'une ftmple inclination de tête pour ne pas quitter la place où ils Naples , mœurs et usages. x$y font aflîs. Il m'a paru que c'étoit l'habitude générale des grands & des petits. J'y ai vu des perfonnes du premier rang occupées , à ce que je crois , à lire des livres de prières , mais refter couftamment aflifes, de forte que c'eft une nouveauté pour le peuple de Naples , de voir un étranger aiÏÏfter à la mefte à genoux, avec la modeftie Ôc le recueillement qu'exige ce devoir de religion. J'ai vu de ces greffiers portefaix fe montrer les uns aux autres un homme qui étoit à genoux dans un coin, occupé à faire fes prières pendant la meffe. Ce n'eft pas qu'ils n'ayent leurs pratiques de dévotion auxquelles ils font fort attachés. Ils ont des Madonnes ôc des faints de prédilection , auxquels ils s'adreffent dans leurs befoins avec l'emprelTement le plus brutal. J'ai parlé ailleurs de la fureur avec laquelle j'ai vu une vieille faire des reproches à une Madonne qui eft dans l'églife de faint Thomas d'Aquin , parce qu'elle lui avoit manqué dans une occasion elfèn-tielle. Pour que les chofes aillent bien a Naples au gré du peuple , il faut que la liquéfaction du fang de faint Jaavier , patron de la ville ôc du royaume 9 fe fafle deux 13S Mémoires d'It alie. fois par an , aux mois de mai & de fep-tembre. On fçait à-peu près le temps cc fheure à laquelle fe doit Opérer le miracle. Un peuple innombrable fe trouve alors ou à là chapelle, ou au liège auquel la procellion folemnelle fait fa ftation , qui demande à faint Janvier avec des cris confus , des foupirs Se des battemens de poitrine , de faire le miracle. Quand il ne le fait pas alfez promptement, mille voix s'élèvent Se crient avec l'air de l'impatience Se de la colère yfan Genaro fa dunqut preflo ; ce qui veut dire, faint Janvier , dépêchez-vous donc. Si par malheur le miracle ne fe fait pas , Se qu'il fe trouve quelque étranger dont la hgure déplaife au peuple, il imagine aufli-tôt que c'eft un hérétique , dont la préfence arrête la liquéfaction du fang , Se il court grand rif-quepourfa vie, Un domeftique principal d'un ambalfadeur étoit à genoux , au mi-lieu de la rue, avec le peuple, attendant que le miracle fe fit, il ne crioit pas comme les autres , fan Genaro fa prefîo j il avoit plutôt l'air de la curiofité que de l'impatience. On le remarque, on croit oue c'eft un hérétique ; on fe le montre, Se fur le champ il eft percé de mille coups defti-let. Cependant il avoir dans fa poche uti Naples, mœurs et usages. 239 livre de prières à l'ufage de Rome , ôc un chapelet, ce qui prouva à fes aiTalîins qu'il étoit bon catholique {a) ; tout le peuple témoigna quelques regrets de fa mé-pnfe 5 mais il n'en fut pas davantage , comment venger un crime commis par une populace effrénée 6c nombreufe comme le fable de la mer ? J'ai oui dire à un prêtre de la congrégation de la million de France , homme digne de foi , qu'étant à une de ces folemnités, placé de façon à être vit du peuple , comme le miracle tardoit à fe faire , fon habillement ôc fon collet firent croire que c'étoit un prêtre de l'Oratoire François , ôc par conféquent un janfénilfe. Sur le champ le peuple fe mit en rumeur ; on s'en apperçur, Ôc on n'eut rien de plus preffc que de le faire fortir (a) Le célèbre Leibnitz parlant par mer de Vé-nifeà Anconc par un très-gros temps , & entendant les matelots qui le prenoient pour un hérétique difeuter entr'eux s'ils le jetteroient à la mer ou non, pour appaifer l'ire de Dieu, & faire cefler la tempête , ne s'effraya point j mais il tira doucement un chapelet de fa poche qu'il fît fembiant de reciter dévotement ; cet expédient: fit ce/fer tout foupçon fur fou compte 5 fi le pauvre François en eut fait autant , 011 n'eût pa$ imaginé qu'il arretoit le miracle leurs ouvrages font répandus -on voit fur-tout dans les églifes des buf-tes , des vafes , des chandeliers , des calices 6c d'autres uftenfiies pour le fervice des autels, du meilleur goût, où il y a fa génie , des chofes nouvelles 6c recherchées. Naples , mœurs et usages. 247 La Reine, peu de temps après fon m,1.-tiàge , y avoir établi une fabrique de porcelaine , qui approchoit beaucoup de la fîneife tk de la folidité de celle de Saxe y il en eft foiti des pièces exécutées dans les formes les plus gracieufes tk plufieurs morceaux très-grands. J'ai vû entr'autres un Parnalfe d'un volume confidérable , èv d'une belle exécution. L'émail en étoit beau , les couleurs fines , mais moins vives que celles de Saxe. On verra à Portici un grand cabinet de toilette dans l'appartement de la Reine , qui en eft entièrement revêtu. Cette manufacture ne s'eft point foutenue , au moins elle eft interrompue. 37. Le commerce dans cet état devtoir commerce être de la plus grande étendue , la merle & ioduftrie. baigne de tous les côtés, la moitié de fes habitans font matelots ou pêcheurs j le refte devroit être de négocians tk de cultivateurs. Cependant il n'y a point de marine j on y conftruit peu de bâtimens , tk le commerce s'y fait prefque tout fur des vailfeaux étrangers. Le tumulte des armes , la fureur des factions , le gouvernement qui a été fi long-temps fans avoir une forme fixe tk ftable , l'éloignemenr du fouverain dont les regards nepouvoienc Liv »4$ Mémoires d'Italie, ni encourager le commerce ni le protéger; peut-être la très-grande fertilité du pays, Ôc la grofîiéreté du plus grand nombre de fes habitans, qui, contens du néceffaîre , n'ont pas imaginé les avantages qu'ils pouvoient tirer d'une fortune plus considérable, dont ils feroient les anifans par leur induftrie y rout cela réuni , eft fans doute caufe de l'état de langueur où eft le commerce extérieur par rapport aux naturels du pays. Car ils ont fous les yeux de très-gros uégocians, tant étrangers que Napolitains , dont ils ont vû commencer la fortune -y mais ces exemples ne les touchent point. Le commerce des grains ne peut jamais faire un objet considérable dans le commerce d'exportation de ce royaume ; il eft trop peuplé ôc refferré dans des bornes trop étroites. Son premier foin doit être de nourrir fes habitans. Néanmoins ii la culture étoit plus foi-gnée, non feulement, il n'auroit pas be-foin de rien tirer de l'étranger , mais en trois ans il pourrait en avoir des maga-(ïns alfez considérables pour fe mettre au-deffus des craintes d'une difctte pareille à celle qu'il vient de fournir. C'eft une affaire de haute police Ôc qui demande une attention particulière du miniftère qui force chaque ville Se même chaque communauté à former des magafins de réfer-ve y il ne faut pour cela que ttois années où la récolte fe falTe à l'ordinaire , pour mettre tout le royaume à l'aife ; cette précaution une fois prife, il fera aifé d'établir le commerce d'exportation même de cette denrée , Se d'augmenter les richeffes de l'état. Que l'on n'oublie pas que dans les temps de difette , les Romains avant que d'avoir une marine, tiroient leurs grains de la Campanie, Se que Virgile en parlant de la fertilité de ces campagnes heu-reufes , reçardoit la culture des grains comme la fource de leurs richeffes. Dires arat Capua. Ce qui elf. très-abondant dans ce royaume ô\: de bonne qualité , ce font les vins; les coteaux de Cecube Se c\i Salerne font encore chargés de vignes qui en produi-fent d'excellens. Le lacryma Chrijîi [à] qui croit dans les cendres du Véfuve, oc dont (a) Un bon Allemand qui buvoit de ce vin avec fatisfaction , s'écriait avec une fenfykltté dé-vo'c 5 . . cur nçn lachrimafii in pàrtibus noftris Domine... L v 25° Mémoires d'Italie. on fait tant de cas dans le refte de l'Europe , eft plus abondant que l'on nepenfe. Tous les vins des côtes de la terre de Labour, de la principauté citérieure , des deux Calabres , font excellens, & peuvent être regardés comme les meilleurs d'Italie , ceux qui fe confervent le plus long-temps. Les vins communs même de ces pays ont de la qualité. On trouve partout des vignes dans le refte du royaume; &laplusgrandepartie decellesquifervent à la confommation du peuple , font élevées fur de hauts peupliers, fous lefquels les grains de toute efpéce croiffent en abondance. J'ai vû dans les ports de ce royaume , plufieurs bâtimens chargés de ces vins que l'on tranfporte ailleurs. Ces vins font très-chauds , tk tiennent de la qualité fulphureufe du terrein dans lequel ils font nourris ; aufli la confommation qui s'en fait dans le pays ne peut pas être confidérable ; il n'eft pas poffîble d'en boire beaucoup. Les vins des environs du Véfuve, croiffent fur la lave dans les cendres àk le foufre mêlés de pierres tk de quartiers de fcories , qui y con-fervenr quelque humidité en arrêtant les rayons du foleil ; ces vignes font moins élevées, tk ne font pas mêlées d'arbres . Naples , mœurs et usages. 251 & d'autres productions ; quoique le printemps y foit précoce , que l'été y foit brûlant , la vendange ne s'y fait qu'à la fin d'octobre 6v au commencement de novembre (a) j ces vins,quand ils font nouveaux , font rouges & épais ; ils deviennent plus légers en vieillilfanr , fans rieii perdre de leur force 5c de leur agrément. Ainfi le peuple de Naples conno'tt peu la bonté de fes vins ; il eft dans l'uiage de les boire l'année même qu'il les a recueillis. Je parlerai ailleurs de la manière dont les anciens les confervoient fi long-temps^ & avec quelles préparations ils les bu-voient. Le commerce des chevaux rapporterait beaucoup d'argent au royaume de Naples , fi les haras y étoien: plus multipliés , 6v qu'il fut libre d'en faire fortir du royaume autant que les étrangers voudraient en tirer ; il y en a de toute raille & de tout poil \ ôc on peut dire qu'en gênerai ils font fiers , pleins de feu , fou-pies , légers à la main , obéiffans , por- (a) Hic poft novembres , imminente juin hriLirui Suasputator horridus refert uvas, Martial. Lvj ifi Mémoires d'Italie. tant bien leur tête , tk fort décharges : bons à toutes fortes d'ufage ; au fortir de la charrue , on leur met la felle furie dos, & ils font aufti légers, ont la jambe aufli fûre que s'ils n'avoient jamais tiré. II faut les voir attelles aux équipages de la noblelfe de Naples , pour juger de la beauté de ceux de la grande taille. Enfin c'eft la plus belle efpéce de chevaux de l'Europe, qui tient beaucoup de celle de Barbarie pour la durée. Ils meurent plutôt qu'ils ne vieilliffent. Mais le commerce n'en eft point libre ; dans ces derniers temps, il y avoit défenfe, fous peine de la tête , d'en vendre ni d'en faire fortir du royau-me. Les bons haras fonr dans l'intérieur du Royaume , dans les montagnes de la Bafilicate , de la principauté ultérieure , des deux Abruzzes, & de la terre de Labour. Ces chevaux ne mangent que de la paille hachée tk de l'orge ou quelques autres grains mêlés ; ils ne mangent jamais de foin fec. On les met au verd tous les ans au printemps ; cette nourriture les affoiblit beaucoup pendant quelque-tems • mais les renouvelle tk les rajeunit en quelque forte. Tous les chevaux des poftes font marqués , tk appartiennent d'ordinaire à quelque .feigneur voifin qui ies Fournir de fon haras , Se qui en tire le produit. Le gros bétail eft encore une branche de commerce confidérable, furtout dans toute la partie du royaume qui s'étend de Naples au détroit & à la mer Adriatique. Les bœufs y font de la plus grande taille 5 il y a de bons pâturages Se ils y multiplient aifément. La chair en eft excellente à manger^les cuirs n'en font pas aufli forts que ceux des bœufs du nord. Les bêtes à laine feroient une richefïe dans ces contrées, où elles ne coûtent prefque aucun foin , fi on les multiplioit davantage ; mais il y a fi peu d'induftrie & d'émulation que l'habitant ne penfe même pas à tirer parti des richeffes qu'il a en main, ôc qu'il ne tient qu'à lui de faire fructifier. Par-tout en y cultive des mûriers M & on y élève des vers à foie ; la capitale & les provinces en confomment beaucoup ; ce qui entretient ce commerce dans un étant plus floriffant cjue les autres. Mais on n'y fçait pas encore donner à la foie une première façon aufli parfaite qu'en Lombardie ; ce qui fait qu'elle ne paffe pas pour être aufli fine Se d'aufîi bonne qualité que celles du Milanois 6e du Pié- 254 Mémoires d'Italie. mont ; mais je crois que c'efl faute de préparation y car quoiqu'il ne forte de la plu-part des fabriques établies à Naples que des étoffes d'une qualité médiocre , cependant au tact. 6c à l'œil les foies paroif-fent de même qualité que celles du levant ; mais dans beaucoup de cbofes à Naples on aime mieux travailler la loie crue que de fe donner la peine de la préparer ; ce qui fait perdre à l'ouvrier Se fur le prix de la foie ôc fur les façons qu'il y donnerait 6c qui lui feroient payées. Telles font à - peu - près les denrées qui peuvent faire le fonds d'un commerce considérable dans la partie du royaume de Naples que j'ai vue, ôc qui fuffiroient à l'enrichir , fi elles étoient multipliées autant qu'elles peuvent l'être, Se portées à leur vraie valeur ; ce qu'elles ne peuvent acquérir que par une exportation bien établie ; car c'eft plutôt l'étranger que le naturel du pays qui met le prix aux chofes qui font reparties à peu-près également entre les polfeifeurs. Dans une ville aufli peuplée & où les étrangers abondent de toutes parts, il y a une quantité de fabriques Ôc de manufactures de toutes efpéces , dont les marcha n-difes fe confomment dans le pays même. Naples , mœurs et usages. 25 f AufTÏ il y a beaucoup de magafins de toutes fortes d'étoffes, dans lefquels les détailleurs vont fe fournir ; les provinces tirent de ces mêmes fources } au moyen desquelles il fe fait un très-grand commerce intérieur. Les propriétaires de ces ma-gafins font très-riches 6c tiennent un rang diftingué dans la bourgeoifie ; quelques-uns font le commerce de mer , 6c ont des correfpondances étendues en Europe , en Afie 6c en Afrique. D'autres , quoique dans un état honnête, ne font que fréteurs, c'eff-i-dire qu'ils reçoivent 6c font pa(ler les marchandifes qui leur font adrelfées j les droits de remife leur fonr avantageux, 6c les mettent en état de profiter des occa-fions de négocier pour leur compte. Il y a un petit commerce de détail particulier à la ville de Naples & qui lui efr. très-avantageux ; il fe fait furtout avec les étrangers, 6c confifte en marbres de toute efpéce , dont quelques-uns, tirés de Sicile, font précieux ; on y trouve des jafpes , des agathes , de beaux albâtres , dont on fait des vafes , des boëtes , de petites tables ; la curiofité même a m'is la lave du Véfuve au rang des pierres , finon précieufes , du moins Singulières \ on en fait des boctes de toutes façons, Se la mon- tare que l'on y ajoute, décide de leur prix. Elles font d'un mauvais ufage pour le tabac qui y féche très-vite, & y contracte un goût de foufre 6c de rouille que la lave échauffée lui donne nécelïairement. On y trouve des pierres gravées, des camées modernes de toute taille , gravées fur les morceaux choifis des jafpes 6c des agathes de Sicile. Il fe fait une exportation prodigieufe de macarons, 6V: d'autres pâtes préparées ; celles de Naples ayant la réputation d'être les meilleures de l'Italie. Les bas de foie , les gands 6c les mouchoirs s'y vendent à grand marché , parce que le fabriquant ou le détailleur ne payent aucun droit , tant qu'ils ne fortent pas leur marchandife de la ville ; c'eft l'affaire des étrangers qui s'en chargent de payer les douanes qui font févéres 6c fort chères , pour qui ne connoît pas le tarif; il en eft de mêmedes autres marchandifes. Le commerce intérieur de Naples feroit la chofe la plus agréable 6c la plus facile , s'il ne falloit pas en tirer ce que l'on v a acheté. On y fait beaucoup d'elfences 6c de pommades;fes favons font connus dans toute l'Europe, ôc il s'en fait une confom-mation prodigieufe ; on y trouve encore quelquefois de bons tableaux à acheter , Naples , mœurs et usages. 257 Ôc beaucoup de vues du Véfuve Ôc des environs de Naples , par des peintres bien médiocres , &c à bon marché. Mais ce que j'y ai vû à très ban prix , ce font les dentées de confommation ordinaire, de toute efpéce ôc d'excellente qualité. La volaille ôc le gibier y abondent, la mer qui eft ncs-rx)iilonnenfe fournit du poif-fon ôc des coquillages. La douceur du climat ôc la fertilité du terroir font que les légumes ôc l'hortolage y font communs en tout temps ; la végétation n'y eft jamais interrompue , chaque faifon a fes plantes , fes fleurs ôc fes fruits ; on y a communément des poids-verds , des artichaux ôc des afperges dès la fin de février ; ce qui fait qu'il n'y a poinr de ville en Europe où les tables puiffent être fervies plus abondamment ôc à moins de frais. Aufti le peuple y vit aifément, ôc l'étranger y eft a meilleur marché qu'en aucune autre ville d'Italie. C'eft le long de la rue de Tolède que fe fait, à toutes les heures du jour ÔC de la nuit , le détail le plus confidérable de tous les comeftibles ; pain , viande , volaille, gibier , jardinage , poihon. On y trouve tout ce dont on a befoin , foit qu'on veuille l'apprêter chez foi, foit qu'on aime mieux l'acheter cuit ôc préparé. 2j8 Mémoires d'Italie. Il y a une multitude de cuiimes en plein air, dont l'odeur Se la propreté n'excitent pas l'appétit ; mais la populace qui ne fe pique pas de délicateife , fe croit trcs-heu-reufe de trouver, dans Imitant qu'elle a quelques fols, dequoi fitisfaire ion appétit ; les fruits de toutes les faifons n'y font pas moins abondans que les autres denrées. Les environs de Naples en four-niffent lapins grande quantité. Les oranges de route efpéce Se les citrons y lont au plus bas prix \ ce qui augmente beaucoup cette confommation , ce font les équipages des vaiffeaux qui arrivent au port de Naples,& qui, après avoir été quelque temps en mer , n'ont rien de plus prelïe que de fe fournir de ces denrées fraîches. Les carroffes Se voitures de toute efpéce lont aullî multipliés à Naples que les gondoles à Vénife. Ils y font au nu me prix que, dans toute 1 Italie ; c'eft-a-dire que l'on paye environ huit livres, argent de France , le carrolTe Se les chevaux qui d'ordinaire font bons ; mais les carroife$ de louage font rudes, incommodes , Se le pavé à Naples n'eft pas alfez bien entretenu pour que l'on ne s'en appercoive pas. Les cochers conduifent finement, Naples, mœurs et usages. 159 quoique les embarras foient continuels à toutes les heu-es z on m'a afluré que plus d'un tiers des trou-pes Napolitaines étoient de déferteurs François ; tk j'ai obfervé prefque partout que les foldats parlaient François même entr'eux ; ce qui peut prouver la vérité de ce que l'on m'avoit dit à ce fujet. Telles font lesobfervations que j'ai faites fur l'état actuel de cette grande tk belle ville , l'une des principales de l'Europe par fa population tk fon étendue , tk la première par la beauté de fa fituation tk la. richeife de fon climar. Il y en a peu où on trouve autant d'étrangers de toutes les parties de l'Europe , que la beauté du pays tk la douceur de fa température y attirent, tk qui prefque tons y font d'af-fez longs féjours ; ce que les voyageurs Naples , Mœurs et usages. zç* doivent regarder comme un agrément réel. Us fçavent tous qu'il eft: convenable 6c même néceiîaire de fe monter au ton du pays où l'on fe trouve ; cependant le caractère national perce toujours , 6e fe fait, remarquer même dans les chofes les plus indifférentes. La politefte d'un An-glois ne reffemble point à celle d'un Portugais ; on remarque la différence qu'il y a entre un Saxon 6c un Polonois ; j'ai été étonné de la douceur des mœurs 6c du ton honnêtes des Ruffes qui voyagent. Les Allemands font affez partout les mêmes. Les Italiens des différens états ne fe reffemblent point ; ils ont prefque tous un caractère diftinctif qui les fait recon-noître. Les environs de Naples offrent à mon gré un fpectacle plus curieux encore. La nature en Italie eft partout élégante ; ici elle tonne , elle entraîne, Ribomba. Nous n'avons point de terme dans notre langue qui exprime aufli bien le fujet dont je parle. Mémoires d'Italie, ENVIRONS DE NAPLES, côte de Powz\ols & de Baies. I^A beauté des environs de Naples n'a rien à envier à celle de la fituation de la capitale. La nature dont le fpectacle eft partout intéreffànt par fes variétés , furprend ici. Les merveilles fem-blent accumulées les unes fur les autres ; ailleurs elle parle , ici elle eft d une éloquence qui tonne fouvent ôc qui foudroie, mais elle n'en eft pas moins fublime & majeftueufe dans fes phénomènes variés ; il femble même qu'elle ait donné à quelques ouvrages de l'art, unehardieffedans l'entreprife &. un fuccès dans l'exécution qu-i étonne. J'entreprends de donner une idée de mille chofes qui m'ont vivement affecté ; je les ai confédérées avec la plus grande attention j j'aurois bien voulu avoir le temps de les étudier j mais au moins ce que je dirai fervira peut-être à exciter les voyageurs curieux à tenter de nouvelles découvertes qui peuvenr enrichir ÔC rendre plus intéreffante l'hiftoire de ce beau pays. 4.La Environs de Naples. a£j i . La montagne de Paufîlippe, fituce au Montagne couchant de Naples, eft entièrement cou- |£u|j[.ottc de verte de belles maifons Se de jardins tou- comparaïroa iours verds ; c'eft un des endroits les pins fefyiièmegtm t., ,. . . ,,. . C la formation délicieux qu il ioit poliible d imaginer , des moau-8c d'autant plus cher aux Napolitains ,gncs* que fa pofition le met à l'abri des vents brûlants du midi Se du couchant, Se leur offre fur-tout èn été des promenades ôc des habitations, où ils jouiffent d'une ombre Se d'un frais qu'ils ne peuvent trouver que dans cet endroit ; c'eft ce qui les a déterminés à ne pas laiffer la moindre partie du terrein de cette montagne qui ne fut employée à cet ufage ; c'eft encore ce qui a fait dire à un Pocte Napolitain que c'étoit un morceau du ciel tombé en terre .... Egli ê un pe^to di ciel caduta in terra. Le chemin ou grotte de Paufîlippe qui perce la montagne de ce nom à la baie , dans toute fon épaiffeur , qui eft de neuf cent foixante pas communs mefurés exprès en 17<îi.par un homme de cinq pieds lîx pouces , jeune Se marchant bien, eft une entreprise aufli belle Se aulfi hardie que l'on puiffe en imaginer. Elle prouve combien ce beau pays a été peuplé autrefois , Se combien fes habitans cherchoient leur commodité , Se à fe garantir de l'arr Tome IV. *M lÇ4 MÉMOIRES d'ÏTALI!!. deur du fûlei[ ; pour s'épargner la peine de palier fur la montagne ou de faire un long circuit , ils ont taillé un chemin do • près d'un mille de longueur à travers une montagne dont le centre eft prefque entièrement occupé par un rocher folide. On. ne fçait à quelle date placer cette entre-prife ; fi l'exiftence des géants ne palfoit pas pour fabuleufe , on l'attribuerait à ceux que l'on dit avoir habiré ce pays. Le fentiment le plus commun la donne à un Marcus Cocccius que l'on ne qualifie point, &z que ce nom fait croire avoir été un Romain autorifé dans ce pays. Dom Jean d'Arragon , comte de Ripacorfa, viceroi de Naples, fous Ferdinand le catholique, fit élargir ce pafiage qui probablement n'étoit pas plus large que celui que l'on appelle l'antre de la Sibille de Cumes, Pierre de Tolède qui fut viceroi de Naples pour l'empereur Charles V , le fit paver ce mettre dans l'état où il eft aujourd'hui. Cette grotte a partout dix-huit à vingt pieds de largeur , ce qui fhffic à Îiaffer deux voitures , les gens de pied, Se es bètes de fomme fans aucun embarras. La hauteur n'eft pas égale partout ; l'en-! crée du coté de Naples eft fort élevée , Se n'a guéres moins de foixante pieds j • celle du coté de Pouzzols i'eft un peu Environs de Naples. lûj moins -, partout il ma paru qu'elle avoit aux environs de quarante pieds. " Au milieu de la grotte on a conftruit une petite cliapelle à l'honneur de la Vierge , Se au-denus on a percé la montagne dans toute Ton épailTeur, pour tirer de la lumière par le haut ; ainh quand le temps eft ferein, on voit à Te conduire dans toute la longueur de la grorte. Ce qui contribue à la rendre aufli obfcure qu'elle leparoîc quelquefois , c'eft la quantité de pouf-hère qui s'y amafTe , que iepaflage continuel des voitures Se des gens de pied , Se l'air extérieur mettent en mouvement, furtout quand il règne quelque vent orageux du midi ; alors cette pouftière eft ex-1 trêmament incommode ; on l'enlevé quelquefois , il feroit à fouhaiter qu'il y eût des ordres pour néroyer ce chemin , trois ou quatre fois chaque année. Par ce moyen il feroit toujours propre. Les jardiniers du Pauhlippe , les habitans des campagnes voifines tireroient de l'utilité de ces pou filtres , en les répandant dans leurs jardins Se leurs terres qu'elles fertibfe-roient certainement. On voit que l'on a eu foin de faire tailler le rocher en petits quarrés , pour que les chevaux Se les autres bêtes de fournie marchaient plus fùre- Mij t6$- Mémoires d'Italie. ment. Aux deux côtés des ouvertures on voit de nés - grandes voûtes qui condui-fent aux carrières, d'où l'on tire les pierres à bâtir. Elles font très-folides y les pierres n'y font point pofées horizontalement Se par bancs comme dans la plupart des autres carrières, toute la montagne ne paroît être qu'un feul mafîif, d'une pierre grife , fans mélange d'aucune autre matière que celle des ferres ou vafes qui ontfervi originairement à former le rocher , dans lequel fur - tout on n'apperçoit aucune partie de matière inflammable ; ce qui eft caufe que dans les grands tremblemens de terre , qui ont culbuté ii fouvent ce pays , il ne paroît pas que le Paufîlippe ait jamais fouffert aucune altération. Cette malfe eft fi con-iîdérable qu'aucun mouvement n'a jamais pu la déranger de fon point d'appui. En l'examinant avec attention ,.on voit comment une très-grande quantité de vafe de même qualité , affermie par le fel qui eft propre aux eaux de la mer Se qui lui a fervi comme de ciment, a pû , entourée de ces mêmes eaux, fervir à former ce rocher iramenfe , que l'on peut regarder comme le noyau de cette montagne, qui s prjs de la folidité à mefurç que les eau* Environs de Naples. i non point par l'élévation des vapeurs qui occupent continuellement le bas de la grotte. Ce font ces vapeurs qui font vraiment mortelles j elles font chaudes, fulphmeu. fes tk vitrioliques, & probablement ar-fenicales à en juger parleurs effets, beau- Environs de Naples. 27$ coup plus actives à l'entrée de la grotte qu'au fond. J'y reliai debout pendant quelque-temps. Je refpirois allez librement pour m'appercevoir qu'elles ne s'élèvent point. Mais après avoir éprouvé une chaleur nés fenfible à la hauteur d'environ dix-à-douze pcuce-s j je fentis que ■mes pieds Se mes jambes s'engourdifloient totalement jufqu'à cette hauteur a tk per-doient le fentiment, au point que j'avok peine à me foutenir , quoique je fulfe en pleine fanté. Je fortis Se peu-à-peu l'air extérieur rendit à cette partie de mon corps , fa force tk fon agilité ordinaires. J'y ai vû l'expérience du chien qui en allant étoit vif tk gai. Son maître , celui qui a la clef de la grotte Se qui met à con-nibution la curiofité des voyageurs , le prit Se le coucha fur le dos en le caref-fant , & il ne fit aucune difficulté d'obéir , mais tout de fuite la vapeur com^ mença à le tourmenter, il fe débaiit Se poulfa des cris excités par les angoilfes qu'il éprouvoit y ces cris diminuèrent fen-liblement ôc très-vîte. Alors il ne fut plus nécelfaire de tenir le chien , il fe roidit, fes yeux fe tournèrent Se il refta fans mouvement j il étoit au point d'expirer, lorfque je le fis jetter hors de la grotte Mv 274 MÉMOIRES r>'I T A l I B. fur le bord du lac, où d'abord il fut ab-folument immobile j peu-à-peu on le vit refpirer & remuer la tête comme s'il fut revenu d'un évanouiifement. Ce pauvre animal elfiyoit envain de fe foutenir fur fes jambes qui lui refufoient le fer-vice ; cependant il paroiflbit très-joyeux 3 remuoit la queue , carelfoit même les étrangers, enfin il fe releva tout-à-fait & fe mit à courir fur le bord du lac fans chercher l'eau ; & je ne m'apperçus point qu'il fût nécefïaire , comme quelques-uns l'ont écrit, de le jerter dans l'eau pour le faire revenir. Aucun animal expoie à l'action immédiate de ces vapeurs ne peut vivre, les infectes & les reptiles auxquels il faut fi peu d'air, pour refpirer , y périffent très-promprement , j'y ai jette des mouches qu'il elt fi difficile de faire périr dans la machine pneumatique , qui pofées fur le fol de la grotte, ne peuvent plus s'élever & meurent aufîi-tôt. On dit que Charles VIII , roi de France , y fit mourir un âne de plus robuftes que l'on pût trouver. Pierre de Tolède viceroi de Naples y fit enfermer deux criminels condamnés à mort , qui y périrent très-prompte ment. Les torches faites avec de la poix & du Environs j>e Naples. ije, foufre , dont la flamme eft: très vive s'y éteignent auiîi-tôt. La poudre n'y prend .point feu. A l'entrée de la grotre les vapeurs font plus vives Se plus actives que dans le fond , elles femblent même s'y élever à quelques pouces plus haut j quand la porte de la grotte eft fermée on s'ap-perçoit de la confiftence de ces vapeurs, elles font épailfes, bleuâtres & dans une très - grande agitation. Ces expériences, comparées avec celles de la machine pneumatique, donnent lieu de conclurre .que l'effet immédiat de ces vapeurs eft d'empêcher l'action de l'air en lui ôtant tout l'on reilort , & en flctrilfant abfolu-ment les poumons , ce qui fe fait tiès-• vite. C'eft le hazard qui a fait apperce-voir de leur effet pernicieux j la grotte étoit ouverte autrefois , quelques cultivateurs des environs s'y retiraient , foit dans le temps des orages , foit pour y prendre le frais , la plupart de ceux qui s'y endormirent ne fe réveillèrent jamais j cela ht ouvrir les yeux fut le danger qu'il y avoit de s'y arrêter } on y ht des expériences qui affinèrent de la vérité des conjectures, 6c on la ferma. 11 eft probable qu'il feroit très-dangereux de faire des fouilles dans le terrein M vj ±j6 Mémoires d'Italie. des montagnes de ce canton. On voit 1 différentes hauteurs, des bouches dans les rochers d'où il fort des vapeurs fenlîbles, une entr'aurres qui eft à gauche du chemin qui conduit au lac a dix ou douze pieds de hauteur , & a au moins quatre pieds d'onverrure. Un payfan fort ôc vigoureux &z alfez intelligent , m'aaffûrc qu'il y étoit entré par ordte du roi de Naples ; mais à peine y eut-il fait quelque pas qu'il fentit que les vapeurs I ctouf-foient , & on le retira promptement avec des cordes auxquelles il étoit attaché y il avoit déjà fur le vifage tous les lignes d'une mort prochaine. Je regardai avecatten-tion de bas en haut , mais je n'apperçus aucune exhalaifon , comme dans la grotte du chien y il eft vrai que cet endroit étoit fort X l'ombre, & ne recevoit la lumière directe d'aucun côté. A deux ou trois cent pas de la grotte du chien dans le même valon , entre le levant & le midi, font les étuves de faint Janvier ; elles font enfermées dans un petit bâtiment quarré, voûté & recouvert d'une terralfe. L'intérieur eft divifé en quatre ou cinq pièces différentes , dont la plus grande eft à l'entrée , les autres font plus petites j il m'a paru que l'on Knvirons de Naeles. i77> Avoit pratiqué dans les difFérens murs de féparation des petits canaux par lcfqnels on conduit la vapeur ou fumée de fou-fre qui fort continuellement de la bouche principale. Ces petites chambres font entourées de banquettes de pierre où s'af-feoient ceux qui veulent prendre ces étuves. La chaleur en paroît d'abord in-fupportable ; mais peu à-peu on s'y accoutume , on s'y trouve bien , la refpira-tion devient plus libre ôc plus aifée même qu'en plein air ^ il femble que les poumons fe dilatent. La chaleur y eft à dif-férens degrés ; dans la plus chaude au-deifous des banquettes eft une auge affez longue dans laquelle peuvent fe placer jufqu'à la ceinture ceux qui font attaqués de lafeiatique. Les endroits près des bouches à fumée font les plus chauds , les murailles s'y chargent de foufre qui s'y amaf-fe en malfes inégales ; il y eft d'une couleur fort pâle , mêlée de quelques filets d'un jaune plus foncé. Plus la chaleur eft forte, pkis la couleur du foufre eft vive ôc approche de l'orangé. La fumée qui s'exhale par ces ouvertures eft très-chaude ôc fort humide ; elle confume tout de fuite le papier fans l'enflammer. J'y tins un doigt pendant quelque temps 5 la cha- tyS Mémoires d'Italie. leur me parut d'abord infupporrable, mais j'y fus aullî tôt accoutumé. Il s'éleva quelques veiîîes fur la peau qui ne me caufe-renr aucune douleur j je les frottai avec le foufre chaud que je ramalfai fur le champ Se elles difparurenr à l'air , fans laifler aucune trace de biûlure. Ce qui prouve que cette chaleur excite une très-grande dilatation dans les pores de la peau , Se une tranipiration très - forte ; aufli dit on que ces étuves font d'une vertu reconnue pour les rhumatifmes , lesfcia-tiques, les convulfions de nerfs, & tous les maux de ce genre. Les afmatiques y trouvent un prompt foulagement. L'effet quant à cette partie n'en paroît pas équivoque. Je ramaffai différens paqners de ces foufres. Quoique refroidis ils furent encore affez actifs , pour confumer en peu de renms les papiers où je les avois enveloppes. J'eus long-remps après une autre preuve de leur activité. Je les avois mis dans une caiffe où étoient quelques morceaux de vieille lave du Véfuve , dont on connoîc la dureté qui eft au moins égale à celle des marbres les plus fins. Ces fou. fres rongèrent à la longue les papiers où ils étoient enveloppés, s'attachèrent i la. Environs de Naples. 17^ lave fur laquelle ils fe durcirent , & s-'in-corporerent en quelques endroits en perçant la lave. Sans doute que l'humidité que ces foufres avoient confervée , rencontrant dans la lave quelques parties de fer , y caufa une fermentation , qui fus fuivie de l'effet dont je viens de parler, Ces foufres ne cauferent aucun changement dans la couleur des marbres , des albâtres, éc des coquilles qui étoient dans la même caille , ils blanchirent feulement quelques morceaux de cuivre. Il eft prudent quand on fort de ces étuves de refter quelque temps dans la petite falle qui eft à l'entrée , afin de donner aux pores 6c aux poumons qui ont acquis une dilatation confidérable le tems de fe remettre dans leur état naturel. Le foufre s'amaffe aufli autour des différens tuyaux par où la fumée s'échappe fur la terraffe j mais fans doute que c'eft l'im-prelïion de l'air extérieur qui les rend noirs 6c plus fecs que dans les étuves, où ils font fort gras , mêlés d'un nitre doux... Le foyer intérieur qui les échauffe doit être bien vivement enflammé pour rendre une fumée continuelle aufli chaude qu'elle eft , 6c même mêlée d'étincelles que l'on, apperçoit pendant la nuit, ou dans l'obf-curité. lSo mémoires d'ÏTAIIE» A côté de ces étuves eft un bâtiment eonfidcrable qui eft abandonné & même qui tombe en ruine } c'étoit autrefois un hôpital où on recevoit les pauvres qui ve-noient les prendre. Dans un pays où il y \ a tant d'établiffemens de charité , il eft étonnant qu'on ait laifle tomber un édifice de ce genre donc l'utilité étoit fi fenfi-ble. A préfencles malades après avoir pris les étuves fe font tranfporter tout de fuite dans le village voifin où ils relient au lit pendant quelque temps. Ces étuves de même que la grotte du chien font toujours fermées \ on n'en lailfe l'entrée libre, que dans la faifon où les gens de tout état viennent chercher du foulagement à leurs maux. La chalfe de tout ce pays fort abondant en gibier , eft refervée aux plaifirs du Roi. Le domaine utile appartient aux Jé-fuites de Naples ^ ce font eux qui afferment la clef de la grotte du chien , £v le lac d'Anagno où tous les ans on met rouir le lin ôc le chanvre , ce qui empefte fes eaux, & rend fes bords inhabitables pendant l'été. Sanscet inconvénient , cet endroit feroitdélicieux , la végétation s'y fait avec la plus grande force j on y voit quelques plantations des plus beaux arbres • les montagnes qui l'environnent font cul- Environs di Napiïs. ztt tivées ou couvertes de bois ; on devrait y refpirer la fraîcheur la plus agréable , s'il étoit permis d'y relfer impunément } mais les gens du pays rifqueroient plus difficilement d'en faire l'effai que les étrangers qui font charmés de la tranquillité qui y regnç , tk qui donne l'idée de la retraite la plus agréable que l'on puifTe habiter. J'ai remarqué que les habitans du village deforodi Pu^oll , quoiqu'ils ayenc l'air affez vigoureux , hommes & femmes , 6c que la plupart foier.t grnnds Se bienfaits, ont le tein plus bafanné qu'il n'eft ordinaire de l'avoir dans ce pays j eft-ce la qualité de l'air ou l'habitude où ils font de refter peu chez eux, qui leur donne cette couleur ? Il eft certain que dan» les chaleurs de l'été, enfermés comme ils le font dans un valon refferré de tous les côtés par des montagnes élevées , le foleil doit y être brûlant y heureufement qu'ils ne manquent pas d'eaux de fources. Le chemin de Naples à Pouzzols eft ckcrnîn par la grotte de Paufîlippe dont j ai parle; rowioUnc. au fortir de cette grotte , on peut y aller par foro di Pu{{oliy le XazqX Anagno, duquel en tournant au midi on paffe par la Sol-fatarre 6c on arrive à Pouzzols parle de£ i$t Mémoires d'I t a l i e. .fus de la montagne. Ce chemin eft bon à cheval 6c à pied, 6c je crois le plus court; mais pour y aller en voiture , au fortir du Paufdippe , on tourne à gauche fur le bord de la mer , où on trouve un chemin alfez beau que l'on coupe dans le rocher même , pour lelargir 6c le rendre partout commode 6c folide j il m'a paru que ceux qui jufqu'à préfent avoient éré charges de .cette entreprife, entendoient mal la conf-tru&ion des chemins , 6c n'avoient pas pris pour modèles les anciennes voies Romaines qu'ils avoient en quelque forte fous les yeux j cependant rien n'étoit plus aifé que de conftruire les meilleurs chemins dans cet endroir : il n'étoit queftion que de donner une alïiette folide aux premiers lits de conftru&ion , 6c de continuer enfuite jufc|u'à\ la hauteur que l'on vouloir donner a la chauffée. Les matériaux font fous la main de l'ouvrier , à droite eft la pierre, à gauche le fable bitumineux de la mer; tout ce pays eft plein de Pouzzolane (a), il ne manque rien pour (a) La Pouzzolane eft une efpéce de ciment foililc qui mêlé avec la chaux fait le mortier le plus folide & le plus propre , il devient aufli dur Se auiîi folide que le marbre, même dans la mec. Environs de Naples. faire la rovire la plus belle & la plus folide } mais ici on a commence par faire un mur de fouteuement du côté de la mer j Ton a rempli en fuite i'efpace entre le mur On lui donne ce nom dans toute l'Italie, & partout elle a la même qualité 5 celle des environs de Rome eft: ou rougcàrrc ou d'un gris foncé. Celle de Pouzzols tire fur le rouge, celle du Véfuve eft: plus grife. Vitruve en fait le plus grand éloge ( lib. 1. de Arch. c. 6. ). Eft etiam ger.us pulveris quod efpcit naturaliter res admirabiles. Nafcitur in regionibus Bayanis & in agris munici-•piorum qua, funt circa V~efuvium montera , quod commixtum cum calce & dum ibi moratur pervaftato agro Cumano , ufquè adMifin promontorium , Puteolos repente agmett Pouzzols , Solfatarre. 2.87 La République Se les Empereurs envoyèrent en différens temps des colonies à Pouzzols , qu'ils regardèrent toujours comme une place dont la confervarion leur étoit importante, ce qui a donné lieu de croire que c'étoit une colonie Romaine -, e'eft-à-dire que la flatterie lui avoit fut oublier fon antiquité, pour dire qu'elle étoit ville municipale, Se colonie de l'Empereur , dont elle jugeoit à propos de prendre le nom } il eft important de ne pas oublier cet ufage pour l'intelligence de quantité d'inferiptions qui induifent en erreur ceux qui veulent parler de l'origine des villes ^ il fuit que cette ville après la décadence de l'Empire ait fouffert quelque bouleverfement confidérable , qui la détruifit en partie, Se ruina les beaux mo< numens dont elle étoit décorée , que les Sarrazins qui y eurent quelque établiffe-ment dans le neuvième Se le dixième fié- convenu ad opprimendum pr&fidium Romanum. Sex milita hominum crant, & locus munimento quoque non naturâ modo tutus. Triduum ibi mo-ratus pœnus', ab ornni parte tentato pr&fidio , deinde ut nihilprooedebat, ad populandum agrum Neapolitanum 3 mugis ira 3 quam potiunaa. urbis fpe , procejjît... T. Liv. L. 14. 13. J. v. ç. 53 8..4 lit mémoires d'ItALH. cle ne cherchèrent pointa rétablir. On prétend que fon nom de Puteoli , Pouzzols , lui fut donné à caufe de l'odeur forte des foufrieres dont elle eft: entourée. Cette ville dans fon état actuel eft peu étendue ck fort rapprochée de la mer , toute la partie fupérieure en approchant de la Solfatarre où étoient anciennement fes principaux édifices, eft détruite & n'a plus que quelques ruines fort dégradées j parce que tout ce terrein eft très-fertile 6c bien cultivé. Ce que l'on y voit de plus curieux font quelques reftes d'antiquités Romaines. Dans une petite place eft un piédeftal de marbre blanc de cinq à-fix pieds de long fur trois ÔC demi de haut, où font en relief quatorze ftatues d'autant de villes d Alie qui ayant beaucoup fourfert des tremblemens de terre f-rent réparées par la libéralité de Tibère ; on lit au bas les noms de Philadelphie , Ma*, nefu y Timolus, Ctfarée, Ephefe, Smirne.., On voit très-bien que l'ouvrage eft de bonne main , quoiqu'il ait été fort gâté. Il fervoit probablement à porter la ftatue de Tibère que l'on n'a pas encore retrouvée, quoique l'on conjecture l'endroit ou ^Ue peut être. On lit fur un des côtés une infeription mfcriprion en grands caractères Romains qui me paroît de la même antiquité que le refte du monument, que l'on croit avoir été érigé à Pouzzols, aux dépens de ces quatorze villes qui y avoient alors une correfpondance établie ; cat le port de Pouzzols étoit dans ces temps là très-fréquenté (a). Dans une autre place alfez grande , ou fe tient le marché , au centre de la ville , eft une ftatue Romaine avec la toge , qui a plus de fix pieds de hauteur. Elle eft d'un allez beau travail. Le petit piédeftal a environ quarre pieds , fur lequel eft une inf-cription très-mutilée, qui apprend qu'elle fut érigée à Flavius Marius Egnatius Lollianus , Préteur & Augure , par une fociété de villes d'Afrique qui qualifient ce magiftrat de leur protecteur. Vis-à-vis eft une ftatue en marbre de S. Janvier protecteur du royaume. Ces places ont des fontaines publiques. (a) TI. Cxfari. Divi, Augufti F. Divi. Jul. Ncp. Augufto. Pontifîci. Maximo. Cof. III. Imp. VIII. Trib. potcft. XIII. Auguitales. Rclpubhca. Rcftituit. Teint IF. ' N L'Eglife Cathédrale fous le vocable de fan Procolo martire, un des compagnons de S. Janvier , eft: bâtie fur le plan même d'un ancien temple de Jupiter , que Ton croit avoir occupé le centre de l'ancienne Pouzzols ; on y remarque quelques reftes de très-belle architecture antique , dans laquelle on avoit fuivi l'ordre corinthien. JLa façade eft prefque en entier de matériaux antiques. Sous le veftibule il y a quelques os de grands poiftons , que le peuple croit avoir été ceux d'un géant j mais ce font plus certainement les côtes d'un de ces grands poiftons du Nord , qui viennent quelquefois échouer fur les côres de la Méditerranée j au-deiïiis de la ville font les ruines d'un amphithéâtre, fi fort culbutées , que l'on n'y remarque plus rien qui puiffe faire juger de fa première magnificence ; il y a lieu de croire que dans un pays ou les arts de luxe étoient à un fi haut degré de perfection , on n'a-Voit rien épargné pour décorer un édifice public de cette importance. Tous les reftes de conftrudiions antiques que l'on trouve dans les fouilles que l'on fait, ne petmet-tent pas d'en avoir une autre idée. On verra dans un jardin au-deffus de la ville Voit colonnes cannelées de marbre , de Pouzzols , SolîatàïuU. ijt la plus belle proportion, qui ont fervi à quelque édifice public. On a bâti dans cet amphithéâtre une chapelle dans l'en-droir même où S. Janvier 5c fes compagnons furent expofés aux bêtes. A peu de diftance eft: un édifice fourerrein antique appelle dans le pays le labyrinthe , ou Cento Camcrtlk. Il paroît que c'étoit un très-grand réfervoir d'eau , auquel abou-tilfoit l'aqueduc dont on voit quelques parties découvertes au-deiîus de la montagne , en allant de Pouzzols à la Solfa-tarre , tk que l'on a confervé en partie pour fournir de l'eau aux fontaines de la ville. Il faut voir au couvent des Capucins qui eft fur cette route , une citerne d'une conftrucfion finguliére. Elle eft bâtie de "briques , revêtue de ftuc en dedans tk en dehors, en forme de vafe tk foutenue fur un pilier folide. Elle eft entièrement ifo-lée tk ne touche au terrein d'aucun côté , ôc elle eft enfermée dans une grande voûte. Sans cette précaution, il n'éroit pas pofii-ble d'avoir de l'eau faine tk potable , le foufre dominant fi fort dans tout ce territoire , qu'il communique fon goût ÔC. pénétre partout. On dit qu'elle eft l'ouvrage d'un Fratii Nil ici Mémoires d'Italie. çois. Elle eft: très-ingénieufement étendue, Le peuple tk les Capucins eux - mêmes , racontent mille hiftoires d'apparitions de démons tk d'efprits infernaux de toutes fortes , qu'ils difent y être très-fréquentes. Quelques-uns même de ces bons Pères prétendent en avoir été battus. Il eft -certain que tout ce terrein eft affez échauffé pour reffembler à un foupirail des enfers. Au bas de Pouzzols au couchant entre les dernières maifons qui avoifinent le port tk la montagne , immédiatement au-deffous , on voit les magnifiques reftes d'un temple antique que l'on croit avoir été confacré à Sérapis. Il y a douze ou quatorze ans qu'on commença à le dé-r barraffer des terres qui le couvroient. On ne fçait pas dans le pays par quel accident il avoit été entièrement comblé de matières étrangères. Ce que l'on peut dire avec quelque certitude , c'eft qu'il a été couvert par l'éruption de quelque volcan voifin , & non par l'effet d'un trem-plemenr de terre ; car le plan du temple tk fon payé, le revêtiffement, ck la double colonnade , ciui foutenoit la coupole, n'avoient éprouve aucun dérangement. Çç temple avoir été çonftruit avec la PoUZZOlS , SoLÎATARRÎ. lcjj plus grande magnificence * ôc entièrement revêtu des plus beaux marbres d'Afrique & de Sicile , dont une très grande patrie font encore en place. Il y avoit autour dix-huit chambres ou chapelles quatrées également reventes de marbres. A un des angles au couchant eft une affez grande falledebainsàl'ufage des facrificateurs.Les baignoires font à un des bouts, & tout autour font de grandes auges ou canaux de marbres qui dévoient fervir à laver les uftenfiles facrés j tout cela eft affez bien eonfervè : on y voit encore les canaux de cuivre qui fervoient à y porter l'eau , & à la faire écouler. L'intérieur du temple, ce que l'on peut appeller le fan&uaire, étoit de forme ronde, & entouré de deux rangs de colonnes de marbres choifis, autour defquelles regnoit une frife richement travaillée , qui fans doute foute-noit une coupole ouverte par le milieu , comme celle du Panthéon de Rome ôc de la plupart des temples antiques. Plufieurs pièces de marbre des frifes Ôc de la voûte qui font éparfes dans ces ruines, font une preuve delà beauté du travail. Le pavé qui eft tout de marbre blanc eft auili - bien confervé que s'il fortoit des mains de l'ouvrier j au point central du Niij a«>4 Mémoires d'Italie. diamètre , eft: une grande pièce de marbre-travaillée à jour avec beaucoup d'art, qui fervoir à l'écoulement des eaux qui tom-boient par l'ouverture du haut , ôc du fang des victimes que l'on y immoloit T aux deux extrémités font encore deux gros anneaux de bronze plombés dans le pavé , auxquels on attachoit la victime , crainte qu'elle ne s'échappât à Imitant du facrifi-ce j on ne peut pas bien juger de l'endroit où étoit placée l'idole principale. Ce temple étoit de la forme la plus élégante , préférable même à celle du Panthéon y le double rang de colonnes qui foutenoient la coupole lui donnoit un air de magnificence ôc de légèreté que n'ont pas les autres temples antiques j c'eit à mon gré ce que j'ai vû de meilleur goût en fait de conftructions de ce temps , &r qui eft très-capable de donner la plus belle idée de leur richeffe ôc de leur décoration. Il ne reftoir plus que quelques colonnes en place. Le refte avoir déjà été tranfportç à Caferte, où il eft>employé dans la même forme à orner le grand veflibule du château. On dit que l'on y a trouvé plu. fieurs ftatues ; comme je n'en ai vues aucunes que l'on m'ait dit avoir été tirées de ce monument, je n'en parlerai pas. U Pouzzols , Solfàtakré. ±.9$ eft: fâcheux que ce temple ait été détruit, Se que l'on n'ait pas imaginé de le reftau-rer ; rien n'étoit plus ailé, tous les matériaux étoient en place, Se il eût fervi de modèle a des conftruétions de ce genre qui enflent réuni des grâces Se une élégance rares. La ville de Pouzzols dans fon état actuel eft, comme je l'ai déjà dit, fort petite, mais elle paroît alfez peuplée pour fa gran» deur. Il y a beaucoup de mouvement dans la place principale 5c dans les rues voill-nes du port. Dans le deflus , il y a plufieurs maifons religieufes Se quelques édifices alfez beaux. La pofition en eft gra-cieufe j on y jouir de la belle vue dont j'ai parlé, il y a des jardins bien cultivés, qui ont quelques ornemens j lesruesfont bien ouvertes , mais on y voit très-peu de monde. La noblelfe de la ville y a fon fiége compofé d'un certain nombre de familles établies à Pouzzols , qui jouit des mêmes droits que les fiéges de Naples jj e ne feais pas quelles font les prérogative.': du peuple j mais ii paroît d'une groifîéretc bien au-deffus de celle du peuple de Naples , d'une hardieffe Se d'un endurcilfe-ment dans le vice qui étonne autant qu'il révolte j Se qui feroit volontiers croire Kiv Xyé mémoires dTtALII. qu'il defcend de ces géants dont je parlerai dans peu. Il ne paroît pas qu'il faii© aucun commerce, il eft tout de gens de mer, pêcheurs ou matelots j les cultiva-teuts demeurent dans les habitations voisines y i portée des vignes ou des jardins. Dans les beaux temps de Rome^lorf-que toute cette côte étoit couverte, dans une grande étendue, par de magnifiques maifons de campagne des Romains j il fe faifoit un grand commerce à Pouzzols y il y avoit des fociétés de marchands Ôc d'artifans qui n'étoient deftinés qu'à fer-vir leur luxe. Les corps des parfumeurs , des épiciers, confifeurs , orfèvres , Joailliers , boulangers , y étoient nombreux» La mer rejette encore fur fes bords une quantité de pierres gravées , telles que cornioles, agathes , jafpes , calcédoines y améthiftes, fur lefquelles lont toutes fortes défigures , d'hommes-, d'animaux, de repriles , de plantes , de caractères Grecs ôc Romains. On prétend que la mer les tire du quartier même où étoient les boutiques, de ces ouvriers , dont ou voit encore les ruines fous les eaux. Autrefois on avoit à grand marché , des pêcheurs de Pouzzols a des antiques précieux * Pouzzols , Solfatarre. 297 rrrais l'habitude d'en vendre fait qu'à préfent ils croyew admirable tout ce qu'ils trouvent, 6c que toujours ils en veulent un prix confidérable } ils en fçavent même affez pour acheter des pierres de-rebut , qu'ils difent enfuite avoir trouvé dans les iables de la mer. Dans le port de Pouzzols, on voit les reftes du môle antique que l'on appelle le pont de Caligula , mais qui n'eft autre chofe qu'une jettéç faite dans la mer pour y tenir les vaiffeaux en fureté. Cet ouvrage conftruit de grandes briques , & de pierres unies avec la chaux ôc la pouzzolane, eft d'une très-ancienne conftiuction, ôc probablement antérieure au temps cù les Romains fe font établis dans ces contrées j il y avoit vingt-cinq grandes arcades dont deux ou trois fubhftent encore en entier -, des autres il ne refte plus que quatorze piles , le refte eft détruit ou recouvert des eaux de la mer. C'eft à ce môle que tenoit le pont de bateaux que Caligula fit conftruire pour paffer droit de Pouzzols à Baies , 6c fur lequel il s'amufa à faire la repréfentation d'un triomphe imaginaire dont il étoit le-premier acteur. Le chemin y étoit fait fur le modèle de la voie Appienne A pavé tk îecouvert de N v le)S M £ m o i r i s d'I t a l i e» fables , il avoir près de quatre milles de longueur. Le premier jour il le travcifa for Un cheval de parade richement caparaçonné , la couronne de chêne en tête, fuivi de fa cour 6c d'un peuple nombreux. Le fécond , il partir dans le char des triomphateurs , avec la couronne de laurier x ayant à fa fuite toute la cavalerie Romaine qui étoit dans ces cantons. Folie fingu-iiére qui ne pouvoit être imaginée que par un jeune infenféqui fe regardant comme le maître du monde , faifoit parade de fon pouvoir en fatisfaifant fes caprices les plus extravagans. On ne peut pas douter que ce portn'air cté autrefois très-fréquenré 6c qu'il ne s'y foit fait un très-grand commerce , mais à préfent on n'y penfe même plus ; le peuple de Pouzzols vit des productions du pays, de la pêche, 6c de l'exportation de quelques denrées qu'il débite à Naples >• c'eft-là où fe termine toute fon induftrie; je crois que l'on rranfporte aufli quelquefois des vins de cette côte en Angleterre £c dans les pays feptentrionaux y j*en ai vu des dépôts fur le bord de la mer , 6c un> vaiffeau chargé au port de Baies, & que la crainte des Angloii empêchoit alors Pouzzols , Solfatarre, d'en fortir , quoique fa deftination fût pour l'Angleterre. 5 .C'elt dans l'efpace qui eif entre Pouzzols ôc Cumes que l'on doit placer ces champ* campagnes ardentes , il fameufes dans la pHtëgtéens plus haute antiquité 6c connues lotis le nom de champs Phlégréens^c'eft-là qu'Hercule dans le cours de fes voyages , aidé des autres Dieux , défit les géants , cette efpéce d'hommes terribles par la force'de leurs corps 6c l'atrocité de leurs actions. | a ) Diodore de Sicile le dit fi pofitive- (a) Motis inde caflris, Hercules maritimos îta-r lia , ut nunc quidem vocatw , traflus percurrens ,, in Cum&am defcendit planaient : ubi homines ro— boris immanitate & violentiâ facinorum infâmes , quos gigantes nominsnt, egijfe fabulantur.. Vhlegr&us quoque campus is locus appellatur 3. h~ toile nirnirum, qui Etnz inftar SicuU magnam v'tnr ignis eruélebat y nunc Vefuvius nominatur > mul-ta infammationis prifina. vejligia refervans.. Cigantes illi, cognito Iierculis adventu , con-junclis viribus , cum injîruciâ illi acie y. ob~ viam procédant , & commijfa pro viribus & fe-pociâ gigantumpugnâ vehementi , Hercules Deo^ lum focietate adjutus , vicioriam. obtinu/'t, &^ plerifqwe trucidatis regionem illam pacavù. DiotL, Sic. £.4... Diodore de Sicile vécut fous les reines de C&~ $oa Mémoires d-'Itàeiï; ment qu'il ne lailîè aucun lieu d'en dou* ter. Les tremblemens de terre fféquens dans ce pays, furent regardes comme fon, état naturel ; tk delà naquit la fable , que les géants frappés de la foudre tk renver-fés plutôt que vaincus y accablés fous le poids des montagnes que le Roi des Dieux ôc des hommes, avoit culbutées fur eux , les foulevoient encore,. & les faifoient trembler par les efforts inutiles qu'ils faifoient pour fe relever. Telle eft l'explication que l'on donnoit dans les temps les plus reculés aux tremblemens de terre , lorfque tout ce qui s'écartoit un peu de l'ordre connu de la nature étoit regardé comme un prodige de la puiffance des Dieux. Quant aux éruptions qui patoi£ fàr,. & d'Auguftc, & pafla , dit-on , trente ans à écrire fa bibliothèque Iiiftoriquc dont la moitié a été perdue ; il nomme Véfuvt la montagne qui, dans les champs phlégréens, jettoit des flammes comme l'Etna. Il dit que le Véfuve avoit ptu, ficurs marques des incendies qu'il avoit éprouvés. Or dans ce temps le Véfuve étoit entier il y a plus d'apparence que lie volcan de ce pays, étoit alors ce que l'on appelle aujourd'hui la Sol-fatarre ;.& que c'eft peut-être car erreur de co-pifte que le nom de Ycfuvc a été donné à cette inoiitagnc* pou2zols , SoLFATARRF. JOI fent aufli très-anciennes dans ce pays , & oui de temps en temps en changeaient la face , c'étoii le même Jupiter qui conrl-nuoit à foudroyer les géants dont les efforts faifoient trembler l'Olympe* Par ce moyen ils expliquoient tous les phénomènes effrayans donc ils étoient témoins, ÔC ils n'y voyoient que la puilfance divine vengerelfe du crime porté à fon comble» Ce fentimeat qui les éloignoit fi foit de la connoilfancephyfique des tremblemens de terre, ôc de l'éruption des volcans, efY la preuve la plus convaincante que les. hommes ont toujours eu l'idée d'un Dieu jufte vengeur du aime, & rémunérateur de la vertu. Au-delfns de Pouzzols à droite,en-tirant de cette ville au nord, en fuivant dans la longueur d'un mille environ , un chemin creux, le long duquel on rencontre quantité de ruines antiques , on arrive à la Sol-fatarre, monragne dans la fubftance de laquelle le foufre domine fur tous les minéraux, j il y a grande apparence que l'aire de cette montagne a été autrefois le foyer d'un volcan à préfent éteint , c'eft à-dire duquel il n'y a plus d'éruptions.à craindre, le foufre y étant fans mélange fenfible des métaux qui font la caufe principale des fOZ mémoires d'ItALTE, éruptions. Tout le fommet a été emporter par une grande éruption qui doit avoir eu ion- effet principal du nord au midi, Air une partie de la ville de Pouzzols ; ce qu'irr-diquent les ruines des bâtimens antiques-que l'on y trouve à une affez grande profondeur, ÔC la qualiré même du terrein où le foufre domine encore , ce qui eft: caufede fa fertilité, ôc de la bonne qualité des vins & des fruits que l'on y recueille. Ce que l'on appelle donc à prélenr la Solfatarra eft un baftîn de forme ovale qui a environ quinze cens pieds de longueur , fur un peu plus de mille de largeur, entouré de toutes parts , à peu-près à égale hauteur, des relies de la montagne en forme d'amphithéâtre. La couleur du terrein & des pierres mêmes eft blanche, Ôc fur quelques-unes on apperçoit une fleur d'alun. L'aire du baflin eft prefque partout nivcllée j le terrein en eft blanc, doux au tact, ôc paroît formé par la terre même des environs ôc les pierres calcinées à la longue par une chaleur douce ôc continuelle, qui tombent enfuite en pouf» nère , & y fonr entraînées par les eaux, dé pluye. Il y a des patties où le foufre domine davantage ; on s'en apperçoit à. la couleur ôc au tact j il y croit cuL<îoue.s PoTJZZOtS , SotFATARREv 3,05. plantes fort maigres qui périifenc aux premières chaleurs de l'été. Au nord de ce balhn font ouvertes quelques' bouches à* fumée , dans laquelle on apperçoit quelquefois des étincelles brillantes pendant la nuit y on peut les regarder comme le foupirail du foyer qui eft allumé dans le fein de cette montagne. Comme c'eft la-partie la plus baffe de la Solfatarre, il s'y ramafîe de l'eau chargée de foufre , qui s'y échauffe au point de diffoudre les différentes matières que. l'on y jette fans lea-enflammer. Le papier tk les bois tendres y fonr détruits rrès - promptement ; on prétend que les feuilles de cuivre y éprouvent une altération fenfible jon couvre les bouches* à fumée de morceaux de tuiles & de pots caffés autour defquels fe ramaffe un fet ammoniac, ou fuye très fine, qui, leflîvée avec l'eau même de la Solfatarre tk mife dans des vafes de bois à l'évaporation fur les bouches à: fumée que l'on ouvre exprès pour cela , donne un vitriol rouge de très-bonne qualité pour la teinture. L*. terre de la Solfatarre leflivée avec la même eau , donne par les mêmes moyens un excellent alun bianc. On y fait aufli toutes fortes de préparations de foufres. La 3*4 Mémoires d'Italie. main d'oeuvre pour tout cela coûte très» peu. Il n'eft befoin que d'élever de petits appentis couverts de planches qui ga-rantiflent de l'eau de la pluye les vafesoù fe préparent le vitriol ôc l'alun. Le fein de la montagne a allez de chaleur pour faire bouillir ôc évaporer la leftive d'où ils doivent fortir;de forte que les vafes étant pofés fur les petits fourneaux ou bouches à fumée ôc luttes , afin que l'air n'intercepte point l'action de la chaleur , on les laiife juicju'à ce que la matière foit au point de criftallifation où elle doit être portée j elle s'amalfe autour de la partie fupéricuîe du vafe à l'épaiffeur d'environ deux pouces; ainfi un homme feul peut avoir l'ail Aie une très-grande quantité de ces vafes , ôc 'Veiller à ce que l-évaporation fe falfe bier^ le produit de cette montagne fi aride n'eft pas aufti mince qu'on le ctoitoit au premier afpect. Il appartient à l'hôpital de \Annun^iata, qui en tire tous les ans plus de dix mille ducats, dont il paye le dixième à l'évêque de Pouzzols. J'ai traverfé l'aire de cette montagne dans tous les fens ; partout on entend lous fes pieds un reteniiffement fourd ôc profond , qui prouve que la montagne eft ab-folument creufe par deifous. J'ai enfoncé PoUZZOtSj SeLFATAHRI. 305 tn plufieurs endroits des bâtqns pointus 9 & la fumée fortoit aufii-tôt du ttou pendant quelques inftans ; il y a des endroits fi humides qu'il n'eft pas poflible d'en approcher , peur être n'y auroit-il pas de fureté y car en tout le terrein paroît peu folide , & on ne s'expofe pointa le charger de malfes lourdes, ni même à y faire paf fer des animaux d'un poids confidéraole. On débite dans le pays qu'un homme à cheval , ayant voulu eflayer d'y palfer , fut englouti. Peut-être que le feu interne confirmera peu-à-peu toute cette voûte extérieure fur laquelle on marche, oc alors le crater de la Solfatarre en fera beaucoup plus profond. Il pourra s'y former un lac. La forme ronde de ces petits lacs qui font dans cette campagne , entourés de montagnes d'égale hauteur , femble indiquer les lieux où ont été jadis plufieurs volcans de ces campagnes ardentes j mais pour cela il faut que l'imagination temonteà une antiquité qu'elle a peine à concevoir (a). C'eft de ( a ) Eft locus, exctfo pemtàs demerfis hiatu , "Parthtnoptn iniir, magnaque Dicarckidos arva^ Cociti ptrfufus aqua. Nam fpiritus extra Quifurit, cfufus funefto fparghur 6c le peuple fur leur rapport, ont imaginé cette quantité de larves , de lémures , de lutins, d'ef-prits infernaux , & d'ames de morts tur-bulens, qui viennent inquiéter les vivans, mais ce n'eft fans doute que pour leur faire peur ; car fuivanc la théologie qui leur a donné l'exiftence, elle ne les faifoit errer dans le monde que pour faire peut aux gens de bien 8c tourmenter les mé* chans. On avoit prétendu qu'il y avoit une Non ki.c aut ulmo ttllusv'tvet, aut alit herbaç Cefpite Utus ager. Non verno perfona eantu, Mollia difcordi firepitu virguha loquuntur. Ssdchaos 3 & nigro fquallentia pumîcc faxa % Gaudent fe rali circum, cumulata cuprejfu. Has, inter fedes, d'ttisparer extulit ora , Buforurn fumis , & cana fparfa favilla..... Petronius de Bel. civili. v. 67* Lapofirion des lieux eft bien îa mcme, mait rafçed n'en eft pas aulfi noir , ni les mofettes anfli dangeteufes. communication établie entre le Véfuve , la Solfatarre ôc les autres volcans voifins; mais les obfervations exactes qui ont été faites dans ces derniers temps par de très-habiles phyficiens , dans le temps même des éruptions les plus fortes du Véfuve ,, ont démontré que cette idée n'avoit au- n cune réalité, ôc que la fermentation de la Solfatarre n'augmentait ni ne diminuoit relativement aux différens états du Véfuve. Le cercle qui l'environne actuellement a parrout au moins trente pieds de hauteur , ôc eft couvert de plantes odoriférantes de toute efpéce , de beaux arbuftes y tels que romarins , mirthes ôc genêts qui y fleuriffent de très-bonne heure. Les fumées continuelles qui s'en exhalent, tem-perenr beaucoup fe peu de froid qui fe fait fentir en ces climats. La qualité du. terrein tout de fels ôc de foufres eft très-propre à une végétation précoce. Le temps où dans ces climats , la nature eft dans l'inaction, eft celui des grandes chaleurs j. où les plantes épuifées par une tranfpira-tion exceflive , féchent ôc périffent , â\ moins que les rofées ne foient affez fortes pour les foutenir, ou qu'elles n'ayent des racines affez profondes pour tirer d* £o S Mémoims d*I t a l i i; fein de la terre une humidité qui les corh ferve. Il y a peu loin de la Solfatarre au lac d'Anagno. On dit à Naples que les fumées & l'odeur du foufre de cette montagne s'y font fentir par certains vents de couchant, & altèrent beaucoup les dorures , les peintures même, tk les ornemens qui y font expofés. Je crois que dans ce pays l'odeuc du foufre doit dominer fouvent. Je ne me fuis pas informé fi les vapeurs répandues dans l'air étoient de quelque foula-gemenr aux gens attaqués de catharres tk d'humeurs froides , qui fe trouvent fi bien des bains pris dans la Solfatarre même, & de l'air que l'on y refpire. Nousnousembarquâmesauporrde Pouzzols pour fuivre la côte tk voir plus à notre aife les monumens tes plus curieux de J'antiquiré, ceux qui ont été chantés par les poètes les plus célèbres , où ils ont placé la fcène de la plupart des fictions delà Mithologie. On retrouve dans l'efpace de quelques milles, une quantité d'objets de ce genre auili curieux qu'intérelfans j 1© lac d'Averne, l'antre de la Sibille de Cumes , f'Achéron , tk les Champs-Elifées * on voit le chemin que prit Enée pour aller voir fon pere aux Enfers j on ne va pas fi Lac d'Àv. Antre de la Syb. $©9 loin que lui, parce que la forêt où il trouva le rameau d'or , a été totalement dégradée , & que cet arbre précieux n'exifte plus. Joignez a cela une multitude de temples , de palais ruinés, dans lefquels la magnificence Romaine fe montre avec éclat, malgré l'injure des temps , & les ravages des tremblemens de terre j plufieurs édifices publics dont quelques-uns fubfiftent encore dans leur entier, la beauté du climat, les richeifes de la nature ; tout cela ralfemblé forme dans cette petite contrée , un fpectacle aufli digne de curiofité qu'il y en ait dans l'univers. 6. Le premier objet qui fe préfente eft LacLucrî*, la place où a été le lac Lucrin , car il ne ^g^lmé* fubfifte plus ; un tremblement de terre commsut. prodigieux culbuta tout ce terrein en i 5 3 8 & mit le lacàfec. C'eft-là où les Romains faifoient apporter des huîtres qui s'y nour-rifloient & y prenoient un goût fort au-deffus de celles de toute la cote. Il eft difficile de juger de fon ancienne étendue, étant fépare de la met par une élévation appellée Monte Nuovo j ce qui en refte aujourd'hui eft un petit marais rempli de joncs piquants à travers lefquels il eft difficile de inarcher. Il pourroit le faire qu'en le creu-iânton y trouvât des coquillages j mais à ^i» Mémoires ©'Italie. la furface du terrein , à la racine des joncs, •on ne voit que la vafe qui s'y attache ; quand les eaux de pluye s'y ralfemblent à quelque hauteur , elles y confervent encore le goût faumâtre & Talé de l'eau de mer. Ce lac étoit autrefois fi parfaitement uni a la mer., qu'il en coûta beaucoup pour la conftrucf ion des digues nécelfai-res pour l'en féparer, & y retenir les poif-fons 6c les huîtres que l'on y engrailfoit ; Céfar entreprit de taire un port dans cet endroit, & Virgile en parle comme d'une entreprife magnifique [a) ; il vouloir (a) An memorem portas , Lucrinoquc additx claufira ? Atque indignatum magnis ftridoribus tquorl Julia quA ponto longeJhnat unda refufo ? Tyrrkcnufquc fretis immittitur sjlus Avernis f Mac eadem argent i rivos , Arifque metalla , OJlendit vents, atque au.ro plurima fluxit..... Gcorg. L. 2. Virgile indique ici , qu'il y eut autrefois dec mines d'or & d'argent dans ce pays ; on n'en parle plus à préfent, la trace en eft perdue ; ce qui peut le faire croire, eft la grande quantité de -vailîcllc d'or que les Napolitains avoient dans leurs temples dans les temps les plus reculés. Ces quarante coupes dont ils rirent préfent au fénac Romain pour i'aider à foutenir la guerre contrq même tirer un canal de communication de ce lac à celui d'Averne où auroit été le centre du port le plus commode & le plus fur de toutes ces mers. Il commença cet ouvrage, auquel Augufte employa depuis vingt mille hommes pour l'achever. La mer brifa tous les ouvrages qui avoient été faits, confondit les deux lacs , 5c perdit la pêche qui appartenoit aux Empereurs. Sous le règne de Claude on elfaya de les réparer. Aujourd'hui il ne refte aucun veftige de tous ces ouvrages , ni du canal qui communiquoit d'un lac à l'autre ; cependant Virgile décrit tous ces endroits avec une préciiion qui ne laiffe aucun lieu de douter de la vérité de leur exiftence. Le terrible événement qui changea la face de ce canton auparavant très-peu-plé &c très-fertile, eft un de ces faits hif- Ics Carthaginois, nJétoicnt-cIlcs pas d'or trouve dans le pays, furtout dans un temps où ce métal n'étoit pas commun ? On a trouve au-delîus dç Pouzzols dans le fiécle dernier une grofle boulç d'or , chargée de caractères anciens & inconnus j mais la crainte qu'elle ne fut confifquée au profit dc'quelque officier public , fit qu'on ne la montra point , & qu'on n'en parla qu'après qu'on çn *ut fait un vai'c facré. 11% mémoires bItAXÏÏ. toriques peu connus hors du pays où Hj fe font panés & qui cependant méritent de 1 être à raifon de leur fingularité. \ peu de drftance de Pouzzols, entre le lac Lucrin & la mer, éroit bâti un gros bourg appelle Tfipergole ; dans la partie inférieure , comme la plus voifine des bains chauds de Tritoli, éroit un hôpital où il y avoit trente lits , tant pour les pauvres habitans que pour les étrangers qui venoient prendre les bains ou les étuves voifines ; il y avoit outre cela trois grandes hôtelleries où logeoient les gens riches ou d'un état diftingué qui venoient à ces eaux. L'hôpital fervi par les hofpitaliers du faint Et prit avoit pour principal adminiftraceur un noble citoyen de Pouzzols, dont l'emploi étoit annuel \ il y avoir une apothicai-rerie affez confidcrable pour fournir de remèdes l'hôpital & les étrangers. Le bourg étoit très-peuplé tk avoir une églife pa-roiftiale &c un couvent de Francifcains. La nuit du au 30 feprembre la terre y rrembla violemment j il s'ouvrit dans l'endroit même où étoit l'hôpital au bord de la mer , un goufre d'où il for-tit une flamme mêlée d'une épaifle fumée qui élevoit en l'air une quantité confidé-rable de fables tk de pierres ardentes. Cette Cette éruption accompagnée de tonnerres , d'éclairs , de feux&: de tremblemens de terre , dura vingt-quatre heures dans fa violence , pendant lefquclles fortit de terre cette petite montagne aride qui couvre une partie du lac Lucrin ; la mer recouvrit tout l'emplacement de Tripergole qui fut entièrement englouti \ le pays des environs très-fertile Ôc couvert de vignes , fut culbuté au point qu'il n'en reftoit aucun vef-tige vingt - quatre heures après ; on vie feulement pendant quelque - temps une bouche à fumée , dans l'endroit même ou l'éruption avoit commencé. Cet endroit s'appelle encore la fumofa • vis-à-vis on voit fous les eaux plufieurs reftes deconf-tru&ions quiéroient alors en terre-ferme. L'éruption fut fi prompte, ôc les fecouf-fes iî violentes, que tous les malheureux habitans de Tripergole périrent avec leurs habitations. Les citoyens de Pouzzols furent ii effrayés des tremblemens de terre qui fe faifoient fentir , ôc du fpe&acle affreux qu'ils avoient fous les yeux , qu'ils abandonnèrent leur ville ôc s'enfuirent nuds du côté de Naples j on eut même beaucoup de peine à les déterminer à y retourner ; car tous ceux que de grands intérêts n'attachaient pas à leurs habita-Tomc IF. * O yi 4- M KMÛIRES d'I T A t I !, t rions, les abandonnèrent ; il fallut les plus grands foins , de la parr des vicerois de Naples , pour repeupler cette ville , cpù depuis ce temps n'a éprouvé aucun accident de cette efpéce. Pendant les deux années précédentes la terre avoit été prefque. conrinuellemenr agitée de tremblemens de terre dans toute cette côte ; le 27 &: le 28 de feptembre , ils devinrent plus marqués , la mer fe retira de fes bords y mais les habitans , accoutumés à ces mou-vemens pac leur continuité , ne crurent pas devoir prendre aucune fureté pour leurs perfonnes. En examinant avec quelque attention l'élevarion appellée Monte Nuovo , on voit qu'elle n'eft point na-urelle , mais formée par une rrès-grande fermentation intérieure , qui a foulevé un amas confi-dérable de pierres brûlées , de fcories & d'écumes femblables en tout aux matières des laves du. Véfuve. On a remarqué dans le cours des laves deux mouvemens , l'un de progreflion qui eft celui de tous les liquides, par lequel elles fuivent la pente du terrein fur lequel elles coulent j 1 autre de fermentation , par lequel elles tendent à s'élever d'elles mêmes,, & qui augmente à proportion que le mouvement de progreflion diminue. Ce principe admis , il n'eft plus difficile d'expliquer la formation future de cette montagne ; la matière bitumineufe que l'on peut regarder comme la caufe du mouvement de ces fluides finguliers appelles laves , étant parvenue au plus grand degré d'effervefcence , ÔC s'étant raffembléeen maffedansun même foyer, ne pouvant point avoir de mouve-mens progrellif parce qu'elle trou voit, de tous les côtés du terrein dont elle étoit entourée, une réfiftance invincible, fe fou-leva peu-à-peu , par le mouvement de fermentation 5 5c c'eft ce qui occafionna les tremblemsns de terre continuels que l'on éprouva pendant deux ans j trouvant en-fuite moins de réfiftance , ôc acquérant toujours une nouvelle force , elle rompit enfin les barrières extérieures , fermenta avec plus d activité en plein air , fit fauter les couchas du terrein qui la couvraient , qui retombant par leur propre poids fe mêlèrent avec le liquide bitumineux enflammé , ôc formèrent le Monte Nuovo, Le long de ces bords on reconnoît affez également partout trois lits différens, dé terre , de fable noirâtre , ôc d'une terre propre à ce pays,qui reflemble à la cendre;' ces lits font pofés horizontalement ; au- O i) x\6 Mémoires d'Italie. tour du Monte Nuovo on rerrouve les mêmes lirs , mais non plus horizontalement; > ils forment un arc excentrique & font confondus en partie les uns dans les autres , ce qui n'a pu arriver que par un fouleve-ment caufé par la fermentation intérieure dont je viensde parler.Comme il n'y a point eu d'éruption qui depuis ce remps - là ait recouvert ce terrein de cendres & d'autres matières propres à la végétation , il eft refté aride ôc ftérile. Ces grandes révolutions dont les veftiges font encore parlans , mêlent néceffairement quelques réflexions triftes au plaifir que caufe le fpectacle de ce pays fi charmant, Ôc font qu'on le quitte avec moins de regret. Lacd'Ayer- 7? A un demi mille environ de l'em-ne. placement qu'occupoient jadis le lac Lu- crin , ôc le malheureux Tripergole, après avoir traverfé un petit vallon tortueux, par un chemin bordé d'une haye vive de beaux arbuftes , prefque toujours couverts de fleurs , on entre dans le baflîn rond qui eft entièrement occupé par le lac d'Averne. Les hautes montagnes qui l'environnent , encore prefque partout couvertes d'arbres, qui y ont été en plus grand nombre autrefois, répandent dans ce petit val- Lac d'Av. Antre de la Sib. 317 Ion une horreur rénébreufe , qui a pu donner lieu aux fables que l'on a imaginées fur cet endroit. Très-anciennement on y facrifioit aux dieux infernaux , Hercule y vint lui-mcme après la défaite des géans. { a ) J'ai dit plus haut qu'Annibal prit ce prétexte, pour conduire de Capoue un détachement de fon armée , dans ces campagnes, ôc enlever s'il étoit poflible la garnifon Romaine de Pouzzols. Il eft très-probable qu'alors il n'y avoit point de temple , l'horreur majeftueufe de l'endroit, les bois facrés qui l'environnoient en tenoient lieu ; la tradition y avoit re- (û) ReliBis tum Phlcgrt. campls , Hercules ad mare digrejfus, opéra hontiullà , circa Avernum quem nominant lacum, qui Proferpins. facer habc-tur, pcregit. Hic inter Mifenum & Dicearchiam , juxta calidas aquas , quinque Jîadiorum circuitu , cV profunditate incredibili ,Jttus eft y limpha illi puriffima eut ingens voraginis altitudo ctruleum induit colorem. Manium ibi quondam oraculum quod ntaspoftera aboleverit, extitijfe fabulantur. Cum autem lacus ille in mare je expanderet , ku-tno congéftâ , efftuxum ita obftruxijfe dicitttr Hercules , ut viam juxta mare , qu* Heraclea ab eo vocatur t fterneret... Diod. Sic. L. 4. Je n'ai rien vû là quipût rappeller la digue que Hercule avoit élevée entre la mer & le lac,exccpté le nom de Tripergole, ce bourg abîmé en 1 j 18... O iij }10 MÉMOIRES d'ItALI*. connu la préfence des dieux infernaux Se elle (ùffif )it pour aurorifer l'efpéce de religion qui y étoit établie. Virgile que l'on peut regarder comme un hiltorien exact de ce pays, qu'il avoit habité fi long-temps,' fait fgerihet Enée fur le bord de l'Aver-ne ; il érige un autel avec les premières pierres qu'il trouve , Se immole une brebis noire Se une vache ftérile à la Nuit> à I.1 Terre Se à Proferpine , Se des Taureaux à Pluton ; à peine ce facrifice eft-il < achevé qu'il fe met en marche pour les enfers (a). Quant à l'Averne, ce lac que Virgile dépeinr h noir , ombragé de foi as de rous les côtés , au-dehxis duquel les oifeaux ne peuvoient voler impunément , fans être fuffoqués par les vapeurs em-peflées qui s'en exhaloient , qualité mal-faifante qui donna le nom d'Avetne au lac {b) ; les chofes ne font plus dans le (a) .... Ipfe atri vellens J.gnam JEneas matri Eumcnidum, magn&que forori i Enfe firit, fterilemque tibi Profcrpina vaccant» Tum flygio régi noclurnas inchoat aras ; Et folida imponit taurorum vifeera fiammis. Mneid, 6. (b) ,... Tuta Lieu nigro , nemorumque teriebrij Lac d'Av. Antre de tX Sib. 319 même état, il ne paroît pas que ce lac rende aucune vapeur nuifible ; on le dit poifton-neux , j'y ai vû plufieurs oifeaux de rivière, tk furtout beaucoup de plongeons , mais il ne s'enfuit pas delà que Virgile en ait fait une delcriptiori imaginaire j il pou-voit très-bien fe faire de fon temps, que des ruilfeaux de foufre tk de bitume fe fuffent mêlés à fes eaux , tk: euffent fait périr les poilfons tk les oifeaux qui l'ha-bitoient , ainfi qu'il eft arrivé plufieurs fois depuis dans les révolutions occafion-nées par les tremblemens de terre fi ffé-quens dans ce pays ; tk même que dans ce temps il s'élevât des vapeurs au(îî dan-gereufes que celles de la grotte du chien dans lefquelles les oifeaux périffent fi prompremenr. Lucrèce parle très-fenfé-mentà ce fujet , tk donne la raifon pour laquelle on a appelle Avtrne tous les lieux dont l'air étoit contraire aux oifeaux (a). Quam fuper haud ulU poterant impiirtc volantes Tcndere iterpennit : talis fefe halitus atri s Faucibus ejfundens y fupra ad convexa ferebat y Unde locum Graii dixerunt ncmine avernum... Uid, (a) Principio quod Averna vocantur, nomen id ab re O iv 2io Mémoires d'Italie. Il ne faut donc pas accufer d'impofture les anciens qui ont parlé de l'Averne & de fes environs comme d'un endroit inhabitable. Il eft plus raifonnable de croire que les chofesayant changé, les effets ne font plus les mêmes. Augufte qui avoit le deifein de faire un port de ce lac fit couper les arbres élevés qui l'environ-noientde toutes parts, pêrifâiit avec raifon que l'épailfcur des forêts , faifant obftacle à la libre circulation de l'air , y concentrait 6c rendoit ftagnnntes des vapeurs, Î[ui , en route autre pofition , fe fuf-ènt exhalées librement, de n'auroient pas contracté une qualité peftilentielle. Les Impofitum eft : quia funt avibus contraria cunttis £ regione ea quod loca cum venere volantes , Remigiioblitê., pennarum vela ternittunt : Prxcipite/que cadunty molli cet vice profuft In terram, fiforte ita fert natura locorum y Aut in aquam fi forte lacus fubftratus Axernoeftt Qualis apud Cumas locus eft 3 montemque Vefe-vum y Oppleri calidis ubi fumant, fond bus auSius. Lucret. L. 6, On voit furtout par ces derniers vers que Lu-crecc n'attribue une force peftilentielle aux peurs de l'Averne qu'eu certains temps. chofes changèrent effeûivement & font reliées dans le même état depuis plus de dix-fept fiécles , à quelques révolutions près qui n'ont cauféque des changemens momentanés \ je ne doute pas que l'éruption qui fe fit en ce canton en 1538 ÔC qui détruifit un bourg bien peuplé n'aie contribué à la dépopulation que l'on y remarque encore. Les eaux du lac d'A-verne font fraîches , vives ôc lympides j leur couleur eft bleuâtre ôc obfcure , qualité que leur donnent les bords du lac, les arbres qui l'environnent, & fa très-grande profondeur que l'on dit être au moins de quatre cent pieds ; ce qui eft prodigieux pour un efpace aufli refferré, le lac n'ayant au plus que deux tiers de mille de diamètre. Cette profondeur, fépaifleux des forêts qui l'entouroient , l'obfcurité qui y iépandoit une certaine horreur , la fraîcheur même du lieu qui faifiifoit des hommes habitués à une température chaude ôc douce , toutes ces caufes naturelles réunies , avoient lait imaginer d des gens qui divmiioient tout, que ce lac étoit une des entrées des royaumes fombres de Pluton Au nord de l'Averne, fur le bord, font les reftes d'un temple antique très-élevé Ov Mémoires d'Italie. Il eft tout conftruit de briques, de forme ronde à l'intérieur. Son diamètre eft de quatre-vingt pieds , on y voit quelques niches alfez grandes , où fans doute ont été des ftatues , qui peut être font cachées fous fes ruines; car il ne refte plus qu'environ la moitié de l'édihce, qui eft couvert en partie d'une voûte ou coupole très-élevée ; on voir autour quelques veftiges de conftructions du même temps qui ont été pour le fervice de ce temple. On dit qu'il étoit confacré à Apollon , à caufe du voifînage de la Sibille , mais fans aucune autre preuve ; je le crois bâti poftérieure-ment à Virgile , car il ne l'indique pas ; celui dont il parle doit avoir été à Cumes „ dont ii marque la pofition de manière à" ne s'y pas tromper... Autre de la 8. Vis à-vis de ce temple au midi du ■Me de eu- |nc ^ eft ]afameuîe grotte appellée l'antre de la Sibille ; quantité de terres amalféc-s au devant, en embarrauent l'entrée , & font caufe qu'il y faut defeendre à environ vingt-pieds de profondeur ; elle eft à peu-près telle que Virgile l'a décrite (a). L'ou- S;elunca altafuit , vefioque immenis kir:tu„ Sauf ci , tutu ùcu n g-o , nemoruirquc lenebris... verture large , remplie de cailloutages , couverte d'épaiffes forêts , 6c défendue par un lac noir tk profond ; mais en même-temps elle reffembîe tant à l'intérieur à la grotte du Paufîlippe , que l'on eft très-porté à ctoire qu'elle fut creufée autrefois pour avoir une communication de Cumes au lac d'Averne. L'ancienne célébrité de-cet endroit rend cette conjecture afïez probable , à préfent elle n'a plus qu'environ deux cent pas de profondeur ,& eft terminée par Un éboulement qui s'eft fait à la "fuite de quelque tremblement déterre;, je l'ai examinée de tous les côtés , & je n'y ai pas remarqué la moindre trace de reptiles , d'infeétes ou d'autres animaux qui s'y retiraffent. Mifïon dit que la grotte fait l'équerre £ droite , tk qu'après environ quatre-vingt pas on trouve une petite cellule qu'il compare à la chapelle qui eft au milieu de la grotte du Paufîlippe ; mais rien ne lui ref- Procul, o procul efie prof uni „ Conclamatvatcs s totoque abfifiite luco : Tuque invade viam , vaginaque eripeferrum i Nunc anitnts opus JEnca , nunc petiote frmor Tantum effata , furens antrofe immifit aptrto, litc duce:n , haud timidis vadentempajfièus equarr Ovj 314 Mémoires d'Italie. • femble moins , & fa defcription quant i cette partie eft tout-à-fait fautive tk n'a rien qui indique la poiition des lieux tk qui puiffe en donner une idée. II paroît certain que la grotte principale n'a jamais fait équerre , tk qu'elle ctoit ouverte en ligne droite dans toute fa loi gueur, ainfi que le Paufîlippe. Quant à la partie , qui eft effectivement à droite , elle ne reffem-ble en rien au refte de la g' otte On y entre par une petite porte quarrée ouverte dans le rocher qui a environ cinq pieds ôc demi de hauteur fur trois de largeur y elle conduit à un mauvais efcalier taillé dans 'e roc qui va en tournant, & dont il n'eft pas ailé d'eftimer la profondeur, mais qui doit être de plus de cent pieds au-deffous du niveau de la grotte , à en jug^r par le temps que l'on emploie à descendre. Le paffâge eft étroit, il a a peine partout trois pieds de largeur & on n'y peut descendre qu'à la file. Il conduit à deux petites pièces quarrées taillées dans le roc qui ont été autrefois ornées d'Arabefques en ftuc, d'un tirs-joli travail, à en juoer par le peu qui en réit ■ ncore , tk que l'on peut comparer avecl~s ornemens du tombeau d'Agrippine qui n'en eft pas éloigné. Lac d'Av. Antre de la Sib. jtf Cela s'appelle dans le pays, les bains de la Sibille ; on prétend qu'il y avoit une fuite de pièces plus confidérables , cela peut être , parce q;:e la féconde qui eft plus grande que la première, eft terminée Se comblée en partie par un éboulement de pienes & de terre qui s'eft fait par le haut. Loifque j'ai vû ces deux pièces, il y avoit au moins un pied d'eau dans la première Se un peu moins dans la féconde. Il y a eu autour une efpéce de banquette qui fublifte encore en partie , Se fui Inquelle on fe place pour examiner le travail. Il eft difficile d'imaginer à que! ufrge ces chambres fouterraines ont été deftinees ; tout ce que l'on en peur dire d'apiès la tradition , c'eft qu'elles ont fervi à des bains; mais quel morif avoit pu détei miner à les aller chercher à une li giande profondeur dans le roc, dans l'oblcurite la plus épailfe, car on ne voit pas qu'il ait jamais été pof-fible, ni même que l'on ait tenté de tirer des jours du dehors ; je croirois volontiers que cet endroit a été originairement def-tiné à quelque partie du culte religieux qui regardoit les morts, ou les dieux infernaux. Le filence, I'obfcurité profonde qui régnent dans cet endroit, font alfez propres $l(S MÉ MO TRES d'ÏTAL i t. à donner une idée de la defcente d'Enéç aux enfers. Il eft vrai qu'au lieu d'avoir jftne Sibille pour guide, nous n'avions que quelques payfans des environs, dont le langage barbare, l'air nide tk groilier, ce le fale ajuftenunr , leur dennoit aitèfc de relfemblance aux miniftres fubalternes du Tartare. A la place du rameau d'or, chacun porte une peute torche poiffée , dont la ïombre lumière ferr à l'éclairer. C'eft dans cet équipage que l'on croit descendre au centre de la terre. Les guides ruftiques ne manquent pas d'encourager ceux qu'ils conduifenc, tk leur non dub'ui répond au Nunc animis opus Enta , nunc peciore jnmo , de la Sibille. . . La nature avoit formé alors autour de l'ouverture extérieure de l'antre une jolie décoration ; un gros jafmin jaune planté au- delfus étendoit fes branches en guirlandes du plus beau verd entremêlé de Heurs, aux côtés étoient d'autres arbuftes. Ces objets gracieux femblent faits pour ralfûrer ceux que la carîoîîte conduit plus loin. Tous les environs du lac d'Averne & les coteaux qui l'entourent, font ou cultives ou plantés d'arbres de toute efpéce , & ce petit territoire a l'afpetc le plus frais 6c le plus agréable. Lac d'At. Antre ©e la Srs. zi-j A deux milles environ de Pouzzols fur la droite , on voit la montagne de Falerne [a) , où l'on recueilloit ce vin fameux , tant chanté par Horace ; elle eft encore couverte de vignes; j'ai bû du vin que l'on y fait, il eft fort rouge , de bonne qualité , tk acquerroit un degré réel de bonté , fi on le confervoit autant de (a) Le vin de Falerne , dit Gallien ( L. i. d Antid. ) commence à être bon à fa dixième année , mais il eft à fa perfection depuis quinze juf-qn'à vingr. Plus vieux , il caufe des douleurs de tête & attaque les nerfs, il y en a de deux efpéces, f un fort & l'autre doux ; lî le vent du midi fouf-fle pendant la vendange, il eft doux & très-rougej fi la vendange fe fait par un autre temps , il eft plus fort , & plus clair ( gris ). Pline en ajoute une troilîéme efpéce qu'il appelfe petit vin , tenue. Je ne feais pas par quel vent avoit été recueilli celui que j'aibû, mais il cenoit des deux qualités , il avoit de la force & de la liqueur , & ii étoit d'un rouge foncé. Il faut voir tous ces détails dans Athénée ( L. i. ). Il nous dit que quand le raifin avoit été foulé , on le lailfoit a. l'air pendant quelque temps , afin qu'une partie de fon feu s'évaporât, précaution qui conni-buoit à rendre ces vins fi épais-, qu'on ne pou-voit plus les boire qu'en les délayant ou les fai-fant fondre. Il y en avoit cependant d'autres, moins épais > ce.ix à'Adria furtout, on lesre-gardoic comme plus légers & plus faim__.. Mémoires d'Italie. tems que les anciens Romains, mais à préfent on le boit dans l'année même qu'il aété fait ; on n'imagine pas qu'il faille le garder plus long tems pour qu'il foit meilleur. Je dirai à ce fujet qu'il y a des vignes dans toute l'Italie , excepré dans les parties les plus élevées de i'Appennin ; on tranfporte le vin d'un endroit à l'autre dans des futailles longues,de forme à peu-près ovale , plus larges au milieu qu'aux deux bouts ; c'eft ce que l'on appelle botté\ mais pour l'ordinaire chaque payfan n parmi fes meubles un gros tonneau , plus large que long , folidement ti availlé. Dès que le vin vieux eft bû on le remplit de nouveau, que l'on commence à boire àuffi» tôt qu'il y eft \ comme la plûpait de ces vins, fur tout dans le midi , font très-fumeux ôc très chauds, on en boit peu, Sz un tonneau de cette taille eft à-peu près la provifion du payfan pour fon année. Après avoir bien examiné le lac d'A-verne & fes environs , on traverfe une féconde fois le lac Lttcrin , 6c le Monte Nuovo, 6c on fe rembaïque pour fuivre la côte , 6c jouir de la vue des mines antiques , qui font en paitie recouvertes des eaux de la mer, en partie attachées* à la montagne efearpée, fous lacjuelleil paroît Bayes et ses environs. ytf que la mer continue à faire des excavations. 9. Tout ce pays eft rempli de fources Etuvw se d'eaux chaudes Ôc minérales, de bains ôc ^ d*j2 d'étuves de toute efpéce ; ce que l'on doit Néron, attribuer à la qualité même du terrein , Ôc aux feux intérieurs qui 1 échauffent continuellement (a). Le premier objet qui arrête font les bains ôc les étuves deTti-toli, ditscommunément/? elles font très limpides. II y a différentes chambres Se étuves taillées dans le roc Se plufieurs galeries que l'on ouvre tous les ans au commencement de l'été, qui eft la faifon de ces bains. Toures les ouvertures en font murées pendant le refte de Tannée , parce que le peuple des environs Se même celui de Naples fe fervoient de ces retraites obfcures pour y faire des parties de débauche , qui fouvent devenoic-nt tragi-qu s. Les millionnaires des différens ordres fe font réunis pour obtenir du Roi l'ordre de tenir fermés tous ces endroits afin d'arrêter ces defordres Se les aifem. blées qui y donnoient lieu. Mais les galeries quiconduifentaux fources bouillantes font toujours ouvertes ; on n'a pas lieu de craindre que l'on s'y arrête trop longtemps. Tous les ans lorfque la faifon-eft venue, l'hôpital Se la ville de Naples entretiennent a frais communs , des médecins , des apothicaires & d'autres perfon-nes pour fervir les pauvres qui viennent prendre les étuves Se boire les eaux ; peu y trouvent une guérifon radicale , parce qu'on ufe de ces remèdes fans précautions i3 ou que peut-être ils ne font pas Bayes et ses environs. 53$ alfez actifs pour détruire des maladies invétérées qui exigent outre ces eaux des traitemens particuliers. Ainfi elles ne font pour la plupart des malades qu'un palliatif qui leur rend plus fupportables des douleurs qui pour l'ordinaire font la fuite de leurs débauches, Se qui enfin les réduifent à l'état le plus déplorable, ainfi qu'il eft aifé de s'en appercevoir dans plufieurs de ces viétimes du libertinage qui offrent le fpedfacle le plus affreux, Se le plus dégoûtant. Ces bains ont toujours été tres-fameux , Galien en a parlé avec éloge. Au-deffous des étuves dans le même rocher font creufées de grandes voûres où ont été des bains d'eaux chaudes Se froides ; ils font dit-on l'ouvrage des premiers empereurs Romains ; il refte aux voûtes quelques portion s de revêtiffemens de ftucs en bas-reliefs, que l'on voit avoir été d'un très-bon goût, mais l'humidité de la mer qui vient battre dans ces bains mêmes par les gros temps , détruit infen-fiblement ce qui en refte ; ils font garnis de grandes baignoires de pierre, où on pouvoir mettre l'eau à la haureur que l'on jugeoit à-propos. L'un de ces bains eft comblé en partie des fables que la mer y 554 Mémoires d'Italie. charrie lorfqn'elle eft agitée , l'autre qui n'eft pas ii expofé eft mieux confervé. On prétend que ces deux bains étoient autrefois entourés de petites ftatues qui mar-quoient chacune avec la main la partie du corps-'où réfîdoit fpécialement quelque maladie dont les eaux guériiïbient ; il y avoit outre cela des infcriptions audefTous qui expliquoient la même chofe j ainfi on pouvoir regarder ces ftatues comme autant de médecins perpétuels , qui indi-quoient gratuitement la propriété Se l'ufage de ces bains ; mais on ajoute que les médecins de l'école de Salerne , voyant le crédit qu'acquerroient rous les jours ces bains àleurgrand détriment,, vinrent pendant la nuit, rompirent les ftatues Se effacèrent les infcriptions. Quelques reftes de petites guaines ou corniches en ftucs qui regnoient autour de ces falles , peuvent avoir donné lieu a cette hiftoire populaire qui paroît fabuleufe ; il eft bien plus vrai-femblable que ces bains furent comblés en partie Se ruinés lors de la deftruction de Tripergole, qui contribua beaucoup à les faire abandonner. Les canaux qui y conduifoient les eaux piroiifenr détruits • il n'en refte plus que quelques parries qui aboutiffent aux bains d'eaux froides. Bayes et ses environs, zie „ 10. Le petit golfe de Bayes qui fuit, Golf, de préfente encore dans fétat de défolation &'plepsa^: où les tremblemens de terre l'ont réduit, «k»e*. un fpectacle vraiment intéreffant ; la nature y conferve toute fa force & fa beauté; la végétation des plantes , & des arbres, y eft vigoureufe , prefque toujours fraîche , les rigueurs de l'hy ver n'y ont jamais de continuité :, le climat y eft encore le même que dans les beaux jours de Virgile (a) & de Martial qui n'ont pas crû pouvoir louer alfez cet endroit délicieux. 11 eft vrai qu'alors c'étoit le fiége même du luxe & de la magnificence des Romains j ils avoient choifi de préférence cet endroit délicieux pour s'y livrer avec excès à leurs pallions les plus défordon-nées ; la vertu même, fi elle ofoit s'y ex-pofer , y trouvoit des écueils auxquels elle ne pouvoit échapper -y l'air de cette con- (a) Hic ver ajfiduum , atque alicnis menftbus aftas... Virg. Georg. 2. Littus beattt-vencris aureum > Bayas, fuperbâ, blanda dona naturt, , Ut mille laudem, Flacce , verfibus Bayas : Laudabo digne nonfatis tamen , Bayas. Mart. Ep. ii. I. xi. zi6 Mémoires d'Italie. crée étoit vraiment peftilentiel pour les mœurs (a). Mais on ne voit plus que quelques vertiges de cette magnificence antique. Partie de ces palais fameux, ont été culbutés par les tremblemens de terre, la mer a recouverr le refte de fes eaux, ôc ce pays toujours délicieux n'eft plus habité cjue par quelques hommes grolîiers, que la douceur du climat énerve plutôt qu'elle ne les adoucit } car dans la plus grande indolence, ils confervent une forte de dureté féroce qui étonne , quoique l'on puilfe dire que la nature eft à leurs ordres, Ôc que pour le peu qu'ils fe donnent de peine , la terre y produit abondamment les fruits les plus délicieux. Les plus beaux arbres croiffent à travers la campagne naturellement ôc fans foin. Toute cette côte eft couvette de ruines de conftructions magnifiques , que l'on dit avoir été les palais de Marius , Silla, (a) Cafta nec tntiquis , cedens L s.vma, Sabinis Et quamvis tetrico triftior ipfa viro ; Dumrnodo lucrino, modo fe permittit averno , Et dum Bayanisf&pefovetur aquis , Incidit inflammas fjuvenemque fecuta , relicio Conjugc, Pénélope yenit, abit Hélène... Mart.Ep. 6}. I. i. Pompée y Bayes et ses environs. Pompée, Céfar, Néron , & aunes illustres Romains. Ces grands édifices écoient de briques revêtues de marbres ; on en ▼oit des reftes confidérables fous les eaux de là mer , à quelque diftance de la côte qui eft très-efcarpée en plufieurs endroits j J'y ai vû de grands morceaux de mofai-que , des fragmens de colonnes & de chapiteaux des plus beaux marbres , mieux conf.-rvés que ceux qui font à l'air Se qui décorent ces ruines , dont partie font comme fufpendus au-deffus des eaux qui s'étendent toujours de ce côté , Se qui y ont peut-être gagné autant de tertêin qu'elles en ont perdu fur la côte d'Afrique qui y eft oppofée (a) j il ne m'a pas paru que (a) S'il y avoit un obfervateur établi dans ce pays, comme il y en a eu un dans ce fiécle fur les côtes d'Afrique, ne pourroit-il pas , à l'aide des ruines qui fe voient encore dans la mer, calculer ce que les eaux y ont acquis d'étendue , & établir une compenfation jufte entre ce que la mer gagne d'un côté & perd de l'autre , atin de raffùrer l'Europe fur la crainte d'un atrerriffemeac général de la méditerranéc qui lui a été annoncé? J'ai déjà dit ailleurs que les Vénitiens ne paroif-fent pas avoir à craindre que leurs lagunes foient jamais réunies à la terre ferme, fuivant l'ordre de calcul établi par Telliamtd lui-même, le con- Tomt IV. * p $,$ Mémoires d'Italie. l'on fut fort curieux d'entrer dans ces ruï-nés pour les vifiter de près ; elles font fur un terrein peu folide, ôc pour peu qu'on les obferve, on en voir des parties fe détacher ÔC tomber dans la mer -y ainfi s'il n'y a de ces bâtimens que ce que l'on en voit au-dehors, bientôt il n'en reliera plus que le fouvenir, les vertiges s'en détrui -fant fenfiblement j mais il y a grande apparence que certe côte a été bouleverfée par les tremblemens de terre , ôc qu'une partie de ces belles conftrucfions Romaines font cachées \ de forre que fi l'on vouloir y fouiller on pourroit trouver d'aufîi beaux monumens de peinture, de fculp-ture ôc de mofaïque , que dans les ruines d'Herculée à Tivoli , ôc dans les autres endroits que les Romains s'étoient plu a m,---. traire me femble démontré , ainfi il eff à préfii-mer que les chofes relieront à-pcu-près au même état, & que les changemens qui fe feront fur la futface du globe ne feront qu'accidentels 5c iocauy , & non pas univerfcls ; & cela pour tout Je temps qui eff. fixé à la durée du monde. La mer a encore plws gagné dans le golphe de Gayette que dans celui-ci. Les marais Pontins »e font encore qu'une extçnfion de la mer , mais qui a fi mal réuffi qu'on veut la forcer à reftituer le terrein dont.elie s'eft emparée. Bayes et ses ïnviron-s. $ * 9 décorer ; je ne doute même pas, que les eaux de la mer nayent englouti des tré-fors dans ce genre. Tout ce pays a été orné avec magnificence , dans le temps que les arts étoient à leur point de perfection , & que les Romains maîtres de l'univers étoient au plus haut degré d'opulence. Le temple de Sérapis découvert nouvellement, 6c auquel on ne penfoit pas , eft d'un heureux augure pour ceux qui entreprendroient de fouiller fur cette côte, avant que la mer n'ait poulie fes excavations plus loin... Un de ces palais, les plus confervés , eft celui de Pifon, ou dans la conjuration d'Epicaris il avoit été réfolu de tuer Néron , qui venoit fouvent y prendre les bains , 6c faire des repas fomptueux, fans gardes ôc fans fafte , comme fimple particulier. Mais Pifon n'y voulut pas con-fentir , difant que la fureté de la table >_ Se le refpeét dû aux dieux hofpitaliers , ne dévoient pas être violés , même par le meurtre d'un tyran odieux à tout l'Empire ( a ). Ces fentimens étoient bien (a) Placitum maturarc caicm avud Bayas in villa Pijonis : cujus amtnitate captts Ctfat cre- Pij 54° Mémoires d'Italie.' beaux & bien rares dans un fiécle fi corrompu. Le petit golfe de Bayes eft entouré d'un côreau en quarr de cercle oui vient finir dans la mer même , outre plufieurs grandes ruines qui font au-deffus Se entremêlées de toutes fortes de beaux arbres , il eft enrichi dans le bas du valon , Se rrès-piès de la mer de quelques temples antiques d'une forme éiégante. Le premier eft , dit-on , un temple de Vénus que l'on croit avoir été conftruit par ordre de Céfar & dédié à fenus Ge-nitr'ix. La moitié de la coupole fubfifte encore de même que les petites chambres ou chapelles décote , Se les bains qui fer-voient aux miniftres ; on a prétendu que ce n'avoit été anciennement qu'un édifice de bains, Se non pas un temple , fen-rimenr que l'infpection même des lieux démontre être faux. Il eft évident que la partie principale a été unfancf uaire j qael- hrovtntitabac , batneaque & epulas inibat t otnif. fis excubiis & fortune fut mole : fed abnuit Pif0 invidiam pritendens , fi facra menft j diique kof-pitales y cade qualifeumque principis cruentaren-tar.... Tacit.AnnalJ.it Bayes et ses invirons, t+t ques niches qui fubfiftent encore & la forme de conftruction ne laifTenr aucun lieu d'en dourer. On peut voir au-delfous plufieurs chambres qui à préfent font comblées en partie tk paroiffent fouterraines, mais qui n'onr pas éré ainfi dans le temps de la conftruction ^ elles fonr encore ornées de quelques ftucs en bas-reliefs, d'un beau rravail, 6c on y voit quelques veftiges de peintures abfolument effacées. Tout ce qui en fubfîfte donne à croire , que ce • temple a été effectivement confacré a Vénus tk à fes myfléres, 6c que c'étoit un lieu de débauche autorifé par le culte impie de ces remps tk furtout de ces lieux. Ces anciennes conftruétions font chargées d'une multitude d'ntbuftes qui y ont pris racine depuis fi long-temps , que quelques-uns même ont percé à travers h s voûtes ; on me fit voir une de ces racines pendante à une des voûtes fouterrai-nes , qui paroilfoit pétrifiée, fans avoir rien perdu de fa forme. J'en caftai quelques petits morceaux, tk après les avoir bien examinés , je vis effectivement que les eaux de pluyes, en fe filtrant, avoient charié de la pouzzolane extrêmement fine qui s'étoit introduite dans les fibres des racines , les avoit divifées , tk s'y étoic Piij MÉMOIRES p'ItALII.^ unie an point qu'elles fembloient pétri-fiées : ell-s étoient caftantes & g ri fes 5 peut-être é oit-ce la couleur naturelle de la racine ; ta refte , cela doit plutôt être xegirdé comme une efpéce de ftalactite que comme une vraie pétrification. Dans le même valon eft un autre temple dit de Mercure, il refte trois arcs du fonds qui donnent à croire qu'il avoir éré conftruit fur le deifein du temple de la Paix à Rome, mais beaucoup moins grand; on voit à la voûte un refte d'omemens en ftuc , à compartimens ôc à pans dans le même goût que ceux du temple de la Paix... Le temple de Diane que l'on trouve fur le même rivage , étoit une tour ronde avec une grande coupole, qui droit fes Jours par une ouverture frite au comble , comme au Panthéon de Rome * toute la partie fupérieure eft détruite , il n'en refte plus que les murs avec des niches autour. Ces reftes d'édifices antiques qui confervent encore quelque apparence de grandeur, ornent beaucoup la vue de ce coteau délicieux, qui eft prefque tout planté de figuiers entremêlés de beaux arbuftes, de fleurs & de plantes de toute efpéce, qui y croilfent plus heureufement que dans tout autre climat; mais rien n'eft Bayes et ses environs. 343 plus difficile que de marcher dans les ruines fur lefquelles toures ces plantations ont été faiies ; il y a des inégalités fréquentes , dont la plupart font remplies d'eaux; on culbute , on fe déchire, il n'y a qu'une très-grande curiofité qui puifle vaincre ces obftacles. Il eft vrai que les gens du pays s'offrent volontiers à porter les voyageurs fur leurs épaules ; c'eft une race de Grecs affamés qui fonr tout pour de l'argent ; mais outre que cette façon d'aller n'eft ni fure ni commode, le bavardage de ces gens qui veulent raifonner fur les antiquités , eft plus infoutenable encore que le mauvais chemin , & ne fert qu'a troubler les idées de vraifemblance que l'on peut fe former. Ce que l'on voit c'eft que tout ce coteau a été rempli d'édifices dont les ruines fe montrent partout , &c il y a apparence, que l'ancienne ville de Baya s'étendoit depuis la pointe où eft bâti le fort de ce nom jufqu'aux bains de Tritoli, & que le refte de la côte jufqu'à Pouzzols étoit une fuite d'édifices &c de maifons de plaifance qui n'étoit interiom-pue que par le lac Lucrin. 11. Le petit château de Bayes eft fitué , r 1 1 -i > 1 1 * • r Cbarcau de lut le cap de ce nom } il a ete bau fous Bayes, tom-le viceroi Pierre de Tolède , & eft très-*-au d'A£ÏJ^ P iv 544 Mémoires d'Italie. bon pour défendre la plage des environs; il y a un petit môle avancé dans la mer,avec quelques ouvrages à fleur d'eau garnis d'artillerie, & toujours une bonne garnifon ; mai; la place ne vaut rien du côté de terre, elle eft dominée par une montagne plattequien eft très-voifine, de forte que dans toutes les révolutions , elle n'a pu tenir contre les batteries placées dans cet endroit , qui la foudroyoient fins qu'elle pût s'en mettre à couvert. C'eft à Baya que l'empereur Adrien mourut , cherchant dans la beauté de fa fituation tk la falubrité de fon air, un fou-lagement à fes maux tk une prolongation à les jours, qu'il n'y trouva point.Au itft^ il ce que l'on raconte de la façon dont il exhortoit fon ame à partir eft vrai, il pa-roît qu'il avoit bien pris fon parti & qu'il mouroit tranquillement. Le petit port de Bayes eft bien fitué , & les bâtimens y trouveroient un bon abri s'ils pouvoient y aborder fûrement, mais les ruines d'édifices dont il eft rempli, y font aufli dan* gereufes que les rochers. Il y a quelques ieftes d'un môle rrès-anciennement conf-truit, que l'on apperçoit quand la mer eft calme. Après avoir couru cette côte & double Bayes et ses environs, z+c lé petit cap de Bayes , on va defcendre à un petit port qui eft au bas du village de Baiili , lieu très ancien, dont on trouve la pofition exactement décrite dans Tacite (a). C'eft-là où Néron conduifïtfa mere lorfqu'elle artiva de Rome pour prendre part aux fêtes qui dévoient y être célébrées A gauche de ce petit port eft le tombeau de la féconde Agnppine (b), un des monumens les plus authentiques qui exiftent y Tacite en indique encore la pofition , de façon à ne pouvoir s'y trom- {>er... C'eft une voûte à plein ceintre , plus ongae que large, revêtue de ftucs , travaillés d'un excellent goût de deifein, les murs ont été décoés de quelques peintures , tout-à-fait effacées.A la forme de l'édifice qui eft fort bas , d paroît que les domeftiques d'Asrrippine n'oferenr pas lut élever un monument plus apparent, mais (a) Excipit manu & complexu , duciique Baillas : id villa, nomen cjl qua. promo.ntorium M fe~ num inter & Bayanum lacum flexo mj-i ai'iuitur..* Tacit. An* l. 14. (b) Domeflicorum curâfevem tumulum acceph 9 via n Mife.ii propter & villam C&faris diciatoris qua. fubjerfos f.nus editijfîma profpeclat. Tacite mu P v $4<> Mémoires d'Italie. [ ils n'avoient rien épargné pour l'orner £ l'intérieur. C'eft grand dommage que la fumée des torches que l'on y poire & l'hu-midité l'ayent noirci au point qu'il s'y eft amafle une fuye épaiffe qui couvre une partie des ornemens ; il feroit encore facile de la faire romber, ôc fi les lvbitans du pays vouloient prendre quelque foin de ces monumens antiques qui leur font d'un revenu atfûré , par leur artention à mettre à contribution la curiofiré des étrangers , il eft fur qu'ils les conferveroient mieux ; mais ils femblent prendre à tâche de les détériorer eux-mêmes pour leur donner un air plus antique. La voûte du tombeau d'Agrippine , quoique recouverte en partie à l'extérieur des terres du coteau, paroît être entière 6c n'avoir fouflert aucune altération. Mais l'entrée eft comblée déterres, il y en a beaucoup dans la voûte même qu'il feroit aiféd'enlever;on ne peut pas'voir comment elle a été pavée ni ou ctoit placée l'urne cinéraire, tk cela par l'a-f>andon où on laiffe ces monumens cu-jieux. Celui-ci eft dans le milieu d'une plantation de vignes tk de figuiers, & fermé d'une mauvaife porte qui ne tient pas jtu corps de l'édifice. Il faut lire dans Tacite toutes tes. horreurs qui accompagnèrent U Baves et ses environs. $47 jnort d'Agrippine, que l'on avoit d'abord eu le projet de noyer par le moyen d'une barque qui s'entrouvriroit lorfqu'elle paf-feroit de Baiili à Bayes ; mais ce ftrata-géme n'ayant pas réuni , la malheureufe princeffe fe jerta dans une petite barque a l'aide de laquelle elle pafla jufqu'au lac Lucrin , tk delà à fa maifon de campagne où elle fut alfaffinée la même nuit le quatorze des calendes d'avril, ou le dix-neuf mars , temps auquel on célébroit à Bayes des fêtes à l'honneur de Minerve , appellées Quinquatries, qui duroient cinq jours. Le premier fe paffoit en réjouilfan-ces s les autres en différens combats de gladiateurs (a). Cette defcription contribuera beaucoup à faire reconnoître la portion de la plupart des monumens antiques qui bordent cette côte. 12. Le village de Baiili eft fur la hau> Bàu!?. aw-teur, il eft peu confidérable f & bâti en . (a) Una dies média eft , & fiant facra Minerve^ Nominaque a junclis quinque diebus kabet. Sanguine prima vacat, née fus concurrereferr» v Caufa , quod eft illâ y nata Minerva, dier Altéra trtfquefuper,ftratd celebrentur arenây Enfibus éxpertij, bellica Ut a dea eft,.. Oyid. Fafior, t, Pvj 348 Mémoires d'Italie. partie fur les ruines mêmes de conftruc-rions antiques dont cette campagne eftr couverte ; avant que d'y arriver on traverse un chemin allez large , entouré de part & d'autre , en allant du nord au midi t de cimetières antiqucs,qui fubhltent encore; pour la plus grande paitie ; on voit qu'ils ont été co ftruits avec foin & décotes avec goût, quelques-uns font encore revêtus; de bas-reliers, de peintures ÔV même de dorures Les différentes voûtes qui font aux deux côtés de ce chemin ont douze à quinze pieds de longueur fur enviion dix d? largeur , remplies de niches d'égale grandeur otï fe inettoient les urnes cinéraires. Au milieu de chaque voûte étoit line niche plus coniidérabl- , defhnéefans doute à placer l'urne de quelque perion-nage diftingué ; dans quelques-unes même on voit des reftes de petits monumens élevés dans le nnlieu de la voûte, 11 paroît que chaque famille ou maifon considérable avoit le lieu de fa fépulture> fépare, à en juger par la quantité de chambres qui font à la fuite les unes des autres. L'enduit intérieur croit propre &c d'une qualité excellente y il a réiifté j.uf-qu'à p éfent à toutes les injures de l'ait êe du temps s dans les parties découver- Bayes et Cumes. tes comme dans celles qui font entières; il eft encore uni , brillant tk très dur ; l'ouvrage extérieur eft en brique quarrée, de même échantillon que celle que les Romains emplo\oient dans Yopus rcticu-latum , c'eft à due dans les confti uéhons qu'ils vouloient rendre folides tk durables, 'foute cette fuite de bâtimens abandonnés à la curiefîté du public , fourni-toit de très jolis logemens où il y auroit Îi u de dép.nles à faire, pour les rendre îabitables, fi le pays étoit mieux peuplé. A droite eft un lac plus long que large qui communique à la mer par un canal étroit, & on y retient le poilfon qui s'y engraiffe tk y multiplie beaucoup pendant l'hyver. C'eft ce que les poètes ont appelle l'Acheron , & ce que les gens du pays appellent a jourd'hui le lac Fufaro, entre la pointe de Miféne tk les ruines de Cumes. C'étoit-ià que réfidoit le batelier Charon , qui fans doute étoit un vieillard d'humeur rnfte , dont 1 emploi principal étoit de palfer d'un bord du lac à l'autre, les urnes cinéraires que 1 on venoit placer dans les fépulchies dont j'ai parlé , que ion regardoir comme l'habitation des mânes ; tk Charon n'en paffoir aucune qu'il ne fut exactement payé tk d'avance* yto MÉMOIRES d'ÏTAIII. De l'autre côté far une pente douce quï s'érendoit jufqu'au botd de la mer, entre le midi Se le levant , étoient les champs Elifées , probablement dans des jardins plantés de beaux arbres Se arrofés de fon^ taines. C étoit là que l'on avoit établi le féjout fortuné des ames des gens de bien. On ne pouvoir pas leur donner un climat plus délicieux à habiter aujourd'hui mcmej que tout ce canton a été entièrement culbuté par les tremblemens de terre & les éruptions qui les ont accompagnés , ce climat eft encore de la plus grande beauté; l'hyver ne s'y fait jamais fentir , les plantes les plus tendres & les plus délicates y croiifent au mois de décembre Se de janvier. On peur y cueillir dans cette faifon des poids verds qui croiffent en plein air;, tous ces lieux célébrés paF les poètes fuV> filtent encore fous les mêmes noms, Se on voit à-peu-près ce qui a donné lieu à leurs fictions. Quant aux royaumes fom-bres de Pluton Se de Proferpine,& aux juges redoutables qui décidoient du fort des ombres ; on peut retrouver l'origine delà première de ces fables dans les volcans > Se placer fi l'on veut le trône du prince enfumé du ténébreux empire, fous la Solfatarre , ainfi qu'a fait Pétrone j mais poux Ba vis ht Cvues. jj^ le tribunal des Juges., il n'en refte pas le moindre veftige. Cette petite contrée eft connue dans le pays fous le nom de Mer-cato delSabbato\ au refte le païfan le plus grofîier fçait la pofition des champs Eii-iees, ôc de l'Acnéron. 12. En avançant du côté de la pointe vjCci?e™* j »/•// 1 r r r veilleufc. Cap de Milene, on trouve lous terre une coni de Miféne* trudion antique bien confervée , faite, dit-on , par les ordres d'Agrippa, lorfqu'il avoit le commandement des forces navales des Romains, pour fervir de refervoir d'eau douce pour la fourniture des vaif-feaux , dont la (ration ordinaire étoit entre le cap de Miféne ôc Bayes. On l'appelle dans le pays la pifeine merveilleufe. C'eft »n grand édifice quarré long , d'environ cent quatre-vingr pieds de longueur , fur cent de largeur, voûté Ôc foutenu par quarante-huit pilaftres. Les voûtes ont encore quelques bas-reliefs ; mais ce qui eft bien à remarquer, c'eft l'enduit de tout l'édifice , qui paroît être une efpéce de maftic eris ôc brillant, qui n'a ïouffert fe, / • i ? J > < aucune altération depuis qu il a cte mis en place Ôc qui fe durcit dans l'eau \ on prétend qu'il fe faifoit avec la poufliere de marbre, la chaux , ôc une efpéce de bitume que fou txouvoit dans le pays , & 3Çi Mémoires d'Italie; des blancs d'œufs. Il feroit bien urile de retrouver cette compofition , qui eft propre , folide , tk d'une durée inaltérable. Les pilaftres , les murs, tk les voûtes en font enduites. On y delcendoit autrefois par deux, efcaliers de marbre, chacun de quarante degrés , il n'y en a plus qu'un qui foit pratiquable, celui qui eft du crV.é du midi paroît avoir été ruiné exprès. On tourne autour de la pifeine par une plateforme , garnie de grandes pierres encore bien unies , autour de laquelle il y a de larges degrés pour defeendre & puifer l'eau à mefure qu'elle diminue. Elle s'y confeive encore, au moins il y en avoit lorfque je l'ai vue , quoique l'on ne prenne aucun foin pour la conferver, tk que même on lailfe la terre s'y amalfer en p|u-fieurs endroits à une hauteur confidérable. Cependant la voûte , les murs de côté lès piliers, les réfervoirs d'eau , tout y eft dans fon entier, tk rien ne feroit plus aifé que de faire fervir encore ce bâtiment à la première destination ; putfqne les eaux que l'on y voit font des eaux de pluye qui s'y amalfent d'elles-mêmes , non en filtrant à travers les murs , mais en paf-fant par les deux portes, tk les ouvertures du haut, par où ii paroît qu'on les y conùuifoit anciennement. Bayes et Cumes. x<$ Delà on avance au promontoire de Miféne , fi connu par l'origine que Virgile lui donne ( a ). Les auteurs tant anciens que modernes , s'accordent tous à dire qu'il y a eu autrefois, une ville bâtie fur cette montagne & même alfez confidérable pour avoir un évêque dans les premiers fiécles de l'églife. C'eft encore là où étoit la dation des vaiffeaux & des galères des Romains , deftinés à maintenir la fureté des mers & des côtes , depuis le phare de Metline jufqu'aux colonnes d'Hercule ou détroit de Gibraltar ; l'autre (a) Al pins JEneas , ingenti Mole fepulckrum Jmponit ,fuajuc arma viro, remumque, tubamque, Mtnte fub a'èrio qui nunc Mifenus ab illo Dicitur3 iurnumque tenttper ftcula nomen... JEneid. VI. Ce Miféne étoit un trompette excellent qui d'abord avoit appartenu à Hecîor, qui s'attacha en fuite à la fortune d'Enée; mais qui ayant voulu défier un Triton à qui fonneroit mieux de la trompette , fat pris par le Dieu marin , indigné de fon audace , & noyé dans la mer. Son corps fut lonç-remps à la merci des flots; enfin Euéc le retrouva & lui donna une fépulturc honorable fur le promontoire qui depuis a porté fon nom, que l'on appelloit auparavant le cap Aérien.... 554 Mémoires d'Italie» flation étant partie à Ravenne , partie 4 Brindes. Les chofes éroient dans cet ordre fous l'empire d'Augufte,environ un fiécle après, fous le règne de Vefpafien y Pline l'ancien y commandoit la flotte d'occident, & en partit pour aller obferver de plus près la fameufe éruption du Véfuve , de l'an 79. dans laquelle il périt (a). Il n'y a pas moyen de douter de l'exiftence de cette ville ; mais il ne refte aucun veftige qui puiffe en faire reconnoitre la vraie pofition , ni fur le cap ni dans les environs. La montagne qui s'avance dans la mer eft très-efcarpée , on y voit plufieurs excavations qui paroiftent avoir été autrefois des bains ; mais ce terrein a fi fort changé de face depuis les fiécles brillans des Romains que par fon état actuel , il n'eft pas pofhble de former aucune conjecture fatisfaiûnte fur ce qu'il étoit il y a fi long temps. Je crois bien qu'il n'eft pas poiîible de fouiller la tetre dans tout a canton , farrs (a) Erat Mîfeni , clajfemque imperiopr^fetis regebat ; nono. calend. feptembris t horâ dieifert jcptimâ, mater mea indicat ti apparcrt nubem ^ inufétata & magnitudine &fpecie.„ FlinJ.n.ep.ié.adTacU^ Bayes et Cumes. y trouver quelques veftiges d'anciens bâ-timens, mais excepté ceux dont j'ai parlé, qui fonr allez bien confervés pour qu'on puilfe affurer quel étoit leur ufage , les autres n'ont rien que des ruines informes. Dans le village de Baiili eft un édifice fou terrein alfez vafte tk encore bien con-feivé que l'on appelle les priions de Néron , j'y fuis defcendu , je les ai examinées avec attention , 6c il m'a paiu que c'étoit une efpéce de bagne à enfermer des efdaves, & fort relfemblant aux pri-fons dont il eft parlé dans les actes des martyrs des premiers fiécles. 11 y a plufieurs petites chambres ou cachots voûtés, à la fuite les unes des autres , conftruites de façon qu'elles forment une efpéce de labirinthe. Les portes de communication font très-baffes tk n'ont pas quatre pieds de hauteur. Cette conftruction eft dans fon entier tk encore très-folide ; 1"enduit qui m'a paru être de Pouzzolane & de chaux eft bien confervé , la couleur en eft vive & fraîche , tk il n'eft altéré qu'autour des portesjau-deffus font quelques arcades voûtées tk ouvertes, foutenues par des piîaf-ues, fous lefquelles eft l'efcalier qui def- t<6 MÉMOIRES dItAII!, cend à la prifon. 11 paroît que c'eft-là on fe tenoient les gardes. Je crois que l'on donne à ce bâtiment le nom de Cento Ca-merelle ; comme tour étoit de bains dans ce pays, on a prétendu que c'étoit un refer-voir d'eaux pluviales, qui de là fe diftii-buoient par des canaux en différens bains; ce que j'ai peine à croire , attendu que la couleur de l'enduit qui eft à-peu près la même dans tous les réfervoirs 6c les bains, eft grife & chargée d'un fédiment que les eaux y attachent à la longue ; ici on ne trouve rien qui en ait l'apparence. A préfent partie de ces chambres fert à retirer du bétail pendant les pluyes de l'hy-ver. Malgré le defordre tk la co^fufïon qui régnent dans cette petite partie de la terre de Labour , faifant abftraétion de toutes les idées de magnificence 6c de grandeur qu'y avoient imprimées les Romains, 6c dont il ne refte des veftiges que pour prouver fenfiblement que tout périt ; qUe les édifices les plusfohdes, les puifTances les plus formidables , ne peuvent réfifter au principe de deftruction qui agit fur toutes les chofes créées ; on eft encore frap. pé de la beauté de ce climat, defafîtua-tion heuteufe tk de fa fertilité, De tous. BàyesitCumis. 35? côtes ce font les plusbeaux points de vue qui fe préfentenr, la terre y déploie fes richeffes avec une abondance qui étonne; la végétation y eft plus belle tk plus forte qu'en aucun autre endroit ; ces champs Elifees qui occupent fi peu d'efpace paroiffent encore préférables aux jardins les plus beaux &. les mieux tenus , ils ont un agrément naturel au-deffus de toutes les merveilles de fart. Cependant ce climat fortuné eft prefque défert, ce que l'on attribue à la qualité de l'air qui dans les chaleurs de l'été devient très-dangereufe. Alors il fem-ble que l'air y perde fa fluidité tk fon ref-fort -y il eft infecté de différentes petites foufrieres, appelléesdans le pays Mofettes^ dont les fumées fe répandent dans l'air , le rendent ftagnant, tk fi dangereux qu'il n'eft pas permis alors , furtout aux étrangers , de le refpirer impunément. C'eft la première caufe naturelle \ la féconde qui n'eft qu'accidentelle , eft la grande quantité de lins tk de chanvres que Ton fait îouir pendant l'été dans les lacs voifins de la mer , ce qui répand au ioin l'odeur la plus defagréable, le poiffon y périt alors, & augmente l'infection. Cet Achéron dont les eaux noires ont paru aux poètes une des barrières de l'enfer, ne contracte 35S Mémoires d'Italie. cette qualité que par cette caufe ; car quand elles (ont renouvellées par les eaux de la mer que l'on y fait entrer au commencement de l'automne, après que l'on en a riré le lin, le poilfôn s'y trouve bien , y engrailfe promptement, 5c dès la fin de l'hyver on y fait des pêches très-abondanres de toutes fortes de poifïbns. II faut ajouter encore que ce pays étant peu habité , la malfe de l'air n'eft pas affez brifée par les fumées qui le divifent en s'élevant , 6c par le mouvement même des habitans , qui en l'agitant l'entretiennent dans fa fluidité naturelle. 14. De la hauteur de Baiili, on apper-çoit à la droite fur un rocher avancé dans Ruines de fa mer les ruines de l'ancienne ville de Cumes, célèbre colonie Grecque , érablie dans cet endroit même par les Eubéens habitans de la ville de Calchis , aujourd'hui Négrepont, fameufe par le féjour de la Sibylle (a). La beauté de fes ruines & fa pofition font encore reconnoître cette (a) La Sibylle de Cumes ; la feptiéme dans l'ordre des Sibillcs ; on prétend que fon vrai nom écoit Amalthéc , d'autres la nomment Déi-phobt, & la dilènt fille de Glaucus & prêtreffe Baves et Cumis; 35^ ville élevée à laquelle Enée aborda , & fur laquelle plus anciennement encore , Dédale fuyant à tire d'aîle de Tille de Crête, vint fe pofer. Quelques reftes de conftructions élevées font qu'on fe prête à la fiction du poète , quoique l'on aie bien de la peine à croire que Dédale ait pu venir d'un feul vol de l'ifle de Candie jufqu'à Cumes (a). Ses habitanj étoient jadis de la plus grande magnificence j on d'Apollon. Elle vécut fept ficelés, auflî Virgile l'appelle Longsva , & Ovide Vivax. On dit que c'eft la même qui apporta à Tarquin l'ancien , les livres Sibiilinsau nombre de neuf, dont elle demanda cent pièces d'or qu'on lui rcfufa j elle en brûla fîx , 8c le Roi pour confervet les r&ois derniers qu'il crut renfermer des chofes bien importantes , lui en donna le même prix qu'elle en Voulut toujours avoir. (a) At pius JEneas arcts quibus altus Apollo Trs.fid.tt, horreiidsque proculfeertta Sibylls t Ai tram immane petit... Dedalus, ut fama efi yfugiens Minoïa régna , P'spetib-s pennis , aujui Je credere cœlo , Infuetun yer ittr gelidas enavit ad arlios, Calchtdicâqut fevis tandem fuper afiitit arec y Redditus h!±primum te. ris , tibi Phs.be facravit, Remigium a/arum y pofuitque immania templa. Mneid. <>... 3c* 15. Le Véfuve eft litué à huit milles à vte" l'orient de la ville de Naples , à 1 extrémité de la terre de Labour, fur les frontières de la principauté Citérieure, détaché de la chaîne des Apennins qui continuent, ainfi que je l'ai dit ailleurs, dans toute la longueur du Royaume de Naples, iufqu'au détroit qui fépare l'Italie de la Si-cile.Cette montagne que Ion peut regarder Le Vésuve. 36*3 comme ifolée étoit très-groffe , Se com-pofée de trois fommets qui n'avoient qu'une feule 6c même bafe , la Somma au nord, le Véfuve au midi, Se entre les deux -par derrière , eutre le levant & le nord, les hauteurs appellées , montagne à'Ot-tayano ; la partie la plus élevée actuellement eft le Véfuve , l'Orta'iano eft fore abaiffé ; on ne peut rien dire de la Somma qui eft à moitié détruite , dans toute 'fa hauteur, Se dont la partie fend-circulaire qui refte , Se qui reffemble'beaucoup à la moitié d'un ancien Crater, ou baftin intérieur , a dans la perfnective quelque reffemblance avec les ruines du collifée de Rome. Il paroît que toute la partie de cette montagne qui regarde Naples, fur laquelle on croit reconnoître encore quelques veftiges d'un grand incendie , a été emportée par quelque éruption confidéra-ble que l'on peut conjecturer avoir été celle de 79 , qui a été la plus forte dont on ait mémoire ; elle couvrit d'abord de cendres , de ponces , 6c d'autres matières calcinées à une très-grande hauteur, la ville d'Hercuîée 6c tous les environs ; les cendres même furent portées en affez grande abondance jufqu'à Miféne , c'eft-à-dire à plus de dix-huit milles du Véfuve, pour Z 6*4 mémoires d'ItALIï, effrayer Pline le jeune 3c fa mere qui y étoient reftes, 6c les obliger à prendre la fuite. D'où Ion peut conjecturer que le venr du nord regnoit alors. Cette éruption porta l'effroi ite la défolation fort au loin , Se couvrit de différentes matières , ou brûlées 6c fécbes, ou liquides &c enflammées , plus de cinq milles de terrein, à une hauteur inégale , mais que l'on peut eftimer de cinquante à foixante pieds. l_a partie inférieure ou petit vallon , Îjiïi fépare un côté de la Somma du Veuve , porte encore le nom d'Arrio eu de Foyer , par une très-ancienne tradition qui prouve que cet endroit - là même a été le centre d'un volcan. Car à juger des choies par ce qu'elles préfentent à Ia vue , à l'infpecf ion du terrein , il ne paroît pas poflible que le Véfuve ait pû fournir affez de matières , pour remplir de cendres, de pierres calcinées, de feories de fables brûlés , &c. un aufli grand efpace que celui qui eft entre l'extrémité orientale àsSangiovani à Teduccio]^^^ la Somma , en s'étendant par Portici eV: Refîna jufquês dans la mer même ; car partout le terrein y eft de même qualité 6c compofé des mêmes matières, 6c a été rendu très-fertile par une culture aiîidue, Le Vésuve. jô'c excepté la pointe du Véfuve même , 8c ce qui Je touche immédiatement, c'eft-à dire les endroits où depuis un fiécle environ ont coulé les torrerts enflammés qu'il a vomi, 8z dans lefquels la lave eft il féche , les écumes & les fcories fi épaif-fes, fi abforbanres qu'il ne s'y conferve aucune humidité , ôc qu'à peine y voit-on quelques plantes maigres qui y croiffent fort éloignées les unes des autres ; état qui probablement fubfiftera jufqti'à ce que le volcan foit éteint , ce qui peut arriver par une éruption qui, comme la première, jette beaucoup de cendres , recouvre les laves, & les rende fufcepti-bles de quelque culture. Car cette montagne n'a perdu fa fertilité , qu'à mefure que l'embrafement intérieur eft devenu plus forr, ôc furtout après que les torrens de lave enflammée ont eu changé la nature de fon terrein : Strabon qui vivoit plus de cinquante ans avant la grande éruption, fous les règnes d'Augufte ôc de Tibère , parle du Véfuve comme d'une montagne très-fertile , à fon fommet près, qui alors étoit une plaine inégale ôc fté-rile , le terrein étant femblable à des cendres arides. On y voyoit des cavités remplies de pierres couleur defuve, comme 766 Mémoires d'Italie. ii elles enflent été rongées par le feu ,%de forte que fon pouvoit conjecturer que cet endroit avoit fouffert quelque incendie confidérable , Se que ces cavernes avoient renfermé un feu qui s'étoit éteint firme de matières qui l'entretinflent [a). L'idée que cet ancien géographe donne du Véfuve, ne femble-t elle pas indiquer, que la Somma , la montagne d'Ottaïano , & ce que l'on appelle aujourd'hui le Véfuve , n'ont fait autrefois qu'une feule Se même montagne dont le fommet pou- ( a ) Super lue îoea Jîtus eft Vcfuvius , morts agris cinfius opt'imïs ; dempto vertice, qui magna fui parte planus , totus fterilis ejl ,afpecïu cinereus, caxernafqut oftendens , fifiu/arumpienas, & lapida m colore fuliginofo , ut pote ab ignt exeforum k ut conjeiiuram facere poffts , if a loca quondam arfffc y & crateras ignis habuijfe, deinde materiâ. depiièntc rejlincla fuijfe... Strab. Geogr. I. i. Si le fommet du Véfuve n'avoir pas eu plus d'étendue qu'il en avoit dans le dernier (îéclc & dans celui-ci, un ii petit efpace auroit-il mérité que le géographe , en parlât comme d'un terrein plein en grande partie 3 & itérile, eu égard à la fertilité des campagnes qui l'environnoicnr. Certainement , ç'auroit été un trop petit objet pour fane une exception à la fécondité de ce beau pays, d'autant plus qu'il paroît que le feu croit alors entièrement éteint... Le Vésuve. 3~6"7 voit alors reffemblér à une plaine inégale. Cette montagne divifée par le feu a donc* beaucoup perdu de fa maffeque les érup-tions ont difperfée dans les environs , dont une partie même a été portée dans la mer, ou fi loin que ce qui en à été répandu n'a pu y caufer un changement auili fenfibîe 6c auili reconnoilfable que des deux côtés* du Véfuve, c'eft-à-dire d'Herculée 6c de Pompeïa , villes anciennes qui toutes les deux ont été entièrement recouvertes dans les éruptions ; ainfi on peut conjecturer que le Véfuve fe confume lui-même, ÔC qu'enfin ce volcan s'éteindra, ou prendra un état de confiftance tranquille qui ne iaiifera plus à craindre aucune révolution-pour le pays qui l'environne. Voilà l'idée que j'en ai conçue en l'examinant dans Ion état actuel , dont je rendrai compte après avoir indiqué fes différentes éruptions connues , qui ferviront à faire, con-noître les changemens que le pays où il eft fitué a fouffert de fes embrafemens. ifî. le premier incendie du Véfuve , TncencJ'eî & qui fut fuivi de la plus grande éruption "StÙ"^ dont on ait confetvé le fouvenir, & dans laquelle il eft probable que fut emportée» la plus grande partie du crarer ou baflirv de la montagne de la Somma , arriva l'arv Qiv 3<>$ Mémoires d'Italie. de Jefus-Chrift 79 , le 24 du mois d'Août-il en faut lire la defcription dans les deux lettres de Pline le jeune à Tacite ( a ) • I'e. ruption fut fi abondante 8c les matières en fortirent en telle quantité que l'on retrouve fur le théâtre d'Herculée les cendres 8c la lave , ou rorrent qui coula alors delà montagne, répandues à la hauteur de S4 palmes Napolitains ou environ foixante pieds de roi, 8c plus bas en appio- (4 , il fur précédé de violens tremblemens de terre. La matière enffimmée de la lave s'éleva du fonds jufqu'à Toile fu-périeure ; le torrent fe répandit dans ia campagne voiline du côté de l'hermitage , 6c remplir le petit vallon qui eft au def-fous , d où il fe divifa 6c fe porta en partie du côté de la Torre del Gnco dans le voifinage de la mer. Depuis ce temps juf-qu'au mois de mai i 6?S , le Véfuve lut dans Une fermentation continuelle , les territoires des environs éprouvèrent des fecouftes fréquentes. Le Véfuve fut fou-vent couvert de l'arbre formidable de fumée, il en fortit plufieurs torrens de lave qui coulèrent, furtout du côté de Rejl-/va,Sc que l'on y rcconnoît encore aifénienc de même que dans le vallon de THerini-tage. Le dix-fepriéme , en 1701 le premier de juillet , l'éruption commença p.ir [x colonne de cendres , de fables 6c de pierres brûlées qui fe répandirent au loin , [q lendemain , la lave fortit du côté d'Oitaï /-n.o t le courant avoit deux cens cinquante Le Vésuve. 577 palmes de largeur fur quinze de hauteur j le Véfuve parut fe calmer le quinze du même mois , quoique la fermentation intérieure fut encore très-forte , l'on entendit , comme dans le temps des éruptions , des tonnerres Se des mugiffemens fouterreins , Se des bruits éeîatans fem-blables à celui du canon. Le pere délia Torre obferve, d'après le Sorrentino (a), que depuis le commencement de ce fiécle jufqn'en 1734 il y eur Peu d'années que le Véfuve ne jettât beaucoup de matières brûlées , Se même des torrens de lave. En 1704 Se les trois années fuivantes < le Véfuve fut en grand mouvement, jetta fréquemment des matières ardentes Se calcinées, la lave qui fe montra quelquefois jufqu'à l'orle fupérieure n'en fortit point. C'eft ce que le pere de la Torré marque pour le dix-huitième incendie 'y les bruits fouterreins Se les tremblemens de terre furent très-marqués depuis le 2.8 juillet i707jufqu'au 18 août fui van t. (a) D. Ignace Sorrentino , prêtre de la Torré dcl Greco , a écrit une hiftoire du Véfuve divi-fée en deux livres. Imprimée à Naples en 1734. 378 Mémoires d'I t a i i e. Le dix neuviéme,commença le 5 février 1712 par une forre éruption de cendres &c d'autres matières qui dura vingt jours de fuite j le 16 avril fuivant , il en fortit un torrenr de lave qui prit fa direétion du côté de FoJJo-Bianco ; entre le 12 tk le 17 de mai d'autres torrens coulèrent du côté de hTorrédelGreco tk gâtèrent beaucoup de terrein. Le 9 mai 1715 & le 20 du même mois , il fortit différentes laves qui fe répandirent furtout du côté cYOt-ttuano , de la Torré del Greco tk de Refîna. En ï 714 , une nouvelle lave fortit ôc fe répandit fur le territoire de V Annan-fiata, elle fut précédée tk accompagnée de tremblemens de terre qui durèrent depuis le 21 de juin jufqu'au 30. Le vingtième dura près d'onze ans,c'e{t-à-dire depuis le 6 juin 1717 , jufqu'au vingt-fix juillet 172S ; il fortit du Véfuve outre les matières ordinaires des éruptions, fept torrens de lave très-con-fidérables. Le vingt-unième eut fon commencement le 27 février 1730,les btuits furent violens, le 1 9 mars la lave fortit tk coula du côté cVOetaïano. En 1732 les tremblemens de terre fuient violens tk la ville de Naples en fouf-- Le Vésuve. 379 frit plus que les endroits voifins du Véfu-. ye. Le 10 juillet 1733 , aPr" une *orre éruption de cendres, de pierres & de ponces , la lave fortit du côté d'Ottaïano ôc" fe divifa en deux branches , dont l'une prit fa direction fur Ottdiano , l'autre fur la Torré del Greco , elle corda à différentes reprifes jufqu'au 10 janvier 1734. Le vingt-deuxième fut en 1737 , il j eut une éruption confidérable qui s'annonça le 14 mai par une fermentation plus grande qu'à l'ordinaire. Les cendres » les pierres brûlées, les ponces , fe répandirent le 10 en plus grande quantité aux envitons, que les joursprécédens.Ce jùur-Jà même la montagne fe creva avec grand bruit aux deux tiers environ de fahauteur, & il forrir, par la bouche qui s'ouvrir, un torrenr de lave qui prit fa direction du nord au midi du côté de la Torré del Greco , par le territoire qui eft au-deffous des Camaldules , jufqu'aux bords de la mer ; ce torrent, l'un des plus confidérables qui foient jamais forti du Véfuve avoit environ deux mille toifes de longueur , fur foixante & quinze de largeur moyenne , ôc plus de feize pieds de hau--leur. Le docteur D. François Serrao , célèbre médecin vivant à Naples, a calcule jSo Mémoires d'Italie.' qu'il fortit cette année du Véfuve 319 J £5S , \6\ pieds cubes de lave qui fe répandirent en différentes directions fur le territoire dont j'ai parlé; l'éruption dura jufqu'au it de mai, cependant tout ce temps le Véfuve ne céda de jetter de la fumée, des flammes , des cendres, des ponces tk des feories mêlées enfemble. Les tremblemens de terre furent peu fen-iibles. Le vingt-troifïéme en 175 \< Après une grande éruption de fumée tk de cendres, la montagne s'ouvrir du côté de l'endroit appelle tté Café un peu au - delfuS de Y J trio di Cavallo , le 15 octobre 3 avec un très - grand bruir parce que la montagne fe creva fous une ancienne lave qui formoit un obftacle difficile à rompre \ le torrent qui fortit coula avec «ne rapidiré que l'on n'avoir obfcrvée en aucun de ceux qui l'avoienr précédé j il avoit parcouru un efpace de quatre milles en huit heures de temps fur le territoire d'Ottdiano ; fon cours fe rallentit enfuite tk ne s'arrêta tout-à fait que le 9 de novembre après avoir tenu encore deux milles au-delà. Il avoit peu de largeur , Se couloit, raffemblé prefque quarrément fouvent à plus de ftx pieds de hauteut. Le vingt-quatrième, en 1754, le 2 décembre y le Véfuve fans aucun tremblement de terre , ni btuit antérieur , fe creva en deux endroits différens à la même hauteur à-peu-près qu'en 1751 , la lave en coula prefque fans intetruption Jufqu'au ii janvier 1755 , qu'il fe fit le matin deux nouvelles ouvertures dans le vallon du côté à'Ouaïano , d'où fortirent deux petits torrens enflammés qui prirent leur direction fur le lit des anciens. Le Véfuve qui depuis plus de deux mois n'avoit pas cclfé de jetter des matières ou calcinées ou enflammées s'appaifa alors, Se on commença às'apperçevoir au mois d'avril fuivant de l'élévation delà nouvelle montagne, pofée fur l'orle même de l'ancienne ouverture du Véfuve,qui futfoulevéedu fonds même du crater où elle étoit , Se augmentée par les matières qui s'y joi-r gnirent pendant l'éruption , au point d-peu-prèsoù on la voyoit encore en 1762. 17. Le dernier incendie du Véfuve eftf ,*ruptionda de la fin de 1760 ; pendant tout le cours 170c. "* de cette année, il avoit été dans une gran -de fermentation , il avoit fetté plufieurs fois des pierres Se d'autres matières bru-lées, l'effervefcence y avoit été fi forte qu'elle avoit foulevé le liquide enflammé, 3 S i Mémoires d'Italie. jufqu'à l'orle du Monticcllo ou couronnement adtuël «-lu Véfuve , qui en avoit jette quelques ruiflfeaux du cote tVOttaïa-no , mais qui avoient a peine coulé peu. dant quelques toifes , c'elr- à-dire jufqu'à l'ancienne orle. Enfin après deux jours de fecouifes Se de tremblemens de terre prefque continuels , dans les environs du Véfuve, le i\ décembre dans le lieu dit li Monùcclll, tôùt-a-fait au pied du Véfuve du côté de la mer, à peu de diftan-ce de la hauteur où font les Camaldules au levant , environ 1 heure de midi , il s'ouvrit douze bouches à feu avec un fracas femblable à celui d'une batterie des plus gros canons , ainiï que je l'ai oui raconta- A mille témoins oculaires ; au récit defquels je potivois m'en rapporter. Ces bouches jetterent en l'air une quantité con-fldérable de pierres & de fables enflammés plufieurs colonnes de fumée cpailfe, mèiées de cendres St de traits de feu femblahles à de grands arbres, ainfi qu'on l'avoit obfervé dans les éruptions précéder res. Les différentes laves qui couloient de ces bouches, étant réunies , prirent leur cours du côté du chemin qui conduit de Naples à Sàlerne par YJnnon^iata • ce Le Vésuve. 3*3 torrent parcourut le premier jour un demi mille, dans une largeur plus ou moins grande , fuivant que le terrein le reffèr-roit plus ou moins. A cette diftance il s'ouvrit trois nouvelles bouches avec un fracas auiîi confidcrable que les premières ; la lave qui avoit paru s'arrêter pendant quelque temps reprit fon cours . & le lendemain matin 14 décembre elle étoit au grand chemin de Salerne , à deux milles des premières ouvertures , la lave avoit alors trois cent pieds de largeur fur environ quinze de hauteur. La quantité de matières que l'éruption jettoit hors de ces différentes bouches, avoir formé autour d'elles quinze petites montagnes femblables à celles qui couronnent le Véfuve. Les huit fituées ims-médiarement au pied du Véfuve, durèrent Se s'augmenterenr tout le temps de l'éruption ; les fept autres gagnées par la lave qui venoit du delfus furent comblées par le lit même du torrent ; mais lorfque l'éruption commença à toucher à fa fin , ôc que le Véfuve ceffa de fournir des matières auili abondantes , cinq de ces monticules tombèrent fucceilivement , & il n'en eft refté que trois que l'on voit encore au bas du Véfuve à la tête du tor» 2$4 AIE moires d'Italie; renc de lave. Dans cette éruption le cours de la lave continua avec un mouvement inégal, jufqu'à deux cent pas environ des bords de la mer où elle s'arrêta le premier de janvier 176"i. Le lir de la lave s'étendir en quelques endroits à la largeur de près d'un mille , fur-tout en approchant de la mer, où elle rompit entièrement le grand chemin de Salerne. Elle ruina plufieurs maifons qui fe trouvèrent fur fon cours, détruifit beaucoup de plantations de vignes, de figuiers, de grenadiers, & de bois dans une fitua-tion délicieufe où tout croilfoir à fouhait; fon cours a été de quatre milles dr.ns une largeur inégale, mais que l'on peut c (limer à un mille tk demi en quarre de terrein dévatté j car les bouches à feu s'ouvrirent précifément au pied du Véfuve , tk joignant les terreins cultivés ; il elt difficile de dire quand ils feront rendus à leur première fécondité, puifqtie les laves qui ont coulé depuis phis de cent trente ans, pré-fentent encore la furface la plus aride & la moins fufceptible de culrure. Pendant ce temps, la bouche principale du Véfuve ne fut pas tranquille , on ne cefia d'entendre des mugiffemens dans fou intérieur, des fecouffes & des bruits considérables 5 Le Vésuve. 3S5 fidérables, il jetta beaucoup de cendres ôc de matières enflammées ; le 2 3 décembre 1760, la colonne de fumée, chalfée par un vent de midi fort impétueux , couvrit tout le ciel au-delfus de Noie, qui ref-p'icbivement à Naples , eft à gauche par derrière le Véfuve à dix milies au-delà en ligne droite y il y tomba tant de cendres que le 27 du même mois la campagne en étoit couverte à la hauteur d'un pouce ÔC demijcette pluie feche occafionna des ophtalmies , des toux convulfives & même des péripneumomes. Le vent tourna en-fuite au levant, ôc porta , fui van t l'eftima-tion du Pere délia Torre , la fumée ôc les cendres jufqu'au delà de l'ifle de Capri , à. trente milles au moins du Vcfuve. Du côté de Salerne la fumée ôc les cendres furent portées en ligne directe à plus de cinquante milles , mais en quantité moins conndérable qu'aux environs de Noie. On peut juger par ce rapport fait fur des ob-fervations exactes Ôc nouvelles , à quelle diftance s'étendent la fumée Ôc les cendres du Véfuve , quidéfolent fes environs par la trop grande quantité , mais que l'on peut regarder comme la caufe de la fertilité prodigieufe des provinces fur lesquelles les vents les portent. Tome IF. * R $3<ï Mémoires d'Italie. Le 4 janvier 1761 , il fortit après des bruits confidérables & même quelques fe-conlfesde la montagne, qui fe firenr fentir jtrfqu a Portici , un arbre de fumée noire ik épailfe , fi bien uni qu'il avoit peine à le féparer ; il étoit mêlé de beaucoup de feu que l'on pouvoit remarquer même pendant le jour. Le lendemain on s'apperçût qu'une partie des bords du monticule ou cime du Véfuve du côté cXOttaïa-nt% avoit été emportée. Le 6 tous les phénomènes effrayans ceiferent , la fumée diminua j on n'entendit plus de bruits fouterreins, & les chofes relièrent à-peu-près dans le même état tout le relie de l'année. Au commencement de 1761, le Véfuve n'étoit pas abfolument tranquille, la fumée pendant le mois de mars devint plus éprilfe & plus chargée qu'elle n'a-voit été depuis quelques mois, & fembloit annoncer quelque éruption. Les gazettes même parlèrent dans le cours de l'été de cette année d'une' éruption. Ces événe-mens étoient devenus plus intéreffans pour moi, depuis que j'avois vû de près le Véfuve ; j'écrivis au célèbre pere Jacquier Minime , alors réfidant à Rome , pour {e piier de s'informer de cette éruption , & Le V é s u v e. 3S7 de me mander ce qui en étoit ; il me répondit le 24 novembre fuivanr : « J'ai >i écrit à Naples pour avoir le détail de »» Féruption qu'ont fuppofée les gazettes.' » Il eft bien cerrain que depuis votre dé->i part, le mont Véfuve a été fort tran-' >'quille , quoiqu'il y ait eu de violens >i tremblemens de terre dans le royaume » de Naples, furtout dans la ville d'Àqui- ' » la, où il y a eu quelques églifes & plu-jj fleurs maifons renverfées. Nous avons » même reffenti ici quelques légères fe-» couffes ». On devoit donc attribuer cette quantité extraordinaire de fumée qui for-rit du Véfuve pendant le printemps de 1762 , aux pluyes continuelles , aux neiges & aux grêles qui tombèrent dans la fin de l'hyver précédent, qui y portèrent une très-grande humidité, avec beaucoup de terres délayées & de fables , mais peu chargées de bitume , ou de minéraux \ de forte que l'effervefcence ne fut jamais portée au point de caufer une éruption. C'eft ici le lieu de parler des matières qui fortent du Véfuve dans ie temps de fes éruptions , &c qui couvrent au loin les campagnes qui l'environnent ; elles font de différentes efpéces, les unes f p.irées, $83 Mémoire* p'Itaiii. entièrement defféchées SZ brûlées , qui font élevées par la force de l'effervefcen-ce, Se l'action même de la fumée épaifle Se raffemblée j elles fe répandent plus ou moins loin , à proportion de leur légèreté , de la force de l'explofîon , Se même de la direction du vent. Les autres unies en-femble Se fondues par l'action d'un feu très - violent , quelquefois s'élèvent jufqu'à l'ouverture fupérieure , d'aurrefois fe pratiquent des iffues en crevant les parois de la montagne à différentes hauteurs 5 Se en fortent comme des rorrens enflammés qui fe répandenr à plufieurs milles -y c'eft ce que l'on a appelle lave dans ces derniers temps. Laveciu vé- i g. La lave eft donc un courant dema-ve* tières enflammées Se fondues qui prend fa direction dans les terreins bas qui environnent le Véfuve , tant qu'il eft affez échauffé pour conferver du mouvement j car une fois refroidi, ii s'arrête, fe conden-fe, Se prend la folidité d'une pierre dure Se noirâtre ; l'épaiffeur en eft plus ou moins grande fuivànt les terreins où il a coulé , le degré d'inflammation qu il a reçu , Se l'efpace qu'il a occupé. A plufieurs milles autour du Véfuve, on trouve partout de ces torrens de pierre L e V é s u v b.' 3 S? fondue, prefqu'au degré de vitrification, mêlés de bitume , de foufre , de fer , Se de cuivre , refroidis Se endurcis fur la fuperficie du rerrein qu'ils ont couvert. On en a trouvé plufieurs les uns fur les autres à une très-grande profondeur, fépa-rés par des lits de terre , de fable Se d'autres matières ; ce qui permet de conjecturer qu'il y a eu ttès-anciennement des érup* tïons peur-être antérieures à celle qui couvrit Herculée , quoique l'on n'en ait aucune mémoire. On a découvert à la Ma-donna ddArco, maifon de Dominicains, au-deffus de Portici dans les terres, trois laves les unes au-deffus des autres dont la dernière étoit à deux cent vingt pieds de profondeur, au-deffousdu niveau actuel du fol 'y 1 accroiffement de ce terrein , comparé â celui qui s'eff. fait fur Herculée , porte-roit l'éruption de la dernière de ces laves à l'antiquité la plus reculée. Les matières qui forment le corps de la lave ordinaire , confervent dans la plus grande effervefeence, lors - même qu'elles coulent, une folidité marquée \ elles font unies Se tenaces à-peu-près comme le birume fondu. Si ces matières s'arrêtent dans leurs cours y on les voit s'élever Se devenir po- Riij 3no Mémoires d'Italie. reufes à la furface , par le principe d'efi. fervefcence qu'elles renferment en elles ^ ôc non point par le mélange de l'air extérieur , qu'elles ne reçoivent qu'autant qu'il y eft introduit par quelque corps étranger, ôc que l'union même de leurs parties, ôc le feu dont elles font pénétrées, en chaifent aufli-tot. Ainfi ce torrent folide ôc enflammé ne peut devoir fa chaleur ôc fa cohérence qu'à la quantité du bitume qui y domine. Mais comme ce corps en fe refroidiflant acquiert la plus grande dureté, il faut encore qu'il foit mêlé de parties métalliques, de pierres ôc de fables fondus enfembie, Ôc qui onr reçu dans le premier foyer un degré de chaleur fi véhémente, qu'ils ont été portés prefque à la vitrification , ôc par lequel ils ont été fi bien unis enfembie , qu'ils ne forment plus qu'un même corps , dur , folide, pelant , moins cependant que la pierre ordinaire de carrière qui a environ un dixième de poids au-dellus de la vieille lave ôc un neuvième au-delfus delà nouvelle qui eft alors dépouillée de toute humidité. Ces laves vues dans les environs du Véfuve , n'ont pas à l'extérieur cette foli-dité , cette union de parties, que l'on re- L i V i s u v e. çtfi "marque dans les laves employées à paver la ville de Naples, ou à faire d'autres ouvrages ; elles reffemblent à des lits élevés, formés de pierres brûlées , de tufs , de ponces , de fcories , d'écumes , de fables ôc d'autres matières forties dans les éruptions , qui forment une furface inégale Ôc raboreufe , fur laquelle il n'eft prefque pas poiîible de marcher , ôc qui au premier coup d'œil ne paroiflent pas mieux unies entr'elles, que des pierres jettées corrfufé-ment en tas au fortir de la carrière, mais que l'on ne peut cependant pas enlever a force de bras , Ôc qu'il faut briier pour les féparer du liroù elles fcnt, ainfi que je l'ai éprouvé moi-même. Toutes ces matières ne fortent pas du foyer principal où le bj tume, qui fait le fonds ôc la haifon de la Jave , a fermenté ; la lave en a foulevé, la plupart par fon mouvement d'effervefcen-ce ôc de dilatation, des lits fupérieurs qui la recouvroient ; elle en a reçu encore dans le temps des éruprions, par ce qu'une partie des matières qui font jettées , alors hors du Véfuve , retombent fur les torrens de matières liquides ôc enflammées , s'uniffent aux écumes qui les couvrent , Ôc les augmentent même , en faisant entrer dans ces fleuves ardents l'air R iv MÉMOIRES D'ÏTAtîE. extérieur, qu'elles y précipitent par leur propre poids j ces matières érant accumulées à une certaine haureur fur le liquide enflammé , font caufe de la folidité Ôc de la denlité qu'il acquiert, en ce qu'elles reftreignent le mouvement d'effervef-cence, par lequel il s'élève ôc fe dilate , ôc réunifient fes parties entr'elles ; car quand les laves ne font pas chargées de corps étrangers , l'intérieur, quoique plus noir ôc plus compact que les écumes , eft léger , poreux , le divife prefque auili ai-fément que les fcories ordinaires j mais la lave qui s'eft refroidie ôc a perdu fon mouvement d'effervefcence,fous un poids conlidérable de matières étrangères , eft folide, dure ôc compacte autant qu'elle le puilfe être ; car quoique plus dure que plufieurs marbres à raifon de la grande quanT rite départies métalliques qui entrent dans fa compofition , elle ne prend pas le poli aufli parfaitement, ôc fa furface regardée avec la loupe eft pleine de pores Ôc d'iné-galités de diverfes grandeurs. Les différenres matières qui fortent dans les éruptions , fuivent la direction de la colonne de fumée , qui s'élève du foyer principal du Véfuve , ou des autres bouches d'éruption, ainfi qu'il eft arrivé dans Le Vésuve. 395 les monticules ou bouches par oit fe fit 1 'éruption de » 760. On la voir fortir des cavités intérieures du Véfuve en différentes directions, 8c fous la forme de nuages épais ; elle prend enfuite la direction perpendiculaire , fe relferre , 8c conferve une très grande denfité , furtout dans le temps des éruptions , pendant lefquelles fon mouvement étant extrêmement accéléré , elle fouleve des matières étrangères d'un poids confidérable, ôc les jette à une très-grande ditiance , parce qu'alors l'intérieur de la colonne a un mouvement de tourbillon, qui lui eft communiqué au centre même d'où elle part , 8c que la denfité de fes parties lui fait conierver à une très-grande élévation. Pour les autres matières plus légères, relies que les cendres , les fables , 6c les ponces mêmes ; pour peu que la fumée ait de denfité , elle en charie prefque toujours , ainfi qu'il eft aifé de s'en appercevoir , furtout quand on eft fous le vent qui lachaife Hlus cette fumée eft épailfe 8c chargée , plus elle fait de bruit à fon éruption hors du gouffre intérieur. Son explofion eft alors iembla-ble pour le bruit, à celui du canon , quelquefois même il eft continué & roulant comme le bruit du tonnerre. Outre l'as- Rv 594 Mémoires d'Italie. bre ou la colonne principale de fumée, ort voit des rameaux féparés qui s'écartent du pied même de la colonne , & qui fou-lèvent des cercles de fumée fi tenaces ôc fi compacfs, qu'ils feconfervent en l'air, fans fe dilfoudre pendant un temps confidérable. Ce phénomène n'arrive que dans les grandes éruptions ; alors cette fumée divifée à l'air s'étend dans un efpace im-menfe , intercepte abfolument la lumière du foJeil, ôc ramené même en plein jour, les ténèbres de la nuit ; ainfi qu'il arriva dans les grandes éruprions de 79 6c de 1631. ma- Le fable dont le Véfuve eft recouvert t>eies que re- A . jette Je véfuve. de tous lescotes,eft d un brun noir,en tres-fiom'" érup" perirs grains , mêlés de quelques morceaux un peu plus gros, qui font des pierres bri-fées Ôc brûlées. Les grains les plus noirs font les plus légers \ ils font pleins d'une multitude de petits trous, & ne paroiffent être que l'écume brûlée ôc divifée du bitume j «m y voit aufli quelques parties de fer que intimant attire quand on l'approche de ce/fable. Il eft mêlé de grains de différentes couleurs, à proportion queles terreson|éréplus ou moins brûlées,mais le noirâtre domine partout. Ce fable eft très abondant fur le Véfuve ôc dans les L 1 V É s v v t. environs. Il paroît qu'il eft aufli très ab-forbant; je ne me fuis apperçu nulle part que l'humidité le mît en maffe. Ii refte toujours fépare & très-mouvant , ainfi qu'on peut s'en appercevoir dans l'amas confidérable, qui s'en eft formé fur l'A-trio dd Cavallo , au bas de la pointe du Véfuve vis-à-vis de Portici , Se fur la montagne , principalemenr en approchant du fommet ; alors on enfonce dans ce fable qui eft toujours chaud jufqu'au deifus du genou. Les ponces font un tuf calciné & dépouillé de toutes fes parties humides Se terreufes, de couleur brune , plus pelantes que les ponces qui viennent du Levant-, Se même que celles que l'on trouve furies bords de la mer à Baies , mais qui y ont beaucoup de rapport par leur configuration 6V: leur légèreté. On ne pourroit cependant pas les employer aux mêmes ufa-ges ; celles du Véfuve font féches , rabo-teufes , Se rayeraient plutôt qu'elles ce poîiroienr les corps durs que l'on en froo teroit. Les tufs que le feu n'a pas abfolu-ment dénaturés , mais qu'il n'a fait que rendre plus légers Se plus fecs, font du» ufage excellent pour conftrnire des voûtes folides 6V: légères j on s'en fert beaucoup à Naples. R vj Les éponges ou tuf dur mêlé de parties falines & de petites crittallifations , font une efpéce de pierres d'un poids moyen entre les ponces ôc la pierre ordinaire , couvertes dune couleur ou pouf, fière lauaâtre , qu'elles contractant dans le foyer même du Véfuve , ôc qui pasoît leur avoir été imprimée par le foufre,mais qui ne pénétre point dans l'intérieur ; car en les frottant l'une contre l'autre , la couleur jaune difparoît , ôc l'éponge devient blanche. La fubitance intérieure approche beaucoup de la vitrification. Ces matières font moins communes dans les érup-tions que les autres, ôc les laves en charrient moins. Les quartiers de pierre que jette le Véfuve dans les grandes éruptions , Ôc qui n'ont été ni confumées , ni fondues dans le foyer d'effervefeence, parce qu'il paroît qu'elles ne (ont détachées du banc de carrière que par les fecouffes qui p:écédent les éruptions, font dures, pelantes , blanches ou brunes, fuivant la couleur qu'elles ont dans leur lit, pénétrées dans leur fubftance de différentes taches noires que l'on peut prendre pour une matière virrio-lique. Ordinairement elles portent à l'ex-teneur quelques marques de la violence Le Vésuve. 397 du feu auquel elles ont été éxpofées... Non-feulem.nt la matière liquide les fou-lève par fon effervefcence , tk les charrie avec les laves ; mais il arrive encore que ces pierres fe détachant de la carrière , & tombant fur cette même matière qui eft dans un très-grand mouvement, s'y enfoncent par leur propre poids j alors l'air qu'elles ont entraîné avec elles , dans le mouvement accéléré de leur chute , fe trouvant tout-à-coup extrêmement relfer-ré, tk ne pouvant pénétrer le liquide enflammé qui l'environne tk le repoulfe , fait effort, tk rejette les pierres avec un bruit tk une force d'explolion , qui en a lancé plufieurs, d'un poids très confidéra-ble, bien loin au-delà de la poi tée du mortier. Ces fortes d expjohons précédent toujours l'éruption de-la lave. Les écumes ou fcories que le Véfuve rejette en l'air ou qu'd foulevefur la matière liquide enflammée , font de deux fortes : les unes plus légères, qui font par parties détachées , tk qui neparoilfent être que le fer tk les autres minéraux unis enfembie par le bitume tk abfolument brûlés. Quelques parties font vitrifiées , mais le plus grand nombre reffemble à des fcories de fer très-noires tk fort légères. Les autres écumes plus lourdes font celles qui relient attachées au courant de la lave même , ôc qui en couvrent toute la furface extérieure j comme elles font moins confommées par le feu , elles con» fervent plus de parties métalliques & bi-tumineufes qui les uniffent au corps de la lave. Ces écumes font unies les unes aux autres, ôc lorfqu'elles font refroidies, elles relfemblent à de petits flots qui ont pris une confiftance folide. Elles font très-pé-fanres & fe brifent difficilement j j'ai ot> fervé que les fentiers que la nécelîité a fait pratiquer fur les différentes laves , qui entourent le Véfuve , quoique fréquentés depuis long-tems; relient fon raboteux ôc difficiles à tenir. Pour peu que le foleil fe falfe fentir, toutes ces matières s'échauffent très-vite Ôc rendent une fort grande chaleur (a). (a) Quand les laves font fraîches , il (eroit dangereux de paifer un long efpace de temps à les obfcrver ; il en fort des fumées ou vapeurs qui fouvent fc réunifient & forment ce epic Ton appelle dans le pays Mofette , dont les exhalaifons font très-dangereufes & ont à-peu près les mêmes effets que celles delà grotte du chien. Le P. délia Torre a obfervé que ces vapeurs légèrement im,. L e' Yï s u v !. ' ,$9tf -, Un des effets les plus remarquables % mon gré de la fermentation intérieure du Véfuve , ce font les lames de terre rouge & grife , qui prennent la forme de briques de différente longueur & largeur , fur une épailfeur d'un ou deux pouces. Les unes fonr abfolument plattes , les autres font courbées, mais toutes font cuites à un degré de perfection fingulier , à en juger par leur dureté & leur fblidité \ quelques-unes mêmes font près du degré de vitrification , & j'en ai brifé des morceaux de rouge qui tiroient fur la dureté •404 Mémoires d'ïtaiiï, formée par le fel 8c le foufre appauvri ( Sfruttato ) qui couvrent les vieilles écumes. Les fibres de cette ptanre font lig-neufes , foîides 8c ont quelque fouplelîe. Elles relfemblent beaucoup au corad brut, ce qui leur a fait donner le nom de coral-lines. J'ai trouvé fur le Véfuve même une autre efpéce de plante ou de racine de plante abfoiument detféchée par l'action d'une chaleur médiocre ; elle relfemble beaucoup aux racines de ces petits joncs qui fe pétrifient dans la foufriere qui eft entre Rome & Tivoli ; mais celles-ci j m'ont paru plus curieufes. Ce doivent être des racines de plantes qui ont crû fur la montagne 8c qui s'étant trouvées danj le voifinage de quelque bouche à fia* mie , fe font derféchées infenfiblement avec le terrein qui les envitonnoit. J'ai lieu de croire qu'elles ont été expo-fées à l'action même de la fumée ; car outre la variété des couleurs que l'on y remarque , elles font chargées de fels, de foufres , & de différentes poulîières de métaux qui y paroilfent incruftées ; la plft. part de ces racines, en fe féchant, font devenues creufes, fans cependant rien perdre de leur grofleur, ni le féparer les unes Li Vésuve. 40 j «les antres. Elles fonr prefque auflî légères que les ponces ; j'en ai ramafle quelques-unes à moirié hauteur de la montagne ; comme le Pere délia Torre n'en a pas fait mention dans le détail qu'il a donné des matières ou cuites, ou calcinées , ou defféchées que l'on trouve autour du Véfuve, mon intention étoit de lui montrer cette efpéce de production , pour fça-voir ce qu'd en penfoit , mais je ne m'en fouvins pas. Telles font à-peu-près les matières qui recouvrent au-dehors , non-feulement le Véfuve, mais même VAtrio del Cavallo, tout le terrein qui eft entre le Véfuve Se la Somma en tirant du côté de l'Hermi-tage, plufieurs parties du territoire de Re-fina Se de la Torre del Greco , Se à préfent prefque tout le territoire de i'Annun-ziata. 10. La hauteur du Véfuve, à la prendre Ettt aûud fur la partie appellée Atrio del" Cavallo 9 du Vci'uvc au pied du pic même, vis-à vis de Refîna Se de Naples, Se qui de ce coté eft d'une roideurqui approche beaucoup de la ligne perpendiculaire , peut être d'environ quinze cent pieds d'élévation perpendiculaire*, il feroit très-difficile de gagner le fommet par ce côté, fi l'on ne s'accrochoit pas pour 4b£' Mémoires d'Italie. grimper aux inégalités qu'ont formées le long de la montagne, les torrens de lave qui en font fortis à différentes hauteurs, depuis le fommet du pic jufqu'à fa racine. Ces inégalités vues de près, ont quelque reffemblance avec les ornemens faillans dont font chargés les ouvrages gothiques. Les pointes d'écumes ôc de laves fe montrent donc à travers le fable noirâtre dont j'ai déjà parlé , qui couvre toute la montagne , ôc qui eft tout à-fait aride ÔC très-mouvant. C'eft le long de ce penchant rapide que l'en remarque les différentes matières des éruptions dont j'ai parlé ; celles fur - tout d'un poids plus léger, que les fumées foulevent & emportent du fonds du crarer, 6c rejettent au-dehors... A la cime du Véfuve , fur l'ancienne ouverrure , on commença à appercevoir , au mois de janvier 1755 » une nouvelle montagne qui paroilfoit fortir du crarer même du Véfuve • qui augmenta confi-dérablement , Se prit en moins de cinq mois de temps , la hauteur où elle eft encore aujourd'hui, & qui peut avoir d'élévation perpendiculaire environ le cinquième du pic ou montagne du Véfuve* elle ne peut avoir été élevée & pofee à la 'Le Vésuve. 4q7 hauteur où elle eft que parle foulevement du fonds du crater même, qui fe fit dans les éruptions de 17 5 4 Se 17 5 5.11 eft probable qu'elle exiftoit avant ce temps , mais tout-à-fait cachée dans le fond du Véfuve. Elle paroît à l'intérieur compofée des mêmes marières que le refte de la montagne dans les parties les plus folides , ô\i elle a éré recouverte à l'exrérieur , de fables , de feories, de pierres brûlées, de ponces 6% d'écumes,que le Véfuve a rejettées dans fes éruptions : elles s'y font amaffées à quelque épailfeur, Se ont comblé la partie du crater qui s'eft foulevée en même-temps , entre le pied de cette nouvelle montagne Se l'ancien orle ou bord du Véfuve. Quoiqu'il en foit, tout ce terrein m'a paru allez folide pour y marcher fans crainte. Tout le long de l'ancien Véfuve on ne s'apperçoit ni de bouches à fumée , ni d'aucune chaleur fenfible j mais quand on eft arrivé à l'ancien orle , fur le crarer même , le fable qui y eft très-épais , eft fort chaud -, il y a des crevaffes oui rendent continuellement de la fumée ; il en fort aufli de quelques gros quartiers de tuf percés , quoiqu'ils ne foient pas encore orûlés ^ au moins à l'extérieur. Ces fumées font alfez confidérablers 408 Mémoires d'Italie. pour qu'on les apperçoive de Naples même, & elles font fi chaudes, qu'il n'eft pas poiîible d'approcher la main de l'orifice dont elles forcent,fans fe brûler.C'eft là furtout où on trouve quelques-unes de ces grolfes pierres lancées en l'air hors du foyer par ces explorions violentes dont j'ai parlé. La chaleur ne diminue pas en grimpant fur la nouvelle montagne , elle femble augmenter , ce qui prouve qu'elle n'eft pas fort épailfe : la fumée en fort de même que de l'ancien crater. Le fable y eft fort chaud , & plus épais encore que fur le refte de la montagne ; on y eft jufqu'au genou , tk fouvent plus haut fur tout en montant , à caufe des efforts qu'il faut faire pour avancer. Cette nouvelle mon. tagne eft terminée par un orle alfez large $ où l'on peur marcher aifément , & quj paroît formé en partie par les matières des éruptions qui s'y font accumulées ; la chaleur du fable eft moindre à mefure qu'on s'approche de la pointe. Le plus haut point de cette montagne eft du côté de Naples une partie de fes bords fe fonr écroulés entre le levant tk le nord. Sa diftance actuelle de l'ancien orle m'a paru être d'environ cinq cent pieds. Lorfque Le Vésuve. 409 Lorfque j'y fuis monté , il fortoit du Véfuve une colonne de fumée blanchâtre , épaiûe Se fort humide , qui en remplif-foit prefque entièrement l'ouverture , Se qui auroit empêché de rien voir de l'intérieur, fi leventdumidi,quifouffloiia(fez fort, n'eût rabattu de temps en temps la fumée",ce qui me permetro;t d'obferver les parois intérieurs de la montagne entre le coujhant Se le nord , à la profondeur d'environ trente toifes On remarque dans certaines parties les traces d'un feu vio. lent j dans d'autres, les chofes y paroilfent dans leur état naturel -y c'clt-à-dire que les différens lits de pierres Se de terres y font comme dans toute autre montagne. Prefqu'au-defTus je vis très-diftinctement unamas de fort groffes pierres femblables a. un rocher folide, qui avoit l'air d'un maf-fif de foufre de différentes nuances de jaune , parmi lefquelles je remarquai quelques rayes bleues , qui ne peuvent avoir éé occafionnées que par des matièv-res vitrioliques mifes en fufion ; il peut fe faire que cette couleur-ne fut qu'une couche extérieure , & une efpéce de fuye ou de dépôt de fumée. Il fe détacha de cet endroit même quelques parties affez groffes. Quand elles furent arrivées au Tome IV. * S 4i o M i moires d'Italie. fond , elles y excitèrent un bouillonnement trcs-fenfible , je m'apperçus auili qu'il fe détachoir de temps en temps quelques pairies moins confidérables dans le rour de la montagne. Nous y roulâmes les plus groifes pierres que nous pûmes rrouver fur l'orle, ôc nous entendîmes le bruit qu'elles faifoient en tombant, tou<* jours diminuer pendant un aifez long efpace de temps pour juger que le foyer étoit alors à une grande profondeur *, ia chute de ces pierres n'occafionna aucun bruit ex* traordinaire , ni aucune différence de mou, vement dans l'éruption de la fumée, au lieu que les parties du rocher, quifedé-tacherenr vis-à-vis de l'endroit où j'étois, augmentèrent tout de fuite le volume de la fumée, perpendiculairement à l'endroit même d'où elles s'étoient détachées. De rems à autres, on y entend quelques mu-giifemensfourds & profonds,femblables à ceux d'un vent violent entendu de loin. Tout ce que j'ai pu obferver, tant par la chaleur que j'ai éprouvée en montant qu'à l'in/pecf ion même de la fumée , c'eft qu'il y a encore un très-grand feu allumé dans le dedans du Véfuve. La quantité de la fumée , fon épailfeur ôc fa blancheur étoient occafionnées par beaucoup d'hu- I* E V E S IJ V £» 4I t Tïiidité , ôc fnrtout de nitre qui devoir do* miner alors dans tout l'intérieur de la montagne. Depuis long - temps les pluyes étoient fréquentes, il étoit tombé beaucoup de neige Ôc de grêle ; il en reftoit même encore quelques parties jufques fur la nouvelle montagne, alfez épailfes pour réfifter à la chaleur continuelle du terrein fur lequel elles éroient ; mais je ne vis rien dans cette fumée ni dans les matières qu'elle charioit, qui pût me faire foup-çonner qu'il y eut beaucoup de fer mêlé avec le foufre dans le foyer intérieur ; au contraire la fumée , au goût, à l'odeur, au tact même , étoit tout-à-fait femblable à celle des bouches de la Solfatarre : ce qui donne lieu de conjecturer que le feu étoit alors entrerenu par des matières fem-blables ; en plus grande quantité fans doute , eu égard à l'étendue du foyer, & à la largeur de fon ilfue , au moyen de laquelle l'air extérieur y fait fentir plus librement fon action. L'infpection des lieux, ôc 1 état actuel du,Véfuve, femblent annoncer que ce volcan, ii formidable autrefois, deviendra peu dangereux, ou que s'il ne s'éteint pas abfoiument , il réitéra dans le même érat de tranquillité dans lequel eft la Solfatarre Sij 4ii Mémoires d'Italie. depuis tant de fiécles. Le rapport de ceu* qui ont vû le Véfuve à l'intérieur , Se qui ont pû l'examiner dans les temps où l'incendie étoit le moins fort Se qu'il en fortoit peu de fumée, & quiaffûrentque la montagne du côté de Naples eft encore très-folide , compofée de différenrs lits de pierres, de tbfs , de terres Se de fable , mêlés de quelques parties de différens minéraux , qui peuvent fournir longtemps des alimens nouveaux au foyer du Véfuve y ce rapport , dis je , ne me paroît rien conclurre pour la durée du Véfu-ve. Dans le temps que le feu étoit allumé dans la Somma , toute la partie fcp, tentrionale de la montagne étoit folide , compofée de fes différents lits , qui n'c_ toient point encore altérés , 6c qui font reftésdans l'état même où ils étoient alors, tandis que la partie oppofée fut entiérel ment emportée, tant par la violente action du feu , que par la force & le poids d'un torrent de matières enflammées , de nafte, de bitume , de foufre fondus enfembie Sz mêlés de beaucoup d'eau , qui rendirent fluides les fables , les terres , "les tufs, Se les pierres mêmes pendant alfez long-temps, pour couvrir tout l'efpace de terrein qui étoit entre cette montagne ôc Le V i s o v ï. 4r 5 la ville d'Herculée \ Se couler delà jufques dans la mer même , à une très-grande hauteur, ainfi que je le dirai plus bas. 11 peut arriver la même chofe au Véfuve ; la montagne eft très ufée du côté cXOttaïano ; elle peut s'ouvrir entièrement de ce côté* Se donner une iifue libre aux matières enflammées qu'elle renferme encore dans fon fein, Se donr le foyer s'éteindra en-fuite infenfiblement, parce que le feu ne-tant plus concentré , n'aura plus autant d'activité , Se ne recevra même plus autant de matières qui puifïènt l'entretenir. Ce que j'avance à ce fujet ne font que des conjectures , mais qui ne font pas dénuées' de toute vraisemblance. Depuis quelque temps , les tremblemens de terre caufés par les grands mouvemens du Véfuve font moins confidérables ; la dernière, éruption qui s'eft frite au pied de la montagne , à peu d'élévation au - deffus du niveau delà mer, prouve que les matières inflammables ne font plus affez ref-ferrées pour s'élever bien haut j elles fui-vent les cavités intérieures qui fe forment dans la montagne à mefure qu'elle s'ufe, Se s'ouvrent une iffue , où elles trouvent le moins de réfiftance. Il peut arriver encore quelques éruptions femblables qui 414 Mémoires d'Italie. dévafteront les territoires voifihs , mais qui ne porteront plus au loin le trouble ôc la défolation. L'ouverture actuelle du haut du Véfuve , m'a paru avoir au moins cent toifes de diamètre , du couchant au levant, qui eft la feule partie que j'aie pu voir quelques inftans à découverr, parce qu'une colonne de fumée épailfe remplilfoit alors toute fa capacité. Comme la forme de l'ouverture eft plus ovale que ronde , le diamètre doit être plus grand du midi au nord. L'orle n'eft pas par-tout de même hauteur, il s'eft affailfé en partie du côté du levant, ôc c'eft par-là qu'il eft poilible de pénétrer dans l'intérieur même du crater , lorfque le Véfuve eft tranquille. Cours Je la llm Les torrents enflammés que le Vé-ouvemeMs" fuve a jettes hors de fon fein , dans le temps des étuptions, ôc que l'on appelle laves dont j'ai décrit la compofition , ne courent pas avec une rapidité qui empêche de les éviter ôc de fe fouftraire à leur fureur. Leur marche eft lente & a une forte de gravité, qui dépend tk de la foli-dité des matières enflammées qui font' fortement unies enfembie , tk des deux mouvemens contraires qui agirent ces torrents y c'eft-à-dire le mouvement de flui- Le Vésuve. dite & celui d'effervefcence. Par le premier,le torrent de feu tend à fuivre la pente fur laquelle il coule à la manière de tous les autres liquides ; par le fécond , il tend continuellement à s'élever enfe dilatant*, ce qui retarde fa marche , & fait que ce fleuve , quelque fort 6c deftructif qu'il paroiffe, eft arrêté par le moindre obftacle. S'il fe trouve un arbre ou une pierre de quelque groffeur vis-à-vis le front du torrent j on le voit s'arrêter un inftant, entourer enfuite ce qui lui fait obftacle fans le toucher , 6c s'élever par le mouvement d'erTervefcence jufqu'à ce qu'il l'ait couvert, ce qui n'arrive qu'après que la grande chaleur qui fort de ces matières enflammées a pénétré en quelque forte les corps étrangers qui lui faifoient obftacle , 6c leur a donné une forte de préparation au moyen de laquelle ils peuvent s'unir plus aifément à la lave. Alors les pierres poreufes, les cailloux, dans lefquels il fe trouve des cavités , où l'air eft renfermé dans une quantité fenfîble, fe brifentfous la lave avec un bruit femblable à celui du canon ; Iorfque l'air qu'ils contenoient raréfié par la chaleur , fort avec effort des cavités où il étoit reiferré , 6c force même la réfiftance du torrent enflammé qu'il divife, S iv Le terrein fur lequel coula la lave de 1760 croit parfemé de plufieurs de ces cailloux , qui fe brifant avec bruit , don-noientde loin a fon cours l'air d'un retranchement garni d'une nombreufe artillerie, & éclairé pendant la nuit d'une longue fuite de feux j ainfi que je l'ai appris de Militaires fort en état de juger de la vérité de cette comparaifon , Se furtout de M. le Comte de Neiperg , alors Ambaf-fadeur de l'Empereur à la Cour de Na-2>les. Les arbres qui fe rrouventdans le cours de la lave, Se qui fonr d'un gros volume , fui font un obftacle encore plus fenfible ; comme le mouvement d'effervefcence n'eft pas affez fort pour l'emporter entièrement fur celui de fluidité, Se former une efpéce de voûte qui s'éleveroit au-deffus du tronc de l'arbre, Se l'entoureroit fans le toucher j la lave s'arrête d'abord vis-à-vis de l'arbre , Se l'entoure en entier fans le joindre. Si l'aibre eft verd Se plein de fève, fes feuilles jauniffent d'abord, fe féchent Se s'enflamment, fans que le feu fe communique au corps de l'aibre ; car quelques-uns reftent en place , Se féchent fans brûler ; il faut pout cela qu'ils foient gros , élevés, & vigoureux j fînon, ils Le V é s u v -e. 41-7 fe courbent infenfiblement,& font entraînes par la lave , alors on voit une flamme plus vive s'élever au-deffus de la place qu'ils occupent j les matières dont le torrent eft recouvert , font plus agitées , ce qui dure jufqu'à ce que l'arbre en foit entièrement coniumé. Les arbres fecs, quelque gros qu'ils 1 oient, s'enflamment beaucoup plus vite , &c donnent ordinairement une piramide de feu , qui s'élève fort au-deftiis de la lave. Il eft vrai que les propriétaires des fonds fur lefquels les laves coulent, familiarifés en quelque forte avec ces torrents, dont ils connoilfent le mouvement , ont eu dans ces derniers temps , l'attention de faire couper les arbres , dans les terreins fur lefquels la lave, prenoit fa direction. Les bâtimens qui fe font trouvés ex-pofés à ce fléau, Se qui naturellement ne dévoient pas être affez folides , pour ré-fifter à un liquide de ce poids, & de cette activité , n'ont pas toujours été renverfés j quand la lave approche de quelque maifon, elle s'arrête, parce que le courant d'air retenu pir la furface du mur , à travers lequel il ne peut pas s'échapper alfez promptement , fait alfez d'obftacle au mouvement de fluidité pour l'arrêter, Se S iv 41S Mémoires d'Italie. donner plus d'activité à celui d'erTervefcence. Alois la lave s'élève au-delfus de fon niveau, s'étend autour de la maifon qu'elle environne fans la joindre : s'il y a des portes ou des fenêtres à la hauteur du torrent, la chaleur de la lave les échauffe affez pour qu'elles s'enflamment ôc tombent d'elles-mêmes. Le torrent, fuivant fon mouvement de fluidité , fe di-vife tk lailfe couler une petite branche de lave , qui avance quelques pas au-dedans de la maifon , mais qui ne s'y érend pas, comme feroit tout autre liquide , parce que le mouvement d'effervefcence qui eft plus marqué fur les bords que dans le milieu du torrent, ne permet pas à la lave qui s'échappe par le côté , de couler afllz vite , pour n'être pas refroidie, ôc avoir perdu toute fa fluidité , avant que de remplir l'efpace qui lui eft offert, ôc dans lequel l'air renfermé lui fait encore plus de réfiftance qu'en rafe campagne. Une preuve fenfïble du mouvement d'effervefcence de la lave qui la porte toujours à s'élever , ce fout les différentes grottes qu'elle a formées naturellement ik que fon apperçoit encore à fouvertute de quelques bouches, par lefquelles elle a coulé 5 mais aucune ne méiite plusd'at- Le Vésuve. 4-9 tention que celle que l'on voit au pié du Véfuve du coté d'Ottayano ôc qui s'eft: élevée dans le cours des dernières laves de 17-55. Dans le plein même du vallon , la lave en coulant s'eft formé un aqueduc creux , long d'environ quatre-vingt pieds ; cet aqueduc ou canal vient aboutir à une grotte qui a vraiment la forme d'un petit temple antique , coupé par le milieu ôc couvert d'une demi-coupole. L'ouverture principale a huit pieds ôc demi de largeur , la hauteur eft de plus de douze pieds j la matière eft ii bien unie dans fes inégalités , que toute la grouc femble formée d'un fieul ôc même mailif de briques. Le pavé de la grotte, recouvert de fels ôc de foufres blanchâtres,eft affez uni; il paroît que la lave a coulé à travers l'aqueduc ôc le temple même après qu'ils ont été formés. Les ftalagmites attachées à la voûte ôc furtout à l'entrée, y font un ornement de différentes couleurs brillantes , qui rendent ce caprice de la nature encore plus hngulier. Il eft vrai , que quanr aux fels &c aux foufres qui fonr fur le pavé, ôc aux ftalagmites, l'état des cho-fes peut changer , ôc que l'humidité ôc l'air fuffiient pour faire tomber cette efpéce d'ornement j mais pour la grotte elle Svj 4i© Mémoires d'Italie. eft d'une folidité à durer très-long-temps d'autant mieux qu'elle eft appuyée fur un lit de laves que rien ne paroît devoir déranger de fi tôr. La mari ère qui a coulé des petites cavités qui font à côté , toute refroidie qu'elle eft, eft une preuve delà folidité 8c de l'union de fes parties. Telle eft donc la manière dont ce torrent de feu furmonte les obftacles qu'il trouve dans fon cours. Il s étend plus ou moins, fuivantla qualité deVmatières dont il eft compofé. Quand le bitume y domine 8c que le liquide trouve dans les parités mêmes, dont il eft formé , de la réfiftance a s'étendre , il coule à une très-grande épaiifeur 3 on connoît des lits de lave qui ont douze à quinze pieds de hau, leur, 8c d'autres qui n'en onr que trois ou quatre. Il ne coule pas à la maniéré des autres liquides , qui ne croilfer.t en hauteur qu'à proportion des obftacles 8c des inégalités du terrein qu'ils parcourent: ici c'eft fon mouvement d'effervefcence, 8c le degré de chaleur , qui décident de f épaiifeur de la lave &de fa largeur • plus le bitume y domine, plus les bords s'élèvent , & concentrent dans le milieu , le fluide,qui conrinuede couler toujours dans le même volume. Obfervatbn qui prouve Le Vésuve. 421. que les dernières laves forties du Véfuve, s'étant étendues à une très-grarrde largeur, avoient beaucoup moins d'effervefcence que la plupart de celles qui les avoient pré-cédéesjôc que par conféqnent les matières les plus inflammables , ôc la chaleur du foyer avoient fort diminué. Quoique le mouvement de la lave puilfe pafTer pour lent, ne parcourant dans fa plus grande célérité pas plus de dix ou douze pieds par minute 9 elle coule toujours à une épaiifeur relative aux matières dont elle eft compofée, même très-près des bouches d'éruption , qui d'ordinaire fe font ouvertes dans les penchans les plus rapides de la montagne. Dans ces endroits mêmes , malgré la rapidité du terrein , on obfervera que plufieurs laves y ont coulé d'une très-grande épaifteur ; ôc que d'autres fe font étendues davantage en largeur ; dans quelques-unes l'ouverture a été pour ces rorrens de minéraux fondus, une efpéce de filière , où ils ont pris la confiftance ÔC le volume qu'ils onr confervés dans leur cours. Dès que le principe de chaleur qui mer le fluide en mouvement , eft tout-à-fait difîîpé -, la lave celfe de couler Ô£ s'arrête. Je n'ai pas vu que l'on eût obfervé à quelle épaiifeur 4ii Mémoires d'Italie. elle brûloit le terrein fur lequel elle coule* mais elle doit lui communiquer fa chaleur à un haut degré , à en juger par le temps que les laves reftent échauffées ; plufieurs l'étant encore plus d'un mois après que leur cours eft arrêté. Telles font les laves qui ont coulé en très-grande quantité depuis \ 6zi jufqu'en 1760 , ôc qui ont recouvert tout le Véfuve , d'un enduit folide ôc aride, fur lequel rien ne peut croître , ôc qui vues de près lui donnent un afpect fi trifte Ôc fi noir. Partout où elles fe font accumulés , le terrein y eft également inculte , Ôc il ne paroît pas qu'il foit jamais poilî-ble de le fertilifer , s'il n'eft pas recouvert de terres, de cendres , ôc d'autres matières favorables à la végétation j car il ne faut pas imaginer que les excellent vins que l'on recueille au pied du Véfuve croiffent fur les laves. Le terrein de ces vignes eft rempli à la vérité de cailloux, de fables , de cendres , de ponces, de foufres même que les éruptions y jettent j mais toutes ces matières mêlées enfembie fourniffent des fels excellens & la nourriture la plus convenable aux fruits qui y croilTent, ôc qui font de première qualité , de même que dans les territoi- Le Vésuve. 42$ res de Portici, Réfina , ôc des Villages voifins. 22. Je n'ai encore rien dit des précau- chemînspour tions à prendre pour monrer fur le Véfu- aller au véfl>: ye. Il y a différens chemins moins fati- vc' guans les uns que les autres. L'un par le côté d'OtntyanOj en paffant par le Village de l'Annunziata , qui eft au midi du Véfuve 3 l'autre par l'Hermitage& la Somma qui eft au nord. Il eft certain que ces deux routes font les moins fatiguantes , ôc que l'on peut y aller fans peine avec un guide j mais ce n'eft pas-là le chemin que nous primes. Les étrangers font prefque toujours la dupe de leur impatience de voir les objets de leurcuriofité. Nous crûmes couper au plus court en allant droit au Véfuve , ôc en nous en rapportant aux premiers payfans du pays qui s'offrirent pour nous guider. En defcendant de carroffe à Refîna,nous fumes inveftis par un tas d'hommes, les plus gtoiliers ôc les plus miférables en ap- {carence , que l'on puilfe imaginer : ce font es habitans les plus pauvres de ce riche pays -y il femble que l'aridité de la lave , fa ftéiilité ôc fa dureté ayent palfé en partie fur la phifionomie ôc dans les manie-les de ces gens qui crient plutôt qu'ils ne 414 Mémoires d'Italie. parlent nn langage barbare tk prefque inintelligible. Leur occupation ordinaire eft la culture des vignes tk des terres , tk la pêche. Mais comme les laves ont beaucoup retranché dans ces derniers tems , de la quantité du terrein qu'ils avoient à cultiver, leur mifere a augmenté à proportion que leurs moyens de fubhfter ont diminué , tk attachés à la douceur du climat qu'ils habitent, naturellement parefteux Se indolens , ils n'ont pas imaginé d'aller chercher ailleurs des terres à cultiver , & des travaux auxquels ils pufient s'occuper utilement , quoiqu'ils foient forts tk ro-buftes. Un des moyens les plus fins qu'ils ayent de gagner quelque argent eft d'attendre les étrangers qui doivent venir voir le Véfuve. Ils s'offrent de les conduire , de les porter , de les rraîner même ; car ils s'engagent d'épargner toute fatigue à ceux qui voudront bien s'en rapporter à eux. Us amènent aufli des ânes fur lefquels on monte , pour aller à travers les différentes laves jufqu'au dellus de XA-trio del* Cavallo. On peut louer de ce$ gens tant que l'on veut, car ils viennent s'offrir en foule , tk li on marque le moindre étonnement de leur nombre, de leurs cris & de leur brutalité , ils rançonnent impitoyablement , & même quelquefois maltraitent les étrangers ; car ils font mé-chans ôc très intéreffés. La manière de traiter avec eux , eft de ne les point laif-fer approcher , afin qu'on ne foit pas enlevé ôc porté de force fur un âne 3 il ne fiiut pas craindre de les éloigner à coups de bâton ; il n'y a même que cette manière de fe faire entendre & obéir. Quand on en a alfûré le nombre , dont on croit avoir befoin , ôc convenu de prix , on donne à chacun d'eux une marque qu'ils font oblig 's de rapporter au retour du Véfuve , à la vue de laquelle on les paye j car s'ils avoient reçu leur argent plutôt, ou ils ne rendroient aucun fervice, ou ils fe feroient payer au-delà de la convention. Pour faire valoir davantage la peine qu'ils prennent, ils choifilfent le chemin le plus rude ôc le plus difficile pour grimper fur le Véfuve j deux vont en avant qui font femblant de tirer à eux celui qu'ils conduifent, un autre le foutientpar derrière , Ôc prétend le pouffer en haut. Comme le terrein n'a aucune folidité , ces gens ne-peuvent jamais s'alfùrer de façon à y avoir de la force. De forte qu'ayant 4i£ Mémoires d'Italie. vû que je me fatiguois beaucoup à fuivre les mauvais guides dont j'étois précédé , & que celui qui prétendoit me pouQer me retiroit réellement en bas , Ôc qu'en tout les uns 6V: les autres me nuifoientplus qu'ils ne me fervoienr ; je pris le parti de les faire marcher devant moi, 6c de grimper fans leur fecours ; car je m'étois véritablement excédé de fat igue, en voulant fuivre la direction qu'ils me don-noient : je ne commençai donc à aller un peu à mon aife , que lorfque je ne m'en rapportai qu'aux précautions que je pris de moi même. L'avidité de ces gens, leur brutalité ftupide, leur miférable ajuf-tement, 6c leurs cris confus, font très-propres à donner une idée des Sauvages les plus grolîiers ôc les plus barbares de l'Amérique. Je ne confeille donc à perfonne de prendre cette façon d'aller fur le Véfuve ; il faut fe pourvoir d'un guide inf-truit, dont quelqu'un réponde à Naples , monter à cheval dans la ville même , 6c aller jufqu'à Y A trio del Cavallo ou du coté de la Somma , ou de celui de l'An-nunziata , 6c gagner le fommet du Véfuve par le Midi ou par le Nord : il eft moins efcarpé de ces côtés , le chemin eft moins fatiguant , 6c comme on eft plus Le Vésuve. 427 tranquille , on peut faire des obfervations plus juftes tk meilleures. A une demi-lieue environ du Véfuve, entre le nord tk le couchant, fur un coteau peu élevé , vis-à-vis de l'ancien crarer de la Somma , planré de vignes tk cultivé j eft l'hermitage del Salvatore, duquel on eft bien à portée d'obferver tous les mouvemens du Véfuve , d'en entendre le bruit, tk de reiïèntir les premières fecoufles qu'il caufe. Aux matières près qui fonr jettées au loin par les éruptions , éc qui tombent fur l'hermitage comme ailleurs , il n'y a rien à craindre ni des torrens de feux , ni même des rremble-mens de rerre j car la chapelle qui eft alfez grande, tk les petits logemens de l'Her-mite , quoique d'ancienne conftruction, n'ont rien fourfert d'aucuns de ces mouvemens convulfifs. Celui qui habitoit cet hermitage en 1761 étoit un François qui y étoit établi depuis long-temps , grand hâbleur de fon métier , qui avoit voulu fe donner pour un homme à miracles ; qui d'abord par fes intrigues avoir acquis une forre de crédit , tk s'étoit fait connoître même a la cour y mais comme fa conduite ne ré-pondoit pas exactement à l'idée qu'il •418 Mémoires d'Italie. avoit voulu donner de fa fiunteré, il avoit été obligé de renoncer & à prédictions Se à miracles, pour s'en tenir à fon état de mendiant, qu'il m'a paru exercer avec beaucoup d'aiTùrance. Il vantoit fort fon défintérelfement , Se prétendoit que fes quêtes tournoient plus au foulagementdes pauvres de fon voifinage , qu'à fes propres befoins, Se fous ce prétexte, il extor-quoit fouvent avec importunité ce qu'il n'auroit pas obtenu autrement. Il jouif-foit encore dans les villages voifins d'un cettain crédit que lui attiroit l'état d'aifan-ce où il s'étoit établi ; quoiqu'il palfât publiquement pour de ces gens : qui Curies jîmulant & Bacchanalia vivunt, Se qu'il en eût tonte la phyfionomie. Le vin de ce coteau eft de très-bonne qualité , il relfemble pour le goût Se la couleur au lacryma Chnjii , Se fouvent on le vend pour tel. Ce petit territoire eft continuellement fertilifé par les pluyes de cendres , de fels Se de foufres , que les vents détachent de la cime du Véfuve, ou que les fumées y dépofent. Tout le pays des environs, quelque fec qu'il paroilfe, eftréfervé pour les plaints „ du Roi j on voit quelques petits chemins Ll VÉSUVE. 42£ que Ion a pratiqués pour pouvoir pafler partout j le gibier même paroît s'y plaire. J'y ai vû des lièvres ôc des perdrix rouges , quiyvivoient fort tranquillement & que le bruit n'étonnoit pas. On mené aufli paître quelques moutons ôc des chèvres aux environs de la Somma , où il eft reffé quelques buiffons qui croiffent dans les rochers. Ce fpectacle eû encore cela de la mifere même ; les femmes qu> gardent ces troupeaux , moins actives que leurs rmris donr j'ai parlé plus haut, couvertes de quelques haillons , paroilîent porter à peine le poids du jou> ôc de leurs maux , Se font vraiment pitié ; ce qui eft d'autant plus étonnant qu'à quelques milles près en quarré, qui fonr couverrs de laves , put le refte du pays eft d'une abon* dance & d'une fertilité incomparables (a). (a) Hic eft pampineis , vividis modo Vefuius umbris , Prejferat hic madidos nobilis uva lacus. H*.c juga, quam N:f& colles plus Bacchus amavil Hoc , nuperfatiri monte dedere choros ; Hic Vrneris fedes , Lacedemone , gratior illi, Hic locus Herculeo nomine clarus erat. Cuncîa jacent flarnmis , & trifti met fa favilla , Nec Superi vellent hoc licuijfe fibi. Mari. Ep. 44. L. 4. 4$o Mémoires d'Italie. Découvert* 2.5. Après les détails dans lefquels je Hercule», emr(£ fac jes divers embrafemens du Véfuve, les matières qu'il a rejettées dans fes éruptions, & dont il a couvert le pays qui l'environne , les différentes laves qui en ont coulé ôc fon état actuel , je dois dire quelque chofe de plus précis de la grande éruption qui couvrit en entier la ville d'Herculée & celle de Pompeya ; événement fameux dont la mémoire s'eft renouvellée de nos jours, & eft devenue plus folemnolle que jamais , par l'entre-prife qu'a faite le roi des deux Siciles , de fouiller dans les ruines de la première de ces deux villes , abîmée depuis tant de fiécles, &z recouverte de terres à une telle épaiifeur, &c d'une folidité fi grande, que l'on a bâti au-deffus le bourg & le château royal de Portici, fans que ce terrein que l'on peut regarder comme artificiel, ait jamais éprouvé d'autre affaiffement, Cetrc épigramme eft bien l'hiftoire du Véfuve actuel, elle Fut faite peu après la première éruption de 79 j les chofes s'étoient bien rétablies dans les ficelés fuivans 5 mais depuis l'éruption de 1631 , la défolation a été portée à un point, qui 11c permet pas d'efpcrerque le Véfuve ait jamais les agrémens que Martial lui donne. Herculée. Portici. 43! ni d'autres mouvemens, que ceux qui ont été occafionnés par les tremblemens de terre dont tout le pays a fouffert. Ce qui a donné lieu à ces découvertes qui doivent faire époque dans l'hiftoire de la Littérature tk des beaux Arts , eft une excavation qu'entreprit le prince d'El-beuf, général des galères de Naples , dans le commencement de ce fiécle, pour faire un puits à Portici même. On y trouva quelques morceaux de marbre travaillés de bon goût. En 1711 , le prince d'El-beuf ayant befoin de pouflieres de marbres , pour faire des ftucs dans une maifon qu'il faifoit conftruire à Portici, fit pratiquer quelques excavations dans le même puits à Heur d'eau , tk on rrouva un temple antique orné de colonnes tk de ftatues de marbres , qui furent enlevées 6c envoyées au prince Eugène. Les proportions de ce temple que l'on croit avoir été confacré à Bacchus, étoient à-peu-près les mêmes que celles du temple de Sérapis à Pouzzols. Cette découverte étoit alfez belle pour faire continuer les excavations qui furent cependant interrompues , 6c dont on parla peu alors. Cela fit feulement foupçonner, que ce temple pouvoit bien faire partie de l'ancienne 451 Mémoires d'Italie.* ville d'Herculanum ou Herculée , dont jufqu'alors on avoit ignoré la vraie fitua-tion ; les auteurs qui en avoient écrit la plaçant bien plus au levant, fous les villages de la Torre del Greco ou de l'Annunziata. Les chofes réitèrent en cet état, on n'en parla plus jufqu'en 1738 que le roi des deux Siciles ordonna que l'on rit de nouvelles excavations que l'on a continuées juiqu'à préfent , 5c qui dureronr encore pluheurs années ; car,fuivanr toutes les apparences , il s'en faut beaucoup que l'on ait fouillé le terrein de l'ancienne ville d'Herculée , 5c pénétré dans toutes fes ruines. Cnufrsdela 24. Je vois que jufqu'à préfent on s'eft B> accorde a regarder 1 eiuption de 7«> , com- me la feule caufe de la ru ne d'Herculée. Mais il faut remonter a feize ans plus haut. Scnéque nous apprend que fous le Confulat de Regulus 5c de Viiginius, le jour des noues de février ( le 5 ) date qui revient à l'an 6 5 de l'Ere Chrétienne , il y eut un violent tremblement de terre qui fe fit fentir dans tous les environs du Véfuve , & dans une faifon où il fembloit que l'on n'avoit rien à craindre de ces ac-cidens inopinés. Jufqu'alors la Campa-nie agitée de ces violentes fecoulfes, n'en avoit Herculée, Portici. ^zi avoir, été qu'effrayée , fans en éprouver aucune perte confidérnble j mais dans cette occafion, à s'en rapporter aux exprefîions de Sénéque , la ville de Pompeïa fut entièrement ruinée \ Herculanum fut détruite en partie, ôc ce qui en refloit pa-roilfoit (i mal atfùré que l'on doutoit qu'il pût fubfiftcr longtemps. Naples fut endommagée dans plufieurs de fes édifices , tandis que les maifons de campagne ifo-léirs furent violemment agitées j mais aucune ne fut renverfée (a). J'obferverai à ce fujet que le continuateur de Dion Caflius, en parlant de l'éruption qui recouvrit en entier la ville d'Herculée, ôc que j'ai cité plus haut, pa- (a) Pompeios célèbrent urbcm Campants..... de-fed'Jfe uns motu, vcxatis quACumque adjacebant regicnibus... audivimus & quidem diebus hibcrnis quosvacare à t ait péri culo , majores noftrifolebant promitiere. Nonis februarii fuit motus hic , Régula & Virginie confulibus, qui Campaniam nunquam fccuram hujus mali, indemnem tamen , & toties cefunclam mciu , magna ftrage vafiavit. Nam prirent cette direction inclinée du Nord au Midi, que l'on remarque fur-tout dans ceux qui font le plus près de la mer ; cat le théâtre & les édifices voifins avoient confervé leur point d'appui perpendiculaire , 8c il paroît très probable que cette direction avoit été donnée par le tremblement de terre, 8c non pas, comme quelques auteurs l'ont écrit, par le poids des matières qui coulèrent du Véfuve dans l'éruption. L'abondance de cendres , de ponces, 8c de pierres que re-jctta le Véfuve plufieurs jours de fuite avant que le torrent ne coulât, 8c qui tombèrent perpendiculairement 8c en forme d'une pluye épailfe àc continuelle , durent être accumulées en alfez grande quantité pour recouvrir la ville en cnrier, 8c foute-nir les bâtimens dans la polition où ils fe trouvoient. La preuve de l'abondance avec laquelle elles tomboient , c'eft que l'on fut obligé d'éveiller Pline l'ancien qui fe repofoit dans une maifon., pour qu'il eut H e r c ul é e , P o r t 1 C î. à s'en retirer promptement, parce que les cendres , les écumes , les ponces tom-boienr d'une relie épaiiTeur que routes les ilfues étoient prêtes d'être comblées de façon à ne pouvoir plus s'échapper. Cependant Pline étoit probablement à quelques milles au-delà d'Herculée du côté de Stabia , où il paroît que lérup ion ne fe fit pas fentir auili fort qu'au midi , où elle remplit, non-feulement les rues & les cours ; mais les veftibules , Se plufieurs des appartemens d'Herculée. Cette pluye brûlante & fi incommode força fes habitans à le retirer plus loin , & leur donna fans doute le temps d'emporter leurs effets les plus précieux ; puilque depuis le temps que l'on y fouille, on n'a trouvé en diverfe-s places que les reftes de dix ou douze cadavres , que l'on peut légitimement fuppofer être de gens qui, comme Pline l'ancien, furent furfoqués en voulant fe retirer, Se que l'on n'eut pas le temps de fecourir dans la confufion Se f obfcurité qui regnoient. Les cendres , les ponces , les pierres brûlées, les fables ardents , s'accumulèrent donc alfez promptement fur cette malheureufe ville , non-feulement pour conferver long-temps leur chaleur , mais 436 Mémoires d'Italie. encore pour la communiquer à un très-haut degré à tous les effets qui étoient dans les maifons ; puifque dans les apparte-mçns où l'efpéce de lave , ou de liquide enflammé dont je parlerai plus bas n'a pas f)énétré, on a trouvé le pain , les fruits , es bois, plufieurs volumes en rouleaux ; échauffés au point d'avoir été réduits en charbons, mais fans avoir changé de forme , 6c par conféquent fans avoir été ex-pofés à l'action du feu. Les peintures s'y font mieux confer-vées , elles n'ont été que ternies fans être altérées , parce qu'on n'employcit alors dans la peinture que les couleurs tirées des minéraux Ôc des terres coloriées', qui étant en propre fublfance , fans mélange d'aucune liqueur inflammable , telle que l'huile , ôc ayant pénétré à une certaine épaiifeur dans fendroit fur lequel elles étoient appliquées , fe font confe.rvées aufli attifement que les ftucs. Il eft cependant probable que fi peu après l'éruption on eut eiïayé de les enlever comme on a fait près de dix-fept fiécles après, une partie eulfent tombé en pouflière. Je crois que l'humidité qui a pénétré à la longue à travers la couverture épaitfe de laves Ôc de cendres qui étoit au-deffus, a renou- ÎIerculée, Portici. 437 vellé en quelque forte l'enduit, Se a raffermi les unes avec les autres les parties des couleurs qui,dépouillées de toute humidité, ne dévoient plus tenir enfembie que par leur feule configuration. Ccpen-. dant elles reftoient en place y tant parce que l'air qui les environnoit étoit dans une entière inaction, que parce qu'elles étoient foutenues en partie par les matières mêmes de l'éruption. Une preuve que cette chaleur n'e-chauffa que par degrés l'air intérieur des appartements , ce font les manuferits en rouleaux que l'on y a trouvés en grand nombre , Se qui pour la plus grande partie étoient écrits fur velin , ils ne le font ni retirés ni pliifés ; en les déioulant avec une très-grande patience , leurs cendres même confervent alfez de folidité , pour avoir la forme d'une pellicule blanchâtre , chargée de caractères encore alfez noirs pour être hhbles , quand on les a raiïem-blés Se collés fur le papier : folidité qui ne peut certainement leur avoir été communiquée que par l'humidité qui s'elt répandue, amli que je viens de le dire. Les ftatues , meubles ôc uftenciles de bronze , dont je parlerai dans la fuite , ont été expofés à une grande chaleur ; T iij 4?S Mémoires d'Italie. quelques uns font noircis, mais aucun n'eft brûlé -, l'ouvrage n'en eft point gâté. Ceux même qui n'ont pas été immédiatement expofés à l'humidité , n'ont pas le vernis précieux de l'antiquité , dont font chargés les bronzes qui ont été long-temps dans la terre • tous les inftrumens de fer font rongés ou détruits en partie par la rouille, ce qui n'eft arrivé que très - long - temps après l'éruption , 6c lorfque la chaleur a été tout à-fait éteinte j mais les bois on: été réduits en charbon , fans rien perdre de leur forme 6c de leur configuration intérieure. De toutes ces obfervations il me paroît naturel de conclure , que c'eft la chaleur même des premières matières qui Tombèrent en pluye fur la ville d'Herculée , ÔC qui la couvrirent en entier à une tiès-grande hauteur , qui y cauferent un incendie fourd qui y brûla tout ce qui étoit combuftible , fans rien déformer ; ainfi qu'on le voit dans les chofes les plus légères ôc les plus minces , telles que différens pelotons de fil .que l'on peut encore dérouler par parties alfez longues , quoiqu'entiérement confiâmes par le feu. Torrent ou 2.5. Il y a apparence qu'après cette pluye fi Herculée prodigieufe de cendres qui vuida en quel- Herculée,Portici. 439 que façon le crater de la Somma , fuivit l'éruption du torrent enflammé qui couvrit au large toute la campagne ; puifque dans toutes les excavations qui fe font faites , on a trouvé partout la même nature de terrein à une très-grande profondeur, Se difpofé de façon , qu'il paroît avoir coulé en même temps : or, comment cela ePr-il arrivé ? Voici ce que je conjecture à ce fujer, d'après ce que j'ai vû ôc ce que j'ai lû. Certe inafle qui recouvre la ville d'Herculée Se le pays voifin , Se que l'on appelle lave a"Herculanum , pour la diftin-guer de celles qui ont coulé depuis du Véfuve , elt un compofé de cendres gri-fes Se d'un fible fin que l'humidité a mis en maflè , de parties minérales , Se ciïftallifées , qui reflèmblent a des mar-caflîtes , mêlées d'une pouflière ou fable ncir qui y domine, parmi lefquelles on reconnoît encore des foufres , des fels, Se quelques pierres brifées. La croûte ou lit fupërieur qui recouvre Herculanum cVqui eft fi dure qu'on ne peut la brifer Se la réduire en poudre qu'à coups de pics Se de marteaux , eft principalement compofée de ces matières plus brunes , Se c'eft ce qui lui a fait donner le nom de lave Tiv 440 Mémoires d'Italie. par quelque analogie avec ces rorrens enflammés qui ont coulé nouvellement du Véfuve, 8c qui, en fe refroidilïant, acquièrent tant de duteïé. Or le fable , les minéraux , les fels, les foufres , les pierres qui fe trouvent dans cette couche dure 8c épaiffe , entroient dans la compofition de la montagne même ; il n'eft plus queftion que de fçavoir ■ ce que c'eft que cette terre ou fable noir qui y domine &c paroît unir toutes les autres matières enfembie ? Le Pere délia Torre prétend que c'étoit une efpéce de naphte, ou de pétrole, qui, comme on le fçait, eft une îubftance liquide , inflammable , rrès pénétrante 8c fort divifible. La montagne de la Somma en devoit avoir alors une très-grande quantité j il y avoit encore plufieurs fources d'eaux vives qui foitoient de cette montagne j le Scbcto , dont les anciens auteurs parlent comme d'une rivière confidérable , n'eft plus aujourd'hui qu'un ruilfeauqui fe fait remarquer à peine dans les environs de Naples au Nord. Elle avoit fa fource au pied du Véfuve ; la tradition eft que les tremblemens de terre de 70 furent fi forts, que cette rivière difparut entièrement, on la crût perdue j elle reparut enfin à l'endroit Herculée, r t ï c i. 441 appelle aujourd'hui la Bolla j mais fore diminuée (a). N'eft-il pas très poftîble que ce naphte ou toute autre matière inflammable, portée alors à un très-grand degré d'effervefcence , mêlée de foufres , de pierres 6c de minéraux fondus, fe foit élevée jufqu'au deilus du crater, qui, épuifé par l'éruption précédente, n'aura pu réfuter au poids de ces matières, forr augmenté encore par les eaux des fources voifines qui s'y joignirent , même par celles du Sefieto , qui entraînèrent la partie méridionale de la montagne, divifée, fondue, liquéfiée, , 6c la répandirent fur toute la campagne voifine , ik jufques dans la mer même. Tout le pays fut couvert d'un liquide enflammé qui y porta le ravage Ôc la (j) On prétend que partie des eaux du Sébcro, détournées de leur ancien lit, fourniffenr les four-r ces d'eau vive que l'on trouve à une fi grande profondeur , à la Torre delGrcco, à Réiîna , Ce a Portici. A la Madona del Poçfo , couvent de Francifcains, eft un puits très-creux, au fond du- ?mei parte avec bruit un rurfîeau , que l'on af-ure être une branche du Sébeto, qui dc-la va à la mer , direction , qu'il n'ayoic certainement pas ayant l'éruption de 7^. Tv 441 MÉMOIRES P'T T A L I E. défolation à un fi haut point, que Martial qui vivoit à-peu-près dans ce temps , en confidérant ce canton autrefois le plus délicieux delà Campanie, dévoré par les flammes , tout couvert d'une cendre trille ôc aride, dit, que les Dieux eux-mêmes , à la vue de ce terrible effer de leur puif-fance, auroient voulu ne l'avoir pas portée à cet excès (a). Quantité dci io-. On a oeau dire .pour prouver que tu-mcrcs rejet-f c j t . / / > m n. r«s dam lasle royer du volcan a roujours ete ou il eit , éruptions. qUe les matières rangées dans leur ordre naturel , dans le fein de la montagne , tiennent très-peu d'efpace , eu égard à celui qu'elles occupent , lorfqu'après avoir été divifées par le feu , elles font répandues fans ordre dans la campagne. Cela eft fenfible par tout ; mais toujours faut-il , qu'il y ait quelque proportion entre les caufes ôc leurs effets. Je fuis très-perfuadé que s'il étoit pof-fible de calculer la quantité prodigieufe de matières que le Véfuve a rejettées feulement depuis l'éruption de 163 i , on en formeroir une montagne plus groffe que (û) Mart. Ep. 44.1. 4.Yoyez ci-deffus la note. Herculée, Portici. 44ç n'eft aujourd'hui le Véfuve, à le regarder comme entièrement folide ; il eft vrai qu'il ne faut pas oublier que ces matières fondues tk dilatées par le feu occupent beaucoup plus d'efpace qu'elles n'en renoient naturellement ; mais fi on ajoute à cela tout ce qu'il avoit rejette pendant plus de quatorze liécles, quelle malfe prodigieufe n'en formera-t-on pas ! A considérer le grand exhaulfement de terrein qui s'eft fait dans plus de douze milles en quarré , autour de cette montagne , on eft porté à croire que les matières fe ré-généroient à mefure que le feu les con-fumoit. Pourquoi donc vouloir abfoiument qu'il foit forti du Véfuve cette quantité prodigieufe de matières, qui forme à une très-grande profondeur tout le terrein de Portici & des environs ? C'eft vouloir en trop tirer, d'autant plus que ce terrein & la lave d'Herculanum ne relfemblent pref-qu'en rien aux matières du Véfuve j elle n'a point été dilatée par un mouvement long tk continué d'effervefcence , comme celles qui ont coulé du Véfuve , elle eft unie par un fable ou terre noire que l'on conjecture être des reftes de naphte , ou de quelqu'autre phlogiftique g as «Se liqui- Tvj 444 Mémoires d'Italie. de qui a fervi a unir enfembie les fables, les terres, les pierres, que l'on y trouve encore en fubftance, Se à les faire couler après l'avoir mife en mouvement. Ainfi il me paroît que la lave d'Her-culanum a coule pendant quelque temps à la manière de tout autre liquide , Se ne s'eft durcie qu'à mefure qu'elle s'eft def-féebée Se refroidie j ce que femble prouver la facilité que l'on a de la divifer dans les endroits profonds où 1 humidité s'eft confervée. Mais pourquoi ce liquide a t il pénétré dans les corridors Se les fouterrains du théâtre d'Herculée , Se même dans plufieurs maifons, puifque toute la ville étoit également remplie des matières de l'éruption , avant que la lave ne coulât ? Ii eft à préfumer que la cendre Se les ponces , en tombant fuccellivemenr, trouvèrent dans ces endroits mêmes quelques obftacles qui les empêchèrent de les fermer comme plu- ■ heurs autres maifons év temples j elles s'élevèrent fur des efpèces de caviiés peu folides fur lefquelles elles fe formèrent en arcs. Lorfque le liquide d'un très-grand poids vint à couler dêlfus, ces cavités s'arraïlïerent, Se donnèrent le moyen à la lave de s'iufinuer dans les corridors HERcULÉE,PoRTlCr. 44 4 du théâtre & dans quelques maifons, où elle coula, tant qu'elle trouva de l'efpace vuide à remplir j comme ce liquide étoit mêlé de beaucoup d'eau , il ne brûla ni ne fondit les marbres & les bronzes qu'il entoura (a) ■ il ne caufa aucune airération dans l'architecture du théâtre ni dans fes-revêtilîemens , ainii qu'il eft aifé de s'en appercevoir • mais le remplit d'une matière qui, en fe refroidilfant, eft devenue fort dure •& difficile à rompre , ce qui rend les fouilles ii lentes & fi laborieu-fes. Tout ce que je viens de dire â ce fujet eft le fruit des réflexions que j'ai faites d'après les idées que m'a fournies 1 infpee-rion môme des lieux. Je le repère encore plus on examine ia quantité prodigieufe des matières que le Véfuve a rejtrtrées de- (a) On a rrouvc dans les ruines d'Hercula-niira , des bronze; fondus en pairie ; ce qui n'a pû fc faire q'.îc par tjnef].ils incendies locaux, occsfîonr.és par la qualité mérrie des matières in-fammablcs qui fe font trouvées rallcmblécs , & dont la chaleur concentrée dans un petit efpace aura été aile/, forte pour mettre le bronze même en fufion j ce qui ne peut avoir duré long-temps & s'eft [vu étendu ; à en juger par les"pièces fondues c;; partie, que l'on a trouvées en divers cn-d toi es. 44^ Mémoires d'Itaiie. puis environ un fiécle ôc demi , dont il eft entièrement recouvert ôc dont tout le pays qui l'environne eft défolé , plus on a befoin de fe rappeller combien les matières inflammables ôc fufibles augmentent de volume , divifées par le feu ; pour fe perfuader que tous ces torrens de laves , ces montagnes de ponces , de fco-ries , de fables brûlés, d'écumes , foient foities de fon fein , à ne compter pour rien ce qui a coulé jufqu'à la mer , ôc la quantité prodigieufe de cendres portées lî loin ôc dont on ne peut pas fe faire une idée. Que fera-ce donc fi à cette quantité immenfe on joint encore un maflif de terrein de cette qualité qui paroît avoir été répandu en même-remps , ôc qui couvre plufieurs milles en quarré , à une hauteur de cinquante à foixante pieds j il faut encore que la partie méridionale de la Somma, que l'on fuppofe s être écroulée ôc avoir été répandue par le torrent de naphte,de minéraux fondus ôc d'eau bouillante mêlés enfembie , ait été bien confi-dérable, pour qu'il ait produit un effet aufli prodigieux. Je fçais que ce n'eft pas l'avis du pere délia Torre. Il prétend que tous les chan- HÉRCULÉEjPoRTICI. 447 gemens qui fonr arrivés dans ce territoire, que toutes les couches nouvelles qui ont été ajoutées au premier fol , fortent du Véfuve i mais je ne vois pas que jufqu'à préfent il ait rien avancé qui prouve folidement la fécondité terrible 8c înépui-fab!e de ce volcan. Par tout ce que je viens de rapporter , on peut juger combien le fol de Portici eft plus élevé que ne l'étoit celui d'Herculée. On peut dire la même chofe de tout le terrein qui environne le Véfuve depuis Portici jufqu'à l'Annunziata , & delà en tirant du Midi au Nord par derrière le Véfuve , fans parler des laves qui font fi aifées à reconnoîrre ; on rrouve artout en fouillant des preuves de l'ex-auffement du fol , par les différentes couches de cendres, de fables, de pierres brifées 8c brûlées , 8c d'autres matières de cette efpéce qui fe fuccédent , 8c qui probablemenr s'augmenteronr encore beaucoup , furrout du côté du Nord , fi un jour le Véfuve s'écroule en entier par ce côté , comme je crois qu'il eft permis de le conjecturer. S'ouvrira r-il un nouveau volcan qui falfe renaître le Véfuve de fes cendres , 8c qui porte fon nom jufqu'aux fiécles les 448 Mémoires d'I t a t i e.-puis reculés ? Je ne connois pas affez 1« pays, & je ne l'ai pas alfez examine pour conjecturer; de quel côté il pourra s'ouvrir. Peut-être ne reftera-t-il que des foufrie-res qui femblent naturelles à ces contrées ; et qui n'ont rien de formidable j c'eft ce qui me paroît de plus probable fur leur fort à venir. Les premiers volcans qui fefontotiverts dans la Campanie , ont paru du coté de Pouzzols & de Bayes, dans les Champs Phlégréens dont j'ai parlé plus haut , ils font abfoiument éteints ; celui qui s'ouvrit en 15 30 oc qui engloutir le bourg de Tripergole , n'a eu qu'une feule éruption qui n'a duré que vingt-quarc heures ; il n'y avoit pas des matières pour l'entretenir plus long-temps; l'effet en fut lî terrible que la feule idée en elt encore effrayante mais enfin ils font tous éteints de ce côté : pourquoi le Véfuve ne s'éteindra-t-il pas de même, tandis qu'il s'en allumera de nouveaux ailleurs ? J'ai déjà parié de celui de Pierra Mala en Tofcane , entre Florence & Bologne. L'afpect- de cette montagne eft actuellement à-peu-près le même qu'étoit celui du Véfuve dans le temps de Strabon j le fommet en eft large , plein > ftérile, cou- Herculée, Portici. 449 vert de cendres & de matières brûlées, de pierres couleur de fuye , de foufres Ôc de fels répandus fur le terrein des environs , avec des cavernes intérieures où le feu fe conferve ; tel eft: l'état actuel de la montagne ou fommet de Pietra - Mala dans l'Apennin ; les tremblemens de terre même deviennent plus fréquens dans ces cantons ; tout cela annonce que la pofté-rité comptera un jour ces montagnes parmi les champs Pfilégrécns , moins habités ôc dès-lors moins fameux que les campagnes de Pouzzols ôc de Portici ; parce que la température du climat y eft infiniment moins agréable , quoique les cen-dresjes foufres Ôc les fels qui en fortiront, portés dans les environs, puiflent donner un degré confidérable de fécondité à ce pays , & engagera le cultiver avec plus de foin qu'on n'a fait jufqu'à préfent. C'eft donc fur cet exhaulfementde terrein formé par l'éruption de 79 , qu'ont été bâtis, dans des temps poftérieurs , le bourg de Portici , le château du roi de» deux Siciles, ôc tontes les belles maifons de campagne dont ce magnifique pays eft peuplé. C'eft fous ces conftructions que fe fort aujourd'hui les fouilles d'où on a tiré ces beaux, monumens antiques dont 450 Mémoires d'Italie. je dirai quelque chofe ; c'eft par là que l'on a pénétre dans la ville d'Herculée. Théâtre an- 27. L'édifice le plusconfidéiable, celui limun'HerCU"aont011 a l«p'us parlé, eft le théâtre qui étoit fituéau Nord de la ville d'Herculée, dans fa partie fupérieure ; il étoit recouvert partout, tant de cendres que de laves, à la hauteur de quarante pieds , les corridors , les eicaliers, les galeries, les fou-terrains même en étoient remplis \ ces matières avoient pénétré dans plufieurs maifons (a). Ce théâtre étoit de forme (a) Les théâtres des anciens étoient compofés de différentes parties appcflées, feena, prcfccnîum, «upulpitum & orchefira. La feene oçcupqit tout l'efpace du théâtre qui s'étcndoii. d'un angle à l'autre ; elle devoir avoir deux fois la longueur du diamètre de Lorcheftre, ainfi que le dit Vi-truve. ( L. z. de Archit. ) C'étoit fur ce front qu'éioient placées les machines pour les chaijee-mens de décoration , ou que l'on gliil'oit les unes fur les autres., ou qui tournoient fur des pivots i le fonds de la fcène jifqu'à l'endroit où les acteurs fe rctiroicnt,croit occupé par des ornemens ou décorations fixes. Les premic-s fpcétaclcs publics furent des paftorales rcpitTcntées fous des berceaux de verdurerj.iftés à cet ufage. Lcprof-cenium ou pulphum étoit la partie avancée du thiâtre fur laquelle les adreursrecitoientlcs drames j elledevoit être plus vaftedans les théâtres, Herculéi , Portici. 451 ovale , beaucoup plus large que long & comme dans cous les théâtres une moitié des Romains que chez les Grecs , parce qu'ils y faifoient les ballets pantomimes , & les danfes qui accompagnoient les repréfentations ; les Grecs faifoient leurs danfes dans l'orcheftre. Les chœurs ne paroilfoient jamais furie pulpitum > mais ils venoient di'birer leurs moralités fur les côtés du théâtre qui étoient diftingués du proscenium , ainfi qu'on peut le voir dans le théârre Olympique de Vicence. Vorcheftra chez les Poulains étoit le lieu où fe plaçoient les fiéges des fé-nateurs. On vo) oit un autel a chaque angle de leurs théâtres, qui étoient confacrés à Venus ou à Bacchus , ce qu'ils avoient imaginé pour éluder la loi, qui défendoit d'avoir des théâtres, qu'elle regardoit comme indignes de la majefté du peuple Romain ; quand ils furent tolérés, ils n'étoient que de charpenre légère , fans fiéges ni amphithéâtre ; le fénat voulant que dans les plaifirs même les plus tranquilles, le peuple Romain prît une forte d'exercice , qui l'entretint dans la vi-gucirqui devoitlui être naturelle.... Le premier théârre fixe & le plus magnifique qui ait jamais exifté , fut bâti par Scaurus pendant ion édilité , il pouvoit contenir quatre-vingt mille fpeétareurs ; la fcène qui avoit trois étages ou ordres étoit décorée de tiois cent foixante colonnes de marbre , & de trois mille ftatues de bronze , de tableaux & de dorures. Le premier étage étoit tout en marbre, le fécond étoit revêtu de 4 5 1 MÉMOIRES D'I T a t i é. étoit deftinée aux fpectateurs ,- l'autre moitié à la fcène ou aux aéteurs. Les entrées principales étoient au levant &c au couchant ; l'ouverture du théâtre étoit tour* Bée au Nord , les gradins ou fiéges re^ar-doient le Midi. La largeur du théâtre étoit de 190 pieds , fa profondeur dans oeuvre étoit de 150 ; le théâtre propremenr dit ou pulpitutn , qui étoit le lieu principal de la fcène, avoit 75 pieds d'ouverture, Itucs & de verres coloriés, le troifiéme étoir en lambris dorés. Pline ( L. ?<î. ) en parle comme d'un excès de luxe, qui étonna les Romains eux-mêmes, quoiqu'ils fuilent à un degré d'opulence & de kixe qui jufqu'alors avoit été inconnu.Pompée en fît depuis bâtir un avec la plus grande magnificence, & comme il avoit intérêt de ménager le peuple & le fénat, & d'avoir au moins l'air de refpedfer les loix ; il invita le peuple à s'y alfembler pour le dédier à Venus, dont il étoit le temple, ajoutant qu'il y avoit fait mettre des degrés ou lièges pour la feule commodité du peuple... Le premier théâtre connu fut celui d'Athènes confacré à Bacchus, dont on dit que les ruines fe voient encore i ils ie vantèrent à leur ordinaire comme l'ouvrage le plus magnifique qui eut jamais été fait # quoique l'on aflùrc qu'il n'ait jamais égalé ceux de Scaurus & de Pompée... Herculée Portici. 45* fur 50 de profondeur. L'orcheffre, ce que nous appelions parterre,a environ cinquante pieds de longueur depuis le devant de la fcène jufqu'aux premiers fiéges. Les deux rangs de gradins occupent le refte de la profondeur que l'on peut eftimer à foi-xante-&-dix pieds. Car il eft bien difficile d'avoir les mefures juftes d'un efpace rempli encore pour la plus grande partie des matières de l'éruption. Ce qu'il y a de découvert à préfent, eftuneporrion defor-cheftre pavé de grands carreaux de marbres de différentes couleurs , & les degrés aufîîde marbre , au nombre de feize dans le premier étage, difpofés en demi cercle pour y placer les fpectateurs. Entre le premier étage des gradins & le fécond eft une efplanade ou efpace que les anciens appelloient prcccînciio , qui tournoie également en demi cercle , &z auquel a'bouriffoit un fécond rang ou étage de gradins , en même nombre que les premiers , mais moins larges ; ceux-ci ne font pas entièrement découverts. Le maffif du théâtre ou le fonds de conftruction étoit de briques , ainfi qu'on peut le voir dans les galeries intérieures & dans l'enceinte extérieure revêtue de jgrands pilaftres de briques à égale diftance, 4<4 Mémoires d'Italie. «qui portoient une corniche de marbre. Quelques reftes de ftucs brillants, de différentes couleurs font croire que tout cet ouvrage extérieur en avoit été revêtu. Les galeries intérieures font voûtées avec des pilaftres de diftance en diftance , ornées de corniches de marbre avec des dentelures & des modillons qui reftent encore dans ce qui a été découvert ; les murs de côté étoient revêtus de carreaux de marbre de différentes couleurs , 6c les voûtes de ftucs, dont il refte encore quelques parties; les rouges font les mieux confervés. 11 paroît que tout l'ouvrage étoit couronné d'une colonnade ou galerie qui occupoit la féconde prccinciion ou efplanade , à en juger par la quantité de colonnes & de chapiteaux corinthiens que l'on a trouvés, tant dans les environs du théârre que dans l'or-cheftre même , 6c que cette partie fut ren-verfée dans les tremblemens de terre qui accompagnèrent l'éruption ; car on en a trouvé mêlés à différentes hauteurs dan s les ■matières même de l'éruption. Il n'y a que cette partie de l'édifice qui ait été détruite ; rout le refte, à en juger par ce qui a été découvert, eft dans fon entier6c fur fon point d'appui perpendiculaire. Les efcaliers , au moins ceux qui font debar-. HERCUtÉEjPoRTiei. 4Ç J raffés, font bien confervés ; on a pratique quelques canaux fouterrains pour aller dans les diverfes parties de ce théâtre qui ont été fouillées , & qu'on voit les unes après les autres ; c'eft-à-dire trop imparfaitement pour fe faire une idée jufte de J'enfemble , qui cependant devoir avoir de la magnificence, à en juger parla beauté des détails ; ce que l'on voit le mieux à caufe du puits qui a été ouvert au-deffus , eftl'orcheftre ou parterre, 6c la parrie des gradins dont j'ai parlé.On voit le côté où de-voit être la fcène ; mais il étoir encore cou-verr des matières de l'éruption, & on pouf-foit les fouilles de ce côté. Les marbres, les colonnes, les ftatues , les bronzes que l'on a retirés de ce théâtre &des environs , ce qui refte encore en place,prou vent que cet édifice éroit d'une très-belle architecture d'ordre corinthien, & que dans la décoration on n'avoit rien épargné pour le rendre auili riche que magnifique. Ce que l'on regrette véritablement, c'eft que le roi des deux Siciles , lorfqu'on commença les excavations, n'ait pas ordonné que l'on découvrît ce théâtre par le delfus,& qu'on ledebarralfâtde façon à le conferver en entier. Autant que j'ai pu en juger, il n'étoit chargé d'aucun édi- 4 j 6 mémoires u'I t a l i !. fice alfez important pour que l'on en re-gretât la pertejles jardins qui font au-delfus font un objet de peu de conféqucnce. Ainfi on auroit confervé à peu de frais , un édifice antique , conttruit & décoré dans le temps que les beaux arts éioient à leur perfection dans l'Empire Romain , & qui réunilfoit dans fa conftruction les grâces ce le goût des Grecs, avec la magni-, licence Romaine. Il eut été fort aifé de le reftaurer avec fes matériaux mêmes , ôc quand on n'eût confervé que ce qui étoic entier , c'eût toujours été beaucoup, car c'étoit un édifice unique dans le monde ; tous les amateurs des beaux arts feront, je crois, des vœux, pour que quelque jour on découvre en entier ce qui en refte , qui fera toujours un objet vraiment digne de curiofité , même dans l'état de dégradation où il eft, par la quantité de marbres & de ftatues qu'on en a enlevés ; quoiqu'il en réitéra encore allez pour faire juger de la première magnificence. Ce n'eft pas que je prétende que l'on doive y trouver un modèle de conftruction. L'état actuel de nos théâtres, ex le goût de nos drames,demandent une fcène beaucoup plus profonde & plus étendue. Nous avons le grand théâtre de Parme qui, eu Herculée , Po rticiV 457 e» égard à nos ufages Se d'une conftruétion plus parfaite , que tout ce que l'antiquité f'ourroit nous offrir dans ce genre j mais 'agrément d'avoir un édifice antique de cette beauté , eft d'un affez grand poids pour chercher à le conferver. J'ai eu les mêmes idées au fujet du temple de Sérapis à Pouzzols, qui é.oit du meilleur goût Se d'une très-grande magnificence , que l'on pouvoit conferver de même ; ces deux reftes précieux de la belle antiquité enflent réellement enrichi Se décoré le pays â peu de frais. Quanr à la ville d'Herculée même, on prétend qu'il y a eu des antiquaires qui défiroient que l'on découvrît la ville en entier, pour ne rien échapper de fon goût de conftruétion Se des effets précieux qui font enfévelis fous fes ruines. Il n'y a eu qu'un amour extrême de l'antiquité qui ait pû infpirer une pareille idée. Une partie des bâtimens font enfoncés ou culbutés. D'ailleurs,pour réuflîr dans ce projet, il eut fdlu détruire entiéremenr Portici, Se faire un ouvrage immenfe. Le parti que l'on a pris de fouiller petit-â-perit les quartiers les uns après les autres, Se de jetter dans une excavation la matière d'une autre , eft beaucoup moins difpendieux Se Tome IF. * y 4$8 Mémoires d'Italie." Faroît fuffire } il faudroit feulement que? on fe Eu donné un peu plus d'efpace. Il eft vrai que peut-être on échappera plu-heurs monumens antiques ; mais il y en a tant d'autres de perdus, la mer ôc la rerre en cachent une ii grande quantité entre Pouzzols Ôc Bayes , que l'on ne penfe pas même à chercher , qu'il eft inutile de fe former des regrers imaginaires fur les pertes que l'on peut faire à Herculée. Il eft cerrain qu'il n'y a point de pays au monde où l'on puiffe faire un plus grand amas de ces richeffes antiques que dans le royaume de Naples. Edifices & 28. Dans le voifinage de ce théâtre on Trtu^°as a découvert un temple d'Hercule , avec i.ikiculéc. la ftatue de ce Dieu. Il croit orne de plufieurs peintures à frefque, dont les plus remarquables font les deux grands tableaux dePerfée ôc de Telephe defquels je parlerai plus bas. La plupart des inftrumens defacrifice qui font dans le Mufeum Herculanum , ont été trouvés dans ce temple. On n'a-rien dit de la beauté de fon architecture. Les meubles que l'on a trouvés dans les maifons particulières étoient en bronze , fer, rerre cuite ôc; verre, dont la plupart - dîun très-beau travaili J'en donnerai quelques détails. Herculée ,Portici. 45^ Plufieurs pavés des chambres Se galeries qui ont été enlevés Se replacés , partie dans les différentes pièces du cabinet d'antiques du Roi, partie dans le château de Portici, prouvent que ces appartemens étoient décorés avec propreté j quelques-uns de ces pavés étoient de matbres de rapport à grands deffeins, d'autres en mofaï-que. On en voit qui reprefentent des tapis , dans le même goût de deifein Se de couleur que les tapis de Turquie j il y en avoit même quelques uns en ifucs d'une telle folidité qu'on a pû les enlever Se les tranfporter ailleurs. Au refte , ces fortes de parquets font plus ailés à déplacer que les grands tableaux qu'il faut enlever en entier , au lieu que les pavés peuvent s'enlever par parties Se fe reftaurer aifé-ment. Ce que l'on a remarqué de plus curieux: dans une de ces maifons eft une cave ou cantine , qui occupoit tout le tour d'une prande chambre pavée Se revêtue de marbre, entourée d'une banquette d'un pied Se demi de hauteur , qui portoit fa corniche. Il y avoit des couvercles de marbre tout autour de la banquette qui fervoient à couvrir de grands vafes de rerre cuite en* gagés dans la maçonnerie j c'eft-là où fans Vij Af6o Mémoires d'Italie. doute on confervoit des vins de différcn-tesefpéces. Ces urnes étoient fo;t larges, d'une terre rougeâtre , de la forme à-peu- {>tès de celles que l'on fabrique encore dans es environs de Florence, c'eft-à-dire fort larges 6V ventrues à proportion de leur hauteur. L'orifice étoit plus étroit que le fonds} elles m'ont paru devoir tenir environ quarante bouteilles ou pintes de Paris. On çn a confervé quelques-unes, qui font encore aflèz entières pour faire juger de leur forme & de leur capacité. On n'a pas obfer-vé fi les couvercles étoient numérotes pour marquer la qualité du vin 6c l'année qu'il avoit été recueilli. On a remarqué encore que les fenêtres de ces maifons étoient fort petites, garnies au lieu de verre , d'albâtre coupé par feuilles minces ou d'autres pierres tranf-parenres. Chaque maifon avoit une pièce principale ou galerie , pavée de marbre ou de mpfaïque 6c peinte à frefque : ufa-ge qui s'elf toujours confervé dans ce pays, d'où il a paflc dans le refte de l'Italie. Les efcaliers n'avoient qu'une rampe étroite 6c fort droite j mais on élevoit peu les maifons. Je me rappelle à ce fujet que dans toutes les ruines crue j'ai eu oçcalion d'examiner, j'ai peu vu de reftes de beaux efcaliers j il paroît que l'on n'en connoiffoit Herculée , Portici. que de deux forces , ou les efcaliers à vis , rels que ceux qui reftenr dans les colonnes Trajane & Anronine , ou les rampes droites en échelle , dont les plus confidérables que j'aye vû , font celles du grand amphithéâtre de Rome. 29. Les antiques trouvés dans les fouil- Ro-tiques de toutes fortes de formes ; celles que les principaux perfonnages mettoient fur leurs tables étoient à pïufieurs branches. Celles dont fe fervoit le peuple étoient en terre cuire ; on en a rrouvé beaucoup • Quelques - unes font d'un travail recherche j des Priapes de différentes grandeurs ( a ), dont un d'environ tro?s (a) Priape, Dieu de robfcénité & de l'indécence , ainfî que fon nom me me fe défTgnc. Ninfl aliudquantptntm feupudendafig-nifîcàrtr Ce Pria-pe que l'on fa i fort fils de Bacchcs& de Venus-., étoit de Lampfaque . ville de l'HclJefnont, d'où iifut chaifé , di:-on , à caufe de fa prodigieufe conformation. II eff. ai A; de voir l'origine morafe «le cette prétendue Divinité... Une très-giancfc: débauche étoit dcfefc rvir d'un Pn.ipc de vcrj'ç eu cîc terre cure, cnrrms d'un inflrunvent pourboire. Juvcnal aceufe les prétendus phrJofophgs de fon temps de s'en fervir dans leurs débauches •bfeures... Vhreo bibit ille Priapo. S. i. Un ancien Scholiafrc ajoute : Lufcivi ex pêne fia Priapo bibebantdiclique illi d< itlo pot*:.. Un atrtrcplus moderne , mais quialuivi les ancien.^ ajoute. £ Non fecus ac impudica 6' lilidine cjftrata mxlier , qu& ex per.e e vitro j"cela bibit.... Tout cela indique bien l'tifage de v.eux que l'on voit d'ans le cabinet du roi des deux Siciles , & la quantité que l'or, en a trovtYcs à Herculée, prouve HERCirtÉE-PoilTIGr. ^.y pouces de haut qui tient à une petite figure d'homme travaillée de la plusgrancfe élégance. Un vafe de terre fait dans la même forme ; il apparrenoit à quelque temple Se fervoit à faire boire les femmes qui fouhaitoient de devenir fécondes y la liqueur fortoit par la pièce carae-tériftique du Priape. 11 y en a d'autres faits pour être fufpendus , qui tiennent a des demi-figures ailées Se font garnis de plufieurs fonnettes. Ceux - ci , de différentes grandeurs , parohfent fe rapporter au Priape , Dieu ou gardien des jardins. Ces derniers fonr tous en bronze Se d'un travail très-recherché. Billets de théâtre en os, d'un côté eft un fymbole , de l'autcc à quel- point de dérèglement y croient les mecure. J'ai déjà.remarqué ailleurs que l'on en faifoit le fymbole de la fécondité & le Dieu des jardins. Les Grecs en faifoient encore fe génie tutéhire «fes ports 5c de ha navigation ; quelques épigram-mes de f anthologie ne laiffent aucun lieu d'en douter j certetradition s'eft long-tems confervfe parmi eux.Paul IcSilentiairel'appeilefîdclls navi-Èus Priapus... Pourquoi lui ayoït-on donné cette qualité ? If paroît qu'il y en a uneraifonphyfîque que Ton ne peut apprendre nulle part mieux que. dans les grands ports, & furtout des équipa»?? «les vaufcaiu qui reviennent d'une longue courfe. 47© MÉMOIRES Di T A 1 1 e, eft le nom de la pièce, Se le numéro de la place que l'on devoit occuper. Des dez antiques abfoiument femblables aux nôtres j la plupart avoient fervi à des fripons ; on voit le côté qui s'ouvroit , Se où fe gliffoit le plomb que l'on y mettoit pour fixer le dez fur tel ou tel nombre... Beaucoup d'inftrumens de mufique, différentes fluttes faites avec des os qui ont réfïfté à la chaleur. Des fifttes en bronze de diverfes grandeurs... Plufieurs inftru-mens de chirurgie j une fonde pour la vef-fie ; un infiniment propre à dilater, Se qui m'a paru avoir fervi dans l'extraction de la pierre , un côté fervoit pour les hommes , l'autre pour les femmes. Un étui garni de chirurgien , dont il n'y a de bien confervé que plufieurs fondes de différentes formes Se grandeur, en bronze Se en argent.Unebocteâonguentoiïileftencore; il paroît être le même que celui que l'on emploie pour les emplâtres ordinaires y le fonds en eft de cire , tres-durcie par le temps. . . Plufieurs mafques antiques très - chargés ; ce que les Italiens appellent caricatura j il y en a en bronze , en terre cuire , en marbre ,.....il n'étoit pas poilible que les acteurs fe chargeaf-fent le vifage de malfes aufli lourdes j Se Herculée, Portici. 47i ceux cifervoientfans douteoude modèles, ou d'ornemens. Le pavé de cette pièce a été enlevé d'un falon antique d'Herculée; il eft compofé de pièces de rapport des t plus beaux marbres d'Afrique Ôc de Sicile, & forme un œillet \ il a tout l'éclat de la nouveauté , parce qu'il vient d'être repoli. Ce morceau eft très-propre à donner une idée du génie ôc de l'adrefte des ouvriers de ce genre. Il eft difficile de faire quelque chofe de plus parfair. Troifiéme pièce, où font plufieurs Divinités antiques de petit modèle, ôc qui paroilTent avoir fervi feulement à la dévotion des parriculiers. Ces ftatues font de la plus jolie forme , ôc d'un rravail ex-cellenr. Prefque routes fonr fymboliques ; on y verra les ftatues d'Ifis Ôc d'Ofiris {a), (a) Le culte d'Ifis & d'Ofiris paffa d'Egypte dans les états de l'empire Romain & s'y répandit beaucoup ; on peut en juger par la quantité d'idoles Egyptiennes que l'on trouve dans toutes les ruines... Nos in templa, tuant, Romana, recepimus l(îm, Senti deofque canes & Jijlra jubentia luftus. Lucan. L. 8. Ces Divinités étoient honorées à Alexandrie avec 47* Mémoires ©'Italie. que le garde du cabinet m'alliira être Us fymboles de l'abondance ôc de la fertilité- la dévotion la plus folc'mnellc. Macrobc , I. r." des Saturnales, prétend que les Égyptiens foo» le nom d'Ifis & d'Ofiris n avaient Honoré que le Soleil & la lune, & il donne une explication fort fenfée à toutes les parties dont ces idoles étoient composées... Mais il paroît qua Rome & daos tout l'Empire on fit de cette même Ifis la Divinité protectrice de la débauche, qu'on l'aiTocia à Vénus, que même on la rcfpeéta moins. C'eft dans fes temples que les femmes débauchées don-noient des rendez-vous... .... Properat ,jamquc expecîstur in kortis , Aut apud JJiacd potius facraria Lc.ns... Juven.S. 6. On voie encore par ce que j*ai cité de Lucain 911e le filtre étoit particulièrement confacré à llis. Cet infiniment fort bruyant étoit propre à étourdir dans les myflères obfcènes de la Décile > JJiacos agitent, Mareotica Jijlra tumu/tus... Au/, Ep.ii, C'eft furtout dans le livre delà préparation évan-géliquc d'Eufebe, qu'il faut s'inftruire du vsai lens des myflères d'Iiis & d'Ofiris. On ne fera pas étonné que le culte s'en foit fi bien répandu dans le temps que le luxe & l'intempérance des Romains n'eurent plus de bornes. HERCU-LÉf , PoRTICT. 4-3 il ne voulut pas convenir que les Romains, fous le nom d'Ifis , adoroient Cerés ou la Lune, 8c fous le nom d'Ofiris, le Soleil j ôc que ce culte devoir erre particulièrement établi dans une ville aufli heureu-fement fituée que l'étoit Herculée... Une figure de femme aflife , couronnée d'un voile, derrière lequel s'élève la fleur Lotosy qui tient un gouvernail de la main gauche 8c de la droite une corne d'abondance y tous ces attributs m'ont paru défignes l'avantage que ce pays retiroit de fon commerce maritime avec l'Egypte ; Ôc non pas, comme le prétend le garde du cabinet , Tes attributs de différentes Divinités raffemblés pour fatisfùre la dévotion d'un particulier , qui fe fervoit de la même idole fous différentes intentions. On voit de ces idoles à la galerie de Florence, j'en ai parlé ; elles ne relfemblent en rien à celles-ci-, dont tous les attributs paroiffentfe rapporter au même objet : plufieurs ftatues de bronze qui ont fervi à orner une petite fontaine de falleou de jardin -y elles tiennent toutes différens inftrumens ou animaux qui jettoient de l'eau. Des buf-tes de bronze très-précieux , ceux entr'au-tres de Démofthénes Ôc d'Epicure qui font uniques y ils font de demi - grandeur t 474 Mémoires d'Italie. quelques-uns plus petits encore , tous d'un travail Grec excellent. Plufieurs meubles de verre , tels que bouteilles, cantines, caraffes , gobelets de diverfes formes j compotiers ; le verre en a été terni par la chaleur ; il ne paroît pas que les anciens ayent jamais rien eu dans ce genre qui ait égalé la beauté de nos criftalleries tk l'élégance avec laquelle on y rravaille. Plufieurs de ces verres font blancs 6c bleuâtres ondes. Les autres font de même qualité que ceux dont on fe fert à préfent a l'ordinaire. Tous les inftrumens qui fervoient aux bains, les frottoirs, les radoirs, les petites fioles à mettre de l'huile j elles étoient lon- Î;ues â col étroit, c'eft ce que l'on appel-oit Jimpulum ; plufieurs petits plats qui fervoient aufti dans les bains ; un grand vailfeau de bronze ou bouilloire â faire chauffer de l'eau , d'un beau travail ; il paroît qu'on plaçoit ces inftrumens fur la table même où on mangeoit. Celui-ci eft fait en demi cercle ; dans le centre eft un réchaut , où l'on mettoit des charbons ardens pour échauffer l'eau , il y a autour plufieurs clefs ou robinets \ on la remplif-foit par une efpéce de mafque de forme évafée ouvert dans le haut. La compofi- Herculée , Portîcï. 475 rion de cette machine eft élégante ôc bien entendue j elle eft couronnée d'une petite galerie , ôc ornée de bas-reliefs de très-bon goîit. Dans la quatrième pièce les balances antiques à deux baftins ôc à un baffin feul -, la plupart bien confervées 6c d'un travail fi recherché qu'elles prouvent ôc f habileté des artiftes ôc le luxe d'Her-culanum ; les poids de différentes grof-feurs , la plupart de même pefanteur Ôc de même forme que ceux qui font encore en ufage à Naples. Sur l'un de ces poids qui ma paru être de dix huit onces ou une livre ôc demie de Naples, eft écrit d'un côté Emc ôc de l'autre Habcbls. Les différentes mefures antiques des liquides. Le Modium, qui étoit la plus grande, tenoit environ douze pintes de Paris. Cinquième pièce. Le pavé eft une très-belle mofaïque d'Herculée , à fleurs ôc à volutes bien confervées. Elle eft ornée de plufieurs buftes antiques de bronze du meilleur temps ; les principaux font ceux de Platon , qui a la tête panchée comme un homme qui médite ; attitude bien prife qui rend ce morceau encore plus précieux , parce qu'il eft rrès-rare d'en voir de cette manière. La tête eft alfez 47^ MÉMOIRES fi'I T A t ï t; groiTe, le front qiiarré , les yeux couverts, tout l'air du virage férienx , fans avoir riend'auftère... Sénéque... Alexandre. Ail-tiochus. Ptolomée Philadelphe. Hercule jeune... Une tête orientale.Une autre d'un jeune homme frifé à boucles tombantes qui a l'air Afiatique , qui cependant peut-être Grec. Dans le fonds de cette pièce eft un recueil de manuferits antiques , tous en rouleaux, &C confumés par la chaleur des matières qui recouvrirent Herculanum j mais de façon que l'on peut encore en dérouler des parties que l'on confonde avec une pellicule fort mince enduite de gomme , que l'on applique par derrière, & qui confervé la forme des caractères Grecs, qui y font aufli bien marqués qu'on les peut voir fur du papier nouvellement brûlé , dont les parties , quoi-oue réduites en cendres, tiennent encore enfembie. Un clerc régulier des écoles , pies étoit occupé à l'ennuyeux métier de dérouler ces manuferits ; ce qu'il fai-foit à l'aide d'une machine femblable à-peu-près au métier dont fe fervent les perruquiers pour treffer les cheveux. Mais les fils étoient tendus différemment.quel-ques-uns horizontalement le long du manuferit fervoient à foutenir la feuille dans Herculée , PoRTicr.* 47^ toute fa longueur, à mefure qu'on la dé-tachoit } d'autres perpendiculairement , fenlevoient quand elle étoit doublée de la pellicule gommée dont j'ai parlé. Il y en a un qui eft déroulé & colle fur huit feuilles ou tables différentes, encadrées ; ce que l'on en peut lire apprend que c'é-toit un ouvrage contre la mufique ; il y a plufieurs lacunes , foit que l'on n'ait pu tout conferver , foit qu'elles exiftafTent dans le manuferit. On en dérouloit un autre en beaux caractères majufcules, mais dont quelques-uns ne font plus enufage, ee qui augmentera encore la difficulté de la lire. On croit que tous ces manuferits font Grecs. On ne me permit pas de les examiner long-temps , ni d'en rien copier. Les tablettes enduites en cire à l'ufage des anciens , avec le ftyle aigu d'un côté & plat de l'autre... Une plume de bois de cèdre , qui a fervi à écrire, & taillée comme les nôtres, elle eft un peu noircie , mais point brûlée. Plufieurs grands caractères de bronze qui fervoient à marquer les effers des particuliers , &£ furtout les ballots de marchandises. Sixième pièce. Quantité de candélabres en bronze fur lesquels on plaçoit les 47$ Mémoires d'Italie. lampes dans le milieu des appartenons.' Dans une voûte qui tient à cette pièce font tous les inftrumens de cuifine , tant pour le four que pour le fourneau,les cafle-rolles, les marmites de toute grandeur, en cuivre 6c en bronze étamces en argent -y une marmite que l'o» a trouvée fur fon trépied 6c qui y eft reftée. Des grils , des couteaux de ctiifine , abfoiument rongés 8c déformés par la rouille. Une grande bouilloire du même goût à peu-près que celle dont j'ai parlé. Celle-ci a plus l'air d'une fontaine domeftique que l'autre , quoiqu'on voie la place nour mettre les charbons, qui font difpofés entre une tour 6c une pièce quarrée que l'on rempli [foit d'eau. Septième pièce pavée d'une mofaïque ancienne, dans le même goût que celles trouvées à Tivoli 6c à Paleftrine 6c qui font communes à Rome. Plufieurs tables de même mofaïque. Une ftatue d'enfant faite d'après la nature ôcquifemble avoir été un portrait ; elle a environ trois pieds 6c demi de hauteur. Un faune en bronze couché fur un maf-lif de gazon , le dos appuyé fur un outre à- demi vuidé. Il eft ivre 6c ouvre à peine les yeux j on voit dans la poiition de tous Herculée, Portïci. 4*$ fes membres rappéfantiflement de cet état. Ses traits, quoiqu'embrouillés , ont toutes les grâces de la jeunelfê ; cette lta-tue eft confervée comme fi elle fortoit des mains de l'ouvrier, & en rout de la plus grande beauté... Dans la même pièce un grand nombre de camées antiques, de pierres gravées, de médailles en or & en bronze, Trouvées tant dans les ruines d'Herculanum que dans celles de Pompeïa ; un médaillon d'Augufte en or, que l'on croit unique, à raifon de fa grandeur. Des bulles d'or (a), d'argent & d'airain , de différentes for- (a) La Bulle étoit une Amulette ou Talifman, que portoient pendue au col les triomphateurs 8c les enfans des Patriciens. Elle étoit de groifeur convenable à l'âge de celui qui s'en fcrvoit.C eteit pour les triomphateurs une petite boé'te remplie de préfervatifs contre l'envie, le fecret ne nous en eft point refté , Se pour les enfans un préfage de la grandeur à laquelle ils dévoient s'élever un-jour. Tarquin l'ancien triomphant avec fon fïls, des Sabins, lui mit la bulle au col, parce qu'à l'âge de quatorze ans il avoit combattu avec fuccès contre un dés ennemis de l'état , & il établit enfuite que tous les enfans des patriciens porte-roient la bulle d'or, & la robe pntexta btwdée de pourpre. Mac robe Sat. L. i. C. 6. 48» MÉMOIRES D*I T A 1 I E. mes & grandeur. Un collier, desbrafle-lets , &des pendants d'oreilles d'or, trouvés fur le cadavre d'une femme , dans les ruines de Pompeïa ; les braffekts font fort larges, de même que le collier ; le travail en eft bon , tk fort au-delfus de celui des nipes de cette efpéce qui font encore en ufage parmi le peuple opulent à Naples & à Vénife } quantité d'aiguilles de tête à l'ufage des femmes , dont une en or , fur laquelle eft une cigale très-bien faite, Se parfaitement femblableaux bijoux de cette efpéce , dont fe fervoient les femmes à prétention d'Athènes, ainfi qu'on peut le voir dans les lettres d'Arif-tenêre, où ces aiguilles font exactement décrites {a). Un mortier d'argent fur lequel eft en bas-relief l'apothéofe d'Homère. (a) Ces aiguilles ont toujours été en ufage dans la parure des femmes. Apulée , fables, Miles. L. 8. les appelle crinales 3 parce qu'elles fervoient également à orner les cheveux , à les di-vjfer & a les ranger; ... S. Jérôme fur leChap. 3. d'Ifaïe, dit la même chofe en termes exprès. Le J. C. Ulpien les compte parmi les bijoux des femmes. Acus cum Margaritd. Marrial en avoit de-ïïgné l'ufage, pour fourenir fous le voile , le galant édifice de la coèffure des femmes de ion tems, Un Herculée, Portici. 4gr Un très-grand tnédailion aulîî en argent •qui repréfente Cléopâtre s'empoifonnant avec l'afpic l'anneau qui elt au - def-fus prouve que certe pièce fervoir à orner quelque cabinet. Plufieurs inftrumens de iacrifices. Des raffes à thé , des coupes en argent, fort noircies, d'un beau travail... La Reine a fair mêler parmi ces antiques* uneboëte à rouge de cnftal de roche, pour attraper les fots qui ne manquenr pas de s'écrier fur la fraîcheur, Se la vivacité de fa couleur. Onamis'tous les comeifiblestrouvés â Herculanum enfembie, Se on y recon-noîr, à ne s'y pas tromper,fèves, dattes, poires, pignons , deux pains entiers , un morceau de pare levée prête à êtrecuitej T*nia ne madidos violent bombicina crines^ Figat acus,, tortas fuftineatque comas. Ep. 14. L. 14. Cet ufage avoit paffé des femmes aux hommes , aux philofophes même , qui s'en fervoien,t pou* fe peindre & s'ajufter les iourcils» Ille fupercilium madidâ fuligine taëlum Obliqua producit acu, pingitque trementes, Attotlens oculos... Juyen. S. i. Tome IF. * X 4S1 Mémoires d'Italie. bled , orge , Ion , raifins delléchés. Un relte d'à liez gros poiffon cuit au vin rouge avec la fauce delféchée tk durcie } farro Romano , ou graine de pâtes. Amandes , grenades, figues féches ; vin antique durci & devenu folide. Pour bien entendre ceci, il faut fe rappellcr que les vins d'Italie , furtout ceux des environs de N;iples, étoient rouges & très-épais, fe gardoient long-temps, ôc acquéraient tant de folidité , que pour les boire il falloit les faire dilfouiîre dans l'eau. Pour cela on fervoit fur les tables des pa (foires ou couloires â petits trous , dans lefquels on délayoit le vin, 6c" d'où il palfoit dans les coupes [a). (a) On avoit de ces pslToircî qui étoient de verre ; Martial en envoie une pour étrenne à fon ami ; il paroît qu'on leur donnoit le nom de nvr.bus vitreus , parce qu'elles divifoient la liqueur , de façon qu'en fortane par les petits trous dont elles étoient percées , elle iclfcmbloit à un brouillard... jjtf Jovequi veniet, mifeenda adpocula largas Fundet nirrJfus aquas ; hic tibi vina dabit.^. Maft. Ep. nz. L. 14. Le mot nimbus eft pris là dans deux fens , & fait voir que l'on ne b.ivoic pas les vins d'Italie , & furtout ceux de Grèce, fans les tremper avec de Herculée, Portici. 4^ On voit dans le Mufeum Herculanum plufieurs de ces couloires, d'un très-joli tra- l'eau ; l'ufage actuel eft encore même rlans les cabarets, d'y mêler près d'une moitié d'eau ; fans cette précaution ils feroient d'une violence très-nuifible. Le médecin Philonide cité par Athénée L. iy. dit que Bacchus apporta des bords de la mer rouge en Grèce , les premiers plans de vigne. Les habitans du pays buvant avec excès & fans précaution, le vin qu'ils recueillirent , les uns de-venoienr furieux, les autres reftoient ivres morts$ delà l'origine de ces Bacchanales fi bruyantes , de ces menades hurlantes fur le mont Cirhéron , de ces hommes mis en pièces par les Bacchantes furieufes ; de l'ivrelTe continuelle du vieux Silène ;& de tant d'autres fables, qui ne font autre chofe que les effets du vin pris avec excès, par des gens de divers tempéramens Se fur lefquels il £aiCoit des effets différens. Un jour que les Grecs étoient en débauche fur le bord de la mer, il furvint un orage accom-pagné d'une pluye violente qui les força d'abandonner verres Se bouteilles fur le fable... L'orage appaifé, ils revinrent & trouvèrent une coupe où il avoient laiilé du vin , mêlé de beaucoup d'eau de pluye. Us en goûtèrent, & il leur parut fi bon Se fi doux , qu'ils regardèrent cette découverte comme un bienfait fignalé de Jupiter qui étoit venu leur apprendre le véritable ufage du vin. Delà l'ufage religieux de confatrer le premier verre de vin que l'on buvoit, à Jupiter con- Xij 4S4 Mémoires d'Italie. •vaif; elles font plus petites que cellesque l'on employoit dans les facnrîces. L'urne antique où eft ce refte de vin eft entière, de la forme d'un barillet, long & ventru. Autour del'orlet eft écrit vinum Herculanum , Se au-deifous Nonnio ; fans doute ..c'eft le nom du conful qui fervoit à en marquer l'âge... Un pain de cire durcie, que l'on amollit un peu en la frottant avec rapidité,;... .un morceau de baume qui rend encore une bonne odeur, il eft rou-«eâtre... Des filets à prendre des oifeaux îervatcur, qui accordoit la pluye, & le moyen de boire du i'to. fans s'incommoder , & perdre la xaifon. Fréquenteradmodumepotans, ve/uticicada Boni getlii poculum dulcifono cantillabat. Théopompe dans Jkhenée. L, i r. -On buvoit, on s'enivroit, mais les myftères de Bacchus n'étoient plus fuivisdecet état furieux > qui changeoit en quelque façon les buveurs en Tigres & en Lions. Amphiélyon, roi d'Athènes, établit dans fes ,(états une loi qui ne permettoit que de boire dit ,vin mêlé d'eauce qui réuifit fi bien , qu'il fit bâtir un temple à Bacchus, droit & raifonnable, Bacchi recli delubrum. Jufqu'alprs U n'avxùtité .que. furieux & chancelant. He r eu tze Portict. Se à pêcher ; ils font noircis Se confervenc leur enfembie y mais fans- folidité. Plufieurs pelotons- de til de différences grof> feurs , que l'on peut dérouler. Des fau-dales de corde, telles que les Bafques en» portent. Des moules de boutons. Deux morceaux de galons d'or. La façon n'en eft pas belle ; ils font tiifus d'or traiefans» mélange de fil ni de foye , très-fouples Se point caffantsj ce qui prouve que Ion employoit l'or en fubftance dans les étoffes rebrochées. Celui-ci eft par petites la-* mes plates Se minces* Dans la pièce fuivante, un jeune Faune afîis , ftatue de bronze faite pour accompagner celle dont j'ai parlé plus haut, Se d'une très-grande beauté... Un grand Mercure de bronze, ftatue qui peur aller de pair avec ce que l'antiquité a produit de plus beau. Toute La figure eft d'une gran» de élégance, les formes en font excellentes , Se l'exprefiion en eft vraie. C'eft un, chef-d'œuvre. L'enlèvement d'Europe , tableau de mofaïque de bonne exécurion... Quatre petits tableauxde peintures antiques. L'un paroît être de qiutre portrairs de famille enfembie. Un autre dont le fujet eft la peinture qui fe joint à la poè'fie,. & deux X iij 4$6* Mémoires d'Italie. autres dont le deifein eft beau , mais tronqué de façon qu'on ne peut en deviner le fujet. Un bas-relief en marbre blanc re-préfentant Socrare dans l'inftant de boire la ciguë, figure d'environ un pied de hauteur, d'une exécution belle 6c fage... Une petite grotte en mofaïque , enlevée en entier d'un fallon où elle fervoit à couvrir une fontaine. Eile a une frife de coquillages brifés, tels qu'on en trouve beaucoup du côté de Pouzzols, 6c qufrelfem-blent un peu à la nautille. Voilà une notice légère des beautés que renferme le Mufeum Herculanum qui eft le plus beau cabinet-d'antiques qui exifteau monde , d'une richelfe à laquelle il ne fembloit pas permis de prétendre ôc qui cependant ne peut que s'accroître ; car il s'en faut beaucoup que l'on ait vi-fité toutes les ruines d'Herculée } Se que ne peuvent point y fournir encore toutes les fouilles que l'on pourroit entreprendre du côté de Pompeïa, fur les côtes de Pouzzols , dans les environs de Baies Se de Cumes ? H eft confiant, par tout ce que je viens de rapporter , que la fculpture Se la cifelure étoient alors à leur poinr de perfection à Herculée , non-feulement dans ce qui avoit rapporr au culte des Dieux , Herculée. Portict. 4$? mais encore pour les ufages particuliers. Les feiences même n'y étoient pas négligées, à en j'iger par la quantité de manuferits que l'on y a trouvé, & cette ville quoique fituée en Italie & ioumife à la domination Romaine , avoit beaucoup confervé des mœurs & des coutumes des Grecs. A quelques infcriptions près qui font en langue Romaine j on voit par quantité d'autres monumens que la langue Grecque y étoit d'un ufage commun. J'ai remarqué emr'autres une tablette de bronze de deux feuilles rattachées par un crochet, fur laquelle eft inferit le congé donné à un foldat , fous l'Empereur Tibère ; ce congé eft en langue Grecque , qui étoit fans doute celle que parloit le ioldat ; celle qui étoit le plus en ufage dans fa patrie. 50. On a trouvé dans les ruines d'Her- Peintures an. culée , une fi grande quantité de peintu- JJJg a'H:t" res antiques, qu'elles fuffifent pour donner une idée de la perfection à laquelle les anciens avoient porté cet art. La collection que le roi des deux Siciles en a fait former à Portici, offre des tableaux de toutes les manières différentes. On en voit de piyfages , d'hiftoire , d'architecture , d'animaux, de Heurs. Ils font de Xiv Mi m 01 m s d'I t a t r-b. diverfes grandeurs ôc prefque tous affez bien confervés , pour que fon puilfe juger de leur mérite. Il n'eft prefque pas pollîble de douter qifil n'y en ait au moins plufieurs des meilleurs artiftes de ce tems, parce que tout s'accorde à prouver que les beaux-arts étoient en honneur à Herculée. On y a trouvé des chefd'œuvres en fait de fculpture ; les marbres Ôc les bronzes furtout font d'une auili grande correction^ de deflèin, d'une auffi belle ex* prellïon , d'un ftyle aufli pur, que tout ce que l'on voit à. Rome ôc à Florence de plus beau dans ce genre. Les ruines du. théâtre Ôc de quelques autres, bâtimens annoncent que l'on y connoiffoit la belle architecture. L'opulence même de cette ville étoit. affez grande pour ne rien épargner de ce qui devoit contribuer à fa décoration ; ainfi l'on peut croire que les. peintures d'Herculée étoient aufii bonnes Jôz auili parfaites qu'aucunes autres de-cei* les que fantiquité a tant vantées. Plus on les.examine, ôc plus on fe per-fuade que depuis ie rétabiilfement des arts en Europe , la peinture a été portée à un degré de perfection , dont il paroît que les anciens avoient à peine l'idée , à qq juger parce, que L'on a trouvé dçplus Herculée, Portici. 48^ beau dans les ruines d'Herculée, & il n'y a qu'un refpect. aveugle, ou une p.'iîion extrême pour l'antiquité , ce goût qui fai-foit embrafër les pédans pour l'amour du Grec , qui puilTe faire voir dans- ces peintures, des beautés comparables à celles que l'on admire dans les Garraches , le Dominiquin , le grand Raphaël même j ear pour comparer genre à genre , que ttouvera-t-on dans ces peintures que l'on-puiffe mettre en parallèle avec les moindres parties de la galerie Farnèfe à Rome, peinte par les Carraches, à cette quantité de belles frefques de différens maîtres que fon admire au Vatican? Les deux pièces les plus remarquables» que l'on ait trouvées font , le Théfée.&? le Téléphe. Ils étoient dans des efpéces de niches ou chapelles du temple dHer-oule. Ces deux tableaux ont fix- à fept pieds de hauteur , fur un peu plus de cinq de largeur ; jufqu'à préfenr on ne connoît point de peintures antiques plus grandes. La figure principale dit premier, eft un Thefee debout vû en face , entièrement nud, à l'exception d'un morceau de draperie rouge-rejette fur l'épaule & le bras gauche j.de la droite , il tient une. petite- X.v 490 Mémoires d'Italie. ma (Tue élevée en l'air. L'exprefîîon dti vifage Ôc déroute la figure elt allez noble. Le Minotaure abbattu aux pieds du héros a la tête d'un taureau 6v le refte du corps d'un homme, que l'on voit en racourci ôc qui eft traité fçavarnment ; c'eft même ce qu'il y a de mieux dans ce tableau ; car les enfans qui embràlfent les genoux ÔC les mains de leur libérateur , ôc la jeune fille qui touche fa malîue, paroilfent de trop petite propo; tion ôc font mal dellinés; il eft vrai qu'il ne faut pas oublier que le peintre a donné à Thefée la taille héroïque que l'on croyoit être le double de la taille ordinaire Malgré ces défauts , ce tableau eft peint d'une manière hardie ÔC décidée ; il paroît que faillite étoit intelligent , & que s'il n'a pas mieux fait, c'eft que ce n'étoit pas l'ufage de fon temps. Le fécond tableau qui étoit auili dans le temple d'Hercule eft fort compofé. On voit fur le devant Té'éphe {a) encore en- (a) Télcphe, fils d'Hercule & d'Augé , fille d'A-léus roi d'Aicadie, futexpofé dans les bois d'abord après fa naifiance ; il y fut nourri par une biche. Le berger qui le trouva en fit préfent à Teutras roi de Mific , qui lui donna le nom de Teléphe. Viodor, Sicil, L. Téléphe fuccéda Herculée. Portici. 401 faut qui tetteune biche , route cette partie eft médiocrement deflinée ; l'enfant vû par le dos a les reins d'une largeur choquante , Se lescuiffes écartées de façon à paroître eftropié. La biche couchée eft mal rendue ; les autres figures du rableau , de Frandeur naturelle , font deux femmes , une allife , couronnée de fleurs Se de feuilles , l'autre couionnée d'épis ; Se un jeune Faune qui joue d'une Hutte à fept trous. A côté fur le devant eft un homme peint d'une manière forte Se prononcée, qui porte fur les ép.udes un carquois recouvert d'une peau de lion } vis-à-vis un lion en repos Se un aigle. Toure cette compofition me paroît une allégorie de diver-fes circonftances de la vie d'Hercule, fuf-ceptible de plufieurs explications. Le lieu à Teutras , & voulut s'oppofer au paffage des Grecs , lorsqu'ils alioient au fiége deTroyc; Achille le blellà a la cuiife d'un coup de lance, & lui fît une plaie , dont il ("oulfric fi long-temps qu'on la regarda comme incurable. L'oracle con-iul:é répondit qu'il ne pouvoic être guéri que par une bleifire de la m:me lance. On a expliqué de plusieurs façons différentes le fens de ce; oracle, & il me paroît qu'on n'a pas voulu voir le véritable , qui étoit que cetie playe ayant été fermée trop tôt, il falloir la rouvrir... X vj 402 Mémoires d'Italie. où le tabLau a ce trouvé , les parties qui»! le compofent,ne permettent pas de penfer. autrement y il. paroît de. la même main, que le premier ,. compofé hardiment ôc. ave, feu , incorrect de deifein & peu fini, H eft. même plus fpible de couleur que le, premier, & fi gris , que malgré le vernis, que l'on a mis . deffus pour ranimer le coloris , il a encore, l'air d'un camayeux.. Ges deux tableaux font les plus remarquables de la collection 6V ceux où il y a. le plus de génie &z d'exécution j,car celui du, décemvir Appius - Claudius , où l'on, voit. Vfginie , fon pere ôc Icilius fon époux l'éducation d'Ach lie par le Cenuure Chiron , font bien inférieurs à, tous égards quoiqu'à:peu-prcs dans le. même ton de.couleurs.. On verra dans la fuite de cette collection quantité de tableaux de payfages d'animaux ,. d'architecture & de fujets de. fanraifie. La plupart font fur des fonds-noirsou bruns- ; les animaux font peints-avec foin 6c vérité ; on fera content aufiT de quelques peintures de fleurs. J'y ai vu. avec plaint un allez; grand tableau de vue. de Pouzzols 6c des environs ; ce morceau, eft:bien traité, & doit donner une idée? des conductions antiques 3 telles qu'on: Herculée, Portici. 4^ peut les impg ner dans les maifons de. campagne , ou dans les édifices publics de décoration. On voit qu'il y avoit partout des colonnades ouronnées de galeries & enrichies de.fcu'pture, de grandes falles ou portiques ouverts , ornés de ftatues;. ce qui faifoit le plus bel effe^ de décoration , vû de près comme de loin. Par derrière les colonnades il y avoit quelques, petites pièces peu confidérables où l'on fe retiroit. La diftribution de ces bâtimens-ne reflembloit en rien au goût acfuel. Le peuple toujours atraché aux anciens ufa-ges, o nferve encore dans les villages de. Pjtalie, furtout du côté de Portici, quelque chofe de cette antienne manière, on n'y voit point de colonnades , mais de grandes pièces ouvertes en arcade , qui leur fervent de cuifines & de lieux-d'af-fembiée, avec quelques petits cabinets de côté où ils fe retirent pour dormir. Cette, façon de fe loger nous paroît très incommode j mais le climat qu'ils habitent n'en exge pas davantage j à quoi il faut ajouter encore que la précaution de peu charger les bât mens , & de leur donner le plus de folidité poilible, a été fort fige,, tant que les tremblemens de terre ont étt formidables dans ce pays. 494 Mémoires d'Italie, La plupart de ces peintures où l'on voit des centaures , des lions dans des païfa-ges, des tigres entourés de pampres, des latyres , des mafques, doivent avoir été tirées des deux temples d'Hercule tk de Bacchus dont on a trouvé les ruines. J'y ai vû plufieurs petits tableaux que je crois fatyriques, deux eiur'autres, dont l'un eft une petite voiture attellée d'un griffon , conduit par un papillon • l'autre eft une même voiture attellée d'un perroquet , conduit par une cigale. Je vis dans le cabinet du Roi y le même fujet traité fur le marbre en bas-relief & de la même taille à peu près que le petit tableau précédent. L'un & l'autre me pa-roiffent allégoriques à la fan radie indécente de Néron , de conduire des chars dans le cirque , ou de chanter fur le théâtre des vers de fa corpofïtion. Ainfi ces peinrures feroient du temps à-peu près que Néron vint faire écl ter fa folie publiquement à Naples. Tous ces tableaux ont été couve:ts d'un vernis qui en a ranimé les couleurs fort éteintes, en faifant reffortir, en quelque f;çon , celles qui avoient pénetre dans le corps de l'enduit. On a confervé un pan de mur, couvert Herculée , Portict. d'un mortier blanc fort fin , fur lequel on voit en caractères Romains plufieurs noms écrits avec de la craye de diver'es couleurs. 11 y a apparence que c'eft le mur de quelque cabaret, tk les noms obfcurs prouvent que c'eft toujours la même efpéce de gens qui s'eft occupée à cet exercice. La manière d'enlever les frefques des murs auxquels elles font attachées, eft en ufage en Italie de temps immémorial ; on s'y prenoit de la façon fuivante , & dont on ufe encore actuellement ; on ouvre à petits coups de marteau la muraille autour du tableau que fon veut enlever, & on fait enforte que les quatre côtés foient, autantqu'il eft poflible,à ligne droirej.nprès quoi on appuyé dcffus quatre morceaux de bois , contenus tk reffenés avec de longues clefs de fer;cette opération faite, on fcie la muraille par derrière , tk on enlevé le tableau que l'on garnit enfuite de tables d'une pierre mince tk noire appellée Lavagna , que l'on unit au corps même de "la muraille , fur lequel eff la peinture à frcfque , avec un fort hjafrrc. On a d'autant plus de facilité d'enlever ces peintures, que l'enduit fur lequel on peignoit , étoit épais Si folide rai point que tous les tableaux de grandeur médio- 496" Mémo ire-s d'Italie» creont été détachés Tans, fouftrir aucune: altérât on jo i n'.i euqu'àlesfourenir avec des bandes de fer battu6c.à les doubler, de. Lavagna. On prend cette même précaution pour les.- frefques modernes qui font expofées à l'humidité, 6c que fon veut changer de place pour les conL-rver. Dans les appartenons 6c cabinets du Roi qui font aurez de chauffée, on a jette en tas tous les antiques.trop mutilés pour que l'on efpére. de les reftaurer j les bronzes imparfaits , & tout ce que fou trouve dans les fouilles d'Herculée, que l'on croir digne d'être confervé ;.mais qui n'eft pas. encore nettoyé & n'a point palfé à l'examen de ceux, qui doivent juger de la: cl a (Te où ils feront placés J'y ai vû quantité de pièces dè rebut , que le garde dm cabinet m'affura être confervées par ordre du Roi, ne voulant pas que l'on en tranfr porte rien ailleurs, 11-a donné lui-même l'exemple de cette exactitude. Peu avant fon départ pour l'Efpagne, il remir dans ce précieux dépôt une bagne antique trouvée a Herculée, qu'il avoit portée long temps . a. fon doigt avec quelque marque d'attachement ; mais qu'il ne vonlui pas em^ porter, parce qu'elle appartenoit À ce cabinet. Cette bague forr fimple^eft une.cor-jiioic montée en or, fur laquelle.eft gra-. Herculée, Portici. 407-vée une tête de Céiar d'un travail fini. On ne peut pas prendre des précautions plus exactes que celles que Ton obferve > pour ne rien perdre de ce qui fé trouve dans les fouilles. Ce font des forçats gardés d vue par un homme intelligent de pré-pofé à cet ouvrage , accompagné'de fol-dats , qui font les excavations 7 on brifè la lave , en en tire les cendres que l'on, vifite & que l'on porte plus loin. Tous, ces gens, s'obfëivent les uns les- autres ,.. & le contraignent réciproquement j ce qui fait qu'if eft très-difficile qu'ils puif-fent rien s'approprier dé ce que l'on trouve. Quant, à fancienne ville d'Herculée ^ elle s'étend fous Portici, du côté de Refîna , en fuivant la mer ; on n'a encore rien dit de fa grandeur ; je crois même qu'il fera impoftible de. jamais en donner un plan fur quoi l'on puiffe compter; on n'a aucun ordre dérerminé.dàns les fouilles que l'on fait ; quand on a. vifité une maifon ôc que l'on palfe a une autre, on. a feulement l'attention dé commencer par les appa'temens fupérieurs. Comme, le. terrein remué rempliroirà la fin tout l'ef-pace que l'cn.a vuidé ;,de temps en temps, on en fort quelque partie pour fe donner glus, d'aifimc.e, Autrefois.on y defeendait 49 S Mémoires d'I t a l i e. par un puits j on a prariquc depuis des galeries fourerraines quiconduifent aux quartiers obfcurs où l'on travaille. Il y a des foldats poftés d'efpace en efpace, tant pour empêcher que l'on n'y entre , que pour contenir les forçats employés à enlever les terres Se à faire les excavations. Il paroît que les habitans en avoient emporté tous leurs effets les plus précieux Se aifés à être trnnfportés \ Se ce qui a été trouvé de ce genre a été abandonné par ceux qui furent les moins diligens à prendre leurs f>récautions , Se qui ne s'enfuirent que orfqu'il n'y avoit plus moyen de différer leur retraite. Je ne doute pas que le grand ouvrage qui paroît par l'ordre Se fous les aufpices du roi des deux Siciles, ne mette un jour bien au fait de tout ce que l'on a découvert , Se même de ce que l'on trouvera par la fuite dans les ruines de cette ville. Les Gazettes de 1763 ont beaucoup vanté une petite ftatue équeftre en bronze d'Alexandre le grand , que l'on difoit avoir environ deux pieds de hauteur. Ce que l'on peut dire de ce magnifique cabinet, c'eft qu'il fera d'autant plus précieux que l'on n'y rafTemblera rien qui ne fo.t bien antérieur à la décadence des Arts, Se qu; prefque tout ce que l'on y Herculée , Portici. 40^ voir jufqu a préfent eft d'excellens artiftes Grecs. 3 i.Le palais du Roi à Porrici eft médio- r-onicî, cre pour l'architecture. Il eft compofé de deux grands corps de logis, féparés par une cour rraverfée par le grand chemin de Naples à Salerne. Celui qu'occupe le Roi a fes vues fur la mer. L'autre eft d'une conftruction fi peu folide que je l'ai vû menaçant ruine Se étayé de toutes parts , tant en dedans qu'en dehors. Au bas des deux eYcaliers principaux revêtus de marbres de Sicile , font placées fous des veftibules les deux ftatues équeftres des Nonnius, donr j'ai parlé. Les falles des gardes m'ont paru petites. Ce palais eft meublé proprement , fans être magnifique ; j'y ai vîi des meubles & des tapifïeries de toiles des Indes de la plus grande beauté. Lin cabinet de toilette en vernis moderne , d'un grand éclat Sz fort folide ; on le di-foit de Martin. Un petit fallon revêtu dans toute fa hauteur, de porcelaines de Naples, travaillées , & iculprées dans le goûr Chinois ; les grands panneaux font ornés de différens trophées en bas-reliefs , d'un pouce Se demi à deux pouces de faillies , exécutés avec beaucoup de propreté , les co-nirhes . les frifes , les cadres des glaces en font aufli Le pavé n'é- joo Mémoires d'Italie. roir pris encore pofé ; le luftre de forme élégante, fait, à ce que fon m'a dit, fur les, deifein s de la Reine ,. étoit de la même porcelaine ; on ne peut rien voir de plus brillant que ce revetilfement. 11 y a dans les différens appartemens , plufieurs pavés & tables de marbres de rapport & de mofaïque d'Herculanum, de grandes tables de lave mais ce que l'on doit y-remarquer , font plufieurs buftes antiques , parmi lefquels on reconnoît Junon,, Pallas,Neptune, Cerés,. Mercure, Janus 4 deux vifages, Augufte j tous d'un excellent travail Se entièrement confèrvés y uir vafe antique de marbre de Paros , de la, plus belle forme, chargé d'unc-Bacchanale,, d'une pureté de deffein admirable. Il a été,' trouvé dans lesruines de Pompeïa {a). On* (a) Pompeïa éroit une ville de Campanie célèbre , ruinée quelque remps^vant Herculée ; die ctoit fur le golfe de Naples , entre Sorrentin®. £c Scabia , d'un côté, & Herculée de l'autre j on a.fair.,quelques fouilles dausfes ruines., &.on y a trouvé beaucoup de chofes précieufes & qui annoncent que cette ville éroit.d'une grande richef-fc:.. Pompeïos ctlcbrem Campanit. urùent, in quant ab altéra parte Surrentinum , Stabianumque /ictus, cb altéra Hcrculaneum conveniunt ,. mareque ex aperto réduit uni amaeno fuu cïngunt.... beneca. QhïJI. natur. L. 6..* Hercuiee , Portici. j-0( y verra encore beaucoup de tableaux modernes qui paroiffenr rous avoir éré faits par des élèves de Solimene, ils font au * moins dans le même ton de couleur le portrait du jeune Roi, peint par Meins, peintre Saxon , eft très-beau. Ce palais eft dans le meilleur air Ôc la politionla plus charmante; le jardin principal qui s étend jufqu'au bord de la mer eft affez grand , il eft bordé dans route la longueur de deux-terraffes qui font de niveau à l'appartement du Roi ; elles le fé-parenr des plantations d'orangers , citro-niers , grenadiers ôc autres arbres de ce genre , parmi lefquels font les poragers. Au Nord, enrre le fécond.corps de logis & la monragne , font des plantations d'arbres fruitiers qui aboutiffent aux vignes. On travailloit encore en 1762. à la décoration de ces jardins , Ôc à finir une des terraffes dont j'ai parlé. Le tout enfembie, fans être magnifique, eft très bien entendu, décoré avec goût, ôc a l'air delà fraîcheur Se de la gayeté même. Comme les éruptions qui ontfiiivi celle de 16zi n'ont pas porté au loin la défoliation ôc l'effroi, que les laves ne fe font répandues qu'aux environs du Véfuve % furies Territoires délia Torre del Greco , de ÏAnnun^iata , d'Oitaïano , ôc quel» Balances Se mefures antiques. 47 y Barrières de l'état E. & du R. de Naples. %6 Bauli, village. 347* Fertilité du païs. i$6. qualités de l'air. 357 Bayes , château & port. 335. 343. Beauté du «lima:. 33 c. Ruines antiques des environs. 336. La mer s'érend fur Tes côtes. 337 Beneveritj ville oc principauté. Bibliothèque de S. Tean à Carbonara. x —Manuferits. jj0 —du Mont-Olivet, à Naples. 1 f r —antique trouvée à Herculanum. 47c Tome IF * I ' * * çp6 T A B I S Bourgcoifîc de Naples eftimabïc. Bourbon ( Connétable de ) Ton corps à Gayette. Buiîes. Bulles ou amulettes antiques. 479 C. Candélabres & inftrumcns de cuilîne. 477 Camées, pierres gravées. 479 Camille , guerrière. 1 j Capo-di-monte. Maifon royale. 188. Ses tableaux &c médailles. 187 Capoue , ville. 4g. Ancienneté & puifTancc. 49. Amphithéâtre. 51. Par qui rebâtie. ?z. Etat actuel. 5 3 Caferte, château royal. 11 g Catacombes de S. Gennatiel à Naples. 155. Leur étendue. 1*o. &fuiv. Cave ou cantine à Herculée. 4y <, Cendres jettées au loin par le Véfuve. 3 8 ; Champs Phlégréens. t99 —Elifécs. 3 jo Chartreufc de Naples. Beauté de fa fituation. 167. Eglife & tableaux. 168. Sacriftie & tréfor. 174. Apothicairerie. i77 Château de l'Œuf. 91 Château-neuf. $ï. Ses curiofités. 93 & fuiVm Château S. Elme. 1 ^6 Chevaux Napolitains , leur bonté. 2 j r Cicéron. Son tombeau. 3 6. Sa mort. 3 7 Cimetières antiques. 347 Circé, Magicienne , Cap de ce nom. 1 ^ Clergé féculier à Naples. 141 Cocagne , ce que c'eft. 10 6 Commerce & induftric. 247 —intérieur à Naples, g 5 5 des MatTÉRIS. _yoy Concha ( Sebaftien ) peintre i 3 6 Comeftibles trouvés à Herculée. 48 r Conradin. Sa fépulture. 144. Anecdotes fur fa mort. 14;. £• fuiw Corallincs ou plantes defféchées. 40 j Cour de Naples , fes miniftres. 68 Cris de Naples. 2*9 Culte religieux. zje Cumes, ville détruite. 358. Sibille de Cumes. 3 j 9. Vue des environs. 3 6o D. Denrées de confommation à Naples. 2^7 • „ E; . Eglifes de Naples. Cathédrale. 109. San Gio-v.mi magiorc. Antiques! 117. S. Jean Evangé-liftc. Ibii. San Paolo Magiore. 118. Monumens antiques, ri?. Beautéaétuclle. 111. S. Laurent, m. Sainrs Apôtres. 121 .Tableaux& bas-reliefs. 124. S. Jean à Carbonara. 118. Gefu novo. 131. Beauté de fa conftruction 8f peintures. 13 2. Sainte Claire , églife -royale. 13 6. S. Philippe de Neri. ï40. Tableaux. 141. Afccniîon. 148. Santa Maria à Piédigrotta. 149. Madonna del Parto. Ibid. Monte Oliveto. i/j. SantaTerefa. i$6. LaSa-nita. 158. Elu du peuple à Naples. 7É Epitaphe du cavalier Marini. 127. du roi La-diflas. 128. De Jeanne IL reine de Naples. i8j Efpagnollet ( Jofeph Ribeira ) peintre. 169 Etuves, ou foufricres de S. Janvier. 276 — leur utilité. F. Faïolc( la) forêt. ; T A B t I Falerne, montagne. Ses vignes. $17 Faune, ftatue précieufe. 478 Fluttes doubles, leur antiquité. 41 Fondi, ville. Situation. Richeifc du païs. 31 Fontaines publiques à Naples. 107 Formation des montagnes. 168 Formies , ville ancienne. 53 > 34 Fofla Nova, abbaye. 117 François de Paule ( faint ) fa ftatue. 137 Frefques. Manière de les enlever. 49 y Fumée du Véfuve. Sa force. 391. 409. 411 'Frottoirs , racloirs , Se inftrumens de bains. 474 G. Gaïette , ville. 3 8. Château 39. Cathédrale. 42. Beauté des environs. 41. 4^ Gariglian ou Liris , fleuve. 47 Grotte du Chien. 272. Vapeurs qui en fortent. Xbid. Expérience fur leur force. 273. H. Habillemens à Naples. x€c Herculée. Datte de fa découverte. 431 —Caufes de fa ruine. 431 ■—Idée de fon étendue. 4^7 ■—Manière doiîton fouille dans fes ruines. 457 Herculanum Mufeum , ou cabinet d'antiques du roi de Naples. y 61 Hermitage du Véfuve. 427 Hôpitaux à Naples. 177. Comment on pour- roit les rendre plus utiles. Ibid. Hôpital de l'Annunziata. 181. Ses richerfes. Ibid. fon églife. 183 1—de S. Gennariel. j£j —dcsMandians. iîi 9 i s M a t ii k 1 s, fO) I. Janvier ( faint ) beauté de fa chapelle, ni. Liquéfaction de fon fang. 11 j Infcripcion fur l'éruption de 16x1. 374. Autre"' 4 40. 113. i8> Inlfrumens antiques de chirurgie. 470 Jordan ( Luc ) peintre. 142.. 148 Jovianus Pontanus. 117. Epitaphe de fa femme & la fîenne. Ibid. Ilîs & Ofiris. Leur culte. 471 Itri. Ville. 3 r Julie de Gonzague. 19 L. Lac d'Agnagno. 171. Lucrin. 309 —J'Averne. 316. Ce que les anciens en ont dit comparé à fon état actuel. 310 Lacrima Chrilti, vin fameux. 24? Lampes antiques. 468 Larves , lémures & lutins des environs de Pouzzols. 3°^ Lave du Véfuve, ce que c'eft. 388. Lave ou torrent de feu. 414. Comment elle coule. 415. 410. Ses deux mouvemens. Ibid. 6*418. Caufe du bruit qu'elle fait. Ib. 415. Détruit les corps étrangers 41 6. Formes qu'elle-prend. 419 Lectiffernium ou repas fait aux Dieux. 466 Leftrigons. Peuples. 3 3 Liège. Arbre. \y M. Manuferits d'Herculanum , leur état 6V: comment on les déroule. 47$ Y ii) yio Table Marais Pontins. il. Travaux pour les defté-cher. 11. Qualités de l'ait Se des eaux. ! j Marcarfitcs. ^D j Marino. Bourg. + Marius caché dans les marais. ^6 Mafaniello fa révolte à Naples. «,4 Mafques antiques. 47o Ménagerie du Roi de Naples. i^j, Mer ( la ) s'étend du coté de Mola. 3 }- Minturnes, ville ruinée. 4$ Mifénc. Cap & ville. 3 j ; Mœurs & ufages à Naples. 103. Difpofition du peuple à la révolte, xoj. Changement du gouvernement. 106. Attachement du peuple pour la maifon régnante. 109. Difpofition de la noblelTc. 119 Moeurs du peuple 231. Sa groflïércré. x$x Mofettes ou vapeurs de la lave. j9g Mola. Beauté de fa iîtuation. ? x Mole antique ou pont de Caligula. x$-f Montagne nouvelle quand formée. 314. Ou fommet du Véfuve. 407. 381 Monte CircellooudeCircé. Mont de la Miféricordc. Hôpital à Naples. N. Naples , fon origine , 517. eft la même que Parthenope f 9 Se Paleopolis. 60. Son amitié pour Rome. 6t. Ses révolutions & fes Rois. 61. &fuiVn Situation aéluelle de la ville. 81. Enceinte. 83, Beauté du climat. 8j. Rues & places principales. 87. Beaux quartiers. 89 —Etat aâucl de la cour. xo6. m. xix, —Départ d>l Roi pour I'Efpagne. ZiQ Napolitains, leur luxe. 114. Idée des moeurs., des Matière i. j i r %i6. AiTemblées. 117 Néron commence à chanter en public fur le théâtre de Naples. 119 Nonnius, ftatues, ( des ) 461. & 461. O. Ordre royal de S. Janvier. S t P. Palais du Roi à Naples & fes tableaux. 100. De la vicairie ou de juftice 74. Du duc de Gravina, 193. Filomarini délia Torre Se tableaux. 194. Du prince CarafFe. Antiques. i?f. Du P. San Se-' vero. i<)6. Pavés ou parquets antiques. 459.471. Paufîlippe, montagne. itfj Peintures & tableaux antiques. 4^7. 48;. 487. Piperno on Pi ivernum, Ville. 1 ; Piramides à Naples. 11<> - Pirùcs du Véfuve. 4or Pifcine mcrvcilleufe. 3JI Porcelaine de Naples. 247 Pompeïa, ville antique. î00 Portici, Palais du Roi. 499. Situation Se Jardins. a 501 Pouzzolane. Son ufage dans les bâtimens.185. Monumens. 188. Edifices. 190. Population. 295 Priape. Son culte. 468 Prifons antiques. 3 ty Proccffiqn Si miracle du fang de S. Janvier. , 5 *37 Promenades a Naples. 220 R, Rcfina. 373 tri T a b t i Royaume de Naples. Sa diviiîon. ^ Roi de Naples. Sa maifon. 69. Troupes. 70. t). Philippe frere du Roi. 71. Revenus. 80 Route de Rome à Naples. i s. Sacrifices antiques. Leurs inft rumens. 4^ Sannazar. San tombeau. ï 49. Sa niorr. 1 j 1 Santa Mark délia Pictatclla, chapelle curieufe iîes Sangro à Naples. 197 Savon, pomades, elfences de Naples. i]6 Sciences & Arts, peinture, mufique. 141 Sebero, fleuve ancien. 83 5ecrcrs particuliers fur la Chimie & les Arts. 199 Scrmonetta, ville. 8 Sermons publics pout le peuple. 240 Sibille de Cumes. 322 Sibarites. /oj Sièges de la nobleffc à Naples. 7$ Solfatarre de Pouzzols. 301. Son état actuel. 301. Effets , utilité. 303 Solimenc peintre. 122. 173 Stalagmites. 402 Statue emblématique d'un vieillard. 43 T. Tablettes & plumes antiques. 47^ Tarentins. ^04 Temples antiques de la fortune des Femmes. 3, De Caftor & Pollux. 118. De Scrapis. 191. «le Vénus. 340. De Mercure. 341. De Diane. Ibid. Téléphc , roi de Mifie. Termes ou ftatues. 46 j Terracine, ville. 22. YÛe de fes environs. 24 » I S M A r i £ R ! S. fij Terres titrées à Naples. 79 Tombeau antique a fainre Claire. 1 39 Torré ( Je P. délia ) bibliothécaire du roi de Naples. 190 Très Tabernar. Ses ruines. 10 Tribunaux de juftice à Naples & dans le royaume. ■ 73 Tripergole. Bourg englouti dans les flammes. 311 V. Vafe antique a Gayette. 41 Velletri. Ville- 6 Verres antiques. 474 Véfuve, fa fituation. 3 6i.Viic de fes environs. 363, Ordre chronologique de fes éruptions. 367. Jufqu'à 384. Sa hauteur & fa forme. 40/. Son état en 1761. 386. Matières qui fortent dans fes éruptions. 594, Sables. Ponces. 395. Eponges ou tuf dur. 396. Ecumes ou feories. 397. Lames dé terre ou briques. 399. Talcs. 401. Fumée & fa caufe. 4°?- 411 Véfuve. Vue de l'inrériciir. 409. Chaleur actuelle. 410. Conjectures fur la durée de ce volcan. 411. Ouverture extérieure. 414 Véfuve. Chemins. 413. Précautions pout y monter. 415. Habitansdes environs, leur grof-fïéreté. 4x3. Environs du Véfuve réfervés pour la chafle du Roi. 4l8 Véturie , mere de Coriolan. 3 Vins de Naples, leur qualité. ijo. Vin du Véfuve. 418. D'Italie & de Grèce. 483 Virgile fon tombeau. 151. Anecdotes fur fa fie. t" ■ i$i Univerfité de Naples, 187 Voie Appienne. 1 8 Vokurno Fleuve. z 1 i Errata du Tome quatrième. P. 4. ligne 10. Travefiina , lifez Travertiria. P. 11. note, ligne dernière, adaitaJiCczaddita. P. 5 o. note, ligne 6, & dubitans , lifcz dubitans. P. S 6. ligne demicre, Lavogna, lifez Lavagna. P. 1 j 2. ligne. 1. ^/àtto morte , lifez /wr.'o marte. P. 11;.note, ligne 1. Bofqui.it de la Houre , Jilcz Bafquiat de la Houfc. ' P. 229. Lignofa , ligne Ligno/a. P. 2S8. ligne 24. Timolus , lifez Tmolus.