' '4' OBSERVATIONS HISTORIQUES ET GÉOGRAPHIQUES, SUR LES PEUPLES BARBARES QUI ONT HABITÉ les bords du Danube & du Pont - Euxin ; fuivies d'un Voyage fait à Magnéue , à Thyatire , à Sardes , &c. Contenant une Relation de ce qu'il y a de plus curieux en Monumens Antiques, Inscriptions, Médailles , dont plufîeurs n étoient pas encore connus ; & précédées d'une Diflerration fur l'origine de la Langue Sclavone prétendue Illyrique. OBSERVATIONS HISTORIQUES ET GÉOGRAPHIQUES, SUR LES PEUPLES BARBARES qui ONT HABITÉ LES BORDS DU DANUBE & du Pont-Euxin. Par M. qe Peyssonnel , ci-devant Confulpour Sa Majesté auprès du Khan des Tartares 3 puis Conful Général dans le Royaume de Candie y aujourd hui Conful a Smyrne, Correfpondant de VAcadémie Royale des Infcriptions & Belles-Lettres y & Ajfocié libre de celle de Marfeille. Volume in-Quarto , avec Cartes & Figures en Taille-douce. A PARIS, Chez N. M. TTLLIÀRD , Libraire, Quai des Auguftins , à Saint Benoît. 17 6 s> Avec Approbation & Privilège du Roi. A MESSIEURS £>£■ L'ACADÉMIE ROYALE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. M ESSIEURS, X/T Livre que j'ofe vous présenter aujourd'hui vous appartient à toutes fines de titres ; cefi une production d'un de vos plus foibles nourrijjons. Né d'un pere qui a eu l'honneur d'appartenir a Votre Illuftre Société y fes leçons & fes exemples mont infpiré l'amour des Let~ très y le deftr de vous être utile y & l'ambition de le remplacer. J'ai tâché de mettre a profit les différens Voyages que fai faits pour les affaires du Roi, & je me fuis efforcé de fervir a la fois , les Lettres y & l'Augufle E P I T R E. Monarque qui daigne en être le Protecteur. Vos bontés , Messieurs , ont prévenu mes fervices, & vous ave^ bien voulu m'accorder votre correfpondance avant que j'eujfe rien fait pour me rendre digne d'un honneur auffi diflingué. Confus d'avoir reçu la récompenfe avant le mérite y je me fuis haté de vous donner au moins un léger témoignage de ma bonne volonté. Daigne^ agréer l'offre d'un Ouvrage > que le ^ele m'a fait entreprendre , & que la reconnoiffance m'a fait achever. Cet hommage neft certainement pas capable de m'acquitter envers vous ; mais j'efpere que vous voudrez bien le regarder comme une preuve de la vénération profonde avec laquelle jefuis, MESSIEURS, Votre très-humble & très-obéiflànt ferviteur, PEYSSONNEL. DISSERTATION SUR L'ORIGINE DE LA LANGUE SCLAVONE, prétendue Illyrique. L a paru il y a quelque temps un petit Difcours en Italien fur l'origine de la Langue Illyrique ou Sclavone ; le but de l'Àu-i^^*™f£i teur étoit de prouver qu'on doit regarder cette Langue comme l'ancienne Langue Illyrique ou Dalmate ; quelle eft née en deçà du Danube, & n'a pas été introduite dans rillyrium par les Barbares. Cet Ouvrage ma fait naître l'envie d'approfondir un peu cette matière ; mais bien loin d adopter ce nouveau fy ftême, je crois avoir lieu de penfer , d'après les recherches que j'ai faites, que la Langue Sclavone a fa première fource au-delà du Danube , qu elle eft defcendue du Septentrion au Midi, cV que bien loin d'être née dans la Contrée connue fous le nom d'IUyrium, cette Province a été la dernière où elle a été portée. Si je ne viens pas à bout de perfuader, je femerai du moins des doutes, qui mettront peut-être l'Auteur du Difcours dans le cas de ramafler de nouvelles preuves, pour établir fon opinion avec plus de folidité, ôc Ton profitera de fon érudition ôc de fes recherches. La Langue Sclavone eft de toutes les Langues vivantes une des plus étendues. On la parle en Europe, dans la Dalmatie, la Liburnie ou la Croatie y qui eft la partie Occidentale de l'Illyrie, dans la Macédoine Occidentale , dans TEpire, la Bofnie , la Servie, la Bulgarie, la Ruflie , la Mofcovie, la Bohême, la Pologne , la Silène ; ôc elle eft auflî en vigueur dans plufieurs Contrées de l'A fie. Suivant Gcfnerus ôc Roccha, elle eft commune à foixante Nations, & s'étend jufques au bord du Don ou Tanaïs, en exceptant la Hongrie, où l'on parle une Langue qui n'a rien de commun avec la Sclavone , mais qui ne s'y eft introduite que dans la féconde ôc troifieme incurfion des Turcs, des Uzes ôc Madgiars, venus à ce que l'on croit de la Sibérie Septentrionale , ôc des environs de l'Obi, où l'on parle encore le Hongrois d'aujourd'hui , dont les racines ont beaucoup de rapport avec le Tartare ou le Turc. Ces Peuples étant même mentionnés fous le nom de Turcs 3 par Conftantin Porphyrogenete dans le dixième fîecle, il eft à croire qu'avant lincurfion de ces derniers, on parloit en Hongrie la Langue Slave > qui y avoit été portée portée par les Huns, les Avares , les Patzinacites. ôc d'autres Tribus Sclavones qui avoient précédé l'incurfion des Turcs, puifque cette Langue s'y eft confervée juf-ques aujourd'hui, Ôc rivalife encore en Hongrie, laHon-groife ôc l'Allemande. C'eft ce que je tâcherai d'éclair-cir dans la fuite. Edouard Brerenwod > dans fon S cru-tirimm Linguarum t allure que l'on parle Sclavon > même à la Cour des Empereurs Turcs , où beaucoup d'Officiers ôc de Soldats, qui ont été en garnifon far les frontières des Etats Chrétiens, s'en fervent alTez communément. Sans avoir recours au témoignage de tous ces Auteurs, nous favons que toutes les Nations que je viens de citer ont une Langue commune dont les dialectes différent de fort peu de chofe. Mon projet eft de prouver que cette Langue a été portée du Nord au Sud par des Peuples qui ont fucceiïivement envahi ces Contrées ; ôc que rillyrium, ôc toutes les Provinces Cififtrienes, ou en de^a du Danube , ont été le dernier terme de leur émigration : on n'y parle en effet cette Langue que depuis les incurfions que ces Peuples y ont faites en divers temps y fous les différais noms d'Avares, de Slaves, de Patzinacites y de Bulgares ôc de Chrobates, Le Pere Anfelme Banduri , Ragufois , paroît s'être rendu à l'évidence des preuves , Ôc avoir préféré une Hiftoire véridique à un Roman flatteur pour Ragufe b fa patrie, qui étant aujourd'hui la petite Salente du ficelé , ôc une Ville ou commence de régner la bonne dit-cipline 5 l'amour des Lettres, ôc le bon goût, femble être fâchée de devoir fa Langue à des Peuples aufli Barbares que les Slaves , qui n'avoient d'autre vertu qu'une bravoure féroce 3 Ôc d'autres occupations que la guerre. Leur ignorance a répandu un nuage épais fur leur Histoire ; ils ont fait de belles a&ions, ôc n'ont jamais fu les tranfmettre à la poftérité ; nous ne connoiffons d eux que ce que d'autres Nations nous en apprennent. Banduri 5 dans fes Notes fur Conftantin Porphyrogenete, nous dit que bien des Auteurs ont prétendu qu'avant l'incurfion des Slaves > la Langue Illyrique fubfiftoit à Ragufe ôc dans la Dalmatie. Maurus Orbini, Ragufois, Prêtre de l'Ordre de Malte , dans fon Ouvrage intitulé : Ilregno dellî Slavi y page ïJJ , avance que les Peuples de rillyrium parloient la Langue Slave > avant que les Slaves fe fuffent emparé de cette Province. Banduri n'approuve point cette opinion , ôc prétend qu'Orbini n'a pas faifi le véritable fens de Saint Jérôme, fur lequel il s'appuye : il défend aufli à cette occafion la liberté de la Ville de Ragufe , ôc foutient que quoiqu'elle n'ait commencé a adopter la Langue Slave que vers le onzième fiecle , cela ne prouve point quelle ait été fubjuguée par les-Slaves, puifqu'il paroît > par ce qu'en dit Conftantin Porphyrogenete, qu'elle a toujours été libre depuis fa fondation. Saint Jérôme paffe parmi les Ragufois pour l'inventeur de l'Alphabet Slave , qu'ils appellent Bukwi^a. Ils attribuent même à ce Pere de l'Eglife la traduction qu'ils ont de l'Ecriture Sainte en Langue Slave. Jean Platinus > dans fon Traité Italien fur l'Art d'écrire , dit que les Illyriens ou Sclavons , ont deux Alphabets ; ceux qui habitent vers l'Orient fe fervent des caractères qui leur ont été donnés par Saint Cyrille, qu ils nomment Khirlli^a 3 ôc qui approchent des Grecs ; il ajoute que dans les autres Provinces du Midi &: de l'Occident > on fait ufage de l'Alphabet appelle Bukvrî^a, dont Saint Jérôme eft l'Auteur. Suivant l'opinion de Guillaume Poftel , les Serviens ou Pofnaniens fe fervent des caractères de Saint Jérôme, ou des Dalmates , dont la Langue éjioit commune aux Illyriens , aux Pannoniens ôc aux Myfiens. Les Grecs ayant été interdits, pour quelques dogmes , de la Communion Latine 9 les Peuples voifins adoptèrent leurs caractères , qui font au nombre de 30 , en confervant la dénomination des premiers. Les caractères dont fe fervent ces divers Peuples , font la plupart Grecs ; les uns écrivent dans leur première Langue, qui leur fournit des traductions de tous les Ouvrages vulgaires, ôc même du Sacrifice de la b ij Mené ; d'autres mêlent cette Langue avec la Grecque, comme font les Walaques, qui confinent avec les Da-ces ôc la Myfie inférieure > ôc qui font fournis au Patriarche de Conftantinople. Plufieurs même des Peuples qui habitent les bords du Danube > une partie des Lithuaniens , ôc des Habi-tans des bords du Ppnt Euxin > de la Cherfonefe Tauri-que y ôc de la Paphlagonie 3 ont le même Rit y ôc les mêmes Cérémonies que les Grecs, qui leur font communes avec les Illyriens, les Dalmates, les Pannoniens ôc les Myfiens. Vers l'an 300 de Jefus-Chrift, félon le fentiment du même Auteur > tous ces Peuples n'avoient qu'une même Langue > mêlée de Grec 3 d'Italien y ôc même d'Allemand, dont Saint Jérôme a trouvé les caractères. Il paroît 3 dit-il, qu'il les a inventés, après avoir acquis la connoifTance des Langues Hébraïque ôc Grecque , puifque plufieurs de ces caractères reffemblent à ceux de ces deux Langues , & que tous les noms des lettres font fignificatifs ; en quoi cet Alphabet n'a de rapport qu'avec l'Hébreu. Le même Saint Jérôme , pourfuit-il y a laiffé dans cette Langue Slave y une traduction du Vieux ôc du Nouveau Teftament, du Sacrifice de la Meffe, ôc de toutes les Prières y comme le prétendent les Prêtres y Ôc même tout le Peuple de Dalmatie. Banduri avance contre cette opinion qu'il n'y a rien dans tous les Ouvrages de Saint Jérôme qui puiffe donner lieu de croire qu'il ait jamais eu la moindre connoiflance de la Langue Sclavone , Ôc que lorfqu'il parle de fa langue paternelle ôc de celle de fes Compatriotes , il défigne la Langue Latine 9 qu'on parloit alors dans tout l'Univers , ôc comme l'aflure Brerewodus dans fon Scru-tinium Ltnguarum , dans toutes les Colonies de l'Empire Romain , &: nommément dans l'Illyrium , & fur les bords Septentrionaux du Golphe Adriatique, jufquesau Danube. Ce qui fe trouve confirmé , quant à Ragufe > par le témoignage de Jacques Luccari, Livre I. dts Annales de cette Ville, où il dit, que dans le moyen âge plufieurs familles Slaves étant venues habiter à Ragufe , on commença dans ce terriroire à perdre la Langue Romaine, que les Anciens avoient retenue dès la fondation de la Ville , l'apprenant de pere en fils ; ôc que la Langue Slave s'y introduifit peu à peu. Au refte, Banduri affirme que les noms des lettres Sclavones ont été donnés par Saint Cyrille , Evêque ôc Apôtre des Slaves , frère de Saint Méthodius, Evêque d'OImutz en Moravie , ôc depuis Apôtre des mêmes Peuples. Ces deux Saints eurent pour pere Léon, Patrice, comme l'écrit Diocleate. Saint Cyrille eft le même que Conf-tantin le Philofophe ; ôc cèft fans fondement qu'il eft dit, dans le Bréviaire dont fe fervent les Moraves ôc les Polonois y Leçon I. que Cyrille ôc Méthodius étoient fils de Conftantin le Philofophe , puifqu il paroît par leur vie y contenue dans les Actes des Saints de Blandura-nus, que fous l'Empereur Michel, un homme d'extraction noble y natif de Theflalonique 5 appelle Conftantin , fut furnommé le Philofophe , à caufe de l'étendue de ion génie y ôc que cinquante jours avant fa mort il fe fit appeller Cyrille par permifïion du Pape. On voit auflx dans la Lettre du Pape Jean VIII. au Comte Suetoplo-chus y écrite du temps du même Saint Cyrille > que c eft Conftantin le Philofophe qui a été l'inventeur des caractères Sclavons. On trouve dans le Dictionnaire de Trévoux } au mot Slave, un article conçu en ces termes : « Les Sclavons étoient un Peuple venu du Nord ?j dans le feptieme fiecle , qui ravageoit l'Empire , ôc » qui au huitième fiecle s'étendoit bien avant dans la « Germanie. Cçjt Conftantin , furnommé le Philo-t> fophe} à caufe de fon favoir , qui vers Tan 266 y don-» na aux Slaves des lettres dont ils fe fervent encore « aujourd'hui ». Dans ce pafîage il n'eft aucunement queftion de Saint Jérôme, Rien n'eft plus propre à confirmer l'opinion de Banduri y que l'Hiftoire même des Slaves, dont je me pro-pofe à cet effet de donner un petit précis} ôc fur laquelle m le favant Dodwel a répandu tant de clarté & tant d'ordre dans fa Difleftation fur l'excerpteur de Strabon. Je fuivrai par forme d'extrait Tordre chronologique fous lequel il a rangé les diverfes incurfions de ces Peuples, 6c j'y ajouterai ce que je pourrai trouver ailleurs, pour montrer en peu de mots la route qu'a fait la Langue Sclavone y 3c le cours des conquêtes des diverfes Tribus de Sclavons qui l'ont apportée. Ces Barbares n'ont commencé de pafler le Danube que dans le cinquième fiecle, Ôc fe font avancés de proche en proche jufques dans le Péloponefe > divifés en plufieurs Tribus, connues d'abord fous les noms d'Avares, enfuite fous celui de But gares , puis de Patzinacites y de Chrobates ; mais toutes comprifes fous le nom général de Slaves ou Sclavons y le chaflant ôc fe fuccédant les unes aux autres. Mais je dois faire obferver que ce qui rend les recherches de l'origine de la Langue Sclavone fi difficiles y ÔC ce qui répand une fi grande confufion , eft le mélange des trois différentes Langues qu'on a parlé dans les Pays arrofés par le Danube. Ces Régions ont été occupées par trois fortes de Barbares. En premier lieu , par les Nations Tudefques y comme les Goths ôc les Vandales, eniuite par les Peuples Slaves, qui font les Peuples Septentrionaux venus de la Sarmatie y ôc les mêmes que les Venni-Vendi ou Vmcdes y ôc enfin par les Nations Orientales, comme les Uzes, les Madgiars Se les Turcs. Toutes ces Nations fe font chaflees, quelques fois mêlées Se confondues les unes avec les autres. Je tâcherai de débrouiller ce cahos autant que peuvent le permettre mes recherches fur la Langue Sclavone, qui eft mon principal objet. L'Excerpteur de Strabon vivoit Se écrivoit même ; fuivant Dodwel, dans un temps où des Barbares 3 connus fous le nom de Slaves 3 poflédoient la Macédoine, la Grèce 6V. l'Epire, ils ont été aufli appelles Avares, Se ils ont été inconnus aux Habitans de Conftantinopîe , juf* ques vers la fin du règne de Juftinien. Us s'avancèrent en deçà des bords du Danube fous Juftin fon fuccefi-feur. Conftantin Porphyrogenete rapporte que ces Slaves , Scythes d'origine avoient leurs Habitations au-delà du Danube ; ils pénétrèrent d'abord dans la Thrace3 en fuite dans la Macédoine , la Dalmatie., l'Epire y la Grèce } Se même enfin jufques dans le Péloponefe. Les Avares étoient Slaves y nom qui a été commun à bien d'autres Nations qui n'étoient point A vares y comme on le verra dans la fuite. L'Auteur de l'Hiftoire mêlée avancée que vers la feizieme année du règne de Theodofe le Jeune , qui eft la 424 de notre Ere, les Gépides, qui ont été enfuite divifés en Lombards Se en Avares y poffédoient des Villages aux environs de Singidon Se de Shrrdum . DISSERTATION. xvij wmmmÊmtÊm mammm wê m mbm ■■■■■■■■■■ ■■■■■■■■MHHHHaMHMi^^^H Sîrmium > qui font Belgrade 3 Semendria ôc Sirmich ; ils demeurèrent long-temps dans ces Habitations fans faire parler d eux , Ôc vers l'an 31 de Juftinien , & de notre Ere j j 8 , il parut à Byfance une Nation inconnue qu'on nommoit les Avares ; toute la Ville couroit pour les voir, comme une efpece nouvelle d'hommes dont on n a-voit pas l'idée : mais Dodwel réfute cette opinion, ôc prétend, d'après le témoignage d'Evagrius, que dès la première année du règne de Juftin, j 6 5 de notre Ere, les Avares n'a-voient point encore parlé le Danube; qu'ils commençoient à peine à menacer l'Empire Romain, ôc que par confé-quent Conftantin Porphyrogenete a eu tort d'ajouter foi aux Hiftoriens fabuleux qui mettent l'époque de la première incurfion des Barbares fous Théodofe le Jeune : il avoue que ces Barbares pouvoient bien à la vérité avoir commis dès ce temps-là des actes d'hoftilité vers Singidon ôc Sirmium ; mais il foutient qu'ils n'y avoient point d'Habitation héréditaire, ni de poffeflions ; qu'ils fe contentoient de ravager ces Contrées , d'en chafler les Habitans , de faire tout le butin qu'ils pouvoient , _& de repaner enfuite le Danube, pour fe retirer chez eux ; & qu'ils n'eurent des demeures fixes, ôc des domaines dans l'Empire Romain , que vers le règne de Juftin. IL II eft même prefque fur qu'ils n'étoient pas encore connus fous le nom d'Avares, mais fous celui de Scla- ç vons ou de Slaves. Le Dictionnaire de Trévoux adopte le même fyftême. « Les Avares, dit-il, nom d'une Na-» tion Septentrionale , qui n'a été connue que fous le » règne de Juftin le jeune , environ fan de Jefus-Chrift » $6y ». Cependant Procope , dans fon Livre de la Guerre des Goths , cite dès le règne de Juftinien des actes d'hoftilité de la part des Slaves qui combattirent contre Belifaire. Martin ôc Valentinien y dit-il, vinrent joindre Belifaire, menant 1600 Soldats, dont le plus grand nombre étoit des Huns, des Slaves ôc des An tes, qui ont leur Habitation fur les rives ultérieures du Danube. Dans un autre paffage de cet Hiftorien, on voit que dans le même temps les Slaves, attroupés en corps d'armée , payèrent le Danube, vinrent exercer toutes fortes de vexations fur les Illyriens, en tuèrent plufieurs , en prirent d'autres Efclaves , pillèrent leurs biens, ôc s'emparèrent même de plufieurs de leurs Places. Il rapporte dans un autre endroit , qu'environ 3000 Slaves ayant paffé le Danube fans aucune ré-fiftance, s étoient jettes dans la Thrace ôc dans l'Illy-rium , qu'ils avoient battu les Généraux Romains, Ôc ravagé ces deux Provinces. Il dit ailleurs qu'ils n'avoient ofé pafler l'Ifter qu'une fois, ôc que dès-lors ils avoient inondé les campagnes Romaines, ôc étoient retournés chez eux au-delà du Danube avec un grand nombre de Prifonniers& un immenfe butin ; qu'ils avoient répété plufieurs fois ces excurfions, pallé les Montagnes d'Hly-rium , ôc pénétré jufques dans la Dalmatie. Il ajoute qu'ils avoient à la fin ceifé de fe comporter comme des ennemis paflagers, qui ne cherchent qu'à piller , ôc pafler outre, ou s'en retourner ; mais qu'ils avoient commencé d'y former^ des établiflemens , comme dans leur propre domaine. Il eft donc évident , par ce que dit Pro-cope y que les Slaves ne font point la même Nation que les anciens Dalmates Ôc Ulyriens. Il paroît aufii par-là que la Langue Sclavone doit nécelfairement avoir été portée dans l'Illyrium par ces Barbares 3 bien loin qu'ils l'y ayent trouvée, puifque cette Langue fe trouve dans le Nord de l'Europe , & qu'il eft manifefte par l'Hiftoire, que les incurfions de ces Peuples n'ont jamais été du Midi au Nord : il faut donc qu'elle ait eu fon origine dans le Nord , & quelle foit defcendue avec eux du Septentrion au Midi, Procope ne parle dans tout cela que des Slaves ôc des Huns 5 ôc ne dit rien des Avares , qui ont cependant toujours été regardés comme les mêmes que ces derniers. Conftantin Porphyrogcnete parlant d'Attila y Roi des Huns , dit qu'Attila y Roi des Avares \ ravagea la France : cette opinion eft confirmée par une infinité d'Auteurs cités par Ferdinand Belchamp, dans fon Livre de Notiùâ Hungariœ. Ces Peuples pelle- c ij DISSERTATION. derent la Dacie Se la Pannonie ; voye^ le même Auteur page ny. Paul Diacre écrit que les Avares furent mis avec les Huns en pofftiîion de la Pannonie par Alboin, Roi des Lombards, lorfqu'il quitta ce pays-là pour venir s'établir en Italie. Des Annales de France manuf-crites y citées par Bollandus y Tome I. page 716, rapportent que Thudun y homme puiffant parmi les Avares y envoya fan 795 des Ambaffadeurs à Charlema-gne, pour l'avertir qu'il vouloit avec tout fon Peuple fe donner à ce Prince y Se embrailer fous fes aufpices la Religion Chrétienne ; il paroît que l'année fuivante il exécuta fa promeffe. On lit la même chofe des Huns dans les Annales de Fulde ; ce qui fait croire que les Avares n'étoient point différens des Huns. En effet x Paul Diacre dit auiïi Lib. II, Hunni qui & Avares. Je ne doute pas que les Auteurs qui croyent que la Langue Hongroife d'aujourd'hui eft la Langue des Huns, ne fe trompent. Il eft vrai que les Huns ont occupé la Dacie , la Pannonie , Se tous les Pays que les Hongrois habitent aujourd'hui ; mais il ne s'enfuit pas que ce foit une même Nation. La Langue Hongroife a été apportée par les Peuples d'Orient , qui fe font mêlés avec les Huns dans la Pannonie > Se qui du temps de Conftantin Porphyrogenete étoient connus fous le nom de Turcs. Je crois donc que dans la Hongrie il y a une diftinction à faire des defcendans des Huns Ôc des Avares, qui font prefque généralement reconnus pour Peuples Slavesy Ôc parlent la Langue Sclavone , ôc de ceux qui defcendent des Uzes ou des Houzards, ôc des Madgiars, qui parlent la Langue Hongroife. Ces deux Langues s'y trouvent en effet exactement confondues, ôc prouvent prefque inconteftablement le mélange des deux Peuples. Dans une Differtation fur l'origine des Nations tirée de leurs langages y ôc contenue dans les Mémoires Littéraires, on voit que les Huns ou les Avares y qui habitent encore aujourd'hui la Hongrie, font du nombre des Sarmates ou Sclavons ; car après que les Goths y les Lombards ôc les Gépides, Nations TudeJp ques y s'avançant vers l'Italie , la Rethie ôc l'Autunois 3 eurent abandonné de gré ou de force le Pays fîtué entre le Danube ôc les Alpes ; les Slavini prirent leur place, ôc ceux qui vinrent plus tard furent appelles Avares J d'où vient qu'aujourd'hui toute cette étendue de Pays eit habitée par des Sclavons> à l'exception de la contrée habitée par les Hongrois , que l'Auteur reconnoît être des Peuples d'une autre origine. Il affure que les Habi-tans de la haute Hongrie , comme les Rafciens, les Ser~ viens, les Croates Ôc les Sicules, parlent encore la Lan-gue Sclavone , ôc font Sclavons d'origine. Le même Auteur ajoute y qu'il paroît évidemment par l'Ambauade- du Rhéteur Prifcus , qu'on ne parloit que deux fortes de Langues à la Cour d'Attila ; favoir, la Gothique ôc la Hunique. Il eft manifefte par les noms des Rois Huns, que la Langue Gothique eft la même que l'Allemande , & fi la Hunique n etoit pas la Sarmatique , ou la Sclavone , on devroit naturellement conclure qu'on auroit parlé une troifieme Langue a la Cour de ce Prince y puifqu il étoit alors dans le cœur de la Sclavonie. Le mot de Koni ou Chuni, qui fignifie un Cheval en Sarmate > eft auffi une forte de preuve que la Langue Slave étoit celle des anciens Huns. Le nom de cette Nation eft dérivé de ce mot, ôc ces Peuples furent appelles Huns , parce que , comme les anciens Hiftoriens nous l'apprennent, ils étoient toujours à cheval, en quoi les Tartares ôc les Nogaïs d'aujourd'hui les ont imités. Philippe Mélanchton cherche au mot Koni ou Chuni > une autre étymologie dans la Langue Hébraïque, Ôc le fait dériver du mot Chanah nn 9 qui fignifie camper. C'eft un point qui pourroit être traité dans une autre occafion : je me contente pour le préfent de favoir que ce mot appartient à la Langue Sclavone. Jornandès décrivant les funérailles d'Attila, fait mention d'une grande Strawciy ou dune Fête magnifique, mot qui, encore aujourd'hui, a la même lignification en Pologne , où fon parle Slave. Ferdinand Bechamp, dans fon Livre Notiûâ Hungariœ , difcute amplement l'étymologie de ce mot ; mais je fuis peu fatisfait de ce qu'il en dit : il confond à ce fujet les Vandales avec les Slaves ; il fe fonde fur ce que les Slaves font les mêmes que les Venni Venediy Peuples qu'on appelle en Allemand DicWen-den. Les Slaves font bien à la vérité les mêmes que les Venni ou Venedi, mais ceux-ci n'ont rien de commun avec les Vandales ; ils n'ont fait que leur fuccéder, &: occuper les lieux où les Vandales avoient déjà paffé comme je tâcherai de le faire voir à la fin de cette Dif-fertation. Je reprends le fil des opérations des Avares. La première année du règne de l'Empereur Tibère, qui fuc-céda à Juftin , l'an de notre Ere 579 , ils ravagèrent la Thrace. En 581 ils en furent chafles, &c fe jetterent dans la Pannonie cis-Danubienne. En j 8 3 la Nation Sclavone envahit l'illyrium. C'eft de cette féconde année du règne de Tibère que les Avares commencèrent d'avoir des pofleilions en Dalmatie, quoiqu'ils y euf-fent fait bien du ravage à plufieurs reprifes. Ce fut alors auffi qu'ils conftruifirent un Pont fur le Danube, pour pouvoir chaffer les Sclavons, quoiqu'ils euffent été de moitié avec eux dans toutes les irruptions qu'ils avoient faites jufqu'alors far les Terres de l'Empire. Mais Dodwel remarque , d'après tous les Hiftoriens qui ont écrit xxiv DIS S E R T A T I O N. fur ces Barbares, que l'affinité entre les différentes Tribus , ne les empêchoit pas de fe rendre de mauvais offices , ôc de fe détruire même les uns les autres quand 1 oc-cafion favorable s'en préfentoit. On lit dans l'Hiftoire mêlée, que Maurice ayant fuc-cédé à Tibère , les Avares, qui s'étoient emparé depuis peu de Sirmium, lui envoyèrent une Ambaflade : ils ne laifTerent pas de ruiner cette Ville, ôc de s'emparer de plufieurs autres Places dans l'illyrium ; ôc la féconde année du même règne, leur Chagan ( c'en: ainfi qu'ils nom-moient leur premier Magifirat ) arma les Sclavons, qui entrèrent dans la Thrace, ôc s'avancèrent jufques aux longues murailles , en faifant un dégât horrible. Menandre rapporte la même chofe des Sclavons, ce qui prouve que c'étoit une même Nation, connue fous le nom général de Slaves, Ôc que tous les divers noms fous iefquels on les trouve cites, ne font que les dénominations des différentes Tribus. Lan jqi , le Chagan re-nouvella la guerre ravagea Singidon y ôc alla camper vers Sirmium ; mais des Lettres de l'Empereur Maurice, écrites à Prifcus, furent interceptées par le Chagan ; il y vit ce qu'on tramoit contre lui , ôc fe crut obligé de fe retirer dans fes terres. L'Auteur de l'Hiftoire mêlée rapporte que l'an 593 , Maurice envoya Prifcus pour empêcher les Slaves de revenir fur le bord méridional de rifter ou du Danube : tk en effet ce Général réfifta au Cagan , qui s'efforçoit de repalfer ce Fleuve, avec les Slaves qu'il avoit ramaffés, dans la vue de tenter une nouvelle expédition. Il s'avança même l'année fuivante J94 jufques dans les terres de leur domination, où il prit fon quartier d'hyver, par ordre de l'Empereur. Vers la fin de la même année, Maurice envoya Pierre, à la place de Prifcus, contre les Sclavons ; &c au corn, mencement de l'année fuivante , il l'expédia auffi contre les Bulgares leurs Alliés & leurs Compagnons. C'eft ici que les Bulgares commencent de fe faire connoître ; je parlerai d'eux après avoir dit quelque chofe des Chroba-tes qui les ont précédés en deçà du Danube. Les Avares ayant fait mourir les prifonniers Romains, parce qu'on avoit refufé de payer leur rançon , l'Empereur Maurice, qui avoit occafionné & foufîert cette injure, s'attira la haine de tout le Peuple , ce qui donna lieu à Phocas de tenter de le détrôner par un crime connu de tout le monde. Celui-ci eut beaucoup à démêler avec les Avares , tk Héraclius, fucceffeur de Phocas, leur fufcita pour ennemis les Chrobates, Peuple Slave comme eux , qui l'en débarrafférent , &c les chafferent de la Dalmatie. Les Chrobates étoient alors fous la direction d'un Prince appelle Porga, qui avec fes cinq frères Clucas, Co-belus 9 Cozentius., Muchlo & Çhrovatus , fes deux d fœurs Tuga &: Vugay Se plufieurs autres perfonnes de la même Tribu fortirent de leurs demeures y s'avancèrent fur les Côtes maritimes de la Dalmatie y livrèrent bataille aux Avares, les mirent en fuite y ôc s'emparèrent de ces Provinces. Us fe choifirent un Prince qui relevoît de l'Empereur de Conftantinople ; Héraclius leur envoya des Evêques ôc des Prêtres y defquels ils reçurent le Baptême y en quoi ils différent des Croates blancs, defquels ils tiroient leur origine y ôc qui ne reçurent le Baptême que long-temps après. Voyez.Ducange Fam'diœ Dalmaùcœ , Sclavomcœ & Turcicœ. Ces Chrobates étoient venus du Nord de la Bohême 6V de la Pologne , pays où la Langue Sclavone eft le plus en vigueur y ôc où certainement, ils ne l'ont pas rapportée d'Illyrie , puif-qu il eft manifefte par l'Hiftoire qu'ils ne font plus retournés du Midi au Nord : c'étoit cependant la Langue qu'ils parloient lorfqu'ils defeendirent en deçà du Danube ; il faut donc qu'ils leuflent apportée avec eux. Les Croates blancs y dont les Croates conquérans de la Dalmatie tiroient leur origine , s'appelloient, fuivant Conftantin Porphyrogenete y Veli-Chrobatiy ôc le mot Vdi > en Langue Sclavone y fignifie blanc , ce qu'on a traduit par Chrobates blancs ; il eft donc évident que leur Langue étoit la Sclavone. Je ne parle pas de la longue étymologie du mot Chrobati, que quelques Auteurs pré- tendent fignifier, PojJeJJèurs de grandes Terres , parce crue Banduri affine que Hruad , qui eft le nom Sclavon qu'on donne encore à ces Peuples , n'eft autre chofe qu'un nom propre fans aucune fignification. Dodwel avance que ce nom leur a été donné à caufe de leur Prince Chrowatus y cité par Conftantin Porphyroge-iiete. Ce dernier Hiftorien les croit les mêmes que les Bulgares, Se Tliéophilacte > dit que c'étoient des Avares venus après les premiers Avares dont j'ai déjà parlé : il eft difficile de fe perfuader qu'ils fulfent les mêmes Peuples que les Bulgares , puifque ceux-ci ne commencèrent leurs incurfions au-delà du Danube qu'après eux. Les premiers d'ailleurs fe fournirent aux Empereurs de Conftantinople, Se les Bulgares demeurèrent indépen-dans. Les Empereurs même , pour faire des diverfions fur les Bulgares, employoient les Croates Se les Serviens, Peuples venus comme eux du Nord de la Bohême Se de la Siléile. Ceux-ci s'offrirent à Héraclius, qui les plaça d'abord vers Theflalonique, d'où ils retournèrent dans leur pays, mais ils en furent rappelles pour occuper ce qu'on appelle aujourd'hui la Servie, après que les Croates , mêlés avec les Avares qu'ils avoient vaincus 3 fe furent retirés dans la Croatie. Il eft temps que je dife quelque chofe de l'origine des Bulgares. Ducange, fur la foi de Francifcus Irenicus, à i) xxviij DISSERTATION. les fait defcendre de la Scandinavie, ôc de-là dans la Pc* méranie maritime. D'autres Auteurs, comme Nicepho-re , Patriarche de Conftantinople, ôc Théophancs, ont prétendu qu'ils avoient d'abord habité fur les bords du Palus Mœotide, vers le Fleuve Coba, ou le Couban. Conftantin Porphyrogcnete les place au voisinage des -Patzinacites^ qui avoient de fon temps leurs demeures .dans les pays arrofés par le Danapris ôc le Danajïris , qui font le Dnieper ôc le Dniefler ; mais il eft cerrain que ce n'eft pas-là leur première habitation , Se qu'ils n'y vinrent qu'après que dans leurs diverfes incurfions ils fe furent avancés vers les Régions méridionales , & les bords du Danube : Voyez Ducange, Regum Bulgarie?. L'Auteur de la Differtation fur l'origine des Peuples que j'ai déjà citée , les reconnoît pour des Sclavons venus de la Sarmatie. Ce 'qui eft conforme à l'opinion de Cromerus, qui, dans fon Livre de Rébus Polonorum \ les fait defeendre de la Sarmatie Afiatique, des confins de la Ruflie. Pomponius Lcctus rapporte que l'Empereur Anaftafe fit bâtir la longue muraille, depuis la Mer jufqua Séli^ vrée, ( muraille fameufe qui étoit d'abord la clôture de ce qu'on appelloit le Delta , de qui devint en fuite la der-. niere borne de l'Empire Grec ) pour s'oppofer aux incurfions des Bulgares ôc des Scythes, ôc les empêcher'- d'inquiéter les Habitans de Conftantinople. Ducange \ Regum Bulgariœ , rapporte la même chofe ; fixe cette époque à l'an joz , ôc ajoute que les Bulgares j vers ce temps-là pafferent dans i'illyrium 3 ■& prirent Sirmium. Les expéditions des Slaves , fous le nom d'Avares, vers Sirmium ôc Singidon , dont j'ai déjà parlé, font du même fiecle, ôc à peu près de la même date. Les mêmes opérations prêtées à différens Peuples par divers Ecrivains 5 ont fait croire à plufieurs Auteurs que les Bulgares étoient les mêmes que les Slaves, ôc que tous ces Peuples n'étoient qu'une feule ôc même Nation , divifée en différentes Tribus, dont les noms ont été confondus par les Ecrivains, qui fe font perdus dans les ténèbres qui obfcurciflent l'Hiftoire de ces Barbares, mais qui cependant font affez d'accord entr'eux fur les faits ôc fur les dates. Il n'eft pas prouvé que les Bulgares fuffent Slaves d'origine ; mais il eft inconteftable qu'ils parloienc la Langue Slave $ puifquelle s eft perpétuée jufques à nos jours, & qu'on la parle encore dans le pays qu'ils ha* bitoient du temps de Conftantin Porphyrogcnete , ôc qui a retenu le nom de Bulgarie. Us 1 avoient infenfï-blement adoptée par leur commerce continuel avec les Ruffes ôc les Peuples Sclavons dont ils étoient environnés. Si cette Langue étoit née dans riliyrium , qui iau-roit portée en Bulgarie ? L'Hiftoire ne fait aucune mém non que les Illyriens ou les Dalmates ayent fait des incurfions dans les pays qui bordent la Mer Noire, au lieu qu'il eft très-prouvé que les Chrobates, ôc les Serviens fur-tout ont parcouru ces Provinces, ôc fe font avancés jufques dans la Dalmatie ôc l'illyrium. La Langue Latine , qu'on retrouve encore dans tous les pays envahis par ces diverfes Nations Barbares > eft bien une preuve, qu'avant les incurfions de ces Peuples /on parloit Latin dans toute la Province d'Illyrie , puifqu'il eft certain que depuis la venue des Barbares, perfonne n'y a porté la Langue Latine, ôc on la retrouve encore dans toute la Hongrie , la Croatie , la Bohême , la Servie y la Bulgarie , la Moldavie, la Tranfilvanie ôc la Walaquie. Il falloit donc qu'elle y eût été portée antérieurement à la defcente des Barbares, ôc qu'elle y eût été fi généralement adoptée dans toutes ces Provinces Romaines, que le mélange des divers Conquérans, ôc la confufion des autres langages, n'ont pû entièrement la déraciner. Je finirai ce que j'ai a dire des Bulgares. Ce font eux qui depuis le feptieme fiecle ont donné tant de peine aux Empereurs de Conftantinople, ôc qui tantôt Alliés, ôc tantôt oppofés aux diverfes Tribus de Slaves, ont ravagé & conquis prefque toutes les Provinces de la Grèce, fe font avancés même jufques au Péioponefe , par plufieurs incurfions qu'il feroit trop long ôc inutile de rapporter* & ont répandu la Langue Slave > qui étoit devenue la leur , dans toutes les Provinces qu'ils ont occupées , &C où on la parle encore. On peut tirer de la converfîon des Bulgares Se des Slaves des preuves certaines que la Langue Sclavone a été regardée comme une Langue nouvellement venue dans ces Provinces : je ne crois pas devoir les négliger. L'an 865 , Bogoris , Prince des Bulgares y à l'occafion dune grande famine dont fon pays étoit affligé, fongea à avoir recours au Dieu des Chrétiens. La famine cefla, Se il reçut le Baptême , à la fol-licitation de fa fccur > qui étoit devenue Chrétienne à Conftantinople, dans le temps qu'elle étoit captive fous l'Impératrice Théodora y qui la rendit à fon frère en renouvelant un Traité de paix avec lui. Bogoris, fous le nom de Michel > écrivit au Roi Louis le Germanique, pour lui demander un Evêque Se des Prêtres. Ceux que ce Prince y envoya furent précédés par des Légats du Pape, expédiés pour répondre à quelques doutes, qui avoient été infpirés aux Bulgares par les Grecs. Le crédit que les Légats du Pape acquirent à Conftantinople y fut un grand objet de jaloufie pour le Patriarche Photius , Se la fource du Schifme des Grecs. Les Patriarches voulurent dès-lors difputer aux Papes la Jurifdic-tion fur ces nouveaux Profelytes. U y eut un Concile tenu à ce fujet à Conftantinople Fan 870. Les A m- xxxij DISSERTATION. igmiw,..ii—, n.mjsmmmmmam^ME^ssmBBatmmi^mBBB^mi^Êmama ■ '— 11 m mini m n 1111 bafïadeurs du Roi des Bulgares demandoient s'ils dévoient, quant à la Jurifdiction fpirituelle y être fournis au Pape y ou au Patriarche de Conftantinople. Les Légats d'Orienty choifis pour arbitres de cette queftion, difoient aux Bulgares : Quand vous avez conquis ce pays-ci, a qui étoit-il ? Les Bulgares répondoientnous l'avons conquis fur les Grecs : les Légats d'Orient en con-cluoient que ce Pays devoit être de la Jurifdi&ion de Conftantinople. Les Légats du Pape oppofoient à cela que là divifion des Empires n'entraînoit pas celle des fieges, ôc que le Pape, quoique Latin y établifloit en plufieurs endroits des Evêques Grecs. Les Arbitres du différent décidèrent en faveur du Patriarche de Conftantinople y ôc les Légats du Pape fe retirèrent. Il étoit venu avec ces Légats deux Moines appelles Conftantin ôc Me-thodius, dont j'ai déjà parlé affez au long ; ils traduisirent les Livres Saints en Langue Sclavone ; ôc inventèrent les caractères de cette Langue, pour les Sclavons de la Moravie y dont le Prince avoit demandé des Mif-fionnaires à l'Empereur. A quel propos Conftantin Ôc Méthodius auroient-ils fait une pareille traduction 5 fi dès le .cinquième fiecle il y en avoit eu une de Saint Jérôme en Langue Sclavone ? Il n'eft pas vraifcmblable que ces deux Millionnaires, envoyésjm Apoftolat aux Slaves , ignoraient lexiftence de cette traduction de Saint T / A Jérôme $ Jérôme , fi utile à la million qu'ils entreprenoient ; & la connoiflant, il feroit bien furprenant qu'ils eufTent pris la peine d'en faire une autre. Conftantin embrafla l'Etat Monaftique -9 & Méthodius continua en Moravie les fondions de l'Epifcopat. Le Pape lui défend^d'abord de faire la Lithurgie en Sclavon j mais, fur fes repré fe mations, il lui écrivit l'an 886. « Nous approuvons les *> Lettres Sclavones , inventées par le Philofophe Conf-» tançin, & il n'eft point contraire à la foi d'employer » la même Langue Sclavone , pour célébrer la Meffe , » & lire l'Evangile, ou chanter les autres Offices des » Heures : Nous voulons toutes fois, que, pour mar-». quer plus de refpect à l'Evangile, on le life d'abord » en Latin , puis en Sclavon , pour la facilité des- Peu-» pies qui n'entendent pas le Latin ». Cela prouvé d'abord que l'invention des Caractères Sclavons a été mal-à-propos attribuée à Saint Jérôme, .& qu'il n'a jamais été queftion que de ceux de Conftantin. En fécond lieu , le Pape n'auroit vraifemblablement pas imaginé de défendre à Méthodius, pour les Saints Offices i l'ufage d'une Langue, qu'un Perfonnage auffi refpectable* pour des Chrétiens que Saint Jérôme, auroit autorifée par une traduction des Saints Livres. Les Bulgares, en vertu des décilîons du Concile , eurent des Evêques Grecs , &" prirent la Lithurgie Grecque. Cependant comme la Langue Sclavone s'introduifit enfuite parmi eux , par le voifinage ôc le commerce des Sclavons , donc ils étoient entourés ; ils adoptèrent auffi la Lithurgie Sclavone, ôc ils font encore ufage de l'une ôc l'autre , ôc'mème, dans les Meffes célébrées en Grec, les Officians font obligés de lire l'Evangile dans les deux Langues. Il paroît de-là que la Langue Sclavone devint celle des Bulgares, puifqu'on fut obligé de recourir à la Lithurgie traduite en cette Langue pour la leur faire entendre , ôc que cette traduction s'eft toujours confer-vée dans leur pays pour faciliter l'intelligence des Saints Offices aux Peuples qui la parlent encore. Par confisquent , quoique les Bulgares ne foient peut-être pas . Slaves d'origine , on peut, à caufe de la communauté de Langue , les comprendre dans la clafle des Peuples Slaves , qui font le fujet de cette Differtation. Les Ecrivains des Annales de Bohême ôc de Pologne , donnent pour origine aux Slaves 3 Japhet, fils de Noé, duquel naquit Javan , de celui-ci Philirat, de lui Alanus, duquel Anchife, Enée, Àfcagne, Pamphile, Rcfilina, Alanus II. qui paffa le premier d'Afie en Europe , ôc qui eut quatre enfans 3 dont le premier fut Vandalus, qui donna le nom de Vandales aux Polonois ôc aux Habitans des bords de la Viftule, ôc les autres qui habitèrent différentes parties de l'Europe, ôc don- nerent l'origine aux Polonois , aux Rufles, aux Caflb-viens, aux Siléiiensy aux Bohémiens y aux Moraviens, aux Slaves, aux Dalmatiens, aux Pannoniens y aux Bof-niens, aux Croates Se aux Bulgares. Je crois, que, fans faire beaucoup de tort à ces Hiftoriens y on peut ajouter médiocrement foi à cette généalogie , qui reffemble affez à celle des Géants de Rabelais ; Se fans fe perdre dans des temps fi reculés y il me paroît qu'il eft plus raifonnable de s'en tenir à l'origine de ces Peuples y connue Se prouvée par l'Hiftoire,. Prefque tous les Auteurs s'accordent à faire defeendre originairement tous les Peuples Slaves du Nord de la Sarmatie, d'où ils fe font étendus fous le nom de Vinni Vendi Se V?nedi y le long de la Mer de Sarmatie, Se du Sinus Codanus y jufques à la Cherfo-nefe Cimbrique. Ce qui a donné lieu à bien des Auteurs de prendre les Venedi pour les mêmes que les Vandales, qui avoient occupé les mêmes pays. Il eft vrai que les Slaves ont poffédé fucceflivement toutes les Provinces où les Vandales avoient habité avant eux ; mais la différence de langage prouve bien la diverfité de ces deux Nations. On ne trouve dans toute l'Hiftoire des Vandales aucun nom de Villes y de Nations ou d'hommes qui ayênt rapport a la Langue Slave y Se depuis l'incurfion des Vinni y ou Venedi y fur les Côtes méridionales de la Mer Baltique, on trouve les noms Sla- e ij ves de Lubek \ de Roftok > de Wifmar, de Stargrad, Ôcc. qui prouvent bien que ces Peuples n'ont fait que fuccéder aux Vandales > qui tout comme les Goths étoient des Nations Tudefques ou Germaines. On peut ajouter à cela le témoignage de Tacite , qui oppofe les Sarmates aux Germains. Ce font ces Nations Sarmates > qui par diverfes incurfions ont envahi > fous le nom général de Sclavons, la Pologne y la Ru (lie, la Moravie, la Hongrie , ôc tous les Pays où leur Langue eft encore aujourd'hui en vigueur. Les Provinces méridionales de la Grèce furent les dernières qui fe repentirent de leurs ravages, ôc les dernières auffi où leur Langue s'eft introduite, Ôc quant à l'illyrium ; les Villes de Segefle , de Delminium y de Salone y de Promone y de Terponum 3 de Metulium 5 de Scardonne , de Jadera > les Fleuves Nam ôc Jaum y qui portoient-des noms Latins 3 ôc qu'on trouve depuis la venue des Slaves fous les noms Sclavons de Zagrabia y de Clu^, de Camemgrad, de Bklograd 3 de Nongrad y de Cremen y àOrok, de Jablane-{, de Guer-ka , de Lipa-y ôc les Fleuves fous les noms de Reka ôc de Dobra y démontrent bien évidemment que la Langue prétendue Illyrique , bien loin d'être née dans cette Province , n'y eft connue que depuis l'invafion des Barbares. Je crois 3 avant de finir > devoir dire un mot des Pat- » zinacites , qui peuvent entrer dans la même clafle , & qui me fourniront occafion de donner une légère idée de l'incurfion des Barbares Orientaux , qui font venus en différens temps fe jetter dans les Pays que les Peuples Slaves avoient envahis avant eux , & qui ont oc-cafionné le mélange de la Langue Hongroife , qu'ils ont apportée avec eux , & de la Sclavone qui y étoit déjà. Les Patzinacites, quoique Slaves, fe font trouvés en* globes dans les incurfions de ces Barbares Orientaux, qui les ont forcés de leur céder la place 9 & les ont pouffes à plufieurs reprifes jufcpes dans la Bofnie. U faut commencer d'expliquer la pofition de ces Peuples avant de parler de leurs courfes. Les Turcs., Peuple Tartare venu de la grande Tar-tarie Septentrionale du côté de l'Obi, demeuroient au-deffus de la petite Tartane s entre le Nîeper & le Don y où font les Tartares. Nogaïs. Les Patzinacites étoient des Venedes, & par cônfé-quent des Slaves , comme je l'ai déjà démontré, qui, fuivant ce que dit Leun-Clavius dans fes Fandedtes - avoient tiré leur nom de Pojhania > Ville municipale de Pologne, où ils avoient habité autrefois. Ils fe trou-voient fitués à l'Orient des Turcs, entre ÏAtel, ou lç Volga , & le Ceek f aujourd'hui le Jàik, au Nord de la Province qui porte le nom de Circafiie. Ceux-ci confi- xxxviij DISSERTATION. noient avec les Uzes ou Madgiars, Peuples Tartares venus , fuivant les apparences , du même Pays que les Turcs dont je viens de parler, ôc établis pour lors à TOrient de la Mer Cafpienne , dans ce qui eft aujourd'hui FUsbek. Il faut partir de ce principe pour comprendre le cours des différentes excurfions de ces Peuples. Cinquante ans avant le temps où écrivoit Conftantin Porphyrogenete , c'eft-à-dire, fan de J. C. 899, les Uzes, à ce qu'il rapporte lui-même, s'étant liés avec les Cazares qui habitoient la Cherfonefe Taurique , attaquèrent les Patzinacites, les obligèrent de leur céder le pays qu'ils habitoient ; ôc ce qui étoit la Pat^uiaâe, devint YU^ie, Ôc la Madgiarle. Les Patzinacites chaflés de chez eux , tombèrent fur les Turcs , les chafferent, ôc s'emparèrent , non-feulement du pays où ils étoient établis, iïtué entre le Nieper ôc le Don , mais ils s'étendirent même jufques au Danube dans les Provinces qui font aujourd'hui connues fous le nom de Walaquie ôc de Moldavie, ôc les Turcs, obligés de quitter leurs demeures , fe jette-rent dans la grande Moravie , qui eft la Hongrie ôc la Tranfilvanie d'aujourd'hui : c'eft-là qu'ils fe mêlèrent avec les Avares ôc les Huns qui habitoient ce pays, ôc dès-lors fe forma cette confufîon de Langues qui a donné lieu à bien des Auteurs de croire que les Huns étoient les mêmes que les Turcs, parce que dès cette première invafion les Huns ne furent plus connus que fous le nom de Turcs. Dans la fuite les Uzes ôc les Madgiars , ennuyés de leurs nouvelles demeures, tombèrent de nouveau fur les Patzinacites, s'emparèrent de leur pays , qui étoit la Walaquie & la Moldavie d'aujourd'hui , ôc envahirent auffi la Hongrie ôc la Tranfilvanie, où ils trouvèrent les Turcs déjà établis, ôc s'y confondirent avec eux. Ce font ces deux incurfions de ces Peuples , qui ont répandu dans la Hongrie la Langue Hongroife qui s'y trouve mêlée avec la Sclavone , que les Peuples de ce pays, de feendans des Avares ôc des premiers Huns, y ont encore confer-vée. Ces Uzes ôc ces Madgiars font les Houfards ôc les Madgiars, nom fous lequel les TurcsOfmanlis connoiA fent leurs frères les Hongrois ; ôc ce qui prouve incon-teftablement que la Langue Hongroife y a été portée par ces Peuples, c'eft qu'on aifure que cette Langue anato-rnifée a une extrême affinité avec le Tartare. Les Patzinacites, pouffes de nouveau hors de chez eux , fe réfugièrent dans la Bofnie, qui fut leur dernier afîle , ôc à laquelle ils ont.donné leur nom, fuivant Leun-Clavius. En effet , le mot Boqinaki n'eft autre chofe que Pat^inaki y en prononçant le c de Patzinaci en ky comme le prononcent les Grecs. Ali refte, la Langue la plus familière aux Habitans de la Bofnie, eft la Sclavone ; ce qui prouve bien que les Patzinacites étoient Slaves ; car fi ces Barbares avoient eu une autre Langue , ils Fauroient portée dans cette Province , tout comme les Tartares Se les Ofmanlis y venus enfuite, y ont répandu la Langue Turque, qui y rivalife aujourd'hui la Sclavone, mais ne peut pas encore prendre le defllis fur celle-ci. Voilà une légère idée de ce qui peut concerner l'origine de la Langue Sclavone , Se des Peuples aufquels elle étoit commune. Tout concourt à démontrer que cette Langue eft née dans le Septentrion y Se ne s'eft répandue vers le Midi que par les incurfions des Barbares qui la parloient, Se qui font venus du Nord de la Sarmatie, s'établir dans les Régions méridionales de l'Europe. Ce font ces mêmes Barbares qui Font portée dans l'illyrium, où elle a pris le nom d'Illyrique, qui ne lui appartenoit pas, puifque les anciens Illyriens Se les Dalmates , avant la defeente des Barbares Septentrionaux Se Orientaux y n'avoient d'autre Langue que la Grecque Se la Latine. J'aurois pu donner plus d'étendue à cette matière, mais je fuis forcé pour le préfent de me renfermer dans les bornes d'une fimple Diflertation. TABLE Xlj TABLE DES CHAPITRES CONTENUS DANS CE VOLUME. D IssertJTION fur l'origine de la Langue Sclavone^ prétendue Illyrique. Page vij CHAPITRE I. De la Géographie des Pays fitués au Nord & au Midi du Danube. i CHAPITRE II. Des Langues qui régnent dans les Pays qui bordent le Danube. 9 CHAPITRE III. Première incurfwn des Scythes fur les rives Occidentales du Pont-Euxin dans les temps les plus reculés. 1 J CHAPITRE IV. Des Barbares Orientaux fous les Perfes & les Macédoniens. 16 CHAPITRE V. Première invafion des Barbares Occidentaux, s 18 CHAPITRE VI. Des Barbares Occidentaux, depuis la deftruclion de l'Empire de Macédoine jufqu'a Dio-* clétien. 10 CHAPITRE VIL Premières incurfions des Barbares £ xlij TABLE Septentrionaux. Page 14 CHAPITRE VIII. Nouvelles incurfions des Scythes Orientaux. Origine des Bulgares. 28 CHAPITRE IX. Concejfions de terres faites aux Bar-bares par les Empereurs. Le Chriftianifme introduit cke^ les Scythes. 3 i CHAPITRE X. Les Huns commencent de paroître fur la fcene. 36 CHAPITRE XL E clairciffe mens fur les Scythes Nomades. Migration des Goths vers l'Occident. Expédition d'Attila en Italie. 40 CHAPITRE XII. On commence a connaître les Bulgares y qui y jufques Aa y avoient été compris fous le nom général des Scythes. 4j CHAPITRE XIII. Première apparition des Avares & Slaves ou Sclavons en deçà du Danube. 5 o CHAPITRE XIV. Les Huns employés par Juftin IL dans fon expédition contre les Perfes. Obfervations Géographiques fur la Colchide & la Logique. CHAPITRE XV. Nouveau Tableau de la fuuation des Peuples Sclavons. Les Turcs Orientaux commencent de fe montrer fous le nom de Chaires. j\ CHAPITRE XVI. Démêlés des Empereurs avec les Bulgares ô les Sclavons. Diverfes remarques fur les Cherfonites & les Bojphoriens. Obfervations Géogra- DES CHAPITRES. xliij phiques fur la Cherfbnefe Taurique. Page 81 CHAPITRE XVII. Origine des Athingans ou Bohémiens. Converfion du Roi des Bulgares y qui donne lieu au Schifmc de Photius. Diverfes remarques fur la Langue Sclavone adoptée par les Bulgares. 107 CHAPITRE XVIII. Premières incurfions des Rujfes vers le Midi. Invafion de la grande Moravie par les Turcs Hongrois. 110 CHAPITRE XIX. Guerre de Conftantin Porphyroge-nete contre Simeon y Roi des Bulgares. Obfervations Géographiques fur la Navigation des RuJJes >& fur divers lieux voifins du Boryfthene. 139 CHAPITRE XX. Continuation des affaires des Turcs y des Bulgares & des Rujfes. încurfion des Patzinacites dans la Hongrie y deflruclion de la Monarchie des Bulgares "par l'Empereur Bafile. i J4 CHAPITRE XXI. Révolte des Bulgares. Guerre de Conftantin Monomaque contre les Patzinacites. Invafion de la Bulgarie , de la Thrace y de la Macédoine g de la Grèce, par les U^es. Guerre de Croatie fous Michel Ducas Parapinace. 16 j CHAPITRE XXII. Continuation des affaires de Dalmatie & de Croatie fous Alexis & Jean Comnene. Guerre de Jean Comnene contre les Patzinacites. Révolte des Serviens. Guerre de Jean Comnene contre les xliv TABLE DES MATIERES. Hongrois. Page 175 CHAPITRE XXIII. Continuation des affaires de Servie y de Croatie & de Dalmatie. Première apparition des Comains. Obfervations Géographiques jur le Pays que ces Barbares habitoient en Afie. Guerre de Manuel Comnene contre les Hongrois. Naiffance de Gen-ghiskan. 181 CHAPITRE XXIV. Origine des Walaques. Diver-fes incurfions des Walaques & des Comains fur les ter' res de l'Empire jufques a la mort de Baudouin. Irruption des Tartares en Europe fous leur Prince Batou-khan. Converfion des Comains. 19% CHAPITRE XXV. La Walaquie démembrée du Royaume de Bulgarie > forme un Etat a part. Etablif fement de la Principauté de Moldavie. Suite hiftorique de ces Princes jufques a Etienne le Grand. z 11 Voyage a Magnéfie 3 a Thyatire, a Sardes, &c. 241 Fin de la Table des Matières, OBSERVATIONS OBSERVATIONS HISTORIQUES ET GEO GRAPHIQUES Sur les Peuples Barbares qui ont habité les bords du Danube & du Pont - Euxin. CHAPITRE PREMIER. De la Géographie des Pays Jitués au No? a & au Midi du Danube. E S Pays qui bordent le Danube au Septentrion 8t au Midi, depuis fon confluent avec la Save jufqu'à fon embouchure, ont été de tous temps le rendez-vous ôc le réceptacle de tous les Barbares qui fc font ramafîes dans cette région de la Terre, pour fe répandre de-là, non-feulement dans les Provinces voifines, mais dans toute l'Europe, & même dans les Cantons les plus reculés de ÏÀlic & de l'Afrique. Avant de parler des incurfions des A difFérens Peuples qui ont fuccefTivement inondé PEuropc, il eft important de donner une idée précife de la Géographie de ces divers Pays qui ont entr'eux une connexion ôc un rapport intimes , ôc dont la connoiflance eft indifpenfable pour pouvoir débrouiller la confuiion extrême que les inva-fions de tous ces Peuples barbares répandent dans l'Hiftoire tics derniers Siècles. Les Pays fitués le long du Danube depuis fon confluent avec la Save jufqùa fon embouchure dans le Pont-Euxin, ont été connus en divers temps fous des noms difFérens. Les Peuples qui bordent la rive méridionale de ce Fleuve étoient appelles dans les premiers temps Scythes ôc Triballcs : les premiers habitoient à l'Orient vers l'embouchure, Ôc les autres à l'Occident ; le Fleuve les féparoit des Iftriens ou Iftrianicns , c'eft-à-dirc, voifins du Danube, auquel on donnoit le nom Ùlfter à fon embouehurc, ôc celui de Danuvlus dans le refte de fon cours. L'étendue de terrein qu'il y avoit encore depuis le Pays occupé par les Triballcs ôc les Schytes, Jufqu'à la Save , étoit comprife dans llllyrie , ÔC avoit fes Rois particuliers. Dans la fuite des temps toute cette Région ayant été fub-juguée par les Romains, on lui donna le nom de Mœiie. Depuis Adrien cette Province fut divîfée en Mcefie première ou fupérieure, ôc Mœfie féconde ou inférieure ; la première se-tendoit vers la Save, ôc l'autre vers le Pont-Euxin. Les deux Mœfies étoient donc deux Provinces Romaines , bornées par la Save à l'Occident, ôc le Pont-Euxin à l'Orient, la Thrace ôc la Macédoine au Midi, ôc le Danube au Septentrion. Comme fous les Empereurs fuivans on avoit de la peine à contenir les Daces qui habitoient au Nord du Danube , Au- relien leur afligna des terres au Midi de ce Fleuve ; ôc les deux Mœfies fc trouvèrent coupées par une nouvelle Province, qui eut auiïile nom de Dacie, ôc s'étendoit allez avant du Septentrion au Midi pour être fubdivifée en trois parties, Dacia Ripcnfis j Dacia Mediterranea > 6c Dacia Prxvalitana ; ôc alors tout le Pays depuis le Pont-Euxin jufqu'à la Save , qui comprenoit fimplcmcnt les deux Mœfies , fut fubdivifé en quatre Provinees : c'eft-à-dire, La Scythic Pontiquc , que Conftantin le Grand voulut qu'on diftinguât de la Mcefic Seconde ou Orientale. Cette Province, appcllée aujourd'hui le Dobrogé, étoit bornée à l'Orient par le Pont-Euxin, au Midi par cette partie de la Thracc connue fous le nom de Diœcejis Europœ , au Septentrion par le Danube , Ôc au Couchant par le refte de la Mœ-fie Orientale qui conferve le nom de Mcefie Seconde. La féconde Mœfic , qui ne fut plus alors que le refte de la. Mcefie Orientale, dont la Scythie Pontiquc avoit été démembrée, ôc qui fe trouvoit par conléqucnt bornée à l'Orient par cette nouvelle Province, au Midi par la partie de la Thracc appcllée Diœcefis Hœmi Montis y ôc le territoire de Sardique, aujourd'hui Sophie, ôc à l'Occident par la nouvelle Dacie. La nouvelle Dacie, qui ayant été démembrée de la première Mœfic par Aurclicn , fe trouvoit fubdivifée en Dacia Ripenfis fur la rive du Danube, Dacia Mediterranea, qui eft le territoire de Nifla , ôc Dacia Puvalitana , qui s'étendoit vers l'Albanie. Cette Province confinoit à l'Orient avec la féconde Mœfie ôc le territoire de Sardique , au Midi avec l'Albanie, ôc à l'Occident avec le refte de la Mcefic Occidentale , qui retint le nom de la première Mœfic. A ij La première Mcefie, qui efl cette portion de la Servie qui s'étend depuis NiiTa jufqu'à la Save. Les diverfes incurfions des Barbares changèrent infenfible-ment les noms de toutes ces Contrées. Les Bulgares > Barbares Orientaux venus de la Grande Bulgarie au de-là du Volga, s'emparèrent de la Scythie Pontique & de la féconde Mœfic ; vC comme le Mont Hœmus, qui s'étend d'abord d'Orient en Occident, prend enfuite une autre direction du Septentrion au Midi, ôc fépare la partie de la Thracc appcllée Diœcejis Hœmi Montis, du territoire de Sardique, les Bulgares qui fe répandirent de ce côté-là, donnèrent le nom de Bulgarie à toute cette Région qui comprend la Scythie Pontique, la féconde Mcefie, le territoire de Sardique, 2c une partie de la nouvelle Dacie. Le refte de cette dernière Province, Se la première Mœfie, furent occupés par des Barbares Septentrionaux du nombre de ceux que l'on comprend fous le nom général de Slaves ou Sclavons, ÔC auxquels on donna le nom de Serviens, Servit à Serviendo \ parce qu'ils étoient fournis aux Empereurs Grecs , tandis que les Bulgares leur faifoient la guerre ; les Empereurs les employoient même utilement à faire des diverfions contre ces derniers. C'eft de - là qu'eft venu la dernière ^divifion de ces Pays en deux parties, dont Pune eft la Servie, qui s'étend aujourd'hui depuis la Save jufqu'au territoire de NiiTa ; l'autre eft la Bulgarie, qui comprend tout ce qui eft depuis NiiTa jufqu'au Pont-Euxin : elle confine au Midi avec cette partie de la Thracc qui porte aujourd'hui le nom de Romanie, ôc renferme les Diocèfcs à'Europa ôc de Hœmi Mons > ôc tout ce qui borde la mer de Marmara jufqu'à l'Ifle de Samothrace. Il y a dans Claudien quelques Vers relatifs à la defeription que je viens de donner de ces difFérens Pays, Quos tamen impavidus contra fpumantisad Hebri Tendis aquas , fie ance tubas aciemque precatus Mavors, nubifero feu tu procumbis in Hœmo , Seu te cana gelu Rhodope, feu remige Medo Sollicitatus Athos, feu Caliganria nigris Ilicîbus Pangcca tenent, accingece mecum, Et Thracas deffende tuos. L'étendue de terre qui eft au Nord du Danube, comprenoit le Pays des Getes 6c des Daces, Ces deux Peuples étoient vraifemblablement venus d'Orient en Occident, ÔC avoient la même origine que les Scythes, qui avoient occupé les rives Méridionales du Danube vers le Pont - Euxin. C'eft l'opinion de Pline, qui dit dans le douzième Chapitre de fon quatrième Livre, ab eo ( id efl ïftro ) in plénum quidem omnes Scytkarum funt gentes $ varia tamen littori adpofita tenuere s alias G eu 3 Daci Romanis dicli, alias Sarmât& 3 Grdcis Sauromata 3 eorum-que Hamaxobii aut Aorji : alias Scythœ 3 dégénères 3 a fervis orti y aut Trogloditd, Mox Alani & Roxolani. On voit clairement par ce pafFage, qu'on doit regarder comme Scythes Orientaux tous les Barbares qui ont commencé de fe jetter vers l'Occident fous les noms de Daces, de Getes , ôc de Sarmates. Ils venoîent, comme on le verra ci - après, des côtes Orientales du Pont-Euxin, qui font également partie de la Scythie Afiatique. Il eft vrai que l'on comprend auffi fous le même nom toute la grande Tartarie ; mais en ne donnant à la Scythie que l'étendue déterminée par Juftin, c'eft-à-dire, depuis les Monts Riphécs jufqu'au Fleuve Halis ; fes limites doivent renfermer tous les Pays qui fe trouvent entre la Mer Cafpienne ôc la Mer Noire, ôc tout ce qui eft au Septentrion de ces deux Mers, c'eft-à-dire, les Contrées arrofées par le Volga , que les Anciens appelloient Rha , ôc que les Géogra- phes du moyen âge-ont enfuite nommé Adel ou Edcl> nom que les Tartates lui donnent encore aujourd'hui ; le Donet^ qui eft le véritable Tanaïs ; le Don, appelle auffi Tanaïs par les Anciens, ôc dans le moyen âge Géck ; le Boryfihene, connu d'abord fous le nom à'Olbia, enfuite de Boryfihene y ÔC enfin fous celui de Danapris ou Dniepers dans lequel fe jette YA-xiace 3 aujourd'hui appelle Bog par les Rudes, ôc Akfou par les Turcs, ôc que Ton ne doit pas confondre avec le Danaftris appelle actuellement par les Rudes Dniefier, ôc par les Turcs Tourla. Strabon appelle petite Scythie toute la région qui s'étend depuis i'Ifthmc formé par la Mer Cafpicnnc ÔC le Pont-Euxin y jufqu'au Boryfihene. Et Hérodote donnoit déjà le nom de vieille Scythie à toute l'étendue de terre qui eft depuis le Danube jufqu'à la Ville de Carcinite. Cette ancienne Vide étoit fituée à l'Occident de l'Ifthme de la Chcrfoncfe Tauri-que, au fond du Golfe du même nom, qui eft aujourd'hui le Golfe à'Akmefchid 3 Ôc à l'embouchure du Gerrhus., dans lequel venoit fc jetter YHypacaris. Ces deux Fleuves dévoient être néccfiaircmcnt deux rameaux du petit ruificau que les Tartarcs appellent Canilfchak qui eft à iix heures de chemin de llfthme de Pcrecop vers l'Occident, ÔC oii les Voyageurs trouvent à peine de l'eau pour fc déialtérer. Dans la campagne que j'ai faite avec le Khan des Tartarcs en 1758 , j'ai eu occafion de parcourir toute cette côte, ôc je puis adurer qu'il n'y a point d'autre eau courante depuis l'Ifthme de Pere-cop jufqu'au Boryfihene , ôc que le Gcrrhus , ôc YHypacaris ne peuvent être autre chofe que ce petit ruideau. Les anciens Géographes ont placé dans cet cfpacc une infinité de Villes ; il eft cependant difficile de croire que les Peuples de l'Antiquité eudent choifi pour fonder des Villes, un Pays ou il n'y a point d'eau courante, ôc où tous les puits que l'on peut pratiquer ne donnent qu'une eau très-mal faine Ôc dégoûtante à l'excès. On ne trouve pas les moindres vertiges de ces anciennes Villes, à moins qu'il n'y en ait eu quelqu'une dans le lieu appelle Kipkoïou, où l'on voit encore un grand nombre de puits qui paroiiTent avoir été creufés dans des temps reculés : l'eau qu'ils fourniffènt eft moins mauvaife que celle des autres. Cet endroit pourroit être la place de l'ancienne 7a-myraca, dont le Golphe Carcinite a auffi porté le nom. C'eft dans ces Contrées qui environnent le Pont - Euxin, que l'on trouve les veftiges des Peuples de la Colchide ôc de la Scythie Afiatique, des Huns., des Avares, des Alains, des Turcs Hongrois , des Bulgares, des Patzinacites ÔC des autres venus en différais temps faire des incurfions fur les bords du Danube qui avoient été envahis avant eux par les Gaulois , les Vandales, les Baftarncs , les Goths , les Gcpides , les Slaves , les Croates, les Scrvicns ôc tous les Peuples defeendus du Septentrion au Midi. Les Getes occupoient la Beflarabic depuis le Pont-Euxin jufqu'au Pruth appelle alors Hyerajfus , où font aujourd'hui les Tarrarcs du Boudjak , plus au Nord étoicilt les Britologes y ôc ce qu'on appelioit Getarum folitudo s etendoit depuis le Ty-, ras , aujourd'hui Dniefter y jufqu'à VAxiace ou le Fleuve Bog. Cette région étoit occupée par les Roxolani, que l'on trouve auffi au Septentrion du Palus Mœotide dans la Sarmatie Européenne ou la Ruffie Méridionale. Les Daces habitoient toute l'étendue qui eft entre le Pruth, le Danube, le Tibifc ôc les Monts Carpates. C'étoit ce qu'on appelioit Dacia vera ou Provincia Trajani ; elle comprenoit la Moldavie , la Valaquie ôc la Tranfilvanic. Strabon nous apprend que les Athéniens avoient tiré des Getes Ôc des Daces, appelles anciennement Davi > les noms de Geta ôc de Davus ii communs parmi leurs Eiclaves. Les Daces étoient connus fous difFérens noms : les plus voifîns des Getes étoient les Jafcii qui, au rapport de Cella-fïus; ont donné leur nom à la Ville de Jafîl, Capitale de la Moldavie , ôc fituée dans le même lieu ou Ptolcmée place l'ancienne Petrodava , principale Ville des Jafïïcns. A l'Occident de ceux-ci étoient les Teurifcy , ôc après eux les Anancs dont le Pays étoit borné au couchant par le Tibifc. Au de - là de ce Fleuve, ôc dans l'angle qu'il forme avec le Danube , étoient placés les Ja^yges Mctanaftœ Peuple Scythe ou Sarmate , defeendu par les Monts Carpates dans cette partie de la Pannonie : on les appelioit Mctanafta pour les diftinguer des Ja-\yges MœoLe qui habitoient fur la Côte Septentrionale du Palus Mœotide. Ils furent détruits dans le treizième fiecle par les Rois de Pologne. Au Septentrion des Monts Carpates étoient les Baftarnes qui s'étendoient vers la Pologne ôc jufqu'au Boryfthene ; ôc les Slaves, qui, fous le nom de Chrobates, tiré des Monts Carpates d'où ils étoient fortis, vinrent s'établir dans la Croatie ôc la Servie. L'origine des Baftarnes eft aftez incertaine; les uns les croyent defeendus des premiers Peuples Germains ou Tudefqucs qui ont envahi l'Occident, d'autres croyent qu'ils viennent des V°.ndi ou Finni , Peuples Sclavons venus du Nord de la Sarmatie, ôc qu'il ne faut pas confondre avec les Vandales, Peuples Germains, comme on Ta vu dans ma Diftertation fur l'origine de la Langue Sclavonne. La plupart des Savans regardent cependant les Baftarnes comme une Co-tanie que les Gaulois laifferent au-delà des fyfonts Carpates, Jorfqu'ils lorfqu'ils panèrent fous la conduite de Brennus d'Orient en Occident. C'eft-là l'idée que Ton doit fe former de la Géographie de ces Pays pour pouvoir fuivre avec quelque fruit le fil de l'Hiftoire des différentes Nations Barbares qui les ont fuccemvement envahis. CHAPITRE IL Des Langues qui régnent dans les Pays qui bordent le Danube. Îj'Intelligence du fyftême général des Langues que l'on parle dans les Contrées voifines du Danube, peut également contribuer à éclaircir l'Hiftoire des migrations des Barbares dans ces difFérens Pays. Il faut concevoir une étendue de terre prefque ronde ; placer dans le centre la Haute Hongrie 6c la Tranfilvanie, oïl règne la Langue Hongroife, c'eft - à - dire, celle des Hongrois defeendus des Barbares du Turqueftan, 6c que l'on ne doit pas confondre avec les Huns , comme on le verra dans la fuite. Il faut imaginer autour de ce centre deux cercles ; le premier formé par le Danube, le Pruth, 6c les Monts Carpates, renferme la Moldavie ôc la Walaquie. Dans ces deux Provinces qui embraffent la Tranfilvanie, on parle la Langue Waiaquc, qui eft évidemment un idiome Latin corrompu par le mélange de toutes les Langues des Barbares qui ont fuccef-fivement infefté cette Contrée. On y trouve en effet une in- B fini té de mors Grecs, Turcs, Sclavons, 6c Hongrois, dont la Confufïoii mafque tant foit peu la Langue Latine, qui y fut originairement portée par les Légions que les Romains entre-tenoient dans les Provinces, ôc par les Colonies que Trajan y avoit amenées : elle s'y eft perpétuée depuis ce temps - là. Le fécond cercle embralTe le premier, 6c eft formé par des Peuples tous Sclavons, qui parlent la Langue Slave, appellée aiTcz mal-à- propos Illyrique. Ces Peuples font, au Midi les Sclavons proprement dits , les Croates , les Serviens , les Albanois , les Bofnaks, ifTus des Patzinacites, 6e les Bulgares ; 6c au Nord , les Runes Polonois ôc les Rufles Mofcovites. Les Bulgares à la vérité ne font peut-être pas Sclavons d'origine : ce font des Barbares Orientaux venus de la grande Bulgarie au-delà du Wolga ; mais ils ont emprunté cette Langue par leur Commerce avec les Sclavons Septentrionaux 6c Méridionaux. L'Hiftoire nous a confervé la mémoire du Commerce Maritime que les Sclavons du Septentrion venoient faire par le Boryfthene dans la Bulgarie; ils y ont porté leur Langue, qui a été depuis en vigueur dans tout ce fécond cercle, parce que les Sclavons Septentrionaux ôc Méridionaux en occupent les deux extrémités , 6c que les Bulgares qui font au milieu , l'ont infenfible-ment adoptée par une fuite néceflaire de leurs liaifons avec les uns 6c les autres. J'ai cru devoir mettre à la tête de cet ouvrage une petite DifTertation que je compofai en 1752 , dans laquelle je tâchai de prouver que la Langue Sclavonne a été portée du Septentrion au Midi parles Vcndi ou Vinni 3 Peuples Slaves venus du Nord de la Sarmatie ; qu'elle a d'à* bord été propre aux Rudes ; qu'elle a defeendu de-là dans la Pologne ôc dans le Pays des Baftarnes ; ôc qu'elle s'eft enfin répandue vers le Midi par la migration des Chrobates qui ont HI.S TORIQUES* ôc. u donné origine aux Croates, aux Rafciens 6c aux Servîens, 6c ont communiqué cette Langue aux Dalmates 6c à tous les Peuples de l'Illyrie : c'eft-là quelle a pris le nom d'Illyrique qui ne lui appartenoit point. Le Czar Pierre le Grand avoit daigné s'occuper de cet objet. J'ai oui dire qu'il s'étoit donné de grands mouvemens pour chercher des manuferits Sclavons qui puffent éclaircir fi la Langue Sclavonne étoit venue du Septentrion au Midi, ou fi elle avoit été portée du Midi au Septentrion. Ce fut un de ces Problêmes qu'il donna à réfoudre aux Savans qu'il avoit attirés dans fes Etats. Il m'a paru qu'on pouvoit avec une forte de certitude établir le premier fyftême, 6c il me femble que l'Hiftoire 6c la Géographie concourent également à ôter tous les doutes qui pourroient refter fur ce point. Le cours de la Langue Sclavonne a été interrompu dans le fécond cercle dont je viens de parler, par les incurfions des Hongrois connus dans les huitième, neuvième ôc dixième fie-cles, fous le nom de Turcs. Ces incurfions ont été poftérieures à celles des Nations Germaines ou Tudefques, ôe des Peuples Slaves ou Sclavons. Les Hongrois Scythes d'origine fortirent du Turqueftan ôc vinrent s'établir dans l'ancien Pays des Getes entre le Pont-Euxin ÔC le Pruth. Cette Contrée étoit alors appellée la Beffarabie, ôc aujourd'hui le Boudjcak. Ils en furent chaffés par les Patzinacites , Peuples Slaves, ôc fe raba-tirent d'abord fur la Moldavie ôc la Walaquie. Ils fc fixèrent enfuite dans la Tranfilvanie ôc la Haute Hongrie , où ils ont laifte cette Langue Hongroife, que j'ai placée au centre. Il faut obferver qu'il y a outre cela en Hongrie ôc en Tranfilvanie f d'autres Langues, qui font la Sclavonne Ôc l'Allemande. La première a cours dans quelques lieux voifins des Monts Car- B ij OBSERVATIONS pâtes, ou elle a été introduite par le Commerce des Hongrois avec les Sclavons Septentrionaux. La féconde a été portée en Hongrie par des révolutions que j'expliquerai dans la fuite ; mais la Hongroife, qui eft la Langue dominante, eft celle des Barbares Orientaux venus du Turqueftan. En 1755 feu mon Pere, en m'adrefïant à Bakcheferai, où je me trouvois alors quelques matériaux que je lui avois demandés pour travailler à cet Ouvrage, m'écrivit que la Langue des Jazyges Métanaftes fubfiftoit encore en Hongrie, ôc y formoit une quatrième Langue , connue fous le nom de Jazy-gique. Dans un voyage que j'ai fait depuis en Moldavie, en Walaquie ôc fur les confins de la Tranfilvanie, je me fuis donné beaucoup de mouvemens pour m'affurer de ce fait ; j'ai fait les plus exactes perquisitions 3 mais des perfonnes très - inftruites m'ont foutenu qu'il n'y avoit aujourd'hui en Hongrie que les trois Langues dont je viens de parler, ôc qu'on n'y connoiftbit abfolument point de quatrième Langue, à laquelle on pût avec quelque fondement donner le nom de Jazygique. Mes recherches à ce fujet m'ont donné lieu de former une conjecture que je hazarderai de mettre au jour. La Langue Circaffienne s Langue très-ancienne, qui eft encore en vigueur dans toute la Circaflïe ôc le Cabarta , depuis la mer d'Azoph jufqu'à la mer Cafpienne, ne refîemble à aucune autre Langue du monde, fi ce n'eft à la Hongroife, avec laquelle elle a une certaine affinité. Il pourroit fe faire qu'elle eût été autrefois commune aux Jazyges qui habitoient la Côte Septentrionale du Palus Mceotides, ôc que les Jazyges Métanaftes , les premiers Scythes qui ont envahi la Pannonie, l'y euftent portée ; il peut fe faire auffi qu'elle n'y ait été introduite que par les Turcs Hongrois venus après eux, qui étoient mê- lés avec les Chazares ôc plufieurs autres Peuples de Circaflïe. En effet le fond ou le fquelette ( fi j'ofe me fervir de ce terme ) de la Langue Hongroife d'aujourd'hui n'a pas le moindre rapport avec aucun autre Langage connu, fi ce n'eft avec le Cir-caffien. On y trouve à la vérité des racines Tartarcs qui peuvent être les débris de la Langue des Barbares du Turqueftan, confondue avec la Circaflienne 3 ou des reftes de la Langue primordiale des Turcs Hongrois , qui tiroient leur origine de la Grande Tartarie, ôc dévoient nécefïàirement avoir parlé Tartare avant d'avoir adopté la Langue des Chazares fur les bords du Tanaïs. Ce font ici des faits dont je ne puis apporter aucunes preuves authentiques, mais feulement des probabilités qui feront plus amplement détaillées dans le cours de cet Ouvrage. CHAPITRE IIL Première Incurfion des Scythes fur les rives Occidentales du Pont-Euxin. dans les temps les plus reculés. IjEs Argonautes étant venus dans le Royaume de Colchos-, aujourd'hui la Géorgie Turque, pour y chercher la Toifon d'Or, donnèrent lieu à la première Tranfmigration des Scythes fur les rives Occidentales du Pont - Euxin. Médée devenue amoureufe de Jafon, Chef de cette Expédition célèbre le mit en polTeiïion de la.Toifon ôc s'enfuit avec lui. Aethès, Roi de Colchos fon pere , la pourfuivit pendant long - temps , Ôc Médée pour l'arrêter > mit en pièces fon frère Abfirte, ôc clif- i4 O B. S E R FA T I O N S pcrfa fes membres fur la route. Ovide a décrit très-élégamment cette tragique Avanture dans fes Triftes ; il prétend même que le nom de Tamis Tc+liç, Ville fi célèbre par l'exil de ce Poète, ôc qui a écé long-temps Métropole de la Scythie Pontique , tire fon étimologie du mot Giec Tôjuoç, qUi {igni-fie l'action de couper. Inde Tomis dictus locus hic , quia ferrur in illo Membra foror fratris confecuiiïe fui. (Ovid, Lib. J. T. E. g. ) Quelques Auteurs aiTurcnt qu'Abfirte, appelléc GE^ialc par Diodore de Sicile, ne fut point mis à mort par Médée fa feeur, mais qu'il pourfuivit fa route le long du Danube, ÔC s'arrêta dans les Mes de riliyrium, qu'on appelioit d'abord PhrygeideSj enfuite Ahfirtidcs 3 Ôc qui font aujourd'hui les Mes de Chcrfo 3 â'OIero, de Veglia ÔC de Pago. Pline n'adopte pas cependant cette opinion, fie parle dans fon troifieme Livre, du Fleuve Abjïrtes de la Colchidc, qui fut formé par le fang du malheureux Abfirte maffacré par Médée fa Sœur. Rudfbekius s'eit rendu célèbre par le favant Roman qu'il a donné au Public , pour établir fon paradoxe de l'Ifle Atlantique. Il la confond avec la Suéde fa Patrie, ôc y tranfporte la plupart des évenemens des fiecles fabuleux ; il prétend fur-tout que les Argonautes, après leur expédition en Colchide > étoient montés vers le Nord, ôc fuivant le cours de quelques-uns des Fleuves qui fc jettent dans la Mer Glaciale, avoient pénétré dans l'Océan par le Détroit de Weigatz, ôc s'étoient repatriés en rentrant dans la Méditerranée par celui de Gibraltar. Quoiqu'il en foit de ce fyftême, fi l'on en croit le témoignage de Juftin, les Argonautes, après l'enlèvement de la Toi fon &r de Médée , furent pourfuivis par les Scythes de la Colchide jufques fur les bords Occidentaux du Pont-Euxin , où quelques-uns s'établirent. Ils peuvent être regardés comme les premiers Colons de la Scythie Pontique, ôc du Pays des Getes ôc des Daces, connus dans les premiers temps fous le nom d'Iftriens ou habitans des bords du Danube. Le même Auteur ajoute que ceux des Scythes de la Colchide qui s'obftinerent à la pourfuite des Argonautes remontèrent le Danube Ôc la Save, ôc portant enfin leurs Bateaux fur leurs épaules, traverferent les terres jufqu'à Aquilée; où n'ayant point trouvé les Argonautes, ôc honteux de retourner dans leur Pays fans avoir exécuté leur commiffion, ils s arrêtèrent dans cette Contrée, qui depuis lors a été appcllée Iflric 3 du nom de ces nouveaux Peuples venus des rivages de i5Ifler ou du Danube ; ils y fondèrent une République Refpublïca Poknjis , ou la République des Exilés , le mot Pola ayant dans la Langue Scythe cette fignification. Spon , qui dans fon fécond Livre rapporte ce fait, d'après le Poète Callimaque, parle d une Inscription qu'il remarqua dans cette Ville, dépendante de Ve~ nife , fur le piéd'eftal d'une Statue de l'Empereur Sévère ; elle y eft appcllée Refpublïca Polenfis. Elle fut auffi, fuivant le rapport de Pline, Colonie Romaine fous le nom de Pïctas Julia ; cette Ville a donné le nom au Golfe de Pola Sinus PolaticuS) ôc au Promontoire appelle Promontorium Polaticum, i6 0 B S E R VAT I0NS CHAPITRE IV. Des Barbares Orientaux fous les Perfes & les Macédoniens, S O u s le règne de Cyaxare , Roi de Perfe, fix cens trente-cinq ans avant Jefus-Chrift, des Scythes forcis des environs du Palus Mceocide, après avoir chaffé les Cimmériens, s'avancèrent dans la Médie ; y battirent l'armée de ce Prince ; fe répandirent de-là dans l'Afic ôc jufqu'en Egypte , ôc laiflerent une Colonie dans la Ville de Bcthfan de la Tribu de Manaffé ; elle fut appcllée de leur nom Scythopolis : Jofcphe la nomme Antiqua Scythopolis. C'eft dans cette Ville que les Philiftins fufpendirent le corps de Saul, comme on le voit dans le Chapitre treizième du premier Livre des Rois. Environ cinq cens vingt ans avant Jefus - Chrift, Darius , premier Roi de Perfe, ayant formé le deffein de châtier les Scythes de l'incurfion que leurs Pères avoient faite dans la Médie, voulut porter la guerre dans leur Pays ; il grolîit fort Armée des fecours des Ioniens 6c de plufieurs autres Nations Grecques qui habitoient les Côtes de l'Afie Mineure ; il palîà fur un Pont de bateaux le Bofphore de Thrace, ôc s'avança fur les bords du Danube, qu'il traverfa de la même manière. Les Scythes évitèrent d'engager une a&ion ; Ôc fuivant la méthode pratiquée encore par les Tartarcs d'aujourd'hui, ils fe contenterait de reculer à mefure que les Perfes avançoient, ôc de les attirer ainft le plus avant qu'il leur fut pofîiblc, ayant foin de boucher les puits 6c les fontaines dans tous les endroits oh où leurs ennemis dévoient palTcr : de forte que l'Armée de Darius courut rifque d'être entièrement anéantie , ôc de périr mi-férablement dans ces Défcrts. Ce Prince fe vit forcé de renoncer à cette entreprife, & s'eftima heureux de pouvoir pafTèr le Danube, ôc ramener fes Troupes en Aile. Après la retraite des Perfes, les Scythes pafïercnt eux-mêmes ce Fleuve, ô£ ravagèrent la Thrace. Cette incurfion des Perfes ôc des Grecs dans la Scythie , peut avoir donné origine à quelques Colonies que ces derniers fondèrent fur les rives occidentales du Pont-Euxin. Ovide dans fes Trilles témoigne fon étonnement d'avoir trouvé des Villes Grecques dans un Pays habité par des Barbares. Philippe de Macédoine, pere d'Alexandre , trois cens cinquante ans avant Jefus-Chrift, porta la guerre dans la Scythie Pontique , pour ramaffer par le pillage de quoi faire fubfifter fes Troupes occupées au Siège de Byfcance. Il fuppofa d'avoir pendant ce Siège fait un vœu d'élever une Statue à Hercule , ôc de la placer à l'entrée du Danube. Le refus que fit Mathacus, Roi des Scythes, lui fervit de prétexte pour fe venger de ce Prince, qui n'avoit pas voulu contribuer aux frais du Siège. Philippe retira en effet toutes les Troupes qu'il avoit devant cette Ville, emporta la guerre en Scythie, d'où il amena vingt mille femmes , autant d'enfans, ôc quantité de beftiaux ; mais à fon retour les Triballes lui coupèrent le chemin ; il fut même blelTé dans le combat, ôc toute cette capture fut perdue. Le premier foin d'Alexandre après la mort de Philippe, fut de fubjuguer les Nations voifines du Danube aufquellcs fon pere avoit fait la guerre, ôc qui penfoient à profiter de la jeu-nefle du fils pour fecouer le joug. Ce Prince vainquit les Tri-balles ; paffa le Danube ; mit en fuite les Getes, Ôc les fît C repentir d'avoir fièrement répondu à fes Ambafladeurs qu'ils ne craignoient dans ce monde que la chiite du Ciel. CHAPITRE V. Première Invafion des Barbares Occidentaux. XjA première invafion des Peuples Occidentaux dont l'Hiftoire ait confervé le fouvenir, eft celle des Gaulois, qui, après avoir faccagé 6c brûlé Rome, furent chaffés par Camille ; vinrent d'Occident en Orient fous la conduite de Brennus trois cens foixante-dix ans avant Jefus-Chrift, 6c laifîèrent, à ce qu'on allure, aux environs des Monts Carpates une Colonie , qui donna origine au Baftarnes, Peuples qui occupoient la Silène 6c la Pologne Méridionale. Ceux de ces Gaulois qui continuèrent leur route, après avoir ravagé la Macédoine 6c la Grèce, palTerent dans l'Afie Mineure , oii ils occupèrent le Pays connu fous le nom de Galatit ou Gallo-Grèce, 6c furent eux-mêmes appelles Galates. Cette Province , qui étoit divifée en Galatïe propre , Paphlagonie 6c Ifaurie, confinoit au Nord avec le Pont-Euxin, à l'Orient avec la Cappadoce, à l'Occident avec la grande Phrygie, la Bythinic 6c le Pont, 6c au Midi avec la Phamphylie. Les Gaulois qui s'arrêtèrent, comme j'ai déjà dit, vers les Monts Carpates, prirent part dans la fuite aux affaires des SuccefTcurs d'Alexandre. Philippe , le pénultième de ces Rois, avoit conçu le deflein d'attirer les Baftarnes dans la Thrace , pour l'aider à détruire les Dardaniens qui rava- geoient fou vent la Macédoine ; 8c il efpéroit, après lesavoir établis dans ce Pays, de les engager à y laiiTer leurs femmes & leurs enfans , ôc à palTer avec lui en Italie pour envahir 2c piller les terres des Romains. Les Baftarnes s'étoient déjà mis en chemin quand ce Prince mourut : ils continuèrent cependant leur route malgré cet événement, 6c firent là guerre aux Dardaniens ; mais Pcrféc, Succcffèur de Philippe, ayant défavoué auprès des Romains l'entreprife de ces Barbares , ceux-ci furent obligés de retourner dans leurs Pays. Ils voulurent rraverfer le Danube fur la glace , qui n'étoit pas encore aiïez ferme , elle rompit en effet, Se le plus grand nombre fut englouti. On peut obferver ici que les incurfions des Peuples Barbares , fi fréquentes dans la fuite, doivent être regardées , moins comme un effet du hazard ou du caractère inquiet de ces Peuples, que de la politique des divers Princes , qui atti-roient ces Barbares dans leur parti, pour s'en fervir à faire des diverfions néceffaires à leurs intérêts. Pcrfée lui-même ayant rompu avec les Romains, appella les Baftarnes à fon fecours ; mais il eut lieu de fe repentir de les avoi r dégoûtés par une avarice mal entendue : car ils reprirent le chemin du Danube, ÔC en fe retirant chez eux, ravagèrent toutes les Provinces voifincs de ce fleuve. Ces Baftarnes doivent être regardés comme les Authcurs des Ruftes ôc des Sclavons, qui ont enfuite porté leur Langue au Midi du Danube par des tranfmigrations dont je parlerai dans les Chapitres fuivans. CHAPITRE VI. Des Barbares Occidentaux depuis la dejlruclion de l'Empire de Macédoine jufqua Dioclétien. L A Mcefie ayant été réduite en Province Romaine après la deitruction de l'Empire de Macédoine , l'attention des premiers Empereurs Romains fut de contenir dans l'obéi fiance les Peuples qu'ils avoient fournis au Midi du Danube , &C d'étendre leurs conquêtes au-delà de ce Fleuve. Ovide envoyé en exil à Tomi, Métropole de la Scythie Pontique nous décrit dans les Trilles & dans fes Epitres écrites du Pont-Euxin, la fituation de ces Peuples, qui ne tenoient plus que bien foiblement à l'Empire Romain , & avoient bien de la peine à demeurer tranquilles. Il les repréfente couverts de peaux de bêtes, 6e les caractérife par les culotes à la Perfane qu'ils portoient. Il fc plaint d'être parmi des Nations Barbares dont il n'entend point le langage, & qui n'entendent point le fien. H convient qu'il y a encore quelques reftes de Colonies Grecques; mais il ajoute que les Getes, qu'il confond avec les Scythes, font le Peuple dominant, dont les Grecs mêmes, tranfplantés dans ces Contrées, ont adopté la Langue & les Meeurs. Il dépeint Tomi comme une Ville fortifiée de murailles, dans l'enceinte defquellcs il étoit obligé de fe tenir renfermé pour éviter les infultes des Barbares, qui profitoient de la glace du Danube pour faire du ravage en-deçà de ce Fleuve. H y avoit fous le règne de Tibère plufieurs Légions Romaines deftinées à contenir ces Peuples dans le devoir. On en compte deux dans la Pannonie, qui eft la Hongrie Ôc l'Autriche ; deux dans les deux Moelles , qui font la Servie ÔC la Bulgarie ; ôc deux dans l'Illyrie appcllée aujourd'hui la Scla-vonie. Domiticn fit la guerre aux Cattcs , aux Sarmates ôc aux Daces, ôc triompha de ces Peuples. Decebale, Roi des Daces, s'étant révolté fous le règne de l'Empereur Trajan , ce Prince , l'an 106 de Jefus-Chrift, porta la guerre en Dacie , défit deux fois ces Peuples, ôc forma de leur Pays une Province Romaine, qui fut long - temps appcllée Provincia Trajani On voit encore à deux heures de chemin de la Ville de Galats dans la Moldavie des lignes de circon-vallation du Camp de Trajan ; ôc leur circuit s'appelle encore la Trajane. J'y paffai en 1758 ; les Payfans du Pays qui m'en parlèrent les premiers, nommoient improprement cet endroit la Troïana ; mais des perfonnes de marque à Galats m'affu-rerent effectivement que c'étoit le lieu où Trajan avoit fait fon premier campement, lorfqu'il pafla le Danube, pour châtier les Daces. Cet Empereur établit dans cette Province plufieurs Colonies, dont la principale fut Vlpia Trajana , appellée autrefois Zarmifegethufa , comme on le voit dans une Infcription relative à Antonin, ÔC rapportée par Gruterus P. 157, Infer. ï. IMP. CAES. ANTONINO PIO AU G. COLONIA SARMI ôc dans une autre de l'Empereur Nerva ; FELICIBUS AUSPITIIS CAESARIS DIVI NERVAE TRIANI AGVSTI CONDITA COLONIA DACIA SARMIZ, PER M. SCAURIANUM EJUS PROPR. une troificme Infcription du même Recueil lui donne auiîî le nom de Dacica. COLON. ULPIA TRAJAN AUG. DACICA. SARMIZ G ETH USA On croit que c eft aujourd'hui la Ville de G radis ka dans la ¥a~ laquic. Trajan, pour faciliter la communication de cette Province avec la Mcefie, fit construire fur le Danube un Pont, que fon Succcfïèur Adrien fit abattre, prétendant qu'il ne fervoit qu'à faciliter les incurfions des Barbares. Les Légions Romaines entretenues dans ces Pays, 6e les Colonies que Trajan y avoit fondées, ont probablement introduit aux environs du Danube la Langue Latine, dont la Valaquc Ôc la Moldave font des idiomes, comme je l'ai déjà remarqué. L'Auteur de l'Hiftoire de Moldavie prétend que ces deux derniers Peuples fc font formés des débris de ces Légions, ôc de ces Colonies Romaines ; il obfervc que le mot Walaque fignifie Italien, foit que Ràcmoç foit le terme corrompu llaXmoç, ou que ce nom tire fon étimo-logie d'un Flaccus que l'on fuppofe avoir été Commandant des Légions Romaines établies dans cette Province, ôc qui y l'ont demeurées. Je traiterai ce point avec plus d'étendue dans le Chapitre où je parlerai des Walaques. Sous l'Empereur Mare Aurele les Vandales ôc les Marco- maris, Peuples de la Germanie, qui demeuroient entre le Rhin, le Danube Ôc le Nckcr, fe joignirent aux Quades, qui habitoient entre la Bohême , le Danube ÔC la rivière de Mark; s'avancèrent dans la Pannonie ; palTerent le Danube, ôc ravagèrent les terres de l'Empire. Marc Aurelc les repouffa vivement, ôc en les pourfuivant s'avança jufqu'cn Bohême. Ce fut dans cette Expédition, l'an 174, que l'armée de ce Prince étant fur le point de périr de foif, fut fauvée, à ce que l'on dit, par les eaux du Ciel, que les prières des Soldats Chrétiens de la Légion Mélitinc firent miraculeufcment defeendre fur la Terre. Cet Empereur foutint une féconde guerre contre ces Peuples, ôc mourut à Sirmium ou Sirmich dans la Pannonie. Cette incurfion des Quadcs ôc des Marcomans dans la Pannonie, ne fut que pafTagere, puifqu'ils fe virent d'abord forcés de rétrograder ôc de retourner dans leur Pays. Pertinax depuis Empereur, que Marc Aureîe employa dans cette guerre, étoit alors Gouverneur des deux Mœfies oc de la Dacie. Commode ôc Maximin furent également obligés de porter la guerre en Hongrie, pour remettre fous le joug les Peuples qui s'étoient révoltés. Le defTcin de Maximin étoit de fou-mettre toute la Sarmatie, Ôc de porter les armes Romaines jufqu'à la Mer Glaciale. Sur le point d'exécuter ce vafte projet , il fut mafTacré avec fon fils par fes Soldats , autorifés par un Décret du Sénat, qui 1 avoit déclaré ennemi de la Patrie à caufe de fes cruautés. Ce Prince étoit Barbare, né en Thracc, d'un pere Goth 6c d'une mere de la Nation des Alains. Ces premières incurfions des Peuples Germains qui, fous les noms de Quades 6c de Marcomans, vinrent dans la Pannonie 6c les autres Provinces voiiincs du Danube, y ont peut-être porté la Langue Theutone ou Tudefque qui y fubfifte en- core en quelques endroits. Ces Peuples Occidentaux firent dans la fuite d'autres courfes. Les Marcomans furent enfin vaincus par Diocléticn l'an 199 $ ôc les Quades fe mêlèrent aux Peuples Barbares qui inondèrent l'Empire Romain dans le quatrième fiecle, ôc les ficelés fuivans. ■CHAPITRE VIL Premières Incurfions des Barbares Septentrionaux. S O u s le regne de Marc Àurcle on commença de eonnoître Ôc de mettre au nombre des ennemis eie l'Empire Romain , les Barbares Septentrionaux fous les noms Vandales ôc de Sarmates. Les Vandales habitoient le long de la Mer Baltique, entre la Viftule, l'Elbe ôc la Chafulc, aujourd'hui la Drave. Ils avoient au Midi les Iftœvons ôc les Hermions , Ôc au Septentrion les Ingevons. Ils étoient divifés en difFérens Peuples, les Angles3 les Karins 3 les Carions 3 les Tkuringiens 3 les Eudo-les j les Sindinices , les Suardonicns 3 les Nuithons, les Waidons 3 les Rugiens 3 les Hernies 3 les Limoriens A les Carïns 3 les Guttons ou Gottons, les Longobards ôc les Bourguignons. Ils occupoient la partie de la Pologne qui eft au Couchant de la Viftule, l'Elc&orat de Brandebourg, la Poméranie ôc le Duché de Meklembourg. Quelques-uns de ces Peuples fitués à l'Occident vers l'embouchure de l'Elbe 3 font ceux qui ont été connus depuis fous le nom Vandales, ôc qui, après avoir ravagé les Gaules, vinrent Tan 410 battre les Romains dans l'Efpagne l'Efpagnc Baltique; ils y avoient été précédés par les Celtes, Peuples Germains comme eux; qui, s'étant mêlés avec les Ibériens, donnèrent le nom de Celtibéric aux Provinces les plus voifmes des Gaules, ôc les Vandales biffèrent le leur à celle de Vandalitie, qui a été depuis appcllée par corruption Andaloufie. Environ trente ans après que les Vandales fe furent établis en Efpagne, ils en furent chattes par les Suéves, ôc enfuite par les Goths, ôc allèrent en Afrique fonder un Royaume , que Belifairc, Général de l'Empereur Juftinien, détruifit l'an 533 par la défaite ôc la prife du Roi Gelimer. Ces Vandales Occidentaux font entièrement étrangers à mon fujet; ceux qui, fous Marc Aurele, panèrent avec les Quades de les Marcomans dans la Pannonie, dévoient être les Vandales fitués à l'Orient le long de la Viftule, Ôc à portée de fc joindre avec les Peuples qui confinoient avec eux au Midi. Les mouvemens des Vandales avoient une fource plus éloignée ; ils ne fc jettoient fur les Peuples Méridionaux, que parce qu'ils étoient prciîes eux - mêmes par les Goths, qui étoient plus au Septentrion, ôc avoient déjà remué dans le Nord longtemps avant que les Vandales parurent fur les Terres des Romains. • Les Goths, que Tacite ôc Juflin appellent Getones, Ôc qu'on trouve fous le nom de Guttones dans Pline, habiroient originairement une partie de ces Terres qui font entre l'Océan Septentrional ôc la Mer Baltique. Ils quittèrent cette première demeure, ôc defeendirent jufques fur les bords de la Viftule, plus de trois cens ans avant Jefus-Qirift; alors ils fc trouvèrent mêlés avec les Vandales, ôc l'on conjecture qu'ils occupoient le Palatinat de Mazovic ôc les deux Ruffes. Ayant enfuite étendu leur domination par les conquêtes qu'ils firent fur les D Hernies 3 les Cajjubiens 3 les Rugîcns 3 les Sidins 3 les Carinsê de quelques autres Vandales, ils ne firent plus avec toutes ces différentes Nations , qu'un feul Peuple fous le nom de Goths, nom qui comprenoit généralement tous les Vandales Orientaux ; celui de Vandales étant demeuré , comme je l'ai déjà dit, aux feul s Vandales Occidentaux, qui panèrent en Efpagne ôc en Afrique. Ainfi les Vandales , qui, fous Marc Aurele, joints avec les Quades de les Marcomans, faifoient la guerre aux Romains, ôc les Goths, qui, l'an 215, commencèrent fous Caracalla d'inonder les Terres de l'Empire, n'é-toient pas deux Nations différentes, mais un même Peuple, connu fous les noms difFérens de Vandales de de Goths , de divifé en un nombre infini de Tribus. La réfiftance que les Vandales trouvèrent de la part des Romains dans les tentatives qu'ils firent pour pouvoir s'établir dans la Pannonie de la Dacie, les engagea à chercher fortune vers l'Orient. Ceux qui réitèrent fur les bords de la Mer Rai-tique , de principalement dans les ïfles Ele&rides, vers les bouches de la Vfflule, furent appelles Gepides 3 que l'on dit fignifier Parejfeux, Les autres pafferent la Viftulc fous la conduite du Roi Filifner, s'étendirent dans l'Orient vers la Sarmatie , devinrent, en s'avançant, plus nombreux , par la jonction des Baftarnes, panèrent le Boryfihene , s'avancèrent vers le Palus Mœotidcs , de pouffèrent leurs courfes jufqu'au Tanaïs; mai*s ils y furent mal accueillis parles Habitans de cette Région, dont les principaux étoient les Aîains ôc les Huns, qui faifoient partie des Scythes ÔC des Sarmates Orientaux. Les Alains, Peuples Tartares, habitoient dans le triangle de la Sarmatie ^Vfiatique , formé par le Tanaïs, le Volga ôc le Mont Caucafe. Procope détermine plus précifément leur pofition depuis cette montagne jufqu'à ux Portes Cafpiennes, ôc indique par conféqucnt les Pays que nous appelions aujourd'hui la CifCaffie, le Cabafta ôc le Dagucftan. Ces Alainsdef-cendus des anciens Scythes, qui, dans les temps les plus reculés, avoient fait des courfes jufqu'en Egypte , ÔC qui firent une Expédition plus mémorable en Médie fous le règne de l'Empereur Vefpafien : ces Peuples aguerris réfifterent aux Goths, qui étoient venus, comme je l'ai déjà dit, jufqu'au Tanaïs, ôc les empêchèrent de pénétrer plus avant. On donnoit aufli le nom d'Alains à une infinité d'autres Peuples qui avoient été fubjugués par eux, comme les Videns, les Gelons, les Noires , les Agathyrfes .ôc plufieurs autres Nations qui habitoient depuis le Palus Mceotidcs jufques vers le Gange ôc les frontières de l'Inde. Ammicn-Marccllin donne une idée de leurs Mœurs ôc de leurs Coutumes, qui refTembloicnt beaucoup à celles des Tartarcs d'aujourd'hui. Les Huns que l'on place aux environs du Palus Mœotides, dévoient être fitués entre le Tanaïs ôc le Boryfthene dans le Pays auquel on donne aujourd'hui le nom d'Ukraine Mofco-vite ; mais ils ne furent connus fous le nom de Huns que vers la fin du quatrième fiecle fous le règne de Valens. Les Goths furent arrêtés par ces Peuples Scythes, ôc ne pouvant pas les foumettre, il y a lieu de croire qu'ils fe les affocierent dans la fuite; ôc qu'ayant pris le parti de rétrograder vers l'Occident, ôc de retourner du côté du Danube , ils menèrent avec eux plufieurs de ces Nations Scythes , ou qu'ils leur donnèrent en fe retirant, envie de les fuivre, pour aller comme eux tenter fortune fur les Terres des Romains. C'eft pour cette raifon que l'on confond fouvent depuis ce temps-là les Goths avec les Scythes ; foit que par leur mélange D ij ils fufTenc devenus un feul ôc même Peuple ; foit qu'étant demeurés féparés, on n'ait pas laifle de les confondre, parce que toutes les incurfions qu'ils ont faites depuis ce temps vers le Danube , avoient une même direction d'Orient en Occident. Cela explique ce que difent plufieurs Auteurs, que les Alains étoient Goths ; ôc c'eft par la même raifon que l'on voit ces deux Peuples (1 fouvent mêlés ôc confondus dans les guerres poitérieurcs. CHAPITRE VIII. Nouvelles Incurfions des Scythes Orientaux. Origine des Bulgares. lut E s courfes continuelles des Goths ôc des Scythes d'Orient en Occident, donnèrent beaucoup d'occupation aux Succeffeurs de Gordien ; ôc les guerres qu'ils eurent à foutenir contre eux font appellécs par la plupart des Hiftoriens, guerres contre les Scythes. Sous l'Empereur Decc ces Barbares avoient palfé le Danube ÔC ravagé la Thracc. Gallus, à qui ce Prince avoit confié la garde du Tanaïs y s'acquitta affez négligemment de fa com-miiîion > dans l'intention de donner de l'embarras à l'Empereur ; il finit même par le trahir d'intelligence avec ces Barbares, ôc l'engagea dans un marais auprès à'Abrut en Mœfie, où il périt avec fon fils. Gallus fit la paix avec les Scythes, moyennant un tribut annuel qu'il s'engagea de leur payer. Cette paix, faite à des conditions fi honteufes pour les Romains, fut bien-tôt rom- pue. Les Barbares palTerent de nouveau le Danube, ÔC commirent d'affreux défordres dans la Thrace, la Thefïàlie ôc la Macédoine. Emilien, Gouverneur de Mcefie , les battit finies frontières de la Sarmatie, 8c les repouffa jufques dans leurs anciennes demeures. Valérien avoit promis au Sénat de terminer la guerre des Scythes ; mais il crut devoir commencer par foumettre les Perfes leurs Alliés. Il fut trahi ôc retenu Prifonnier dans une Conférence qu'il eut au fujet de la Paix avec Sapor, Roi de Perfe ; ôc après dix ans du plus dur efclavage, d'où fon fils fe foucia très-peu de le tirer, Sapor le fit écorcher vif, fit teindre fa peau en rouge , ôc la dépofa dans un Temple, pour la montrer enfuite aux Ambaffadcurs Romains. Sous Gallien, fils de ce malheureux Prince, il y eut une double incurfion de Barbares. Les Goths mêlés aux Scythes, fondirent du côté du Nord fur la Dacie 6c la Mcefie au nombre de trois cens vingt mille hommes ; une autre multitude de Scythes vint féparément par Mer des côtes de l'Afie mineure aux embouchures du Danube. Ils s'embarquèrent fur le Pont-Euxin dans des Navires qui leur avoient été fournis par les Peuples du Bofphorc ; ils prirent Trebifonde, pafferent tous les Habitans au fil de l'épée, fe rendirent maîtres de Calcédoine, de Nicomédie 6c de Nicée ; mirent à feu 6c à fang tout le territoire de Byzancé, d'où ils emportèrent un immenfc butin; ils entrèrent de-là dans le Danube , 6c dévafterent toutes les Provinces Romaines voifines de ce Fleuve. On peut regarder cette dernière incurfion des Scythes par le Pont-Euxin comme l'époque de l'établiffemcnt des Bulgares dans la Scythie Pontique ; ils n'étoient pas encore connus fous ce nom, qu'ils ne prirent que long-temps après. On doit obferver que le nom de Bulgares ne tire point fon ethnologie du Fleuve Volga, comme quelques-uns l'ont prétendu; ce Fleuve, connu par les Anciens fous le nom de Rhas a été appelle dans le moyen âge Atcl ou Edcl, nom que les Tarta-res lui donnent encore aujourd'hui, &e par lequel Conftantin Porphyrogcnete le défigne dès le dixième fiecle ; c'eft plutôt le Fleuve lui-même qui a pris le nom de la Bulgarie ou Vol-garic, en prononçant comme les Grecs le B. en V. Ce Pays fe nomme aujourd'hui la Bulgarie noire ou grande Bulgarie. C'eft de cette partie de la Scythie au - delà du Volga, Se au Nord de la Mer Cafpienne, que font fortis les Scythes Orientaux, qui, fous le nom de Bulgares, font venus s'établir dans la Scythie Pontique; Se au lieu que les Scythes, Huns 8c" Alains, qui avoient fuivi les Goths dans leur Expédition, fe trouvèrent confondus avec eux, Se firent partie des Barbares Septentrionaux. Les Scythes Bulgares, qui, à leur exemple, vinrent fondre fur l'Empire Romain par une autre route, ceft-à-dire, par PAfie Mineure Se le Pont-Euxin, furent dif-tingués long-temps après leur arrivée , par le nom de Bulgares. Il me paroît qu'on doit attribuer l'origine de cette diftinc-tion aux difFérens chemins que prirent ces Barbares pour venir inonder les Terres de l'Empire. Les Bulgares peuvent être mis au rang des Scythes Tartarcs ; mais ils adoptèrent dans leur nouvelle habitation la Langue Slave, par leur voifmage Se leur commerce continuel avec les Peuples Sclavons, comme je l'ai déjà fait obferver au fécond Chapitre. Les Huns Se les Alains au contraire étoient des Scythes véritablement Sclavons ou Sarmates. J'ai tâché d'en apporter des preuves dans ma DifFertation fur l'origine de la Langue Sclavone que j'aimife à la tête de cet Ouvrage. La nécefïké où fe trouvèrent les Romains, de repouner les Barbares qui les inondoient de tous côtés, donna lieu aux ufurparions des trente Tyrans qui prirent le titre d'Empereur pendant que Gallien joui {Toit paisiblement des délices de Rome. Les incurfions maritimes des Scythes continuèrent fous l'Empereur Claude le Gotique ; ils avoient remonté le Danube fur deux mille barques. Ce Prince remporta fur eux une victoire mémorable dans laquelle il écrivit lui-même avoir tué ou pris trois cens mille hommes, Se s'être emparé de deux mille barques. Ses Lientenans chafferent les Barbares de la Thracc, de Theffalonique Se de Byzance, dont ils s'étoient rendus maîtres. Àurélien, qui avoit eu la plus grande part à cette victoire, fuccéda à Claude, mort de la pefte. Comme il étoit occupé à la guerre de Syrie contre Zénobie, il accorda la paix aux Scythes qui la lui demandèrent. Çe Prince, après des victoires que leur rapidité rend prefque incroyables , fut aflafîiné par fon Secrétaire , l'an 175 , dans un lieu nommé Cœnofurium entre Héraclée ôc Byzance. Tacite défit les Scythes dans une action ; Ôc Florien régna trop peu de temps pour avoir rien a démêler avec eux. CHAPITRE IX. Concevions de terres faites aux Barbares par les Empereurs. Le Chrifiianifme introduit che^ les Scythes. J'Ai déjà dit qu'il y avoit eu fous Gallien deux incurfions de Barbares, l'une du côté du Septentrion faite par les Goths mêlés avec les Huns ÔC les Alains , l'autre du côté de l'Orient par les Scythes venus du Pont-Euxin ôc de l'Afie Mineure. L'Empereur Aurélien accorda aux premiers des établiffemens au Midi du Danube dans la première Mcefie , où fe forma cette Province que l'on appella nouvelle Dacie. Probus à fon exemple, après les avoir battus, jugea à propos de fe les attacher en leur donnant des terres dans la Province qui porte aujourd'hui le nom de Bulgarie. Quelques - uns demeurèrent fidèles, mais la plupart trompèrent la politique de l'Empereur. Ce Prince permit aux Gaulois ôc aux Pannonicns de planter des vignes : il en fît planter lui - même fur le Mont Almus auprès de Sirmium, ôc fur le Mont Aureus dans la Mcefie fu-périeure. Nous lui fommes redevables des vins de Bourgogne Ôc de Hongrie. C'eft à ces concevions de terres aux Barbares qu'il faut rapporter l'époque du premier établiffement des Ser-viens ôc des Bulgares , dont les noms n'étoient pas encore connus lors de cet événement. Ces deux Nations qui venoient toutes les deux de la Scythie , font cependant bien diftinguées par les différentes routes qu'elles prirent, ÔC même par les dates des donations que les Empereurs leur firent de ces terres en-deçà du Danube. Ce Ces concevons continrent pendant quelque temps le plus grand nombre de ces Barbares dans le devoir ; on n'entendit prefque point parler d'eux fous les règnes de Carets, de Carin, de Numérien ; Dioclétien même n'eut à faire qu'aux Gaulois, aux Marcomans & aux Barbares Occidentaux ; 6c après fon Expédition d'Afie, étant retourné en Europe, il y trouva les Scythes , les Alains, les Sarmates , les Baftarnes , les Carpes , 6c tous les Barbares en paix. Si quelqu'un d'entr'eux remuoit, les mouvemens étoient de fi peu d'importance, que Dioclétien ayant fait afficher un- Edit contre le Chrifiianifme, un Chrétien de qualité eut la hardiefTc de le déchirer, fe moc-quant des victoires de l'Empereur contre les Goths 6c les Sarmates , dont il y étoit fait mention , 6c que ce Chrétien ne jugea pas fans doute dignes d'être citées. Je dois examiner ici l'idée que l'Empereur Conftantin Por-phyrogenete donne de la fituation de ces Pays du temps de Dioclétien. Il fuppofe que ce Prince avoit établi dans la Dalmatie 6c les autres Provinces qui font entre le Danube 6c la Mer Adriatique, plufieurs Colonies Romaines; il prétend que ces Romains, entièrement féparés des Barbares par le Danube , ignoroient même quels pouvoient être les Peuples qui habitoient au-delà de ce Fleuve ; il ajoute que la curiofité les engagea à le traverfer pour reconnoître les habitans de l'autre rive ; mais que ceux-ci les furprirent, les battirent, 6c vinrent eux-mêmes en-deçà du Fleuve ravager les Provinces Romaines. Ce narré ne me paroît pas jufte. Il eft vrai que Dioclétien, peu content du féjour de Rome, établit fa demeure à Nico-médie ; il eft vrai auffi qu'après fon abdication il pafta le refte de fes jours dans la Dalmatie fa Patrie ; cet Empereur peut avoir établi des Colonies dans cette Province ; mais ces Colo- nies n'étoient pas féparées des Barbares par le Danube; ceux-ci poffédoient déjà des terres en - deçà du Fleuve , ÔC Ton fc feroit cftimé fort heureux s'ils avoient voulu s'en contenter. Les tentatives qu'ils venoient faire de temps en temps en-deçà du Mont Hœmus , ôc même du Mont Rhodope dans la Thrace ôc la Macédoine , formoient le fnjet des guerres que l'on étoit obligé de foutenir contr'eux. Conftantin le Grand réprima les efrbrts de ces Barbares, mais il n'entreprit point de leur faire rcpalîer le Danube ; au contraire, lorfqu'il fit de la Scythie Pontiquc une Province féparée de la Mœfic, il les confirma dans la poiFeiîion des terres que fes Prédéccfleurs leur avoient données en-deçà de ce Fleuve. Les Goths de les autres Peuples voifins du Danube étoient déjà Chrétiens, de la Religion leur avoit donné des Mœurs plus douces. Ces Nations avoient commencé de fe convertir dans les incurfions qu'elles firent environ foixante ans auparavant fous l'Empereur Gallien ; les Evêques qu'ils tenoient captifs leur avoient infpiré l'amour de la Religion par leurs Vertus de leurs Miracles ; les avoient inltruits , de fondé chez eux des Eglîfes. Philoftorgc remarque que fous l'Empe--reur Conftancin une grande multitude de Getes ou de Goths furent chafFés de leur Pays à caufe de leur Religion, de que l'Empereur les plaça dans la Mcefie. Protogcnc aiîifta au Concile de Nicéc en qualité d'Evêquc de Sardique, de il paroît que fa Jurifdi&ion s'étendoit fur la Dacie , la Dardanie de les Pays voifins , Ôc par confisquent fur les Peuples Barbares à qui Aurélien avoit permis de s'établir en - deçà du Danube; mais l'Evêque de ThefTalonique fut chargé de faire publier les décifions du Concile, non-feulement dans la Grèce ôc la Macédoine , mais encore dans les deux Scythies ; Ôc l'on ne voit point qu'il foit fait mention de Tomi, qui a été depuis Métropole de la Scythie Pontique, ÔC qui devoit être encore alors une efpece de Diocèfe in Pardbus. Les Scythes, qui, fous l'Empereur Probus, vinrent s'établir dans la iccondc Mcefie, étoient encore des Hôtes trop nouveaux pour avoir embrafle la Religion Chrétienne. Le Concile de Nicéc ayant décidé que la Pâque devoit être célébrée le Dimanche , oc non - pas le quatorze de la Lune , Audius, Auteur du Schifme , fut relégué par Conftantin dans la Scythie ; il y demeura plufieurs années ; pafla fort avant chez les Goths où il inltruifit plufieurs perfonnes dans le Chriftianifme, ÔC établit des Vierges, des Afcetes ôc des Monaftercs très-réguliers. Ces Goths étoient ceux qui s'étoient établis en-deçà du Danube dans le Pays des anciens Getes ôc des Daces. Théophile leur Evêque, qui aiîifta au Concile de Nicée, n'en: point qualifié Evêque d'une Ville particulière , mais feulement Evêque des Goths. Cette Nation errante ne pouvoit pas indiquer un Siège à fon Evêque, n'ayant point elle-même d'habitation fixe; l'Evêque étoit celui de la Nation. En 360 ££ parut au Concile de Conftantinople un nommé Ululas fous le titre d'Evêque des Goths, qui alors étoient encore Catholiques. Les chofes demeurèrent à peu près dans le même état fou$ Conftantin, Conftans ôc Confiance, fils de Conftantin le Grand. L'an 355, fous le règne de Confiance, après la défaite Ôc la mort de Sylvain, les Quades ôc les Sarmates ravagèrent la Pannonie ôc la Mcefie fupéricurc. Le 6 de Novembre de la même année, Julien ayant été déclaré Céfar, fut envoyé dans les Gaules pour y calmer les troubles caufés par la révolte des Barbares Occidentaux. Après avoir vaincu ôc pris Gnodomaire, Roi des Allemans, Ôc terminé cette guerre avec beaucoup de fuccès, il paffa dans la Pannonie, ôc reçut à Nalffe en Dacie la nouvelle de la mort de Confiance qui revenoit de fon expédition contre les Perfes. Il prit alors la réfolution de venir à Conftantinople, ôc il y arriva le onze Décembre de l'année fuivante, il pafla de-là en Perfe, ou un coup de flèche termina fes jours. Sous le règne de ce Prince ôc celui de Jovierj fon Succefïèur, les Barbares ne firent aucun mouvement ; ils commencèrent de remuer fous Valentinien Ôc Valens, qui s'étoient partagé l'Empire. MMBMMMMM———mi n l......i m I n.......m Un i i n WlIlMWHHt—Ml. » i i 11 11,1 11 "■' — CHAPITRE X. Les Huns commencent de paroître fur la Scène, Xj E s Goths s'étoient déjà fi bien établis dans l'ancienne Da«-cie ôc dans le Pays des Getes, qu'ils y formoient deux Peuples ^ les Oftrogoths qui occupoient la région Orientale depuis le Pruth jufqu'au Pont-Euxin, ôc les Vifigoths qni habitoient la partie Occidentale jufqu'au Tibifc ; les premiers avoient pour Roi Eritigerne allié des Romains; les autres étoient gouvernés par Athanaric ennemi de l'Empire. Comme ce Prince étoit encore Payen ôc Perfécuteur des Chrétiens, il y eut fous fon règne plufieurs Martyrs. Les Goths fe trouvant encore trop reflerrés au-delà du Danube, tentèrent de pafTet le Fleuve; Valens, avant de marcher contr'eux, voulut être baptifé ; il le fut par un Arien dont il adopta les erreurs. Ce Prince, après trois ans de guerre, réduiftt les Barbares à demander la paix, ôc la leur accorda à eondition qu'ils ne paroîtroient plus en-deçà du Fleuve. Au retour de cette expédition il pafFa à Tomi Métropole de la Scythie Pontique ; l'Evêque des Scythes nommé Vetranion y étoit alors établi ; l'Empereur n'ayant pu attirer ce Prélat à rArianifme, l'exila, 6e le rappella peu de temps après, afin de ne pas irriter les Scythes, Peuples courageux, 6e néceflaires aux Romains pour la défenfe de ces frontières. Les Troupes que les Romains entretenoient dans cette Province étoient commandées par un Général qui avoit le titre de Duc de Scythie. Junius Sauranus étoit revêtu de cette dignité , lorfque les Gorhs firent fouffrir le Martyre à Saint Sabas ; il fit retirer du Danube le corps du Martyr qui y avoit été jette , 6e l'envoya dans la Cappadocc fa Patrie. Les Goths qui avoient perfécuté les Chrétiens ne tardèrent pas d'en être punis par les Huns , qui palTerent le Palus Mceotide, les attaquèrent 6e les défirent entièrement. Une partie de ces Goths appelles Tervinges envoyèrent demander à Valens la permiffion de venir cn-deçà du Danube s'établir dans la Thracc. Le chef de la députation étoit leur Evêque Ulfilas, qui, pour plaire à l'Empereur, embrafla l'Ananifirne, 6c inftruifit dans fes erreurs tout fon Peuple, qui dès-lors devint Arien. Ce fut cet Ulfilas qui donna aux Goths l'ufage des Lettres ; fes caractères étoient formés fur ceux des Grecs ; il traduifit en leur Langue l'Ecriture Sainte. Nous en avons encore les Evangiles imprimés; 6c l'on y voit quelle étoit alors la Langue des Peuples Germains. Valens accorda aux Goths la permifiion de former des établiflemens dans la Thra-ce ; mais les vexations des Officiers Romains leur donnèrent bien-tôt un prétexte de révolte, 6c ils ravagèrent cette Province. L'Empereur fe hâta de terminer la guerre de Perfe à laquelle il étoit alors occupé pour venir foumettre les Barbares. Leur Roi déclara qu'il fe contenteroit que l'on permît à fes Sujets de demeurer dans la Thrace avec leurs troupeaux ; mais Valens ne voulut pas écouter leurs propofitions , Ôc ne différa pas de leur livrer la bataille, pour ne pas partager l'honneur delà victoire avec fon neveu Gratien, devenu Empereur d'Occident depuis la mort de Valentinien. La bataille fut donnée auprès d'Andrinople le 9 d'Août 378 ; les Romains y furent battus, ôc il fc fauva à peine un tiers de leur armée. Valens bleffé s'étant réfugié dans une maifon de Payfan pour faire mettre un appareil fur fa playe, y fut confumé par les flammes. Les ravages des Goths après cette victoire, s'étendirent juf-qu'aux Alpes. On vient de voir que les Goths n'avoient paffé le Danube ôc violé la paix conclue avec Valens , que parce qu'ils fe voyoient chalTés par les Huns, des Pays au-delà de ce Fleuve. Les Huns n'avoient pas encore été connus fous ce nom. Les Alains avoient commencé de faire des courfes unis avec les Goths , qu'ils fuivirent dans le Nord, Ôc avec lefquels ils def-cendirent du Septentrion au Midi. Les Scythes que j'ai dit être Autheurs des Bulgares étoient fitués au-deffus des Alains ÔC voifins du Volga. Les Huns étoient encore plus Septentrionaux que ceux-ci, ôc dévoient habiter au-deffus de cette partie de la Sarmatie Européenne qui eft arrofée par le Tanaïs, ôc dans le coude que ce Fleuve forme au-dcflus de la Mer Cafpicnne. Il ne faut pas les confondre avec les Hongrois, qui, dans le neuvième fiecle , fortirent du Turqueftan, ôc vinrent dans la Dacie ôc la Pannonie fous le nom de Turcs. Claudien parle des Huns en ces termes : Eft genus extremos Scythiae vergenris in omis, Trans gelidum Tanaïm, quo non famofius ullum Arclos alic; turpes habitus obfcenaque vifu Corpora, mens duro nuraquam ceiTura labori *, Prœda cibus, vitanda ceres, frontemque fecari Ludus, & occifos pulchrum juvare parentes. Nec plus nubigenas duplex natura biformes Cognatis aptavit equis , acerrima nullo Ordine mobilitas , infperatique recurfus. Claud. In Ruf. v. J2j. Lïb. Ammien-Marcellin dit que les Huns , Peuples peu connus des Anciens , habitoient entre le Palus Mœotide ôc l'Océan Glacial ; il paroît défigner par - là les anciens Mofcovites : Hunnorum gens veterum monumenas leviter nota ultra Paludes Mœoticas 3 Glaciale m Oceanum accolens ; omnem modum feti-tatis excedit. Il les repréfente aufîi toujours à cheval : Çurabant Hunni omnia negotia equis infidentes, & vix Jlare firmiterfolo potcrant. Les portraits que le Poète ôc l'Hiftorien nous donnent de ces Peuples , refïcmblcnt infiniment à nos Tartarcs d'aujourd'hui, ÔC fur-tout aux Nogaïs , qui font extrêmement laids ôc mal - propres , agiles , infatigables , toujours à cheval, ne fçachant prefque pas faire ufage de leurs jambes , ÔC pof-fédant parfaitement l'art de fe rallier après avoir été défaits ôc mis en fuite dans le combat. Quoique l'on obfcrve entre ces deux Nations une parfaite reflèmblance de Mœurs , ôc qu'elles puiffent avoir eu une origine commune dans les temps les plus reculés, il faut les regarder cependant comme deux Peuples très-diftindts, puifque leurs Langues n'ont pas la moindre affinité. Les Huns étoient des Scythes Sclavons ou Sarmates , ôc les Nogaïs font des Scythes Tartares ÔC Circafliens. CHAPITRE XI. Edairciffemens fur les Scythes Nomades. Migration des Goths vers l'Occident. Expédition dAttila en Italie. A PuÈs la mort de Valens, Gratien fut feul Empereur, mais il s'affocia bien-tôt Théodofc, Duc de Mceiie. Jufques-là il n'y avoit eu qu'un Evêque pour les Goths 6e un autre pour les Scythes. Sous Théodofe, la Ville de Tomi fut déclarée Métropole de la Scythie, ôc l'Evêque de cette Nation y établit fon Siège. Il y avoit pourtant encore auprès du Danube des Scythes Payens ÔC errans , qu'on appelioit Nomades ; ils étoient venus des Pays qui font au-delà du Boryfthene. Pom-ponius Mêla les place auprès du Fleuve Hypacaris, 6c dit que le Fleuve Panticapes les féparoit de ceux qu'il défigne par lç nom de Georges. Hérodote rapporte auffi que l'étendue de terre qui eft entre le Boryfthene 6c le Panticapes étoit habitée par les Scythes Georges 3 c'eft - à - dire, Cultivateurs; 6c que depuis le Panticapes jufqu'au Gerrhus on trouvoit les Scythes Nomades ou Bergers, qui ne labouroient ni ne femoient, 6C ne fixoient leur demeure dans un endroit ^ qu'autant que les pâturages pouvoient fuffire à la nourriture de leurs troupeaux. Je ne crois pas que les Hiftoriens 6c les Géographes foient fondés à alîigner une place fixe à ces fortes de Scythes ; il eft évident que le nom de Nomades n'a pas été donné fpécialement à une feule Tribu , mais que c'eft un nom commun à tous les Scythes errans 6c Pafteurs, dont il y avoit une infinité de troupes répandues dans diverfes régions. Antiochus III, Roi de Syrie, ennuyé de la durée de h H I S TO R 1 Q U E. S, ~&c. la guerre contre les Rebelles qui s'étoient foulevés dans les Satrapies iupérieures , réfolut, après plufieurs combats , de rendre fon amitié à leur Chef Euthydcme ; il lui envoya Té-lée pour traiter de la paix ; Euthydcme pour engager l'Aruba il adcur du Roi à accepter les conditions qu'il propofoit, menaça Télée d'une nombreufc troupe de Scythes Nomades qui dévoient paroître incefTammcnt, Ôc dont la venue feroit également funefte aux deux partis ; parce que ces Scythes introduits dans le Pays, y porteroient leurs Mœurs féroces, ÔC cor-romproient la Nation, qui dégénereroit bien-tôt par le mélange ôc le commerce de ces Barbares. Ces raifons influèrent beaucoup fur la réfôlution que prit Antiochus d'accepter les conditions de paix. Il n'eft pas vraifemblable qu'Euthydeme eût été chercher les Scythes au - delà du Tanaïs ; il falloit qu'ils fulTcnt plus à fa portée, ôc qu'ils habitaftent dans l'Ifthme entre la Mer Cafpienne Ôc le Pont-Euxin, qui faifoit partie de la petite Scythie , ôc où il devoit y avoir des Scythes Nomades , que l'on trouvoit par-tout, ôc dont les courfes ôc les migrations continuelles répandent la confusion dans leur Hif-toire ÔC dans la Géographie des Pays qu'ils ont habité. Saint Chrifoftôme ayant appris que les Scythes Nomades defiroient d'être inftruits dans la Religion Chrétienne, leur envoya des Hommes Apoftoliques qui y travaillèrent avec beaucoup de fuccès. Il y avoit de ces Scythes à Conftantinople même. Saint Chryfoftôme leur deftina une Eglife particulière, &c leur donna des Prêtres , des Diacres Ôc des Lecteurs en leer Langue. Il alloit quelquefois lui-même leur parler , ôc les endoctriner par interprête. Ces Nomades étoient vraifemblable-ment venus avec les autres Scythes qui traverferent le Pont-Euxin fous le règne de Gallicn ; ÔC ceux que l'on voyok à F Conftantitople, s'y étoient fans doute établis lorfqu'ils ravagèrent Bizance, avant de traverfer le Danube. Tout cela fait voir qu'il ne faut chercher que chez les Scythes l'origine des Bulgares. Les Goths qui étoient au-delà du Danube n'avoient point encore d'Evêques fédentaircs. Saint Jean Chryfoftôme dans fa quarante - quatrième Lettre à Olimpiade, lui écrit en ces termes : » Olemus, le grand Evêque que j'ai ordonné il y a ™ quelque temps, Ôc envoyé en Gothie, eft mort après avoir » fait de grandes chofes, ôc le Roi des Goths prie qu'on lui 's envoyé un Evêque. « Les Goths devoient s'étendre alors jufqu'à l'endroit ou eft aujourd'hui OhLakow 3 ôc même vers la Crimée : car Saint Chrifoftôme ajoute, " faites-leur dif-« férer leur voyage ; aufTi - bien ne leur eft-il pas poiîïble d'aller « tenant vers le Bofphore. w L'Empereur Théodofe eut beaucoup de peine à réprimer les incurfions des Barbares. Ruffin, Tuteur de fon fils Arcade, engagea les Goths à faire des courfes dans la Thracc, par une trahifon contre laquelle Claudien a fi vivement déclamé dans le Poème qu'il a compofé à ce fujet. L'Eunuque Eutrope, fans avoir peut - être de meilleures intentions que Rufhri, découvrit la trahifon de ce dernier, traverfa fes deffeins, ÔC le fit maffacrer aux pieds même d'Arcade ; mais s'étant brouillé en-fuite avec l'Impératrice Eudoxie , il fut difgracié lui-même ôc décapité pour fatisfaire le Peuple irrité de Pinfolence de cet Eunuque. Vers l'an 400 , fous le règne d'Honorius, Empereur d'Occident, Stilicon joua à-peu-près le même rôle queRuffin venoit de jouer auprès d'Arcade , ôc eut la même deftinée. Les Goths depuis trente ans fe trouvoient dans une fitua-tion violente; les Huns les prefloient du côté du Nord; les H I S T O R I Q U E S, &c. 43 Romains refufoient de les recevoir au Midi ; ils prirent le parti de fe jetter vers l'Occident fous la conduite de leur Roi Alaric, de les Huns, fous celle de Radagufe, les fuivirent de près. Stilicon les battit les uns après les autres, & Tes victoires font le fujet des éloges que lui donne Claudien ; mais ce Poète qui étoit créature de Serene, femme de Stilicon, n'a pas parlé des foupçons qui furent formés fur la fidélité de ce Général. Cependant quand on vit reparoître les Barbares, on l'accufa de les avoir attirés lui-même pour fufeiter de mauvaifes affaires à Honorius, de placer fon propre fils Eucher fur le Trône. Ils furent décapités l'un de l'autre. Le détail des expéditions des Barbares dans l'Italie, les Gaules & PEfpagne, eft étranger à mon fujet, qui doit fe borner aux révolutions qui ont eu lieu fur les bords du Danube de du Pont-Euxin. La mort de l'Empereur Honorius donna un libre cours à l'ambition de Jean, le premier des Secrétaires de l'Empire ; il monta fur le Trône l'an 414. Aëtius, Comte de l'Empire, un des plus habiles Capitaines de fon fiecle, avoit embraffé fes intérêts, de venoit d'Italie à fon fecours avec une nombreufe armée de Huns fous la conduite d'Afpar ; mais Jean fut battu par le parti de Théodofe le Jeune, qui demeura paifible Pof-feffeur de l'Empire. Le règne de Théodofe le Jeune fut aflez tranquille par la bonne conduite de fa fœur Pulchérie. Vers la feizicme année du règne de ce Prince, qui revient à l'an 414, les Gépides , defquels fe formèrent enfuite les Lombards de les Avares , oc-cupoient de pofTédoient des habitations aux environs de Singidon de de Sirmium ; c'eft en effet le théâtre des premiers exploits des Avares dont on ait entendu parler. Ce n'eft point au refte ( comme le prétend Conftantin Porphyrogenete ) fous F ij le règne de Théodofe le Jeune , mais à la fui de celui de Juftin , qu'ils commencèrent d'être connus fous ce nom , 6e ils ne s'avancèrent vers les rives du Danube , que fous Juftin fon Succefïeur. L'Auteur de l'Hiftoire Mêlée a rapporté aulïï au règne de Théodofe le Jeune, l'expédition des Lombards en Italie, unis d'intérêts avec les Avares qui s'étoient joints à eux; mais Dodwel a prouvé incontcftablement dans fa fçavante Dif-fertation fur l'Excepteur de Strabon, que l'Ecrivain de l'Hiftoire Mêlée s'eft trompé, 6c que cette affaire ne s'eft pallee que vers la onzième année de Juftin. La fin du règne de Théodofe le Jeune fut cependant agitée par les troubles caufés dans la Thracc par les Huns fous la conduite d'Attila. Cette première levée de bouclier de ce Conquérant célèbre dans les Provinces en-deçà du Danube, ne fut que le prélude de l'incurfion qu'il fit en Italie fous le règne de Valentinîen II. l'an 45 1 , à la tête d'un nombre prodigieux de Barbares. Il fut battu par les Romains fous la conduite d'Aetius, par les Vifîgoths fous celle de Théodoric, 6c par les François commandés par leur Roi Mérovée, Ces trois Nations s'étoient réunies contre les Huns par le commun intérêt qu'elles avoient de s'oppof èr à leurs en-treprifes. C'eft cette marche d'Attila qui obligea divers Peuples de fe retirer dans les Ifles de la Mer Adriatique , 6c donna lieu à la fondation de Venife. Attila, après fa défaite, ramena le refte de fon armée dans la Pannonie, CHAHTRE XII. On commence a connoître les Bulgares, qui, jufques-la > avoient été compris fous le nom général des Scythes. Il faut fe former à préfent un nouveau tableau de la fîtua-tion des Peuples qui habitoient les Pays dont je traite. Ils étoient, en ce temps-là, divifés en trois Nations bien diftincles. En-deçà du Danube étoient les Scythes, que nous allons bientôt voir paroître fous le nom de Bulgares, fans qu'il y ait eu aucune nouvelle migration de ces Peuples dans le Pays qu'ils habitoient, c'eft-à-dire, dans la Scythie Pontique, dont Tomi étoit la Métropole. Au-delà du Danube on trouvoit les Goths, que l'on commençoit d'appeiler Oftrogoths ou Goths Orientaux , pour les diftinguer de ceux qui avoient palTé dans l'Occident ôc dans la Pannonie ; ôc le refte de ces Huns , qui , après le mauvais fuccès de leur expédition d'Italie, étoient retournés dans leur Pays. Il y a lieu de croire qu'ils y cherchèrent à réparer leurs pertes, en fe procurant des Alliés dans le Nord ; ôc ils s'aiïbcierent aux Hérules 6c aux Lombards, dont les premiers occupoient le Meklembourg, 6c les autres le Brandebourg. Ces Peuples imitèrent les Huns, 6c firent route vers l'Italie ; les Oftrogoths , à l'exemple des Goths, prirent le parti des Romains contre ces nouveaux Aventuriers. Ceci eft très-remarquable, ôc lie parfaitement les évenemens de l'Hiftoire de ces temps-là. Marcien, qui régna après Valentinien, ménagea les Oftrogoths , comme des Peuples dont les fervices, dans la dernière guerre contre Attila, méritoient de la reconnoiffance. Léon , fon Succeffeur, fit auffi avec eux une%lliancc; ôc lorfque Odoa-cre, Rugc de Nation, ôc Chef des Hérules mêlés avec les débris des Huns, eut pris le chemin de PItalic, ôc par le feul bruit de fa marche eut porté Auguftule, le dernier des Empereurs d'Occident, à abandonner l'Empire ; Zenon, Empereur d'Orient, employa utilement les Goths contre cette nouvelle troupe de Barbares 5 comme on s'en étoit fervi fous les règnes précédais contre Attila ôc les Huns. Théodoric, Roi des Oftrogoths, qui avoit été élevé comme Otage à la Cour de Conftantinople, ôc qui depuis fon avènement au Trône avoit toujours vécu en bonne intelligence avec les Romains, vint l'an 476 demander à Zenon la permiflion de paner en Italie contre Odoacre. Il fut obligé fur la roure de livrer combat aux Bulgares, qui s'oppofoient à fon partage. Il rencontra Odoacre à Vérone, le vainquit, le fit Prifonnicr oc le mit à mort. Il s'empara enfuite de l'Italie, ôc y fonda le Royaume des Oftrogoths fur les débris de celui des Hérules. Il faut obferver que ce n'eft qu'en ce temps - là que l'on commence de voir les Bulgares dans l'Hiftoire. Quelques Auteurs ont conjecturé que ces Bulgares étoient de nouveaux Peuples venus dans la Mœfic en 499 ; mais cette opinion n'a pas de fondement, puifqu'il étoit déjà parlé d'eux fous ce nom dès l'an 476, lorfqu'ils voulurent empêcher Théodoric, Roi des Oftrogoths, de paflcr fur leurs terres, ôc de traverfer la Mcefie pour aller combattre Odoacre , Roi des Hérules. Il eft vrai que l'an 500 on voit ce nom donné à des Peuples de la Mcefie ; ôc que l'an 5 14 ou environ ils conclurent un Traité avec l'Empereur Anaftafe ; mais cela ne prouve point qu'il y ait eu en ce temps-là aucune nouvelle incurfion de Peuples Orientaux dans la Mcefie; Ôc ce fait nétant nullement démontré , j'ofe hasarder encore la conjecture que j'ai déjà avancée ; ôc il me paroît que l'on doit regarder les Bulgares comme les mêmes Scythes qui, dès le deuxième fiecle, étoient venus, par le Pont-Euxin ôc le Danube, s'établir dans cette région ; ils étoient demeurés tranquilles depuis ce temps : j'ai dit même que la plupart avoient déjà reçu les lumières de la Foi ôc que leur Evêque avoit fon Siège à Tomi, Métropole de la Scythie Pontique ; ce qui fuppofe que le Chriftianifme étoit la Religion dominante dans cette Province ; mais j'ai obfervé auffi qu'il y avoit encore des Scythes Nomades & Payens qui vivoient errans ôc ambulans fur les bords du Danube, ÔC que l'on travailloit à leur converfion : ce font probablement ces Scythes que l'on appclla Bulgares, pour les diftinguer des autres : ce nom étoit relatif au Pays d'où ils étoient venus, cïeft - à-dire, à la grande Bulgarie, qui eft aujourd'hui le Royaume de Bulgar, fitué à l'Orient du Volga, entre le Royaume de Cafan & celui d'Aftracan. Cette origine étoit commune aux Scythes Chrétiens ôc aux Nomades ; auffi les voit-on très-fouvent confondus dans l'Hiftoire, qui les appelle tantôt Scythes ôc tantôt Bulgares. C'étoit en effet la même Nation , ôc qui ne formoit peut-être qu'une même Société ; avec cette différence, que tant que les Scythes Chrétiens ôc policés y prédominèrent, ils ne furent connus que fous le nom de Scythes , au lieu que lorfque les Scythes Payens, groffis par le refte des Goths qui étoient reftés dans le Pays, jouèrent le premier rôle, on les appclla Bulgares. C'eft fous ce nom qu'on les verra dans la fuite de cet Ouvrage donner beaucoup d'inquiétude aux Empereurs Grecs, ôc devenir indépendans dans la Mœfie, qui, de nouveau couverte des ténèbres du Pa- ganifme, ne retourna à la Foi de Jefus-Chrift que dans le huitième fiecle. Dans le temps dont je parle à préfcnt, les Scythes Chrétiens tenoient encore le premier rang dans la Nation , puifquc Ton va voir que la première guerre de ces Peuples contre les Empereurs Grecs, fut une guerre de Religion occalionnéc par un excès de zèle de la part des Scythes Orthodoxes. Le Patriarche Timothée, après avoir d'abord adhéré au Concile de Calcédoine, avoit enfuite chanté la palinodie, pour complaire à l'Empereur. Les Chrétiens de Scythie re-fufoient de communiquer avec lui, ôc ce refus les expofoit à une rude perfécution. Leur patience étant pouffée à bout, ils fe révoltèrent, ôc prirent pour chef le Comte Vitalicn leur compatriote, qui fe chargea de leur vengeance. Il fe mit en campagne, s'empara de la Mcefie 6c de la Thrace 6c de 111-lyrie; ÔC l'an 510 s'avança fort près de Conftantinople. Ses fuccès obligèrent l'Empereur Anaftafe de demander la paix , qui fut conclue en 514. L'Empereur promit de rappeller les Prélats exilés; de rétablir Macédonius dans le Siège Patriar-chal de Conftantinople, ôc de faire ceffer les vexations qu'on avoit exercées contre les Catholiques. A ces conditions Vita>-lien, Vainqueur, mit bas les armes ; mais l'Empereur ne remplit aucun de fes engagemens. Dans la fuite Juftin, Suc-ceilcur d'Anaftafe, attira Vitalicn à Conftantinople, le créa Conful, ôc le fit maffacrer le 7 Mars de l'année 52.0, à l'inf-tigation de fon neveu Juftinien, qui craignoit en lui un rival dangereux , aimé des Peuples, jouiifant d'une haute réputation ôc d'un crédit fans bornes, ÔC partageant même avec l'Empereur toute l'autorité. On voit par ce que je viens de dire, que les Scythes Chrétiens iH.1V. HISTORIQ U E S, &c. 49 tiens prédominoient encore ; mais fous l'Empire de Juftinien , qui monta fur le Trône après fon oncle Juftin, les Scythes Payens ou Nomades prirent le derTùs dans la Nation, fous le nom de Bulgares, Ôc furent du nombre des Peuples que Béli-fairc fournit aux Romains. Ce Général travailla plufieurs années à fubjuguer les Goths d'Italie. L'Eunuque Narsès termina enfin cette guerre, dont la durée avoit été de dix-huit ans; 6c comme on s'éroit fervi des Oftrogoths pour détruire en Italie la domination des Hérules, on fe fervit enfuite contre les Oftrogoths de ces mêmes Hérules, qui, étant retournés en Pannonie, s'y étoient aiTociés avec les Lombards. Narsès ayant compris par des Lettres de Juftin II, qui fuccéda enfuite à Juftinien, que l'Empereur étoit jaloux de fon autorité Se de fes victoires, n'ofa plus retourner à Conftantinople ; 6e pour fe rendre néceflaire , engagea les Lombards à venir faire des courfes en Italie. Ceux-ci s'établirent en effet dans cette Contrée, à laquelle ils ont donné leur nom ; 6c il ne refta plus aux Empereurs en Italie que l'Exarcat de Ravcnne. Les conquêtes de ces Barbares, 6c les opérations des Généraux Romains de ce côté-là, n'ont, pour le préfent, rien de relatif à mon fujet. G 5° 0 B S E R VATIONS CHAPITRE XIII. Première apparition des Avares & des Slaves ou Sclavons en - deçà du Danube. J'Ai remarqué au Chapitre onzième, que les Huns ayant paûe en Occident fous Valentinicn II, y furent battus par les Romains, les Goths ôc les François réunis. Ceux qui échappèrent de cette défaite retournèrent dans la Pannonie, ôc s'allièrent avec les Hérules ôc les Lombards, Peuples du Meklcm-bourg ôc du Brandebourg. Les Hérules étant allés en Italie , y furent fui vis ôc vaincus par les Oftrogoths; ôc pour fubjuguer ces derniers, Narsès fc fcrvit des Lombards, qui fe fixèrent dans la Lombardie. C'eft à peu près-là le réfumé de ce que j'ai dit plus en détail dans les deux Chapitres précédais. Suivant le rapport de Paul Diacre , Alboin, Roi des Lombards, en quittant la Pannonie pour pafier en Italie, y laifïà en pofTefiion de ce Pays quelques reftes des Huns qu'il y avoit trouvés ; ôc ces Huns parurent dans la fuite fous le nom d'Avares qu'on leur donnoit indifféremment. On voit donc par tout ce qui précède, qu'il faut chercher l'origine des Bulgares chez les Scythes Politiques, ôc celle des Avares chez les Huns. Paul Diacre en effet s'exprime en ces termes : Hunni qui & Avares funt : on les apelloit aufii Avaria. Ce fut Tan 3 1 du règne de Juftinien, 558. de l'yEre vulgaire, que l'on vit paroitre les Avares qui fe tenoient depuis long-temps dans leurs habitations vers Singidon Ôc Sirmium, fans avoir encore été connus fous ce nom. L'Auteur de l'Hiftoire mêlée rapporte que l'on H I S-T O RI Q U E S, «6V. « vit entrer dans Conftantinople une Nation inconnue, qu'on appelioit les Avares. Tous les habitans de la Ville accouroient pour les examiner, n'ayant jamais vu d'hommes de cette cfpece. Jufqu'à ce temps - là ces Barbares n'avoient fait aucune entre-prife fur les Provinces Romaines , 6e ils étoient tout-à-fait inconnus hors des limites de leur territoire. Dans l'année 563 , trente-fixieme du regne de Juftinien, ils envoyèrent à ce Prince une Ambafïàde folemnelle, 6c parurent vouloir rechercher fon amitié. Conftantin Porphyrogcnete fait defeendre les Avares des Goths, & dit qu'ils étoient compris comme eux fous le nom de Sclavons, qui étoit le nom générique, tiré de la Langue qui leur étoit commune ; mais ce n'eft-là abfolumcnt qu'une queftion de noms, Il eft vrai que fous les règnes précédons les Scythes ou Bulgares qui étoient en - deçà du Danube, les Goths Se les Oftrogoths qui habitoient au-delà, 6e les Huns qui étoient venus fondre fur ces derniers, étoient trois Nations différentes 6c bien diftinc~t.es ; mais dans les temps dont je parle, comment pouvoir débrouiller le mélange de ces difFérens Peuples? Il eft vraifembiable de croire que les débris de tous les Barbares qui étoient demeurés dans la Pannonie, ou y étoient retournés après le mauvais fuccès de leurs expéditions , doivent tellement s'y être confondus, qu'il feroit bien difficile, quand même nous vivrions dans ces temps-là, de déterminer précifément lequel de ces Peuples a donné origine aux Avares. Cependant plufieurs paffages de divers Hiftoriens concourent à prouver qu'ils étoient Huns. Conftantin Porphyrogcnete n'eft pas d'accord avec lui-même fur ce point, 6c je crois devoir faire obferver ici une contradiction de cet Auteur , qui me paroît évidente. Après avoir dit que les Goths, Gij les Gépides 8e les Vandales ne différoient entr'eux que par le nom, de avoient une même Langue, c'eft-à-dirc, la Sclavone Il ajoute, que toutes ces Nations s'étoient avancées jufqu'au Danube du temps d'Arcade de d'Honorius, que les Gépides s'étoient arrêtés auprès de Singidum 6e de Sirmium ; ôc que de ces mêmes Gépides avoient enfuite été féparés les Lombards ôc les Avares. Un moment après, en parlant d'Attila, qui eft connu de tout le monde pour le Roi des Huns , il l'appelle le Roi des Avares. Si les Avares étoient fortis des Goths ou des Gépides, on ne pouvoit pas dire qu'Attila fut Roi des Avares, puifque ce Prince étoit Chef d'une Nation qui cit venue fondre fur les Goths, de a été leur fléau. Ainfi, puifqu'Attiîa étoit Roi des Avares, on doit conclure que les Avares étoient des Huns, de non-pas des Goths; ôc tout ce que l'on peut dire pour juftifier le peu d'exactitude de Conftantin Porphyroge-nete, eft que le refte des Huns vaincus par les Goths, étant retourné dans la Pannonie, s'y étoit mêlé avec les Hérules de les Lombards, qui étoient des Peuples Vandaliques ou Tu-defqucs comme les Goths. Cette confufion eft même une fuite naturelle de la vie errante de paftoralc qu'ils menoient. Ainfi quoique les Avares Ôc les Huns fuffent, dans leur origine, très-difïércns des Goths, dont ils avoient d'abord été les ennemis ; on peut dire, eu égard aux temps dont je parle, que cette différence ne fubfiftoit plus, de que lorfque le réfidu de tous ces Peuples forma une même Nation , qui commença de jouer un rôle dans le monde fous le nom d'Avares, on pouvoit égale-lement rapporter leur origine aux Hérules de aux Lombards , Peuples Vandaliques venus des bords de l'Oder, ôc aux Huns qui étoient defeendus des rives Septentrionales du Tanaïs ; de forte que ce n'étoit plus en effet qu'une queftion de nom. Conftantin Porphyrogenctc qui écrivoit dans le dixieme'fie-cle, nous apprend que dès le temps d'Héraclius, quatre cens ans avant lui, tous ces Peuples avoient une même Langue, c'eft-à-dire, la Sclavonne. Il place les Sclavons au Nord ôc au Midi des Monts Carpates : au-delà de ces Montagnes, dans le Pays où étoient autrefois les Jazyges ôc les Baftarnes, il place les Rudes, defquels font defeendus les Mofcovites ôc les Polonois ; il y met auffi les Chrobates non-baptifés, qui dévoient être les Siléfiens , les Boïens 6c les Bohémiens d'aujourd'hui. Il comprend toutes ces Nations fous le nom général de Sclavons ; en forte que l'on peut inférer de la façon dont il s'explique, que le berceau de cette Langue doit avoir été au - delà des Monts Carpates, dans cette étendue de terre où font à préfent les Bohémiens, les Siléfiens, les Ruffes Polonois 6c les Runes Mofcovites. Il faut obferver en effet que la Langue de Bohême a encore aujourd'hui une affinité extrême avec la Sclavonne ; 6c cette Langue, qu'on peut conjecturer avoir été portée dans ce Pays par les incurfions des Peuples Celtes & des Vindi ou Finni 3 qui s'y étoient arrêtés fous le nom de Baftarnes; cette Langue, dis - je, pouvoit avoir été commune, ou tout au moins communiquée dans la fuite aux Nations Gothiques ou Vandaliques, qui du Septentrion s'étoient avancées vers le Midi jufqu'aux Monts Carpates , ôc de - là jufqu'au Danube. Les Alains ôc les Huns qui étoient venus des régions Orientales fe mêler avec les Peuples Septentrionaux , dévoient également avoir apporté avec eux la même Langue, que Ton obferve avoir été propre aux Scythes Sarmates ; de forte qu'en - deçà des Monts Carpates, dans les Contrées où étoient autrefois les Daces ôc les Getes, où furent enfuite les Goths mêlés avec les Alains, ôc après eux les Huns , confondus depuis avec les Hérules ôc les Lombards , dans ces Pays, dis - je, où il ne reftoit plus que les débris de toutes les différentes Nations, n'en formant plus qu'une feule fous le nom d'Avares ; il eft naturel de penfer que la Langue de ces Avares ne pouvoit être que la Sclavonne ; auffi Conftantin Porphyrogcnetc a-t-il dit que les Avares étoient Sclavons. CHAPITRE XIV. Les Huns employés par Juftin IL dans fon expédition contre les Perfes. Obfervations Géographiques fur la Colchide & la Laïque. o Utke les Huns établis dans les Provinces qui bordent le Danube , ôc connus depuis le temps de Juftinien fous le nom d'Avares , il y avoit d'autres Huns qui habitoient entre le Boryfthene & le Tanaïs, dans la Cherfoncfe Tau-rique ôc les Pays qui font entre le Tanaïs, le Volga, la Mer Noire ôc la Mer Cafpienne. Juftin fc fervit utilement de ces derniers, ôc en tira des fecours dans la guerre qu'il eut à foutenir contre les Perfes pour la défenfe des Ibéricns, dont le Roi appelle Gyrgene avoit imploré fa protection ; mais l'on doit obferver que les Huns de la Cherfoncfe n'étoient pas les mêmes que ceux d'Attila ôc les Avares, qui doivent être rangés dans la claffe des Scythes Sarmates ou Sclavons ; c'é-toient d'autres Huns, du nombre des Scythes Tartarcs ôc Turcs, dont je parlerai en détail dans les Chapitres fuivans. Probus, l'un des Généraux de l'Empereur Juftin, fut envoyé dans la Cherfoncfe Taurique pour négocier avec les Huns ; il en obtint un fecours de troupes, qu'il mena dans le Pays des Lazyens, ou Gyrgene , Roi des Ibéricns s'étoit réfugié, ne fe fentant pas allez fort pour réfifter à Cavade, Roi de Perfe , contre lequel il avoit reclamé la protection de l'Empereur. Les Laziens habitoient autrefois, fuivant le témoignage de Pro-cope , dans la Colchide, 6e obéiffoient aux Romains : ceux-ci fe fervoient d'eux pour réprimer les inondations des Huns dont je viens de parler, qui defeendoient par le Caucafc, 6e fe répandoient dans la Lazyque 6e les terres de l'Empire. Us entretenoient commerce avec les Pvomains du Pont, 6e leur donnoient des pelleteries 6e des efclavcs en échangé du bled 6e du vin qu'ils recevoient d'eux. Ces deux articles font encore aujourd'hui les principaux objets du commerce de la Géorgie Turque, dont l'ancienne Lazique faifoit partie. Quand on avoit pane les limites de i'Ibérie, en venant du Nord au Sud, on trouvoit fur les terres des Laziens deux Forts , defqucls les Romains avoient toujours confié la garde aux gens du Pays , qui vivoient dans une extrême mifere; ils fe contentoient du pain de millet ; leur territoire ne produifoit ni bled, ni vin , ni aucune autre denrée ; 6e l'on ne pouvoit y en apporter que de fort loin fur le dos des hommes. Cette façon de tranfporter les marchandifes à dos d'homme , s'eft confervée jufqu'à nos jours dans la Géorgie Turque ; 6e cela s'y pratique pendant tout l'hyver , faifon oii les chemins font impraticables pour les chevaux , les mulets 8e les autres bêrcs de charge. L'Empereur Juftin ôta aux gens du Pays la garde des deux Forts dont je viens de parler, 6e y mit une |arnifon Romaine, à qui d'abord les Laziens portèrent des vivres ; mais ils s'en lafferent bien-tôt, XLkrm.iji«|TB TUT-T*■ ■Trnczm ïZ££E2XïïZSà?lL£J5HUJUMII HmimTOMMIII il III— j(S OBSERVATIONS 8e la faim obligea les Romains d'abandonner ces deux places. Ce fut-là un des principaux motifs qui déterminèrent Juftin à faihr- le prétexte de la défenfe de Gyrgene 8e des Ibériens pour déclarer la guerre aux Perfes, qui prétendoient auffi que les Romains contribuaient pour leur moitié aux frais de l'entretien des troupes employées pour garder les portes Cafpien-nes, 8e défendre les terres des deux Empires contre l'invarton des Huns. Depuis que les Romains, fous la conduite de Pierre, furent venus dans la Lazique pour fecourir Gyrgene, Roi d'Ibérie, qui s'y étoit retiré ; les Soldats Romains employés dans cette expédition y refterent 8c s'y établirent. Un nommé Jean Tzibcs perfuada à l'Empereur de bâtir dans cette Province une Ville qui fut nommée Pétrée 8e d'où ce Tzibes vexoit les Laziens par fes Monopoles. Ceux-ci recoururent à Chofroès , Roi de Perfe ; 8c il paroît vifiblement par leur harangue, que les Colches 8c les Laziens étoient un même Peuple. Chofroès faifit cette OGcafîon pour envoyer des Colonies dans la Lazique , fe défiant des Laziens qui étoient Chrétiens, 8c ne pouvoient outre cela fe pafîèr du commerce des Romains. Ce Prince vou-loit fc ménager un partage dans leur Pays, pour avoir entrée dans le Pont-Euxin, 8c pouvoir enfuite plus commodément réduire les Peuples de la Bithynie, de la Galatic 8c de la Cap-padocc. Les Laziens ont encore confervé leur nom, 8c ils font connus aujourd'hui des Turcs fous celui de Lazes ; leur Pays eft appelle le Pays des Lazcs, ou la Province de Trebizondc. Nous trouvons dans Procope une defeription Géographique de la Lazique, Suivant cet Auteur le Fleuve Boas prend fa fource dans le Pays des Arméniens $J qui habitent Pharan* gwn proche des frontières des Tzanicns \ il coule artTez loin vers Pl. P'1™Vga Sj. pour le Chap. XIV. Arvex tis s e m e nlr. &n a réuni ièt-tôt deiuv Cartes de.JKr de Pej/ssonncl ,NOJI. et U. parce que l'on a cru que L'accord de la Géographie Ancienne^ e^~> Jlîoderne serait plus utile . Ce qui est de lancienne est écrite en letti^es a. datai traits. ' tvwres maïquees par ' Les lettrar AUX", doivent répondre a Ldnthanur. et au Ciiaru,r,.n.vj.i qu'un puisse dire pre: 'urcnwnt a laquelle chaque Ifom. ' <~e rapporte . ~- '> WJ ;'> ■> rS lien est de même dût ^..Kwieres D,l£fWf&, qui doivent repondre a lArtelephus.au 'l'arsura, au Sunja-nus, et au Chri/sorrhoas . N. thcJcnatt en Ôeortrun signifie Kau Courante. pu Rivière M K 11 I O N T 17 An c le n n cm eut Ici le Pli Me carse d être ncanaetb.lt, . Carte delà Colchide Ai Comprenant pour le Moderne la Cote de? Laizes, de la Géorgie Tiivaue et dea- Ali A SE s . B clielles =4 l"nw K m Ô >>>>> V'"-'"' vers le coté droit, toujours étroit & guéable jufqu'aux extrémités de Plbérie ôc aux pieds du Mont Caucafe, Contrée qui eft habitée par diverfes Nations, les Alains, les Abafques Chrétiens ôc alliés des Romains, les Zéchiens ôc les Huns Salvi-niens. En cet endroit le Fleuve s'accroît par un grand nombre de ruiffeaux qui s'y déchargent ; il quitte le nom de Boas 3 prend celui de Pkafe, ôc porte de grands Vaiflcaux jufqu'à fon embouchure dans le Pont-Euxin. C'eft fur les bords de ce Fleuve qu'eft la Lazique. Le côté droit de cette Province eft fort peuplé jufqu'aux frontières de Plbérie, ôc comprend diverfes Villes, dont les principales font Archéopolis, qui eft très-forte, Sebaftopolis, Rhodopolis ÔC Monorifis : on y voit auffi les Forts de Pytium 3 Defcandra ôc de Sarapana. Le côté gauche eft une efpace d'une journée de chemin ; mais cet cf-pace eft défert, Ôc n'eft habité que par quelques Romains fur-nommés Pontiques. C'eft dans cette partie inhabitée de la Lazique, ajoute Procopc , ou Juftinien bâtit la Ville de Pétrie s au Nord de laquelle étoient les frontières de l'Empire ôc plufieurs Villes fort peuplées, comme Ri\éca Atkcnes ôc Tmpe-\onde. Cette Relation de Procope a rapport à la Géographie du moyen âge, ôc du temps où il écrivoit. Dans les fieclcs plus reculés la Lazique faifoit partie de la Colchide proprement dite. Le Fleuve Boas, les Villes ÙArchiopolis y de Rhodopolis ôc de Monorifis, ont été inconnus des anciens Géographes. Je penfe devoir placer ici quelques Obfervations Géographiques que j'ai faites fur cette Contrée d'après les Relations exac~t.es que je me fuis procurées dans mon Voyage de la Mer Noire. La Colchide proprement dite comprenoit autrefois toute l'étendue qui eft depuis Trebizonde jufqu'au Phaze ; ôc au-delà de ce Fleuve jufqu'aux frontietes de VIbirie 3 ôc au pied du H Mont Caucafe. Strabon étend fes limites vers le Nord jufqu'aux Villes de Pytkîum ÔC de Diofcurias , oh il dit que finit la côte du Pont prife depuis les Bofphoriens , ôc que commence celle de la Colchide. Ptolémée rapporte que la côte maritime de la Colchide étoit habitée par les Laziens, ôc la partie fu-périeure parles Mancali , qui font vifiblcmcnt lesMingreliens d'aujourd'hui. Le Phaze divifoit la Colchide à peu près par le milieu, ôc en formoit deux parties, que j'appellerai Tranfpha-liene 6c Cifphafienne. Ce Fleuve célèbre a confervé jufqu'au-jourd'hui le nom qu'il portoit autrefois ; les Turcs l'appellent encore Nehr Fâche , le Fleuve Fâche : Strabon, Pline , Mêla 6c Ptolémée en font mention ; Pline 6c Strabon font d'accord avecProcope touchant fa fource, qu'ils placent dans les Montagnes d'Arménie. Les anciens Géographes indiquent dans l'étendue de la Colchide Tranfphaficnne une infinité de Fleuves ôc de Rivières ; j'en retrouve à peu près le nombre, mais il eft, je penfe, bien difficile d'en déterminer l'ordre, quoiqu'Or-télius leur en ait donné un dans fa Carte du Pont-Euxin. On peut feulement deviner à peu près la pofition de quelques-uns de ces Fleuves qui ont retenu le nom qu'ils avoient autrefois. Ceux que l'on trouve cités dans Ptolémée, Pline, Strabon ôc Arrien , font le Corax 3 VAnthemus j le Hippus , le Cyaneus ou Glaucus > YAfiekphus le Tartura 3 le Singanus ou T/ga-neu % le Chryforrhoas j le Charlflus ou Charus, ou Charicis y ôc 1 Chobus. C'eft précifément-là le même nombre de Fleuves que l'on compte aujourd'hui depuis le Phaze exclufivement juf-qu au Charvafiday, qui féparc la Géorgie du Pays des Abaffes qui font les Abfîdœ de Pline, ôc les Abafgi de Procope Ôc de Couftantin Porphyrogenete, Les noms modernes de ces Fleuves dans l'ordre qu'ils occupent véritablement du Nord au Midi, font le Ckarvajîday , le Koudouri à le Mamid^khali > le Mochid^khali , YA\tgour 3 leLourlé 3 XErdi^khall 3 YAnakriay\Q Cianid\khali 6e le Kobid\khali que les Turcs appellent par corruption Kemkhal. Le mot D^khali en C>f rgien fignifie eau courante ou Rivière ; il paroît donc manifeftement que le Kobi-d^khali 8c le Ciani-d^khali (ont le Chobus Fluvius & le Cianeus Fluvius des Anciens, dont les noms n'ont abfolument point été altérés. Ceci renverfe Tordre établi par Ortelius , qui place le Hippus 8c le Singanus entre le Cianeus 6c le Chobus j tandis que ceux-ci doivent fe fuivre immédiatement. Il met aufii mal-à-propos le Chdriflus entre le Chobus 6c le Pha^ej qui fc fucccdcnt dans le même ordre, fans que l'on trouve aucune autre Riviete dans l'efpace qui les fépare ; de forte que le Charijius y le Singanus 6c le Hippus doivent être plus Septentrionaux que le Chobus 6c le Cianeus. La conformité des noms modernes de ces deux derniers avec les anciens, détermine incontestablement leur pofition. Ceux des autres Fleuves font fi fort défigurés, qu'on ne peut pas faire ufage du fe-cours des étimologics pour les retrouver, 6c l'on ne fçauroit former que des conjectures. Le Charvafiday doit être le Co-rax9 le dernier Fleuve de la Colchide vers le Nord; il répond en efFct à la place qu'Ortélius lui a aflignée dans fa Carte. C'eft; un peu au-delà de ce Fleuve que devoit être le fort de Py-thium cité par Strabon comme une place importante, 6c regardé par la plupart des Auteurs comme le dernier terme du Pont &c de l'Empire Romain. Pline dit que cette Place étoit extrêmement fioriftante, 6c qu'elle fut ravagée par les Hénio-ques. Je penfe que la véritable Place de Pythium eft le lieu appelle aujourd'hui par les Turcs Pejevend; il eft éloigné d'environ neuf lieues du fond du Golfe de Sohoum ou devoit fe H ij ^^^mmmmmm^mmBiaaammBmamsxsacmawBBsii il ■■■■ ■iiihmwwbwhwiiiii ■; 60 OBSERVATIONS trouver l'ancienne Sébaftopolis ou Diofcurias ; ce qui revient à la diftance de 350 ou 360 ftades, indiquées entre ces deux Villes par Strabon & par Arrien : cet éloignement fait à peu près auffi les deux journées de Procope. Cet Auteur dit que les Romains bâtirent fur le rivage de la Mer les deux Forts de Sébaftopolis ôc de Pythium 3 éloignés l'un de l'autre de deux journées. Il a fans doute parlé des journées de Troupes ôc de celles qu'on appelle en Levant des journées de caravanes, qui font d'environ cinq lieues. Toutes les indications des anciens Géographes concourent à prouver que Diofcurias ou Sébaftopolis devoit fe trouver auprès de la Ville appellée aujourd'hui Sohoum dans le fond du Golfe de ce nom. Tous les Auteurs difent unanimement que cette ancienne Ville étoit fituée dans le point le plus avancé du Pont-Euxin vers l'Orient, & dans l'endroit où commence l'Ifthme qui fépare cette Mer de la Mer Cafpienne. Le Golfe de Sohoum 3 en effet, peut être regardé comme l'extrémité Orientale de la Mer Noire, ôc le véritable point où l'Ifthme commence de fe former. Arrien détermine un efpace de 2160 fta-des entre Trape^us ôc Sébaftopolis; l'on compte aujourd'hui dcTrébizonde à Sohoum environ 90 lieues, qui font à peu près les 2160 ftades d'Arrien. D'ailleurs les ruines d'une ancienne Ville que l'on voit auprès de Sohoum, ôc que les gens du Pays appellent encore Savatopoli 3 ôtent tous les doutes qui pour-roient encore refter fur ce point. Mêla ôc Pline prétendent que la Ville de Diofcurias fut ainfi appellée du nom des Diof-cures, ou Caftor ôc Pollux, qui en furent les Fondateurs. Pline paroît la diftinguer de Sébaftopolis ; mais Cellarius a démontré aflfez clairement fon erreur. Ortélius a mis dans fa carte deux Sébaftopolis ; je ne fçai pas où il a pris la féconde , qu'il place au midi du Phaze à l'Embouchure du Fleuve Aanafîs. Il n'eft pas aife de décider quel étoit le Fleuve qui couloit auprès de Diofcurias ; Strabon veut que ce foit le Charus 3 Tlipi cTë t!w Aïoçx.ypia.fa, ptl 0 X^piç YloTctjLiiç}, Pline prétend que c'eft YAnthemus 3 Coraxi urbe Colchorum Diofcuriade juxta Flu-yium Antemunta ; 8e Ptolémée place immédiatement après Diofcurias l'Embouchure du Fleuve Hippus. Peut - être ont-ils raifon tous les trois : car trois Fleuves fe déchargent dans le Golfe de Sohoum, le Koudouri 3 le Mamid^khali 8e le A/t-chid^khali. L'ancienneDiofcurias ou Sébaftopolis placée, comme je l'ai démontré, au fond du Golfe de Sohoum 3 devoit être peu éloignée de ces trois Fleuves, qui font fort voilins les uns des autres ; ainfi l'on doit raisonnablement conclure de cette Obfervation , que le Koudouri 3 le Mamid^khali 6e le Mo-chid^khali 3 font le Hippus 3 YAnthemus 8c le Charus , fans qu'il foit polïïble cependant d'afligner précifément à chacun de ces trois Fleuves le nom ancien qui doit légitimement lui appartenir. Les autres Fleuves A^tgour 3 Lourlé > Erdid\khali 8c Ana-kria doivent être YAftelephus 3 le Tarfura 3 le Singanus Ôc le Chryforrhoas. Mais je laifFe à quelqu'un de plus induitrieux que moi, le foin de les ranger dans l'ordre où ils doivent être , 6c de faire la jufte diltribution des aoms. Je ne retrouve abfolumcnt point les Villes de Neapolis 6c de Thiapolis 3 qui n'ont été connues que de Ptolémée, 6c dont aucun autre Auteur ancien n'a parlé. Je ne feais non - plus ou placer JEa ou JE,apolis, que Ptolémée dit être maritime, 6c que Pline indique fur le bord du Phaze à quinze mille de la Mer. Apollonius en parle comme d'une Ville où l'on alloit par eau, fans dire fi elle étoit fituée fur la Mer ou fur le Fleuve. I-e pafTage de Pline donne lieu de croire que cette Place étoit 6z OBSERVATIONS WBill'l'BlilWiIJillll >lil II il1 II ii'il i n.iiiii 1 il MWlIMHHltf—HMIB'1 T 1 WtlT WWTMI confidérable : maxime autcm inclaruit JEa xv. millibus paf-fuum h Mari. Je ferois aftèz porté à croire que la Ville çXAnacria d'aujourd'hui , fituée à l'embouchure du Fleuve du même nom, eft l'ancienne Heracleum de Pline. Cet Auteur la place à 70 milles de Sébaftopolis > ce qui revient à peu près aux quinze lieues que Ton compte à'Anacria au fond du Golfe de Sohoum , ou font les ruines de Sébaftopolis ; mais je penfe que Ptolémée s'en: trompé fur la Ville de Gyganeum Tvyavivv, qu'il place au-delà du Phaze; cette Ville pourroit bien être Gugniéy fituée fur la Mer Noire au Midi du Fleuve Tchorok : le nom s'eft allez bien confervé , ôc Fétimologic n'eft point forcée. La plupart des Villes Méditerranées de la Colchide Tranf-phafienne citées par les anciens Géographes font faciles à retrouver : car leurs noms n'ont prefque point été altérés, ôc les veftiges en fubfiftent encore. La Ville Méditerranée voifme du Phaze appellée par Pline Cyta, ôc par Etienne de Byzance YLvra, eft inconteftablemcnt la Ville de Cutatis s Capitale de la Géorgie Turque , ôc fituée à cinq ou fix lieues au Nord de ce Fleuve. Properce &c Valérius Flaccus en ont parlé. Etienne de Byzance prétend qu'elle a été la patrie de Médée. On retrouve, à peu de diftance de-là, le Fort de Scandra y dont Procope a fait mention ; c'eft le vieux Fort de Skender fitué à fix lieues à l'Eft de Cutatis. A dix lieues au Sud-Eft de cette Ville étoit le Ghâteau de Sarapana 3 que Strabon place dans le lieu ou le Phaze cefle d'être navigable, ôc qu'il dit être fi vafte qu'il pourroit contenir une Ville. Ce Château a retenu fon ancien nom : les Turcs l'appellent encore Choraban ; ils y ont bâti une Forterelfe, ôc y tiennent garnifon. On y voit encore des reftes de murailles, de tours, ôc tous les débris du Fort bâti par les Romains. Pline indique fur les bords du Phaze les Villes de Tyndaride y de Ciecotum Ôc de Cygnus. Je ne retrouve ni le nom ni la place de la dernière. Tyndaride eft le lieu appelle par corruption Pandary fur le bord Septentrional du Phaze, à huit lieues de fon embouchure, ôc environ à fept lieues au Sud - Oueft de Cutatis : on y voit encore les débris d'un vieux Château ruiné. Circceum appartient à la Colchide Cifphafiennc, Ôc j'en parlerai ci-après. L'ancienne Me-chlejfus eft aujourd'hui Meckhel au Nord de la Géorgie Turque, vers la Rivière de Rioun 3ï un certain éloignement du Village moderne on retrouve des monumens de l'ancienne Ville Zadris ôc Zadra vers la frontière des Offes 3 où l'on voit encore un Château ruiné. Madia, qui eft fans doute le Matium de Pline doit être le Village de Mais fitué fur la Mer Noire un peu au Nord de l'embouchure du Phaze, Ôc auprès du Cap du même nom. Ptolémée met cette Ville au nombre des Méditerranées; mais Pline, plus exact fur ce point, la place fur la Côte du Pont-Euxin. J'ignore où pouvoit être Sarace. Surium n'eft point du reflort de la Colchide Tranfphafîenne, Ôc j'en parlerai en traitant des Villes en-deçà du Phaze. Au Nord de la Géorgie Turque, à douze ou quinze lieues du Phaze, vers la frontière des Souancs , ôc , comme dit Procope , auprès des limites de l'Ibérie, on trouve les veftiges de l'ancienne Rhodopolis ; les Géorgiens ont changé YR en D 3 ôc en ont fait Dodo poli 3 qui fignifie en leur Langue la nouvelle Mariée. Ils prétendent que cette Ville fut bâtie par une jeune Princefîe, dont ils racontent une Hiftoire fabuleufe, ôc qu'il feroit fuper-fiu de rapporter. Je ne retrouve point Archœopolis que Procope &t avoit été la Métropole des Lazes du temps de Juftinien , lorfque ces Peuples habitoient fort avant dans la Colchide vers les confins de Plbérie. Voilà ce qui concerne la Colchide au-de-là du Phaze. Panons à la Cifphaficnnc. ■ La plus célèbre des Villes qui bordoient le Phaze , étoit Phafis , citée par Strabon, Pline oc Pomponius Mêla , 6c qui avoit donné fon nom à ce Fleuve. Elle étoit fituée fui la rive Méridionale vers l'embouchure. Elle fubfifte encore, ce n'a point changé de nom ; les Turcs l'appellent aujourd'hui Fâche : il y a une FortercfTe avec une garnifon de JanifTaires. Mêla prétend que cette Ville fut bâtie par Themiftagore, Miléften. On y voyoit le Temple de Phryxus, 6c un bofquet renommé par la Fable de la Toifon d'Or. Circœum étoit placé aufli fur la rive Méridionale du Fleuve, 6c devoit être indubitablement le vieux Château ruiné dont les Turcs ont un peu défiguré le nom , 6c qu'ils appellent Irké. Il y a auprès du Village un Pont qui porte fon nom, 6c que les gens du Pays nomment Irké Km* priiffi. La Ville de Surïum cil aujourd'hui Sria 3 qui fe trouve environ à douze lieues au Nord de Ri\é. Des gens du Pays m'ont allure que le nom de Sria fignifie Grande dans la Langue des Lazes. J'ai découvert à cette occafion que les Lazes de nos jours, indépendamment de la Langue Turque qui leur eft familière, ont encore une ancienne Langue Lazienne, qui n'a rien de commun avec le Turc, l'Arménien, le Géorgien, le Circafîien 6e les autres Langages voifins. On retrouve encore les vertiges de la plupart des autres Villes de la Colchide Cifphaficnne ; 6e leurs noms même n'ont prefque point été défigurés. Athènes eft Athina à douze lieues au Nord de Ri^é9 Ville aujourd'hui très-florirtante par fon Commerce , 6e qui a confervé fon ancien nom Rhi^ium. Opius eft la Ville d'Oph, fituée un peu au Nord de Trébizonde, Le vieux Château ruiné cc deshabité, que les Turcs appellent aujourd'hui Kordilé y doit être Chordyla de Ptolémée. Il eft iltué à fix ou fept lieues au Midi de Gugnié y que je foupçonne, comme je l'ai déjà dit, être l'ancienne Tvya,nw, que Ptolémée a placée mal - à - propos dans la Colchide Tranfphafienne. A trois lieues de Kor-dylé on trouve d'autres ruines d'une ancienne Ville , qui pourroit être Morthula, rapportée par le même Géographe. Le lieu appelle actuellement par les Turcs Ixïly rellemble beaucoup à Xylinay dont Ptolémée a auffi fait mention. Il n'y a pas lieu de douter que Trébizonde d'aujourd'hui ne foit l'ancienne Trape^us y ôc tout concourt à le prouver. Je penfe que les reftes d'une ancienne Ville que les Turcs nomment Eski-Trab^any font les débris de la Ville de Pétrée , citée par Procope , qui fut bâtie par l'Empereur Juftinien, ôc dont le nom ne fubfifte plus. Les anciens Géographes ont compté dans la Colchide Cif-phafienne, ou la Lazique proprement ditte , à peu près le même nombre de Fleuves ôc de Rivières qui arrofent aujourd'hui cette Contrée. En recueillant les noms de tous ceux qui font rapportés par Pline , Ptolémée ôc Arrien , on en trouve dix-fept. Ortélius en a arrangé comme il a pu le plus grand nombre dans fa Carte du Pont-Euxin ; mais je penfe néanmoins qu'il eft bien difficile de déterminer leur ordre précis. Ces Fleuves font Ylfis y YAcinafs y \eBatkisy YApforrus on Apfa-rus y YArchabis y le Pixites y le Prytanis y le Zagatis y YAdie-nus y YAfcurus y le Rhifws y le Pfychra ou Ophis ôc le Hyffus. Ortélius a patte fous filence le Ciffa de Ptolémée, le Mogrus ôc le Çalus d'Arrien, ôc YAcampfis ôc YHeracleum de Pline. On ne peut tirer à ce fujet que très-peu de lumières de Pline Se de Ptolémée, parce qu'ils ne rapportent l'un ôc l'autre qu'un I très-petit nombre de ces Fleuves, fitués depuis le Phaze jufqu'à Trébizonde. Pline paroît marcher, dans fa Defcription , du Midi au Septentrion ; il place après Trapezus le Fleuve Pi-xttes y au-delà les Peuples appelles Sanniens ôc Hénioques , puis le Fleuve Apfarus > avec un Château de ce nom à fon embouchure éloignée de Trapezus de 140 milles ; enfuite les Fleuves Acampfis y IJîs y Mogrus , Batkys ; les Colchcs, la Ville de Matium y le Fleuve ôc le Promontoire Heraclcum, Ôc enfin le Phaze, le plus célèbre Fleuve du Pont. Ptolémée fuit la même direction que Pline, du Sud au Nord. Après Trapezus il indique Opius , puis Chordyla 9 Morthula y Xylina y l'embouchure du Fleuve CiJJa y ôc celle de Y Apfarus. Les Relations fuccintes de ces deux Géographes fourniffent peu d'éclaircif-femens, mais me paroiflent conformes à la vérité. Je ne penfe pas de même de celle d'Arrien, qui eft cependant la plus étendue ôc la plus détaillée. Ce dernier defeend du Septentrion au Midi de la manière qui fuit. Il place d'abord à 110 ftades du Phaze le Fleuve Mogrus y qu'il dit être navigable ; il met en-fuite Ylfis y YAcinafis ôc le Bathis ; puis Y Apfarus ; après celui-ci YArchabis y le Fixités ôc le Prytanis y éloignés de 90 ftades les uns des autres ; enfuite Athènes à 180 ftades de laquelle YAdrenus y puis YAfcurus à un moindre intervalle, enfuite le Rhifiusy le Calus y le Pfychra ou Ophis y ôc à 90 ftades par-de-là, le Fleuve ôc le Port de HiJJus y éloignés de Trapezus de 180 ftades. Pour manifefter les erreurs d'Arrien, je dois commencer par établir l'ordre des Fleuves qui coulent dans la Lazique ou la Colchide Cifphafienne. Tous les Fleuves connus aujourd'hui depuis le Phaze i ufqu'à Trébizonde, en defeendant du Nord au Sud, font, le Batoum> le Tchoroky le Ntgal-Khcviy dans IUUJU 67 lequel fe jettent les Rivières de Mogarid^é Ôc de Gourgour ; enfuite vient le Fortuna-Souï, 6c deux petits RuifFcaux anonymes ; le Soouk-Sou 6c un autre Ruiiîcau fans nom ; YEsbet, deux RuilTeaux anonymes, la petite Rivière oYOcdeceffiôc une autre plus Méridionale, qui fe jette dans la Mer un peu au-delTus de Trébizonde. Les informations que j'ai eues fur ce point font conformes à la Carte de la petite Tartarie ôc de la Mer Noire gravée par Otcens , d'après les polirions de de lTfle , ÔC à celle de la Mer Noire que feu mon Pere a fait drelTer \ grands frais ÔC avec beaucoup d'exactitude. Le Fleuve Bathis a confervé fon nom ; les Turcs l'appellent encore aujourd'hui Bathoum ; ainfi l'on ne fçauroit douter de fa pofition ; fon embouchure eft dans la Mer Noire à fix lieues au Midi de celle du Phaze. Il n'y a pas la moindre eau courante entre ces deux Fleuves ; ainfi le Mogrus , Ylfis ôc YAcinafis d'Arrien que ce Géographe a placés dans cet intervalle, ne peuvent s'y trouver, ôc cette indication me paroît totalement faufTc. Suivant le fyftême de Pline le Mogrus étant plus Méridional que le Bathys 3 pourroit être la Rivière Mogarid\é3 dont le nom moderne femble allez clairement dérivé de l'ancien ; alors Ylfis ÔC YAcinafis, que je crois être le même que Y Acampfis de Pline, feront le Tchorok ôc le Nigal-Kcvi ; Y Apfarus qu'Arricn place immédiatement après, fera le Fortuna-Souï 3 dont l'embouchure eft éloignée de vinçt-huit licucs communes de Trébizonde ; ce qui revient précifément à la diftanec de 140 mille pas indiquée par Pline depuis Trapezus ou Trébizonde, jufqu'à l'embouchure de ce Fleuve, en évaluant le pas des anciens fur le pied de cinq mille pour une lieue commune, comme je tâcherai de le démontrer ci-après. Je ne vois point de place pour le Fleuve Etcracltum de Pline; je ne feais non-plus ou placer le Cifja de Ptolémée, VArchadis 3 qui doit être le même que VAfcSis g le Fixités 3 ni le Prytanis, qu'Arrien place entre YAbfarus 8c Athènes. Cette Ville a retenu fon ancien nom ; c'eft in-conteftablement le Château ruiné appelle aujourd'hui Athina par les gens du Pays , 8e fitué environ à 11 lieues au Nord de Rké. Entre Athènes 8e le Fleuve de Fortuna-Souï 3 qui doit nécessairement être YAbfarus 3 on ne trouve que deux petits Ruif-feaux anonymes. Il eft bien difficile par conféquent d'accorder le fyftême d'Arrien avec la Géographie moderne 8c la connoif-fance des lieux. Ce Géographe indique après Athènes, YAdie* nus j YAfcurus 8c le Rhïfius. VAdienus pourroit être le Soouk-Sou ; mais je ne hazarderai point des conjectures fans aucun fondement, 8c je veux dans ce que j'avance pouvoir m'appuyer tout au moins fur les étymologies des noms. Il eft certain que le Rhî^ius doit être la petite Rivière qui fe décharge dans la Rade de Ri\é y Ville aujourd'hui extrêmement peuplée 8e d'un grand Commerce, 8c dont le nom n'a point été altéré. YAfcurus rcflèmble beaucoup auffi à la Rivière ou au Ruifteau qui paffe auprès d'un Bourg appelle aujourd'hui Curé 3 auquel cette Rivière a peut-être donné fon nom. C'eft aux environs de ce Bourg que font les mines inépuifables d'où l'on tire le cuivre qui va à Trébizonde, à Rizé, à Tripoli 8c à Asbié, qui eft l'ancienne Abifa. UEsbet pourroit être le Calus d'Arrien, qui n'eft connu que de lui feul. Le nom de YOphis ou Pfychra détermine inconteftablement la pofitiondc ce Fleuve; ce ne peut être que le dernier Ruifteau que l'on trouve avant Trébizonde en venant du Nord au Sud, fuivant la direction d'Ar-rien. Ce Ruifteau paife auprès de la Ville oYOph ou l'ancienne Opius3 qui a pris fon nom, ou lui a peut-être donné le fien. Voici à préfent une erreur manifefte d'Arrien qui prouve indu- birablement le peu d'exactitude de fa Relation. Ce Géographe place à 90 ftades de YOphis t le Port ôc le Fleuve Hyfius , éloignés, dit-il, de 180 ftades de Trapezus ; il détermine par conféquent un efpace de 170 ftades ou de onze lieues de YOphis à Trébizonde. Il eft certain cependant que de YOphis, que j'ai prouvé être la Rivièred'Oph, jufqu'à Trébizonde, il n'y a que quatre lieues, ôc l'on ne trouve plus aucune eau courante dans cet efpace. UHiffus n'a par conféqucnt jamais exifté dans cet intervalle ; mais Ptolémée a très - bien indiqué fa véritable place immédiatement avant Trébizonde en allant du Midi au Septentrion. Suivant la direction que ce Géographe a fuivi du Sud au Nord, ce Fleuve eft le Horchid des Turcs, dont l'embouchure eft à fept lieues au Sud-Oueft de Trébizonde. Cette diftance répond exactement aux 180 ftades d'Arrien, mais ce font 180 ftades en-deçà de Trébizonde, ôc cet Auteur les a comptés au-delà ; ainfi au lieu de placer YHijJiis à 90 ftades de YOphis& à 180 ftades de Trébizonde, il devoit compter 90 ftades de YOphis à Trébizonde, ôc 180 ftades de cette Ville au port ôc au Fleuve HiJJlis. On peut conclure de cette dif-cution , que les anciens Géographes ont à peu près rapporté le nom de tous les Fleuves qui fe trouvent dans la Colchide ÔC la Lazique, mais qu'ils les ont mal arrangés. En effet la pofi-tion indubitable de ceux qui ont confervé leurs noms anciens , eft une preuve certaine de la tranfpofition des autres, comme je me fuis efforcé de le démontrer. Les riches mines de la Colchide qui fournifFent encore aujourd'hui à l'Empire Ottoman tant de métaux précieux, étoient connues du temps de Procope ; il y a même apparence que la découverte en avoit été faite dans les temps les plus reculés ; 6e c'eft peut-être-là la véritable Toifon d'Or dont l'appas en- gagea Jafoil 8e les Argonautes à entreprendre le voyage. Procope indique à peu près la place de ces mines-, Ôe donne à ce fujet une Defcription Géographique allez mal arrangée, dont voici le précis. Il nous dit que lorfqu'on va d'Arménie en Perfarménic, on a au côté droit le Mont Taurus, dont la chaine s'étend jufqu'en Ibérie 6c d'autres Pays voifins. On trouve au côté gauche un long chemin dont la pente eft douce, Ôe de hautes montagnes couvertes de neige en toutes faifons. C'eft dans ces montagnes qu'eft la fource du Phaze, qui arrofe la Colchide. ■ Ce Pays a été habité de tout temps , pourfuit-il, par les T\anïcns 3 appelles auparavant Sannicns , Peuples barbares, 6c autrefois indépendans , mais qui, de fon temps, avoient embraifé le Chriftianifmc , 6c fervoient les Romains. Procope ajoute, que lorfqu'on a paffé la frontière de cette Nation, on trouve une vallée très-profonde 6c pleine de précipices qui s'étend jufqu'au Mont Caucafe ; elle eft extrêmement peuplée, 6c produit des vignes 6c des arbres fruitiers en abondance; il y a un efpace d'environ trois journées qui relevé des Romains , le refte fait partie delà frontière des Perfarméniens. C'eft-là, continue cet Auteur, qu'il y a des mines d'or, dont le Roi de Perfe avoit donné la direction à un homme du Pays nommé Simeon ; celui-ci voyant que la guerre s'échauffoit entre les Romains 6c les Perfes , prit la ré-folution de fruftrer le Roi du Tribut qu'il lui devoit pour la ferme de ces mines ; il paffa dans le parti des Romains , 6c leur livra le Fort de Pharangion 3 mais avec la condition qu'ils ne participeroient en aucune manière au produit des mines, dont il fe réferva tout le profit. Ce fut dans ce temps-là que Narsès Ôe Aratius, qui avoient autrefois livré bataille à Bé-lifaire dans la Perfarménie, panèrent dans le parti des Romains, Ifaac leur frère voyant le bon accueil qu'on leur avoit fait, livra auffi aux Romains le Fort de Bolon. On voit aifément par la Relation de Procope, qu'il a voulu parler des mines de Gu-muchckhana 3 les plus riches de cette Contrée. Elles font fltuées à l'Eu; de Trébizonde dans les montagnes appellées par les Anciens Paryadres3 Ôe Mofchichi Montes 3 fur les frontières de l'Arménie Perfane. J'ai parlé de l'état de ces mines dans mon Ouvrage manuferit intitulé , Eclairajjemens fur le Commerce de la Mer Noire 3 que j'ai envoyé à la Cour en 1762. [ Koye\ les Cartes Nos /. & IL] CHAPITRE XV. Nouveau Tableau de la jîtuation des Peuples Sclavons. Les Turcs Orientaux commencent de fe montrer fous le nom de Cha^ares. Pouk reprendre le fil de l'Hiftoire des Barbares , il faut à préfent fe repréfenter un troificme tableau. Il n'eft plus né-ceflaire de faire aucune attention à la différente origine de ces Peuples, qui, dans les fiecles précédens, ont fait toutes les diverfes incurfions dont j'ai parlé allez en détail ; il ne faut plus les confidérer que comme des Sclavons , dont les uns Font Payens ôc non-baptifés au-delà des Monts Crapaks , ÔC les autres font établis en - deçà du Danube dans les Pays que nous appelions aujourd'hui la Servie, la Croatie Ôc la Sclavonie, ÔC Y ont reçu les lumières de l'Evangile. Tous ces Sclavons Sep- tentrionaux 6c Méridionaux ayant la même origine , ont auffi la même Langue. Les Bulgares n'ont rien de commun avec eux; ce font, comme je l'ai déjà dit, des Scythes venus de la grande Bulgarie à travers le Pont-Euxin , pour s'établir dans un Pays , auquel dès les premiers temps, d'autres Peuples , Scythes comme eux, avoient déjà donné le nom de Scythie Pontique. Depuis ce temps je les ai fait voir Chrétiens, tranquilles 6c fournis aux Romains, fe révoltant cependant quelquefois par zele pour la Religion. Ces Scythes , auxquels on a donné le nom de Bulgares, ont îîmplcmcnt emprunté la Langue Sclavonne des Sclavons Septentrionaux 6c Méridionaux , avec lcfqucls ils ont toujours commercé fans interruption. Je l'ai déjà obfcrvé dans le Chapitre fécond ; je tâcherai de le prouver encore plus au long dans la fuite. Juftin II. 6c Tibère furent principalement occupés à la guerre de Perfe, 6c à celle qu'ils foutinrent en Italie contre les Lombards unis aux Avares. Il y a des preuves certaines que fous le règne de Juftin 11. les Avares commencèrent leurs actes d'hoftilité contre les Romains. Les Hiftoriens en parlent de manière à faire entendre qu'ils panèrent alors le Danube pour la première fois. C'eft le fentiment de Dodwel, appuyé lur le témoignage d'Evagre. Ce dernier dit que ce Prince, au commencement de fon règne, appclla Juftin fon parent, qui étoit alors vers le Danube pour en défendre le partage aux Avares. Dodwel remarque très - judicieufement qu'Evagre ne fçauroit fe tromper fur un fait arrivé de fon temps , ÔC lorf-qu'il avoit déjà atteint l'âge viril, puifqu'il étoit né au commencement du règne de Juftinien. Ménandre même, cité par Conftantin Porphyrogcnete, qui a erré fur l'époque de la première apparition des Avares ; Ménandre , dis-je, rapporte que l'Ambaffade I'Ambaflade envoyée par ces Peuples à l'Empereur Juftinien, la trente-fîxieme année de fon règne, 563 de Jefus-Chrift, eut lieu à i'inftigation de Juftin, parent de Juftin 11, qui gardoit alors, comme je l'ai déjà dit, le partage du Danube, avant que les Avares fulTent en pofleffion de la Dalmatie, Il paroît de-là manifeftement que l'an 3 1 du règne de Juftinien ces Barbares n'étoient pas encore connus à Conftantinople, ôc n'avoient encore fait aucun mal aux Romains ; ôc l'on doit conclure qu'ils paiTerent pour la première fois le Danube lorfqu'ils réfolurent d'envoyer à ce Prince I'Ambaflade dont je viens de parler; ils n'eurent même des porteflions en-deçà de ce Fleuve que fous le règne de l'Empereur Maurice. Ce fut en effet du temps de ce Prince, lorfque Prifcus gouvernoit PIllyrie , ôc qu'Héraclius, depuis Empereur, commandoit les Armées en Perfe en qualité de rtmple Général; ce fut alors, dis-je, que les Avares, connus aulîi fous le nom de Slaves ou Sclavons, commencèrent de s'établir dans les Provinces Cififtriennes. Conftantin Porphyrogenete femble vouloir rapporter les premières incurfions des Avares au temps de Dioclétien. Je rappellerai encore à ce fujet un partage de cet Auteur, que j'ai déjà cité au Chapitre neuvième. » L'Empereur Dioclétien , »> dit-il, aima beaucoup la Dalmatie ; c'eft ce qui l'engagea » à y amener des Colonies Romaines. Ces Peuples étoient » appelles Romains parce qu'ils venoient de Rome, Ôc on » leur donne encore le même nom aujourd'hui. Ils tentèrent » un jour de pafler le Danube, jufqu'auquel s'érendoient leurs » limites. Ils trouvèrent les Sclavons, qu'on appelioit aullî >? Avares, gens fans armes, qui habitoient le Pays qu'occu-» pent aujourd'hui les Turcs ( c'eft-à-dire la Hongrie ). Tous » les ans les Romains prenoient les armes à Salonc > Ôc al- K « loient garder les bords du Fleuve. Ceux d'entr'eux qu'ils » envoyèrent fur l'autre rive, tombèrent dans une embufcade » des Sclavons, qui, après les avoir tués, s'emparèrent de « leurs armes, paiFcrent le Fleuve , battirent les Romains qui « y faifoient la garde, envahirent Salarie8e fe rendirent « maîtres des lieux élevés où les Romains s'étoient réfugiés. « Ceux qui échappèrent à leur fureur fe retirèrent fur les côtes « de la Mer Adriatique, où ils bâtirent Ragufe nouvelle , Afpa-^5 latum j Tetmngurium, Diadora, Arbé > Becla 8e Opfara, dont -»î les Habitans portent encore aujourd'hui le nom de Romains. « ( Confi. Porpk. C. ip & 30 ). c«. Cet Auteur ajoute en particulier au fujet de Raguze, que les anciens Raguzois Vayoaîoi habitoient autrefois la Ville d'Epidaure 3 mais que cette Place ayant été prife par les Sclavons, les Citoyens qui fe dérobèrent à la barbarie des Vainqueurs , allèrent chercher leur sûreté dans des lieux efearpés où ils s'établirent, 8e fondèrent en-fuite la nouvelle Ragufe l'an 449, fous le règne de Théodofe le Jeune. Le nombre des Habitans de cette Ville fut confîdé-rabkment augmenté par la tranfmigration de ceux de Salone 3 &e l'on fut obligé jufqu'à quatre fois d'étendre le circuit des murailles. Cette fondation a donné lieu aux favantes recherches de Banduri, que Ton trouve dans fes notes fur Conftantin Porphyrogenete. Il eft évident par le témoignage de la plupart des Hiftoriens , que les Avares n'ont commencé de paroître fous ce nom que vers le milieu du fixicme fiecle, à la fin du règne de Juftinien , oc au commencement de celui de Juftin II. Ce qui me paroît avoir donné lieu à l'erreur de Conftantin Porphyrogenete, 8c de divers Auteurs plus modernes , c'eft qu'ils ont confondu les Avares avec les Slaves ou Sclavons, nom générique de ces Barbares; mais les Sclavons qui commencèrent leurs courtes fous le règne de Dioclétien, Ôe les Fondateurs de Raguze ÔC de toutes les autres Villes dont je viens de parler , n'avoient point encore pris le nom d'Avares, fous lequel ils n'ont été connus que quelque temps après des Empereurs de Conftantinople , ôc qui n'a été donné, je penfe, qu'aux dernières Nations Sclavones qui ont défolé l'Empire Romain. Mais comme les Avares étoient venus de la Pannonie, ôcdu même Pays que les Huns ôc les Slaves, Peuples Sclavons comme eux, plufieurs Ecrivains ont dit que les Huns ôc les Sclavons étoient Avares, au lieu que ces derniers"n'étoient qu'une Tribu Sclavonne, dont le nom particulier a été confondu avec le nom générique de toute la Nation. L'Hiftoire nous apprend que les Avares dans l'incurfion qu'ils firent fous le règne de l'Empereur Maurice, s'avancèrent de la Dalmatie dans la Thrace, ôc vinrent jufqu'aux portes de Conftantinople. On n'auroit pas pu même les amener à une paix fans le ravage que la pefte fit dans leur Armée. Maurice ayant rompu cette paix , fans aucun fujet légitime, fut battu ; ôc le refus qu'il fit de payer au Cagan des Avares la rançon des Pri-fonniers , fut caufe que ce Barbare les fit tous mourir. Maurice fe reprocha la dureté de fon refus, qu'il expia par la réfi-gnation avec laquelle il fubit fon fupplice , après avoir foute-nu le fpectacle du meurtre de fes enfans, que Phocas fit tous décapiter à fes yeux l'an 601. C'eft, à ce que l'on préfume, au regne de Phocas que l'on doit rapporter l'époque de l'incurfion des Chrobates ou Croates 3 dans la Sclavonie 6c la Croatie. Si l'on en croit Conftantin Porphyrogenete, les Avares avoient à peine chaue les Romains de la Dalmatie, qu'ils y furent fuivis par les Croates K ij qui les en dépoftederent eux-mêmes. Ces Croates non-bapti-fés demeuroient, comme je l'ai déjà dit, au-delà des Monts Crapaks, 6e faifoient partie des Sclavons, Baftarnes d'origine qui occupoient la Ruflle Polonoifc, la Siléfic ôc la Bohême. Ils confinoient avec les Francs , qui font les Saxons , auxquels ils étoient fournis. » Ils habitoient, dit Conftantin Porphyroge-» netc , vers la France que l'on appelle auffi la Saxe, 6c obéif-« foient à Othon le Grand, Roi de France. « Une de ces Tribus Sclavones pafla en Dalmatie 6c y trouva les Avares avec lefqueJs elle foutint une guerre qui dura plufieurs années; ces derniers furent vaincus 6c fe trouvèrent après leur défaite confondus avec les Croates. C'eft pour cela que Ton trouvoit encore, du temps de Conftantin Porphyrogenete, dans la nouvelle Croatie des reftes de ces Avares dont on diftinguoit parfaitement l'origine. Les Croates victorieux des Avares fe divi-ferent en deux Tribus. L'une pafta dans la Pannonie, 6c y demeura encore pendant quelques années foumife aux Francs ou Saxons ; mais elle fecoua bien-tôt le joug, reçut le Baptême, vécut libre, 6c fut diviféc en onze Zupani.es ou Seigneuries, mot dont les Walaques 6c les Moldaves ont tiré celui de Zupouni > qui figniric en leur Langue Sieur ou Seigneur. Conftantin Porphyrogenete a donné 1 enumération de ces onze Diftri&s qui me mencroit trop loin. Il fuffît d'obfcrver l'époque de l'établincment de ces Sclavons dans le Pays qui a retenu leur nom de Sclavonie entre la Save 6c la Drave. La féconde Tribu de ces Sclavons mêlés avec les Avares qu'ils avoient vaincus, s'avança, fous le nom de Croates, dans le Pays auquel elle a donné le nom de Croatie. Ces Croates ayant fait des progrès vers l'Occident, abandonnèrent infcnfiblcmcnt ces terres d'où ils avoient chalFé les anciens Habitans, ôc que nous appelions aujourd'hui la Servie, du nom des Scrviens qui vinrent y fixer leur demeure fous le règne d'Héraclius. Ces derniers étoient auffi du nombre de ces Sclavons établis au - delà des Monts Crapaks , mais plus vers l'Occident que les Croates, ôe du côté de la Bohême. Le Chef de cette Nation eut deux fils, dont l'un vint avec une nombreufe troupe de Sclavons offrir fes fervices à Héraclius. Cet Empereur leur donna d'abord des terres dans la partie de la Province de Thcflalonique, qui, depuis ce temps-là , s'appella Servie3 du nom de ces Sclavons, qui furent appelles Scrviens, parce qu'ils fervoient les Empereurs. Quelque temps après, ces nouveaux venus voulurent retourner dans leur Pays ; mais dès qu'ils curent parte le Danube, ils changèrent de réfolution , ôe parle Confeil du Gouverneur de Belgrade ou de Taurunum ,.ils écrivirent à Héraclius pour lui demander la permiffion de s'établir dans les terres qui bordent le Danube ôe la Save. Elles étoient demeurées inhabitées depuis que les Croates, mêlés avec les Avares, ayant charte les anciens Habitans vers la Mer Adriatique, s'étoient retirés eux-mêmes dans la Sclavo-nie ÔC la nouvelle Croatie. L'Empereur Héraclius leur concéda ces terres; ils s'y établirent, ôe y retinrent le nom de Serviens. Ils étoient fournis aux Empereurs d'Orient, pour l'intérêt defquels ils firent depuis plufieurs diverfions fur les Bulgares qui s'étoient rendus indépendans. Conftantin Porphyrogenete entre dans divers détails fur les guerres des Scrviens contre les Bulgares ; mais je me borne à indiquer ici l'origine des Sclavons qui font venus occuper la Sclavonie, la Croatie ôc la Servie. L'Hiftoire nous apprend que vers la fin du douzième fiecle en 1199 , Etienne Zupan de Servie voulut fe fouf-ttaire à la dépendance des Rois de Hongrie, dont cet Etat relevoit alors , ôc prendre lui-même le titre de Roi. Il envoya des AmbafTadeurs au Pape pour le prier de le lui conférer. Cette demande irrita le Roi de Hongrie, qui le dépofTéda, ÔC mit à fa place Voule ou Vulcan, auquel il confentit que le Pape donnât la Couronne Royale ôc le titre de Roi de Dalmatie ; ce qui fut exécuté ; ôc la Servie, par-là, fut érigée en Royaume, La victoire des Croates fur les Avares, ôc leur retraite vers l'Occident, doivent être rapportées à un temps poftérieur au ilége de Conftantinople, que les Avares rirent en 6ij, d'intelligence avec les Perfes. Ceux-ci, l'année précédente, s'étoient emparés de Calcédoine dans PAfie Mineure. Conftantinople fut délivrée par une réfiftance extraordinaire des Habitans qu'on regarda comme un miracle, ôc qui fut fuivie des Victoires d'Héraclius fur Chofroès, Roi de Perfe. Sous le règne de cet Empereur, les Romains commencèrent de connoître les Chazares qu'ils défïgnoient par le nom de Turcs Orientaux. Ces Peuples étoient des Scythes qu'on doit regarder comme une Tribu de Turcs. L'Auteur de la Bibliothèque Orientale prétend qu'ils tiroient leur nom de Khozar ou Khazar, fils de Japhet ôc frère de Turc. Ce Khazar fe fé-para de fes frères établis dans diverfes Contrées du vafte Pays connu aujourd'hui fous le nom de grande Tartarie, ôe vint fur les bords du Fleuve Edel3 qui eft le Volga d'aujourd'hui ; il y fonda une Ville, à laquelle il donna fon nom, ôc fit femer dans fon territoire du millet, le feul grain qui croit dans cette région. Les Habitans de ce Pays retinrent le nom de la nouvelle Ville, ôc furent appelles Khozariens, Leur territoire embraffoit le Nord de la Mer Cafpienne depuis le Volga vers fOrient; ôc c'eft d'eux que cette Mer 4 pris le nom de Rahr* Khozar ou Merde Khozar, que IcsPerfans ôe les Turcs lui donnent encore de nos jours. Ces Khozariens font les mêmes que l'on trouve cités dans les Hiftoriens Grecs ÔC Larins qui onc écrit fur les démêlés d'Héraclius 6c de Chofroès. Ils ont auffi donné origine aux Khozariens, qui, vers le fécond 6c le troisième fiecle de l'Hégire , ont fait diverfes irruptions en Alie. Le Pays de Khozar eft voifin de celui de Kapfchak , 6c ces deux noms font même fou vent confondus dans les Hiftoires. Quelques Auteurs croyent que les Chazares avoient établi leur demeure dans la Cherfonefe Taurique, aujourd'hui la Tartarie Crimée, 6c que leur domination s'étendoit jufques dans le Nord de la Ruine : ce font probablement les Huns de Crimée dont parle Procope. Conftantin Porphyrogenete les place fur la Côte Méridionale de la Mer de Zabache, depuis le Couban jufqu'à Azoph , dans le Pays qui eft actuellement habité par l'Horde des Nogaïs du Couban, Sujets du Khan de Crimée; ils occupoient auffi les neuf Régions, novem Regiones, qui étoient vraifcmblablcmcnt les Ifles formées parle détroit de Jenikalé, anciennement le Bofphore Cïmmérien , & les branches du Fleuve Couban. Us obéiftbient à un Prince qui avoit le titre de Cagan , qui n'eft autre chofe que le mot de Khan mal prononcé. Us étoient divifisen plufieurs Tribus, dont Tune étoit celle des Cabares, qui fe joignirent aux Turcs proprement dits , 6c firent leur demeure dans le grand 6c le petit Cabarta y deux Provinces Orientales de la Circaffic , qui s'étendent le long du Mont Caucafe jufques vers *le Daguef-tan ; elles étoient anciennement foumifes au Khan des Tartarcs , comme tout le refte de la Circalfie ; elles font demeurées neutres 6c indépendantes par le dernier Traité de Belgrade , & ont formé une efpece de République. Les Habitans des deux Cabartas ont auffi aujourd'hui le nom de Tcherkés y qui leur eft commun avec tous les autres Circafîiens ; il y a cependant encore au Nord de la Géorgie une Tribu de Tartares qui a confervé le nom de Chazares ; Adil - Schah, Succeffcur de Tahmaz-Koulikan, combattit contreux au commencement de ion règne : j'en ai parlé dans la féconde Partie de mon Eftai fur les troubles de Perfe ôc de Géorgie, imprimé à Paris en 1753. Conftantin Porphyrogenete fait rénumération d'une infinité d'autres Tribus de Chazares : les Necés, les Madgiars , les Or-doudjermak les Tarions, les Genach > les Cares ôe les Cafés t toutes ces diverfes races de Chazares fe confondirent avec les Turcs ôe leur donnèrent leur Langue, qui devoit être la Langue Circafïicnnc, comme je tâcherai de le prouver dans la fuite. L'an 625 , Héraclius fe ligua avec les Chazares contre Chofroès , Roi de Perfe. Ces Barbares, commandés par un nommé Zicbil, Lieutenant de leur Cagan, pafferent la Porte Caf-pienne, ôe fe jetterent dans la Médie ou ils commirent d'affreux défordres. Héraclius partit du Pays des Laziens pour les joindre, ôe porter, de concert avec eux, la guerre dans la Perfe. L'accueil que ces Peuples firent à l'Empereur , étoit une preuve indubitable de leurs bonnes difpofitions. Ce Prince , pour en témoigner fa reconnoiiTance à Ziebil , lui fit de riches préfens, ôe s'engagea à lui donner en mariage fa fille Eudoxie ; il lui tint parole, Ôe la Princeffe fe mit en voyage l'année fuivante pour aller remplir fa deftinée ; mais Ziebil mourut pendant qu'elle étoit en route, ôe le mariage n'eut pas lieu, CHAPITRE 8.i CHAPITRE XVI. Démêlés des Empereurs avec les Bulgares & les Sclavons. Diverfes remarques fur les Cherfonites & les Bofpho-riens. Obfervations Géographiques fur la Cherfoncfe Taurique. Il ne fe paiTa rien de mémorable fous les règnes d.Héraclius Conftantin , d'Héracléonas ôe de Conftans. Les Succefléurs d'Héraclius curent principalement affaire aux Bulgares. J'ai déjà traité aftez au long de l'origine de ces Peuples ; je les regarde comme une Tribu de Scythes Nomades ôc Payens, errante aux environs du Danube, ôc groffie par quelques reftes des Goths qui pouvoient s'être joints à eux. Leurs courfes dans la Thracc commencèrent l'an 681. L'Empereur Conftantin Pogonat, fils de Conftans, fut forcé de faire avec eux une paix honteufe, ôe même de leur payer un tribut. On leur accorda par le même Traité, des terres dans la première Mcefie, où Ternobum, aujourd'hui Ternova, devint enfuite leur Capitale. Juftinien II, fils de Conftantin Pogonat, rompit le Traité que fon pere avoit conclu avec les Bulgares ; mais il fut pareillement réduit à leur demander la paix, Ôe ne put l'obtenir qu'en leur rendant tout ce qu'il leur avoit pris. Ce Prince , au rapport de Dioclcs, remporra une victoire mémorable fur les Sclavons ; après les avoir vaincus, il fçut tirer parti d'eux , 6c en employa trente mille dans la guerre qu'il fit aux Sar-razins commandés par Abdulmalec , Khaliphe de Damas. L O B S E R FATIONS Mais Mahomet, Général du Khaliphc, voyant que le Corps des Sclavons faifoit la principale force de l'Armée de l'Empereur, corrompit les Chefs, ÔC parvint à en attirer environ vingt mille dans fon parti, avec le fecours dcfquels il défit ôe tailla en pièces l'Armée de Juftinien. Ce Prince fe vengea fur les Sclavons qui lui étoient demeurés fidèles, de la défection des autres, ôe il les fit exterminer avec leurs femmes ôe leurs en-fans. Le mauvais fuccès de cette guerre entraîna la ruine de ce Prince. Il revint à Conftantinople honteux de cette malheu-reufe expédition , ôc bien-tôt après il eut le nez ôc la langue coupés, ôc fut relégué à Chcrfonc par les intrigues de Léonce qui lui fucceda, ôc ne tarda pas de fubir le même fort : car Tibère Abfimare fe faifit de lui , lui fit couper le nez, ôc le renferma dans le Monafterc de Dalmatc. Tibère ayant été déclaré Empereur, voulut faire mourir Juftinien dans le lieu de fon exil ; mais celui-ci trouva le moyen de s'échapper, ôc fe réfugia chez Bufiris, Cagan des Chazares, qui le reçut avec bonté , ôc lui donna en mariage fa fille Thco-dora ; mais enfuite ce Barbare écouta les propofftions de Tibère , qui, à force de préfens ôc de promenés, vint à bout de le corrompre, ôc de le porter à violer les droits de l'hoipita-lité, en attentant à la vie de Juftinien. Théodora, qui fut informée du complot, en avertit fon mari; ôc celui-ci, après s'être débarraffé des perfonnes qui avoient ordre de le faire périr, s'enfuit chez les Bulgares , ôc demanda du fecours à Ter-belle leur Prince, auquel il promit de faire époufer Théodora fa fille. Terbcllc accepta fon offre, ôc lui fournit une nom-breufe armée y qui l'aida à remonter fur le Trône. L'an yo6, Théodora, fille du Cagan de Chazares, fut proclamée Impératrice à Conftantinople. Quelque temps après Juftinien vou" lue porter la guerre chez les Habitans de Cherfone, les exterminer Ôe détruire leur Ville pour fe venger de leur trahifon ; mais les Chazares s'y oppoferent, Ôe l'obligèrent de retourner fur fes pas. Les Cherfonites élurent Empereur Bardane, Général Grec, que Tibère Abfimare avoit exilé chez eux; Ôc Juftinien trahi par fes Soldats, fut maffacré l'an 711. Ceci prouve en quelque manière, que les Cherfonites ôc les autres Peuples Habitans de la Cherfonefe > appelles autrefois Tau-rique 3 quoiqu'originairement Grecs, dévoient y être confondus ôc mêlés avec des Huns de la même Nation que les Chazares , puifque ceux-ci prenoient leur défenfe contre l'oppref-fion des Empereurs d'Orient. La Cherfoncfe Taurique, aujourd'hui la Tartarie Crimée, après avoir été gouvernée dans les temps les plus reculés, par des Souverains particuliers, conquife par les Taures, Peuples de la Scythie Européenne , qui lui donnèrent leur nom, prife fur eux par Mithridatc, Roi de Pont, reprife par les Romains , 8c foumife aux Rois du Bofphore, demeura enfin fous le pouvoir des Empereurs d'Orient dans le partage de l'Empire. Les Chazares, Barbares Orientaux désignés par Procope fous le nom de Huns, s'y établirent enfuite, ôc y étoient déjà connus du temps de Juftin. Nous voyons dans cet Hiftoricn que Gyrgene, Roi d'Ibérie, ayant imploré la protection des Romains contre les Perfes, l'Empereur envoya Probus pour faire une levée de Huns à Bofphore , Ville Maritime, que ceux qui navigoient fur le Pont-Euxin avoient à leur gauche ; elle étoit fituée à vingt journées de Cherfone, qui étoit la dernière frontière de l'Empire Romain. Le Pays entre ces deux Villes étoit occupé ôc pofledé par les Huns; il avoit autrelu^ appar> tenu aux Habitans du Bofphore, qui depuis fe fournirent à L ij l'Empereur Juftin. Ces Huns ou ces Chazares qui avoient envahi la Cherfoncfe Tauriquc , 6e qui y étoient encore établis du temps de Conftantin Porphyrogenete , donnèrent auffi à cette: prefqu'Ifle le nom de Cha^arie., qu'elle portoit encore dans le 14e. fiecle, quoiqu'elle fut déjà occupée par les Tartarcs d'aujourd'hui. L'an 1333 le Pape envoya à Conftantinople deux Millionnaires, dont l'un , appelle François de Camerino , fut fait Archevêcrue de Vyfpo ou Bofphore dans la Chazarie, l'autre nommé Richard, fut Evêque de Cherfone y 6c eut ordre d'y bâtir une Eglife de Saint Clément, 8e d'y fixer fon fiege, parce que l'on croyoit que ce faint Pape y avoit fouffert le Martyre. On peut déduire du Chapitre 53 de Conftantin Porphyrogenete que la prefqu'Ifle de Crimée étoit de fon temps divi-fée en deux Peuples, les Cherfonites 8c les Bofphoriens. Les Cherfonites étoient fidèles 6c fournis aux Empereurs d'Orient; ils étoient gouvernés par un Officier appelle Pro-tevon , qui avoit pour Confeil des Sénateurs ou Vieillards que l'on appelioit les Pères de la Ville. On leur envoya dans la fuite des Prêteurs ; Petronas , qui, fous le règne de Théophile , bâtit la Ville de Sarcel y fut le premier Prêteur de Cherfone. Ces Peuples étoient commerçant, 6c faifoient tout le trafic de la Mer Noire ; il leur convenoit de vivre en paix avec les Romains, leurs VaifTeaux étant comme un gage perpétuel que ceux-ci avoient de leur fidélité ; auffi Conftantin Porphyrogenete donne pour avis , que s'ils venoient à fe révolter , il n'y auroit qu'à faire arrêter fur le champ leurs Bâ-timens fur les Côtes & Arménie y de Paphlagonie 6c des Bu-cellariens : Il fe fonde fur ce que ces Peuples ne fçauroient fubfifter s'ils ne faifoient les voyages de Romanie pour vendre leurs cires 6c leurs cuirs, dont ils trafiquoient avec les Pat- \inacitcs ; 8c s'ils ne tiroient des denrées cYArninfus y de la Paphlagonie, des Bucellariens ôe des autres Peuples qui confinent avec l'Arménie. On peut obferver ici en pafTant, que le commerce de Crimée étoit dès ce temps-là à peu près le même qu'il eft aujourd'hui ; les cuirs 6c la cire en font encore les plus importans articles. Les Habitans de cette Contrée font encore un grand commerce avec la Romanie 6c la Côte Méridionale de la Mer Noire , qui comprend ce qu'on appelioit autrefois la Bythinic, la Paphlagonie 6c le Pont; ils n'ont plus, à la vérité , befoin des grains de cette Région, qui croilTent chez eux en très-grande abondance; mais ils en tirent encore des fruits 6c une infinité d'autres denrées. Les Bofphoriens , rivaux des Cherfonites dans la Cherfoncfe Taurique, habitoient la Ville de Bofphore, Capitale d'un Royaume qui comprenoit autrefois tous les Sarmates des environs du Palus Mœotide ou MerdeZabachc. On trouve dans Conftantin Porphyrogenete une Hiftoire abrégée des Guerres qu'il y a eues en divers temps entre les Cherfonites 6c les Bofphoriens. Sous le règne de Dioclétien ceux-ci s'étant avancés dans la Colchide ou Pays des Lazes, jufqu'au Fleuve Halis , fous la conduite d'un certain Crifcon ; Confiance, depuis Empereur , qui avoit été envoyé pour s'oppofer à leur progrès , ayant de la peine à les contenir, fe fervit fort à propos contr'eux d'une diverfion des Cherfonites. Ces derniers prirent la Ville de Bofphore, 6c ne la rendirent que lorfque Crifcon eut fait fa paix avec les Romains. Le Protevon de Cherfone étoit alors Chriftus, fils dePapias. Sous le ProtevonDiogene, fils de Dio-gene, le même Conftans, devenu Empereur , employa encore les Cherfonites à une autre diverfion contre les Scythes de la petite Scythie, 6c leur accorda en reconnoiffance un grand nombre d'exemptions & de privilèges. Sous Byfcus, fils de Supolichus , les Cherfonites battirent les Bofphoriens ; 6c les firent jurer de ne plus fortir à l'avenir de leurs limites qu'ils fixèrent à Caffa. Sous Pharnace les limites des Bofphoriens furent reliraintes à Cybernicum s 6c les Cherfonites ne leur laifTcrcnt que quarante milles d'étendue en-deçà du détroit. Ces limites fubfiftoient encore du temps de Conftantin Porphyrogenete. Il y eut dans la fuite une confpiration des Bofphoriens contre les Cherfonites ; les premiers s'étant introduits ôc cachés dans Cherfone 3 devoient y mettre tout à feu ÔC à fang. Cette conjuration fut heureufement découverte par une fille nommée Gycia : on lui érigea des Sratucs, fur le piédcffal dcfquellcs étoit gravé le précis de cette avanture. Le féjour que j'ai fait en Crimée en qualité de Conful de Sa Majefté auprès du Khan, m'a mis à même de faire diverfes Obfervations Géographiques, qui me paroiffent trouver ici naturellement leur place. Il y avoit dans la Cherfonefe Taurique une infinité de Villes Grecques ôc d'autres, dont les noms font rapportés par divers Géographes. Pour tâcher de les placer dans leur ordre , je commencerai par la Côte Occidentale de la Cherfonefe. Cherfone étoit la principale des Villes Grecques de cette partie de la prefqu'Ifle ÔC le chef-licu des Cherfonites. Elle en: connue des Anciens fous le nom de Hemclea Cherfonefus„* Pline prétend qu'elle a auffi été appellée Megarice y ôc qu'elle fut rendue libre par les Romains ; Scylax la range au nombre des Villes Grecques, ôc Strabon la donne pour une Colonie des Habitans d'Héraciée du Pont. Cette Ville devoit être habitée par les Taures ôc les Grecs, puifque Mêla compte dans la Cherfonefe trois Peuples ; les Satarches, qu'il place vers le Pl. ■j.'V^paç. 87. • le Cluin .xvr. pow TacJiely a urin Tnkctiy. G A RTE de la C RIJMEE Ancienne et Môaerne. Par M'. Pei/fdonncl. Elle estv au/aura1 /uiy divisée en Kivdxl^ks ou JucUcatures qui contiennent c/ Tilles ou E'orteresses, et ScfCjBounjs ou J'ulaacs, suivant le Dénombrement qui en futjàitpajBciiyhlxj (rueray Klian^J, iwlqtte teins avant ou mort. y Xrt . rt'/>T«rtar nS. irit lley, Kadilyks à tOccuL 'de la Plaine. TcheL'ilyck . iXamardjik.. Karaoul . AleiUjfhit . Karakoud . Diptarkhan . Bouiak.. G/ica zlcve, ou Giurlçot. \u c online delà Plaine. Orkapi ou Pérearp ■ SakaL . tfeyd FÂy . NoiLSSOllf. Tamak. Becti pair . Ilote liai y. Chàkh FÂy . Seul 1er . Kbittech l&xragKeiix, & <>lfe de Eell*& Jliltej d'Orient Bal y khi va M E R N O I R E Crimncto Septentrion ; les Grecs feuls, fur la Côte Maritime; ôe les Taures confondus avec les Grecs du côté du Midi. Après l'invahon des Huns ou des Chazares, les Barbares y habitoient fans doute auffi en communauté avec les anciens Taures Ôe les Grecs , fous la domination des Empereurs d'Orient. Ce fut vraifcmblablement ce qui engagea les Chazares à prendre le parti des Cherfonites lorfque l'Empereur Juftinien II. forma le projet de les exterminer. Le Pape Martin, exilé à Cherfone , fait une peinture peu avantageufe du féjour de cette Ville. « Nous fommes, dit-il, non-feulement féparés de tout le refte u du monde, mais même privés de la vie; les Habitans du " Pays font tous Payens, ôc ceux qui y viennent d'ailleurs » en prennent les mœurs, n'ayant aucune charité, pas mê-*i> me la compaffion naturelle qui fe trouve parmi les Barba-w res. Il ne nous vient rien que de dehors par les barques qui "» arrivent pour charger du fel ; Ôc je n'ai pu acheter autre »5 chofe qu'un boifteau de bled pour quatre fols d'or, « II paroît que dès ce temps-là le fel des falincs de Tapra Ôc de Cherfone 3 devoit être, comme aujourd'hui, une des principales branches du Commerce de ces Pays - là. Cherfone doit être néceftairement la Ville appcllée aujourd'hui Koflof par les Ruiïcs, ôc Guflevé par les Turcs ; les indications des anciens Ecrivains ne laiffent pas lieu d'en douter. L'Empereur Conftantin Porphyrogenete établit une diftance de 300 milles du Fleuve Danaprîs ou Borifthene , à Cherfone. Cette diftance ne répondroit pas à la vérité au calcul des milles Italiques. L'on ne trouve du Boryfthene à Perecop que 36 licucs Tartarcs , qui font environ 40 lieues communes de 3000 pas géométriques, ôc 18 lieues Tartares ou 20 lieues communes Qe Perecop à Guflevé. Le compte eft exa&, Ôc je l'ai vérifié —Il 1111111 II I i lilHMIHII—T*—™ moi-même la montre à la main ; de forte qu'il n'y a en tout de ce Fleuve à Guflevé, que 60 lieues communes qui ne fe-roient que 180 milles ; mais il eft manifefte que Conftantin Porphyrogenete parle de milles beaucoup plus courts, oë de ceux par Icfquels on compte aujourd'hui dans toute la Turquie , dont il faut cinq pour une lieue de 20 au degré : ce qui le prouve à n'en pas douter, eft que ce Prince compte également 300 milles de Cherfone au Bofphore: or il eft incontcftable que de Guflevé, oli étoit cette ancienne Ville, à Ka\andip , qui eft le lieu le plus avancé du Bofphore vers la Mer de Za-bache, il n'y a que 60 lieues communes, qui font préçifémeht les 300 milles de cet Auteur, M. de Tournefort dans fon Voyage du Levant, a fait avant moi la même Obfervation fur les milles de Turquie. » Il eft furprenant, dit - il, que les « mefures des Anciens fe trouvent quelquefois 11 conformes à v celles des Grecs d'aujourd'hui ; il femble que ces derniers les « ayent confervées par tradition: car ils n'ont point de me-. »> fures certaines, 6c ne fe fervent que de pas communs, &c. « Le pas commun eft évalué à trois pieds de Roi, & le pas Géométrique à cinq. Par conféquent il faut 5000 pas communs ou cinq milles de Turquie pour une lieue de 3000 pas ou de trois milles Géométriques ; ainfi les 60 lieues qu'il y a du Boryfthene à Guflevé3 reviennent à la diftance de 300 milles, que Conftantin a établie entre le Danapris & Cherfone. Les in~ dications des Géographes bien plus anciens concourent pareillement à déterminer à Guflevé la place de cette ancienne Ville. Pline &: Mêla font ceux qui s'expriment avec le plus de netteté à ce fujet. Suivant Pline, après Taphra^ qui eft incontestablement Perecop 3 vient Heraclea Charonefus ; cet Auteur ne faifant pas mention des Villes à'Eupatoria & de J)andaca9 Dandaca 3 que Ptolémée place entre Tapkra Ôe Cherfone ; la première après Taphrd3 fuivant fon fyftême, doit être Cherfone. Guflevé eft en effet la première Ville que l'on trouve après Perecop en defeendant vers le Midi ; c'eft le feul lieu notable qu'il y ait dans cet efpace. Cette Ville paroît avoir été autrefois très-grande ôe floriflante, telle que Cherfone eft dépeinte par Pline, qui la dit ceinte d'un mur de 5000 pas de circuit. Guflevé eft encore entouré aujourd'hui de murailles flanquées de tours ; ôe c'eft la feule Ville dans cette partie de la prefqu'Ifle, qui puiffe repréfenter l'ancienne Cherfone. Conftantin Porphyrogenete donne une autre indication bien frappante,^ t£> iÀvcù cTs X'iuvm x) XifÂpiç uviv > îv cuç X^^irsti otÀaç içyaiÇovTcu > au milieu dit-il, ( c'eft-à-dire entre le Danapris ôe Cherfone ) il y a des ports & des étangs oit les Cherfonites font le fel. En effet, entre le Boryfthene oc Guflevé on trouve les falines de Perecop ou Orkapi 3 fituées à quatre lieues au Midi de l'Ifthme, en-dedans de la prefqu'Ifle ; elles confiftent en deux Lacs , dont chacun a environ trois lieues de circonférence : on ne tire du fel que de celui qui eft à l'Occident, oc qu'on appelle Khalal-Gheul, ou le Lac permis : on ne touche pas à l'autre nommé Kharam-Gheuf ou le Lac défendu, quoiqu'il foit auffi abondant que le premier ; je penfe que la feule raifon eft qu'on n'en a pas befoin : car le premier fournit plus de fel qu'il n'en faut pour le Commerce, 6c pour la confommation annuelle des Habitans ; on ne fait qu'en écorner tant foit peu les bords , 6c on en tire encore plus de fel qu'il n'eft poiïible d'en débiter. Ces deux Etangs ne fe defîè-chent jamais ; 6c l'on y voit avec furprife le fel fe former entre deux eaux comme une croûte de répaifleur de trois ou quatre pouces. Il commence de fe coaguler au mois de Mai; M ôc dès qu'il a pris une certaine confiftahee, la pluye l'engraiffe au lieu de le di (foudre; mais lorfqu'il furvient de fortes pluyes en Marsôc en Avril, avant que le fel foit formé, la coagulation n'a pas lieu, ôc il n'y a plus d'efpoir de récolte pour cette année-là. On trouve auffi à une- lieue au Sud-Eft de Guflevé > que j'ai démontré être l'ancienne Cherfone} deux autres grands Etangs falés, à peu près de la même étendue que ceux dont je viens de parler, ôc dont on tire pareillement une prodigieufe quantité de feJ. Ceux-ci font immédiatement attenans à la Mer, ÔC doivent être ce que Ptolémée appelle le Port de Ctenus , dont l'entrée paroît avoir été fermée infenfiblemcnt par la grande quantité de fable que la Mer y a entraîné, ÔC avoir formé ces deux Etangs, qui touchent à la Mer, ôc repréfenrent un Port dont l'embouchure a été comblée. Suivant Strabon , l'un de ces deux Lacs devoit être le Port de Ctenus ; mais pour pouvoir retrouver l'indication de ce Géographe, il faut fuppofcr , comme on le voit fur ma Carte, qu'autrefois les deux Lacs n'en faifoient qu'un, qui fe joignoit à la Mer, ôc que l'efpacc qui le féparoit du Port des Symboles 3 formoit l'Ifthme de c ette petite Cherfonefe, que Strabon dit être partie de la grande. Moyennant cette hypothèfc très-vraifembla-ble, les filincs d'aujourd'hui fuppofèes réunies enfemble, ôc jointes à la Mer, forment avec le Golfe de Felenk - Bournou 3 ou le Port des Symboles 3 une véritable prefqu'Ifle; Ôc la Ville de Ctenus, qui, fuivant Strabon, étoit fituée vers le milieu du Lac, fe trouve alors, comme le dit ce Géographe, à une %de diftance de Cherfone ôc du Port des Symboles, ÔC pré-cifémcnt dans le point oii je l'ai placée. On ne retrouve plus les moindres veftiges des deux Ville* d'Eupatoria ôe de Dandaca. La première pourroit avoir été placée dans la rade mal sûre où eft aujourd'hui le petit Village d'Akmefchid \ ôe l'autre dans le lieu que les Tartarcs appellent encore Eski-Foros 3 ou l'ancien Phare, fur la pointe de la pref qu'Ille, qui s'étend fort loin vers l'Occident, au Nord de Guflevé. Je ne faurois leur adigner d'autres places. Nous voyons dans Strabon, quEupatoria fut bâtie par Diophantus, Général des Troupes de Mithridatc , qui lui donna apparemment le nom de ce Prince : elle a été appellée dans la fuite Pompeïopolis. Continuons d'examiner la Côte Occidentale de la Cherfoncfe. Pline indique avec raifon immédiatement après Cherfone} le Promontoire Panhenium > que Ptolémée a placé mal-à-pro-pos au Nord de cette Ville : car depuis Guflevé veijs le Nord, jufqu'à Perecop) il n'y a pas fur la Côrc la moindre Montagne, Colline ni Elévation qui puifte jamais avoir été appcllée Promontoire; c'eft un Pays enticrement plat, ôe la pointé dEski-Foros, qui s'étend fort avant dans la Mer au Septentrion de Guflevé, n'eft qu'une plage de la même nature. Par-■thenium eft donc indubitablement, fuivant l'indication de Pline , le Cap de Felenk-Bournou 3 peu éloigné de Guflevé du côté du Midi. Ce Cap eft parfaitement déligné dans Pompo-nius Mêla ; ce Géographe dit que le Sinus Portuofus , ou KaAoç XtjLiiv que l'on trouvoit après la Ville de Cherfone, étoit formé par deux Promontoires, dont l'un étoit le Cap Panhenium, ôe l'autre le Cap Criumetopon, Ke*« iÂtcûttqvy qui faifoit face au Promontoire Carambicus en Ahe. Le Promontoire Panhenium eft donc, comme je l'ai déjà dit, le Cap appelle Felcnk-Bcunwu ; le Sinus Portuofus eft le Golfe du même nom que le Cap ; il eft en effet fi rempli de Ports, M ij que Ton eu compte jufqu'à dix-neuf dans toute fon étendue, La Côte Septentrionale de ce Golfe cil appcllée Beche-Liman 3 ou les cinq Ports, parce qu'il y en a réellement cinq excel-lcns, & propres pour toutes fortes de Navires. La Côte Méridionale eft connue fous le nom de Ondcun - Lunan y ou les quatorze Ports, parce qu'on y en trouve effectivement quatorze, tant bons que mauvais. Le Promontoire Criumetopon | elt le Cap formé par les Montagnes de Balyklava ; c'en: le plus avancé de toute la prefqu'Ifle vers le Midi ; il eft auffi 3 comme dit Pomponius Mêla, directement oppofé au Cap Kerinê dans la Natolie , entre Anaboli ôc Ghidoros ; ce Cap eft le Ca~ rambicus des Anciens, dans la Paphlagonie. Le long du Promontoire Criumetopon on trouve le Port dAylita reconnu pour très-bon par les Navigateurs de la Mer Noire, Ôc celui de Baly-Klava y le meilleur de toute la prefqu'Ifle : il eft rond, fermé de tous côtés par de hautes montagnes ; fon entrée eft fi étroite, que deux VaifTcaux auroient de la peine à s'y introduire de front ; il y a cependant allez de fond pour donner pafïàge à des Vaiffeaux du premier rang. Sur la Montagne qui forme le Flanc Oriental de l'embouchure du Port il y a une ForterefFc ruinée , que l'on dit avoir été bâtie par les Génois, mais que je croirois d'une antiquité plus reculée. Elle prouve en toute manière que la Place devoit être de quelqu'importance. Ce Port répond à ce qu'Ortélius appelle dans fa Carte, Borta Antrum ; fon embouchure eft en effet fi étroite qu'elle annonce plutôt l'entrée d'un antre ou d'une caverne que celle d'un Porr. Immédiatement après le Port de Baly - Klava vient la pointe d'Aï a , qui eft le véritable Criumetopon ; ôc forme l'angle le pl us avancé de tout le Promontoire. .Je croirois que c'eft aux environs de Baly-Klava\ qu'étoient les ™v Khtpeirav, urées Climatum de Conf- tantin Porphyrogenete. C'eft en effet dans cet endroit-là que M. de l'Ifle les a placées dans fa Carte de l'Empire d'Orient, compoféc d'après le Thème de ce Prince. La plupart de nos Géographes modernes veulent que Par-themum foit le Cap Rofaphar, Criumetopon Famar ; le Port Symbolon, Sibula; le Promontoire Carambicus, le Cap Pi-cello \ ainfi du refte. Il n'y a dans toute la Crimée ni Rofaphar \ ni Famar , ni Sibula, il n'y a pas plus de Picello dans la Natolie ; 6c tous les noms Orientaux font fi fort défigurés par nos Européens, qu'il eft impoffible de les retrouver fur nos Cartes. J'allai en Tartarie en 1754, muni des deux Cartes de ce Pays-là, dreffées par ordre de l'Impératrice de Ruffie, lors de la dernière guerre des Runes avec les Turcs; oc tirées d'après les originaux , levés fur les lieux par Meneurs les Généraux Munich 6c Lazzi. Je croyois que ces Cartes me feraient d'une grande utilité ; il me fut impoffible de m'y reconnoître, ni pour la configuration de la prefqu'Ifle, ni pour les noms des lieux, à l'exception de ceux des principales Villes, qui y font même encore extrêmement défigurés. Je fus obligé de recourir à une Carte Turque infiniment exacte à tous égards, 6e d'après laquelle j'ai drefle celle que j.'ai inférée dans cet Ouvrage.. C'eft après la pointe Data que commence la Cote Orientale de la Cherfoncfe Taurique , dont le premier Promontoire étoit celui de Charax : c'eft certainement le même que les Tartarcs appellent aujourd'hui Cara-Kaïa 3 qui lignifie la roche noire. Le mot Cara dont ils ont fait une épithete, eft viiiblement le nom de Charax un peu changé ; de Charax-Kaïa, ou la roche de Charax> ils ont fait Cara-Kaïa, ou la 94 OBSERVATIONS TOMTillil» IIIIWWMMBIMlMMBi^iiMMBWMMWaMMMMMHrir*-nrilllIMMM roche noire. Après ce Cap, Ptolémée indique la Ville de Ztf-gyra y Aotyv^^ elle devoit être placée ou eft aujourd'hui le Bourg de Belhek. Je penfe que le Fleuve appelle à préfent Sal-ghir j qui prend fa fource dans ce DiftricF, tiroit fon nom de celui de l'ancienne Lagyra y que les Tartarcs ont enfuite un peu corrompu. Le même Géographe place après cette Ville le Promontoire. Corax, qui eft certainement le Cap connu de nos jours fous le nom de Kirkinos-Bournou ; c'eft le feul Cap notable que l'on trouve depuis la pointe d'Aïa jufqu'à Caffa. L'étimologie du nom me paroît décifive ; ce Promontoire Corax aura été nommé par les Grecs du bas Empire Ko^mcwoç Promoniorïum Coracenum y ôe les Tartarcs en auront fait par corruption Kirkmos-Boumou , ou le Cap Kirkinos. Le mot Turc Bouroun, qui, dans fa véritable acception fignifie le nez , fc prend auffi pour Cap, ôe toute pointe de terre avancée dans la Mer. Quant au Fleuve Iflrianum y Içptavoç dont Ptolémée place l'embouchure après la Ville de Lagyra y je puis affiner que c'eft un être de raifon : car il n'y a très-certainement depuis Bali-klavay ou le Cap Criumetopon y jufqu'à JenïkaUy que je crois être Panticapœum 3 aucun Fleuve, Rivière ni Ruifteau qui fe décharge dans la Mer Noire. Les Rivières qui arrofent la Crimée font, Boulganak y Aima y Tchuruk-Sou y Kaichi y Çabarta y ôc Ka\iklucu7ven y qui fe jettent dans la Mer Noire entre Ba-liklava Ôc Guflevé, ôc Salghir y Sari-Souy le grand Kara-Sou> le petit Kara-Sou, le Kourou - Indaly YIndaly ôc un fécond Tchuruk-Sou s qui ont leur embouchure dans la Mer Pourrie, dont je parlerai ci - après ; ainfi l'erreur de ce Géographe eft mamfefte, à moins de fuppofcr l'abfolu deiFechement de ce Fleuve prétendu. Après le Cap Corax 3 doit fuivre, fuivant mon opinion ,1a Ville de Cytœum , que Ptolémée a, je penle, rangé mal-à-propos dans la claflc des Villes Méditerranéen ; c'eft le Bourg appelle aujourd'hui Soudag, dont la pofition répond parfaitement à la place qu'Ortelius a donnée dans fa Carte de laTaurïque , à l'ancienne Ville de Cytœum ; ii l'a feulement un peu trop avancé dans les terres , en fuivant l'indication de Ptolémée. Soudag eft litué fur une élévation affez éloignée de fon Port; c'eft peut-être à caufe de cela que les Géographes en ont fait une Ville Méditerranée. Cette place paroît avoir été autrefois de quelque confédération ; on y voit les débris d'une ancienne Fortercfle, ôc une Tour encore exiftante que l'on a contenue avec des cercles de fer pour en empêcher l'écroulement. L'é-tymologie du mot Soudag peut favorifer mon hypothefe. Ptolémée l'écrit K.urettù)v, Scylax KuTaîa., ÔC VofTIus le corrige par Kt/cfa/a, l'y prononcé ou, ôc le % comme un c par les Latins &é les Génois qui ont long-temps pofTedé cette Ville, doivent avoir fait Coudea ou Couda , ôc les Tartarcs venus après eux auront infenfiblement converti ce nom en Soudag, mot fîgni-ficatif qui veut dire Montagne de l'eau , & qui a rapport à la pofition de cette Ville , fur une montagne àuprls de la Mer, Tous les Orientaux font extrêmement portés à changer les noms Géographiques en noms fignificatifs de èjç rm tïIaiv3 eif-tin poiin 3 les Turcs ont d'abord fait Iftambol, nom qu'ils donnent à la Ville de Conftantinople leur Capitale; ils l'ont enfuite converti en IJlambol, qui fignifie la Foi abondante, ou l'abondance de la Foi : c'eft ainfi qu'on le voit écrit aujourd'hui fur toutes les monnoyes de l'Empereur Turc frappées dans cette Ville. Pline parle très-fuccintement de la Côte Orientale de la Cherfonefe Tauriquc, il fe contente cle dire qu'après le Promontoire Criumetopon les Tauricns ont plufieurs Ports, 8c il pafîe tout de fuite à Theodofia. Scylax compte cette Ville au nombre des Villes Grecques ; il la place à 115 milles de Criumetopon, 8c à 145 milles de Cherfone ; c'en: bien-là l'éloi-gnement exact de Balyklava ou Criumetopon , 6c de Guflevé ou Cherfone, à Gaffa 3 qui eft l'ancienne Theodofia. La première diftance eft fixée aujourd'hui à 25 lieues communes, qui font les 125 milles; 6c la féconde à 29 lieues, qui reviennent aux 145 milles de Scylax , en évaluant toujours la lieue commune à 5000 de ces enjambées naturelles par lefquelles les Anciens comptoient leur milles. Caffa eft encore aujourd'hui une Ville grande ôc floriflantc, 6c Ton y fait un immenfe Commerce. Les Turcs l'appellent la Conftantinople de Crimée. On n'y voit aucun monument d'une antiquité bien reculée, 6c les édifices anciens qui y reftent, font, ou du plus bas Empire, ou du temps des Génois. En 1321k Pape Jean XXII. érigea cette Ville en Evêché , 6c détermina les bornes de ce Dio-cèfe depuis Varna dans la Bulgarie jufqu'à Saraï, qui étoit alors la Capitale de l'Empire de Kaptchak, 6c le féjour des Khans. Cet Evêché s'étendoit par conséquent depuis la rive Occidentale du Pont-Euxin jufqu'aux frontières de la Ruffie. Le premier Evêque fut un nommé Frère Jérôme. Theodofia avoit déjà depuis plufieurs fieclcs un Evêque Grec. M. Flcury dit, qu'il y en a aujourd'hui un du Rit Arménien : cela eft vrai ; mais les limites du Diocèfe ne font plus les mêmes ; il a été divifé 6c partagé entre deux Evêqucs ; l'un eft celui de Caffa qui fait fa réfidence au Monaftcrc de Surpa^va^ayin ou de la Sainte Vierge ; fon Diftria s'étend depuis Caffa jufqu'à la Province de Cabarta dans la Circaffie. L'autre réfide au Mo- naftere* naftere de Surpkhatche ou de la Sainte Croix, à cinq lieues au Couchant de Caffa ; fon Diocèfc comprend toute la partie Occidentale de la Crimée ôc des Etats du Khan en Europe jufqu a Kawchan clans la Moldavie Tartare. Ces deux Evêcjucs font à la nomination du Patriarche de Conftantinople. Pline place Cita ou Citœum après Theodofia,, mais il fc trompe, & je crois l'indication de Ptolémée plus exacte. J'ai déjà déduit au long les raifons qui me déterminent à penfer que Cytœum eft le Bourg de Soudag 3 qui précède Caffa en allant d'Orient en Occident. Ortélius, dans fa Carte de la Cherfonefe Tauriquc, marque immédiatement après Theodofia, un lieu qu'il appelle Caqeca. Je ne fçai de quel Auteur il a tiré ce nom. Strabon, Pline Ôc Ptolémée n'en parlent point. La place qu'Ortélius lui donne répond à Zavita au-deffus de Caffa > que je crois être le Ze-phyrium de Pline. Strabon, Ptolémée ÔC Scylax placent entre Theodofia ôc PanticapdUm , la Ville de Nimphœwn , Nvy.tpcuov, que ce dernier appelle Ntî/* maître d'une Ville fur laquelle il n'avoit point de droit? ce La Ville de Bofphore, fuivant le calcul de Pline, devoit être inconteftablcmcnt où fe trouve aujourd'hui le Fort de Jeni~> ka/é bâti par les Turcs. Ce Géographe la place à l'entrée du N ij Bofphore, à une diftance de 87 mille pas de Theodofia ou Caffa. On compte en effet de Caffa à Jenikalé 16 lieues Tartarcs , qui font à peu près 17 ôc demie de nos licucs communes de 3000 pas Géométriques, ce qui revient exactement au compte de Pline, en évaluant, comme je l'ai dit, plufieurs fois les milles des Anciens à raiion de 5 pour une de nos lieues. M. de l'Ifle dans fa Carte drefféc fur le Thème de Conftantin Porphyrogenete, place en effet Bofiphorus oii eft à préfent Jenikalé, vis-à-vis de la Ville que ce Prince appelle Tamatar-ca y qui eft incontcftablcmcnt Taman d'aujourd'hui , Ôc le Phanagorium de Pline. C'eft la première Ville de la Province du Couban ; elle eft fituée fur la rive Orienralc du Bofphore, ôc directement oppoféc à Jenikalé. La Province du Couban a pris le nom d'un grand Fleuve, qui l'arrofe, ôc qui fc jette dans la Mer de Zabache ôc dans la Mer Noire ; c'eft le Var-danus des Anciens, ôc je penfe que deux de fes branches forment le Chader ôc le Burlic de Conftantin Porphyrogenete. A 20 ftades de la Ville de Panticapœum y le long du flanc Occidental du Bofphore , on trouvoit, fuivant l'indication de Strabon, la Ville de Myrmecion rapportée également par Pline, Mêla, Ptolémée ôc Scylax. Ptolémée en fait un Promontoire , ôc l'appelle ^mj^wiov ; cependant Strabon, Pline ôc Mêla la qualifient de ttoà^viov ôc & Oppidum 3 c'eft-à-dirc , Bourg ou petite Ville, Ôc Scylax la met au nombre des Villes Grecques de la Cherfonefe. Je n'en trouve abfolument point les vefti-ges , non plus que de Hermifium rapporté par Pline ôc par Mêla. Strabon détermine fi bien la place du Village Panhenium > 7rctoSlviov, qu'il eft .impo(fible de le méconnoître. Il l'indique à 60 ftades au-deffus de Panticapœum dans l'endroit le plus étroit du Bofphore vis-à-vis &AchlLlozum en Afic. C'eft précifément la place ou fc trouve aujourd'hui le Village de Ka^andip. Achillœum 3 félon cette indication, auroitdû fe trouver fur la pointe de Tchochekha-Bournou ou le Cap du Cochon , qui eft vis-à-vis la pointe de Ka^andip 3 à l'embouchure Septentrionale du Détroit ; mais je ne fçais pas fi les Anciens n'ont pas placé cet Achillœwn trop près de l'embouchure. Le Fort cYAchou qui eft environ à huit lieues plus à l'Orient fur le Palus Mœotide ne feroit - il point le véritable Achillœum dont les Tartarcs auraient corrompu Se abrégé le nom ? Ptolémée place après Panhenium 3 en allant d'Orient en Occident le long de la côte Occidentale du Palus Mœotide , les Villes cYHeracIeum Se de Zcnonis Cherfonefus 3 fur lef-qucllcs il y a quelques Obfervations à faire. Ce Géographe , le feul qui fafFc mention de ces deux Villes , pourroit bien s'être trompé au fujet de cette Cherfonefe de Zenon. Je crois cjuc ce n'étoit point une Ville, mais réellement une Cherfoncfe , 6e je ne doute pas que ce ne fût cette langue de terre extrêmement longue 6e étroite qui s'avance du Sud au Nord entre la Mer de Zabache ôe la Mer pourrie jufqu'au niveau de l'Ifthme de Perecop ; les Tartarcs l'appellent aujourd'hui Zéniské 3 qui eft vifiblement une abréviation du mot Zenonis Cherfonefus. Dans cette hypothefe la Ville d''Ileracleum devoir fe trouver où eft à préfent le Fort de Ri bat à l'entrée de cette petite prefqu'Ifle. La Mer pourrie eft inconteftablcment le Lac Bicé 3 Bvm \ifum de Ptolémée, ôe le Buges de Pline, qui eft joint au Palus Mœotide ( comme dit très-bien cet Auteur j par un canal ou un foffé, Lacus Buges foffâ emiffus in Mare, Cette Mer avoit déjà } du temps de Strabon , le même nom qu'elle porte aujourd'hui ; cet ancien Géographe l'appelle SûtTr^* Aiyww 5 ou l'Etang pourri , ôe les Tartarcs Tckuruk-Degnl\ 3 ou la Mer pourrie : il lui donne une étendue de 4000 ftades , qui cmbarrafîe avec raifon Ccllarius, ôe lui fait penfer que Strabon a voulu parler de tout le Palus Mœotide auquel cette Mer eft jointe par un Canal ; mais Ccllarius n'a pas fait attention à un paliage fuivant, dans lequel Strabon dit que le Palus Mœotide a 8000 ftades de circuit, Ôc par con-féquent les 4000 ftades qui précèdent, ôe la defeription qu'il donne, ne peuvent appartenir qu'au Lac Bycé y ou la Mer pourrie. Il la dépeint extrêmement marécageufe , Ôe allure qu'on peut à peine y naviguer avec de petits batteaux, parce que les vents deffechent aifément fon lit bourbeux , ôc la rendent par-là impraticable à de plus gros bâti mens. L'étendue de 4000 ftades eft prodigieufement exagérée ; cette Mer fort étroite n'a pas plus de 30 lieues communes de longueur ; ôe en calculant toutes les diverfes finuofités qu'elle forme , on pourroit tout au plus lui donner 90 lieues de circonférence, ce qui ne reviendrait jamais au compte de Strabon. 11 me refte à parler des Villes Méditerranécs de la Cherfoncfe Tauriquc, dont le plus grand nombre n'eft connu que de Ptolémée : Strabon en cite quelques - unes , ôe Pline n'en parle point. Voyons fi, à l'aide des veftiges d'antiquité qui reftent encore en Crimée, ôe avec le fecours de Pétymologic des noms, il ne ferait pas poftible d'en retrouver un certain nombre. La Ville de Satarcha devoit être le chef-lieu des Satarches , qui habitoient, comme nous l'avons déjà dit, dans la partie Septentrionale de la prefqu'Ifle, au-deftbus de Taphra^ qui eft à préfent Perecop. Le Village de Tchcterlïk d'aujourd'hui, ôe le diftricr. qui en dépend, font fitués précifément au-dciTbus du territoire de Perecop dans la place que les Géographes donnent à L'ancienne Satarcka. L'étymologie du nom eft une preuve incon-teftablc. La racine de Tcketerlik eft Tchctery qui devoit être le nom de cette ancienne Nation Scythe ôc de fa V ille Capitale dans Ton exacte prononciation. La fyllabc lik n'eft qu'un afffxe qui, en Turc ôc en Tartare , change le fubftantif fimple en un nom de lieu, de propriété ou d'action ; comme Orman Forêt , Or-manlik Pays de Bois ; Kadl Juge, Kadiiik Judicature ; Dell Fol, Deiilik Folie, ôcc. Les Grecs n'ont jamais eu dans leur Langue ni le Tché, ni le Dgé, ni le Cet 3 ni le Gé des Orientaux ; ôc les Grecs modernes qui cohabitent ôc ne font prefque qu'un même Peuple avec les Turcs depuis plufieurs ficelés, ne peuvent pas encore exprimer ces confonnes , même en parlant la Langue Turque , ôc les prononcent comme une S ou comme un Z. Il eft manifefte que du nom de Tcheter ils ont fait Satar ôc Satarcka, comme ils ont fait Satan du mot Ckeïtan 3 qui fignifie le Diable. A l'égard du changement de la voyelle E en A, c'eft une faute que font prefque tous ceux qui étudient le Turc , le Tartare, l'Arabe , le Perfan dans les Livres , fans acquérir l'ufage de la Langue , parce que dans les caractères qui font communs à ces quatre Langues, YElif qui eft la première lettre de l'alphabet, ÔC répond à notre A eft prife ordinairement pour un A 3 mais elle exprime cependant aulîî YE , YI ôc YU fuivant l'exigence des mots. Il n'y a que l'ufage de la Langue qui puifle enfeigner cette différence ; auffi voit-on que dans prefque toutes les Grammaires ôc les Dictionnaires oh les mots de ces quatre Langues font exprimés en caractères Latins, la plupart des fyllabes qui doivent être-prononcées E font écrites par un A. L'on ne doit plus s'étonner après ces divers éclairciffemens que le mot Tcketer air été converti en Satar. La place qu'Ortélius donne à l'ancienne Tarona répond au Village ôc au Diftrict de Tckongar au Sud-Eft de Perecop} ÔC à l'Eu- de Theterlik ou Satarcha. Les Villes de Parofta ôc de Poftigia de Ptolémée font n obfcures qu'il eft impofîible d'en découvrir la trace. Dans les places qui leur font alignées on ne trouve aujourd'hui ni les plus légers veftiges d'antiquité, ni aucun nom moderne qui ait le moindre rapport avec les anciens ; il faut donc s'en rapporter uniquement aux indications de Ptolémée , ôc le croire fur fa parole. Après ces deux Villes ce Géographe indique Cimmerium que Mêla ÔC Pline ont cependant placé en Afie fur le bord Oriental du Bofphore , en face de Panticapœum ; mais le fentiment de Ptolémée eft confirmé par celui de Strabon, ÔC il n'y a pas lieu de douter que cette Ville étoit fituée dans l'intérieur de la prefqu'Ifle. Ce dernier dit que dans la partie montagneufe de la Cherfonefe on trouve le Mont Cimmerius 3 qui a tiré fon nom des Cimmériens, Peuples qui commandoient anciennement à tout le Bofphore. La Ville appellée aujourd'hui par les Tartares Eski-Krim , eft certainement l'ancienne Cimmerium de Ptolémée ; clic eft reconnue traditionnellement pour la plus ancienne, ôc celle qui a donné le nom à la Cherfonefe ; elle eft fituée au pied d'une haute montagne ifolée, qu'on appelle Aghirmiche-Daghi ; fon nom de Knm -, qui eft aufîî celui de la prefqu'Ifle de Crimée, eft vifiblcment le mot Cimmerium 3 Kippteiov défiguré par les Tartares. Cette Ville qui n'eft plus qu'un miférable Bourg, paroît avoir été autrefois vafte ôc floriflantc. Il y a encore plufieurs monumens des fiecles reculés, du moyen âge Ôc du temps des Génois. La Ville de Portacra que Ptolémée place à 50 minutes h l'Oççident de Cimmerium, peut être la Ville de Kara-Sou, qui H I S T O R I Q U E S, ôc. 105 qui fe trouve à huit lieues à l'Oucft d'Eskikrim. C'eft aujourd'hui la place la plus confîdérable de Crimée après Caffa M tant par fa grandeur, que par fon commerce. Il y a quantité de Grecs Ôe d'Arméniens qui ont des Eglifes bien bâties. L'armée Mofcovite entra dans cette Ville en 1737 ; elle y fit beaucoup d'Efclaves ôc peu de dégât. Je ne fçai ou retrouver Chavus ôc Neapolis de Strabon , ni Bœum 6c Iluratum de Ptolémée , 6c j'en abandonne volontiers la découverte à quelqu'un de plus éclairé que moi. Argoda ôe Ta\us pourraient bien avoir été où fe trouvent aujourd'hui les Villages ÙArghun 6c de Tachely y qui fem-blent avoir retenu leurs noms , 6c dont la htuation répond aux places qu'Ortélius a données à ces anciennes Villes ; la première au Midi, 6c la féconde à l'Orient de Ponacra, que j'ai dit être Kara-fou. Arghun peut fans difficulté être dérivé cVArgoda ; 6c Tache ou Tachely y avec Taffixe ly y peut très - bien venir de Ta^os. Peut-être que les anciens Scythes appelloient réellement cette Ville Tache ou la Pierre y 6c que les Grecs, de Z^in^ic he d'aujourd'hui, dont la place répond exactement à celle que Ptolémée, ôc Ortélius après lui , ont affignée à cette ancienne Ville. Mankoup eft une ForterciTe prcfqu'entiérement ruinée , mais qui paroît avoir été autrefois très-importante : elle eft fituée fur une roche d'une prodigieufe hauteur, ôe prefque inaccerfible ; la plupart des Habitans font Juifs , ôe il n'y a qu'un très-petit nombre de Tartarcs. Les anciens Géographes ont compté dans la Cherfonefe Taurique trois principales Montagnes. Le Mont Trapezus , qui comprenoit, comme je l'ai déjà dit, les Montagnes de Ja-chelow > de Bakchefaraï ôc âe'Katchi : le Mont Clmmerius qui eft Aghirmiche-Daghi} dont j'ai parlé à l'article de Cim-merium ; ôe le Mont Berofus 3 qui comprenoit la Montagne de Tchadïr-Daghi 3 la plus haute de toute la prefqu'Ifle , ôc celles de Balyklava ôc de Cabarta. [ Vlye-^ les Cartes N°s III. & IV. ] CHAPITRE XVII. Origine des Athingans ou Bohémiens. Converfion du Roi des Bulgares , qui donne lieu au Schifme de Photius. Diverfes remarques fur la Langue Sclavone adoptée par les Bulgares. D Ans le cours des cinq années qui fuivirent la mort de Juftinien II. Dardanne , connu fous le nom de Philipiquc , Anaftafe, ôc Théodofe , occupèrent le Trône de Conftantino- O ij pie , &: firent place à Léon l'Ifauricn. Celui-ci fe fervit utilement des Bulgares dans la guerre qu'il eut à fou tenir contre les Sarrafins, qui vjnrcnt aflîéger Conftantinople , ôc furent obligés d'en lever le fiége l'an 718. Il ne fe pafTa rien de remarquable entre les Romains ôc les Barbares depuis cette époque , jufques au règne de Conftantin Copronymc. L'an 755 , ce Prince ayant pris Thodofiopole ôc Mclitine 3 près de l'Eu-phrate , ramena avec lui des Syriens ôc des Arméniens, auf-quels il donna des Habitations dans la Thrace. Ces Etrangers étoient la plupart Paulicicns , cfpcce de Manichéens defqucls font fortis les Athingans ou Bohémiens qui fubfiftent encore dans la Bulgarie , ôc dont je parlerai plus au long ci - après. C'eft auffi de cette migration des Arméniens que les familles Arméniennes établies aujourd'hui à Cafta, Ôc dans les autres Villes de Crimée, prétendent tirer leur origine. Ils avoient déjà dans leur pays fubi le joug des Kaliphcs. En 1755 , lorf-que le Khan voulut augmenter la Capitation des Chrétiens , les Arméniens de Bakchefaraï me montrèrent un Diplôme original en Arabe , du Kaliphe Moavia, qui régloit la perception de ce droit, mais qu'ils produifirent inutilement. L'an 763 , les Bulgares déclarèrent la guerre aux Romains , elle du-roit encore en 775 lorfque Conftantin mourut d'un charbon à la cuiffe dans une expédition qu'il avoit entreprife contre ces Peuples dans la même année. Léon IV- qui lui fuccéda, fut furnommé Chazare , à caufe d'Irène fa merc , fille du Roi des Chazares. Conftantin Porphyrogenete rapporte qu'il avoit auffi époufé une femme de la même Nation , oc qu'il mourut d'une fièvre .chaude précédée de charbons, pour avoir porté une Couronne, prife dans le Temple de Sainte Sophie, fans le confentement du Patriar- chc. Ce fat fous fon règne en 777 que Téléric , Prince Bulgare , s étant réfugié à Conftantinople, y fut baptifé , ôc épou-fa Ircnc , parente de l'Empereur , qui avoit été fon Parrain. Conftantin fuccéda à Léon , ôc régna avec Ifcne fa mère. Il attaqua aftez mal-à-propos les Bulgares en 790 , par le confeil de quelques Aftrologucs. Il fut battu, ôc perdit plufieurs per-fonnes confidérablcs dans cette expédition. Bardannc , furnommé le Turc , rcfufa l'Empire , dont le Patrice Niccphorc s'étoit mis en pofîeffon l'an Soi , après avoir fait enfermer Irène fa bienfaitrice. En 811, Nicephore étant entré en Bulgarie , refuf]t la paix que le Roi Crumne lui offrit ; il fut enfermé , attaqué , ôc tué dans fa tente, Ôc le Roi des Bulgares fit faire une coupe de fon crâne. C'eft fous le règne de ce Prince , où commencent les faftes de cette étrange efpecc d'hommes que nous connoiffons fous le nom de Bohémiens , ôc que les Turcs appellent Tchinghenès. L'Empereur Nicepfîore étoit ami pafîionné des Paulicicns ou Manichéens, qui habitoient dans la Phrygie ÔC la Lycaonie fon pays natal; leurs fuperftitions , connues de tout le monde,, étoient de fon goiit ; il leur donna la liberté de s'établir dans tout fon Empire. Conftantin Copronyme les avoit déjà établis dans la Thrace. Cette Scéte prit de nouvelles forces en Arménie fous Michel ; on les appelioit Athingans t d'où eft venu par corruption le nom du Tchinghenès que leur donnent encore les Turcs , ôc les autres Nations de l'Orient. M. de Fleury rapporte en effet l'origine des Bohémiens aux Juifs ôc aux Athingans , qui étoient en très-grand nombre dans la haute Phrygie fous le règne de Michel le Bègue. Cet Empereur étoit lui-même né à Ammonium , Ville de la même Province. Les Athingans étoient, à ce que l'on croit, les mêmes Hérétiques que les an* cicns Melchifcdcchiens , ôe ce nom étoit auffi commun aux Pauliciens ôe aux Manichéens d'Arménie. De ces deux Sectes , des Juifs 6c des Athingans , dont je viens de parler, il s'en étoit formé une troilieme dont Michel le Bègue avoit em-braiTé les erreurs , qui lui avoient été tranfmifes par la tradition de fes ancêtres. Les Athingans de cette troilieme Secte recevoient le Baptême , 6c rejettoient la Circoncifion, mais ils obfervoient pour tout le refte la Loi Mofaïquc ; 6c chacun d'eux avoit chez lui un Juif ou une Juive, qui gouvernoit fa maifon, tant pour le fpirituel que pour le temporel. L'Empereur Jean Zimifcès les plaça dans la Thrace aux environs de Philippopolis 3 à la follicitation du Moine Théodore, que ce Prince avoit élevé au Siège d'Antioche , en reconnoi(lance de ce qu'il lui avoit prédit l'Empire. Ce Prélat pria l'Empereur de tranfporter en Occident, 6c de confiner dans des lieux dé-forts , les Manichéens qui infectoient tout l'Orient de leurs infâmes fuperftitions. Ils habitèrent dans la Thrace avec allez de tranquillité jufques à l'an un que l'Empereur Alexis les pourfuivit fous le nom de Bogomdes, ou gens implorans la miféricorde de Dieu. Bafile leur Chef fut brûlé à Conftantinople. Euthymius Zygabene a parlé au long de leur Héréfie dans la Panoplie. Ces Bogomiles étoient une branche des Pauliciens tranfplantés auffi comme les Manichéens dans la Thrace. Le Prince Cantimir dans fa Préface explique le caractère des Peuples qui habitent l'Arménie Majeure, 6c la Turcomanie; recevant un Prince de la main du Grand-Seigneur, 6c vivant comme les Tartares fous des tentes, changeant de demeures, 6c fe tranfportant fans cefte d'un lieu dans un autre, profef-fant en apparence la Religion Mahometane, mais en négligeant to.ut-à-fait les préceptes. Il ajoute enfuite que Sultan H I S T O R I Q U E S, &c. m Mourad ou Amurath IV. obligea quelques bandes de ces Peuples de pafTer en Europe ; il les mit en poftcfiion des plaines fituées entre les différentes Montagnes de la chaîne du Mont Hœmus , que les Turcs nomment aujourd'hui Tchengke-Bal-kan , depuis la Ville à'Aétos jufques à Philippopolîs. Les Athingans ouTchinganés font en très-grand nombre aujourd'hui dans tout l'Empire Ottoman ; mais ils font principalement répandus dans la Romclie ou Turquie en Europe ; on en trouve une prodigieufe multitude dans toute la Thrace ôc la Bulgarie, dans la Walachie ôc la Moldavie, la Beflàra-bie , ÔC tous les Etats du Khan des Tartares. Ils habitent particulièrement au Midi du Danube , dans le Tchcnghé-Balkan , oii le Sultan Amurath IV. les avoit confinés. Ils s'occupent à la culture des terres ôc aux ouvrages de forge, qui font un très-grand objet de commerce dans la Bulgarie. Leurs femmes ôc leurs filles s'appliquent ordinairement à acquérir ôc perfectionner les talents des Courtifanes de Turquie , la Mufique vocale ôc inftrumentalc , ôc la Danfe lafeive ; elles fe profti-tuent fouvent aux pafTans ; il y a même dans toute la Rome-lie des lieux publics, remplis de femmes Bohémiennes , parmi lefquelles on en trouve quelquefois d'extrêmement féduifan-tes. Dans la Walaquie la Forge eft l'unique occupation des Bohémiens ; ils ont obtenu du Vaivode, avec privilège exclusif, la Ferme de l'or que produit la rivière de Bou-^ew. Ils en retirent une aftez grande quantité, en grains ôc en paillettes , qu'ils trouvent dans le fable ÔC le limon qui forment le lit de cette rivière. En Moldavie ils font tous Efclaves ; les Seigneurs du pays les employent à la culture de leurs terres , Ôc à toutes fortes de fervices ; ils en trafiquent même entr'eux, ôc les Vendent à très-vil prix ; mais ils ne veulent pas que les Etran- gers en achètent, ôe ils fe font une peine de leslaifFer fortir du pays. En paffant à JaJJy , Capitale de la Moldavie, j'eus envie d'en acheter un qui étoit rempli de talents , ôc divertilTant à l'excès ; on me l'auroit cédé par grâce fpéciale ; mais un François qui fe trouvoit là, me difïuada de m'en charger , ôc m'af-fura que ces fortes d'Efclaves ne font pas fufcépcibles d'attachement envers qui que ce foit ; que non-feulement ils s'enfuycnt dès qu'ils en trouvent i'occafîon ; mais qu'ils pouffent fouvent l'infidélité jufques à voler ôc affafîiner leurs Maîtres. Ces Athingans ou Bohémiens ne forment plus dans l'Empire Ottoman une Secte particulière , ils embrafFcnt la Religion-des Peuples qui les foufFrent chez eux, ôc avec lefquels ils vivent ; mais ils mêlent à la Religion qu'ils profeflcnt, les infâmes fupcrffitions qu'ils ont reçues par la tradition de leurs Percs. Ils font Chrétiens dans la Walaquie ôc la Moldavie , ôc Mahométans dans les Etats du Khan des Tartarcs, ôc dans toute la Romelie. Le mot de Romelie , en Turc Roumili y eft le nom que les Mahométans Sarrafins donnoient aux Pays dépendans des Romains ou des Grecs. Les Turcs appellent encore ces derniers Roums ôc Ouroums 3 ôc la Turquie en Europe Roumili ; parce que lorfqu'ils conquirent Conftantinople, l'Empire Romain étoit réduit pour tout domaine à une fimple partie de cette région de l'Europe. Le nom de Roumili s'éten-doit en effet autrefois à l'A lie Mineure , lorfqu'elle apparte-noit aux Empereurs Grecs ; la Ville à'Er^erom a tiré fon nom de Ar^-Roum 3 qui fignifie le Territoire ou le Champ des Romains , parce que cette Ville étoit effectivement alors la plus avancée du Domaine des Romains en Afie. Les Mahométans ont toujours confervé aux Grecs le nom de Romains , qu'ils aftectoient de fe donner eux-mêmes , pour relever Conftantinople nople comme la nouvelle Rome. L'an 968 , Luitprand, Evêque de Crémone , ayant été envoyé à Conftantinople par l'Empereur Othon , pour demander à Nicephore Phocas, une fille de l'Empereur Romain le Jeune , pour le jeune Othon , ce Prélat fc trouvoit un jour à table avec l'Empereur Grec ; il fut piqué de ce que ce Prince lui avoit reproché que fes Compatriotes n'étoient pas des Romains, mais des Lombards ôe des Barbares. Il répondit à l'Empereur : «. Nous autres Lombards , » Saxons ôe Francs, nous n'avons pas de plus grande injure à » dire à un homme que de l'appelicr Romain ; ce nom fignifie 35 parmi nous tout ce qu'on peut imaginer de bafïcfFe , de lâ->3 cheté , d'avarice , d'impureté ôe de fourberie ->->. Dans la même année le Pape Jean XIII. ayant envoyé des Nonces à Conftantinople avec une Lettre dans laquelle il qualifîoit Othon d'Empereur des Romains, de donnoit à Nicephore le titre d'Empereur des Grecs , les Ccurtifans de celui-ci s'écrièrent : « Comment la Mer a-t'ellc pu foufFrir un tel blafphê-me fans engloutir le Vaifïèau qui le portoit ? Le Pape igno-rc apparemmenr , ajoutèrent - ils , que lorfque Conftantin » tranfporta le Siège de l'Empire à Conftantinople , il y amena 55 le Sénat 6c la NoblcfTe Romaine , ÔC qu'il ne laifta à Rome 35 que de vils Efclavcs, des Pêcheurs, des Cuifinicrs, ôc une » vile populace. Staurace, fils de Nicephore, étant mort de la bleffure qu'il avoit reçue dans la malheureufe expédition de fon Pere contre les Bulgares , Michel Rhançabé lui fuccéda. Celui-ci étoit gouverné par Théocrite, Maître des Offices ; ce Miniftrc lui fit un fcrupulc de rendre aux Bulgares Payens les Prifonniers ôc les Transfuges qui s'étoient convertis. On pouvoit obtenir la paix à ce prix: la guerre continua , ôc les Bulgares prirent Mefembna , Ville du Pont-Euxin fur les confins de la Bulgarie 6c de la Thracc. Banduri, dans fes Notes fur Conftantin Porphyrogenete , prétend que le mot Sclavon Bria, fignifie une Ville , 6c que c'en: pour cela que l'on trouve tant de noms de lieux terminés de cette façon, comme Mefcmbria Sclimbria, Oc. Ceci donne lieu à une obfervation. Ovide dans fes Trilles, fait mention de la Ville de Mefembna ; il faut donc fuppofer que les Sclavons ont pris ce terme de quelque Langue antérieure au temps des Empereurs , 6c cela autorife toujours ma conjecture , que la Langue Sclavone eft fortie de celle des anciens Baftarnes. La bataille que Michel Rhangabé perdit contre les Bulgares auprès à'Andrinople l'engagea à abdiquer l'Empire. Léon l'Arménien l'accepta , ôc ne put empêcher la prife de cette Ville , dont les Bulgares s'emparèrent. Ils enlevèrent l'Archevêque Manuel, qui travailla le premier à leur converfion l'an 8i3. Léon périt par une conjuration de Michel le Bègue qui lui fuccéda, ôc qui fut remplacé lui-même en 8 29 par fon fils Théophile. Sous le règne de ce dernier , certains Barbares conduits par trois Chefs , ravageoient les terres des Romains : ces Barbares dévoient être les Turcs Hongrois , dont j'aurai bien-tôt occafion de parler, 6c qui commençoient à faire des mouvemens. Théophile réfolut de s'oppofer à leurs progrès ; ôc pour pénétrer par une efpece de divination quel feroit le fuccès de cette guerre , on dit qu'il eflaya de rompre les trois têtes d'une figure de bronze d'un Serpent qui étoit dans l'Hyppodrc-me. Cette figure fubfifte encore aujourd'hui clans le même état, dans cette Place célèbre de Conftantinople. C'eft au même Empereur qu'il faut attribuer aufii la Porte Trajane , corn- me on peut le prouver par l'infcription que Ton y voit encore aujourd'hui. Il paroît que fous le règne de Théophile , les Chazares vivoient en bonne intelligence avec les Romains. Lorfque ces Barbares voulurent bâtir la Ville de Sarcel 3 fur la rive occidentale du Tanaïs , Pechus , Cagan des Chazares, envoya des Ambauadcurs à l'Empereur , pour le prier de la lui faire bâtir. Ce Prince lui accorda fa demande, ôe lui envoya un Candidat des Spatharcs , nommé Petronas , qui paiïa à Cherfone 3 pour s'y pourvoir des Navires ôe des Ouvriers né-ceffaires , ôe s'avança de-là dans le Tanaïs, jufques au lieu où l'on devoit jetter les fondemens de la nouvelle Ville. Petronas revint à Conftantinople, après avoir exécuté fa commiiîïon , ôe confeilla à Théophile , s'il vouloit contenir fous fon obéif-fance la Ville ôe le Domaine de Cherfone d'établir dans cette Ville un Préteur , ôe de ne pas fe fier à leur Protevon , qui gouvernoit, comme j'ai dit ci-devant, conjointement avec uri efpcce de Sénat, compofé des Vieillards ôe des Primats de la Ville. L'Empereur goûta ce projet , ôe après avoir revêtu Petronas de la dignité de Protofpathare, il l'envoya lui-même a Cherfone en qualité de Préteur, ôe ordonna au Protevon de lui obéir. Théophile mourut de chagrin de la prife d'Ammonium fa patrie , qui lui fut enlevée par le Kaliphe Mouttafem : c'étoit une Ville de Phrygie dans l'Afic Mineure. Son fils Michel III. régna après lui fous la Tutelle de Théodora fa mere, ôe le confeil de l'Eunuque Théo&ifle ^ de Bardas , frère de l'Impératrice, ôe de fon oncle Manuel. C'eft de ce Michel dont il eft parlé dans l'infcription qui fe trouve fur la principale Porte de la Ville de Sélivrée. L'Impératrice Théodora renouvella le Traité de Paix avec Bogoris , Roi des Bulgares , ôe lui rendit fa fœur qui étoit captive. Cette Princcfle lit OBSERVATIONS pendant fa captivité avoit embrafïe le Chriftianifme ; à fon retour elle jetta dans le cœur de fon frère les premières femert-ccs de la Religion. L'an 865 , ce Prince , à l'occalion d'une grande famine dont fon pays éroit affligé , fongca à avoir recours au Dieu des Chrétiens , dont fa feeur/lui racontoit des merveilles. La famine cefla ; Bogoris reçut le Baptême avec le nom de Michel , ôc l'année d'après il écrivit à Louis le Germanique pour lui demander un Evêque ôc des Prêtres. Ce Prince lui en envoya , ôc ils furent même précédés par des Légats expédiés de la part du Pape, peur aller réfoudre certaines queflions dont les Bulgares avoient demandé la folu-tion. Elles rouloient fur quelques fcrupules qui leur avoient été infpirés par les Grecs , dcfquels ils avoient reçu les premières inftru£tions. Parmi des doutes allez féricux, ils deman-doient entr'autres fi les femmes pouvoient porter des caleçons, ôc s'il étoit abfolument néceffaire de prier les mains jointes, Le crédit que les Légats du Pape acquirent chez les Bulgares fut un puiflant motif de jaloufie pour le Patriarche Photius, ÔC l'un des plus grands intérêts du Schifmc des Grecs, parce que les Patriarches vouloient difputcr aux Papes la jurifdic-tion fur ces nouveaux Profélites. Les Ambafïadeurs du Roi des Bulgares qui affiftcrent en 870 au Concile de Conftantinople, demandoient fi pour la jurifdi&ion fpirituclle ils dévoient être fournis au Pape ou au Patriarche de Conftantinople ? Les Légats d'Orient décidoient en faveur du Patriarche, fe fondant fur ce que les Bulgares avoient conquis leurs Pays fur les Grecs, ôc y avoient trouvé des Prêtres Grecs, defqucls ils avoient reçu les premières lumières de la Religion. Les Légats d'Occident oppofoient à cela que cette différence ne concluoit rien ; ôc que le Pape, quoique Latin, établiffoit en plufieurs endroits des Evêques Grecs ; que la divifîon des Empires n'en-traînoit point celle des Sièges ; ôc que le Pape par Ton Légat à Tkejfalonique avoit de tout temps gouverné l'Epirc, la Macédoine , la Theflalic ôe la Dardanie, qui faifoient partie du Pays des Bulgares ; 6e qu ayant perdu ce Pays par l'invafion des Bulgares Payens , ils venoient de le recouvrer par leur converfion , d'autant mieux qu'elle avoit été volontaire. Les Arbitres de ce différent décidèrent cependant que les Bulgares fubiroient la Jurif diction du Patriarche de Conftantinople ; 6e les Légats du Pape fe retirèrent, après avoir protefté contre ce Jugement. Il eft dit que ni les Romains, ni eux n'enten-doient les Orientaux, qui vraifemblablement parloient Syriaque ; mais la copie de la. Sentence fut donnée aux Bulgares en Grec , qui fans doute étoit alors leur Langue , puifqu'ils étoient Scythes Politiques , comme ceux qu'ils avoient conquis , 6e ne différoient d'eux que par la Religion. Ceci concourt à jiiftifîcr encore ce que j'ai dit ci-devant, que la Langue Sclavone n'étoit point originairement la Langue des Bulgares, & qu'ils ne l'ont adoptée que par le commerce qu'ils ont eu d'un côté avec les Sclavons Méridionaux , 6e de l'autre avec les Occidentaux. En effet, il vint avec les Légats du Pape deux Moines nommés Conftantin 6e Méthodius , qui traduisirent les Livres Saints en Sclavon , 6e inventèrent des caractères pour certe Langue. Cela ne fut pas fait pour les Bulgares , mais feulement pour les Sclavons établis dans la Moravie , dont le Prince avoit demandé des Mifîionnaires à l'Empereur Michel , 6e qui ne connoiffoient point encore l'art de l'écriture : ce qu'on ne peut pas dire des Bulgares, puifqu'ils avoient déjà écrit des Lettres au Pape ôc à Louis le Germanique, Conftantin 6c Méthodius , dans le féjour d'environ cinq ans qu'ils firent en Moravie, traduifircnt en Langue Sclavone tous les Livres pour l'ufage de l'Eglifc, dont les Sclavons fe fervent encore aujourd'hui , ce qu'ils auroient fait tout de fuite pour les Bulgares , chez lefquels ils avoient été envoyés, fi le Sclavon eût été la 'Langue de ces Peuples. Il faut obferver bien plus que Conftantin ne l'apprit lui-même que dans le voyage qu'il fit à Cherfone } en allant par ordre de l'Empereur Michel chez les Sclavons Septentrionaux , fur la demande qu'en avoit faite le Prince des Chazares. Ce ne fut qu'à fon retour qu'il fe trouva en état d'exercer l'Apoftolat chez les Sclavons Occidentaux dans la Moravie ; ôe les Bulgares n'eurent rien de commun dans aucune de ces deux Millions ; au contraire , en vertu de la Sentence des Légats, dont j'ai déjà parlé , on leur donna un Archevêque 6c des Evêques tous Grecs , qui établirent entièrement le Rit Grec dans cette Eglife ; tous les efforts que firent les Papes pour recouvrer la Jurifdi&ion fur la Bulgarie furent inutiles. Conftantin 6c Méthodius, qui avoient leur Miflîon du Pape, n'auroient pas même été foufferts dans ce Pays-là ; 6c en effet, quand le Pape les appella à Rome pour les faire Evêques , Conftantin embrafTa la vie monaftique , 6c prit le nom de Cyrille, fous lequel fa mémoire eft honorée ; 6c Méthodius ne fut pas renvoyé en Bulgarie , mais en Moravie, où il continua d'exercer îes fonctions de l'Epifcopat. Le Pape lui défendit même d'abord de faire la Lithurgie en Sclavon, mais quelque temps après , Tan 88o , il lui écrivit en ces termes : « Nous approu-vons les Lettres Sclavoncs inventées par le Philofophe « Conftanrin , ôe il n'eft point contraire à la Foi d'employer « la même Langue pour célébrer la Meffe 6c lire l'Evangile, ou « chanter les autres Offices de l'Eglifc Nous voulons toute- « fois que pour marquer plus de refpeét. aux Livres Saints , » on life d'abord l'Evangile en Latin , puis en Sclavon , en " faveur du Peuple qui n'entend pas le Latin Mais il eft évident que ceci ne regarde abfolument que la Moravie , 6c les autres Sclavons des environs ; puifqu'alors les Bulgares étoient entre les mains des Grecs, ne connoiffoient abfolument que leur Rit , 6c n'avoient d'autre Langue que la Grecque. Ce n'eft, je le répète encore , que par leur commerce avec les Sclavons établis dans la Moravie 6c la Servie , qu'ils ont dans la fuite adopté la Langue Sclavone. A l'égard de la Meffe 6c des Offices Divins , ils ont confervé jufques aujourd'hui l'ufage de chanter en Grec ôe en Sclavon, de forte qu'un Chœur répète en Sclavon ce que l'autre a chanté en Grec. Ils difent indifféremment la Mefîe dans l'une ou l'autre Langue, fuivant que le nombre des Grecs ou des Bulgares prédomine dans l'Eglifc ; 6c foit que le Prêtre célèbre la Melle en Grec , ou en Sclavon , on y fait toujours la lecture de l'Evangile dans les deux Langues. I io OBSERVATIONS mmmmmtt mm mmm ■.»««—»■■. CHAPITRE XVIII. Premières incurfions des Rujffes vers le Midi. Invafion de la grande Moravie par les Turcs Hongrois. (y E fut fous le règne de l'Empereur Michel III. que l'on commença à entendre parler des Ruifes ; l'an 861 ils fc montrèrent à l'entrée du Pont-Euxin , ôe même dans les Mes les plus voifines de Conftantinople ; ils s'avancèrent de-là jufques dans la Thrace. Leurs courfes paffageres fe changèrent bientôt en une navigation annuelle ôe réglée, qui avoit le com-merce pour objet, ôe commença de porter chez les Bulgares la Langue Sclavone , qui peu à peu leur devint commune. La navigation des Ruifes commençoit à Kiovie 3 ôe finifïbit à Mefembna > Ville frontière , entre la Bulgarie ôe la Thrace. Leurs fréquens voyages dans ces Régions Méridionales , donnèrent bien-tôt lieu à leur converfîon : l'Empereur Bafile, fucceffeur de Michel, ayant gagné leurs Chefs par des préfens, leur perfuada de fe faire Chrétiens, 6c d'accepter un Archevêque 6c des Prêtres pour les inferuire. Ce qui augmenta toujours de plus en plus les liaifons 6c le commerce des Rufïès 6c des Sclavons Septentrionaux avec les Bulgares , 6c mit in-fenfiblcment ces derniers dans la nécenité d'apprendre leur Langue. Nous voyons en effet que le Pape Jean XIII. ayant permis en 950 l'établiffèment d'un Couvent en Bohême , dont les Peuples , de même que les Polonois , étoient Sclavons , ce Pontife leur défendit de fuivre le Rit des Bulgares 6c des Ruifes, Rufïès, ôe même de fe fervir de la Langue Sclavone pour l'Office Divin. Ce qui indique, dès-lors, la confufion des Runes avec les Bulgares, par l'uniformité du Rit Grec , que le Pape ne voutoit pas laifTcr établir dans la Bohême , qui étoit fous fa Junfdi&ion. Bafde étoit né dans un Bourg auprès tiAndrinople de pa-rens pauvres ; il avoit été élevé en Bulgarie , où il fut tranf-porté l'an 8 i 3 après la prife d'Andrinoplc. On peut voir dans Zonare les préfages fabuleux de fon élévation pendant qu'il étoit chez les Bulgares , avec lefquels il n'eut aucuns démêlés. L'an 890 , fous le règne de Lébn le Sage, fon fils ôe fon fùc-ceffeur , les Bulgares déclarèrent la guerre aux Romains , ôc prirent pour prétexte , les levées injuiles que les Miniftrcs de l'Empire avoient voulu faire fur eux. Léon afïèmbla pour les repoufTer une nombreufe armée , qui fut entièrement mife en déroute ; les Bulgares firent un grand nombre de prifonniers , ôc les renvoyèrent à Conftantinople , après leur avoir fait couper le nez. Le defir de tirer vengeance de cet affront, fît concevoir à l'Empereur le deftein de fe liguer avec les Turcs Hongrois , qui fous la conduite de leur Chef Arpad , habitoient alors dans la Bejfarabie ÔC la Walaquk , fur les bords du Danube, Il fit à ces Barbares toutes fortes d'avances, ôc leur envoya même des préfens afin de les mettredans fes intérêts, ôc de les engager à faire une diverfion fur les Bulgares. En attendant , pour tromper ôc amufer ces derniers , il leur envoya un Emifïàirc avec une Commiilion fuppolée , Ôc pendant ce temps-là il affembla fes troupes , ôc en donna le commandement à Léon Phocas. Mais les Bulgares ne prirent pas le change ; ils retinrent l'Emiftaire, ôc fe mirent en campagne. Les Turcs exécutèrent le projet qu'ils avoient concerté avec l'Em- Q percur ; ils tombèrent en effet fur les Bulgares, ôc les pouf-foient avec tant de vigueur, que ceux-ci fe virent obligés de quitter les Romains pour aller s'oppofer à ces nouveaux ennemis. Ils leur livrèrent bataille fur le bord du Danube ; mais ils furent défaits , 6c contraints de fe retirer en déroute à Difira. Cet échec les obligea de faire à l'Empereur des proportions de paix. Mais ayant eu avis enfuite que les Romains étoient difpofés à abandonner l'alliance des Turcs , 6c que ceux-ci fc trouvoient dépourvus d'armes 6c de provisions , ils faiiircnt une conjoncture li favorable pour fc venger de ces Barbares ; ils entrèrent dans leur Pays , ôe firent un affreux carnage des habitans. C'eft, je penfe, au règne de Léon le Sage qu'il faut rapporter la première incurfion des Turcs Madgiars ou Hongrois dans la Moravie ; quoique des Ecrivains de l'Hiftoire de Hongrie prétendent que cet événement arriva l'an 744, fous Conftantin Copronymc. L'Empereur Conftantin Porphyrogenete , qui écrivoit l'an 949 , parle de l'invafion des Turcs comme d'une affaire arrivée 50 ans auparavant. Il faut donc fixer cette époque à l'an 898 ou 899. Le témoignage de Rheginon confirme cette opinion. Cet Abbé de Prum, dans le Diocèfe de Trêves , a compofé une Chronique , qui s'étend depuis la naif-fanec de Jefus-Chrift jufqu'à l'an 908. Il rapporte cet événement à l'an 889 , qui revient toujours au règne de Léon le Sage , puifque ce Prince monta fur le le Trône l'an 886, ôc mourut l'an 911. Michel Ritius, Napolitain , Abraham Bakfchay, Hongrois, ôc quelques autres Auteurs, prétendent que les Turcs Hongrois , dont je parle actuellement, étoient les mêmes que les Huns, qui avoient envahi la Pannonie du temps de Valens, Ôc commis tant de défordres fous leur Roi Attila. Suivant le témoignage de ces deux Ecrivains , après la mort d'Attila , Chaba ôc Aladarius, fes fils , fc difputercnt long-temps la Royauté. Arderic, Roi des Gépides, profita de leur diviiion pour faire la guerre aux Huns conduits par Aladarius , qui fut entièrement défait, ôc périt dans un combat. Chaba, avant cette déroute , étoit retourné dans fon ancienne patrie, avec foixante de fes frères 3 ôc une grande partie des Huns , dont il ne refta qu'un petit nombre dans la Pannonie. Ces Huns , au rapport des mêmes Hiftoricns, revinrent en Occident l'an 744 ; ils étoient conduits par fept Chefs, dont le principal étoit Arpad, qui fe ligua, comme on l'a déjà vu, avec l'Empereur Léon le Sage contre les Bulgares. Ces Hii-toriens , pour prouver la vérité de leur fyftême, font defeen-dre cet Arpad de la race des premiers Huns ; ils le fuppofent fils d'Almus, fils d'Eleud, fils d'Ugek , fils d'Ed, fils de Chaba, fils d'Attila ; ôc joignent cette Généalogie à celle de ce Prince , que l'on trouve chez prefque tous les Ecrivains de l'Hiftoire de Hongrie , ôc qui n'a pas plus de fondement. Bonfinius en effet fe moque de l'une ôc de l'autre Ôc protefte qu'il ignore oii ces Auteurs peuvent les avoir puifées ; il paroît même per-fuadé que les Huns n'ont jamais quitté la Pannonie. C'eft l'opinion la plus probable. Les Turcs peuvent bien, à la vérité, avoir la même origine que les premiers Huns ; mais il fau-droit en chercher la fourec dans les temps les plus reculés ; ôc dans l'époque dont je parle, il paroît que ces deux Nations étoient tout-à-fait différentes ; il n'en faut pas d'autres preuves que la diverfité des Langues qu'elles ont portées dans la Pannonie. Les Huns , Peuples Sclavons , y ont introduit la Langue Sclavone , ÔC les Turcs y ont porté , ôc y parlent Qij iz4 encore la Hongroife , qui n'a aucune affinité avec la première. Les Turcs Madgiars ou Hongrois , qui partirent de la Sarmatie , ôc envahirent dans la fuite la Moravie, étoient fitués alors fur la côte fcptentrionale du Palus Mœotide, en-tic le Tanaïs ôc le Boryfthene , dans le Pays où eft aujourd'hui l'Horde des Nogaïs de d'Ianboïlouk , Sujets du Khan des Tartares de Crimée; dans le Pays où coule le Chydmas , appelle auffi Chingilus. Ce Fleuve doit être le Berda-Major , que M. de l'Ifle place effectivement dans cet endroit-là. On appelioit alors ces Turcs Sabaru Afpkali ; ce nom leur étoit venu d'un lieu appelle S ah aria > que les Géographes placent fur la rive fcptentrionale du Palus Mœotide. Ils avoient été longtemps amis, alliés des Chazares, Ôc les accompagnoient même dans toutes leurs courfes. Le Cagan des Chazares, pour les récompenfer de leurs fervices , donna fa fille en mariage à Le-bidias leur Chef. Le nom de Hongrois leur vient de celui d'Ongour , que les Hiftoricns de la Byzantine ont donné par corruption aux Hordes d'Igours} qui font paffés à l'Occident du Volga , fe font confondues avec les Turcs leurs compatriotes , ôc les ont fuivis dans leurs conquêtes. Dans la pofition où fe trouvoient alors ces Turcs Hongrois, ils avoient à l'Orient les Patzinacites , qui habitoient entre le Tanaïs ÔC le Volga , ôc confinoient avec les Uzes Ôc les Bulgares Noirs. Au Midi des Turcs ôc des Patzinacites, en allant d'Orient en Occident, on trouvoit d'abord , vers la Mer Cafpiene , les Uzes ; les Cabares, Tribu des Chazares, dont j'ai déjà parlé au Chapitre XV- &; qui occupoient les deux Cabartas. A peu près dans les temps dont je parle, il s'éleva chez ces Peuples une difeorde civile , ÔC il fe forma deux partis qui fe livrèrent Bataille j ceux des vaincus qui ne furent pas tués dans l'ac- tion , fe réfugièrent chez les Turcs dans la Terre des Patzinacites, où ils s'établirent. Les deux Nations s'accommodèrent à merveille enfemble ; les Cabarcs enfeignerent même aux Turcs la Langue des Chazares, ÔC occupèrent en communauté avec eux le tcrrcin qui avoit auparavant appartenu aux Patzinacites. Après les Cabares venoient dans la même direction d'Orient en Occident , les Alains dont j'ai fait mention au Chapitre VIL 6C les Ziques ; ÔC après ceux-ci les Papages , ÔC les Chazaks , dont les Pays formoient partie de ce que Ton appelle aujourd'hui la Circafîie proprement dite. C'eft , je penfe, dans la Chazakée qu'il faut chercher l'origine des Cofaques d'aujourd'hui , qui furent vraifemblablement du nombre des divers Peuples qui fous les noms d'Uzcs , de Madgiars, de Cabarcs , ôcc. vinrent s'établir dans les terres fituées entre le Don ôc le Boryfthene, après en avoir chafTé les Patzinacites , comme on le verra ci-après. Je n'oferois combattre l'opinion du favant Auteur de l'Hiftoire des Huns , qui penfe que le mot de Cofaque vient par corruption du nom du Pays de Kaptchak, fitué à l'Orient du Volga , d'où il prétend que les Cofaques font originaires. Il me paroît cependant qu'il n'eft pas néceftaire d'avoir recours à cette étymologie, puifque dès le temps de Conftantin Porphyrogenete ces Peuples avoient déjà le nom de Chazaks, que les Turcs ôc tous les Orientaux leur donnent encore aujourd'hui, ÔC qu'ils dif-tinguent parfaitement de celui de Kaptchak. Cela même n'a rien de contradictoire avec leur première origine. Il eft certain en effet qu'avant d'occuper la contrée connue du temps de Conftantin fous le nom de Chazakie , ils dévoient être venus de plus loin , 6c être fortis des Pays au dc-là du Volga , comme tous les autres Barbares de cette Région, qui fe font infeniiblement avancés d'Orient en Occident. Quelques-uns croyent que les Polonois ont donné aux Cofaques ce nom , du mot Cofak 3 qui lignifie une Chèvre , parce qu'ils s'habilloient anciennement de la peau de cet animal. Il eft certain au refte que cette Nation n'eft guercs connue fous ce nom en Europe 4 ^que depuis le milieu du feizieme fiecle. Elle eft aujourd'hui divifée en quatre branches principales : les Cofaques d'Ukraine , les Zaporovski ou Zuporoviens, les Donski ou Cofaques du Don, ôc ceux du Jaïk. Il y en a une cinquième branche, qui forme une petite Tribu dépendante du Khan des Tartares de Crimée, on les appelle Sari-Inad, ou Sarï-Kamichc Ca\akï ; ils habitent au Nord du Fleuve Couban, vers la^côte orientale de la Mer de Zabache. Les Cofaques d'Ukraine font les plus nombreux ; on comprend fous ce nom tous ceux qui occupent la Province d'Ukraine, &: une partie de la Podolie ôc la Rufïie rouge. Je crois devoir hazarder ici une obfervation que j'ai faite fur le nom de la Province d'Ukraine, dont je ne trouve i'étymologie nulle part ; il me fcmble l'avoir découverte dans une ancienne infeription rapportée par le Pere Montfau-con dans fon Recueil d'Antiquités. Il y eft fait mention du Maufolée de la famille Plautia , fur lequel on lit PEpitaphc de Tiberius Plautius , conçue en ces termes : Propnxtor Mœfix, in quâ plufquam centum millia ex numéro tranf-danuvianorum ad praeftanda tributa cum conjugibus ac liberis ôc princi-pibus aux regibus fuis tranfdkrxic, Sec. Scytharum quoque regem , Acht-rontnji , quœ efi ultra Borujlenem , obfidione fummoro. Primus ex eâ Prov inciâ magno tritîci modo annonam P. R. adlevavic. Cette Province d'Acherone, qui étoit en-delà du Boryfthe- HISTORIQ U E S, ôc izy ne , refTemble beaucoup à l'Ukraine , 6e il eft très-vraifcmbla-ble que du mot Achcronia on aura fait par corruption Okraï-nia ■ nom que les RufTcs 6e les Polonois lui donnent actuellement. Les Chazares habitoient, dans les temps dont je parle , fur la côte Orientale de la Mer de Zabache , depuis le Couban jufques vers Azoph ; ils occupoient auffi cette étendue de Pays coupée par le Bofphore Cimmerien, 6e les bouches du Couban , qui forment des efpeces d'Iflcs , où ces Peuples étoient établis en neuf difFérens Diftricts , qu'on appelioit novem regiones Cha^irid. Ils confinoient avec les Patzinacites „ les Uzes 6e les Alains ; leur principale Ville étoit Sarcei fur le petit Tandis ou le Donet^. Conftantin Porphyrogenete ob-ferve que le Prince des Alains peut porter la guerre chez les Chazares, parce que la contrée appellée Novem Regiones ; fe trouve limitrophe avec l'Alanie. Il ajoute qu'une fcmblable guerre réduiroit la Chazarie à la dernière extrémité , parce qu'elle tire fa fubfiftance de cette petite contrée des Novem Regiones. On peut juger de-là , comme je l'ai déjà dit, que les Chazares habitoient le long de la rive Orientale du Palus Mœotide 6e du Tanaïs. De forte que pour pouvoir commercer avec les Cherfonites, les Bofphoriens 6e les neuf Régions , il falloit que les Alains leur donnaftent le paffage ; 6e lôrfqu'ils étoient en guerre avec ceux-ci, la communication étoit interceptée. D'où Conftantin conclut qu'il convenoit aux premiers de maintenir la paix & la bonne intelligence. Il y a lieu de penfer , ainfi que je l'ai déjà obfervé , que les neuf Régions étoient les Iftes de Taman > dAchou , 6e les autres lïles que forment les branches du Couban , entre la Mer de Zabache 6e k Mer Noire. Au Midi des Chazares , fur la rive du Pont-Euxin,, étoient les Abafgii , qui font les Abafcs d'aujourd'hui. Ccft-là à peu près l'idée que l'on doit.fe former de la pofition où fe trouvoient les Peuples Barbares qui environnoient le Palus Mœotide, vers la fin du neuvième fiecle, lorfqu'ils commencèrent de fe chafïcr les uns les autres , ôc que leur déplacement donna lieu à l'irruption des Turcs dans la Pannonie. Les Uzes étoient, comme on l'a déjà vu, les Peuples les plus voifins de la Mer Cafpienne ; ils font les Auteurs des Tartares Usbcks ; on les appelioit auffi Madgiars , nom que les Turcs donnent encore aux Hongrois d'aujourd'hui, ÔC qui montre vifiblement les progrès de ces Peuples Orientaux. Vers le commencement du neuvième fiecle les Uzes fe liguèrent avec les Chazares, ôc rirent cnfemble la guerre aux Patzinacites. Ce démêlé eft le principe de cette fameufe tranfml-gration des Turcs Hongrois , qui s'avança des bords de la Mer Cafpienne , jufqu'à la Pannonie , appellée alors Mo \ ravie. Les Patzinacites habitoient la pointe du triangle que forment YAtel ôc le Géek , en fe rapprochant l'un de l'autre» VAtel eft. le Volga ; les Tartares l'appellent encore Edel, ÔC dans la Relation de Rubruquis , envoyé par Saint Louis au Grand Khan des Tartarcs, ce Fleuve eft appelle Etilia. U Géek eft le Don ; 3e M. de l'Ifle a obfervé que le Donet% , ou le petit Don , eft le véritable Tandis des anciens. Les Patzinacites, dans cette pofition, avoient au Midi les Uzes vers la Mer Cafpienne ; les Cabares , les Alains ôc les Ziques fur le Mont Caucafe ; ôc les Chazares fur la Mer de Zabache, Au commencement du neuvième fiecle, ces Patzinacites fu- ren rent attaqués par les Uzes joints aux Chazares ; ôc ayant été mis en déroute, 6e chafîés de leur Pays, ils fe virent contraints de fe jetter fur les Turcs , qui habitoient, comme on l'a vu ci-devant, entre le Don 6e le Boryfthene, fur la Côte Septentrionale du Palus Mœotide. Quelques-uns d'entr'eux fuivirent les Uzes leurs Vainqueurs , 6e fe confondirent avec eux. La guerre s'alluma bien-tôt entre les Patzinacites 6e les Turcs ; ceux-ci ayant été vaincus , fe diviferent en deux bandes ; les uns paflèrent en Orient, 6e fe répandirent dans la Perfe, d'où ils vinrent dans l'Aile Mineure fonder l'Empire des Ottomans. Ceux-ci reconnoiftent encore aujourd'hui pour leurs frères les Turcs Madgiars ou Hongrois , qui lors de cette féparation prirent le chemin de l'Occident, 6e fe jetterent fur la rive Occidentale du Pont-Euxin. Ce font les Barbares qui commencèrent de ravager les terres des Romains fous l'Empereur Théophile. Ils étoient conduits par Lébidias leur Chef. Conftantin Porphyrogenete nous apprend que le Cagan des Chazares voulut mettre ce Général à la tête de tous les Turcs ; mais il rcfufa cet honneur, 6e aima mieux qu'il fut conféré à Arpad, fils d'Almus, que les Hiftoricns Hongrois font defeendre d'Attila. Par ce premier déplacement des Barbares , les Uzes fe trouvèrent établis dans le Pays qu'ils conquirent fur les Patzinacites, entre le Volga 6e le Don. Les Chazares leurs alliés, profitèrent de cette révolution pour s'étendre vers le Donetz ou le Tanaïs , fur le bord duquel ils fondèrent la ViHc de Sarcel, avec le fc cours de l'Empereur Théophile. Les Patzinacites s'établirent entre le Don 6e le Boryfthene , dans le territoire d'où ils avoient chaffé les Turcs, Ceux-ci s'arrêtèrent le long du Pont-Euxin, dans la R ' Province â'Qky&kow * ôc dans la BefTarabie ou le Boudgeak , jufques au Danube ; ils s'étendirent même jufques dans la Moldavie ôc la Walaquie. Ces deux Provinces étoient habitées alors, comme aujourd'hui, par les defeendans des Légions Romaines , mêlés avec le refte des Barbares qui avoient fuccellivement inondé ces Contrées. Les Ecrivains de l'Hiftoire de Hongrie ne font point mention de ces démêlés des Turcs avec les différentes Nations ; ils les fuppofent partis du fond de la Sarmatie, avec le deffein formé de conquérir la Pannonie ; 8e ils nous donnent le détail de leur route, depuis qu'ils ont paffé le Tanaïs , jufques à leur arrivée dans la Moravie. Suivant le rapport de Bonfinius , ils traverferent le Pays des Roxolans des Hamaxobes , des Sarmates , ôc des Tauro-Scythes 3 comme des Voyageurs , ôc fans commettre le moindre acte d'hoftilité. Bien loin de là , ils brûloient d'un h* violent defir d'arriver dans la Pannonie , qu'ils diflimuloient les infuîtes qu'on pouvoit leur faire en chemin, crainte que la nécefîîté d'en tirer vengeance, ne les engageât dans quelque guerre, qui auroit pu retarder leur voyage. Ils palPerent enfuite chez les Baftarnes , ÔC s'avancèrent chez les Bejfes ôc les Albanais. Plufieurs Auteurs ont affuré que les Si-cules ou les Huns, qui fous la conduite d'Attila s'étoient emparés de cette partie5 de la Dacie, qui eft aujourd'hui la Tranfilvanie, & l'avoient occupée jufques alors , vinrent au-devant de leurs prétendus Compatriotes , jufques chez les Roxolans 8c les Hamaxobes , qui font les Rufles d'aujourd'hui. Les Turcs fatigués d'une fi longue route s'arrêtèrent fous les Monts Amado-res ôc les Monts Peucins 3 ÔC fe feroient peut-être déterminés à fe fixer dans cette contrée, 8c à la cultiver, s'ils n'en avoient été détournés par la fabuleufe aventure des Aigles , dont une multitude innombrable vint fondre fur leurs Chevaux 6e leurs Beftiaux , & enlever même les viandes fur leurs tables. Ils prirent cela pour un mauvais augure, 6c un avertifïement de pourfuivre leur entreprife. Ils palferent en effet les Monts, 6c allèrent fe fixer dans la partie de la Dacie qu'on appelle à préfent la Tranfilvanie, malgré les efforts que firent les Baftarnes , les Pcucins 6c les Belles pour les en empêcher. Cette ftation des Turcs dans la Tranfilvanie , rapportée par les Hiftoriens Hongrois, me paroît la même époque que leur venue dans la Beftarabic , la Walaquie 6c la Moldavie. Le témoignage de Conftantin Porphyrogenete eft plus digne de foi lur ce point qu'aucun autre, parce que ce Prince nous parle d'un événement arrivé, pour ainfi dire, de fon temps , 6c fur fes terres, 6c dont probablement il a dû être mieux informé qu'aucun autre Hiftoricn. Ce fut de cette nouvelle Habitation que les Turcs Hongrois palferent dans la Moravie, à la folfi-citation de l'Empereur Arnoul , qui les y attira lui-même, pour l'aider à foumettre Swietopolk > ou Seutoplochus > ou Sua-thés s Duc de Moravie , qui s'étoit révolté contre lui, 6c ré-gnoit dans cette contrée. Ces Barbares étoient divifés en fept Corps de 30857 hommes chacun , qui formoient enfemble une armée de 116000 combattans, tirés de cent huit Tribus différentes. Ils avoient à leur tête fept Chefs, dont le premier étoit Arpad , fils d'Almus ; les autres étoient Zabolch, Gycla, JLehel, Chund, Verbuch 6c Urs. Ils formèrent fept camps, qu'ils fortifièrent de foffés très-profonds. Cet endroit a été depuis appelle Siebenbourg y ou les fept Châteaux. Les Turcs Hongrois, avant de faire des tentatives pour pénétrer dans la Pannonie , envoyèrent Cufid, fils de Chund, pour reconnoître le terrein. Celui-ci partît, accompagné de Rij peu de perfonnes ; il pafîa les Monts Crapaks ôc le Tibifc > ÔC prenant fa route par le Pays des Jazyges Matanaftes , il s'avança jufques au Danube, ôc fe rendit chez Scutoplochus , à qui il expofa le motif de fa miftion. Ce Duc voyant fes fertiles Pays dépeuplés, fut charmé de l'arrivée de ces nouveaux Colons , dont il fe flatta dès - lors de tirer de grands avantages pour la guerre ôc pour l'agriculture. Il promit de donner aux Turcs des terres ôc des habitations, ôc renvoya leur Emiflaire avec des marques de fa munificence. Cufid , fatisfait du fuccès de fa légation , rapporta à fon retour à Arpad , un peu de terre, d'herbe ôc d'eau du Danube , pour lui donner une idée de la fertilité du terrein. Arpad affembla tous les autres Chefs pour leur faire favoir que tout avoit réuni fuivant leurs defirs. Il adreffa enfuite une longue prière à Mars ôc à Hercule, ôc fit une libation avec l'eau du Danube. Après quoi les Chefs envoyèrent en reconnoiffance à Scutoplochus, par le même Cufid , un Cheval blanc magnifiquement enharnaché. Mais lorfqu'ils jugèrent que le temps étoit arrivé de s'emparer de la Pannonie , ils firent leurs préparatifs, defeendirent par les Monts Crapaks jufques aux bords du Danube , ôc envoyèrent de-là un AmbafTadeur à Scutoplochus , pour lui lignifier de la part des fept Chefs , qu'il eût à abandonner au plutôt la terre qu'il leur avoit vendue , ôc dont le Cheval avoit été le prix. Le Duc allarmé de fe voir intenter une auffi étrange querelle, par des Hôtes aufqucls il préparoit l'accueil le plus favorable, fe mit en devoir de repouflcr la violence dont il étoit menacé. Il anembla une armée, ÔC paffa fur la rive fcptentrionale du Danube. Après plufieurs efearmouches , il voulut tenter une bataille décifive, dont le fort lui fut funefle ; fes troupes furent mifes en fuite, Ôc lui-même périt en repaffant le Fleuve , avec le plus grand nombre de fes foldats. Ceux qui fe fauve-rent furent enfuite taillés en pièces par les ennemis, qui les pourfuivirent jufques fur l'autre bord. Une victoire auffi conv plettc mit les Turcs Hongrois en pofTeffion de toute la Pannonie. Ils s'y confondirent avec les anciens Huns , les Avares oc les Sicules, qui y étoient venus avant eux ; ils ne formèrent plus qu'une même Nation , ôc combattirent dès-lors fous les mêmes Drapeaux. Ces Barbares fe trouvèrent par-là établis dans la grande Moravie , la Tranfilvanie , la Moldavie ôc la Walaquie. Les Moraves ôe les Sclavons chaiTés de leur Pays fe difpcrferent de tous côtés ,*& fe répandirent chez les Ser-viens, les Croates , ôc principalement chez les Bulgares, auf-quels ils rendirent la Langue Sclavone encore plus familière. Cette incurfion des Turcs , fuivie de celle des Patzinacites effraya fi fort l'Occident 3 qu'à cette occafion on agita le Problême , fi ces nouveaux Scythes n'étoient point le Peuple ennemi de Dieu , dont il eft parlé dans les Prophètes fous le nom de G oh ôc de Magog. On voit par une Difïèrtation qui parut dans ce temps-là , qu'on les appelioit Hongrois , fans favoir pourtant quelle Nation ce pouvoit être , ce nom ayant été inconnu jufques alors. Les Turcs établis dans ce nouveau Pays, qui fut depuis appelle la Hongrie , y étoient divifés, fuivant les Hiftoricns Hongrois , en fept Diftricts ; ÔC au rapport de Conftantin Porphyrogenete , en huit familles confédérées y qui avoient chacune leur Chef, ôc étoient cependant toutes foumîfes à un Général ou Vaïvode. Il paroît que cette dignité fut héréditaire dans la poftérité d'Arpad, dont le fils ôc le fucceffeur fut Zol-tan ou Sultan ; celui-ci eut Toxus , duquel naquit Geyfa , pere de Saint Etienne, qui fut le premier Roi de Hongrie» Au refte le Pays que les Turcs Hongrois envahirent dans cette transmigration , eft défigné par Conftantin Porphyrogenete d'une manière à ne pas s'y méprendre , par les ruines du Pont de Trajan 3 la Ville de Belgrade, éloignée de deux journées de Sirmium y ou Sirmich > ôe par les Rivières de Temefes > de Mare-fes , ÔC de Tit^a , qui arrofoient cette contrée , ôe qui font la Tamifch y la Marri^a ôe la Thaijfe d'aujourd'hui. Le Territoire des Turcs , fuivant le même Auteur , étoit borné à l'Orient par les Bulgares Politiques , qui en étoient féparés par le Danube ; au Midi par les Croates ôe les Serviens ; au Couchant par les Francs ou Saxons ; ôe au Septentrion par les Patzinacites. Cette defeription n'eft cependant pas tout-à-fait exacte , puifque par la fituation oblique du terrein , les Patzinacites , qui fe trouvoient alors fur les Côtes de la Mer Noire, étoient plutôt à l'Orient qu'au Septentrion. Examinons à préfent quelle devoit être la Langue des Turcs Hongrois. J'ai déjà dit au Chapitre XV. que les Cabares, ÔC d'autres Tribus de Chazares, qui fe joignirent aux Turcs , lorsqu'ils habitoient encore aux environs du Tanaïs , leur avoient donné leur Langue, c'eft-à-dire, celle des Chazares , qui leur devint commune, ÔC qu'ils fe rendirent encore plus familière , par le commerce ôc l'union qu'ils entretinrent avec eux pendant plufieurs années. Lorfque Conftantin , Apôtre des Sclavons, fut envoyé par l'Empereur Michel chez les Chazares , pour les inftruire dans la Foi, il s'arrêta quelque temps à Cherfone 3 pour y apprendre leur Langue. On a douté fi cette Langue des Chazares étoit la Sclavone. Mais ce doute eft décidé par l'obfervation qui précède, puifqu'il eft démontré que cette Langue des Chazares étoit la même que celle des Turcs Hongrois ; que la Langue de ces Turcs, qui fubfifte encore dans la Hongrie, n'a aucun rapport avec le Sclavon , ni aucun autre langage connu en Europe. Il eft vrai que Conftantin étudia auffi le Sclavon à Cherfone, où il étoit bien à même de l'apprendre par le concours des Ruffes ôe des autres Peuples Sclavons qui commerçaient avec les Cherfonites ; mais cela ne prouve pas que cette Langue fut celle des Chazares , ôc l'on pourroit plus raifonnablement conclure qu'il apprit l'une ôc l'autre dans ce voyage. Tout cela confirme l'opinion que |*ai mife au jour dans le Chapitre II. que la Langue Hongroife doit être fille de la Circafîienne ; cette dernière Langue eft très-ancienne: elle a toujours été en vigueur dans les Pays fitués entre le Pont-Euxin, le Caucafe Ôc la Mer Cafpienne ; on ne peut pas douter que les Chazares, les Abafges, les Zi-ques , les Cabares, les Uzes , ôc toutes les Tribus qui fe font mêlées avec les Turcs , ne fuffent des Nations Circafïïenncs. ïl eft donc probable que le Circaffcn étoit leur Langue, puifque les Chazares, les Abafges , ôc les Cabartins d'aujourd'hui, qui font leurs defeendans, la parlent encore. On fait, par le témoignage de tous les Auteurs, que les Turcs Hongrois adoptèrent la Langue des Chazares ; fi ces Peuples avoient donc eu une autre Langue que la Circafîienne, on en trouveroit les veftiges dans la Hongroife , Ôc il eft manifefte que cette dernière n'a pas le plus léger rapport, ni la moindre affinité avec aucun autre langage connu, fi ce n'eft avec le Circaf-fien Ôc le Tartare. Il faut donc néceffairement que le fond de la Langue Hongroife foit le Circafîien , ôc que les Racines Tartares que l'on y retrouve foient les débris de la Langue Tartare , qui dans les premiers temps devoit être commune aux Turcs Hongrois, puifque leur première origine remonte dans k grande Tartarie. L'uniformité de quelques noms Hongrois, ■É 136 OBSERVATIONS illuftres dans l'Hiftoire, avec les noms Circanlens , eft encore une forte de preuve .de ce que j'avance. Michel Ritius , dans fon Livre de Regibus Hungariœ y dit qu'un des Chefs des Turcs Hongrois, qu'il appelle Huns, étoient un nommé Seita 3 ce pouvoit être un Beg du Cabilé ou Tribu Circafîienne qui porte le nom de Sezti. Bonfinius , dans le neuvième Livre de fa première Décade , raconte que Zabolch , l'un de ces mêmes Chefs , donna origine à la Tribu des Chaki ; ôc l'on trouve aujourd'hui la Tribu de Chaka dans la CircafTic. Un autre Chef, appelle Gyla 3 ne peut-il pas avoir été quelque Beg de la Tribu Circamennc de Gylo-Kouadje. On retrouve des noms Cir-cafïïens dans des temps bien plus reculés ; Procope nous dit que les Portes Cafpiennes appartenoient à Ambaface y Hun de Nation , ÔC grand ami des Romains, qui offrit de céder ces Portes à l'Empereur Anaftafe. Cet Ambaface étoit certainement un Beg de la Tribu dAbaface 3 qui eft une des plus con-fidérablcs de la Cirçaifie , ôc dont le nom a été un peu altéré par l'Hiftorien Grec. Je pourrois trouver encore beaucoup de noms auffi conformes ; mais je crois qu'il fuffit d'en avoir cité quelques-uns. J'ai donné rénumération exacte de toutes les Tribus Circafîiennes dans un Ouvrage manuferit fur l'Etat préfent de la petite Tartarie , que j'ai envoyé à la Cour en Après avoir conduit les Turcs Hongrois jufques dans la grande Moravie , il eft temps de dire ce que devinrent les Patzinacites , qui les chafîbient devant eux, ôc s'emparoient fuccefîivement de leurs Habitations. Dans le temps dont parle Conftantin Porphyrogenete, ç'eft-à-dire, 50 ans avant celui ou il écrivoit, les Patzinacites s'emparèrent des terres que les Turcs quittèrent pour paflcr dans la Pannonie. On ne fait pas bien bien s'ils les en avoient encore chattes , ou s'ils en prirent feulement poflèflîon , parce qu'ils les virent abandonnées. Il paroît en route manière que les Patzinacites occupoient dans ce temps-là , en deçà du Boryfthene , l'ancien Pays des Getes , la Moldavie , le long des Rivières de Pruth Ôc de Seret3 la Beftà-rabie , ôc ce que nous appelions aujourd'hui le Territoire d'OA^akow y ôc qu'ils s'étendoient au-delà du Boryfthene jufques à la Ville de Sarcel 3 que les Chazares avoient bâtie fous l'Empereur Théophile. On comptoit de cette Ville au Danube foixante journées de chemin. v Les Patzinacites étoient divifés en huit Tribus , dont quatre appellécs Cuart^ur 3 Syrucalpée 3 Borotulmat ÔC Bulatqor-pon 3 étoient au-delà du Boryfthene ; il y en avoit quatre autres en deçà de ce Fleuve ; celles de Gia\ichopon vers la Bulgarie , celle de G y la du côté des Turcs , celle de Characœ fur les frontières de Ruflîc, ôc celle de Jubdiutin 3 qui confï-noic avec les Ultini 3 les Berblenini 3 les Lan\anenï 3. Ôc d'autres Peuples Sclavons tributaires des Rufles. On voyoit dans ces Cantons en deçà«du Boryftene, des veftiges de quantité de Villes ôc d'Eglifes Chrétiennes, de même que des Croix taillées dans le tuf. C étoient apparemment les débris des Monafteres que les premiers Millionnaires envoyés chez les Goths ôc chez les Scythes Nomades, avoient fait bâtir fur les Côtes du Pont-Euxin. La fituation des Patzinacites engageoit les Empereurs de Conftantinople de rechercher leur amitié , parce qu'ils pouvoient s'en fervir utilement contre les Rufles , les Turcs ôc les Bulgares. On verra dans le Chapitre fuivant combien les Ruf-avoient à craindre de leur part, Ôc combien ils fe précau-tionnoient contre eux dans leur navigation du Boryfthene ôc du Pont-Euxin , jufques à ce qu'ils fufient arrivés aux bouches du Danube. Ils étoient la terreur de tous leurs voifins, à caufe de leur multitude Ôe de leur valeur ; on les voyoit toujours prêts à fe jetter fur les terres de ceux qui fe mettoient en campagne pour quclqu'expédition. Ils menoient une, vie errante, fuivant les faifons, tantôt au-delà 6c tantôt en deçà du Boryfihene. En temps de paix ils vivoient du produit de leurs troupeaux , 6c fourniffoient aux RufTes des Moutons 6c des Bœufs, 6c même des Chevaux. Ils avoient auffi une efpece de commerce de tranfport 6c de cabotage, qui confiftoit à voi-turer , tant par terre que par mer, moyennant un certain prix, les Denrées , les Epiceries , les Pelleteries 6c les Etoffes , que l'on faifoit palier de Conftantinople ou de Cherfone dans la Rufïie, 6c chez les Chazares 6c les Circafîicns. Ils étoient infidèles , avares 6c pillards ; on voit que les Ruftès , quand ils venoient négocier dans la Bulgarie 6c la Romelie, les évitoient comme des Bandits 6c des Voleurs. Lorfque l'Empereur, ou d'autres Princes envoyoient des Êmiflaircs pour traiter avec eux , ceux-ci avoient la précaution d& fe rendre d'abord à Cherfone y d'où ils donnoient avis aux Chefs des Patzinacites de leur arrivée, ôe de la commifïîon dont ils étoient chargés ; "6c ils ne manquoient pas , avant d'entrer en négociation , de fe faire remettre quelques Pcrfonnages diftingués, en garantie de la bonne foi de ces Barbares. C'étoit-Ià la manière dont on traitoit avec ceux qui habitoient au-delà du Boryfthene. Quant à ceux qui demeuroient entre ce Fleuve 6c le Danube, on s'abouchoit avec eux-fur la Côte de la Mer Noire , 6c on les obligeoit pareillement de donner des otages, que l'on re-tenoit dans les Navires jufques à ce que la négociation fût terminée. Les Patzinacites étoient libres 6c indépendans , ido- \ HISTORIQUES, &c. 139 Mires Se fuperftitieux ; ils faifoient des Sacrifices au pied des Chênes, Ôc immoloient des Oifcaux ; mais ils mettoient auparavant , tout à l'cnrour des Victimes, des flèches garnies de pain ou de viande , ô£ ils tiroient au fort, pour favoir s'ils dévoient les tuer, les manger, ou leur donner la liberté : on nous raconte à peu près la même chofe des Tartarcs Oftiaqucs, Se des autres Peuples Septentrionaux. Leurs habits étoient courts ÔC ne venoient qu'aux genoux, ils étoient même fans manches, Ôe c'eft à peu près l'habillement des Payfans Bulgares d'aujourd'hui. CHAPITRE XIX. Guerre de Confiantin Porphyrogenete contre Simeon, Roi des Bulgares. Obfervations Géographiques fur la Navigation des Rujfes , & fur divers lieux voifins du Boryfihene. j^La mort de Léon le Sage, les Bulgares recherchèrent fé-l'ieufement l'amitié des Romains , ôe envoyèrent à Alexandre fon frère , qui lui fuccéda l'an 911, des Ambaffadeurs, pour lui propofer de vivre en paix Ôe en bonne intelligence. Mais ce Prince répondit avec beaucoup de fierté ôe de mépris à ces avance^, ôe témoigna une ferme réfolution de fc rendre redoutable aux Bulgares. Simeon leur Roi fut outré de la réception qu'on avoit faite à fes Ambaffadeurs , Ôe médita dès-lors des projets de vengeance , dont Alexandre ne put pas voir OBSERVATIONS fi.aaJju.lmp,1|ffmmtrtm— I—j—■Wt l'exécution , parce que la mort l'enleva l'an neuf cent douze. Conftantin Porphyrogenete fut à peine fur le Trône , qu'il éprouva les effets du reffentiment de Simeon , Se eut à Soutenir contre les Bulgares , cette guerre , pour laquelle leur Roi avoit fait fes préparatifs pendant le règne d'Alexandre. Au rnoïs d'Août de la même année, Simeon fe préfenta devant Conftantinople , Se ouvrit la tranchée du côté des Blaquernes, jufques à la Porte Dorée. Mais défcfpérant de fe rendre maître de cette Place , il ne tarda pas d'en lever le fiege, Se fit des proportions de paix qui furent rejettées. Oflènfé de ce refus , il fondit fur la Thrace , Se s'empara de la Ville tiAndrinople , qui fut rachetée par l'Impératrice Zoé. Cette guerre dura encore long-temps ; Léon Phocas , Général de l'Armée Impériale, ayant voulu entrer dans la Bulgarie l'an 917 , fut battu au bord du Fleuve Acheloils 3 Se obligé de fe retirer en déroute à Mtftmbria. L'Empereur méditoit une alliance avec les Patzinacites , qu'il vouloit appeller à fon fecours ; mais cette négociation échoua par la mal-adreffc de ceux qui en étoient chargés. Ces Peuples , cinq années auparavant, étoient entrés pour la première fois dans la Rulfe : leurs actes d'hoftilités finirent par la paix qu'ils conclurent avec Igor, qui venoit de fonder un Royaume dans les Régions Septentrionales. L'an 20 , ce même Igor leur livra bataille , Se après les avoir dé-faits, fe ligua avec eux pour venir ravager les terres des Romains; ils palferent enfemble le Danube, Se l'on ne put s'en délivrer qu'à force de préfens Se de foumifllons. Ce fut alors que l'Empereur penfa inutilement à contracter une jadliance avec eux , pour en tirer des fecours contre les Bulgares. Simeon animé par fes premiers fuccès, marcha de nouveau vers Conftantinople j mais Léon Phocas prit fa revanche , Se rem- porta fur ce Prince une victoire Signalée, qui rendit le calme à la Capitale. A la fin de l'année 917 , Romain , qui partageoit le Trône avec Conftantin Porphyrogenete , termina cette guerre par le mariage de Marie , fille de l'Empereur Ghrifto-phle , avec Pierre, fils de Simeon. Quelques temps après les Turcs Hongrois fe répandirent dans les terres de l'Empire , ravageant la Thrace, & s'avancèrent même jufques à Conftantinople. Les Empereurs Conftantin fie Romain envoyèrent contre eux le Général Théophanes, qui les repouftà, 6e conclut avec eux une Trêve de cinq ans. L'an 944 , un Capitaine Turc , nommé Boulogoud, vint à Conftantinople , 6e y embrafta la Religion Chrétienne. L'Empereur Conftantin Porphyrogenete le fit Patrice ; mais il ne perfifta pas long-temps dans la foi de Jefus-Chrift ; il retourna dans fon Pays, 6e reprit fon ancienne créance. Il fit depuis diverfes incurfions fur les Romains 6e fur les Saxons ; mais l'Empereur Othon l'ayant fait prifonnier , le fit pendre. Un autre Chef des Turcs , nommé Gilas , qui avoit accompagné Boulogoud , 6e reçu avec lui le Baptême à Conftantinople, fut plus ferme dans fa converfion ; il emmena avec lui un Moine nommé Hiérothée , que le Patriarche avoit facré Evêque de Turquie, 6e qui fit dans ce Pays-là un grand nombre de Profélites. La navigation annuelle des Ruifes dans le Pont-Euxin ,ref~ ferroit toujours de plus en plus leurs liaifons avec les Bulgares. Cette navigation donne lieu à quelques obfervations Géographiques, que l'on ne trouvera peut-être pas ici déplacées. J'examinerai les détails que nous en donne Conftantin Porphyrogenete, 6e j'y joindrai quelques obfervations que j'ai été à portée de faire moi-même fur les lieux. Les RufTes faifoient, comme je l'ai déjà dit, partie des Sclavons Septentrionaux ; Conftantin Porphyrogenete les place depuis Kiovie Ôe les Monts Crapaks ; il fait l'énumération de divers ^Peuples Sclavons leurs tributaires , tels que les Ber-biani 3 Drungutitœ 3 Cribir^e 3 Cribitœni , Larn^ecdni 3 &c. : Les RulTes , fuivant cet Auteur , n'avoient chez eux , ni Bœufs, ni Moutons , , ôe venoient les acheter des Patzinacites. J'ai expliqué au long quels étoient ces Peuples , ôe comment ils s'écoient établis dans l'Ukraine , le Territoire d'Ok-zakow, 6c la Befïàrabic, par une révolution que j'ai placée dans fon ordre hiflorique. Les Sclavons tributaires des RulTes, eoupoient tous les hyvers de grands Arbres , dont ils for-moient des Monoxyles 3 ou des Bateaux d'une feule pièce, qu'ils faifoient paffer par les Lacs jufques au Boryfthene, appelle Danapris , 6c aujourd'hui Dnieper; ils s'embarquoient fur ce Fleuve pour venir jufques à Kioba 3 ou Kiovie. Là ils vendoient leurs Bateaux aux RufTes , qui , des vieux Bateaux de l'année précédente , faifoient des rames 6c d'autres inffru-mens néccffàircs pour les nouveaux. Les Rufles s'embarquoient dans le mois de Juin fur le Danapris 3 6c defeendoient à Bi-tet\ebé, Place qui leur étoit tributaire. Là ils raflèmbloient tous leurs Bateaux pour paflcr en forme de Convoi les fauts du Fleuve. Ces fauts font formés par des rochers fous l'eau, qui rendent le courant extrêmement rapide dans cet endroit-là. Ils étoient obligés de décharger leurs Bateaux pour les faire pafîer comme ils pouvoient par deffus les rochers , en les pou£ fant avec des pieux. On remarquoit le long de ces fauts du Danapris 3 fept Places : la première, s'appclloit EJfupé 3 qui en Sclavon fignifie ne pas dormir ; la féconde , Ulborfî en Riif-fc , 6c Oflrobuniprach en Sclavon ; c'eft-à-dire, l'Ifie du lieu efcarpé ; la troifieme, Gélandie 3 qui veut dire en Sclavon bruit du lieu efcarpé ; le nom de la quatrième en RufTe étoit Ai-phar 3 Ôc en Sclavon Neajfet3 parce que les Pélicans y font leurs Nids. Dans cet endroit-là les Rufles étoient obligés de porter leurs Marchandifes eux-mêmes pendant près de 6000 pas, ôc de traîner après eux leurs Bateaux, en failant bonne garde contre les Patzinacites. La cinquième Place étoit connue des Rufles fous le nom de Baruphorum 3 ÔC des Sclavons fous celui de Bulneprach ; le Fleuve y formoit un Lac où les Rufles remettoient leurs Bateaux à l'eau , pour aller jufqu'à la fixieme Place, appcllée Leanti en Rufle, ÔC en Sclavon Be-runt\i, comme qui diroit lource d'eau. La feptieme Place étoit défignée en Rufle par le nom de Strubun, Ôc en Sclavon par celui de Naprefi3 qui lignifie une petite élévation, ou un ■petit endroit efcarpé. Ceux qui fa vent la Langue Sclavone, peuvent rechercher ces étymologies, dont les Cartes modernes ne font aucune mention. On peut obferver que l'on faifoit du temps de Conftantin Porphyrogenete quelque différence de la Langue Rufle à la Sclavone, puifque ces diverfes Places avoient des noms différens dans l'une ôc dans l'autre Langue. Ces fauts du Boryfthene ont été appelles par les Rufles , Porogi, ÔC ont donné , à ce que l'on croit, le nom aux Cofaques Zaporowski 3 bu Zaporoviens ; ils font défignés aujourd'hui par douze noms difFérens , qui font Kudac , Surski 3 Luchan 3 Swonet^, Sinala-va $ Nevafinti, Volna, Tovolpeni, Budik 3 Limai 3 Sttrnik , Zobora. Ces noms font conformes à la lifte qui m'en a été donnée par M. Mierowitz , Colonel Cof aque , ci - devant au fervice de Pologne, établi depuis long-temps à Bakchefaraï. Et ils fe trouvent écrits de même dans la Carte dreffée par les Rufles en 1736. Les RulTes, après avoir palTé les fauts du Boryfthene, ve-noient dans un lieu appelle Trajeclus Crafii, ou le pas de Cra-fïus : c'eft par-là que les Cherfonites , Peuples qui habitoient la Crimée , 6c dont j'ai déjà parlé fort au long , paflbicnt pour entrer en Ruflîc. Ce paffage , fuivant le rapport de Conftantin Porphyrogenete , n étoit gueres plus large que PHyppodrome de Conftantinople. Les Patzinacites y venoient pour fe battre avec les Ruifes, lorfqu'ils étoient en guerre ; 6c pour traiter avec eux en temps de paix. Ce pas devoit être dans l'endroit où les Turcs fe réferverent de bâtir un Bourg pour faciliter le paifage de ce Fleuve, lorfqu'ils confentirent par le Traité de 1700, que les terres limitrophes des Mofcovites demeure-roient défertes 6c inhabitées. Les Ruifes defeendoient de-là à rifle de Saint-George, qui ne peut être autre chofe , que cette grande Ifle, que l'on voit dans le Boryfthene, vers l'embouchure du Bog. Dans cet endroit-là, la bouche du Fleuve s'élargit, 6c forme une efpece d'Etang qui va jufqu'à la Mer, 6c au bout duquel fc trouve PIflc à laquelle les Grecs donnoient le nom de Saint Ethere. Les Rufles s'arrêtoient dans cette Ifle, pour y radouber leurs Bateaux, 6c fe mettre en état de naviguer fur la Mer. Enfuite , lorfque le vent étoit favorable , ils partoient de cette Ifle, Ôc venoient au Fleuve Blanc; où s'étant de nouveau radoubés, ils s'avançoient à l'Ifle de Selina qui étoit devant l'une des bouches du Danube appellée Paraclitus* ou Paracladion. L'Ifle de Saint Ethere rapportée par Conftantin Porphyrogenete , doit être celle qui fe trouve directement à l'embouchure du Boryfthene , entre la pointe âCOk^akow ôc celle de Kilbouroun; ÔC l'Etang dont parle le même Auteur, doit s'entendre de l'étendue que le Boryfthene même fc trouve avoir entre ces ces deux Places , Ôc qui eft d'environ quatre lieues , ou bien du Lac Bere\en 3 qui eft à deux lieues au Sud-Oueft d'Ok^akow , ôc qui communique à la Mer par une embouchure fort étroite. Ce Lac eft formé par une petite Rivière qui prend fa fource à quelques lieues de cette Ville. C'eft vis-à-vis de ce Lac Bere-\en 3 que fe trouve cette Ifle , que je crois avoir eu le nom de Saint-Etherc. Il ne faut pas la confondre avec d'aurres Iflcs fituées plus à l'Orient vers la Crimée, ôc appellées par Conftantin Porphyrogenete, Adam, d'où les Tartarcs ont tiré par corruption le nom de Tenteré3 qu'ils leur donnent actuellement! Le Fleuve Blanc où les Ruffes alloient fe radouber après être partis de l'Iilc de Saint-Ethcre, doit probablement fe trouver à la moitié du chemin entre le Boryfthene ôc le Danube , ôc ne peut être que le Dméfie r3 que l'Auteur appelle ailleurs Danafiris. On peut conjecturer qu'il lui donne ici , d'après les Ruffes , le nom de Fleuve Blanc, à caufe de la Ville appcllée Afpron 3 ou la Ville Blanche, qui étoit fituée à fon embouchure. Les Tartares ÔC les Turcs lui ont confervé le même nom, ÔC l'appellent aujourd'hui Akkirman 3 qui lignifie Château Blanc. Les Moldaves l'appellent auffi Zetaté-Alba 3 qui a la même fignification. Cette Ville a porté anciennement le nom de Mon-Cafiro 3 ôc il y a toute apparence que c'eft VOxia d'Hérodote. L'Ifle de Selina 3 que Conftantin Porphyrogenete place devant les bouches du Danube , eft une petite Ifle qu'on trouve effectivement à 40 milles de l'embouchure de ce Fleuve. Les Turcs l'appellent Ilan-Adafiy 3 ou l'Ifle des Scrpcns : la tempête m'y jetta dans le mois de Novembre Ï754 , lorfque je paffai la Mer Noire pour aller occuper le Pofte de Conful du Roi auprès du Kan des Tartarcs. Cette Ifle eft entièrement déferte , ôc elle n'eft habitée que par une quantité innombrable de Serpcns qui ne font aucun mal à leurs Hbtes. C'eft dc-là qu'elle a tiré le nom qu'elle porte aujourd'hui. Elle n'étoit pas marquée fur les anciennes Cartes de la Mer Noire , mais elle eft bien exactement placée dans celle qui a été dreflec par les foins de feu mon Pere, la meilleure qui ait encore paru. Ccllarius eft fort embarrafle pour placer une Ifle que les Anciens appelloient l'Ifle dAJiille. Comme il fuppofc qu'elle étoit unique , il la confond avec l'Ifle Melafite qu'il croit être l'Ifle de Leucé des Anciens , où étoient le Temple ôc le Tombeau d'Achille. Mais il ne fait enfuite comment concilier ce que difent les uns de llfle d''Achille 3 qu'ils placent devant l'embouchure du Boryfthene , avec ce que rapportent les autres de l'Ifle Melafite 3 qu'ils difent être entre le Tiras ou T) nie fier 3 ôc lifter ou le Danube. Cette difficulté s'éclaircit, dès que l'on fait qu'il y a réellement deux Ifles placées comme les Anciens les défîgnent. Mêla a raifon quand il dit dans le Chapitre VII. de fon fecond Livre, que l'Ifle de Leucé eft fituée devant la bouche du Boryfthene ; Strabon paroît avoir fait la même erreur que Cellarius ; il dit dans fon huitième Livre que llfle de Leucé eft éloignée de 500 ftades de l'embouchure du Tyras ; qu'elle eft confacrée à Achille ; qu'elle eft fort avancée dans la Mer , ôc féparçc du Boryfthene par un efpace d'environ 600 ftades. Il eft évident que ce Géographe a pris l'Ifle Melafite y que Conftantin Porphyrogenete appelle Selina 3 pour l'Ifle de Leucé ou d'Achille , puifque l'Ifle Melafite eft réellement s à peu de chofe près , dans la pofition qu'il a indiquée. Il paroît donc manifeftement , par le paflàge de Mêla ôc l'erreur de Strabon, que l'Ifle de Leucé doit être l'Ifle de oatnt-jEtherc , dont j'ai parlé ci-devant, placée, comme dit Mcla , à la bouche du Boryfthene. Ce qui confirme encore mon opinion , eft que cette Ifle fe trouve devant la pointe de Kilbouroun s qui eft l'efpace auquel les Anciens donnoient le nom de Dromos Achilleos 3 ou Curfus Achillis. Mêla rapporte qu'Achille étant entré dans la Mer Pontique , pour fe repofer des travaux de la guerre , célébra dans cet endroit-là des Jeux, ôc s'exerça à la courfe avec fes compagnons : ce qui fît donner à ce lieu le nom de Dromos Achilleos Aoc^@~ A'x^àîcoç j ou la Courfe d'Achille. Mcla fait enfuite une defeription du ter-rein qui convient parfaitement à la terre de Kilbouroun , qui s'avance dans la Mer en pointe fort aiguë , ôc s'élargiffant in-fenfiblcment, préfente, comme dit Mêla, la figure d'une épée. Cette pointe eft fi déliée, que les Turcs lui ont donné le nom de Kilbouroun y ou la pointe des Cheveux. On peut conclure de ce que je viens de dire , que llfle de Leucé ou d'Achille, eft llfle de Saint-Ethere, placée à la bouche du Boryfthene ; ôc* que llfle Melafite 3 eft celle de Selina } appellée par les Turcs Ilan-Adajfiy , ôc fituée devant l'embouchure du Danube. Me-letius, Géographe Moderne très-exact, s'explique bien clairement au fujet de la première, dans le quatorzième Thème de fon troifieme Chapitre. « yis-à-vis de l'embouchure du » Boryfthene, dit-il, eft llfle & Achille 3 qui a auffi été appel-5> lée Leucé par les Anciens. Conftantin Porphyrogenete, après avoir placé devant les bouches du Danube llfle de Selina > qui ne peut être , comme je l'ai déjà dit, que llfle des Serpens, donne le même nom à Un Fleuve , qui n eft autre chofe qu'une des bouches du Danube, appellée aujourd'hui par les Turcs, les Moldwcs Ôc les Bulgares Solina. Jufques-là les Ruffes avoient à craindre des Patzinacites ; mais en deçà ils n'avoient plus rien à appréhen- T ij i48 O B S E R VA T I O N S der, parce qu'ils entroient dans les terres des Bulgares, Nation amie, avec laquelle ils venoient commercer. Lorfqu'ils étoient arrivés fur les Côtes de Bulgarie , ils alloient du Danube à Conope y de-là à Confiance } puis au Fleuve Virna 3 à la Rivière de ~Dit\ina , ils arrivoient enfin à Mefembria 9 où fe terminoit le cours de leur voyage. On peut voir par l'idée de la navigation des Ruffes pour le Commerce , quelle pouvoit être celle qui avoit pour objet les courfes qu'ils venoient faire de temps en temps fur les Côtes du Pont-Euxin. Il paroît qu'ils firent la même route Iorfque fous la conduite d'Igor leur Prince, ils vinrent attaquer les Grecs par mer , fous le règne de Romain, qui ne peut être que le Collègue de Conftantin Porphyrogenete, puifqu'Igor a été contemporain de ces deux Princes , ôc eft mort en 950. C'eft pour cela que je crois devoir placer ici cet événement. Igor étoit Duc de Kiovie Ôc de Novogorod 3 ôc fils de Rurich. Son expédition maritime contre les Grecs , eft une des plus mémorables entreprifes des Rufles dont l'Hiftoire du moyen âge fatte mention. Luicprand nous dit fimplcment que ce Prince, qu'il appelle Inger , fut défait dans un Combat Naval par Romain, Empereur de Conftantinople. Mais Zonare , fans nommer Igor, nous apprend que les Ruffes s'avancèrent jufques à Conftantinople avec une Flotte de quinze mille Navires, qui probablement dévoient être de petites Barques. Cette Armée navale fut entièrement détruite ; il n'échappa qu'un très-petit nombre de Ruffes , ôc cette défaite les mit pendant quelque temps hors d'état d'attaquer les Grecs. Le Pays qui eft entre le Danube Ôc le Boryfthene, faifant partie de l'étendue crue je me fuis preferite, j'ajouterai encore ici quelques obfervations qui pourront contribuer à éclaircir HISTORIQUES, &c 149 la Géographie ancienne de cette Contrée. Après le Fleuve Ifier 3 qui eft le Danube , les Anciens plaçaient, en allant du Sud au Nord, le Fleuve Tyras 3 qui doit être incontcftable-ment le Dniefler 3 puifqu'il a été auffi appelle Danaflris dans le moyen âge. Les Peuples placés entre ces deux Fleuves étoient appelles Iflnani. Conftantin Porphyrogenete compte qu'il y avoit 40 milles du Danube au Danaflris 3 de 80 milles du Danaflris au Boryfthene. Ce calcul n'eft pas exact, Ôe le Dmefler fc trouve placé à peu près à une égale diftance entre le Boryfthene ôc le Danube. Les Ruffes l'ont reconnu , Ôe l'ont marqué de même dans la Carte qu'ils ont drefléc lors de la campagne de 1736. Mcletius a fait le même calcul, il compte 50 milles du Boryfthene au Dnieftcr , & 100 milles du Boryfthene au Danube. Dans la route de terre que j'ai faite , je n'ai trouvé qu'environ deux lieues de différence entre ces deux diftan-ces. J'ai compté 24 lieues du Boryfthene au Dnicfter, 6e environ 22 de celui-ci au Danube. La Côte maritime eft dans la même proportion. Strabon dit, qu'en s'avançant dans le Tyras 3 on trouvoit à une diftance de 140 ftades , les Villes tiOpkiufa de de Niconia 3 fituées, la première, fur la rive méridionale , de l'autre fur la feptentrionale du Fleuve. La Ville d'Ophiufa a été depuis appellée Tyras 3 du nom du Fleuve : elle devoit fe ttouver oii eft aujourd'hui le Bourg de Palanca 3 fur le bord méridional du Fleuve, à fix lieues de fon embouchure, qui font à peu près les 140 ftades de Strabon. On ne trouve plus les moindres veftiges de ces deux Villes ; toutes les Places qui bordent la rive méridionale du Dniefter , depuis fon embouchure jufques à Bender 3 font des Villages de des Bourgs bâtis nouvellement par des Moldaves Sujets du Khan puis les Chroby^es 3 le Fleuve Se le Golphe Sagaricus 3 Se la Ville d'Ordejfus ; enfuite le Fleuve Hypanis 3 la Ville A'Olbia 3 au confluent de ce Fleuve avec le Boryfthene ; Se enfin vers le Nord, les Boryjîhenites Se les Callipides. Meletius confond les Callipides avec les Axiaces > Se n'en HISTORIQUE S, ôc. iji fait qu'une même Nation, à laquelle il donne pour Ville principale Axiaca. Il prétend que c'eft la même que les Turcs appellent aujourd'hui Odou ou O\ou , Se les Mofcovites Ok^a-kow. Il dit enfuite dans le quatorzième Thème du troilieme Chapitre, ce que Strabon avoit dit avant lui , que la Ville d'Olbiopolis appcllée auffi Miletopolis 6c Boryjîhenis s étoit fituée à zoo ftades de l'embouchure du Boryfthene. On voit une contradiction manifeffe entre ces difFérens Auteurs , 6e l'on n'en peut rien inférer qui détermine la place de ces Fleuves , de ces Nations Se de ces Villes anciennes. J'ai cru entrevoir que ce qui les a tous induits en erreur, eft. d'avoir pris le Fleuve que nous appelions aujourd'hui le Bog pour Y Hypanis. J'ofe avancer en effet que leur Relation n'eft pas ad-miffible. Strabon nous dit dans fon feptieme Livre, que la Ville dYOlbia eft fituée à 200 ftades de l'embouchure du Boryfthene , Se dans le Périple de l'Anonyme, on lit que cette Ville eft bâtie dans le confluent de [Hypanis Se du Boryfthene, à deux cens quarante ftades de la Mer. Le Fleuve que nous appelions aujourd'hui le Bog, fe jette dans le Boryfthene , à une très-petite diftance de fon embouchure. Si le Bog étoit Y Hypanis , comment pourroit-on retrouver les 240 ftades qu'il doit y avoir de l'embouchure du Boryfthene à la Ville d'Olbia , laquelle doit fe trouver au confluent de ces deux Fleuves ? D'ailleurs ou fera YAxiace ? Tous les Auteurs conviennent que ce Fleuve doit être entre le Tyras 6e Y Hypanis > comme on l'a vu par les partages que j'ai cités ; ce doit aufli être un grand Fleuve , puifque Ptolémée nous dit qu'il parcourt la Sarmatie, un peu au-deffus de la Dacie ; il doit enfin , fuivant Mêla, féparer les Callipides des Axiaces. Or je me fuis convaincu par mes propres yeux , que depuis le Bog -, que l'on prend mal à-propos pour Y Hypanis 3 jufques au Dniefîer ou le Tyras 3 il n'y a que des petits Ruiffcaux, qui ne méritent pas même le nom de Rivières. L'Axiace ne peut donc pas fe trouver entre le Tyras ôe Y Hypanis 3 puifque ce doit être un grand Fleuve qui parcourt la Sarmatie, ôe non pas un petit RuiiTcau. D'ailleuis Ci le Fleuve fe trouvoit dans le lieu où on l'a placé , il ne féparcroit plus les Axiaces des Callipides , qui étoient au-delà de Y Hypanis. Ainfi dans l'iiypothefc que Y Hypanis foit le Bogy il eft impoffible de retrouver YAxiace. Yoici donc le fyftême que j'ai imaginé pour pouvoir accorder tous ces divers Auteurs. Il faut néceffairement fuppofer que le Bog eft YAxiace des Anciens. Les Turcs , en effet , le nomment AkfotL 3 qui n'eft autre chofe que le nom dAxiacc3 dont ils ont fait, fuivant leur coutume ordinaire, le nom fignificatif Akfou 3 qui fignifie eau blanche. Cette hypothefe arrange tout. Alors YAxiace fc trouve être un grand Fleuve parcourant la Sarmatie , comme le veut Ptolémée ; il fépare alors les Callipides 3 qui fe trouvent au Nord de ce Fleuve, des Axiaces , qui font au Midi, ôe qui prennent fon nom. LHypanis devient Ylngulet^ 3 qui fe jette dans le Boryfthene , à peu près à l'éloigncment de 140 ftades de fon embouchure, indiqué dans le Périple de l'Anonyme ; Ôc ce nouvel Hypanis inclut alors , comme dit Mêla , les Callipides 3 qui fc trouvent dans l'intervalle que ce Fleuve fait avec le Bog 3 ôc les fépare des Boryf-thenites , qui font dans l'angle oppofé que celui-ci forme avec le Boryfthene. Le Golphc Bere^en devient le Sinus Sagaricus3 ôc fc trouve dans la véritable place qui lui eft alignée. La Ri' vierc de Bere\en 3 qui eft au fond de ce Golphe , eft le Saga-ris ; le Safk-Bere^en eft le Rhodus ; ôc le Lycus ÔC le Penius d'Ovide , font les deux petites Rivières de Deligheulôc àCAt-chily-. Il Il me refte à retrouver les trois Villes dAxiace , d'OdeJJus Se ÙQlbiopolis. Etant à Ok^akow , à la fin de l'année 1758 , j'appris qu'il y avoit environ à 60 milles vers le Nord une an -cienne Ville ruinée, que les Cofaques appellent C\arna. On me dit auffi que Ton avoit découvert les débris d'une autre Ville ancienne à une très-petite diftance d'Ok^akow > vers la Rivière Bere\en , Se que les Turcs s'étoient fervi des pierres Se des marbres qu'on en avoit tirés , pour réparer les murs d'Ok-^akow > que les Runes avoient fort endommagés , lorfqu'ils prirent cette Place dans la dernière guerre. On m'affura que M. Venture de Paradis , Conful auprès du Khan des Tartares, Se l'un de mes prédécefteurs , avoit envoyé alors des gens fur les lieux , Se avoit enlevé plufieurs Infcriptions Grecques qui ne font jamais venues à ma connoiffàncc. Cette dernière Ville nouvellement découverte , pourroit bien être la Ville dAxiaca dont parle Mcletius, perdue depuis long-temps, Se dont les Rufles ont véritablement tiré le nom d'Ok^akpw , qu'ils ont transféré à la Ville exiftanre aujourd'hui. Alors Ok^akow d'aujourd'hui, que bien des gens ont pris pour l'ancienne Olbia ou Olbiopolis , fera l'ancienne Ode/Jus 3 dont les Turcs ont corrompu le nom , Se en ont fait Odou. Enfin Olbiopolis trouvera naturellement fa place, foit dans le confluent de ITngula^ Se du Boryfthene , où eft aujourd'hui Ka^ikirman 3 foit dans le lieu où fe trouve la Ville ruinée de Charnu , Se en toutes manières elle fera chez les Boryfthenites y aufquels elle doit appartenir , puifque ces Peuples avoient tiré leur nom de celui de Boryfthcnis , qu'elle portoit autrefois. Cette Ville ^Olbiopolis étoit une Colonie des Miléfiens, Se elle a été auiiî appcllée Miletopolis. Si mon fyftême n'eft pas vrai, il me paroît au moins le plus vraifemblable, ôe j'ofe le foumettre au jugement des Savans. Au refte , ce que je viens de dire regarde la Géographie la plus ancienne; dans celle du moyen âge on voit les Pays occupés d'abord par les Turcs Hongrois , enfuite par les Patzinacites , 6c enfin par les Cofaques 6c les Tartarcs. [ Koye-^ les Cartes JV" F. & VI. ] CHAPITRE XX. Continuation des affaires des Turcs > des Bulgares & des Ruffes. Incurfion des Patzinacites dans la Hongrie y defiruclion de la Monarchie des Bulgares par V Empereur Bafide. T jE règne de Romain le Jeune, fils de Conftantin Porphyrogenete , fut court ÔC obfcur. Ce Prince, fi indigne de fon Pere, monta fur le Trône au mois de Novembre de l'an 959 , 6c mourut au mois de Mars de l'année 963. On ne voit point dans l'Hiftoire qu'il ait rien eu à démêler avec les Barbares. Sous le règne de Nicephore Phocas fon fucccifcur , les Turcs Hongrois recommencèrent leurs courfes dans l'Empire , 6c commirent d'affreux défordres dans la Thrace. Les Bulgares étoient alors en paix avec les Romains ; Nicephore écrivit à Pierre leur Roi, ôe le follicita de faire tous fes efforts pour défendre aux Turcs le pafîage du Danube. Mais ce Prince confer-voit un vif reffentiment contre l'Empereur, de ce qu'il avoit re-fufé de le fecourir, lorfqu'il s etoit trouvé dans le même cas avec ces Barbares. Il répondit en effet qu'il ne vouloit pas violer les Traités qu'il avoit conclus avec eux. L'Empereur réfolut de fe venger de Pierre, ÔC envoya Calocyr, fils du Prince de Cherfonefe , chez Swiatoflaw , Roi des Ruffes, que les Hiftoricns Grecs ont appelle Splendoftlable, pour négocier avec lui, ôc fondre fur la Bulgarie. Ses proportions furent écoutées favorablement ; les Ruifes avides de butin , ôc ne cherchant que des occafions de piller , ne manquèrent pas de fervir les def-feins de Nicephore , ôc vinrent défoler cette contrée. Mais les Romains fe repentirent bien-tôt de les avoir mêlés dans leur différent ; Se la guerre qu'ils furent obligés de foute-nir contre eux , eft un des événemens les plus remarquables du règne de Jean Zimifcès. Les Rufles après avoir vaincu les Bulgares , ôc fait prifonniers leurs Chefs Romain ôc Borisès , formèrent le deffein de s'établir eux-mêmes dans la Bulgarie qu'ils avoient fubjuguée. Pour y parvenir plus facilement, ils crurent devoir corrompre Calocyr , ôc ils lui promirent de l'aider à monter fur le Trône Impérial ; celui- ci s'engagea de fon côté à leur céder à perpétuité la Bulgarie. Dès que les Ruffes eurent conclu cette convention , ils commencèrent de traiter avec mépris les Ambaffadeurs de l'Empereur, ôc pouffèrent les mauvais procédés à un tel excès , que Zimifcès pénétra leurs vues, ôe fe mit Cn devoir de s'y oppofer. Il af-fembla fes Légions , ôe en donna le commandement à Bardas Sclcrus. Swiatoflaw fc hâta de prévenir par des Traités les obstacles que fes voifins auroient pu mettre à fes entreprifes. Il étoit alors en guerre avec les Patzinacites , qui l'an 968 avoient afîiégé Kiovie, après la mort de fon pere Igor. Il fit la paix avec les Bulgares , les Patzinacites ôc les Turcs ; il s'allia mê-toe avec eux, ôc ne Songeant plus qu'à tourner toutes fes for- Vij ces contre les Romains , il pafla le Mont Hœmus, entra dans la Thracc avec une armée de 308 mille hommes, ôe menaça de venir mettre le liège devant Conftantinople. Mais la première campagne lui fut funefte ; Bardas Sclerus , qui vint à fa rencontre l'an 970 , lui livra bataille , 6c le vainquit. Jean Zimifcès ne voulut pas laifïcr à fon Général la gloire de terminer entièrement cette guerre ; il marcha en perfonne Tannée fuivante, força les Ruffes dans leurs retranchemens , 6c en fit un carnage effroyable. Cet avantage fut fuivi de la prife de Prejilabe a qui eft aujourd'hui Jamboly 3 Ville de la Bulgarie fituée à vingt-deux lieues au Nord d'Andrinople, fur la Rivière de Tondja. Calocyr, qui y étoit enfermé , prit la fuite , 6C fe fauva dans le Camp des Ruffes. L'Empereur trouva dans la Ville Borisès Roi des Bulgares, 6c fils de Pierre, avec toute fa famille , 6c d'autres Grands de cette Nation ; il les traita avec bonté , proteftant toujours qu'il n'avoit point pris les armes pour fubjuguer les Bulgares , mais pour les délivrer de l'oppreffion des Rufles , qui étoient fes fèuls ennemis. Zimifcès fatisfait de tous ces fuccès, ne crut pas devoir pouffer à bout un ennemi au l'Empereur Bafile marcha en perfonne contre les Bulgares, ôe fit le fiége de Sardique > qu'il leva in-confidérémenr, parce qu'on lui donna un faux avis que Léon Méliffenc, à qui il avoit confié la garde des partages , étoit retourné à. Conftantinople , pour s'y faire proclamer Empereur. Samuel rira parti de la précipitation avec laquelle Bafile fe mit en marche, pour entrer dans la Capitale ; il le poursuivit , lui préfenra le combat, ôe l'obligea de fe réfugier en déroute à Pkilippopolis 3 où il reconnut, mais trop tard , la fidélité de Léon , qui n'avoit pas quitté fon pofte. Le mauvais fuc-cès de cette campagne, donna lieu à la révolte de Bardas Phocas , neveu de l'Empereur Nicephore. Celui-ci fe mit à la tête de plufieurs mécontens , ôe parvint à fe faire proclamer Empereur l'an 987. Mais la mort fubite ôe imprévue de ce Rebelle, arrivée l'an 989 , rendit la tranquillité à Bafile, ôe lui permit de travailler férieufement à châtier les Bulgares. La même année fut marquée par un événement mémorable. Wolodimir , Prince des RufTes, qui avoit époufé Anne, fœur des Empereurs Bafile ôe Conftantin , embrafta la Religion Chrétienne . à la Sollicitation de cette Princcfîè. Il eft regardé par les Ruffes comme l'Apôtre de la Nation ; quoique l'Empereur Bafile I. fucceffeur de Michel III. eût déjà jette parmi eux les premières femenecs du Chriftianifmc , dans le fiecle précédent. Il cft vraifemblablc qu'ils étoient depuis retournés aux erreurs du Paganifme , puifque long-temps après la Prin-cefTc Olga ou Hélène, vint à Conftantinople fous Conftantin Porphyrogenete , ou fous Jean Zimifcès, Se s'y fît Chrétienne. Cette Olga étoit femme d'Igor, mere de Swiatoflaw , Se ayeulc de Wolodimir. Elle gouverna quelque temps après la mort de fon mari, Se fe vengea des Drcflians , qui en avoient été les auteurs ; elle remit enfuite les rênes du Gouvernement à fon fils Swiatoflaw , dès qu'il fut en âge de majorité. Depuis la con-verfion de Wolodimir , les Runes ont toujours confervé le Rit Grec dans les cérémonies de la Religion. Ce Prince qu'ils honorent comme un Saint, eft enterré à Kiovie. Il étoit fils naturel de Swiatoflaw , Se avoit deux frères légitimes, Jatoploë, Duc de Kiovie , Se Oglus , Duc de Pcrcaflawe ; ce dernier périt par la trahifon de fes Soldats ; Wolodimir fit mourir l'autre dans une entrevue qu'il eut avec lui : il demeura par - là feul Se paifible polfcfîeur des Etats de fon Pere. Il fubjugua, Se rendit tributaires fes voifins les Bulgares , les Croates , les Viatiques Se les Jazyges, Se enleva aux Romains la Ville de Cherfone. Il fit la paix avec eux , Se cette paix fut fuivic de fon mariage Se de fa converfion. Samuel, Roi de Bulgarie, avoit fçu tirer tous les avantages poffiblcs des guerres inteftines qui déchiroient l'Empire ; il étoit temps que Bafile pensât à mettre obftacle à fes ufur-pations Se à fon agrandiftement. L'an 995 , dès que la guerre civile fut terminée , l'Empereur confia à Grégoire Taronitc le commandement d'une armée qu'il envoya dans la Thrace. Il lui donna ordre de mettre bonne garnifon dans Theffalonique Se de contenir Samuel. Ce Général détacha fon fils Afor pour aller reconnoître l'Armée ennemie ; celui-ci donna dans une ernbufeade, Se fon pere en ayant eu avis, vola pour lui donner du fecours ; mais pendant qu'il faifoit des efforts pour l'arracher des mains des Bulgares , il fut enveloppé lui - même , ÔC périt en combattant. Sa mort entraîna la perte de la bataille, que ce combat avoit engagée. A la nouvelle de cette défaite , Nicephore Uranus fut envoyé pour fe mettre à la tête de l'Armée , dont il raflémbla les débris. Il atteignit Samuel, qui avoit déjà paffé la Vallée de Tempe de le Fleuve Pente , dans la Thejjalie 3 de alloit entrer dans le Péloponcfe ; il le furprit fur le bord du Fleuve Sperchius > de tailla fon Armée en pie-ces. Le Roi lui-même de fon fils Romain ne purent fe fauver, qu'en fe tenant long-temps cachés fous les morts , ôc ils retournèrent dans la Bulgarie. Les Turcs Hongrois , après avoir long-temps inquiété les Grecs , avoient tourné leurs armes vers l'Occident. Ils avoient foutenu des guerres fanglantes contre les François, les Saxons, ÔC tous les autres Peuples Occidentaux ; de ils étoient devenus la terreur de l'Europe. A la fin de ce fiecle ils commencèrent de fe policcr. Ils curent des demeures fixes Ôc devinrent cultivateurs ; le germe de la Religion Chrétienne, que Charlemagne avoit jette chez eux , fructinoit de jour en jour ; Geyza, leur dernier Duc , contribua beaucoup à la propagation de la Foi chez: ces Peuples ; Saint Efticnne fon fils , mit la dernière main h leur converfion , de acheva de répandre le Chriftianifmc dans toute la Hongrie. Geyza fon pere ne pouvant plus foutenir le poids de la fouveraineté, lui remit en 997 les rênes du Gouvernement , avec l'agrément de toute la Nation , qui lui prêta ferment de fidélité , de lui donna le titre de Roi. Après la mort de Geyza , Saint Efticnne envoya un Ambafladeur aU Pape Benoit VII. pour lui demander le Diadème Royal, qui lui fut accordé , quoique les Hongrois prétendent que ce Diadème HIST.ORIQ U E S, &c 161 dême dcfcendit du Ciel. Le Pontife rcfufa la même grâce au Roi de Pologne Micillas , qui l'avoit demandée dans le même temps. On n'a jamais trop bien pénétré les raifons de ce refus. Samuel, Roi de Bulgarie, étoit à peine retourné dans fes Etats après fa défaite , que fa foibleffe pour fa fille le plongea dans de nouveaux malheurs. Cette PrincefTe , devenue éper • duement amoureufe d'Afot Taronite , demeuré captif chez les Bulgares depuis la mort de fon pere , menaçoit de fe tuer fi on refufoit de le lui donner pour Epoux. Samuel consentit à ce mariage , Se donna à Afot la Préfecture de Dyrrachium. A peine ce Prince y fut-il arrivé, qu'il détermina fa femme à le fuïvre. Il retourna chez l'Empereur , Se après avoir livré aux Grecs la Ville de Dyrrachium } il entra dans la Bulgarie par Philippopolis 9 Se ravagea plufieurs Places dans le territoire de Sardique. L'an iooo , l'Empereur alfembla de nouveau une formidable armée , Se l'envoya contre les Bulgares, fous le commandement de Théodoracan Se de Nicephore Xiphias, qui dans cette Campagne prirent les Villes de Preftlabe Se de Pliskow. L'année fuivante, l'Empereur fe mit lui-même à la tête de fes troupes , Se les mena en Bulgarie. Il vint à Theffa-Ionique , après avoir conquis les Villes de Berrée , de Servie Se d'Udme. L'an 1001 , il enleva d'affaut Viddin, après un fîégè de huit mois , Se mit en fuite l'armée de Samuel au-delà du Fleuve Axius. Il tenta enfuite inutilement le fiége de Pernik 3 Se retourna à Conftantinople. Dans la même année , des Peuples qui habitoient au delà Se en deçà du Danube, dans la Myfie inférieure, jufques au Pont-Euxin, Se que Bonfinius prend pour des Bulgares, vinrent , fous la conduite de leur Chef Ccas, ravager la Panno- nie 6c la Hongrie. Saint Eftienne raffembla des forces considérables pour attaquer ces ennemis redoutables par leur nombre , leur valeur, 6c la nature du terrein où ils étoient fortifiés. Il entra dans la Myfie, 6c y trouva beaucoup de réfiftance ; il livra plufieurs combats , dans lefqucls la victoire demeura indé-cife. Les Barbares furent enfin forcés de céder , 6e de prendre la fuite ; leur Chef Ceas fut tué , leur Camp fut pillé, 6c tous les Soldats Hongrois retournèrent chargés de butin. On y trouva une fi grande quantité d'or, d'argent 6c de pierreries , qu'il eft à croire que ces Barbares perdirent dans une feule journée le profit de toutes leurs guerres précédentes. Je penfe que Bonfinius fc trompe , en attribuant aux Bulgares un événement qui me paroît regarder les Patzinacites, qui habf-toient en effet alors au-delà du Danube , vers le Pont-Euxin. Les Bulgares étoient dans ce temps-là trop occupés avec les Grecs pour fonger à inquiéter leurs voifins. D'ailleurs on ne voit pas qu'ils ayent eu aucun Roi, ni Chef appelle Ceas; Du-cange , qui en donne une fuite très-exacte , n'en fait pas mention. Il me paroît donc qu'il convient de mettre cette incurfion fur le compte des Patzinacites. Quelque temps après la deftructioii du Royaume de Bulgarie par Bafile, les Bulgares furent tranfplantés vers le Pont-Euxin , dans les Provinces Ci-fîftricnes, qui prirent alors le nom de Bulgarie. C'eft ce qui a fait dire à Albertus Aquenfîs vers l'an 1106 , que la Bulgarie étoit habitée par les Patzinacites ; 6c c'eft peut-être auffi ce qui a donné le change à Bonfinius. Chaque année étoit marquée par de nouvelles entreprifes des Romains contre les Bulgares. Mais la plus gloricufe des campagnes de Bafile fut celle de 1014. Samuel informé de (es préparatifs , garda ft bien tous les partages, que l'Empereur défefpéra de les pouvoir forcer. Mais Nicephore Xiphias alla paffer le Mont Balabifte 3 ôe fondit par les derrières fur l'armée'Bulgare , qui fut taillée en pièces; Samuel lui-même fc iauva avec beaucoup de peine , par le fecours de fon fils, qui le mit fur un Cheval, Ôe le conduifit à Prefllabe. Bafile fit dans cette action quinze mille Prifonniers ; il les divifii par centaines , ôc les fit tous aveugler , ne laillant qu'un œil à un feul homme par centaine , pour ramener les autres à Samuel. Ce malheureux Prince fut pénétré d'une fi vive douleur, à la vue d'un fi effroyable fpcctacle , qu'il mourut deux jours après. Il eut pour fuccefleur fon fils Gabriel, appelle aufli Romain , ou Radomire. Ce Prince avoit autant de valeur ôc de grandeur d'amc que fon Pere , mais beaucoup moins de prudence. Il fit avancer Ncftoritza avec une armée vers Theffdlonique ; mais ce Général fut battu par Thcophilacte Botoniate , Préfet de cette Ville. Pendant ce temps-là Bafile travailloit à forcer les défilés de Bulgarie ; à la nouvelle de cette victoire , il donna ordre à Thcophilacte de charger de nouveau les ennemis ; mais celui ci tomba dans un piège où il laifia la vie , ÔC fon armée fut mife en fuite : cet échec obligea l'Empereur de rentrer dans Conftantinople. Au Printemps de l'année fuivante 1015 > 2 ramena fes troupes dans la Bulgarie, reprit Udine s ôc vint à Theffalonique , où il reçut un Ambaffadcur de Gabriel, qui lui promit hommage ôc fidélité. Mais Bafile s'en méfia, ôc continua les hoffcilités. Peu de temps après , il apprit que Gabriel avoit été tué par Jean Uladiflas, fon Coufin , qui lui fuccéda. Celui-ci étoit fils d'Aaron , frerc de Samuel ; il fut à peine monté fur le Trône , qu'il fc fournit à Bafile. Tous les Grands de Bulgarie prêtèrent ferment de fidélité à l'Empereur, ôc les Xij conventions refpectives furent confirmées par une Bulle d'Or. Jean porta quelque temps après la guerre dans la Servie ôe la Dalmatie, ôc après avoir pris ôc ravagé toutes les Villes voi-fines de Ragufe 3 il revint en Bulgarie. Bafile Soupçonna que cette expédition de Jean Uladiflas dans la Dalmatie 3 n'étoit qu'un prétexte pour ramafïer toutes fes forces, ôc les tournet enfuite contre les Grecs. Dans la vue de prévenir ce deffein, il rentra dans la Bulgarie, s'empara des Villes à'Ofirovo > de Sofque ôc ÙAchride, où étoit le Palais des Rois ; il fit crever les yeux à rous les Bulgares qui tombèrent fous fes mains. H vola de-là contre Jean , qui aifiégeoit Dyrrachium. Les Généraux Gofiafte ôc Orcfle , furent battus par Ibatzès , noble Bulgare , d'un mérite diftingué. L'Empereur termina cependant la. campagne par la prife de Strummit^ , de Triadit^a ôc de Bo-jon Ôc retourna à Conftantinople. Il fe remit en campagne l'an 1016 ; il divifa fon armée , ôc donna le commandement d'une partie à Conftantin Diogenc , qui fut attiré dans un piège, ÔC enveloppé par les troupes de Jean. L'Empereur fut à temps de lui donner du fecours ; les Bulgares prirent l'épouvante , ôc tournèrent le dos , à l'afpect. de ce Prince ; il les pourfuivit, ôc fit beaucoup de prifonniers. Après cette victoire , il vint à Udine 3 ôc retourna de-là dans fa Capitale au mois de Janvier 1017. A peine y fut-il arrivé, qu'il apprit la mort de Jean Uladiilas , qui avoit été tué dans un combat fous Dyrrachium ; il fe rendit à Andrinople 3 ôc de-là à Serres où tous les Grands de Bulgarie vinrent fe donner à lui. Marie, veuve de Jean , fit avec lui certaines conventions , en vertu defquel-les elle lui abandonna la Bulgarie. Ibatzès fut le feul qui encore quelque réfiftance, mais il fut pris ôc aveuglé. Bafile, après cette glorieufe expédition, fit une entrée triomphante dans Conftantinople , précédé de la Reine Marie , Se de toute la famille Royale ; il alla rendre à Dieu des actions de grâce dans le Temple de Sainte Sophie, 6c le Peuple lui donna le furnom eloricux de Bulgare*clone. Dès-lors la Bulgarie devint O CJ *- une Province de l'Empire , 6c fut gouvernée dans la fuite par des Ducs , qui tenoient cette dignité des Empereurs. CHAPITRE XXL Révolte des Bulgares. Guerre de Conftantin Monomaque contre les Patzinacites. Invafion de la Bulgarie y de la Thrace , de la Macédoine & de la Grèce , par les U^es. Guerre de Croatie fous Michel Ducas Parapinace. JPendant le règne de Bafile , Conftantin , qui étoit aflocié avec lui à l'Empire, n'avoit eu que le nom d'Empereur; mais après fa mort, ce dernier régna trois ans feul. De fon temps les Patzinacites panèrent le Danube, 6c fe répandirent dans la Bulgarie, ou ils commirent quelques défordres. Ils furent chalTés par Conftantin Diogene, Gouverneur à&Sirmick, Se Duc de Bulgarie ; ils fe jetterent fur les Rufles, Se allégèrent plufieurs fois la Ville de Kiovie ; mais Jaroflaw, Duc de Ruf-fie , qui fe trouvoit alors à Novogorod , raflembla les Vareges 6c les Slaves , avec le fecours dcfqucls il repoufla entièrement ces Barbares. Il ne fe pafla rien de mémorable pendant le règne de Romain Argire, fuccefleur de Conftantin. Ce Prince fut occupé 166 O B S E R VA T I O N S à étouffer la révolte de Prufien , fils de Jean Uladiflas, Roi de Bulgarie ôc Général de l'Empire , ôe de Conftantin Diogenc, Gouverneur de Sirmich 3 qui tentèrent l'un Se l'autre de s'élever au Trône. Il fit une guerre malhcureufe aux Sarrafîns , Se fut empoifonné en 1034, après un règne de cinq ans , par les intrigues de fa femme Zoé , qui après fa mort, époufa SC plaça fur le Trône Michel de Paphlagonie, avec lequel elle avoit depuis long-temps un commerce criminel. Les Patzinacites parurent de nouveau en deçà du Danube , Se ravagèrent la Bulgarie au commencement du reçue de Mi-chef Quelque temps après , les Bulgares fe révoltèrent , Se élurent pour Roi un nommé Pierre Deleanus , qui fe préten-doit iffu de la race Royale , Se fe difoit fils de Romain , frère de Samuel. Bafile Synadcnus , Gouverneur de Dyrrachium, marcha contre cet Impoftcur , fans attendre les ordres de l'Empereur. Ses ennemis firent envifager cette démarche à l'Empereur comme un acte d'indépendance qui fuppofoit des deffeins criminels. Ce Prince fît emprifonner Bafile , Se envoya à fa place Dermocaïtas , qui fut battu , Se mis en fuite par les Bulgares. Il s'éleva chez ces Rebelles une nouvelle faction en faveur d'un nommé Thiomirc , dont le règne fut de peu de durée.- Deleanus fon adverfairc l'invita à venir partager avec lui le fouverain pouvoir , ôc le fit lapider par la populace. Michel voulut commander lui-même l'armée contre les Bulgares, mais une terreur panique le fit rentrer en dé-fordre dans Conftantinople. Il laiffa tout le bagage fous la garde de Michel Ibatzès, Bulgare, ÔC d'un Eunuque fon Chambellan , qui le livrèrent à Deleanus après le départ, de l'Empereur. Cette ridicule expédition fut fuivic de plufieurs dé-favantages ; les Grecs furent battus en diverfes rencontres. t Mais les affaires de l'Empire furent rétablies peu après par le Patrice Aluficn. Celui-ci étoit fécond fils d'Aaron , frere de Samuel, Roi de Bulgarie ; il fe trouvoit au fervice de l'Empire en qualité de Préfet de Theodoftopolis ; un fujet de mécontentement le porta à fe retirer de Conftantinople , ôc à paifer chez Deleanus , qui partagea la Royauté avec lui, ôe lui confia en 1040 le commandement d'une armée de quarante mille hommes. Il fut attaqué près de Thejjàlvnique 3 Se mis en déroute par Conftantin, coufm de l'Empereur ; quinze mille Bulgares demeurèrent fur la place, Ôc plufieurs furent faits prifonniers. Cette défaite fema la défunion ôc la méfiance entre les deux Chefs. Alufîcn crut devoir prévenir fon Collègue ; il cnyvra Deleanus dans un Feftin , lui fit crever les yeux , Ôc fe réfugia chez l'Empereur. Cet événement engagea Michel à marcher lui-même contre les Bulgares, qu'il trouva encore en défordre ; il les battit, ôc fe fai fit de Deleanus, ôc du traître Ibatzès. Il lubjugua enfuite aifément toute la Province , ôc après y avoir établi un Préfet, il retourna victorieux dans fa Capitale , ou il mourut peu de temps après l'an 1041. La Bulgarie demeura foumife depuis ce temps-là, ÔC fut gouvernée jufques à Ifaac l'Ange par des Préfets , avec le titre de Duc. L'année du règne de Conftantin Calaphate ne préfente aucun événement relatif à mon fujet. Conftantin Monomaque qui lui fuccéda vit le commencement de fon règne agité par les troubles qui s'élevèrent en Bulgarie fous Boïfthlaw, qui fut vaincu dans une bataille, par Eftienne, Préfet de Dyrrachlum. On parle à peu près dans le même temps d'une incurfion maritime des Ruifes, que je croirois devoir rapporter au temps de Jaroflaw, Duc de RurTie. Leur armée navale fut entièrement détruite par les Grecs, Ôe par la tempête. La guerre que Conftantin Monomaque eut à Soutenir contre les Patzinacites , fut plus longue Ôe plus Sanglante. Ces Peuples étoient diviSés en deux factions , dont Tune étoit commandée par un Chef, nommé Tyrak, Prince d'une naifïance illuftre ; mais fes vices 6c Sa lâcheré en obScurciiToient tout l'éclat. La Seconde faction s'étoit élevée par les intrigues d'un nommé Cegcnes, qui avoir, acquis dans la Nation un crédit Sort étendu ; il s'étoit rendu célèbre par Ses victoires contre les Uzes , qui commençoient dès-lors d'infefter les Côtes du Pont-Euxin ; il favoit fc faire eftimer , par les vertus oppo-Sées aux vices qui rendoient fon Collègue méprifabie. Sou pouvoir naiiSant excita la jaloufie de Tyrak , qui marcha contre lui , le défit, 6c l'obligea de Se Sauver dans les Marais du Boryfthene , d'où il parvint à faire révolter deux Hordes de Patzinacites , qui l'aidèrent à prendre Sa revanche. Il battit l'armée de Tyrak , 6c alla enSuite à Conftantinople, où il cm-brafta la Religion Chrétienne , 6c fut fait Patrice. Sa conver-fîon engagea même Conftantin Monomaque à lui fournir des Secours, avec lefqucls il s'avança fur les bords du Danube, ÔC Sit beaucoup de mal aux Patzinacites de la Faction oppofée. Tyrak , pour Se venger de la protection que l'Empereur avoit accordée à Son adverSaire , entra dans la Thrace avec huit cent mille hommes , 6c mit à Scu 6c à Sang les Provinces de l'Empire. Mais la ditlentcrie ayant mis prcSque toutes Ses troupes hors de combat , l'Empereur les vainquit aiSément ; & Tyrak vint à Conftantinople , où il reçut auiïi le Baptême. Conftantin aiSigna aux Patzinacites des Habitations dans la-Bulgarie ; mais ces Peuples reprirent bien-tôt les armes. ^a faction faction de Cegenes ayant Soupçonné que Conftantin vouloit faire périr fon Chef, qu'il retenoit à Conftantinople, fe réunit à la faction oppofée, ôc toutes les deux de concert marchèrent vers Andrinople. Conftantin Arianites, Général de l'Empereur , eut d'abord quelques avantages ; mais il fut bien-tôt mis en fuite. Nicephore amena plufieurs Légions d'Orient, qui ne combattirent pas avec plus de fuccès. Les Patzinacites rentrèrent dans la Thrace ôc dans la Macédoine, prirent Andrinople y battirent les Grecs en plufieurs occafions , Ôe commirent des cruautés inouïes dans tous les pays oii ils portèrent leurs armes. L'Empereur qui avoit toujours retenu Cegenes dans les fers depuis la défection de fon parti, l'envoya pour tâcher de remettre le bon ordre ; mais il fut maffacré par les liens. Quelque temps après le fort des armes fut plus favorable à Conftantin ; fes Généraux Brienne Ôc Michel Acoluthus reprirent Andrinople ÔC remportèrent une victoire complette dans la Macédoine. On choifit parmi les Prifonniers quinze mille hommes d'élite pour les employer contiC les Turcs en Afie ; mais ils refuferent de Servir , fe révoltèrent, rejoignirent leurs Compatriotes , ôc firent de nouveaux ravages. Cette guerre finit par une négociation , dans laquelle on conclut avec les Barbares une Trêve de trente ans. Zoé, Théodora ÔC Michel Stratiotique occupèrent le Trône depuis 1042. jufques en 1057. Pendant ce temps-là les Bulgares demeurèrent fournis aux Grecs fous des Ducs, à la nomination des Empereurs, ôc les Barbares ne firent aucune expédition qui mérite d'être rapportée. Ifaac Comnene, qui fuccéda à Michel, obligea les Hongrois qui avoient fait quelques mouvemens , à demander la paix ; il fut heureux auffi dans plufieurs combats contre les Patzina- cites. II époufa Catherine, de la famille des Rois de Bulgarie , ÔC abdiqua l'Empire en 1059 en faveur de Conftantin Ducas. Sous le règne de ce Prince les Uzes défolerent l'Empire. Ces Peuples plus connus en Orient qu'en Occident, avoient habité autrefois fur la rive Occidentale de la Mer Cafpienne ; ils s'étoient répandus depuis peu fur les Côtes du Pont-Euxin, ôc avoient eu de grands démêlés avec les Patzinacites. Ils paf-ferent le Danube au nombre de fix cens mille hommes , ôc ravagèrent la Bulgarie ôc la Thrace. Nicephore Botoniate y ôC Bafile Apocapes , qui vinrent à leur rencontre , furent battus, ôc tombèrent même au pouvoir des Barbares. Cette victoire leur laifta la liberté de poufler leurs courfes jufques dans la Macédoine ôc dans la Grèce, où ils firent d'horribles dégâts ; ils tirèrent d'immenfes contributions de l'Empereur , qui ne crut pas pouvoir acheter trop cher la paix avec eux. Une maladie contagieufe, qui fe mit dans leur armée , les obligea cependant de longer à leur retraite. Ils furent attaqués en retournant chez eux par les Bulgares Ôc les Patzinacites, qui les taillèrent en pièces , ôê cette innombrable multitude fut pref-qu'entiercment anéantie. Ces Barbares firent pourtant encore beaucoup de mal à Romain Diogene, fuccefleur de Conftantin, par leur jonction avec les Turcs Afiatiques. Les Princes qui gouvernoient la Croatie, avoient toujours reçu l'inveftiture ôc le Diadème des Empereurs de Conftanti' nople , qui envoyoient même quelquefois des Préfets dans les Provinces, pour les contenir fous l'obéifTance, ôc empêcher qu'il ne s'y pafsât rien de contraire à leurs intérêts. Démétrius Suinimif fut à peine inftallé qu'il tâcha de s'attirer les bonnes grâces du Pape , ôc profita de la lâcheté ôc de l'indolence de Michel Ducas Parapinace , pour fe rendre indépendant. L'Empereur marcha contre lui, 6c remporta quelques avantages ; mais il ne put parvenir à le fubjuguer , 6c à le faire rentrer dans le devoir. Démétrius s'affranchit entièrement du joug des Empereurs , 6c reçut à Salone en 1076 la Couronne Royale pour les Royaumes de Servie 6c de Croatie, par les mains de Gebizon, Légat du Pape Grégoire VII. auquel il promit l'hommage ÔC un tribut annuel de deux cent Bezuns d'or. Ce Prince, avant fon couronnement, n'avoit que le titre de Duc ou de Ban de Croatie ôe de Dalmatie, de même que Slavifa Ôe Crefimir III. fes prédéceffeurs. Démétrius avoit époufé Hélène, fille de Béla, ôe fœur de Geyza ôc de Ladiflas, Rois de Hongrie ; il n'en eut point de poftérité. Il eut pour fucceffeur Eftienne , fils de Crciimir III. dont le règne fut court, ôc après lequel la Croatie ôc la Dalmatie furent annexées au Royaume de Hongrie, comme on le verra ci-après. La guerre de Croatie fut fuivie de la révolte d'un nommé Ncftor , Chef d'une Tribu voifinc du Danube. Celui-ci conclut une alliance avec Tat, Prince des Patzinacites ; Ôc ils vinrent de concert ravager les terres de l'Empire. Il y a lieu de croire que c'eft ce même Tat qui donna fon nom à une Tribu de Patzinacites , qui s'établit dans la partie méridionale de la Crimée , lorfquc cette Nation defeendit vers le Pont-Euxin. Cette Tribu y fubfifte encore. Les Tartares l'appellent Tat-Efy } ôc le Khan dans fes titres prend celui de Souverain des Tacs, Us font aujourd'hui Chrétiens du rit Grec , ôc habitent plufieurs Villes ôc Villages dans la partie montagneufe de la Crimée. Les Bulgares contenus par leurs Ducs n'avoient pas remué Qcpuis allez long temps. Les troubles qui agitoient l'Empire, Y ij Se l'occupation que donnoit à l'Empereur la guerre contre les Turcs , leur fournirent une occafion de révolte, dont ils crurent devoir profiter. Ils élurent pour Roi Conftantin Rodin , fils de Michaelitza, Roi de Servie. Mais l'Empereur envoya Nicephore Bricnne en Bulgarie pour remédier à ces défordres ; Bodin fut pris Se amené à Conftantinople. Les Vénitiens le rachetèrent enfuite , Se il fut fait Roi de Servie. L'Empereur Michel Ducas eut pour femme Marie , fille du Roi des Alains Se des Ibériens, qui font les Circallicns d'aujourd'hui. Cette alliance, Se le nom de la Princcffc , prouvent que ces Peuples avoient alors reçu les lumières de la foi, Se faifoient profefllon du Chriftianifme. Ils font aujourd'hui Mahométans en apparence , mais ils n'ont dans le fond d'autre créance qu'un amas de fuperftitions honteufes, puifées dans toutes les Religions , Se au travers dcfquellcs on découvre encore des veftiges du Chriftianifme. Il y a entr'autres dans le centre de la Circaflic , ou habitoient autrefois les Alains , un Arbre fameux auquel ces Peuples rendent un culte à la manière des anciens Scythes ; ils l'appellent Panadgîafan. Ce nom eft vifiblcmcnt une corruption du nom de Panaghia \ que les Grecs donnent à la Sainte Vierge , Se par extenfîon à certaines Chapelles , ou lieux de dévotion qui lui font dédiés. Il y avoit fans doute dans le temps des Empereurs Grecs quelques-unes de ces Chapelles auprès de cet Arbre célèbre, dont les Circafîiens n'ont pas encore fi fort défiguré le nom , qu'on ne puifle bien clairement le reconnoître. L'abus que le vulgaire fait toujours de la piété, a changé infenfiblement le culte de la Mcrc de Dieu en une idolâtrie complctte , que ces Peuples allient aujourd'hui avec le Mahométifme. Nicephore Botoniate, fucceffeur de Michel Ducas, fut in- quiété par les Patzinacites , qui contractèrent une alliance avec Nicephore Bafilace, Gouverneur de Dunrtfo 3 ou Dyrrackium , ôc ils l'aidèrent à fe faire proclamer Empereur. Ce fut le feul mouvement que firent les Barbares Occidentaux fous ce règne. CHAPITRE XXII. Continuation des affaires de Dalmatie & de Croatie fous Alexis & Jean Comnene. Guerre de Jean Comnene contre les Patzinacites. Révolte des Serviens. Guerre de Jean Comnene contre les Hongrois. ,^\.Lexis Comnene monta fur le Tronc en 1081. Il eut de grands démêlés avec les Normands d'Italie, les François, & tous les Croifés pour la conquête de la Terre Sainte. Un Hif-torien qui n'auroit ni Religion, ni Patrie , pourroit peut-être avec une forte de juflicc ranger ces Peuples au nombre des Barbares, qui font le fujet de cet Ouvrage, Une multitude ramaffée de toutes parts , des hommes ignorans ôc indifcipli-nés , n'ayant pour toute vertu qu'une bravoure féroce , quittant leur Pays, parés du prétexte Saint de la Religion , pour porter la défolation ôe le carnage chez des Nations aufquelles ils n'avoient aucune raifon légitime de déclarer la guerre , fe livrant à une licence effrénée après la victoire , violant les Traités les plus faints , Ôe les engagemens les plus folemnels • de tels hommes différoient bien peu des Goths, des Huns, des Avares, ôc des autres Barbares qui ont ravagé l'Empire Romain. Démétrius Suinimir, Roi de Croatie Se de Dalmatie , que les Hiftoricns Hongrois appellent Zélomir, étoit mort, Se n'avoit point eu d'enfans , d'HéIcne fa femme , fille de Béla I. Roi de Hongrie. Cette Princcffe opprimée par les ennemis de Suinimir , qui vouloient ufurper ie Trône, demanda du fecours à fon frère Ladiflas I. qui régnoit alors en Hongrie. Celui-ci fe mit en marche avec une nombreufe armée , pafTa la Drave Se la Save, entra en Dalmatie , mit en fuite les ennemis d'Hélène , reprit toutes les Places dont ils s'étoient emparés , Se remit fa fœur en poffeffion de fes Etats. Celle-ci en recon-noifîance lui céda fes droits fur la Croatie Se la Dalmatie , Se ces deux Etats demeurèrent depuis fous la domination des Rois de Hongrie. L'an 1191, Ladiflas établit Roi de Croatie Se de Dalmatie fon neveu Almus , fils de Geyza fon frère aîné, Se fon prédé-cefîcur. Dans le même temps Alexis Comnene ayant befoin du fecours des Vénitiens pour fe défendre contre Robert Guif-card Se les Normands, donna à Vital Falier, Doge de Venife, le titre de Duc de Dalmatie. Quelques Auteurs prétendent même que Ladiflas n'avoit que la Croatie Méditerranée, Se que les Vénitiens étoient déjà en poffefîion de toute la Côte maritime de la Dalmatie, & des Villes de Pola3 de Belgrade, de Jadra , de Subinïco Se de Spalatto. Almus ayant abdiqué la Couronne de Hongrie en faveur de Caloman fon frere , celui-ci defeendit dans la Dalmatie avec des troupes formidables, pour conquérir les Villes que Ladiflas fon oncle n'avoit pu réduire. Ce Pays étoit alors infefté par les Normands, fous la conduite de Robert Guifcard. Caloman , pour réufîir plus facilement dans fon deffein, s'allia avec les Vénitiens, qui firent une diverfion dans la Pouille ; mais après avoir engagé Tes Alliés avec les Normands , il eut plus de liberté pour Tes opérations en Dalmatie. Il attira tous les Grands dans Ton parti, ôe ils lui promirent de rentrer fous fon ohéifîancc. Caloman prolongea encore quelque temps fon alliance avec les Vénitiens contre les Normands, jufques à ce qu'il fe fut bien affuré des difpofitions des Grands Ôc du Peuple ; mais peu de temps après il rompit la Ligue, il défit, 6c tua dans une bataille près du Mont Mcdrufe s appelle aujourd'hui Pctcrga\d a un nommé Pierre , qui s'étoit fait reconnoître Roi de Dalmatie ; l'an 1105 , la Ville de Jadra fe donna à lui, 6c reçut garni fon ; 6c les Dalmates commencèrent de montrer ouvertement leur prédilection pour la domination Hongroife. La Ville de Jadra ne demeura pas longtemps au pouvoir de Caloman. Le Doge Ordefalo Falicr la reprit par famine. Submico fc donna aux Vénitiens , qui palferent les Monts, pénétrèrent dans la Croatie, 6c prirent même alors le titre de Ducs de Croatie. Us s'en retournoient glorieux , chargés de butin , 6c emmenant avec eux un grand nombre de Prifonnicrs ; mais Caloman raflèmbla fes troupes , forma le fiége de Jadra, 6c battit Ordefalo, qui étoit venu au fecours delà Place. Cette victoire remit Caloman en pof-feflïon de la Ville de Jadra 3 6c de toute la Dalmatie ; il retourna en Hongrie , traînant en triomphe un nombre infini de Captifs , ôe les Dalmates furent entièrement délivrés du joug des Vénitiens. Ceux-ci envoyèrent peu de temps après des Ambaffadeurs à Caloman pour lui demander la paix , ÔC obtinrent une trêve de cinq ans. Après la mort de Caloman l'an 1114, les Vénitiens reprirent une partie de ce qu'ils avoient perdu dans la Dalmatie ; leur Doge Ordefalo Falicr, fit l'an t 115 une alliance avec Alexis Comnene, entra dans la Dalmatie , ôe s'empara des Villes de Jadra ôe de Belgrade > mais il ne put fe rendre maître de la Citadelle de Jadra , qui fit encore quelque réfiS-tance. Au mois de Mai de la même année , cette Citadelle , ÔC les Villes de Spalatto ôe de Tragurium 3 fe donnèrent à Falicr , 8c l'année d'après Belgrade fuivit leur exemple. En 1117 les fucchs des Vénitiens obligèrent les Hongrois de rentrer dans la Dalmatie. Falier au bruit de leur venue y accourut avec une Flotte, 6e leur livra une bataille dans laquelle il perdit la vie. Ducange rapporte ces derniers événemens au règne de Jean Comnene. Mais je croirois qu'il fe trompe , puifque ce Prince ne monta fur le Trône que l'an 1 1 18. Alexis fut affez heureux dans une guerre qu'il Soutint contre les Patzinacites ; il perdit à la vérité la première bataille, mais la victoire qu'il remporta dans la Seconde lui Soumit entièrement ces Barbares , 6e il en tranSporta un bon nombre dans le territoire des Mo£rIenicns. Les Bulgares étoient tranquilles , Ôe ne firent Sous le règne d'Alexis aucune tentative pour Secouer le joug. L'Empereur leur donna pour Duc Nikitz, ou Nicetas, qui fut pris dans un combat contre les Hongrois , 6c recouvra enfuite fa liberté. Le même Nikitz défit une partie de l'Armée Chrétienne, qui marchoit à la conquête de la Terre-Sainte, Sous la conduite de Pierre l'Hermite. Il Sut remplacé par un autre Duc appelle Guzh, qui continua de contenir les Bulgares Sous l'obéifFance» 6c ces Peuples ne firent plus aucun mouvement jufques atf temps d'Ifaac l'Ange. Alexis Comnene mourut en 1118 , 6c laiffa l'Empire à Son fils Jean Comnene. Le règne de ce Prince commença par des démêlés avec les Vénitiens, qui avoient rçfufé de faire confia mer HISTORIQUES, &c. i77 mer par une Bulle d'Or la pofleflîon de la Dalmatie, & les Privilèges anciens qu'ils tenoient des Empereurs de Conftantinople. Leur Doge Dominique Michielé, à fon retour de l'expédition de la Terre-Sainte, enleva aux Grecs plufieurs lues. Les Hongrois avoient mis à profit le temps où les Vénitiens étoient occupés à la Croifade , 8c avoient repris plufieurs Places dans la Dalmatie. Michielé pafîa dans ce pays-là, reconquit les Villes de Tragurium , de Spalatro 8c de Belgrade ; il fe rendit de-là à Jadra 3 dont les Habitans le reconnurent 8c le recurent comme leur Souverain. L'an 1111 , Jean Comnene marcha contre les Patzinacites, qui avoient paffé le Danube, 8c ravageoient la Thrace 8c la Macédoine. Il voulut tenter d'abord avec eux la voye de la négociation ; il leur envoya des Emiffaires qui poffédoient leur Langue, pour les porter à mettre bas les armes , 8c tâcher de les amener à un Traité. Cette Nation étoit alors divifée en plufieurs Tribus , qui n'obéiftbient pas toutes à un même Chef; Jean fit des avances aux principaux Capitaines , leur donna de fplendides Feftins, leur fit de riches préfens, 8c parvint à force de careffes à les ébranler, 8c à les faire balancer entre la paix 8c la guerre. Il faifit cet inftant d'irréfolution , fit avancer fon armée vers Serrée , furprit les Barbares encore indécis, 8c leur livra bataille. Le carnage fut horrible de part 8c d'autre ; Jean commandoit lui-même avec une valeur 8c une préfence d'ef-prit peu commune ; il obligea les ennemis de céder & de fe Retirer dans un retranchement qu'ils formèrent avec leurs chariots ; ils en fortoient de temps en temps pour retourner au combat, 8c y rentroient pour s'y repofer en fureté. Us firent enfin une fortie générale dans la vue de décider l'action t l'Empereur demeura victorieux, mais fut blcffé au pied d'un Z coup de rléchc ; il tailla en pièces la plus grande partie de ces Barbares , les força de détruire leurs rctranchcmcns , pilla leur Camp , fit un nombre infini de prifonniers, 8e les difperfa dans les Provinces Occidentales de l'Empire , oh ils s'établirent, 8C fondèrent un grand nombre de Bourgs 8e de Villages. Les Ha-maxobes, qui s'étoient trouvés mêlés avec les Patzinacites, furent extrêmement maltraités dans cette journée. Jean en action de grâce de cette glorieufe expédition fonda une Fête,. qu'on appclla la Fête des Patzinacites. Dans l'année fuivante 1111 , Jean dompta les Triballes , qui font les Scrviens 8e les Dalmates d'aujourd'hui. George, Roi de Servie, avoit violé les Traités , 8c pris la Ville de Rafe. Ce Prince , fils de Bodin , dont j'ai parlé ci-devant, étoit monté fur le Trône en 1115 , au préjudice des enfans de Bra-niûaw. Ceux-ci ayant été informés qu'il vouloit les faire em-prifonner, fc réfugièrent chez GoiuW leur oncle, à l'exception de GrubefFa , qui fut détenu dans les fers. Jean Comnene envoya une nombreufe armée en Albanie. Les uns prétendent qu'il la conduifit lui-même ; d'autres affurent qu'il en donna le commandement à Calo-Jcan Cumanus, 8c que ce nom de Calo-Jean , que l'Empereur portoit auffi, avoit fait croire que l'Empereur s'étoit trouvé en perfonne dans cette expédition. Les fils de Braniflaw joignirent leurs forces à celles des Grecs ; George fut mis en fuite ; l'Empereur victorieux s'empara de là Ville de Scutarl, délivra"Grubefîa, qui y étoit enfermé, 8c le déclara Roi de Servie 8c de Dalmatie, du confentement des peuples. L'armée Grecque revint enrichie du butin immenfe qu'elle ht dans cette campagne. L'Empereur affigna à quelques prifon-mers y des Habitations dans la Province de Nicomedie , dans l'Ane Mineure ; il en incorpora d'autres dans fes Légions, èC rendit toute la Nation tributaire. Eftienne IL Roi de Hongrie, allarmé des progrès des Vénitiens , entra dans la Dalmatie Tan 111} , y découvrit leurs artifices , étouffa leurs cabales , ôc raffermit les cfprits , qui commençoient de fe laiffer ébranler par leurs féductions ôc leurs promeffes. Cette expédition fut très-pacifique, ôc Eftienne retourna chez lui après avoir rétabli le bon ordre. C'cff. ce qui a fait dire à Bonfinius, que la reddition de Jadra doit être rapportée au regne de Vital Michielé , ôc non à celui de Dominique Michielé , puifque la perte de cette Place auroit été un fujet de guerre , ôc qu Efticnne dans ce voyage en Dalmatie ne commit aucun acte d'hoftilité , ôc fe contenta de faire ufage de la politique pour ruiner les projets des Vénitiens. Les Hongrois n'avoient rien eu à démêler depuis affez longtemps avec les Empereurs. Efticnne II. leur Roi avoit entrepris une expédition contre les Rufles , pour rétablir Bczcn , Duc de RufTie, chaffé de fes Etats , qui s'étoit réfugié chez lui, ÔC avoit imploré fon afîiftance. La mort de Bczcn , tué au fiége de la première Ville frontière , rendit la bonne volonté d'Eflienne inutile. Il retourna en Hongrie, ou , après être demeuré pendant trois ans dans l'inaction, il déclara la guerre à l'Empereur. Il pafîa le Danube, pilla Brani\op ôc Sardique 3 s'avança dc-là dans la Bulgarie, la Thrace, la Macédoine ôc la Grèce , ôc ravagea toutes ces Provinces. Bonfinius donne pour prétexte de cette guerre quelques propos peu mesurés que Jean Comnene tint au fujet du Roi de Hongrie , en préfence de l'Impératrice fa femme. Cette Princeffe , appellée Pyrifca par les Hongrois, Ôc Hélène par les Grecs , étoit fille de Ladiflas, ôc par conféquent tante paternelle d'Eflienne. Elle informa fon neveu que l'Empereur avoit parlé de lui dans des termes très-offenfans, Ôc lui infpira le defir d'en tirer raifon. Nicetas Z ij Se Cinnamus affinent, que le grief d'Eflienne étoit l'accueil favorable que Jean Comnene avoit fait à Almus , qui, après avoir été chaffé de Hongrie , où il avoit voulu faire valoir fon droit au Trône , s'étoit réfugié à Conftantinople. Ce motif paroît plus plauflble. Quoi qu'il en foit, l'Empereur marcha vers Plùlippopolis , Se repoufïa d'abord les Hongrois ; il s'arrêta dans cette Ville pour rafïcmblcr toutes fes troupes , 6c faire préparer des Navires fur le Danube. Il alla enfuite à la rencontre des ennemis qu'il fit reculer jufques au Danube. Il leur livra fur ce Fleuve un fanglant combat naval, dans lequel il remporta une victoire complettc. On affure que dans cette journée les Grecs, pour brûler les Barques des Hongrois, firent ufage d'un feu que l'eau ne pouvoit pas éteindre , 6c qui devoit être ce que nous appelions aujourd'hui le feu Grégeois. La Flotte Hongroife fut en effet entièrement détruite Se confu-méc par les flammes. L'Empereur paffa le Danube, 6c Eftienne ramalïa. toutes fes forces pour l'attaquer fur terre. Les deux armées engagèrent l'action fur les bords de la petite Rivière appellée Carafus ; on combattit avec vigueur de parc Se d'autre, mais Jean Comnene demeura vainqueur. Le gain de cette bataille le rendit maître de Frangocorio 3 de Zegu-* min 3 Se de toute la partie de la Hongrie qui eft entre le Danube Se la Save, Se il termina cette guerre par une paix glo-rieufe. Je relèverai ici quelques erreurs manifefles qui fe trouvent dans Bonfinius 6c dans Nicetas. Le premier nous dit que Py-rifea, fille de Ladiflas , époufa Manuel Comnene. U efl cependant manifefle qu'elle fut femme de Jean Comnene. Il place enfuite l'exil d'Almus , Se fa fuite à Conftantinople, après la guerre dont je viens de parler, tandis qu'elle doit l'avoir HISTORIQUES, ôc. 181 —m i il i ■■nui il wmmiÊmmmmmMrnÊÊB^mtmMnMiïMMÊmwÊammËmmmmmmmmmm précédée, puifqu'clle en étoit le motif le plus apparent. On trouve alTez Couvent dans cet Auteur de Semblables anachroniques. Nicctas n'eft pas plus exact quand il nous donne Almus pour un frère d'Eflienne. Almus étoit fils de Ladiflas, frère de Caloman, Se par conf équent oncle d'Eflienne. Il n'eft pas décidé d'ailleurs que ce Prince fût encore vivant dans le temps de cette guerre ; il eft certain que fon frère Caloman l'avoit fait aveugler ; Se plufieurs Auteurs Hongrois, entr'au-tres Abraham Bakfchay , prétendent même qu'il le fit mourir peu de temps après l'avoir privé de la vue. CHAPITRE XXIII. Continuation des affaires de Servie > de Croatie & de Dalmatie. Première apparition des Comains. Obfervations Géographiques fur le Pays que ces Barbares habitoient en A fie. Guerre de Manuel Comnene contre les Hongrois. Naijfance de Genghiskan. G Rubessa j placé par Jean Comnene Sur le Trône de Servie , avoit régné pendant Sept ans avec allez de tranquillité. George , le Roi détrôné, craignant de tomber entre Ses mains, s'étoit enSui en RaScie, oii laffé enfin de Se voir errant Se fugitif, il leva une pu i fiante armée , entra dans la Dalmatie , Se attaqua GrubefSa , qui fut tué dans cette action. Sa mort rendit la Couronne de Servie à George. Celui-ci craignant les mouvemens que Pradinha, Draghillus & Draghina, frères de Grubeffa, pourroient faire pour la lui ravir, crut devoir fe concilier leur amitié par de bons procédés ; il leur rendit leurs biens, les attira à fa Cour, ÔC les traita avec toutes fortes de ménagemens. Draghillus fut même envoyé dans laPodgorie, où il s'empara de la Comté à'O no go fie > ôc rendit des fervi-ces fignalés à George. Ce Prince lui confia auffi la commilfoil de faire rentrer dans le devoir les Rafciens qui s'étoient révoltés , ôc lui donna la Jupanie de cette Province, après qu'il y eut remis le bon ordre. Mais George ne tarda pas d'être jaloux du pouvoir de Draghillus ôc de fes frères ; il le fit mettre en prifon, ôc Draghina fut obligé de fc réfugier à Ragufe avec fes fils , Pavofck , Grubefîa , Necman ôc Sirok. Dans ces entrefaites Jean Comnene mourut l'an 1143 , ÔC eut pour fucceffeur fon fils Manuel. Pyrigorde, Général des troupes de l'Empereur , fut touché du malheur des Princes de Servie ; marcha contre George , s'empara de Karanîa Ôc d'An-tibaris } ôc auroit même pouffé fes progrès plus loin, s'il n'avoit été rappelle. Alexis Condoftcphanus fut nommé à fa place à la Préfecture de Dyrrachium. George, allarmé des fuccès des Princes de Servie , fît crever les yeux à Draghillus ôc à Michel, fils de Wladimir, qu'il tenoit en fa puiffance ; mais Alexis marcha contre lui avec des nombreufes troupes , le furprit, le mit en fuite, ôc tailla fon armée en pièces. Draghina fut proclamé Roi, ôc George, pour fe dérober à la fuj reur de l'ennemi, fe retira dans les Montagnes. Il fut pris peu de temps après dans la Fortereffe d'Obo/eno 3 ôc on le cou-duifit à Conftantinople où il finit fes jours. Draghina , fucceffeur de George, gouverna la Servie pendant onze ans fuivant Ducange. Il femble qu'il y a ici une erreur de quelques années. Ce Prince fut proclamé Roi fous 1<5 règne de Manuel Comnene, qui n'en: parvenu à l'Empire qu'en 1143 ; la défection des Scrviens , qui obligea Manuel Comnene de marcher contre eux, comme on le verra ci-après , efl Une époque qui doit erre rapportée à l'an 11 51 , Ôe Draghina étoit déjà mort en ce temps-là , puifque Rodoflaw , fon fils Se fon fucceffeur, régnoit alors depuis quelque temps en Servie. Il eft donc impoiîible que Draghina ait occupé le Trône pendant plus de fept ans , ou huit ans à toute rigueur. Rodoflaw III. ne prit point le titre de Roi , Se fe contenta de Celui de Comte. On affure qu'il vint à Conftantinople recevoir de Manuel Comnene i'invefliture des Etats de fon Pere, qu'il gouverna de concert avec fes frères, Jean Se Wladimir. Son règne fut agité par des difeordes civiles, dont les auteurs furent quelques Grands du Pays , qui oferent l'an 11 5 1 tourner leurs armes contre les Grecs , pendant que l'Empereur étoit occupé à repouffer Roger , Roi de Sicile. L'an 11 5 3 , Manuel Comnene marcha en perfonne contre les Rebelles avec une armée légère. L'Archi-Jupan , que Nicetas appelle le Satrape , &e qui étoit le principal auteur de la révolte , fe préfenta d'abord avec de nombreufes troupes; mais il reconnut bien-tôt que fes forces étoient inférieures à celles des Grecs ; il prit le premier l'épouvante, Se fe fauva dans les montagnes. L'Empereur fondit fur cette multitude allarmée Se découragée par la fuite de fon Chef ; il la difperfa fans peine, ravagea le pays,., Se amena à Conftantinople un grand nombre de prifonniers. Pendant que les chofes fe paffoient ainfi en Servie , les Rois de Hongrie continuoient de pofféder la Dalmatie Se la Croatie ; les Vénitiens occupoient quelques Places fur la Côte maritime, Ôc faifoient tous leurs efforts pour reprendre celles qu'ils avoient perdues, pendant que de fon côté l'Empereur de Conf- tantinoplc affectoit le domaine direct de ces deux Provinces, SC tâchoit d'en chaffer également les Hongrois ôe les Vénitiens. Ceux-ci l'an 1149 avoient envoyé une Flotte nombreufe fur les Côtes d'Iftrie, ôe leur Doge Dominique Morofini s'étoit empare des Villes de Pola 9 Rubino , Parenté 3 Hemonia ôe Humago. Les Serviens s'étant de nouveau foulcvés en 11 54, Manuel Comnene ne différa pas de fe mettre en campagne, ôe de les attaquer ; mais ceux-ci rirent une vigoureufe réfiftance , avec les puifïàns fecours qu'ils avoient obtenus de Geyza IL Roi de Hongrie. Jean Cantacuzcne commença Faction, Ôe perdit les doigts dans le combat. L'Empereur fe battit corps pour corps avec l'Archi-Jupan Bacchin , homme d'une taille gigantefque \ il fut d'abord bleue au vifage , mais ayant affoibli le Barbare, par un coup qu'il lui porta fur la main , il le prit vivant. Cette victoire ranima les troupes, dont le courage commen-çoît à fe ralentir ; les Scrviens furent défaits, ôe entièrement difperfés. Manuel voulut auiïi fe venger des Hongrois, ôe crut devoir profiter pour cela de l'abfence de leur Roi, qui étoit alors occupé à une expédition contre les Ruffes. D'abord après la défaite des Serviens , il ne laifta pas refroidir la bonne volonté de fes troupes ; il paffa la Save, fe jetta fur Frangocko-rio j ôe mit à feu ôe à fang l'étendue de pays qui efl entre le Danube ôe la Save , où font les Villes de Zeugmin ôe de Sif" mich. Un Hongrois ofa préfenter à l'Empereur le combat fin-gulier, mais ce Prince le fit tomber mort d'un coup de fabre entre les deux yeux. Manuel, après cette glorieufe expédition, retourna à Conftantinople avec un butin immenfc ; il y fît une entrée pompeufe , ôe orna fon triomphe d'une multitude innombrable de Captifs. Dans le même temps les Scythes palferent le Danube, ÔC ravagèrent ravagèrent plufieurs Places qui bordoient ce Fleuve. L'Empereur envoya contre eux le Général Caloman , qui s'acquitta très-mal de fa commillion ; il fut mis en déroute , Ôc perdit la vie dans le combat. Les Scythes continuèrent tranquillement leurs déprédations, rcpaiîercnt enfuite le Danube , ôc emportèrent chez eux de riches dépouilles. . Je ne fai pas fi l'on peut déterminer précifément quels pouvoient être les Scythes aufquels Nicetas attribue cette incurfion. Les Patzinacites occupoient encore alors les bords Occidentaux du Pont-Euxin ; les Chuns , confondus avec les Walaques , habitoient la Moldavie ÔC la Walaquie , Ôc les Comains commençaient de fe montrer dans les Provinces Tranfiftrie-nes. Ils vinrent dans la fuite en deçà du Danube faire plufieurs courfes s dont je parlerai ci-après. Ces derniers Peuples étoient des Tartares venus de la Comanie , pays fitué à l'Occident de la Mer Cafpienne, au-deifus de la Géorgie. C'eft-là oii fe trouvent actuellement les Comouks , qui font la même Nation , ôc ont les mêmes mœurs que les Nogais d'aujourd'hui. Les Scythes dont parle Nicetas rcflcmblent fi fort à ces Tartares dans la defeription que cet Auteur donne de leur manière de faire la guerre , qu'il n'y a pas lieu de douter qu'il a voulu défigner les Comains. Mais comme ces derniers étoient vraisemblablement joints aux Patzinacites , aux Chuns ôc aux Walaques , il les a compris fous le nom général de Scythes, qui appartient également à toutes ces Nations.^ Le Pays des Comouks , ou des anciens Comains , eft borné à l'Orient par la Mer Cafpienne, à l'Occident par la Géorgie , au Septentrion par le Cabarta, ÔC au Midi par le Pays des Lefquis , ou le Dagueftan. Il y a lieu de croire que cette Contrée avoit tiré le nom de Comanie, de l'ancienne FortereiTe de Cumania > Aa iU OBSERVATIONS ou Comania s dont Pline fait mention. Ce Géographe la place fur une Roche élevée auprès des Portes Caucafiennes, Ôc dit qu'elle étoit munie d'une bonne garnifon pour défendre le pafTage à une infinité de Barbares qui habitoient au-delà du Caucafe. Cette Fortercfle devoit être la même que les Turcs Ôc les Tartarcs appellent aujourd'hui Ki-^lar-Kaleffi > ou le Château deS Filles. Les Portes Caucafiennes font inconteftablement celles qui fe trouvent encore à l'extrémité Orientale du Mont Caucafe , ÔC que les Tartares nomment actuellement Demir-Kapi , ou la Porte de Fer, nom qui répond parfaitement à la defcrlp-tion de Pline. Ingens nature opus y montibus interruptis repen" te y ubi fores obditœ ferratis trabïbus s fubter médias amne diri odoris fuente yCitraque in rupe Çafiello 3 quod vocatur Cumania , communito ad arcendas tranjitu gentes innumeras. « Ouvrage w immenfe de la nature, dit-il, formé par l'interruption na-" turelle des montagnes , revêtues ôc renforcées de barres de >3 fer ; fous celle du milieu il pane un Fleuve qui répand une » très-mauvaife odeur; ôc fur une Roche en deçà on voit le » Château appelle Cumania , ôcc. » Le Fleuve dont parle Pline dans ce pafifage, eft vraifemblablement la Rivière de Ki\lar, qui eft eflècTivcment très-bourbeufe , ôc bordée de marécages; ÔC l'ancien Château de Cumania doit être, comme je l'ai déjà dit, le Fort de Ki\lar, qui fe trouve dans la même pofition, ôc paroît avoir été bâti pour la même fin. Pline s eleve avec raifon contre l'erreur infigne de ceux qui ont appelle ces Por* tes , les Portes Cafpiennes. Corrigendus eft error in hoc loco 3 multorum , eorum etiam qui in Arment d res proximè cum Cor" bulone geffere. Nam ht Cafpias portas adpellavere IberLe , quaS Caucafius diximus vocari. « Il faut , dit-il , corriger ici Ter-» reur de plufieurs , même de ceux qui ont en dernier lieu » fait les campagnes d'Arménie avec Corbulon ; ils appellent " Cafpiennes , les Portes d'Ibérie , que j'ai déjà dit devoir » être nommées Portes Caucafiennes Procope , dans fon Hiftoire de la Guerre de Perfe , a fait la même faute. Voici à peu près le précis de fa Relation. Le Mont Taurus de la Gïli-cie s'étend dans la Cappadoce , l'Arménie , la Perfarmenie, l'Albanie, l'Ibérie, ôc d'autres Pays habités par des Peuples libres ôc par d'autres fournis à Tobéiflance des Perfes. Quand on a palTé les frontières de l'Ibérie , on trouve un chemin fort étroit, long de 50 ftades, ôc fe terminant à une montagne efcarpée ôc inacceflible , où il n'y a d'autre iftue qu'une Porte faite par les mains de la nature , que l'on appelle de toute antiquité la Porte Cafpienne. On découvre au-delà une large campagne où il y a de l'eau en abondance, ôc qui eft fort propre à nourrir des Chevaux ; c'eft un endroit que les Huns habitent , ôc ils s'étendent de-là jufques au Palus Mœotide. Procope parle ici des Huns du Cabarta , qui habitoient au Nord des Portes Caucafiennes. Un autre paflagc prouve inconteftablement qu'il a confondu ces deux Portes. Il dit, dans un des Chapitres fuivans , que les Ibériens habitent dans l'Afie auprès des Portes Cafpiennes , dont ils font bornés au Septentrion ; 6c il eft manifefte que ce font celles du Caucafe, qui fe trouvent au Nord de l'Ibérie. Il attribue auffi à ces dernières ce qui appartient aux Portes Cafpiennes ; car il dit dans un autre endroit qu'Alexandre ayant confidéré l'affiette de ce lieu , y bâtit des Portes Ôc une Citadelle, qui après avoir été poffédées par divers Maîtres , ont enfin appartenu à Ambaface , Hun de Nation^ intime ami des Romains, ôc il offrit ces Portes à l'Empereur Anaftafe, qui les refufa. Ce qu'il dit d'Alexandre regarde indubitablement les Portes Cafpiennes, qui fe trouvoient dans A a ij le Mont Cafpius 3 entre l'Arménie 6e la Médie. Ce font celles qui furent bâties par Alexandre le Grand dans fon expédition. Mais l'affaire du Hun Ambaface a rapport aux Portes Cauca-lienncs. Ce Hun étoit certainement quelque Beg de la Tribu Circafîienne appellée Abfache 3 qui fubfifte encore aujourd'hui. Cet Ami des Romains étoit plus vraifcmblablement en poffef-fion des Portes du Caucafe, qui étoient dans fon voifinage, que des Portes Cafpiennes, fort éloignées de chez lui. Procope , dans fon Ouvrage de la Guerre des Goths, paroît être un peu revenu de fon erreur, ôc diftingue deux différentes Portes. Il dit, dans le troifieme Chapitre du quatrième Livre , que la partie Orientale du Caucafe aboutit à des Portes , par lef-quelles les Huns s'introduifent dans les Provinces des Perfes 6e des Romains. U ajoute que l'une s'appelle T^ur 3 6e que l'autre a confervé fon ancien nom de Porte Cafpienne. Manuel Comnene confervoit toujours fon reffentiment contre les Hongrois ; dès que les affaires de Sicile 6e de Calabre lui donnèrent le temps de refpirer , il réfolut de porter la guerre chez ces Peuples. Il afîèmbla les Légions d'Occident, 6e vint avec une armée à Sardique en 11 56. Mais les Hongrois négocièrent la paix, 6e l'Empereur tourna fes armes contre l'Archi-Jupan de Servie. L'ordre Chronologique femble indiquer que cet Archi-Jupan étoit alors PrimifW, fucceffeur de Rodoflaw III. Ce Prince étoit demeuré pendant quelque temps fournis à l'Empereur ; il ne tarda pas de vouloir fe rendre indépendant , 6e fa défection l'auroit fait dépouiller de fes Etats, s'il n'avoit obtenu fon pardon par un acte de foumifîîon. En effet, la marche de Manuel lui ayant donné l'allarme, il abandonna fur le champ le parti des Hongrois, ôc fe remit fous le joug dont il avoit tenté de s'affranchir. Mais il fe révolta de nouveau peu de temps après, Ôe l'Empereur, poulTé à bout, le deftitua , 6c lui donna pour fucceffeur fon frère Bela. Manuel s'arrêta encore quelque temps dans la TheiTalie, renvoya Une partie de fes troupes , 6c rentra bien-tôt après dans Conftantinople. Au commencement de l'hyver, il fe remit en campagne , 6c vint dans la Pélagonie, Province Septentrionale de la Macédoine. Geyza ïï. Roi de Hongrie , qui régnoit encore , menaçoit de vouloir recommencer la guerre. Andronic Comnene , s'étoit emparé des Duchés de Branifob 6c de Belgrade en Dalmatie, 6c il entretenoit une intelligence Secrette avec les Hongrois, par le Secours deSquels il vouloit détrôner Manuel , 6c uSurper l'Empire. La Confpiration fut découverte, & Andronic fut convaincu d'avoir été l'auteur du complot. Son emprisonnement entraîna une rupture Sormelle. Le Roi de Hongrie mit le Siège devant Branifob 3 6c ravagea une grande étendue de pays. L'Empereur de Son côté envoya contre lui BaSile Zinziluce, qui attaqua les Hongrois, 6c les mit en déroute. Mais ce Général profita mal de Sa victoire ; il pour-Suivit les ennemis avec trop de témérité , ceux-ci Se rallièrent , lui firent face, 6c Se dédommagèrent bien de l'échec qu'ils venoient d'effuyer. L'Empereur à la nouvelle de cette défaite fe mit en marche , dans Fefpérance que les Hongrois, au bruit Seul de Sa venue , abandonnèrent ces Provinces. La choSe arriva comme il l'avoit prévue ; il conclut avec eux une paix auffi avantageuSe qu'il pouvoit FeSpérer dans de pareilles circonftanccs ; ôe après avoir remis le bon ordre dans Branifob Ôc dans Belgrade y il retourna à Conftantinople. L'année 11 5 8, la dix-huitieme du règne de ce Prince, Sut marquée par la naiflance de Genghizkhan, fous lequel les Tartares commencèrent de menacer l'Occident, ôc dont les fuccefteurs s'avancèrent enfuite jufques en Hongrie, en Pologne 6c en Bohême. M. de Fleuri, dans fon Hiftoire Eccléfiaftique , rapporte que ce Conquérant célèbre fut d'abord connu fous le nom de Temougin, 6c fervit long-temps fous les ordres du plus puilfant Prince du Turqueftan, appelle Ungkhan, ou Jean, fils de David, Chrétien Neftorien , que l'on croit être le même que le Prêtre-Jean. Les Syriens en effet avoient déjà pénétré dans la Chine dès Tan 737 de notre Ere , 6c y avoient porté le Chriftianifme. On trouvoit déjà dans la haute Tartarie une infinité de Neftoriens înftruits dans la Religion par les Millionnaires de Mo/oui 5C de Baffbra y qui s'étoient introduits dans cet Empire à la fuite des Caravanes de Samarcande , de Bokhara , ôc des autres Villes voifines. Genghizkhan ayant eu avis que Ungkhan vouloit fe débar-raffer de lui, le fit périr lui-même, 6c fe fit proclamer Empereur lan iioi. L'Auteur de l'Hiftoire des Huns rapporte cet événement à l'année 1106, ôe croit Genghizkhan fils de Yef-foukaï, dont les ancêtres avoient formé une Horde qui habi-toit au Nord du Pays appelle aujourd'hui Cartchin. Yeffou-kaï , qui s'étoit rendu extrêmement puifîànt , ÔC avoit fubju-gué plufieurs Hordes voifines , ayant eu des démêlés avec les Tartares proprement dits, marcha contre eux , les fournit à fon obéiflance, ôc fit prifonnier leur Roi Temougin. Au retour de cette expédition il eut un fils , auquel il voulut donne* le nom du Prince vaincu, pour perpétuer le fouvenir de fon triomphe. Temougin étoit fort jeune lorfque fon pere Yefïbu-&af mourut ; il fut, fuivant l'ufage, attaqué par fes parens SC fes voifins, entr'autres par l'Horde des Taïcous, qui étoierit de la même famille que la fienne ; mais il fut allez heureux HISTORIQUES, ôc. i9i pour les vaincre , Se rendre leurs efforts inutiles. A peine s'étoit-il débarraiTé de ces premiers ennemis, qu'il en vit s'élever de nouveaux , encore plus dangereux. Les Naïmans , Horde extrêmement redoutable alors , Se dont Temougin étoic Vafïal, vinrent, fous la conduite de Tayamkhan leur Chef, ravager les Etats du jeune Prince, qui les délit entièrement, Se Tayamkhan fut tué dans le combat. Ces nouveaux fuccès rendirent Temougin encore plus formidable ; il fit des courfes fur les frontières du Tangut, Se après avoir infiniment étendu fa domination , il raffembla à la fource du Fleuve Onon toutes les Hordes qui lui étoient foumifes , fe fit déclarer Empereur , Se prit le nom de Genghizkhan. On retrouve ici en détail à peu près la même aventure que M. de Fleury a racontée en gros* Des Princes de la race Royale de Tartarie m'ont expliqué l'origine du nom de Djanghi^ 3 que je n'ai trouvée nulle part. Nous prononçons mal-à-propos Gtnghi\3 par une corruption invétérée. Le mot Tartare Djanghi^ , fignifie feul comme Jali-gni^ en Turc. Temougin prit le nom de Djenghi\khan , ou parce qu'il étoit fils unique de fon pere, qui en mourant l'avoit laide feul, Se abandonné à lui-même , ou parce que , lorfqu'il fe fit déclarer Empereur, il voulut être reconnu pour le feul Khan, ÔC Punique Souverain de toute la Tartarie. CHAPITRE XXIV. Origine des Walaques. Diverfes incurfions des Walaques & des Comains fur les terres de l'Empire jufques a la mort de Baudouin. Irruption des Tartares en Europe fous leur Prince Batoukhan. Converfion des Comains, Je laide ici les Hongrois , ce ne font plus des Barbares, ce font des Peuples policés, éclairés par les lumières de la Religion Chrétienne 5 formant une Nation ôc une Monarchie dont nous avons des Hiftoires fuivies , oc parfaitement connues de tout le monde. Je renvoyé auffi le Lecteur à Ducan-ge , pour la fuite de ce qui concerne les Dalmates 9 les Croates , les Serviens ôe les Bulgares. Je palfe aux Walaques, qui font les derniers Barbares, avec lefqucls les Empereurs Grecs ont eu des démêlés , avant l'incurfion des Tartares SC celle des Turcs. Je ne parlerai plus des Bulgares que fous le nom de Walaques , par lequel Nicetas , Hiftorien contemporain , les défigne depuis le temps dont je parle, jufques à h fin du règne de Baudouin. L'origine des Walaques, l'étymologie de leur nom ne font pas bien connues, ^neas Sylvius, qui fut Pape fous le nom de Pie If a cru que les Walaques de la Dacie fupérieure , qui font les Moldaves d'aujourd'hui 5 Ôc ceux de la Dacie inférieure , avoient tiré leur nom de Flaccus, Général Romain » fans doute le même dont Ovide a parlé dans ces Vers : Pra^fuit Prasfuir his, Graecine , locis modo Flaccus , & illo Ripa ferax Iftri fub duce tuta fuie, Hic renuit Myfas gentes in pace fideli j Hic arcu fufos terruit enfe Getas. ( Ovid. 4. de Pont. Eleg. 9. ) D'autres Auteurs ont prétendu que ces Peuples avoient pris le nom d'une fille de l'Empereur Dioclétien , qui fut mariée à un de leurs Princes. Bonfinius tire du Grec l'étymologie du mot Walaquc ehro 7« BctMsic xa) tvjç cL%i£oç y à caufe de leur adrcfTè à manier l'arc ôc la flèche. L'Auteur de l'Hiftoire des Huns , dit , d'après Rubruquis , que les Walaques ont conservé le nom de la Rivière ATli dans le Turqueftan , des environs de laquelle ils font venus en Europe. Cet Ecrivain fe fonde fur ce que les Tartares ne pouvant prononcer le B difent Ilak 3 au lieu de Blak 3 mais j'ofe croire que cette étymologie n'eft pas exacte ; les Tartares à la vérité ne profèrent jamais la confonne B3 mais ils la prononcent comme une M 3 tk non pas comme un I; ils difent Mengly Gueràikhan, au lieu de Benghly GueraïKkan3 Ôcc. D'ailleurs le nom que les Tartares ôc les Turcs donnent aux Walaques , n'eft point Ilak 3 mais Wlak 3 tk quelquefois Iflak. L'Auteur anonyme de l'Hiftoire de Moldavie regarde l'étymologie tirée de Flaccus , ÔC toutes les autres , comme fabuleufes. Il allure que le nom de Walaques eft le même que plufieurs Nations donnent aux Italiens, «u Romains , defquels il prétend que ces Peuples Sont descendus. Les Allemands , dit-il, appellent également les uns ÔC lés autres Welfch3 il y a même encore en Italie une contrée que les François appellent Vallais, ôc les Latins Vilkfia. Les Polonois donnent aux Italiens le nom de Wloch3 ôc aux Walaques celui de IVolocîu. Les Hongrois nomment les Italiens Olach3 & les Moldaves ÔC Walaques Oulach 3 l'Italie Wlofcha\cme 3 ôc la Walaquie Bb Wolofchar^eme. Je penfe que l'opinion de ce dernier Auteur cit la plus plaufible. La plupart des Ecrivains en effet font defeen-dre les Walaques des Romains , ôc regardent ces Peuples comme les débris des troupes ÔC des Colonies Romaines amenées dans la Dacie par Trajan ôc fes fucceffeur s. L'Auteur anonyme en apporte une autre preuve aucz mal-fondée , qu'il tire de la conformité des habillcmcns , ôc fur-tout d'une prétendue ref-femblancc des moeurs des Walaques avec celles des Italiens. L'origine de ces Peuples eft bien plus folidement prouvée par leur Langue, argument incontestable : cette Langue eft mani-feltcment un idiome Latin, qu'une longue fuite de fieclcs , 6C le concours de tanc de Barbares n'ont pu entièrement anéantir. Mais fa corruption extrême , ôc la prodigieufe quantité de mots Grecs , Sclavons, Allemands, Hongrois ôc Turcs, qui s'y font gliffés , confirment auffi le fentiment de l'Auteur de l'Hiftoire des Huns , qui fait venir les Walaques du Turqueflan. On doit en effet regarder ces Peuples comme un mélange de Romains ôc de Grecs, avec les Daces , les Getes , les Gépides , les Jazyges , les Sarmates , les Saxons , les Goths, les Huns, les Avares, les Slaves, les Patzinacites, les Turcs, Ôc tous les Barbares Orientaux ôc Septentrionaux qui ont fucceff vement occupé le Pays que les Moldaves ôc les Walaques habitent aujourd'hui. Depuis la venue de Trajan dans la Dacie , les Walaques ont eu plufieurs noms différens ; ils furent d'abord appelles Myfiens , fuivant le témoignage de Nicetas , enfuite Vûfjtsivot tvç Eocf«À/a£. Roumouni tes Erdelias. C'eft ainfi que les Hongrois appellent aujourd'hui la Tranfilvanie ; on comprenoit autrefois fous ce nom la partie de la Tranfilvanie ô£ de la Walaquic occidentale qui eft entre le Danube ôc le Tibifc Les Walaques le donnent encore aujourd'hui le nom de Ro- mains ; 6e en fortant de Fokcian , Ville dont la moitié eft du diftrid de Moldavie, 6c l'autre de celui de Walaquie, je fus fort étonné d'entendre un Payfan répondre à un de mes gens , qui lui avoit demandé où nous étions, a venit domieta la t\a-ra Roumounefca , c'eft-à-dire , votre Seigneurie eft venue dans l'Empire ou dans le Pays Romain. Il y a lieu de croire que ces Peuples n'ont quitté que fort tard le nom de Romains pour prendre celui de Walaques. Il paroît auïïi par l'Hiftoire que le nom de Walaquie ne fe bornoit pas à la Dacie Tranfiftrienne, ou au-delà du Danube, 6c que des Pays fitués en deçà de ce Fleuve étoient auffi compris fous la même dénomination. Nous Voyons dans Nicetas , qu'on appelioit grande Walaquie la partie monta 6c détruifirent prefqu'entiercment Tnadi^a. L'Empereur s'efforça de réparer les maux qu'ils avoient faits , 6c fît remettre en état les Places qu'ils avoient ruinées. Les exploits de Conftantin l'Ange, que l'Empereur avoit choifi pour fon Général contre les Serviens , en impoferent aux Walaques, 6c retinrent Pierre 6c Afan , qui s'étoient propofés de venir ravager le territoire de Berrée 6c de Philippopolls. Berrée doit être la petite Ville de Bra dans la Bulgarie , fituée à dix ou douze lieues de Pkiloppopohs j fur la Rivière de Brac^a > qui fe jette dans la Marina. Conftantin ayant voulu ufurper l'Empire , fut aveuglé, aveuglé, les Walaques, charmés de n'avoir plus rien à craindre du feul Général qu'ils croyoient pouvoir s'oppofer à eux, recommencèrent leurs incurfions , oc s'avancèrent, joints à une immenfe troupe de Scythes, fur les terres de l'Empire. Ils mirent Philippopolis à feu 6c à fang, Surprirent Sardique > 6c pénétrèrent jufques à Andrinople. Les Grecs combattoient foi-blemcnt dans les diverfes rencontres , 6c mettoient peu d'obf-tacles aux progrès des Barbares , qui profitoient de plus en plus de leur découragement. Dans le cours de l'année 1193 , le fort des armes fut étrale-ment favorable aux Walaques 6c aux Scythes. L'Empereur avoit envoyé contre eux une armée nombreufe, fous la conduite de deux Généraux , Alexis Gui 6c Bafile Batatzès , dont le premier commandoit les Légions d'Orient, 6c l'autre celles d'Occident. Ils livrèrent aux Barbares une bataille fanglante ôc malheureufe ; Gui, après avoir perdu la plus grande partie de fes troupes , prit la fuite avec le refte , ôc Batatzès périt dans le combat avec celles qu'il avoit fous fes ordres. L'Empereur fe préparoit à marcher en perfonne pour faire un dernier effort, lorfqu'il fut dépoffédé par fon frère Alexis Comnene , qui lui fit crever les yeux. Alexis monté fur le Trône , envoya Tan 1195 des Ambaffadeurs à Afan ôc à Pierre , pour leur faire des propofitions de paix ; mais les Barbares répondirent avec tant d'infolcnce, ÔC Offrirent des conditions fi dures ôc fi honteufes , que l'Empereur ne crut pas devoir les accepter. Tandis que ce Prince étoit occupé en Orient , ces deux frères firent une incurfion dans le territoire de Serres * battirent les troupes Impériales , s'emparèrent de plufieurs Places , ôc retournèrent chez eux avec un immenfe butin. L'Empereur détacha ïfaac Sebafto- crator â fon gendre , avec un certain nombre de troupes -, pour aller prévenir de nouveaux défordres ; mais ce Général encore jeune, ôc peu expérimenté , ayant eu avis que les ennemis étoient venus de nouveau ravager les environs de Serres 3 fe mit en de-voir de les attaquer. Sans examiner quelles étoient leurs forces , ôc s'il étoit lui-même en état de leur faire face, il donna le lignai du combat, Ôc fit faire à fa Cavalerie une marche forcée de trente ftades à bride abbatue ; il fatigua par-là fi fort fa Cavalerie , ÔC fon Infanterie qui la fuivoit, que l'une ôc l'autre arrivèrent en préfence de l'ennemi prefque hors d'état de combattre. Il chargea fur le champ les Barbares, fans donner à fes Soldats le temps de fe repofer. Afan avoit eu le foin de diftribuer une partie de fes troupes dans des embufea-des , oii l'armée des Grecs fe trouva enveloppée ; Ifaac lui-même , après avoir perdu beaucoup de monde, fut enlevé par les Scythes , demeura Captif entre leurs mains , ôc mourut dans les chaînes quelque temps avant le meurtre d'Alan. Celui-ci fut tué par un nommé Ibancus , ou Jean, qu'il avoit aceufé d'un commerce criminel avec fa femme , ÔC qu'il vou-loit faire périr. Cet Ibancus , après avoir mis à mort le Tyran , fe fit un parti, ôc s'empara de la Ville de Ternobe 3 qui eft la Ternova d'aujourd'hui ; il y fut affiégé par Pierre frère d'Afan ; il fit pendant quelque temps une allez vigou-reufe réfiftance , avec des fecours que l'Empereur lui avoit envoyés ; mais voyant que Pierre fe renforçait tous les jours par le concours des troupes qui lui venoient de toutes parts 9 ôc s'appercevant auffi que les Grecs ne fe défendoient que bien foiblement, il prit le parti de la fuite , Ôc fe réfugia auprès de l'Empereur. Ce Prince Faccueillit avec bonté , ôc lui offrit en mariage la fille d'Ifaac Sebaftocrator ; mais on croit qu'il pré- HISTORIQUE S, &c. zo} fera fa veuve, appellée Anne, qui étoit encore dans la fraîcheur avec Henri, frère de Baudouin „ Ôc retourna de-là à Conftantinople , ou il mourut à la fin de La même année. Jean, Roi des Bulgares, après la défaite des Latins, fon-gea à tomber fur les Grecs, ôc fe rendit maître en peu de temps de plufieurs Provinces de l'Empire. Il continua de fe fervir utilement des Comains , qui animés par tant de fuccès j Ôc fur-tout par la victoire fignalée qu'ils venoient de remporter , ne voyoient plus rien qui pût les arrêter, ôc commettoient impunément les plus affreux ravages. Henri avoit fuccédé àt fon frère Baudouin, ôc s'efforçoit de rétablir les affaires des Latins , qui étoient dans un horrible défordre. Il remporta de grands avantages fur les Bulgares ôc les Walaques, Ôc délivra la Ville & Andrinople 3 dont ils vouloient former le fiége ; les troupes qu'il envoya contre eux les mirent en fuite , ôc reprirent vingt mille prifonniers , ôc trois mille chariots chargés de butin , que ces Barbares emmenoient chez eux en fe retirant. Ce Prince porta même la guerre jufques en Bulgarie , tiétruifit plufieurs Villes, ôc retourna dans fa Capitale chargé de dépouilles. Quelque temps après le Roi de Bulgarie revint mettre le fiége devant Andrinople 3 à la follicitation de l'Empereur Grec Théodore Lafcaris , qui implora fon aififtance contre Henri, par les troupes duquel il fe voyo.it attaqué en Afîe. Les Comains étoient encore de moitié avec les Bulgares ôc les Walaques dans cette expédition ; ils ravagèrent toutes les campagnes , ôc pouffèrent même leurs courfes jufques à Conftantinople. Mais ils abandonnèrent leurs Alliés, ôc retournèrent chez eux, dans un temps où la Ville & Andrinople étoit réduite à la dernière extrémité. Leur retraite fauva la Place , ôc les Bulgares furent forcés de lever le fiége. Genghizkhan, reconnu Empereur des Tartares en 1206, commençoit d'affervir l'A fie , ôc fes progrès dans cette partie du Monde, annonçoient l'orage qui devoit bien-tôt fondre fur l'Europe. Ce Prince , ni Chrétien, ni Mufulman , ôc l'effroi des uns ôc des autres , pouffoit fes conquêtes vers le Midi de l'Afie. Dès l'année i 22.5 , il s'étoit déjà rendu maître de la Chine en partie , du Mavrulnahar, du Khoraffan, du Mazan-deran, ôc d'une infinité d'autres Provinces de la Perfe ôc de ITnde ^ il avoit fournis les Villes célèbres à'Otrar > de Bokha-m ôc de Samarcande y dont il avoit fait paffer le plus grand nombre nombre des Habitans au fil de Pépée , 6e difperfe le refte ; il s'étoit rendu principalement redoutable aux Mahométans, par les cruautés qu'il avoit exercées contre les Sarrafins ; les Rufïès même avoient déjà refTenti les effets de fa puifTance , ôc fon fils Toufchi Khan les avoit vaincus dans une bataille. Enfin fa domination s'étendoit en 1226 dans tout le Nord de PAfie , depuis la Chine jufques à la Mofcovie , lorfque la mort vint arrêter le cours rapide de fes conquêtes. Tous les Princes de la Maifon Impériale réunis , élurent pour fon fucceffeur Oc"taï Khan. Toufchi étoit mort peu de temps avant Genghiskhan; oc celui-ci avoit donné à Battou fon fils, le titre de Khan de Kapfchak ; Octaï Khan le confirma dans la poffeffon des Etats de fon pere , le mit à la tête d'une formidable armée, ôc lui ordonna de tenter la conquête des Pays Septentrionaux de l'Europe. Dans le cours des années 1140 6c 1241 , Battou Khan attaqua les Ruffes, les Bulgares 6c les Slaves. Ses Tartares , au nombre cinq cens mille , entrèrent en Rufîie, prirent Kiovie , défolerent la Pologne 6c la Bohême, 6c ravagèrent la Hongrie. Béla IV. qui y régnoit alors , ayant voulu tenter le fort d'une bataille, fut mis en fuite auprès A'Âgria , 6c repouffé jufques dans les Iflcs de la Mer Adriatique. Il fut enfuite remis en poffe Rivière qui arrofe cette Contrée. L'Auteur anonyme remonte même à l'étymologie du nom de la Rivière ; il le prétend dérivé de celui d'une Chienne célèbre appellée Molda , qui après avoir pourfuivi une Bête fau-vairc, alla boire à cette Rivière, ôc mourut de laffitude fur le bord. Bonfinius donne au nom de Moldavie une autre origine , il le regarde comme un abrégé de Mollis David , parce que les Daces ont auffi été appelles Davcs dans les premiers temps. Mais cette étymologie eft bien hazardée , & le nom de Moldavie ne date pas de fi loin. Les Turcs appclloient autrefois les Moldaves Ak Iflak 3 ou Ak IVlak 3 c'eft-à-dire, Walaques blancs , pour les diftinguer des Walaques proprement dits , qu'ils nomment Cara Iflak 3 ou Walaques noirs. Ils donnent aujourd'hui aux Moldaves ou Walaques Septentrionaux, le nom de Bogdans $ à caufe de leur Prince Bogdan-Voda , le premier qui fe rendit dépendant des Empereurs Turcs , ou fuivant quelques-uns du mot Turc Bogdài, qui lignifie froment, parce que cette Province en produit une très-grande quantité. L'Auteur anonyme avance très-mal-à-propos que la Moldavie eft appcllée aufli Iet\an ôe il rapporte à ce fujet, fans aucune autorité , une fable tout-à fait abfurde. Dragon-Voda , auquel il attribue la féconde Habitation de la Moldavie , étant, fuivant lui y defeendu dans les plaines de cette Province , alors déferte ôe inhabitée , arriva dans un endroit oii eft aujourd'hui le Monaftcrc de Jeufiani > il y trouva des Ruches gardées par un homme originaire de la Rufiie Polonoife, qui s'appelloit Icfiçis , Ôe du nom duquel le Pays fut nommé par Dragon-Voda Itt\an. Il eft faux que la Moldavie ait jamais été appcllée Iet^an 3 ni dans les fiecles paftes , ni de nos jours ; on ne comprend fous cette dénomination que les plaines qui font au-delà du D nie fier s depuis Bender jufqu'à Ok^akow. Elles ont nouvellement tiré ce nom d'une des quatre Hordes des Nogais foumifes au Khan des Tartares , qui s'y eft établie. Cette Horde s'appelle Iedfan , ou Iedi-San J c'eft-à-dire , fept mille , parce qu'elle étoit originairement compofée de fept mille hommes : elle a depuis extrêmement multiplié , 6c elle eft aujourd'hui fort nombreufe. Cette feule Horde révoltée a dépolfédé Alim Gueraï Khan , 6c placé fur le Trône Crim Gueraï Khan qui règne aujourd'hui. On voit les détails de cet événement dont j'ai été témoin , dans la Relation que j'en ai envoyée à la Cour en 1759. La Moldavie , fuivant l'Auteur anonyme , a été peuplée deux fois. Trajan y fonda les premières Colonies , après avoir Vaincu les Daces. Cette Province fut depuis ravagée par les Bulgares fous leur Roi Darabal ou Terbelle , 6c demeura dé- fertc depuis lors environ 700 ans. L'Auteur a fait ici une erreur de Chronologie ; il a fixé l'époque de la dévaluation de la Moldavie par les Bulgares fous Terbcllc à l'an 590 , tandis que ce Prince n'a commencé de régner que vers l'an 700 , ôe a été contemporain de Juftinien II. Cette Province fut enfuite repeuplée par Dragon-Voda , qui efl reconnu pour le premier Prince de Moldavie. L'Auteur anonyme eft embarraffé pour déterminer le temps de cet événement, 6c fe contredit aflèz mal-à-propos à ce fujet. Il lui étoit bien facile , en fuivant fon propre raifonnement, de retrouver cette époque, il n'avoit qu'à calculer les années du règne de Dragon-Voda, ôe de fes Succeffeurs jufques à Efticnne I. qui mourut du temps de Ca-fimir le Grand , Roi de Pologne. Ces années font très-préci-fément indiquées par Vréké Vornico , qu'il cite lui-même. Suivant le rapport de ce dernier, Dragon-Voda régna deux ans, Saff-Voda quatre ans, Lafco-Voda huit ans , Bogdan-Voda fix ans , Pierre Voda feize ans, Romain Voda ôc Efticnne Voda fon fucceffeur régnèrent fept ans , ce qui fait en tout quarante-trois ans. On voit dans Cromerus que cet Efticnne Voda mourut vers l'an 1358, ôe que Cafimir le Grand prit part au démêlé qui s'éleva pour la Principauté entre fes deux enfans Pierre ÔC Efticnne. Il faudroit donc fouflrairc de 1358 les quarante-trois ans qui font la fomme des régnes d'Efticnne ôe de fes prédécefleurs. Il refte 1 3 1 5 , qui devoit être l'époque précife de la féconde Habitation de la Moldavie fous Dragon-Voda. L'on devroit par conféqtient rapporter cet événement au regne d'Andronic Paléologuc, Empereur de Conftan- t tinoplc , ôe non pas à celui de Michel fon pere, comme le prétend Vréké Vornico. Cet événement répond pareillement au fécond règne de Ladiflas Loketik en Pologne, ôc à celui de de Charles en Hongrie. L'époque de l'établilTement de la Principauté de Moldavie feroit bien exactement fixée par ce calcul , fi l'on pouvoit fc rapporter à l'Auteur anonyme , Ôe à Vréké Vornico, mais par malheur ces Ecrivains fe trouvent contredits en plufieurs points par nos Hiftoircs , qui font bien plus authentiques, ôe appuyées fur de bien plus folides autorités. Il paroît par le témoignage de Bonfinius , ôe de Michel Rî-tius , Hiftoricns de Hongrie , que la Moldavie fut de nouveau abandonnée , à caufe de l'irruption des Tartares, ôc que Bog-dan-Voda y amena une troifieme Peuplade , que l'Auteur anonyme confond avec la féconde Habitation. Les Hiftoriens ne nous apprennent aucunes circonftances du règne de Dragon-Voda , Fondateur de la Principauté de Moldavie ; l'Auteur anoyme débite fur fon compte quelques fables , fans aucune autorité. J'en ai déjà rapporté une , au fujet du nom de ledfah , qu'il prétend mal-à-propos appartenir à la Moldavie. Il ajoute avoir oui-dire à des Vieillards du Pays, qui tenoient cette tradition de leurs ancêtres , que ce Dragon Voda fit conftruire une Eglife de Bois dans un lieu appelle Olowerfi i ôc y fut enterré. Efticnne Voda , furnommé le Débonnaire, fit tranfporter cette Eglife au Monaftere de Pauia , ou il la rebâtit telle qu'on la voit aujourd'hui, ôc il en fit élever une de pierres à , à la place de celle de bois qu'il avoit ôtée. Le règne de Dragon Voda fut très-court. Vréké Vornico, cité par l'Auteur anonyme , le fixe à deux ans , pendant lefquels il ne fe pafta vraifemblablemcnt rien de fort remarquable. On n'eft pas mieux informé des détails du règne de SafF Voda , fon fils ôc fon fucceffeur , que l'on dit avoir régné qua- Ee tre ans. Il fut remplacé, fuivant Vréké Vornico, par Lafco Voda , de forte que ce dernier devroit avoir commencé de régner vers l'an 1311. Mais nous voyons dans l'Hiftoire Ecclé-flaitique de M. de Fleury , que Lafco , Duc de Moldavie , de la Nation des Walaques , inftruit par quelques Frères Mineurs , réfolut de quitter le Schifme dans lequel lui & fes Sujets avoient vécu jufqu'alors. Il en informa le Pape Urbain V. qui fut élu en 1363 , & mourut en 1371. Ce Pontife affranchit la Ville de Serete, & tout le Duché de Moldavie de la Jurifdiction du Diocèfe de Kalit^, ou Halitz, dans la Rullie Po-lonoife, dont l'Evêque étoit Schifmatique. Il ordonna que la Ville de Serete fit érigée en Evêché , 8c que toute la Province relevât à l'avenir de ce Diocèfe. La Bulle rendue à cet effet eft de l'an 1 370. Un paftage auiîi incontcftable renverfe l'ordre de fuccelf on établi par l'Auteur anonyme. Lafco, fuivant fon fyftême , ayant commencé de régner vers l'an 1 3 11 , & n'ayant occupé la Principauté que huit ans , devroit avoir précédé de beaucoup Eftienne I. que nous favons certainement, par le témoignage de Cromerus, être mort vers l'an 1358. U eft mani-fefte cependant, par l'autorité de M. de Fleury, qu'il n'eft venu que long-temps après lui. On ne peut pas fuppofcr un autre Lafco, puifque 1 on n'en trouve qu'un dans la fuite des Princes de Moldavie. Il faut donc mettre ce Lafco au rang des fucccftèurs d'Eftienne I. au lieu de le ranger, comme a fait l'Auteur anonyme, au nombre de fes prédécefleurs. J'en donnerai ci-après des preuves encore plus fortes. Il en eft de même de Bogdan I. que l'Auteur anonyme dit avoir été fils & fucceifeur de Lafco ; il doit être audi placé après Efticnne I. ainfi que Pierre & Romain fes fuccefteurs , comme je tâcherai de le démontrer dans la fuite. HISTORIQUES, êc 219 niwr^-M,M""','™Ll '1 """......* ''in" " —————. On ne fait abfolument rien, à ce que dit l'Auteur anonyme , du règne de Pierre Voda , quoiqu'il ait été de feize ans. Il le fait fuccéder à Bogdan I. & fe plaint du filcncc des Hiftoriens à l'égard de ce Prince. Il en attribue la caufe à l'inva-lion des Tartares , qui avoient fans doute forcé les Moldaves d'abandonner les plaines , ÔC de fe retirer dans les montagnes , ôc fur les hauteurs , où ils ont mené une vie allez obfcure , ôc fe font dérobés aux recherches des Ecrivains , qui n'ont pas pti fuivre avec exactitude les faits qui les concernent. Pierre Voda , fuivant le même Auteur, eut pour fucceffeur Romain Voda. Celui-ci tranfporta fon Trône au Château de Romano 3 qui prit fon nom. Notre Hiftorien apporte pour preuve de ce fait, une Bulle d'Or , qu'il dit avoir été écrite du temps de ce Prince. Il auroit dû nous en donner un extrait, ou tout au moins la date, on en auroit peut-être tiré quelques lumières. Il fait régner ce Prince l'an du Monde 6900 , ôc veut en même temps qu'il ait été prédéceflcur d'Eftienne I. Son calcul revient à l'an de Jefus-Chrift 1392, puifque les Grecs modernes comptent 7271 ans depuis la Création du Monde , ôc Eftienne eft mort vers l'an 1358, comme on peut le prouver par l'autorité de Cromerus. U y a donc ici une contradiction manifefte, qui, jointe à celle qui concerne Lafco , concourt à me convaincre que les quatre Princes , Lafco , Bogdan , Pierre ôc Romain , doivent fuivre Eftienne I. au lieu de le précéder. On en verra ci-après les rai-fons encore mieux détaillées. Je penfe qu'il faut fubftituer à ces quatre Princes un Alexandre , dont l'Auteur anonyme ne fait pas mention , mais duquel Bonfinius a rapporté quelque chofe. Dès le commencement du règne de Louis, Roi de Hongrie , c'eft-à-dire, vers E e ij l'an 1342 , ou 1343 , l'exemple de cet Alexandre , Duc de la Walaquie Tranfalpine, ne contribue pas peu à pacifier les troubles qui agîtoient la Hongrie. Ce Vaivode s'étoit révolté fous le Roi Charles , &: avoit voulu fe fouflraire à. la domi-, nation des Rois de Hongrie , defquels la Walaquie étoit devenue dépendante bc tributaire par plufieurs Traités , conclus par lui-même , ôc par fes prédéceffeurs. On n'avoit jamais pu ramener Alexandre à fon devoir, ni par les prières , ni par les menaces , ni par la violence ; la feule réputation de Louis le fit rentrer dans les bornes de la fou million. Il alla fe jetter aux pieds du Roi, lui demanda pardon de fa faute , lui porta de riches préiens , aufquels il ajouta mille livres d'or en dédommagement de plufieurs années de tribut, dont il l'avoit fruftré ; il promit de demeurer à l'avenir fournis au Roi , & de lui obéir aveuglément. Louis lui pardonna fa défobéiflance paffée , & le renvoya comblé de bienfaits. Alexandre touché de la clémence ôc de la magnanimité du Roi, renouvel la fes Traités avec lui, & ne s'écarta jamais dans la fuite de la fidélité qu'il lui avoit promife. On voit, par ce que je viens de dire, qu'Alexandre régnoit déjà depuis long-temps lorfque Louis monta fur le Trône de Hongrie, puifqu'il avoit fruftré Charles de plufieurs années de tribut. Il paroît aiiifi qu'il occupa encore long-temps la Principauté fous Louis. Ainfi le règne de ce Vaivode , eu égard à la durée, peut très-bien remplir la lacune d'environ trente-trois ans , qui refteroit dans l'Hiftoire , fi l'on ôtoit les quatre Princes Lafco , Bogdan , Pierre oê Romain , de la place que l'Auteur anonyme leur a donnée, pour les tranfporter ou ils doivent être. L'époque du règne d'Alexandre répond parfaitement auffi à celle de ces quatre Princes , o£ en laiffant fubfifter Dragon Voda , qui a régné deux ans , ôe Saff Voda , qui en a régné quatre', Alexandre rempliroit le vuide qu'il y auroit depuis l'an 13 2.1 jufques au règne d'Eftienne I. On peut m'oppofer que cet Alexandre eft qualifié Duc de la Walaquie Tranfalpine, ôc non de la Moldavie. Quoique la Moldavie foit réellement la Walaquie Cifalpine , ôe que la Tranfalpine foit la Walaquie proprement dite ; on peut cependant prouver par un pallagc de Cromerus , que les Walaques Tranfal-pins font quelques fois appelles Moldaves par les Hiftoriens Polonois ôe Hongrois, par une dénomination tout-à-fait op-poféc à celle dont nous ufons aujourd'hui. Pofienore qui-dem tempore gens una in duos Dominatus ficela nomimbus quoque difiuigui cœpit s fie utï ii qui Septentrionem & Qnen-lem vergunt 3 & Podoliœ finitimi fiunt y IVaLachorum nomen re-tïneant ; qui vero méridionale Tra?ifiylvaîiU latus attingunt Multani a nofiris 3 a c.eteris vero Tranfalpincnfes vocentun ( Cromer. lib. 12.. ) Suivant ce paffage de Cromerus, il peut très-bien fe faire que Bonfinius ait exprimé la Moldavie par le nom de Walaquie Tranfalpine. Ce qui le prouve , c'eft que cet Auteur s'eft fervi de la même dénomination en parlant de Laïcus ou Lafco, que nous favons inconteftablement par l'autorité de M. de Fleury avoir été Duc de Moldavie. On ne connoît rien de la vie d'Eflienne I. on fait feulement qu'il mourut l'an 1358, ôe laiftà deux fils , appelles Eftienne ôe Pierre, qui fe difputerent la Principauté. Suivant le rapport de Cromerus , Pierre, quoique le cadet, fe fit un puiffant parti , ôe gagna les cœurs par fa libéralité , fon affabilité , ôe la douceur de fon caractère. Il fe procura auffi des fecours de Hongrie , ôe ufurpa aifément la fouveraine autorité. Eftienne IL fe voyant exclu de l'héritage de fon pere, ôe O B S E R V A T I O N S craignant de la part de fon frère quelque coup de trahifon , fe réfugia chez Cafimir , Roi de Pologne , avec quelques-uns des Nobles qui lui étoient attachés. Il promit à ce Prince de fe foumettre à lui, ôe le détermina facilement à lui prêter fon affiftanee pour le remettre en pofleiîion des Etats de fon Pere. Cafimir affembla dans la petite Pologne ôe dans la Ruflic une armée allez nombreufe, ôe l'envoya en Walaquie fous le commandement d'Eftienne même , de de quelques autres Généraux. Le commencement de cette expédition fut allez heureux ; les troupes du Roi remportèrent d'abord quelques avantages dans plufieurs efearmouches. Mais Pierre voyant que les forces de l'ennemi furpaflbient les tiennes , eut recours au ftra-tagêmc. Les Polonois pour pouvoir pénétrer dans l'intérieur de la Moldavie, dévoient paifer à travers une épaiffe Forêt, appellée Ploniny , à caufe de la ftérilité du terrein. Pierre occupa ce paftàge , 6c fit feier tous les arbres de la Forêt par le pied fins les abattre ; mais de façon qu'ils tenoient encore légèrement au tronc , 6c que la moindre impulfion pouvoir les renverfer. Dès que les Polonois curent pénétré affez avant dans le Bois, les Walaques fortirent des embufeades ou ils s'étoient tenus cachés , Ôe renverferent tous les arbres , dont la chute écrafa la plus grande partie de l'armée d'Eftienne ; ceux des Soldats qui échappèrent à cette rufe militaire, tombèrent vivans entre les mains des ennemis. Pierre remporta dans cette journée une victoire complette , prit un m&A nombre de Drapeaux , ôe fit une infinité de prifonniers , parmi lefquels on comptoit plufieurs Perfonnages diftingués, Cafimir envoya quelque temps après des Emiftaires pour traiter de leur rançon. Cette perte ne découragea point Eftienne ; il follicita de nouveaux fecours du Roi de Pologne , ôc la guerre fe ralluma entre les deux frères avec plus d'ardeur qu'auparavant ; mais les Hiftoriens nous en laiffent ignorer l'iffue : on ne fait pas non plus combien de temps régna Pierre, ni ce que devint Eftienne. L'Auteur anonyme laine ici une efpece de lacune, ou du nioins n'ofe pas déterminer précifément l'ordre de fucceOion des Princes fuivans. Après avoir avoué qu'il ignore la fuite des événemens relatifs à Pierre ôe à Eftienne, il paroît marcher à tâtons jufques au règne d'Alexandre Voda , qui parvint à la Principauté vers l'an 1401 , comme je le prouverai ci-après. Quant à moi, dans l'intervalle qu'il y a entre les démêlés de Pierre I. & d'Eftienne II. ôc l'avènement d'Alexandre IL au Trône , je crois devoir placer Lafco , Bogdan I. Pierre II. Ôc Romain I. que l'Auteur anonyme a fait mal-à-propos pré-décefleurs d'Eftienne I. Il eft inconteftable par le paiïage de M. de Fleury, cité ci-devant , que Lafco Voda régnoit en 1370, ôc qu'il ne peut par conféquent avoir précédé Eftienne I. mort en 1358. Ce Lafco , le même dont Bonfinius parle fous le nom de Laïcus , étoit, fuivant cet Ecrivain, Vaivode de la Walaquie Tranfalpine ; M. de Fleury, en le qualifiant Duc de Moldavie , ajoute qu'il étoit de la Nation des Valaqucs. Il peut fe faire en effet que ce. fût un Prince de Walaquie , qui eût profité de la défunion de Pierre I. Ôc d'Eftienne IL Ôc des troubles caufés par les diffenfions de ces deux Concurrens , pour s'emparer de la Moldavie, ou pour fe rendre le Compétiteur des deux frères ennemis. A Peine Louis , Roi de Hongrie fut monté fur le Trône de Pologne, que Laïcus ou Lafco fe révolta contre lui, ôc voulut fecouer le joug des Hongrois. Le Roi qui fe regardoit comme le Seigneur dire& des deux Walaquies, fe hâta de marches* contre lui pour le châtier de fa défection , ôe le faire rentrer dans Pobéiffance. Dès qu'il eut mis quelque ordre aux affaires de Pologne > il affembla avec une extrême diligence deux corps d'armée , ÔC entra dans la Walaquie par deux différens endroits ; il donna ordre à. Michel , Vaivode de Tranfilvanie, ôc à Simon , fils de Maurice , de fe faire jour par les frontières de cette Province , ôe il prit fes mefures pour pénétrer lui-même du côté de la Bulgarie. Tandis que Lafco faifoit tous fes efforts pour défendre au Roi le paffage du Danube , Nicolas entra par les derrières avec fes troupes , ôc campa auprès de la Rivière Ialomir^a ; il s'empara de quelques Forts , attaqua la Cavalerie Walaque, commandée par Dragmcr, ôc la mit en fuite, après un combat allez long. Mais les ennemis curent leur revanche , car Nicolas après cette victoire ayant pénétré dans l'intérieur de la Province , ÔC s'étant imprudemment avancé dans les Forêts ÔC les défilés des montagnes , fe trouva enveloppé dans une embufeade , où il périt avec la plus grande partie de fon armée. Les Soldats qui échappèrent de cette défaite , trouvèrent cependant le moyen d'enlever aux Walaques le corps de leur Général, ôc le portèrent à Strigonie 3 dans le Monaflcre de la Sainte Vierge, où il fut inhumé. Nicolas Gara répara cette perte , il fit paffer le Danube à l'armée du Roi, malgré les efforts de Lafco qui s'y oppofoit ; il attaqua les Walaques fur la rive fcptentrionale du Fleuve , en fit un affreux carnage , ôc s'empara de toutes les Places voifines. Cette victoire rétablit entièrement les affaires de Louis. Ce Prince , pour pouvoir a. l'avenir contenir plus aifément les Peuples de Walaquie dans le devoir , fit réparer la Fortercffe de Severino 3 qui étoit entièrement délabrée ; il fit bâtir auffi fur le bord du HieraJJiis HieraJJiis ou du Pruth, un Fort appelle Terk} laifla dans l'une Se dans l'autre de fortes garnifons , & après avoir rétabli le bon ordre ôc la tranquillité dans cette Province , il retourna en Hongrie. Si l'on en croit Bonfinius, ce fait arriva immé-diatement après lavénemcnt de Louis au Trône de Pologne, c'eft-à-dire, l'an 1370 ou 1371 , ce qui s'accorde parfaitement avec le paflage de M. de Fleury, par lequel il eft démontré que Lafco régnoit Fan 1370. Il en: donc impofïïble que ce Prince ait précédé Eftienne I. & je crois que ces preuves font fuffi-fantes. D'ailleurs dans le fyftême que j'avance , on retrouve également la fuccefîion des quatre Princes que l'Auteur anonyme a tranfpofés. Ce Lafco ou Laïcus pourroit bien être le même que Vulcaïcus dont parle Ducange, qui maria fa fille Slava avec Vrofius. Bogdan I. fucceffeur de Lafco , devroit, dans le fyftême de l'Auteur anonyme, avoir commencé de régner en 1319 , ôc cette époque fe rapporteroit au temps de Charles, Roi de Hongrie. Bonfinius cependant place la tranfmigration de Bogdan dans la Moldavie fous le règne de Louis, ôc n'en parle qu'après la guerre de ce Prince contre Laïcus ou Lafco. Michel Ritius rapporte auffi la réhabitation de la Moldavie par les Walaques à la fin du règne de Louis, Ôc après fon avènement au Trône de Pologne. Ce qui prouve bien que cet événement a été poftérieur à la guerre de ce Prince contre Lafco, ôc doit être rapporté à la fin du même règne. Il paroît auffi par-là, que Bogdan I. a été réellement fucceffeur de Lafco. La Moldavie avoit fans doute été dans ce temps-là dévaifée par les incurfions des Tartares, ôc les guerres inteftines excitées par la difeorde des Princes qui fe difputpient la fouveraineté. Bonfinius rapporte en effet que fous le règne de Louis, le niauvais voifinage des Tartarcs avoit obligé Bogdan , Prince des Walaques , d'abandonner la Moldavie , ôc de fe retirer à Marmara* fia y ou Maramoros. Quelque temps après cependant, il ra-maffa de nouveau fes Walaques , ôc les ramena dans cette Province , dépendante alors des Rois de Hongrie. Louis fut irrité de cette démarche, qui avoit été faite fans fa permiffion. Mais comme il jugea dans la fuite que cette Nation multiplieroit à vue d'œil, ôc rcpeuplcroit la Province qui étoit déferte, il y donna fon confentement > ôc céda à Bogdan le Domaine de Moldavie, à condition que les Vaivodes rendroient toujours hommage , ôc payeroient tribut aux Rois de Hongrie. L'Auteur anonyme parle d'un Pierre Voda qui régnoit en 1388 , ôc le croit le même que Pierre I. fils d'Eftienne I. qui fuccéda à fon pere ; je crois qu'il fe trompe, ôc je l'appellerai Pierre II. Quoi qu'il en foit, Cromerus rapporte que ce Pierre, Palatin , ou Duc de Moldavie , fecoua le joug des Hongrois, ÔC vint avec les Perfonnagcs les plus diftingués de fa Cour à Leopol, ou il eut avec le Roi de Pologne une entrevue , dans laquelle il lui demanda fa protection, ôc lui promit hommage ôc fidélité. C'eft-là le Pierre IL fucceffeur de Bogdan L ôc le troifieme des Princes qui ont été placés mal-à-propos au nombre des prédéceffeurs d'Eftienne I. L'Auteur anonyme dit que Mirzavoda, Prince de Walaquie , fïtivit fon exemple , ÔC Ce fournit au Roi de Pologne. En effet, Cromerus nous apprend que l'on trouve dans les Archives de ce Royaume un Traité d'alliance offenfive ôc défenfîve entre Ladiflas, Jagellon, ÔC Mirza , Palatin de Walaquie. Ce Traité doit être poftérieur à Tan 1394. L'Auteur anonyme eft embarrafle pour placer un Eftienne , qui, fuivant le rapport de Bonfinius, gouvernoit les deux Walaquies fous Sigifmond , Roi de Hongrie , dans un temps , dit-il, où Pierre Voda régnoit en Moldavie , ÔC Mir-Zavoda en Walaquie. Il ne fait pas attention que cela n'a rien de contradictoire , puifque Eftienne, dont parle Bonfinius , gouvcrnoit les deux Etats l'an 1390 , c'efVà-dire , la quatrième année après le couronnement de Sigifmond, ôe il n'eft fait mention de Mirza dans l'Hiftoire, que vers l'an 1394. Notre Auteur croit cet Efticnne le même qu'Eftienne II. fils aîné d'Eftienne I. Cela n'eft pas impoiîible , il peut très-bien fe faire <|ue ce Prince, chaffé de Moldavie par fon frère Pierre I. fe fût rabattu fur la Walaquie , Ôc qu'enfui te dans quelque favorable révolution il eût auffi repris la Moldavie , dont il étoit le légitime héritier. Dans des Pays auffi agités que ceux-là par les guerres inteftines , 6c divifés en plufieurs partis , les règnes des Princes font ordinairement courts ; les mêmes compétiteurs reparoiffent plufieurs fois fur la feene , ôe l'on ne doit pas s'étonner même de voir deux ou trois Princes à la fois, comme cela doit être arrivé très-fouvent dans ces deux Etats. Sous le règne de Marie, Reine de Hongrie , cet Eftienne II. fupportant impatiemment le joug d'une femme , s'étoit révolté , Ôc refufoit de rendre l'hommage ô£ de payer le Tribut ordinaire. Sigifmond marcha contre lui en 1390. Eftienne, au bruit de la venue du Roi, raflembla de nombreufes troupes, ôc s'empara de tous les défilés. Sigifmond s'avança néanmoins vers les montagnes , où l'ennemi vint à fa. rencontre. Il y eut une action très-vive , dans laquelle les Walaques furent mis en fuite. Cette victoire ouvrit le chemin au Roi , qui pénétra bien-tôt jufques à la Ville où Eftienne s'étoit retiré , dans l'intention de s'y bien défendre. Mais ce Vaivode défefpérant de pouvoir réfifter aux forces de Sigifmond, eut recours à la voye de la prière ôc de la foumiîTion, pour obtenir la paix : il alla Ff ij au-devant du Roi, fe profterna à fes pieds avec les Seigneurs qui l'accompagnoicnt, lui demanda grâce, ôe jura entre feS mains de lui être à jamais fournis ÔC fidcle. Le Roi le traita avec clémence, 6c retourna à Bude , après avoir fait fentir aux Walaques les effets de fa puiffance , 6c pacifié les troubles de cette Province. Ce même Eftienne eut avec Bajazet, Empereur des Turcs, de grands démêlés, dont on peut voir les détails dans le premier volume de l'Hiftoire de l'Empire Ottoman , par le Prince Cantimir. Il faut obferver cependant que cet Hiftorien a confondu cet Eftienne IL avec Eftienne V. dit le Grand , pere de Bogdan III. qui fe fournit aux Turcs. 11 dit, Volume x pag. 30z , que Soliman reçut en 1 52.9 un Am-baffadeur de Bogdan , qui vint lut offrir les deux Moldavies. Il dit dans le même Volume, pag. 368 , que Bogdan fit cette démarche la feptieme année de fon règne, 6c à la page 365* il fixe la durée du règne d'Eftienne à quarante-fept ans 6c cinq mois. Voici le calcul qu'il faudroit faire pour démontrer l'erreur du Prince Cantimir. Si l'année 1529, époque de la reddition de la Moldavie , étoit la feprieme du règne de Bogdan; ce Prince devoir donc avoir fuccédé à Eftienne fon pere en 1511; celui-ci ayant régné quarante-fept ans 6c cinq mois, devoit être parvenu à la Principauté en 1475. Comment donc pouvoit-il être le même Eftienne qui avoit la guerre avec Bajazet en 1390 , quatre-vingt-cinq ans auparavant. Je ne crois pas qu'il y ait aucune réplique à faire à cette objection. D'ailleurs on fait certainement qu'Eftienne le Grand commença de régner en 1457. Le calcul du Prince Cantimir eft faux même dans d'autres points , car ce n'eft pas dans la feptieme année du règne de Bogdan que Soliman reçut l'hommage de la Moldavie, comme je le prouverai ci-après. non H I S T O R I Q U E S, ôc. zz9 L'an 1391 les Walaques fe fouleverent de nouveau, Ôc furent encore punis de cette féconde révolte , malgré le fecours des Turcs avec lefquels ils avoient fait alliance. Sigifmond défit entièrement dans une bataille leurs armées réunies , fit un carnage affreux de Turcs ôc de Walaques, tk les pourfuivit jufques à Nicopoli 3 où ils s'enfermèrent. Le Roi mit le fiége devant cette Place , s'en rendit maître en peu de temps , ôc fit paffer au fil de l'épée , ou emmena Captifs, tous ceux qui s'y étoient retirés. Après Pierre Voda on trouve chez l'Auteur anonyme un Gioga Voda, dont les Auteurs Polonois tk Hongrois ne font pas mention. Son règne fut court, il fit quelque bien au pays, bâtit des Villes ôc des Villages , fortifia plufieurs Places , ÔC commença de monter une Cavalerie réglée. Mais après deux ans de règne , Mirza , Vaivode de Walaquie, l'attira chez lui, 6c le retint auprès de fa perfonne. Je ne fai pas fi l'on doit s'en rapporter à l'Auteur anonyme, ôc placer ce Gioga Voda dans la fuite des Princes de Moldavie, ou le regarder comme une efpece d'intrus dont le règne a été fi court Ôc fi peu remarquable , que les Hiftoriens voifins n'eut ont rien dit. En fuivant, en effet, le fil de l'Hiftoire de Cromerus, il paroît que le fucceffeur de Pierre II. fut Romain I. le quatrième des Princes que je crois avoir été tranfpofés par l'Auteur anonyme , j'en ai rapporté déjà une preuve bien forte , que j'ai tirée des paroles même de cet Ecrivain. Il dit que ce Prince l'an du Monde 6900 , tranfporta fon Trône au Château de Romano 3 auquel il donna fon nom. Cet événement fe rapporte à l'année 1391 de l'Ere vulgaire, fuivant le calcul des Grecs modernes, qui comptent 7271 ans depuis la Création du Monde jufqu'à aujourd'hui, de forte que cette époque dé- truit cnticrement l'ordre de fuccefïion que cet Hiftorien a établi , dans lequel Romain I. fe trouve prédécelTeur d'Eftienne L mort en 1358 ; mais elle convient parfaitement au fucceifeut de Pierre II. que nous favons avoir régné en Moldavie en 1388. On ne fauroit déterminer le temps précis auquel Romain I. parvint à la Principauté. Ce Prince fut fait prifonnier ôc emmené en Podolie par Suitrigellon , frère de Ladiflas Jagellon, Roi de Pologne , & qui commandoit alors dans cette Province. Le Roi délivra la Moldavie de l'oppreilion de fon frère, ôe donna la liberté à Romain I. qui en reconnoiffance de ce bienfait fe rendit avec les Principaux Seigneurs Moldaves auprès de Jagellon , prêta entre fes mains ferment de fidélité ôc d'obéiffance, ôe fit avec lui une ligue offenfive ôe défenfive , contre les Prufiiens ôe les Lithuaniens. Ici l'Hiftoire perd de vue Romain I. ôe ne fait plus mention que d'Alexandre fon compétiteur. Alexandre II. dont on ignore l'origine, profita fans doute de la captivité de Romain I. pour s'emparer de la Principauté. Cromerus nous apprend que l'an 1403 , il rendit hommage à Jagellon, Roi de Pologne , ôe fc mit fous fa protection. Deux ans après l'an 1405 , le Roi l'appclla avec fes Miniftres ôe fes Confeillers à Kamlnieck 3 où il promit folemncllement d'être à jamais fidèle ôe fournis au Roi, à la Reine , à la Famille Royale , ôc au Royaume de Pologne. Cromerus ajoute que l'année précédente Romain avoit fait la même chofe, ce qui fixe l'époque de cet Acte de fourni/Ton de Romain à l'an 1404. On peut auffi conjecturer de-là que ces deux Pcrfonnages fe difpu-toient alors la Principauté. Jagellon employa Alexandre , fon Vaftal ôc fon Allié, dans la guerre qu'il intenta à Sigifmond, Roi de Hongrie, Il engagea même à ce Vaivode pour la fom- me de mille Roubles les Places de Sniatin 3 de Coloméc , ôc tout le Diftriér. de Pocuce. Dans la même année il parut en Moldavie un concurrent d'Alexandre , appelle Eftienne , qui renouvella au Roi de Pologne la promeflc de fidélité Ôe de fou-rniflion que fes prédécefléurs lui avoient jurée ; il s'engagea de venir lui-même en réitérer le ferment, ôc traiter avec le Roi pour la reftitution du Diftrict de Pocuce. Cet Efticnne étoit peut-être encore Eftienne II. dont j'ai parlé allez au long ci-devant , qui eut des démêlés avec Sigifmond , Roi de Hongrie , ôc qui réunifient en i 39,0 les deux Principautés de Moldavie ôc de Walaquie. L'an 1415 , Alexandre IL reparut fur la feenc, ôc renouvella a Ladiflas le ferment de fidélité , qu'il lut avoit déjà prêté au commencement de fon règne. Il fe-Courut aulli ce Prince dans la guerre contre les Prufîicns , lui envoya quatre cens Cavaliers Walaques d'élite , qui firent des merveilles en diverfes occafions. Ce fut à peu près vers le même temps , l'an 141 8 , que Mahomet I. fournit la Walaquie à fa domination , ôc impofa aux Walaques le Tribut annuel qu'ils ont continué de payer jufqu'à aujourd'hui aux Empereurs Turcs, malgré les efforts de Cazyklu Voda , que nous con-noiffons fous le nom de Dracula, ôc les inutiles révoltes de plufieurs de leurs Princes, qui ont vainement tenté de fecouer le joug. Alexandre IL fut un Prince fage, pieux, ôc doué de très-grandes vertus ; fa mémoire eft encore cherc aux Moldaves , qui lui ont donné le furnom de Débonnaire. Il fonda les Monafteres de Bitrirça ôc de Moldavit^a , ôc fit tranfporter de Trébizonde y en Moldavie , le Corps du Martyr Saint Jean le Jeune. Il fonda , avec la pcrmiflion du Siège d'Orient, l'Archevêché de $out\avcL, ôc les Evêchés de Romano Ôc de Ra-daout\L II régla le Gouvernement, ôc établit le Confeil des ijî OBSERVATIONS «XL . I OitilMWnWiïlMMyWMWBMMI^^WMIMMMMlM^IIIIIHI 1111 lllWff» Royars, tel qu'il fubfifte aujourd'hui. Ce Prince mourut en 1433. L'Auteur anonyme dit qu'il avoit occupé la Principauté pendant trente-deux ans ôc huit mois : ainfi il faut rapporter l'époque de fon avènement à l'année 1401 , ou à la fin de l'an 1400. Alexandre IL laifta deux fils légitimes de deux femmes qu'il époufa fucccïTïvement, ôe donr l'une étoit Sophie, fille de Ladiflas Jagellon. Avant de mourir, il défigna pour fon fucceffeur Eliafco , ou Elic, qui étoit l'aîné, Ôe fils de la Princeflè Sophie. Celui-ci chaffa fon cadet Eftienne III. né de la féconde femme d'Alexandre, Ôc il fit en même temps étrangler la merc , dont on ignore le nom. Efticnne fe réfugia d'abord chez le Prince de Walaquie , Dracula , que les Turcs ont appelle Cazyclu Voda, ou le faifeur de pieux, à caufe de la cruauté qu'il avoit eue de faire empaler fix mille hommes, pour un très-mince fujet. Dracula donna à Eftienne quelques troupes» avec le fecours defquelles il vainquit fon frère dans un lieu appelle Lolonis } ôe le dépoiTéda de la Principauté. Elie implora laiîiftance de Jagellon, ôe promit folemnellement fidélité ô£ obéiftance au Roi Se au Sénat de Pologne. Mais Eftienne fît la même démarche ; il l'accompagna de riches préfens , ôe fe concilia la bienveillance des Grands du Royaume. Ceux-ci repréfenterent au Roi que la faine politique exigeoit de maintenir Eftienne, qui étoit aimé de fes Sujets, Ôc d'abandonner Elie y qui s'en étoit fait abhorrer. Ainfi , quoique ce dernier fût petit-fils du Roi par fa mere Sophie, il fut réfolu que l'on donneroit à Eftienne III. l'inveftiture de la Principauté. Le Roi accorda à Elie un appanage, à condition qu'il demeureroit tranquille, ÔC ne prendroit plus aucune part au Gouvernement. Cet arrangement ne plût point du tout à Elie, ôc bien lom d'y donner donner les mains , il entra avec des troupes dans la Moldavie y ÔC livra bataille à fon frère dans un endroit appelle Derma-nefti j mais il fut vaincu pour la féconde fois ; il recourut de nouveau aux Polonois , 6c les trouva fi peu difpofés à le fecou-rir, que pour lui ôter tous les moyens de caufer de nouveaux troubles , ils renfermèrent, par ordre du Roi, dans le Château de Sirat^o , fur le Fleuve Varia 3 avec fa femme Ôe tous fes enfans. Eftienne III. demeura quelque temps paifible polfeffeur de la Principauté, 6c donna en .1434 des fecours au Roi contre les Tartares : cette année fut marquée par la mort de Jagellon , qui eut pour fucceffeur Ladiflas V. A peine ce Prince fut monté fur le Trône , qu'Elie fe fauva de prifon, 6c vint de nouveau attaquer fon frère. Mais il fut encore battu dans deux actions différentes ; 6c enfin Ladiflas pour les mettre d'accord , leur partagea la Principauté. Il donna à Eftienne la bafîe Moldavie , avec les Villes à'Afpro Cajiro , de C ho tin y de Sout-\ava 6e de JaJJy s 6e abandonna à Elie toute la haute Moldavie , jufques à Kili. Celui-ci , accompagné des principaux Seigneurs de fon parti, alla trouver le Roi de Pologne à Leopol; mit fon Etendard à fes pieds , en ligne de foumift;on , 6e promit de lui payer tous les ans un Tribut de cent Chevaux, quatre cens Bœufs , deux mille ôc deux cens ocques du Poifîcn, appelle Morone , ôc quatre cens habillemcns de pourpre. Il rendit au Roi le Château de Sibin , qui avoit été cédé à fon pere Alexandre, fuivant l'Auteur anonyme , Ôc ce Prince lui donna en échange le Domaine de la Ville de Kalit^. Efticnne fuivit l'exemple de fon frere , ôc envoya des Ambaffadeurs à Ladiflas, avec des préfens confidérables. Il promit au Roi d'obéir à fes ordres, ôc de vivre à l'avenir en bonne intelli- gence avec Elie. Ces deux frères eurent en effet une entrevue à Afpro Caflro y Ôc quatre ans après, en 1438 , ils allèrent en-femble, avec tous les Grands du Pays, fe préfenter au Roi. Eftienne promit alors de payer annuellement à ce Prince un Tribut de cinq mille Sequins, ôc de lui donner outre cela quatre cens Chevaux , toutes les fois qu'il en auroit befoin. Mais dans la fuite Eftienne fe montra mécontent du partage qu'il avoit fait avec fon frère. L'Auteur anonyme dit, d'après des Hiftoriens Moldaves , qu'il invita Elie à un Feftin, ôe le fit aveugler ; mais ce fait n'eft confirmé par aucun Ecrivain digne de foi. Le même Auteur ajoute, que ces deux Princes régnèrent encore fept ans enfemble , ôc qu'Eflienne après la mort d'Elie occupa feul le Trône pendant cinq ans. Il y a ici une impoifibilité manifeffe. L'Auteur anonyme fixe l'époque de l'aveuglement d'Elie à l'an du Monde 6956, qui revient à l'an de Jefus-Chrift 1444 3 de forte que le règne d'Eftienne III. félon ce calcul, auroit été prolongé jufques en 1456, ÔC il eft certain par l'Hiftoire que dès Pan 1448 les deux frères ne vivoient plus , comme on va le voir dans l'inflant. Romain II. fils d'Eliafco, ou d'Elie, fuccéda aux Etats de fon pere. Son premier foin fut de chercher l'occafiqn de fc venger de la cruauté d'Eftienne fon oncle ; il fe ligua avec quelques Grands du Pays , fe faifit de fa perfonne , le fit décapiter en 1448 , ôc s'empara de toute la Moldavie. Pierre III. fils ôc fucceffeur d'Eftienne III. fe voyant dépoffédé par fon Coufin, paffa en Hongrie , ôc eut recours à Jean Huniade , qui à fa follicitation entra en Moldavie , Ôc en chaffa Romain l'an 1449 , celui-ci fe fauva chez Cafimir, Roi de Pologne, fon coufin, lui repréfenta l'injuftice de Pierre, Ôc lui demanda du fecours. Le Roi lui répondit qu'il prendroit un parti, HISTORIQUES, &c dans le voyage qu'il fc propofoit de faire en Ruflïe. Lorfque Cafimir fut arrivé à Leopol > la mere de Romain , tante du Roi, vint aulîi elle-même accompagnée de deux cens Moldaves , 6c implora fon afliftance contre la tyrannie de Pierre. Le Roi lui accorda des troupes ; mais ayant appris , avant qu'elles fufient en marche, que Romain avoit été empoifon-né par fon compétiteur , il fe contenta d'envoyer des Emifiai-res à Pierre pour le fommer de venir rendre compte de fa conduite , renouvcller fon ferment de fidélité , 6c lui rendre le Knez Michel , fils de Sigifmond , Duc de Lithuanic , qui s'étoit réfugié chez lui. Pierre répondit qu'il ne balanceroit pas de fe rendre auprès.du Roi, pour lui faire de nouveau acte de fourni (lion , s'il ne craignoit quelque piége 6c quelque trait de trahifon de fa part, qu'il ne pouvoit pas au refte violer le droit des gens en lui livrant le Knez Michel ; mais qu'il fe contenteroit de le mettre hors de fes Etats. Il l'obligea en effet d'en fortir, 6c celui-ci fc fauva chez les Tartares, avec le fecours defquels il fit de grands maux aux Polonois. Les Hiftoriens ceffent ici de parler de Pierre III. 6c l'on ne fait pas qu'elle fut la durée de fon règne. Mais il y a apparence qu'il finit la même année. Les Hiftoriens Moldaves, ôc l'Auteur anonyme donnent à ce Prince deux fucceffeurs, dont les Ecrivains Polonois ôc Hongrois n'ont rien dit. L'un eft Ef-tienne IV- qui régna un an , ôc l'autre eft Gombert, ou Djom-bert, dont le règne ne fut que de deux mois. Après ces deux Princes , parut Bogdan II. fils naturel d'Alexandre IL le Débonnaire. Il femble que Cromerus rapporte le commencement de fon règne à l'an 1450. Ce Prince eut pour compétiteur un Alexandre III. fils d'Eliafco , mais il le défit dans une bataille ttès-fanglante qui fut donnée à Tamafccni, auprès de Romano. Alexandre, âgé alors de quinze ans , s'enfuit en Pologne , ôe demanda du fecours au Roi, qui fît marcher vers la Moldavie, les troupes de Ruine Ôe de Podolie , chalTa Bogdan , prit Chotin 3 Neme^ ôe Sout^ava 3 ÔC plaça Alexandre III. fur le Trône. Mais Bogdan, après la retraite des Polonois , alTembla des troupes , repouffa fon concurrent, ôc rentra en polTerlîon de la Principauté. Alexandre retourna en Pologne , pour implorer de nouveau l'affiitance de Cafimir. Le Sénat confeilloit d'abord au Roi, pour terminer tous ces différens , de s'emparer entièrement de la Moldavie , d'en faire une Province Polonoife , 6c au lieu de la laifier fous la-domination de fes Princes , d'y mettre des Gouverneurs affi-dés. Mais enfuite on trouva l'exécution de ce projet difficile, à caufe du voifinage des Turcs , ôe du caractère altier de la Nation Moldave , qui ne pouvoit fe plier à aucune domination étrangère. Cette réflexion prévalut , ôc le Roi fe contenta d'envoyer en Moldavie de nouvelles forces pour rétablir Alexandre. Bogdan fe mit en état de défenfe ; il feignit cependant de céder , Ôc offrit au Roi de reconnoître Alexandre , pourvu qu'on lui laifsât l'adminiftration des affaires , jufqu'à ce que ce jeune Prince fût en âge de prendre les rênes du Gouvernement , mais fon intention étoit d'amufer les Polonois, ôc de les attirer infenfiblement dans des défilés , où il fe propofoit de les envelopper. Après plufieurs événemens , dont on peut voir les détails dans Cromerus , ôc chez l'Auteur anonyme , il y eut entre les deux armées une action très - vive , dans laquelle les Polonois demeurèrent vainqueurs. Cependant Alexandre défefpérant de fe foutenir en Moldavie, tant qu'il auroit affaire à un fi redoutable concurrent, fe retira en Pologne , pour tâcher d'engager le Roi , à redoubler fes efforts HISTORIQUES, &c. z37 mu ii i iriTm-miiiiiiiiii 11' 1 i •—• ""......1 -rmi inmimi hiti"^^— pour le débarrafier entièrement de fon ennemi. L'an 1452 , un nommé Pierre, que j'appellerai Pierre IY. prit le parti d'Alexandre , entra en Moldavie , ôe tua Bogdan II. qui finit fes jours après un règne de deux ans. Il paroît qu'Alexandre III. régna quelque temps feul, puifque l'année fuivante 145 3 , il fit hommage au Roi de Pologne. Mais l'an 1455 Pierre fit mourir Alexandre par le poifon , & ufurpa la Principauté. Il eft vraifemblable que ce Pierre IV. étoit fils d'Eliafco ou d'Elie, ôc frère d'Alexandre III. puifque la plupart des Auteurs donnent à ces deux Princes une mere commune , appellée Domna Maria, veuve d'Eliafco. Le règne de Pierre IV. ne fut que de deux ans. L'an 1457 , Eftienne V- dit le Grand, fils de Bogdan II. ÔC qui s'étoit réfugié en Walaquie après le meurtre de fon pere, en fortit avec de nombreufes troupes, attaqua Pierre IV. le défit dans plufieurs rencontres , ôc le força enfin de fe fauver en Pologne ; Eftienne eut aufii pour concurrent un nommé Berendeius , dont on ignore l'origine. Il s'en débarraffa également , ôc la fuite de ce compétiteur en Hongrie , donna lieu à la glorieufe expédition qu'il fit en Tranfilvanie, la cinquième année de fon règne, c'eft-à-dire l'an 1461. Eftienne le Grand, après avoir régné quarante-fept ans ôc cinq mois, mourut l'an 1504, ôc eut pour fucceffeur fon fils Bogdan III. qui fe rendit Tributaire des Turcs. L'Auteur anonyme prétend que celui-ci ne régna que douze ans oc quelques mois. Il devroit donc être mort en 151*, ôc dans le Fragment de Bernard Vapo-vius , il eft cependant encore fait mention de lui après l'an 1518. Il eft inconteftable d'ailleurs qu'il envoya en 1529 f0n Ambaftadeur Theutuk Logothcta à Soliman, Empereur des Turcs, pour lui offrir l'hommage ôc le Tribut des deux Mol- davies. Ainiî Terreur de l'Auteur anonyme eft manifefte. Mais le Prince Cantimir en a fait aufii une très-grande, en rapportant cet événement célèbre à la feptieme année du règne de Bogdan , qui régnoit déjà depuis vingt-cinq ans, puifqu'il avoit remplacé fon pere Eftienne mort en 1504. Je joins ici un Tableau de l'ordre de fuccellion des Princes de Moldavie, tel que je l'ai établi dans la longue difcuiîion qui a précédée. Dragon , Fondateur de la Principauté , fous le règne de Ladiflas Loketik, Roi de Pologne , en 1315. SafF Alexandre I. qui régnoit en 1343 , du temps de Louis, Roi de Hongrie. Eftienne I. mort vers l'an 1358. Eftienne IL 6c Pierre L Compétiteurs. Pierre I. feul. Lafco , qui vivoit en 13 70. Bogdan I. qui repeupla la Moldavie vers la fin du règne de Louis de Hongrie. Pierre IL qui régnoit en 13 8 8 , 6c Eftienne IL Compétiteurs. Gioga , qui régna deux ans. Romain I. qui régnoit en 1392. Romain I. 6c Alexandre IL qui parut l'an 1401, Compétiteurs» Alexandre IL 6c Eftienne IL en 1404, Compétiteurs. Alexandre IL feul, mort en 1433. Eliafco ou Elie. L 6c Eftienne III. Compétiteurs, Eftienne III. feul en 1444. Romain IL en 1448. Pierre III. en 1449. Eftienne IV. règne un an. Gombert, règne deux mois. Bogdan II. en 1450. Bogdan II. ôc Alexandre III. Compétiteurs. Alexandre III. feul en 1452. Pierre IV. en 145 5. Pierre IV. ôc Eftienne V. en 1457, Compétiteurs. Eftienne V- ôc Berendeius I. Compétiteurs. Eftienne V. dit le Grand , feul. Bogdan III. en 1504 , fe rend Tributaire des Turcs en 1529. On peut déduire de tout ce que j'ai rapporté ci-deffus, que depuis que la Walaquie a été démembrée du Royaume de Bulgarie , elle a formé deux Etats, qui ont été gouvernés par des Souverains particuliers , ôe quelquefois réunis fous un même Prince. Ces deux Principautés ont toujours été , depuis leur établiflement, dépendantes 6c tributaires de quelque Puifîàn-ce étrangère. Elles ont d'abord relevé de la Hongrie, puis de la Pologne , 6c font enfin demeurées foumiies aux Empereurs Turcs. Ces deux Etats font aujourd'hui féparés, ôc le Grand-Seigneur nomme 6c deftitue à fon gré les deux Vaivodes , qui ne font plus actuellement que des efpeces de Pachas Chrétiens. Ils font choifis pour l'ordinaire dans quatre familles Grecques, qui mettent ces places à l'enchère, 6c font fans celle occupées à fe les arracher. La plus ancienne de ces familles eft celle de Gika , qui n'eft pourtant connue que depuis environ cent ans. La féconde, eft celle de Maurocordato ; la troilieme, celle de Racowitza : ces deux-ci font encore plus modernes. La quatrième , eft tout-à-fait nouvelle , 6c le premier Vaivode de cette famille, qui étoit Drogman de la Porte, ôc dont j'ignore i4o O B S E R VA T I O N S,&c. Ic nom, a été envoyé en Moldavie en 1758. Ces Vaivodes n'ont que le rang de Pachas à deux queues ; ils jouilTent cependant de certains droits honorifiques que n'ont pas même les Pachas à trois queues , ou les Vizirs. On a laiiTé fubfifter dans les deux Principautés une efpece de Confeil d'Etat, compofé de vingt-quatre Boyars, qui repréfentent les anciens Seigneurs du Pays , ôe l'on entrevoit encore à la Cour de ces Vaivodes une légère lueur de Souveraineté. Mais ils n'en font pas moins dans le plus affreux abaiiïement, ôc tremblent à l'apparition du moindre Seigneur Turc, ou Tartare. Ils fe vengent fur les Peuples de l'état d'humiliation oh ils font réduits, ôc tâchent de tirer d'eux , par les plus criantes extorilons , de quoi fournir aux Préfcns immenfes , qu'ils font fans celle obligés de faire , pour cultiver leurs Protecteurs à la Porte, ôc fe maintenir en place. Les Moldaves ôc Walaques, excédés de leurs vexations, défireroient bien que le Miniffcere Ottoman voulût anéantir ce phantôme de liberté qu'on leur a confervé , ôc leur donner des Pachas, dont le Gouvernement feroit infiniment plus doux ôc plus tolérable , que celui de ces orgueilleux petits Tyrans, dont il n'y a pas un feul qui ne s'eflime autant que le plus puilTant Monarque de la Terre. Je m'en rapporte à l'Auteur anonyme pour les événemens du règne d'Eflienne le Grand , ôc la fuite des Vaivodes de Moldavie , depuis ce Prince jufques à nos jours. Mon intention n'étoit point de donner une Hifioire complette, mais feulement de traiter ce qui m'a paru exiger des obfervations. F I N. VOYAGE V O Y A G E A MAGNESIE, A THYATIRE, A SARDES,&c, Contenant une Relation de ce qu'il y a de plus curieux en Monumens Antiques , & beaucoup d'Infcaptions intérejfantes, dont plufieurs n étoient pas connus, avec des Remarques Hifioriques & Géographiques ; par M. de peyssonel, Conful de France a Smirne, Correfpondant de l'Académie Royale des Infcriptions & Belles-Lettres de Paris 9 de Marfeille, ôc. Hh « HHI i À ï CaRTK du loxjagc de Al'de Pc-viîcmneL dans 11 o jst [ i<: ] ci la L vd je . . Dressée pa>- llhitcur —11 — Publiée en Juillet — ^~^*c- J Echelle de Milles d'Italie Lieu&r ^Mannes. % 3 + 5 6 7 8 Lieues Communes t/e Freinée. 3o ^ 0 éfatarkeUi «'«ne, ActWg%JJ - ^ SE" "y §^f)i>/'venel ou Lac Ou are . $ n / Sardes . S'C^" Plaines cii A MESSIEURS DE L'ACADÉMIE ROYALE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. IVIessieurs, Feu mon Pere m'ayant permis, 5c même ordonné en 1750,. de faire un petit voyage dans l'A fie Mineure , pour la recherche des Monumens Antiques ; je partis de Smyrnc le 15 Septembre, à l'entrée de la nuit. J'arrivai à cinq heures du matin , à Magnefie du Sipylc, ou je m'arrêtai peu de temps, parce que j'y trouvai peu de matière à obfervations. J'y fis l'acquit tiond'un Fragment de bas-relief en marbre blanc, repréfen-t'ant une Tête de Médufe ( 1 ), qui avoit été , à ce que je penfe » • (1) Planche N°. I. Hh îj rompue par hazard , ou détachée exprès de quelque pierre fé-pulchraie. Le defïèin en eft d'affez bon goût, ôe exécuté avec quelqu'élégance. J'envoyai fur le champ ce marbre à mon Pere , qui étoit alors Conful a Smyrne. Ce morceau eft lin-gulier , à caufe des deux aîlcs dont la tête eft furmontée ; elles font arrangées comme le fronton d'un bonnet à PAneloife re-troulfé , ôc fe terminent par deux autres petites oreillettes en forme de cœur , aufqucllcs font attachés deux rubans , qui prouvent prefque que ces deux ailes n'étoient qu'une coëffure que l'on pouvoit dans le befoin rabattre fur les oreilles , ôc attacher fous le menton. Je ne fai ft l'on doit attribuer cette idée à la bizarrerie de l'Ouvrier , ou fi elle exprime réellement une pièce de l'ancienne coëffure. Dans ce dernier cas , ce morceau d'antiquité détruiroit bien des inutilités de la Fable. Mon Pere fit part à M. le Comte de Caylus de notre obfervation fur ce bas-relief. Je n'ai pas fu depuis Ci elle fut goûtée de Mef-fieurs de l'Académie, ni ce qu'on lui répondit à ce fujet. Ce morceau eft gravé à la Planche n°. I. Je partis de Magnefie le 16 au coucher du Soleil ; je pafîai Une partie de la nuit à Tatar-Keui, Village fitué à quatre lieues au Nord-Eft de cette Ville. J'arrivai le lendemain 17 à Jaia." Keui 3 autre Village à fix lieues au Nord-Eft du premier. J'abordai chez Cara Ofman Oglou , Seigneur Turc extrêmement puiifant, ÔC fort ami de mon Pere , qui y faifoit fa réfidence , ÔC m'avoit invité à venir paflcr quelques jours chez lui. Je m'y arrêtai deux jours, Ôc le 19 au lever de l'Aurore, je pris la route de Thyatire, qui fe trouve à trois lieues de Jaia-KeuL vers le Sud-Eft. Je trouvai fur le grand chemin auprès d'un puits, un grand marbre avec une infeription mal confervée , ÔC que j'ai tâché de déchiffrer le mieux qu'il m'a été poflible, ATAeHI TÏXHI EAOEEN TH BOT A H KAI A HMH2TETETEIMHZ0AI ANAPA 2IN AABIANON KAAAI2TOT ANAPA ATA0ON KAI OIAOnA KAI EXnONHSANTA IIPIN TPITEÏZANTA IIOAAA ITAPEP TA AIIOAONTA 2HA XPHMATA TH TIOAEI KAI ' ATOPANOMH2ANTA AAMITP CÏL KAI nOATAAnANQ.2 AE KAIÏPOTEïSANTA THN BEÎ TEPAN nPAsiN BAZIAEftS EN ENI AïTQ ENITEN OMENON TOT EIII9EOTATTOT EnAroMENOT AmNos EPTEniSTATHN OIvOT AOMHSEfiS OIKOT BAXI AIKOT TOT EN TSl AàPlANEfl AHOKATA2. T. H2ANTA TO EPTON TEAEION EN MIKPÂI2 AAnANEZ KAI EN TAEAOIIlAlS IEPEIAIZ KAI TTIEPESIAIS XPHSTON TH nATPIAI EniMAHOENTOS TH2 ANA2 M. ANT. KAASAIÀNtt Il a paru convenable au Sénat ôc au Peuple > d'ho-honorer d'une Statue Laevianus y fils de Callifte, qui s'eft montré en plufieurs occafions homme « vertueux > ôc attaché à la Patrie , qui a rendu de grands fervices , ôc fait une adminiftration fidelle des deniers de la Ville, a exercé la Charge d'Edile avec beaucoup de diftinéHon ôc de magnificence, a été Décurion , ôc à la tête des plus importantes affaires de l'Empereur , ôc dans cette année a été fait Directeur des Jeux célébrés en l'honneur de ce Dieu Surintendant de l'Edifice du Palais Impérial, que l'on a bâti auprès du Temple d'Adrien , a terminé cet ouvrage avec la plus grande œconomie, & s'eft montré fidèle envers la Patrie 3 dans tous les Sacerdoces , ôc toutes les autres affaires qui ont palfé par fes mains. Ce Monument a été élevé par les foins de Marcus Antonius Claudianus. Il eft difficile de décider à quel temps ôc à quel Empereur cette Infcription fe rapporte ; mais elle paroît poftérieurc au règne d'Adrien, &ê prouve que ce Prince avoit un Temple à Tfiyatire , d'où ce marbre doit être forti On trouve des Mé- dailles de cette Ville frappées en l'honneur d'Adrien. Je ne fai pas pourquoi elle n'y eft point qualifiée de Neocore ; ce titre ne lui eft donné que dans une feule Médaille très-équivoque, dont je parlerai plus bas. 11 femble que cette qualité lui ap-partenoit légitimement, puifqu'il y avoit des Jeux établis , ëc des Temples élevés en l'honneur des Empereurs. Cependant «lie n'eft mife par aucun Auteur au rang des Villes Neocorcs. J'arrivai à Thyatire vers les dix heures. Cette ancienne Ville, fuivant Efticnne de Byfance, étoit appcllée Pelope , Pelopea , ou Pelopia dans l'Antiquité la plus reculée ; elle fut enfuite nommée Semiramis. On trouve dans le quatrième Volume des Mémoires de l'Académie des Infcriptions & Belles-Lettres , une Diflertation , dont l'Auteur a tiré, des époques de ces diverfes dénominations , un argument ingénieux pour prouver que Semiramis avoit été poftéricure à Ptlops ; ère pour confirmer l'opinion que Belus avoit régné 311 ans avant la prife dcTroye, & que le règne de Semiramis avoit précédé de 215 ans cet événement célèbre. Thy aurez eu âuiÊ au rapport de Pline, ( 1 ) le nom à'Evippa. Elle fut enfin appcllée Thyatire par Scleucus Nicanor, qui lui donna ce nom , du mot Grec 3-fvaTMp, qui fignifie une fille , parce que fe trouvant dans cette Ville lorfqu'il faifoit la guerre contre Lyfimaquc , il- reçut la'nouvelle qu'il lui étoit né une fille. Efticnne de Byfance, qui cite ce fait , donne au f au nom de Thyaure une autre origine \ il raconte que les Myfiens voulant bâtir une Ville , confulterent f Oracle, qui leur répondit qu'ils dévoient en jetter les fondemens dans le lieu ou ils trouveroient une (1) Plin. iib. 5. cap. 19. Sc&. j i. Biche fuyante, après avoir été atteinte d'une flèche ; ils rencontrèrent en effet la bête bleffée, ôe prenant la fuite, ôc donnèrent ce nom à la Ville qu'ils fondèrent dans cet endroit-là. A/a to 3f uv ttcù TpoxaÇav tyiv ïxûvtpov. A caufe de la vélocité de la courfe de cette Biche ( i ). Thomas de Pinedo traite cette étymologie de ridicule, ôe la regarde comme une fable à laquelle on ne doit faire aucune attention. Eftienne de Byfance, comme je l'ai déjà remarqué, dit que Thyaùre a aufli été appcllée Pelope ; il diftingue cependant Pelope ôe Evippa , & en fait deux Villes différentes de la première. Il place Pelope dans la partie de la Lydie qui confînoit avec la Phrygie , oe il parle ai Evippa , comme dune Ville de Carie, ainfi appellée du mot E^jw®- , parce qu'elle fourniftbit d'cxcellens Chevaux. Mais le Commentateur Thomas de Pinedo aifure qu'Ef-tienne s'eft mépris , ôc que tous ces noms appartiennent à une même Ville. Les Géographes n'ont pas décidé Ci Thyatire ap-partenoit à la Lydie, ou à la Myfie. Efticnne, Ptolémée (z), Pline ôc la Notice des Evêchés , la donnent pour une Ville de Lydie ; le premier obferve cependant qu'on la regardoit aufîî comme la dernière des Myfiens , ôc fon opinion eft confirmée par le rapport de Strabon , qui affurc que quelques-uns la con-fidéroient comme la dernière Ville du diftricl: de la Myfîc. Nous voyons dans Tertullien (3) ôc dans Strabon (4), qu'elle étoit Colonie des Macédoniens. : (1) Steph. Byfan.'OTATElPA. (2) Pcolem. lib. 5. cap. 1. (3) Tercull. lib. de pudicitlaP (4; Stub. lib. i£. L'an L'an 101 avant Jefus-Chrift, Philippe , Roi de Macédoine, marcha fur Thyatire, dans l'expédition qu'il fit en Afie, de concert avec Antiochus le Grand, auquel il s'étoit uni pour dépouiller le jeune Ptolémée Epiphane, Mais l'Hiftoire ne dit pas s'il fit alors quelque tentative contre cette Ville, ni quel en fut le fuccès. Après que les Romains fc furent déclarés contre Antiochus, ce Prince paffa encore par Thyatire pour retourner à Sardes l'an 190 avant Jefus-Chrift , après avoir conquis les Villes de Cotton, de Corylene, à'Apkrodijîas ôe de Crene. Il forma dans la même année fon campement auprès de cette Ville, Ôc partit dc-là pour aller vers Magnefie du Sipyle, livrer à Sci-pion cette fameufe bataille qui lui fut fi funefte , ÔC dans laquelle les Romains mirent fon armée en déroute , ÔC en taillèrent en pièces la plus grande partie. Immédiatement après cette défaite d'Antiochus , la Ville de Thyatire , celles de Traites > â'Epkefe, ôe les deux Magnefies du Sipyle 6c du Mcean-dre, envoyèrent des Ambaffadeurs aux Romains , pour leur rendre hommage , 6c fe donner à eux ( 1 ). Thyatire fut prife l'an 130 avant Jefus-Chrift, par Ariftonicus , fils d'Eumenes, ÔC d'une Concubine Ephéficnne. Ce Prince fouffrant impatiemment la donation qu'Attale, dernier Roi de Pergame , avoit faite de fes Etats aux Romains, voulut tenter de s'en emparer. Il fut défait par les Ephéficns dans un combat naval auprès de Cumes. Il s'avança dans l'Aile Mineure, affembla à la hâte une multitude de Pauvres Se d'Efclavcs affranchis, auf-quels il donna le nom tiHéliopolites 3 Ôc avec leur fecours, il fe rendit maître d'abord de Thyatire , ÔC enfuite d'Apollo-nia ( i ) ; niais il fut pris dans la même année par le Conful Per- (!) Tit, Liv. lib. 37. Vaillant Hift. Reg. Syr. (%) Strab. lib. 14. Ii F O Y A G E pcnna, qui l'envoya à Rome , où le Sénat le fit étrangler, 6c Ces Villes rentrèrent fous la domination des Romains. L'Empereur Caracalla fit de grands biens à Thyatire , comme il paroît par une Infcription qui aura fa place ailleurs. Une Médaille de cette Ville, frappée au nom de l'Empereur Geta , citée par le Pere Hardouin, d'après Triftan , 6c que je rapporterai ci-après , paroît prouver qu'elle prenoit fous le règne de ce Prince le titre de Neocore. Cependant M. Vaillant ne l'a point mife dans le rang des Villes Ncocores, 6c on ne trouve, avant ni après Geta, aucune Médaille qui lui donne cette qualification. Il y a lieu de croire que l'Empereur Caracalla avoit été en perfonne à Thyatire , 6c qu'on y avoit célébré en fa préfence les Jeux Pythiens. On peut le conjecturer par la Médaille de ce Prince , avec la légende Eni. CTP. KA 2TPATONEIKIANOT eïATEIPHNHN i1ï0ia. où l'on voit l'Empereur, défignant fon heureufe arrivée dans la Ville en donnant la main au Génie de la Ville, repréfenté fous la figure d'une Amazone, qui, fuivant le rapport d'Eftienne de Byfance , doit être l'Amazone Pelopia ( i ). Thyatire a été une des fept Eglifes de l'Ane mentionnées dans FApocalypfe. La Religion Chrétienne y fut introduite, comme dans tous les autres lieux de la Lydie , par les Apô~ très 6c leurs Difciples , qui attiroient les Profélites par la fa-geffe de leur doctrine , 6c foutenoient le zele naiffant des nouveaux Fidèles par leurs exemples 6c le martyre. On ne fait pas bien fi l'Eglife de Thyatire a été fondée par Saint Paul, ou par Saint Jean. Il eft certain cependant, que , lorf- (ï) Vaillant Numif. Imp. & Auguft. Gtxc. pag. 341. que ce dernier écrivoit i'Apocalypfe , il y avoic déjà eu plufieurs Chrétiens dans cette Ville , ôc qu'ils y étoient même fous la direction d'un Evêque , puifqu'il eft fait mention dans ce Livre de l'Ange de Thyatire. Et il y a de l'abfurdité de la part de ceux qui vouloient rejetter l'Apocalypfe , parce qu'il y eft parlé de l'Eglife de Thyatire , laquelle , à ce qu'ils prétendent , n'exiftoit pas encore dans ce temps-là. Quoique cette Eglife eut été perfécutéc dans le troilieme fiecle, ou régnoient les fureurs de l'Héréfic , il n'en faut pas conclure qu'elle n'ait pas ficuri dans le premier fiecle du Chriftianifme ; ôc même du temps d'Antonin, Carpus, Evêque de cette Ville, fubit le dernier fupplice à Pergame , pour caufe de Religion. Lorsqu'on vit s'élever PHéréfie de Montanus, dans divers cantons de la Phrygie ôc de la Lydie 5 plufieurs Thyatiréens fe laifîè-rent entraîner à fes opinions erronées , ôe furent caufe de la deftruction de cette nombreufe Société de Fidcles qui avoit brillé jufqu'alors. Mais un peu avant la fin du troifieme fiecle , de Saints Perfonnages prirent foin de rendre à l'Eglife de Thyatire fa première fplendeur, ôe elle demeura dans la Communion de l'Eglife Catholique , jufques au temps où les Grecs fe féparerent de l'Eglife Romaine ( i ). Les Actes des Apôtres font mention d'une femme appellée Lydie, Teinturière , de la Ville de Thyatire , qui fervoit Dieu ; le Seigneur lui ouvrit le cœur , ôe elle voulut écouter les paroles de Saint Paul. Elle reçut le Baptême avec fa famille , elle engagea en-fuite , ôc contraignit même les Apôtres à entrer ôc à demeurer dans fa maifon , en leur difant : ce Si vous avez jugé que « je fufte ridelle au Seigneur , entrez dans ma maifon , Ôc (i) Mamachi Antiq. Chrift. lib. z. cap. 13. » y demeurez ( i ) ». Mais ce fait fe paffa à Philîppes en Macédoine , ii n'a rien de commun avec la Ville de Thyatire , &C ne peut pas fervir de preuve de la fondation de cette Eglife par Saint Paul. M. Smith , dans fa Notice des fept Eglifes d'Afie , prétend qu'il n'y a plus à Thyatire aucune Eglife Chrétienne (i). Il fe trompe, les Grecs en ont une qui efl: fïtuée dans la partie orientale de la Ville, elle efl: deffervie par un affez grand nombre de Prêtres. Je crois même qu'il y a auffi une Eglife Armeniene. Et cela doit être, parce que les Arméniens y font encore plus nombreux que les Grecs. Il y a une infinité de Médailles connues de Thyatire. M. Haym , dans fon Tréfor Britannique (3), en rapporte deux frappées en l'honneur de la Ville même. La première , que l'on trouve également citée par le Pere Hardouin (4), repré-fente Diane avec la légende BOPElTHNH. &c au revers une Aigle tenant la foudre 0TATE1P........... La féconde , a également la tête de Diane avec la même légende, & au revers une Figure nue, avec ces mots ©TAT. K. CMTPN. OMON. La Concorde de Thyatire & de Smyrne. M. Haym , de même qu'Holftenius, a lu la légende de la tête BOPEI-THNH. qu'il tire du nom de Borée. Il en apporte pour rai-fon un paffage d'Hérodote, où il efl: dit, » que les Athéniens » bâtirent un Temple à Borée fur le Fleuve llifjus \ parce » que ce vent avoit fait beaucoup de mal à l'armée navale de 53 Xcrcès ». Paufanias dit précifément, que le lieu ou Borée (i) Act. Apoft. cap. i ôe que Fon y voyoic un Temple de Diane. Platon ajoute que non-feulement il y avoit dans cet endroit-là un Temple de cette DéefTè, mais que dans ce même Temple on trouvoit un Autel confa-cré à Borée. M. Haym conclut de-là que le culte de cette Diane pourroit avoir été tranfporté à Thyatire , ÔC qu'on lui avoit peut-être donné le nom de BOPEITHNH , ou Boréale , pour la diftinguer des autres Diancs. Le Pere Hardouin a lu cette légende, AOPEICHNH , ôc penfe que celle épi-thete étoit dérivée du nom propre de quelque lieu, ou de quelque attribut, comme celui de AEïKDOPïNH , que Fon donnoit à la Diane de Magncfie. Une Infcription que j'ai trou-vée à Thyatire 3 me donne lieu de penfer que ces deux favans Hommes ont erré Fun ôc l'autre. M. Smith, qui l'a obfervée avant moi, l'a lue ainfi (i). ArAQH TTXH. APTEMIAI OPE1TJNH nATPlÀI TAATKa NETM aontox ANE0HK Je crois qu'il ne l'a pas bien arrangée, Ôc qu'on doit lire : ArA0H tykh APTEMIAI OPEITHNH nATPIAI rAYKHN EYIAONTOS ANE0HK. (i) Sm. Sep. Ecclef. Af. Notit. p. 20, En toutes manières , on voit ici cette Diane de Thyatire bien diftin&ement qualifiée OPEITHNH. Diana Montana, la Diane Montagnarde , épithctc qui lui avoit été donnée à caufe des Montagnes qui entourent la Ville , & oii les Habitans alloient fans doute prendre le divertiftemcnt de la Chaffe. Et il pourroit très-bien fe faire que la premier lettre du mot BOREITHNH, que M. Haym a prife pour un B , & k|Pere Hardouin pour un A , fût un A , lettre initiale du m âPAPTEMlS, qui eft le nom Grec de Diane. Et il faudro.it lire alors la légende de cette Médaille. A. OPEITHNH, AprejauPt opumvti. Cette Infcription fubfifte encore ou M. Smith Fa trouvée , dans un coin de la Place, près de la Fontaine , fur un morceau de marbre attaché à un mur. Je ne fai fi le Glycon dont il eft parlé dans ce marbre, efl le même qui étoit Préteur fous Scptime Sévère , & dont il eft fait mention dans les Médailles de cet Empereur & de Julia Domna » que je rapporterai ci-après. On ne fauroit douter que les Habitans de Thyatire avoient une particulière vénération pour Diane. M. Haym croit en trouver l'origine dans la réponfe que l'Oracle donna aux Myfiens , quand ils voulurent fonder cette Ville, je l'ai déjà rapportée ci-devant. Il y eft queftion d'une Biche , qui eft l'animal fymbolique de cette Déeffe. On voit Diane repréfentée dans plufieurs Médailles de cette Ville, ÔC entr'autres , dans celles de Diadumcne de d'Elagabale, dont je parlerai plus bas ( i ). Plufieurs Infcriptions trouvées à Thyatire , font foi du culte que ces Peuples rendoient à cette Divinité, particulièrement celle que M. Smith a rapportée, 8c qui eft conçue en ces termes : (i) Tref. Bric. vol. %. p. 109. ArA0H TTXH h BOT AH KAI O AHMOS ETEIMHSAN OTAniAN MAPKEAAAN THN 1EPEIAN THS APTE M1AOS MAPKOT OTAnior aamaitapaàOhOt KAI KANAIAIA2 BA2SHS 0TTATEPA EniTEAH 2A2AN TATIS GEOï MTSTHPIA KAI TA2 0Ï SIAS AAMnPflS KAI nOAYAAIÏANflS ANA2THSANTON THN TEI MHN. ANAPONEIKOT TOTAN APONEUOY KAI 2TPATONEI KH2 TH2 MONOrENOïS TON 0PE*ANTnN EK TON IAION A la bonne Fortune. Le Sénat & le Peuple ont honoré Ulpia Mar-celk , Prêtrefle de Diane , fille de Marcus Ul-pius Damoparadoxus & de Candidia Bafla, laquelle célébroit les Myfteres & les Sacrifices avec beaucoup de dignité & de magnificence. Cet honorable Monument a été érigé par An-dronicus , fils d'Andronicus & Stratonice , fille de Monogene , qui la nourrifloient à leurs dépens. Je remarquai dans le Cimetière du Nord le Monument dont M. Smith a parlé , 6c fur lequel fe trouve cette Infcrip? tion , qui eft au(Ti rapportée dans les marbres d'Oxford, d'après M. Smith. Je voulus en prendre le deftein ; mais à peine avois-je commencé , que je fus invefti par une multitude de Turcs , qui fe formaliferent de ce que je venois troubler la cendre de leurs morts , ck. me chafterent du Cimetière , quelques enfans même me pourfuivirent à coups de pierres. Le même inconvénient que M. Smith a aufîi éprouvé , &c dont il s'eft plaint dans fon Ouvrage , m'a empêché de ramafter beaucoup d'Infcriptions que j'aurois pu recueillir, s'il m'avoit été poflible de travailler avec quelque tranquillité. Dans le voyage d'Athènes de jVl. Spon , il eft fait mention d'une autre Médaille de la Ville de Thyatire, on y voit une Tête de Femme couronnée de tours , &. au revers une Amazone, tenant deux aîles avec la légende En. AnOAAINAPI. 0TATE1-PHNON CMTPNAinN OMO. fous le Préteur Apol-linaris , la Concorde des Thyatiréens oê des Smyrnéens. Cette Médaille eft aufîi rapportée par le Pere Hardouin. Je donnai à mon Pere, à mon retour à Smyrnc, deux autres Médailles de la Ville de Thyatire 3 que je n'ai trouvé citées dans aucun Recueil. On voyoit dans l'une, une Têre de Femme couronnée de tours , avec la légende 0ÏATEIPA> A T H Y A TIRE, &c. 57 Ôc au revers une Aigle tenant la foudre BïATEIPHNflN. La féconde, avoit une Tête de Pallas fans légende, ôc au revers la figure d'une Femme , portant une Corne d'abondance , avec la légende ©ÏATEIPHNnN. M. H aym a remarque que l'Aigle repréfentée fur les Médailles de cette Ville , eft le fymbole de Jupiter , qui y étoit adoré , comme on le voit par quelques Médailles Impériales ; la Tête de Pallas que j'ai trouvée dans celle que je viens de rapporter, me fait croire que le culte de cette DéefTe y étoit auffi en vigueur. J'ignore ce que mon Pere fit de ces deux Médailles, je crois qu'il les envoya à fon ami M. Pcllerin, Commiftaire Général de la Marine. On trouve chez le Pere Hardouin une Médaille de Thyatire frappée au nom du Sénat ; on y voit une tête qu'Occon avoit cru être celle d'Antinous. Mais le Pere Hardouin prétend avec raifon que c'eh: le Génie du Sénat , à caufe de la légende IEPA STNKAHT02. Au revers il y a deux Figures couronnées de tours ; l'une tient une petite Victoire, portant le le Laurier Ôe la Palme , ÔC l'autre une Pallas armée avec ces mots ©TATEIPHNON KAI. 2MTPN. Il eft fait mention dans cette Médaille du Préteur Titus , Fabius, Al-phenus , Apollinaris. Occon avoit mal arrangé les lettres initiales de ces noms , ôc avoit lu CTPTcb. ABAAH. AITOAINAPIO. Le Pere Hardouin a refticué cette légende de la manière qui fuit CT . T. au revers le rapt de Proferpine, (1) Vaillanr. Num. Imp. pag. 4. (2) Ibid. pag. 16. (3) Ibid. pag. 22. Patin, pag. 116. Hard. Num. Aut. Uluft, pag, 207, (4) Vaillant. Num. Imp. pag. 5 2. ErU CTP. M. ATP BAPBAPOT 0TATEIPHNaN. fous le Préteur M. Aurelius Barbarus ( i ). La Tête de Commode, au revers Vulcain affis , forgeant une foudre, devant Pallas , debout , tenant fa lance avec la même légende (i). La Tête de Commode , au revers Pallas debout, tenant de fa main droite fa lance, & de la gauche une Victoire. Efcu-lape debout avec la même légende (3). La Tête de Commode, au revers Pluton enlevant Profer-pine dans un Char à quatre Chevaux. EHI. CTP. MOC- XIQNOC M: 0TATEIPHNrîN,fouslcPr éteur Mojf chius Philopator (4). La Tête de Commode , au revers Eiculape debout, tenant le bâton entouré du Serpent. Apollon nud 6c debout, tenant de la main droite un Laurier Enl. CTP. M. 2TPATO-NEIKIANOï ©ÏATEIPHNflN, fous le Préteur Mat-eus Stratonicianus ( 5 ). La Tête de Commode, au revers Vulcain forgeant des ar-mes pour Thétis debout, En. CEII. ©TATElPHNnN, fous le Préteur Septimus (6). Une autre En. CTP. TITOT. ATP. ©ÏATEIPH-NfïN, fous le Préteur Titus Aurelius (7). (1) Vaillant. Num. Imp. pag. 68. (ij Ibid. pag. 69. (3) Ibid. (4) Vaillant. Nam. Imp. pag. 69. ' (5) Ibid. (6) Hard. Num. Aut. Iliuft. pag. 108. (7) Ibid. Kk ij Ckispine. La Tête de Crifpine, au revers une Amazone , tenant de la droite une Bride, Se une Hache à deux tranchans fur les épaules 0YATEIPHNON. Sept. Severe. La Tête de Severe, au revers Pallas debout, tenant de la main droite la Lance, &: de la gauche fon Bouclier. Bacchus nud debout, appuyé de la gauche fur fon Tyrfe y &é tenant de la droite une coupe EIII. CTP. Kï. ATP. TAïmNOC ©TATEIPHNflN , fous le Préteur Quintus Aurelius Gly-. con ( i ). julia domna. La Tête de Julie, au revers l'Empereur à cheval , ayant à fes pieds un Captif Eni. ctp. atp. rAïmNOC. ©TATEIPHNflN, fous le Préteur Aurelius Glycon (i). Caracalla. ©Y ATEIPHNÏlN, la Tête de Caracalla, au revers une Femme debout , tenant de la main droite des épies de bled , oé de la gauche une Lance. 0ÏATEIPHNHN , une Louve qui allaite Remus & RAB AnOA-AINAPIOï ©TATEIPHNnN KAI CMYPNAlnN OMONOIA, fous le Préteur Titus Fabius Appollinarius la Concorde de Thyatire 6c de Smyrne ( i ), V a l e r i e n. La Tête de Valerien , au revers Apollon aflîs, tenant de la main droite un Rameau , ôc de la gauche un Archet ©YA" TEIPHNnN. La Tête de l'Empereur, au revers deux Urnes pofees fur une table, au bas de laquelle il y un Vafe ElTl. CTP* OKT. APTEMlAftPOï ©ÏATEIPHNilN AT-rOTCTEIA APICTA OATMH ■ fub Pn Artcmidoro Thyaterinorum. Augujï. Qptima Olympia (z). (0 Vaillant. Num. Imp. pag. 151. (Z) Ibid. pag. 17*, cornelia Corn eli a Salon in a. La Tête de Cornelia Salonina, au revers Apollon nud , tenant de la droite un Serpent , appuyé du bras gauche fur une colonne , ôc portant la main gauche fur le même Serpent, En. T. OKT. APTEMlAIiPOï GT ATEIPHNnN, fous le Préteur Caïus O&avius Artemidorus ( i ). La Tête de l'Impératrice , au revers la Déçue Hygie , tenant de la droite une Patere , dans laquelle elle donne à manger à un Serpent, avec la même légende (2). Valerien le Jeune. La Tête de Valerien le Jeune , au revers Apollon alîis , tenant de la droite un Rameau , Ôc de la gauche un Archet, ©ïATEIPHNnN(3). L'ancienne Ville de Thyatire étoit inconteftablement dans le même lieu ou eft aujourd'hui la moderne , que les Turcs appellent Akhlffar 3 ou le Château Blanc , célèbre par l'im-menfe quantité de Cotton que produit fon territoire. Les nombreufes Infcriptions qu'on y a trouvées , ne laiffent pas lieu de douter de fa pofition , qui répond parfaitement d'ailleurs à lft description de Strabon. « En s'avançant , dit cet « Auteur, dans la plaine de Pcrgame, vers l'Orient, éfiApof* ^ lonia , fituée fur une hauteur ; au Midi de cette Ville il y a » une chaîne de montagnes , après laquelle fur le chemin de (,) Vaillant. Num. Imp. pag. 185. Hard. Num. Ant. ill. pag. 108. (1) Ibid. pag. 185. (i) Ibid. pag, 188. Ll « Sardes, on trouve Thyatire y Colonie des Macédoniens ( i )• Cela eft exactement vrai , ôc cette Ville eft placée au Midi à'Àpollonia 3 en deçà des montagnes défignées par Strabon, ôc fur le chemin de Sardes. Mais les indications de Pline (i) ôc de Ptolémée étoient capables de dérouter tous les Antiquaires. Le premier , prétend que Thyatire étoit baignée par le Lycus ; ôc le fécond , qu'elle étoit lituée fur YHermus. Celîa< ri us n'a pas tort de s'écrier quel pouvoir être ce Lycus ? Il dit avec raîfon que ce ne fauroit être celui qui paftbit à Laodtcée 3 ô£ qui fe jettoit dans le Méandre à Coloffes. Mais il a tort de conclure qu'il faut en fuppofcr un autre (3). Il eft plus naturel de penfer que c'eft une erreur dans les éditions , ôc qu'on a lu Lycus pour Caïcus. Il pafTe à Thyatire un rameau du Fleuve Caïcus, ôc Charles Eftienne, dans fon petit Dictionnaire Géographique Ôc Hiftorique, a très-bien rencontré. Thyatira 3 dit-il, urbs Myfid s ad jiniflram Cdici fluminis partem. Quelques Modernes , trompés par la reffemblance du nom, ont cru que la Ville appcllée aujourd'hui par les Turcs Tyria $ étoit Thyatire. Mais on eft revenu de cette erreur depuis que l'on a trouvé à Akhiffar des preuves inconteftables du contraire. M. Smith fait honneur de la découverte de cette ancienne Ville à M. Ri-caut, Conful d'Angleterre à Smyrne , ÔC à un Marchand de Smyrne, appelle M. Luke. Ces deux Anglois furent les premiers qui fe doutèrent de la véritable pofition de Thyatire, |C qui en firent la recherche avec tant de fuccès. H n'y a plus dans la Ville àAkhiffar aucun Monument antique, qui mé- (1) Strabon. lib. 13. (2) Plin lib. 5. cap. 29. SecL 31. (3) Cellar. Georg. Ant. hb. 3. cap, 3. rite d'être remarqué, on n'y voit que de Bien foibles vertiges de fon ancienne fplendeur. On trouve Simplement dans quelques endroits des débris ôc des fondemens de murailles qui pa-roiilent avoir appartenu à des Edifices alfez confidérables. Toutes les Infcriptions, que les divers Voyageurs ont recueillies , font éparfes ça ôc là, dans les Cimetières , dans les Marchés , dans les Maifons des Particuliers ; il y en a d'attachées aux murailles, plufieurs font pofées de haut en bas, d'autres en travers ; j'en ai vu un grand nombre qu'il m'a été impoffible de déchiffrer à caufe de leur pofition. J'aurois pu me procurer les moyens d'y atteindre , ôc de les examiner , fi j'avois eu affaire à des gens plus traitables. Mais j'étois fans ceife entouré d'une multitude d'enfans , ôc de la plus vile populace , qui regardent les Européens comme des fols, de s'occuper de fmm-blables inutilités. J'avois à peine le temps de copier à la hâte les Infcriptions qui étoient à ma portée. M. Smith s'eft plaint avant moi du même inconvénient , qu'éprouveront tous les Voyageurs qui viendront chez les Turcs faire la découverte de ces Monumens refpeeYables. J'allai defeendre à Akhilfar , chez l'Aga ou le Commandant de la Ville, appelle Hadji Chaaban Oglou , que j'avois connu à Smyrne , ôc qui étoit lié avec mon Pere d'une étroite amitié. Mon premier foin fut de lui demander un çuide pour me conduire dans les divers endroitsde la Ville ou je pouvois trouver des vertiges d'antiquité. On me montra d'abord dans la Cour même de l'Aga auprès de la Fontaine , l'infcription fuivante. Ll ij \ 268 VOYAGE H nATPIS M. ATP. AIAAOXON inniKONTON APXIEPEA TH2 A2IA2 NAaN THN EN JlEPrAMil KAI APXIEPEA KATA TON ATTON KAIPON THS IlATPIAOS KAI AIA BIOT BOTAAPXON. TIMH0ENTA AflO TOT 0EIOTATOT ATTOKPATOPOS M. ATP. 2EOTHPOT AAEHANAPOÏ SEBA2TOT STNA^AI TAS APXIE PEfiSTNAS TOIS OEE2IN EN EKATEPAI2 TAIS ITOAE2IN % OIAOTIMH2AMENON ENAOEHS KAI METAAO<ï>PONri2 EITM0E2I KAI E1TI EIKEIAI KAI TH IIPOS THN nATPJAA ETNOIAI AIAnPEnONTA. La Patrie A honoré M. Aur. Diadochus Hippicus, Grand Pontife d'Aile, des Temples de Pergame, & en même temps de la Patrie. Et Chef perpétuel cfu Sénat, honoré par le très-divin Empereur M. Aur. Severe Alexandre Augufte y de la réunion des deux Pontificats, pour les exercer avec diligence dans les deux Villes. Homme qnl s'eft diftingué par la noblelfe de fes fentimeflS ôc fes libéralités, ôc s'eft rendu recommandable par la pureté de fes maximes 3 la douceur de fes mœurs , ôc fon attachement pour fa Patrie. Ce Marbre étoit à moitié cnieveli dans la terre, 8c il fallut faire creufer pour le découvrir. Il eft remarquable par le titre de BOTAAPXON AIA BIOT , Chef perpétuel du Sénat, ou du Confeil du Sénat, & par la réunion des deux Pontificats de Pergame 8c de Thyatire , qui fut accordée par l'Empereur Alexandre Severe , à Marcus Aurelius Diadochus. Hippicus , qu'on a voulu immortalifer par ce Monument. On me fit voir un autre marbre fur lequel je lus : ATA0HI TTXHI M. rNAîON AIXlNION POTOINON TON AAMnPOTATON YITATIKON ^IAONTOT 2EBA2TOT KTI2THN K EïEPTHTHN THS nATPIAOS OI BTP2EI2. A la bonne Fortune. Les Corroyeurs ont honoré Marcus Cnaius Ii-cinnius Rufînus , très-illuftre Confulaire, ami de l'Empereur 3 Fondateur ôc Bienfaiteur de la Patrie, Après que j'eus copié ces deux Infcriptions , je fortis de chez l'Aga avec un Arménien, que l'on me donna pour me conduire dans la Ville. Nous allâmes d'abord au Bazar, ou au Marché du Cotton filé , où je trouvai fur un piedcftal de trois pieds & quatte pouces de long, fur un pied fept pouces de large, une Infcription extrêmement endommagée, qu'il m'a été impoflible de bien déchiffrer, mais que je rapporterai cependant telle que je l'ai copiée. Peut-être que quelqu'un plus habile que moi poutra en pénétrer le fens, 5c la tellituer dans fon entier. ........YTOï ZEY2 KPONIAHS. ElZEïSOSA EPiNAION EHE1AETO 0TMON OïK HI ........BPOTO E. ©YNAPE2I ........INTEPISE.. INTKTI MEAAINOS. T IEPMHNE OÏ2ATAAOT Y TOSMHIE MEAITIN..... 0PON, .....E nAYErOeio. YxHSNH MENHHN MOI2EYTE EnlP AYNOS TEYSASA0NA TON ATHPAONHMATA ANTA APnAHASEKOMI ......EI2 OY...ANON A2TEP0 TAS. Sur un autre côté du même piedcftal on lifoit : ........NANASTH2A2 ........AAI TEKNOIOAA ........OS MEAITINE EA ........HEN EnOTOION AE ........T0ON EN0AAIOS ........AIZÎ KAeElAPTSEN ........ZHMÀ H. lAIIIA ........EÏA2:KAHn...... ..............E1TO. A.......... ..............NIIASIN......... ........O ono................ Je découvris dans le même endroit un fragment de Colonne fur lequel il y avoit ces mots écrits en groflès lettres : THE noAEns TTMNASIAPXOT Mon Guide me mena de-là au grand Marché , où j'obfer-vai une Infcription que M. Smith avoit déjà remarquée avant moi, & qu'il a inférée dans fon Ouvrage ( 1 ) ; elle ne contient rien de fort intéreffant , elle eft en l'honneur d'un Claudius Aurelius Proculus , recommandable par fa naiftance Se les Charges qu'il avoit exercées. (1) Thora. Smith, notic. 7. Ecclef. Af. pag. 18. h KPATI2TH 0TATEI PHNON BOTAH KÀft AlflN ATP. nPOKAON HPaA ANAPA EïrENH Em ZEMNOTHTI BIOT KAI APXAIS KAI AEITOTP TIAI2 nASAE AlATEAï TOT KAI TOT TENOTS. Cette même Infcription a été citée par Spon ôc par plufieurs autres Auteurs , ôc elle eft connue depuis très-long-temps dans l'Appendix des Marbres d'Oxford. En panant dans une grande rue, je m'arrêtai vers la Maifon d'un Turc , où l'on me montra une belle Infcription gravée fur un marbre de trois pieds deux pouces de longueur , deux pieds &c un pouce ôc demi de largeur, ôc un pied huit pouces d'épaifteur. Ce Monument fut confacré par le Corps des Boulangers de Thyatire , à la mémoire de Caius Julius JulianuS Tatianus Agonothete , Afiarque ôc grand Pontife perpétuel. ATAeHI TTXHI OIAPTOKOflOl ETEIMHSAN KAI ANE0HKAN EK TAN IAIHN r îOTAION IOTAÏANON TATIA NON AraNOGETHN KAI ASIAPXHN KAI APXIEPEA AlA BlOT TPITEÏ2ANTA KAI ArOPA NOMKEANTA NOMH2ANTA KATA TO AïTON ENI AïTON KAinPESBETSANTA nPOS TON AïTOKPATOPA nPOlKA KAI KA TOP0f2SAMENONTA METTSTA TH nATPiAi ïiON r. iotaioy inni A NO Y KAI KOPNHAIA2 SEKOYN AHS APXIEPEÇ1N THS ASIAS EK rONON d>AA. MOZXIOY APXIEPEflS AnorONON *AABinN inniANOY KAI TATIAS APXlEPEflN EKnPOTO NON KOSMOYNTA KAI TENEI KAI EPrOIS KAI grand Pontife perpétuel, & Edile pour la troifieme fois , &c Mm qui dans cette même année a exercé à fes dépens la Charge de Légat de l'Empereur, dans laquelle il a terminé beaucoup d'importantes affaires de la Patrie. Fils de Caïus Julius Hip-pianus , ôc de Cornelia Secunda , Grands Pontifes d'Aile, petit-fils du Pontife Flavius Mof-chius, arrière petit-fils de Flavius Hippianus, ôc de Flavia Tatia, ilfus d'une famille de Pontife. Homme qui illuftre la Patrie par la noblefle de fon origine, l'éclat de fes actions, Ôc fes libéralités , ôc qui eft le reftaurateur de la Ville. La Statue a été érigée par les foins de Lesbius Philotus 3 qui a élevé l'autel à fes propres frais, après Afclepius , fils de Cutius. J'obfervai plufieurs fragmens d'Infcriptîons épars çà & là, que je rencontrois chemin faifant. Sur un marbre attaché au mur d'une Maifon , je vis ces mots : ........TON «DIAOEEN ........rTTENEIA X .............aN nOAEns .............tan riAi ,...........ENOMEN Environ, à un demi-pied plus bas fur le même marbre, il y avoit, ..........ENOTr....... ..........ENANA..... ..........NOï............ .............T Sur une Colonne je lus : AHMAPXIKHZ EïOYSIAZ nATHP HATPIAOS ÏÏÏAT02 TO TPITON Je ne fai à quel Empereur ce fragment eft relatif. Sur une des Fontaines de la Ville , je trouvai quelques mots dont il eft difficile de tirer aucun fens. KA2T AAMnP OE TOT I1A0AA TOT TPI TO KAI ,...........ZI À la porte du Serdar, je trouvai un morceau dlnfcription Latine en gros caractères. MARMORE STRAVIT SALURNOS Mm ij Elle pouvoit fe rapporter à l'Empereur Vefpafien , qui foc un des Bienfaiteurs de la Ville de Thyatire , comme il paroît. par une Infcription Latine o£ Grecque qui y fubfifte encore , èc qui a été publiée par Spon (i), ôc citée auili par le Pere Hardouin (i). IMP. CjESAR VESnA'SIANUS AUG. PONTIF. MAX. TRIB. POT VI. IMP. XIII. CONS VI DESIG. VII CENSOR VI AS FACIEND AS CUR AVIT AïTOKP ATllP OT ESnASlANOS SEBA2 TOS APXIEPET2 MErISTOS AHMAPXIKH2 EeOTSIAS. r AïTOKPATOP. ir. nATHP nATPIAOS ïnATOZ TO r AnOAEAEirMENOS TO Z TEIMHTHS. TA2 QAOïS EnOIHSEN. Je fus conduit par mon Guide dans la Maifon d'un Turc de confidération, appelle Mouftafa EfFendi, &C je vis dans fa Cour mii Tombeau de marbre fort fimplc, long d'environ fix pieds fur quatre & demi de largeur, 6c cinq de profondeur ; il y » (i) Spon. Itin. Athen. (j.) Hard. Nam. Ane. illuft. pag. 107. A T H Y A TIR E, &c. z77 fur ce Tombeau une Infcription que M. Smirh a rapportée dans fon Ouvrage ( i ), & que je crois avoir déchiffrée avec plus de correction. La voici telle qu'il l'a donnée. *ABI02 snziMOS KATASKEïASAS ZOPON E ©ETO Eni TOnOï KA0APOT ONTOS 1TP02 THZ ^AEOS nPOS TOIZ AMBA0EIOIS EN TCl KAAÏAlft ^PlBOAQ, riAPA THN AHMOZIAN OAON EAïTn *-*UTE0H KAI TH rAï'KïTATH AïTOï TTNAIKI JtPEAIA nONTIANH MHAENOS EXONTOZ ETEPOï J*OrsiAN 0EINAI TINA EI2 THN ZOPON TATTHN PS A AN TOAMHSH H nOIHSH nAPA ATT A Afl2El Els MEN THN nOA!N THN ©TATEIPHNflN APlIPlOï !j%APlA XEIAIA HTNTAK02IA EI2 AE TOIEPaTATON AMEI0N AE XEIAIA nENTAKOSIA TE]N0MENO2 ?%0TNOS Esn©EN TOI2 THS TTMBOPTXlAS ^°MOl2 TAYTH2 THS EIHrPAH2 ETPAH AI1AA ON TO ETEPON ETE0H EI2 TO APXEION : rENETO EN TH AAMnPOTATH ©TATEIPHNnN n°AEl ANeHnATn KATIAAin SEBHPn MHNOZ J^TNAIOT TPI2 KAI AEKATH mO MHNOcDIAON °TAlANOT AHMOSION. (i) Thom. Sm. Notit. 7. Ecclef. Af. pag. 18. Je l'ai lue un peu différemment. ABTOZ ZO^IMOZ KATAZKEYAZAZ ZOPON E0ETO EniTOnON KA9AFON TON nPO THZ nOAEflS pPOz Ta zamba ©Eia en Ta xaaaaiot nEPiBOAQ- HÀPA THN AHMOZIAN OAON EAïTfl Ehs EnErPAoH AnAA Ara flNTO ETEPON ETE0HEIZ TO APXEION EN THAAMnPO T4TH ©ÏATEIPHNHN IIOAEI AN©YEiATa KATIAAln ZEBHPH MHNOZ ATAlNAlOT TPIS KAI AEKATH ïnO MHNOHNOS APIrNOTOS TO TPITON XEIAIAPXOS OIEPETS TOT ©EOT KAI NEfiKOPOS TOT 2EBA2TOT KAI EnITPOnOS SEBASTOT APXHZ AIBIANH2 EIIAPXOZ. Titus Antonius Alphenus Arignotus, Chiliarque pour la troifieme fois, Prêtre du Dieu , Neo-core de fEmpereur, & fon Lieucenant, Epar-que du Domaine Livien, a honoré ]e Dominateur de la Terre & de la Mer , TEmpereur M. Aur. Severe Antonin Part. Med. Britann. Pere de la Patrie, fon Bienfaiteur, & le Bienfaiteur de la Ville. On lit dans la féconde. ArA@H TTXH ATT. K. M. ATP. 2EOT * ANTONEINON ZEB. ETE ETTïXH. ETTYXH. T. ANT. AAOHNOC Apienittos AnoTPiaN XIAIAPXIHN TON IAION KTPION KAI TH2 nOAEaS KTI2THN O IEPEÏ2 TOT 0EOY KAI NEO KOPOS TOT 2EBA2TOT KAl EniTPOITOS................. Titus Antonius Alphenus Agrinotus, après trois Chiliarchées , Prêtre du Dieu , Neocore de PEmpereur, Se fon Lieutenant, a honoré l'Empereur M. Aur. Severe Antonin > Sec. fon Seigneur. Après avoir vu à peu près tout ce que mon Guide pouvoit me montrer dans la Ville y je voulus aller vifiter les Cimetières où l'on trouve ordinairement, parmi les marbres que les Turcs employent pour leurs Tombeaux , une infinité de morceaux d'antiquité. Dans le premier Cimetière vers le Midi de la Ville, je trouvai un marbre qui n'a je crois encore été vu d'aucun Voyageur. Il y avoit trois demi-cercles , de chacun defquels pendoit un Cœur , avec une pièce ronde en forme de Patere. Dans le premier demi-cercle étoit l'infcription fuivante. TEXNOIZ EAïT ilN KAI EnONïM Nn OIZ MHAENOS ETEPOï EXON TOS EHOT2IAN AA AO ONHMA EN BAA aeinos AANTinAPA TAT TA nOIEI AH2EI TH AAMnPOTATH ©TATEIPHNHN nOAEI * A* A leurs enfans, &c ceux du même nom, fans qu'aucun ait le pouvoir d'y mettre un autre nom , à peine pour les contrevenans de payer à la très-illuftre Ville de Thyatire i joo deniers. Dans le fécond demi-cercle on lifoit ce qui fuit, qui eft fans doute la continuation de la même Infcription. THS EnirPAHz ANTIrPAcpON E TE©H EIS TO APXEI ON ANTïTiATil TENTIAN.O. AOAAIANU ......An EA AAIOÏ.....TnOAAEîANAP ON KAI KON............ EXONTON AE THN Eh OT2IAN TOT TOnOT L original de cette Infcription a été placé dans le Palais, fous le Proconfulat d'Egnatius Lol-lianus , le ......du mois de Novembre, publié par Alexandre & par.........qui ont le Domaine du lieu. Le refte étoit dans le troifieme demi-cercle. TOT KATA THS KAMAP AS ATP. POTOON BOTAETTHN TION-TH2 AAEA0H2 MOT ......ANN...... AEXnOlNHZ THS nPO EN TEIME NH2 SOPOT Enl us Situé auprès de la Voûte Aurelius Rufus , Séna-nateur, fils de ma fœur.......Maîtrefle du Tombeau placé ci-devant............ Ces trois Infcriptions n'en font qu'une qui n'eft pas com-plctte, il y manque plufieurs lignes au commencement &: à Nn ij la fin. Elle eft à peu près dans le même goût que celle de Fabius Zofimus, que j'ai rapportée plus haut. Elle paroît contenir une difpofition teftamentaire , relative à la famille du Tel-tateur , 6c à la deftination du Tombeau fur lequel elle étoit gravée. Elle devoit commencer par les noms des Perionnages9 à la fépulture defquels ce Tombeau étoit réfervé. Mais le temps -a détruit entièrement les premières lignes , 8c c eft avec une peine infinie que j'ai recueilli le refte. J'ai même été obligé de la reftituer s comme on le verra par les lettres marquées avec des points. Je ne fai pas fi le Proconful Gentianus Lollianus, dont il eft parlé dans ce marbre , feroit Q. Epidius Rufus Lof* lianus Gentianus , qui fut Conful avec Pomponius Barfus * Tan de Jefus-Chrift 210 y à la fin du règne de Septime Severe. Dans le même Cimetière du Midi je vis une autre infcription bien confervée , Monument dreffé par les Teinturiers en l'honneur du Préteur Artemagore, fils de Glycon. ATA0H TTXH OI BAd>El2ATP. APTEMAra PON FATKON02 TION ETPA THTON ETEIMEEAN EI1I2THZAM ENON TOT EPEOT BAOEHN AflO TENorS TO EK TON ANAPI ANTOS ANA2TA2EI2. AAMIlA AAPXHZANTA TON MEFÀAAflN lEPllN ATTHN TETElnz E2iinTelilN AEKAnPOTETSANTA A T H Y A T I R E , ôc. z2s mmn imiiiii—^mmam ■mu wi ijjmmmmwmhwmbmmmww A la bonne Fortune. La Communauté des Teinturiers a honoré d'une Statue Artemagore , fils de Glycon Stratique, le fixieme de fa famille , qui a été Directeur des ouvrages de Teinturiers y Lampadarque des grandes Fêtes, ôc enfuite des Jeux Pytliiens, ôc Décurion. Le titre de Lampadarque, donné à Artemagore dans cette Infcription , étoit affecté au Préfident des Jeux, appelles Lam-padephorie Au/u7raSii & prêt à percer un Sanglier avec fa lance. Au-deflous de la Figure étoient ces mots. D. M. VAL IWENTUS EXARCUS QUI MILITA VIT ANNOS XX IN VEXILLA TIONE ME QQ DAL. COMIT. ANCIAL ITANA VIXIT ANNOS. XL. COLLECT APIITITULUM CONSCRIPTUM EX BONIS EIUS POSUERUNT BENEMERENTI. A quelques pas de là je découvris encore cinq marbres , fur le premier defquels je lus cette Infcription. AIKINNION POTOIANON ETTIKAHN. TIïATIKON TION AlKlNNIOr POT OINOT OI 1TEPI TON hpakaea TnN npaTaN ITMNAsmN NEAN ISKOI KAI KATA TON AP XAION TOT TPITOT Les jeunes Gens des premiers Gymnafes donnés autour du Temple d'Hercule, ou du troifieme y a compter du commencement y ont honoré Licinius Rufinus Euticlès > Confulaire , fils de Licinius Rufinus. Il eft encore queftion ici de Licinius Rufinus, dont il eft parlé dans une autre Infcription nue j'ai déjà rapportée. On voit par celle-ci qu'Hercule étoit honoré , & avoit un Temple à Thyatire, Sur le fécond marbre il y avoit ce qui fuir. ArA©H TïXH OI nEPI TON HPAKAEA TON nPOTnN rïMNAxifiN kai KATA TO APXAION TOT TPITOï NEANI2KOI. ATP. ©hzea NEI H OOPOï ©TATEIPHNON NEIKï SANTA ENAOïflS nArKPATI on Ta rno atthn EniME AOïMENHI EfflNElKLQI 2EBHPEIHI AIHNI ïnO EniSTATHN ATP. ATTIKON znsiMOr A la bonne Fort une. Les jeunes Gens des premiers Gymnafes donnés autour du Temple d'Hercule, ou du troifieme, à compter du commcencement , ont honoré Aurelius Thefeus, fils de Nicephore Thyati-rien, qui a vaincu avec gloire dans le Pancrace donné dans le temps des Fêtes célébrées par eux pour les Victoires de Severe. Sous t'Epiftate Aurelius Atticus, fils de Zofime. Le combat du Pancrace étoit compofé de la Lutte 8C du i88 r o r a g e Pugilat, dans lequel on faifoit tous les efforts poiliblcs pour terraffer fon ennemi. Cefl pour cela que le nom de Panera-tium TlciyapcirtQv lui a été donné. Quelques-uns ont confondu mal-à-propos ce combat avec le Pentathlon 3 qui étoit compofé des cinq exercices, du Pugilar, de la Courfe, du Difque, de la Lutte , $e du Saut. Il faut, pour fe convaincre de cette erreur, lire Séneque , qui a écrit au long fur le Pancrace (i ). Le troifieme marbre renfermoit l'infcription qui fuit. r. AAIBIOZ BAAEPIOS SEKOïNAOS MANNIANOS T. AAlBIft TEAEScDOPa KAATAlANa TH rATKïTATn AAEAOfl HPai ÈniOANEI KAAAIBIA KAATAIANH TH GirATPI KAI M. ANTHNia nOAAIUNI ANAPI AïTHS K. TOI2 rATKTTATOlS TEXNOIS KATA 0OI2 Hmzï EfflcPANEEl. Caïus Larvius Valerius Secundus Mannianus , à" Caïus Lasvius Telefphorus Claudianus fon très-cher frère , Héros illuftre , tk. à Lsevia Clau-diana fa fille . tk à Marcus Antonius Pollion fon mari, tk à leurs très - chers enfans 3 Héros il-luftres, (i) Senec \lb. 5. controv. 5. Sur Sur le quatrième marbre on voyoit l'infcription ci-après en. Diale£te Dorique. ABOTAA KAI OAAMOS AT AON KAfl AION nETENNIANON STPATArHS ANTA ArNUS ETSTASEas EN KA1POI2 EnlMEAIAS AEAETOMENOIZ TON IEPEA KAI APXIEPEA KAI AOmN nPTTANIN AmNOTHTAN ENI ENI AYTfï nEnAHPHKOTA AE KAI TAN EN TAnPflTA nATPlAl KAI NEflKO PflN nEPTAMENilN THN 2TNTE...... ..NEanOAEITAN EnONTMON ANE KTENEOS AIAEAMNOS TOI2 TAS A2IAS BASMOI2 ANEAOrHSE. Ce monument eft remarquable par le titre de Aoyw IIpJ-retviv, le Logon Prytanis étoit un Juge établi dans les Jeux publics pour régler les Combats Littéraires , 6c adjuger les Prix d'Eloquence ou de Poëlie à ceux qui avoient concouru. L'infcription du cinquième marbre étoit Latine\ ÔC conte-noit ce qui fuit» C. IVLIVS CRESCENS MILLEXI CL VIXIT ANNOS XXXV MILITA VIT ANNIS XV FL. CASTUS FPATEP ET PRIMVS HiERES EX Oo TESTAMENTO IUSSUS POSUIT ETTïXElTE Quand j'eus affèz parcouru le Cimetière du Midi, je paffài dans un autre fitué vers l'Occident , où je fis la découverte des trois Infcriptions ci-après. H BOT AH KAI O AHMOS AOTKION ATP. API2TOMENH2 AmNO0ETH2ANTA ME rAAOnPEnfits TION-A-ATP. API2TOMENOT2 KAI ATPHAIAS TATIA2 THN AmNOeETHN KAI APXlEPEllN THS AZIAS Le Sénat & le Peuple ont honoré Lucius Aurelius Ariftomenes, qui a exercé la Charge d'Agono-thete avec magnificence, fils de Lucius Aurelius Ariftomenes & de Aurélia Tatia Agonothetes^ & Pontife d'Afie. cDlMAXON KPATEI ....ZTON 2TE(t>ANH*OPON TEIMH6ENTA TH TOTAN APlANTOS ANA2TASEI TnO APHNI2N KAlNAFAHMnN Effl TO EXAIKH2AI KAI AnOKA TASTH2AI TA TON KOMON KAI METATATTA TnOSEEMOT 2TNTPIBENTOS TOT BOMOï KAI ANAPIANT02 IOïAIA 2ETHPINA2 STPATO NEIKH ElTONOZ AïTOï KATAZKEïAZAZA TON TE BOMON KAI EntSKEïAZAZA TON ANAPIANTA EK TON IAION ANE0HKEN Le puiflant Phimacus Stephanopliore a été honoré d'une Sratue par les Arénéens & les Na^dé-meens, pour les avoir vengé, & avoir mis en règle les affaires de leurs Villages. Dans la fuite le Temple Se la Sratue ayant été renverfés par le tremblement de terre , Julia Severina Stra-tonice, fa petite-fille, a rebâti le Temple , & réparé la Statue à fes dépens, & a érigé ce Monument. Les Arénéens & les Nagdéméens dont parle ce marbre , dévoient être vraifemblablement les Habitans de deux Villages ou deux Bourgs obfcurs du territoire de Thyatire. Strabon, Eftienne de Byfance, 6c les autres Géographes n'en ont pas Oo ij i9z F O y à g e fait mention. Le tremblement de terre cité dans cette Infcription , prouve qu'elle eft du temps de Tibère 5 auquel fe rapporte l'époque de ce mémorable événement. ArAeHi TYXHI H BOTAH KAI O AHMOS ASKAHnlAAHN TPTOnNOS TION TON nPïTANIN KAI 1EPEA TH2 PnMHS 2TPATHTHSANTA2 SITONHN KAI TPITEïTHN EPAMMATEA BOïAHS AHMOT AEKAnPOTEYZANTA ETH. I KAI EnlAOSEI KAI KTPIAKAIZ THEPESIAI2 XPHZIMETSANTA THN HATPIAA KAI AnOAOXEA THN APXEION A la bonne Fortune. Le Sénat & le Peuple ont honoré Afclepiade > fils de Tryphon, Prytane & Prêtre de Rome > qui a été Strategue, Commis des Bleds , trois fois Secrétaire du Sénat ? ôc Décurion du Peuple pendant dix ans, qui a été utile à la Patrie par fes libéralités , ôc les fervices qu'il a rendus dans les affaires publiques, Ôc qui a veillé à l'entretien des Palais ôc des Edifices publics. Le 2ElT{7Nl2, Sitonis , étoit un Officier municipal pré* pofé à l'achat des grains pour la nourriture des Habitans. Je terminai mes recherches dans le Cimetière au Nord de la Ville, où j'obfervai le Monument érigé en l'honneur d'Ul-pia Marcella, dont j'ai parlé ci-devant \ l'aventure qui m'arriva dans cet endroit-là , 6c que j'ai déjà racontée, ne me permit pas de m'y arrêter long-temps, 6c me priva peut-être de quelques autres Infcriptions que j'aurois pu recueillir. Je rentrai dans la Ville de très-mauvaife humeur, 6c en retournant chez l'Aga où j'avois lailfé mes Chevaux, je voulus voir par moi-même un marbre cité par 'M. Smith, qui dit l'avoir découvert dans un Cul-de-Sac auprès du Marché. Il me fut impofîï-ble de le retrouver. J'ignore fi mon Guide ne fut pas me conduire dans le lieu indiqué par M. Smith. Je crois plutôt que ce pauvre Arménien voulut fe débarrafTcr bien vite de fa corn-million , 6c craignit que la populace qui s'étoit montrée dans le Cimetière très-mécontente de ma curiofité , ne lui fît quel* que avanie, pour m'avoir mené dans les divers endroits où je pouvois la fatisfaire. Je joins ici cette Infcription telle que M. Smith l'a publiée. ArABH TYXH ANT. KA. AAA. ArPlnfflNHS IIP AI nOZITON EIAH2......TAAAPION XIAIAPXnN snEiPHE nPaTHs KlAimN nPAinosiTON TH2 2I1EIPH2 nPOTHS rAITOïAflN ElïAP XON SOEIPHS AEYTEPA2 A. BESSfiN SnEIPHZ ANNONHS 0EOT ANTnNEINOT .......LMEN.QN 2EAETKIA2.......EAPfl ANI1N TPIBOT KïPEINA TIIATIKON Sir rENH TION KAI ErrONON APXIEPEnN ASIAS AAEAOYN AA. AnOAAINAPIOï EnlKHN SONTOTSEB. NEQKOPaN THS AAMnPO TATH2 KTSIKHNHN MHTPOnOAEHE AOn 2THN ZEAETKIA2 riElSlAlAS KAI AAEzAN APEIAZ KAI TH2 IHN. KAI PllESOT KAI TH2 ........TP,AN..N nOAEftZ KAI TPOnHsmN KAI THS OAHNEIAZ EN IIASAIS ÏJ1EPE SIAI2 TPASinN KAI 2EMNOTATON IE PF.A TOT nP0nAT0P02 8EOT TïPlM NOT 01 BA4>EI2 Elle paroît fe rapporter au temps de l'Empereur Aneonin Pic, ou de Caracalla. Mais on ne fauroit décider auquel des deux , puifque le nom d'Antonin leur eft commun. Ce Monument fut érigé par les Teinturiers pour honorer Antonius, Claudius y Alphenus Arignotus. On y voit le détail de toutes A T H Y A TIRE, &c. %95 les Dignités dont il avoit été revêtu, ôc de toutes les Charges qu'il exerçoit. H y eft parlé de fon origine , il y eft dit neveu d'Alphenus Apollinarius , ( duquel il eft fait mention dans une Médaille de Thyatire, frappée au nom du Sénat, que j'ai déjà citée. ) Cet Alphenus étoit iffu d'une Famille Confulaire, ôc d'ancêtres qui avoient été Pontifes d'Afic. Ce qu'il y a de plus remarquable dans ce marbre , eft le Dieu Tyrimne 3 qui y eft appelle le premier Pere , le Pere commun nPOflATflP. M. Spon a rapporté une Infcription relative à ce Dieu ; mais n'ayant pas actuellement à ma portée l'ouvrage de ce Savant Voyageur, je ne puis pas favoir fi c'eft la même que celle-ci, que M. Smith avoue avoir eu beaucoup de peine à déchiffrer ; cette raifon me rend oit extrêmement curieux de la voir par moi-même , pour me bien affurer s'il y avoit réellement BEOT TïPlMNOT, & fi ce n'étoit pas 0EOT TTPi-MOT. On fait, par le témoignage de Strabon ÔC de Tertul-licn , que la Ville de Thyatire étoit une Colonie de Macédoniens. Un Tyrimas TlPlMAS a été le troifieme Roi de Macédoine, il commença de régner l'an 3956 de la période Julienne, 758 ans avant Jefus-Chrift. Il pourroit fe frire que ce Prince eut été le Fondateur de la Colonie , ÔC le premier Pere dont il eft parlé dans ce marbre , ôc que les Thyatiréens Teuifent enfuite mis au rang des Dieux. En effet, nous voyons par la Fable ôc par l'Hiftoire, que chez les anciens Peuples , plufieurs Fondateurs des Colonies ont été honoré comme des Dieux, ôc ont eu des Temples ôc un culte. En toutes manières ce Dieu Tyrimne ou Tyrime, devoit être une Divinité particulière aux Thyatiréens , car je ne crois pas qu'il en foit fait mention ailleurs ; Ôc elle n'eft ab-folument connue que par cette Infcription trouvée par M» z<)6 VOYAGE Smith, dans les ruines de Th-yatire , & que je crois être la même que celle de M. Spon. A mon retour mon Pere me fît voir une autre Infcription qui m'avoit échappé , & qui lui avoit été communiquée par M. le Docteur Butdet, Miniftre Anglican à Smyrne, un des hommes le plus refpe£fcable que j'ai connu de ma vie , par toutes les vertus de fon état, & les qualités les plus éminen-tes de l'efprit ôc du cœur. Il joignoit à la connoiiîance profonde de la Théologie tous les agrémens de la Littérature. L'amour de l'Antiquité lui avoit fait entreprendre , comme à moi, le Voyage de Sardes ôc de Thyatire. Je joins ici cette Infcription. T0I2 2EBA2T0I2 OIIMATETOMENOI TO TPinYAON KAI TAS STOA2 TA2 TE KATAmrAS KAI TA EN ATTAI2 EPrA TON OIKHTHPIA KATE2KETA2AN EK. THN EPmN KAI AH nAMïAOr TOT TUA TOT MHNOOAN TOT ANKf>KKEN XPT. 2a. KAAIN02. Aux Augustes. Les Marchands d'EtoiFes ( ou d'habillemens ) ont bâti a leurs dépens, & du fruit de leur travail , A T-H Y A T I R e , &c. z97 vail, le Tripyle, les Portiques, les Souterrains ; & les Logemens des Ouvriers qui y ont été pratiqués > enfuite fous le Conful Pamphilus 3 fils de Menophante > Chry. Zof. Calinus a pofé ce Monument, Je partis d'Akhiffar le 19 Septembre, au coucher du Soleil, & je ris route au Sud-Eft ; vers les dix heures du fok je paffai i'Hermus fur un Pont de Bois conftruit nouvellement par les Turcs, & à minuit j'arrivai à Mermer, Bourg placé fur une élévation , dans une pofition admirable. M. Smith croit que ce Bourg pourroit être la Brûlée des Anciens. Poft fex koras s dit-il, fuperato colle qui leviter affurgit Marmoram 3 fonaffe Exuftam veterum 3 ùc. ingredimur (1), Il n'a pas fait attention que la Brûlée xarmiitetopsw, dont parlent Strabon & Eftienne de Byfance, n étoit point une Ville, mais une petite contrée. Strabon lui donne 90 ftades de longueur, ôc 400 ftades de largeur. Il ajoute qu'on ne fauroit décider fi elle appar-tenoit à la Myfie ou à la Méonie, parce qu'on l'appelloit indifféremment de ces deux noms (1). Eftienne de Byfance prétend qu'elle faifoit partie du territoire d'Ephefe , il dit que fes Habitans étoient appelles Catacecaumenites 9 qu'on n'y trouvoit aucun arbre, à l'exception de la Vigne , & que l'on croyoit que la foudre avoit confumé tous les autres ( 3 ). M. Smith (1) Thom. Smith. Nocit. 7. Ecclef. Afiae. p. 16. (i) Strab. lib. 13, £3) Steph. MT%%iK&uy®imi pouvoit dire feulement que le Bourg de Mermer fe trouve peut être dans la Région Brûlée. Cela feroit conforme an rapport de Strabon, qui dit, que cette contrée étoit arrofée par VHermus > Fleuve, qui, fuivant Hérodote, prenoit fil fource dans le Mont Hirus , confacré à Cybcîe , de alloit fe jetter dans la Mer vers Pergame ( i ). Eftienne de Byfance, place cette Région brûlée le long du Cayfinis, Fleuve plus méridional. Mais ces deux Géographes ont peut-être raifon l'un de l'autre; car entre ces deux Fleuves il n'y a guercs qu'un efpace de t i à 12 lieues, de Strabon donne à cette Contrée une largeur de 400 ftades, qui font environ 1 5 lieues communes. De forte qu'elle pouvoit très-bien être baignée au Septentrion par l'Her-mus , de par le Cayftrus au Midi. Je crois que Mermer n'eft pas l'ancienne Nacrafa, qui n'eft connue que de Ptolémée, de que ce Géographe a placée à peu près dans la même pofition. Il l'a fait plus orientale de vingt minutes que Thyatire ; de effectivement Mermer eft à fix lieues au Sud d'Akhiffar , de par conféquent elle fe trouve plus à l'Orient. Mais il n'y a pas tout-à-fait la différence des vingt minutes indiquées par Ptolémée (2). Je couchai à Mermer > de me levai à la pointe du jour pour aller à la recherche des Monumens antiques. Je ne trouvai qu'un morceau de bas-relief mal-confervé , de d'afîèz mauvais gout, dont on voit le deffein à la Planche II. n°. 1. Jele crois du moyen âge, il a quelque chofe de barbare , de n'appartient certainement pas aux beaux fiecles des Grecs , ni des (1) Herod. lib. 1. U) Nacrafa étoit à trois lieues de Thyatire, fur le chemin de Pergame, au Village de Bok-Hair , fuivant une Infcription citée par Chishult. Antiq* Afiat. pag. 146. Romains. Je découvris dans l'Ecurie de l'Aga deux Infcrip-tions dans un caraderc qui m'eft inconnu, ôc que par confé-quent je n'ai pas pu déchiffrer ; mais je les ai copiées avec la plus grande exactitude. La première étoit gravée fur un marbre quarré. La féconde étoit fur un fragment de colonne exagone. Défcfpérant de trouver autre chofe à Mermer , je montai à cheval à fept heures du matin , pour me rendre à Sardes. Je traverfai cette plaine fertile, dont parlent Hérodote ôc Strabon , fous le nom de ]LapJWoj/ IlèePiov , où Cyrus livra à Crce-fus une bataille fi funefte à ce dernier, ôc qui fut le commencement de fa ruine (i). J'arrivai vers les dix heures dans le lieu où étoit autrefois cette Capitale de la Lydie, cette Ville célèbre, qui a joué un fi grand rôle dans l'Antiquité, ôc que (i) Herod. lib. i. pP ij Florus appelle la féconde Rome. Les Rois de Lydie y faifoient leur réfidence, oc Strabon nous dit quelle ne cédoit en gloire ÔC en fplendeur à aucune Ville d'Afie ( i ). Ce Géographe la regarde comme ancienne , mais la croit cependant poftérieure au Siège de Troye. On ignore quel en a été le Fondateur. Il paroît que cette Ville ou fa Citadelle ont été autrefois appel-lécs Hyda 3 parce qu'on ne trouve point d'autre lieu de ce nom dans toute la Lydie, ôc que la place indiquée par Homère à cette Hyda , répond à celle de Sardes , qui fe trouvoit fous le Mont Tmolus. 7riovi t^V«é?. Ce Vers du fécond Livre de l'Iliade efl: cité à cette occa-iion par Strabon (2). Les Commentateurs d'Homère croyent auffi que Sardes eft la même Ville que ce Poète appelle Tar~ na dans fon cinquième Livre de l'Iliade. L'Hiftoire ne commence à faire mention de Sardes, que depuis Ardys , fils de de Gyges , ÔC fécond Roi de Lydie , de la race des Mermandes, qui occupèrent Je Trône après les Hé-raclides. Nous voyons dans Hérodote , que fous le règne de ce Prince , les Cimmériens, chaffés de leur pays par les Scythes Nomades , palferent en Afie , Ôc s'emparèrent de Sardes. L'époque de cet événement n'eft pas déterminée. Le règne d'Ar-dys a été fort long, il fut de 50 ans , fuivant Hérodote , ôc de 49 , félon les Chronologiftes modernes (3). Il commença fan (1) Strabon. lib. (*) Ibid. (3) Petav. Ration, temp, II1111 fl IIMWH 4034 de la Période Julienne, 680 ans avant la naiffance de Jefus-Chrift. Sardes demeura fous la domination des Cimmé-riens jufques au règne d'Alyattes IL qui monta fur le Trône l'an 4095 de la Période Julienne , 619 ans avant la venue du Meffie ; ce Prince délivra fa Capitale de l'oppreffion étrangère , ôc châtia les Cimmeriens de toute PAfie ( 1 ). Strabon nous apprend que Sardes fut enfuite conquife par les Tyriens & les Lyciens (1). L'an 4166 de la Période Julienne, 548 ans avant Jefus-Chrift , cette Ville paffa fous le pouvoir des Perfes. Perfonne n'ignore comment Gyges, premier Roi de Lydie de la race des Mermandes , fit mourir Candaulc, dernier Roi de Lydie du fang des Héraclides , duquel il étoit Garde, ÔC s'empara du Trône par cette trahifon, L'Oracle de Delphes annonça dès-lors qu'un de fes defeendans, à la cinquième génération , expieroit ce crime , ôc en fubiroit le châtiment. L'arrêt du Deftin regardo.it Crœfus. Hérodote nous rapporte qu'Apollon , Protecteur de ce Prince , fit tous fes efforts pour empêcher que Sardes ne fut prife fous fon règne ; mais il ne put pas changer ce Décret éternel, ôc obtint feulement que l'exécution en feroit retardée de trois ans. Crcefus , jaloux de la puiffanec naiffante de Cyrus, Roi de Perfe, réfolut de lui déclarer la guerre, d'après une réponfe de l'Oracle de Delphes mal interprêtée , qu'il crut lui promettre un heureux fuc~ ces. Mais l'événement répondit bien mal à fon attente. Il fut d'abord battu par Cyrus près àePielia , Ville de la Cappado-ce. Après cette défaite, il voulut fe replier vers fa Capitale, (1) Herodot. lib, 1, (2} Strab. lib. 13 * mais Cyrus ne lui donna pas le temps de réparer fa perte , ÔC de ramaffer de nouvelles forces ; il le pourfuivit avec vigueur , ôc vint l'attaquer de nouveau dans ia plaine qui eft devant la Ville de Sardes , ôc qu'Héro iote dit être arrofée par plufieurs Fleuves , entr'autres p' ;' mus qui ,•. end fa fource dans le Mont Hlrus , confacré à Cybele ôc fe jette dans la Mer auprès de Pkocée j ÔC dont le cours eft interrompu par un Marais. Ce Marais , dont parle Hérodote, fubfifte encore , ôc fe trouve entre Akhijfar ôc Mermer. Crœfus fit bonne contenance. Le Roi de Perfe oppofa fes Chameaux à la Cavalerie Lydienne. Les Lydiens furent d'abord un peu déconcertés par cette manœuvre ; ils fe ralfurerent cependant, defeendirent de leurs chevaux, ôc combattirent quelque temps à pied avec les Perfes ; mais ils ne firent pas une longue réfiftance , ils furent bien-tôt mis en fuite, ôc obligés de rentrer en défor-dre dans la Ville , dont Cyrus forma le fiége. Ce Prince fit d'abord courir des Cavaliers dans les rangs pour promettre des récompenfes à celui de fes Soldats qui monteroit le premier à l'affaut des murailles ; mais plufieurs en firent inutilement la tentative. Enfin un Marde, nommé Hyra^adcs , ofa entreprendre de pénétrer du côté de la Citadelle , où il s'étoit apperçu que l'on ne faifoit pas la garde , parce que la Ville paroiffoit imprenable de ce côté-là. Lorfque Melès fit ceindre de murs la Ville de Sardes, il porta autour des nouvelles fortifications un Lion , qu'il avoit eu d'une Courtifanne , parce que les Telmiffcs, qu'il avoit conful tés , avoient répondu que la Ville feroit imprenable par tous les côtés où le Lion feroit porté. Mais il négligea de le porter du côté où fut bâtie la Citadelle 5 parce qu'il le jugea affez fortifié par fa nature pour n'avoir rien à redouter, Hyrarades fit attention cependant qu'un Ly- A T H Y A TIR E, ôc. 303 dien, qui avoit laiffé tomber Ton Cafque, étoit defccndu par-là pour aller le ramafîèr. Il profita de cette indication 5 & tenta avec iuccès de donner l'affaut par cet endroit-là, il monta le premier , il fut fuivi d'abord par quelques-uns de fes Camarades , bien-tôt par l'armée entière , ôc la Ville fut prife Ôc faccagée après un fiége de quatorze jours ( i ). Ctéfias attribue le fuccès de l'entreprife des Perfes à un autre ftratagême. Il prétend qu'ils élevèrent, par le confeil d'CEbare, fur les murs de la Ville , des Figures de bois habillées comme les Perfes ; les affiégés à cet afpeét crurent que les ennemis avoient déjà efca-ladé les murailles , prirent l'épouvante, ôc les Perfes profitant de leur trouble ôc de leur confufion , montèrent fans oppofl-tion à l'affaut, ôc fe rendirent maîtres de la Ville. Cet (ÎEbare dont parle ici Ctéfias , étoit fans doute ce même homme fi fertile en reffourecs , qui plaça fur le Trône de Perfe Darius , fils d'Hyftafpe, dont il étoit Ecuycr (i). Les malheurs de C reclus ôc de fa famille qui fui virent la prile de Sardes , font connus de tout le monde > ôc il feroit furperflu d'en donner ici le détail. Environ quarante-quatre ans après cet événement, la Ville de Sanies effuya de nouveaux malheurs. L'an de la Période Julienne 4110 , fous la foixante-neuvieme Olympiade , 504 ans avant Jefus-Chrift, Ariftagoras, Lieutenant d'Hiftiéc , Souverain de Milct, fe révolta contre les Perfes , qui, après la def-tru&ion du Royaume de Lydie , étoient demeurés paifibles poffeffeurs de cette Ville. Il demanda d'abord du fecours aux (i) Herodot. lib. 1. (1) Ctéfias Perfic. in excerp. Phot. 3o4 • VOYAGE Spartiates , mais leur Roi Clcomenes refufa fes proportions, oc le chailà de Sparte. Il s adrefïa aux Athéniens , chez lefquels il trouva plus de facilité. Ceux-ci réfolurent à fa follicitation d'envoyor aux Ioniens un fecours de vingt VaifTeaux, dont ils donnèrent le Commandement à Mélanthius , homme d'une expérience 6c d'une habilité reconnues. Ariftagoras fit auili révolter les Pœoniens, Ôc quand il eut ramaffé toutes fes troupes 3 6c les divers fecours qu'il avoit obtenus de les Alliés, il crut devoir tenter une entreprlfe fur Sardes. Il ne marcha pas en perfonne , il s*arrêta à Milct, 6c donna le Commandement de l'armée à fon frère Çharopius, 6c à un autre Miléfien appelle Hermophante. Les Ioniens fc fervirent des Vaiffeaux que les Athéniens leur avoient fournis pour aller jufqu'à Ephefe. Ils quittèrent là leurs Navires , 6c s'avancèrent dans l'intérieur des terres , avec des Guides Ephéiiens qu'ils prirent pour diriger leur toute. Ils fuivirent le cours du Fleuve Cayftrus , 6C après avoir palfé le Mont Tmolus , ils arrivèrent à Sardes , dont ils fe rendirent maîtres fans trouver aucune réfiftance. Ils s'emparèrent de tous les polies, à l'exception de la Citadelle , qui étoit gardée par Artaphcrne, avec une bonne gar-nifon. Un Soldat ayant mis le feu à une feule maifon, occa-lionna l'incendie de la Ville entière , dont les niaifons étoient pour la plupart entièrement bâties de rofeaux. Il y avoit même beaucoup de ces rofeaux dans les planchers 6c les lambris de celles qui étoient bâties de briques. Tous les Lydiens 6c les Perfes enfermés dans la Ville, la voyant fe confumer fans qu'il fût poifible d'arrêter le progrès des flammes , prirent le parti de l'abandonner , 6c s'attroupèrent dans le Marché, 6c fur les bords du Fleuve Pactole , qui le traverfoit. Ils y firent une fî yigoureufe défenfe , cjue les Ioniens jugèrent devoir fe retirer. Ils Ils fc réfugièrent d'abord fur le Mont Tmolus, ôe pendant la nuit ils prefferent leur marche pour retourner à leurs Vaif-feaux. Le Temple de Cybele fut brûlé dans cet incendie ; ce qui dans la fuite fournit à Darius un prétexte de mettre le feu à tous les Temples qu'il trouva dans fon expédition de Grèce (i). Cette Ville fut depuis rebâtie, 6c paffa fous la domination des Grecs , comme nous allons voir. Après la Bataille du Granique , l'an 43 81 de la Période Julienne, 333 ans avant l'Ere Chrétienne , la Ville de Sardes , qui étoit regardée comme la plus forte Place des Perfes du côté de la Mer -, fc rendit à Alexandre (2) ; elle lui fut livrée par un nommé Mithrancs, le même qu'il envoya confoler la famille de Darius , après la victoire diffus (3). Alexandre laiifa cette Ville libre , ôc lui permit de fe gouverner par fes propres loix. Ce fut à Sardes ou périt Cléopatrc , fœur de ce Conquérant , ôc fille de Philippe , Roi de Macédoine. Elle avoit été mariée à un Alexandre „ que Philippe avoit fait Roi des Epirotes. Perdicas voulut l'époufer , mais un des Généraux d'Antigonus la fit mourir à Sardes, la première année de la cent dix-huitieme Olympiade, 4406 de la Période Julienne , 308 avant la naiffance de Notre Seigneur (4). Scleucus premier, dans la guerre contre Lyfimaque, sem* para de la Ville de Sardes , dont le Gouverneur étoit Théodo-tus, Gardien de tous les Tréfors de Lyfimaquc. Scleucus ne pouvant pas fc rendre maître de la Citadelle , ou Théodotus ^ ^ . ■ ■' 1 • -,. ■ | (1) Herodor, lib. 5. Dyonif. Halic. in Demofthen. - (1) Arrian. lib. 1. & 2. Frehenfem. Supplément, in Quint. Curr. lib. i% (3) Quint. Curr. lib. 3. (4) Juftin. lib, ip. Piod, Sic. lib, 17. & 18. Qq lu* 3o6 r O Y A G E étoit enfermé , fit publier qu'il donneroit cent talens à celui qui tucroit ce Gouverneur. Théodotus , qui craignoit quelque coup de trahifon , fe détermina à ouvrir la porte de la Citadelle à Seleucus , ôc lui livra la Place avec tous les Tréfors de Lyfimaque, dont la Garde lui avoit été confiée. Cet événement fe rapporte à Pan 30 de PEre des Seleucidcs , 443 1 ans de la Période Julienne ,183 ans avant Jefus-Chrift ( 1 ). Soixante-huit ans après, Sardes fut encore en proye aux dif-fentions des Princes qui fe difputoient cette importante Place. Lan 4499 de la Période Julienne, 98 de PEre des Seleucides, Ôc 215 ans avant Jefus-Chriff, Antiochus III. furnommé le Grand, ayant réfolu de marcher contre Achéus , paffa le Mont Taurus, ôc fit une alliance avec Attalus, Roi de Pergame. Achéus, au bruit de fa venue, fe retira dans Sardes, où il fut bloqué par Antiochus. Cette Ville étoit extrêmement bien gardée, Ôc fc défendoit vigoureufement, les affiégés faifoient de fréquentes forties. La nuit ôc le jour fe paffoient en combats ôc en efearmouches, & Antiochus n'avoit prefque plus d'efpoir de prendre la place que par la famine. L'année fuivante le fiége duroit encore , lorfqu'un Cretois appelle Lagoras, homme très-expérimenté dans l'art Militaire, s'apperçut que les Corbeaux étoient en grand nombre d'un côté du mur de la Citadelle, ôc que ces oifeaux fe ramaffoient; de ce côté là , parce qu'il y avoit une efpece dç Voyerie oit l'on jettoit les Cadavres des hommes ôc des chevaux fans les enterrer , il jugea de-là que ce côté de la Place ne devoit point être gardé , il alla examiner, à la faveur de la nuit > fi l'on pou- (1) Vaillant. Hift. Reg. Syr. pag. 30, voit y placer des échelles pour donner Paffaut ; ôc dès qu'il vit que la chofe pouvoit réufîir , il en informa Antiochus, ÔC lui fît approuver fon dcfîcin ; il demanda pour le féconder un (Etolien , nommé Théodore ; ôc Dionyfus, Préfet des Gardes. Ces trois hommes confulterent enfenlble fur l'exécution de cette entreprife. Ils choifirent quinze hommes forts ÔC courageux pour placer les échelles , Ôc trente autres pour les aider. Dès que les premiers furent fur les murailles, ils coururent à la porte , ôc la forcèrent ; deux mille hommes les fuivirent , 6c occupèrent les polies les plus élevés , d'autres fc jetteront dans la Ville, ÔC en ouvrirent les portes au refle de l'armée. Antiochus fe trouva maître de la place , ôc l'abandonna au pillage. Artabaze , alors Gouverneur de Sardes , fe retira dans la Citadelle , ôc Achéus s'y enferma avec lui. Ce dernier fut trahi ôc livré à Antiochus par un Cretois nommé Bolis, qui avoit vécu long-temps à la Cour des Ptolémées. Antiochus alfembla fon Confeil, pour délibérer fur le genre de fupplicc qu'on lui feroit éprouver. On réfolut de lui couper les extrémités des membres, de coudre fa tête à la peau d'un âne, ôc d'attacher le tronc à une Croix. Le Roi, après la mort d'Achéus, fut entièrement occupé à s'emparer de la Citadelle. La difeorde fe mit parmi les affiégés qui s'y étoient retirés, ils fe diviferent en deux factions , dont l'une foutenoit Artabaze, ôc l'autre Laodice, femme d'Achéus. Cette méfintclligence mit bien-tôt les deux partis dans la nécefîité de fe rendre, ôc de livrer la Citadelle à Antiochus ( 1 ). Ce Prince conferva la poiTc/fion de cette Place pendant près de vingt-cinq ans. L'an 4514 de la Période Julienne, 123 de l'Ere des Seleucides, ôc 190 ans (i) Poîyb, lib. 7 & 8, Vaillant. Hift. Reg. Syr, avant la naiflance de Notre Seigneur, elle lui fervit de retraite après la perte de la fameufe Bataille de Magncfic du Sipyle. Il s'y tint enfermé pendant quelque temps. Mais ayant appris enfuite que Scleucus fon fils , ôc quelques-uns de fes fidèles amis étoient venus à Apamée , il s'y rendit avec fa femme ôe fa fille , après avoir confié la garde de la Ville à Zenon , 6c donné à Timon le Gouvernement de tout le refte de la Lydie. Mais les Habitans de Sardes mépriferent l'un ôc l'autre , 6c envoyèrent au Conful des Emiflaires pour lui déclarer qu'ils fe donnoient aux Romains. Thyatire 9 Magnefie du Sipyle , Traites > 6c plufieurs autres Villes d'Afie fuivirent leur exemple. Le Conful vint prendre polie (lion de Sardes , 6c P. Scipion s'y rendit aulîi dès qu'il fut en état de foutenir les fatigues de la route ( i ). Cette Ville demeura depuis fous le pouvoir des Romains. Sous l'Empereur Tibère, elle fut prefqu'cn-tierement détruite par l'affreux tremblement de terre qui ren-verfa douze des principales Villes d'Afie. Ce Prince donna aux Habitans de Sardes dix millions de Sefterces pour rétablir leur Ville , 6c leur remit pendant cinq années tous les tributs qu'ils dévoient payer au Fifc (i). Les Sardiens plaidèrent auifi du temps du même Empereur devant les Confuls 6c le Sénat, pour le maintien de leurs Privilèges. Ils firent valoir le Décret en faveur de PEtruric , 6c leur confanguinité avec les Romains , avec Icfquels ils prétendirent avoir une origine commune, parce qu'Atys, Roi de Lydie , avoit eu deux fils, Tyrrhenus ôc Lydus , qui voyant leur peuple fe multiplier à l'excès , prirent le parti de fe féparcr. Lydus demeura dans le (i) T. Liv. lib. 37. Vaillant. Hift. Reg. Syr. \i) Strab. lib. 13.& Tacit. lib. i. pays , Tyrrlienus alla chercher de nouvelles demeures. Le pre-. mier donna fon nom à cette contrée de l'Afie , & l'autre à une partie de fïtalie. Les Habitans de Sardes fe firent honneur aufîi à cette occafion, des Lettres qu'ils avoient des Empereurs , de leur alliance avec les Romains dans la guerre de Macédoine ; ils vantèrent la beauté de leur Ciel, la richcife de leurs Fleuves , 6c la fécondité de leur territoire. Leurs Privilèges ne furent point abolis , mais feulement modérés par un Senatus-Confulte (i). L'Empereur Adrien fut auili un des Bienfaiteurs de la Ville de Sardes , 6c lui donna pour la première fois le titre de Neocore. Antonin , fon fils adoptif 6c fon fuccefîcur, fut particulièrement honoré par les Sardiens, comme il paroît par une Infcription que M. Smith a inférée dans fon Ouvrage , 6c qui étoit déjà citée dans le Recueil des Infcriptions de Reinefius. AïTOKPATOPA KAI2APA BEOY AAPlANOï YION 0EOT TPAIANOT TlflNON T. AIAION AAPIANON ANTONEINON ETZEBH 2EBASTON AHMAPXIKHS EHOtSlAS B. TIIATON TPITON HATEPA IlATPIAOS H BOT AH KAI OAHMOS TaN SAPAlANnN ETEIMH2AN-HPI2A ETNOIA2 ATTOï XAPlN Sardes eft qualifiée dans les Médailles Métropole d'Afie, 6c: c'eft la feule Ville de l'Afie Proconfulaire qui ait pris cette (i) Tacit. lib. 4. 3 io VOYAGE qualification ; quoique Smyrne, Pergame 6c Ephefe fe foient arrogé la primatie, elles n'ont jamais pris le titre de Métropoles , que Sardes s'eft donné fous Gordien Pie dans les Médailles d'Afie , de Lydie 6c de Grèce. Une Médaille d'Augufte, où l'on voit 2APAIANHN KOlNOï ACIAC, donne lieu de penfer que cette Ville étoit déjà Métropole fous Augufte. Elle a été auffi trois fois Neocore ; elle obtint le premier Neocorat fous Adrien, le fécond fous Septime Severe, 6c le troifieme fous Caracalla. On célébroit à Sardes des Jeux particuliers qu'on appelioit XPÏSAN0EINA, à caufe des fleurs dorées dont on compofoit la Couronne deftinéeau vainqueur. Ces Jeux font mentionnés dans plufieurs Médailles ; on les célébroit tous les cinq ans comme les Jeux Pythiens ( i). On ne trouve pas dans l'Hiftoire l'origine de ces Jeux ChryfantkinSy 6c on ignore fous quel Empereur ils furent inftitués. Une Infcription citée par M. Smith, donne lieu de croire que l'époque de leur établiffement fe rapporte au règne de Trajan , parce que ce marbre contenoit un Décret de cet Empereur touchant l'inf-titution des Jeux Quinquennaux à Sardes. Il n'y avoit point d'autres Jeux particuliers , 6c affectés à cette Ville que les Chryfanthins, que l'on célébroit tous les cinq ans. L'on peut conjecturer de-là que ces Jeux font les mêmes que les Jeux Quinquennaux, dont il eft parlé dans le marbre de M. Smith, qui furent fondés fous Trajan , quoique les Médailles ne commencent à en faire mention que fous Caracalla. M. Smith n'a rapnorté oue quatre mots de cette Infcription E^HOISA- MENA T AXEION AfONA IIENTAETH, il a témoi- (i) Vaillant Numif. Imp. & Auguft. Qïxc. pag, 341. & Hard. Nuiffl, $.ut. iJluft. |>ag. 458, A T H V A T I R E , ôc. 311 gné le regret extrême qu'il avoit de n'avoir pas pu la copier toute entière ; je l'ai cherchée dans les ruines de Sardes fans pouvoir la retrouver, ôc je fuppofe qu'elle aura été enlevée par quelqu'un des Voyageurs Anglois qui y étoient venus avant moi. La Ville de Sardes a été une des premières qui embrafferent la foi de Jefus-Chrift ; elle fut convertie par l'Apôtre Saint Jean , ôc quelques-uns croyent que Clément, Difciple de Saint Paul, en fut le premier Evêque. Elle efl du nombre des fept Eglifes d'Afie citées dans PApocalypfe. On lit dans le premier Chapitre, ce Ecrivez un Livre de tout ce que vous voyez, ÔC *> envoyez-le aux fept Eglifes qui font en Afie. Ephefe, Smyr-» ne, Pergame, Thyatire, Sardes, Philadelphie ôc Laodicéc , « ÔC dans le Chapitre troifieme. « Ecrivez à l'Ange de l'Eglife qui efl à Sardes ». H efl certain que dès le premier fiecle il y avoit déjà à Sardes une Eglife floriffantc , ÔC un Evêque , on y voyoit des Perfonnages refpcctables par la fainteté de leurs, mœurs , ÔC qui ont mérité d'être loués par Saint Jean dans un autre paffage du troifieme Chapitre de l'Apocalypfe, ou cet Evangélifte dit. « Tu as auffi à Sardes un petit nombre de péris fonnes qui n'ont point fouillé leurs vêtemens, ÔC qui mar-» cheront avec moi en vêtemens blancs , parce qu'elles en » font dignes ». Sous le règne de Marc-Aurele les Sardiens avoient pour Evêque Méliton , homme d'une piété exemplaire , ôC d'une érudition profonde, qui voyant les Chrétiens attaqués fans ceffe , ôc traduits chaque jour en jugement , compofa ôc préfenta à l'Empereur un Livre pour leur dé-fenfe, fuppliant ce Prince de faire ceffer la perfécution , Ôc de défendre aux Payens de les tourmenter davantage : ce Saint Prélat augmenta infiniment l'Eglife de Sardes, ôc attira un grand nombre de Profélites par la fainteté de Tes maximes, la pureté de fes mœurs, 6c le don de prophétie dont il étoit doué. Dans le temps où les Ariens abufoient de la faveur des Empereurs, Heortafius , Evêque de Safdes, fut un de ceux que les Hiftoricns appellent Semi-Ariens , ce qui fit un tort confi-dérable à cette Eglife. Après la deftrudKon de l'Arianifme, 6c lorfque la Doctrine orthodoxe fut rétablie, elle reprit fon premier luftre. Dans le cinquième fiecle , Mœonius, Evêque de cette Ville , époufa le parti de ceux qui avec Jean d'An-tioche, fe déclarèrent au Concile d'Ephefe en faveur de Ncf-torius contre Cyrille (i). .Sardcs a produit plufieurs Hommes illuftres. Strabon fait mention de deux Diodores, tous deux Orateurs. Le plus ancien , furnommé Zonas , défendit plufieurs fois la caufe de fAfie. Lorfque Mithridate envahit l'Afie Mineure, il fut ac-eufé d'avoir excité à la révolte 6c à la défection plufieurs Villes entraînées par fon éloquence ; mais il fe juftifia, 6c vint k bout de fe purger de cette aceufation. Le fécond Diodore , que Strabon dit avoir été fon ami particulier , étoit Auteur de plufieurs Livres d'Hiftoire , on avoit auffi de lui des Odes ôO d'autres Poëfies , qui refpiroient le goût antique (2). Deux autres Ecrivains célèbres ont auffi illuftré cette Ville, L'un eft Eunapius, qui a donné les Vies des Phiiofophcs 6c des So-phiftes, 6c l'autre eft Polyamus , Auteur de Ruit Livres de Stratagèmes (3). Le territoire de Sardes étoit renommé pour certaines pro- (1) Marcel1' Antiq. Chrift, lib. 2. pag. 132. (2) Strabon. lib. 1 3, (3) Thom. Pined, in Steph. voce Sarcli?» ductions. ductions. La Pierre précieufe qui a retenu fon nom , ôc que nous appelions Sarde, ou Sardoine, y a été découverte , ôc ce fut là qu'on en trouva les premières Mines ( i ). Pline rapporte que l'arbre qui porte l'encens croiffoit en abondance en Lydie , 6c particulièrement à Sardes, ou les Rois d'Afie avoient pris foin d'en faire des plantations (2). Ce Naturalifte 6c Athénée ont vanté les Châtaignes de Sardes, appellécs par les Grecs "Zetofiavw fèaAÛvyç 6c iLapJUwç fiaXavyç , au féminin. Ce nom leur avoit été donné, parce que les premières qui avoient paru en Grèce étoient du cru de cette Ville. Diofcoride les appelle Aïoç fiuÂaiyç ; mais Pline obfcrvc qu'on nommoit ainfi les Châtaignes de la première qualité , que nous connoiffons aujourd'hui fous le nom de Marons (3). Les Sardiens ont paffé chez les Anciens pour un Peuple in-duftrieux, 6c avoient chez eux plufieurs Manufactures célèbres. On lit dans Pline 6c dans Hyginus > que les Lydiens inventèrent l'art de travailler la laine, 6c que les premières Fabriques furent à Sardes (4). On y fabriquoit avec beaucoup de perfection ces Tapis de laine veloutés en forme de Panne, dont les Manufactures fe font confervées jufques à nos jours à Ouchaky à Koula , à Guerdcs „ à Céfarée, ôc dans plufieurs autres Villes de la Natolic , ÔC qui font encore actuellement un des grands articles du commerce de Smyrne. Athénée nous apprend que les Rois de Perfe traverfoient à pied la Salle des (1) Plin. lib. 37. cap. y, (z) Plin. lib. 12. cap. 14. & lib. 16. cap. $ 2. (?) Plin. lib. 15. cap. 23. Achénée. lib. 2. pag. 54. Diofcond. lib. i;. cap. 145. (4) Plin. lib. 7. cap. 56, Hygin. Fabul. 274. • Rr Porte-MaiTucs, fur des Tapis veloutés qu'on appelioit Tapis de Sardes , de fur kfquels le R.oi feul avoit droit de marcher. ( i ) Le même Auteur dit au:îi crue l'on compofoit à Sardes beaucoup de parfums précieux que les Sardiens aimoient palf onné-ment, de qui faifoient partie du luxe auquel ce Peuple étoit extrêmement adonné (2). Un Poëtc cité par Athénée dans fon quinzième Livre , appelioit les parfums l'ornement Sar-dien (3). Les Médailles de Sardes font nombreufes , fur-tout les Impériales ; celles qui ont été frappées en l'honneur de la Ville, ne font pas abondantes. Une des plus renommées efl celle qui a été publiée par Seguin , de rapportée aufli par le Pere Hardouin , où l'on voit une Tête de femme voilée, de couronnée depics de bled , avec cette légende CAPAIC ACIAC ATAIAC EAAAAOC. A MHTPOnOAIC. Sardes, * première Métropole de l'Afie > de la Lydie & de la Grèce. Au revers Pluton dans un Char à quatre Chevaux , la tête entourée d'un voile flottant, fymbole de la Divinité , tient du bras droit Proferpinc qu'il enlève, de de la main gauche un Sceptre. Sous les pieds des Chevaux efl un Vafe , ou bien le Panier dans lequel Proferpinc ramaffoit des fleurs. Pour légende Enl COTA. EPMOOIAOT ACIAPX. Et à l'exerçue SAPAIANftN. B. NEHKOPnN ,fius l>Afiarque Sul-pitlus Hermophllus. Sardes Neocore pour la féconde fois. Seguin a jugé avec raifon que cette Médaille avoit été frappée du temps de Gordien , à caufe du nom du même Magiflrat (0 Athénée, lib. 11. pag. 514. (2) Athénée, lib. 15. pag. 691. (3) Ion in Omphale apud Athena% lib. 15. cap. 12, A T H Y A TIR e, 6c. j i s Sulpitius Hermophilus , que l'on voit clans une Médaille de cet Empereur. Je le crois également fondé dans l'opinion qu'il avance , que la Tête voilée de cette Médaille célèbre étoit celle de Tranquilline, femme de Gordien , repréfentée fous la ligure de Proferpine ( i ). Le même Auteur rapporte une féconde Médaille de Sardes qui n'eft pas moins finguliere. On y obferve une Tête de Femme couronnée de Tours , ÔC voilée , avec la légende CAPAIC, ôc au revers Proferpine habillée comme le font aujourd'hui nos Moines Dominicains , avec un Capuchon, un Camail, une Soutane ôc un Manteau ; elle a fur la tête le Modius 3 ou le Boiffeau, à fa droite un épie de bled, Ôc à fa gauche une fleur, Ôc pour légende CAPA1A-NflN NEnKOPIlN. Quelques-uns ont cru que la figure du revers étoit celle de Jimon , mais le Pere Hardouin a prouvé que ce ne pouvoit être que Proferpine , ôc 1 on peut voir fa favante difeution touchant l'habillement de cette Déeffe (2). On doit conjecturer par la légende du revers, que cette Médaille eft antérieure à Caracalla , puifqu'elle a été frappée dans la première Neocorie de Sardes, qui lui fut accordée par Adrien. M. Haym a publié dans fon Tréfor Britannique , deux Médailles de cette Ville, qui font très-remarquables. On trouve dans la première le Bufte du Dieu Lunus, avec le Bonnet Phrygien , ôc un Croiftant qui s'étend d'une épaule à l'autre. La légende eft MHNACKHNOC. Au revers on voit le Fleuve Hermus couché, appuyé fur fon Urne, tenant de la main droite un rofeau , ôc de la gauche une Corne d'abondance 9 (1) Seguin. Select. Numif. pag. 28. (2) Hard. Num. Ant. illuft. pag. 441. Rr ij avec ces mots CAPAIANHN. B. NEaKOPilN, & à l'exerp-iie EPMOC. La féconde a la même Tête ôc la même légende , ôc au revers un Timon Ôc une Corne d'abondance en fautoir. CAPAIANHN. B. NEfïK. M. Haym croit que le mot ACKHNOC , lignifiant en Grec, qui n'a point d'abri, ou comme nous difons vulgairement , qui couche a la belle étoile, eft une épitbetc de MHN, ou du Dieu Lunus ? qui lui a été donnée, à ce qu'il prétend, pour exprimer le mouvement perpétuel de cet Aftre, qui ne s'arrête jamais. Je croirois plutôt que ce mot ACKHNOC , efl le nom du Magif-trat. Car la propriété de marcher fans celîè n'eft point particulière , ni affectée à la Lune , elle lui eft commune avec le Soleil ôc toutes les Planètes. M. Haym prétend auffi , d'après Li-lius Gyraldus, que le Dieu Lunus eft le même que les Phéniciens délignoient fous le nom d'Héliogabale ou d'Elagabale ; mais il fe trompe. Les Syriens ôc les Phéniciens n'ont donné le nom d'Elagabale qu'à Jupiter ôc au Soleil, à caufe de fa rotondité. Quoique l'adjectif Elagabale , tiré des deux mots Hébreux Aghol ôc Baal 3 le Dieu rond , ou la Divinité ronde put également convenir à la Lune. Seldenus penfe que les Ma-térialiftcs , qui ne reconnoiffoient d'autre Dieu que le Monde, comme dit Cicéron dans fon Traité de la Nature des Dieux , donnoient auffi Fépithctc d'Elagabale au Globe ou à la Sphère du Monde (i). Strabon, dans fon douzième Livre, parle des Temples de ce Dieu Lunus ®«» Nlwoç , qui étoient en allez grand nombre dans l'Afie Mineure, il dit qu'on lui donnoit le nom de isAww , qui veut dire la Lune (2). Ce Dieu a auffi été ,i— — ■ i —m i—mwii 11 mm—j^pww"......iiiiwiwi———pwrrr—* (i) Seldenus de Diis Syriis, (f.) Strab. lib. iz. A TH y AT IRE, 6c. 317 appelle Ka/zaps/n/ç, du mot Arabe Kamcs, qui cil: le nom du même Aftre, comme on peut le voir dans les Médailles frappées à Nyfa en l'honneur d'Adrien ôc de Marc-Aurele KA- MAPE1THC NrCAEHN ( i ). Vaillant rapporte, d'après Feftus, que les Anciens repréfentoient le Char du Dieu Lunus, traîné par un Mulet, pour montrer la ftérilité de cet Aftre , qui n'a point de lumière par lui-même, ôc la reçoit du Soleil, cle même que le Mulet, qui n'a point la faculté d'engendrer fon femblable, ÔC doit être engendré par le Cheval (i). On trouve chez le Pere Hardouin deux autres Médailles de la Ville de Sardes, la première avec la légende 2AP- AIANHN. E4>E2II1N. B. NEQKOPnN OMO- NIA. Elle paroît avoir été frappée après Adrien , Se avant Caracalla , puifqu Ephefe qu'on y voit qualifiée de Neocore pour la féconde fois , obtint le premier Neocorat fous Adrien. La féconde fut frappée fous Septime Severe. La Ville de Sardes devoit être auffi alors dans fon fécond Neocorat, puifque fes deux premiers Neocorats lui furent accordés par les mêmes Empereurs. On lit dans la féconde Médaille ZAPAiANHN KAI ILEPPAMENaN. L'une indique la réunion des Sar-diens , avec les Ephéflens, ôc l'autre avec les Pergaméens , pour la célébration des Jeux (3). J'acquis dans mon Voyage de Sardes une Médaille de cette Ville que je n'ai vue nulle part , ôc qui je crois n'a pas encore paru. Il y avoit une Tête de Femme couronnée, fans lé- (1) Vaillant. Num. Imp. & Aug. Graec. pag. 25» (ij Ibid. pag. 196. (jj Hard. Num. Ant. illuft. pag. 44$, gende, Ôc au revers une colonne avec la légende ZAPAIA-NnN. Je donnai cette Médaille à mon Pere , qui l'envoya , je crois, à Ton ami M. Pellerin. Je joindrai ici 1 enumération des principales Médailles Impériales frappées à Sardes. Auguste. La Tête d'Augufte, au revers l'Empereur donnant la main à une Femme couronnée de Tours , l'une ôc l'autre figure tien-nent une lance MOTSAlOS SAPAlANnN flEPr/A-MHND.N. La Concorde des Sardiens ôc des Pergaméens fous Mufxus ( i ). Drusus et Germanicus. Les Têtes de Dru fus ôc de Germanicus AP0T202 KAI-SAP. TEPMANlKOS KA12. AAEA4>Ol. Au revers une Couronne dans laquelle on lit KOlNOT ACIAC, la Communauté d'Afie ; ôc autour de la Couronne la légende Enl. AAEHANAPOT KAEftNOZ 2APAlANnN, fous Alexandre Cléon (2). Je rapportai à mon Pere de mon voyage de Sardes une Médaille de Germanicus , qui n'a pas encore été publiée. On J voyoit la Tête de ce Prince KAI2AP 2EBASTOS FEPMANIKOS, Ôc au revers Diane aflife , tenant de la droite une Victoire, ôc de la gauche une lance, EllI T. 4>A. (1) Vaillant. Num. Imp. Se Aug. Graec. pag. 5. (2) Vaillant, pag. 10. Hard. pag. 437. MHTP. 2APAIANHN , fous Caïus Flavius Mctrodorus. Cccte Médaille pourroit auili appartenir à Claude. Claude. La Tête de Claude , au revers Pallas armée 2APAIA-NHN AMA2EIA2 , la Concorde des Sardiens avec les Amafécns , (i)ou lifez MNA2EAZ , nom de Magiftrat. Néron. La Tête de l'Empereur NEPON KAT2AP , au revers la Tête d'Hercule couronnée de lauriers SAAlANlîN. EflL MINAIOT, fous Mindius. La Tête de l'Empereur, avec le même revers , & pour lé-gende CAPAIANaN Enl. TLMNACEOT, fous Tinv nafeus (2). Vespasien. La Tête de l'Empereur, au revers une Couronne de laurier dans laquelle on lit 2APAIAM1N (t). domitien. La Tête de l'Empereur, au revers une figure debout, tendant la main droite, èc tenant de la gauche une lance AAO-AIKEON 2APAIANX1N. La Concorde de Sardes & de Laodicée. (1) Patin, pag. 79. Hatd. pag. 437. (2) Tref. Brit. vol. 2. p. 188. (3) Vaillant, pag. 21. 3io F O Y A G E Hercule debout, préfentant quelque chofe à Jupiter affis Se appuyé de la main gauche fur fa lance Effl MHTPOAH-POï TO. B. SAPAIANON, fous Métrodore, Archon-te des Sardiens pour la féconde fois. Tmolus 6c Pergamus , avec la barbe &. la tunique , fe tenant par la main AHMOC CAPAlANnN. AHMOC nEP-TAMHNUN. Le peuple de Sardes & le peuple de Pergame (i). Jupiter étoit particulièrement honoré à Sardes, il eft appelle le Protecteur de la Ville dans une Infcription rapportée par M. Spon. AETKION IOTAION BONNATON ANAPA ESC nPOrONHN MErAN KAI «DIAOriATPlN APXIEPEA THE ASUS NAON TflN EN AÏAIA SAPAUNnN KAl IEPEA MEr ISTOï nOAIEOS AIOS AIS APXIEPEA tx1n TPInOAEÏ^ KAI STE*ANH$OPON KAI IEPEA TIBEPlOï KAlSAPOï KAI STP ATHrON nPOTONAlS KAI AmNOGETHN AlAPIflN EN AEIAS rENOMENHS KATA TON AHMON MErA AOtïX^ IXPHSAM ENOS EK THN IAIilN EIS EfflKOï Stephanophore ôc Prêtre de Tiberius Caefar , premier Strate-gue pour la féconde fois, ôc Agonothete des Fêtes.....lequel dans le temps de difette a fait éclater fa libéralité ôc fa munificence envers le Peuple , a diftribué à fes dépens un boif-feau de bled à chaque Citoyen > ôc a exercé avec diftin&ion toutes les Charges de la Patrie. D o M i t i a. La Tête de l'Impératrice, au revers deux Femmes fe donnant la main Eni. MHTPOAnPOÏ TO. B. 2AP- AlANaN , fous Métrodore , Archonte des Sardiens pour la féconde fois ( i ). Trajan. La Tête de l'Empereur , au revers Pluton dans un Char à quatre Chevaux enlevant Proferpine ETH APlZHAO AP. SAPAIANUN, fous Arizele , Archonte de Sardes. Hercule debout, tenant de la droite une Parère , & de îa gauche fa lance renverfée avec des dépouilles AP. IO. AI, BflNlANOY SAPAlANilN , fous Julius Libonianus, Archonte de Sardes ( i ). (1) Vaillant, pag. 25, (2) Ibid. pag. 5Q. sr P l o t i n e. La Tête de l'Impératrice, au revers un Cavalier courant, armé de fa lance CAPAIANflN nEAOÏ \ fous Peducius (0. L'Empereur à cheval ZAPAlANflN (2). M a r i a n a. La Tête de l'Impératrice, au revers un Cavalier courant, armé de fa lance SAPAIANHN nEAOÏ, fous Peducius (3)- Adrien. La Tête de l'Empereur , au revers un Temple IIA4>IH SAPAIANHN. à la Venus des Sardiens (4). Sabine. La Tête de l'Impératrice, au revers un Cavalier defeendant de fon cheval nEAOT. SAPAIANaN, fous Peducius. Le Fleuve Hermus couché * tenant un rofeau EPMOC SAPAIANI2N(5). Antinous. La Tête d'Antinous, au revers Saturne debout , prêt à dévo* rer un Enfant SAPAIANON. (1) Vaillanr. pag. 3 1. (a) Hard. pag. 457. (3) Vaillant, pag. jir (4) Vaillant, pag. 36. Hatd. pag. 457. (5) Vaillant, pag. 38. A T H Y A TIR E > 6 c. 3z3 Apollon debout, tenant de la main droite fa Lyre 2AP- aiam2n NEfïKOPflN (1). Antonin Pie. La Tête de l'Empereur, au revers Bacchus debout, tenant de la droite une Patere, 8c appuyé de la gauche fur fon Thyrfe CAPAlANflN (1). Marc-Aurele. La Tête de l'Empereur , au revers un Caducée 2APAIA- NON (3). Une Corne d'abondance Eni AAPEIOT 2APAIA. NHN , fous Darius (4). Pallas armée ElU CTP. APET0$AN0TC CAP-AIANUN , fous le Préteur Ariftophane ( 5 ). Commode. La Tête de l'Empereur , au revers deux Figures debout , revêtuesde l'ornement appelle Tutule , dont l'une efl Junon, 8c l'autre Diane d'Ephcfe CAPAIANON E^ECIflN. B. NEaKOPHN. OMON. Concorde de Sardes Ôc d'Ephcfe , Neocore pour la féconde fois (6). (1) Vaillant, pag. 39. (2) Ibid. pag. 45. (3) Ibid. pag. 56. (4) Ibid. & Hard. pag. 438. (5) Hard. pag. 458. l$\ Vaillant, pag. 73. Sf ij Septime Severe. La Tête de PEmpcreur, au revers une Femme tendant la main droite, & tenant de la gauche une lance , & placée entre Caracalla & Geta, qui tiennent de la droite un Globe, & de la gauche un volume en rouleau , Eni. EnirENOrC SAPAlANnN AIC NEHKOPnN, fous Epigenes Sar-des, Neocore pour la féconde fois. Deux Temples de fix colonnes, fur le fommet defquels il y a deux différentes Couronnes Eni. T. IO. KPICllOï. APX. CAPAlANaN. B. NEflKOPnN , fous Caïus Julius Crifpus , Archonte de Sardes , Neocore pour la féconde fois Julia Domna. La Tête de l'Impératrice, au revers Proferpine finguliere-rcment habillée, ayant à droite un épi, 6e à gauche un Pavot CAPAlANflN. Jupiter enfant , tendant les bras , & au-deiTus de lui une Aigle avec les aîles éployées CAPAIANQN NEQKO- PaN. Un homme dans un Char, tiré par deux Dragons , ayant devant lui deux épis CAPAIANnNENEHKOPnN. Eni. (z) Deux Temples de fix colonnes EIJJ. T. 10. KPICnOï. APX. CAPAIANX1N AIC NEaKOPi2N, fous Caïus (i) Vaillant, pag. 87, {2) Ibid. pag. 94. Julius Crifpus, Archonte de Sardes , Neocore pour la féconde fois (i). Caracalla. La Tête de l'Empereur, au revers Pallas debout, tenant de la main droite une Patere, de la gauche une lance, ôc ayant à fes pieds un bouclier 2APAIANHN. Hercule nud debout, appuyé de la droite fur fa MafTiic , Ôc tenant de la gauche un arc. Devant lui Bacchus, tenant de la droite une Coupe , & dé la gauche un Thyrfe , avec un Ti^re à fes pieds CAPAlANaN. B. NEaKOPaN. Jupiter debout, tenant de la droite une Aigle, ôc de la gauche une Lance. Pallas debout, tenant de la droite une Patere, ôe de la gauche une Lance ôc un Bouclier. Un Lion, au fommet une étoile. Ces trois dernières Médailles ont une même légende ZAPAlANHN. B. NEaKOPaN. Une Femme revêtue du Tutulc, Ôc*Caracalla avec îePalu-damentum ; un Autel entre les deux Figures. CAPAIA-NaN. B. NEaKOPaN, ôc à l'exergue XPïSANGEL NA. Les Jeux Chryfantins dont j'ai déjà parlé ci-devant. Pluton , dans un Char à quatre Chevaux, enlevant Profer- pine Eni. ATP. IOTAIANOT APX. TO. B. CAP. AI A NaN , fous Aurelius Julianus, Archonte de Sardes pour la féconde fois. Une Table fur laquelle il y a deux Vafes, ôc dans chacun (i) Hard. pag. 438. un rameau de Palmier Eni. T. CAA. KAAïAlANOT. APXON. TO. B. CAPAIAN£2n B. NEaxOPnN, fous Sallius Claudianus, Archonte pour la féconde fois de Sardes , Neocore pour la féconde fois. Une Femme couronnée de Tours, tenant de la droite un Timon ôc une Patere, 8c de la gauche une Corde d'abondan- ce Eni. POTcDOï. APX. CAPAIAN.QN B. NEH- KOPON, fous Rufus , Archonte de Sardes, Neocore pour la féconde fois» Une Urne avec une Palme Eni. AN. POTOï. APX. A. TOB. CAPAlANilN T. NEUKOPllN, fous Ant. Rufus , premier Archonte de Sardes pour la fcconde fois , de Sardes trois fois Neocore. Le même revers ElU -AN. POÏd>Oï APX. TO. I\ CAPAIANHN. T. NEaKOPON. Une Urne avec une Palme EDI. COTA. EPMOOï, Aurelius Rufus ( i ). Vaillant a lu avec raifon AN. Annius , furnom de ce Rufus, qui étoit de la famille Annia. Je me fuis en effet convaincu que ce n etoit ni Aï ? ni AH, par une Médaille que j'apportai à mon Pere, au retour de ma petite tournée. Elle me fut vendue à Sardes même par un Payfan Turc. On y voyoit la tête de Caracalla ATT. K. M. AïP. CEïH. ANTONEI-NOC , ÔC au revers une Table fur laquelle il y avoit trois Urnes ÔC trois Palmes Effl. AN. POTOOT APX. A. TO. f. CAPAlANaN TPIC NEaKOPaN. Les deux lettres AN. étoient fi parfaitement confervées, quelles ne iaif-fent plus aucun doute. Je dois obferver ici une contradiction manifefte de Vaillant au fujet des trois Neocorats de Sardes, On voit clairement par la Médaille de Caracalla, que cette Ville étoit déjà Neocore pour la troifieme fois fous le règne de cet Empereur , ôc que Vaillant le remarque lui-même dans l'explication qu'il donne d'une Médaille que j'ai citée , au revers de laquelle on lit : Effl. AN POï<î>Oï. APX. A. TO. B. CAPAlANaN r. NEaKOPaN. 11 sVxpli. (1) Hard.pag. 439. que en ces termes. Rufus ex gente Anniâ fuit 3 & Archon ite-rum ut tndicat nummus s qui Sardianos tertiam Neocoriam fub Caracalla accepijfe nos docet. Cependant en parlant de Sardes à l'article des Villes Neocores , il dit : Sardis quidem fub Adriano principe munifco primant Neocoriam 3 fecundam fub Caracalla , tertiam fub Valeriano , ut nummi eorum nos edo-cent. La contradiction eft évidente. Il n'y a pas lieu de douter que Sardes étoit trois fois Neocore du temps de Caracalla , puifque les Médailles en font foi. Il eft même indubitable que le troifieme Neocorat lui fut accordé par cet Empereur, puif-qu'on la voit fous le même règne qualifiée de B NEllKO-5 ôc puis de I. NEnKOPïlN, le fécond Neocorat doit être rapporté à Septime Severe , comme on le voit par les Médailles de ce Prince, que Vaillant lui-même a rapportées, où cette Ville eft appellée Neocore pour la féconde fois, de forte que fi elle avoit eu un autre Neocorat fous Valerien , ce feroit le quatrième. Elagaball La Tête de FEmpereur, au revers un Lion, ôc au fommet une Etoile CAPAlANaN. Quatre Urnes fur une Table, au bas de laquelle il y a un Vafe avec une anfe Eni. COYAn EPMOOlAOï APX. A. TO. B. CAPAlANaN. B. NEaKOPaN, fous Sulpitius Hermophilus , premier Archonte pour la féconde fois , de Sardes deux fois Neocore ( i ). (l) Vaillant, pag. u.^. Alexandre Alexandre Severe. La Tête de l'Empereur., au revers le Temple de Venus ITAcMH CAPAlANaN , la Venus Paphienne des Sardiens. Le Dieu Lunus debout, tenant de la droite une Pomme de Pin , &c de la gauche une Lance CAPAlANaN. B. NEaKOPaN. XPTSAN0EINA CAPAlANaN AIC NEaKOPaN , dans une Couronne de Laurier ( i ). Julie Mammée. La Tête de l'Impératrice , au revers le Dieu Lunus debout, tenant de la droite une Patere , &: de la gauche une Lance CAPAlANaN. B. NEaKOPaN. Une Corbeille de laquelle fort un Serpent, à droite un épi, & à gauche un Pavot Eni. T. AClN. NIKOMAXÔT. APX. CAPAlANaN. B. NEaKOPaN, fous Caïus Alinius Nicomachus , Archonte de Sardes, deux fois Neocore (2). Le Pere Hardouin rapporte une Médaille de la même Impératrice , frappée fous le même Magiftrat, avec une légende un peu différente Eni APX. T. ACIN NIKOMAXOT. qui fignifie le Sénat ou le Collège des Vieillards (3). On voit quelques fois le Sénat des Villes d'Afie appelle de ce nom. Le Pere Hardouin en cite une de Hicrapolis , qui a pour légende TE-POïClA IEPAriOAElTaN (4). Il eft même fait men-tion de la Gerufie de Sardes dans une Infcription rapportée par M. Spon , 6c trouvée dans les ruines de cette Ville. (1) Thom. Smith. Sept. Afiat. Ecclef. Notit. pag. 25. (2) Plin. lib. 3 5. cap. 14. (3) Vitruv. lib. 2. cap. 3. (4) Hard. Num. Ant. illuft. pag. 11 o. & Nor. ïn Plinii. lib. 35, cap» 14. h H BOTAH KAI O AHMOS KAI TEPOTSIA ETIMHSEN T1BEFION KAATAION TIBEPIOT TION KTPINA IOïAIANON nATEPA KAI TOïS TIOT2 ATTOT KAATAION AlOMENHN HPflA TIBEPION KAATAION XAIPEA HPilA nATPOS KAAOï KAI ArAGOï 2TPATHTOT AE KAI 2TEd>ANI$0 POT KAI TTMNA2IAPXOT KAI TAZ MErETAS ÀPXA2 KAI TAS AOinAS AEITOTPrlAS TH nATPIAI «DIAOTIMI2S KAI AT0AIPETHS EKTEAESANTOS TIOT2 KAAOïS KAI ArA0OT2 ETAAIMONAS 2EMNOTS METPlOTS TlEllAlAEïMENOTS lAOnATPlAAS KAI d>IAOnATOPA2. KAI TIBEPION KAATAION KPlSnON TATIANON APXANTA2 TAS IIAEETAS APXA2 KAI AElTOTPrlAS ENAOSHS. KAI Eni*ANil2 KAI TPAMMATET2ANTA Stephanophore ôc Gymnafiarque > ôc a exercé honorablement plufieurs emplois. Fils 3 bons r honnêtes , heureux , vénérables y modeftes , inftruits, ôc attachés à leurs Pères ôc à leur Patrie , ôc Tiberius Claudius Crifpus Tatianus , qui ont rempli avec gloire & diftindion plufieurs Charges y ont été Scribes. ôc ont dirige les Fêtes ou les Foires élaftiques. A une certaine diftance de cet Edifice , vers l'Orient des ruines, je trouvai un marbre de fix pieds de longueur , & de trois pieds & deux pouces de largeur, fur lequel il y avoit une grande £v belle Infcription , mais extrêmement maltraitée , & effacée en plufieurs endroits. Il me fallut travailler très-lono--temps pour recueillir ce qui étoit lifible , & je joints ici tout ce que j'ai pu en déchiffrer ; il y a trop de lacunes , & j'y ai fait trop de fautes pour que l'on puiffe efpérer qu'aucun Savant parvienne à la reftituer dans fon entier. Je ne voulus pas cependant négliger de ramaffer les lambeaux d'un Monument fi rcfpeclablc. V")ye\ la Planche page 346'. II eft parlé dans cette Infcription de l'Empereur , du Proconful , d'un Edifice, du Directeur, & de l'Entrepreneur, & elle paroît contenir un engagement des Habitans ou des Magistrats de la Ville de Sardes, par lequel ils promettoient de bâtir quelqu'Edificc, ordonné par l'Empereur, en vertu de l'Edit du Proconful, publié le cinq des Calendes de Mars, c'eft- à -dire , le 15 de Février, fous peine à eux , fi cet Edifice n'étoit pas achevé dans le temps preferit , de payer une certaine îomme au Fifc , comme cela fe pratiquoit quelquefois chez les Romains. La Ville de Sardes eft qualifiée dans ce marbre deux fois Neocore , ce qui prouve que le Monument eft du temps de Septime Severe , ou poftéricur à cet Empereur, fous lequel cette. Ville obtint le fécond Neocorat. Le partage INA\ IB. EïTTXHCTATHC , me donne lieu de faire une obfcrvation. Ces mots fuivis du verbe Oi\iO-AOfOTMEN , marquent incontcftablcmcnt la date de l'engagement ftipulé dans cette Pièce ; ÔC il me femble que les caractères INA*. ne peuvent fignificr autre chofe que l'indic- tion INAX. IB. par l'abréviation , c'eft-à-dire , INAlKTlH-NOS. IB. EïTTXHCTATHC , la très-heureufe douzième année de l'indiction. Il eft évident que les Sardiens contractant avec les Romains , fe font exprimes dans ANOï.........- THN IEPEAN TH2 SAPAIANHS APTEMIAOS ANHKEN TOT P02TNH APETHS ENEKEN KAI ETNOIA2 THZ EI2 AïTON. Apollonius j Pontife , fils dApollonius Theopha-nes, a exempté du Tribut de Minerve N. Pre-trelTe de Diane Sardienne , qui s eft confacrée à la Déeiîe avec piété ôc fainteté , qui célèbre les Sacrifices avec magnificence &: dignité, ôc dans la plus grande décence , ôc qui furpaffe les autres par fa modeftie } fa confiance ôc fa prudence en toutes chofes, ôc à caufe de fa vertu ôc de l'amitié qu elle a pour lui. Cette Inrcripcion efl une nouvelle preuve du cuite que les Habitans de Sardes rendoient à Diane. On y voit même cette Décile qualifiée de Diane Sardicne. Le Tribut dont fi Prê-treffe fut exemptée, étoit fans doute le tribut de la virginité que les Vierges payoient à Minerve , ôc dont il efl parlé chez plufieurs Auteurs. Vers ks cinq heures du foir j'avois parcouru à peu près tout ce qu'il y avoit à voir à Sardes. Je voulus pouflèr ma route jufques au Lac Gygée. Mais mon Guide m'alTura que l'on n'y trouvoit plus les moindres veftigcs d'antiquité, & que je me donnerois une peine inutile. Il me fit obferver d'ailleurs que la nuit me furprendroit, que je ne trouverois de ce côté-là aucun endroit pour y loger , & que je m'expoferois à me faire dépouiller, &c peut-être affafîincr par les Turcmens. Ces rc-préfentations me firent abandonner mon dcflcin. Ce Lac , appelle par Homère Gigée , Tvyatn X^vn ( i ) , par Strabon , & d'autres Auteurs plus modernes Coloes KoActt , cil: connu aujourd'hui des Turcs fous le nom de Enii Gheul, ou le Lac large. Il eft à environ deux lieues de Sardes , ce qui revient à peu près à la diftance de quarante ftades déterminée par Strabon. Quelques-uns ont cru que ce Lac avoit été creulé de main d'homme pour recevoir l'écoulement des eaux lors du débordement du Fleuve Hermus. Sur le bord de ce Lac écoit le Temple de Diane, appcllée Diane Coloene , où l'on prétend que l'on faifoit danier les Singes dans les jours de Fêtes,, chofe que Strabon regarde comme un menfonge. On voyoit auili autour du Lac Coloes , les Tombeaux des Rois de Lydie (i), & entr'autres celui d'Aliatccs, pere de Crœfus, dont Hérodote nous donne la defeription. Ce Tombeau avoir, au rapport de cet Hiftorien , fix ftades & deux arpens ou Plcthres* de circonférence , fur i 3 arpens de largeur ; la bàfe étoit fabriquée de grandes pierres, oc le refte du fépulchre éroic un amas de terre, il avoit été bâti par des Ouvriers payés, & par les fervantes. On voyoit encore fur fon fommet, du temps d'Hérodote , trois Termes fur lefqucls étoient gravés les noms de tous ceux qui y avoient travaillé , 5c il paroiffoit que les fer- (1) Homer. Iliad. 2. verf. 865. (i) Strab. lib. 13. pag. 430. vantes avoient le plus contribué à élever ce Monument célèbre , qu'Hérodote compare aux plus grands ouvrages des Babyloniens &c des Epyptiens ( i ). Je partis de Sardes à cinq heures du foir, 5c je repris la route de Smyrne. J'arrivai à neuf heures à un Vidage appelle Akmetlu 3 oii je palfai la nuit. Le lendemain zi de Septembre, je me mis en marche au lever du Soleil pour me rendre à Cajjaba. Je trouvai fur mon chemin dans un Cimetière entre Akmetlu & Dcrckcui, une Infcription très-bien confervée qui contenoit ce qui fuit. ArAeH TTXH h BOTAH KAI O AHMOS KEASON B. ArOPANOMI SANTA ETAOKIMOS ENAOnns ANÀSTHZANTOS TON AN API A NT A KEAZOT EPMIfinOT TOT flATPOS AYTOY, A la bonne Fortune. Le Sénat Se le Peuple ont honoré Celfus, qui a exercé deux fois la Charge d'Edile avec gloire (f) Herod. lib. r. pag. 44, Se diftinftion. La Statue a été élevée par fon Pere Celfus, fils d'Ermippus. J'arrivai vers les onze heures du matin à Cajjaba , qui pourroit être l'ancienne (Egara, ''Aiyâpa de Ptolémée , qui n'eft connue que de lui feul. On trouve dans les environs de cette petite Ville une grande quantité de marbres anciens par-femés dans les champs. Sur une petite Colline, à l'entrée de la Ville, j'en obfervai quelques-uns fur lefqucls il y avoit des fragmens d'Infcriptions. Je lus fur le premier qui fe préfenta à mes yeux , ces mots : APOTSON KAIS........... ........KOT KAISAPOS Te..... ................................ri...... Drufus Coefar, fils de Germanicus Cœfar y Sec. Ce Monument pourroit bien avoir été érigé en l'honneur du faux Drufus Impofteur , de l'âge à peu près de ce Prince , qui fc montra dans les Iiïes Cyclades 5 fur les Côtes de l'Afie , & en impofa fi bien à divers Peuples par l'éclat de fon ifom , qu'ils lui rendirent les plus grands honneurs , comme nous l'apprend Tacite (i). Sur un autre marbre, je recueillis avec beaucoup de peine un lambeau d'une Infcription en l'honneur d'Aurelius Cotta. (i) Tacic, lib. 4. 5. Annal. 3i4 VOYAGE I_,_,_ _ ......AïPHAla KOTTA...... .........SAMENflOï......... ......HEK......STPATA-rHS...... ......KAPMOï Ta ÏAMIA.... ......ETEPrETH II eft difficile de décider précifément fi elle appartient à Cotta le Pere, qui s'appelloit Marcus Aurelius Cotta , ou au fils qui avoit le nom de Caïus Aurelius Cotta. Je croirois plutôt cependant qu'elle eft relative au Pere, dont on connoît le Voyage en Afie l'an 684 de Rome , 70 ans avant Jefus-Chrift , lorfqu'il alla faire la guerre à Mithridate. Il y avoit dans le même endroit un autre morceau de marbre avec quelques mots dont on ne peut recueillir aucun fens. ........EIKEN MA........ KA©IEPfi2EN........ HN TATflN........ ZTPATONlKH........ Mais à quelque pas de là je découvris une Infcription parfaitement bien confervée. KAAYÀlnl KAI SAPtSEBASTa TEPMANI Km Ta AïTOKPATOPI H KATOI KIA EK TON IAIflN nOPHNTAS A . T H Y A T I R E , &c. iSS KPHNAS KAI TO EKAOXION KAI ta TAPArnriA ka©ieposen EniMEAHeENTOS ATTAAOï TOT ATTAAOï AlïOAAnNIOï KPANIOT La Communauté a dédié à fes dépens les Fontaines 3 le Réfervoir 6c les Canaux } à l'Empereur Claudius Cœfar Augufte Germanicus, par les foins d'Attalus, fils d'Attalus Apollonius Cranius* Je ne trouvai rien dans la Ville de CafTaba qui méritât la moindre obfervation. Je vis feulement dans un Kervanfaraï, ou Hôtellerie publique , un marbre fur lequel on lifoit ces mots : AYTOKPATOPA KAEAPA 2EI1TIMION 2EOTHPON 2E BASTON. J'allai dîner chez le Gouverneur de la Ville , qui me retint jufques à trois heures après midi. Je montai à cheval vers les cinq heures du foir ; je marchai une partie de la nuit , èc j'arrivai à Smyrne , le lendemain au lever du Soleil On trouvera au commencement de cette Relation une pe^ Yy ij 3 56 VOYAGE A THYATIRE , &c. tite Carte de ma route que j'ai dreffée avec exactitude, ôC qui détermine bien précifément la poiition des divers lieux dont j'ai parlé dans le cours de cet Ouvrage. Je fuis avec un profond refpect,, MESSIEURS,. Votre très-humble & très obéiftant ferviteur , PE YSSONNEL* —"-'iWiirn 3j7 TABLE DES MATIERES CONTENUES DANS CE VOLUME. I N s. Leur habitation. Page 16 Alphenus Arignotus. Infcriptions à fon honneur trouvées à Thyatire. 279 &fuiv. Ariftomenes. Infcription à fon honneur trouvée dans un Cimetière de Thyatire. 290 Artemagore. Infcription en fon honneur trouvée à Thyatire. i 8 7 Afdépiade. Infcription en fon honneur trouvée à Thyatire. 292 Attila. Ses commencemens. 44. Ce qui arrive après fa mort. 12 5 Avares. Leurs premiers exploits. 43. Leur premire apparition en deçà du Danube ; leur origine chez les Huns. 50. Conjectures à ce fujet. 57 <& fuiv. Ils reparoifTent fous le nom de Sclavons. ji & fuiv. DilTertation hiftorique à ce fujet. 71 & fuiv. Aurelius Cotta. Infcription à fon honneur. 3 5 5 & fulv- Aurelius Tkefeus. Infcription à fon honneur trouvée à Thyatire. 287 Bafile j-Empereur j fes guerres contre les Bulgares, 157 & fuiv. 1C1 & fuiv. Action cruelle de ce Prince. 1 cT 3. ïl met fin au Royaume des Bulgares. 164 Baftarnes 9 Peuples qui habitoient aux environs du Boryfthene , Se qu'on croit être une Colonie des Gaulois. 8 & 1 S Bofphoriens. Diverfes remarques fur ces Peuples Se fur les Villes anciennes qu'ils ont autrefois habitées. 8 3 & fuiv* Bogoris j Roi des Bulgares j fa con-verfion, qui occaiionna le Schifme dePhotius. 116 Bohémiens j ou Athingans. Leur origine. 109. Divifés en différentes Sectes, no. Ils font en grand, nombre dans l'Empire Ottoman j leurs mœurs. 111 & fuiv. Borisès j Roi des Bulgares , détrôné. M7 Bulgares. Leur établissement dans la Scythie, 296' fuiv. Ils forment une nation particulière. 45 &fuiv. Leur origine chez les Scythes. 50 & fuiv. Conjectures à ce fujet. 5 2 & fuiv. Leurs démêlés avec les Empereurs. 81. Leur Langue adopté© des Sclavons, Se leur Rit, 117 & TABLE ■ fuiv. Nouvelles guerres des Bulgares avec les Empereurs. 159. A qui ils confient leur Gouvernement. 157. L'Empereur Bafile marche en perfonne contre eux. 158. ll détruit leur Monarchie, ôc en fait une Province de fon Empire. 164& fuiv. Ces Peuples fe révoltent plufieurs fois. 166 & fuiv. Celfus. Infcription à fon honnneur. Chaires nom fous lequel commencent à fe montrer les Turcs Orientaux. 78. Ils ont habité finies côtes de la Mer de Zabach. 137 Cherfonefiies. Diverfes remarques fur ces Peuples, ôe fur les Villes qu'ils ont autrefois habitées. 83 & fuiv. Circaffîens. Leur religion. 17 2 Claudius Cefar Augufte Germanicus. Infcription à fon honneur. 5 5 4 & fuiv. Colchide. Defcription de ce pays, Ôc Obfervations Géographiques. 57 & fuiv. Les Mines de la Colchide. Comains. Ce que c'étoit que ces Peuples ; quel pays ils habitoient. 18 5. Obfervations Géographiques à ce fujet. i8(5 & fuiv. Ils ravagent les Provinces de l'Empire Grec. ï 99. Us jouent un rôle im portant dans les guerres des Latins contre les Grecs. 106 & fuiv. Ils embraûent le Chriftianifme. 21 o Conftantinople. x79' iSS &fuiv. Cofaques. Leur origine. 125. Divi-fion de ces peuples, j %6 Crimée j ou Cherfonefe Taurîque. Noms des Peuples qui l'habitent. 8 3 cv fuiv. Son commerce. 85. Obfervations Géographiques ou l'on trouve les noms & la pofition de toutes les Villes de l'ancienne Cherfonefe. 8 6 & fuiv. Croatie. Quels Princes gouvernèrent ce pays ? 170. Leurs affaires fous Alexis & Jean Comnene. 173 & fuiv. Crœfus. Son Tombeau. 3 51 Croifés. Ils vont à la conquête de la Paleftine. 1-/6 CufidGénéral des Turcs Hongrois > s'avance jufqu'au Danube, & y eft bien reçu. 1 z z Daces j Peuples connus fous différons noms. 8 Danube. Noms des pays fitués fur les bords de ce Fleuve , depuis fon confluent avec la Save, jufqu'à fon embouchure. Leur defcription , les Peuples qui les ont habités, 1 & fuiv. Les Langues que l'on y partait. 9 & fuiv. Obfervations Géographiques fur le pays qui eft entre le Danube & le fioryfthene. 149 Diadochus j Grand Pontife d'Afie ; Infcription trouvée à Thyatire, de faite à fon honneur. z6$ Diane. Infcription à l'honneur de cette Déelfe , trouvée à Thyatire, 253. Autre Infcription pour Diane. 2 5 5. Se 3 49 & fuiv. Drufus. Infcription à fon honneur, Euticlès. Infcription à fon honneur trouvée à Thyatire. 286 Fabius Sozimus. Tombeau qu'il a DES MATIERES. ?59 MJffllaB fait conftruire pour lui Se pour fa femme à Thyatire. 277 à fuiv. Gaulois. Leur invafion en Orient , fous la conduite de Brennus. 18 Genghizkhan. Commencement de ce Prince. 189 à fuiv. Ses conquêtes ôc fa mort. 208 61 fuiv. Goths. Leurs habitations. 25 & 27. Ils font fouvent confondus avec les Scythes. 28. Ils tentent de pafTer le Danube. 9. (S1 54. Ils perfécutent les Chrétiens. 37. Em-braflent l'Arianifme. Ibid. Rapidité de leurs conqucces. 38. Ils n'ont point d'Evèque fédentaire. Gygée j Lac aux environs de Sardes. 3$o&fuiv. Huns. Leur/ituation. 27. Leurs premières incurfions. 3 6. Leurs dif-férens avec les Goths. 37 & fuiv. Portrait de ces Peuples. 39. Ils font employés par Juftin contre les Perfes. 5 4 Infcriptions trouvées à Thyatire. 270 & fuiv. 274 o' fuiv. 281 & fuiv. 285 & fuiv- 289 & fuiv. 293 & fuiv. Infcriptions trouvées près de Smyrne. 354 & fuiv. Julius Donatus. Infcription à fon honneur trouvée à Sardes. 310 Julianus Tatianus. Infcription trouvée à Thyatire , faite à fon honneur. 272 &fuiv. Juflinien. Ses malheurs ôc fa mort. 8 2 & fuiv. Lœvianus. Infcription Grecque à l'honneur de ce Citoyen. 246 Laziens. Habitans de la Colchide. Leur commerce ôc leur manière de vivre. 5 5 & fuiv. Defcription de leur pays. $6 & fuiv. Léon le Sage , Empereur Grec j fes démêlés avec les Bulgares* 111 Licinius liujàius. Infcription faite à fon honneur, ôc trouvée à Thyatire. 2 £9 Lombards. Ils s etablilfem en Italie. 49 Médailles de la Ville de Thyatire. i<$6 & fuiv. D'Augufte. 258. De Néron. Ibid. De Julie & de Tite. Ibid. D'Adrien. Ibid. De Marc-Aurele, Ibid. De Commode. Ibid. g* yàiv. DeCrifpin. 260. De Sept. Severe. Ibid. De Julia Domna, Ibid. De Caracalla. Ibid. De Geta. 261. De Macrin. 262. De Dia-dumenien. Ibid. D'Elagabale. Ibid. De Julia Sirmia. 16 y. D'Alexandre Severe. Ibid. De Julie Mam-mée. 264. De Gordien Pie, Ibid. De Valerien, Ibid. De Colonia Salonina. 16 5. De Valerien le Jeune. Médailles de Sardes. 314. A L'honneur d'Augufte. 318. De Drufus & de Germanicus. Jte. De Claude. 319. De Néron. De Vef-palien. De Domitia. 521. De Trajan. Z&ûf, De Piotine. 322. De Mariana. Ibid. D'Adrien. Ibid. De Sabine. Ibid. D'Antinous. Ibid. D'Antonin Pie. 323. De Marc-Aurele. Ibid. De Commode. Ibid. De Septime Severe. 3 24. De Julia Domna. Ibid. De Caracalla. jiç, D'Elagabale. 32?. D'Alexandre Severe. 329. De Julie Mammée. Ibid. De Maximin. 331. De Maxime. 7£i ou Goths Orientaux. v "45 Pactole, Fleuve qui coule près de Sardes. 342 & fuiv. Reftes d'un ancien Edifice qui fe trouve près de là. 343 & fav, Patzinacites 3 Peuples voifins de la Mer Cafpienne. iz8. Ils s'emparent des terres des Turcs Hongrois. 13 G. Divifion de ces Peuples en différentes Tribus. 137. Ils font la terreur de leurs voifins. 1 58. Leur caractère. Ibid. Ils font une incurfion dans la Hongrie. ï 61 & fuiv. Leurs guerres avec l'Empereur de Conftantinople. 1686' fuiv. Guerre de Jean Comnene contre ces Peuples. 177 Phimacus Stephanophore j Infcrip-. &ion à fon honneur trouvée dans «raMBMHlHWBMaUH II Mil i IIIHHIII III11 IHHIHU» un Cimetière de Thyatire. 291 Probus. On lui eft redevable du vin de Bourgogne Se de Hongrie. 32 Romelie 3 nom donne par les Mahométans aux pays habités par les Romains & les Grecs. 11 2. Idée qu'on avoit alors des Romains. Rudsbeckius Auteur Suédois j fon fentiment fur les Argonautes. 14 Rujfes. Leurs premières excurftons vers le Midi. 120. Leur navigation dans le Pont-Euxin donne lieu à des obfervations Géopraphiques que l'Auteur a été à portée de faire fur les lieux. 141 & fuiv. Expédition mémorable de ces Peuples contre les Grecs. 148. Ils tentent de s'établir dans la Bulgarie. 155. Leur mauvais fuccès. 156 Saint Ethere. Situation de cette Ifle. 144 & fuiv. Sardes j Capitale de Lydie , où arrive M. Peylïonnel. 299. Particularités concernant cette Ville. 300 & fuiv. Infcription fur la Ville de Sardes. 309. Médailles concernant cette même Ville. 310, 314 & fuiv. Infcription rapportée par Spon fur la Ville de Sardes. 310. Ancienne fituation de cette Ville. 335. Beau Monument que l'Auteur a trouvé à Sardes. 336 & fuiv. Débris de la Citadelle de cette Ville. 340. Infcriptions qu'on y trouve. 341. 3 44 «S5 fuiv. Autre Infcription près de Sardes. 446 & fuiv. Temples près de cette Ville. 347 & fuiv. Autre Infcription. 349 &fuiv. Sclavons. Leur première apparition en DES MATIERES. 361 en deçà du Danube. 50. Leurs démêlés avec les Empereurs. 81 Secundus Mannianus fait mettre fur un Marbre à Thyatire une Infcription à l'honneur de fes parens. 288 Serviens. Révolte de -ces Peuples. 178. Troubles dans cette Nation. 181 & fuiv. Ils font défaits par Manuel Comnene. 184 Scythes. Leurs premières tranfmi-grations fur les rives du Pont-Euxin. 13. Leurs guerres avec les Rois de Perfes ôc de Macédoine , ôc avec les Romains. 16 & fuiv. 10 & fuiv. 18 &'fuiv. Les Empereurs leur cèdent des poirellions. 32, Le Chriftianifme eft introduit chez ces Peuples. 3 4. Ce qu'on entend par les Scythes Georges j Scies Scythes Nomades. 40 & fuiv. Ils font convertis par Saint Chry-foftôme. 41. Ils font la guerre aux Empereurs Grecs. ' 48 Selina , petite Me où l'Auteur fut) jette par une tempête. 145 & Tartares. Leur irruption en Europe fous le règne de leur Prince Bo-toukhan. 2.09 Théodoric, Roi des Oftrogoths, pafle en Italie, ôc défait Odoacre. 46 Théophile 3 Empereur Grec. 114 Thyatire. Ses anciennes dénominations. 147. Particularités concernant cette Ville. 149 & fuiv- Son ancienne fituation. 265 Tmolus j Montagne près de Sardes. 3 37 & fuiv' Téomi j déclarée Métropole de la Scythie. 4° Turcs Hongrois. Leurs commence-mens. 114. Ils font une invafion dans la grande Moravie. 121 6' fuiv. Quelle étoit alors leur fituation. 114. Leurs démêlés avec différentes Nations. 129 & fuiv. Fable qu'on raconte à leur fujet. 130. Tentatives de ces Peuples pour entrer dans la Pannonie. 131 & fuiv. Leurs victoires dans ce pays. 133. Quelle étoit la Langue des Turcs Hongrois. 13 4. Ils recommencent leurs courfes dans l'Empire. 15 4. Ils tournent leurs armes vers l'Occident. Conversion de fes Peuples fous le règne de Saint Etienne , Roi de Hongrie. 1Go. Ils font en guerre avec l'Empereur de Conftantinople. 161 Valerien. Trifte fort de ce Prince» Vandales. Voifins de la Mer Baltique. Ils font la guerre au Peuple Romain. 24. Vont s'établir en Efpagne , de-là en Afrique. 256* fuiv. Vitalien , Général Scythe j fes victoires ôc fa mort. 48 Vies, Peuples voifins de la Mer Cafpienne. 128. Ils défolent l'Empire fous le règne de Conftantin Ducas. 170 Walaques. Leurs incurfions fur les terres de l'Empire Grec ; leur origine. 1926' fuiv. Continuation de leurs ravages dans ce même Empire. 200 &'fuiv. Origine de la Principauté des Walaques. 211 & fuiv. Wolomir j Prince des Rufles , euv Zz 3<$2. TABLE DES MATIERES. bralfa la Religion Chrétienne. règne de ce Prince , & fes vic- 158 toires contre les Ruifes. 155 & Zimifcès. Evénement glorieux du fuiv. Il meurt empoifonné» 15 7 Fin de la Table des Matières, 3^3 APPROBATION. J'Ai lu par ordre de Monfeigneur le Vice-Chancelier, un Manufcrit intitulé : Obfervations Hijioriques & Géographiques fur les Peuples Barbares qui ont habité les bords du Danube & du Pont-Euxin j &c. ôc je crois qu'il ne peut erre que très-utile. A Paris ce 27 Juin 1765. DE GUIGNES. PRIVILEGE DU R O L T i OUIS, par la grâce de Dieu , Roi de France ôc de Navarre : A nos amés ôc féaux Confeillers , les Gens tenans nos Cours de Parlemens , Maîtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel, Grand-Confeil, Prévôt de Paris , Baillifs , Sénéchaux, leurs Lieutenans Civils, ôc autres nos Jufticiers qu'il appartiendra : Salut , Notre amé le Sieur Tilliard , Libraire à Paris , Nous a fait expofer qu'il défîroit faire imprimer , Ôc donner au Public un Ouvrage qui a. pour titre : Obfervations Hijioriques & Géographiques fur les Peuples Barbares qui ont habité les bords du Danube & du Pont-Euxin avec une Relation d'un Voyâge fait à Magnéfie 3 a Sardes & à Thyatire 3&c. par M. de Peyffonnel j Conful de France à Smyrne j s'il Nous plaifoit lui accorder nos Lettres de Permiflion pour ce nécelfaires. A ces caufes , voulant favorablement traiter l'Expofint, Nous lui avons permis Ôc permettons par ces Préfentes, de faire imprimer ledit Ouvrage autant de fois que bon lui femblera , ôc de le vendre , faire vendre ôc débiter par tout notre Royaume pendant le temps de trois années confécutives , à compter du jour de la date des Préfentes. Faifons défenfes à tous Imprimeurs, Libraires, Ôc autres perfonnes , de quelque qualité ôc condition qu'elles foient, d'en introduire d'imprefïion étrangère dans aucun lieu de notre obciffance. A la charge que ces Préfentes feront enregiftrées tout au long fur le Regiftre de la Communauté des Imprimeurs & Libraires de Paris , dans trois mois de la date d'icelle j que l'imprellion dudit Ouvrage fera faite dans notre Royaume , &: non ailleurs, en bon papier ôc beaux caractères , conformément à la feuille imprimée attachée pour modèle fous le contre-fcel des Préfentes j que l'Impétrant fe conformera en tout aux Réglernens de la Li- brairie*!^&: notamment à celui du 10 Avril 1715 ; qu'avant de l'expofer en vente , le Manufcrit qui aura fervi de copie à l'imprcflion dudit Ouvrage > fera remis dans le même état où l'Approbation y aura été donnée , ès mains de notre très-cher & féal Chevalier , Chancelier de France , le Sieur de La-moignon , Se qu'il en fera enfuite remis deux Exemplaires dans notre Bibliothèque publique , un dans celle de notre Château du Louvre , un dans celle dudit Sieur de Lamoignon , Se un dans celle de notre très-cher Se féal Chevalier , Vice-Chancelier Se Garde des Sceaux de France , le Sieur de Maupeou y le tout à peine de nullité des Préfentes : du contenu defquel-les vous mandons Se enjoignons de faire jouir ledit Expofant, & les ayans caufe , pleinement Se paisiblement, fans foufirir qu'il lui foit fait aucun trouble ou empêchement. Voulons qu'à la Copie des Prcfentes , qui fera imprimée tout au long au commencement ou à la fin dudit Ouvrage , foi foit ajoutée comme à l'Original ; Commandons, au premier notre Huiiîier ou Sergent > fur ce requis, de faire pour l'exécution d'icelles tous Actes requis Se néceffaires , fans demander autre permiilion , Se nonobftant clameur de Haro, Charte Normande , Se Lettres à ce contraires : Car tel eft notre piaifir. Donné à Compiegne , le feptieme jour du mois d'Août, l'an de grâce mil fept cent foixante-cinq, Se de notre Règne le cinquantième. Par le Roi en fon Confeil, LE BEGUE. Regiflréfur le Rcg/jtre XVI. de la Chambre Royale & Syndicale des Ll-hraires & Imprimeurs de Paris j N°. jb'j. Fol. 34j. conformément au Règlement de J Paris ce 14 Août 176s. LE BRETON, Syndic, De l'Imprimerie de CF. SIMON, Imprimeur de la R ei n e Se de l'Archevêché , rue des Mathurins. 176$. ..............--OCIA TA-o/koaom^-N k......H..............H............ 'TTTïATOY $AB. JTATP/KfOTTOY AAMJ7— KAITOY AtfAûÔH Combwoy riPotMNyc xaaana&n rvîAPTJ-aN BrtTHAAMrt, XAt AUAffOKOPJlN C APA* MHTPôTt* /Ha5jB- eYTYXÉCTA TtfC KAI MHNOC AECtOY t£TAPTH OMOAOrOYMéN /S. A YJ> H Al ANil TtO ÔA YMAC/O) 7* TcO KAI KA^CJUtaNSÉN W M» ÎCTPtAf^tfAI €KA*HC AÏTHC TTéPf^A*^.....- YC.......... MHTPOn.TA mOTBTArMtMA KATHrortACMAJxtforc JXi^AMtNH H CH GAXMACiayTHC KATA AXA^QPSLH TîNXLK --------A»N MBr— -r„N M êTTON THN TBXMUN COC é/M.Xe.PlCOME NSUV £?rA 0(KùAOMIKA KAi ATtAHTA AYTA KATA A IMITA Ni^N KAI CMÎTOAiZ-------TCûN TOlCêHt AOTCOCAN ACT/AC -----.....M--.A__.Ctf.....iPtoAOTî iriWOMéNHN_____......-........-............ - ———rfePL-.-Ô/VSO.../f......YM6NHH £J7é_ZHTHC€4M........................ ......-.......CTP....CUAON______* KA1..........m oc f AN.................... ---------.....Hc°.....O-----------K.A16........M......-YW6CA THM...................... .....---------°T-..ÔN...........KAI TMN CtOTWPtAN KAI -----------------toït.........-MeNH Af acontôc.....-......................... --..............— AiTOKVATOPoC tl A H TA TA e?VA...........—. .......--------N6P......AT___._ai0Y-..._At4rTOT£ ton______...................... ------.............-......€TO/Mor....OATXOC TOY êPrOAOTOi.......-...........- ........... ......-ATtcAH tac.......(C e oyc..........o\A-........—........... ............-...........6 N HT tTT-.......fi oAA......HCAN........-.....................- ..............------.......A ICÛT£\\..........tt £amNCOCIA.............-......-.......... -- .........-...............-Ai 6TéTe..............rrsxNHN to..........-..............-• ..........................-.....-ANA......A WPOI.........AttAONOr-............r.....- ......................,.....— IÎ-—x)YM€W---------TOI toyc nap-................... ........-.........v-TOYH...-OJTX>YA......-TA Y......fO TflOJCCI.--.........- -------.................?T£N (VfHA€ M/AC HN U?Q^AC€CJU........... ........................»ANA"Sôico Aerro?er—.ncaroN 6P .......- -.................fcNOY KA4_*C<_>..........é.^iV KAf ePrOYN- -.......... - -.......-...........Mfcc-aesAMeNoY £rré...........................-Totoy ......----------.......&co .............................-10AOY AN6SIf......Ko________N......OCÉNePrA HM6FAI ............................€PYTO> T6XNf THM TO>eproAAB- 6~ANT£îTO ............................ec........hcuisï........hco eNAnepinec.-M ton t£ .........-.............MëVAC ne....M6>NlN.........A/ÉPf4ûOTt MeTAAO........ ......................AMANTCÙN £1.....-OC......METCON U m£NYMN\\......... .......................azgcoh 111 TÔT. 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