21Tomislav Frleta: LA PERSONNE DANS LES SYSTEMES LANGAGIERS Tomislav Frleta UDK 81'367.62 Université de Zadar DOI: 10.4312/vestnik.16.21-37 Croatie Izvirni znanstveni članek tfrleta@unizd.hr LA PERSONNE DANS LES SYSTEMES LANGAGIERS 1 INTRODUCTION1 Au cours de l’histoire, la triade latine ego-hic-nunc (moi-ici-maintenant) a été étudiée par un grand nombre d’auteurs. Ces trois mots représentent les notions qui sont le point de départ de toute langue. Nombreux sont les livres qui traitent de la problématique du temps (évi- demment ceux qui traitent de la morphologie, de la sémantique… du verbe) par exemple, Guillaume, Temps et verbe (1929), Klum, Verbe et adverbe (1961), Revol, Introduction à l’ancien français (2005)2, pour n’en mentionner que quelques-uns. Puis il y a beaucoup de livres qui étudient l’espace (mais sont relativement moins nombreux que ceux qui étudient le temps). Ces livres se concentrent principalement sur les déictiques (ici et là) et les études comparées comme celui de Vanderbauwhede, Le déterminant démonstratif en français et en néerlandais (2012) pour ne mentionner que l’un des derniers qui traitent de cette problé- matique. Et il y a un certain nombre d’ouvrages qui traitent de la personne (plutôt gramma- ticale) mais leur nombre est relativement pauvre par rapport aux livres, études, chapitres consacrés aux deux premières notions de la triade mentionnée. Les raisons pour cela peuvent être très variées mais on a l’impression que les lin- guistes traitent de la catégorie de la personne comme quelque chose de connu, d’inhérent, de technique ou, comme on le dit en anglais, quelque chose qui est taken for granted. Dans cet article sur la personne3, on tentera de montrer l’importance de celle-ci dans les différents systèmes langagiers4 qu’il s’agisse d’un mini-système (par exemple une 1 Cet essai qui est ici modifié et approfondi a été présenté au colloque De l’espace à la langue… qui a eu lieu à Dijon (France) du 7 au 8 octobre 2021 sous le titre « La personne, l’espace, la détermination ». 2 Même si les mots verbe et temps ne sont pas mentionnés dans le titre, ce livre représente un des points les plus importants pour l’analyse des temps verbaux et surtout pour l’analyse de la catégorie de la personne (non) conservée dans la conjugaison verbale. 3 La notion de la personne sera étudiée de deux façons différentes qui ne sont pas forcément opposées. Premièrement, nous allons analyser la notion de la personne en tant que catégorie grammaticale omniprésente dans tout système langagier. Puis, nous allons élargir notre étude sur la personne physique et son rôle dans la détermination du nom. 4 La notion de système langagier est prise ici dans le sens qui lui a été attribué par Meillet et Guillaume : la langue est le système de systèmes, un assemblage systématisé où tout se tient. Le système peut être défini comme un ensemble des éléments organisés qui entrent en relations mutuelles pour assurer le fonctionnement d’un tout. 22 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE/JOURNAL FOR FOREIGN LANGUAGES phrase simple), d’un midi-système comme celui des déterminants ou qu’il s’agisse du maxi-système (des classes de mots). On essaiera de prouver que c’est la personne, non seulement grammaticale mais aussi la personne physique, qui fait fonctionner le(s) sys- tème(s) langagier(s). 2 SUR LA NOTION DE PERSONNE ET SON ETYMOLOGIE Dans les grammaires, on ne trouve la notion de personne que dans des termes plutôt techniques. Le Bon Usage (1993) parle des personnes grammaticales, ou de la notion de personne en tant que pronom indéfini et en tant que nom. Wagner et Pinchon (1962) la mentionnent dans des syntagmes tels que pronom indéfini ou personne verbale. Wilmet (1998) va beaucoup plus en détail mais reste toujours au niveau « technique » du terme : personne grammaticale, mode personnel, pronom essentiel personnel, adjectif caracté- risant / quantifiant-caractérisant personnel… La liste des ouvrages traitant de la problé- matique de la personne est, bien sûr, immense. Mais, tous ces livres, articles, chapitres se concentrent sur la notion de personne grammaticale. Peu d’entre eux, sinon aucun, voient la personne physique comme le point de départ des relations grammaticales. Et pourtant, celle-ci peut influer directement sur la syntaxe des langues. En croate, par exemple, le suffixe qui marque la possession n’est réservé qu’aux personnes ou noms personnifiés. Ainsi, pour marquer la possession, un nom représentant une personne / le possesseur obtiendra le suffixe -ov, -ova, -ovo ou -ev, -eva, -evo5 (pour les noms possédés au singulier) : Ivan (nom propre) > Ivanov, ova, ovo (« de Jean »). La forme féminine est -in, -ina, -ino : Ivana > Ivanin (« de Jeanne »). Les suffixes men- tionnés ne fonctionnent pas avec les noms n’ayant pas la caractéristique + humaine, + personne. Par exemple, stol (« table ») ne peut pas obtenir le suffixe -ov > *stolov. La pro- blématique des possessifs et de la possession va bien au-delà de ces quelques exemples, mais ils montrent bien que la personne physique exerce ses influences directes sur la morphosyntaxe et sémantique des langues et que sa présence ne peut pas se réduire à la seule notion grammaticale qui n’en n’est que le reflet nécessaire rendant possible le fonctionnement de la langue. En ce qui concerne l’origine du mot personne dans les dictionnaires (étymolo- giques), on trouve plus ou moins la même description. Il s’agit du nom féminin d’origine latine (mais emprunté de l’étrusque) signifiant « masque de théâtre » (cf. Dubois, 2014, s.v. personne) ou « masque de théâtre », « rôle » ou « personnage », « acteur », « indi- vidu » (cf. Clédat, 1914, s.v. personne). Dans le Dictionnaire d’étymologie du français (cf. Picoche, 2015, s.v. personne), on trouve aussi l’origine grecque du mot prosôpon (πρόσωπο) qui était, en latin, employé dans le langage juridique opposé à res, « chose ». 5 -ev, -eva, -evo sont les allomorphes de -ov, -ova, -ovo causés par le palatal final, prijatelj > prijateljev. 23Tomislav Frleta: LA PERSONNE DANS LES SYSTEMES LANGAGIERS Dans les dictionnaires bilingues, par exemple grec-croate (Sironić, 2017), on trouve à peu près toutes les traductions citées ci-dessus, mais on ajoute que ce mot peut signifier « le vêtement porté par un acteur ». En tout cas, son origine vient du mot qui était employé au théâtre grec pour indiquer la personne (qui parle !), comme l’explique bien Chauvier (2003) dans son étude sur la personne. « Boèce rappelle en effet que persona désigne originellement, en latin, le masque que revêt l’acteur et qui fait de lui, pendant le temps de la représenta- tion, Hécube ou Médée. Le corps et la voix de n’importe quel acteur peuvent devenir le corps et la voix d’Hécube dès que l’acteur a placé la persona d’Hécu- be devant son visage et qu’il fait résonner au travers du masque les paroles que le poète a associées au nom d’Hécube… » (Chauvier, 2003 : 10-11) Dans la note de bas de page, il donne son origine latine affirmant que persona « viendrait de « per-sonare », résonner en passant au travers du masque. » (ibid. 11, note 1) On peut en conclure que, au début, le mot personne était attribué à l’acteur qui portait le masque qui, en attirant l’attention du public, lui permettait de parler. Cette fonction du masque (de la personne) ressemble beaucoup à talking stick (« le bâton de parole ») utilisé par les Amérindiens. La personne qui voulait parler dans une réunion prenait le bâton de parole et pouvait dire tout ce qu’elle voulait sans être interrompue par les autres participants de la réunion6. On peut voir que, dans ses origines, le mot personne mélangeait déjà la personne (physique, un acteur) et la fonction de parler, qui est l’une des fonctions primaires du langage. Cela rend encore plus étrange le manque d’intérêt pour la personne physique et son importance dans la langue et ses constructions. Tout au long de l’histoire, surtout au XXe siècle, les grammairiens et les linguistes se consacraient principalement à la fonction (grammaticale) de la notion de personne qui n’est que le reflet de la personne physique dans la langue. Il est intéressant aussi de voir que trois livres très significatifs pour la linguistique française et mondiale du XXe siècle, dans leurs études, traitent évidemment de la problé- matique de la personne mais manquent de souligner son importance. Il s’agit d’Eléments de syntaxe structurale de Tesnière (1959), de Systématique de la langue française de Moignet (1981) et de Grammaire systématique de la langue française de Baylon et Fabre (1978). Par la suite, nous allons souligner le rôle voire l’indispensabilité de la personne dans un mini-système, tel que la phrase simple, dans un maxi-système, celui des classes de mots, et enfin nous allons montrer l’importance de la personne physique dans un 6 C’est à peu près comme dans nos assemblées nationales modernes, sauf que là, tout le monde parle en même temps. 24 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE/JOURNAL FOR FOREIGN LANGUAGES midi-système des déterminants (démonstratifs) où l’on va montrer son importance no- tamment dans les relations spatiales exprimées par les démonstratifs et dans le procès de l’actualisation du nom en général. 3 ELEMENTS DE SYNTAXE STRUCTURALE (TESNIERE, 1959) – MINI-SYSTEME La personne dans la phrase. Le fameux exemple de Tesnière (FIGURE 1) : parle Alfred ne tient pas compte de la personne7 mais n’est pas loin d’elle comme le dit Ćosić dans son article « La personne grammaticale et la personne humaine dans la langue et dans le discours » (2005). Ćosić affirme que : « Tesnière voyait dans la phrase : - Alfred parle. non pas deux mais trois élé- ments, le troisième étant la connexion entre Alfred et parle8. Avec un peu d’ima- gination et quelques remaniements de la phrase en question, on peut prouver que la connexion n’est rien d’autre que l’accord du verbe avec son sujet nominal 7 Dans son énorme ouvrage, il ne mentionne la notion de personne que dans trois situations : la personne dans le(s) verbe(s) où le pronom personnel marque la personne qui exerce l’action du verbe ; la personne en tant que second actant postposé ; et l’absence de la personne dans certaines langues qui connaissent l’emploi du pronom réfléchi « commun ». Dans la première situation qui se réfère à l’exemple cité, Tesnière fait la différence entre les substantifs personnels, traditionnellement appelés les pronoms personnels toniques : moi, toi, lui et les indices personnels : je, tu, il, elle, traditionnellement appelés pronoms personnels atones. Les premiers se comportent comme les « vrais » noms (le père, le livre), peuvent être précédés par les prépositions, et sont capables de désigner les trois personnes du dialogue : la personne qui parle, la personne à qui l’on parle et la personne de qui l’on parle. Les derniers (les indices personnels) sont privés de leur autonomie phonétique et ne peuvent pas être précédés par les prépositions comme les substantifs personnels, mais servent « beaucoup moins à marquer la personne du locuteur qu’à indiquer que le verbe est à l’autoontif » (Tesnière, 19692 : 132). Tesnière leur attribue le rôle d’adjuvants du verbe qui tendent à devenir de simples indicateurs de la personne, mais il manque de souligner l’importance de la personne conservée dans le « vrai » nom (Alfred) et sa connexion directe avec la personne du verbe. 8 On peut élargir la phrase de Ćosić par deux syntagmes qui incluent l’adjectif personnel pris dans deux sens légèrement différents : la connexion entre le nom personnel Alfred et le verbe personnel parle. Le terme de nom personnel a été pris au sens grammatical de la différentiation des noms communs et des noms des personnes, c’est- à-dire des noms propres. Le terme de verbe personnel a été pris au même sens que Moignet (1981) attribue au verbe conjugué. 25Tomislav Frleta: LA PERSONNE DANS LES SYSTEMES LANGAGIERS à la troisième (et toujours à la troisième) personne9, singulier ou pluriel peu importe. Ainsi, dans la suite, par ex. « Alfred parlons. », etc., il n’y a plus de phrase. On peut donc insérer entre le nœud central de la phrase (parle) et son principal actant (Alfred) un PG (personne grammaticale) qui en est le lieu de rencontre, le site ou le support formel. » (Ćosić, 2005 : 4) On aurait donc (FIGURE 2) : parle PG Alfred On note que Tesnière tient beaucoup à la notion de connexion. En parlant de la syntaxe en général et de la phrase en particulier, il dit : « Tout mot qui fait partie d’une phrase cesse par lui-même d’être isolé comme dans le dictionnaire. Entre lui et ses voi- sins, l’esprit aperçoit des connexions…10 Ces connexions ne sont indiquées par rien. Mais il est indispensable qu’elles soient aperçues par l’esprit, sans quoi la phrase ne serait pas intelligible. » (Tesnière, 1969 : 11) Il conclut « qu’une phrase du type Alfred parle n’est pas composée de deux éléments 1° Alfred, 2° parle, mais bien de trois éléments, 1° Alfred, 2° parle et 3° la connexion qui les unit et sans laquelle il n’y aurait pas de phrase. » (ibid., 11-12)11 Or la connexion établit les rapports de dépendance entre les mots. Et dans la théorie tesniérienne, c’est le verbe qui est le centre de la phrase, c’est-à-dire que c’est lui qui régit tous les rapports dans une phrase. On peut montrer les relations de hiérarchie par une figure simplifiée (FIGURE 3) : V A1 A2 A3 CC 9 Il s’agit de la catégorie de la personne qui se trouve en nom de façon non marquée et qui se trouve également en verbe de façon marquée. En verbe, la personne se trouve dans les désinences verbales, quelle que soit la pauvreté des désinences dont la langue française dispose. La seule trace de la personne en nom est visible dans son accord avec le verbe. 10 En gras dans le texte. 11 En gras dans le texte. 26 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE/JOURNAL FOR FOREIGN LANGUAGES Ne voulant pas entrer en détail et encore moins intervenir dans la théorie de Tes- nière, nous proposons juste un petit remaniement12 de la figure 3 (FIGURE 4) : où le sujet et le verbe (prédicat) se trouvent au même niveau hiérarchique. Malgré ce petit changement dans la présentation des stemmas, les deux éléments principaux (sujet et verbe) gardent leur importance dans les constructions des connexions où les autres élé- ments constitutifs (actants et circonstants) dépendent de leur régissant respectif. De cette façon, on voulait élever la personne du sujet au même niveau que la personne du verbe puisqu’il s’agit de la même personne. Aussi peut-on renforcer ce raisonnement par l’exemple cité dans le livre de Varga (Syntaxe du français, 2005) où il fournit l’exemple suivant Paul lit tranquillement son journal. Pour montrer l’agrammaticalité de la phrase, Varga efface les éléments et obtient les résultats suivants : 1. Paul lit tranquillement. 2. Paul lit son journal. 3. *Paul tranquillement son journal. 4. *Lit tranquillement son journal. Il garde le verbe au centre de la phrase et des stemmas mais conclut quand même que cet exemple « confirme que seul l’effacement du verbe et du sujet aboutit aux construc- tions agrammaticales. Par conséquent, ces deux éléments représentent le noyau, la partie indispensable de la phrase. » (Varga, 2005 : 18). En plus, il souligne cette liaison parti- culière entre le nom (substantif) et le verbe en modifiant un peu le stemma tesniérien, en 12 Au fil du temps, les stemmas originaux ont subi plusieurs changements. Voir, par exemple Varga, 2005 : 18-19, et la note 29. En plus, il existe d’autres possibilités de présenter la hiérarchie dans une phrase comme la visualisation de la structure de la phrase en cercles concentriques (Ibid.) S PG A1 A2 CC V 27Tomislav Frleta: LA PERSONNE DANS LES SYSTEMES LANGAGIERS encadrant le sujet et le verbe13, et en dédoublant la ligne qui unit la relation entre les deux éléments principaux (FIGURE 5) : Varga (2005) modifie légèrement la représentation des relations entre le Verbe et le Sujet mais garde la hiérarchie proposée par Tesnière (V – S). Toutefois, nous considérons que cela ne diminue nullement l’importance du sujet et de la personne, celle-ci étant gar- dée en sujet et en verbe, et nécessaire à la grammaticalité de la phrase. De cette façon aussi et dans ce sens uniquement, nous voulons souligner l’importance du sujet en tant que représentant de la personne (autant grammaticale que physique) qui exerce l’action du verbe (conjugué c’est-à-dire du verbe dans un mode personnel). 4 SYSTEMATIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE (MOIGNET, 1981) – MAXI- SYSTEME La personne parmi les classes de mots. Suivant l’idée du paragraphe précédent (la personne qui se trouve en même temps en sujet et en verbe), on examinera dans le présent paragraphe l’importance de la personne dans le système de classes de mots. Autant qu’on le sache, au moins dans les grammaires françaises, avant le tableau de Moignet (1981), les classes de mots ont toujours été représentées sous la forme de listes comme s’il n’y avait pas de connexion entre eux. Ce n’est que dans la Systématique de la langue française qu’on trouve un essai (une réussite) sur la systématisation des classes de mots. À la différence de Tesnière qui mentionne très rarement la catégorie de la personne, Moignet en parle beaucoup, surtout dans la partie de son livre consacrée à la prédicativité. Il suffit de regarder l’index des notions à la fin du livre et de voir que la personne y est mentionnée de nombreuses fois. Il parle donc de la personne absente, actuelle, allocutive, animée-indéterminée, cardinale, collective, contrastée, etc. 13 Le sujet et le verbe sont les seuls éléments de la phrase qui sont encadrés ! A1 A2 A3 V 28 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE/JOURNAL FOR FOREIGN LANGUAGES Ce qui distingue Moignet de nombreux autres linguistes qui traitent de la personne, c’est qu’il aborde la problématique de la personne non seulement en tant que partie des différents syntagmes « techniques » (pronom personnel, verbe personnel…) mais il lui consacre un chapitre entier où il parle de la personne en tant qu’une catégorie du nom. Il lui donne une importance cruciale dans la formation du nom en la superposant aux autres catégories nominales : « Les catégories du genre, du nombre et du cas, dans le substantif, se concluent à la personne, dont elles sont les formalisations. (…) la catégorie de la personne cardinale… fonde le substantif. » (Moignet, 1981 : 40). On peut voir que les catégories formelles (genre, nombre, cas) sont d’une certaine façon dépendantes de la catégorie de la personne qui, malgré le fait qu’elle n’est pas formalisée en nom (subs- tantif), apparaît comme la catégorie « supérieure » dont l’essence du nom est constituée. On peut voir que les positions de Tesnière et Moignet ne sont pas éloignées quant au fonctionnement de la langue. La connexion entre les mots doit être conçue par l’esprit, comme le dit Tesnière ; en d’autres mots, cette connexion n’est pas de nature formelle. Il n’y a rien de formel qui régit l’emploi du COD, par exemple. C’est dans le domaine de l’esprit. Moignet dit que la personne est non marquée, qu’elle n’a pas de marques formelles (en nom). Si l’on accepte, d’un côté, que la connexion entre le sujet et le verbe, dans la théorie de Tesnière, n’est autre chose que la personne, et que cette personne est conçue par l’esprit et, de l’autre côté, que cette même personne se trouve dans le nom et qu’elle y est non marquée, et que par conséquent, elle aussi doit être conçue par l’esprit, on peut rapprocher les deux – plus grandes (?) – théories/écoles de la linguistique fran- çaise du XXe siècle : la syntaxe structurale et la psychomécanique (psychosystématique). Moignet montre bien l’importance de la personne dans son tableau consacré au sys- tème des parties de la langue (FIGURE 6) (ibid., 26) : 29Tomislav Frleta: LA PERSONNE DANS LES SYSTEMES LANGAGIERS Toutes les classes de mots font partie du système où tout se tient par le critère de la prédicativité. Les quatre classes de mots forment le groupe des mots prédicatifs (des mots ayant le sens propre). Ce sont le nom/le substantif, le verbe, l’adjectif et l’adverbe (partiellement). De chaque côté, se trouvent les mots non prédicatifs, qu’il s’agisse de la non prédicativité nominale (pronom, article…) ou verbale (verbes auxiliaires). Il s’agit des mots fonctionnels qui n’ont pas de sens propre mais qui sont nécessaires au fonction- nement du langage (détermination, formation des temps composé, aspect…). Au-dessus du tableau se trouvent les mots transprédicatifs (prépositions et conjonctions) dont le rôle est d’intervenir là où l’enchainement des mots n’est plus possible (*maison campagne > maison de campagne). Si l’on regarde le tableau de plus près, on peut voir que parmi les classes de mots prédicatifs, la seule notion qui est répétée plusieurs fois, c’est la notion de la personne (personne nominale, personne verbale). Même Moignet le confirme : « La médiation de la personne est indispensable pour qu’un verbe puisse dire quelque chose d’un être évo- qué par la catégorie nominale. » (1981 : 26). Un peu plus loin dans le texte, il confirme aussi que pour « exposer le système avec plus de précision, il convient de montrer le rôle primordial qu’y joue la catégorie de la personne… La personne est présente dans le subs- tantif comme dans le verbe » (ibid., 27) Or, après une telle conclusion sur la personne et son rôle dans le système des classes de mots, d’aucuns s’attendraient à trouver dans la conclusion générale du chapitre beau- coup de mention de la… personne. Mais, ce qui est un peu choquant, c’est qu’on ne trouve pas un seul mot sur la per- sonne dans la conclusion de ce chapitre malgré l’évidence que c’est la personne qui est au cœur du système et que, sans elle, il n’y aurait pas de connexion entre le nom et le verbe – deux éléments indispensables de toute phrase, c’est-à-dire, sans elle, sans la personne, il n’y aurait pas de phrase ni de système tout entier. Moignet dit : « La partie centrale du tableau est le domaine de la prédicativité, qui organise les rapports fondamentaux, en langue, du substantif, de l’adjectif, du verbe et de l’adverbe. Au-dessus se situe le domaine de la transprédicativité, représenté par la préposition et la conjonction. De chaque côté du système des parties de langue prédicatives, se situent les mots grammaticaux, fonctionnant comme les parties de langues prédicatives, et régis par le même système d’incidence, mais non porteurs de substance prédicative… » (ibid., 26) Mais il n’y a pas de mention de la personne ?! 30 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE/JOURNAL FOR FOREIGN LANGUAGES 5 GRAMMAIRE SYSTEMATIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE (BAYLON ET FABRE, 1978) – MIDI-SYSTEME La personne dans la détermination. Dans le dernier chapitre de cet essai sur la personne, nous voudrions attirer l’atten- tion sur la personne dans le procès de la détermination/l’actualisation du nom. En décrivant le procès de l’actualisation du nom Baylon et Fabre disent que « L’ad- jectif démonstratif représente le point le plus achevé de la réalisation : il localise un individu, un objet, la manifestation d’une notion, dans l’espace » (1978 : 17).14 Ils ajoutent aussi que « la localisation devient alors une réalisation, une détermina- tion. » (ibid.) La personne n’y est mentionnée que dans la phrase où on fait la comparaison avec le latin. Selon eux, le latin gardait le rapport entre les adjectifs démonstratifs et la personne, tandis qu’en français « les formes ci et là fournissent à elles seules la détermination né- cessaire à l’emploi de l’adjectif démonstratif15 » (ibid.) Le tableau des actualisateurs du nom (FIGURE 7) : 14 Souligné dans le texte. 15 La terminologie diffère mais il s’agit de la même notion (adjectif démonstratif, déterminant démonstratif, actualisateur…). 31Tomislav Frleta: LA PERSONNE DANS LES SYSTEMES LANGAGIERS Dans ce tableau (ibid., 10) Baylon et Fabre rendent visible le procès de l’actualisation du nom. On peut voir que, d’un côté, le nom existe à l’état virtuel – qui peut être accom- pagné de tous les actualisateurs de valeur généralisante/neutralisée, par exemple A bon chat, bon rat. (article zéro), ou Qui veut tuer son chien, l’accuse de la rage. (déterminant possessif) – et que, de l’autre côté, se trouve le nom à l’état réel où il est accompagné d’un actualisateur spécifique qui, selon la situation/le contexte, détermine le nom en question. Dans la partie droite, là où le nom se trouve dans une situation réelle, Baylon et Fa- bre y voient 4 degrés/phases de la détermination. Du moins défini vers le plus défini, ce sont : 1) phase transitoire/identité mal définie du nom (J’aperçois dans le jardin un chien et des chats) ; 2) phase notoire/identité définie (Tiens, le chien poursuit les chats) ; 3) phase de référence à une personne spécifique (le nom est rattaché à une personne – Mais, c’est mon chien ! Mais ce sont tes chats !) ; 4) phase de localisation du nom dans l’espace par le geste (Ce chien est bien méchant, ces chats aussi). En bref : UN > LE > MON > CE On peut voir que la détermination augmente du gauche à droite du tableau selon qu’on rattache des « éléments » supplémentaires au nom : identité définie (article défini) par rapport à l’identité mal définie (article indéfini), rapport avec la personne (possessif) qui représente une meilleure identification par rapport à la « seule identité » de l’article défini, et le geste (le démonstratif accompagné éventuellement des adverbes -ci et -là) qui est susceptible de montrer le nom en question et de le localiser dans l’espace, ce qui selon Baylon et Fabre représente plus haut degré de la détermination que le possessif (ou la personne dans le possessif). En bref, on peut reprendre la figure de Frleta (2005) pour visualiser comment la dé- termination augmente en partant de l’article indéfini à travers l’article défini et le possessif jusqu’au démonstratif (FIGURE 8) : virtuel réel un le mon ce détermination identification 32 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE/JOURNAL FOR FOREIGN LANGUAGES Or, nous postulons que c’est la personne qui est importante dans les trois systèmes ana- lysés ici (mini, maxi et midi) et il faut prouver ici que la personne prévaut sur le geste et/ou l’espace. Certes, le geste joue un rôle significatif non seulement dans la détermination mais dans le langage tout entier. On ne peut pas parler sans gestes. Ils font partie de notre lan- gage aussi bien que les mots (qui sont très souvent accompagnés des gestes). Pourtant, en ce qui concerne le geste, le démonstratif et la localisation dans la détermination, nous croyons que la personne accompagnée éventuellement par le geste et les adverbes -ci et -là, y joue, de nouveau, le rôle principal. Pour mieux expliquer le rôle de la personne dans la dernière étape de la détermina- tion, servons-nous pour le moment du système croate des démonstratifs. Le croate a développé un système tridimensionnel des démonstratifs, c.-à-d. qu’il existe trois formes différentes pour localiser un nom dans l’espace qui peut être plus proche, plus loin ou très loin de celui qui parle. Les démonstratifs croates sont : ovaj, taj, onaj.16 Le français, en revanche, n’a qu’une seule forme du démonstratif (ce)17 et si l’on veut exprimer la distance du nom en question, il faut employer les adverbes -ci et -là. On peut voir aussi que le français n’a pas la troisième dimension qui correspondrait au croate onaj18. Dans ce cas, il faut se servir des locutions adverbiales de type là-bas ou autres. Prenons comme exemple trois phrases croates : 1. Uzmi ovu torbu. 2. Uzmi tu torbu. 3. Uzmi onu torbu. Nous supposons que la traduction en français serait : 1’ Prends ce sac-ci. 2’ Prends ce sac-là. 3’ Prends ce sac (qui est) là-bas. Nous présenterons ces trois phrases par les images suivantes : 1 2 3 (Čilaš-Mikulić et al., 2015 : 29) 16 Le croate possède aussi des formes pour le féminin, pour le neutre et pour le pluriel des trois genres : ova, ta, ona (f. sg.) ; ovo, to, ono (n. sg.) ; ovi, ti, oni (m. pl.) ; ove, te, one (f. pl.) ; ova, ta, ona (n. pl.). 17 Cette (f. sg.) ; ces (m. et f. pl.) 18 Dans de nombreuses situations, les formes taj et onaj sont traduites par la seule forme française en N-là indiquant ainsi qu’il s’agit d’un nom qui est plus loin du locuteur. 33Tomislav Frleta: LA PERSONNE DANS LES SYSTEMES LANGAGIERS Sur les images, on peut voir clairement que le nom est déterminé par rapport à la personne qui parle (le sujet parlant ou le moi de la triade du début de notre essai) et que nous situons les noms, non seulement par rapport à l’espace mais aussi par rapport à la distance de la personne qui parle. Ainsi, ova torba (« ce sac-ci ») se définit par la proximité du sujet parlant ou le locuteur, ta torba (« ce sac-là) se définit par rapport à la personne à laquelle l’interlocuteur parle (l’interlocuteur), et ona torba (« ce sac là-bas ») se définit par la distance des deux personnes physiques et dialogales mention- nées précédemment. La troisième personne peut mais ne doit pas être présente dans le contexte. Comme on l’a déjà dit, le geste accompagne les démonstratifs et les adverbes (de lieu) -ci et -là y jouent aussi un rôle significatif. Les adverbes -ci et -là sont une sorte de compensation du manque des formes déictiques des démonstratifs français. Si on les compare aux formes des démonstratifs croates ou anglais, on peut voir que les démons- tratifs français sont monodimensionnels tandis que les démonstratifs anglais et croate sont bi- et tridimensionnels. Comparons : ce vs. this – that vs. ovaj – taj – onaj (1 vs. 2 vs. 3 dimensions). En ce qui concerne le geste, en tant que phénomène extralinguistique, il peut accompagner les démonstratifs mais il n’est pas obligatoire. Dans les trois langues mentionnées, le geste accompagne souvent les démonstratifs et a très souvent un rôle redondant comme dans l’exemple croate : Uzmi ovu (→19) torbu ! « Prends ce sac- ci ! » où il n’y a qu’un seul sac. Pourtant, leur rôle peut être aussi décisif que dans la situation où il y a deux ou plusieurs sacs près de la personne qui parle, et qu’elle dit et montre par le geste qu’il faut prendre un seul sac : Prends ce sac-ci ! (que je montre par le geste) et non l’autre sac (qui est aussi près de moi mais que je ne montre pas par le geste). Cependant ils déterminent le nom plus que ne le détermine le seul possessif (mal- gré la personne humaine/grammaticale conservée dans ses formes : mon, ton, son) mais seulement parce que les adverbes -ci et -là sont mis en relation physique avec la per- sonne humaine. Ils déterminent le nom par rapport à l’espace, c’est-à-dire par rapport à la distance du sujet parlant, de la 1ère personne ou tout simplement par rapport au moi (personne physique) de la triade moi-ici-maintenant. Ainsi, les démonstratifs regroupent deux dimensions de la triade mentionnée, celle liée au nom (personne) et celle liée à l’espace (ici). C’est à cause de cette caractéris- tique (personne + espace) qu’on peut dire que le démonstratif est plus défini que le possessif (qui ne contient que la personne sans espace) et qu’il représente « le point le plus achevé de la réalisation » (Baylon et Fabre, 1978 : 17). 19 Représente le geste. 34 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE/JOURNAL FOR FOREIGN LANGUAGES 6 CONCLUSION Dans notre article, nous avons voulu montrer l’importance de la personne dans le(s) système(s) langagier(s) en partant d’un mini-système (la phrase simple) à travers le maxi- système des classes de mots pour arriver finalement à un midi-système (les dé- terminants). Nous nous sommes servis de trois ouvrages d’importance considérable sur le développement de la pensée linguistique. Nous avons essayé de lier deux grandes écoles linguistiques du XXe siècle – la syntaxe structurale de Tesnière et la psycho- systématique de Guillaume – en attirant l’attention sur la personne qui représente le spiritus movens de deux approches différentes : d’un côté, la personne en tant que liaison/connexion entre le sujet et le verbe, de l’autre côté, la personne (nominale) et la personne (verbale) en tant que catégorie qui fait bouger le système langagier entier. Dans la dernière partie, nous avons montré que la personne (aussi bien grammaticale que physique) joue, avec les moyens extralinguistiques (gestes) et les adverbes -ci et -là, un rôle décisif dans la localisation des noms dans l’espace. De cette façon, la per- sonne s’avère indispensable au système des déterminants et à la détermination du nom en général. Dans la phrase simple la liaison entre le nom et le verbe, que Tesnière appelle la connexion, se réalise dans la catégorie grammaticale de la personne qui est contenue dans le nom aussi bien que dans le verbe. Tandis que la catégorie de la personne est « visible » dans le verbe, elle doit se concevoir intuitivement dans le nom. Mais l’ac- cord avec la personne entre le nom et le verbe nous révèle la vraie connexion entre les parties principales de la langue. Si la personne du verbe et la personne du nom ne coïncident pas, la phrase est agrammaticale. La catégorie de la personne se trouve aussi au centre du système des parties de la langue. Le verbe et le nom sont les deux parties principales de la langue. Toute phrase comporte un verbe et un nom (voir plus haut l’exemple de Varga). Dans le tableau de Moignet (voir plus haut), on peut noter que même si la personne ne fait pas partie des classes de mots, elle est présente dans le verbe et dans le nom/substantif, et elle est mise au centre du système entier malgré le fait qu’elle n’est pas mentionnée explicitement dans la conclusion du chapitre sur les parties de la langue. Finalement, dans le midi-système des déterminants, nous avons montré l’im- portance de la personne dans le processus de la détermination du nom en montrant le rôle décisif de la personne (physique ou grammaticale) dont dépend le degré de connaissance d’un nom particulier. Plus le nom est proche de la personne, plus il est déterminé. 35Tomislav Frleta: LA PERSONNE DANS LES SYSTEMES LANGAGIERS BIBLIOGRAPHIE BAYLON, Christian/Paul FABRE (1978) Grammaire systématique de la langue fran- çaise. Paris : Nathan. CHAUVIER, Stéphane (2003) Qu’est-ce qu’une personne ? Paris : Vrin. CLÉDAT, Léon (1914) Dictionnaire étymologique de la langue française. Paris : Hachette. ČILAŠ-MIKULIĆ, Marica et alii (2015) Hrvatski za početnike 1. Zagreb : Hrvatska sveučilišna naklada. ĆOSIĆ, Vjekoslav (2005) La personne grammaticale et la personne humaine dans la langue et dans le discours. E. Le Calvé-Ivičević (éd.), Actes du 3e Colloque sur les études françaises en Croatie. Zagreb : ArTresor naklada, 37–52. DUBOIS, Jean et alii (2014) Dictionnaire étymologique. Paris : Larousse. FRLETA, Tomislav (2005) Razlika između determinanta i opisnog pridjeva. Suvremena lingvistika 59–60, 71–80. GREVISSE, Maurice (199313) Le Bon Usage. Paris : Duculot. GUILLAUME, Gustave (1929) Temps et verbe. Paris : H. Champion. KLUM, Arne (1961) Verbe et adverbe. Uppsala : Almqvist & Wiksell. MOIGNET, Gérard (1981) Systématique de la langue française. Paris : Klincksieck. PICOCHE, Jacqueline (2015) Dictionnaire d’étymologie du français. Paris : Le Robert. REVOL, Thierry (2005) Introduction à l’ancien français. Paris : Armand Colin. SIRONIĆ, Milivoj (20179) Grčko-hrvatski rječnik. Zagreb : Školska knjiga. TESNIÈRE, Lucien (19692) Éléments de syntaxe structurale. Paris : Klincksieck. VANDERBAUWHEDE, Gudrun (2012) Le déterminant démonstratif en français et en néerlandais. Bern : Peter Lang. VARGA, Dražen (2005) Syntaxe du français. Zagreb : FF Press. WAGNER, Robert-Léon/Jacqueline PINCHON (1962) Grammaire du français classique et moderne. Paris : Hachette. WILMET, Marc (19982) Grammaire critique du français. Paris : Hachette/Duculot. 36 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE/JOURNAL FOR FOREIGN LANGUAGES POVZETEK KATEGORIJA OSEBE V JEZIKOVNIH SISTEMIH Pomen kategorije osebe potrjujejo tri za razumevanje sistema francoskega jezika zelo pomembna dela, čeprav te kategorije skorajda ne omenjajo. Tipičen primer je Tesnièrov znameniti stavek Alfred parle, v katerem avtor prepoznava tri prvine: S, P in »povezavo«. Slednja je bila šele veliko pozneje prepoznana kot kategorija osebe. Moignet v svojem delu Systématique de la langue française izraza oseba skoraj ne omenja, čeprav ga v tabeli o sistemu besednih vrst opazimo trikrat. Tudi Baylon in Fabre (1978) pri obravnavi aktualizatorjev samostalnika poudarjata, da »ka- zalni pridevnik predstavlja najvišjo točko uresničitve«, in na koncu skleneta, da »lokalizacija po- stane uresničitev, določitev«. Oseba je drugotnega pomena. V prispevku skušamo opozoriti na odločilno vlogo kategorije osebe v sistemu besednih vrst, tako v razmerju med osebkom in predikatom kot tudi v procesu določanja samostalnika, pri čemer je samo- stalnik določen v odvisnosti od prostora, ta pa je odvisen od osebe (govorečega subjekta), tj. »jaza«. Hkrati v prispevku poudarjamo pomen osebe (slovnične in fizične) v različnih jezikovnih sistemih, naj gre za majhne sisteme (na primer preprosti stavek), srednje velike sisteme, kamor sodijo določila, ali velike sisteme (na primer besedne vrste). Ključne besede: oseba, prostor, sistem, samostalnik, določnost ABSTRACT THE PERSON IN LANGUAGE SYSTEMS Three very significant books for understanding the system of the French language affirm the im- portance of the category of the person by hardly mentioning it. Tesnière’s famous sentence Alfred parle. is a typical example. Tesnière himself sees three elements in it: S, P, and “connection”. This connection would only be recognized much later as the category of the person. Moignet, in his Systématique de la langue française, makes almost no mention of the term person, even though it appears three times in the table of the system of parts of speech. Finally, Baylon and Fabre (1978), speaking of substantive actualizers, state that “the demon- strative adjective represents the most complete point of realisation”, concluding that “localisation then becomes a realisation, a determination”. The person is secondary. In our work, we will try to show that the person plays a decisive role in the system of parts of speech, in the relationship between the Subject and the Predicate, and in the process of determining the noun, where the noun is defined in relation to space, which in turn depends on the person (of the speaking subject), i.e. the “I”. 37Tomislav Frleta: LA PERSONNE DANS LES SYSTEMES LANGAGIERS We will also highlight the importance of the person (both grammatical and physical) in differ- ent language systems, whether it is a mini-system (for example, a simple sentence), a midi-system such as determiners, or a maxi-system (word classes). Keywords: person, space, system, noun, determination RÉSUMÉ LA PERSONNE DANS LES SYSTEMES LANGAGIERS Trois livres très significatifs pour la compréhension du système de la langue française affirment l’importance de la catégorie de la personne en ne la mentionnant presque pas. La fameuse phrase de Tesnière – Alfred parle. – en est un exemple typique. Tesnière lui-même y voit trois éléments : S, P, et « connexion ». Cette « connexion » ne sera reconnue que beaucoup plus tard comme la ca- tégorie de la personne. Moignet, dans sa Systématique de la langue française (1981), ne mentionne quasiment pas le terme de la personne même si celui-ci se trouve à trois reprises dans le tableau du système des parties de la langue. Finalement, Baylon et Fabre (1978), en évoquant les actualisa- teurs du substantif, affirment que « l’adjectif démonstratif représente le point le plus achevé de la réalisation » en concluant que « la localisation devient alors une réalisation, une détermination. » La personne y est mise sur le plan secondaire. Dans notre travail, nous essaierons de montrer que la personne joue un rôle décisif dans le système des parties de la langue, dans le rapport entre le Sujet et le Prédicat ainsi que dans le procès de la détermination du nom où celui-ci se définit par rapport à l’espace qui, à son tour, dépend de la personne (du sujet parlant) c’est-à-dire du « moi ». Nous allons également souligner l’importance de la personne (aussi bien grammaticale que physique) dans différents systèmes langagiers, qu’il s’agisse d’un mini-système (par exemple une phrase simple), d’un midi-système, comme celui des déterminants, ou qu’il s’agisse du maxi-système (des classes de mots). Mots-clés : personne, espace, système, nom, détermination