V OT AG E D'IT A L I E, o u RECUEIL DE NOTES . Sur Ics Ouvrages de Peinture &.de Sculp-. turc , qu'on voit dans Ics principales villes D'Italie. Far M. Cochin , Chevalier de rordre de Saint Michel, Graveur du Roi-, Garde des Dejfeins du Cabinet de Ò. M. Secre-taire de l'Académie Royale de Teinture & de Sculpture , Ceufeur Royal. NOUVELLE EDITION TOME PREMIEp^^^^ Ibibliothek A L AU S AN N^^m^/ Chez J. Pierre Heubach: m. dcc. lxxiii. " xxxxxx * ■ + xxxxxx E * t 1 + W 4m* ■& *x* »>*k« 0 ftxxxxx ffi> xxxxxx I? /2 MONSIEUR LE MARQUIS DE MARIGNY, 1 Confeiller du Roi en fes Confeils , Commandeur de Tes Ordres, Directeur & Ordonnateur général des fes Bâti-mens , Jardins, Arts, Académies & Manufactures Royales, Mo N S I E U K, Permettez-moi de vous préfeuter un Livre qui vous appartient à plufetirs titres : iefl un Recueil de remarques fur les Chef* a ii '31 • yV A'œuvres qu'on voit en Italie. Si elles peuvent être de quelque utilité à ceux qm entreprendront ce voyage , le plus agréable @> le plus important que puiffent faire un Artifle & unAmaîtur, ils vous en feront redevables , Monsieur , pnifqtie c'ejl la bonté dont vous m'avez honoré, en me ch oififfant pour vous y accompagner, qui a donné lieu à ce travail. C'ejl fans doute un ouvrage informe très-inférieur à ces difentions de goût, dans lefquelle s vous entriez avec nous fur les divers objets de curiofité qui ri y font qu'indiqués : mais les heureux effets qui ont filivi votre voyage , en rendent les nfoindres cir-conjlancts intéreffantes , quelque faiblement expofées qu'elles puiffent être, Votre but étoit d'acquérir les connoiffances nèceffaircs pourfervir dignement un Grand Roi dans la diye&ion des Mommiens qui doivent inu mortalifer la gloire de fon règne. Nous mus f animes efforcés de contribuer , autant qu'il étoit en nous , à de fi nobles vues , en vous zxpofant tout ce qu'une longue étude de nos arts pouvoit nous avoir donné de lumières. Ou voit éclore aujourd'hui le$ fruits de votre zele , de votre difeerne-ment & de vos ref exions. Ce projet, fi glorieux au Roi & à la Patrie , d'achever le plus beau Palais qui foit en Europe, efi enfin filivi de l'exécution la plus rapide. Cet ouvrage non moins utile , qui facilite la communication du plus beau quartier de Paris , en Vembelliffant encore , £5? ou la commodité du peuple n'a point été oubliée j le triomphe du bon goût , malgré 'les efforts d'une habitude enracinée *, l'encouragement. que produit cette certitude de l'accueil que vous accordez aux tslens diflinguès enfin tout vous attire, Monsieur, ce concert général d'éloges , fi difficile h obtenir du Public, & qui, arrache à fa reeonnoifjance , efi le fceau du vrai mérite, Je n'entreprendrai point, Monsieur, d'être l'interprète des fentimens de la Nation à votre égard, je vie borné à vous fupplier dacceptter avec indulgence un léger tribut de ceux dont je fuis pénétré. \fe futi avec un profond refpeèl. MONSIEUR, Votre très-humble & très-obéiflani Serviteur, Cochin, P R É Fil CE. Je ne préfente point un Ouvrage complet , ni dans lequel je prétende rendre un compte exact de toutes les belles cho-fes que l'on voit en Italie. Ceft fimple-ment une collectiou des notes que j'avois faites pour conferver'la mémoire de ce qui m'a paru le plus digne de curiofité , & que je n'avois faites que pour moi : mais des perfonnes éclairées, à qui je les a| communiquées 5 m'ont confeillé de les rendre publiques ; & le témoignage de quelques Amateurs , à qui je les ai confiées, m'ayant perfuadé qu'elles leur ont été utiles dans leur voyage , j'ai été encouragé par leur empreiïement, & j'ai cru pouvoir y céder. Cependant je dois prévenir le Lecteur qu'il y a dans plufieurs villes de beaux morceaux dont je n'ai pas a 4 yy PREFACE. eu le loifc de prendre note ; que même divers accidens m'ont fait perdre une partie de celles que j'avois recueillies : ainfi on. doit trouver beaucoup de fautes d'o-miilîon dans ce livre. Je n'ai rien écrit fur les chef-d 'œuvres de l'art qu'on voit à Rome. Cette ville en renferme un lî grand nombre, que je n'ai pas eu de temps pour en recueillir des notes. Je n'ai pas même tout remarqué dans les autres villes. Lorfque des voyageurs font obligés de voir en un même jours trois ou quatre palais qui contienent une grande quantité de tableaux, il n'efir pas poilible qu'il n'échappe à, leur attention des chofes qui méritoient d'être obfervées. On s'attache aux ouvrages frappans , & leur exxellence flit difparoître plufieurs morceaux qui toute autre part auroient attiré les regards. Il doit donc arriver que plus il fera trouvé de belles chofss réunies, plus celles qui ne font, quefrn- PREFACE ìx clément bonnes auront été oubliées, & que les mêmes Maîtres , dont les ouvrages auront été négligés dans un lieu, ferontjloués dans un autre où 'ls n'auront pas été éclip-fés.'J'obfcrverai encore que les goûts diffé-rens des plus fûrs Co/moiifeurs peuvent apporter quelque variété dans leurs juge-mens. Les ArtiQes font fans doute les vrais juges : fi les jugemens qu'ils portent ne font pas toujours exactement les mêmes , ils ne différent pas, néanmoins , au point de méconnoître aucune forte de vrai mérite. Toujours émus lorfqu'ils rencontrent le \rai beau, il n'y a de contefb rions entr'eux que parce que chacun , fui/an t fon goût, accorde plus d'eftime à un genre de beauté qu'à un autre : mais ceux dont la connoiffance, n'eft pas encore allez formée , ont des goûts excluilfs, & décident témérairement. Cette difpoftion retarde beaucoup le progrès qu'ils pourroient faire pac la vue des diverfes productions des arts. * PREFACE Pour moi, j'ofe affurer que je n'ai porté' aucun préjugé dans la révifion que j'ai faite des beautés que l'Italie renferme, & je crois n'avoir pas erré conlidérable. ment dans les jugemens que je hazarde* Un plus long examen m'auroit pu faire découvrir quelques beautés déplus, & peut-être aufïi digne d'être remarquées que celles que je relevé : mais j'cfpere qu'on ne me reprochera pas de m'être abandonné trop légèrement à la critique, & qu'on appercevra évidemment les défauts que j'ai cru devoir blâmer. Je dois encore m'excufer d'un air dedécifion» fans appel, qu'on appercevra dans la maniere dont j'ai écrit ce Livre. Je n'ai point du tout prétendu qu'on ne puiife avec raifon juger autrement que moi; à peine m'en flatterois-je après un examen bien difcuté , que je n'ai pas eu le temps de faire. Ces manières de s'exprimer : il par oit mie , Û me femble , mon fientU ment efi , je crois qu'on peut avancer , PREFACE. 9tj f$c* auroient augmenté inutilement ce Livre & fatigué le Lecteur. Je puis n'avoir pas frappé jufte en toute occafion : mais en général on peut fonder beaucoup furies jugemens d'un homme d'art, qui n'a aucune raifon de rien déprimer, & il me femble que ceux que je porte j ont, à peu de chofe près > la certitude qu'on peut défircr dans les ouvrages de goût. Plufieurs Amateurs voyagent en Italie dans le deffein d'acquérir une connoiifan-ce qu'ils n'ont encore qu'imparfaitement. Avec la compagnie d'un homme d'art, ils pourroient fe paifer de ce Livre : mais ceux qui n'ont pas ce fecours , y trouveront l'avantage d'aider leur jugement naturel par celui qui y elt porté. C'eft auffi àcaufede ces perfonnes que je me fuis fervi des termes particuliers de l'art, parce que c'eft un langage que tout Amateur doit connoître. Tous les mots dont nous nousfervons, fixent une idée particulière , & ne peuvent fe remplacer l'un par iptji PREFACE. l'autre: auffî n'ai-je point balancé à les repéter toutes les fois qu'il a été nécefîai-re, quelque fatiguantes que puirfent pa-roître ces répétitions. Il n'eft point de moyen plus fur pout apprendre la langue des arts, que d'en voir faire l'application aux objets qu'on a fous les yeux. Une connoiifance profonde cil le fruit d'une longue pratique : mais un Amateur aura déjà beaucoup acquis lorfqu'il fçaura faire une jutle application des ternies. Une autre raifon qui m'a fait croire que cet Itinéraire feroit utile aux voyageurs, eft que les Livres qu'on trouve en Italie n'indiquent point avec choix (i) , les chofes qu'il y a à voir dans une ville : au contraire ils vantent également tous les ouvrages , & ne font pas grâce à un voyageur de ceux même qui font le moins dignes de curiofité. Ce voyage qui, pour être fait avec fruit, demande beaucoup W) J'en excepte le Livre intitulé, Le Pitture & Bologna , où les plus beaux «orceaux font oiftingués par une *. F R E F A C E. xiij de temps, en emportèrent bien davantage, fans compter la fitiété & la confufion que jetteroit dans l'efprit une multitude innombrable d'ouvrages médiocres & même mauvais. J'ai affecté le plus fouvent de nommer lesMaitres par leur nom Italien» quoiqu'il y en ait; beaucoup que nous avons Trancile. Je ne crois pas qu'il nous foit permis de défigurer ainfi les noms propres : cette différence eft fouvent cau-fe qu'un voyageur qui ne fqait encore la Langue Italienne qu'imparfaitement, à peine à reconnoitre les Auteurs dont on lui parle. Enfin je ne donne cet Ouvrage au Public, que parce que je n'en con-nois point de cette efpece , & qu'il peut être utile au défaut d'un meilleur : chacun peut l'Augmenter de fes réflexions particulières. Je ne le propofe que comme une ébauché, dans fefpérance qu'il pourra être porté à fa perfection par quelque Artide plus éclairé. 9QV L,e même Libraire fait traduire de t Italien, le livre intitulé Defcrittione di Roma Antica e Moderna. Par ce moyen on fuppléerai autant qu'il eflpoffible , à ce qui manque dans ce Livreati l'on ne trouve rien du tout fur la ville de Rome. On fimprimerà, dans l'Auteur Italien, tout ce qui , ria point de raport aux arts, afin de s'a* bréger & réduire les deux volumes à un petit & portatif. On ri y pourra pas joindre de réflexions, parce que n'étant point fur le lieu, on ne pourrait que donner des éloges fondés uniquement fur la réputation du Peintre , & qui fouvent manqueraient de jujleffe ; car les plus grands maîtres ont quelquefois produits des ouvrages foi-bles & peu dignes deux, & d'ailleurs ont tant de fois changé de maniere, que F éloge qui caratlérife un tableau, ne convient point à Pautre : cependant U m^ne auteur fe propofe dy ajouter quelques notes fur hsplus beaux morceaux dont il peut avoir conferve quelque idée. APPROBATION. J'A i lu, par ordre de Monfiegneur le Chancelier un Ouvrage qui a pour titre , Voyage. d'Italie, ou Recueil de Notes fur les ouvrages de peinture defculpture, qu'on voit dans les principales Villes d'Italie , par M. Cochin ,■ & je n'y ai rien trouvé qui m'ait paru devoir en empêcher l'Impreffion. A Paris , ce premier Mars 17s 8' De Condillac. TABLE des Villes dont on traite dans ce premier Volume. Premiere Partie, TURIN. SINiG.YGLlA. MILAN. ANCO ^3. LES ISLES BORRO- LORSTTE. ME ES. FOLIGNO. PLAISANCE. SPOLETTE. PARME. TERNI. REGIO. NARNr. MODENE. t VOLI. RAVENNE. CASTÊLL' GAND3L, IMOLA. FO. FAENZA. LARICCI. FORLT. MARINO. RIMINI. VELLETRI. PESARO, TERRACINA. FANO. CAPOUE. Seconde Partie; NAPLES. CAPRAROLA. PORTICI. V1TERBE. POUZZOLLES. SIENNE. RONCIGLIONE. Y0YAG5 VOYAGE D* IT A L I E. PR EMIERE PARTIE. M Onsieur le Marquis de Marigny ayant été nommé par le lloi, en 1746 , à la furvivan-ce de la place de Directeur & Ordonnateur général de fes bâtimens ( qui étoit alors remplie par M. de Tournehem ) , il crut, avec raifon , qu'après avoir pafTé trois années à prendre toutes les connoiflances relatives à cette place , il ne pouvoit mieux les perfectionner, que par un examen réfléchi de toutes les beautés de ce genre , que l'Italie renferme dans fon fein. Pour mieux remplir fes vues , il fit choix de M. Souflot, Architecies célèbre, pour l'accompagner dans ce voyage,&lui faire part des lumières qu'il avoit acquifes par de.longues études, fou^ Tome /, Part. L A % VOYAGE D'ITALIE, tenue de l'expérience que donne une pratique fuivie dans l'art de bâtir. 11 aflbcia encore à ce voyage M. l'Abbé le Blanc, à qui l'on accorde plus de connoiflance dans les arts , que n'en ont communément les gens de lettres. M. le Marquis deMarigny me fit l'honneur de jetter les yeux fur moi, comme fur un artifte qu'il ju-geoit capable d'examiner avec lui les chef-d'oeuvres de peinture & defculpture dont l'Ita-lie eft remplie. C'eft ainfi qu'il entreprit ce voyage uniquement deftiné à l'étude. L'expérience a fait voir combien il cil important pour le fervice du .Roi, & l'avantage des arts, qui fait une'partie confidcrable de la gloire de la nation , que les perfonnes deftinées à remplir ces places importantes, veuillent bien prendre les foins nécelTaires pour fe former le goût, & pour fe mettre en état de juger par elles-mêmes du mérite des artiftes qui font fous leurs ordres. Le recueil d'obfervations qui fuit , fur les belles chofes qu'on voit en Italie, eft l'abrégé des réflexions que nous faifions enfemblepour les apprécier à leur jufte valeur. En recherchant avec foin à connoitre toutes les beautés des chef-d'œuvres que nous examinions, nous nous fommes tenus en garde contre cette admiration univerfelle , qui faifit trop fouvent les TURIN voyageurs pour tout ce qu'ils voyent, Nous avons.£vu les beautés avec tranfport, & les défauts qui fe trouvent dans les plus belles cho-fes, fans mépris. Nous »y avons appris que ce qui fait le vrai beau , n'eft pas de n'avoir point de défauts , mais d'avoir des beautés capables de les compenfer, & de les faire oublier. S U Z E. 0 n doit y voir un arc de triomphe antique. Les notes faites fur ce monument ont été per-dues : 'c'ejlpourquoi nouspafjlrons à Turin. TURIN. O^Ette ville , quoique petite , préfente uft afpect fort agréable dans fon intérieur. Les rues en fon tirées au cordeau , & prefque partout décorées de bâtimens femblables des deux côtés. On y remarque entr'autres la rue du Pô , qui eft fort large. Aux deux côtés de cette rue régnent de grands portiques à arcades , dont les deflbus donnent une voie très-large & fort commode aux gens de pied. Si quelque chofe fcmble di- A % 4 VOYAGE D'ITALIE, minuer l'agrément de cette grande & belle rue c'eft que n'étant'point parallele avec les autres rues voifines , celles qui'aboutiflent n'y entrent pas à angle droit , & que d'ailleurs les bâti-mens femblablcs, qui régnent de part & d'autre , paroiflent un peu trop bas pour la largeur de la rue : mais cela peut avoir été ménagé exprès, afin de ne point ôter le jour aux boutiques pratiquées fous les portiques , & qui en effet font Tort claires. La porte de la ville , par laquelle on entre dans cette rue, eft nommée aufii Porte du Pô > parce que c'eft par-là que l'on va au bord de ce fleuve , qui coule hors de la ville. Cette porte offre un afpect aflez beau : c'eft on angle fail" lant arrondi. La porte eft pratiquée dans l'arron-diffement de l'angle. Les colonnes qui en décorent les côtés fuyans , font d'un Ordre Dorique , mêlé de cannelures & des boffagës., qui cependant eft fort léger & agréable par l'alon-gement que l'auteur a donné à la colonne. Les métopes & triglyphes s'arrangent fouvent allez mal dans les retours que la corniche fait au def-fus des colonnes d'ailleurs il y a un défaut qui fait un mauvais effet La partie du milieu , dans laquelle eft ouverte la porte , eft trop étroite pour celles des côtés fuyaris.|Le défaut que nous lui reprochons/ne paroît pas fi fenfiblement TURIN. t dans Peftampe qui en eft gravée?, &!qui fe trouve dans Pceuvre de cet auteur ; mais il eft choquant fur lelieu, Cet édifice eft du Pere Guarirti , Architecte de Péglife des Théatins de Paris-La principale place de cette ville, nommée la place de S. Carlo, eft fort vafte , & deux de fes côtés font décorés de portiques à arcades , dont les archivoltes font portés par des colonnes grouppées. La continuités de ces arcs , fans que rien décore le milieu plus que les autres parties, a quelque chofe d'infipide. Dans cette place on voit un petit portail de Péglife des Carmélites , qui fait un effet très-piquant, & qui eft très-in-génieufement compofé : il eft du Chevalier Philippe de Guivarra. La porte eft couronnée par une efpece de fronton interrompu , terminé par deux enroulemens qui font aflez bien liés par une grofle guirlande, quoique cette mamereid'in-terrompre ainfi. le fronton foit vicieufe en elle-même. Le cartel qui remplit Pefpace que ces demi-frontons laiflent vuide , eft de très-mauvaife forme, & ne tient à rien. Un aflez grand nombre de figures ornent le deflus de la corniche du premier Ordre : elles font pofées fur des pié-deftaux, tous détachés les uns des autres ; ce qui ne produit par un bon effet. La fenêtre ovale , qui eft dans le milieu de la faqade du fécond Ordre , eft mal décorée, & la confole ( ou A 3 * VOYAGE D'ITALIE, le reflaut de toutes les moulures de la corni, che), qui porte la pointe du fronton, a trop de faillie, |& par-là devient fort lourde. Le haut du portail eft mal terminé par des torshes en baluftres , qui font de beaucoup trop hautes- II y a dans cet églife, qui eft petite , mais fort ornée, deux très-belles figures de M- le Gros, donc l'une, qui reprefenteune fainte Thérefe debout dans fextafe , eft fi fupérieureà l'autre , qu'on auroit peine à le croire de la même main , s'il étoit poflible d'en douter. Elle eft drapée du plus grand goût ; la tête eft belle & bien expreffive les mains font belles ; bien de chair , & d'un beau choix ; la jambe ployée eft trop longue. Il y a plufieurs autres églifes très-ornées, Se fur des plans quelquefois ingénieux,plus fouvent extraragans , furtout cèlle du Pere Guariniy qui étoit ennemi des lignes droites. A Saint Philippe de Néri], le principal autel eft orne de trois colonnes torfes de chaque côté, qui ont le défaut d'être trop grofles relativement à leurs bafes & à leurs chapitaux. La Consola de Philippe de Giuvarra ; eft décorée de grands pilaftres ; ce qui en rend l'af, peci impofant. Le plan en eft fingulier en ce qu'elle eft compofée de trois églifes, en quelque TURIN. 7 facon féparées. La premiere , qui eft une efpece de veftibule, en eft totalement diftinâe. La feconde eft un ovale , dans lequel on entre par Je grand côté ,* de maniere que l'Eglife paroit fort petite au premier coup d'oeil , & il faut jetter fes regards à droite & à gauche pour jouir de fa grandeur. Au refte elle eft peinte partout d'or-nemens de fort mauvais goût, quoique d'une touche & d'une couleur aflez gracieufe. La troifieme eft une efpece de grande chapelle , avec un dôme. Le plafond de l'ovale eft d'une couleur aflez féduifante , & eft aflez bien com-pofé de plafond. On voit une églife du Pere Guarini,ou tout paroit porter à faux , les colonnes du fécond Ordre n'étant point à plomb fur celles du premier,-& l'on eft étonné de voir une voûte conlidérable portée par des corps aufli foibler. Mais l'étonne-ment cefle lorfqu'on apprend que cette voûte n'eft point la véritable ( celle-ci étant appuyée fur les murs extérieurs de l'églife) , & que cette voûte apparente eft extrêmement mince & légère. Au refte cette idée paroit une mauvaife affectation, d'autant plus déplacée, que tout ce qui peut inquiéter le fpectateur du côté de la foliclité , doit être abfolument banni de l'architecture. g VOYAGE D'ITALIE. On voit au palais de Carie/nano un efcalicr qui monte d'abord par deux rampes , quife réunif-fent en un qui pafle pardeflus la tête du fpec-tateur, & femble propre à l'effrayer ; ce qui fait un effet très-défagréable. Par cette même raifon on pourroit bien défap-prouver ces efcaliers fufpendus en l'air, qui font fi fort en ufage à Paris. Malgré tout l'agrément qu'on prétend y trouver, ils font inquiétans ; & quoiqu'il foit facile de démontrer qu'ils font auffi Solides que les autres, cette dcmonftration ne fe préfente pas d'abord à Pefprit. En un mot ils pèchent contre l'apparence de fodilité ; & c'eft une raifon fuffifante pour n'en point faire ufage dans la bonne architecture. Une autre églife dite il Carmine, de Philippe de Giuvarra , eft fort proprement exécutée , mais l'idée en eft folle. En général, ces Architectes étoient ingénieux : mais comme le trop de génie égare , furtout lorfque l'on veut fortir de tous les chemins battus, pour s'y être trop livrés, ils on fait des ouvrages qui plaifent à la premiere vue par leur richeffe & la propreté avec laquelle ils font exécutés : mais la raifon n'y trouve pas toujours fon compte ; c'eft ce qu'on remarque particulièrement dans les ouvrages du P. Guarini, qui femble ne l'avoir jamais connue. TUR IN. Palais du Roi de Sardaigne, à Turin. Le Roi de Sardaigne a beaucoup de tableaux précieux. Deux grands de Paul Fcroncfe, dont l'un repréfente Moïfe fauve des eaux : il ne pa roit pas de la plus grande beauté. On n'y trouve point ces belles demi-teintes dans les chairs,qui caractérifent ce maitre. Celui qui eft vis-à-vis eft beaucoup plus beau , & a quantité de têtes de cette belle couleur, qui eft une des plus brillantes parties de cet excellent Peintre. Le fujet paroît être la Reine de Saba devant Salomon. Deux du Bajjlmo, très-grands , dont l'un repréfente l'enlèvement des Sabines , & eft du plus beau de ce maître, c'eft-à-dire, dîune belle couleur, mais d'un deflein & d'une compofition bizarres. Un tableau du Gucrcino , repréfentant l'enfant prodigue , qui eft d'une couleur vigoureu-fe, & d'un deflein très-hardi. C'eft un fort beau tableau. Une tête que l'on dit du même Auteur, & qui eft en effet d'un goût de couleur femblable, • mais dont la touche & le faire ne paroifienc pas fi faciles. Un David du Guide , fort beau. Un Satyre Marfias, écorchépar Apollon, dit A 5 t0 VOYAGE D'ITALIE. du même Peintre. L'Apollon n'en: québauché de grifaille. Quelques petits payfages mêlés de ruinej d'Architecture & quantité de figures touchées de grande & bonne maniere. Une petite efquifle de Pietro da Cortona , l'Annonciation de la Vierge, touchée avec tout l'art poflible. Un petit tableau de l'Annonciation, par Y dibatti. La tête de la Vierge eft d'une finefle de deflein admirable. L'Ange eft moindre, quoique fort beau. Les mains de la Vierge font très-belles. Les quatre élémens de l'Albani : chacun de ces tableaux peut avoir quatre pieds de diamètre^ Us font très-beaux & bien confervés,d'une belle correction, & d'une finefle de deflein admi_ rable, parfaitement bien drapés, & d'une couleur fuave. La compofition en eft un peu dif. perfée : c'eft le défaut ordinaire de ce maître. Une tête de Magdeleine pleurant,de Rubens. Un autre tableau , qui repréfente, s'il n'y a erreur de mémoire , l'incrédulité de faint The. mas, grand comme nature , qui paroît-aufli de Rubens, & qui eft très-beau. Un portrait en pied, grand comme nature, de Charles I, Roi d'Angleterre,' par un élevé de Vandyk, qui eft un tableau admirable. Il eft TURIN. » d'une vérité fi étonnante, qu'il femble que ce ne foit point de la peinture. Le fond d'architecture, qui eft fort riche, paroît avoir noirci; car il eft trop fort pour la figure. Un autre tableau repréfentant les enfans de ce Roi , par Vandyk , qui eft de la plus belle couleur poffible, foit pour la beauté des chairs, foit pour la vérité des étoffes. Un autre grand tableau , qui eft aufli du plus beau de ce maitre. Une Vierge accompagnée de l'Enfant Jefus, & de plufieurs autres figures, aufli de grandeur demi-naturelle, qui femble de Vandyk , & qui eft fort beau. Un portrait de Rembrant. Un petit tableau d'une tête de vieillard , du même, dont l'habillement & le fond font extrêmement noircis, mais dont' la tête & les mains font dignes d'admiration. Un autre petit tableau du même , repréfentant une vifitation de la Vierge , qui eft admirable, très-bj$n conferve, & ne paroit point noirci par le temps. Un petit tableau repréfentant une Vierge,avec quantité de figures. On n'a pu s'en rappeller le fujet. Il eft d'un élevé de Pietro da Cortona : mais il y a plufieurs figures ou enfans dans ce i2 VOYAGE D'ITALIE, tableau, qui font de Pietro da Cortona, lui même , & qui font faites avec un art & des grâces admirables. Une collection très-nombreufe des maîtres Flamands ; plufieurs tableaux de Gerard Domo , d'une très-grande beauté ; entr'autres un d'environ deux pieds huit pouces de haut, repréfentant un médecin qui regarde une liqueur au travers d'une phiole ; une femme ma-fade,fa fille qui lui prend lamain,& fa fervante. Ce tableau eft de l'exécution la plus prodigieu-fe, & très-piquant d'effet : il paroit cependant que les ombres en font un peu noircies, & que l'extrême fini a ôté de cette fleur de facilité que l'on voit quelquefois dans ce maître. Un petit Berghcm : c'eft un coucher du foleil, dont tous les objets font déjà obfcurs fur le ciel. Il eft très-beau. De fort beaux Teniers^des Vouwermcns,$m-tant plus intéreffans, qu'ils représentent des fujets & des combats de cavalerie. Un Van Ojiade, dont la magie du clair obfc^- eft admirable, & la couleur fort bonne. La touche eft comme aux autres tableaux de ce maître, c'eft-à-dire, molle & indécife. Plufieurs Brcughel, plus harmonieux d'effet & de couieur,qu'on ne trouve ordinairement les tableaux de ce maître, qui ( quoi qu'en puiffent [TURIN. I? penfer les curieux qui les ont portés à un prix fi haut ) , n'ont communément d'autre mérité que celui d'être touchés avec aflez de délicatefie,& font d'une couleur de fayancc ou d'enluminure. Il y a aufli quelques tableaux de Claude le Lorrain , fort beaux. Plufieurs tableaux de Jean-Paul Panini, repréfentant diverfes vues de Rivoli, maifon de plai-fance du Roi de Sardaigne. Ces tableaux font d'une couleur fort agréable , bien exécutés , & d'une touche fpirituelle & moëlleufe. Il y en à quelques-uns qui font un peu jaunes , & la gradation de lumiere n'y eft pas toujours conduite de maniere à faire beaucoup d'effet. On voit quelques tableaux du fameux Vandcr--wcrf, dont les curieux eftiment les ouvrages un fi grand prix. Ce peintre peignoit fes figures polies comme de l'yvoire,& les ombres fort noires. Le deflein en eft cependant fin & correct, d'afiez beau choix', & bien drapé : mais il eft difficile de s'accoutumer à fa couleur, à fa froideur excefiive , & au lifle de fon exécution. On y voit aufli quatre grands tableaux, fujets d'hiftoire , dont les figures font d'un pied & demi, ou environ , de hauteur, par Solimcni, La maniere de ce maitre eft un peu dure \ fes ombres font noires, fans prefqu'aucun reflet, & les lumières claires, avec des demi-teintes ten« 14 VOYAGE D'ITALIE, dres ce qui, joint à ce que fes lumières font fort difperfées, préfente au premier coup d'œil un grand nombre de taches noires & blanches. Cependant, en regardant ces tableaux en détail, on y trouve un deflein fçavant & de grand goût, des tons de couleur d'une belle fraîcheur , des têtes bien delfinées, & d'un très-beau choix ; des figures ingénieufement ajuf-técs, & un agencement de grouppes & de compofition très-bien lié, & du plus beau génie. II y a d'ailleurs quantité de tableaux de différentes écoles d'Italie, dont plufieurs ont de très-grandes beautés , ainfi qu'un grand nombre de tableaux Flamands, de différens maîtres. On voit aufli un cabinet orné de glaces , ou font, dans les pilaftres & dans les deflus de portes, onze petits tableaux de Carie Vanloo ' dont les fujets font tirés de la Jérufalem délivrée du Taffe, & qui pour le plupart font dignes d'admiration. La force & la fraîcheur de la couleur y font excellentes , & les grâces du deifein, fur tout dans les têtes de femmes & d'enfàns, y font jointes à l'exécution la plus précieufe. Les appartemens du Roi font richement déco-Tés^ en général de bon goût.quoiqu'il y air des pièces oû le mélange de dorures & de glace* TURIN. iç femble d'un goût un peu mefquin. Ils font ornés de plafonds peints dans plufieurs pièces : mais en général ils font beaux fans être excel-lens. Us font, ou du Chevalier Danieli, dont cependant on voit ailleurs de plus belles chofes, ou du Chevalier Corrado , qui n'eft pas la non plus dans toute fa force , ou du Chevalier de Beaumont, auteur moderne , qui eft abondant en génie , mais dont la couleur eft un peu trop belle , c'eft-à-dire qu'il manque de vigueur , & tient un peu de l'éventail. La Chapelle du Saint-Suaire , qui fait partie de ce palais , eft fort vantée dans ce pays : le bas eft orné de colonnes grouppées, & portant des arcades. Les petits Ordres font artiftement mêlés avec les grands. Tout ce bas eft de marbre noir &. beau: mais le dôme eft de l'imagination la plus bizarre. C'eft une quantité d'exa-gones pofés les uns fur les autres, l'angle de l'un fur le côté de l'autre, & ainfi fuccefîive, ment ; ce qui produit un grand nombre de percés triangulaires, fort extravagans. L'autel eft à deux faces. Le The'atre tient aufli à ce palais, il eft fort grand ; la falle des fpeêtateurs eft delà forme d'un œuf tronqué ; elle a fix rangs de loges toutes égales ; elles fontun peu moins grandes qu'à Paris; on n'y peut tenir kque trois perfon- io' VOYAGE D'ITALIE, nés de face ; 1 es féparations font des cloîfons tout-à-rait fermées , & un peu dirigées vers le théâtre. La néceffité de pratiquer un grand nombre de loges a empêché celle du Roi d'avoir la hauteur convenable. Elle a la largeur de cinq des autres loges. & n'a de hauteur que celle de deux. Elle eft élevée au fécond rang. Cette grande loge eft ronde dans fon plan : mais il n'en paroit d'ordinaire que la moitié , l'autre partie étant fermée par une fauffe cloi-fon, que l'on ôte dans les grandes cérémonies. Derrière eft une chambre, d'où l'on entend fort bien les acteurs ; & c'eft prefque le feul endroit d'où l'on entende, foit que le théâtre foit trop grand , foitpar la rumeur que fait une multitude de perfonnes qui parlent dans leurs loges, & dans le parterre, aufli haut que fi elles étoient chez elles. Toutes les féparations des loges font ornées de confoles d'aflez bon goût. Leprqfcc-nium eft fort beau au premier coup d'oeil ; il eft compofé de deux colonnes d'OrdreÇorinthien, portées par un focle, & couronnées d'une corniche fans frife, qui eft interrompue par une loge ovale. Les moulures de la corniche font un fronton circulaire au deffus de cette loge. Entre les colonnes il y a deux loges, qui ont le défaut de n'être pointa la même hauteur que celles de la iàlle,& de ne s'y point accorder. Deux enroule- TURIN. 17 mens donnentnaifTance à deux figures, moitié gaine, moitié femme , qui font cenfées porteria partie circulaire qui foutient le couronnement, mais qui auroient befoin que quelque ebofe les portât elles-mêmes.Elles font areboutant contre une petite confole couronnée de l'abaque & des volutes du chapiteau Ionique. L'architecte s'eft un peu embrouillé dans fa corniche,l'ayant voulu faire paroitre concave derrière les figures qui portent les armes ; il l'a contournée félon l'effet que produiroit la perfpeciive dans une chofe ceintrée, quoique réellemen tout cela foit modelé fur une ligne droite. Ce n'eftpas le feul endroit où l'on ait fait ufage de ces mauvais effets du réel tortillé, pour s'ajufter à la perfpecti-ve ; l'on en voit de moins fupportables encore aux Vignes de la Reine. Ces chofes ne peuvent faire leur effet que d'un point donné , & font ridicules de tous les autres endroits. D'ailleurs tout ce couronnement efi compofé de parties circulaires, & d'un fronton rond ; ce qui.eft un manque de goût. Pour fauver le mauvais raccordement des loges avec ce prqfccnium , l'auteur l'en a féparê par une draperie réelle , qui fait un fort bon effet. Cet avant-feene a plus de quarante-cinq pieds d'ouverture. Tout ce qui peut être utile à la commodité du théâtre a été Tonus!* Part. L R îfc VOYAGE D'ITALIE, très-bien prévu. Il eft cependant iingulier que dans un théâtre conftruit avec tant de dépenfe, le plafond peint dans la falle , & repréfentant une aflemblec des Dieux , foit fi mauvais. Le bâtiment le plus beau & les plus impofant qui foit à Turin,eft le palais du Duc deSavoye. Il eft un peu dans le goût du périftile du Louvre, c'eft-à-dire que ce font des grandes colonnes Corinthiens, mais non grouppées , portées panine efpece de foubaflement, fans ordre: mais il m'y. a que le milieu qui foit décoré de colonnes ifolées. Le foubaflement eft plus bas, & en cela mieux que cclui-du Louvre, Il eft décoré de fort bon goût, peut-être un peu trop riche, Il a des croifée^ qui font très-belles , & ornées d'une maniere ingénieufe. Toute cette façade, qui eft considérable, renferme un grand efcalier qui monte à droite & à gauche , & revient au milieu pour conduire dans un grand fallon. Cet efcalier eft en général fort beau , quoique l'on trouve que la cage, qui le renferme', foit trop étroite pour fa longueur. Il y a des détails fort ingénieufement décorés, & d'autres de mauvais goût, & d'une architecture trop tourmentée. Le fallon eft bien compofé , & décoré d'une maniere ingénieufe Se grande. C'eft un ordre & un attique. La corniche de l'ordre eft décorée de figures qui ne font pas TURIN. . 15 Fort belles : mais les enfans, foit de l'efcalier , foit du fallon , font très-bien modelés , & les confoles en caryatides , qui ornent le plafond , font très-heureufement inventées. Il y a un grand palais tenant à celui du Roi', nomméY Académie, qui eft bien décoré, il eft de Philippe de Giuvarra.Un manège commencé,où il y a d'aflez bon détails , qui eft très-vafte, & dont la voûte eft hardie: il eft du comte Alfieri. La richeffe des édifices étonne proportionnellement à la petiteffe de cette ville. Prefque tous les bâtimens y font décorés de fenêtres ornées de chambranles failhins, travaillés & couronnés de frontons. Ces décorations font quelquefois bonnes, plus fouvent mauvaifes, mais en général ingénieufes , fi l'on en excepte les maifons modernes , où ce goût d'extrême enrichiflement dégénère en foilcs" du plus mauvais goût. L'entrée des maifons eft un atrio ou veftibulè fous la porte cochere , décoré de colonnes & de pilaf-très, & enrichi de quantité d'ornemens. - Sous ce veftibulè eft le grand efcalier. Le' fond de la cour, qui fe voit de la rue , 'eft toujours décoré d'architecture , le plus fouvent dans un goût théâtral. Cet atrio donne la commodité de descendre de carrofle à couvert, & dans un lieu orné. Il en réfulte un autre avantage. Toute h B 3 zo VOYA G E D'ITALIE, décoration eft fur la rue, au contraire de ce qui eft en ufage à Paris, où prefque tous les beaux hôtels font au fond d'une cour, & ne contribuent point, ou très-peu, àl'embelliflement de la ville. Les églifes y font fort ornées d'architecture, mais fi licencieufe, qu'il feroit" dangereux à un jeune architecte d'en être trop affecté avant que d'avoir vu le refte de l'Italie. Le goût d'architecture, qui règne dans cette ville, ne doit point fervir de modèle. Cependant un génie froid & ftérile pourroit en tirer de l'avantage , & y profiter de quelques inventions heureufes , qui réglées par un goût plur fage, fourniroient des reflburces dans les occafions où l'architecture antique paroit trop Pévere. Un des principaux objets de curiofité pour ceux qai commencent le voyage d'Italie , c'eft le théâtre. 11 eft bien propre à donner la plus grande idée» de ceux qui font conftruits dans ce fyftême moderne, puifque c'eft le plus richement & le plus noblement décoré qu'il y ait en ce genre : cependant il ne paroit pas qu'il rempliffe entièrement celle qu'on peut fe former d'un beau théâtre. Ce n'eft pas par comparaifon avec les nôtres qu'on en peut juger ainfi, & il vaut TURIN. a mieux convenir que nous n'avons aucun lieu qui mérite ce nom ( fi l'on en excepte celui qui a été nouvellement conftruit à Lyon ) , que de prétendre juftifier les petites falles oû nous donnons nos fpectacles. On peur dire néanmoins, pour nôtre excufe, que l'on n'a point encore bâti en France de théâtre exprès ; que tous ceux qu'on y voit ont été conftruits dans des lieux donnés, étroits & fortlongs,& en cela directement oppofés à toute bonne forme de théâtre , & contradictoires à leur deftination. On a donc lieu d'efpérer d'en voir un jour d'une autre efpece. Cependant, malgré la connoif-fance que nous avons, foit des; théâtres antiques, foit de ceux de l'Italie moderne, on h'ofe-roit conclure que, fi nous en conftruifions de nouveaux , il y eût beaucoup d'architectes qui vo^aflent renoncer à notre plan ordinaire , tant l'habitude, quoique reconnue mauvaife, a de force, & tant ceux que leur mérite & leur réputation pourroient mettre en état de dompter le préjugé, ont de foibieffe, lorfqu'il s'agit de contredire l'opinion vulgaire. La forme d'oeuf tronqué, qu'on voit à celui de Turin , quoîqu'infiniment meilleure que notre quarré long , eft cependant peu agréable & irréguliere. Cesfix rangs déloges, toutes éga- "M VOYAGE D'ITALIE, les, préfententune uniformité froide , qui les fait reflëmblerà des cafés pratiquées dans un mur. D'ailleurs cette égalité eft contraire aux règles du goût qui exige des proportions variées dans les maffes principales d'un édifice. Laféparation des loges murées de biais fait un effet défagréable en, ce que ce biais n'eft pas régulièrement dirigé au théâtre, & que ce mur ne laiffe à celles des côtés que quatre places d'où l'on puiffe voir commodément : mais comme il tient aux ufages du pays, il eft d'obligation. Les Italiens conftruifent leurs théâtres relativement à leurs mœurs, qui font différentes des nôtres. Leurs loges font pour eux un petit appartement , où ils reçoivent compagnie. En effet leurs opera font fi longs , que fi l'on ne s'y amufoit d'autres chofes, il fer oit difficile d'y refter , fans ennui, quatre heures & plus que dure ce fpeciacle. Les habits de leurs acteurs font de plus mauvais goût encore que ceux des nôtres Ci). Non feulement ils ont également adopté la prétendue grâce des paniers , tant aux hommes qu'aux femmes, mais encore ils en (t) Depuis quelque temps le goût d'une attrice célèbre, fécondée de phiïieurs atteins., gens de goût nous a fait voir à la Comédie Françoife des habits naturels & de bon goût , mais il y a toujours à craindre qu'il ne foient pas/uivis des autres. TURIN. 2j ont augmenté le ridicule , en les faîfant beaucoup grands, & en les terminant en bas par une ligne droite ; ce qui préfente deux pointes, qui font un effet très-défagréable. On fait peu d'ufage des machines à ces théâtres, & leur înduftrie fe borne ordinairement à ajufter une décoration pendant que l'autre les cache. Les chaflis avancés font apportés à leur place par des hommes , & retenus par une barre qui les étale. Néanmoins , par la grandeur de leurs théâtres, ils préfentent des fpectacles grands & magnifiques. Le peintre qui faifoit alors les décorations, compofoit de mauvais goût, félon la mode qui eftpréfentement en vogue en Italie ; & excepté quelques-unes de pierre grife , qu'il peignoit affez bien , le refte étoit peu de chofe. Ils ont cependant le talent de préfenter beaucoup de morceaux d'architecture , vus par l'angle , ce qui produit un très-bon effet au théâtre, en ce que cela fauve la difficulté des raccordemens de la perfpective pour les différens afpects : méthode dont nous devrions faire un peu plus d'ufage , furtout fur nos petits théâtres. En général leur couleur eft grife , & ils n'ont pas , plus que nous , l'art d'augmenter l'effet de leur décoration par départies généralement ombrées & oppofées à des parties lu-mineufes. VOYAGE D' ï T A LI E, LA SUPER G A. g l i s e magnifique , bâtie fur une montagne'peu éloignée de la ville : c'eft la fépultu-re de Victor Amédée. Elle eft ronde, décorée de colonnes non doublées, d'un ordre Corinthien, dont l'afpect eft impofant, & qui a plus de quatre pieds de diamètre. Elles font d'un marbre gris du pays, qui eft fort beau, & d'une couleur1 agréable , approchante du bleu turquin. Les corniches des petites colonnes qui foutiennent les archivoltes qui font l'entrée des chapelles, s'ajuftent fort mal contre les grandes , 6c ont obligé à laiffer une efpece de fente entr'eiles & la colonne. Le dôme eft formé 6c foutenu par un fécond ordre de colonnes de marbre rouge. Elles font de deux fortes , droites & torfes jufqu'au tiers. Les colonnes qui foutiennent la corniche font droites, mais nichées d'une maniere fort défa-gréable dans un enfoncement.' pratiqué dans les pilaftres. Les torfes décorent les fenêtres. L'architecte a été forcé d'employer cette mau-vaife forte de colonne, le F.oi en ayant alors une quantité qu'il vouloit placer : mais ce qu'il a fait x TURIN. zç a fait de lui-même, & qui néanmoins produit: un très-mauvais effet , c'eft d'avoir fait bomber les pié-deftiux du fécond ordre dans un fens contraire l'un à l'autre ; ce qui d'en bas fait fort mal. Les pié-deftaux du premier ordre paroiflent enterrés, , n'ayant prefque point de plinthe. L'enfoncement dans lequel eft le principal autel , eft décoré richement, mais n'a rien de fort beau. Les autels de cette églife font tous décorés de bas-reliefs de marbre blanc : ils font compofès comme des tableaux , & d'un relief fort faillant.Cette forte de décoration a plus de repos à l'œil, & de majefté que n'auroient des tableaux : mais toute cette fculpture n'eft pas fort belle. Le bas-relief du maître-autel eft cependant affez-bien compofé , & fait un bon effet d'un.peu loin. Cette églifc eft en général de grande maniere , quoiqu'il y ait plufieurs détails de fort mauvais goût. On y entre par un portique quarré , dont les colonnes font d'un plus grand diamètre que celles du périftile du Louvre. Ce portique eft très-beau en lui-même ; mais la baluftrade qui le couronne, eft ridiculement grande, & il avance beaucoup trop par rapport au refte du bâtiment. La porte qui eft deffous eft belle ; il y a deux niches l'une fur l'autre, de chaque côté , pour Tom.!, Part.I. C 26 VOYAGE D'ITALIE, recevoir des figures. Ce portail eft orné de deux campanilles trés-bellcs, mais fort mal terminées. Le bâtiment de derrière , où demeurent les chanoines , a de fort beaux corri, dors, & une cour décorée de pilaftres en bas-reliefs. Cette architecture eft de Doni Philippe de Giuvarra. Les Vignes de la Reixe , près de Turin. C'eft un bâtiment aflez petit , fur une hauteur, d'où l'on voit toute la ville de Turin. On monte un double efcalier, dont le milieu eft décoré d'une fontaine , de tables & déniches ruftiques. On entre dans un fallon à deux étages à l'Italienne : ce falkm n'eft orné que d'architecture peinte dans le mauvais goût italien , c'eft-à-dire qu'ells eft affommée de groffes moulures & d'ornemens pefans. D'ailleurs , quoique cette peinture trompe aflez l'oeil, elle eft faite d'une maniere féche. On voit dans les apartemens quelques pia. Fonds fort beaux, dont la couleur eft harmo-nieufe , & tient un peu de Paul Véronefc : ils font du chevalier Danieli. Ce peintre a hazar-dé dans ces plafonds des chofes qu'il eft bien difficile d'y faire réunir. Il y arepréfenté des fujets dont la feenc fe pafle dans des palais, fur des efcaliers à plulieurs marches, Quoique TURIN. zj dans l'exacte vérité cela foit impoffible , puif-que la premiere marche , vue en delfous, ca-cheroit toutes les autres, & les figures aulfi., cependant, en regardant cela avec moins de févérité , il a rempli cette fuppoiition autant bien qu'il étoit poffible , D'ailleurs il a traite avec fuccès les figures debout & vues en plafond, & la couleur & la dégradation des teintes y font fort bien entendues. Au refte , comme les planchers ne font pas fort élevés dans un petit bâtiment, ces plafonds font vus de trop près; ce qui ne contribue pas peu à diminuer l'effet qu'ils pourroient faire par la maniere dont ils font traités. Dans cette même maifon il y a plufieurs def-fus de porte du chevalier Corrado', élevé de Solimmeni, dont l'effet eft piquant, & la compofition ingénieufe. La couleur dans quelques-uns tient beaucoup de celle de feu M. le Moine premier peintre du Roi, non pas cependant que les demi-teintes en foient fi variées, ni fi belles, mais feulement par le ton général qu'ils préfen-tent à l'œil. Dans d'autres elle tient de celle de fon maitre, c'eft-à-dire que les ombres en font noirâtres Se extrêmement vigoureufes. On voit plufieurs plafonds du même peinrre dan» ce petit palais, qui ne font pas fi bien que fes C 2 28 VOYAGE D'ITALIE, tableaux de chevalet, & qui font extrêmement foibles de couleur : l'agencement & la liaifon des grouppes y eft néanmoins toujours ingénieufe. On voit aufli dans l'églife de Sainte Thérçfe, à la chapelle de Saint jofeph , deux grands tableaux de ce même peintre, qui fon fore beaux. 11 femble , au premier coup d'ceil , qu'ils ont quelque reflemblance de maniere & de couleur au tableau de M. Haie, qui eft à Notre-Dame de Paris. La façon de traiter les draperies en eft fort belle & un peu méplate. La Venerrie. C'eft une maifon de plaifance du Roi deSardaigne , dont les dehors , pourhr plûpart, ne font pas encore revêtus ; mais cependant , par ce, que l'on en voit , ils promettent d'être fort beaux. Dans le premier grand, fallon , qui monte jufq'au haut du bâtiment, il y a des tableaux de Daniel Mieli : ils repré-fentent plufieurs momens de chafle , ornés de grand nombre de figures. Quoique ce foient des figures de modes, elles font traitées de fort grande maniere , & d'une couleur belle & vi-goureufe , mais un peu noircie par le temps. \.e, faire en eft fort beau ; la couleur & les ombres font décidées avec fermeté, à peu-près . dans le goût de Jamicli : mais les lumières n'y TURIN. 29 font pas grouppées Les têtes où il a voulu faire des portraits, font mauvailes. Ces tableaux font obfcurs en général, & il faut les regarder avec attention pour appercevoir leur mérite. Les apartemens font fort beaux. L'églife de cette maifon de plaifance eft très-belle^ d'une architecture en général allez fage, & cependant ingénieufe : c'eft un dòme en croix grecque. Le cul-de-four , où eft le maitre, autel, fait le plus noble effet: c'eft une colonnade fimple , avec entre colonnemens é-troits. L'autel eft décoré d'un tabernacle de mauvais goût : c'eft une autre petite eglife. Cette églife eft , dans le rapport des parties au tout, d'une proportion qui fait plaifir à l'œil. Dans les mainfs qui portent les pendentifs du dôme, il y a en bas des niches, dans lefquelles on a placé de grandes figures , qui ne font pas fort belles : les petites colonnes fortfaillantes , qui les accompagnent, font un trop petit objet. On voit dans ce même lieu un tableau de Sé-ballien Ricci , qui eft une très-belle chofe. Il repréfente un Saint Auguftin , qui eft très - bien peint1, bien drapé, & dont la tête eft belle; Saint Sébaftien & Saint Roch ; en haut, une Vierge avec des Anges. Ce tableau eft très-bien delfine , & d'une couleur argentine , fraî- 3© VOYAGE D'ITALIE.' che & extrêmement agréable. Dans les endroits qui ne font éclairés que de reflet, il eft admirable. En général ce tableau eft d?une grande beauté , d'un bel effet, & très féduifant. Il y a quelques autres tableaux de Sébaftien Conca & du chevalier Beaumont. Le plus beau eft un Saint François de Salles , qui tient un peu du ton & de la maniere de Boullognc , premier peintre du Roi : mais tout cela eft entièrement effacé par le Ricci. Les dehors de cette cglife ne font pas achevés ; mais il paroit] que ce fera une confufion de bàtimens de plufieurs manières & de différentes hauteurs. L'orangerie de la Vénerie eft un très-beau morceau d'architeéture ; les voûtes en font très-bien décorées dans un goût fimple & mâle II y a de grandes & belles écuries. La galerie n'étoit pas achevée ; mais elle eft d'une très-belle grandeur, & plus élevée que celle de Verfailles , parce que l'ordre qui la décore eft furmonté d'un attique percé de croifées. Le tout eft richement décoré, quoique tout blanc. Les deux bouts de la galerie font décorés d'un goût théâtral, & qui fuit beaucoup d'effet. Ce fera un palais magnifique lorfqu'il fera en- TURIN. 3r tiérement achevé : il eft de Giuvarra. Stupinigi. Cette maifon de plaifan-ce du Roi de Sardaigne ne confifte prefque qu'en un grand fallon & quelques apartemens ; mais il y a des projets du comte Alfieri pour l'augmenter confidérablement. Le fallon pré-fente un afpect fort riche , & tout-à-fait théâtral : il eft entièrement décoré de peintures & d'omemens , mais toujours en trop grande quantité, & d'un goût trop pefant. L'architecture en eft fort irréguliere & extravagante , quoique riche par le mouvement de la baluftrade , qui tourne au premier étage , & conduit dans les appartenons. Cela eft dans le goût des folies de Aleyfjbnier. Il y a dans les appartemens plufieurs plafonds à frefque, entr'autres un de Carie Vanloo, qui eft fort beau : il repréfente Diane & fes Nymphes. Il y en a quelques autres par des peintres Italiens , qui ne font pas beaux : on en peut cependant excepter un (dont j'ai oublié le nom),, qui entendoit très-bien le raccourci des plafonds. Ces plafonds à frefque , étant clairs, décorent gaiement & très-bien. Ce bâtiment eft auffi de Giuvarra. VOYAGE D'ITALIE. MILA N. Je dôme ou la cathédrale de cette ville eft une églife très-grande & trcs-élevée , bâtie de marbre blanc non poli. Cet édifice caufe de l'étonnement par la grandeur de l'entreprife ; car , quoique de marbre, c'eft un gothique des plus charges d'ouvrage que l'on puifle voir, orné d'une quantité innombrable de ftatuè's de même matière. On les y a prodiguées avec tant/de profufion , qu'il y en a fout au haut de l'édifice, qui n'ont pas un pied de proportion , dans de petites niches qui les cachent, & qui font elles-mêmes placées dans des endroits que l'œil ne peut découvrir. C'eft le comble de la folie du travail des A rehitectes Gothiques. Le dôme au deffus de milieu de la croix del'églife , n'eft point achevé, auffi bien que quantité d'or-nemens, qui doivent terminer le haut de cet îmmenfe bâtiment. Le portail n'eft point fini ; il n'y a que les portes, qui font au nombre de cinq , quatre petites & une grande : elles font très-belles , & d'architecture clans le goût grec. Il y a à côté de ces portes des pilaftres qui ont fept pieds de diamètre. On a dcfiné beaucoup de projets pour la conftruction de ce portail ( qui vraifemblablement ne fera jamais ache- MILAN. n vé ; ) plufieurs font dans le goût de l'architecture grecque, & plufieurs dans le goût gothique , qui femble beaucoup plus convenable à une égli fe qui Veft elle même. Il y auroit cependant bien de la folie à faire exprès un fi, grand ouvrage dans un genre d'architeéture de maurais goût, qui eft avec raifon entièrement a-bandonné. Joignez à cela que ce goût augmente le travail par la multitude de petits ornemens qu'il exige , & que c'eft former une entreprife qui étonne l'imagination , pour ne produire fciemment qu'une mauvaife chofe , qui coûte-roit plus que plufieurs bonnes , & aufli apparentes dans un meilleur goût. Les portes de ce portail font décorées de bas-reliefs aflez médiocres. Ils font exécutés fur des grifailles peintes par le Cerano , qu'on voit chez les chevaliers qui font chargés de diriger la continuation du dôme. Ces grifailles font d'un pinceau large & moelleux, mais d'une incorrection infupportable. Dans le milieu de la croix de cetce églife , il y a une ouverture au pavé , entourée d'une ba-luftrade , qui donne de la lumiere à une chapelle fouterreine, où repofe le corps de Saint Charles Borromée. 11 eft dans une châfle com-pofée de vitraux de cryftal de roche , enchâiTés C S 54 VOYAGE D'ITALIE. . dans des cadres d'argent doré : le tout compofe un cercueil capable de contenir le corps du Saint revêtu de fes habits épifcopaux , la croffe entre fes bras. Le commencement du plancher, incliné autour de l'ouverture , eft orné de bas-reliefs d'argent doré, qui repréfentent les prin. cipales actions de la vie du Saint : ils font fort bien exécutes, quoique d'un relief un peu trop faillant. On montre dans la facriftie un tréfor confidé-rable par fa richeffe.On y peut remarquer, quant aux chofes de goût, un calice ancien , où il y a de petites figures de Saints ou d'Apôtres, très-bien travaillées, Se d'une touche fpirituelle;une paix, où il y a en bas une defeente de croix, & en haut quelques petits anges très-bien rendus, Se de la main d'un très-habile orfèvre. On voit dans la même églife une ftatue de marbre , repréfentant un Saint Barthélemi écorché, quia fa peau fur les épaules. Cette ftatuë, quoiqu'af-fez belle, n'eft pas digne de l'admiration que les Milanois marquent pour elle. lis racontent qu'on a voulu la leur acheter, en la troquant contre de l'argent, poids pour poids. S.'Lo Renzo. L'architecture en eft d'une compofition fort fingufiere. Le plan eft un octogone ; quatre des cotes de cet octogone font des portions de cercle en enfoncement ; fur ces MILA N. 3ç portions de cercle font élevées des colonnades à deux ordres l'un fur l'autre ; fur les côtés de l'octogone , qui font en lignes droites , s'élève un ordre , grand à lui feul comme les deux autres , qui porte le dôme. Tette idée eft affez bizarre ; cependant elle a de la beauté par cette quantité de colonnades qui y produifent des galeries tournantes: elle paroit imitée de l'é-glife gothique de Saint Vital, à Ravenne. Il n'y a de peintures , dans cette églife , que quelques petits morceaux , derrière le maître-autel , qui ne font pas mauvais; On voit près de cette églife un refte d'antiquité romaine : il confifte en une colonnade de feize colonnes. Ces colonnes paroiffenr. d'une groffeur & d'une proportion fcmblable à celles du périftile du Louvre; les entrecolonnemenS font étroits & égaux entr'eux , excepté celui du milieu, qui paroît double des autres. Ces colonnes font cannelées & remplies d'une baguette jufqu'au tiers; elles portent leur entablement, dont on voit encore les moulures en quelques endroits ; les voulûtes des chapiteaux font tombées, Se les bafes fon écornées; c'eft un fort beau refte d'antiquité. Cependant au def-fus du plus grand intervalle qui eft au milieu, toute la corniche s'élève en arc, pour fe couronner d'un fronton triangulaire. Il eft difficile de 5 6 VOYAGE D'ITALIE, concevoir comment la corniche auroit pu tourner ainfi , & fi les moulures de l'architrave au-roient tourné aufli , ou comment elles fe fe-roicnt terminées, parce que toute la corniche eft ruinée: mais il n'y a nulle apparenue que cette licence ait jamais pu faire un bon effet. S.Marco. Dans le fanctuaire on voit deux tableaux. Celui à gauche , qui eft du Cerano, repréfente le baptême de Saint Auguftin. 11 eft compofé avec une très-grande chaleur d'imagination , peut-être même exceflive ; il y a des chofes exccllement bien peintes, & quelques têtes belles & de bonne couleur, mais il y a des incorrections de deifein , & des défauts d'en-femble dans l:s figures, qui ne font pas fuppor-tables ; tous les grouppcs du devant font des colofles, en comparaifon de ceux de derrière, i Celui à droite, de Camillo Procaccino , eft plus correct, mais plus froid , Se tient, pour leâgoût de draper & de peindre , de quelque imitation de Raphael. Il y a des chofes deffinées de grand caractère : cependant ce n'eft qu'un tableau médicore. C'eft aufli un fujet de la vie de Saint Auguftin. A S. Victor , Moines Olivétans. Plufieurs tableaux de bons maîtres, entr'autres un de Daniel Crefpi ( c'eft le même que l'on appelle le Cerano), qui eft très-beau : il repréfente Saint MILAN. 37 Antoine & Saint Paul hermite, mort. Deux Anges emportent Fame de S. Paul, qui eft repré-fentée par une petite figure blanche , & qu'a Pair d'une femme. Les deux Anges font dignes d'admiration, foit pour la maniere dont ils font coèftes)& ajuftés, foie pour la fraîcheur & la ten-drefle de la couleur. Les deux Saints font traites de la maniere la plus fiere , & dans le goût du Guercino : furtout la tête du mort eft fort belle. S. Antonio, églife des Théatins. On y voit un tableau d'une Vierge qui, aidèe de l'Enfant Jefus, écrafede la tête du ferpenr. Çe tableau eft compofé & drapé de grande maniere , mais il n'a point de finefle , ni de beautés de détail. A la chapelle de l'Annonciation de la Vierge, on voit ce fujet traité parJules-CefariVoeaca'/io. la Vierge y eft debout. Ce tableau eft fort noirci & l'on en diftinguepeu de chofe : mais ce que l'on en apperqoit eft fort beau ; les têtes font très-bien ; la couleur en eft belle oc fiere. 11 femble cependant que les ombres , étant d'un noir roux, ne foient pas du meilleur ton. On dit qu'il y a dans cette églife un tableau d'\nnibal Caracci. Il y a en effet quelques tableaux qui ont des beautés, mais cependant qui paroiflent peu dignes d'être donnés à ce grand maitre. Lans une autre chapelle de cette même églife 38 VOYAGE D'ITALIE, on voit une Sainte Famille, où eft la Vierge 6c l'Enfant Jefus, Saint Paul & Sainte Catherine , eie Bernardino Campi. Ce tableau eft d'ime couleur aimable , furtout la G oire de petits Anges, qui eft en haut. Autre tableau d'autel. Saint André Avellino, mourant dans un extafe , en montant à l'autel. La figure du Saint eft peinte avec la plus grande facilité , & d'unej couleur brillante & fiere. Les figures de la Vierge & des Anges qui lui app-iroiffent, font beaucoup trop petites pour leur plan, & d'une couleur qui , quoique agréable , eftfaufle, & ne tient point affez de la nature. Ce tableau eft, dit-on, du chevalier Fraiu eifeo del Cayro. Santa Maria, près San Celfo. Cette églife, ainfi que le portail, eft toute revêtue de marbre non poli. L'entrée eft une cour quarrée,entourée d'un portique. Le portail n'eft pas d'une excellente architecture, & les maffes générales n'en font pas bonnes ; mais il eft fort orné de fculp-tures, dont la plus grande partie eft bel'e. On voit au deffus de la porte deux figures de Sybilles couchées,qui font d'un grand caractère, & bien drapées: elles font de Fontana^utii bien que plufieurs des bas-reliefs qui décorent cette façade , & donde relief eft fort faillant. Dans deux niches en bas, font deux figure^ [MILA N. j9 une d'Adam , & une d'Eve, par Artaldo di Lo-r'trizi, Florentin: elles font fort belles, correctes, & d'un contour coulant & pur. Dans Péglife,dont l'architecture eft fort belle, on voit au deffus de la petite porte d'entrée, du côté gauche , une figure de Vierge en marbre, qui étoit autrefois tout au haut du portail, d'où on l'a ùtée , en fubftituant une copie à fa place. Cette figure eft belle, & d'un beau travail. Les plis des draperies font bien formés, fort légers, & en général d'aflêz beau choix. Elle a le défaut d'être d'une nature trop courte. D'ailleurs il paroit qu'elle n'étoitpas bien compofée pour la place où elle devoir être. La tête eft levée vers le ciel, de maniere que d'en bas on ne lui ver-roic point le vifage. Près du fanctuaire onvoitquatrefigur.es de marbre , dont l'une repréfente la Vierge , &les trois autres paroiffent être des Prophètes. Ces figures font fort belles & de très-grand goût. .La Vierge eft travaillée avec le plus grand foin. Elles font toutes de Fontana, & elles ont le défaut ordinaire à ce fculpteur, c'eft-à-dire qu'elles font courtes. Les tableaux dont cette églife eft ornée , font en général bons. Les plus remarquables font : premiere chapelle , un tableau de Jefus-Chrift, & Sainte Thérefe, d'une maniere fort large. , 4o VOYAGE D'ITALIE, Seconde à droice, un Saint-Efprit & une GloU re d'enfans, fort bien peints. Troifieme à droite, Saint Sébaftien, bien peint : la maniere en eft large , & la couleur belle. Les enfans font fort beaux ; la figure du Saint eft moins bien. Quatrième arcade à droite, un Tableau de plufieurs Martyrs', très-beau. Il y a une figure de bourreau , qui eft trop forte. Cinquième, une Sainte Lucie , fort belle , & qui tient un peu du goût de Ruban. Une Chute de Saint Paul, du Moretti. Un Baptême de Saint Jean , tableau ancien , bien delfine & vrai de couleur. La Gloire d'en-fans eft fort belle. Une Réfurrection fi finguliérement compofée, que les foldats remplirent prefque tout le tableau. Le deflein en eft d'aflêz grand caractère, mais le faire en eft fec, & la couleur mauvaife. S. Alfxandrf, Barnabites. Belle églife,toute couverte de peintures médiocres. 11 y a dans la chapelle de la croifée, à droite, un tableau fort noirci, mais qui eft aflez beau. Sainte Marie des Grâces. Dans une chapelle à droite, un Saint Paul, de Gaudcntia. Ferrari Novarefe. Ce tableau eft allez beau & bien drapé ; la couleur en eft dure, & la maniere feche , la tête eft belle. MILAN. 41 Au maitre-autel , une Réfurrection de Pam-philo Nuvoloni, très-bien compofée , & d'une belle imagination : la maniere en eft un peu molle & pefante. A la chapelle de la croifée de l'églifc, a gauche, il y a un Couronnement d'épines du Tiziano. Ce tabieau eft d'une couleur admirable,d'un pinceau moelleux : les tètes font de la plus grande beauté. 11 eft très-bien compofé, & doit • avoir fait un très-bel effet de clair obfcur; mais il eft noirci par le temps , Si placé dans un endroit fort fombre : les coiffes du Chrift , qui eft aflis, ne s'attachent pas bien aux hanches. On fait voir dans la chapelle qui précède celle-là, une Vierge miraculeufe, peinte par Léonard de Vinci. 11 y a deux figures au bas , qui font des portraits : c'eft un affez médicore tableau. On croit que c'eft dans le couvent de cette églife , ou à Saint Victor , que l'on voit dans le réfectoire un grand tableau peint â frefque fur le mur i figures plus grandes que nature ) , de Léonard de Vinci : il repréfente la Cene, Sz Saint Jean appuyé fur la poitrine de Notre Seigneur. Ce tableau a de grandes beautés ; lestâtes font belles , de grand caractère & bien coëf-fées; il eft bien drapé , & en généial f par Saint Charles. Sa cour eft quarée & décorce de deux portiques, l'un fur l'autre: le premier d'ordre Dorique , & le fécond Ionique. Les colonnes font grouppées , & lailfent neuf grands efpaces ; celui du milieu eft un peu plus grand que les autres, en rapprochant les colonnes grouppees: cette décoration eft en général lim-ple ce noble. La porte d'entrée fur la rue eft de grande maniere, quoiqu'il y ait deux figures finiifmt en gaine , qui font trop coloffales , & qui ne font pas un bon effet. Le College Helvétique , auffi fondé & bâti par Saint Charles, Ce font" deux cours en vironnées de deux portiques , l'un fur l'autre, à colonnes également efpacécs : on entre de l'une dans l'autre par un veftibulè décoré de colonnes, & qui produit un beau percé. Les deux galeries des côtés des deux cours , n'en font qu'une feule fort longue & d'un grand effet. Ce édifice n'eft pas entièrement fini. La porte d'entrée eft de fort bon goût, & les chapiteaux Ioniques font ingénieux. Ils font compofés d'un mafearon grotefque , des joues duquel partent deux ailes ou oreilles , qui produifent les volutes ; de fa bouche fortentde petites draperies , qui vont s'attacher fous les volutes : ils font modelés d'un goût fort mâle. Ces deux édi« Tornei, Part. I. E ço VOYAGE D'ITALIE, fices font du mcme> architecte. Il paroit que le palais Marini efi; du même auteur: on l'appelle Pellegrino Pellegrini (jy. L'intérieur de la cour furtout eft décore de fort bon goût; les fculptures , repréfentant desca-riathides en bas-relief, & terminées en gaine , font mâles & ingénieufes. C'eft une chofe très-curieufe que cette cour ; on y voit comment un architecte ingénieux peut inventer des chofes nouvelles , fans fortir du bon goût de l'antique. Le College des Jésuites, nommé Brera. Ce bâtiment n'eft pas achevé. C'eft. une double colonnade à arcades, l'une au deffus de l'autre, & un grand efcalier. Cette architecture fair, un grand effet, & l'efcalier eft fort majeftueux. L'Hôpital de Milan eft un très-grand bâti, ment, & la grande cour en eft fort belle. C'eft un portique à colonnes , fur lefquelles les archi, voltes des arcades portent : les deffous en font jarges, & d'une belle proportion. Les falles de l'hôpital forment deux grandes croix. On va voir au Ili un édifice considérable, non pat la beauté de fa décoration , mais à caufe de fa grandeur : on l'appelle le Lazaret ou Hô. (O On n'eft pas certain d'avoirbien mis 1c nom ,]e ce palais: mais c'eft un ouvrage digne de curiofité 11 faudra s'en inFurmcr dans la ville. 11 n'eft pas éini* gné du dôme. *" M I L jje pital des peftiférés. C'eft une très ç^an^e cour entourée de portiques à arcades portées fur iie petites colonnes demi-gothiques , derrière le£ quelles eft une grande quantité de chambres pour les malades, qui n'ont point de communie ition l'un avec l'autre , & ont deux fenêtres oppofees pour le changement de l'air. Ces porciques ont douze cens pieds de long . & la cour eft à peu près quarrèe. Au milieu de la cour eft une chapelle entourée d'un portique octogone, où l'on dit la mede , & les peftiférés peuvent l'entendre de loin , c'eft-à-dire qu'ils' voient tous l'officiant. La. Place des Marchands, dont un dés côtés eft décoré d'une belle architeéture. Cette place eft gâcée par une grande halle qu'on a bâtie dedans , qui la remplit prefque entiéremen -Le theatre. La falle en eft fort grande, mais l'avant-fcene en eft fort trifte , ce la compofition en eft nue ; les pilaftres qui féparenc les loges , ne font que des piliers fans décoration, & feulement peints de quelques omemens. La nudité de ce théâtre eft un peu rachetée par la richefle intérieure des loges , qui font tapif-fées & éclairées en dedans. La loge royale eft trop baffe pour fon ouverture. Les décorations peintes étoient afiez médiocres ; quelques-unes cependant fkifoient d'aifez bons effets, Se E 2 VOYAG* D'ITALIE, ibrtoient *c r«*«iròraiité de nos chaflîs & de noy c oui ides. Il y a chez M. le marquis de Percuta deux galeries de table.iux. On y voit entr'autres les morceaux fuivans. Cinq tableaux de Stommêr, peintre Flamand, dit-on , -mais élevé en Italie. Ces tableaux re. préfentent des fujets de la paillon ou de Pevan-gile : ce font des effets de nuit,éclairés au flambeau (demi-figures de grandeur naturelle). Ils font d'ane maniere fiere & grande , mais d'une affez mauvaife couleur ; quelques-unes des têtes font de fort grand caractère : en général ce ne font pas des tableaux du premier ordre. Un tableau dit d'Auguftin Carraci (figures prefque grandes comme nature ), repréfentant, à ce qu'il paroit, le martyre, de Saint Laurent: il eft très-bien delfine & bien peint , quoique d'une couleur grife & fort noircie. Un que l'on dit d'Annibal Caracci^ttez beau, fort noirci, & d'une couleur noire & grife, repréfentant un fujet à peu-près femblable. Plufieurs téc-s de Giordano, Napolitain, dans ma maniere de diffirens maîtres d' talie ; elles font fort belles , furtoutune tête de Saint Gré-gloire , clans la maniere du Guide. Une tête de YEfpagnoletto , & une de fQn maître , qui paroît fupérieure. MILAN. «j E eux tableaux , chacun d'un enfant, l'un le petit Jefus , l'autre lê petit Saint Jean , fort beaux. Un tableau grand comme nature C demi-figu» res ), Saint Jofeph, la Vierge & l'Enfant Jefus . d'une très-belle couleur, vigoureufe & fraîche , on ignore le nom de l'auteur. Un tableau du Buffano, fort beau , repréfentant l'Enfant prodigue : on le voit dans le fond, qui revient à fon pere ; & fur le devant tous les apprêts de la cuifme. On montroit chez la même perfonne une Vénus dormante avec des Amours, par Solimcni, qui étoit d'une allez belle couleur, quoique fans beaucoup de variété de ton ; la maniere en pa-roiflbit différente de fes autres ouvrages , & af-fez femblable à celle de la Sufanne de Santucil, à l'Académie Royale de Peinture & Sculpture. L'ufagc où l'on eft à Milan d'orner les cours des maifons un peu confidérables de portiques à colonnes, a quelque chofe de trés-noble. Cependant on y voit peu de morceaux d'architecture d'une grande importance , fi ce n'eft ceux de Pellegrino Pellegrini , dont il a été fait mention : mais ils méritent une attention particulière pour la beauté de fon génie , 6c les heu- î-eufes nouveautés qu'il a imaginées fans fortir E } 54 VOYAGE D'ITALIE. du bon goût, choie infiniment difficile, & qui a été la perte de prefque tous ceux qui l'ont tenté. Les peintres particuliers à cette ville , ©u dont on y voit un grand nombre d'ouvrages font Daniel Crefpi, dit le Cerano, & les Procaccini. Jules Céfar Procaccino eft bien fupérieur à l'autre, & Daniel Crefpi au moins égal au meilleur. Quoique leur noms ne foient pas de la premiere célébrité , ils méritent cependant de l'eftime. Si l'on peut reprocher au Cerano des incorrections de deflein intolérables , cela eft racheté par un goût excellent, par une très-belle maniere de peindre , large & moëlleufe , enfin par une couleur forte , agréable & fedui-fante. Jules - Céfar Procaccino, plus correct, paroit avoir moins de fierté dans fon exécution: mais fouvent fon coloris eft admirable , & femble prêt d'égaler celui de Rubens : d'ailleurs fon pinceau eft large & aimable. Cependant ces peintres ne font pas autant connus qu'il femble qu'ils devroientt l'être avec tant de ta-lens, parce que, quoiqu'ils aient réuni plufieurs parties de la peinture, néanmoins ils n'en ont porté aucune au plus haut degré. ISLES B OR ROME' ES. ISLES BORRO ME* ES. C^es Isles, dont deux font aflez confiderà, blés, font dans une pofition délicieufe. Elles font fituées dans le lac Majeur, qui peut avoir dix-feptà dix-huit lieues de long, fur environ, deux de large , & même trois en quelques endroits. Elles jouiflent de l'afpect d'une belle étendue de montagnes , bien couvertes éè ornées de forêts. En y allant, on a la vue des Alpes ou du Mont-Saint-Bernard , qui paroit au deflus des nuages, Vlfola Bella eft couverte de jardins: ils font en terrafles paliflees d'orangers & de cèdres , & décorées d'efpeces d'obé-lifques. 11 y a un joli bois de lauriers. Le corps du bâtiment eft confiderable & allez beau en général ; mais prefque tous les détails qui le décorent dedans & dehors , font de mauvais goût. Quoiqu'il Y 'aiC une grande quantité de tableaux, prefque tous ne font que des copies plus ou moins mauvaifes de tableaux des bons maîtres. L'appartement du rez-de-chauflee , en grotte ruftique, eft mieux traité ; on a la vue des autres isles & des bords du lac, qui font un effet admirable. 16 V O Y A G E D'ITALIE. L'Isola Madre. Les jardins en font trai, tés dans un goût plus champêtre, mais fort agréable La maifoneft peu de chofe. La troifieme isle n'eft que la métairie des autres. En retournant on apperqoit la ville d'A-rona, qui a été bâtie en mémoire de Saint Charles, parce que c'eft le lieu où il eft né. Sur le penchant de la montagne on voit le coloffe de ce Saint : il eft de cuivre battu au marteau j la tête & les mains font de bronze. Cette flatus n'eft ni mauvaife , ni fort bonne : Elle eft faite fur les deffeins du Cerano. Ce coloffe doit paffer cinquante pieds de haut, fans compter le piédeftal, qui eft fort élevé ; qua' tre perfonnes peuvent tenir dans l'intérieur de la tête. Le château d'Arona , fur une petite montagne , avec le fond du lac derrière, préfente une vue de payfage , fort belle à deffiner. En général tous ces environs font fort agréables. PLAISANCE. 57 P L A I S A NCR ANS la place, vis-à-vis la cathédrale , on voit deux ftatues équeftres , de bronze , faites par Mota , élevé de Jean de Boulogne : elles repréfentent deux Ducs de la maifon Farnefe. Ces ftatues font vêtues à la grecque, les épaules enveloppées d'un manteau voltigeant par-derriere. Elles font drapées d'une maniere pleine de feu, Se de très-grand gout. Il y a beaucoup de chofes en l'air & volantes , mais elles font heureufement traitées. Les têtes font belles. Ces figures font d'un caractère mufelé & court ; les chevaux font modelés d'une maniere large & reflertie, mais ils ne font pas d'un beau choix. La figure à droite ala main droite élevée , tenant le bâton de commandement, & le bout de la bride ; la gauche à la hauteur des mammelles , dirigeant la bride. Les deux jambes levées du cheval préfentent un afpeci peu agréable , en ce que les fabots n'en font point retroufles en arrière: furtout celle de derrière eft excefllvement roide. La ftatue qul eft à gauche , eft dans une attitude plus guerriere ; le cheval eft dans un mouvement plus gracieux & fort animé ; il y a trop de crins fur E 5 58 VOYAGE D'ITALIE, le col du cheval ; ils cachent toute la figure . lorfqu'on la vok de face. Les piédeftaux font exceflivement trop petits. Les petits enfans qui décorent le piédeftal, font modelés avec goût, mais trop maniérés & un peu tortillés. Ceux qui portent les cartouches lont ingé-nieufement grouppés. Ceux d'en bas font plus froids & trop ifolés cju piédeftal. Les bas-re-liefs ne paroiffent pas de la même main ; ils font drapés dans le goût antique , & d'un relief peufaillant: mais ils font d'une maniere feerie ; & par une mauvaife invention, les grouppés du devant font entièrement détachés de ceux qui leur font fond , & étant coupés plats & minces , laiifent un efpace vuide entr'eux & le refte. Ces découpures font un mauvais effet , vues de côté , & d'ailleurs produifent des noirs trop durs dans le bas-relief. Au dôme ou cathédrale, le tableau à huile du fond du chœur paroit beau \ mais il eft extrêmement noirci, & l'on n'y découvre guère que quelques parties des figures du devant : le refte ne fe voit que confufément. Il repréfente un Malade dans un lit, & eft de Camille Procaccino. La portion de voûte i frefque , qui eft au deflus, eft, dit-on , du même auteur : elle eft peinte d'une maniere feche. ■Aux deux-côtés du functuaire on voit deux ta- PLAISANCE. ?» bleaux en hauteur, à huile. Celui qui eft a droite repréfente une Sainte morte , portée par plufieurs hommes , & une grouppe de cinq anges volant au deffus. Celui à gauche paroit repré-fenter plufieurs perfonnes qui recueillent les linges & autres reliques qui ont touché au corps de cette Sainte, qui eft dans un tombeau , & qu'on ne voit point. Au deffus de ces tableaux font deux autres tableaux en largeur , en forme de frife , repréfentant chacun un Prophète ou Vieillard , vu très en raccourci. La partie cein-trée de la voûte qui eft au deffus , eft peinte à frefque, & repréfente plufieurs Anges vus en raccourci fur un fond bleu : toutes ces peintures font de Louis CaraccL Les tableaux font de grandes figures doubles du naturel, du meilleur goût, défîmes d'une maniere très-grande , ref-fentie & chargée. La compofition en eft très-belle ; les figures font très-grandes dans le tableau ; le grouppe d'anges furtout eft admirable ; ils fe jettent tous du même côté , Se cependant avec la plus- ingénieufe variété. Les têtes qu'on voit dans ces tableaux font très-bien coeffées ; elles font toutes du plus grand Se du plus beau caractère. Les draperies enveloppent bien les figures, & font a grands plis ; la touche en eft large, Se avec une forte d'incertitude, qui y fait un bon effet; * il s'y trouve des incorrec- 6o VOYAGE D'ITALIE.' tions de deflein peu fupportables. Les pieds de prefque toutes ces figures ont les doigts confi, durablement trop grands; ils tiennent prefque tout le pied, & les bouts des pieds deviennent trop larges par la néccflité de donner place à ces doigts trop gros. Les jambes font un peu tortillées & chagées avec excès. L'autre tableau aies mêmes beautés, & à peu-près les mêmes défauts. Les vieillards dans la frife font d'un raccourci admirable , &de la plus grande hardiefle, bien deflinés Se de grand caractère. Les draperies en font bien peintes, & les plis bien jettes & bien formés. Ces tableaux font d'une couleur fourde, vigoureufe Se aflez belle. Le plafond à frefjue n'eft pas d'une fi belle couleur; il eft d'un gris un peu couleur de brique ; Se quoiqu'il y ait de très-belles chofes d'un beau raccourci, Se bien entendu,il y a cependant des incorrections con-fidérables, & des contours chargés avec excès. Dans une chapelle à gauchcon voit un tableau repréfentant Saint Martin , donnant une partie de fon manteau à un pauvre: on le dit d'Au-guftin Caracci. Ce tableau ne préfente pas de grandes beautés, & d'ailleurs il eft fort noirci. La coupole à frefque eft divifée en huit parties» dans chacune defqueîles on voit repréfente un Prophète accompagné d'Anges. Au deflbus de PLAISANCE. 61 ces tableaux on en voie de plus petits, en forme de frife, repréfentant des Enfans ; & au defTous encore, des Sybillcs & des fujets du nouveau Teftament, qui paroiffent de la même main : le ' tout eft du Gutrcino, & de la plus grande beauté, furtout les Prophètes & les Enfans. Ils font parfaitement bien compofés de plafond. Le ca-raractere de deflein en eft (i fier ce fi jufte, & la couleur li belle & fi vigoureufe , qu'il femble que Jouvenet & la FoJJe aient tous deux appris de ce maître la partie dans laquelle chacun d'eux a excellé,& que ce peintre les aitraflem-blées toutes deux au plus haut degré. La cou-] :ur de ces frefques a tant de force, qu'elles pa-roiifent être peintes à huile , & les chairs des enfans, qui font tendres , ont les demi-teintes les plus fraîches : les ombres font fortement fé-parées des lumières. Ces morceaux fo-t dignes d'admiration. Les autres peintures à frefque , qui font au bas de cette coupole , dont les pan-naches font de MoroJiiu\ & ie refte de Francef-chini, font très-foibies. • Dans une chapelle à gauche de la nef, eft un tableau de Lanfrcnic, repréfentant un Saint Hermîte, tenant une tête de mort, & une Gloire de petits Anges en haut. La tête du Saint manque de deflus de tête , & n'eft pas parfaitement enfemble. La figure eft bien drapée ; les mains 6z VOYAGE D'ITALIE. font belles ; le tout d'une couleur fort bonne , furtout les Anges de la gloire, où elle eft ten-' dre , claire & extrêmement aimable; les têtes font très-gracieufes. Dans l'églife de Saint Sixte,on voyoit Ci) un tableau de iîap/zaé7,repréfcntant une Vierge qui tient un Enfant Jefus dans fes bras ; à fes pieds, à droite, une Sainte agenouillée; de l'autre côté un Pape , à genoux aufli , en chappe, fa thiarre à fes pieds ; en bas deux petits Anges appuyés fur les bords du tableau. La Vie ge eft dans une attitude fimplc & noble, bien drapée, ainfi que les deux autres figures. Les têtes font admirables, furtout les deux de femme, qui font de la plus grand beauté. Les mains du rape font d'un très grand deifein , & h tête belle quoiqu'elle ne paroiffe pas d'un grand caractère: il y a apparence que c'eft un portrait. La tête de la Vierge eft d'une couleur belle & fraîche. L'Enfine Jefus & les autres enfans, quoi-que bien deffinés, n'ont pas les grâces enfantines. Les nuages font bien traites , & d'un gris clair, tels que les véritables nuages du ciel Le fond qui eft derrière la Vierge , eft trop blanc, & détruit l'effet de la figure. L'églifede Saint Augustin , bâtie par Vi- fi ) Ce tableau, h et que l'on affare, a été acheté par le Roi de Pologne , eu 17)4." PLAISANCE. gnola , eft fort belle. Elle a cinq nefs. La Madona di Campagna. Belle Eglife. En entrant à gauche , on voit un tableau de Parmeçiano , à frefque , qui, quoique gâté , conferve encore de beaux relies. Le deifein en eft de grande maniere, & les caractères de têtes font beaux ; la couleur eft foible & tirant fur le rouge. Prefquetoute cette églife eft couverte de peintures, & la plus grande partie font du Pordenone: mais excepté une certaine grandeur de maniere , & en général de bonnes formes, on ne trouve rien dans ces ouvrages de fort beau. On difoit qu'il y avoit dans cette églife des frefqucs de Paul Véronefe, mais elles ne paroiflent ni dignes de ce grand maître , ni abfolument dans fa maniere ; car ces peintures , en général , en tiennent un peu. L'égliie de Saint Jean. 11 y a à un tombeau deux petits enfms en marbre, qui font fort beaux, & d'une belle correction de deifein. L'un des deux pleure, & le fait très-noblement. Le Palais Ducal , bâii par Fignola, mais dont il n'y a que le bâtiment de brique qui foit fait. Le grand app utement du rez-de-chaulfée eft décoré très ingén^eufement, & du meilleur goût. Les petits enfans de ftuc font bien corrects , & modelés avec grâce , aufli bien que les orne- 6* VOYAGE D'ITALIE, mens. On les croit de VAlgardi. C'eft un exemple à imiter Pour le bon goût de la décoration des dedans. PARME. A la Cathédrale , on voit la fameufe Coupole du Corregio, repréfentant l'Aflomptiort de la Vierge. Ce plafond eft fort connu par les gravures qu'on en a faites : la chaleur de PimagL nation, & h hardiefle des raccourcis, y Pont portées au plus haut point. Il y a de grandes in. corrections de deifein : mais il eft de la maniere la plus large & la plus grande. Il eft extrême, ment gâté, &il ne refte prefque plus rien aux pannaches. La couleur des chairs eft trop rouge. On voit dans une chambre appartenant à cet. temerne églife, un.tableau du Corrcgio , fort connu , qui eft un des plus beaux qui fuient for. tis de la main de ce maitre. 11 repréfente la Vierge & l'Enfant Jéfus ; la Magdel une lui bai-fant les pieds, & Saint Jérôme debout. Ce ta. bleaueft d'une grande beauté pour la couleur; la tête de la Magdelaine eft un chef-d'œuvre pour la fraîcheur & la beauté des tons. Les têtes & les parties font deliinéesavec des gra. ces inexprimables , quoique quelquefois d'un 'PARME. *ç deflein peu correct. Le pinceau en eft large & nourride couleur; le fui re eft de la plus admirable facilité t & les chofes les plus délicates s'y trouvent rendues comme par hazard. La tête de Vierge eft belle ; elle a cependant les ombres un peu noires. Le petit Jefus eft plein de grâces, quoique peu noble. En général ce tableau eft un des plus beaux & des plus eftimés qu'il y ait en Italie ; & la tête de la Magdeleine eft le chef-d'œuvre du Corregio ,pour la couleur & le pinceau. Les bandeaux des petites coupoles des côtés de cette églife , font dits aufli du Corregio , & font très-beaux. Au baptiftere de cette cathédrale on voit un tableau repréfentant Saint Maurice , aflez beau & beaucoup dans la maniere de Vouct." Eglife de Saint Jean. Une coupole du Corregio ; Jefus en Pair dans les limbes, & les Saints de l'ancien Teftament ; c'eft un trés-beau morceau , mais il eft mal éclairé , & on le voit difficilement. Les ligures en font coloflales. Il feroit difficile d'en donner de bonnes raifons. Les arcs doubleaux des deux premières chapelles du Parmegianinofont d'une couleur três-vigoureufe s & d'une compofition hardie & Tome I. Part. I, F te VOYAGE D'ITALIE, grande, peints de très-bon goût, & d'une gran, de facilité. Ce font de fort beaux morceaux. L' rc doubleau de la fixieme chapelle eft du même, quoique moindre : les têces font moins belles. Les 'eux arcs des bas côtés du cheeur font aufli de lui. Dans la cinquième chapelle à gauche, on voit deux tblcux de Corregio : l'un eft un Chrift mort, la Vierge mourante & la M.'.gde. leine ; l'autre repréfente le martyre d'un Moi ne , à qui l'on va trancher la tête. Ces tableaux *ont très-beaux: cependant ils font moins vigoureux de couleur que celui dont on vient de parler. 9 L'églife du Saint Sepulchrë. On y voit un tableau du Corrcgio : Saint Jofeph cueillant des palmes , la Vierge & f Enfant Jefus. Il y a dans ce tableau des chofes admirables : mais il n'eft pas d'une couleur bien forte , & toujours très-incorrect de deifein. Ce morceau eft maC que par un mauvais tableau , qui repréfente Saint Jofeph. ' Il faut demander à le voir. Il eft à la premiere chapelle à gauche. Saint Vital. Un tableau du Ricci, repré. fentant un Pape àgenonx , une Vierge en haut, dont les prières délivrent plufieurs ames du purgatoire, Ce tableau eft d'une couleur extrê- PARME. 67 mement "agréable , mais iJ eft mal compofé , & les figures font trop difperfées. A Péglife des Carmes. Un tableau au premier autel, à droite : c'eft une Sainte Famille ; la Vierge paroit donner l'Enfant à Saint Jofeph. Les,têtes font belles, & il eft de bonne couleur. S. Alexandre, premiere chapelle à gauche. Un martyr à qui l'on coupe la tête; un Pro-conful dans [le fond. Ce tableau ' eft de bonne couleur , & d'un faire aflez ferme & reflenti : il eft extrêmement noirci & difficile à voir. Il y a à Parme un Théâtre trés-grand, & même qui Peft trop pour les fpectacles ordinaires : majs la penfée en eft fort belle. 11 eft en demi-ovale ; toute la partie d'en bas eft en gradins à l'antique , jufqu'à peu-près la hauteur de nos fécondes loges. Il n'y a qu'un rang de loges, & ce rang eft une galerie ornée de colonnes fim„ ,ples, à diftances égales , qui foutiennent des arcs : elle eft couronnée d'une corniche d'architecture. Au :de(fus eft un paradis à plufieurs rangs de bancs : c'eft le feul théâtre moderne que l'on voit en Italie , lì l'on en excepte celui de Palladio , qui foit vraiment décoré.d'architecture. Tous les autres ne font qu'un compofé de loges égales à fix rangs l'un fur l'autre , qui ne mérite"pas le nom d'architecture : communément on n'y voit d'autre ornement que le F 2 tfg VOYAGE D'ITALIE, piliers qui portent ces loges , & qui ne font par fufceptibles d'une décoration noble. Ce théâtre à le défaut que pour ne point prendre trop de place pour les gardiens, on leur a donnéà chacun trop peu d'enfoncement: il y a uneappj. rence de danger de to.nber en defcendant de l'un à l'autre. Cette forme ovale eft fans doute la plus belle pour un théâtre , en fuppofant, à caufe de nos ufages , l'impoflibilité d'employer le demi-cercle parfait , comme ont fait les Anciens. Ce grand théâtre , avec fes gradins , doit préfenter un coup d'cei! magnifique, lorfqu'il eft rempli de fpectateurs. Il y en a un petit pourl'ufage ordinaire , qui v n'a rien de fmgulier , & qui eft à la Francaife. Lk Palais n'eft point fini, mais la cour eft d'une aflez belle architecture, & a de la ma- jefté. Ce qui , à Parme , eft le plus digne de l'attention des amateurs &desartiftes, c'eft fans doute le nombre d'ouvrage du Correc/io , qu'on y voit encore. Ce peintre fera toujours merveilleux , lorfque l'on confidérera que cette grandeur de maniere, & le point de perfection où il a porté le coloris , ne lui ont point été enfeignés,& qu'il en eft proprement, l'in-vanteur. La nature feule l'a guidé , & fa belle PARME 69 imagination a feu y découvrir ce qu'elle a de plus féducteur. Ses ouvrages font fouvent remplis de plus groflieres incorrection ; & cependant on ne peut réfifter à leur attrait, tant il eft vrai , quoique bien des auteurs aient voulu en écrire , que les grâces de la nature , confidérées par le côté de la couleur, foutenu d'un pinceau large & d'un beau faire , équivalent à ce que peut produire de plus beau la correction d'un deflein châtié, qui fouvent les exclut. Le Corrcgio , malgré fes défauts , fera toujours mis, par cette feule partie, en parallele avec Raphael & avec les plus grands peintres qu'il y ait eu. Il eft vrai cepen dant que ce n'eft que par fes plus beaux ouvrages. Si l'on fait réflexion que cet admirable peintre n'a eu pour maitre que la feule nature , on a peine à fe refufer de penfer que feule elle peut montrer d chacun la véritable route qu'il lui convient defuivre, & qu'on perd trop de temps à chercher celle des autres. Perfonne n'a traité les racourcis des plafonds avec plus dehardiefle. 11 eft vrai qu'il y a quelques figures où il eft excefîif & de mauvais choix , mais c'eft en petit nombre , & les" autres font de la plus graude beauté. En général il aimoit à faire , dans les plafonds, les figures colofales. Il feroit difficile de donner de bonnes raifons pour établir qne les figures duf* ?0 VOYAGE D'ITALIE, fent paroître plus grandes que le naturel, fUr_ tout dans un morceau où s'aflujctti(Tant aux ra-courcis, on paroit prétendre à faire illufion, Plufieurs peintres font fui vi en cela , fans'peut-être avoir d'autres raifons , finon que le Corrr cjio l'avoit fait: mais fuppofé que cela faffe bien au plafond de la cathédrale , ce que l'on pourroit nier, on ne peut fe diffimuler le mauvais effet que cela fait au plafond de l'églifç de jSaint Jean , dont la coupole, quoiqu'af, fez gtande , paroit néanmoins fort petite, \ caufe des colloffes monftrueux qui yfont,& q^j ne iaiflent de place que pour un très-petit noni, bre de figures. C'eft fans doute la plus belle maniere de compofer que celle qui n'em. ploie que peu de figures, & grandes dans le tableau : mais cependant cela a des-bernes • & il y a un milieu jk tenir pour ne pas dé, truire l'iilufion. COLORNO.1 1VJL A I s 0 n de plaifance des Ducs de Parme. Il y a dans le jardin quelques endroits aflez beaux, quoique nullement comparables aux jardins de France. Ses plus agréables or-nemens font un berceau d'orangers, & une grotte aflez belle. On pourroit faire de ce jar. din quelque chofe de bon. Nous y vîmes alors deux coloflés antiques , de pierre de Parangon , de la proportion de onze à douze pieds : ils étaient fort mutilés. Le plus entier , qui repréfente, dit-on, Néron fous le caractère d'Hercule , eft traité d'aflêz grande maniere , mais fort incorrect de deflein , lourd & d'une nature baffe & chargée , les pieds gros. L'autre eft unBacchus embrafle par un Satyre. Le Satyre eft d'une proportion beaucoup trop petite pour le Bacchus. La figure de Bacchus eft belle & de grand caractère : c'eft un jeune homme. Il n'y a guère que le tronçon d'antique. On voit encore dans ce même lieu quelques tronçons antiques, comme des mammelle?» & une portion de draperie traitée d'une maniere moëlleufev C 0 L 0 R N 0. VOYAGE D'ITALIE. PALAZZO GIARDINO. J\ UTRE Maifon de plaifance. On y voit une chambre peinte, commencée , à ce qu'en, feigne une infcription qui y eft, par le Caracci.^ & achevée par le Cignani : quoique ce foient deux grands maîtres , ce ne font pas des mor. ceaux fupérieurs. Il y a quelques figures ou en. fans de g rifaille , qui paroiffent être entière, ment du Cignoni: ils font beaux &bienlar. gemont peints. R& REGIO. 7* REGIO. óMe ou Cathédrale. Un grand tableau au fond du choeur, d'Annibal Caracci. On y voit une Vierge & l'Enfant Jefus fur des nuages, des Anges , & en bas , â gauche , un Saint agenouillé, le corps & les jambes nues *, à droite , une Sainte vue en raccourci , le corps Venant au fpectateur. Ce tableau eft admirable pour la beauté du deiTeln, le beau choix des attitudes , & la belle maniere de draper ; il eft .même d'une très-bonne couleur : c'eft un morceau d'une grande beauté , mais fort noirci & très-mal en jour. Dans une chapelle à gauche , trois tableaux fort beaux : 1°. un martyr ; z°. une Vierge, avec un Saint Jérôme & un Evêque ; 30. une vinta» tion : ce dernier eft le moins beau. Il y a encore , dans cette églife , quelques tableaux de mérite. S. P11OSPER. La plupart des peintures à fres que, qui font dans cette églife, font de Terrini. Ce peintre eft de grande maniere. Il y a de belles têtes, mais point de grandes maffes, ni d'ombre, ni de lumiere. Tornei, Part. I. G 74 VOYAGE D'ITALIE. Il y a quelques autres tableaux aflez beaux, dont j'ai ignoré les auteurs. LaMadona della Giarra. A gauche, on voit un grand tableau d'autel, du Guercino. C'eft un Chrift en croix , aux pieds duquel eft une Vierge accablée de .douleur, & foutenue par deux faintes femmes, dont l'une paroit être la Magdeleine ; à gauche eft un Evéque. Tou-te la force & la fierté de ce peintre eft déployée dans ce morceau. L'expreffion de la tête du Chrift eft pathétique, & le caractère en eft admirable ; la tête d'un Ange fur un nuage à côté de la branche droite de la croix , eft de la plus belle forme & de la plus belle couleur ; le Chrift , en général, eft de la plus grande beauté. Ce tableau eft extrêmement noirci ; la partie d'en haut eft ce qu'il y a de mieux conferve. Le bas eft tout gerfé, mais on voit qu'il eft du gne d'admiration par les têtes & quelques autres parties que l'on découvre encore bien. A côté de cette chapelle, c'eft-à-dire la pre, miere à gauche , en entrant dans l'églife , 0ri voit un tableau de Lconcl Spada : il eft fort be^.u, d'une couleur claire Se gracieufe. Il y a des parties de draperies qui font du plus beau faire. Au refte il fait peu d'effet, par le défaut de grandes parties d'ombres. Ala premiere chapelle à droite de l'églife^ft REGIO. jK un tableau de Terrini, à huile, fort beau & d'une très-belle maniere. Il repréfente une Vierge fur des nuages, qui a remis l'Enfant Jefus entre les mains d'un Moine qui l'embraffe : ce tableau eft fûrc noirci. Il y a auffi dans cette églife plufieurs frefques du même Tcrrini, où Ton voit de fort belles parties, & une force de couleur finguliere pour la frefque , quoique faifant peu d'effet par le défaut de grandes maffes & d'intelligence de clair obfcur. La Capella della Morte. On y voit plu. fieurs tableaux repréfentant diverfes actions de la vie de Jefus-Chrift : quelques-uns paroiffent fortis de l'école des Carqchcs, furtout ceux à la droite de l'églife, qui font defflnés de grand caractère. On fait remarquer le premier à droite, au deffus du fépulchre , qui n'eft cependant pas fort beau. On fait regarder aufli celui du fond du functuaire, qui n'a rien de beau,ni pour la couleur, ni pour le deflein. Mais dans cette même églife il y a au deffus de l'arc , qui fait l'ouverture du fanctuaire, une Annonciation du Guercino , qui eft bien digne de ce grand peintre, & qui eft admirable , foie pour la force de ia couleur, foit pour le caractère du deflein. On montre encore dans la facriftie des Au- G z 16 VOYAGE D'ITALIE. gustiniens ( réglife mérite d'être vue ) ' deux très-petits tableaux, qui peuvent être de quelque bon maître , & qui ont quelque chofe de bon dans le ton & dans le faire , mais dont les têtes ne font pas belles, Se qui méritent peu la curiofité. Quelques auteurs ont noté un méchant petit bas-relief antique, qui eli au coin d'une rue , qui repréfente, à ce que l'on dir, Brennut c mais cela ne vaut pas la peine d'être vu. Le Théâtre de Regio eft à la Frariçoife pour fon plan, qui, eft un quarré long, arrondi dans le fond. 11 en diffère cependant en ce que toutes les loges montent fucceflivement de cinq pouces en allant vers le fond, & pareillement faillent de cinq pouces , la fuivante plus que la précédente jufou'auj fond. La commodité qui en réfulteeft peu importante , Se cela eft fort défagrêable à l'œil. L'ouverture du profeenium eft de trente pieds. M O D E N E. 77 MO D E N E. JLe palais du Duc de Modene préfente un afpect noble & grand. Le premier ordre & la porte font agréables , quoiqu'avec des colonnes nichées : mauvaife invention, fort ufitée en Italie. On eft choqué aufli de voir qu'y ayant trois ordres l'un fur l'autre, celui d'en haut eft plus grand que les autres. La cour eft fort belle ; elle eft décorée de deux portiques l'un fur l'autre. Les arcades portées par un petit ordre, occafionnent un défagrément ; la corniche du pilaftre du plus grand ordre qui eft entre deux, n'a pu être continuée. L'efcalier eft du même genre de décoration , & a beaucoup de noblefle & de beauté. Les bafes , ni les chapiteaux des colonnes ne rampent point, quoique les piédeftaux rampent. Autre inconvénient : les arcs portés par les colonnes, biffent voir dans le vuide de Pefca-lier, au deffus des colonnes, de grandes parties pefantes & fans décoration. La galerie ou appartement du Prince , quoique privée des morceaux les plus eftimés, tels que la nuit du Cor regio, un grand Paul Vero- G 3 78 VOYAGE D'ITALIE. ncfe, Se autres contient encore quelques tableaux fort beaux. On y voit un Saint François priant avec ferveur, de Guido Reni. Il y a dans ce tableau, qui eft en général fort beau, des enfans dont les chairs font très-claires, Se d'une couleur charmante. La tête du Saint n'eft pas de la plus grande beauté ; il femble qu'il y ait un peu de fé-cherefle, Se que le caractère n'en foit pas grand", il y a cependant beaucoup d'expreftion. • Vis-à-vis eft un tableau repréfentant un Chrift mort ; la Vierge, dans la douleur, lui prend la main. On le dit du Guide, mais il n'y a guère d'apparence : il eft d'une couleur & d'un caractère de deifein tout-à-fait différent. La tête de Vierge eft belle , & la douleur y eft bien exprimée. Le Chrift eft bien deflîné, cependant peu articulé. Les ombres du corps , qui eft fuppofé mort, font d'un jaune orangé, faux & mauvais: c'eft cependant un bon tableau. Deux beaux portraits , quoiqu'ils ne foient pas abfolument du premier ordre : on les dit du Tiziano. Un petit tableau (demi-figures de grandeur naturelle ) repréfentant une vieille qui panfe un jeune homme évanoui Se bleffé de coups de flèches j de M. A. da Caravagio. Il paroit que \ MO D E N E. 79 e'eft un Saint Sèbaftian. La tête du jeune homme eft parfaitement bien peinte , & la couleur en eft bonne ; les ombres en font fort noircies ; la tête de vieille n'eft pas d'un beau choix.-d'ailleurs c'eft un tableau piquant. Quatre tableaux ovales, d'Annibal Caracci, repréfentant les quatre élémens , chacun par une figure racourcie, deftinés apparemment pour des plafonds. Ces raccourcis font admirables & deflinés de grand caractère. La couleur en eft aflez bonne & vigoureufe : on ne peut Cependant affurer qu'ils foient tous originaux , le faire ne paroiftant pas partout d'une égale facilité , furtout dans le Fluton : ce font néanmoins de fort beaux tableaux. Un tableau du Tiziano, repréfentant la femme adultereC demi-figures de grandeur naturelle). 11 y a vingt-deux têtes , toutes belles , & dont la plus grande partie eft digne d'admiration pour la beauté du caractère , l'expreflion & la couleur. Le corps de la femme adultere, qui eft à demi nue , paroit avoir un peu jauni par le temps; les draperies font un peu rondes, & les plis ne femblent pas aflez rompus. Un tableau Ç il paroit être aufli du Tiziano ), qui repréfente la Vierge , l'Enfant Jefus & un homme qui tient une épée ( demi - figures de G 4 So VOYAGE D'ITALIE, grandeur naturelle ). La couleur a plus de forée, mais aufli eft elle , fuivant ce qu'il paroit un peu plus maniérée. Ce tableau eft cependant d'une grande beauté. Un autre tableau dit pareillement du Tiziano, repréfentant une Sainte] Famille (figures entières, tiers de nature). Quoiqu'il y ait des beautés, il ne paroit point comparable aux deux autres. Une Vierge & plufieurs Saints (grandeur prefque naturelle), du Tintoretto. Ce tableau eft d'une incorrection difficile à fupporter ; la couleur en eft aflez bonne. Les têtes, ne font point belles , & n'ont point de finefle de deflein : le caractère du deflein n'en eft pas grand. II y a dans une des chambres quatre petits plafonds du même Tintoretto, qui font plus beaux, & dont la couleur eft plus vigoureufe, Deuxefquifles du même, bien brofîeesi, com-pofées avec beaucoup ' de feu , mais avec trop d'extravagance. Un Samaritain du Bajfono, fort beau, mais où l'on trouve le défaut ordinaire à ce maître , de traiter fes fujets avec trop peu de noblefle , 6V de vêtir fes figures comme des payfans. Six tableaux, grouppes de têtes,dans des bordures lofanges, de Doggi de Ferrare. Ils font M OD EN E. 8i d'une maniere grande & facile , mais d'un pinceau Sz d'un deifein trop indécis- Ou voit aufli deux - figures , qu'on dit du Gutrcino : mais ces tableaux font fi gâtés fur-tout les têtes , qu'on n'y voit plus rien. La Cathédrale , édifice gothique , aflez ancien, On y voit un tableau de Guido Reni, dans la premiere chapelle à droite. Il repréfente Saint Simeon tenant l'Enfant Jefus dans fes bras la Vierge à genoux , dans une attitude refpectueufe ; de jeunes enfans tiennent les préfens de colombes ; Saint Jofeph & plufieurs autres figures. Ce tableau eft d'une couleur grife , mais d'une correction & d'une finefle de deflein admirables ; les têtes en font d'une grande beauté. Il y a dans la tête delà Vierge une nobleffe Ample , & dans celles des jeunes" enfans des naïvetés admirables , foit pour la façon de les coëfer , foit pour leur attitude , foit enfin pour la vérité & la juftefle des contours. La couleur, quoique grife & foi-ble , a cependant des tons gracieux, & des vérités aimables, les draperies font parfaitement belles, peintes d'une maniere méplate , d'un beaux choix les plis bien formés. C'eft un morceaux digne d'admiration, & qui doit être confidéré avec attention. L'Eglise Neuve , près du dòme. Au fécond gît VOYAGE D'ITALIE, autel, à gauche , on voit un tableau d'un Eve, que qui demande à l'Enfant Jefus & à la Sainte Vierge la guérifon de quantité de malades qui font en bas. Ce tableau à des beautés de détail des têtes & des draperies bien exécutées ' chacune en particulier : mais l'effet total en eft mauvais , chaque chofe ayant fon ombre & fa lumiere ifolée, fans que ni les unes, ni les au. très fe groppent ; ce qui produit une quantité de trous noirs & blancs. S. Vicense. Un tableau d'une Vierge fur des nuages, qui fait lire â un Evéque un papier qUe tient un jeune homme. Ce tableau eft de très bonne maniere, & bien compofé ; les têtes fout belles , bien ajuftées ; la maniere en eft ferme & tranchée en homme fur de ce qu'il fait. Les ombres font un peu noires, & le tableau tire un peu fur le roux. L'églife des Carmes , près la porte de Boulogne. On y voit une coupole & la voûte du fanétuaîre à frefque , très-bien compofée, quant à l'ordonnance , l'agencement des grouppes, & les attitudes des figures. La couleur eft affez bonne , quoique fans aucune finelfe de ton ; le deffein eft peu favant & très-incorrect. On voit à Modsne un Théâtre, où il y a des gradins en amphithéâtre : il eft décoré de colon. nés qui paffent dans quelques loges j & foutien. M O D E N E 85 rient les autres. Le Procenium , les tribunes & les portes qui l'avoifinent, font fort bien décorés. Il yfa encore un autre théâtre dans cette ville : mais il n'a rien qui le rende rccommandable. Sassolo ; maîfon de plaifance du Duc de JVIodene , à quatre lieuef. Le chemin & les environs font agréables \ on traverfc un bois de genévriers, & l'on paîfe par des routes percées à perte de vue. La cour a été peinte par Bibiena, & étoit aflez bien décorée : mais cela efl prefque entièrement eff.icé. La plus grande partie des appartenons eft décorée de frcfques peintes par Boulanger , peintre apparemment François, à en juger par fon nom , qui a pafle la plus grande partie de fa vie, & eft mort à iModene. Ce peintre eft ingénieux, & de la plus grande facilité ; fa touche eft large : la maniere en eft un peu petite ; fa couleur eft gra-cieufe , quoiqu'il n'y ait pas grande variété de tons. H a furtout réuffi dans les tableaux ou les figures font petites ; la touche y eft très-fpîri-tuelle; & di.ns les chofes qui font bien confer-vées , il ne manque pas de vigueur. Dans un de ces appartenons, on voit deux tableaux depayfage , & un repréfentant la conf-truétion des vaifieaux , peints à huile par Salvator Rofa. Us font de la plus grande beauté , & du faire le plus facile ; la couleur eft vraie , F 3 84 VOYAGE D'ITALIE. d'un grand effet : ils font d'une touche largt de beau choix, & très-bien confervés. Il y en a quatre autres dans la même chatru bre , qui ne font pas fort beaux. Les trois meiU leurs font les vaiffeaux fur la cheminée , & les deux fur le mur qui y fait face, j Dans une chambre à côté , on voit un pla. fond, où il y a plufieurs petits fujets ayant rapport à l'eau , comme un iNarciffe & autres aufli de Salvator Rofa ' ce font de très-beaux morceaux...Les deffus des portes de cette charru bre paroiflent aufli de la même main. Dans le même château on trouve une grotte ruftique , au bout d'un petit canaf , dont les bords font aufli décorés de niches ou petites grottes ruftiques . qui font un effet très-pitto. refque ; un jardin à orangers , dont le haut des murs , dans l'été , eft orné d'orangers ; ce qui doit produire un effet fort agréable. Le haut de ces murailles eft aufli décoré d'ornemens de pierres , Icomme vafes ce boules, portés fur des piédeftaux contournés , dont la trop grande répétition fait un mauvais effet. RAVENNE. 8> R A VENNE. I_jE DÔME. Dans la croifée à droite, à la chapelle Aldobrandine , on voit un tableau du Guido repréfentant Moyfe qui fait tomber la manne. Ce tableau eft fort gâté par le temps, & toutes les ombres en ont pouffé au noir ; ce qui en détruit l'effet. Il eft d'une couleur beaucoup moins grife & plus vigoureufe que celui de Modene : mais il n'eft pas fi fin de deflein. La tête de Moyfe eft d'un beau carac tere , & admirablement bien peinte. La plupart des têtes font très-belles. Les draperies de ce tableau font d'un beau choix de plis , & peintes d'une maniere nette & méplate. Deux Petits Anges plein de grâce font en haut. Sur le devant eft une figure d'homme qui ramaife de la manne , dans le goût & le ton des travaux d'Hercule , qui font chez le Roi. Elle n'eft pas cependant deflinée d'un grand caractère. S. Vital, églife" très-ancienne , bâtie fous Juftinien. On y voit quelques marbres rares. Il tfy a rien de fort curieux pour le goût, fi ce n'eft quelques mofaïques de ces temp-là , fort niauvaifes. L'églife eft cependant d'un plau fin- 86 VOYAGE D* I T A L I E. gulier & paroi:: avoir donne l'idée de celle de S. Laurent à Milan. Dans la facriftie on voit un tableau du Baroc^ cil il repréfente Saint Vital qu'on lapide. Çe tableau eft fort beau ; il eft prefque effacé, f0jt par le tems , foit qu'on l'ait gâté en voulant Je nettoyer. 11 y a d'affez belles têtes. & des rac, courcis fort bien deflinis. La couleur en eft agréable, fraîche & claire: mais elle n'eft Qj bi-m vraie, ni empâtée. Les demi-teintes tire^ fur le bleu & furie rouge un peu orangé, On voit fur le devant une femme qui donne à tetter à fon enfant , êpifode froid Se déplacé dans Uri pareil fujet. La compofition des figures eft coru fufe Se mal difpofée pour faire un grand effet. On voit aufïï une chapelle, où font des fépui, cres de marbre , en forme de caiiTe. On y faft remarquer entr'autres celui de Placidie. Saints Apollinaire. On y voit quantité de vieilles mofaïques mauvaifes. Il y a cependant un tableau dans la quatrième chapelle à gauche qui , quoique dans ces premières manières le. ches de la peinture, a du mérite du côté du deffein. Sainta Maria del Porto. On trouve à la quatrième chapelle à gauche , un tableau dç Palma Vcchio: c'eft un Saint qu'on traine par les pieds ; les bourreaux font coéffés de turbans. 1J RAVENNE. 87 eft de bonne couleur , forte & fourde : l'exécution en eft un peu pefante, le deflein en eft jufte, fans beaucoup de finefle : les têtes en font belles. Vis-à-vis , à la quatrième chapelle à droite , on voit un tab'eau d'un Saint que l'on frappe à coups de bâton, où il y à aufli de fort belles chofes , quoique d'un deflein incorrect. Il y a de belles têtes ; la couleur en eft argentine & gracieufq, S. Romualdo. La bibliothèque, qui ne contient rien de beau en détail , eft néanmoins un morceau d'architecture aflez ingénieux , & où l'on entre d'une maniere agréable. Dans I'ég'ife , un tableau du Guercino : c'eft un Moine vétu de b'anc, & un Ange qui chafle le diable d'auprès de lui. La tête du Saint eft aifez belle de caractère ,mais eie n'a pas toute la fermeté des ombres , ni la hardicfle de touche qu'on voit quelquefois dans ce maitre. Le diable eft d'une couleur fort rouge , & n'eft pas trop bi^n dfllné. La tête de i'ange eft d'un beau caractère , & bien coè'ffée ; mais ehe eft peinte d'une touche trop molle : il y a appa_ reneeque ce morceau eft de fes derniers temps. Vis-à-vis , clans une chapelle à droite , eft un tableau de Carlo Cignoni : il repréfente un ^ioine ^ êtu de noir , ayant à fes pieds deux Petits enfans. Il eft fort gâté , & l'on ne voit 88 VOYAGE D'ITALIE, du Saint que la tête & les mains , qui font paf, fablemcnt belles. Les enfans font .vigoureule" ment colorés , mais d'une couleur maniérée noire & rouife ce tableau n'eft que médiocre, ment bien. Au premier autel , à gauche , eft une Annonciation du Guido. La tête de l'Ange eft admi, rable, ainfi que celle de la Vierge. Ce tableau eft fort gâté. On voit aufli dans cette ville un arc de triom» phe. Un glacis fur lequel coule un canal d'eau, V qui y fait une belle nappe. Un théâtre : on ne fe fouvient pas qu'il ait rien de particulier, On voit dans la place une figure d'un Pape aC fis , de marbre blancs , de Pietro Bacci, fculp-teur moderne. 11 eft drapé d'une maniere affez grande & ingénieufe ; les linges font bien Se hardiment travaillés ; la tête eft dans un goût mâle & reflenti ; mais les détails , en font rendus avec un peu de fécherefle ; les jambes pj. roiflent courtes. En général cette figure eft bien compofée , & fait un'grand effet. Dans la même place . vis-à-vis, une autre figure du Pape, en bronze , qui eft mauvaife. Hors de la ville on voit une Rotonde, qui eft le fépulcre élevé , par Amalazonte , au Roi IMOLA, 89 Théodoric, fon époux. Cec édifice eft fort enterré ; il eft octogone, & il a deux étages ; celui de deffus plus petit. La coupole furbaiffée, qui le couvre, eft d'une feule pierre ; elle a trente-quatre pieds de diamètre', & a dû avoir environ dix pieds d'épaiffeur : elle portoit un tombeau de porphyre, qu'on voit encore dans une rue près du' dôme. Les notes faîtes fur les villes fuivantes, ayant été perdues en partie, on s'è]}fervi ,pour les rétablir, d'un ancien livre intitule, Nouveau Voyage d'Italie, imprimé à Lyon, chez Jean Thio-ly, en 1699. On ne peut, garantir que ce, qui y ejt cite foit encore au même lieu , ni qu'il foit digne de la curiqfitcdu voyageur : mais ila. paru utile de l'indiquer. IMOLA. Le Livre dont il eji quefion, mentionne dam-ce lieu , au dòme, un Crucifix , qu'il dit être ef-time, & une Vierge gf Saint Nicolas, de Bar tholomeo Cefi. A la con.fr ai rie- de Notre-Dame, trois ta. bleaux du même Cefi 1 VAfcenfion: Saint Cufica £f Saint Rock. Tom. I, ParUl* H 9o ' VOYAGE D'ITALIE. A une autre confrairie,une Defcente du Saint Efprit, tf'Aleflandro Tiarini. Aux Jacobins , une Sainte Urfule , de Ludovico Carracci. A la confrairie de Saint Charles. Ce Saint peint par Ludovico Carracci. Dans quelques églifes, des peintures d'Inno, centio da Imola. Si U Dôme, quelques Bas-Reliefs, «fcMayana & Jefus-Chrifl au milieu des Doóleurs, de Dog. gi de Ferrara. Aux Capucins, la Vierge & plufieurs Saints jpar Guido Reni. A Santa Chiara, Saint Martin & Saintç Claire , rf'Aleflandro Tiarini. FAENZA. R I M I N I. 91 FOREZ C,/^ Livre y cite, entreplujieurs tableaux, une Conception de la Vierge, de Guido Reni ; une Annonciation un Saint Jean Baptijlc prêchant , du Guerrino. On y voit aufli une galerie de tableaux très-beaux , par Carlo Cignani. R I M I N L o n y voit un Ane de triomphe, bâti par Tibère, fous le règne d'Augufte : il n'eft point beau. Le pont eft de la même antiquité, mais mieux décoré. Il eft de marbre, & fi bien bâti f qu'à peine introduiroit-on la pointe d'un canif dans les joints Ce Livre annonce, à Rimini. la Jlatue du Pa>-pe Paul II , dans la grande place. Un. Amphithéâtre. A la cathédrale^ des peintures de Cottignoîa,: €ff un tableau de Savolino, élève du Guex» H z 92 VOÌY AGE D'UT AL I E. A Saint François, églife bâtie par L. D. ^ berti , quelques tombeaux de la Robbia, & de L. Guiberc ; un Saint François du Vafari ; [a Piété de G. Bellino, f des peintures du Ghiótto. Véglife -de Saint Dominique, un tableau d'e Ghirlandala. A Saint. Vital, un Martore de ce Saint, par P. Véronefe. A r Oratoire de Saint Jerome, ce Saint, pQr le Guercino. JLje Dòme. Au fécond autel à gauche, on voit un tableau dit de Guido Reni, repréfentant Saint Jérôme & une autre figure, comme d'Apotre, tous deux debout;: Ce morceau eft très-beau , quoique] noirci par le temps. Au cinquième autel à droite , eft une Annonciation du Barocci, Ce maître eft toujours d'une couleur charmante, mais maniérée » bleue & rouge. Les têtes ont beaucoup de grâces , furcout celle . de Y Ange ; elles font peintes avec une douceur qui femble y répandre une vapeur légère, fort agréable • l'enîemble des figures eft très - incorrect; la cuifle & la jambe gauche de l'Ange., ne pa. PESARO. PESARO. 93 roiflent pas rtenir avec le corps ; les draperies font bien peintes, mais quelquefois elles ne font pas affez rompues de couleur dansées ombres. A l'églife de S. Andre. Il y a un tableau au grand autel, du Barocci, peinteni>8j. On y voit Saint André fur le rivage, à genoux aux pieds de Jéfus-Chrift, & Saint Pierre qui faute de la barque. Il eft très-beau & bien conferve ; la tête de S^int André eft belle & bien coëîfée ; la tête du Chrift eft d'un caractère petit ; celle de Saint Pierre , dans le fond, eft d'une couleur orangée , maniérée & point naturelle, quoique agréable. Les draperies font d'une beauté & d'une fraîcheur de couleur fin-guliere. A l'églife du Nom de Jesus. On voit un tableau au maître-autel, du Barocci, repréfentant la circoncifion de Jefus, compofé d'une maniere tout- à -frit ingénieufe , & qui lui eft particulière. Ce- tableau fait un grand elfet ; les têtes font belles , & d'une couleur] moins maniérée ; en général fa couleur eft toujours brillante , & extrêmement gracieufc. 11 y a en haut un petit Ange aifez mal drapé, & d'un mauvais choix. A S. Antonio. Au grand autel eft un tableau 94 VjOYAGE D'ITALIE, de Paul Calliari Vcronefc :! il repréfente Ia Vierge & l'Enfant Jefus entourés d'un concert d'Anjes ; en bas Saint Pierre & Saint Paul , U]1 Hermite & un Evéque. La Vierge & l'Enfant font d'affez belle couleur ; le Saint Paul eft Urie très-belle figure, aufli bien que l'Evêque. ij y a plufieurs têtes qui ne font pas belles. Ce tableau , quoique beau , n'eft pas des plus ex» cellens de ce grand maître. F A N a j\ l'églife de S. Philippe de Nerj on voit au grand autel un beau tableau du Gy; de, repréfentant Jefus-Chrift donnant le, clefs à Saint Pierre. La tête du Chrift eft bel. le ; celle du Saint Jean eft admirable ; il çft coè'ffé un peu en femme. 11 y a plufieurs té. tes d'Apôtres , très-belles. Ce tableau eft bien conferve. Deux autres tableaux dans le même fanciuaj. re , bons. Premier autel à droite, une Vierge & yft Evêque , aflez bien, & gracieux. Second autel à droite , un Saint Jean. Baptifte , dit du Gucrcitio , mol, trop rouge point beau;,. ANCONE. 9e On cite au dôme le Mariage de Saint Jofeph, du Guerrino ; ï Affomption, (TAndrea Lilio ; à la chapelle de la Vierge, les quinze Myjlcres du Refaire , par le Dominichino, un Saint Pierre, du Guido Reni. Aux Augujìins, un tableau de F Ange Gardien , du Quercino. sinigaglia. On peut voir 'le Dôme &f VEglife de Saint Martin, £«? dans une petite églife du faux-bourg, un Çluiji mis au tombeau , du Parocci j aux Augujìins, un Saint Hiacinthe, du même. anco ne. JL^ e P o r t eft fort beau. Il a un mole décoré d'un arc de triomphe antique, de marbre blanc, bien conferve, & d'une aflez belle proportion ; la porte n'eft pas large, ni écrufée comme dans la plupart des autres ; elle eft dans la proportion à peu-près du double de fa hauteur. Un autre Arc de triomphe fur h même mole de Van Vitelli: il eft bâti 95 VOYAGE D' I T A LI E. de pierre, & fort beau quoiqu'il y ait quelques licences. On voit du même architecte un Lazaret bâti dans la mer : c'eft un très-bel ouvrage. Son plan eft un pentagone ; il y a plufieurs pe. tites chambres & une grande cour, au miJieu de laquelle eft une petite chapelle décorée de colonnes, dont la penfée eft fort belle : tout cela eft traité de bon goût. On annonce au dôme un tableau des fiançailles di la Sainte Vierge, par Pietro della Fraru cefca ; un tableau du Guerrino , quelques peintures de Lippi.' A Saint Dominique, un Chrijl en croix, du, Tiziano. Aux Francifcains réformes, un autre tableau, du même. LORETTA L O R E T T E. 97 L 0 R E T T R 3 LoRETTE , le tréfor eft d'une richefle îmmenfe. Il y a dans la falle de ce tréfor un tableau d'Annibal Carracci, d'une grande beauté: il repréfente la naiflance de la Vierge. Dans la même falle, une Vierge , de Raphael , très-belle. Les plafonds font beaux. Les fculptures autour de la Santa Casa, font belles, & paroiflent de l'école de Michel Angelo : elles font d'une nature un peu lourde. Dans la coupole de l'églife il y a quatre Evan-géliftes fort beaux : on les dit de Chriftophe de Roncalli delle Pornarancie. Dans une chapelle de l'églife on voit une Annonciation, du Barocci, la même que celle qui eft à Pefaro. On ignore lequel des deux tableaux eft l'original ; & peut-être le font-ils tous deux : ils font également beaux. D ans celui de Lorette , la tête de Vierge eft plus belle qu'à Pefaro ; à Pefaro, la tête de l'Ange eft plus belle qu'à Lorette. Il y a dans la même chapelle des peintures des Cuccavi. Tornei, Part. I. ç-8 VOYAGE D'ITALIE. Dans cette même églife il y a un tableau de Vouet, peintre François : il repréfente la Cène de Jefus-Chrift avec les Apôtres. C'eft un foit beau tableau ; il y a de belles têtes ; il eft de très-bonne maniere & de bonne couleur. Les portes de cette églife font de bronze , & ornées de fort beaux bas-reliefs. Vancien Livre, ci-dejfus mentionné, annonce à la chapelle du Saint Sacrement un tableau fUT marbre^ de Hiéronimo Lombardi, & quelque? frefques, du JYlincicocchi da Forli. A l'autel de Saint Jean Ëaptijic , ce Saint à frefque, par le Pelegrino da Modena. A t autel de Sainte Eb\ fabeth , trois tableaux du Mutiono. A la cham pelle de FEnfant Jefus, un tableau de Philippo Belino d'Urbino. A la chapelle del Secorfo , un tableau de Gio. Baglioni. A la fuivante # Saint Charles, du Pomarancio. De l'autre côte\ un tableau Ànnibal Carracci : c'eji vraifenu blablerncnt celui dont il a été parlé ci-deffus ' qui depuis a été tranfporte dans la falle du tréfor. Aux chapelles fuivantes , la Nativité de la Vierge, de Gio. Batta. Monte Nuovo , VImmaculée Conception, du Bellini. On fait voir aufli dans l'apothicairerie des Va. fes de fayance , peints fur les defleins de i?a. phael : mais cela n'eft que médiocrement bon. FOLIGNO. 99 Il y a une armoire remplie de poignards , curieux par leur variété. Cet amas a été fait par un Capucin, auquel les malheureux, qui venoient s'accufer de s'en être fervis, les re-mettoient FOLIGNO. D ans une églife de Religieufes, un tableau , ou l'on voit une Vierge au milieu d'un, cercle de lumiere, environnée de têtes de Chérubins ; en bas un Saint Jean-Baptifte , un, Saint François, un Enfant debout , qui tient un écriteau ; Saint Jérôme & fon lion , & derrière un autre Saint. Ce tableau eft digne de curio-fité: ce doit être celui qui dans le Livre eft cité fous le nom de Raphael. Au Dôme eft une ftatue d'argent, repréfen* tant un Evêque aflis : elle eft fort belle. On y. voit aufli un Baldaquin1, à l'imitation de celui de Saint Pierre de Rome. I z rnr> VOYAGE D'ITALIE. SPOLETTE. X-Jn Aqueduc antique,bâti par les Romains, compofé de dix arcades en tiers-point. Il a de longueur environ fix cens pieds, & paroit en avoir à peu-près la moitié de hauteur. Il eft hors de la ville. On cite dans le Livre, outre' cet aqueduc, un Pont de pierre, qui pourroit bien être celui dont il fera parlé un peu plus bas comme étant à Narni, qui par erreur a ététranf. pqfé, ees notes ayant été en partie perdues çsf embrouillées. De plus on y annonce les Ruines d'un ancien théâtre, les Ruines du temple de la fortune , &f F Arc dit d'Annibal. A la cathédrale, une Vierge qui offre à F Enfant Jefus de la manne d'or, ûTAnnibal Carracci. TERNI. TER NI O n monte à cheval pour aller voir la Cascade de Terni : on pafle par des chemins difficiles. Cette cafcade eft un de ces grands fpectacles de la nature , qui produifent l'éton-nement & l'admiration. On voit une riviere tombante d'une montagne élevée de deux ou trois cens pieds, fur des rochers , où cette chute a creufé, par fon impulfion continuelle, un trou d'une très-grande profondeur. L'eau y tombe avec tant de violence , qu'il s'en réfout une partie confidérable en une vapeur ou pluie qui paroit remonter prefqu'auffi haut que le lieu d'où elle eft tombée. Le refte forme une feconde cafcade, qui n'eft de guère moindre que la premiere. Delà* elle roule en bouillons dans un vallon très-profond. Le bruit de cette chute le fait entendre au loin, & eft fi confidérable que même à une aflez grande dif-tance , il faut crier pour s'entendre l'un l'autre. Le chemin que l'on pafle enfuite , quoique difficile, eft fort agréable. Ce vallon préfente l'afpect le plus riant ; les hautes montagnes qui l'environnent, le mettent à l'arbri des I 3 J0it VOYAG E D'ITALIE, vents froids. Les orangers y viennent en plei, ne terre, Se y font très-beaux. N A R N l On y voit les reftes d'un Pont très-grand; bâti par les Romains, il ne paroit pas que l'ar. chiteciure en ait été fort décorée ; il rcfte quelques moulures d'impoftes, afTez mâles mais d'un profil défagreable. L'arcade du mi. lieu peut avoir quelqus 100 ou 120. pieds d)# Pour aller à Otricoli, on pafle par des monta, gnesfort élevées , Se toujours en defeendant; on trouve un vallon très-profond ; en y arri, vant on découvre des vues belles & très-pitto-ïefques. Il y a des hameaux Se des maifons de plaifance, placés fur le rampant des montagnes qui préfentent des aipeèts très-beaux pour Ja peinture. CO Voyez à l'article de Spolette. ROME. io; ROME. JE n'ai pu faire aucune note fur les belles chofes qu'on voit à Rome , à caufe de leur quantité , qui efi en quelque façon innombrable. On y trouve une multitude de ftatues antiques, dont prefque toutes méritent attention. On y voit tant de r eft es d'architecture antique , & defi beaux monumens de celle des derniers fteclcs , les églifes, ainji que hs palais, y font ornés avec tant de prefu-Jton des plus beaux morceau.? de fculpture £«f de peinture de ces mêmes ficelés , qu'il eût fallu un temps -, très - confidérable pour écrire feulement quelques notes fur chaque chef e : je crus devoir employer le féjour que je pour-rois faire dans cette ville, à deJJIner. Au refte, ics leuriof.tés qu'on voit à Rome , font plus univcrfellement connues que celles qui font dans le refte de t'Italie j & d'ailleurs il y a toujours tant d'cvtiftes de toute nation, dans cette ville, qu'il eft facile à tout amateur d£ fe fare accompagner de quelqu'un d'eux. I 4 VOYAGE D'ITALIE. Environs de Rome. TIVOLI, à dix-huit-millcs de Rome. C) n voit à un mille & demi de Tivoli , ia ville Adricnnc , ancienne maifon de plaifance d'Adrien : c'eft un palais d'une grande étendue, où il y avoit un théâtre, un petit temple , Sic, Il n'y refte prefque que des malfcs de briques informes : cependant on démêle encore le théâtre, qui étoit petit. On y trouve quelques chapiteaux de marbre : il y en a deux , dont les feuilles font fort différentes] des chapiteaux antiques ordinaires. Les grandes feuilles d'acanthe n'y font employées que fous les volutes ; & dans l'efpace qui reftp après un rang de petites feuilles fotfc courtes, il s'en élevé un de feuilles plus longues, & comme des feuilles de roféaux, au def. fus defquelles eft encore un troifieme rang de feuilles très-courtes. On y trouve aufli quelques fragmens de colonnes. On y voit encore une partie du temple : mais il n'y îefte plus rien de ce qui le décoroit. On trouve dans ces ruines antiques deux voû. tes, où il refte quelque partie--deieur décora. TIVOLI. ioç tîon : l'une, qui eft petite, femble un corridor, & on y voit des ornemens d'un relief extrêmement bas, travaillés de bon goût, & avec beaucoup de délicateffe : l'autre eft la voûte d'une . piece grande & élevée , ou , quoiqu'il y refte peu de chofe , on voit encore de petits bas-reliefs de figures fort jolies , & des ornemens fort légers & cte très-bon goût. Us font un effet d'autant meilleur, qu'ils font renfermés dans des platebandes régulières, .& compofés d'angles droits, fans aucunes formes tortillées (mauvaife mode des derniers fiecles ). Ces platebandes unie & méléeaux parties enrichies , y pro-duifent un repos qui fait un excellent effet. On y trouve encore un refte de corniche d'ordre Dorique de marbre blanc dont le profit paroit beau & bien travaillé. Dans le chemin de Tivoli à la ville Adrienne, on trouve quelques monceaux de briques , qu'on dit être les reftes de la maifon de Caffius. On a tiré de la ville Adrienne d'excellens morceaux de fculpture, tels que l'Antinous & plufieurs autres. La cafcade de Tivoli eft produite par une petite riviere qui tombe d'environ 40 a ço pieds de haut, & fait un effet fort pittorefque ; elle paffe prefqu'aulfitòt par un fender étroit, au travers & par deffous des rochers avec beaucoup » I 5 io* VOYAGE D'ITALIE, de violence,pour aller former plus loin plufieurj cafcades moins confidérable^ , mais qui tom bent de beaucoup plus haut : on les appel[e les cqfcatelles. Au niveau de la riviere , à Pen droit de fa chute, eft un lavoir public , qui Cru richit beaucoup ce tableau, qui l'eft déjà par iç fond de plaine qu'on voit en haut, derrière Ja cafcade. Dans le même endroit eft un petit teniplc rond, appelle le Temple de la Sybille : il y a peu de reftes d'antiquité aufli élégans que ce pet{t édifice. Il en fubfifte environ la moitié. \\ e^ bâti de pierre dure de Tivoli. Le plan eft Uri cercle parfait, entouré d'une colonnade ; je chapiteau eft court, & l'entablement léger. U y a peu de moulures à la corniche : mais ellcs font d'un beau profil. Les ornemens de la frife font travaillés de bon goût ; les colonnes f0nt d'une proportion légère & élégante ; elles f0nt cannelées ; la fenêtre & la porte font entourées d'un;chambranle de marbre, & toutes deuxforit plus étroites du haut que du, bas. Le plafond de l'intérieur de la colonade eft décoré de f0. phites à calfles & rofons, tous les uns à côté des autres, fans aucune platebande qui puifle y don. ner de la variété & du repos, apparemment pour fauver le défaut de parallélifme. Il n'y a point de pilaftres dans le mur pour cor. TIVOLI. 107 refpondre aux colonnes •■ ils y feroient un mauvais effet ; puifqu'ils devicndroienttrop ferrés. Les Anciens, plus judicieux que nous, les fqa-voicnt fupprimer à propos , & croyoient avec raifon qu'un mur de pierre ou de maçonnerie n'a pas befoin, pour fe foi tenir, de porteaux de bois, qui eft ce que repréfente le pilaftre. Nous, au contraire, nous fommes fi attachés aux pilaf-tres , que nous aimons mieux écorner ridiculement les chapiteaux, lorfqu'il n'y a pas de place, que de perdre ces pilaftres inutiles. Derrière ce petit temple rond , on en voit un autre encore fort petit, quarrélong. Les colonnes qui en décorent les côtés , font prefque enfevelies dans un mur qu'on y a fait pour l'ériger en églife. En allant fur la montagne qui eft vis-à-vis' des cqfcatdles , on trouve dans fon intérieur un fouterrein voûté , compofé de trois corridors, féparés par douze piliers de chaque côté. On prétend qu'on raffembloit là les eaux de la montagne , pour les diftribuer dans les maifons de plaifance des Romains, qui étoient fur le penchant de cette montagne. On trouve dans cette partie de montagnes, des reftes de maflifs de briques, dont on dit des uns, qu'ils font la maifon d3'Horace, & des autres , celle de Lepidlis. i08 VOYAGE D'ITALI E. On trouve aufli dans ce même canton une cju verne, qui femble creufée dans le rocher, d'où fort un gros bouillon d'une très-belle eau. On prétend que c'a été dffs bains. Vis-à-vis>& de l'autre côté du torrent, on voit la premiere & la plus grande des cqfcateltes , qui eft une chute d'eau qui tombe en deux ou trois bonds d'une montagne fort élevée, toute garnie d'arbres & de verdure, & mêlée de tQm chers ; ce qui fait un très-bel effet. La feconde caf catellc,qui n'eft pas loin de celle-ci, eft moin, dre , aufli bien que les trois autres qui tombent plus loin à des diftances inégales. Ces différens ïuifleaux tombent dans le torrent qui eft corri, pofé de leurs eaux & de celles de la cafcade, & qui roulant entre des rochers , fait un effet très, pittorefque. La crime de cette montagne eft couronnée de diverfes fabriques, dont la plUs confidérable eft les reftes de la maifon de cara, pagne ou des bains de Mccenas. Au retour, après avoir defeendu prefqu'au pied du torrent, en revenant à Tivoli, on trouve un petit pont antique , qui n'a rien de fingu-lier, que d'être bâti de pierres fort grandes, & très-folidement. En remontant à 7ïao//',par le chemin qui vient de Rome, on trouve un petit temple rond, où il ne refte rien de ce qui le décoroit : , il n'y a que TIVOLI. jo9 le maffif de briques. La coupole eft toute couverte d'arbrifteaux. On arrive enfuite à la Villa ou maifon de plaifance de Méccnas. Il y a une grande galerie voûtée , fous laquelle paffe avec rapidité un petit torrent, qui forme une des cqfcatelles Ce .lieu ruiné forme des vues très-pittorefque : on dit que quelquefois l'entrée , quoique fort grande , en eft bouchée par une nappe d'eau , qui tombe du deffus. Il y a fur le"côté qui regarde le torrent, une petite galerie, tout cela paroit avoir été les fouterreins d'un grand édifice. La Villa d'Esté, Le jardin en eft fort beau, quoique prefque abandonné ; il y a des cyprès & des pins très-beaux ; aux deux côtés de l'entrée , par le jardin, font deux grottes ruftiques, de fort bon goût, quoique petites. A gauche eft un grand bofquet, dans lequel il y a des orgues à eau : elles font dans une déco, ration d'architecture de pierre, fort pefante & affommée d'ornemens lourds. Il y a des figures d'hommes en caryatides de bas-relief , au lieu de pilaftres : tout cela eft affez mal exécuté, & fait un mauvais effet , quoiqu'il y ait des pro. fils de corniches, & autres détails d'architecte fort beaux , & d'une maniere mâle. Plus loin, du même côté, on trouve un bof< II0 VOYAGE D'ITALIE, quet qu'on appelle l'Antre de la Sybille. l\ e^ compofé d'un grand baflm circulaire , derrière & autour delà moitié duquel règne une gale-rie baffe , en forme de cloître circulaire & pïeL ne d'eau. Au milieu de cette galerie s'ayanc» une fontaine en forme de vafe ou coupe , d'ou tombe une nappe d'eau. Les piliers qui Cçp^ rent les arcades , font décorés de niches avec de petites figures: toute cette partie eft d'une proportion gracieufe & de bon goût. Der. riere s'élèvent quatre ou cinq rochers ruliiques, qui n'ont point de proportion , ni de rapport à cette décoration du devant, & qui la font paroi, tre petite, fur-tout à caufe de la grandeur cq. loflale de quelques mauvaifes figures qui f0nt couchées entre ces rochers. Le tout fait cepen. dant un afpecifort pittorefque , enrichi par les herbages qui y croiffent de toutes parts , & par les arbres qui couronnent les rochers. Il y a à la defeentesde ces bofquetune chute d'eau, en forme de riviere coulante fur un ta, lus , qui fait un fort bel effet Le coup d'oeil de l'entrée du jardin eft fort beau, par la quantité des terraffes & des fon, taines qui s'élèvent les unes au deffus des autres jufqu'au château qui eft tout au haut, & fort élevé. Ces différentes terraffes font décorées d'efcaliers, d'eaux jailliffantes, & de fontaines TIVOLI ni de diverfes façons , qui forment chacune en particulier de fort belles parties. Il y en a une entr'autres qu'on appelle la girandole, d'où s'élève un jet d'eau, avec, des bruits imitant l'artillerie, On trouve entre ces terraffes une allée en travers du jardin , dont un côté eft décoré d'une très-grande quantité de petits jets d'eau , qui tombent fur une terrafle étroite , & font encore au deffous un rang de petits jets tombans. Le tout eft entremêlé de petits bas-reliefs de Stuc, dont on ne voit prefque plus rien : mais par ce qui en refte , on peut juger qu'ils étoient bien & de bonne main. Le tout eft couronné par un grand nombre de vafes de dirrcrences formes , & de bon goût : cela fait un effet fort agréable. Au bout de ccttejdlée , & à la droite du jardin , on'a repréfente une petite ville de Rome, compofée de temples & autres fabriques , mais fi fort en petit, qu' à peine ces bâtimens font-ils aufli hauts qu'un homme ; ce qui fait un effet plus ridicule qu'agréable , & ne peut être regardé que comme le modèle d'une bonne cho-fe , fi elle éloit excécutée en grand. Il y a dans ce petit modèle une cafcade repréfentant le Tibre & le Tcveronc , qui eft fort jolie , & qui feroit fort belle dans un deflein , où rien ne feroit juger de la petitefle dont elle eft. ii2 VOYAGE D'ITALIE, îl y a dans ce jardin plufieurs autres grottes ou fontaines décorées de ruftiques ou de grof. fes mofaïques, qui font chacune en particu. lier de fort bon goût & ingénieufes : mais rou. tes. ces richeffes femblent être détachées les unes des autres , & ne forment point de tout. enfemble, Il en eft de même de l'architecture du palais , qui a , comme la plupart des bâti. mens d'Italie , des parties qui font riches & f0rt belles , & le refte tout nu & fans décoration. L'efcalier quily monte eft beau , &lepallier en eft décorètde colones, & couvert d'une ter. rafle avec baluftrade. A droite il y a un pavillon'en avant-corps , qui ne va. pareillement que jufqu'au premier stage , & qui eft couvert d'une terrafle : il eft d'une fort belle architeciure , & fait en parti, culier un beau morceau. Le refte du bâtiment, qui eft grand, n'a pour décoration que des fenêtres plates. Les dedans des appartemens font ornés de plafonds peints par les Zuccari. Le défaut de ces plafonds eft d'avoir mêlé de grofles bordu. res en relief d'ornemens forts & lourds, avec les intervales peints de petits ornemens extrê. mement délicats. Au refte il y a de très-bonnes chofes dans ces peintures ; les ornemens légers TIVOLI. II? qui y font peines,, font très ingénieux & de très bon goût dans leur genre. Dans le pavillon qui eft fur la terrafle , on voit plufieurs figures antiques , dont quelques-unes font belles.On y fait remarquer une figure égiptienne , de marbre noir, qui ne vaut rien & n'eft qu'une mafie informe èv fans goût. Il y a dans les portiques qui environnent la cour , quelques figures antiques , aflez belles. On voit dans la place de Tivoli, où eft la principale églife, deux figures êgiptiennes de granit, de huit à dix pieds de proportion , qui font de bonne maniere, & dont les têtes font aflez belles. Au pied de la colline, où eft Tivoli, fur le chemin de Kome , on trouve un tombeau antique : c'eft une grofle tour ronde , de pierre , de-mi-ruinée & reftaurée de briques, au devant & au bas de laquelle eft un refte d'architecture , compofé de piedeftaux & d'une partie de fuft des colonnes engagées dans le mur où eft l'inf-cription. On voit dans un vallon, derrière les montagnes de Tivoli, les reftes d'un aqueduc, ouvrage aflez confidérable des Romains. Le Monte Spaccato eft une montagne où iky a deux trous longs ; ils font l'ouverture dé deux fentes très-pçofondes, qui vont dans le Tome J, Paît. L K Ii+ VOYAGE D'ITALIE, le cœur de cette montagne : on attribue cette-fingularité à un tremblement d^ terra. Cette curiofité ne vaut guerre la peine qu'elle coûte • on en e il cependant dédomagé par la belle vue dont on jouit fur lehaut de ces montagnes , ci'0^ ^'on découvre une plaine de dix ou douze lieues, vers le milieu de laquelle cil la ville de Rome : cette vue eft terminée par la mer. On y découvre des montagne à quinze ou vingt lieues. • Dans la plaine, entre Rome & Tivoli, eft un petit lac d'eau fulfureufe , & qui exhale une très-mauvaife odeur, fur lequel nagent plufieurs petites isles de différentes grandeur ; il y en a qui'ont à peine fix pieds. On dit qu'on n'y trouve point de fond. CAST ELU GANDOLFO, us CASTELV GANDOLFO. vJ N y voit un grand lac, furie bord duquel , â droite, en defcendant par le chemin de Cqflello , on trouve un temple fouterrein, qu'on nomme le Temple de Donatien. C'eft un antre creufé dans le roc. On y voit quelques niches Se des enfoncemens de chapelles ; on y découvre les marques de deux efcaliers à droite & à gauche , qui defeendoient du fanCtuaire , dont le plan eft élevé. Derrière ce fanctuaire il y a un chemin obfcur , où , dit-on , les prêtres ren-doient les oracles.. Plus loin, adroite, on trouve l'embouchure du lac. C'eft un canal creufé au travers de la montagne , pour écouler l'excès des eaux du lac. 11 eft taillé dans la pierre dure , & il continue , dit-on , fous terre plus d'un mille juf qu'à fon débouchement, qu'on voit de l'autre côté de la montagne, dans la plaine. Il peut avoir trois pieds d'ouvertures fur fept à huit de haut. Ce lieu eft fort pittorefque ; l'entrée en eft ombragée , & couverte de chênes verds, fort vieux , dont les troncs, quoique gros , n'ont , pour étendre leurs racines, que les fentes des pierres, qui paroiQent néanmoins encore pofées allez exactement. A gauche du chemim, pavé de grandes picr K a VOYAGE D'ITALIE, res par les Romaine, & ruiné par le temps, on trouve un autre petit temple fouterrein , régulier dans fon plan. Il y refte beaucoup d« fragmens de l'architeciure dont il étoit orné. Le bas eft un ordre Dorique ; il paroit avoir fept à huit pieds, y compris l'entablement : il efl. encore prefque entier. Autour du temple font alternativement une colonne & une niche : le$ niches font fucceflivement quarrées & rondes. L'ordre Dorique étoit couronné dans le fond du temple par un fronton , dont on voit en. encore les principales maffes. Ce qu'il y a de fmgulier, c'eft qu'il eftbrifé, ne continuant .pas fur une ligne droite , â la maniere ordinaire des antiques ; il fe retire en arrière par le haut, & fait relfaut en avant aux deux côtés , comme beaucoup de nos frontons modernesv Ainfl il faudroit rapporter cette invention aux Anciens. Il femble aufli qu'il ait été un peu cein tré: cependant on ne peut pas l'aflurer, les moulures en étant li ufées, que leurs fimofitês pourroient produire cet effet à l'œil, fans que cela fût en effet. Au deffus de cet ordre règne une efpece de petit attîque , dont ce qui refte de la corniche eft orné de denticules. Au de£. fus eft la voûte en plein ceintre. La Villa Barberini. On y voit un refte-confidérable de fabriques antiques, C'eft une C AS TELL' GAND OLFO. ' 117 terrafle revêtue de briques dans toute fa Ion-gueur , pui eft confidérable , où l'on rencontre de diftance en diftance de grands enfoncemens, les uns en demi-cercle , d'autres quarrés , plus profonds que larges : ils ne font pas tous d'égale grandeur ; le plus grand eft quarré. Ces enfoncemens font décorés de niches en nom-hre impair, & fucceflivemeut l'une quarrée , l'autre ronde : on ignore à quel ufage cela a pu fervi r. Cette mafle de briques eft couronnée de chênes verds, qui y ont pris racine , fans qu'il y ait de terre pour les nourrir : c'eft une belle décoration pour ce jardin. L'Eglise ou Dôme. Au principal autel on voit un tableau d'un Chrift en croix, avec la Sainte Vierge jSaint Jean& la Magdeleine, qui embrafle les pieds de Jefus-Chrift , de Pietro da Cortona : ce tableau eft foit noir , & le temps y a beaucoup contribué. 11 eft en général très-beau pour la maniere large & facile , & un goût de compofition grand. Les jets des plis font beaux , & le tout eft peint moëlleuflement. Le Chrift n'eft pas d'un deflein fort correct,, ni d'un beau choix de nature, quoiqu'elle puifle être vraie, les hanches étant larges , & les épaules étroites. La Magdeleine eft bien , foit pour le vifuge , foit pour la maniere de. l'avoir drapée & ajuftée ; mais elle eft plutôt gentille ll3 VOYAGE D'ITALIE, que belle. La Vierge, dans la douleur, fcm blc un peu vieille : l'expreffion en eft cependant très-belle. Le Saint Jean a la phifionomic bafle & commune. Ce tableau eft dans un ovale en hauteur, foutenu par deux grands Anges de ftuc, accompagnés en haut de petits anges & d'un Pere éternel, qui eft fort gêné dans l'ar, chitecture eu il eft modelé. Cette invention du Bernini, qu'il a fouvent répétée , eft ingénieu. fe , & feroit un très-bel effet, fi cette fçulptu, ie étoit bien exécutée. A la chapelle à gauche , eft un tableau d'u„ ne Affomption de la Vierge, bien compofé & bien peint, d'une maniere douce, moëlleufe , & même un peu trop.indécifc. 11 y a.de beaux tons & d'affez belles 'rites, de l'harmonie <& de l'intelligence de clair-obfcur. Dans la chapelle à droite , on voit un tableau qui a de la beauté, 11 eft correctement delfine : mais il y a de la froideur & de la fé, chereffe , d'ailleurs peu de magie de clair-ob. feur. La coupole de cette églife eft fort belle & très-bien décorée par Je Cav. Bernini. Les pe, rites croifées font courronnées de grouppej d'Anges, & de guirlandes fort ingénieufement ajuftées. Le concave de la coupole eft de grandes baudes, entre lefquelles font des caiffons CASTEL L' G A N D O LF o 119 hexagones forts de bas-relief, ornement magnifique , & néanmoins fimple & de bon'goût : le tout eft blanc. La lanterne paroit trop grande pour la coupole. Le refte de l'églife eft fans ornement, & trop nu pour une coupole fi riche. Les autels font (impies : ce font quelques colonnes couronnées d'un fronton ; mais jl eft défagréable de les voir portées par deux piédeftaux l'un fur l'autre. I! y a en dedans deux petites portes fort belles & de bon goût. L'écriteau qui eft au 'deffus de la grande porte en dedans , eft ajufté ingénieufement. Sur le chemin de Cafrcllo à Laricci, & après avoir paffé la belle allée de vieux arbres , qui mene à Albano , on rencontre une maffe de briques , affez informe , qu'on nomme le Toni beau d'AJcagne ; enfuite on trouve le Tombeau des Horaces. C'eft un piédeftal quarré , grand & élevé , fur lequel il y a cinq pyramides rondes , tant entières que ruinées. 11 n'a rien de remarquable , fi ce n'eft que l'état où l'a réduit le temps , le rend propre à être delfine , & il peut faire un bon effet fur le papier. Il y a dans le palais du Pape d'affez beaux cartons ou deffeins : on ne fe fouviens pas d'y avoir vu autre chofe qui foit bien digne de remarque. x20 VOYAGE D'ITALIE. LA RICCI. O n voit une églife du Cav. Bernini, dont les dehors ne font pus fort beaux , & qui n'eft pas heureufement accompagnée par deux corps de bâtimens, qui femblent en être détachés. L'intérieur de l'églife paroit une des plus belles chofes qu'il y ait en Italie, foit pour le tout en. femble, foit pour les détails. Son plan eft Un cercle environné de chapelles ; la coupole eft fort riche , & décorée dans le goût de celle de Cajiello, avec cette différence que les croi fé es qui l'éclairent, ne font point pratiquées dans la partie concave de la coupole. Ces croifées font couronnées d'enfans, excepté les deux grandes au deffus de la porte & vis-à-vis , qui font or. nées de grands anges. Toute l'églife eft blanche , fagement ornée , d'un goût fimple & ma. jeftueux, & très-proprement exécutée. Les petites chapelles qui l'environnent, font fem. blables & régulières .• il y a le même défagre. ment qu'à Cajiello, des deux piédeftaux l'un fur l'autre. La chapelle du fond,vis-à-vis la porte d'entrée, eft en forme de grande niche ceintrée dans fon plan, MARINO. 1ZI pian , & en cul de four ; elle eft toute remplie d'un tableau peint", fur le mur , par le Bourgui^ gnon : il repréfente l'Aflbmp tion de la Sainte Vierge ( figure plus que grandeur naturelle ). Quoiqu'il foit peint en maitre, & d'une couleur aflez vigoureufe , il eft fi incorreclement delfine , qu'on voit bien que ce n'étoit pas fou genre: le pinceau en eft un peu barboteux & indécis. Cette peinture fait en général un aflez mauvais effet dans cette églife , qui eft toute blanche ; elle y femble une tache : c'étoit plutôt la place d'un bas-relief. MARINO. Il y a deux églifes. Dans l'une , àia chapelle de la croi fée à gauche, eft un tableau du GuercviOy repréfantant Saint 3arthélemi qu'on écorche : ce tableau eft d'une très-grande beauté. 11 y a beaucoup de chofes de la plus belle couleur; les ombres 'des c/hairs, en beaucoup d'endroits ; n'y font pas-^ûries , comme il les a fait fouvent, Il y a en haut un Ange tout clair, & d'une couleur belle & très-agreable : il ieft d'un caractère de deflein grand'& fier. II femble qu'on pourroit y fouhaiter que le fond du tableau ne paroit fpas entre toutes les jam* Tome. I. Part. I. L IZ2 VOYAGE D'ITALIE, bes des figures , qui d'ailleurs laiffant entr'elles des diftances aflez égales, & ne font point grouppées. Dans le fond du fanctuaire on voie un grand tableau, que Ton dit aufli du Guercino , muis qui n'eft point beau, & qui eft fait mollement «omme fi c'étoit une copie : il repréfente un Martyr que l'on approche d'un feu ardent. Dans l'autre églife on voit un tableau du 'Guido Reni, repréfentant la Sainte Trinité. Ce tableau eft d'une grande beauté : il femble ce. pendant que la tête du Pere éternel n'eft pas coëffée d'une maniere aflez noble, & qu'il eft trop chauve; les mains neparoiflentpas aflez âgées pour la tête ; les jambes du Chrift f0nt deffinées avec la plus grande fineffe , les détails les plus feavans , & d'un contour très-gracieux. Toutes ces côtes de montagnes font fort agré. ables , 6c l'ont y jouit de très-belles vues , prîn cipalement fi Ton monte par un temps ferejn fur le haut de Monte Gavi, qui eft la plus hau. te montagne de ces environs , 6c où l'on voit quelques reftes de fondemens d'un temple an tique, aflez confidérable. On découvre delà une étendue immenfe de terre & de mer , dans laquelle on prétend-même appercevoir l'jsje de C.'orfe , qui en eft à cent milles. En y allant on pafle par Rocca di Papa , village très-pit. T E -R R A -C I. N A 12? torefque par l'irrégularité du terrcin delà mon. tagne fur laquelle il eft placé. Derrière CaJïeW Gandolfo on jouit de la vue d'un lac qui^eft trés-grand , & qui porte le même nom ; & plus près cX Albano eft celui de isccmi ; qui eft moindre , quoique fort grand. Sur le rempart eft le vilage du \ même nom qui paffe pour un lieu où il y a de petites vues, de détail très-pîttorefque à deffiner. J L y a dans une place publique une ftatue d'un Pape affis : elle eft de bronze, fur le mo dele de VAlgardL \^/n y voit un refte de temple antique , confidérable par fa grandeur, fur lequel eft bâtie une églife. Leftilobate ou foubaflement qui le portoit, paroit avoir dix à douze pieds de haut. Il ne refte de l'ordre que les bafes & quelques portions du fuft des colonnes : elles étoient canelées, & paroiflent avoir environ V E L L E T R L TE R R A CINA. iZ4 VOYAGE D'ITALIE, quatre pieds & dsrni de diamètre. C'eft un or» dre Corinthien. En continuant le chemin de Tcrracine, on trouve beaucoup d'antiquité , qui ne font plus que des mafTes informes. CAPO UE. Jl y a une églife bâtie fur les ruines d'un temple antique : mais il paroit qu'il n'y refte rien d'antique : que les fondemens , & peut-être quelques endroits du gand ftilobate, fur lequel elle eftaftife. Les pilaftres, chapiteaux & corniches , quoique travaillés en plufieurs endroits dans le goût antique , ne le font vraifemblable-ment point, les Anciens n'ayant point connu la maniere^de grouppér les pilaftres, ainfi qu'ils le font là. D'ailleurs le* reffaut que fait la corniche du ftilobate du côté droit , pour porter la tour du clocher, n'eft point antique , Se la même corniche qui règne a gauche de l'églife, ne lui eft point conforme , & ne fait point réf. fur. On voit dans cette églife trois'grands tableaux dans le fanctuaire , de Francîfelicilo delle Mura , peintre moderne , élevé de Solimeni. On ne fe fouvient pas des tfujets de deux d'en- CAP OUI izç tr'eux: mais celui du maître-autel repréfente une Annonciation. Le Pere éternel, & toute la gloire célefte , y font préfens : la Vierge paroit refufer cette grâce. Ce qu'il y a de plaifant, c'eft qu'on y voit une cafetière d'argent à là moderne , dans laquelle chauffe le thé ou café de la Vierge , & qu'elle a un chat ; un perroquet, une belle chaife de velours à crépines d'or, &c. le tout fur l'efcalier, où fe paffe le fujet, Au refte il y a du mérite dans ces tableaux \ l'enchaînement des grouppes , & les attitudes & ajuftemens des figures, font ingénieux & très-gracieux. La couleur a le défaut d'être trop belle , & tient de i'évnntail- Les drapeties font traitées à plis gr nds & arrondis. A deux milles delà font les reftes de l'ancienne Capoue. Il y a une porte qu'on dit être celle de la ville : il n'y refte que deux arcades , & l'on n'y voit rien qui indique qu'il y en ait eu davantage. Il y a une niche dans la face des alettes qui foutiennent les arcades , & trois dans le maflif qui eft en retour fous la porte. Ces arcades font d'une hauteur affez élégante, & plus élevées que la plupart des portes ou arcs de triomphe antiques , qui pour l'ordinaire font fort bas, par rapport à leur largeur (i), (O Les Anciens étoient à cet égard d'un fentioacnt l Ì I25 VOYAGE D'ITALIE. On voit dans cette ancienne ville un Ampht théâtre ou Colifée, beaucoup moins gran(j.. que celui de Rome. Il eft ovale , & pCu(. avoir environ 150 pieds de long fur 90 de lar ge. Il faut qu'il foit fort enterré ; car le ram pant , fur lequel étoient pofés les gradins, ^ cend jufqu'à terre , & l'on ne voit plus le mUr perpendiculaire , qui, dévoie être autour de l'arene', comme au ,colifée !de Rome. encore de refte des parties aflez conlidérablej de corridors , dont quelques-uns ont treize pieds^de large. Il paroit que tous les ornemens différent de l'ufage reçu parmi nos Architecies tw0. dernes ,qui donnent toujours aux portes une hauteur double de leur largeur , & même qui les portent encore à une plus grande élévation. L'habitude ou nous fommes de voir cette proporrion partout, nous fait regarder au premier coupd'œil celle que iCur donnoient les Anciens, comme tropécrafée : mais .' ne fca?s s'il en eft de même aux yeux de la raifon & l'orfqu'on vient à l'exanwn , en fe dépouillant de* teute prévantion; car ne peut-on pas dire qu'ilv a différentes proportions, qui font également belles relativement à l'ufage auquel font deftinés les édifi? ces? Et pourquoi s'affujettir à élever un monument à grands frais, lorfqu'on n'a nul befoin de fon exanf, fement, & que la néceffité requiert feulement qU'n foit ouvert en largeur: Il femble donc qu'on pnur_ roit admettre d'autres proportions pour les portes de villes & arcs de triomphe ,& que la raifon étant fa tisfaite, le goût devroit s'y foumettre, &les yeuJ s'y accoutumer. Il y a bien de prétendues loix du jçoùt, qui ne font qu'habitude. Le premier qui le ha zarderoit, pourroit être blâmé, mais enfuite. fi Ceù étoit foutenu d'un vrai talcns, il auroit des imita, tcurs. CAPOUE 127 d'architecture, qui le décoroient à l'extérieur ètoient de marbre. La plupart des moulures du premier ordre, qui relient dans les parties qui font fur pied, font tout-à-fait ufées. Il y avoit quatre grandes entrées , plus remarquables que celles du colifée de Rome. Une partie de la décoration d'une de ces portes bâties de marbre, fubfifte. Il y a trois arcades égales. A chacune des alertes eft une colonnet d'ordre Tofcan , enfoncée de fa moitié dans le mur de maniere que l'impofte des arcades empiète fur la colonne ; ce qui fait un mauvais effet. Les clefs des arcades font fortes & ornées de buftes en bas-relief fort faillant. Cesbuftesre-préfentent de têtes de Divinités /comme Diane , Mercure & autres. Us font trop coloffaux pour l'ordre , qu'ils font paroitre petit. Le chapitau eft défagréable en ce qu'au lieu du quart-de-rond , il y a une doucine fort camufe. En général la fcuplture & I'architeciure de cet ampithéatre ne font point belles , & font très lourdes. Cet ordre Tofcan règne autour de l'édifice à l'extérieur. Il paroit que l'ordre de deffus étoit Dorique, & on voit au haut de ce refte de porte une alette, où font un pié-deftal Se une "grande partie de colonne, dont les tambours font dérangés l'un deffus l'autre, & à coté un chapiteau Dorique, qui y eft L 4 I2g VOYAGE D'ITALIE, tombé , lequel eft d'un profil aflez beau & 8r gulier. H y a avoit fans doute quelqu'autr^ ordre élevé fur ceux - là : mais nous n'C|l avons vu aucun refte. On voit à Capoue moderne quelques-unes de ces clefs d'arcades à bufte , attachées à des maifons. Fin de la prcmUrt partie VOYAGE ii9 |J*^*^*^*^*^*<^* jj* %axxx ***** ^ X X€l& **** X £ VOYAGE D> 1 T A L I E_ I SECONDE PARTIE. W ^ P X £ & IL e Palais du Roi. Sa façade eft d'un goût fage & grand : feulement il y a trop de confoles fous les balcons. L'intérieur de la cour eft com-pofé de deux portiques à arcades, l'un fur l'autre. L'efcalier eft grand, d'une belle proportion, & fufceptible d'être magnifiquement décoré : jufqu'à préfent il ne l'eft point. Les rampes font reffaut dans leurs retours, défaut qui eft" fort mal racheté par les mafcarons coloffaux,qui lient cesapuis. Ce bâtiment, quoique très-con-. fidérable, n'eft, dit-on, qu'une partie du grand projet que l'architecic avoit imaginé L ç ÏJO VOYAGE D'ITALIE. La chambre à coucher du Roi eft fort bei[ décorée agréablement & de bon goût par des } laftres de glaces, dont les ornemens & les CQrn.* ches font dorés, avec des miroirs-entre deux jj y a trois alcôves , dont la grande eft décote d'un plafond de Solimeni , de fes dernie temps : il eft" trés-foible, & fort incorre^ ment delfine. Une des petites eft ornée d'uri* plafond de Francifchello delle Mura : \\ eft mieux, quoique fort manière. Comme nous nous fommes trouvés à ÌJapie au commencement de l'hyver, les apparteniez étoient déjà préparés pour cette faifon, & par effet de hpareffe » du peu de goût dcCeUx qui ont foin de les meubler,les tapifferies étoiCrit tendues pardeffus les tableaux. Ainfi les mQr ceaux ineftimables que le Roi y conferve, fç trouvoient cachés par de vieilles tapifferies, q^ ont pu être en quelque eftime autrefois, qui maintenant que ce talent a été perfection né, ne méritent aucune attention (i). Nous avons vu cependant une falle peu éclaj rée, où il y a quelques tableaux , entr'autres un qui paroit fort beau : c'eft un Saint Pierre q^j préfente à Jefus-Chrift une monnoie qu'y Ci) C'eft furtout en France que ce talent a été' u fectionné. La Manufacture dis Gobelins , & celle h' Beauvais, s'y itiftingncnt par une très-belle exécutùJ N A P LES m péchée ( demi-figures de grandeur? naturelle )„ 11 eft fort noir, mais dune maniere très-ferme , & d'une couleur vigoureufe : il pourroit être de Lanfranco , & tient de Ila maniere de peindre du Feti. Un autre,qui n'eft en quelque façon que brof-fé (demi-figures) : c'eft encore un Saint Pierre à genoux devant Jefus-Chrift. On ne voit que la tête & les épaules de Saint Pierre ; les têtes, qui ne font que pochées , font faites de très-bonne intention , & en grand maitre. On paffe par une falle où il y a plufieurs. grands tableaux de batailles, dont deux, entr'autres , paroiflent beaux : ils peuvent bien être du Bourguignon. Dans l'un eft un fort ou fabrique antique. Celui de la bataille des Amazones, qui eft vis-à-vis, n'eft pas fi beau , & eft une imitation prefque copiée de celle de Rubens. Dans une autre falle il y a un plafond de So-limeni, à frefque, d'une fort belle couleur. Il imite beaucoup celui 6"Andrea Sachi, qui eft à Rome, au palais Barberini, foit pour la figure principale, foit pour le ton général du tableau. Les grouppes qui pofent fur la corniche, ne font pas fi beaux que le refte. On voit dans deux falles, des plafonds anciens , repréfentant diverfes aétions des Souve- tjt VOYAGE D'ITALIE, rains de Naples. Quoique ces tableaux n& foient pas compofés , ni drapés d'une maniere fort élégante , il y a cependant des beautés, ^ entr'autres plufieurs têtes qui font belles £ d'une couleur vraie & naturelle. Il y a deux tableaux de Panini, qui ne font pas beaux , furtout celui qui repréfente l'églife de Saint Pierre de Rome , dont les figures f0nt ridiculement trop grandes , & font paroit» cette vafte églife comme une petite chapelle • d'ailleurs ils font de mauvaife couleur, tr0p clairs & tenant de l'éventail. Dans la galerie d'en bas il y aune quantité aflez confidérable de tableaux. Un tableau de Pietro da Cortona ( figu grandes comme nature ), où l'on voit une Vier, ge avec des enfans. Ce tableau eft d'un pin, ceau facile, peu rendu , & en beaucoupd'eru droits ne paroit qu'une ébauche avancée. £a tête n'eft pas noble , mais elle eft jolie ; le yja ge eft court,! & les traits élargis , phyfionomiè très-ufitéeà ce maître, & que l'on reconnoît partout dans fes ouvrages; î'ajuftement eft u génieux, & avec une efpece de mouchoir dc couleur de biftre, qui lui eft très-ordinaire, fj tableau n'eft pas du plus beau de ce peintre quoiqu'il y ait beaucoup de chofes gracieufes' Un portrait de Pape: On ne fqait fi c'eft r0rj ' N A P L E S. 13) ginal de Raphael, ou la copie d'André del Sarte. II y a trois ou quatre figures vêtues de rouge, mais dont les étoffes font très-bien va. riées. La table eft aufli couverte d'un tapis rouge : tout cela fait néanmoins très-bien fon effet-Le camail du Pape , de velours rouge, imite très-bien la nature de cette étoffe , & les man_ cbes de linge font d'un pinceau large & très-facile ; ce qu'on trouve rarement dans ces maîtres. La tête du Pape n'eft pas la plus belle ; il y a quelque chofe de noir dans l'enfoncement des yeux ; qui n'eft pas agréable. La tête de l'homme qui eft â fa droite , eft très-bien peinte & bien deffinéc ; la phyfionomie en eft baffe, mais c'eft un portrait. Une Leda, du Tiziano. La tête n'en eft pas de la plus grande beauté ; le corps eft defïiné avec beaucoup de vérité & une moleffe de chair fort belle ; la couleur , quoiqu'elle foit vraie, ne femble cependant pas affez fraîche, & les ombres paroiffent d'un noir unpeufale: néanmoins c'eft un bien beau tableau. On voit du même maître une Vénus & Adonis. Ce même tableau fe trouve en plufieurs endroits , en Italie & en France. Celui-ci eft fort beau, iV paroit bien original : il eft d'une très belle couleur. Il a quelques portraits aufli du Tiziano, qui 1U VOYAGE D'ITALIE, font fort beaux, entr'autres un d'une jeune fetn me tenant un finge ou autre animal (on nef fouvicnt pas bien quel il eft ) , qui lui defcen(j de deffus l'épaule fur les mains. Ce portrajt eft de la plus grande vérité ;, il femble Cortir dc la toile, & être prêt à parler. Trois tableaux du Schidone, dont l'Un rç prêfente un Saint Sébaftien couché fur Utlç pierre, & vu en raccourci: quelques perf0nries lui ôtent les flèches dont il a été tué. La cc-m. pofition de ce tableau eft très-ingénieufe de grande maniere & de peu de figures, coireur en eft vigour«ufe, les ombres très-bru. nés, & en général trop noircies. Ce maitre tient beaucoup du Gucrcino & de M. 4, rff Carravagio : cependant les têtes ne f0nt pa$ rendues avec de fi beaux détails, & font faites à peu près & fans beaucoup de choix. Un autre du même maître : on ne fe fouvient plus du fujet. Il paroit que c'eft une Sainte Fa, mille, avec Saint Jofeph affis fur le devant cfo tableau : il eft bien compofé , mais très-incor. rectement delfine ; quelques têtes fonti de beaucoup trop groffes. 11 y a de l'effet, mais un effet dur, par l'oppofition d'ombres très-noires à côté des plus grandes lumières on y voit des vérités de nature, mais d'une nature baffe. Un troifieuie tableau du même maitre, où il N A P L E S. ii? y a un Saint Diacre. Ce tableau eft beaucoup plus correctement defliné , mais toujours dur d'ombres & de lumières. Les tableaux de ce peintre font rares , & on ne fouvient pas d'en avoir vu ailleurs. Un tableau de Luc Giordano, bien peint : les ombres en font trop noires , mais il y a de fort belles demi-teintes. Un tableau dit d'Annibal Carracci, repréfentant une Vénus vue par le dos , avec un Satyre & deux petits enfans, demi-figures. Ce tableau eft fort beau ; le dos de cette femme eft delfine de grande maniere , & avec la plus grande vérité ; la tète en eft belle & jolie , & la couleur en eft fi belle qu'elle s'oppofoit à ce qu'on lç crût du Carracci, malgré l'affurance avec laquelle on l'affirmoit, ce maître communément n'étant pas célèbre pour cette partie de la peinture. Le vermeil des chairs eft de la plus grande beauté ; les demi-teintes font tendres, fraîches & belles, & les molles de la chair y font rendues au degré le plus parfait. Ce tableau eft fi bien conferve , qu'il femble prefque fortir de la main du peintre. Les fefles pa-roiflent un peu trop vermeilles, & l'emmanchement du bras droit avec l'épaule , a quelque chofe qui n'eft pas heureux. On eft d'autant Plusfurpris dc voir le Carracci d'une fi belle i;6 VOYAGE D'ITALIE, couleur , qu'il y a dans la même chambre un tableau de lui, repréfentant une femme couchée Cil paroit que c'eft une Vénus ), avec plufieurs petits enfans, qui, quoique delfine fçavanu ment, de belle forme & de grande maniCre n'a point cette morbidcflï , ni ces vérités aitft^ bles , & d'ailleurs il eft d'une couleur trifte & mauffade (i). Dans ces deux tableaux , les têtes des pet|ts enfans, quoique très-bien deffinées, ne f0nt point agréables, & leur caractère n'eft p0uit d'un beau choix. Un troifieme tableau du même maître v re, préfentant un Chrift mort, appuyé fur lcs ge< noux de la Vierge. Il paroit que ce tableau eft le même que celui qui eft à l'autel de la cha. pelle du palais Pamphile : cependant il çp. aufli d'une grande beauté , & paroit bien origj nal. Les formes du deffein font très-belles , & le carattere en eftfcavant & naturel'funs'être chargé ; les expreffions font fortes ; il c^ peint moè'Ileufement , & bien rendu ; la cou leur a quelque chofe de fombre& de fatigué (0 Write eft que, quoique ce tableau foie trè. beau, il ne peut être qu'une copie faite par quciai, excellent peintre : on en voit l'original au cabinet dl Florence. 11 eft admirable, & l'on y reconnaît hi!» mieux le Carracci. lcn N A P L E S. iî7 Dans cette même falle il y a nn portrait par Léonard de Vinci, qui eft d'une vérité à tromper , foit pour la couleur, qui en eft fraîche comme s'il venoit d'être fait, foit pour l'effet. 11 eft très-finement definé , & fini comme il eft ordinaire à ce maître. 11 y a encore deux ou trois tableaux AeRaphaeU dont quelques-uns ne font pas fort attrayans. Celui de la Sainte Famille eft cependant très-beau & d'une finefle de deifein admirable ; il eft bien peint & très-fini ; la tête de la Vierge eft graçieufe, noble eft belle. Il femble qu'il y a un peu de féchereffe dans le faire. II ne paroit pas cependant que ce foit de fa premiere maniere, lorfqu'il tenoit exceffjvement de Pietro Perugino ce tableau eft d'un meilleur temps. Il y a une chambre où l'on voit plufieurs Bajfans: mais ils ne paroiffent pas fort beaux , & il femble qu'ils n'ont pas ce gras & ce pâteux de pinceau , ni ces belles demi-teintes & cette vivacité de couleur locale, qu'on voit dans plufieurs tableaux de ces maîtres. Il paroit qu'ils ne font pas de Jacques Baffano , qui étoit le meilleur. En général-les tableaux de ces peintres ne font eftimables que lorfqu'ils font dans leur plus grande beauté. Ils font fi baffement traités, & font prefque toujours lì noirs partou t, Tom li, Pan. IL ' M ,38 VOYAGE D'ITALIE, qu'à moins que leur couleur ne foit à f0n pJ haut point de perfection, il refte peu de chofe à admirer. On y voit un petit tableau du jugement dCr nier, que l'on dit dc la main de Michcl-^^] quelques-uns prétendent que cela n'eft pas Cç^ tain. Il eft très-fini, corredi & fort dans la mJ niere de ce maître. On afliire davantage le deflein du même fujer qu'on fait voir dans la même galerie ou bibliol theque : il eft également fort bien delfine, mais très-fini ; ce qui femble donner lieu de doutes qu'il foit original, parce" qu'il ne paroit gUete vraifemblable que Michel-Ange ait voulu fe donner la peine de faire un deflein fl f0jgn^ Cependant, comme tous les deflTcins qu'0n voit de ce maître font très-proprement deflinés cette raifon ne fuffiroit pas pour contefter f0rj originalité. H y a plufieurs deffeins, dont on dit quelques uns de Raphael : mais n'en étant point averti-^ ayant beaucoup de chofes à voir , on ne lCs a point affez confidérés pour en-rendre compte Il y a encore plufieurs autres tableaux f0r. heaux, dans ce lieu, dont on ne fe fouvient pas : il y en a aufli beaucoup, de médiocres. On y voit un médaiilier dont on vante la N A P LES. ifr curiofité : il s'y trouve beaucoup de médailles, eftimables du côté de l'art. On montre un recueil de Camées fort rares. Il y en a quelques uns, mais en petit nombre , qui font aflez beaux du côté de l'exécution. Au refte la plus grande partie eft de figures mal en» femble, & d'un travail fini mefquinement. On vante beaucoup , entr'autres , une tête d'Augufte , mais elle paroit d'un travail très-froid & très-fec. 11 femble que la plupart de ceux qui ont travaillé dans ce genre, étoient des gens de talent médiocre, & qui fouvent ont pour mérite le plus grand , l'art d'avoir feu travailler une matière difficile. On fait remarquer uhe coupe ou tafle d'aga-the,qui peut avoir huit pouces au moins de diamètre : c'eft une chofe très-rare qu'un morceau fi grand de cette matière. Elle eft travaillée d'une maniere aflez moëlleufe , mais la tête de Médufe , qui eft deflbus, n'eft pas fort belle , 8c le bas-relief qui eft dedans, ne vaut rien : il eft de très-mauvais goût, On montre un livre peint en' minature par Macedo,élevé de Michel-Ange, il. y a deux cens ans. C'eft une chofe très-curieufe, foit pour le fini & la patience , foit pour le deflein qui en. généraLeftfcaYant & fin, quoiqu'un peu manié- no VOYAGE D'ITALIE, ré dans le goût de ce temps. Ce qu'il y a d plus admirable, ce font les figures en cariati des, & les ornemens de tous les genres * font faits avec tout l'efprit poflible , & COmp0 fes de très-bon goût ; petits bas-reliefs, c^ mées imites , fleurs, oifeaux , figures , touteft très-bien & fçavamment delfine. Les fujets d'hiftoire de ce livre font compof^ d'une maniere froide & féché,avec peu de goût d'une couleur entière, & qui n'eft point rompue dans les ombres ; peu de facilité, point de har. dieffe de pinceau : il y en a beaucoup davan, tage dans les ornemens ou figures qui en fbnt la bordure. Les payfages ne valent pas grand, chofe, Se font d'une couleur fauffe & tous bleus. Le Dôme ou Cathedra'e , dit S. G e jjarO. Dans le chœur on voit deux grands tableaux, dont l'un du chevalier Conca, re, préfentent une Froceffton , ou l'on porte des reliques. La compofition en eft d'un génie aC fez beau Se fertile. Il eft peint avec propreté & d'un pinceau agréable. Les draperies en f0nt ingénienfes Se bien exécutées : mais le tout eft généralement d'une maniere petite Se trop j0% lie. Toutes les têtes d'hommes font trop agréa bles, & d'un caractère mefquin ; la couleur en eft fort maniérée, & fent trop l'éventail. L'autre N A P L E S I4I repréfente une armée & un Roi mis en fuite par deux Saint Evêques qui font en l'air : il eft beaucoup moindre & tres-médiocre. Au fanctuaire on voit deux colonnes portant deux chandeliers, d'un marbre rouge, fort rare. Le plafond,; de la nef de Santa-Ftde , peintre très-noir & d'un génie froid : d'ailleurs il n'eft point de plafond. Les côtés de la nef font décorés de plufieurs tableaux ( demi-figures ) dans des ronds , Se au-deffus autant de tableaux en hauteur , figures entières Les premiers repréfentent plufieurs Saints Patrons de fa ville de Naples & ceux de deffus , les apôtres & les Evangeliftes. Tous ces tableaux font de Luc Giordano , & font fort beaux , ingénieufement compofés, d'une couleur vîgoureufe & harmonieufe , d'une maniere grande , d'un pinceau moelleux ; toutes les ombres font un peu trop du même ton. Dans la croifée de l'églife , à droite , il y a encore deux tableaux du même maître, très-beaux; les couleurs locales en font belles & fieres , & les linges font peints d'une couleur très-brillante. Au deffus de ces derniers font deux tableaux de Solitneni, bien compofés , & drapés d'un beau choix : mais les plis eia font caffés durement , & les ombres trop noires &' trop mêpla- I41 VOYAGE D'ITALIE. tes. Au refte cette nef n'eft pas heureufem décorée par ces tableaux ; elle eft toute blaù che , & les tableaux y font des taches nojreJ Dans cette même nef, à gauche, on voit Un Vafe antique , de pierre de touche fur un piecj de porphire. Ce vafe eft d'une belle forme mais la fculpture qui le décore , n'eft pas belle-ce font des attributs de Bacchus. Il ep. ^ mal couronné par un couvercle moderne , jç mauvaife forme, Se travaillé de petits corn, partimens de marbre , de mauvais goût : [\ fert pour le fonds batifmaux. A l'entrée de cette nef, dans une chapelle ^ gauche , on voit un tableau de Marc Pino de Sienne , qui eft aflez fqavamment defliné corrects, mais fec. Il y a plufieurs mauvaifes têtes , & qui font mal enfemble : la couIeut en eft trifte & mauflade. Sous le maitre-autel eft une chapelle Coûter., reine, dont l'architecture eft d'une idée f0rt belle & fort fage : elle eft toute de marbre blancs; les bas-reliefs d'ornemens font fott dans le goût de l'antique, & bien travaillés La figure deiharbre ^d'un Cardinal à genoux eft belle , mais fans fineffe de détail, & Jes draperies n'en fone pas bien travaillées. A droite eft une grande chapelle , 'ou plutôt une petite églife: on. la. nomme, le. Treso&. ■ ! N A V L E S. s4j Le tout-enfemble en eft fort beau ; elle eft rons dé , & contient fept autels ornés de colonne-de marbre de Brocatelle. II y a dans des niches vingt & une ftatues de Saints, de bronze , qui n'ont rien de fort beau. La coupole eft de Lanfranco ; elle eft compofée d'un grand & beau génie , d'une maniere fiere & hardie , d'un choix de figures fingulieres & deffinées d'un grand caractère. Les grouppcs font bien enchaînés , mais il n'y a point d'effet de lumiere ; la couleur en eft bonne, quoique fans harmonie. Les angles de cette coupole font du Doiminico} ils repréfentent des Saints volans & foutenus par des figures allégoriques , repréfentant des Vertus. Ils font biens defli-nés ; les figures ont des grâces fimples & naï" ves: il en eft de même dest ajuftemens. Les grouppcs d'enfans font dans des attitudes très-naturelles & fans maniere. Au refte il n'y a point d'effet, tout eft plut & d'une couleur très-foi-ble; le pinceaux même en eft fec. Tous les tableaux qui font dans les arcs, & à prefque tous les autels , font du même ; ils ont pour ra plupart les mêmes beautés & les mêmes dé>-fauts: il y a cependant plufieurs qui font in-' génieufement compofés, & avec feu. Ce mal" tre eft ici fort inférieur à ce qu'il eft àEome, à. Saint André della Valle, à Saint Louis-& à. Saint Grégoire. i44 VOYAGE D'ITALIE. A un de ces autels , à droite , eft un tableau qui paroit être de YB/pagnotctto : il repréfente un Saint Evêque lié , fortant d'une fournaife. \\ eft fort beau , biencompofé , & d'un génie f)n, gulier, d'une très-belle couleur , & peint d'u, ne maniere large , facile & moëlleufe. Les bourreaux renverfés aux pieds du Saint, f0nt grouppées d'une facon très pittorefque. La tête du Saint n'eft pas d'un beau choix, & n>a point de noblelTe. Il y a encore dans la facria tie de cette chapelle quelques tableaux don on ne fe fouvient pas , mais qui méritent d'ê* tre vus. S. Philippe de NERi.Cette églife a été bâtie par Glrolanùnï di Bartolomeo : lei le eft belle & richement décorée. La nef principale eft prêtée de chaque cAté par fix colonnes de granite d'une feule piece. La maffe générale du p0r'„ tati, qui eft revêtue de marbre blanc , eft fort. bonne, & préfente un bel afpecl : c'eft dom mage que ila porte principale foit affomméepar un mauvais fronton , & que les niches & autres ornemens particuliers de ce portail foient de mauvais goût. Le grand fronton d'en huit eft mal-â-pr0pos coupé par ^n couronnement en attique, où eft une Vierge d'alfez mauvaife fculpture, Le tablean du maitre-autel n'eft pas mauvais N A P L E S Hç A gauche on voit une grande chapelle de deux ordres l'un fur l'autre, d'une fort belle architecture. Les figures de fculpture, qui font dans les niches, ne font pas .belles, & font drapées d'un goût fec & petit. A4'autel il y a un tableau de Pomarancio , repréfentant la nailTance du Sauveur. Ce tableau eft dans une maniere un peu molle & indécife ; il femble qu'il y règne un brouillard : il eft cependant en général d'un aflez bon ton de couleur. La tête de "Vierge eft très-gracieufe, & d'une coule ur claire; l'enfant Jéfus n'eft point beau Celui d'en haut repréfente l'Ange annonçant aux bergers la venue,de jefus-Chrift : il eft d'une maniere plus fiere, & compofé de peu de chofes. Entre le fancìuaire óVcette chapelle eft une petite chapelle en deux parties. La premiere eft un quarré tout décoré de peintures la feconde, un fancluai re avec une petite coupole : le tout peint par Solimcni. 'Toutes ces ceintures ; font d'une couleur extrêmement fraîche & gracieu-fe ; les ajuftemens des figures font bien drapés , & la compofition des grouppes eft ingénieufe. La grande coupole repréfente S. Philippe de Neri dans la gloire : ,tous ces morceaux font d'une couleur légère; il y a peu de vérité, mais beaucoup d'art. 1 ous les fujets repréfentent diverfes actions du Saint, & Tom. i, Pan. IL N Hé VOVAGE D'ITALIE. les angles, des figures de Vertus. La petite pôle furtout, qui eft une Gloire d'enfans ^ très-bien, & paroit d'une couleur plus vig0J ^ fe que le refte. Le tableau d'autel eft une mauvaife d'après le Guide. De l'autre côté, adroite, après le grand aute & le fancìuaire, & avant la chapelle de Ia n^ fancedu Sauveur, il y aune petite chapelle pendant de celle de Saint Philippe de Neri l'on voit une coupole à frefque, de Simonen; -repréfente Judith tenant la têted'Holopherne la montrant à toute l'armée , qu'elle effraye par cette action ; le Père éternel eft témoin de Cc fait, avec plufieurs Anges : ces figures font bi«n compofées. Quoique ce fujet ne foitpas Corn mode à mettre en plafond , cependant il c$ ^ fez bien traité, & les défauts de vérité , quj s>* trouvent par rapport à ce point de vue , ne f0n pas abfolument choquans. Ce plafond eft d»^ couleur agréable , & d'un pinceau, léger. \\ ^ ingénieufement compofé, & la machine génétjù le en eft bonne : elle n'eft cependant pas d'^ génie neuf, & les Anges, qui vraifemblablcment font du même, montrent qn'il n'étoitp0;nt deflinateur ; car ils font incorrects, & les pl;s des draperies ne font pas bien formés. Hs 0Qt N A P L E S. 147 au premier coup d'oeil quelque chofe de bon „ mais ils font très-mal deflines, & la couleur n'eft pas aflez bonne pour compenfer ce défaut. On voit dans uue chapelle à gauche , vers le haut delà nef, un Saint Franqois , du Guide , figure feule, digne d'admiration; l'expreflîon de la tête eft belle, & les mains furtout ; la droite particulièrement eft admirable. La couleur de ce tableau eft grife, comme dans beaucoup d'autres du même maître : cependant l'harmonie du tout eft belle. Uparoît un peu noirci, & d'ailleurs il eft dans un endroit obfcur. A droite,aufli en haut de la nef, eft un tableau repréfentant des Pveligieufes tenant unChrift naturel en croix. Ce tableau eft fort beau ; les tê-çîs en font belles & gracieufes. On ignore le nom de l'auteur; il pourroit bien être de Giordano. Il eft tout-à-fait dans le goût , & aufli beau qu'un Pietro da Cortona, quoiqu'un peut gris : il eft peint en grand maître. A droite, au commencement de la nef, oa voit SaintAlexis mourant,avec uneGloire & des Anges qui le confolent, de Pietro da Cortona. Les tétés en font gracieufes & coëlfées ingénieusement, comme il eft ordinaire à ce maître. Les Anges font moins qu'adolefcens ; il y a peu de finefle de détail, mais beaucoup de grâces. Le* I48 VOYAGE D' I T'A LIE. linges de l'Ange principal, qui en eft prefqu>e tiérement vêtu, font à plis ronds, & d'une* maniere un peu molle , qui eft le défaut ordì naire dc ce peintre. La draperie rouge du incommode un peu le nu : c'eft d'ailleurs Uri très-beau tableau , furtout la partie de la Gloire Au deffus de la porte, en dedans de l'égli^ eft un grand tableau en détrempe, de Luc G/0r, dano.W repréfente les Vendeurs chaffés du tem* pie : c'eft une grande & belle machine de cc-m. pofition. Tous les grouppes fonfbien enchainés les uns aux autres, & le plan en eftingénieux & grand. La gloire de petits Anges, qui eft eri haut, eft d'une couleur trés-belle & trés-célefte. Ce tablean eft d'une aflez belle harmonie , mais il femble qu'il y a une monotonie de tons rouf, feâtres dans tout le tableau , furtout dans les ombras , qui le fait paroitre un peu tout d'une couleur. Au refte il y a de grandes mânes d'orn bres , qui devroient donner un grand effet à ce tableau , qui d'ailleurs eft bien? compofé poUr la diftrfbution des ombres & des lumières ; & cependant elles n'en font que peu , parce qUe toutes ces ombres ont une force & une couleu femblable. Il paroit encore qu'il feroit â défirer que les figures des grouppes ne fuflentpas toutes fi.égalementreflerrées en elles-mêmes, qu'elles ne femblaflent pas fe gêner pour ne tenir cha. N A P L E S. ,49 chacune que peu de place dans le tableau , & qu'on en devroit voir en quelques endroits quelques-uns qui fuffent plus élégamment déve. loppées. Il y a encore un défaut de compofition da'ns ce tableau, eu égard à la place où il eft. La porte de l'églife s'élève au deffus du bord d'en bas du tableau , & entre beaucoup dans fon intérieur. Cette fujétion eft une difficulté que l'on ne peut bien fauver qu'en trouvant un maflif folide fur le bord du devant du tableau, auquel le chambranle de la porte paroiffe immédiatement attaché , & dans lequel elle femble creufée. Le Giordano a fauve en partie ce défaut , en faifant porter une ombre fur le'maf-fif folide de l'efcîùier qui eft au fond , comme s'il y avoit une couverture à la porte , & des murs continus jufques-Ià , qui font cachés par pi chambranle de la porte , le point de vue étant fuppofé au milieu : mais le premier coup d'œil préfente toujours l'idée d'un vuide, d'autant que ce folide fuppofé, paroit poftiche & fait exprès pour n'avoir point de reproches , ne fe liant pas d'une maniere naturelle avec l'architecture du tableau. Le devant du tableau commence aux deux côtés de la porte par un plan fuyant, affez profond. Il y a enfuite des marches qui , étant coupées par cette porte , continuent après avoir été fuppofées paffer N 3 IÇ0 VOYAGE D'ITALIE, parderricre. Or cette porte étant un percé la fait naître le defir de les voir continuer PaJ fen ouverture. Quoique la peinture , dans ces grands objets, ne puiffe pas atteindre à un de. gré d'illufion capable de tromperies hommes ce doit toujours être fon but , & le peintre nc doit rien faire volontairement qui détruife IV leur , puifqu'il tâche de l'exciter dans tout 1 refte par le deffein Si la couleur. Dans cette oc cafion l'illufion eft détruite, puifque la porte étant une ouverture , on devroit voir par Cette ouverture les objets que le tableau indique, con, tinués derrière. D'ailleurs le chambranle de 1, porte s'élève feul, fans être foutenu, ni accora, pagné de rien ; ce qui eft maigre & d'un mauvais effet, & fait voir que cette porte a gêné le peia% tre, & qu'il n'a point feu l'adapter à fon fujet> Autre défaut contre la perfpective & l'illufion : on voit le deffus du terrein dans ce tableau, qui eft cependant fort au deffus de la vue. Les pein, très, même les plus excellens n'ont ordinaire, ment point eu affez d'égard à cela , & on voit peu de tableaux qui foient bien faits pour la place qu'ils occupent. Dans une chapelle à gauche, on voit trois ^ bleaux de Giordano : ils repréfentent des ac tions du Saint. Celui de l'autel paroit être une entrevue de Saint Philippe de Neri avec Saint N A P L E S. içx Charles Borromée. Ils font beaux, mais un* peu noirs. Il y a deux autres tableaux dans cette même églife, & dans les chapelles de la nef, du même Giordano, dont l'un repréfente St. Janvier foulant aux pieds un lion, & l'autre , St Nicolas de Bari, à qui un enfant baife les pieds. Dans la facriftie de cette églife , il y a plu* fieurs beaux tableaux de grands maîtres. Dans le petit oratoire on voit un tableau de Guido Reni : il repréfente un Jefus adolefcent, & un Saint Jean à peu- près dc même âge. Ce tableau eft admirable; il eft deffiné avec la plus grande finefle ; les têtes en font parfaitement belles & remplies de graces;la couleur des cfn.irs eft grife , fins cependant que les ombres tirent fur le verd, comme il arrive fouvent à ce maître : elles font d'un gris argentin, qui a beaucoup d'agrément. 11 y a une belle variété de couleur dans la différence des chairs de ces deux figures ; les draperies en font touchées d'une maniere nette, & font bien formées. C'eft un des plus précieux tableaux de ce maître, & par conféquent un des plus beaux qu'on puifle voir: on ne peut trop l'admirer. Une fuite en Egypte, du G///rfc,demi-figures," la même qu'on voit au palais C »lonne , à Rome. Ces tableaux paroi flent cependant également N 4 t%t VOYAGE D'ITALIE, originaux : celui-ci eft de la plus grande beaucè & d'une exécution parfaite. La compofition en eft très-belle , & il eft drapé avec beaucou de délicatelfe. La tête de Vierge eft d'une finefrc & d'une beauté admirables ; les mains font bel les. Ce que ce tableaux a de fingulier, c>efl. qu'il eft en général d'un ton de couleur très, roux. C'eft-apparemment une des premiereg manières du Guide : 11 eft noirci. Une tête de vieillard, petit tableau, qui pafojt être du même maître , belles & de fon ton gric On dit qu'il y a dans cette facriftie quelques morceaux du Dominichino : mais on ne recon, noìt fa maniere dans aucun de ce tableaux. Un Jacob luttant avec l'Ange ( demi figure ) qui eft fort beau. Un autre tableau , où l'on voit un homme renverfé â terre : on ignore le nom des peintres. Un Saint André, de F Efpacjnoletto ( demi, figure, grandeur naturelle ) ; c'eft une très-belle chofe. Prefque tous les tableaux qui font dans cette facriftie, font beaux. On dit qu'il y en a du Giufeppino & des Baffani. S. Laurant. On voit à droite & à gauche du fanctuaire , fur le mur & fort haut, deux ta, bleaux ( figures beaucoup plus grandes que na, turc ), l'un repréfentant le martyre de Saint N A P L E S IÇj Laurent , & l'autre , le même Saint vêtu en Diacre, & diftribuant les aumônes. Celui du mart yre eft très-beau , d'une maniere fiere & grande , delfine de grand caractère & fçavam* ment , bien compote de peu de figures qui rempliflent bien le tableau ; la couleur eft bonne , bien reflentie , & faifant un effet fenfible. H y a un petit Ange au haut, qui eft très-beau» & d'une couleur claire & gracieufe , comme s'il étoit du Guide. L'autre tableau paroit du même auteur , & quoique moins parfait, il a de fort belles chofes. La tête du Saint Diacre n'a point de noblefle, & eft trop grofle ; on ignore le nom du peintre. Dans une grande chapelle à gauche, qui a une petite coupole, & dont l'architecture eft aflez belle ( il paroit que c'eft la chapelle du Ro-faire ), font deux grands tableaux , qui femble être de la même main. L'un repréfente une Sainte Religieufe couronnée ; deux petits enfans à Tes côtés , tiennent les inftrumens de fon martyre ; elle regarde une Sainte Vierge dans la Gloire ; à fes pieds & autour d'elle font plufieurs Religieufes. L'autre repréfente un Chrift en creix , environné d'Anges ; à fes pieds & autour de lui font plufieurs figures d'Evêque & de Moines j dans » m VOYAGE D'ITALIE. le fond , des Evêques affis & comme afteniblés Ces deux tableaux font très-beaux, bien deff' • nés & faits avec une grande fierté de pinceau ; les ombres en font vigoureufes, & peut-être un peu trop noires ; les tètes , furtout celles des Reltgieufcs, font très-belles, & d'un bon ton de couleur. Ils font bien compofés , bien groUp, pés & d'un bon effet. On ignore le nom de l'au, teunils paroiffent d'un ton tenant du Valentin, On voit deux autres tableaux de moyennç grandeur; l'un efi: un Chrift, l'autre une Sainte Vierge : ils font affez bien. Les peintures de la petite coupole ne font point bonnes. Un tableau à gauche , où il y a un Cardin^ avec le carnai! rougé , qui paroit être Saint Jan, vier : on le croit de Luc Giordano , & il e^ fort beau. Sainte Croix de Luques. Il y a deux grands tableaux, modernes : l'un repréfentanfc Sainte Hélène à genoux, qui fait élever la croix-l'autre, la croix élevée, que l'on adore. Ce f0nt de grandes compofitions & nombreufes de fi. gures ingénieufement grouppées , dans le goût & de l'école de Solimeni. La couleur n'eft p0int vraie, & eft trop belle. Les reflets font de trop belle couleur & trop clairs ; ce qui eft caufe que ces tableaux ne font point d'effet. N A ï» L E S. ,^ S. François Xavier. Au maître-autel on voit un tableau qui paroit être de Giordano\ repréfentant Saint François Xavier baptifant des Indiens. Il eft bien & ingénieufement compofé, avec de bonnes maifes de lumiere & d'ombres ; la couleur eft agréable ; les ombres font grifes & harmonieufes ; la maniere eft un peu mefquine & trop propre. Le tableau ancien qui eft a l'autel, dans la croifée de l'églife , à gauche , a de fort belles chofes ; la figure du Pere éternel eft bien trou» vée , & préfente un afpect aflez grand ; les pe-. tits enfans font beaux, & pour la plupart gracieux & bien coëffés. La maniere tient un peu de Rubcm. 11 ne fait pas grand effet, & la compofition n'eft p:s propre à en faire beaucoup. A l'autel vis-à-vis, il y a un tableau qui a de bonnes parties , telles que la figure du Pere éternel, qui eft ingénieufement tournée & peinte d'une maniere fuave & moè'lleufe ; la tête du Saint eft mauvaife, aufli bien que les petits enfans qui font en bas. Prefque toutes les pein-tutes des plafonds de cette églife font de Paul Matheis:elles font bien compofées,& il y aune affez belle harmonie ; mais elle font peu d'effet par le manque de grandes maflês. Ce peintre à le défaut, dans la plupart de fes ouvrages, que ÏS6 VOYAGE D'ITALIE. fes ombres ne font point rompues , & qu'elfe font la même teinte que fes lumières, feuj ment plus forte dans la même couleur • r» ' e qui les rend foibles de coloris , & fait quc pCs ^ peries de diverfes couleurs , font des taches les unes auprès des autres. On voit aufli quelques grifailles de bonne maniere. Au Saint-Esprit. La voûte du fanctuaire ou chœur de cette églife, paroit dc Luc Gï0r dano. Il y a de très-bonnes chofes , & un mé, lange ingénieux dc grifaillc & de peinture colo, rèe : mais en général il y a trop de peinture, & il n'y règne point de repos. A l'autel, dans la croifée de l'églife , à droi. te, ;il y a un excellent tableau de Lut Giordano , qui repréfente une Vierge fous un dais -tenant un rofaire ; on voit à fes pieds Saint Dominique & une Sainte Religieufe. l_e ^ bleau eft d'une belle compofition ; la Vierge eft dans une attitude très-noble & majeftueufe ; les têtes fontltrès-belles, & ont beaucoup de grâces, furtout celle de la Sainte Religieufe. Il eft peint d'un pinceau facile, très-moëlleux & fondu & l'accord général, l'effet & l'harmonie du tableau font le plus grand plaiiir: cependant il femble qu'il y a un peu trop de monotonie & que les ombres, qui font d'un gris noirâtre > N A P L E~ S. i<7 font un peu trop toutes dc la même couleur. Le tableau de Paul Mathcit, qui eft à l'autel vis-à-vis , n'eft point beau ; la Vierge eft lai. de ; il eft fort mal delfine , noir & dur. Toute la nef eft décorée de frefque ou détrempe de ce peintre. Les figures font aflez gracieufes & ingénieufemeut tournées : mais la couleur en eft très-foible , foit que le temps l'ait fait évaporer en partie , & aufli à caufe qu'il ne rompt point fes ombres. S. Louis du Palais,ou S. François de Pau-le. Le tableau derrière le maitre-autel, eft de Luc Giordano : ril repréfente un Saint Michel tcrraflant le diable. 11 paroit fort imité de celui du Guide, & n'eft que médiocrement beau ; les peintures de la voûte de ce fanctuaire, qui font du même peintre , ne font aufli que médiocres. Les tableaux des côtés du chœur, font encore du même. La coupole , qui eft de Maria, eft une aflez mauvaife chofe , aufli bien que les autres peintures du même auteur , qui font dans cette églife. Pareillement il y a de mauvaifes peintures de Farci!:'. Dans l'atiique de la nef, il y a plufieurs tableaux repréfentant divers miracles de Saint François. Ces tableaux font compofés de grande & bonne maniere, ils paroiflent peint large- I58 VOYAGE ^ITALIE, gcment & de bonne façon r mais ils font ^ noirs. Dans la premiere chapelle, a droite il * y s deux petits tableaux de Solimcni, chacun d'une feule figure de femme. Les têtes en font gracieu fes ; ils font bien drapés & bien compofés ; jes ombres font trop noires, Se tranchent trop. Sainte Marie Majeure. On y voit un ta, bleau à gauche de la nef,repréfentant laVierge Sainte Anne Se plufieurs Anges, d'un ton deb0ri maître. La tête de Vierge eft gracieufe, & U5* Anne aflez bien. Il eft en général mal deffiné" Il y a quelques grouppes aflez bien retournes. S. Pietro a MagELLA. Hy a quelques ar. cades , où font représentés des Evoques : ces peintures paroiflent de l'école de Solinicni, & font aflez bien ; la couleur en eft gracieufe. Sainte Marie des Ames du Purg'atou rs. Au maître autel eft un tableau repréfentant ja Vierge qui délivre les ames du purgatole de Majjinw, fort bon. S. Paul le Majeur. Au portail il y a deUx colonnes Se quelques bafes, qui font des reftes d'un temple de Caftor & Pollux. A la chapelle Sainte Agathe , on voit quel. ques ftatues de Falconi, qui font paflables, pro. prenient travaillées & aflez bien drapées, niais -trop douceureufement traitée». N A P L E S. iÇf La facriftie eft toute peinte par Solimeni. Les deux tableaux principaux font la Converfion dc Saint Paul, & Simon le Magicien , enlevé en l'air. 11 y a beaucoup de génie, mais peu d'effet, & la couleur en eft trop belle. Ce qu'il y a de plus beau, ce font les petits plafonds repréfentant des fymboles de vertus fous des figures de femmes. 11 y a des têtes très-belles & très-gracieufes ; la couleur en eft plus vigoureufe ; elles font finement deffinées, très-bien ajuftées» & tout-à-fait dans le goût de Pietro daVortona , mais plus correctes. Le Mont de la Miséricorde. Le tableau du principal autel eft de M. A* di Caravagio : on n'en a pu deviner le fujet. 11 y a des anges en haut; adroite, une femme qui allaite un vieillard, un flambeau, &c. Ce tableau eft fort beau, mais très-noir. Il y a un tableau qu'on dit de Giordano': c'eft un Chrift enfeveli , compofê dans le goût du Caravaget Ce tableau eft beau,* bien peint, mais trop fondu : il femble qu'on le voye à travers un brouillard. Le premier à gauche, en entrant, eft de Louis Roderic , furnommé le Sicilien: il eft fort dans le goût du Car au âge , bien compofé , un peu fec & fort noirci.'1 Les St. Apôtres. Tout le plafond de cette l69 VOYAGE D'ITALIE. églife , nef, chœur & croifées , & peint ^ frcr que par Lanfranco , excepté la coupole , qaj e^ de Benafchi. La voûte de t'a nef a plufieurs grands tableaux , qui repréfentent quelqUçs Apôcres martyrifés. Ils ne font point de plafond Cette même voûte eft ornée de figures particu lieres de Saints de l'ancien teftament, traitée, de plafond. La voûte du cœur repréfente des Saints du nouveaux teftament ; aux angles de la coupole font les quatre Evangeliftes. Dans les croifées, on remarque deux petits pluf0n(j8 ovales ou ronds , très-bien de plafond. Les fu. jets en font deux Prophètes volans, Saint Pier, re & Saint Paul, aufli élevés en l'air Tout ce, la eft mêlé de figures, feintes de Stuc ToU6 ces morceaux de Lanfranco font comp0fés avec une hardieffe , un feu & un génie adm'u rables ; la maniere en u eft fiere & terrible ; la couleur, belle & fraîche ; le deflein, du plUs grand caractère, mais quelquefois incorrect & outré. Cette voûte eft trés-ornée par la beauté de ces peintures ; on pourroit feulement fou. haiter qu'elles y fuflent répandues avec moins de profufion. La grande chapelle, dans la croifée à gauche, toute du plus beau marbre blanc , feroit digne d'admiration , fi l'architecture n'en étoit pas de mauvais goût. On y voit descolonnesnichces N A P L E S Ut & des frontons brifés d'une maniere ridicule. Elle eft décorée de cinq tableaux en mofaïque. d'après le Guide : mais l'original y eft mal rendu,* & la couleur en eft mauvaife, quoiqu'il foient d'ailleurs eftimables pour la propreté du travail (»)• Le plus bel ornement de cette chapelle eft un bas-rclif de marbre blanc,de François Flamand, qui eft admirable. Il repréfente un concert d'enfans ; il eft du plus beau fini, & il a toutes les vérités naïves que ce fculpteur a fi bien rendues dans les enfans, en quoi il furpaffe tous ceux 'qui en ont faits. La compofition de l'autel eft pïus finguliere que belle •, c'eft une table arrondie , & dont l'êpaiffeur eft ornée comme une frife Dorique , foutenue par deux lions, qui font palfablement bien. Dans ces croifées font placés , fur les murs , (O- On * depuis beaucoup perfectionné ce genre de peinture à Rome, quant à l'approximation aux véritables tons de couleur du tableau , & celui de Sainte Pétronille, d'après le Guercino, à Saint Pierre,'deRome , eft ce que l'on voit de p'us parfait en ce genre : cependant il tft vrai de dire que cela eft toujours bien inférieur aux tableaux originaux. C'eft . à parler en général, tine imitation pins approchée que n'eft celle de nos tap fieries : peut être la pourroit-on porter encore plus loin , fi ceux qui fedeftinentà cc^enre, comme'qoient par fe rendre bons deffinateurs & bons peintres Au refte cette peinture a de grandes difficultés , Si eft importante -, à caufe qu'elle eft inaltérable. Tane i, Fort- IL O i62 VOYAGE DUT A|LS E. quatre tableaux de Giordanodans celle à gail, che, d'une part, eft l'Adoration des Bergers j ^ l'autre , le Songe de Saint Jofeph. Le premier eft d'un grand effet, d'une couleur ftiave £ fraîche. La Vierge a beaucoup de grâce ; eilc eft belle Se jolie. L'autre ne paroit pas f, bien> quoiqu'encore fort beau. Lar Vierge eft aufrj du ton le plus gracieux Se le plus fuave ; mait le grouppe du Pere éternel a quelque chofe de gris : le tout eft cependant bien compofé & bien ajufté. Dans la croifée à droite , eft la Naiflance de la Vierge, d'une trés-ôelle couleur, d'un ton, roux & moins gris quii n'eft ordinaire à ce maitre. Ce tableau a toutes les grâces de Pictro da Cortona s il eft bien compofé , Se la Gloire eft très-belle. La préfentatïon de la Vierge au temple fai(. le fujet du quatrième tableau : il eft beau, fua & une Reine qui tient des fleurs dans fa draperie. Il eft compofé avec génie , quoique par petits grouppes tiop égaux. 11 y a des chofes gr.'cicufes Hi finement deffinées ; la couleur eft trop fraîche , & tient de l'éventail , furtout dans les ombres , qui font auffi belle que les lumières ; le pinceau en eft flou & doucereux. Il y a un plafond qui paroit de la même main : il repréfente une Sainte Religieufe qui , avec le faint ciboire, met en fuite une srmée. C'eft Une affez grande machine de compofition , qui cependant n'eft point affez de plafond : la couleur a les mêmes défauts. S. Dominique le Majeur. Dans une chapelle à droite , à l'entrée de la'nef, on voit un très beau tableau de M. A. di Caravagio : il repréfente une flagellation. 11 eft fort noirci; la couleur eft belle , & il eft bien compofé. On voit encore dans le fond du chœur de cette églife , deux peintures en hauteur , fort étroites, qui paroiflent fort belles & gracieufes. l66 VOYAGE D'ITALIE. S. Se verin. La voûte de la nef efi; d^corTe d'un grand tableau de Francifchdlo delle Mu ra : c'eft une grande compofition ingénieufe ment grouppée, & riche de figures. La couleijr en eft agréable, mais fàuffe, & il n'eft pas afTC2 de plafond. L'architecture pèche beaucoup COu. tre les loix de la perfpective ; les marches vues en deffous & en raccourci, demanderaient qUe les colonnes qui fout deffus , fuffent aufft rac4 courcies, & elles ne le font point. Les fontes de la corniche ne font pas vus allez en delfous ; Cc qui fait que tout le haut de cet édifice paroit prêt à tomber fur le fpeâateur. Lb Mont sacre de la Pieté. OnyV0it «n tableau ancien de Burghafio, d'une maniere féche: mais il y a de fort belles têtes , bien deffinées, & d'un beau carattere. Il repréfente l'Aifomption de la Vierge. S. Grégoire ou S. Ligorio, On voit dans une chapelle de cette églife,deux fort beaux ta, bleaux. L'un repréfente un Martyr que l'on def. cend dans un puits. Ce tableau tient du goût de Paul Vcronefe. Il y a beaucoup dc vérités de nature, mais d'une nature ignoble, & ledeffein en eft peu correct ; la maniere en eft moèlleufe, Se le pinceau large ; la couleur belle & fraîche ..dans les lumières , quoique ce tableau ioitgâté par le temps ; on le croit du Calabrejç, N~~A P£L E S. i<î7 L'autre repréfente un Vieillard debout, à qui l'on préfente un homme qui a la tête d'un fan-glier: la tête du veillard eft belle. Ce tableau eft d'une très-bonne couleur, & vigoureufe : il tient du Gucrcino,c\vi Caravagio & de Paul Vê-roncfe. Il pourroit bien être du même peintre que le précédent, quoique la maniere en pa-roifle un peu différente. Le refte de cette églife,plafonds, archivoltes, &c. eft décoré de quantité de peintures de Luc Giordano. Elles ne font pas pour la plupart de fon plus beau. Les figures fur les arcs ou archivoltes, font les meilleures. La coupole eft affez belle : elle fait peu d'effet par le défaut de rnafles d'ombres. N.B. de l'Axnonciadh. Sur deux arcades, dans le fanciuaire , on voit deux peintures de Lanfranco : l'une repréfente Saint Jofeph dormant ; l'Ange lui annonce ce qu'il doit faire ; l'autre , une Vierge qui regarde fomeiller Jefus enfant .* ils ne paroiffent pas d'une beauté égale à quantité d'autres chofes de ce maître. Celui à droite femble iupérieur à l'autre ; la Vierge eft fort belle : ils paroiffent noircis. Aux deux côtés de la croifée il y a deux grands tableaux: l'un deJA{/frwo,repréfentant les noces de Cana ; il eft bien compofé, deffiné avec un • l68 VOYAGE D'ITLIE. carattere! grand , la maniere ferme &les têtes belles: l'autre de Cr if colo, repréfente JefUs difputant avec les Docteurs, bien compofé maniere ferme , beaux caractères de têtes , $ bien drapé. Une des principales 'figures a qbc draperie d'étoffes à fleurs , qui paroit déplacée, d'autant plus qu'elle eft feule de cette efpece dans le tableau. A côté de ces tableaux il y en a plufieurs au. très de Giordano, tous fort beaux: la Rejne de Saba , la lutte de Jacob , l'Ange & Tobie, Jacob levant la pierre du puits , David joUant de la harpe, le Cantique de Marie, feeur de Moï, fe. Le plus piquant de couleur & d'effet eft ja Reine de Saba ; la tête de la femme eft très-gnu cieufe ; le David eft aufli très-beau, & plus Çru core le grouppe d'Ange portant la Sainte Jérufa. lem, j Un autre tableau de laP réfentation de Jefus au temple , a aufli des beautés : il eft fagernent & correctement delfine , & eft aflez bien corn-pofe , quoique les grouppes paroiflent trop per< ces à jours .• mais le fu jet ne femble pas traité ayee aflez de férieux. Il y a des épifodes pué. rils, tels que Saint Jofeph & un Prêtre courant après une colombe qui s'envoie : d'ailleurs le Saint Simeon fe jette trop à l'Enfant Jefus ■ $ on eft obligé de le retenir. Ce tableau eft de Charle Mclcin, apparemment François. N A P L E S. i6> On voit encore dans ce même côté , deux autres bons tableaux , dans une maniere reflem-blant à Giordano, quoiqu'ils ne paroiflent pas être de lui, & qu'ils lui foient inférieurs : l'un repréfenteune Femme triomphante fur un âne ; l'autre, une Femme cuiraflee, qui prêche. L'Annonciata, à Pizifalcone On y voit une demi-coupole peinte par Francifchello dcdlc Mura, très-foible de couleur, & incorrecte de deflein. Un Chrift enfcveli, tableau de demi-figures , peint de fort bonne maniere, & avec fermeté , belle tête , bien compofé : il paroit de MaJJîmo. S. Pietro d'Ara ou ad Aram. Ou voit dans une petite chapelle à gauche du chœur , à l'autel, un tableau de Léonard de Filici , demi-figures , un'peu plus petites que nature : il repréfente une Vierge & l'Enfant Jefus accompagné de quelques Saints. Il y a plufieurs belles têtes dans ce tableau., entr'a'utres une tête do Vieillard fans barbe , qui eft d'une belle exécution & d'une grande vérité ; la Vierge n'eft pas belle ; l'enfant eft mal, quoique la tête en foit aflez jolie & fine. A gauche de la chapelle, en haut, eft un autre tableau du même maître, mais moindre & très-froid *, les têtes femblent être des portraits : il repréfente Jefus - Chrift entre Tome. 14 Part. IL P i?0 VOYAGE D'ITALIE, deux Anges, demi-figures. Le tableau qui eft au defïbus eft mauvais , & d'une maniere gothique: il repréfente une Vierge ci l'Enfant fous un portique , où elle ne pourroit être debout, & qui eft ridiculement trop petit ; plufieurs Anges cmbralfent les peti, tes colonnes qui l'environnent. On voit dans le chœur cinq tableaux. Celui du milieu eft de Zingaro. Les deux ftiL vans,qui font à fes côté?, font de MaJJîmo, & j£s deux autres de Giordano. Ceux de MaJJîmo f0nt affez beaux, mais fort noirs. Ceux que l'on dit de Giordano font mauvais, i< dans une manie, re bien différente de ce qu'il a coutume d'être. L'Incoronata. On y voit unpetit refte de peinture de Giotto. ' Sainte Marie la neuve. Le plafond eft peint par MaJJîmo. II y a à gauche , fous l'orgue, deux petits Anges, qu'on dit avoir été peints par Giordano, à l'âge de fix ans : ils ne font curieux que dans cette fuppofitîon. T Sainte Anne des Lombards. Dans la croi, fée, à gauche, on voit un tableau repréfentant une Vierge & l'Enfant Jefus donnant un chape, let à Saint Dominique. Un Saint en chape, qui peut être Saint Janvier , baife la main de l'En. fant, & tient une phiole. Ce tableau eft de la plus grande beauté, d'un bel agencement de N A P L E S. iyc compofition , d'une couleur admirable, Se d'ua effet très-brillant & frappant. La tête de la Vierge eft d'un carattere grand, noble & ma-jeftueux. Cette figure eft d'ailleurs belle, fage , ingénieufe de compofition, & bien drappée. La tête du Saint en chape eft bien peinte , de la plus belle exécution , avec de très-beaux détails. On y voit un grand Ange debout fur un piédefta^, qui foutient une draperie : c'eft une très-belle figure. Il femble cependant qu'il y a quelque puérilité à faire profiter de la corniche d'un piédeftal un Ange qui n'a befoin que de fes ailes pour fe foutenir dans l'air. Le grouppe d'enfans, qui eft en haut, eft d'une très-grande beauté , foit pour le deifein , foit pour la couleur. Ce tableau eft de Lanfrcnco,& c'eft un des Plus beaux de ce maître. 0;i dit qu'il avoit été lait pour les Chartreux', & que la figure, qui eft maintenant Saint Dominique, étoit d'abord Saint Bruno ; que les Chartreux n'en ayant pas voulu, les Dominicains l'achetèrent, & que c'eft Giordano qui a changé l'habit, & de Saint Bru-1 no en a fait Saint Dominique.. Dans latroifieme chapelle , à gauche , on voit un tableau repréfentant laRéfurrettion de Jefus-Chrift. C'eft une imagination finguliere , le Chrift n'eft point en l'air, & pafle en marchant au travers des gardes ; ce qui donne une idée P 2 t1t VOYAGE D'ITALIE, bafle, & le fait reffembler à uncoupable qui chappe de fes grades. D'ailleurs le caractère de nature eft d'un homme maigre , & qui a f0uf. fert. La compofition du côté de l'agencement pittorefque eft fort belle , & la maniere en eft ferme & reflentie avec goût. H eft fort noirci, On ignore le nom de l'auteur. Ce morceau eft beau, On voit encore dans la même chapelle im Saint Jean-Baptifte , qui eft beau quoique la g. gure foit d'une nature trop courte : mais il eft peint en maître. De l'autre côté eft un tableau fi noirci, qu'on n'y découvre prefque rien : ft paroit être de bonne main. S. Nicolas ou la Carità de pu opera. Ml. Il y a plufieurs morceaux de Solimeni, quj font fort beaux & faits d'un pinceau large & facile. N. D. des Anges. Dans la quatrième chapel. le , à droite , il y a un tableau qui eft bon : il re, préfente la'Vierge & l'Enfant Jéfus ; le pet,t Saint Jean lui baife le pied. Il y a dans cette églife de très-grands tableaux , qui ne font pas fans mérite ; ils font ornés de beaucoup d'archi, teciure , & les figures y font diftribuées d'une-maniere fort fimple & naïve, à peu-près dans le genre de compofition des Baffarìi : on prétend qu'ils font d'un Moine nommé CqfdlU N A P L E S m La Trinité des Religieuses. On y voit un grand tableau repréfentant la Vierge debout, avec l'Enfant Jefus , Saint Bruno à genoux devant elle; autourlfont les principaux Fondateurs d'ordres monaftiques , comme Saint Benoît, Saint Francois, Saint Dominique. Ce tableau eft très-bien peint, d'une maniere ferme & méplate , & de bonne couleur. Saint Bruno eft d'une couleur trop grife, & a trop l'air d'un mort. Il y a des têtes de vieillards très-belles : mais celles de ta Vierge & de l'Enfant Jefus ne le font point, non plus que les petits Anges qui font en haut. Ils' font bien deffinés, mais peints d'une maniere féche ; cependant ce tablean eft de YEfpagnoktto. Dans la croifée , à droite , on voit un Saint Jérôme à genoux ; un Ange fonnc du cor ; les têtes font belles , le vieillard eft très-bien delfine , & très-bien peint, & il y a beaucoup de vérité dans les détails l'Ange eft peint d'une maniere un peu féche. La couleur générale eft belle & très-vraie ; l'effet de lumiere eft bon : il eft d'ailleurs bien compofé. La Solitaria. Au fond du choeur on voit un tableau repréfentant Jefus-Chrift mis au tombeau, la Vierge & plufieurs autres figures. Il.eftfort beau , maisobfcur & noirci : ilparoît de Maljimo. m VOYAGE D'ITALIE. D. in portico. Derrière l'orgue i] y a une voûte bien compofée, bien traitée de rac courci, d'une couleur claire & agréable, peu f), nie & touchée avec facilité. N. D.: ds la Sante. Il y a fix tableaux de Giordano, fort beaux. Les plus remarquables font Saint Dominique qui prêche. & celui où eft cncaftré un tableau tenu par la Vierge. Le grouppe d'en haut eft ingénieux, de belle cou, leur & de bonne harmonie. S. Janvier , hors les murs de la ville , 0u S. Gennariello. On y voit les catacombes ; ce font des fouterreins de plus de dix-huit pieds de largeur dans les grands fentiers. Il y a dans les murs des enfoncemens capables de rece, voir un corps humain, & quantité de petites chambrettes, qui paroiffent avoir été des fepuL chres pour des familles particulières. On trou. ve dans prefque tous , au fond & à terre , deux tombes en forme d'auge longue , & d'autres dans les côtés des murs : elles font plus curieu. fes, & beaucoup plus grandes que celles de Rome. La Mere de Dieu, Carmes déchauffés. On y voit deux tableaux de Giacomo del Po, compotes avec feu , d'un coloris vigoureux, mais exceffivement maniéré & outré; d'un effet brìi, lant, mais faux. L'un repréfente, àcequel'0n N A P L E S. i7ç croît, un repos de la Vierge en Egypte ; l'autre , une bataille fecourue par des Saints. Regina coeli. On y voit un tableau de Giordano , qui paroit repréfenter une contro-verfe fur la préfence réelle. Il eft peint moèl-leufement : néanmoins il n'eft pas des plus beaux de ce maître. Un autre, Saint Auguftin converti, d'une maniere un peu pefante & trop fondue. S. Joseph dei Rdffi. On y voit une coupole de Soli meni. A gauche , un tableau de Giordano : Saint Guillaume. ' L'Ascension, à Chiaya. Au maitre-autel, on voit un tab"eau de Giordano, qui repréfente le combat des Anges : ce tableau eft un des plus beaux de ce maitre. St. Michel eft debout, les pieds fur Lucifer , qui eft tout-à-fait en l'air; deux démons portent le trône de Lucifer, qui tombe avec eux ; en bas font plufieurs démons, déjà tombés dans les fumées de l'enfer; en haut le Pere éternel fur fon trône, en chape. La couleur de ce tableau eft très-gracieufe , fraîche & brillante ; l'effet en eft piquant,& la vicacité des couleurs locales le rend très-éclatant. Il femble que les figures font trop ifolées, & qu'il y a un peu trop de percés de lumiere autour de chacune d'elles ; de plus le deifein des figures de dé- Jl6 VOYAGE D'ITALIE, mons eft un peu rond, & manque de caractère Dans la croifée, â droite , on voit Sainte An" ne préfentant la Vierge au Pere éternel , quj lui envoyé le Saint-Efprît , beaucoup d'Anges enfans. Ce tableau eft beau , bien compofé bien drapé , les enfans font bien deffinés, & avec beaucoup de molleffe de chair; les cou. leurs des demi-teintes des chairs font trop oli. vàtres. La Trinité des Pèlerins. On y voit un tableau à gauche, repréfentant un homme mala. de, couché , bien compofé , bien grouppe , traité d'une maniere grande , & delfine avec véri, té , mais d'une couleur foible & de peu d'effet, N. D. des sept douleurs. Au maitre-autel on voit un bon tableau. Au premier autel , à gauche , il y a un Saint Sébaftien aftis, percé de flèches. Cette figure eft très-bien deffinée & d'un grand carattere la tcte'en eft très belle , & il y a de beaux pieds. Le tableau eft bien peint, & d'une couleur vi. goureufe ; il eft un peu noirci : cependant c'eft un très-beau morceau. S. M artin, Chartreufe , fur |le haut d'une montagne. Cette églife eft fort riche. Sur la porte d'entrée , en dedans , on voit un tableau de MaJJîmo, repréfentant un Chrift mort, la Vierge , la Magdeleine, Saint Jean & Saint Bruno profterné, qui baife les pieds de N A P LES 177 Jefus-Chrift. Ce tableau eft fort noirci & gâté par le temps, furtout le Chrift. Il eft compofé de',îa maniere la plus ingénieufe ; les attitudes font toutes fort animées , & vives d'action ; les expreffions des têtes font fortes &* trés-belles. Aux deux côtés font deux tableaux ( demi-figures ) , repréfentent Moyfe & Elie : on les dit de Luc Giordano , quoiqu'ils paroiffent dans la maniere de YEfpagnolttto. En effet les têtes font fort dans le goût de ce maître, mais la couleur n'eft pas précifément du même ton , & les draperies ne font pas de la même maniere, ni du même pinceau. Ils font fort beaux , & les têtes en font belles. Aux deux côtés de la nef, entre les archivoltes & les pilaftres , font les douze Prophètes- Ce font des figures feules & artiftement introduites dans ces efpaces, bien ingénieufement compofées , bien drapées & d'un pinceau méplat;' les têtes font très-variées dc caractère , parfaitement bien peintes , & avec les détails les plus vrais. Ces morceaux font dignes d'admiration, & d'une couleur très-vigoureufe, Ils font deYFjpagnoîctto. Tout la voûte de la nef eft décorée de peintures à frefque , de Lanfranco\ mêlées de quelques figures de grifailles. Le principal fu- I78 VOYAGE D'ITALIE, jet eft un Chrift montant au ciel, & foutcnu à> plufieurs Anges. Dans quelques-unes on voit des grouppes d'Anges, fe réjouiffant de fa venue Ces morceaux font compofés avec beaucoup de fsu & bien de plafond ; l'effet de luniiere n'en eft pas fort ingénieux , Se les maffes d'om bres & de lumiere font trop divifées. D'ailleurs ils font fort incorrectement deflinés & 0utrés en beaucoup d'endroits , mais cependant faits d'une très-grande maniere , avec une belle fa cilité Se un caractère de deifein très-fier. Il y a dans les chapelles , à côté de la nef de l'églife, plufieurs tableaux fort beaux , entr'au. très , à gauche, trois tableaux repréfentant des Chartreux, qui font de Mafftmo. Dans la premiere chapelle , dans le coin, a droite , on voit un t hrift mort, & la Sainte Fa. mille , de MaJJîmo , fort beau. Dans la feconde ou trorfieme chapelle, il y a encore de fort beaux tableaux. Dans la quatrieme,deux tableaux de Solimcni, qui font mauvais & d'une tres-méchante couleur. Dans le chœur, le tableau du maitre-autel eft du Guide; il n'eft pas achevé : il repréfente l'Adoration des bergers. C'eft une grande compofi. tion bien agencée ; la diftribution des maffes d'ombre & de lumiere y eft belle;l'£nfant Jefus N A P L E S. I79 donne toute la lumiere du tableau ; il eft d'un deflein admirable ; les têtes font pleines de grâces*; la Vierge eft de la plus grande beauté, aufli bien que les autres têtes de femmes, qui font d'une grande correction de deflein , & qui ont des grâces Amples & naïves. Les têtes d'hommes & de jeunes adolefcens, qu'on y.voit, font deffinées & coè'ffées avec la naïveté & la {implicite la plus natarelle , & dc la plus grande beauté. La couleur n'en eft pas belle ; toutes les chairs d'hommes font de la même couleur & trop rouges : c'eft dommage' que ce tableau ne foit pas achevé ; il eft compofé de maniere à faire un grand effet. , A droite , on voit un tableau de YEfpagno-Ictto , fort beau , repréfentant Notre Seigneur qui donne la communion aux Apôtres. Ce morcer.u eft d'une très-bonne couleur. Du même côté , plus près de la nef, eft un tableau de Caracciolo , repréfentant le lavement des pieds,fort dans le goût ( quant au cari.cfere de deflein de M.A. dc Caravqgio,cVunc nature bafle,mais avec beaucoup de vérité, des caracie-res de têtes fort variés & bien rendus,bien peints avec feu & expreflion. Ce tableau eft noirci ; la couleur tire un peu fur un gris bleuâtre , les ombres font fort noires : il eft bien compofé. A gauche, près de l'autel, on voit le repas de go VOYAGE D'ITALIE, la cene , grand tableau , de l'école de Paul ronefe. Ce tableau ne fait pas là beaucoup d'effet , & n'a pas de grandes beautés : il y a -c pendant un bel agencement de compofitian & de belles têtes. 11 paroit que le tems en a détruit l'harmonie, Du même côté , plus près delà nef, eft un tableau dc MaJJîmo , fort beau & ingénieufe. ment compofé : on croit qu'il repréfente Jefus. Chrift appellant les Apôtres à lui. Dans la facriftie il y a un tableau de YEf. cagnoletto : c'eft un Chrift mort, une Vierge pleurante, Saint Jean foutenant le Chrift la Magdeleine lui baife les pieds , &c. Ce tableau eft de la plus grande beauté ; il eft bien compofé; le Chrift eft delfine d'un gr ind caractère , & bien peint : la tête de la Vierge eft digne d'admiration pour la force & la beau, tède l'expreffion , d'un fort beau carattere. Ce tableau eft très-noirci par le temps. Tout le plafond eft de Giordano : il repré, fente Judith qui effraye l'armée , en iui préfen-tant la tête d'Holppherne. On ne fçait qui eft plagiaire , de lui ou de Simonelli, à l'églife de Saint Girolamini, où le même fujet eft traité à peu-près de la même maniere : celui-ci eft en beaucoup d'endroits fort bien de plafond , furtout la Judith. Aux Angles font des Femmes N A P L E S. lgI fortes de l'écriture fainte , comme Débora , &c. Cette peinture eft des derniers temps de ce maître ; il y a beaucoup de maniere ; la couleur n'a point de vérité, & tire en général fur le jaune, & il y a peu d'effet: il eft cependant ingénieufement grouppe & compofé avec feu. SaintMathieu l'appelle à l'apoftolat , tableau ( demi -figure ) de Luc Giordano. Le Saint Matthieu eft d'une maniere affez ingénieufe : il tient de l'imitation de Paul Veronefe. Il eft vigoureux ; il a de l'harmonie, mais elle eft Monotone , & l'effet, qui en eft piquant, vient d'avoir entièrement facrifié les couleurs locales & les ombres des objets, au befoin de les détacher l'un fur l'autre. Le tableau qui eft vis-à-vis , eft dans le même cas : c'eft Saint Pierre & Saint André dans une barque , appelles à l'apoftolat. Ces tableaux font bien compofés ; les figures y font très-grandes : le pinceau en eft moelleux, & en quelque facon indécis. 11 y a auffi beaucoup de petits plafonds du cavalier d'Argino. On fait remarquer un tableau ; ( on a oublié lenoni du peintre. C'eft un Chrift attaché à la colonne). Ce qu'il ade plus beau eft la tête du Chrift ; le refte de la figure eft delfine d'une m VOYAGE D'ITALIE. freon très-maniérée, Se peint d'une maniert froide Se trop fondue. On fait encore remarquer un Chrift (demi figure) qui paroit dans l'attitude d'un C hrift attaché à la colonne : on le dit de Michel,^ ge Bonarotti. Il y a de belles chofes ; il çft peint moclleufemcnt S d'un pinceau affez graS. la tête exprime bien la douleur; les morceaux du corps font trop comptés & trop femblables un côté à l'autre. La voûte eft enrichie d'une quantité de petits morceaux à frefque , de Jofeph d'Arpino , fajts avec beaucoup d'efprit & de facilité. Dans une des pièces qui cônduifent à ja ^ criftie , on voit au deffus d'une porte un ta. bleau qui eft dc plufieurs perfonnes: les figures font de Mufloni. Il eft bien compofé pour la place: c'eft un efcalier fur lequel eft un £CCc Hornmo. Les figures font bien touchées. Un grand tableau d'un Chrift en croix, avecla Vierge, Saint Jean & la Magdeleine, de JoR-p^ d'Arpino ( figures de grandeur naturelle ). (je tableau eft d'une très-belle couleur, qui tient beaucoup de Rubens Se du Barocci. H eft $ pinceau fort large Se moelleux ; il fait beaucoup d'effet. Les têtes du Chrift, de la Magdeleine & de Saint Jean, font fort belles, furtout celle de la Magdeleine, qui a beaucoup d'expreffion. N A P L E S. igj La figure du Chrift eft d'un deffcin très-maniéré , & les contours généraux extérieurs de la figure forment un tout trop femblable à un ba-luftre ; les jambes font trop outrées , & les os en font tortillés. Au deffous eft un tableau de Michel-Ange dì Caravagio (demi-figures de grandeur naturelle). On y voit Saint Pierre qui renie Jefus-Chrift ; trois ou quatre foldats jouant fur une table; derrière eux & au coin, une femme vue par le dos, qui eft la fervante qui l'interroge. Ce tableau eft très-beau , quoique noirci par le temps. La tête du Saint Pierre eft très-belle , & exprime beaucoup. Tout cela eft d'une grande vigueur, & les détails en font bien rendus. Dans l'appartement du prieur, on voit encore quelques beaux tableaux de Y Ffpagnoletto , de Giordano & autres. Du premier, un homme à genoux devant une Vierge : on prétend qu'il s'eft peint lui-même à genoux , fa femme en Madone, & que l'Enfant Jefus eft le portrait de fon enfant. Du même'', un Saint Jérôme ( demi-figure de grandeur naturelle ) ; un Saint Sébaftien , qui en fait le pendant. Ces tableaux font fort beaux , furtout les deux derniers. U y a deux fort beaux tableaux de] Giordano, m VOYAGE D'ITALIE, figure d'un pied & demi ou deux pieds : run ^ la tête de Saint Jean , préfentée à Hérode & £ Hérodiade ; l'autre , les noces de Cana. Ces ta bleaux font compofés dans le goût de Paul Ve roncfc , & font d'une belle exécution & d'un belle couleur : elle eft feulement un peu m0no tone. Il y a encore d'autres tableaux dont on ne fc fouvient point, qui font cependant beaux. Il y en a un où l'on voit plufieurs Chartreux à genoux, & une Furie qu'on empêche de les approcher: il paroit que cela repréfente ]Cs Chartreux préfcrvés de la pefte. 11 y a de f0rt bonnes chofes dans ce tableau , qui d',ulieurs ne fait par un grand effet. On fait voir dans un des cloîtres de ce cou. vent , une ftatue de marbre , qu'on dit être du Bernin : mais qui n'eft point belle; elle eft d'unc maniere tortillée , & d'ailleurs toute eftropiée, Palau du Prince della Torre. On voit dans ce palais un tablean de VEfpam gnolctto , repréfentant Saint Pierre & Saint Paul ( demi-figure un peu plus que nature ) Les têtes en font très-belles & touchées avec fermeté ; elles ont beaucoup de carattere ; les mains font bien deffinées, avec beaucoup de N A P L E S. i|ç fermeté & de jufteffe. Ce tableau eft peint d'u, ne maniere très-fiere , & d'une couleur très-vi-goureufe : c'eft un trés-beau morceau. Un Ecce Homo , du Guide ( demi-figure de grandeur naturelle ). La tête eft d'un beau caractère & d'une belle expreflion. Le defTeîn du tout eft très-fin, avec quantité de beautés de détail & de vérités de nature ; il y a cependant Quelque chofe de pauvre & d'une nature baffe dans le bras droit. Le pinceau y eft admirable , & rend bien toutes les mollettes de la chair. La couleur de ce tableau eft tellement foible , qu'il paroit n'être qu'une grifaille. Un autre tableau du Dominichino], figures tiers de nature ; c'eft un Chrift mort, fur les genoux de la Vierge, la Magdeleine , &c. Il y a de très-belles chofes dans ce tableau; IV gencement de fa compofition eft fage , & le def-fein eft fimple & vrai. La tête de la Magdeleine eft expreffive, d'un très-beau caractère , & même d'affez belle couleur. Ce tableau # au refte , eft d'Un pinceau fec & froid , & dç couleurs entières ," dures & fans harmonie. De l'autre côté de la galerie, vis-à-vis, eft une Sainte Famille, auffi du Dominichino ( figures de grandeur naturelle ) , repréfentant une Vierge un Enfant Jefus & le petit Saint Jean , un Saint Tome I, Part. IL Q, l85 VOYAGE D'ITALIE. Jofeph avec des lunettes \ à droite, deux Anges adolefcens. Ce tableau eft bien compofé% bien grouppe, bien drapé & très-bien delfine. ta téte de la Vierge eft très-gracieufe , belle & a'Uri fort beau carattere : cependant elle n'a pojnt je carattere ariétte à la Vierge , foit par fon ajuf. tement ou autrement ; elle paroit plutôt une belle payfanne. La ttte de l'Enfant Jefus eft fort agréable, Se lui Se le petit Saint Jean font rendus avec des détails fimples & vrais. La tête de Saint Jofeph n'eft pas de fort beau carattere-les ajuftemens font ingénieux dans un genre fimple. Il y a plufieurs mains qui, à force d'être dans des attitudes fimples , & d..ns des vues ingrates, font peu agréables ; de forte qu'au premier coup d'oeil elles paroiffent mal deflu. nées. Ce table.-u eftauffi d'une couleur entière, fans harmonie, fans paffages variés de tons dans les demi-teintes , Se d'un effet fec & dur. H pa^ toit fait froidement & pefamment. Une Fuite en Egypte, avec plufieurs Anges de Pietro du Cortona figures d'un pied Se demi eie proportion, Ce tabîcau.eft d'un deffein plu* fin & plus correct que ne le font d'ordinaire ceux de ce maitre. Les têtes e,i font trés-gra. cieufes Se d'un deffein pur; la couleur en eft très-agreable. Il eft d'un pince iu nu & pro. pre, & niûijns mol que ce peintre, ne l'eft ordL, N A P LES. ig7 rnirement. C'eft un fort bon tableau', & trés- bien compofé, Un Saint Francois mourant, confolé par les Anges, de Lanfranco (figures de grsndeurnaturelle ) : il eft beau. On y voit quelques têtes d'Anges, dans le goût du Dominicain. La couleur en eft vigoureufe, & la maniere eft grande & fiere. La tète du Saint paroit trop doucereu-fe & trop finie. Les trois Maries, d'Annibal Caracci, tableau d'ont l'eftampe eft fort connue. Ce morceau eft très-fini ; les draperies font d'un beau choix, & très-bien rendues ; la couleur en eft bonne ; le pinceau en eft net & décidé ; les figures font d'un beau choix, fimples & d'un très-beau deffein. La tête de l'Ange affis fur la pierre , n'eft pas belle ; le carattere en eft bas. Les figures peuvent avoir environ trois pieds de haut. Une Annonciation . du PouJJïn , avec le Pere éternel, & une Gloire d'anges & d'en-fans. Ce t.bleau n'eft pas achevé ; les principales têtes ne paroiffent qu'ébauchées : & font fort grifes; quelques parties, & furtout les draperies qui font finies , font d'une très» belle touche méplate, riches de plis bien formés. La compofition du tout eft riche de figures. , & ingénieufe y les grouppes bien en» chainés, & le deffein en eft fin & fqavanij la m VOYAGE D'ITALIE, couleur locale eft belle ; les chairs cependant font un peu grifes, & leurs ombres paroifTCnt trop claires. On appereoit les mêmes beautés & les mêmes défauts dans un autre tableau de la même galerie, aufli du PouJÏÏn , qui re ^ fente un Repos en Egypte, avec un Saint feph dans le fond, qui lit dans un livre. \[ y a plufieurs petits Anges qui ont beaucoup de grâces & de naïveté, & qui font d'un deifein très-correct. Les figures dc ces tableaux peuvent avoir un pied Se demi de haut. Il y a quelques autres tableaux d'études dc têtes ou autres, qui font bons. Un autre tableau repréfentant une buftede femme , dit du Tiziano, qui paroit douteux. Palau du Prince della Rocca. Une Préfentation de Jefus au temple , Saint Siméon & plufieurs autres figures: c'eft Un tableau fort beau. On n'a pas fçu le nom du peintre. Les figures font de grandeur demi-na. turelle ou environ. Quatre Evangeliftes, du Guide, buftes ( de grandeur naturele ) très betu, d'un pinceau & d'une touche faciles, de bonne couleur, bien deflincs. Les têtes de Saint Matthieu & de Saint Marc font d'un beau carattere ; la tête de 4 int Jean eft d'un carattere bas & trivial. N A P L E S lg0 Un tableau d'une Vifitation de la Vierge , qu'on dît être de l'école des Carraches, fîgures d'environ un pied & demi. Ce tableau eft beau & bien exécuté : il femble tenir de la maniere du PouJJìn. Un petit tableau , figures d'environ un pied, qu'on dit de Y Albano : c'eft un Repos de la Vierge en Egypte , avec plufieurs Anges , dont il y en a un dans le fond qui méne boire l'âne. Ce tableau eft fort noirci : on pouroit douter qu'il fût de ce maître , a caufe des principales têtes qui ne font point correctes de deffein , ni d'un beau caractère. Cependant la couleur en eft gracieufe, & il y a des petits enfans bien peints & defiînés avec beaucoup de grâces. Un tableau d'Annibal Carracci, repréfentant Latone changeant les payfans en grenouilles s fort connu par l'eftampe C figures d'environ deux pieds ). Ce tableau eft fait très - facilement, & n'eft pas beaucoup fini.- mais d'ailleurs il ^eft admirable par la facilité du pinceau & le grand caractère du deffein. La couleur en eft bonne ; les deux enfans paroiffent un peu trop petits : c'eft un excellent morceau, t Un autre repréfentant 'Judith, de MaJJîmo ( grandeur naturelle) , il eft vigoureux & d'un effet de bon maître , mais noirci. Le caractère te la tête eft beau. 10O V O Y A G E D'ITALIE. Un Songe de Saint Jofeph , avec la Vierge & l'Enfant Jefus : c'eft un tableau ovale en long ( demi figures de grandeur naturelle ), de Pic troda Cortona. Il eft bien compofé, de grande maniere & de peu de figures , qui font gran. des dans le tableau : il eft d'un ton de cou. leur vigoureux & fourd, d'un pinceau moél. leux & large. La tête de la Vierge eft gtacieu. fe , quoiqu'elle ne foit pas noble ; le petit Enfant eft fort beau ; le Saint Jofeph eft trop gros de proportion, & d'un caractère lourd £ in. correct; l'Ange eft ingénieufement tourné : Ce tableau eft obfcur ou noirci. Un tableau repréfentant David coupant la tête de Goliath. Ce morceau eft ingénieufement compofé, & a du mérite , quoiqu'il foit incorrect & d'un mauvais ton de couleur : les figu. res font un peu moins grandes que nature. Un autre, où l'on voit Débora qui cloue la tête de Sifara. Ce tableau a du mérite , & eft d'une maniere de maitre : les figures font de grandeur naturelle. Deux petits tableaux du BaJJano. On voit un autre tableau qui repr.'fente un pe_ tit Enfant qui fejWbte jouer avec la coëffUre d'une femme, on ignore le nom du peintre. \\ -il LeiSué firjenleritj correct Se d'un beau choix de juuurc ; l'enfant eft d'une grande vérité ; la N A P L E S. I0I couleur en eft claire, dans le goût du Guide. Environ une douzaine de tableaux de Simon Vouet, peintre François, repréfentant des Anges, demi-figures de grandeur naturelle. Ces tableaux ont du mérite , \ & font d'une maniere grande, quoiqu'un peu féche & fans rondeur: les ajuftemens font ingénieux & d'un pinceau facile. Il y en a un autre repréfentant une Sainte Famille (demi-figurcO du même , auffi bien que deux petits Enfans Jefus & Saint Jean, qui/ont bien deflinés & d'une couleur gracieufe., Palais du Prince de Francavi il a. Un tableau repréfentant une Mrgdeleine parfumant les pieds de Jefus-Chrift chez le Phari-fien. Ce tableau a â peu près cinq pieds de large ( figures d'environ deux pieds & plus) : il eft de Paul Veroncfe.\ Ce morceau eft d'une belle compofition , riche de figures & d'architecture, d'un gnrnd effet, quoique les ombres en foient fbit noircies ; les chahs, qui font confervées , font du plus beau coloris, frais & clair ; les têtes foi it belles, vraies, d'un pinceau agréable, & fines avec une facilité fingitore. Le Chrift eft foit gâté, & paro't la moi! s bonne figure;-c'tit untrès-beau n.oice-u. m VOYAGE D'ITALIE. On voit} encore dans ce palais plufieurs tableaux fort bons, fans être de la premiere beauté. Un tableau qu'on dit de Teniers, mais qui n'en eft pas, quoiqu'il foit dans fon ton de couleur • il eft tics mal delfine dans beaucoup d'endroits & les têtes n'en font pas touchées avec hardieOe. Un petit tableau , qui eft fort beau, & où U y a des chofes colorées & deffinées tout-à-fait dans le goût de Rubens, C'eft une Bacchanale d'enfans. Autre petit tableau repréfentant Marthe & Marie aux pieds de Jefus : il paroiffoic f0rt beau , quoiqu'il fut placé dans un lieu obfcur. On ne fe fouvient pas fi c'eft dans ce palais ou dans quelqu'un desprécédens , qu'on voit un ta. bleau du Caravan, e , où font deux moines & un jeune homme couché & vu en raccourci. On ne fc fouvient pas non plus dans quel pa„ lais on voit les tableaux fuivans. Un tableau de Capuano, repréfentant les Pé\. lerins d'cmmaùs : il eft bon & d'un rigoureux1; ton de couleur dans les chairs & dans les drape, ries ; le deffein en eft incorrect. Un autre du même , repréfentant une" Sainte à qui l'on trouve des fleurs dans fon tablier , en croyant la furprendre commettant un vol:on croit que c'eft à Sainte Geneviève qu'une faufie tradiction N A P L E S 19; tradition attribue ce miracle. La couleur de ce tableau eft moins vraiela tête de.la Sainte eft d'un proni très gracieux. Du même , un tableau d'une vieille à fa toilette , très-bien peint, mais noirci. Quelques autres tableaux du même peintre. Un portrait de Y Ffpagnoletto, trcs-noirci Il n'y a que le vifage ce la main de bien vilibles, la couleur en eft belle & vraie, aufli bien que le deflein , mais particulièrement dans la mair^ Un David , du Guide , qui peut n'être qu'une copie, & qui eft cependant d'une grande be: -té , & très bien peint ; les tons en font beaux & frais, & il eft correctement & finement delfine. Deux efquilfes en grifailles : l'une , du Carracci', rep*. éfente la Samaritaine , & eft touchée de grand goût ; l'autre eft belle aufli. Un tableau repréfentant la Vierge dans la Gloire, & trois Saints en bas, d'André del Sarte. La Vierge & l'Enfant font très-bien; le refte eft moindre & d'une couleur un peu trop rouge. Une tête dite de Raphael, très bien deflinée , peinte d'une couleur grife. Un autre tableau repréfentant une Princefte en pied , dit de Rubens. La tête eft très-belle ; fraîche & vermeille de couleur. Ce morceau ne femble cependant pas dans le ton de couleur Tome, I Fart. Il R 94 VOYAG E D'IT ALIE. ordinaire à ce maître ; les fatins font traités avec beaucoup d'art & de facilité ; le fond d'architecture eft noirci. Il y a beaucoup d'autres têtes que Ton dit de Rubens & de Vandyk, qui pourroient bien n'é, tre que des copies. Quelques portraits du Tiziano , entr'autres un que Ton dit être le fien propre : il eft f, gris qu'il ne paroit qu'une ébauche, & qu'à peine le diftingue-t'on. i Une tête d'un vieux homme fans barbe", f0rt belle. Il y a quelques autres tableaux aflez bons " quantité de mauvais, & beaucoup de copies Dans une maifon particulière , vis-à-vis lep^ lais du Prince de Francavilla. On voit dans cette maifon un tableau repréfentant la Réfurrection du Lazare, du Guercino ( figures de grandeur naturelle ), bien compofé & d'une idée finguliere , très-bien grouppe. Les figures font grandes dans le tableau ; les têtes très-belles & d'un beau choix, bien deffi nées & de grand caractère. Les têtes de Mar the & de Marie font d'une grande beauté & d'une belle forme ; celle du Chrift eft très-bel le aufli. Ce tableau eft généralement très-bien peint i le Lazare eft d'une nature baffe, fur. N A P L E S. 1?ç tout fes jambes & fes pieds , qui d'ailleur» font très-bien défîmes & d'une grande vérité. On y trouve le défaut que toutes les chairs, excepté celles du Chrift ( & il y en a beaucoup ), font d'une couleur gris d'ardoife, qui lui don. ne une monotonie de Camayeu. 11 y a de très-belles mains & beaucoup de vérités de nature. On y voit une figure qui fe bouche le nez en refpirant l'odeur du tombeau ; ce qui paroit une idée baffe & dégoûtante. Toutes les maifons de Naples font fans toits & couvertes de terraffes environnées d'appuis. Il y a beaucoup de grandes rues. ' On voit dans la plupart, à prefque toutes les fenêtres, des balcons de bois, fort faillans, & les vitraux également avancés & faillans en dehors ; ce qui produit un afpeét défagréable. Le goût moderne de l'architecture,àNaples,eft fort mauvais ; les ornemens de la plupart des chambranles (i) extérieurs des fenêtres , font tout-à-fait ridicules. On bâtit dans cette ville , avec beaucoup de dépenfe, des aiguilles ou pyra- (i) Oa les fait, auffi bien que les chambranles des portes de la lave du Véfuve, qui, oppoféeau blanc, paroit bleue, & tranche d'une maniere trop dure. On rencontre cependant quelques palais anciennement bâtis, dont l'architecture eft mâle & belle. R 2 J9t VOY AGE D'ITALIE, mides, toutes revêtues de marbre, mais dela plus mauvaife forme , du plus méchant goût, & aiTommées , de mauvaife fculpture. 11 en coûte, roit beaucoup moins pour les faire belles, $ d'un goût fage & fimple. Il y a prefque partout, fur le bord de la mer des fontaines] pour l'ufage des matelots ; mais elles font toutes décorées de mauvais goût & de mauvaife fculpture, excepté une , ou il y a deux figures d'hommes debout, qui foutiennent une architrave : ces figures font affez belles. Il y a un palais du Roi, fur une hauteur , dans les fauxbourgs de la ville, que l'on appelle , Capo di monte : il n'étoit que commencé I0rf, que nous l'avons vu; mais ce qui en étoit élevé , étoit beau & d'excellent goût. On croit que c'eft Van- Viielli, Romain , qui en eft l'àfc chiteéte. Les peintres que cette"ville peut regarder pro. prement comme fiens , font : MaJJîmo , qUj avoit vraiment du mérite ; Lucca Giordano de qui l'on y voit une quantité d'ouvrages, dont plufieurs font très-beaux ; Solimeni , peintre d'un très-beau génie & d'une grande facilité • & les modernes , fes élevés , qui y brillent maintenant. On peut encore compter parmi les peintres Napolitains , du fxond crdre, Si-monelli. dont il y a quelques morceaux affez N A P L ES. i97 bons ; Paul Matteis, peintre médiocre , quoi-qu'avec quelque génie , mais qui a trop abufé de fa facilité. Il y en a beaucoup d'autres, tels que Maria, Faretti, &c. dont les ouvrages font, pour la plus g rande partie , mauvais, & les meilleurs méritent peu détention. Les plus diftingués de ces peintres Napolitains , que nous venons de nommer, quoique excellens à bien des égards, ne font cependant point du premier ordre. On peut en général les qualifier de peintres maniérés, médiocrement fqavans dans leur art, & prefque tous imitateurs de Pie-tro da Cortona. MaJJîmo a quelque chofe de plus folide & de plus propre à inftruire ceux qui étudient la peinture : mais il n'a pas les grâces & l'agrément des autres dans le caractère de fon deifein & dans fon coloris. Le plus fé-duifant de tous c'eft Laca Giordano. Son génie eft abondant ; fon faire eft de la plus belle facilité; fon coloris fans être bien vrai , ni bien précieux pour la fraîcheur & la variété des tons, eft cependant extrêmement agréable ; & l'on peut dire en général que c'eft une belle cou. leur. Son deifein n'a point de ces finelîes fqa„ vantes , qui viennent d'une étude profende. La nature n'y eft pas d'une exacte correction : cependant fes ouvrages font affez bien deffinés, * & ne pref entent point de ces fautes groflieres , ïo8 VOYAGE D'ITALIE, qu'on trouve quelquefois dans des maîtres plUs grands que lui. C'eft un de ces maîtres qui 0rit réuni toutes les parties de la peinture dans Un degré fuffifant pour produire le plus grand pla^ fir à l'œil; fans exciter ài l'examen le même fendaient d'admiration qu'on éprouve à la vue des ouvrages de ceux qui, ne donnant leur prin. cipale attentionrqu'a une des parties de la pein. ture, font parvenus à la porter au plus haut de. gré. Us n'ont point produit ce que la peinture à de plus étonnant, mais ils ont fait les tableaux les plus tableaux ( qu'on nie pafle cette expref. fiori , & dont le tout-enfemble fait le plus de plaiiir. 11 feroit difficile de décider lequel eft à préférer , ou de réunir toutes les parties de la peinture dans un beau degré', ou de n'en poffé-der qu'une à un degré fublime. Ce qu'on en peut dire, c'eft que le peintre qui n'aura qu'une partie fublime, effuyera pendant fa vie mille critiques fur celles qui lui manquent, mais il fe. ra l'objet de l'étude & dc l'admiration de la poftérité ; au lieu que celui qui poifédera l'art du tout-enfemble agréable, fera dédommagé par l'eftime de fes contemporains, & les agrémens qui la fuivent, de ce que la poftérité pourra lui refufer. Les talens qui ont peu coûté, & quj font prefque entièrement le fruit des donsna. turels, font les plus féducleurs : on ne peut ré. N A P L E S. i95 fifter à leur imprcffion. Quoique ce foit avec raifon que l'on dit que ce qui a été fait vite doit être vu de même, néanmoins il y a des beautés de facilité St d'heureufe négligence,'auxquelles on ne peut refufer fon admiration : mais ceux qui étudient la peinture, ne doivent point fe les propofer pour modèles : il eli & trop facile de les imiter mal, & trop difficile de les égaler. Il faudroit avoir les mêmes dons de la nature, ce dont'on ne doit jamais fe flatter. Ces maîtres faciles accoutument ceux qui les fuivent a être fuperficiels ; & fi leurs imitateurs ont un degré de talent moindre, ils tombent dans une médiocrité tout-à-fait mépriftble. Ce qu'on peut principalement confidérer dans ce maître, & qu'on répétera ici, quoiqu'il ait déjà été dit à l'occafionde quelques-uns dc fes ouvrages, c'eft l'accord & l'effet harmonieux de fes tableaux. L'artifice dont il s'eft fervi, & qu'il eft important de connoître, eft dévoilé plus clairement dans fes ouvrages , que dans la plupart des autres maîtres, parce qu'il l'a fouvent porté à l'excès. 11 confitte à faire toutes les ombres de fon tableau , en quelque façon , du même ton de couleur. Pour faire entendre ceci, fuppofons qu'un peintre ait trouvé un ton brun , compofé de plufieuis couleurs qui fe détruifent aflez les unes les autres pour qu'on R4 i09 VOYAGE D'ITALIE, ne puifTe plus attìgner à ce brun le nom d'auCl,, ne couleur ; c'eft-à-dire qu'on ne puilTe le nom] mer ni rougeârre, ni bleuâtre, niviolâcre, &c alors il auroit un moyen d'ombrer tous ces oh jets , comme la nature nous les prèfentc. Lob. fcurité dans li nature n'eft qu'une privation qui n'a aucune couleur, & qui détruit toutes les couleurs locales, à mefure qu'elle eft plUs grande. On remarquera dans tous les maîtres qui peuvent être cités pour l'harmonie , qu'jjs ont adopté un ton favori, avec lequel ils om. brent tout , les étoffes bleues, les étoffes roa, ges, Se. Dans les ombres même des étoffes blanches, ce ton y entre affez pour les accor. der avec le refte. On le voit diftincicment dans Luca Giordano , & dans Andrea Sacchi dont le ton d'ombres eftaffez femblable. C'eft un brun qui tient de la couleur naturelle de la terre d'ombre. Dans les tableaux de Pietro da Cartona , il eft gris brun ou argentin ; dans le Baccicio, jaunâtre. Paul Veronefe fait fe§ om. bres violâtres. Le Guercino, dans fon meil. leur temps, les fait bleuâtres. Dans la FoJJe c'eft un brun rouffeâtre , &c. Celui de tous les-tons d'ombres qui imitera le mieux la nature fera celui qui tiendra le moins d'une couleur 4qu'on puiffe nommer. Solimcni, plus fin de def fein, & plus correct en tout que Luca Giorda. N A P L E S 201 no, lui cede cependant par l'agrément du coup d'oeil de fes tableaux , par la facilité du pin. ceau , & même par les grâces. Ce n'eft pas que fa touche ne foit très-belle , & fes demi-tein. tes de la plus grande fraîcheur: mais fes tableaux font tout-à-fait déparés par le mauvais ton de fes ombres, qui font fouvent d'un noir bleu , tout-à-ftit faux, 6c qui plus il noircit, plus il devient dêfagréable. D'ailleurs il difper-fe fonvent fes lumières par petites parties qui détruifent l'effet total de fes tableaux. Cependant il n'eft pas toujours tombé dans ce défaut , & les figures qui font dans la facriftie de Saint Paul , font d'un meilleur ton: auffi eft-ce un des plus beaux ouvrages qu'ii ait fait, ce qui peut être comparé à Pietro da Cortona, parce que s'il lui cede en quelque partie , il l'cm~ porte pour la ;correétion.& la fineffe du deffein , Les élevés de Solimeni, tels que Francifi elicilo, delle Mura , ont conferve une p.irtie de ce génie fui abondant qu'on admire en lui, & la beauté de fa touche. 11 font aufii deili-nateurs alfez corrects & Ipirituels: mais leur maniere eft plus petite , leurs ombres lont trop reflétées & trop belles, c'eft-à-dire que les couleurs i ) locales n'y font pas aflez rompues ; ce (i^ Je me fers partout de l't-xj-reffion île couleur locale dans 'e l'eus qu'on lui donne ordinaire ment, & lui lignine la couleur propreté chaque objet, quoi- *ot VOYAGE D'ITALIE, qui empêche leurs tableaux de faire de l'effe* A la vérité on peut efpérer qu'en vieilliiTant ils prendront un meilleur accord. Il vaut beau coup mieux que des tableaux pèchent par avoît les ombres trop claires , qu'autrement, parcç que le temps ne fera que les améliorer. La ville de Naples n'eft pas moins embel. lie par les ouvrages de plufieurs maîtres cele, bres , qui lui font étrangers. Ceux du Domi, niellino, quoique moindres que ce qu'il a fait à Rome & à Bologne, font cependant remplis de grandes beautés. On y trouve des morceaux admirables du Lanfranco, Se aucune ville d'Italie n'en préfente un fi grand nombre, y en eft de même d'Antonio di Bibera, dit p££ pagnoletto , dont il y a des ouvrages de la plUs grande beauté , Se nombreux: c'eft certaine, ment un des plus grands coloriftes qui aient exifté , & fon exécution eft admirable. qu'elle ne foit pas exaéle , Se qu'elle dût plUtas mauvais. Le pavé du chœur eft couvert cord : c'eft cependant une fort belle ch0fe De même, une très-belle Fuite en Egyptç La tête de la Vierge , qui eft la plus belle , n'eft pas d'un grand carattere , mais elle «ftfort ]0 lie, très-bien peinte, bien coëffée, & d'une expreffion délicate. Un autre, du même* ou d'un de fes frères ' repréfentant le tombeau de Jefus-Chrift, & p^ ' ge qui répond aux Maries. Les femmes nefont pas fort belles, mais la tête de l'Ange eftUne très-bonne chofe , fort gracieufe & bien peinte. Toutes ces figures , en général , font belles, L-.s autres tableaux font de la même école, & de plufieurs frères, mais moins beaux. S. Martino. On y voit un tableau du Gui* de , très-gris de couleur, mais bien delfine & compofé d'une maniere fage & grande : c'eft la Circoncifion. 11 y a beaucoup dc ces naïvetés de nature , qui font particulières à ce maitre. On voit à côté un tableau du Gucrcino , f0rC gâté , & qu'on ne diftingue plus. 11 paroit n'être qu'une foible imitation de fon bon tableau de Marino . & précifément le même , mais bien inférieur. Le fond de l'églife , peint a frefque, eft SIENNE. .z2ç beau, fait avec beaucoup de feu, & d'une maniere fçavante. Dans une maifon particulière , on voit un tableau du même Guerrino , parfaitement conferve, repréfentant Agar ; l'Ange &Ifmael. Il eft très-beaux ; la tête de la femme eft trop petite ; les linges !en font brillant, mais L'if-mael eft trop indécis pour le; plan où [il eft o'eft cependant un morceau capital. Les Augustins. L'Eglifeeftde Van Vitelli elle n'eft pas achevée , mais la penfée en eft belle. Les Dominicains. Le premier tableau , k droite, repréfente Jefus-Chrift aux Limbes : il eft delfine fcavamment, mais tortillé & maniéré. Le premier tableau à gauche , eft dans le goût du Calabrefe : il y a de fort bonnes chofes Le troilieme ou quatrième tableau, à gauche , repréfente un Saint que l'on étend à un poteau: il eft beau . mais prefque fans couleur. On y voit quelques tableaux dans le goût de Pietro da Cartona, furtout un qui eft à la feconde chapelle, à gauche du maître Autel; on le' croiroitde Ciro Feri, s'il étoit touché avec plus d'affurance. Les Franciscains. On y voit des tableaux cle la même école, dont plufieurs font bons. On remarque , à Sienne, une place çreuféç V 0 Y A GE D'ITALIE, félon h forme de l'intérieur d'une coquille, jr n'en peut réfulter d'autre agrément que celui de former une efpece d'amphithéâtre, s'il avoit quelque cérémonie curieufe dans le où elle eft la plus enfoncée. Une autre particularité de cette ville, c'eft quelle eft toute pavée de briques pofees de champ. Fin du Tome premier.