LES V IR I P R I N C I P A L E S DANS LES TEXTES ÉPIGRAPHIQUES DE LEPCIS MAGNA* TADEUSZ KOTULA Vniversité de Wroclaw Le présent article a été écrit en marge de nos recherches consacrées aux élites m unicipales dans les villes nord-africaines à l’ époque du Bas-Empire romain. Son sujet est constitué par la notion de vir principalis attestée dans trois inscriptions lepcitaines tardives très bien conservées. Il nous a paru tentant de nous occuper des principaux dignitaires de la ville qui, devenue capitale de la Tripolitaine — province détachée, sans doute sous Dioclétien, de l’ Afrique Proconsulaire, nous fournit des exemples intéressants de carrières splendides à l’ échelon à la fois municipal et provincial. Voici les textes en question : 1. IR T 564. Lebda. Forum Severianum. Base de m arbré. Her a d ii Benignissimo viro p rin d pali prudentissim o et integirr(im o) (sic) T (ito) Fl(avio) Frontino Heraclio v(iro) p(erfectissim o) au guri sacerd(oti) L auren(tium ) Labinat(i)um 5 Il viro ob diversarum volup tatum exhibitiones adque admirabilem ludorum editionem amoremque incomparabilem in pa 10 triam et cives suos sufra (sic) gio quietissim i populi et decreto splendidis simi ordinis 2. IR T 595 (CIL V III 22673 = 14, cf. 22671; aujo u rd ’hui disparue). Lebda. Base de m arbré. Heraclii Dignissimo principali innocentissimo puero T (ito) Flavio Vibiano Iuniori pontifici du(u)m viro filio 5 ac colleg(a)e T (iti) Flavi Frontini Her a d ii in parvulis annis exibenti aequaliter voluptatum genera patris sui studiis populi suffragio 10 et decreto ordinis 3. IR T 567. Lebda. Forum Severianum. Base de m arbré. Uno eodem que anno d u(u)m viro Lepcimagn{ensium) et sacerdoti prov(inciae) T rip(o)l(itanae) innocentissim o viro principali integerrimo 5 amatori patriae ac ci vium suorum T (ito) Flavio Vibiano v(iro) p(erfectissim o) fl(am ini) p{er)p(etuo) et pont(ifici) Lur(atori) rei pub{licae) Lepcimagn(ensis) sac(erdoti) Laur(entium ) Lab(inatium ) et sac(erdoti) M (atris) D{eum) 10 praef(ecto) om nium sacriorum ) ob diversarum volup tatum exhibitionem et Libycarum ferarum X ex populi sufragio (sic) et ordin(is) d(ecreto) Les dédicaces dont mème la graphie trah it la basse époque1 nous intro- duisent dans un elim at d ’ élite, de prééminence, caractéristique pour les struc­ tures sociales du Bas-Empire. Dès la fin du IIe siècle, la société m unicipale africaine subissait de brusques changements. La différenciation progressive des fortunes désintégrait la classe des décurions. La crise du IIIe siècle a précipité le dégagement de ce collectif, jadis assez homogène, d’ un petit groupe de riches propriétaires fonciers qui étaient en état de supporter des charges liturgiques mais qui aussi, grace à leur ém inente position sociale, ont m onopolisé les dignités suprèm es et décidaient dans toutes les affaires m unicipales. Ce n ’est pas par hasard si, à p artir du IVe siècle, on voit gradu- ellem ent disparaìtre dans les inscriptions africaines les mentions des sum m ae honorariae, taxes obligatoires versées à la caisse m unicipale par les candidats aux m agistratures.2 Le term e de principales qui nous interesse particulière- m ent et qui désigne le corps restreint d ’ oligarques dont le nom bre variait, semble-t-il, suivant les provinces, ce term e apparaìt dans les sources juridi- ques, littéraires et épigraphiques dès avant les Sévères pour se répandre en des synonymes épuisant toutes les variantes possibles du num éral ordinal primus. Dans la m ultitude d ’ épithètes: viri principales, primarii, primates, priores, proceres, sum m ates, se reflète l’ esprit hiérarchique du dom inat avec sa tendance à sublim er la notion du meilleur. Ces «premiers» sont évidem- m ent les principales curiae, comme cela est prouvé dans une inscription italienne du tem ps de Valentinien Ier, iis en form ent l’ élite dirigeante.3 Les études sur les structures sociales étant de nos jours à la mode, il convient cependant de constater que le problèm e de l’ élite des principales dans les colonies et municipes africains de l’ époque du Bas-Empire attend toujours que l’ on en fasse la monographic. Les sources épigraphiques gardent dans de telles recherches, soulignons-le, toute leur im portance, une impor­ tance de prem ier ordre. La question a été traitée pour tout l'Em pire il y a 90 ans p ar Ch. Lécrivain.4 Les érudits s’ accordent pour adm ettre que le titre de principalis ne quali- fiait pas un fonctionnaire d'un ressort défini. Il ne faisait qu’ exprimer une dignité honoraire qui devait satisfaire les am bitions des riches influents au som m et de leur carrière municipale.5 Mais mème au sein de ce petit groupe oligarchique veillant jalousem ent aux privilèges acquis dont le Code Théodo- sien nous m ontre les avantages,6 il y a différenciation interne. A sa tète émerge un individu tout-puissant à la prim auté juridiquem ent reconnue en tant que chef de la curie m unicipale, le prim us curiae des constitutions impé- riales.7 P erpétuant dans le régim e municipal l’ ancienne tradition républicaine du princeps senatus, ce dignitaire symbolisait cependant, sous la monarchie absolue du Bas-Empire rom ain, le pouvoir suprèm e autoritaire. Les sources épigraphiques nous en offrent un exemple classique à Hispellum en Ombrie, dans un texte datant très probablem ent de l’ époque de Constantin le Grand. On y relève le nom d ’ un certain C. M atrinius Aurelius Antoninus curator reip(ublicae) eiusdem colon(iae) et prim us principalis.8 II est done parvenu dans cette ville à la dignité de curateur, d ’ ordinaire accessible uniquem ent à ceux qui étaient omnibus honoribus functi.* Dans l’épigraphie africaine, le titre de prim us principalis n ’a pas été con- firm é ju sq u ’à ce jour, et il n'apparaìt pas non plus sous cette forme dans les sources littéraires qui se rapportent à l’ histoire de l’ Afrique du Nord. Toutefois, chez Ammien M arcellin, on voit apparaìtre un term e particulière- m ent im portant pour nous puisqu’ il s’ agit d’ un notable de la colonie de Lepcis Magna. En autom ne 363, le territoire de cette ville a été envahi p ar des nom ades Austuriens qui ont ravagé les champs fertiles, détruit les villages, m assacré les paysans et accaparé un riche butin. Surpris dans sa propriété de campagne, entre autres un Lepcitain riche et ém inent répondant au nom de Silva, ordinis sui primas, est tom bé entre les m ains des barbares.1 0 Dans l’interprétation de ce term e, il faut prendre en considération deux possibilités. Silva pouvait ètre ou bien l’ un des prim ates ordinis, m em bre du groupe privilégié,1 1 ou bien le président de la curie de sa colonie. A notre avis, la seconde possibilité semble plus probable. La formule elle-mème: ordinis s u i primas suggère qu’ un tei personnage s’ élevait au-dessus de Lordo qui est dit suus, le sien. Un notable égal aux autres primates serait plutót appelé, à en suivre saint Augustin, le primas municipalis,1 2 ou mème unus ex primatibus. D'ailleurs prem ier par le rang, le principalis le plus ém i­ nent m ériterait bien plus d ’ ètre mentionné par Ammien que l’ un d ’entre les nom breux égaux entre eux. Après l’exemple de Silva, prim as lepcitain, on peut se dem ander si les viri principales de nos textes épigraphiques lepeitains que l’on doit attribuer à peu près à la m èm e époque, sont tous de simples m em bres du groupe oligarchique restreint, ou bien au moins l’ un d’ eux peut ètre considéré comme le prim us principalis. Etudions à ce propos les carrières de nos personnages. Dans la prem ière des inscriptions citées, nous faisons la connaissance d ’ un notable p o rtan t le nom de T. Flavius Frontinus Heraclius. Son second surnom se répète en fontion de signum au génitif, placé, conform ém ent à la coutum e aristocratique, en tète de la dédicace. Le titre de vir principalis suit immédia- tem ent, d'ailleurs accompagné de trois superlatifs soulignant ses exceptionnel- les qualités m orales et intellectuelles (benignissimus, prudentis sim us et inte­ gerrim us). Mais en mème tem ps, il est vir p(erfectissim us), ce qui n ’était pas rare chez les principales dont bon nom bre entraient, distingués par leur perfectissim at, au service im périal. L’ ordre des dignités municipales appa- raissant parfois troublé dans les textes épigraphiques et le cursus souvent donné en abrégé, comme cela est le cas dans notre inscription, il est im possi­ ble de reconstituer la carrière com plète d ’ Fteraclius. Dans la dédicace, ses fonctions religieuses précèdent sa plus haute fonction civile, celle de duum ­ vir.1 3 Il exercait sans doute celle-ci au mom ent où la statue lui fut érigée p ar le décret des décurions et par les suffrages du peuple (il paraìt en effet vrai- sem blable que la base de m arbré constituait le piédestal d ’ une statue), m ais dans le texte, cette im portante dignité semble couronner les m agistratures précédentes. C’est très probablem ent en qualité de duum vir que, bien géné- reux p o u r ses concitoyens, il leur avait donné des jeux magnifiques. Le second texte, une dédicace honorifique également, nous offre un bel exemple de «dynastie» de principales.1 4 Désigné p ar le mème signum (Hera- clii), on voit apparai tre dans l’ inscription le fils de T. Flavius Frontinus He­ raclius, répondant au nom de T. Flavius Vibianus Iunior. On l’ y a qualifié aussi du titre de dignissimus principalis, m ais il était encore très jeune, un innocentissim us puer qui atten d sa toge virile, ce que souligne la suite de la dédicace (in parvulis annis, 1. 7). Mais outre ce titre honorifique, il exerce apparem m ent, à en croire le texte de nature panégyrique, de hautes fonctions m unicipales. Il y est dit pontifex, duum vir et collega de son pére (en tan t que duum vir, car son pére était augure et non pontife). C’ est sans aucun doute à l’ occasion de ce duum virat que Vibianus a organisé, de mème que son pére et avec l’ assistance paternelle, des jeux consistant en divers spectacles attra- yants (voluptatum genera), pour lesquels il a égalem ent été en fonction ho- noré p ar la curie et p ar le peuple. Une telle politique «dynastique», consistant à confier de hautes dignités à des descendants m ineurs, n ’ était pas un phénom ène exceptionnel sous le Bas-Empire. L’ attachem ent héréditaire aux fonctions et aux m étiers consti­ tuait un des traits notoires d ’ une société fondue dans le système absolutiste et bureaucratique du dom inat. Dans ce système, les hom m es puissants cher- chaient à assurer à leurs fils les dignités les m eilleures. Placés dans les villes à la tète de la hiérarchie sociale, les viri principales étaient privilégiés sous ce rapport, appelant au cours de leur carrière — à l’ instar des em pereurs — leurs fils à la «corégence». E n mème tem ps que les fonctions municipales suprèm es, ils leur transm ettaient en héritage leur dignité de principales. Le texte déjà cité de Velitrae en Italie nous fait apparaìtre dans les années soixan- te du IVe siècle toute une fam ille de principales curiae dont l'un était patron de la curie.1 5 Cependant, malgré la position ém inente de vir principalis T. Flavius Fron­ tinus Heraclius et de son fils, principalis lui aussi, rien ne nous autorise à voir en eux les primi principales, presidents de la curie. Du moins, jusqu’ au m om ent où les dédicaces leur avaient été offertes, ils n ’avaient pas atteint dans la hiérarchie municipale une m agistrature plus élevée que celle de duum­ vir. Passons avec cela à la troisièm e dédicace, consacrée, elle, à un autre vir principalis de Lepcis Magna, à T. Flavius Vibianus, v(i'r) p(erfectissim us), qui appartenait sans aucun doute à la mème famille et à la mème «dynastie» d’ oli- garques.1 6 Les louanges pompeuses dans le style de l’ époque, mais particulièrem ent exagérées et étendues, nous font supposer dès l’ abord que nous avons affaire à une personnalité d’ une envergure plus im portante. L’ inscription commence p ar souligner le fait exceptionnel (dans une formule unique en son genre dans l’épigraphie africaine) que le dignitaire honoré a exercé au cours d ’ une et mème année deux fonctions d ’ ordinaire annuelles, le duum virat municipal et une haute dignité provinciale, le sacerdotium provinciae Tripolitanae. Cette dignité le faisait autom atiquem ent président de l’ assemblée provinciale com- posée des délégués des diverses villes, pour la plupart flamines perpétuels.1 7 En fait, notre Vibianus a été durant sa carrière m unicipale le flamine per­ pètue! de la colonie, mais en outre, le grand nom bre de ses fonctions religieu- ses (pontifex, sacerdos Laurentium Labinatium, sacerdos Matris Deum, prae­ fectus om nium sacrorum) saute aux yeux. Sans en trer dans leur séquence chronologique, leur place dans tout le cursus du personnage, place difficile à établir dans des inscriptions de ce genre, soulignons toutefois qu’ une longue pratique cultuelle, qui a sans doute trouvé son couronnem ent dans la dignité honorifique que constituait le flam inat perpétuel traditionnellem ent lié au culte im périal, prédestinait particulièrem ent Vibianus à la prètrise provin­ ciale.1 8 La popularité de T. Flavius Vibianus s’est accrue dans sa ville grace aussi à des spectacles très diversifiés qu’ il avait donnés à ses concitoyens. Mais il a cependant surpassé son parent T. Flavius Frontinus Heraclius, car il a offert de surcroìt au peuple une présentation de 10 bétes libyques (sans doute des fauves). Cela a dù l’ aider lors de son avancement ultérieur. Notre texte nous inform e que Vibianus a obtenu la dignité de curator rei publicae Lepcimag- nensis. Il était en tout cas curateur de la ville au m om ent où sa statue a été érigée su r le Forum Severianum. Il s’ ensuit que la form ule initiale de la dé­ dicace: Uno eodemque anno duum viro Lepcimagnensium et sacerdoti provin­ ciae Tripolitanae se rapporte à une des années qui ont précédé la curatelle de ce vir principalis. Le cumul de deux dignités aussi im portantes a bien pro- bablem ent eu lieu au cours de l’année qui a im m édiatem ent précédé la cura­ telle de Vibianus.1 9 A p a rtir notam m ent des sources africaines, il a été établi que les curateurs des villes se trouvaient à la tète de la hiérarchie municipale des fonctionnaires. Cela est surtout confirmé par le célèbre Album ordinis coloniae Thamugaden- sium publié sous Julien l’ A postat dans une des villes plus im portantes de la Numidie. Dans ce document, après dix viri clarissimi, en partie patrons de la colonie, se trouvent deux sacerdotales, anciens grands prètres de la province, suivis im m édiatem ent par le curateur.2 0 Ceci posé, comparons les plus hautes dignités de notre vir principalis à celles auxquelles est parvenu le prim us principalis déjà mentionné de la co- 1 IRT 567: inscription honorifique dédiée à T. Flavius Vibianus, vir principalis de Lepcis Magna. — Počastilni napis za Tita Flavija Vibijana, ki je bil vir principalis v mestu Lepcis Magna vfpfM a 2 IRT 568: hommage offert pas l’ ordre des décurions à T. Flavius Vibianus (voir fig. 1). — Besedilo poklonitve mestnega sveta Titu Flaviju Vibijanu (glej sl. 1) Ionie d'H ispellum en Ombrie qui, sous Constantin le Grand, est devenue la Flavia Constans :2 1 C. M atrinius Aurelius Antoninus T. Flavius Vibianus duum vir coloniae coronatus Tusc(iae) et U m b(riae) du(u)m vir Lepcimagn( ensium ) sacerdos prov(inciae) curator r(ei) p(ublicae) eiusdem T rip(o)l(itanae) cu r(ato r) rei pub(licae) colon(iae) prim us principalis, patronus Lepcimagn( ensis ) vir principalis On lit dans les dédicaces en question que les deux m agistrats ont été exal- tés pour avoir donné des jeux et des spectacles exceptionnels. Le texte d ’ Hi- spellum nous fait connaìtre, il est vrai, la carrière m unicipale complète du personnage honoré, mais celui de Lepcis Magna l’ im plique non moins dans le grade de duum vir.2 2 La dignité de coronatus Tusciae et Umbriae équivaut à celle de sacerdos provinciae Tripolitanae en tant que form e particulière de la p rètrise provinciale.2 3 Les deux personnages sont des curatores rei publi­ cae, 2 4 m ais C. M atrinius Aurelius Antoninus a été de plus élu patron de la cité. Mais la différence essentielle consiste en une gradation : vir principalis à Lepcis M agna et prim us principalis dans la ville de Flavia Constans. On a dit que ju sq u ’ à ce jour, le titre de prim us principalis n ’ a pas été con- firm é expressis verbis dans l’ épigraphie nord-africaine. Mais il vaut la peine de rappeler le plus long des textes conservés de Lepcis Magna qui, datable du IIIe siècle par sa graphie, reproduit le procès-verbal d ’ une séance du Sénat de la colonie.2 5 Dans cette inscription apparaìt l'un des citoyens appartenant sans doute aux plus riches et aux plus estimés de la colonie, son ancien duum ­ vir Ti. Plautius Lupus. Pour sa générosité exceptionnelle et ses nom breux m érites pour la ville, le conseil des décurions lui a décerné l’ honneur de biga sous form e d ’ une statue qu’ il pouvait ériger en un endroit de son choix, à sa propre dem ande et à ses propres frais. Pour notre sujet, il est particuliè- rem ent intéressant que le dignitaire, qui a eu droit à une distiction honori- fique après la charge de duum virat, est par trois fois appelé o(ptim us) o{rdi- nis) n (o stri) v( ir). L’ abréviation semble tém oigner que nous avons là affaire à un titre déjà consacré, mais, ju sq u ’à ce jour, c’ est le seul exemple d’ un tei titre dans les textes épigraphiques de Lepcis (Magna. Du point de vue syn- taxique, l’ épithète optim us ordinis nostri vir est très semblable au term e apparaissant chez Ammien Marcellin d ’ ordinis sui prim as ( = prim us curiae) employé à propos d ’ un autre notable lepcitain. A la curie municipale, il ne pouvait y avoir p ar définition qu’ un seul optim us — le superlatif ne laissant planer là aucun doute. On peut done adm ettre que, bien qu’ à une autre époque et dans des conditions historiques différentes, le titre unique attesté à Lepcis bien avant que n ’ y apparaissent nos viri principales, m ontre à nos yeux la genèse d ’ une institution, Involution que cette notion aristocratique a subie du III® siècle jusqu’ à l’ époque du Bas-Empire pendant laquelle naquit le pri­ m us principalis. En outre, un exemple d’ un tel titre transitoire dém ontre une fois de plus la m ouvance terminologique dans le lexique se rapportant à l’ élite municipale. Ammien a vraisem blablem ent employé dans la cas de Silva une expression plutòt courante, ordinis sui primas, exprim ant toutefois le mème contenu que le prim us principalis attestò dans l’ épigraphie. Ce genre d’ épithètes plus ou moins flottantes plaide en faveur de l’ opinion que le titre de vir principalis, ou mème celui de prim us curiae (et sim ilaires), loin d’ètre des désignations de fonctions municipales officielles, n ’ avaient qu’ un sens honorifique. De mème, toujours au siècle d ’ Ammien, saint Augustin semble hésiter dans sa lettre adressée aux principales de la colonie de Sufes en Byzacène dans le choix d ’ un term e appropriò, pour se décider à la fin en choisissant une locu­ tion pléonastique : Ductoribus ac principibus vel senioribus coloniae Sufeta- nae.M On pourrait done presum er qu’encore à la fin mème du IVe siècle les titres des oligarques n ’ étaient pas établis mais, ce qui est particulièrem ent im portant, dans cette fluidité de notions s’ effacait la différence entre le term e de vir principalis avec tous les superlatifs et celui de prim us principalis. Il pouvait done arriver que les épithètes ci-dessus étaient employées les uns pour les autres, et c’est avec cela que nous revenons à notre vir principalis T. Flavius Vibianus. La coincidence de sa carrière, m u­ nicipale et provinciale, avec celle du prim us principalis d ’ Hispellum, C. Ma­ trim us Aurelius Antoninus, nous perm et de constater dans les deux cas une analogie rigoureuse frappante. Ch. Lécrivain avait déjà exp rimò Favis, à propos justem ent du texte d ’Hispellum, que le titre de prim us principalis, revenant à un dignitaire municipal, omnibus honoribus perfunctus, sinon à vie du moins aussi longtem ps quii appartenait à la curie, pouvait ètre conféré au curateur de la ville, son m agistrat suprèm e, ou déjà durant l’ exercice de ses fonctions ou directem ent après.2 7 Cette seconde éventualité sem ble avoir eu lieu dans le cas de T. Flavius Vibianus, curateur de la colonie de Lepcis Magna et en mème tem ps son vir principalis. Ayant géré le sacerdoce provincial, et done devenu le sacerdotalis provinciae Tripolitanae,2 8 ayant fait une splendide carrière m u­ nicipale, il a toutes les chances d ’ obtenir finalem ent, après sa curatelle, la dignité honoraire suprème de prim us principalis dans sa patrie, s’ il ne la possédait pas en fait déjà au m om ent où la ville lui a érigé la dédicace. On a vu que c’ étaient les prodigieuses libéralités faites à la citò que Fon estim ait constituer la vertu principale de nos viri principales, hommes très opulents et puissants. Outre Fim portance politique de ces notables, leur ròle dans la vie sociale de leur patrie allait croissant à une époque où le peuple se voyait de plus en plus à la m erci des riches. Mais la valeur historique des textes lepeitains en question réside avant tout dans le fait qu’ ils nous révèlent d ’ une fapon extrèm em ent instructive le processus de la naissance de la di­ gnité de prim us principalis, président de la curie qui, dans la capitale de la province, souvent distingué p ar la prètrise provinciale, devenait parm i ses concitoyens, voire mème parm i les oligarques, un personnage au rang particu­ lièrem ent élevé du «monarque» dans la société citadine. * Dans la littérature, c’ est surtout H.- G. Pflaum qui s’ est déclaré en faveur de la nomenclature originale de la ville: Lepcis Magna et non Leptis Magna (H.- G. Pflaum, La nomenclature des villes africaines de Lepcis Magna et Lepti Mi­ nus, BSAF 1959 [1961], p. 85—92; cf. IRT, p. 73). 1 Voir IRT, p. 83. Ainsi les nos 564 et 567 (cf. 568) du IRT dateraient d’ après leur graphie du IVe siècle; le contexte du n° 595 nous oblige à l’ attribuer à la mème époque. Cf. infra, n. 18. Dans ce lieu, je remercie vivement M. Mahmoud Abou-Hamed, Directeur des recherches archéologiques de Tripoli, qui a bien voulu me faire parvenir les photogra­ phies des textes lepcitains en question. 2 Sur cette différenciation sociale, voir G. G. Diliguenski, CeBepiian A^prnca b IV—V BeKax (L’ Afrique du Nord aux IVe et Ve siècles), Moscou 1961, p. 45 suiv., 60 suiv.; cf. T. Rotula, Les curies mu­ nicipales en Afrique romaine (Wroclaw 1968), p. 134; idem, Afryka Polnočna w staroiytnoéci (L'Afrique du Nord dans l'Antiquité) Wroclaw 1972, p. 370 suiv. Dans Timportant article de R. Duncan- Jones, Costs, Outlays and Summae hono­ rariae from Roman Africa, Papers of the British School at Rome XXX (1962), les summae honorariae, dressées dans une liste comportant la datation, ne dépas- sent pas le IIIe siècle (p. 103 sq., cf. 65 suiv.). 3 CIL X 6565 (= Dessau 5632), Veli­ trae (en 364—367). Dans l’ épigraphie de la civitas Aitava en Maurétanie Césa- rienne est attestée, au IVe siècle, une catégorie sociale étrange de secundiones, désignant le plus probablement les dé- curions de seconde classe auxquels s'op- posent les principales du lieu, dits pri­ mores (Les inscriptions d’ Altava, éd. J. Marcillet-Jaubert, Publ. des Ann. de la Fac. des Lettres dAix, n. s., n° 65 [1968], nos 29, 67, 83; cf. P. Pouthier, Evolution municipale d’ Altava aux IIIe et IVe siècle ap. J.-C., Melanges d’ arch. et d’ histoire EFR LXVIII [1956], p. 234 sq.). De mème, ce n ’ est qu’ à Aitava qu’ apparais- sent en Afrique les decemviri de la cité; AE 1957, 67 (IIIe siècle). En se basant sur les lois du Code Théodosien promulguées au début du Ve siècle (XVI 5, 52, en 412, et 54, en 414), certains savants sont en- clins à penser que dans les villes d’ Afri- que, le corps oligarchique des principa­ les était sous le Bas-Empire strictement limité à 10 membres (principales = de­ cem primi curiales) mais jusqu’ ici, les textes épigraphiques n ’ ont pas confirmé ce fait pour les colonies et pour les mu­ nicipes nord-africains. 4 Ch. Lécrivain, De quelques institu­ tions du Bas-Empire, I. Les principales dans le régime municipal romain, Me­ langes d’ arch, et d’ histoire EFR IX (1889), p. 363—374. Dans la littérature plus récente consulter p. ex. E. Ganghof- fer, L’evolution des institutions munici­ pales en Occident et en Orient au Bas- Etnpire (Paris 1963), p. 53 suiv., 114 suiv. Tout récemment, M. Jarrett s’ est occupé, entre autres, des coteries oligarchiques dans les villes africaines, à Toccasion de ses recherches sur l’ aristocratie munici­ pale dans l’ Occident romain (M. Jarrett, Decurions and Priests, Amer. Journal of Philology XCII [1971], p. 532 suiv.). Le travail de M. Mahboubi, Elites municipa­ les de Numidie (thèse de IIIe cycle, Aix- en-Provence 1974) ne nous a pas été ac­ cessible., 5 Lécrivain, op. cit., p. 364 suiv.; Gang- hoffer, op. cit., p. 120 sq.; cf. A. H. M. Jones, The Later Roman Empire 284—602 (Oxford 1964), p. 731 et n. 40—41 («a rather exclusive group»); A . Chastagnol, Le Bas-Empire, Paris 1969 (Coll. U. 2), p. 58. 6 Lécrivain, op. cit., p. 370 sq. 7 P. ex. C. Th. XII 1, 127; 189; Lé­ crivain, op. cit., p. 370; Jones, op. cit., p. 731 et n. 41. 8 CIL XI 5283 (= Dessau 6623); cf. ibid. 5265 (Dessau 705), en 333—337. 9 Cf. Lécrivain, op. cit., p. 367. 1 0 Ammien Marc. XXVIII 6, 4. 1 1 P. ex. C. Th. XII 1, 190: primates ordinis Alexandrini. 1 2 Saint Augustin, Conf. VI 7, 1. Pour la mème raison, Didius Preiectus, no­ table de la colonie de Pheradi Maius, qualifié dans un texte de la basse épo­ que du titre honorifique d’ amplissimus procer nostrae curiae, nous semble ètre le président de la curie plutòt qu’ un simple principalis; ILT 251; cf. Rotula, Curies municipales, p. 134. Dans une épitaphe découverte il y a quelques an- nées à Aitava et datant de 329 apparaìt un princip ... /principis) ?/, vir prior or­ dinis, du nom de Titius Donatus (P. Courtot, Epitaphe d'un princeps d’ Alta­ va, Bull. d’ Arch. Algérienne III [1968], p. 337—341). Mais comme la ville n ’ avait jamais ob tenu le statut romain de muni­ cipe ni, d’ autant plus, de colonie, il est mieux de renoncer à l’ état actuel de nos connaissances à des analogies trop pous- sées et de le considérer, suivant P. Cour- tot, comme magistrat premier unique, ayant d'ailleurs des précédents à Aitava. Rappelons cependant que l’ on emploie, toujours à Aitava, la formule unus ex secundonibus pour préciser qu’ il s’ agit d’ un individu parmi d’ autres de la mème catégorie sociale; Inscr. d’ Altava, nos 29 et 83. 1 3 Sur ce point, voir en dernier lieu M. S. Bassignano, Il fiammato nelle province romane dell’ Africa (Roma 1974), p. 10 sq. et 371, à propos des fonctions religieuses comprises dans la carrière municipale. 1 4 Au mème personnage se rapporte, le plus probablement, l’ inscription mu- tilée de Lepcis, IRT 652, dont le fragment conservò est identique à quatre dernières lignes de 595. 4 5 Voir n. 3 supra. Sur les origines du mème phénomène à l’ époque du Haut- Empire, cf. Jarrett, op. cit., p. 536. 1 6 Le mème notable apparait dans le texte suivant, n° 568. Cette dédicace, plus courte et moins riche en informations concernant l’ activité de Vibianus et sa carrière, commence toutefois par le sig­ num Heraclii qui suggère fortement, comme les éditeurs du IRT n’ ont pas manqué de le noter sous le n° 567, les liens de parenté avec T. Flavius Fron­ tinus Heraclius et son fils T. Flavius Vibianus Iunior. Mais les sources dont nous disposons ne nous permettent pas de préciser davantage cette connexion familiale. Le n° 568 n’ est pas cité en en- tier car il ne comporte pas le titre de vir principalis. On ne peut non plus dé- montrer la parentèle, supposée j adis par J. Schmidt (dans CIL V ili 10994), entre T. Flavius Vibianus Iunior du CIL V ili 22673 (= IRT 595) et Flavius Vivius Be­ nedictus, praeses de la Tripolitaine en 378 (CIL VIII 22671 = IRT 476, cf. 571). 1 7 Nous nous sommes basé, entre autres, sur le texte de Lepcis Magna en question (IRT 567), pour démontrer l’ an- nuité de la prétrise provinciale en Afri- que (T. Notula, Zgromadzenia prowinc- jonalne w rzymskiej Afryce w epoce póznego Cesarstwa [Les assemblées pro­ vinciales dans l’ Afrique romaine sous le Bas-Empire], Wroclaw 1965, p. 36 et cf. ibid. p. 29 sq., sur la composition sociale des concilia africains à la mème épo- que). 1 8 La cumulation insolite des prétri- ses attestée dans plusieurs textes lepci- tains de la basse époque (cf. Bassignano, op. cit., p. 44, n° 26) nous a conduit à les rapprocher dans notre livre sur les con­ cilia des inscriptions pa'iennes célèbres de Rome dans lesquelles on peut obser­ ver, au dernier quart du IVe siècle, un assemblage analogue d’ importantes fonc­ tions religieuses exercées par de nobles coryphées du paganisme qui manifestai- ent leur zélotisme pro aris et templis (Notula, Assemblées provinciales, p. 141 suiv.). Ajoutons que la digni té de prae­ fectus sacrorum avait à Lepcis une tra­ dition séculaire. Il s’ agit en effet d’ un titre punique que l’ on voit déjà à l’ épo­ que d’ Auguste ètre traduit en latin dans les inscriptions monumentales (consul­ ter pour la littérature Notula, op. cit., p. 141, n. 29, et Bassignano, op. cit., p. 33, n° 3). Le titre honorifique d 'amator pa­ triae et civium suorum, qui suit dans notre texte celui de vir principalis, trou- ve également son correspondant dans l’ épigraphie lepcitaine néo-punique. 1 9 Ce fut sans doute immédiatement après la gestion simultanée par Vibianus du duumvirat à Lepcis et du sacerdoce provincial que l’ autre dédicace lui a été décernée par les décurions (IRT 568; su­ pra n. 16). N’ a-t-elle été gravée qu’ après le n° 567 ou simultanément avec celui-ci (voir la formule finale du n° 568: etiam hic ex suffragio populi etc.)? La question est bien compliquée mais, de toute fa- fon, notre vir principalis ne semble avoir été devenu curateur de la ville qu’ après son duumvirat. 2 0 CIL V ili 2403 I 1 . 18—19; au sujet de cet Album et de la hiérarchie munici­ pale sous le Bas-Empire, voir Jarrett, op. cit., p. 520 suiv.; sur la position pré- sidentielle des curatores rei publicae dans le régime municipal en Afrique con­ sulter également N. A . Machkine, F o p o /i- CKOH CTpOH PHMCKOH A ljjpH K H , BeCTHHK U p e B H e ft M cT o p iiH , 1951 fase. 1, p. 79 sq., et, en dernier lieu, W. Langhammer, Die rechtliche Stellung der magistratus mu­ nicipales und der decuriones (Wiesbaden 1973), p. 173 et n. 877. Nous nous occupe- rons ailleurs du problème que pose le titre de vir p(erfectisimus) ou prim a­ rius) dans l’ Album de Timgad. 2 1 Supra p. 204 et n. 8. 2 2 Par contre, le cursus religieux de vir principalis de Lepcis Magna est plus développé pour les raisons que nous avons discutées dans la n. 18. 2 3 Sur les coronati provinciae, cf. nos remarques dans Zgromadzenia prowinc- jonalne..., p. 88—90. 2 4 Tout récemment, notre ami A. Be- schaouch a publié une découverte épi- graphique ayant eu lieu dans le muni­ cipe d’ Abbir Maius, inconnu jusqu’ ici et situé dans le pays de Carthage, où ap­ parait, en 368—370, un certain Flavianus Leontius, alme Kart(aginis) (sic) princi­ palis, curator rei p(ublicae). Il est très intéressant d’ observer, encore dans la se- conde moitié du IVe siècle, un digni- taire de la grande capitale d’ Afrique sur- veiller les finances des cités indues dans l'ancienne pertica Carthaginiensium en tant que curateur (A. Beschaouch, A pro- pos de récentes découvertes épigraphi- ques dans le pays de Carthage, CRAI 1975, p. 101 suiv.). A Carthage mème, un autre principalis, [.. .]lius Bo\nifat]ius Maiorinus, est attesté dans un fragment épigraphique trouvé dans les mines de Vođeum, CIL V ili 24590. Ajoutons que l’ épigraphie lepcitaine nous a fourni éga- lement un bel exemple de principalis d’ une capitale africaine, à savoir Alexan­ dria, dans une inscription datant proba- blement aussi du IVe siècle, IRT 559. La dédicace, gravée sur une base de marbré brisée en bas, commence par le signum Durpii et nous fait connaìtre un eques Romanus principalis Alexandriae du nom d’ Aur(elius) Sempronius Serenus qui, ayant mérité de la colonie de Lepcis Magna, a été censé digne de la charge honoraire de décurion ainsi que d'une statue qui lui a été érigée apud Lepci- mag\nenses...]. 2 5 IRT 601, cf. 593 et 632; base rectan- gulaire de m arbré inserite sur trois cò- tés (dont l’ un, fragment a, très abimé), devait supporter, semble-t-il, la statue du dédicataire debout dans une biga; pour la datation, voir également IRT, p. 82 (dé- but du IIIe siècle ?) et Bassignano, op. cit., p. 42 et n» 23 à la p. 31. Il est bien probable que le fragment a de l’ inscrip- tion, on l’ a dit, très mal conservò, se rapporte au méme personnage que les textes de deux autres còtés (fragments b et c). 2 6 Saint Augustin, Ep. 50. 2 7 Lécrivain, op. cit., p. 367—370. 2 8 Voir la mème digni té à Lepcis Magna chez M. Vibius An(n)ianus Gemi­ nus, IRT 578 et 608 (IVe siècle ?) et cf. le cas de L. Aemilius Quintus, sacerdo­ talis prov(inciae), CIL V ili 11025 + ILT 11; IRT 111 et 588, inscriptions de Gig- this, de Sabratha et de Lepcis Magna (383—388). VIRI PRINCIPALES V EPIGRAFSKIH TEKSTIH IZ LEPCIS MAGNE Povzetek Epiteton vir principalis se skupaj z nekaterimi superlativi pojavlja na treh napisih, posvečenih uglednim osebnostim iz 4. stoletja kolonije Lepcis Magna (IRT 564.567.595). Avtor proučuje tekste s socialnopolitičnega vidika. Oznaka se na na­ pisih kot v juridičnih in literarnih virih pojavlja od konca 2. stoletja in ima sprva zgolj počastilni pomen, ne da bi hotela označevati konkretno municipalno funkcijo. Nadaljnji razvoj mestne dmžbe pa je v kasni antiki vodil k temu, da so postajali principales določena socialna skupina in bili ločeni od mestnega svéta (ordo decu­ rionum) kot privilegirana elita. V teku procesa nadaljnje selekcije je dokumentiran primus principalis, ki jim načeluje in ki je v vladarskih konstitucijah označen kot primus curiae. Na napisih iz Lepcis Magne lahko opazujemo, kako lokalni viri principales na­ predujejo na socialni lestvici. Zase monopolizirajo najvišje funkcije in jih predajajo naslednikom v okviru svojske dinastične politike (IRT 564.595). Častni naziv primus principalis v afriških epigrafskih tekstih ni potrjen; vendar opozarja avtor na Amijana Marcelina (XVIII 6.4) za leto 363, kjer omenja v mestu Lepcis osebo, ki je bila ordinis sui primas; dalje, analizira najdaljši lepcitanski napis, posvečen ugled­ nemu municipalnemu članu iz 3. stoletja, ki je z izjemnim nazivom distingviran kot o(ptimus) o(rdinis) n(ostri) v(ir) (IRT 601); dalje, vzporeja napis št. 567 (prim. 568), posvečen tretjemu viru principalis te kolonije, s tekstom iz mesta Hispella v Umbriji (CIL XI 5283), kjer je dokumentiran primus principalis. Primerjava poli­ tičnih karier obeh predstavnikov, ki sta se povzpela v vrh municipalne hierarhije — oba sta postala kuratorja rei publicae in oba svečenika province — ponazarja genezo te institucije, ki jo avtor prikaže z gornjo analizo. Pokaže se, da lahko v tem severno-afriškem mestu opazujemo nastanek častne funkcije, ki je v municipalno- upravnem okviru v teku razvoja začela predstavljati vrhovno monarhično in abso­ lutistično oblast kasne antike.